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un mystère aussi aride. Or ce désert où j’ai accédé doit devenir accessible écritures, deux styles ne suffisent pas à décider ce qui arrive entre eux.
à chacun de ceux auxquels il manque » (V, 511). Écrire, c’est un moyen de Une limite « impartageable » les éloigne et les noue à travers l’exigence
révéler le lecteur à lui-même en ne parlant que de soi ; loin de construire de tracer et de re-tracer continuellement la « question sans réponse » du
son propre modèle de lecteur à travers un texte, il cherche le moyen de le sens, du politique, d’une existence toujours animée d’une urgence de
déconstruire. De l’obséder, de le violenter – le déflorer. Lorsqu’il nous fait partage, d’amitié offerte – en tant que communication – à l’« expérience
entrevoir au travers de ses textes la possible dissolution de toutes les du dehors », vouée à répondre à la question du commun. On pourrait se
structures qui nous font tels que nous sommes, Bataille ne nous effleure demander alors quelle est, aujourd’hui, la destination de sens d’un con-
pas, il nous déflore ; et nous violentant, il nous permet de renaître pour loquium, aussi possible qu’impossible, mais cependant pour nous
l’essentiel, enfin transparents à nous-mêmes, régénérés – vierges, enfin, nécessaire. Ou encore, quelle raison décide d’un retracement du
après la défloration.
1. J. Derrida, Le Toucher, Jean-Luc Nancy, Paris, Galilée, 2000, p. 133.
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politique qui s’impose quand tout semble désormais se dérober au
2 De la communauté abandonnée
domaine politique en tant que tel et toute configuration « commune » Le thème de la communauté s’impose à l’attention de Bataille de 1936
de la politique qui n’est pas représentée de la mesure du Capital globale à 1939, de l’échec de l’expérience politique de Contre-Attaque jusqu’au
semble s’évanouir. Qu’est-ce qui implique un re-tracement du politique Collège de sociologie et à Acéphale, véritable noyau incandescent dans
après tous les chemins que la politique a épuisés, abandonnés ou auxquels lequel naît l’idée de communauté. Vers la moitié de 1936, la désillusion pour
elle a renoncé à penser ? Retracer signifie ainsi répondre à une instance la politique pousse Bataille à une recherche passionnée du sacré qui, dans
qui remet en jeu la possibilité même d’une praxis qui se charge de la co- son ambiguïté, caractérise son attitude par rapport à la communauté. Une
existence. Retracer le politique renvoie en même temps à la nécessité de expérience athéologique qui renvoie au domaine de l’hétérogène, de la
se demander ce qui a représenté l’idée de communauté et comment un « part maudite », de la dépense . Le concept de dépense, considéré comme
4
tel concept s’est tragiquement révélé dans l’histoire de l’Occident, une consommation absolue sans réserve et sans retour, est la clef de voûte
annihilant dans son tourbillon des instances décisives qui, malgré tout, pour comprendre l’idée d’une communauté qui, pour Bataille, est toujours
le soutenaient au fond. Cela veut dire s’exposer aux mêmes apories de la marquée d’un « esprit apolitique » et inscrite dans une expérience du secret
5
communauté par laquelle Bataille fut fasciné, mais dont il prendra bientôt qui se dérobe au projet politique. La « communauté de la mort », pour
ses distances. Re-tracer le politique signifie ainsi repenser les traces Bataille, représentera l’extrême déclinaison du paradigme communautaire
possibles, les tracés de sens qui ont véhiculé l’exigence du commun dans qu’on retrouve surtout dans les écrits de la revue Acéphale et dans les
l’expérience de Bataille et d’où commence la réflexion sur le politique de documents de la société secrète Acéphale. Le mythe d’Acéphale est en effet
Nancy. Il s’agit de re-connaître les signes d’une communication qui sous- profondément lié à une logique autosacrificielle qui devient une véritable
tendait déjà chez Bataille l’instance du commun et qui revêt chez Nancy « obsession ». Le dispositif mythologique se révèle comme « foyer »
6
l’aspect d’un in-fini « partage des voix ». Il faut donc relancer une critique commun autour duquel la communauté se retrouve. Bataille qui l’associe
© Éditions Lignes | Téléchargé le 04/04/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.0.185.8)
l’ontologie politique de Nancy, auteur qui, en gardant sa propre comme œuvre de la communauté. L’autosacrifice, en effet, reste pour
originalité, ne renonce pas à « penser “avec” Bataille, de lire et d’inter-
préter activement, d’expliquer et d’exposer, d’accompagner un certain
Bataille ».
3
4. G. Bataille, « La Notion de dépense », La Critique sociale, n° 7, janvier 1933, p. 7-
15 ; repris dans Georges Bataille, Œuvres Complètes (abrégées Œ. C. à partir de
maintenant), Paris, Gallimard, 1970-1988, t. I, p. 302-320.
5. G. Bataille, « Constitution du “Journal intérieur” », dans L’Apprenti Sorcier. Du
Cercle communiste démocratique à Acéphale. Textes, lettres et documents (1932-1939)
2. P. Lacoue-Labarthe, J.-L. Nancy, « Ouverture » dans Rejouer le politique, Cahiers rassemblés, présentés et annotés par M. Galletti, Paris, Éditions de la Différence, 1999,
du Centre de recherches philosophiques sur le politique, publiés sous la responsabilité p. 340.
de P. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy, Paris, Galilée, 1981, p. 18. 6. J.-L. Nancy, « L’insacrifiable », dans Une Pensée finie, Paris, Galilée, 1990, p. 219.
