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Peut-on améliorer les indicateurs de performance des

incubateurs ?
Benjamin Vedel, Éric Stéphany
Dans Entreprendre & Innover 2011/1 (n° 9-10), pages 89 à 96
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 2034-7634
ISBN 9782804168889
DOI 10.3917/entin.009.0089
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 17/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 80.215.107.137)

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Peut-on améliorer
les indicateurs
de performance
des incubateurs ?
> Benjamin Vedel
> Eric Stephany

Résumé

L’évaluation des incubateurs est un objet complexe qui peut être analysé de multiples manières. Au-delà des
variables classiques utilisées, il faut se poser la question de leur efficacité et de la manière de les améliorer.
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Mots-clés : incubation – performance - processus

Les points forts


• L ’évaluation de la performance des incubateurs est un exercice complexe,
dans la mesure où la réussite des jeunes entreprises hébergées dépend
aussi d’autres facteurs que la qualité de l’accompagnement.
• L es démarches externes –par les résultats économiques des entreprises
hébergées- se combinent avec les analyses internes – qualité des processus
de l’incubateur-.
• O
 n aura beau multiplier les critères et sophistiquer le processus d’évaluation,
suibsistera toujours une réalité non mesurable : la dimension
de l’ apprentissage. On peut échouer à créer son entreprise,
même dans un incubateur, et avoir appris à entreprendre.

Entreprendre & Innover / Juin 2011 / 89


Points et contre-points sur la création d’entreprise, vol.3 (9 et 10), 2011 
Dossier : Peut-on améliorer les indicateurs de performance des incubateurs ?

D epuis 30 ans, la mondialisation de


l’économie a conduit à une plus grande
circulation des capitaux et a orienté les
Si la question de l’évaluation des incuba-
teurs est acquise, il reste à définir des cri-
tères de performances pertinents. L’aspect
grandes entreprises dans des logiques de polymorphique des incubateurs (caractéris-
restructuration et de délocalisation impor- tiques régionales, publiques, spécialisés ou
tantes. Pour faire face à ces nouveaux non….) complique la définition et la mesure
comportements qui fragilisent les écono- d’indicateurs de performance. Jusqu’à
mies nationales, les Etats ont investi d’une présent, les travaux de recherches menés
part dans une démarche de sensibilisation n’amènent qu’une réponse partielle.
à l’entrepreneuriat et d’autre part dans la Ce texte présente une analyse critique de
mise en place de structures d’accompa- ces mesures et discutera de la manière
gnement à la création d’entreprise. de les améliorer en plaçant sa réflexion
L’un des dispositifs le plus communément au niveau des déterminants du processus
utilisé est l’incubateur. Il contribue à la d’incubation.
création et au développement de nouvel-
les entreprises innovantes, généralement Une difficulté liée au choix
à fort potentiel de création de valeur, grâce
des instruments de mesure
à un ensemble de dispositifs d’accompa-
gnement. L’ensemble des travaux menés Mesurer la performance d’un incubateur
sur les incubateurs ont montré qu’ils est complexe. Cette problématique peut
recouvraient une réalité multiple. Ainsi, être abordée sous deux angles :
plusieurs types d’incubateurs existent et  D’un point de vue externe : qu’ap-
leur classification se fait selon, d’une part, porte l’incubateur au tissu économique et
les sponsors principaux (privés ou publics) social ? C’est l’une des premières appro-
et selon, d’autre part, les objectifs assi- ches utilisées dans la littérature, car elle
gnés par ces derniers (développement éco- permet de légitimer les différents fonds
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nomique, innovation). investis dans ce type de structure.
L’analyse du fonctionnement des incuba-  D’un point de vue interne : comment
teurs a fait l’objet d’importantes recher- fonctionne l’incubateur ? Les services
ches mettant en avant les spécificités et apportés sont-ils efficaces et répondent-ils
les apports de ce type de structure dans aux attentes des hébergés ? Pour répon-
la dynamique entrepreneuriale des pays. dre à ces questions, différents indicateurs
Certaines questions font aujourd’hui l’ob- ont été utilisés dans des modèles plus ou
jet de réflexions approfondies dont celle moins complexes2. Nous distinguerons
de la performance . deux types d’indicateurs : objectifs et sub-
La performance s’inscrit comme un déter- jectifs (cf. tableau 1).
minisme commun à l’ensemble des dis-
Young, « Evaluation à mi-parcours des incubateurs d’entre-
positifs d’accompagnement à la création prises innovantes liés à la recherche publique », Rapport
d’entreprise : labels spécifiques pour les de synthèse final, 2003. MESR, « Les incubateurs d’entre-
accompagnants à la création d’entreprise, prises liés à la recherche publique : état de la situation et
bilan au 31 décembre 2006 », coordonné par le Ministère
processus d’évaluation de ces derniers1 … de l’Enseignement supérieur et de la recherche, 2007.
2 S.A. Mian, « Assessing and Managing the University
1 Voir les références suivantes : Commission Européenne, Technology Business Incubator: an Integrative Fra-
« Final Report: Benchmarking of Business Incubators », mework », Journal of Business Venturing, Vol.12, 1997,
Centre for Strategy and evaluation Services, 2002. Ernst et pp.251-285.

