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Droits d'auteur et droits voisins en matière musicale :

panorama général
Éric Barbry, Frédéric Atellian
Dans LEGICOM 1997/1 (N° 13), pages 5 à 16
Éditions Victoires éditions
ISSN 1244-9288
DOI 10.3917/legi.013.0005
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DROITS D'AUTEUR ET DROITS
VOISINS EN MATIÈRE MUSICALE :
PANORAMA GÉNÉRAL
Par Éric Barbry
et Frédéric Atellian

Résumé

L
A musique adoucit les mœurs dit-on. Peut-être est-ce pour cette raison,
qu’en ces temps de crises nous en soyons bercés en permanence. Nul ne Le régime juridique de
l’œuvre musicale est fon-
peut y échapper. Outre ses manifestations les plus classiques telles que cièrement complexe, il
les concerts et autres spectacles, la musique nous accompagne dans nos activi- dépend d’abord de
tés quotidiennes (magasins, restaurants, pour les plus chanceux, au bureau...) et l’œuvre elle-même et de
se trouve déjà confrontée aux nouvelles technologies (multimédia de support ou la reconnaissance de son
sur réseau). originalité pour la protec-
tion par le droit d’auteur.
Celle-ci est soumise à
La musique adoucit à ce point nos mœurs qu’elle arrive même à nous faire l’appréciation par le juge
oublier les réalités juridiques qui président à sa protection en tant qu’œuvre de du caractère original de
l’esprit, à celle de ses auteurs et des bénéficiaires de droits voisins. ses éléments constitutifs
(mélodie, harmonie, ryth-
À titre d’exemple, combien d’entreprises se sont posé la question de savoir si mique, et éventuellement
elles pouvaient librement agrémenter, d’une ou plusieurs œuvres musicales, la
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paroles).

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bande sonore d’attente de leur standard téléphonique. Ne pensez pas qu’il Le statut des œuvres
s’agisse là d’une situation purement anecdotique, la SACEM(1) passe aussi par dépendra ensuite de l’uti-
là... lisation qui en sera faite.
Au-delà des œuvres pre-
Mais aussi combien de “surprises parties”, de “boums”, ou aujourd’hui de “rave mières, le répertoire musi-
parties” (il faut savoir vivre avec son temps) faites en toute illégalité car là cal est largement composé
encore non déclarées à la société de gestion collective numéro 1 la SACEM. d’œuvres secondes, déri-
Et il n’est pas non plus surprenant que la première jurisprudence relative à la vées d’œuvres préexis-
tantes par arrangements,
préservation des droits d’auteur à l’épreuve d’Internet ait justement porté sur la
variations et plus nouvel-
contrefaçon d’œuvres musicales(2). lement par les techniques
Pourtant, si la musique a la faculté d’adoucir les mœurs, elle n’a certes pas celle de remix ou de sampling.
d’adoucir le droit. Bien au contraire, le droit de la musique a cela de commun Le nombre d'ayants droit
avec celui de l’audiovisuel et aujourd’hui du multimédia, qu’il est parmi les pour une même œuvre
droits les plus complexes à appréhender. reflète cette complexité de
l’œuvre : cohabitent de
Cette complexité naît d’une double diversité : La diversité des œuvres musi- multiples acteurs :
cales elles-mêmes (I) ; la diversité des intervenants qui contribuent à la créa- auteurs, artistes-
interprètes, producteurs...,
investis selon les cas de
1. Société des auteurs, compositeurs et édi- musicale, protection et virtualité” et Kaplun droits d’auteur ou de
teurs de musique. Yasmine “Faut-il admettre un droit de citation droits voisins, moraux ou
2. Cf. sur ce point, même numéro, article de en matière musicale ?” patrimoniaux.
Olivier (Frédérique) et Barbry (Éric) “Œuvre

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La musique et le droit

tion ou à l’interprétation de l’œuvre musicale qui devient alors l’objet d’un


savoureux mélange de droits d’auteurs et de droits voisins (II).

I - DIVERSITÉ DES ŒUVRES MUSICALES ET CONDITIONS


DE LEUR RECONNAISSANCE

L’œuvre musicale originale est à elle seule une œuvre complexe qui combine
une mélodie, une harmonie et une rythmique associées ou non à des paroles.
Mais le caractère complexe de la reconnaissance de l’œuvre musicale provient
également du fait que l’œuvre musicale première peut être la source de très
nombreuses œuvres secondes adaptations ou œuvres composites.

A/ Les œuvres et leurs auteurs

La première difficulté que l’on rencontre à traiter du droit de la musique est


celle des éléments constitutifs de l’œuvre et de leur originalité ; la deuxième
étant alors de savoir affecter à qui de droit la paternité de cette création.

1. Éléments révélateurs de l’originalité

Le code de la propriété intellectuelle dans son article L 112-1 rappelle que la


protection des droits d’auteurs porte sur « toutes les œuvres de l’esprit, quels
qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». Et
que : « sont considérées notamment comme œuvres de l’esprit au sens du code...
les compositions musicales avec ou sans paroles... »(3).