3. Jacques Derrida, op. cit., p. 135. 7. G. Bataille, Acéphale, Œ. C., t. I, p. 486.
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politique qui s’impose quand tout semble désormais se dérober au
2 De la communauté abandonnée
domaine politique en tant que tel et toute configuration « commune » Le thème de la communauté s’impose à l’attention de Bataille de 1936
de la politique qui n’est pas représentée de la mesure du Capital globale à 1939, de l’échec de l’expérience politique de Contre-Attaque jusqu’au
semble s’évanouir. Qu’est-ce qui implique un re-tracement du politique Collège de sociologie et à Acéphale, véritable noyau incandescent dans
après tous les chemins que la politique a épuisés, abandonnés ou auxquels lequel naît l’idée de communauté. Vers la moitié de 1936, la désillusion pour
elle a renoncé à penser ? Retracer signifie ainsi répondre à une instance la politique pousse Bataille à une recherche passionnée du sacré qui, dans
qui remet en jeu la possibilité même d’une praxis qui se charge de la co- son ambiguïté, caractérise son attitude par rapport à la communauté. Une
existence. Retracer le politique renvoie en même temps à la nécessité de expérience athéologique qui renvoie au domaine de l’hétérogène, de la
se demander ce qui a représenté l’idée de communauté et comment un « part maudite », de la dépense . Le concept de dépense, considéré comme
4
tel concept s’est tragiquement révélé dans l’histoire de l’Occident, une consommation absolue sans réserve et sans retour, est la clef de voûte
annihilant dans son tourbillon des instances décisives qui, malgré tout, pour comprendre l’idée d’une communauté qui, pour Bataille, est toujours
le soutenaient au fond. Cela veut dire s’exposer aux mêmes apories de la marquée d’un « esprit apolitique » et inscrite dans une expérience du secret
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communauté par laquelle Bataille fut fasciné, mais dont il prendra bientôt qui se dérobe au projet politique. La « communauté de la mort », pour
ses distances. Re-tracer le politique signifie ainsi repenser les traces Bataille, représentera l’extrême déclinaison du paradigme communautaire
possibles, les tracés de sens qui ont véhiculé l’exigence du commun dans qu’on retrouve surtout dans les écrits de la revue Acéphale et dans les
l’expérience de Bataille et d’où commence la réflexion sur le politique de documents de la société secrète Acéphale. Le mythe d’Acéphale est en effet
Nancy. Il s’agit de re-connaître les signes d’une communication qui sous- profondément lié à une logique autosacrificielle qui devient une véritable
tendait déjà chez Bataille l’instance du commun et qui revêt chez Nancy « obsession ». Le dispositif mythologique se révèle comme « foyer »
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l’aspect d’un in-fini « partage des voix ». Il faut donc relancer une critique commun autour duquel la communauté se retrouve. Bataille qui l’associe
l’ontologie politique de Nancy, auteur qui, en gardant sa propre comme œuvre de la communauté. L’autosacrifice, en effet, reste pour
originalité, ne renonce pas à « penser “avec” Bataille, de lire et d’inter-
préter activement, d’expliquer et d’exposer, d’accompagner un certain
Bataille ».
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4. G. Bataille, « La Notion de dépense », La Critique sociale, n° 7, janvier 1933, p. 7-
15 ; repris dans Georges Bataille, Œuvres Complètes (abrégées Œ. C. à partir de
maintenant), Paris, Gallimard, 1970-1988, t. I, p. 302-320.
5. G. Bataille, « Constitution du “Journal intérieur” », dans L’Apprenti Sorcier. Du
Cercle communiste démocratique à Acéphale. Textes, lettres et documents (1932-1939)
2. P. Lacoue-Labarthe, J.-L. Nancy, « Ouverture » dans Rejouer le politique, Cahiers rassemblés, présentés et annotés par M. Galletti, Paris, Éditions de la Différence, 1999,
du Centre de recherches philosophiques sur le politique, publiés sous la responsabilité p. 340.
de P. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy, Paris, Galilée, 1981, p. 18. 6. J.-L. Nancy, « L’insacrifiable », dans Une Pensée finie, Paris, Galilée, 1990, p. 219.
3. Jacques Derrida, op. cit., p. 135. 7. G. Bataille, Acéphale, Œ. C., t. I, p. 486.
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Bataille inséparable du partage de la mort. Une passion qui a l’aspect d’une communautaire comme sujet » ? Bataille lui-même sera critique par
14
ivresse extatique devant l’abîme de la mort, l’ivresse sacrificielle de rapport à tout retour de l’homme à l’immanence, à l’animalité.
Dionysos partagée par Nietzsche, auteur duquel Bataille s’approche à L’immanence signifiait en effet la négation du lien social et la fin de toute
travers Chestov . Pour Bataille, toutefois, « il ne s’agit nullement de
8
communauté humaine hypothétique. Le retour à l’immanence absolue
mourir mais d’être porté “à hauteur de mort” ». La mort en commun se
9
selon Nancy destine l’homme à « la vérité de la mort ». La communauté
15
manifeste et comme acte fondateur et comme exitum dissolvant du lien est entièrement remise à soi-même, au partage de l’absence. Comment cette
communautaire. Le rapport sacrifice-communauté traverse aussi la absence commune peut-elle devenir une vraie communauté ? Bataille,
société secrète d’Acéphale vouée à la création de nouvelles valeurs conscient de ces apories, et faisant l’expérience de l’impossibilité de pouvoir
sacrées, « valeurs de cohésion » qui peuvent assurer l’accès à l’« unité
10
partager la « mort en commun », a préféré nous renvoyer à l’impossibilité
communielle ». Paradoxalement, la cohésion de la communauté est définie même de la communauté. Ce qui devait être une communauté du sacrifice
par les mêmes valeurs qu’elle voudrait fonder. Contrairement à la s’est révélé à la fin comme le véritable sacrifice de la communauté. Nancy
communauté de Tönnies, de la communauté-nation de matrice fichtéenne remarque que Bataille a mis radicalement en question la logique du sacrifice
ou de la communauté de peuple nazie, l’idée qui fascine Bataille est celle jusqu’à le démasquer finalement comme une « comédie ». Si un réel 16
paroxystique » sont en effet des éléments essentiels de la communauté. la logique sacrificielle d’Acéphale n’atteignit pas à l’accomplissement . La 18
« Le sacré est justement la continuité de l’être, révélé à ceux qui fixent leur communauté ne fut pas une véritable « œuvre de mort », mais elle fut une
attention, dans un rite solennel, sur la mort d’un être discontinu . » Bataille
12
absence d’œuvre, le noyau décisif de la critique de l’œuvre qui, pendant
était hanté en effet par l’idée qu’un sacrifice humain devait consacrer la l’après-guerre, soutiendra la critique du communisme soviétique.
