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MODES DE VIE, CHOIX DE L'EMPLACEMENT DE L'HABITATION ET

DÉPLACEMENTS QUOTIDIENS
L'approche fondée sur le mode de vie dans un contexte de déplacements quotidiens
et de planification

Joachim Scheiner, Birgit Kasper

Érès | « Revue internationale des sciences sociales »

2003/2 n° 176 | pages 355 à 369


ISSN 0304-3037
ISBN 9782749201405
DOI 10.3917/riss.176.0355
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-
sociales-2003-2-page-355.htm
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Modes de vie, choix de l’emplacement


de l’habitation et déplacements quotidiens
L’approche fondée sur le mode de vie
dans un contexte de déplacements quotidiens
et de planification

Joachim Scheiner et Birgit Kasper

Introduction projet associe des spécialistes des transports, des


urbanistes, des géographes et des psychologues
De nos jours, la planification et la recherche en des institutions suivantes : RWTH (Aix-la-Cha-
matière d’espace se heurtent à des situations pelle), Institut für Stadtbauwesen und Stadtver-
complexes qui ont beaucoup évolué en quelques kehr (coordination) ; Université libre de Berlin,
décennies. Deux phénomènes doivent être pris en Institut für Geographische Wissenschaften,
compte à cet égard : Abteilung Stadtforschung ; Ruhr-Uni-Bochum,
– une différenciation socioculturelle accrue – Arbeitseinheit Kognitions- und Umweltpsycho-
voire, une fragmentation – de la société (indi- logie, Université de Dortmund, Fachgebiet Ver-
vidualisation, différenciation et pluralisation kehrswesen und Verkehrsplanung ; Wohnbund
des modes de vie) ; Frankfurt Entwicklungsge-
– un développement dyna- Joachim Scheiner est chargé de sellschaft mbH. Ce projet
mique des structures recherche à l’Université de Dortmund. bénéficie du soutien du
spatiales et des régimes Ses travaux portent essentiellement sur Ministère fédéral allemand
d’utilisation du temps, les modalités du déplacement et le de l’éducation et de la
avec notamment des choix des lieux dans le contexte de recherche dans le cadre du
structures sociales et du développement
formes de plus en plus spatial. La dernière en date de ses programme sur le bâtiment
complexes de déplace- publications est Die Angst des Geogra- et le logement.
ments à différents phie vor dem Raum (2002).
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niveaux (par exemple, le Email : scheiner@rp.uni-dortmund.de
Birgit Kasper est chargée de recherche Principes de base
choix de l’emplacement à l’Université de Dortmund. Elle s’inté-
de l’habitation et les resse essentiellement au logement et à Modes de vie
modalités du déplace- la mobilité spatiale, ainsi qu’aux straté-
ment en tant que formes gies intégrées de développement et de En sociologie allemande, la
fondamentales du dépla- transports urbains en Amérique du recherche sur les modes de
Nord. La dernière en date de ses publi-
cement dans l’espace). cations est Upgrading Policy and vie s’est considérablement
La présente étude s’at- Empowerment in a Deprived Area in développée depuis la fin des
tache essentiellement à Chicago. Ein Erfahrungsbericht années 1980. Il y a eu au
reprendre ces deux phéno- (2002). départ les thèses de Beck sur
mènes dans le contexte Email : kasper@rp.uni-dortmund.de le renforcement de l’indivi-
d’une recherche. Dans les dualisation, selon lesquelles
recherches sur le déplacement et l’espace, cela les structures traditionnelles d’inégalité sociale
suppose que l’on considère autrement les struc- perdraient de leur pertinence puisque l’inégalité
tures sociales et spatiales. En même temps, on est verticale « ancienne » ferait place à de nouvelles
amené à tirer des conclusions nouvelles pour les inégalités horizontales « au-delà des classes et
stratégies actuelles de planification en ce qui couches sociales » (Beck, 1986, p. 121). La struc-
concerne le développement des quartiers urbains. ture manifeste des couches sociales se déferait en
La présente étude s’appuie sur le projet de une mosaïque de morceaux qui resteraient dyna-
recherche interdisciplinaire « StadtLeben ». Ce miquement rattachés les uns et les autres par la

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mobilité sociale. « Le bref rêve d’une prospérité sion des parents (Schimpl-Neimanns, 2000). On
sans fin » (Lutz, 1984) que la richesse écono- semble revenir par là à une conception structura-
mique a rendu possible dans les décennies liste des modes de vie (Bourdieu, 1979).
d’après-guerre a aidé à se libérer de façon inat-
tendue des structures traditionnelles, notamment Mobilité
avec la disparition des existences linéaires et pré-
visibles, l’amélioration des possibilités d’éduca- L’idée fondamentale, c’est qu’à des groupes de
tion offertes à toutes les couches de la population, modes de vie correspondent des formes spéci-
le prolongement de l’adolescence, l’évolution des fiques de mobilité. Mais la mobilité est un terme à
relations entre les sexes (y compris la place crois- deux sens. D’une part, elle désigne la mobilité
sante des femmes sur le marché du travail), la sociale et spatiale ; d’autre part, elle désigne une
réduction de la taille des ménages, la diversifica- mobilité à court terme (voyages) et à long terme
tion et la flexibilisation de l’emploi et la dispari- (changement de logement, choix du lieu d’habita-
tion des régimes traditionnels d’utilisation du tion). De surcroît elle sert à désigner un mouve-
temps. En ce qui concerne la mobilité, la motori- ment réel (déménagement, modalité de déplace-
sation des années 1960 et 1970 s’est développée ment, ascension ou déclin social) en même temps
à des rythmes qui n’ont pas cessé de déjouer que des potentialités et des possibilités. Ces der-
toutes les prévisions (Scheiner, 2002). nières façonnent le déplacement mais sont elles-
Tout récemment, la dérégulation du travail mêmes tributaires aussi de l’accessibilité des desti-
en relation avec la mondialisation de l’économie nations comme « offre » (Topp, 1994). Enfin, la
et les effets dans l’espace de la baisse des régimes mobilité dans l’espace est souvent utilisée comme
d’utilisation fixe du temps ont atteint des dimen- synonyme de déplacements physiques, mais elle
sions nouvelles (Wolf et Scholz, 1999). comprend aussi le recours aux médias (« mobilité
Pour les spécialistes des modes de vie, ces virtuelle »), que ce soit par l’utilisation individua-
évolutions structurelles constituent plus un lisée (Internet, courrier électronique, CD-ROM inter-
arrière-plan que l’objet même de l’étude. La actif, télécopie, BTX, téléphone) ou des médias
recherche sur les modes de vie s’intéresse essen- classiques (télévision, radio, presse écrite). Ces
tiellement à la façon dont les individus conçoi- différenciations sont très pertinentes pour analyser
vent leur existence. Le mode de vie est défini les modes de vie et la mobilité.
comme « habitudes régulières de comportement, L’idée que les modes de vie se détachent
qui reflètent des situations structurelles en même (partiellement) des cadres socio-structurels
temps qu’un comportement habituel et des affini- implique que les possibilités d’utilisation de l’es-
tés sociales » (Lüdtke, 1996, p. 140). Le temps pace deviennent plus nombreuses. L’analogie
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consacré au loisir constitue un champ vaste et semble fonctionner au niveau spatial : avec le
riche pour les recherches sur la stylisation de soi. relâchement des conditions structurelles, l’ori-
Au niveau théorique, il importe de distinguer les gine spatiale ne constitue plus guère un obstacle
conceptions « volontaristes » des conceptions pour façonner sa vie. De surcroît, l’affiliation à
« structuralistes ». En sociologie allemande, les un quartier peut diminuer (motorisation et utilisa-
conceptions volontaristes du mode de vie tendent tion accrue de véhicules, mobilité virtuelle…).
à couper celui-ci de la stratification sociale Deuxièmement, l’individualisation et la plu-
(Schulze, 1992 ; Lüdtke, 1995). On ne saurait ralisation des modes de vie entraînent une modi-
pourtant négliger qu’il y a interdépendance entre fication de la dynamique de la mobilité sociale et
mode de vie et position sociale. Des travaux spatiale. Par exemple, les considérations de
empiriques montrent que les variables classiques mobilité se trouveront modifiées après un chan-
propres à la couche sociale (revenu, situation pro- gement d’emploi. Lorsqu’il s’agit de choisir entre
fessionnelle) sont devenues moins importantes faire chaque jour des déplacements accrus ou se
que l’âge et l’éducation – et, en partie, que le sexe rapprocher de son lieu de travail après avoir
(Schulze, 1992 ; Spellerberg, 1996 ; Schneider et changé d’emploi, le choix est de plus en plus en
Spellerberg, 1999 ; Klee, 2001, p. 131 et suiv.). Il faveur des déplacements quotidiens, que facilite
en ressort que persiste le lien entre, d’une part, les le fait de disposer d’un véhicule et qu’encourage
conceptions en matière d’éducation et les pers- le fait d’être propriétaire de son logement ; d’où
pectives de promotion vers l’élite économique et, un renforcement du lien avec le lieu du logement
d’autre part, le niveau d’éducation et la profes- (Kalter, 1994). Quoi qu’il en soit, les formes
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Vision urbaine de Fritz Lang dans son film de 1926, Metropolis. AKG

