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Cabale juive et occidentale

L’ARBRE DE VIE

D’abord réservée aux Juifs, c'est en Espagne, au douzième siècle, que la Cabale est sortie du secret.
C'est à ce moment-là que le diagramme appelé l'Arbre de Vie est apparu pour la première fois. Cette
structure est le chaînon manquant entre les deux traditions cabalistiques, la juive et l'occidentale.

La quasi-totalité de la cabale occidentale est construite à partir de cet Arbre. La cabale juive y attache
beaucoup moins d'importance.

Il apparaît plut spécifiquement pour la première fois en tant que tel dans le livre  Portae Lucis en 1516. Il
s'agissant d'une traduction en latin de Shaarei Orah (Portails de Lumière) du Rabbi Joseph Gikatalia
(1248-1323), datant de 1290 environ. C'était une époque de grande ferveur messianique parmi les Juifs,
se basant sur l'enseignement prophétique d'Abraham Abulafia, le maître cabaliste. Le livre ne fut pas
véritablement imprimé avant l'année 1516, préservé jusque-là sous forme de manuscrit. Sur la page de
garde, un homme assis est représenté, tenant de sa main droite un arbre comportant les dix sefirot.

La publication de ce livre correspond à la création d'une nouvelle forme de cabale. Le terme de "cabale
chrétienne" pourrait être utilisé pour la désigner à juste titre à cette époque, c'est-à-dire vers 1516. Il
est surprenant d'autre part de constater qu'une version imprimée de ce livre en hébreu n'est apparue
qu'en 1559. Cela se passe un an avant la première édition imprimée du Zohar. Le Zohar est une oeuvre
massive. Avec le Sefer Yetsirah, il constitue l'un des classiques de la cabale juive. Il a entraîné une
transformation radicale de la cabale juive, mais son influence n'a qu'à peine effleuré la cabale
occidentale.

En revanche, cet autre petit livre peu connu, Portae Lucis, a exercé une influence considérable dans
deux directions distinctes. Peu après sa publication en latin, un groupe de Dominicains fervent
essayèrent de convaincre le Pape Léon X de confisquer et de brûler tous les livres juifs. Le mystique
chrétien, Johann Reuchlin (1455-1522), puisa dans ce livre pour rédiger son propre classique De Arte
cabalistica (De l'art cabalistique, 1517) pour convaincre le Pape, à qui il était dédié, de la valeur des
enseignements juifs, et les livres juifs furent ainsi sauvés des flammes.

Reuchlin croyait que la cabale contenait la doctrine du Christianisme. Il enseigna qu'à l'époque des
Patriarches, avant Moïse, Dieu avait un nom de trois lettres ressemblant à YVH, le Trigramme. Plus tard,
le nom de Dieu en quatre lettres, le Tétragramme, YHVH, fut révélé à Moïse pour la première fois,
comme cela est mentionné dans la Bible (Exode 3:15). Au cours de l'ère chrétienne, en ajoutant la lettre
Chin au Tétragramme, vous obtenez le nom de Dieu en cinq lettres, le Pentagramme, YHShVH. C'est
également ainsi que s'écrit le nom de Jésus en hébreu. Telles furent les premières bases de la cabale
chrétienne.

Reuchlin était également conscient que les cabalistes pratiquaient leur religion avec un amour
dévotionnel pour Dieu, plutôt qu'avec la peur de Dieu plus traditionnelle de la tradition juive. Il pensa
donc que ces cabalistes étaient très "chrétiens" de par leur comportement. La cabale parlait aussi du
messie. Reuchlin essaya de convaincre le Pape que les cabalistes parlaient en fait de Jésus. Pour
respecter la vérité historique, rappelons que les cabalistes ne croyaient pas que le messie soit encore
apparu, tandis que les Chrétiens croyaient bien sûr que Jésus était bel et bien le messie attendu du
peuple juif.

D'autres part, des groupes d'occultistes dans divers pays d'Europe furent grandement influencés par les
enseignements contenus dans ce livre. Il continue encore à exercer une influence importante de nos
jours.

CABALE JUIVE MODERNE

On ne peut pas considérer que les enseignements contenus dans le Shaarei Orah soient au cœur de la
cabale juive moderne. Dans la forme qu'elle prend aujourd'hui, la plupart des cabalistes juifs suivent les
enseignements du Zohar, et les interprétations qu'en donne le grand Rabbin Isaac Louria (1524-1572)
connus comme étant Ha Ari. La cabale lourianique est immensément complexe. Cependant, sa théorie
fondamentale, lorsqu'elle se trouve réduite à ses éléments essentiels, est remarquablement cohérente
avec la physique moderne dans sa description de la création de l'univers et de son évolution.