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Benjamin Vedel et Eric Stephany

Tableau 1. Les indicateurs de la performance

Variables objectives Variables subjectives


Variables économiques
Analyse externe (emplois créés, taux survie, Indicateurs sociaux
subventions obtenues etc.)
Variables d’activité
Analyse interne (taux d’occupation, taux d’entrée, Variables de satisfaction
taux de sortie etc.)

L’utilisation des mesures objectives fait l’observation d’un dysfonctionnement et


appel à plusieurs types de critères : des permettre de le résoudre.
variables économiques et d’activité.
Des mesures subjectives peuvent être uti-
Les premières s’attachent au nombre d’en- lisées, telles que des indicateurs sociaux
treprises et d’emplois créés, au taux de sur- (ex : évolutions des mentalités vis à vis de
vie des projets, aux subventions obtenues la création d’entreprise) ou de satisfaction.
et aux taxes récupérées. Elles permettent Ces variables subjectives ne permettent
d’analyser l’influence de l’incubateur sur pas d’analyser seules les incubateurs mais
le moyen-long terme et intéressent prin- complètent les observations objectives (en
cipalement les financeurs des structures donnant une idée de l’utilité perçue de la
d’incubation. Il est recommandé de croi- structure par rapport à ces services).
ser ces variables avec les coûts engagés
Pourtant, malgré la multiplication des
pour obtenir une approche du rendement
variables, des limites théoriques et métho-
de l’incubateur. Toutefois, la notion de
dologiques peuvent être identifiées.
coût engagé peut poser problème lors
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de sa conceptualisation 3. De même, des Premièrement, d’un point de vue théori-
coûts cachés peuvent exister (coût d’op- que, il faut s’interroger sur la notion de
portunités 4). On peut croiser ces résultats réussite et de performance d’un incuba-
avec les objectifs de la structure d’incuba- teur. A partir de quel moment le processus
tion pour se donner une idée de son effica- d’incubation peut-il être considéré comme
cité (Est-ce que les résultats atteignent les une réussite ? Si l’on fait référence au cycle
objectifs escomptés ?). de vie de l’entreprise : est-ce lors de la créa-
tion de l’entreprise, lors de la sortie de l’in-
Les mesures d’activité font références aux
cubateur, lors des premières ventes ?
taux d’occupation, d’entrée et de sortie de
l’incubateur. Ces dernières sont liées aux De la même manière, comment appré-
stratégies de l’incubateur et à sa politique hender un échec ? Est-ce la sortie de l’in-
de sélection. Croisées avec des données cubateur sans la création de l’entreprise,
économiques, elles peuvent aider dans un investissement disproportionné par
rapport à la rentabilité du projet5 ? Il faut
3 Dans sa forme la plus simple, ce sont les subventions
obtenues (dans le cadre des incubateurs publics) qui
sont utilisées. 5 S.M. Hackett et D.M. Dilts, « A Real Options-driven
4 Coûts liés à la sélection d’un projet plutôt qu’un autre et Theory of Business Incubation », Journal of Technology
à la perte potentielle de valeur liée à ce choix. Transfer, Vol.29, 2004, p.41-54.