modernes d’évolution professionnelle (foyers Liens


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avec deux revenus) et les changements fréquents
d’emploi restreignent de toute façon les possibili- Modes de vie et
tés de s’installer « à proximité ». déplacements quotidiens
Troisièmement, la « médiatisation » de plus en
plus marquée de la société et le remplacement par- Dans les années 1990, les travaux de recherche
tiel de l’interaction directe par la communication sur la mobilité ont commencé à traduire les
virtuelle multiplient les possibilités spatiales. En « modes de vie » en « modes de déplacement ».
conséquence, les relations physiques se modifient On a vu apparaître une conception nouvelle de la
(Scheiner, 2001). Jusque-là, on ne voit pas très bien demande de déplacement qui établissait un lien
comment les choses vont continuer à évoluer. En entre les modes de vie et la mobilité quotidienne
particulier, dans le contexte du télétravail, diffé- dans le cadre d’un système sectoriel (Götz, Jahn
rentes conceptions sont à l’étude. La question et Schultz, 1997 ; Scheiner, 1997 ; Wulfhorst,
essentielle est de savoir si la mobilité physique sera Beckmann, Hunecke et Heinze, 2000). Jusqu’à
remplacée par la télécommunication ou si les deux présent, cette conception s’intéresse surtout au
formes se renforceront mutuellement (Vogt, 2000). choix des modes (Götz, Jahn et Schultz, 1997).
En conclusion, les processus de mobilité Scheiner (1997) classe les populations de
sont interdépendants à différents niveaux (loge- différentes zones de Stuttgart (Allemagne) en
ment et déplacements quotidiens, mobilité phy- fonction de l’orientation de l’espace d’activité. Il
sique et virtuelle) et se situent dans un contexte distingue les groupes concentrés sur quelques
social et économique. destinations et les groupes aux orientations dis-
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persées. Il trouve des différences importantes cafés, installations sportives ou autres lieux de
entre les distances et le choix des modes, qui per- rencontre (Schulze, 1992, p. 459 et suiv.). Cepen-
met de déterminer des styles de mobilité. dant les modes de vie domestiques et « non spa-
Le concept de style de mobilité a été appli- tiaux » (par exemple liés à l’utilisation des
qué dans des études récentes. Le but est en partie médias ou à la navigation sur le Net) supposent
de donner une description approfondie de formes eux aussi un « positionnement » dans l’espace.
typiques de modalité de déplacement (Lanzen- Celui-ci peut « simplement » indiquer que l’on se
dorf, 2001) ; par ailleurs, l’accent est mis sur des concentre sur la sphère privée ou sur des contacts
modèles théoriques qui permettent d’expliquer planétaires, où les individus « ne se contentent
les modalités de déplacement (Hunecke, 1999). pas de se dissoudre dans l’Internet pour vivre
Cependant, un certain nombre de questions dans le cyberespace » du fait de leur existence
essentielles restent sans réponse, et l’on ne voit matérielle (Rhode-Jüchtern, 1998, p. 7).
pas encore bien dans quelle mesure les modes de En ce qui concerne l’infrastructure interne
vie peuvent être pertinents dans les recherches du foyer, du quartier et du lieu d’habitation, ces
sur la mobilité. Aboutissent-ils à des explications conceptions différenciées de la vie quotidienne
qui confirment les résultats de la socio-démogra- présentent une difficulté (Klee, 2001, p. 162 et
phie classique ? En général, les typologies du suiv.). En effet, si certains ont besoin de centres
mode de vie sont considérées comme des commerciaux, d’installations sportives ou d’un
variables indépendantes et on y voit donc des centre de loisirs à proximité de chez eux, d’autres
styles qui apparaissent de façon autonome. La privilégient l’accès à l’Internet et les services de
question se pose de savoir comment ils sont livraison. Récemment, ces phénomènes ont été
structurellement influencés par les ressources ou examinés en relation avec les modes de vie et le
restrictions qui ne sont pas spécifiques aux modes choix du lieu de résidence.
de vie. On ne voit pas bien non plus ce qui se Chez les sociologues, ce débat est apparu à
trouve « derrière » les modes de vie. La question la suite de recherches sur la ségrégation. La plu-
repose sur la relation forte qui existe entre modes ralisation des modes de vie est associée aux
de vie et problèmes socio-démographiques (par jeunes élites urbaines (jeunes cadres, couples
exemple l’âge), ainsi que sur des considérations salariés sans enfants) dont le mode de vie est éco-
théoriques relatives au degré de dépendance des nomiquement et culturellement dominant, qui se
modes de vie par rapport aux ressources. répandent symboliquement et fonctionnellement
Deuxièmement, les recherches sur la mobi- dans l’espace urbain et évincent d’autres groupes
lité restent focalisées sur le choix du mode de de population en s’emparant de nouveaux quar-
déplacement. Les autres dimensions sont négli- tiers (« embourgeoisement »). En revanche,
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gées, comme les distances parcourues, l’aspect d’autres groupes, comme les personnes âgées, ne
participatif, ou la structure temporelle des activi- sont pas pris en compte dans les recherches sur le
tés. Or, ces aspects restent importants du point de mode de vie (Spellerberg, 1996 et Klee, 2001).
vue de l’analyse comme pour les applications Dangschat (1996, p. 113) en conclut que l’idée de
s’agissant d’une planification durable des trans- déstructuration sociale et de pluralisation des
ports. Par exemple, il y a un lien entre les dis- modes de vie ne s’applique qu’à une partie de la
tances parcourues et la consommation de res- société – au « côté brillant qui caractérise les
sources et les émissions dues aux transports. Les vainqueurs de la modernisation » (127). Tous en
possibilités de participer à des activités sont très effet n’ont pas les moyens d’être libres par rap-