L’œuvre musicale, avec ou sans paroles, est donc assurément, par nature, une
œuvre de l’esprit, et ce, qu’elle soit musique de rue ou de chambre... ; qu’il
s’agisse de musique classique, rock, rap, techno ou funk... bien orchestrée ou
cacophonique... (4) ; musique de supermarché, refrain publicitaire ou musique
militaire. Il en sera ainsi, que la musique soit le fruit du labeur de l’homme,
Les compositions musi- seul avec son instrument, ou entouré d’outils informatiques toujours plus per-
cales sont des œuvres formants. Enfin, l’œuvre musicale existe, qu’elle soit le fruit d’un long travail
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de l’esprit au sens du ou le résultat d’une improvisation(5).
CPI, peu important leur
Encore faut-il, même si le code de la propriété intellectuelle ne l’a pas érigé en
genre, et sont protégées
par le droit d’auteur dès principe, que cette œuvre musicale soit originale. Qu’elle soit l’expression de
lors qu’elles sont origi- l’empreinte de la personnalité de son (de ses) auteur(s).
nales. Cette originalité porte aussi bien sur la musique que sur les éventuelles paroles.
Les éléments constitutifs d’une musique sont de trois types : la mélodie, l’har-
monie et le rythme. C’est autour de ces trois éléments que se dégagera, ou non,
l’originalité de l’œuvre.

La mélodie est définie comme « l’émission d’un nombre indéterminé de sons


successifs »(6). Il s’agit aussi comme le rappelle le dictionnaire « d’un ensemble
de sons successifs formant une suite reconnaissable »(7). Plus concrètement, la
mélodie est l’air que chacun retient à l’écoute de l’œuvre, c’est aussi ce que
l’on appelle le “thème” de l’œuvre.

3. L 112-2 du code de la propriété intellectuelle de Platas Civ. (1re), 1er juillet 1970, D, 1970. 73,
(CPI). note Edelman.
4. Tout cela étant affaire de goût, de forme 6. Lucas (A.) et Lucas (J.-H.), “Traité de la
d’expression, de genre, de mérite ou de destination. Propriété Intellectuelle”, Litec, 1104 pages, n° 84.
5. Crim., 13 déc. 1995, Mlle Chante le blues, bull. 7. Dictionnaire Robert.
crim., n° 378, RIDA, juillet 1996, 279 & Manitas

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Droits d'auteur et droits voisins en matière musicale : panorama général

On a longtemps voulu assimiler la mélodie à une simple idée, en refusant ainsi


de lui accorder la protection du droit d’auteur. Cette thèse ne résista pas long-
temps à la réalité juridique qui démontra que la mélodie ne s’adressait pas à
l’intelligible comme l’idée, mais qu’elle procédait du sensible. La mélodie est
à la fois l’idée et la forme, indissociablement liées. Au contraire de l’idée,
l’œuvre musicale ne peut s’exprimer que de la façon dont la ressent le créateur,
alors qu’une idée peut être traduite sous des formes différentes(8).

L’œuvre musicale est aussi basée sur un rythme. Le rythme est défini comme
« un groupement de sons selon une accentuation régulière, dont la dominante
revient à des intervalles périodiques »(9). Le rythme est indépendant de la
durée d’audition des sons et de la rapidité d’exécution.
Plus simplement, on peut considérer dans un langage commun que le rythme
correspond à la sonorité de base d’un style particulier à chaque catégorie de
musique. Nous avons ainsi des rythmes aussi divers que ceux du rockn’ roll,
du jazz, de la saoul, de la techno, de la house music, de salsa, du blues... Un
même rythme peut varier en fonction du tempo c’est-à-dire de sa vitesse d’exé-
cution.
Mais au sens du droit d’auteur, rares sont les créations stricto sensu de nou-
veaux rythmes. Il est ainsi très difficile, voire impossible, de reconnaître l’émer-
gence d’un nouveau rythme qui serait détaché de tout rythme préexistant et de
se l’approprier. Qui pourrait en effet revendiquer la création du rythme rockn’
roll, du blues ou de la house music. Les unes et les autres étant souvent liées
et la source d’inspiration les unes des autres.

Le rythme peut toutefois revêtir une grande importance dans la reconnaissance


du caractère original de l’œuvre achevée. Ainsi, dans une affaire de cette ordre,
l’expert exposait dans son rapport que : « l’originalité d’une chanson est liée
pour beaucoup à son rythme et celui-ci, pour modifiable qu’il soit, imprime à
l’œuvre une physionomie propre qui la distingue des autres chansons »(10).

Même s’il n’est pas impensable de croire en l’originalité intrinsèque d’un ryth-
me nouveau, le rythme ne suffit donc généralement pas à conférer à une œuvre
musicale un caractère original. Il lui faut donc être associée aux autres éléments Le caractère original
de l’œuvre que constituent la mélodie et l’harmonie. d’une composition se
définit à partir de sa
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mélodie, son rythme et
L’harmonie enfin, se définit comme « le résultat de l’émission de plusieurs sons enfin l’harmonie qui doi-
différents »(11). L’harmonie est une succession d’accords musicaux. C’est vent être marqués de
d’ailleurs là toute la difficulté de la reconnaissance de son originalité. En effet, l’empreinte de la per-
une note de musique n’est pas protégeable et appropriable en tant que telle. Pas sonnalité de l’auteur.
plus protégeable devrait être l’accord qui constitue une combinaison de notes.
Pourtant l’harmonie est une combinaison étudiée, désirée, par l’auteur. En cela,
elle pourrait alors revêtir en fonction des cas d’espèce, une originalité.
Malgré tout, envisagée isolément, l’harmonie ne donnera généralement pas lieu
à la reconnaissance d’une originalité intrinsèque. Elle devra, au même titre que
le rythme, être accompagnée d’une mélodie. Mais, dans cette hypothèse, l’har-
monie retrouverait alors une identité juridique distincte de la mélodie. Ainsi, le
créateur de la mélodie et celui de l’harmonie seraient, à notre sens, considérés
comme coauteurs de l’œuvre finale.
L’harmonie, comme le rythme, viennent enrichir la mélodie et augmenter ainsi
la valeur créatrice et l’originalité de l’œuvre.