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hypostases collectives, elle ne renvoie qu’à l’immanence pure à laquelle effet un groupe, sinon une opposition de quelques hommes à l’ensemble des
est vouée la communauté qui, si elle est exposée à une authentique fusion, autres hommes ? » Bataille met en question l’aspect exclusif et
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Bataille inséparable du partage de la mort. Une passion qui a l’aspect d’une communautaire comme sujet » ? Bataille lui-même sera critique par
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ivresse extatique devant l’abîme de la mort, l’ivresse sacrificielle de rapport à tout retour de l’homme à l’immanence, à l’animalité.
Dionysos partagée par Nietzsche, auteur duquel Bataille s’approche à L’immanence signifiait en effet la négation du lien social et la fin de toute
travers Chestov . Pour Bataille, toutefois, « il ne s’agit nullement de
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communauté humaine hypothétique. Le retour à l’immanence absolue
mourir mais d’être porté “à hauteur de mort” ». La mort en commun se
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selon Nancy destine l’homme à « la vérité de la mort ». La communauté
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manifeste et comme acte fondateur et comme exitum dissolvant du lien est entièrement remise à soi-même, au partage de l’absence. Comment cette
communautaire. Le rapport sacrifice-communauté traverse aussi la absence commune peut-elle devenir une vraie communauté ? Bataille,
société secrète d’Acéphale vouée à la création de nouvelles valeurs conscient de ces apories, et faisant l’expérience de l’impossibilité de pouvoir
sacrées, « valeurs de cohésion » qui peuvent assurer l’accès à l’« unité
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partager la « mort en commun », a préféré nous renvoyer à l’impossibilité
communielle ». Paradoxalement, la cohésion de la communauté est définie même de la communauté. Ce qui devait être une communauté du sacrifice
par les mêmes valeurs qu’elle voudrait fonder. Contrairement à la s’est révélé à la fin comme le véritable sacrifice de la communauté. Nancy
communauté de Tönnies, de la communauté-nation de matrice fichtéenne remarque que Bataille a mis radicalement en question la logique du sacrifice
ou de la communauté de peuple nazie, l’idée qui fascine Bataille est celle jusqu’à le démasquer finalement comme une « comédie ». Si un réel 16
paroxystique » sont en effet des éléments essentiels de la communauté. la logique sacrificielle d’Acéphale n’atteignit pas à l’accomplissement . La 18
« Le sacré est justement la continuité de l’être, révélé à ceux qui fixent leur communauté ne fut pas une véritable « œuvre de mort », mais elle fut une
attention, dans un rite solennel, sur la mort d’un être discontinu . » Bataille
12
absence d’œuvre, le noyau décisif de la critique de l’œuvre qui, pendant
était hanté en effet par l’idée qu’un sacrifice humain devait consacrer la l’après-guerre, soutiendra la critique du communisme soviétique.
hypostases collectives, elle ne renvoie qu’à l’immanence pure à laquelle effet un groupe, sinon une opposition de quelques hommes à l’ensemble des
est vouée la communauté qui, si elle est exposée à une authentique fusion, autres hommes ? » Bataille met en question l’aspect exclusif et
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immunisant de tout paradigme communautaire. Bâtir une communauté
22
idéaliste, et donc apolitique ou infra politique ». Le paradigme
24
signifie toujours reconnaître la présence d’un « hors-lieu », d’un « extra- communautaire, contre le « politique », n’admet aucun partage effectif de
communautaire », d’un autre à nier. L’identité et la négation sont les traits la différence en-commun. Quand se réalise la « communauté politique »,
propres de la communauté, en tant qu’unité organique toujours potentiel- le politique est déjà hors-jeu et c’est pour cette raison qu’aucune politique
lement totalitaire. La seule condition commune se révèle l’« absence de ne peut « produire ce nom ». Dans la communauté, on est toujours à
25
communauté ». Le lien social, semble nous intimer Bataille, ne peut se l’intérieur d’une autoreprésentation identitaire qui ne peut jamais renoncer
fonder que sur le refus catégorique de tout paradigme communautaire. au principe de l’Un. La « communauté/Un » nie la pluralité au nom d’un
Cette conscience va le pousser, pendant l’après-guerre, vers l’abandon inévitable fondement absolu ; elle renonce à l’horreur de l’ab-grund, de
définitif de la communauté. l’anomie, de la perte de l’identité, de l’autre. Dans cette perspective, se place
Nancy, à cet égard, a eu l’incontestable mérite de rouvrir le débat ce que Nancy propose comme une « déconstruction du christianisme ». La
philosophique des vingt dernières années sur le thème de la communauté critique de Nancy au concept de communauté se fonde sur la « critique
en nous donnant la possibilité de repenser l’être-en-commun, au niveau de l’œuvre ». Exposer la communauté au désœuvrement, signifie
ontologique-politique, débat que la philosophie, après Heidegger et démanteler le paradigme qui a tendance à la représenter comme sa propre
Bataille, avait renoncé à penser. Nancy reprend et prolonge, de façon œuvre . Il faut décliner l’« être-en-commun » en tant que partage de
26
décisive, la critique de la communauté en partant du lien communauté- l’existence. Le « partage », en plus de l’avec, emporte toujours une division,
communisme. L’exigence du commun représente le trait qui noue et croise une propriété disjonctive de la relation qui noue et coupe à la fois
les destins de la pensée du communisme et de la communauté. Ces derniers l’ensemble des éléments qui entrent en contact : « individu », « peuple »,
se sont éloignés du commun, dans leur développement historique, l’un « communauté », « pensée ». « Au nom de la communauté, écrit Nancy,
dans les échecs du communisme réel, l’autre dans la catastrophe de l’humanité – mais tout d’abord en Europe – a fait la preuve d’une capacité