pertinentes pour les personnes âgées ou pour port aux contraintes structurelles (Friedrichs et
celles dont la mobilité est réduite (Kasper et Blasius, 2000).
Scheiner, 2002). Il faut distinguer l’emplacement de l’habita-
tion comme répartition spatiale de groupes
Modes de vie et choix de l’emplacement sociaux et la mobilité en matière de logement en
de l’habitation tant qu’indicateur de l’évolution des biographies.
L’unité de logement (type, taille, modèle) est la
Le mode de vie qui est le leur place les gens dans variable qui fait la relation entre les deux étant
un environnement spatial. La relation contex- donné que la répartition spatiale inégale des types
tuelle peut être directe, lorsque les activités sont de logement influe sur le choix de l’emplacement
tributaires de « scènes » telles que discothèques, du logement. Selon Schneider et Speller-
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berg (1999), les modes de vie diffèrent encore établies depuis longtemps et des nouveaux arri-
sensiblement selon que l’environnement est vants dans la banlieue de Berlin. Il en ressort que
urbain ou rural, même si des modes de vie « les nouveaux banlieusards » restent tournés, à
urbains ont été relevés dès les années 1960 dans moyen terme, vers le centre-ville, d’où des dis-
des environnements ruraux, parallèlement à tances parcourues quotidiennement assez éle-
l’évolution économique et structurelle (déclin du vées. Cela vaut pour les allers et retours domi-
secteur agricole), avec des phénomènes de déve- cile-travail comme pour les déplacements à des
loppement de banlieues et d’exurbanisation, de fins d’achats ou de loisirs. Selon Scheiner (2002),
motorisation généralisée et de développement des il y a des différences notables à Berlin entre les
médias. La différenciation spatiale est également options spatiales par rapport à l’origine spatiale.
« visible » à l’intérieur des villes (Klee, 2001 Si les habitants d’une même zone résidentielle de
pour Nuremberg ; Wulfhorst, Beckmann, Berlin Ouest ont surtout pour destinations des
Hunecke et Heinze, 2000 pour Cologne). Outre lieux situés dans la partie ouest de la ville, l’in-
les lieux d’implantation, l’importance de la mobi- verse vaut pour les habitants de Berlin Est. Plu-
lité en matière de logement diffère sensiblement sieurs auteurs font état de changements des
en fonction des modes de vie (Schneider et Spel- modalités du déplacement à la suite d’un démé-
lerberg, 1999, p. 219 et suiv.). nagement vers les banlieues – par exemple, d’une
Après avoir procédé à un examen critique augmentation des distances parcourues ou de
des recherches en matière de modes de vie en l’achat d’un second véhicule pour le ménage.
fonction de l’espace, nous en retiendrons deux D’autre part, le premier véhicule du ménage était
constatations. Premièrement, ces recherches por- déjà une condition indispensable du déménage-
tent en général sur les centres urbains à forte den- ment en banlieue, où presque tous les ménages
sité de population. On pense que l’on y trouvera sont motorisés (Herfert, 1997). De ce point de
une concentration de modes de vie extrêmement vue, il n’y a pas de lien de cause à effet évident
différenciés en raison de l’hétérogénéité socio- entre le choix de l’emplacement de l’habitation et
culturelle et de la polarisation économique (Bla- la modalité du déplacement. Ce que l’on constate
sius et Dangschat, 1994). Cette conception étroite en revanche, c’est qu’il faut s’attendre à d’impor-
contredit les thèses selon lesquelles les tantes influences mutuelles entre mobilité à court
recherches sur les modes de vie ont une validité terme et à long terme. On note que les ménages
universelle (Schulze, 1992). De surcroît, on sans véhicule ont davantage tendance à choisir
considère normalement que les modes de vie sont l’emplacement de leur habitation en fonction des
indépendants, sans chercher à savoir quelle est transports publics et de la présence de petites
leur valeur explicative relative par rapport aux infrastructures que les ménages dotés d’un véhi-
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structures sociales. cule, qui ont beaucoup plus de choix pour leur
lieu d’habitation.
Choix de l’emplacement de l’habitation Il n’y a pas que les déménagements : le
et déplacements quotidiens maintien du lieu d’habitation peut aussi avoir un
impact sur les modalités du déplacement en fonc-
Le choix de l’emplacement de l’habitation et les tion de l’évolution de l’espace d’activité. Kal-
déplacements quotidiens ne sont pas seulement ter (1994) étudie le contexte de la migration et
deux variables dépendantes qui servent à étudier des déplacements domicile-travail. Il en ressort
les modes de vie, mais des éléments liés entre un pourcentage accru de déplacements quotidiens
eux. Ce lien n’a pas encore été convenablement sur de longues distances (de 2,6 % en 1985 on est
analysé, même s’il a déjà été abordé dans les passé à 6,6 % en 1997 – Vogt et al., 2001, p. 560)
années 1970 dans des études d’urbanisme et une tendance à ne pas changer de lieu d’habi-
anglo-américaines (Chapin, 1974), et, de façon tation. Il en conclut que les allers et retours domi-
sporadique, en géographie sociale allemande cile-travail remplacent de plus en plus les démé-
(Troxler, 1986). Ce n’est que récemment que le nagements. Certaines personnes qui font ces
lien entre le choix de l’emplacement de l’habita- déplacements y voient « le signe avant-coureur »
tion et les déplacements quotidiens a été consi- d’un déménagement ou une solution à court
déré et mis en application en urbanisme appliqué. terme avant un changement d’emploi, mais pour
Geier, Holz-Rau et Krafft-Neuhäuser (2000) 46 % des personnes qui se déplacent chaque
comparent les options spatiales des populations jour sur de longues distances, l’association loge-
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360 Joachim Scheiner et Birgit Kasper

Figure 1. Structure du concept de recherche.

