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L’INDIVIDU ET L’ORDRE MAÇONNIQUE

Georges Lerbet

Grand Orient de France | « La chaîne d'union »

2006/1 N° 38 | pages 60 à 67
ISSN 0292-8000
DOI 10.3917/cdu.038.0060
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-la-chaine-d-union-2006-1-page-60.htm
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&
Etudes recherches

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Illustration
Jean-Pie Robillot

LA CHAÎNE D’UNION n°25

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Etudes & recherches
L'individu
et l'ordre maçonnique
par Georges Lerbet

LL ’initiation subie dans une loge ou une obédience est considérée comme valable dans
les autres, de même que les grades obtenus. C’est sans doute qu’il y a quelque chose de
plus que la loge et l’obédience. Ce quelque chose se nomme l’Ordre maçonnique. Peut-il
se définir ? Comment peut-on s’y sentir ? Y a-t-il une échelle hiérarchique entre ces trois
paliers ?

Les démarches anthropologiques et dans les comportements des adhérents.


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l’expérience quotidienne laissent penser que Ainsi conviennent-elles que les façons de
plusieurs façons de considérer l’individu se se conduire seront conformes aux règlements
rencontrent dans la franc-maçonnerie. Si qui les supportent et visent-elles à ce que
l’initiation prévaut, la médiation d’un processus le maçon devienne surtout un membre de
rituel lui permet de s’engager dans la voie de l’obédience dans laquelle est inscrite sa
la connaissance de sa propre intimité et dans loge. Acteur « jeté au travers » de pratiques
la reconnaissance des autres, ses pairs en convenues, il risque fort de n’être considéré,
humanité. de ce point de vue, que comme individu-objet
Dans une telle entreprise, il est amené à assujetti à ce qu’il ne doit pas transgresser.
se considérer pour ce qu’il est intrinsèquement. Dès lors, il peut n’avoir de valeur qu’en
Il se perçoit en tant que sujet, puisque sa fonction de caractéristiques maçonniques
plénitude reste « jetée au-dessous » de ce tournées vers la satisfaction d’exigences profa-
qu’il manifeste. Elle implique la profondeur nes (idéologiques, politiciennes ou religieuses)
autonome de tout son être dans la conduite : celles qui sont marquées par des voies exté-
d’un art de vivre l’existence selon une sagesse rieures à l’Ordre et où l’on impose des balises
assumée. et des bornes qui font perdre les ouvertures
Une autre voie, tout aussi marquée, indispensables au cheminement maçonnique.
développe un pôle quasiment opposé dans la Outre-Manche, on appelle souvent cela le
vie humaine. Cette voie émerge quand l’aspect respect de landmarks. Dans notre pays, cela
maçonnique est rabattu sur une des multiples revient à privilégier l’adhésion formelle aux
formes de ses institutions. Associatives, ces discours «officiels» et l’apparente obéissance
institutions mettent en avant ce qui se voit à des points de doctrines conformisantes,