8. Cf. sur ce point l’excellente analyse de Desbois, 179 - Cf. sur ce point Verrecchia (Jacques), Lettre
(H.), Le droit d’auteur en France - 1978, Dalloz. du Disque, n° 26 - 11 avril 1995.
9. Lucas (A.) et .Lucas (J.-H.), précité. 11. Lucas (A.) et Lucas (J.-H.), précité.
10. CA Paris, 28 septembre 1978, RIDA 7989, p.

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La musique et le droit

Comme nous l’avons rappelé la “composition musicale” peut exister avec ou


sans paroles. Les paroles constituent, lorsqu’elles existent, le deuxième élément
original de l’œuvre musicale finale. L’idée n’étant pas protégée, cela explique
qu’un grand nombre de chansons exploitent le même thème (le thème de
l’Amour étant sans aucun doute le plus récurrent).
L’originalité des paroles, du texte, sera fonction de la part créatrice de son
auteur, ici encore de l’empreinte et de sa capacité à évoquer pour la millioniè-
me fois le thème de l’amour avec ses propres mots, sa personnalité et sa sen-
sibilité.

Rappelons enfin que l’article L 112-4 dispose que : « le titre d’une œuvre de
l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est porté comme l’œuvre
elle-même ».
Il n’est pas dans notre propos de traiter de l’ensemble de la jurisprudence, assez
floue du reste quant à la reconnaissance de l’originalité d’un titre, mais il est
Le titre d’une chanson constant que plus le titre empruntera au langage commun, moins il sera pos-
est protégeable dans les sible de lui reconnaître une quelconque originalité.
mêmes conditions d’ori-
ginalité, ce qui exclut les
termes génériques.
Ainsi, si le titre “Amour” n’est assurément pas protégeable, pas plus que “Mon
amour”, il en est autrement d’un titre comme “Parlez moi d’amour”(12) ; il en
sera de même de l’impossible protection de “La joie“ alors que devrait être
reconnue celle de “Y a de la joie”.

Encore qu’en cette matière, il ne soit pas exclu que la notoriété d’un auteur ou
d’une œuvre ne soit pas, malgré tout, de nature à influencer le juge dans la
détermination de l’originalité d’un titre par un critère d’antériorité. Influence
d’autant plus grande que la reprise sera inspirée par une volonté de confusion
ou de parasitisme. Ainsi, on peut s’interroger sur la possible protection de titre
comme La mer de Charles Trenet.

2. Attribution de la paternité de l’œuvre

Pour être protégée, l’œuvre doit avoir un auteur. La France ne reconnaît pas, à
l’inverse d’autres pays, de droits d’auteurs sur de simples enregistrements
comme le bruit de la mer, le chant des oiseaux(13) ou des baleines. Même si
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les modalités techniques de ces enregistrements révèlent l’empreinte d’une per-
sonnalité.
Mais qui sont alors les auteurs de cette œuvre musicale, subtile combinaison de
mélodie, rythme, harmonie et parfois paroles ?
L’article L 113-1 dispose que : « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve
contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ».
Aussi, s’il n’est pas de problème lorsque l’œuvre est créée par un seul et même
auteur, la difficulté croît-elle en fonction du nombre d’intervenants possibles.

Très souvent en effet l’œuvre est le fruit du travail d’un musicien pour la
musique et d’un parolier pour le texte. L’œuvre finale est donc a priori une
œuvre de collaboration qualifiée ainsi par l’article L 113-2 du code de la pro-
priété intellectuelle(14). Il en sera d’autant plus ainsi que le fruit du travail de
l’un et celui de l’autre sont souvent intimement liés et qu’il devient impossible
d’affecter une paternité distincte des deux auteurs sur l’œuvre. L’œuvre musi-

12. Cass. (1re ch. civ.), 17 décembre 1991 - même note Plaisant ; RTD com. 1980, p. 346, obs. Françon.
si l’arrêt ne porte pas en tant que tel sur la ques- 14. Article L 113-2 : « Est dite de collaboration
tion de l’originalité. l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plu-
13. CA Paris (4e), 6 octobre 1979. - D. 1981, p. 190, sieurs personnes physiques ».

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Droits d'auteur et droits voisins en matière musicale : panorama général

cale étant alors : « la propriété commune des coauteurs... qui exercent leurs
droits d’un commun accord »(15). A l’inverse, s’il est établi que l’auteur de la
musique et celui des paroles ont chacun fait un acte de création distinct, et
même si l’œuvre finale reste assurément une œuvre de collaboration, chacun L’œuvre qui allie
d’eux disposera d’un droit distinct sur sa propre création. Chaque auteur pourra musique et textes est le
alors exploiter sa contribution personnelle séparément « sans toutefois porter plus souvent une œuvre
préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune »(16). A titre d’exemple, de collaboration, pro-
priété commune des
l’auteur de la musique pourra seul autoriser la réutilisation de celle-ci dans une
auteurs. Dans certains
publicité, l’auteur des paroles, leur possible édition littéraire. cas chaque auteur pour-
La difficulté croît encore lorsque l’œuvre musicale est le fruit d’un travail ra néanmoins utiliser sa
d’équipe, d’un “groupe” selon la terminologie consacrée. Si, à trois ou quatre contribution séparément.
auteurs, les droits peuvent encore être exercés d’un “commun accord”, au-delà,
la mission devient improbable, pour ne pas dire impossible.