Conditions économiques, sociales, politiques et techniques au niveau macro

Structures spatio-temporelles
Choix du lieu
Mode de vie d’habitation

Structure sociale

Relation d’importance primordiale Déplacements


quotidiens

Autre relation

Conception : Scheiner. Voir aussi Hesse/Trostorff (2002).

Figure 2. Le contexte de l’action.

contexte
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Sujet :
Société Intentions
Action
par ex.
déplacement

Monde
physique

Conception : Scheiner.
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Modes de vie, choix de l’emplacement de l’habitation et déplacements quotidiens 361

ment-emploi est stable depuis au moins dix ans Si les modes de vie dépendent en partie des
(Kalter, 1994, p. 465). situations sociales, ils ne conviennent pas comme
modèles exclusifs d’explication dans les travaux
Intégration de recherche sur la mobilité. Dans ces travaux, la
valeur du concept de mode de vie réside essen-
La figure 1 s’efforce d’intégrer en un concept de tiellement dans la différenciation des structures
recherche les interdépendances examinées ci-des- sociales par la prise en compte des modèles sub-
sus. L’accent est mis sur le choix du lieu d’habi- jectifs d’explication, des buts d’activité, de
tation et les déplacements quotidiens ainsi que l’orientation des valeurs, des préférences et affi-
sur leur contexte commun et leur relation aux liations (sub)culturelles. Comme ni les structures
structures sociales. Les décisions relatives aux spatiales ni les structures sociales ne peuvent
modalités du déplacement sont prises dans le orienter le comportement (en matière de mobi-
cadre de certaines structures spatio-temporelles. lité), les recherches sur les modes de vie sont en
Celles-ci ne déterminent pas les activités mesure de fournir des explications différenciées
humaines (en particulier s’agissant des occasions concernant des groupes cibles, à la différence des
de déplacements). Il faut plutôt y voir des res- modes d’explication actuelles plus uniformes qui
sources dynamiques et perméables. Les struc- se fondent sur des facteurs socio-économiques et
tures spatio-temporelles sont des macrostructures démographiques.
faites de prescriptions spatiales et temporelles D’une part, la mobilité effective est l’ex-
universelles et nationales (par exemple la divi- pression d’un comportement social et est l’abou-
sion spatiale du travail, la planification régionale tissement d’objectifs et de valeurs individuelles.
au niveau de l’Union européenne, l’infrastructure D’autre part, elle s’inscrit dans un contexte social
de transports rapides) ainsi que de structures et spatial (figure 2). C’est précisément en opposi-
d’habitat et régimes d’utilisation du temps à tion à ce contexte qu’apparaissent les marges à
l’échelle de villes et de quartiers tels que : occu- l’intérieur desquelles la mobilité est possible.
pation des sols, qualité de la vie dans les commu- Cependant, ces marges ne sont pas structurelle-
nautés locales, régimes d’utilisation du temps à ment fixées mais peuvent varier au niveau indivi-
petite échelle (par exemple heures d’ouverture, duel, par exemple du fait de la mobilité propre-
accords sur les emplois du temps), de la situation ment dite. Il est donc important de noter que les
du contexte urbain, etc. Les interprétations doi- contextes, s’ils ne sont pas choisis par l’individu,
vent se faire en fonction des conditions écono- sont des conditions et non des causes du compor-
miques, sociales, politiques et techniques (par tement.
exemple du marché immobilier, des aides fiscales Comme on l’a déjà indiqué, l’idée de base
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au logement, des taxes en relation avec la mobi- est ici que ce qui caractérise les différents
lité). Ni les modes de vie ni la mobilité ne peu- groupes de styles de vie, ce sont des formes de
vent être considérés en dehors des cadres macro- mobilité spécifiques. De la sorte, sur le plan
structurels. méthodologique, le choix de l’emplacement du
Les structures sociales et situations sociales, logement et les déplacements quotidiens sont
d’une part, et les modes de vie, d’autre part, doi- considérés comme des variables dépendantes. La
vent être vus les uns par rapport aux autres, même faculté à déménager pourrait s’analyser sous
si les modes de vie dépendent davantage de la l’angle de l’ampleur de la mobilité ou de la per-
position sociale que l’inverse. À cet égard, l’ex- sistance (occupation du logement, nombre de
pression « mode de vie » a là un sens légèrement déménagements pendant une période donnée,
différent de celui qu’elle a en sociologie. La distances) et du choix de l’emplacement. Les rai-
mobilité n’est pas seulement fonction des projets sons des déménagements sont également perti-
esthétiques et des modes de consommation, mais nentes étant donné qu’elles correspondent à des
aussi des types de ménages, avec leur façon spé- structures spatiales. Si la mobilité locale et régio-
cifique de gérer le temps, leur curriculum vitae et nale est due à l’insatisfaction devant les condi-
leur accès aux transports ainsi qu’aux technolo- tions de logement ou à des raisons personnelles
gies de l’information et de la communication. (naissance d’un enfant, mariage), la mobilité sur
Ainsi, les modes de vie « choisis » sont tributaires une longue distance est essentiellement liée au
de conditions structurelles qui peuvent res- changement d’emploi (dans le cas de Francfort-
treindre ou élargir les options. sur-le-Main, voir Dobroschke, 1999).
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362 Joachim Scheiner et Birgit Kasper

Le type, la quantité et la chronologie des C’est pourquoi, le point de référence spatial du