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« communauté » deux termes probablement irrécupérables, inutilisables. communauté n’est plus en question. Le désastre de la communauté est dans
La communauté, selon Nancy, est toujours considérée comme « être le « philosophème » qui exige d’exposer « le sens lui-même comme une
commun », exposée par là aux possibles variantes de l’organicisme. Comme vérité ». Nancy a préféré en effet remplacer le mot « communauté » par
28
« sujet commun » qui subsume à son intérieur tous les individus de la « être-en-commun » ou « être-avec ». L’être-en-commun est ce qui nous
communauté. Pour Nancy, la communauté « a représenté le corps social arrive, une « comparution » qui se donne comme un être-ensemble d’exis-
ou collectif dans sa figure la plus intériorisée, la plus immanente, et donc la tences finies. La finitude ne signifie pas achèvement, mais temporalité de
plus totalitaire ». La communauté, autrement dit, homogénéisant ce qui
23
l’être, d’un avoir lieu dans le temps qui décide de l’impossibilité de toute
reste à l’intérieur, tombe dans le remous de l’immanence commune. Elle transcendance de l’existence. Notre horizon reste, pour Nancy, toujours
est toujours connotée à une forme « obstinément chrétienne, idyllique,
24. Ibid., p. 9.
25. A. Badiou, « L’outrepassement politique du philosophème de la communauté », dans
22. Cf. R. Esposito, Communitas, Paris, PUF, 2000 ; Id., Immunitas. Protezione e Politique et Modernité, éditeurs G. Leyenberger, J.-J. Forté, Ciph, Niort, Éditions
negazione della vita, Torino, Einaudi, 2002 ; Id., Bíos. Biopolitica e filosofia, Torino, Osiris, 1992, p. 59.
Einaudi, 2004. 26. J.-L. Nancy, La Communauté affrontée, Paris, Galilée, 2001, p.35
23. J.-L. Nancy, « Prefazione all’edizione italiana », dans La Comunità inoperosa, 27. J.-L. Nancy, La Pensée dérobée, op. cit., p. 115
Napoli, Cronopio, 1992, p. 8. 28. A. Badiou, op. cit., p. 64.
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immunisant de tout paradigme communautaire. Bâtir une communauté
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idéaliste, et donc apolitique ou infra politique ». Le paradigme
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signifie toujours reconnaître la présence d’un « hors-lieu », d’un « extra- communautaire, contre le « politique », n’admet aucun partage effectif de
communautaire », d’un autre à nier. L’identité et la négation sont les traits la différence en-commun. Quand se réalise la « communauté politique »,
propres de la communauté, en tant qu’unité organique toujours potentiel- le politique est déjà hors-jeu et c’est pour cette raison qu’aucune politique
lement totalitaire. La seule condition commune se révèle l’« absence de ne peut « produire ce nom ». Dans la communauté, on est toujours à
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communauté ». Le lien social, semble nous intimer Bataille, ne peut se l’intérieur d’une autoreprésentation identitaire qui ne peut jamais renoncer
fonder que sur le refus catégorique de tout paradigme communautaire. au principe de l’Un. La « communauté/Un » nie la pluralité au nom d’un
Cette conscience va le pousser, pendant l’après-guerre, vers l’abandon inévitable fondement absolu ; elle renonce à l’horreur de l’ab-grund, de
définitif de la communauté. l’anomie, de la perte de l’identité, de l’autre. Dans cette perspective, se place
Nancy, à cet égard, a eu l’incontestable mérite de rouvrir le débat ce que Nancy propose comme une « déconstruction du christianisme ». La
philosophique des vingt dernières années sur le thème de la communauté critique de Nancy au concept de communauté se fonde sur la « critique
en nous donnant la possibilité de repenser l’être-en-commun, au niveau de l’œuvre ». Exposer la communauté au désœuvrement, signifie
ontologique-politique, débat que la philosophie, après Heidegger et démanteler le paradigme qui a tendance à la représenter comme sa propre
Bataille, avait renoncé à penser. Nancy reprend et prolonge, de façon œuvre . Il faut décliner l’« être-en-commun » en tant que partage de
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décisive, la critique de la communauté en partant du lien communauté- l’existence. Le « partage », en plus de l’avec, emporte toujours une division,
communisme. L’exigence du commun représente le trait qui noue et croise une propriété disjonctive de la relation qui noue et coupe à la fois
les destins de la pensée du communisme et de la communauté. Ces derniers l’ensemble des éléments qui entrent en contact : « individu », « peuple »,
se sont éloignés du commun, dans leur développement historique, l’un « communauté », « pensée ». « Au nom de la communauté, écrit Nancy,
dans les échecs du communisme réel, l’autre dans la catastrophe de l’humanité – mais tout d’abord en Europe – a fait la preuve d’une capacité
« communauté » deux termes probablement irrécupérables, inutilisables. communauté n’est plus en question. Le désastre de la communauté est dans
La communauté, selon Nancy, est toujours considérée comme « être le « philosophème » qui exige d’exposer « le sens lui-même comme une
commun », exposée par là aux possibles variantes de l’organicisme. Comme vérité ». Nancy a préféré en effet remplacer le mot « communauté » par
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« sujet commun » qui subsume à son intérieur tous les individus de la « être-en-commun » ou « être-avec ». L’être-en-commun est ce qui nous
communauté. Pour Nancy, la communauté « a représenté le corps social arrive, une « comparution » qui se donne comme un être-ensemble d’exis-
ou collectif dans sa figure la plus intériorisée, la plus immanente, et donc la tences finies. La finitude ne signifie pas achèvement, mais temporalité de
plus totalitaire ». La communauté, autrement dit, homogénéisant ce qui
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l’être, d’un avoir lieu dans le temps qui décide de l’impossibilité de toute
reste à l’intérieur, tombe dans le remous de l’immanence commune. Elle transcendance de l’existence. Notre horizon reste, pour Nancy, toujours