C'est la cabale lourianique qui augmenta l'importance du Monde d'En Bas dans la cabale juive. Ce Monde
d'En Bas est un endroit sombre et démoniaque, où les étincelles de la lumière divine vivent en exil. Le
cabaliste lourianique utilise une technique de méditation pour voyager dans le Monde d'En Bas (le monde
des qlippot - forces démoniaques), afin d'en sauver les étincelles divines et de les ramener au Monde
supérieur. Cette tentative est présentée comme une Unification, car la lumière exilée de Dieu se
trouverait ainsi réunie à sa source.

La cabale lourianique est pratiquement inconnue des adeptes de la tradition occidentale. Les cabalistes
occidentaux donnaient une importance prépondérante à l'Arbre de Vie et aux sefirot. Ceci fait partie,
mais ne constitue pas la totalité, et de loin, de la cabale juive. Le Tarot se mêla aussi de manière intime
avec la cabale occidentale et l'Arbre de Vie. Or, les cabalistes juifs détestent le Tarot. Ils refusent même
d'en parler.

Voici, en quelques mots, l'état de la cabale aujourd'hui : deux groupes principaux, les cabalistes juifs et
ceux occidentaux, qui essentiellement ne se connaissent pas les uns des autres.

La cabale juive et la cabale occidentale sont donc deux traditions très différentes. La cabale occidentale
est une excroissance de bribes de la cabale judaïque passées dans le monde non-juif, où elles se sont
associées avec d'autres traditions, dans une synthèse que l'on appelle généralement cabale occidentale.
Ce transfert commença probablement au douzième siècle, alors que la cabale juive commençait à se
débarrasser de sa mystique du secret absolu, se faisant mieux connaître parmi les Juifs européens, qui
purent ainsi la transmettre à leurs voisins chrétiens.

CABALE OCCIDENTALE

La cabale occidentale semble avoir commencé à se constituer au cours de la Renaissance, combinant le


rosicrucianisme, l'astrologie, le mysticisme soufi ramené des Croisades, la magie, l'alchimie, le
mysticisme chrétien, l'herméneutique et, bien sûr, la cabale juive.

Au début, elle fut adoptée par les prêtres et l'aristocratie. La cabale offrait un domaine d'étude légitime
et une protection, sorte d'alibi pour les Chrétiens qui souhaitaient explorer le domaine de l'occultisme,
sans être pour autant accusés de sorcellerie et d'hérésie.

Au milieu du 19ème siècle, une autre branche de la cabale occidentale est apparue, celle du Tarot.
Jusqu'alors, le Tarot avait uniquement fonctionné comme un système de voyance et de prédiction. Le
Tarot comprend soixante-dix-huit cartes. Cinquante-six d'entre elles ressemblent aux cartes
traditionnelles, avec quatre cartes de personnages de cour pour chaque couleur, le Roi, la Reine, le
Chevalier et le Prince (ou la Princesse) au lieu des trois personnages des jeux de cartes modernes. Mais
le Tarot inclut en outre vingt-deux cartes (ou lames) dessinées : on les appelle les arcanes majeurs. Le
point de liaison pour les cabalistes sont les vingt-deux lettres de l'alphabet hébraïque. L'origine des
vingt-deux lames des arcanes majeures est inconnue. Il existait sans aucun doute des écoles occultes
secrètes qui ont enseigné pendant un certain temps le rapport existant entre les vingt-deux lames et les
vingt-deux lettres de l'alphabet hébraïque.
Sa première apparition sous forme écrite se produisit en France au cours du 19ème siècle, dans la
fameuse œuvre d'Eliphas Lévi Dogmes et Théorie de Haute Magie. Le Tarot fut ici décrit comme la base
d'un système transcendant de conscience en expansion, appelé magie, et basé sur les principes de la
cabale. Inutile de préciser, cette parution souleva une véritable tempête.

Les cabalistes juifs n'ont jamais accepté l'existence d'un quelconque lien entre le Tarot et la cabale. Leur
hostilité se fonde probablement sur l'interdiction contenue dans les Dix Commandements à l'encontre des
"images gravées", mais elle provient aussi sans aucun doute d'une pensée trop rigide. Bien que la cabale
hébraïque soit fondée sur un système numérologique où les mots, les expressions et les idées de valeur
numérique égale sont considérées comme ayant un lien ésotérique (chaque lettre hébraïques étant
également un nombre), ils ne reconnaissent pas de rapport entre ces vingt-deux cartes et les vingt-deux
lettres hébraïques. Il s'agit là probablement de la pierre d'achoppement principale entre les cabalistes
juifs et occidentaux. Je ne m'appesantirai pas ici sur les arguments pour et contre chaque position. Un
cabaliste juif a raison lorsqu'il dit que le Tarot ne fait pas partie de la cabale, autant que le cabaliste
occidental lorsqu'il affirme l'inverse. Lorsqu'ils parlent de la cabale, les uns et les autres emploient le
même mot, mais chacun fait référence en fait à un système différent : d'où le malentendu.