Cela explique souvent les nombreuses discordances entre les membres d’un
même groupe et les séparations fréquentes permanentes ou temporaires. Cela
explique également la raison pour laquelle certains groupes optent pour une
solution plus simple même si elle est tout à fait injuste : l’affectation de la
paternité de la création au leader du groupe.

Mentionnons enfin le cas particulier de l’article L 113-7 du code de la pro-


priété intellectuelle qui dispose que : « ont la qualité d’auteur d’une œuvre
audiovisuelle la ou les personnes physiques qui réalisent la création intellec-
tuelle de cette œuvre. Sont présumés, sauf preuve contraire, coauteurs d’une
œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration [...] 4° l’auteur des compositions
musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre ». L’auteur
de la composition musicale avec ou sans paroles est assurément auteur de son
œuvre, mais devient aussi coauteur d’une œuvre audiovisuelle et détenteur à ce
titre de droits spécifiques qui y sont attachés(17).

B/ Les œuvres musicales : œuvres premières et diversité des


œuvres secondes

La mélodie constitue indéniablement l’élément clé de la création musicale.


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Pourtant certaines mélodies nous en rappellent d’autres. C’est ici toute la diffi-
culté de distinguer la ressemblance, la réminiscence ou l’inspiration concurrente
de l’œuvre dérivée.
Certaines œuvres musicales peuvent en effet présenter des ressemblances qui
résultent du hasard. Les deux auteurs prétendront alors chacun à la paternité
d’une œuvre première. En cas de litige, ils devront prouver que leur génie créa-
teur s’est exercé sans connaissance de l’œuvre préexistante.

Au-delà de l’œuvre première, œuvre de base, la difficulté en matière musicale


vient du fort potentiel de création d’œuvres secondes. Cette œuvre seconde
pourra être une nouvelle œuvre de collaboration si elle est réalisée avec la par- Les techniques nouvelles
ticipation de l’auteur de l’œuvre de base, ou une œuvre composite. L’article permettent aux œuvres
de renaître sous un
L 113-2 dispose que l’œuvre composite est l’œuvre nouvelle à laquelle est
autre genre, il s’agira
incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette der- alors d’œuvres compo-
nière. L’œuvre composite est alors « la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sites.
sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante ».

15. L 113-3 CPI. 17. Cf. sur ce point Guenneteau (C), “Musique et
16. Article précité. œuvres audiovisuelles”, dans ce présent Légicom.

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La musique et le droit

À l’heure du compact disc et de l’informatique, le développement des œuvres


dérivées a connu une croissance exponentielle. Les arrangements et les varia-
tions d’hier connaissent des formes nouvelles et des noms tout aussi étranges,
n’en déplaise à M. Toubon, que “remix” ou “sampling”, et plaise à M. Toubon
de “duo virtuel”.

Sous réserve de leur caractère original et qu’elles aient été autorisées par
l’auteur de l’œuvre première, ces nouvelles créations seront autant d’œuvres
protégées par le droit d’auteur.
Rappelons en effet que l’article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle
dispose que : « Les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou
arrangements des œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le
présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale ».
Les arrangements consistent dans « la transposition d’une œuvre écrite pour un
instrument à un autre, ou de la réduction d’une symphonie à l’usage d’un seul
instrument ou de plusieurs »(18).
L’arrangeur n’introduit aucune mélodie originale et ne se permet aucune varia-
tion. On considère cependant qu’il manifeste sa personnalité par les choix qu’il
opère dans la transposition, qui se traduisent par exemple dans l’éviction ou la
mise en avant de certains thèmes. Sa création personnelle s’ajoute alors à celle
L’arrangeur et le compo-
de l’œuvre première. Il exploite la pensée musicale première sous une autre
siteur d’une variation ne
bénéficient pas des forme. Mais, à défaut de manifester sa puissance créatrice dans la liberté de
mêmes droits, la condi- choix dont il dispose, l’arrangeur n’acquerra peut-être pas le statut d’auteur
tion d’auteur d’une d’une œuvre dérivée.
œuvre dérivée n’est pas
reconnue au premier
alors qu’elle peut l’être Les variations pour leur part relèvent d’un véritable travail de modification ou
pour le second. de transformation partielle, le compositeur est, dans ce cas de figure, beaucoup
moins soumis à l’œuvre première car, « s’il emprunte à une composition pré-
existante un thème ou plusieurs mélodies, il n’asservit pas à un aménagement
prédéterminé »(19).

Le milieu musical foisonne aujourd’hui de reprises, de remix. Leur qualifica-


tion en arrangement ou transformation n’a en réalité que peu d’intérêt, l’une et
l’autre, dès lors qu’il y a originalité, conférant la même protection. Qu’il s’agisse
de Serge Gainsbourg et de la Marseillaise, version Reggae, Tu me fais tourner
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la tête à la façon Étienne Daho ou, pour les plus américanophiles, les récentes
reprises des Fugees ou de Culio transformant le fameux Pastime Paradise de
Steve Wonder en un “gangster Paradise” style Rap, chacune d’elles marque à
l’évidence l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Plus délicates à manier encore sont les toutes nouvelles formes d’œuvres
secondes que les techniques modernes autorisent. Nous voulons parler des tech-
Les techniques de sam- niques de Sampling ou de l’échantillonnage musical et le développement de
pling ou encore échan- “duos virtuels”.
tillonnage musical qui Qui aurait pu imaginer il y a encore quelques temps Edith Piaf chantant Tu me
permettent une utilisa-
tion détournée de sons
fais tourner la tête en duo avec Etienne Daho ? Aujourd’hui la chose est non
préenregistrés ne don- seulement possible, mais l’œuvre commercialisée ou, pour le moins, radiodif-
nent pas toujours nais- fusée. Il faudra bien évidemment considérer ce duo comme révélant une nou-
sance à des œuvres ori- velle œuvre protégée sous réserve non seulement de bénéficier de l’ensemble
ginales, ce caractère des autorisations nécessaires et de préserver le droit moral des auteurs qui pour-
restant soumis à l’appré- raient sans aucun doute soulever la dénaturation de l’œuvre.
ciation de juges du fond.