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Dossier : Peut-on améliorer les indicateurs de performance des incubateurs ?

aussi souligner la vertu d’apprentissage des structures qui permettent à l’entreprise


de l’échec, jamais prise en compte par la de maintenir sa durée de vie. L’utilisation
recherche perpétuelle de résultat. de cette mesure peut poser un problème
d’ordre théorique et peut dépendre des
Deuxièmement, il faut aussi être attentifs
stratégies de sélection employées initiale-
aux biais méthodologiques des évaluations
ment par les structures. La seule manière
et autres enquêtes de performance. Ainsi,
de pouvoir l’utiliser, selon eux, est de le
elles subissent des effets d’auto-sélection,
faire dans un esprit comparatif entre diffé-
les entreprises qui ont le plus de chance
rentes structures.
de réussir répondent plus facilement à
ces enquêtes6. La difficulté d’obtention de Concernant la création d’emplois, il faut
données homogènes en quantités suffi- aussi se rendre compte que toutes les entre-
santes empêchent aussi de faire des com- prises ne sont pas équivalentes. Certaines
paraisons. nécessitent plus de ressources et créeront
plus de valeur que d’autres.
Il existe des limites liées aux variables
et mesures utilisées dans les études. Par Un ultime éclairage concerne l’utilisation
exemple, il est difficile de savoir si les du chiffre d’affaires de l’entreprise. En effet,
emplois créés ou le taux de survie des l’inexistence de ventes, lors des premières
entreprises sont liés directement à l’action étapes de la création, rend difficile la com-
de l’incubateur. paraison entre les entreprises hébergées.
Par extension, certains critères peuvent
être difficiles à quantifier 7. Comment
Les précautions d’analyse face
savoir si l’argent investi a été correctement
à des mesures imparfaites
utilisé ? Le problème de l’évaluation pro- Pour compenser ces limites, la tendance
vient alors de nombreux articles « promo- est à l’augmentation du nombre de critè-
tionnels », ne permettant pas de connaître res et au recoupement des sources d’infor-
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la valeur apportée par ces structures. mation. Les recherches les plus récentes
D’autres facteurs, tels que l’influence du préconisent l’utilisation d’études compara-
marché ou les compétences du dirigeant tives ou « benchmark » pour multiplier les
peuvent aussi expliquer la réussite d’un angles d’analyse et pour établir un consen-
projet. La survie peut être attribuée aux sus sur le type de variables à utiliser. Il est
caractéristiques de l’entreprise plus qu’à conseillé de mettre en place une évalua-
celle de l’incubateur. tion constante, basée sur des critères uni-
formes9 et d’engager différentes méthodes
Sur ce dernier point, Phan, Siegel et Wri-
d’analyse pour recouper les résultats10.
ght8 soulignent que les incubateurs sont
Research », Journal of Business Venturing, vol.20, n°2,
6 J.J. Chrisman et W.E. McMullan, « Outsider Assistance as 2005, pp.165-182.
a Knowledge Resource for New Venture Survival », Jour- 9 H. Sherman et D.S. Chappell, « Methodological Chal-
nal of Small Business Management, Vol.4, n°3, 2004, lenges in Evaluating Business Incubator Outcomes »,
pp. 229-244. Economic Development Quarterly, vol.12, n°4, 1998,
7 A. Nolan, « Public Policy on Business Incubators: an pp.313-321.
OECD Perspective », International Journal of Entrepre- 10 Voir par exemple: E. McMullan, J. Chrisman et K. Ves-
neurship and Innovation Management, vol.3, n°1-2, per, « Some Problems in Using Subjective Measure of
2003, pp.22-30. Effectiveness to Evaluate Entrepreneurial Assistance
8 P.H. Phan, D.S. Siegel et M. Wright, « Science Parks Programs », Entrepreneurship Theory and Practice,
and Incubators: Observations, Synthesis and Future Fall, 2001, pp.37-54.