activités, le choix des destinations et l’orientation projet de recherche « StadtLeben » est le quartier.
spatiale (espaces d’activité), les distances parcou- Celui-ci occupe une position cruciale s’agissant
rues et le choix des modes de déplacement consti- des déplacements quotidiens durables parce
tuent les aspects essentiels des déplacements quo- qu’un resserrement des liens spatiaux qui ratta-
tidiens. chent les résidents à leur quartier signifierait une
L’analyse de ces aspects va au-delà des diminution des distances, une réduction de la cir-
études actuelles sur les modalités du déplacement culation et un renforcement des modes de circu-
propres au mode de vie, qui se focalisent sur le lation non motorisés.
choix du mode de transport. Le choix du lieu
d’habitation et les déplacements quotidiens sont La référence spatiale
considérés comme étroitement liés l’un à l’autre,
la priorité étant accordée à l’impact du change- Trois quartiers de Cologne (Allemagne) ont été
ment de logement sur les déplacements quoti- choisis en tant que contexte spatial du projet de
diens : le premier étant une décision à long terme recherche sur la base de certains critères. Les
qui commande les déplacements quotidiens et types retenus devaient différer nettement l’un par
qui, en fait, se situe entre le mode de vie et les rapport à l’autre en même temps que chacun
déplacements quotidiens. Inversement, il ne fait devait être un exemple typique de quartier. Les
aucun doute que certaines formes de déplace- différences concernent :
ments quotidiens influent sur le choix du lieu – la distance par rapport au centre de la ville et la
d’habitation. Enfin, aussi bien le choix des modes présence de transports publics (accessibi-
de transport que les orientations spatiales quoti- lité) ;
diennes (lieu de travail, réseau social, loisirs) res- – la structure sociale et démographique (âge
tent relativement stables. moyen, taille des ménages, revenu) ;
Ainsi résumée, cette approche peut sembler – la dynamique du développement (développe-
abstraite. Dans les sections qui suivent, nous ment urbain, changements de logement) ;
allons donner un exemple des avantages que l’on – les lacunes (environnement construit, mobilité
peut tirer de son application à une enquête empi- sociale et spatiale).
rique qualitative portant sur un quartier et mon- Les quartiers choisis sont les suivants :
trer comment ces résultats peuvent être appliqués – Ehrenfeld, un quartier du centre de la ville
à des modes durables de mobilité et d’urbanifica- (style « Wilhelminien »), construit à la fin du
tion. XIXe siècle ;
– Stammheim, une cité à l’intérieur du premier
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Étude empirique : périphérique (« style fonctionnaliste moder-
le contexte de la planification ne »), avec des barres d’immeubles de trois
ou quatre étages construits dans les
En recherche appliquée, il est essentiel de savoir années 1960 ;
comment des environnements bâtis répondront – Esch, une banlieue construite à partir d’un vil-
aux exigences nouvelles qui résultent de modes lage rural, qui s’est régulièrement agrandi
de vie moins prédictibles, de la pluralisation des depuis les années 1950 avec des rangées de
modes de vie et de la différenciation des concen- maisons individuelles ou de maisons jume-
trations socio-spatiales. La résistance de plus en lées.
plus marquée à la mise en œuvre de grands pro-
jets ou de rénovations générales de quartier dans Méthodes de recherche empirique
les années 1980 a abouti à des méthodes de pla-
nification globales ou participatives. Malgré les Pour étudier et définir les modes de vie dans ces
tendances à la mondialisation et au développe- trois quartiers, on a recouru à plusieurs méthodes
ment à grande échelle, ces conceptions restent empiriques. D’abord, on a procédé à une enquête
valables, en particulier au niveau du quartier, où classique avec 180 entretiens dans chaque quar-
s’exercent et trouvent leur surface de projection tier où ont été abordés des points tels que le choix
la plupart des modes de vie. De surcroît, les quar- du lieu d’habitation, la satisfaction en matière de
tiers constituent le contexte spatial où des modes logement, les modes de déplacement, les modes
de vie spécifiques peuvent créer des milieux. de vie, les réseaux sociaux, les technologies de
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Modes de vie, choix de l’emplacement de l’habitation et déplacements quotidiens 363

l’information et de la communication, les cadres Comparaison entre quartiers :


comportementaux dans le quartier, les modes de les résultats des entretiens
transport disponibles et les informations socio- avec les experts
démographiques. Deuxièmement, on a procédé à
une vingtaine d’entretiens personnels avec des Ehrenfeld est un quartier où, en règle générale, on
résidents et spécialistes de chaque quartier. Nous ne s’occupe pas de ses voisins. Des groupes eth-
avons ainsi obtenu une idée approfondie des niques et sociaux différents cohabitent dans un
quartiers étudiés en tant que « microcosmes » cadre fonctionnel et structurel diversifié. En ce
spatiaux et sociaux. Par rapport à l’enquête clas- qui concerne le choix du lieu de travail, les rai-
sique, elle nous a permis de mieux comprendre sons données par les spécialistes diffèrent beau-
les problèmes de mobilité, la pertinence de l’ac- coup, mais tous affirment que c’est la variété des
cessibilité en tant que facteur de choix du lieu et groupes de population qui attire ceux qui choisis-
les relations mutuelles entre groupes aux modes sent d’habiter et de travailler à Ehrenfeld et qui
de vie différents au sein d’un quartier. crée des liens de connexité. En réalité, la variété
Les « spécialistes » sont ici des personnes sociale et ethnique n’en fait pas un ensemble
qui travaillent dans le quartier avec ou pour des idyllique de convivialité dans la multiplicité des
groupes spécifiques de résidents et qui connais- modes de vie ; ceux-ci ont plutôt tendance à exis-
sent très bien la communauté, ses problèmes et sa ter côte à côte. Le pourcentage élevé de déména-
dynamique en raison de leurs responsabilités pro- gements l’explique en partie : en 2000, les instal-
fessionnelles (par exemple le pasteur, le maire lations et départs étaient de 14,2 % contre 8,6 %
(Alderman), l’épicier, le directeur d’école, le à Stammheim et 5,5 % seulement à Esch (Stadt
fonctionnaire de police, le responsable d’un club Köln, 2001). À Ehrenfeld, on trouve donc beau-
de jeunes, l’administrateur de la société de loge- coup de gens aux origines et aux parcours très
ment). Les questions posées aux spécialistes différents. Cependant, pour nombre d’entre eux
étaient les mêmes (choix du lieu d’habitation, le quartier représente une étape de leur vie, et on
etc.), mais ils ont été en outre interrogés sur leur peut noter qu’y prédomine un mode de vie où la
relation professionnelle avec le quartier et les socialisation se fait en dehors du domicile. Le
réseaux professionnels. En général, ces entretiens quartier est marqué par une vie urbaine trépidante
avaient pour but de comprendre la signification qui n’est pas sans effet sur les déplacements quo-
commune et subjective des attitudes et regroupe- tidiens (l’infrastructure étant bonne, la localité est
ments dans le quartier. Étant donné que ces spé- bien pourvue). En même temps, elle affaiblit la
cialistes ont pour fonction de conseiller des per- cohésion sociale et la connexité à long terme avec
sonnes qui ne sont pas d’ordinaire associées aux le quartier.
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processus de planification, il faut interpréter leurs À Esch, tous les experts estiment que le
jugements et points de vue pour comprendre les quartier reste proche du « monde idéal », même si
conceptions qui régissent les déplacements quoti- ce n’est pas toujours sans accroc. Il y règne une
diens et les modes de vie. En ce qui concerne les atmosphère de club fermé éloigné de la ville sans
perspectives du quartier, les entretiens étaient que le quartier soit pour autant totalement privé
axés sur les différents modes de vie ou commu- des avantages de la ville. L’attachement à ce lieu
nautés qui y cœxistent ou qui y sont en conflit. Le est l’aboutissement d’un vif sentiment de contri-
quartier est traversé d’intérêts divers, qui ont pour buer au moins dans une certaine mesure à la vie
effet des possibilités sociales et spatiales, des de la communauté et de bénéficier d’un soutien
désirs de changement ou des stratégies pour s’ac- mutuel. Par rapport aux deux autres quartiers, on
commoder d’une structure donnée. trouve à Esch une orientation marquée vers l’uni-
L’analyse qui suit offre un bref résumé des formité des modes de vie (tournés vers la famille,
résultats des entretiens qualitatifs semi-structurés la vie privée et les goûts des classes moyennes) et
avec les experts et résidents. On trouvera d’abord la motivation « d’arriver » dans une communauté.
une comparaison entre les trois zones étudiées et, Du point de vue de la planification des trans-
en second lieu, à titre d’exemple, une étude spé- ports, le plus gros problème à Esch est l’utilisa-
cifiquement consacrée au quartier de Stamm- tion massive des voitures individuelles, en parti-
heim. culier étant donné que leur nuisance (bruit,
pollution) touche davantage les habitants du
centre ville que la population d’Esch proprement
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364 Joachim Scheiner et Birgit Kasper