18. Lucas (A.) et Lucas (J.-H.), précité, n° 137. 19. Lucas (A.) et Lucas (J.-H.), précité, n° 138.

10 – LÉGICOM N° 13 – 1997/1
Droits d'auteur et droits voisins en matière musicale : panorama général

Il en sera de même d’une autre technique très prisée en matière radiophonique


celle du sampling ou de l’échantillonnage musical. « Les techniques d’échan-
tillonnage du son reposent sur la numérisation d’une interprétation ou d’un
enregistrement préalablement fixé. Les données ainsi enregistrées peuvent
ensuite être traitées de façon à obtenir des assemblages ou des modifications
du son »(20). Autour d’un auteur, d’un thème ou d’un instrument, il s’agit de
procéder à un montage de plusieurs extraits souvent harmonisés en sons conti-
nus.
La question se pose toutefois de l’originalité de tels montages. Là encore seule
l’appréciation souveraine des juges quant à l’empreinte de la personnalité gui-
dera une telle reconnaissance. Rappelons toutefois l’existence des dispositions
L 112-3 et L 113-8 qui permettront de reconnaître plus aisément l’originalité
de ces œuvres(21).

N’oublions pas enfin que les paroles de l’œuvre peuvent être traduites en toutes
langues. Que dire de la traduction quasi mondiale de Comme d’habitude, dont
la version américaine My way apparaît au plus grand nombre comme la version
originale. L’article L 112-3 là encore rappelle que l’auteur de traductions des
œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code.

II - ŒUVRES MUSICALES : UN SAVOUREUX MÉLANGE DE DROITS


D’AUTEURS ET DE DROITS VOISINS

A/ Les droits des auteurs de l’œuvre musicale


L’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « L’auteur
d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un
droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte
des attributs d’ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d’ordre patri-
monial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code. L’existence
ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur
d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit
reconnu par l’alinéa 1er ».

Il ne saurait ainsi être question de prétendre que l’auteur lié à un producteur,


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un éditeur par contrat ou à un employeur ne disposerait pas de la plénitude de
ses droits. Parmi ces droits nous distinguerons très classiquement les droits
patrimoniaux des droits moraux.

1. Les droits patrimoniaux de l’auteur d’une œuvre musicale


a) Le droit de reproduction
L’article L 122-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « La repro-
duction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui
L’impression d’une parti-
permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut tion, le pressage d’un
s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage disque, la numérisation
et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, d’une œuvre, et la com-
cinématographique ou magnétique. Pour les œuvres d’architecture, la repro- munication de l’œuvre
duction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan ou d’un projet au public par tous
type ». moyens (concerts radio-
diffusion...) sont soumis
à autorisation des
auteurs.
20. Réponse à question écrite n° 3 - 726 Légipresse des matières, constituent des créations intellec-
1989-3, Cahier IV, p. 23 - Commentaire Nicolas tuelles - L 113-8 : Ont la qualité d’auteur d’une
Galibert œuvre radiophonique la ou les personnes qui assu-
21. L 112-3 : les auteurs d’anthologies ou recueils rent la création intellectuelle de cette œuvre.
d’œuvres diverses qui, par le choix et la disposition

LÉGICOM N° 13 – 1997/1 – 11
La musique et le droit

On parle donc de reproduction à chaque fois que l’œuvre est incorporée dans
un support. C’est notamment le cas en matière musicale lorsque l’on imprime
la partition d’une musique ou les textes d’une chanson, que l’on presse un
disque (autrefois vinyle et maintenant compact), une cassette, ou que l’on
numérise l’œuvre pour qu’elle soit intégrée dans un produit multimédia sur sup-
port ou dans le cadre d’un site Web. La reproduction consiste aussi dans la
fabrication de bandes et cassettes (audio et vidéo) et de pellicules de films
contenant l’œuvre.
Une personne ou une entreprise qui veut reproduire une œuvre musicale doit
au préalable en demander l’autorisation à l’auteur, hors le cas des exceptions
prévues au code et notamment la reproduction à usage privé du copiste et non
destinée à un usage collectif.

b) Le droit de représentation
Le droit de représentation est défini à l’article L 122-2 du code et précise que :
« La représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par
un procédé quelconque, et notamment :
1°/ Par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, pré-
sentation publique, projection publique et transmission dans un lieu public de
l’œuvre télédiffusée ;
2°/ Par télédiffusion. La télédiffusion s’entend de la diffusion par tout procédé
de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données et de mes-
sages de toute nature.
Est assimilée à une représentation l’émission d’une œuvre vers un satellite ».