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Benjamin Vedel et Eric Stephany

Il est aussi recommandé d’éviter de qualité de ses résultats avec un groupe


confondre le succès de l’incubation et le similaire d’entreprises (hors incubation)
succès de l’entreprise hébergée : le pro- et voir, si les entreprises qu’il héberge, se
cessus d’incubation peut avoir parfaite- développent plus (ou moins) rapidement
ment fonctionné sans que l’entreprise ne que des entreprises qui n’ont pas obtenu
réussisse à s’implanter durablement (ex : l’aide de l’incubateur. L’une des principa-
concurrence trop élevée). De même, les les difficultés de cette méthode dite du
résultats obtenus ont peu de signification « groupe de contrôle » est qu’il faut être
s’ils sont liés à la réussite d’entreprise capable de trouver un groupe similaire
marginale pour l’incubateur. d’entreprises. Cette méthode présente
aussi l’inconvénient de comparer des
Toutefois, le « benchmarking » n’est pas
entreprises qui ne sont pas dans des envi-
à toutes épreuves et peut aboutir à une
ronnements concurrentiels équivalents
évaluation descriptive, ne permettant pas
(les entreprises hébergées sont d’une cer-
d’aller plus loin que le simple énoncé des
taine manière protégées de l’extérieur).
données obtenues.
Au niveau français, ces préconisations ont Vers de nouveaux indicateurs
été plus ou moins intégrées. La norme Comment améliorer l’évaluation des
Afnor (NFX50-770) sur les pépinières agit incubateurs ? Visiblement, la littérature
comme cadre à cette évaluation annuelle. mobilisée n’apporte pas de réponse claire
Elle porte sur, d’une part, les missions de à la question posée. Dans cette dernière
la structure et, d’autre part, la mise en partie, il importe de proposer de nouvel-
place des « bonnes pratiques ». Pourtant, les perspectives de mesures. La première
quelques critiques peuvent être émises. passe par une meilleure compréhension
Ce document apparaît comme généraliste du fonctionnement du processus d’in-
et assez peu adapté à toute évolution de
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cubation et des incubateurs. La seconde
l’accompagnement. Par exemple, il n’ap- intègre l’apprentissage comme variable
préhende pas la formation des chargés centrale de performance.
d’affaires, ni ne fournit de norme par rap-
port aux différents documents à formali- Ű Ű La compréhension du processus
ser pendant le processus d’incubation ; de d’incubation comme facteur
plus, aucune indication n’est présente sur de performance
les caractéristiques du porteur de projet.
Face à ces lacunes, la question de l’éva- Le processus d’incubation est la résultante
luation est posée. La norme ne met pas en de trois mécanismes importants : la sélec-
place de moyens de contrôle spécifique, tion de projets prometteurs, un apport de
posant un problème de lisibilité et de légi- ressources et compétences et l’accès à un
timité de l’évaluation effectuée. réseau11.

Outre l’augmentation du nombre d’indi- Les pratiques de sélection


cateurs, l’intérêt d’un bon système d’éva-
Dans quelles mesures, la réussite des
luation est de permettre des comparaisons
structures d’accompagnement est-elle
entre les différentes structures. Quand il
n’existe pas de structures comparables, 11 A. Bergek et C. Norrman, « Incubator Best Practice: A
l’incubateur peut chercher à vérifier la Framework », Technovation, vol. 28, 2008, pp. 20–28.

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Dossier : Peut-on améliorer les indicateurs de performance des incubateurs ?