La cabale occidentale est devenue célèbre en Angleterre à la fin du dix-neuvième et au vingtième siècle,
dans des groupes occultes tels que la Golden Dawn ("Aube Dorée"). La plus grande partie de la cabale
occidentale moderne se base directement sur le travail de ces explorateurs anglais, qui ajoutèrent par
ailleurs des fioritures égyptiennes à leur système, pour l'étoffer. Aleister Crowley, diplômé de la Golden
Dawn, put démontrer le lien universel qui rapprochait la cabale des autres systèmes mystiques et
religieux. Malgré sa réputation controversée, personne n'a autant fait que Crowley pour faire
comprendre l'universalité de la cabale occidentale. Et c'est cet aspect qui constitue son plus grand
attrait. Alors que la cabale hébraïque est pratiquement entièrement inaccessible, en dehors d'un petit
groupe de Juifs pieux, et que le Yoga taoïste est imprégné d'un symbolisme particulier à la culture
chinoise, la cabale occidentale est universelle grâce à sa capacité à inclure tous les systèmes. Peut-être
que le terme de Tradition occidentale serait plus approprié que celui de cabale.

Cette Tradition occidentale est encore récente, si on la compare à ses sœurs taoïstes et hébraïques. Elle
a besoin de temps pour grandir et s'affirmer.

La cabale juive, quant à elle, est tout juste en train d'émerger d'une longue période de sommeil.
L'érudition moderne d'auteur comme Gerchom Scholem lui ont redonné une légitimité académique. De
brillants écrivains comme Aryeh Kaplan ont remis à la mode l'étude et la pratique de la cabale parmi les
Juifs orthodoxes et hassidiques, après plus d'un siècle d'abandon. Des universités en Israël possèdent
maintenant des départements spécialisés dans l'étude de la cabale. Les adeptes du Rabbin Philip Berg en
font le prosélytisme dans les rues de New York. Lentement, elle s'éveille et reprend vie, à une époque où
les Juifs souhaitent explorer leur propre patrimoine mystique. Ce phénomène es-il lié à leurs désillusions
face à un monde faussement "rationnel", après l'Holocauste ? Peut-être s'agit-il d'une expérience
totalement inédite, qui en serait à ses débuts ? L'avenir nous le dira.

LES ELEMENTS

Les taoïstes considèrent le Ciel postérieur comme l'endroit où les cinq forces énergétiques universelles
ont été constituées, à partie de l'interaction entre les Trois Purs. Ces cinq éléments sont le Feu, l'Eau, le
Bois, le Métal et la Terre. Tout dans l'univers est composé de ces cinq éléments, soit dans leur état pur,
ou en interaction avec un ou plusieurs autres éléments. Le terme élément est difficile à définir. Il
désigne l'énergie dans l'univers. Cette énergie possède deux pôles, Yin et Yang, et cinq phases ou
activités auxquelles il est fait référence sous le nom d'éléments.

Les cabalistes considéraient les trois premiers éléments, le Feu, l'Eau et l'Air, comme des émanations des
Trois Mères. Les cabalistes juifs sont les plus concernés par ces trois éléments. L'élément Air est en fait
l'équivalent de deux éléments taoïstes : le Bois et le Métal. L'Air est considéré comme possédant deux
pôles, car il n'est pas divisé en deux éléments distincts.

Franz Bardon, l'hermétiste allemand, affirme justement dans son ouvrage Le Chemin de la Véritable
Initiation Magique que l'Air possède deux pôles. Il est un médiateur entre le Feu et l'Eau. Le Séfer
Yetsirah confirme de manière répétée, le fait que l'Air a un rôle de médiateur ou d'équilibrage. Bardon
précise en outre que pour sa fonction de médiateur, l'Air assume la qualité de sécheresse du Feu et celle
d'humidité de l'Eau à ses deux pôles. L'un des pôles de l'Air est sec, l'autre est humide. Cependant,
Bardon omet de dire que les deux pôles en question ont également les qualités de chaleur (modérée, non
extrême) et de fraîcheur (et non d'un froid trop prononcé). Chaud et frais sont les deux pôles
d'équilibrage du brûlant et du glacé. Les deux pôles de l'élément Air doivent être humide et chaud (1) et
frais et sec (2), pour que cet élément puisse agir en tant que médiateur entre le Feu et l'Eau.