Ainsi, en matière musicale, les principaux cas de représentation consisteront en


une diffusion en public notamment à l’occasion de concerts, récitals, tours de
chants exécutés dans un lieu public, mais aussi une diffusion de l’œuvre par
voie radiophonique, télévisuelle ou de réseau à un public.
Si l’auteur a cédé ses
droits à la société de Comme en matière de reproduction, la représentation devra être autorisée par
perception dont il est l’auteur sauf dans le cadre d’exceptions telles que la représentation dans le
membre, c’est elle qui cadre du cercle de famille.
accorde les autorisations
Souvent la représentation et la reproduction sont intimement liées. Il en sera
aux utilisateurs.
ainsi des cas de diffusion précités lorsque la diffusion est différée, précédée
d’un enregistrement (émission télévisuelle enregistrée, clip vidéo, publicité, ...) ;
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ou encore la diffusion d’une œuvre à partir d’un disque ou d’une cassette audio
ou vidéo dans les lieux publics tels que : salles de spectacles, discothèques, res-
taurants, bars, projections dans une salle publique d’une œuvre audiovisuelle
incorporant une œuvre musicale.

Les autorisations pourront tout aussi bien, selon les cas, être accordées par les
sociétés de perception de droits d’auteurs comme la SACEM et la SDRM lorsque
les auteurs en seront sociétaires.
L’auteur qui dispose également des droits de traduction, de transformation,
d’arrangement et d’adaptation devra consentir à toute création d’une œuvre
seconde tel que nous les avons décrites plus haut.

La cession de ses droits par l’auteur de l’œuvre musicale peut être totale ou
La cession des droits si partielle, réalisée à titre gratuit ou onéreux. Mais, comme le rappelle le code
elle est faite à titre oné- dans son article L 131-4, cette cession « doit comporter au profit de l’auteur
reux doit, sauf à de la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de
rares exceptions, être l’exploitation ». La jurisprudence récente nous enseigne que cette rémunération
proportionnelle au prix
doit être proportionnelle au prix de vente au public. Seules quelques exceptions
de vente au public.
sont prévues dans le code de la propriété intellectuelle qui autorisent la rému-
nération forfaitaire.

12 – LÉGICOM N° 13 – 1997/1
Droits d'auteur et droits voisins en matière musicale : panorama général

En matière musicale, les droits patrimoniaux de l’auteur perdurent durant la vie


de celui-ci et 70 ans après son décès, le délai courant à partir du 1er janvier sui-
vant le décès, les droits étant transmis aux héritiers à la mort de l’auteur. Si
l’œuvre musicale est qualifiée d’œuvre de collaboration, les 70 années com-
mencent à courir l’année qui suit le décès du dernier collaborateur vivant. Si
l’auteur ne révèle pas son identité, les droits s’éteignent 70 ans après la publi-
cation de l’œuvre (sans compter l’année de la publication).
Au-delà de la durée de protection, l’œuvre tombe dans le domaine public, et il
n’est ainsi plus nécessaire de demander l’autorisation pour reproduire et repré-
senter l’œuvre. Seuls perdureront alors les attributs d’ordre moral.

C’est d’ailleurs ce qui différencie principalement les droits patrimoniaux des


droits moraux de l’auteur qui sont pour leur part inaliénables, perpétuels et
imprescriptibles.

2. Le droit moral de l’auteur de l’œuvre musicale

L’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « L’auteur


jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit
est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable, et imprescriptible. Il est
transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. L’exercice peut être
conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires ».

L’article L 121-2 pour sa part expose que : « L’auteur a seul le droit de divul-
guer son œuvre. Sous réserve des dispositions de l’article L 132-24, il déter-
mine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci. Après sa mort,
le droit de divulgation de ses œuvres posthumes est exercé leur vie durant par
le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l’auteur.
A leur défaut, ou après leur décès, et sauf volonté contraire de l’auteur, ce droit
est exercé dans l’ordre suivant : par les descendants, par le conjoint contre
lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de
corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage, par les héritiers autres que
les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et par les léga-
taires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir. Ce droit peut
s’exercer même après l’expiration du droit exclusif d’exploitation déterminé à
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l’article L 123-1 ».

Au titre du droit au respect du nom, autrement dit sa paternité sur l’œuvre(22),


l’auteur peut exiger que son nom soit associé sur toutes les œuvres quel que
soit le mode, et ce, sur chaque exemplaire (disques, cassettes, vidéos, films,
multimédia...). Le nom devra être indiqué par tous moyens appropriés lors d’une L’auteur peut s’opposer
diffusion, fût-elle sur réseau. à toute dénaturation de
Au titre du droit au respect de son œuvre, l’auteur(23) pourra empêcher qui- son œuvre, et à toute
conque de dénaturer sa création par toute modification ou transformation. Il violation de la destina-
tion de l’œuvre, c’est-à-
pourra également protéger le respect de sa qualité d’auteur ; ainsi, à titre d’illus- dire toute utilisation de
tration, un auteur pourra considérer la qualité de son œuvre dénaturée dès lors l’œuvre en dehors du
que celle-ci servirait de bande sonore à un film pornographique. contexte pour lequel il
Au titre du droit de divulgation, l’auteur de l’œuvre musicale décidera seul de l’a créée.
porter sa création la première à la connaissance du public. Il décide aussi des
modalités de cette divulgation. La divulgation de l’œuvre sans autorisation de
l’auteur est sanctionnée par l’action en contrefaçon.
L’auteur peut enfin, comme en tout autre matière, user de son droit de repen-

22. Cass. (1re ch. civ.), 4 avril 1991. (1re ch.), 15 mai 1991 - CA Paris (1re ch A), 20
23. CA Paris (25e ch.), 18 mars 1988 - TGI Paris février 1990.