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réglementaires et réglementées, plutôt qu’à cet «entre-deux» au point d’exclure ce qui est
s’assurer de l’épanouissement authentique de ailleurs, hors du canal, hors de la seule voie
chaque maçon dans sa loge. sémantique privilégiée. Passage obligé dans
la communication, il devient même obligeant
L’interdit intéresse la vie en quand il focalise l’échange sur la seule
loge puisqu’il contribue à signification choisie et quand, par extension, il
évoquer la production du sacré, évite ou exclut les autres liaisons.
ce sélectionneur de ce qui se passe Dans le domaine maçonnique, on
quand seul l’« autorisé » est comprend que l’interdit, posé comme étant
admis dans le temple l’indicateur du canal des échanges à retenir,
intéresse la vie en loge, puisqu’il contribue à
Malgré cette ferme distinction entre évoquer la production du sacré, ce sélectionneur
les façons de considérer l’individu-maçon, il de ce qui se passe quand seul l’«autorisé» est
serait peu pertinent de ne pas leur assurer des admis dans le temple.
«ponts». Et si l’on doit admettre, néanmoins, Voie sélectionnée et autorisée ? La situation
Masque de
que ces voies ne sont pas parallèles mais se complexifie jusqu’à devenir paradoxale la Danse Sacrée,
Victor Segoffin,
imbriquées quant à leurs procédures respectives quand elle rencontre «l’interdit d’interdire» et
1905,
mais non confondues dans une vie maçonnique la liberté absolue de conscience. Musée d'Orsay
complexe, il importe que l’on recherche des
critères propices à l’opération d’un tri judicieux.
Celui-ci visera à placer d’un côté ce qui met
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en jeu la vie intérieure propre à chacun et, de
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l’autre, ce qui demeure surtout lié aux pratiques
associatives. On peut penser qu’alors des lignes
de forces ont des chances de ressortir si des
matériaux propres à chaque voie sont dégagés.
Dans un premier temps, comme ici, c’est
dans la spécificité des terminologies d’usage
que la recherche est susceptible de porter ses
fruits. Elle concerne le triptyque linguistique «
Interdit, Sacré, Ordre », dont les connotations
possèdent apparemment une réelle valeur
d’éveil.
Quand l’institution exige de ses membres
qu’ils lui obéissent, il se développe facilement
des abus de langage que le concept d’interdit
aide à élucider. Cela commence quand ce
concept échappe à son usage réducteur propre
à l’acception commune et qu’il repose sur son
étymologie.
Interdit signifie alors ce qui est entre
deux paroles et donc ce qui les relie. Ainsi,
«interdit» ne vaut-il injonction que s’il resserre

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Voie du secret par évitement de ce qui reconnaissable par tous dans le temple, ce lieu
ne convient pas ? Voie ouverte aussi: sur séparé, et aussi dans l’espace profane dans la
l’absence de censure interne quand «l’interdit mesure où elle prend une place non négligeable
d’interdire» laisse accès à tous les canaux dans la vie sociale du franc-maçon.
d’échanges et quand la libre pensée permet Ainsi le serment engage-t-il chacun en
à chaque individu-sujet d’explorer toutes les le faisant accéder à la conscience des liens
conjectures envisageables et quand, seuls, les intérieurs. Il trouve aussi son efficacité en
systèmes de valeur intimement intégrés évitent loge quand il implique, de façon nécessaire,
les confusions du relativisme radical. Parce que la rencontre avec autrui. Les conséquences
les limites apparaissent à la pensée humaine si sociales sont alors majeures. Elles favorisent,
elle fait honnêtement face à l’impossibilité de aux yeux des adeptes, la reconnaissance de
tout (se) dire quand elle accepte de rencontrer l’exercice du socius, le lien entre les frères ou
l’indicible et l’ignorance propre aux fondements les sœurs. Un lien d’autant plus visible qu’il
ouverts de toute raison. correspond à l’affirmation rituelle d’un repère
ordonné et situé, et qu’il marque la rencontre
e
Sacrée, L’accès à l’Ordre maçonnique manifeste de tous et l’exercice subjectif de
offin,
se fonde sur la prestation chacun.
rsay d’un serment, ce doublet Car, dans un Ordre comme la franc-
étymologique qu’est le sacramentum. maçonnerie, ce repère conserve une portée
Il est au cœur de l’initiation la plus symbolique et personnalisée de tous les
succincte instants. De surcroît, il y trouve sa valeur
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sociale qui réside dans la reconnaissance que
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Cette rencontre avec l’impossible chacun lui confère au regard de sa propre
connaissance absolue impose à l’esprit la expérience incommunicable et des principes
coupure que le sacré évoque dans toute sa qu’il assume : hors de toute référence à
profondeur. Sacer marque une rupture dans le d’autres serments, réglementaires ceux-ci, qui,
continu et il y pointe un repère d’où peuvent dans les faits, pourraient échapper au plein
émerger des liaisons entre des pôles jusque-là gré des individus et susciter des dangers de
séparés. cléricalisation qui transformeraient chacun en
L’accès à l’Ordre maçonnique répond bien objet. Comme si, pris dans une mécanique
aux exigences dues à cet état de choses. En institutionnelle, l’homme tendait à oublier
effet, depuis sa forme opérative médiévale, qu’il est en loge afin de comprendre l’«art»
il se fonde sur la prestation d’un serment, ce de vivre et de penser fondé sur des principes
doublet étymologique qu’est le sacramentum. qui, dans l’exercice rationnel du jugement,
Au cœur même de l’initiation la plus succincte, transcendent les règlements de circonstance.
il contribue à la construction de ce jalon majeur L’Ordre maçonnique est unique. Il recouvre
dans la vie intérieure du sujet et il marque une «la maçonnerie tout entière» et chapeaute la
étape: ce jalon ponctue, pendant un instant, un vie de chaque maçon dès que ce dernier a vécu
présent évanescent, grâce auquel s’éveille le l’expérience de l’initiation au premier degré.
tragique de la condition humaine. Cet Ordre concerne donc la vie maçonnique en
Cette étape porte une valeur cardinale car ce qu’elle a de plus subjectif.
elle devient le témoin intime – et manifeste Par nature silencieuse, cette vie, comme
– d’une marque de l’existence. En effet, elle est toute expérience intime, ne s’exprime que de