dite, en raison de la structure radiale et tournée sociale contre l’anonymat dans le quartier en tant
vers le centre des déplacements domicile-travail. qu’indicateur des relations entre différents
Cependant, du point de vue des résidents d’Esch, groupes sociaux et modes de vie. Le premier
ce n’est pas véritablement un problème étant thème est en rapport avec des observations que
donné qu’un accroissement des infrastructures et nous avons faites plus haut sur les relations entre
d’autres éléments d’urbanisation toucherait leur le changement de logement et les déplacements
« monde quasi idéal » et pourrait amener certains quotidiens. Les deux autres sont des facteurs
à déménager plus loin. En matière d’urbanisme, essentiels de qualité de vie et de satisfaction, qui
la première chose à faire serait donc peut-être de pourraient éventuellement offrir l’occasion de
signaler qu’un problème objectif se pose au-delà renforcer les liens à l’intérieur d’un quartier et de
de la justification subjective et individuelle de diminuer la circulation (liée aux loisirs) en rédui-
l’utilisation de la voiture. sant les distances et en favorisant les modes de
Par opposition, Stammheim est considéré déplacement non motorisés.
par les spécialistes locaux comme un lieu « diffé-
rent », et ils estiment que travailler dans le quar- L’installation à Stammheim : les déplacements
tier ou pour le quartier est un « pari difficile ». quotidiens et l’accessibilité ne sont pas
Stammheim est considéré avec mépris et n’a des critères pertinents
guère d’identité positive, ce contre quoi les spé-
cialistes s’appliquent précisément à lutter. S’installer à Stammheim n’est généralement pas
Ce qui caractérise Stammheim, c’est une synonyme de décision explicite. C’est plutôt
séparation nette entre les différents groupes de parce qu’une occasion est saisie. Généralement,
population. Construit en 1963-1964 à proximité les personnes interrogées sur les raisons de leur
du vieux village de Stammheim, le quartier abrite venue à Stammheim invoquent « le hasard ». Les
des modes de vie très différents : celui des facteurs les plus répandus sont les parents et amis
« autochtones » du vieux Stammheim, celui des qui habitent déjà à Stammheim et qui en disent du
premiers habitants du nouveau Stammheim – qui, bien quand un appartement se libère. De la sorte,
entre-temps, sont passés de la famille au ménage les quartiers sont « légués » un peu comme des
du troisième âge – et ceux des diverses vagues maisons le sont par leurs propriétaires. Le choix
d’immigrés, qui ont été installés dans les loge- du lieu de résidence n’est donc pas seulement une
ments publics. Pour tous ces groupes, les choix décision déterminée par la loi de l’offre et de la
de logement étaient restreints. Selon l’interpréta- demande ; il est aussi préconditionné par le lieu
tion d’un spécialiste, faute de choix les gens ont où l’on a grandi. La diversité des surfaces des
eu du mal à se rapprocher, ce qui est à l’origine appartements est un avantage si l’on veut démé-
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(en dehors des problèmes sociaux et écono- nager quand les circonstances de la vie changent.
miques) de conflits internes et d’une suspicion La société publique de logement supervise, en
explicite. Cependant, les spécialistes dédramati- principe, tous les appartements de Stammheim,
sent en général les conflits, précisément parce ce qui garantit théoriquement la transparence
qu’ils sont prévisibles. Ils y voient une exagéra- absolue du marché. Cela facilite les choses pour
tion et insistent sur l’image de Stammheim les personnes qui souhaitent rester et conserver
comme « quartier encore plutôt normal » qui, tout les mêmes relations.
comme Ehrenfeld et Esch, incarne le « chez-soi » Les possibilités d’accès au lieu de travail,
pour les résidents de longue date. aux centres commerciaux, aux transports publics
– la mobilité dans son ensemble – ne jouent pas
« Interdit aux enfants mais pas aux un rôle essentiel dans le choix du lieu d’habita-
chiens » : les résultats des entretiens tion. L’accès aux transports publics, en particu-
avec les résidents de Stammheim lier, est jugé comme un élément positif mais non
décisif du choix du lieu. Cela ne signifie bien sûr
Faute de place, on ne retiendra des nombreux pas qu’il n’y a pas de lien étroit entre le change-
thèmes des entretiens que trois sujets : 1) la per- ment de logement et les déplacements quotidiens,
tinence des déplacements quotidiens et de l’ac- mais que ce lien n’entre pas en compte dans les
cessibilité pour les décisions d’implantation, calculs subjectifs des résidents, dans la mesure où
2) les espaces verts en tant qu’indicateurs de la une décision en faveur de Cologne comme région
qualité du loisir dans le quartier, 3) la régulation a déjà été prise. Il n’importe guère pour les rési-
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Modes de vie, choix de l’emplacement de l’habitation et déplacements quotidiens 365