J'ai dû chercher longtemps avant de trouver de telles informations. Sans elles, je ne serais pas parvenu à
établir toutes les correspondances entre les cinq éléments taoïstes et les quatre éléments de la tradition
occidentale. L'élément taoïste du Bois possède les qualités de chaleur et d'humidité. La description de
Bardon indiquant qu'un des pôles de l'élément Air est humide semble correspondre. Le Métal possède les
qualités de fraîcheur et de sécheresse. Le pôle opposé de l'élément Air dans le système de Bardon est
d'une qualité sèche. Cela se rapproche suffisamment. Ainsi, si l'élément Air de la tradition occidentale
combine les éléments taoïstes du Bois et du Métal, alors les deux systèmes peuvent être mis en parfaite
corrélation.

Sur l'Arbre de Vie, l'élément Bois selon la tradition chinoise correspond à la sefirah Hèsed. L'émotion
positive du Bois est la gentillesse, la bienveillance. Hèsed signifie miséricorde. Le Bois pousse en sortant
de la Terre. Hèsed est la première sefirah en dessous de l'abîme et signifie la solidité en tant que
concept, qui devient solide en définitive par la sefirah Malkhout (Terre).

L'élément taoïste du Feu correspond à Gevourah. Le Feu de Gevourah est une correspondance
traditionnelle. L'eau correspond à la sefirah Nètsah, qui est la sefirah des émotions. Celles-ci sont régies
par l'élément Eau en cabale occidentale.

Le Métal correspond à Hod, la sefirah de la rationalité et de l'intellect. Frais et sec est une bonne
description de cet état. Le Métal est un des pôles de l'élément Air, et le symbole fondamental de l'Air
dans la cabale est l'épée, qui est constituée de Métal. L'élément taoïste de la Terre correspond
directement à Malkout, la sefirah de la Terre.

Cela ne nous laisse plus que Tiféret et Yesod. Dans la cabale, Tiféret est le Soleil, et Yésod la Lune. Le
Soleil et la Lune ont souvent été utilisés dans les anciens textes taoïstes pour faire référence à diverses
opérations alchimiques. Ils correspondent parfaitement à Tiféret et Yésod.

La formule fondamentale de la cabale est le Tétragramme, c'est-à-dire le nom de Dieu en quatre lettres,
Il est composé de quatre lettres hébraïques : Yod, Hé, Vav, Hé. On a assigné à chaque lettre un élément.
Yod est le Feu, Hé est l'Eau, Vav est l'Air, et le second Hé est la Terre. Les Trois Mères existaient avant la
création. Le Yod Hé Vav Hé représente l'ensemble de la création. Le Tétragramme est souvent traduit
par Jéhovah ou Yahweh.

Un cabaliste hébreu ne prononcera jamais ce nom. La légende affirme que sa véritable prononciation fut
donnée par Dieu à Moïse, lorsque celui-ci reçut les Dix Commandements. Le Nom fut transmis au Grand
Prêtre Aaron. Cette prononciation authentique, d'origine divine, s'est perdue. Au lieu d'épeler les quatre
lettres de Yod Hé Vav Hé, les Juifs utilisent toujours le terme d'Adonaï.

L'univers du cabaliste est tout à fait semblable à celui des taoïstes. Dans la cabale, la création est basée
sur le chiffre dix, comme les dix sefirot par exemple. Le Séfer Yetsirah affirme (chapitre 1, section3) :

Dix Sefirot issues du Néant


Dix et non pas neuf
Dix et non pas onze.

Le système taoïste n'est pas si clairement découpé. Cependant, s'il fallait choisir un chiffre comme
fondement du système, ce serait le huit. Taï Ji, Yin et Yang , et les cinq éléments s'élèvent à un total de
huit. Le Classique taoïste et confucianiste du Yi King ou Livre des Transformations considère que tout ce
qui existe, au ciel et sur Terre, peut être symbolisé par huit trigrammes. L'univers est considéré comme
soumis à une transformation constante et dynamique. Les huit trigrammes sont des images représentant
les transformations....
LE SEFER YETSIRAH ET FRANZ BARDON

Le Séfer Yetsirah aurait-il donc un fondement alchimique et chamanique ? Il n'y a pas de réponse, car ces
aspects ont été perdus par les interprètes plus tardifs. Le livre contient un résumé complet d'un système
très élaboré, à base d'alchimie et de chamanisme. Rares sont les écrivains ou les érudits qui semblent
être conscients de cet aspects. S'il y a quelqu'un qui soit versé dans cette tradition, c'est bien Franz
Bardon, cabaliste et hermétiste allemand mort en 1958.