est toujours connotée à une forme « obstinément chrétienne, idyllique,
24. Ibid., p. 9.
25. A. Badiou, « L’outrepassement politique du philosophème de la communauté », dans
22. Cf. R. Esposito, Communitas, Paris, PUF, 2000 ; Id., Immunitas. Protezione e Politique et Modernité, éditeurs G. Leyenberger, J.-J. Forté, Ciph, Niort, Éditions
negazione della vita, Torino, Einaudi, 2002 ; Id., Bíos. Biopolitica e filosofia, Torino, Osiris, 1992, p. 59.
Einaudi, 2004. 26. J.-L. Nancy, La Communauté affrontée, Paris, Galilée, 2001, p.35
23. J.-L. Nancy, « Prefazione all’edizione italiana », dans La Comunità inoperosa, 27. J.-L. Nancy, La Pensée dérobée, op. cit., p. 115
Napoli, Cronopio, 1992, p. 8. 28. A. Badiou, op. cit., p. 64.
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infiniment fini et c’est en cette marge, dans cette ouverture de sens, qu’il faisant de l’existence une relation, lui donne l’aspect d’un labyrinthe, un
nous faut nous charger de notre existence en commun. réseau noué d’existences exposées au rapport avec l’autre. Les mots et
l’ensemble pluriel des relations linguistiques, font de l’homme un « être
La communication in-finie en rapport », où la relation permet l’individuation même du singulier. La
« Tout ce que j’ai vécu, dit, écrit relation se définit donc comme condition pré-ontologique de l’expérience
– que j’aimais – je l’imaginais communiqué . » 29
en nous exposant à la nudité. Le sujet, en tant que langage, ne fait sens que
dans l’ouverture de la communication. La « subjectivité » en effet existe
Dans les années qui suivent l’expérience communielle, la critique du seulement si elle est communiquée ; Bataille affirme que « la souveraineté
solipsisme de Bataille prend les traits d’une phénoménologie de l’expé- est toujours communication, et que la communication, au sens fort, est
rience extatique, une « expérience du dehors » qui trouve dans la communi- toujours souveraine ». L’essentiel est le flux d’énergie qui transite dans le
33
cation une radicale mise en question de la subjectivité même. La théorie de passage partagé d’expériences co-exposées au monde. « La vérité, écrit
la communication traverse en effet les thèmes les plus importants de la Bataille, n’a lieu qu’en passant de l’un à l’autre ». Le singulier, en effet,
34
production théorique de Bataille : de la communauté à la souveraineté, du en tant que ego isolé, n’a pas le pouvoir d’accéder à l’essentiel, au sens.
jeu à la chance, de la dépense au sacré. Communiquer signifie pour Bataille L’« en rapport », comme l’« infra » de Hannah Arendt, définit l’espace de
mener le sujet à une expérience de la limite, l’exposer au-dehors de lui- l’« entre nous », du commun mais aussi de l’impropre, de l’écart qui
même, à un flux qui sépare et lie les discontinuités individuelles. Si le sujet distribue les sujets et qui les noue dans la forme de la relation. Bataille
cartésien ou kantien était caractérisé par la fermeture, ce qui marque le propose ainsi une « mise en jeu » du commun, en tant que communication
« glissement » effectué par Bataille est l’exposition de la subjectivité à la et en tant qu’amitié. Il n’y aurait pas de communication si les singularités
déchirure, à la « blessure » qui, au fond, le constitue. Le sujet n’est jamais « en question » étaient fermées ; l’inachèvement rend possible les passages
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Communiquer signifie s’exposer ensemble au risque de l’autre sans de l’inachèvement, de l’aléa, du kairos ; elle expose, en tant qu’ouverture
« remplir » la « faille » constitutive des êtres qui les oblige à un échange
31
du possible, le sujet à la pluralité des événements et à la « multitude des
infini, au désir excessif de l’autre. L’expérience humaine, en effet, pour êtres aléatoires ». Dépense et communication se jouent dans le même
Bataille, ne peut pas avoir lieu si elle n’est pas communiquée. C’est un mouvement de l’être, où l’« être isolé » ne peut se dérober à l’excès ; il « doit
passage, un entretien infini de différentes discontinuités. La nécessité de communiquer » et, en même temps, il doit renoncer à la prétention d’être
partager s’impose pour les êtres en tant qu’ouverture, une ek-stasis qui se reconnu de l’autre en tant que sujet. Pour Bataille la communication,
joue, dans la dimension de l’entre qui nous fait être ensemble. C’est le contrairement à Hegel, ne prévoit aucune reconnaissance. Le « moi » se
langage, en tant que structure de la subjectivité, qui rend possible à révèle simplement comme « rapport à quelque autre chose ». L’événement