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manière incomplète et, en cela, elle demeure toile de fond, résident des données spécifiques
largement indicible et inviolable. En revanche, à l’idée d’Ordre maçonnique.
et de façon à peu près symétrique, elle confère Le point dominant en cette affaire a trait
une marque «à vie», même si cette trace au principe sur lequel s’adosse l’expérience
demeure enfouie dans la mémoire au point vécue propre à l’Ordre. Ce principe est humain
que sa réminiscence peut paraître impossible par excellence. On l’appelle aussi, parfois,
malgré la portée de ce qu’elle aide à assumer. principe « anthropique ». Universel, il signifie
Concrètement, dans le domaine social, que l’homme est voué à ne connaître que ce
cette marque signifie que l’initiation dans qui s’accorde avec ce que son esprit peut
l’Ordre témoigne d’un engagement qui ne rendre intelligible, et il postule une humilité
peut pas s’annuler, même s’il peut être biffé. foncière en raison de son ouverture sur des
Elle signifie également qu’il ne saurait y avoir manques incomblables de l’esprit, quels que
de désengagement de l’Ordre, pas plus qu’il soient les objets techniques et les opérations
ne saurait y avoir de forclusion de la mémoire mentales mises en œuvre dans la pensée et
quand cette marque est cachée au tréfonds de dans l’action.
l’être. De manière plus précautionneuse, ce
principe éminent a valeur d’évitement. Il
Entrer dans l’Ordre maçonnique empêche l’individu de se complaire dans la
dynamise l’intégrité de celui vanité et il le met en garde contre les inductions
qui participe à cette expérience. hasardeuses qui débouchent sur l’illusion de la
Nul ne peut mettre en cause toute-puissance humaine et d’une possible «
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les procédures, universelles et pleine lumière » de la Vérité.
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consensuelles. Et nul ne peut annuler En corollaire, perçu à tort comme
cet engagement paradoxal, ce principe implique l’idée selon
laquelle chaque être humain engagé dans
Dans ces conditions, qui concernent la l’initiation ressent, peu ou prou, combien son
subjectivité de l’individu pris dans les jeux du appartenance à l’espèce humaine est majeure
monde, il apparaît bien qu’entrer dans l’Ordre et fondatrice d’une vie sociale: une vie sociale
maçonnique met en mouvement toute l’intégrité qui s’impose de façon si irrésistible à chacun
de celui qui participe à cette expérience. Une que ses conséquences ne peuvent pas être
expérience à la fois symbolique et rationnelle, ignorées, même si elles demeurent, parfois,
agencée selon un rituel dont les procédures refoulées.
fondamentales se veulent si universelles et si La première conséquence – et la plus
consensuelles que nul ne peut les remettre manifeste – de cet état de faits concerne
en cause, puisque l’initiation à un degré l’inévitable vivre-ensemble ; le maçon l’assortit,
quelconque de la hiérarchie ne saurait être dans sa subjectivité d’homme, de la nécessité,
réitérée quand un maçon change de cadre autant affective que rationnelle, d’amour
obédientiel. charitable du prochain. Le terme agapé
Constance des pratiques rituelles l’exprime de la façon la plus riche qui soit,
fondamentales ? Permanence indélébile d’une surtout s’il l’élargit à la solidarité.
expérience vécue et reconnue sans conteste, Une autre conséquence, tout aussi majeure
quoi qu’il advienne des jeux associatifs qui les mais plus discrète, est la nécessité ontologique
accompagnent ? Cela revient à postuler qu’en du silence. Silence subjectif s’il en est quand