dents que leur lieu de travail soit à deux ou dix de compte, des disputes qui à chaque fois devien-
kilomètres de chez eux tant qu’il se trouve à un nent un événement semi-public. Le sentiment
temps-distance acceptable. d’agression est particulièrement vif et les accusa-
tions sont promptes. Par exemple, il y a eu des
Régulation sociale ou anonymat : l’air des villes heurts entre adolescents d’origine turque et russe
rend-il les êtres humains véritablement libres ? et Mme J. a déclaré « nous craignions pour nos
enfants et pensions partir mais, depuis, tout s’est
À Stammheim, les relations entre groupes d’habi- arrangé ». Par rapport aux autres quartiers étu-
tants et la diversité de leurs intérêts et modes de diés, ces aspects suscitent un désir de changement
vie sont dominées par le fait que l’ensemble du social, en particulier en ce qui concerne la com-
parc locatif est la propriété d’une société de loge- position sociale des habitants, ainsi qu’un désir
ment. Depuis les années 1960, un code de com- très élevé de protection contre la violence.
portement clair et strict s’est imposé (notamment
sous forme de « règlements d’immeubles »). Ces Espaces verts et espace public :
règlements ont été officialisés par les locataires zones tampons et centre oublié
installés de longue date et n’ont jusqu’à présent
pas été contestés. Les locataires estiment mainte- Les espaces verts dominent à Stammheim, et ser-
nant qu’il est de leur devoir de remédier au vent de zone tampon entre les barres d’im-
laxisme des gardiens d’immeubles des meubles. Autrefois, ils étaient le lieu de conflits
années 1960 et 1970. Ils s’estiment responsables entre gardiens, enfants et mères : « interdit aux
de la régulation et du maintien de l’ordre social, enfants, autorisé aux chiens » (Mme P.). Faute de
alors que les locataires « plus jeunes » jugent que solution de remplacement, l’interdiction était
cette surveillance est excessive : « Les vieux régulièrement violée, même lorsque les consé-
guettent derrière leurs rideaux […]. Ils ne tra- quences en étaient prévisibles. « Les employés de
vaillent plus mais surveillent tout. Du balcon, on la société de logement suivaient les enfants, pre-
les entend parler de tout le monde » (Mme L.). Les naient des photos et déposaient plainte » (Mme P.).
« nouveaux » gâchent les plaisirs paisibles des Dans le quartier, on ne trouve aucun site qui
retraités et menacent leur mode de vie. puisse être qualifié de « beau » ou « charmant ».
Il existe aussi des disparités entre les traite- Les habitants regrettent qu’il n’y ait pas dans le
ments (jugés à tort ou à raison injustes) réservés quartier d’endroit où l’on puisse aller, se rencon-
aux locataires lorsqu’il s’agit de rénover les trer, flâner ou se reposer. L’espace situé en face
appartements après un départ. Outre qu’elle est de l’église ou le centre socioculturel sont étroite-
perçue comme une injustice, cette question est ment tributaires d’une intention fonctionnelle et
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considérée comme affectant la qualité des loge- ne peuvent jouer le rôle de parvis ou de place du
ments et comme cause de mécontentement à marché. « Le parking devant le centre sociocultu-
l’égard de la société de logement. De surcroît, les rel est lugubre. La nuit, je n’ose pas passer à
possibilités d’adaptation des logements au goût côté » (Mme J.). Pour se promener, les habitants
personnel sont restreintes du fait que, lorsqu’on préfèrent quitter leur cité et aller au bord du Rhin
quitte un appartement, il faut le remettre dans ou dans le parc du Palais au nord. La plupart des
son état initial et ôter les meubles encastrés (par résidents se retirent dans la vie privée, ils se bar-
exemple les cuisines intégrées). Là encore, les ricadent en quelque sorte pour se protéger de la
modes de vie tournés vers le privé et les vieux vie publique. D’autres qualifient Stammheim de
locataires sont désavantagés puisque les modes « banlieue dortoir » et désirent davantage de vie
de vie centrés sur le foyer ont du mal à se pro- publique, avec des clubs, des associations, des
longer. fêtes de quartier et des rues animées. La structure
En dehors de la question de l’« égalité », le spatiale de Stammheim répondait bien aux
voisinage dans des appartements mal insonorisés besoins à l’époque où la cité a été construite.
est un chapitre important de la régulation sociale Mais, avec le temps, les modes de vie à Stamm-
entre locataires. Toute forme d’activité organisée heim se sont diversifiés. Comme l’environne-
dans les appartements ou leurs environs qui s’ac- ment construit n’offre plus un espace adapté à la
compagne de communication ou d’amusement diversité des besoins, les scénarios à mettre en
est source de gêne pour les autres résidents. D’où place doivent prévoir des différenciations spa-
des désagréments mutuels liés au bruit et, en fin tiales.
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366 Joachim Scheiner et Birgit Kasper

En résumé, on ne peut plus considérer des le moyen de combler l’écart entre les besoins
cités du type de Stammheim comme des quartiers propres au style de vie des résidents de Stamm-
anonymes ou des lieux de transit. Des réseaux de heim et les structures environnementales.
voisinage solides se constituent à l’occasion de S’agissant des divers types de problèmes et
rencontres, d’amitiés ou de liens familiaux. Leur de l’hétérogénéité des intérêts des résidents, l’ef-
expression spatiale se manifeste par des modes de fort pour combler cet écart doit 1) aller au-delà
vie. De surcroît, ces réseaux servent à se démar- de la planification classique (bâtiments, infra-
quer des groupes indésirables. En particulier, des structures, etc.), 2) ne pas négliger la capacité
limites sont tracées entre les résidents de longue des résidents à défendre eux-mêmes leurs inté-
date et leur famille, d’un côté, et les nouveaux rêts. L’instrument de cette démarche – où la pla-
résidents, de l’autre. La régulation sociale exer- nification est conçue de façon plus proche des
cée par les premiers est facilitée par la clarté de exigences de la « réalité » – est la « conception
l’espace public, puisqu’il n’y a pas moyen de se sociospatiale ». Ce n’est pas seulement ce que
retirer dans un espace semi-public, que l’aligne- l’on appelle d’ordinaire « plan » ; c’est plutôt un
ment des immeubles résidentiels ne le favorise ensemble potentiel de mesures et stratégies à dif-
pas et qu’il s’ensuivrait inévitablement des per- férents niveaux :
turbations. Enfin, une mise en œuvre floue de – concepts de planification pour l’environnement
règlements qui sont officiellement stricts mais construit (par exemple lien avec le réseau
mal appliqués aggrave l’ambiguïté. Quant aux public de transport) ;
espaces verts, ils constituent une zone tampon – conceptions ou scénarios structurels (par
dysfonctionnelle que l’on ne peut s’approprier. exemple utilisation et surveillance des
Enfin, l’absence de centre contribue à l’abandon espaces verts, répartition des habitations) ;
du quartier pour les activités quotidiennes. D’où – modèles de participation (par exemple avec la
une incompatibilité entre modes de vie différents société de logement, les responsabilités nou-
et une non-adaptabilité de l’environnement socio- velles).
spatial aux nouveaux modes de vie. À l’heure où nous écrivions la présente étude,
Dans l’ensemble, on peut dire que les bâti- nous préparions à Stammheim un atelier avec des
ments, espaces publics et structures d’organisa- spécialistes locaux, des résidents et des experts
tion ne correspondent plus au fait que les besoins non locaux dont les perspectives sont extérieures
et modes de vie des résidents sont différents. Cela pour élaborer des objectifs à court terme et moyen
ressort tout particulièrement de la gêne qu’occa- terme, des orientations et des concepts. À partir
sionnent des modes de vie tournés vers l’exté- des résultats empiriques, les urbanistes du projet
rieur, qui privilégient certains loisirs et modes de recherche « StadtLeben » ont conçu des scéna-
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d’interaction. L’environnement construit est rios sur le quartier de Stammheim qui seront sou-
devenu incompatible avec l’hétérogénéité des mis à l’atelier. Ces scénarios ont pour fonction de
modes de vie. faire ressortir les contrastes dans les évolutions
sociospatiales de l’avenir. Ils n’ont pas de fonction
Le passage à la planification : normative mais, grâce aux données empiriques de
la conception sociospatiale départ, les planificateurs pourront évaluer les
conséquences de chaque scénario. Les sept scéna-
Un des buts du projet est d’appliquer les connais- rios recouvrent un large éventail d’évolutions pos-
sances acquises quant aux relations mutuelles sibles pour ce type de quartier.
entre logement, mode de vie et déplacement à une a) Statu quo : il s’agit de faire en sorte que la
utilisation urbanistique pratique. La méthode situation ne s’aggrave pas. Le point de
pour ce faire consiste à associer la recherche et la départ est l’idée que Stammheim n’est pas
planification pour obtenir des résultats qui se rap- (encore) un foyer de difficultés sociales
prochent de ce qu’on pourrait qualifier de « réa- insurmontables. On n’utilisera que les ins-
lité ». La durabilité économique et sociale est truments classiques pour remédier aux
fonction de la compatibilité de structures spa- insuffisances futures.
tiales et organisationnelles, d’une part, avec, b) « Intervention ad hoc » : il s’agit de mener des
d’autre part, des modes de vie réels et choisis actions sociales, comme par exemple d’or-
chez les résidents. Si l’hypothèse dont on est parti ganiser ou de mettre en place des moyens
dans la section précédente est juste, il faut trouver pour régler des problèmes urgents immi-
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Modes de vie, choix de l’emplacement de l’habitation et déplacements quotidiens 367