36
29. G. Bataille, Sur Nietzsche, Œ. C., t. VI, p. 31. 33. G. Bataille, La Littérature et le mal, Œ. C., t. IX, p. 312.
30. G. Bataille, Le Coupable, Œ. C., t. V, (note) p. 513. 34. G. Bataille, L’Amitié, Œ. C., t. VI, p. 303.
31. Ibid., p. 266. 35. G. Bataille, Le Coupable, op. cit., p. 317.
32. G. Bataille, L’Expérience intérieure, Œ. C., t. V, p. 99. 36. Ibid., p. 362.
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infiniment fini et c’est en cette marge, dans cette ouverture de sens, qu’il faisant de l’existence une relation, lui donne l’aspect d’un labyrinthe, un
nous faut nous charger de notre existence en commun. réseau noué d’existences exposées au rapport avec l’autre. Les mots et
l’ensemble pluriel des relations linguistiques, font de l’homme un « être
La communication in-finie en rapport », où la relation permet l’individuation même du singulier. La
« Tout ce que j’ai vécu, dit, écrit relation se définit donc comme condition pré-ontologique de l’expérience
– que j’aimais – je l’imaginais communiqué . » 29
en nous exposant à la nudité. Le sujet, en tant que langage, ne fait sens que
dans l’ouverture de la communication. La « subjectivité » en effet existe
Dans les années qui suivent l’expérience communielle, la critique du seulement si elle est communiquée ; Bataille affirme que « la souveraineté
solipsisme de Bataille prend les traits d’une phénoménologie de l’expé- est toujours communication, et que la communication, au sens fort, est
rience extatique, une « expérience du dehors » qui trouve dans la communi- toujours souveraine ». L’essentiel est le flux d’énergie qui transite dans le
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cation une radicale mise en question de la subjectivité même. La théorie de passage partagé d’expériences co-exposées au monde. « La vérité, écrit
la communication traverse en effet les thèmes les plus importants de la Bataille, n’a lieu qu’en passant de l’un à l’autre ». Le singulier, en effet,
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production théorique de Bataille : de la communauté à la souveraineté, du en tant que ego isolé, n’a pas le pouvoir d’accéder à l’essentiel, au sens.
jeu à la chance, de la dépense au sacré. Communiquer signifie pour Bataille L’« en rapport », comme l’« infra » de Hannah Arendt, définit l’espace de
mener le sujet à une expérience de la limite, l’exposer au-dehors de lui- l’« entre nous », du commun mais aussi de l’impropre, de l’écart qui
même, à un flux qui sépare et lie les discontinuités individuelles. Si le sujet distribue les sujets et qui les noue dans la forme de la relation. Bataille
cartésien ou kantien était caractérisé par la fermeture, ce qui marque le propose ainsi une « mise en jeu » du commun, en tant que communication
« glissement » effectué par Bataille est l’exposition de la subjectivité à la et en tant qu’amitié. Il n’y aurait pas de communication si les singularités
déchirure, à la « blessure » qui, au fond, le constitue. Le sujet n’est jamais « en question » étaient fermées ; l’inachèvement rend possible les passages
Communiquer signifie s’exposer ensemble au risque de l’autre sans de l’inachèvement, de l’aléa, du kairos ; elle expose, en tant qu’ouverture
« remplir » la « faille » constitutive des êtres qui les oblige à un échange
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du possible, le sujet à la pluralité des événements et à la « multitude des
infini, au désir excessif de l’autre. L’expérience humaine, en effet, pour êtres aléatoires ». Dépense et communication se jouent dans le même
Bataille, ne peut pas avoir lieu si elle n’est pas communiquée. C’est un mouvement de l’être, où l’« être isolé » ne peut se dérober à l’excès ; il « doit
passage, un entretien infini de différentes discontinuités. La nécessité de communiquer » et, en même temps, il doit renoncer à la prétention d’être
partager s’impose pour les êtres en tant qu’ouverture, une ek-stasis qui se reconnu de l’autre en tant que sujet. Pour Bataille la communication,
joue, dans la dimension de l’entre qui nous fait être ensemble. C’est le contrairement à Hegel, ne prévoit aucune reconnaissance. Le « moi » se
langage, en tant que structure de la subjectivité, qui rend possible à révèle simplement comme « rapport à quelque autre chose ». L’événement
