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Larchet Jean-Claude. Le baptême selon saint Maxime le Confesseur. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 65, fascicule
1-2, 1991. pp. 51-70;
doi : https://doi.org/10.3406/rscir.1991.3163
https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1991_num_65_1_3163
LE CONFESSEUR
(1) P. Sherwood en a cependant présenté quelques aspects dans St. Maximus the
Confessor. The ascetic life. The four centuries on charity, Londres 1955 (Ancien
Christian writers 21) pp. 77-79, et W. Vôlker lui a consacré un court chapitre dans une
perspective particulière (Maximus Confessor als Meister des geistilichen Lebens,
Wiesbaden, 1965, pp. 143-146 : I. 8. Die Taufe als Grundlage fur den Kampf gegen die
Sùnde).
(2) Ces textes sont les suivants (nous indiquons entre parenthèses, après le titre
de chaque œuvre, l'abréviation utilisée pour la désigner dans le cours de cette étude) :
Ambigua ad Ioannem (Amb. ad Io.) 42, PG 91, 1325BC, 1345C-1349A. Discours
ascétique (Asc.) 44, PG 90, 956A. Centuries sur la charité (Char.), IV, 73, Ceresa-
Gastaldop. 226. Lettre (Ep.) XII, PG 91, 497A. Mystagogie (Myst.) XXIV, PG 91,
712B. Commentaire du Notre Père (Pater), PG 90, 877 A. Quaestiones et dubia (Qu.
D.) : 4, CCG 10, Declerck (désormais D.) p. 4-5 ; 115 (D. p. 84) ; 187 (D. p.
127-128) ; II/8 (D. p. 166-167) ; II/9 (D. p. 167). Questions à Thalassios (Thaï.) :
3, CCSG 7, Laga-Steel (désormais L-S) 54-55 ; 7, L-S 1-51 ; 30, L-S 1-23 ; 61,
PG 90, 636CD, 637B, 640AB ; 65, PG 90, 768 AB. Chapitres théologiques et
économiques (Th. Ec.) : I, 87, PG 90, 1120B ; I, 100, 1124CD ; II, 63, 1152CD.
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SITUATION DU BAPTEME
Dans l'Amb. ad. Io. 65, PG 91, 1392A, Maxime précise que le
logos (4) de l'être nous est donné par essence, celui de l'être bien par
libre choix et celui du toujours être par grâce. En affirmant que tous
trois nous sont donnés, il souligne leur caractère gracieux ; mais en
même temps il indique qu'alors que le premier et le dernier dépendent
de Dieu seul, le second à partie liée à notre liberté. L'être bien c'est
la plénitude de la grâce que nous recevons au baptême, mais c'est aussi
le fait de pouvoir par notre libre-arbitre accorder notre mode (ou tro-
pos) d'existence avec le logos de notre être — lequel est par nature
orienté vers Dieu — , et de croître dans cette direction en faisant
fructifier la grâce reçue de l'Esprit.
(5) Voir notamment Grégoire de Nazianze : Disc. 45, 22 (PG 65, 653).
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(6) Selon P. Sherwood (An annotated date — list of the works of Maximus the
Confessor, Rome 1952), les Quaestiones ad Thalassium ont été rédigées dans les années
630-633, alors que les Ambigua ad Ioannem datent de 628-630.
(7) Le terme est employé par Grégoire de Nazianze : Disc. 31 , 28 (SC 250 p. 322).
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(8) II y a sur ce point une parenté évidente de la pensée de Maxime avec celle
de Grégoire de Nysse : voir en particulier : De op. nom. , XVII (PG 44, 188A-192A) ;
De virg., XII, 4 (SC 119 p. 420) ; Or. cat., VIII, 3 (Méridier p. 50).
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(9) H. U. von Balthasar n'hésite pas à parler à ce propos d'une « rigueur presque
géométrique » (Kosmische Liturgie. Das Weltbild Maximus' des Bekenners, Einsie-
deln, 1961, p. 200).