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l’initiation, par construction ritualisée, aide Comment pourrait-il en être autrement
chacun à méditer et à délibérer intérieurement puisque tout cela (initiation et serment)
au fil même de l’enrichissement de l’identité concerne ce qui se joue entre un néophyte
individuelle. à un grade et une autre personne de rang
Agapé, solidarité, silence ? Telles sont initiatique censé être plus « élevé » quand ils
les dimensions majeures que développe se rencontrent en présence de témoins ?
l’expérience de l’Ordre. Un Ordre ouvert, Comment pourrait-il en être autrement
marqué par le repérage progressif de rangs puisque l’initiation, dans le même temps,
ou des stades dans la construction de la vie. organise, confère et conforte cette rencontre
Chacun peut les rencontrer à un moment de insécable de l’individu avec lui-même, d’une
la sienne quand il pressent que cet Ordre ne part, et avec autrui, d’autre part ? Et comment
bute pas sur une borne personnelle, ni sur pourrait-il en être autrement puisque l’initiation
une autre propre à l’espèce lorsqu’il s’inscrit constitue cette démarche qui aide à la
dans l’échelle cosmique infinie pour l’esprit, construction de soi depuis le for intérieur vers le
quelles que soient les mesures locales qu’on lui monde extérieur où se génèrent les liens entre
applique. pairs ? Quand chacun ne se contente pas de se
Expérience ouverte donc, elle postule que tourner vers ce «soi-même» qui isole quand il
l’idée de mise à distance demeure possible est exclusif ?
en toutes circonstances, même si les écarts Associer l’idée d’Ordre à celle d’initiation
impliqués à chaque instant sont forcément constitue donc le lien puissant qui caractérise
ambigus malgré la quête constante de leur l’acception dans laquelle ce terme prend sa
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intelligibilité. valeur maçonnique. Du reste, accentuer la
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prégnance de cette liaison est puissamment
Il n’est pas innocent que ce soit corroboré quand le terme est replacé dans
au moment de l’intégration dans son contexte linguistique. Ce nom masculin
l’Ordre que les rituels font allusion qui semble remonter au XIIe siècle dans notre
à ce qui constitue un « tiers langue, exprime, dans sa plus vaste amplitude,
intégrateur » : le Gadlu, l’humanité… ce qui concerne le rassemblement de personnes
qui acceptent, par devers elles, de se soumettre
L’indicateur le plus clair de ce constat de aux mêmes règles.
mise à distance réside dans les manifestations L’Ordre contient aussi l’idée que ce
qui s’imposent à l’esprit au moment-clé de rassemblement suppose des progressions, et
l’entrée dans l’Ordre, c’est-à-dire lors de la donc qu’il est porteur des grades ou degrés qui
prestation de serment. Il n’est pas innocent, en se distribuent sans clôture, puisque l’individu
effet, que ce soit à cet instant que les rituels font qui en participe n’entre pas dans ces rangs ex
allusion à ce qui constitue un «tiers intégrateur» nihilo, pas plus qu’il n’en connaîtra le terme
aux yeux de l’homme : Gadlu ? Humanité? existentiel.
Universalité ? Ignorance ? Les références sont Dans ces conditions, aussi bien sémanti-
multiples (culturelles, idéologiques, etc.) et elles ques que d’expérience, on peut considérer que
témoignent de l’inévitable effort de « sortie » du l’Ordre ne peut que transcender les variations
confinement de la connaissance lié à l’illusion propres aux pratiques associatives, c’est-à-dire
d’une possible et complète transparence du à celles qui incluent des règlements auxquels il
monde et du vivant à l’intérieur de l’esprit. convient d’obéir.