36
29. G. Bataille, Sur Nietzsche, Œ. C., t. VI, p. 31. 33. G. Bataille, La Littérature et le mal, Œ. C., t. IX, p. 312.
30. G. Bataille, Le Coupable, Œ. C., t. V, (note) p. 513. 34. G. Bataille, L’Amitié, Œ. C., t. VI, p. 303.
31. Ibid., p. 266. 35. G. Bataille, Le Coupable, op. cit., p. 317.
32. G. Bataille, L’Expérience intérieure, Œ. C., t. V, p. 99. 36. Ibid., p. 362.
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réciproques sont mises en jeu. La communication se révèle de cette façon co-essentiel par rapport au Dasein. En d’autres termes, il faut repenser
comme état métastable qui ne parvient jamais à l’accomplissement. Selon l’existence en tant qu’être-en-commun. L’être social ne peut pas être
Bataille, elle dépasse toujours la pure objectivité, la déborde, dans l’excès reconduit simplement aux termes de « société » ou « socialité ». Il ne s’agit
qui la dépasse au-delà d’elle-même. « La communication est en nous, car ni d’une dimension surajoutée à un donné individuel présupposé ou
l’homme existe dans la mesure où les hommes communiquent entre eux . » 37
originaire ni, comme voudrait Husserl, d’une préexistence du sujet par
L’homme est exposé à ce nouage, au tissu infini des communications, qui rapport à l’accident de l’intersubjectivité. Si le sens passe toujours de l’un
se propagent de l’un à l’autre, dans un écart différentiel qui laisse toujours à l’autre, comment peut-on envisager le Dasein isolément ? Pour Nancy,
ouverte la possibilité du conflit, de la déchirure, de la coupure qui remet l’être est exposé toujours comme « avec », il est – « identiquement » – être-
les singularités réciproquement à la confrontation et à l’affrontement des avec. « L’être est singulier et pluriel, à la fois, indistinctement et distinc-
existences. La communication se dérobe de cette façon à toute tement. Il est singulièrement pluriel et pluriellement singulier . » Nancy
42
appropriation de la part des sujets en se révélant, au contraire, comme un nie de cette manière la possibilité d’un être qui précède l’être singulier-
procédé sans sujet. Ce mouvement, en touchant la subjectivité et son pluriel. En d’autres termes, les singularités sont toujours inséparables de
rapport avec l’objet, s’impose comme « mise en question du sujet comme l’être-avec-les-autres, elles sont des « singularités multiples ». Autant le
de l’objet », « glissement » de l’être vers l’« au-delà des limites du moi sujet, pour Nancy, est offert à l’excès de sens, à la chance, autant la
isolé ». Bataille écrit : « Nous ne sommes donnés, fût-ce à nous-mêmes,
38
multitude des corps est exposée, dans la nudité, à l’expérience de la
sinon dans un réseau de communication avec les autres : nous baignons dans communication. La question du rapport entre le sens et la communication
la communication . » Cela signifie, pour Bataille, s’exposer à une
39
est en effet décisive pour Bataille et pour Nancy. Ce dernier aussi, se
contagion, à la prodigalité qui nous dispose à la rencontre, au con-loquium. référant à Bataille, fait remarquer que le « sens » ne peut pas avoir lieu sinon
Nancy définit la communication comme « trame nue et sans « en passant de l’un à l’autre ». La vérité passe, elle ne se laisse approprier
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réciproques sont mises en jeu. La communication se révèle de cette façon co-essentiel par rapport au Dasein. En d’autres termes, il faut repenser
comme état métastable qui ne parvient jamais à l’accomplissement. Selon l’existence en tant qu’être-en-commun. L’être social ne peut pas être
Bataille, elle dépasse toujours la pure objectivité, la déborde, dans l’excès reconduit simplement aux termes de « société » ou « socialité ». Il ne s’agit
qui la dépasse au-delà d’elle-même. « La communication est en nous, car ni d’une dimension surajoutée à un donné individuel présupposé ou
l’homme existe dans la mesure où les hommes communiquent entre eux . » 37
originaire ni, comme voudrait Husserl, d’une préexistence du sujet par
L’homme est exposé à ce nouage, au tissu infini des communications, qui rapport à l’accident de l’intersubjectivité. Si le sens passe toujours de l’un
se propagent de l’un à l’autre, dans un écart différentiel qui laisse toujours à l’autre, comment peut-on envisager le Dasein isolément ? Pour Nancy,
ouverte la possibilité du conflit, de la déchirure, de la coupure qui remet l’être est exposé toujours comme « avec », il est – « identiquement » – être-
les singularités réciproquement à la confrontation et à l’affrontement des avec. « L’être est singulier et pluriel, à la fois, indistinctement et distinc-
existences. La communication se dérobe de cette façon à toute tement. Il est singulièrement pluriel et pluriellement singulier . » Nancy
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appropriation de la part des sujets en se révélant, au contraire, comme un nie de cette manière la possibilité d’un être qui précède l’être singulier-
procédé sans sujet. Ce mouvement, en touchant la subjectivité et son pluriel. En d’autres termes, les singularités sont toujours inséparables de
rapport avec l’objet, s’impose comme « mise en question du sujet comme l’être-avec-les-autres, elles sont des « singularités multiples ». Autant le
de l’objet », « glissement » de l’être vers l’« au-delà des limites du moi sujet, pour Nancy, est offert à l’excès de sens, à la chance, autant la
isolé ». Bataille écrit : « Nous ne sommes donnés, fût-ce à nous-mêmes,
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multitude des corps est exposée, dans la nudité, à l’expérience de la
sinon dans un réseau de communication avec les autres : nous baignons dans communication. La question du rapport entre le sens et la communication
la communication . » Cela signifie, pour Bataille, s’exposer à une
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est en effet décisive pour Bataille et pour Nancy. Ce dernier aussi, se
contagion, à la prodigalité qui nous dispose à la rencontre, au con-loquium. référant à Bataille, fait remarquer que le « sens » ne peut pas avoir lieu sinon
Nancy définit la communication comme « trame nue et sans « en passant de l’un à l’autre ». La vérité passe, elle ne se laisse approprier
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qui n’éclaire rien sinon ce passage en commun. La pensée se révèle donc, identitaire, « je » ou « nous », en nous exposant à un infini passage entre
pour Nancy, dans l’idée d’un con-tact, dans l’infinie possibilité de « passer individu et collectif. Il se révèle, selon le lexique de Bauman, un concept
de l’un à l’autre », dans la mutuelle coexposition au sens. Dans cette liquide, qui de façon coextensive noue le singulier et le pluriel. Cette
dynamique, il y a tout le sens possible de l’être-en-commun, de ce qui ne dynamique rapproche, en un certain sens, Nancy au dualisme sans
se donne ni « propriété », ni appropriation de sens. « Le partage “lui- synthèse, qui traverse toute l’écriture de Bataille. L’existence nous arrive