(10) Sur la signification de ce mot chez Maxime, voir R. Bornert, Les
commentaires byzantins de la divine liturgie du Vllème au XVème siècle, Paris, 1966, p. 115.
(11) Consacré à l'exégèse de 1 Co. 15, 29 : « Si, en tout cas, les morts ne
ressuscitent pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ? », le texte de Maxime est lui-même
assez peu clair, et la formule citée ambiguë, puisque le baptême figure à la fois la
résurrection du Christ et la résurrection future dont le baptisé reçoit cependant les
arrhes.
(12) L'expression est de L. Thunberg, Op. cit. p. 392.
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NATURE DU SACREMENT
(13) On peut encore mettre en correspondance ces trois triades avec deux autres
triades maximiennes : celle des sixième, septième et huitième jours de la création
(le sixième signifiant le logos de l'être des êtres, le septième désignant le mode de
l'être bien des êtres, le huitième annonçant le mystère ineffable de l'être bien éternel
des êtres) (Th. Ec, I, 56, PG 90, 1104C) ; celle de la loi naturelle, la loi écrite,
et la loi de grâce (cf. Thaï. 64, PG 90, 727D-728A).
(14) Cf. P. Sherwood, St Maximus the Confessor, p. 70 et 77.
(15) Le mot se trouve en Tit. 3,5. Les prédécesseurs de Maxime en ont fait un
usage abondant.
(16) Le terme est traditionnel. On le trouve chez Justin : 1 Apol. 66 (PG 66, 420C).
Irénée : Adv.haer. I, 21, 1 (PG 7, 657B). Cyrille de Jérusalem : Cat. I, 2 (PG 33,
372A). Grégoire de Nazianze : Disc. : 31, 28 (SC 250 p. 332) ; 39,3 (SC 358 p.
152. 6). Grégoire de Nysse : Or. cat. XXXV, 13 (Méridier p. 168), XXXVIII, 2
(p. 182), XL, 2 (p. 190). Jean Chrysostome : Horn. 2, 7 in 2 Co. (PG 31, 403).
Pseudo-Denys : Hier. eccl. II, I, 1 (PG 3, 392A). Il a un fondement scripturaire :
le verbe correspondant se trouve en 1 P. 1 , 23 ; le thème est développé en Jn. 3, 3-8.
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(17) On trouve un texte parallèle dans la Qu. D. 4 (D. p. 4-5) «sauf que les effets
sont intervertis pour trois des termes et que l'un de ces effets est différent (une telle
discordance ne surprendra pas ceux qui sont familiers de la tradition d'exégèse
allégorique à laquelle se rattache Maxime) : « Q/ Puisqu'il est écrit dans l'Evangile :
« Si l'on ne naît d'eau et d'Esprit » (Jn. 3, 5), et dans un autre passage : « Celui-là
vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu » (Mt. 3, 1 1 ; Le. 3, 16), je demande
à apprendre quelle est la différence. R/ Venant en chacun, le Saint Esprit, comme
eau nettoie la souillure de la chair, comme Esprit lave les taches de l'âme, comme
Esprit Saint (lui) propose les modes des vertus, comme feu (le) fait dieu par grâce,
faisant briller sur lui les marques divines de la vertu ».
(18) En Myst. XXIV, PG 91, 712B, Maxime utilise le mot charisma ; en Thaï.
65 (PG 90, 768A) et en Char. IV, 73, le mot châris.
(19) Cette importance est soulignée par J. Loosen dans sa thèse : Logos und Pneuma
im begnadeten Menschen bei Maximus Confessor, Munster 1940.
(20) Cf. W. Vôlker : Op. cit. p. 144.
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EFFETS DU BAPTÊME
(21) La formulation même indique qu'il s'agit des péchés commis avant le
baptême. Cf. Cyrille de Jérusalem : Cat. Ill, 15 (PG 33, 445A).
