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Préface de l’édition française intégrale en trois Parties,

de la Chaîne d’Or d’hOmère


AUREA CATENA HOMERI
La Nature Dévoilée
ou
La théorie de la Nature
Dans laquelle on démontre, par une analyse exacte de ses opérations,
comment & de quoi toutes choses prennent naissance, comment elles
se conservent, se détruisent & se réduisent de nouveau en leur essence
primordiale.

Attribué au Docteur Anton Joseph K irchweger

© Par fred M acParthy. chez sesheta-P ublications,


collectanea rosicruciana.

http://www.sesheta-publications.com/collections-livres/rose-croix/
chaine-d-or-d-homere.html

a
urea catena hoMeri, ou la Chaîne d’Or d’hOmère est un ouvrage
bien connu des Alchymistes et des Rose-Croix Germanophiles,
mais il l’est beaucoup moins des Francophones qui n’en connais-
sent que les deux premières parties qui ne sont que des adaptations du
texte Allemand, plutôt qu’une réelle traduction. Cette version Française
porte le nom de “l a nature dévOilée Ou l a théOrie de la nature ”.
Elle ne fait pas mention du titre original de la chaîne d’or d’hoMère.
Outre-Manche les Anglophones ne possèdent que la première partie
traduite en 1797 par le célèbre Docteur Sigismond Bactrom, membre de la
Societas Rosæ-Crucis.
Nous pourrions dire que cet ouvrage est un grand classique de l’Alchi-
mie dans les pays d’Europe de l’Est, mais il est bien plus que cela. C’est
ce livre qui est conseillé à tout débutant qui souhaite aborder sereine-
ment les principes de base de l’Alchimie. C’est encore ce livre qui doit
être étudié par tout apprenti des courants Rose-Croix digne de ce nom.
Force est de constater que c’est la première partie qui est très largement
abordable pour un débutant, la seconde partie ne peut être comprise que
si la première partie a été correctement assimilée et vérifiée par l’étu-
diant, la troisième partie ne s’adresse qu’à des praticiens confirmés.

1
aurea catena hoMeri

Homère & Platon sont les références mythiques de cet ouvrage à travers le
graphique qui exprime toute la théorie du livre, la Chaîne d’Or d’Homère
& les Anneaux de Platon. Les textes Alchimiques font souvent référence à
ces auteurs, et certains ouvrages dit ‘apocryphes’, sont signés de ces noms
glorieux, comme par exemple le “Platonis Libri Quartorum” du pseudo-Pla-
ton publié en 1622 dans le cinquième volume du “Theatrum Chemicum.”
Ou encore ce traité de 1686 attribué à Arnaud de Villeneuve, nommé “Cathe-
na Aurea”, 1 qui se différencie notablement de ce présent ouvrage, le style
de ce texte étant plus classique pour le Moyen-Âge, faisant référence au
nouveau Testament, et plus précisément à l’Apocalypse. Le texte Al-
chimique de la “Cathena Aurea” est illustré sur un fond de références bi-
bliques, tandis que notre Chaîne d’Or d’Homère s’affiche, comme nous le
verrons, plus directement dans la tradition Rosi-Crucienne.

Pourquoi le titre d’AureA CAtenA Homeri ?