Cet homme tout à fait remarquable révéla, dans les trois ouvrages qu'il réussit à achever, un univers
magique, différant radicalement de tout ce qui avait été publié jusqu'alors, par leur ouverture et le désir
qui les anime de donner au lecteur les moyens et les explications pour explorer ces mystères. Son
livre Clé de la Véritable Kabbale (Editions A. Moryason) est une approche de la question absolument
stupéfiante et entièrement unique. Pendant des années, je n'avais pas la moindre idée d'où ses
informations pouvaient bien provenir. Puis, grâce à la publication du Séfer Yetsirah, Aryeh Kaplan
traduit littéralement quatre versions différentes des textes en existence, en anglais. L'une d'elles, que
l'on appelle la version courte (comme son nom l'indique, elle est plus courte que les autres) contient des
correspondances pour les dix-neuf autres lettres de l'alphabet (en plus des trois lettres mères), qui
diffèrent radicalement de celles qu'on trouve dans les autres versions.

J'ai dressé un tableau des correspondances dans la Quabbalah de Bardon, et je me suis rendu compte que
presque chacune d'entre elles était identique à celles qu'on trouve dans la version courte du Séfer
Yetsirah. En tenant compte des immenses différences de correspondances qui existent entre les
différentes versions, je me suis aperçu que la version de Bardon et la version courte présentent une
cohérence remarquable. Par exemple, dans la versions "Gra" du Séfer Yetsirah, la double lettre "Peh"
correspond dans l'humanité à l'oreille gauche, tandis que dans la version longue, "Peh" correspond à la
narine gauche. Dans la version courte, c'est la narine droite. Ceci se produit dans le cas de dix-huit des
vingt-deux lettres possibles de l'hébreu. Des quatre restantes, deux sont inversées et deux sont
différentes. Le lien d'ensemble qui existe entre La Clé de la Véritable Kabbale de Bardon et la version
courte du Séfer Yetsirah, est donc indéniable.

Il demeure néanmoins certaines différences entre les deux. Le système de Bardon avait rajouté certaines
correspondances qui n'avaient pas été mentionnées dans le Séfer Yetsirah, comme la couleur. Mais il
reste indiscutable qu'une grande partie de sa cabale, ainsi que de son premier livre "le Chemin de la
Véritable Initiation Magique" (Editions A. Moryason), provient d'un programme d'études basé sur le Séfer
Yetsirah. Bardon affirme qu'il s'agit bien d'un système vieux de mille ans, et qu'il provient bien du  Séfer
Yetsirah.

Ma thèse est que ce système est par nature plus proche de l'intention première du Séfer Yetsirah, tel
qu'il se transmettait oralement, bien avant d'avoir été couché par écrit. Les écrivains des générations
ultérieures ont eu tendance à interpréter le Séfer Yetsirah à travers le verre déformant des conceptions
populaires, philosophiques et cabalistiques de leur époque, de telle sorte que peu à peu le sens premier
s'est perdu. Ceci est particulièrement vrai pour le commentaire d'Aryeh Kaplan dans son Séfer Yetsirah.
Il nous donne des interprétations hassidiques typiques du dix-huitième siècle, ainsi que d'autres, comme
celle d'Isaac Louria au seizième siècle, ou des cabalistes des douzième, treizième et quatorzième siècles,
etc., mais ce qui manque complètement est la tradition orale d'origine, pour la simple et bonne raison
que cette dernière a disparu, qu'elle a été perdue. Le fait même que l’œuvre de Bardon soit tellement
différente des autres interprétations, et pourtant si semblable sur tant de points à l'alchimie interne
taoïste, porte à croire que nous sommes peut-être effectivement en présence d'un reliquat de la
tradition originelle. Quoi qu'il en soit, cela donne à réfléchir; par ailleurs, il s'agit ici d'une approche
pratique et méthodique des enseignements du Séfer Yetsirah. Ce système est fondamentalement
universel, il est accessible, et il n'est pas nécessaire d'avoir une connaissance encyclopédique du
mysticisme hébraïque pour réussir à le comprendre.

AUTRES MYSTERES DES TROIS LETTRES MERES

En nous appuyant sur une connaissance du système de Bardon et de l'alchimie interne taoïste, et lorsque
nous revenons à notre discussion des trois lettres mères, une partie du mystère s'éclaircit.
Au chapitre 1 : 1 du Séfer Yetsirah se trouve une autre référence au chiffre trois. Il est dit que l'univers
fut crée avec des lettres, des nombres et des sons (le langage). Ceux-ci sont nommés globalement les
trois Sefarim, ou trois Livres. Aryeh Kaplan affirme que les lettres, nombres et sons (il les traduit comme
texte, nombre et communication) correspondent aux trois divisions des lettres mères, respectivement
Univers, Année et Âme, et qu'ils représentent les aspects de quantité, de qualité et de communication.