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Protection ou contrainte aliénante


de la liberté la plus individuelle qui soit?
Support nécessaire à la construction de
la pensée autonome de chacun ou cadre
susceptible de diriger (voire de soumettre)
les plus rétifs à une autorité ? Une
autorité transcendante ? Ou bien une autorité qui
ne serait que celle d’un pouvoir institutionnel ?
En contrepoint de cette subjectivité collée
à l’idée d’Ordre et d’initiation, un regard pluriel
concerne, évidemment, les obédiences qui en
constituent le complémentaire pratique dans
l’espace maçonnique. Elles ont vocation à
l’objectivation, surtout quand il est question de
vie et de gestion associatives qui sont d’autant
plus considérées comme des faits sociaux que
l’histoire de la vie obédientielle est, avant tout,
objective puisqu’elle s’appuie sur des archives
et sur des documents. Ce corpus se veut
transparent. Il est d’abord celui des règlements
de l’espace maçonnique.
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Voie Intérieure –
Méditation avec bras,
Espace social et témoin objectif
Auguste Rodin,
de l’initiation, chacune de ces entre 1881 et 1889,
Jardin des Tuileries,
cellules que sont les loges constitue Paris
l’entité centrale et indépendante qui
étalonne l’espace maçonnique constitue l’entité centrale et indépendante
qui étalonne l’espace maçonnique. En effet,
Sans aborder ce que vit chaque maçon elle possède, à la fois, le souci de faire vivre
en tant que sujet de son initiation, l’obédience les dimensions initiatiques et symboliques et
tend à réguler les relations que son emprise celui de déléguer une partie de son autonomie
associative déclenche. Pour ce faire, elle se à une instance d’un niveau plus global, même
donne le pouvoir de produire des textes dont si ce niveau, obédientiel, peut être pervers, en-
l’ambition est de dénombrer les situations vahissant et coûteux quand sa fonction initiale
concrètes, afin de les maîtriser directement – communicationnelle et «postale» – se mue en
et mécaniquement, en faisant, autant que un regard sur quoi elle demeure impuissante :
possible, l’économie de leur interprétation le ressenti subjectif de chaque maçon.
selon l’esprit de principes généraux d’essence Dans la perspective générale développée
plus subjective. ici, non pas simplificatrice – puisque les
Franc-maçon sujet de son initiation? Obé- mots possèdent généralement des charges
diences vues comme associations collectives ? sémantiques multiples –, mais plus volontiers
Reste la loge. En tant qu’espace social et témoin clarificatrice. Des lignes de forces semblent
objectif de l’initiation, chacune de ces cellules s’être dégagées. Elles ont aidé à différencier ce

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que la franc-maçonnerie « gère » de subjectif le centre avéré de l’union : celui des échanges,
confronté à l’objectif, en usant d’un triptyque, libres, égalitaires et fraternels parce qu’assurés
où se croisent l’interdit, le sacré et l’Ordre. d’être secrets. Ils se déroulent dans cet espace
Ce modèle a pris une valeur exemplaire qui transitionnel où le sacré circule jusqu’à la
le situe au-delà des allants-de-soi peu interrogés porte donnant sur les parvis, sans les franchir
quant à leur portée, puisqu’ils demeurent autrement que dans le cœur de chacun.
fondés sur ce qui devient, trop souvent, par ▲ Georges Lerbet
facilité, de simples habitudes terminologiques
plus ou moins osées.

Dans l’Ordre, le maçon est


l’individu sujet de l’initiation.
Dans l’Obédience, il n’y existe
qu’en tant qu’objet. La Loge, elle,
se présente bien comme le centre
avéré de l’union

Ainsi ressort-il, non pas deux mais trois


unités de base conceptuelles et de repérage
opératoire.
La première demeure l’Ordre. C’est dans
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son domaine que l’on rencontre le franc-
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ure –
avec bras,
maçon en tant qu’individu-sujet de l’initiation.
din,
et 1889, Y prévalent le silence singulier et le sacré
Tuileries,
de la subjectivité ressenti comme étant
incommunicable.
A l’autre pôle du domaine maçonnique,
l’obédience représente une institution qui
concerne le collectif. Elle tend à maintenir ce
dont elle se préoccupe comme entité instituée
et elle ramène beaucoup d’éléments à ce niveau
d’intervention. Les individus n’y existent qu’en
tant qu’objets. Ce sont des acteurs sociaux que
l’on cherche à rendre transparents selon des
procédures profanes de communication des
informations.
Enfin, reste la loge. Tous comptes faits, elle
est l’unité de base de l’espace maçonnique. Elle
délimite ce qui a trait au sacré dans le domaine
social qui, exprimé de façon un peu pédante
mais ramassée, représente des individus
«socio-subjectifs» censés être autonomes.
Ce faisant, la loge se présente bien comme

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