LÉGICOM N° 13 – 1997/1 – 13
La musique et le droit

tir. L’auteur a la possibilité de remettre en cause la cession de ses droits pécu-


niaires sur son œuvre. Mais la faculté de rétractation qui lui est accordée trouve
sa contrepartie dans l’obligation d’indemniser l’éditeur pour les dépenses enga-
gées et par le droit de préemption de l’éditeur dans l’hypothèse où l’auteur
céderait ses droits ultérieurement. L’auteur d’une œuvre musicale pourrait user
de ce droit moyennant une indemnisation des sociétés d’édition et de produc-
tion phonographique auxquelles il est lié. Toutefois, lorsque l’auteur jouit d’une
grande notoriété, les intérêts financiers en jeu sont tels que l’application de cette
disposition devient matériellement impossible. C’est ainsi que certains auteurs
ont préféré, face à ces contraintes, stériliser leur création jusqu’à échéance de
leur contrat ou leur résolution(24).

B/ Droits voisins et œuvres musicales

Il ne saurait être question de traiter d’un panorama des droits relatifs à l’œuvre
musicale sans aborder le rôle éminemment important d’intervenants tels les
artistes-interprètes, les éditeurs de phonogrammes et de vidéogrammes ou enco-
re les entreprises de communication audiovisuelle, autant de titulaires de droits
voisins.
Malgré un tronc commun d’exceptions, les artistes-interprètes, producteurs de
phonogrammes, de vidéogrammes et entreprises de communication audiovi-
suelle bénéficient de droits trop souvent oubliés.

1. Malgré un tronc commun d’exceptions...

Les bénéficiaires de droits voisins, qu’ils soient artistes-interprètes, producteurs


de phonogramme, de vidéogrammes ou entreprises de communication audiovi-
Seule exception aux
suelle ne peuvent interdire, à l’instar des auteurs, un certain nombre d’utilisa-
droits des auteurs et tions(25).
artistes : les représenta- Il en est ainsi des représentations privées et gratuites effectuées exclusivement
tions privées et gratuites dans un cercle de famille ; des reproductions strictement réservées à l’usage
à l’intention du cercle de privé de la personne qui les réalise et non destinées à une utilisation collective ;
famille, et les analyses
et courtes citations.
enfin sous réserve d’éléments suffisants d’identification de la source : des ana-
lyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, péda-
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gogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incor-
porées ou encore de la parodie, pastiche ou caricature, compte tenu des lois du
genre(26).

2. ...la préservation des droits voisins est omniprésente


dans l’œuvre musicale

Malgré ce tronc commun d’exceptions et sous réserve que l’usage de leurs


droits voisins ne portent pas atteinte aux droits des auteurs, artistes-interprètes,
producteurs de phonogrammes, de vidéogrammes et entreprises de communica-
tion audiovisuelle sont donc investis d’un certain nombre de prérogatives.
L’artiste-interprète qui est la personne qui représente, chante, récite, déclame,
joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, numéro
de variétés, de cirque ou de marionnettes dispose d’attributs de droits voisins
aussi bien d’ordre patrimonial que d’ordre moral.
Au plan du droit moral, les artistes-interprètes d’œuvres musicales (chanteurs,

24. Il semble que ce fut l’option retenue par 26. D’autres cas d’exception sont prévus dans le
Georges Michael. CPI qui n’affectent pas le monde de la musique.
25. L 221-3 CPI.

14 – LÉGICOM N° 13 – 1997/1
Droits d'auteur et droits voisins en matière musicale : panorama général

musiciens, ...) ont droit au respect de leur nom, de leur qualité et de leur inter-
prétation. Ce droit, comme celui des auteurs est inaliénable, imprescriptible et
attaché à la personne de l’artiste. Il n’est toutefois transmis aux héritiers qu’aux
seules fins de « protection de l’interprétation et de la mémoire du défunt »(27).
Au plan du droit patrimonial, l’artiste dispose, à titre exclusif, du droit d’auto-
riser par écrit la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication
au public, ainsi que de toute utilisation séparée du son et de l’image de la pres-
tation lorsqu’elle aura été fixée à la fois pour le son et l’image.