Ce Titre, la “Chaîne d’Or d’Homère”, possède une grande notoriété de-


puis l’antiquité. Elle fut réactualisée à la Renaissance, retour à la phi-
losphie de Platon, car selon le poète Homère, c’est une chaîne d’or qui
relie le Ciel et la Terre, et Zeus descend par cette chaîne jusqu’au monde
des hommes. Mais c’est aussi par cette même chaîne que les hommes ver-
tueux remontent vers les cieux.
Cette influence de la Divine Chaîne est chère aux néoplatoniciens, elle
symbolise l’influence du Dæmon, ce guide spirituel que chaque homme
possède, c’est le lien astral cher aux grecs anciens, puis à la tradition
Paracelsienne.
Olympidore 2 nous dit à ce propos, “Vivre selon son Essence, c’est vivre la vie dont
le choix convient à la chaîne par laquelle on est tiré, par exemple la vie du soldat,
si c’est la chaîne d’Arès ; la vie de l’orateur, si c’est la chaîne d’Hermès ; la vie du
médecin ou du devin, si c’est la chaîne d’Apollon ; et, en un mot, comme il a été dit,
vivre selon sa nature.”
Cette chaîne est aussi attribuée au dieu Hermès lorsqu’il s’agit de l’édu-
cation des enfants, mais aussi des belles lettres. La chaîne d’hermès est,
selon les Platoniciens, comme les néoplatoniciens, le lien entre la longue
chaîne des Philosophes et le Logos. Tous les successeurs de Platon, que ce
soit Marinos de Néapolis, Proclos, Jamblique, Psellos etc. se revendiquèrent de
la Chaîne d’Or d’Hermès.
Dans l’antiquité, cette même chaîne, qu’elle soit liée à Homère ou reprise
1. Les Œuvres Alchimiques attribuées à Arnaud de Villeneuve ; Grand Œuvre, Médecine et Prophétie au Moyen-Âge, Antoine Calvet, Col-
lection : Textes et Travaux de Chrysopœia, S.É.H.A. Paris & Arché, Milan, 2011.
2. In Platonis Alcibiadem priorem Commentarii, f. Creuzer (1821), chapitre 3, p.30.

2
intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

par Platon, relie l’homme au dieu Hélios, le Soleil, lien qui nous rattache
ici à l’Or solaire, à la tradition Alchimique.
La Chaîne d’Or est aussi, selon le Pseudo-Denys l’Aréopagite, l’intermé-
diaire de la Prière du Cœur. De son côté Pic de la Mirandole, dans son
Heptaplus, lie cette chaîne d’or à “l’échelle de Jacob”, idée qui sera reprise
par Johann Reuchlin dans son De Arte Kabbalistica. Les philosophes, pen-
seurs & Hermétistes de la Renaissance n’auront de cesse que de relier la
tradition philosophique grecque à la pensée religieuse des Juifs et des
Chrétiens, en passant, comme ici par l’Hermétisme, afin de l’intégrer
dans la pensée néoplatonicienne.
De son côté, Giordano Bruno fait une distinction entre l’échelle qui relie
à Dieu et celle qui relie à la Nature, mais ici, l’auteur de notre Chaîne
d’Or d’Homère ne parle que de l’Échelle de la Nature avec la grâce de
Dieu.
Il illustre de façon magistrale l’axiome de la Table d’Émeraude : “Tu
sépareras la Terre du Feu, le subtil de l’épais doucement, avec grande industrie. Il
monte de la terre au Ciel, et derechef il descend en terre. Il reçoit la force des choses
supérieures et inférieures. Tu auras par ce moyen la gloire de tout le monde ; et pour
cela toute obscurité s’enfuira de toi.”

Des Premières Versions Imprimées


de l’Aurea Catena Homeri

Venons-en à un peu d’histoire. La première version imprimée de ce texte


fut publiée en 1723, à Franckfurt (Francfort-sur-le-Main, ville du dis-
trict de Darmstadt, Hesse) au centre de l’Allemagne & en même temps à
Leipzig, ville située non loin de l’actuelle République Tchèque. L’éditeur
est Johann Georg Böhme 3 qui publia un assez grand nombre d’ouvrages
traitant de Chymie, d’Alchimie et de Médecine, dont, en 1713, le fameux
“Alle In Zwey Theile verfassete Chymische Schriften” de Pierre Jean Fabre. 4
Cette édition porte le titre Allemand de :
“aurea Catena hOmeri. Oder : Eine Beschreibung von dem Ursprung der Na-
tur und natürlichen Dingen, wie und woraus sie geboren und gezeuget, auch wie sie
in ihr uranfänglich Wesen zerstöret werden, auch was das Ding sey, welches alles
gebäret und wieder zerstöret, nach der Natur selbst eigener Anleitung und Ordnung
auf das einfältigste gezeiget, und mit seinen schönsten rationibus und Ursachen
überall illustriret... 5
3. Johann Georg Böhme († 1750) éditeur à Leipzig et Franckfurt. Co-auteur de “Observationes de servitute necessaria compendii caussa
praedio vicini Imponenda.”
4. Pierre-Jean Fabre (1588 — 1658) est un médecin et Alchymiste français de Montpellier, auteur de nombreux traités d’Alchimie
et de Spagyrie dont : “L’Abrégé des secrets chymiques, où l’on voit la nature des animaux, végétaux et minéraux entièrement découverts, avec
les vertus et propriétés des principes qui composent et conservent leur être ; et un traité de la médecine générale”, Paris, Pierre Billaine, 1636.
Gutenberg Reprints, 1990. Et “Traduction et notes du Cursus triomphalis Antimonii de Basile Valentin”, Toulouse, Bosc, 1646.
5. aurea catena hoMeri. Ou une description de l’Origine de la Nature & des Choses Naturelles, comment et de quoi

