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impérialisme
Françoise Vergès
Dans Tumultes 2017/1 (n° 48), pages 157 à 168
Éditions Éditions Kimé
ISSN 1243-549X
DOI 10.3917/tumu.048.0157
© Éditions Kimé | Téléchargé le 31/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.0.185.29)
Françoise Vergès
Titulaire de la Chaire Global South(s), Collège d’études globales, FMHS
4. Texte signé par Monique Wittig, Gille Wittig, Marcia Rothenburg et Margaret
Stephenson, publié intégralement sur : http://re-belles.over-blog.com/pages/
_Chroniques_du_MLF_premiers_articles_premiers_journaux-931099.html. Souligné
par moi.
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5. Kristin Ross, Fast Cars, Clean Bodies ; Decolonization and the Reordering of
French Culture, Cambridge, MIT Press, 1994, p. 78 ; en français, Rouler plus vite,
laver plus blanc. Modernisation de la France et décolonisation au tournant des
années soixante, Paris, Flammarion, 2006.
162 Féminismes décoloniaux, justice sociale, anti-impérialisme
10. Françoise Picq, Libération des femmes. Les années-mouvement, Paris, Seuil, 1993,
pp. 28 et 45.
11. http://www.antoinettefouque-mlf.com/temoignages/ Je ne traiterai pas ici des
controverses sur l’appropriation par le groupe « Psy et Po » du sigle MLF ni de
l’objectif de ce site qui semble être celui de construire un monument à Antoinette
Fouque. Des ouvrages ont été écrits sur cette appropriation.
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années 1968-1971, recueillis des années plus tard par le groupe Psy et
Po, les récits se centrent sur la prise de conscience du fait d’être une
femme dans un monde d’hommes, sur l’homosexualité, l’étude
approfondie de textes, la joie de se retrouver entre femmes dans des
lieux non mixtes. L’effet retour, ou l’effet boomerang, de l’esclavage
et du colonialisme, si clairement dénoncé par Aimé Césaire dans
Discours sur le colonialisme (1950), n’est pas pris en compte. Dès
1972 pourtant, se créent des groupes de femmes immigrées ou non
françaises (femmes brésiliennes, latino-américaines, marocaines…)12.
En 1975, les débats de femmes en Guadeloupe suscités par « L’année
de la femme » (déclarée par les Nations unies en 1975), où sont
discutés la violence contre les femmes et la lutte pour la langue créole,
ne sont jamais mentionnés13. En 1978, la « Coordination des femmes
noires » se crée et questionne le récit féministe blanc, et propose déjà
d’analyser l’intersection entre être femme, être noire, être ex-
colonisée, être lesbienne et être immigrée. Mais ce n’est qu’en 1985
que la revue Nouvelles Questions Féministes consacre un numéro
spécial aux femmes des Antilles. Dans « La pluripaternité en
Guadeloupe et en Martinique », les auteurs contestent le discours sur
la matrifocalité et écrivent que les « analyses qui privilégient les
conséquences de la pauvreté paraissent plus convaincantes que
certaines généralisations psycho-sociologiques14 ». Ils font part des
souffrances exprimées par les femmes interviewées devant « une
situation quasi insurmontable » et une « réalité implacable » produite
par le chômage, le sexisme, la solitude. Ils montrent cependant des
femmes qui sont loin d’être passives, qui savent se saisir des
opportunités, se baser sur la solidarité familiale. Mais ces études
restent sans écho dans le débat sur ce que constitue la libération des
femmes.
Malgré l’existence, dans les années 1980, de nouveaux groupes
féministes et de lesbiennes clairement engagés dans la lutte contre le
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15. Guy Hocquenghem, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary,
Marseille, Agone, 2014, pp. 28 et 57.
16. J’analyse plus longuement ces politiques dans Le ventre des femmes. Capitalisme,
racialisation, féminisme (Albin Michel, 2017).
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