LA PUISSANCE DU SON

On nous apprend que la connaissance des lettres et des chiffres à partir desquels fut composé le  Séfer
Yetsirah ne suffit pas, car la clé du mystère comprend aussi le son.

Puis, au chapitre 2 : 1, on nous dit que Mem bourdonne, Chin siffle et qu'Aleph est le souffle d'air servant
de médiateur entre les deux. C'est le début de l'entraînement des trois éléments. Nous apprenons le son
des trois lettres mères. Mem est murmuré : m-m-m-m-m : Chin est chuinté : ch-h-h-h; et Aleph est
vocalisé comme un souflle d'air : ah-h-h-h-h.

Nous apprenons maintenant à associer chaque son avec son élément : ch-h-h-h avec le feu et la chaleur,
m-m-m-m-m avec l'eau et le froid, et ah-h-h-h-h avec l'air et une température neutre, tempérée. Ces
exercices doivent être développés pendant un certain temps. Le pratiquant doit imaginer activement
que lorsqu'il fait le son ch-h-h-h-h par exemple, il ressent réellement de la chaleur. Après un certain
temps et une pratique continue, il sentira de la chaleur; pareillement, pour les deux autres éléments,
jusqu'à ce que le son soit complètement associé à la température appropriée.

L'étape suivante est d'associer chaque son avec la partie correspondante du corps : ch-h-h-h-h avec la
tête, ah-h-h-h-h avec la poitrine, et m-m-m-m-m-m avec l'abdomen. En émettant ces sons, nous pouvons
sentir leurs effets dans ces différentes parties du corps. C'est un processus très semblable à l'exercice
taoïste des Six sons curatifs, où divers organes sont apaisés, détendus et rafraîchis, grâce à l'emploi des
différents sons. Avec les trois sons mères, nous traitons les trois parties corporelles plus générales de la
tête, de la poitrine et de l'abdomen. Nous pourrions les appeler les "Trois sons curatifs".

Le Travail doit se poursuivre jusqu'à ce que le pratiquant ressente de la chaleur dans la tête, une
température neutre dans la poitrine, et du froid dans l'abdomen, tout en prononçant les lettres.

L'énonciation des trois lettres mères fonctionne aussi comme un mantra. Les lettres sont lentement
énoncées et le pratiquant laisse sa conscience descendre de sa tête jusqu'à son abdomen (comme pour le
Triple Réchauffeur des taoïstes). Ce mantra, ch-h-h-a-a-h-h-m-m-m, favorise également le silence
intérieur. Au fur et à mesure que la conscience descend dans l'abdomen, le dialogue intérieur, vécu par
tellement de pratiquants comme une interférence gênant leur méditation, prend fin. Au début, c'est un
effet momentané,. Avec le point de conscience retiré de la tête et descendu dans l'abdomen, il y a un
arrêt de bavardage incessant dans le cerveau. Cependant, cet effet peut être tout à fait surprenant pour
le pratiquant et son esprit conscient reprendra le dessus en pensant, par exemple, "quel silence règne
ici." Il faut de l'entraînement. Le pratiquant est tellement habitué à la présence de la "boîte à
jacasseries" dans son mental que lorsque celle-ci s'éteint, l'expérience peut être assez effrayante. Le
méditant peut avoir l'impression qu'une partie de lui-même est en train de mourir. Il peut y avoir
identification avec ce dialogue intérieur; on croit être cela. C'est faux. Il ne s'agit que d'interférences, et
plus tôt elles seront maîtrisées, le plus tôt l'étudiant pourra-t-il continuer à progresser.

EQUILIBRER LES ELEMENTS

En fait, tous ces exercices sont de fidèles reflets de l'alchimie interne taoïste. En faisant descendre la
conscience dans l'abdomen, nous entrons dans le cham du Tan Tien inférieur, là où commence l'exercice
de l'Orbite Microcosmique, et là où tous les éléments sont intervertis pour l'Illumination mineure.

Les exercices des éléments du Séfer Yetsirah sont conçus pour équilibrer les éléments à l'intérieur du
corps. Je n'en ai présenté ici que quelques-uns. Franz Bardon consacre une part importante du Chemin
de la Véritable Initiation Magique à différents exercices élémentaux.