Cette fixation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par
les articles L 762-1 et L 762-2 du code du travail. En substance, et bien que la
formule soit un raccourci, cela revient à dire que lorsque la présence de l’auteur
est nécessaire (concerts, spectacles, enregistrements en studio...) la prestation de
l’artiste sera considérée comme un travail et sa rémunération comme un salaire. Les artistes-interprètes
Lorsque sa présence ne sera plus requise il conservera, moyennant rémunéra- ont droit à rémunération
tion, l’autorisation ou non d’accorder la fixation de son enregistrement et son au titre de leur presta-
tion puis pour la fixation
exploitation. Il ne s’agira plus là de contrat de travail ni de salaire mais bel et de cette interprétation.
bien de rémunérations au titre des droits voisins.
Notons toutefois que la signature d’un contrat conclu entre un artiste-interprète et
un producteur en vue de la réalisation d’une œuvre audiovisuelle vaut autorisa-
tion de fixer, de reproduire et de communiquer l’interprétation au public.
Encore faut-il, comme le précise l’article L 212-4 du code de la propriété intel-
lectuelle, que le contrat fixe une rémunération distincte pour chaque mode
d’exploitation de l’œuvre. De même les artistes-interprètes ne peuvent interdire la
Si leur prestation s’ins-
reproduction et la communication au public de leur prestation si elle est acces- crit dans une œuvre
soire à un événement constituant le sujet principal d’une séquence d’une œuvre dans laquelle elle n’est
ou d’un document audiovisuel(28). qu’accessoire les droits
Pour leur part, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, c’est-à- voisins consentis aux
dire les personnes physiques ou morales qui ont l’initiative et la responsabilité artistes-interprètes ne
leur permettent pas
de la première fixation d’une séquence de sons (phonogramme) ou d’une d’interdire la reproduc-
séquence animée d’images sonorisées ou non (vidéogramme), ont seuls la faculté tion et la communication
d’autoriser toute reproduction, mise à disposition du public par vente, échange, au public de cette pres-
louage ou communication au public. tation.
Ainsi, l’autorisation du producteur sera indispensable avant toute communica-
tion de tout ou partie d’un CD musique ou sa reproduction.
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N’oublions pas toutefois que l’usage des droits voisins des artistes-interprètes
et producteurs de phonogrammes est limité par le dispositif de l’article L 214-1
du code de la propriété intellectuelle. Celui-ci rappelle en effet que « lorsqu’un
phonogramme a été publié à des fins de commerce, l’artiste-interprète et le pro-
ducteur ne peuvent s’opposer : 1°) à sa communication directe dans un lieu
Le consentement du pro-
public, dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle ; 2°) à sa radiodiffu-
ducteur est la condition
sion, non plus qu’à la distribution par câble simultanée et intégrale de cette de la reproduction ou de
radiodiffusion ». Cette utilisation offre toutefois, et heureusement, droit à une la diffusion au public de
rémunération au profit de l’artiste-interprète et du producteur. Cette rémunéra- phonogrammes ou de
tion qui est perçue pour le compte des ayants droit par des sociétés de gestion vidéogrammes.
collective, est répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs
de phonogrammes. Elle est généralement assise sur les recettes d’exploitation
des bénéficiaires de cette “autorisation légale”.
Notons enfin, cela a son importance en matière musicale, les droits dont béné-
ficient les entreprises de communication audiovisuelle. On entend par commu-
nication audiovisuelle au titre de la loi du 30 septembre 1986 « toute mise à
disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécom-
munication, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de message

27. L 212-2 CPI. 28. L 212-10 CPI.

LÉGICOM N° 13 – 1997/1 – 15
La musique et le droit

Exception aux droits de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée ».
dont sont investis les
Les entreprises de communication audiovisuelle, télévisions, radios et aujour-
artistes-interprètes et les
producteurs, la licence d’hui éditeurs de télématique, disposent du droit d’autoriser la reproduction de
légale prévoit que ceux- leurs programmes, ainsi que leur mise à la disposition du public par la vente,
ci ne peuvent s’opposer le louage ou l’échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans
à la communication au un lieu accessible à celui-ci, moyennant paiement d’un droit d’entrée.
public du titre si celui-ci
a été publié à des fins
de commerce.
*

Comme nous l’avons évoqué tout au long de ce panorama, l’œuvre musicale


est omniprésente, multiple par les formes qu’elle revêt, complexe du fait des
intervenants qui président à sa création, sa diffusion et son interprétation et
variés sont les modes de diffusion qu’elle emprunte.
Cette complexité intrinsèque de l’œuvre musicale explique la difficulté d’opé-
rer un contrôle effectif des droits des auteurs et des titulaires de droits voisins
et favorise dès lors les contrefaçons d’œuvres musicales ou l’augmentation des
opérateurs pirates, qu’il s’agisse de contrefaçons classiques ou de formes plus
élaborées de piratage(29).

Cette complexité explique également le nombre, qui apparaît souvent démesuré,


de sociétés de perception qui règnent en maîtres en cette matière. Il ne sera pas
plus besoin, pour en donner la preuve, que .de les lister toutes (ou presque
toutes). Nous mentionnerons, au titre des auteurs, l’incontournable SACEM(30)
qui gère principalement le droit de représentation, la SDRM(31) qui gère essen-
tiellement le droit de reproduction et notamment des œuvres musicales, la
SACD(32) pour les œuvres dramatico-musicales et, pour la plus récente, SESAM
qui devrait être le guichet unique en matière de droit multimédia. Pour ce qui
concerne les artistes-interprètes et/ou des producteurs, nous ne pouvons passer
sous silence le rôle des sociétés comme l’ADAMI, la SCPP, la SPRE, etc.

C’est, enfin, en raison de cette complexité que les États, dans leur grande majo-
rité, ont décidé de renforcer, à l’échelon international, la protection des auteurs,
des artistes-interprètes et exécutants des œuvres et particulièrement des œuvres
musicales, notamment pour leur utilisation dans le cadre de nouvelles techno-
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logies de la communication, à l’occasion de l’adoption des traités complémen-
taires à la convention de Berne en décembre dernier(33).

Éric Barbry
Cabinet d’avocats Bitoun et associés
Président de l’association Cyberlex

et Frédéric Atellian
DEA droit des affaires
Paris I, Etudiant EFB

29. Cf. sur ce point l’article de Verrecchia (Jacques) 31. Société pour le droit à la reproduction mécanique.
“Le piratage phonographique” dans le présent 32. Société des auteurs compositeurs dramatiques.
Légicom. 33. Cf. les informations diffusées quant à l’adop-
30. Cf. sur ce point l’article de Bony (L.), “La tion de ces textes sur Internet à l’adresse suivante :
SACEM et les diffuseurs”, dans le présent Légicom. http://www.legalis.net/legalnet.

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