imputable aux apports et non à la sélec- grâce à la proximité avec une univer-
tion de l’incubateur ? sité ou un laboratoire (comme l’accès
à du matériel technologique permet-
Bien que la sélection de projet puisse aider
tant le développement du projet).
dans l’établissement d’une meilleure per-
formance, ce n’est pas un processus sim-  Les ressources intangibles peuvent être
ple. Elle peut faire intervenir différents divisées en connaissances basiques et
acteurs, partenaires ou sponsors de l’in- avancées. Les connaissances basiques
cubateur (investisseurs privés, autorités correspondent aux différentes forma-
locales) et s’étaler sur plusieurs étapes tions et apprentissages donnés pen-
itératives proches de celles observées dans dant l’accompagnement (par exemple,
les opérations de financement par capital- des cours de marketing, de finance ou
risque. de stratégie). Les connaissances avan-
cées s’obtiennent durant des séances
Dans la pratique, il apparaît que les critè-
de coaching ou de conseils et doivent
res de sélection sont plus souples lorsque
permettre de répondre de manière plus
le taux d’occupation n’est pas assez élevé.
spécifiques aux besoins des entreprises
De même, les incubateurs recherchent
hébergées.
une rente régulière pour financer la struc-
ture ou peuvent choisir de faire confiance Plusieurs études montrent que le niveau
au marché pour sélectionner les entrepri- d’aide a une influence positive sur le résul-
ses les plus méritantes après leur sortie tat de processus d’incubation13. Mais, au
de l’incubateur. Des études montrent que delà de la simple présence de ces ressour-
des stratégies utilisant plusieurs critères ces, il apparaît que c’est leur adéquation
de sélection ou orientées sur une sélec- vis-à-vis des besoins des hébergées qui
tion plus flexible de projets permettent importe14. Ce questionnement et son opé-
d’obtenir de meilleurs résultats12. rationnalisation en terme de variables ne
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sont, pour l’instant, pas intégrés dans les
Les services fournis aux entreprises différentes études sur le sujet15 (Commis-
hébergées sion Européenne, 2002 ; MESR, 2007).
Durant le processus d’incubation, l’en-
treprise hébergée reçoit plusieurs types
d’aides et de services. Ces derniers peu- 13 Voir par exemple : L.Peters, M. Rice et M. Sundarajan,
vent être divisés en ressources physiques « The Role of Incubators in the Entrepreneurial Pro-
cess », Journal of Technology Transfer, vol.29, 2004,
(tangibles) et en savoirs et connaissances pp.83-91. Ces derniers montrent que de meilleurs ré-
(intangibles). sultats (croissance de l’incubateur) sont associés avec
des incubateurs qui fournissent des services avancées
 Les ressources tangibles se réfèrent (coaching et conseils).
aux ressources administratives clas- 14 G. Lichtenstein et T. Lyons, « The Entrepreneurial De-
velopment System: Transforming Business Talent and
siques (location, équipement, Inter- Community Economies », Economic Development Quar-
net, téléphone et imprimantes) et aux terly, vol.15, n°1, 2001, pp.3-20.
ressources plus techniques obtenues 15 D
 es développements intéressants peuvent être obser-
vés dans : R. Paturel, « Comment peut-on juger les
performances d’un incubateur et d’une équipe entre-
12 K. Aerts, P. Matthyssens et K. Vandenbempt, « Critical preneuriale ? » dans Le Grand Livre de l’Economie PME,
Role and Screening Practices of European Business In- Sous la direction de Gilles Lecointre, Gualino, 2009,
cubators », Technovation, vol. 27, 2007, pp.254–267. pp. 559- 588.

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Benjamin Vedel et Eric Stephany

Les réseaux
prentissage. Cette notion a souvent été
La position centrale des incubateurs au sein partiellement occulté par la littérature sur
des systèmes d’appui à la création d’en- l’incubation car elle intègre différentes
treprises, confère à ces derniers plusieurs dimensions qui rend difficile son opéra-
rôles relationnels. Ces derniers peuvent tionnalisation. Ainsi, l’apprentissage peut
être internes ou externes à la structure. être analysé au niveau de l’individu ou de
l’organisation. On distingue deux lectures
D’un point de vue externe, l’incubateur
possibles : de manière simple, l’apprentis-
joue un rôle de médiateur entre les dif-
sage est fondé sur la répétition et l’imita-
férentes parties prenantes de la création
tion. Il permet la réplication de certains
comme les organismes d’aides (OSEO), les
procédés, tout en ne remettant pas en
investisseurs (capitaux-risqueurs, Business
cause le fonctionnement de l’entreprise
Angels) et les porteurs de projet. En tant
qui le met en place. Enfin, de manière plus
que transmetteur d’informations, il per-
complexe, il favorise la créativité et l’inno-
met à ces différents acteurs de découvrir
vation au sein des entreprises. Le rôle de
de nouveaux projets plus facilement 16.
l’incubateur se situe à ce niveau là et ne
D’un point de vue interne, il joue le rôle de devrait pas être écarté du processus d’éva-
soutien moral et d’apporteur de nouvelles luation. Il permet le développement de
ressources pour les entreprises hébergées. routines nécessaires à la survie de l’entre-
Les recherches les plus récentes montrent prise et aide cette dernière sur la voie du
que les interactions du porteur de projet succès. Claret, Charreire-Petit et Ben Mah-
avec son chargé d’affaires permettent moud Jouini18 montrent que les services
d’accéder plus facilement aux différents avancés tels que le coaching permettent
conseils, connaissances et compétences d’améliorer les compétences stratégiques
internes de la structure et évitent le désen- des créateurs tandis que les formations
gagement et l’isolement des créateurs de obtenues durant l’incubation soutiennent
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projet17. les capacités opérationnelles de l’acteur.