nents pour des groupes sociaux différents en urbain, ainsi que l’amélioration des transports
prenant diverses mesures de construction ou publics et la mise en valeur de l’espace public.
d’organisation. Ce scénario a de bonnes Ces scénarios peuvent également se combiner
chances de réussite parce que la municipa- entre eux. Le caractère extrémiste ou « radical »
lité de Cologne, les sociétés de logement et de certains scénarios n’a pas été retenu pour rétré-
diverses organisations sociales travaillent cir d’emblée l’éventail. Les participants à l’atelier
dans ce sens pour remédier aux problèmes. doivent avoir leur mot à dire sur les questions de
L’inconvénient, c’est qu’il est peu probable structure et pas seulement sur les détails d’une
que l’on rendra ainsi plus compatibles les situation donnée.
modes de vie et le contexte spatial. Les scénarios seront examinés, testés et pro-
c) « Embourgeoisement » : il s’agit d’amener des posés lors de l’atelier ; il s’agit de savoir le type
groupes à venir habiter le quartier, et d’autres d’impact propre à chacun. En ce qui concerne les
à le quitter. On construira de nouveaux appar- conséquences spatiales, sociales et économiques,
tements de grand standing pour habitants les scénarios seront établis de façon à rendre les
aisés soit en ajoutant un étage ou plus aux évaluations plus faciles de la part des partici-
immeubles, soit en construisant de nouveaux pants. En ce qui concerne la mobilité, une éva-
immeubles entre les anciens. La structure luation de ses conséquences figurera également
spatiale et organisationnelle sera conservée. dans chaque scénario ; il s’agit de savoir quels
d) « Les copropriétés du Rhin » : la structure spa- sont les résultats des scénarios sous l’angle des
tiale restera la même mais l’organisation migrations des anciens et nouveaux habitants et
sera adaptée aux modes de vie modernes du développement de la mobilité dans l’espace.
(par exemple services aux ménages). Ce Chaque quartier aura pour responsabilité de
pourrait être un ensemble de luxe sur le Rhin déterminer s’il faut élaborer de nouvelles struc-
pour des groupes de propriétaires ou de loca- tures de communauté ou d’accessibilité.
taires aisés. Actuellement, il y a à Cologne
une demande de logements de grand stan- Perspectives
ding. Les habitants actuels seraient relogés.
e) « Démolition et rénovation » : aide à la pro- Le développement de la mobilité spatiale en rela-
priété pour des « jeunes familles » : cela sup- tion avec l’individualisation et la pluralisation
pose le relogement des habitants actuels et des modes de vie est de plus en plus incompatible
un développement fondé sur les maisons avec la réglementation par voie de planification.
individuelles pour les classes moyennes. On s’en aperçoit à la dispersion de plus en plus
f) « Démolition et rénovation » : création de nou- marquée dans l’espace, qui va contre les poli-
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veaux logements sur la base d’un concept tiques d’utilisation des sols et les programmes de
urbanistique : structure diversifiée de pro- planification régionale, ainsi qu’au succès mitigé
priétaires, densités, usages et fonctions dif- d’une planification des transports orientée vers
férents. Cela pourrait aboutir à une commu- l’offre. Il semble en particulier qu’il y ait une
nauté autonome. conception insuffisante de la mobilité spatiale en
g) « Parcellisation et privatisation sous la direc- tant que processus durable de choix de lieu d’ha-
tion des habitants » : s’il s’avère que l’envi- bitation et d’activités quotidiennes. Le module de
ronnement construit peut être modifié recherche présenté ici est précisément conçu pour
convenablement mais que la structure admi- remédier à cette insuffisance en reliant le com-
nistrative est le principal problème, la zone portement (notamment en matière de mobilité), la
pourrait être divisée en lots, ce qui donnera structure sociale et la structure spatiale. Si l’on
de l’espace pour les habitants actuels ainsi veut que la mobilité et les structures spatiales se
que pour de nouveaux ensembles urbains. développent plus durablement, cette approche est
Des lots supplémentaires pourraient être indispensable ; en effet, les recherches sur la
créés pour que ce scénario soit rentable, et la mobilité et la planification des transports ne peu-
flexibilité serait favorable à des modes de vent se faire durablement si l’on part de l’hypo-
vie différents. thèse que l’espace et la mobilité entretiennent un
Tous ces scénarios prévoient un lien entre lien de cause à effet direct.
l’ensemble urbain et le vieux village de Stamm- Pour l’urbaniste, la difficulté est de combi-
heim, l’intégration du quartier dans le contexte ner différenciation des modes de vie et tâches tra-
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368 Joachim Scheiner et Birgit Kasper

ditionnelles. Bien que l’on prévoie souvent un Des interprétations comparables des modes
recours accru aux services d’information et de de vie, quartiers, communautés et déplacements
communication, le quartier reste un foyer de vie peuvent être intégrées dans la conception de la
humaine et constitue le décor des modes de vie. planification du logement et de la mobilité. Ces
À mesure que les besoins se diversifient, la concepts feront le lien entre la recherche fonda-
conception et l’organisation de l’environnement mentale et l’urbanisme appliqué. Dans l’hypo-
local ainsi que le choix de l’emplacement du thèse où le comportement spatial se détache de
logement ont des impacts très importants sur les plus en plus des cadres (infra)structurels, la pla-
déplacements quotidiens. nification doit également se dégager de ces
Stammheim ne constitue pas une exception.
conditions. Le « concept » ne s’ajuste pas étroi-
En Allemagne, de nombreux quartiers semblables
tement dans des schémas bidimensionnels. Il
à Stammheim passent par une phase de transfor-
mation fondamentale. Étant donné que le déve- faut une conception plus large de la planification
loppement général de ces quartiers et les autres qui prenne en compte un schéma plus individua-
options structurelles ne sont pas examinées de lisé et orienté sur la demande, avec une riche
près, ce que l’on voit apparaître, c’est une multi- panoplie de mesures organisationnelles, infra-
plicité de solutions de circonstances qui n’abou- structurelles, constructives et politiques. Alors,
tissent pas à des solutions durables. Les quartiers l’expression « planification intégrée » prendra
ne sont pas adaptés aux demandes et besoins nou- tout son sens.
veaux qui apparaissent avec la différenciation des
modes de vie. Traduit de l’anglais

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