(22) Dans ce texte exégétique, la grâce du baptême est présentée comme signifiée
symboliquement par le Jourdain : on peut supposer là un rapport implicite avec le
baptême du Christ où celui-ci acquiert la victoire sur les puissances mauvaises qui
résident dans les eaux, thème classique de l'hymnographie et de l'iconographie
orientales. Sur le même thème, voir Grégoire de Nazianze : Disc. 40, 10 (SC 358 p.
216-218).
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premier, que l'eau purifie le corps et l'Esprit l'âme (23), pour attribuer
la purification de l'âme au feu. Mais cette divergence s'abolit dans
l'affirmation que tous les effets du sacrement sont l'œuvre du même
Esprit.
Maxime note encore, dans la ligne de Gai. 3, 27, que par la grâce
du baptême le Christ habite dans l'homme (Char. IV, 73) (il dit plus
précisément : dans le nous, lequel représente pour lui comme pour
(23) Voir par exemple Cyrille de Jérusalem : Cat. Ill, 3 (PG33, 429A).
(24) Voir notamment : Grégoire de Nazianze : Disc. 40 : 3 (SC 358 pp. 200, 202),
4 (p. 202), 6 (p. 208), 24 (p. 248). Grégoire de Nysse : De bapt. dif. , PG 46, 432A ;
Or. cat., XXXH, 11 (Méridier p. 152). Pseudo-Denys : Hier, eccl., m, I (PG3, 425A).
Ces auteurs sont les héritiers d'une longue tradition qui remonte au moins à Justin
(voir A. Benoît : Le baptême chrétien au second siècle, Paris 1953, p. 165-170).
(25) La foi est la seule de ces vertus mentionnée explicitement par Maxime (Thaï.
3, L-S 55).
(26) En Thaï. 61, PG 90, 636C, Maxime parle aussi de « la filiation mystique
en Esprit ».
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(30) W. Volker (Op. cit. p. 145-146) note que cette position est pleinement
conforme à l'ancienne tradition chrétienne, et donne comme références : la Deuxième
lettre de Clément de Rome (7, 6) ; Grégoire de Nazianze : Disc. : 8, 20 (PG 35,
812C), 40, 8 (PG 36, 368B).
(31) Dans le Discours ascétique, 44 (PG 90, 956A), Maxime enseigne que c'est
par la pénitence que nous pouvons être libérés des fautes commises après le baptême.
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(32) Voir en particulier, pour ce qui est de l'imitation de la mort du Christ : Amb.
ad Io. 40, PG 91, 1333C. Sur le même thème, voir : Grégoire de Nazianze : Disc.
40, 9 (SC 358 p. 216. 16-19) ; Grégoire de Nysse : Or. cat., XXXV, 1 (Méridier
p. 160), 4 (p. 162), 7-11 (p. 164-166) ; Pseudo-Denys : Hier, eccl., III, 7, PG3, 404B.
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plus alors à cause du péché que le baptisé, qui en outre tient ferme
son baptême par les commandements, s'acquitte de la mort comme
d'une dette en raison du péché, mais c'est en condamnation du péché
qu'il en reçoit l'usage, en vue d'être emporté mystiquement en la vie
divine et éternelle qui ne connaît pas de fin. C'est à partir du moment
où est venu le mystère de l'Incarnation, et où le Dieu qui s'est incarné
a enlevé, en ceux qui sont en Lui régénérés par l'Esprit, la naissance
de la nature par la loi de jouissance, que, comme je le disais, « le temps
vient de commencer le jugement par la maison de Dieu » (IP. 4, 17),
c'est-à-dire de condamner le péché, (temps) prenant son
commencement de condamnation à travers les souffrances de ceux qui ont cru
et connu la vérité et ceux qui ont par le baptême rejeté la venue à
l'existence par jouissance ; c'est ceux-là qu'il appelle la maison de Dieu ».
(33) Voir par exemple, pour ce qui concerne le baptême : Grégoire de Nazianze :
Disc. 40, 12 (SC 358 p. 224). Grégoire de Nysse : De bapt. dif. (PG 46, 429A) ;
Or. cat., XXXV, 1-11 (Méridier p. 160-166), XL, 1-5 (Méridier p. 190-194).