Son système occidentalisé avait une structure différente du Séfer Yetsirah, dans le sens que la Terre est
considérée comme un élément distinct, alors que dans le Séfer Yetsirah, la Terre apparaît comme une
création de l'Eau, et non pas comme un élément distinct. Ceci peut s'expliquer par le fait que selon la
théorie cabalistique, la création de l'univers s'est déroulée en quatre étapes. On les désigne comme les
quatres Mondes : Atzilouth, Briah, Yetsirah et Assiah. Assiah est l'univers physique (semblable à
Malkhout). Yetsirah est le monde de la formation (semblable à Yesod), sous-jacent à ce que l'on désigne
généralement comme le monde réel ou Assiah. Dans le monde de Yetsirah, il n'y a aucune solidité, et
donc pas d'élément Terre. Ce n'est qu'en Assiah que la solidité apparaît, et que la Terre existe en tant
qu'élément distinct.

Dans le Séfer Yetsirah chacune des vingt-deux lettres hébraïques correspond à une partie du corps, ou à
un organe. Les trois lettres mères Chin, Aleph, et Mem désignent la tête, la poitrine et l'abdomen,
respectivement. En plus des trois lettres mères, il existe aussi les sept lettres doubles et les douze
lettres élémentaires. A chacune de ces dernières correspondent également différentes parties du corps.
Malheureusement, le Séfer Yetsirah ne contient aucune instruction sur la manière d'utiliser cette
information. C'est un ouvrage qui ressemble souvent aux notes d'un étudiant traçant les grandes lignes
d'un cours, réduites aux données essentielles, plutôt qu'une transcription de l'enseignement complet
d'origine. Le besoin de garder le secret, qui prévalait à l'époque, est probablement la raison sous-jacente
à cet état de fait. Une première lecture simple du Séfer Yetsirah vous laisserai généralement perplexe.

Néanmoins, examiné avec l'esprit ouvert, sans s'appuyer uniquement sur les interprétations hébraïques
traditionnelles, il devient évident que nous sommes là en présence d'un système non seulement spirituel,
mais global, concernant aussi le corps et la psyché....

LE SYSTEME CABALISTIQUE DE BARDON

Le système mis au point par Franz Bardon dans La Clé de la Véritable Kabbale est extrêmement différent
de toute interprétation hébraïque connue, et pourtant il présente de nombreuses ressemblances avec le
yoga taoïste. Bardon a conçu un programme de formation complet. Il ne parle pas de l'arrière-plan
scriptural, si omniprésent dans les autres commentaires. Il laisse un système qui peut être utilisé par
tout un chacun, au lieu d'être réservé seulement à quelques Juifs pieux. Cela ne signifie pas pour autant
que son système soit facile à mettre en pratique, mais simplement qu'il est accessible à un public plus
vaste et et plus varié. On pourrait dire la même chose du yoga taoïste : bien que sa base soit chinoise,
ses enseignements sont accessibles et utilisables par tout le monde. (note de Nephtys : Alexandre
Moryason fait actuellement la même chose pour la Théurgie avec son ouvrage "La Lumière sur le
Royaume")

Le système de Bardon appartient à la tradition cabalistique occidentale. Bardon était allemand et ses
ouvrages ont été rédigés initialement en langue Allemande. Il semble être beaucoup mieux connus des
cabalistes européens que de ceux d'Angleterre ou d'Amérique. Son ouvrage sur la cabale est un
programme intensif de formation, basé sur les lettres de l'alphabet. Il utilise l'alphabet allemand, qui
comprend des lettres telles que Ch, Oe et Sh, qui ne font pas partie de l'alphabet français. Certaines de
ces lettres correspondent à des traductions phonétiques de lettres hébraïques telles que Heth et Chin (H
et Ch). Cependant, il existe aussi des additions évidentes au système, s'il il est vrai qu'il provient
d'anciennes sources du Séfer Yetsirah.

Par exemple, la couleur joue un rôle majeur dans le système de Bardon. A chaque lettre est attribuée
une couleur au cours de la première étape de la pratique. Cependant le Séfer Yetsirah ne mentionne
jamais de couleur. En revanche Aryeh Kaplan affirme à la page 174 de son Séfer Yetsirah qu'une tradition
de couleurs liées aux planètes et aux sefirot existe dans le Zohar, qui suit l'ordre se trouvant dans une
version du Séfer Yetsirah. Les cabalistes juifs ont souvent médité sur les couleurs données aux sefirot.
On ne sait pas exactement à quel moment on a associé des couleurs aux lettres. La couleur est une
correspondance tout à fait évidente, et la visualisation d'une lettre d'une couleur particulière est un
excellent apport à la méditation. Toutes les écoles de cabale occidentale ont donné des correspondances
de couleur aux lettres et aux sefirot. C'est un élément constitutif de base pour toute méditation ou
rituel.