même”, observe Nancy, ne “se” communique pas : il est le passage et la en-commun, non en tant que « être commun », mais comme
partition de la communication . » Au commun, on est exposé « collecti-
45
l’« espacement » du commun. La communication, qui était déjà un effet
vement », dans chaque singularité finie, au-delà d’un sens commun qui du commun pour Bataille, « implique la dualité, mieux la pluralité, de ceux
puisse réabsorber le singulier dans la substance du collectif. La communi- qui communiquent, appelle, dans les limites d’une communication donnée,
cation se déploie comme ouverture coexistentielle qui règle le commun, leur égalité ». Seulement dans la pluralité il y a la subjectivité : « Il n’y a
49
l’incommensurable même, et qui résiste de cette façon, à tout possible pas d’énoncé à sujet singulier, explicite ou implicite, qui ne comporte aussi
accomplissement, à toute « fin de l’histoire ». la marque plus ou moins manifeste d’un sujet collectif ou commun, d’un
“nous” qui est au moins celui de la langue de l’énoncé ».‹ « Nous » sommes
50
décide de l’expérience de l’homme dans le monde, mais il ne renvoie à La sociation articule les singularités selon un commun rapport de
aucune essence commune. Le commun se donne comme l’impropre, coexistence. Mais si le commun a le pouvoir de nous exposer au sens, au
l’étrangeté, se révèle « dans le partage qui n’est pas fusionnel, dans l’alté- « sens-en-commun », comment peut-on l’adresser aux inédits tracés de
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qui n’éclaire rien sinon ce passage en commun. La pensée se révèle donc, identitaire, « je » ou « nous », en nous exposant à un infini passage entre
pour Nancy, dans l’idée d’un con-tact, dans l’infinie possibilité de « passer individu et collectif. Il se révèle, selon le lexique de Bauman, un concept
de l’un à l’autre », dans la mutuelle coexposition au sens. Dans cette liquide, qui de façon coextensive noue le singulier et le pluriel. Cette
dynamique, il y a tout le sens possible de l’être-en-commun, de ce qui ne dynamique rapproche, en un certain sens, Nancy au dualisme sans
se donne ni « propriété », ni appropriation de sens. « Le partage “lui- synthèse, qui traverse toute l’écriture de Bataille. L’existence nous arrive
même”, observe Nancy, ne “se” communique pas : il est le passage et la en-commun, non en tant que « être commun », mais comme
partition de la communication . » Au commun, on est exposé « collecti-
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l’« espacement » du commun. La communication, qui était déjà un effet
vement », dans chaque singularité finie, au-delà d’un sens commun qui du commun pour Bataille, « implique la dualité, mieux la pluralité, de ceux
puisse réabsorber le singulier dans la substance du collectif. La communi- qui communiquent, appelle, dans les limites d’une communication donnée,
cation se déploie comme ouverture coexistentielle qui règle le commun, leur égalité ». Seulement dans la pluralité il y a la subjectivité : « Il n’y a
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l’incommensurable même, et qui résiste de cette façon, à tout possible pas d’énoncé à sujet singulier, explicite ou implicite, qui ne comporte aussi
accomplissement, à toute « fin de l’histoire ». la marque plus ou moins manifeste d’un sujet collectif ou commun, d’un
“nous” qui est au moins celui de la langue de l’énoncé ».‹ « Nous » sommes
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décide de l’expérience de l’homme dans le monde, mais il ne renvoie à La sociation articule les singularités selon un commun rapport de
aucune essence commune. Le commun se donne comme l’impropre, coexistence. Mais si le commun a le pouvoir de nous exposer au sens, au
l’étrangeté, se révèle « dans le partage qui n’est pas fusionnel, dans l’alté- « sens-en-commun », comment peut-on l’adresser aux inédits tracés de
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ontologie politique du commun, une « co-ontologie », une pensée du créateur » de la propriété qui rend possible le partage du commun. La
politique qui se charge du commun en tant que praxis de sens. Le commun « création du monde » se révèle ainsi une production destinée, au-delà de
s’affirme, de cette manière, comme une forme matricielle et originaire du l’accumulation du capital, à une « appropriation partagée » de la valeur
politique, de la pensée même d’un espace public ; il réalise le nouage qui même. Ce que Bataille aurait défini comme une dépense partagée de la
tient ensemble singulier et pluriel, comme condition du collectif. Cette finitude. À cet égard un retracement de la partition commune de Bataille
« ressource inédite » rend possible et nécessaire un « retracement » du
53
et Nancy est décisif pour reconnaître les traces qui annoncent déjà une
politique en tant qu’événement du politique. Il s’agit ainsi d’articuler la pensée du commun qui nous expose à l’événement singulier-pluriel du
« coexistence » comme rapport pluriel de singularité, c’est-à-dire comme monde, et qui nous permet d’affirmer ensemble et toujours avec Bataille :
exposition à l’avec. La mesure de l’avec se révèle, de cette manière, comme « L’être n’est jamais moi seul, c’est toujours moi et mes semblables . »
54
53. J.-L. Nancy, La Communauté affrontée op. cit., p. 30. 54. G. Bataille, La Souveraineté, Œ. C., t. VIII, p. 297.
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ontologie politique du commun, une « co-ontologie », une pensée du créateur » de la propriété qui rend possible le partage du commun. La
politique qui se charge du commun en tant que praxis de sens. Le commun « création du monde » se révèle ainsi une production destinée, au-delà de
s’affirme, de cette manière, comme une forme matricielle et originaire du l’accumulation du capital, à une « appropriation partagée » de la valeur
politique, de la pensée même d’un espace public ; il réalise le nouage qui même. Ce que Bataille aurait défini comme une dépense partagée de la
tient ensemble singulier et pluriel, comme condition du collectif. Cette finitude. À cet égard un retracement de la partition commune de Bataille
« ressource inédite » rend possible et nécessaire un « retracement » du
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et Nancy est décisif pour reconnaître les traces qui annoncent déjà une
politique en tant qu’événement du politique. Il s’agit ainsi d’articuler la pensée du commun qui nous expose à l’événement singulier-pluriel du
« coexistence » comme rapport pluriel de singularité, c’est-à-dire comme monde, et qui nous permet d’affirmer ensemble et toujours avec Bataille :
exposition à l’avec. La mesure de l’avec se révèle, de cette manière, comme « L’être n’est jamais moi seul, c’est toujours moi et mes semblables . »
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53. J.-L. Nancy, La Communauté affrontée op. cit., p. 30. 54. G. Bataille, La Souveraineté, Œ. C., t. VIII, p. 297.
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