Ű Ű Prendre en compte l’apprentissage Conclusion


pendant le processus d’accompagne- L’analyse de la performance des incu-
ment bateurs a fait l’objet de nombreux déve-
Les incubateurs ne sont pas seulement loppements théoriques et pratiques. La
des instruments de création de valeur multiplication des outils d’analyse et ins-
(monétaire), ce sont aussi des lieux d’ap- truments de mesure pose la question de la
pertinence de ces mesures.

16 D. Chabaud, S. Ehlinger et V. Perret, « Les incubateurs Plusieurs courants peuvent être obser-
d’entreprise innovantes: un réseau entrepreneurial vés. Le premier souligne que les parties
reconfiguré ? », XIIème Conférence de l’Association
Internationale de Management Stratégique, 2003, dis-
prenantes de l’incubateur orientent les
ponible sur www.stratégie-aims.com.
17 Voir les références : J.L. Scillitoe et A.K. Chakrabarti,
« The Role of Incubator Interactions in Assisting New 18 N. Claret, S. Charreire-Petit et S. Ben Mahmoud Jouini,
Ventures », Technovation, vol.30, 2010, pp. 155-167. « L’évaluation : un élément clef du dispositif d’accom-
S. Sammut et K. Messeghem, « Surmonter le paradoxe pagnement des projets incubés ? », 4ème congrès de
de l’isolement », Expansion Entrepreneuriat, mai, n°2, l’Académie de l’Entrepreneuriat, 2005, disponible sur
2009, pp.13-21 www.entrepreneuriat.com.

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Dossier : Peut-on améliorer les indicateurs de performance des incubateurs ?

objectifs de celui-ci et doivent donc orien- >B


 enjamin Vedel est Professeur-Assistant au
ter les résultats attendus et les indices de Groupe Sup de Co Montpellier Business School.
performance19. Le deuxième prône une Ses thèmes de recherche concernent l’Entrepre-
uniformité des variables de performance neuriat et la Finance Entrepreneuriale. Il travaille
en particulier sur l’accompagnement des nou-
au regard du partage des missions20.
velles entreprises et Start-up.
Dans ce travail, nous avons présenté quatre b.vedel@supco-montpellier.fr
déterminants souvent utilisés dans la litté-
rature. Ceux-ci peuvent être intégrés dans le > Eric Stephany est Maître de Conférences à l’IAE
processus d’évaluation. La cohérence avec de l’Université Montpellier 2. Il dirige le master
laquelle ces variables sont agencées donne Création des Jeunes Entreprises Innovantes.
une idée de la qualité du processus d’incu- eric.stephany@univ-montp2.fr
bation observé.
Dernièrement, Messeghem, Naro et Sam-
mut21 proposent d’analyser les incuba-
teurs de manière multidimensionnelle aux
travers de tableaux de bord prospectifs22.
Ils ajoutent aux classiques dimensions
économiques et de satisfaction, des indi-
cateurs liés au processus d’accompagne-
ment et à l’apprentissage. Il nous semble
que c’est dans ces directions que les pro-
chaines recherches doivent évoluer.
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19 D. Allen et R. McCluskey, « Structure, Policy, Services,


and Performance in the Business Incubator Industry »,
Entrepreneurship Theory and Practice, 1990, pp.61-77.
20 T. Ratinho et E. Henriques, « The Role of Science Parks
and Business Incubator in Converging Countries: Evi-
dence from Portugal », Technovation, n°30, 2010,
pp.278-290.
21 K. Messeghem, G. Naro et S. Sammut, « Construction
d’un outil stratégique d’évaluation de l’accompagne-
ment à la création d’entreprise : Apport du tableau de
bord prospectif », Gestion 2000, Vol.2, 2010, pp.95-112.
22 R. Kaplan et D. Norton (1998), « Le tableau de bord
prospectif ». Editions d’Organisation, Paris.

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