Les taoïstes ont attribué des couleurs aux cinq éléments et donc aux organes internes. L'univers taoïste
associe des couleurs à la Terre, aux planètes et aux étoiles. Globalement, cependant, la couleur est
moins importante pour les taoïstes ou les cabalistes juifs, pour lesquels elle fonctionne plus comme un
aide à la pratique, que pour les cabalistes occidentaux, pour qui sa fonction est essentielle.
Dans le système de Bardon, le pratiquant commence par apprendre à donner une couleur à chaque lettre
de l'alphabet : par exemple A est bleu pâle, B violet pâle, C rouge. Une série de quatre exercices est
pratiquée, associant les couleurs et les lettres. D'abord l'étudiant apprend à "voir" la couleur dans
l'ensemble de son corps. Ensuite, chaque lettre est attribuée à l'un des quatre éléments. Reflétant le
système du Séfer Yetsirah et les trois lettres mères, les lettres correspondant à l'élément Feu sont
visualisées dans la tête, celles associées à l'Air dans la poitrine, et celles liées à l'Eau dans l'abdomen.
Bardon considère l'élément Terre comme le quatrième élément. Les lettres associées à la Terre sont
utilisées depuis le coccyx vers les plantes des pieds.

La prochaine série d'exercices attribue à chaque lettre et à chaque couleur une partie du corps. Il s'agit
dans les grandes lignes des correspondances de la version courte du Séfer Yetsirah. L'efficacité de ces
exercices dépend des facultés de visualisation du pratiquant.

Ensuite ce dernier apprend à "prononcer" les lettres. Chacune d'entre elle est chantée à une hauteur
correspondant à l'une des notes de la gamme musicale. Ainsi, le A se chante comme un sol, le B comme
un la, le C comme un ré, et ainsi de suite. L'exercice procède de façon à combiner le son et la couleur de
la lettre, en répétant l'exercice précédant, en entendant la note et en visualisant la couleur de chaque
lettre 1) dans son corps entier, 2) dans sa région élémentale concernée (tête, poitrine, abdomen ou
jambes), et 3) dans son organe correspondant.

La Troisième étape de la formation cabalistique de Bardon commence en apprenant à associer à chaque


lettre un sentiment particulier, en se basant sur sa correspondance élémentale. Ainsi, la lettre A,
correspondant à l'élément Air, est ressentie comme une sensation de facilité ou de légèreté. La lettre B,
correspondant à l'élément Terre, est ressentie comme une sensation de poids. Pareillement, une lettre
correspondant à l'élément Feu sera ressentie comme une sensation de chaleur, et une lettre d'eau
comme une sensation de fraîcheur. Une fois qu'il a appris cela, l'étudiant combine ensuite tous les
exercices simultanément : il voit la couleur de la lettre, il entend en même temps sa hauteur de ton, et
la ressent selon son élément correspondant (chaleur, fraîcheur, lourdeur ou légèreté). Bardon désigne
cela comme la prononciation tri-polaire ou tri-élémentale. Ce n'est qu'après avoir maîtrisé cette
prononciation tri-polaire que l'étudiant devient réellement capable d'utiliser les lettres de manière
créative (comme un cabaliste).

Il est évident que le système de Bardon est très complexe. La formation décrite ci-dessus est centrée en
fait autour des trois éléments mères. Tous les exercices de visualisation appartiennent au domaine de
l'élément Feu, les exercices auditifs sont sujets à l'élément Air et les exercices de sensation sont soumis
à l'élément Eau. En fait, la presque totalité du programme d'étude est basée sur les éléments. Bardon a
écrit un court chapitre sur les principes des dix sefirot, mais il ne donne aucun exercice spécifique à ce
sujet.

Une fois qu'un étudiant a atteint le stade où il est capable d'utiliser n'importe quelle lettre de manière
tri-polaire, il n'est plus considéré comme un étudiant mais comme un cabaliste. Il est littéralement
devenu une force de la nature, il peut contrôler les éléments et les lettres dont Dieu s'est servi pour
créer et former l'univers. Il est le Maître du Verbe. Le titre du Séfer Yetsirah a été traduit parfois comme
le Livre de la Formation, et parfois comme le Livre de la Création. Bardon nous donne une méthode
permettant d'appliquer ces termes littéralement, ce qui fait que le Séfer Yetsirah est considéré non pas
comme une ancienne philosophie, mais comme un système vibrant de véritable connaissance créative.

Malheureusement, Franz Bardon est mort avant de pouvoir rédiger le livre sur l'alchimie qu'il avait en
projet. Comme il l'aurait sûrement dit lui-même, telle était la Volonté de la Providence Divine. Rares
sont les cabalistes occidentaux qui ont entendu parler de lui. Mais je trouve que, plus que tout autre
personne que j'ai jamais rencontrée, il a construit un véritable pont entre les cabales hébraïques et
occidentale et le Yoga taoïste....

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