Macaire : Horn. (Coll. III) XXVIII, 3, 3 (SC 275 p. 338) ; Horn. (Coll. I) XLIII,
1 (CGS 45, t. 2, p. 74) ; Grande Lettre (Jaeger p. 236). Marc l'Ermite : De bapt.
(PG 65, 985-1028). Diadoque de Photicé : Cent., 89 (SC 5bis p. 149).
(34) Maxime se réfère plusieurs fois à Aristote dans son œuvre, mais ne le cite
jamais exactement, si bien que l'on ne peut savoir s'il l'a connu par une lecture directe,
par la biais d'un manuel scolaire ou à travers d'autres auteurs. Notons que cette
distinction se trouve dans le De natura hominis de Némésius d'Emèse (I, PG 40, 516A),
où il a puisé, pour élaborer sa psychologie de l'acte humain, d'autres concepts
aristotéliciens. Mais peut-être l'a-t-il empruntée à l'œuvre d'Origène, où elle figure à deux
reprises : In Rom. VIII, 2 (PG 14, 1162C) et surtout Corn, in Io., II, 24 (SC 120
p. 310), ce deuxième passage évoquant le développement spirituel du chrétien
(quoique dans un contexte non baptismal). Il est possible aussi qu'il l'ait puisée dans le
traité Sur le Saint-Esprit de Basile de Césarée où l'on peut lire : « Comme l'art en
qui en a fait l'acquisition, ainsi la grâce de l'Esprit en celui qui l'a reçue, toujours
présente, mais non pas toujours agissante. Car l'art est en puissance en l'artiste ; il
n'est en acte qu'au moment où celui-ci s'en sert pour œuvrer » (XXVI, 61, SC 17bis
p. 468. 16-20). Il est à noter qu'une distinction analogue, mais moins précise, est
adoptée à propos du baptême par Marc l'Ermite, dont Maxime a pu s'inspirer quant
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en nous, mais en puissance (Thai 6, L-S 9-10 ; c'est par le libre choix
du baptisé qu'elle est introduite en lui et peut devenir tout entière
présente en acte (Thaï. 6, L-S 10-13).
l'incorruptibilité
quoiqu' accomplie
reçue par
au labaptême
grâce, suppose
est potentielle
la participation
; sonde actualisation,
notre volonté
à l'esprit : « La grâce a été donnée mystiquement (mustikôs) à ceux qui ont été
baptisés dans le Christ ; elle se montre efficace {energeî) en proportion de la pratique des
commandements » (De his qui putant, 56, PG 65, 937D). Cf. Ibid. 85, 944A ; De
bapt., 4 (PG 65, 988C), 10 (993C et 996A).
(35) H. Rahner note à propos de ce texte que c'est chez Maxime « que l'on peut
trouver pour la première fois une distinction claire entre les deux naissances, la
naissance baptismale et la naissance dans l'expérience mystique », et que sa théologie
sur ce point marque le recul de la conception qui voyait le commencement de la
naissance de Dieu dans la naissance baptismale (Die Gottesgeburt. Die Lehre der Kir-
chenvâter von der Geburt Christi im Herzen der Glaûbigen, in Zeitschrift fur
katholische Théologie, 59, 1935, p. 380).
(36) W. Volker (Op. cit. p. 145) note ajuste titre que Maxime, comme ses
prédécesseurs, relie son enseignement sur le baptême à la théologie de l'image. Parmi ceux-
ci, on peut citer Diadoque de Photicé : Cent., 89 (SC 5bis p. 149-150).
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et 47) et les efforts pour mener une vie selon Dieu. L'actualisation de
la grâce, qui correspond à l'acquisition de la ressemblance à Dieu,
s'opère par la vertu et la connaissance qui correspondent aux deux
degrés classiques de la vie spirituelle : la praxis et la théôria. La vie
vertueuse s'accomplit par la pratique des commandements qui,
condition préalable, purifie l'homme des passions.
Jean-Claude LARCHET
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