3
aurea catena hoMeri

Ce texte possède 404 pages suivies d’une table des chapitres, d’un re-
gistre par ordre alphabétique des termes chymiques et d’un aide mé-
moire fort bien fait.
La même année, chez le même éditeur, une version en deux tomes est
publiée, sous les titres de “De Generatione Rerum. Von der Zeugung u. Geburt
der natürl. Dinge, Aurea Catena Homeri — De la Génération et Naissance
des Choses Naturelles”, 192 pages et “De Corruptione Rerum & Anatomia
Earum. Von der Zerstörung und Zerlegung der natürlichen Dinge — De la Des-
truction et de l’Analyse des Choses Naturelles” 212 pages.
Cette même version en deux parties sera rééditée en 1738, toujours à
Franckfurt & Leipzig.

Première édition de 1723.


elles ont pris Naissance, comment elles se conservent, se détruisent & se réduisent de nouveau en leur essence primordiale.”
Cette première version possède deux parties, “De la Génération et Naissance des Choses Naturelles” et “De la Destruction et de l’Ana-
lyse des Choses Naturelles”

4
intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

des autres Versions iMPriMées de l’aurea catena hoMeri

Ce premier livre de 1723 eut immédiatement un immense succès d’estime


auprès des chercheurs et des praticiens, car son côté didactique n’est pas
sans déplaire aux lecteurs. De fait sa renommé fut très vite internatio-
nale, mais étant publié sans aucun nom d’auteur, les rumeurs allèrent
bon train.
Comment pouvait-on publier un texte aussi clair et précis sans que d’au-
thentiques Adeptes soient derrière la rédaction de la Chaîne d’Or ?
Le mythe de l’aurea catena hoMeri prend de l’essor en quelques an-
nées, l’ouvrage est très vite remarqué, car remarquable de par son style
totalement nouveau au milieu des publications de style médiéval qui
étaient constamment rééditées. En 1826, le fait qu’aucun auteur n’ait si-
gné le livre incite certains Alchymistes malintentionnés à se servir de la
glorieuse réputation de l’ouvrage pour publier une suite à ces deux pre-
mières parties.
Ce sera “aurea Catenae hOmeri, Dritter Theil de transmutatiOne me-
tallOrum, oder eine Beschreibung von den Tincturen, wie solche aus allen Ertzen,
Metallen, &c., konnen zubereitet und dadurch die geringere Metallen und Edelges-
teinein bessere verwandelt werden, Nebst einer curiosen Historischen Nachricht,
von Verwandelung der geringeren Metallen in Bessere. Von einem aufrichtigen Lie-
bhaber der Chymie — aurea catenae hoMeri, Troisième Partie, de la
transMutation des Métaux, ou Une Description des Teintures, et
comment les préparer à partir de tous les Minerais, Métaux Etc., com-
ment les Préparer et par ce procédé, comment améliorer les Métaux
et les Pierres Semi-Précieuses, avec un récit historique Curieux de la
Transformation des Métaux de moindre valeur en de meilleurs. Par un
Vrai Amateur de la Chymie” ; également publié à Franckfurth et Leipzig
en 1726, mais cette fois sans référence à un éditeur.
Nous ignorons si la publication de cette troisième partie est liée à une
certaine forme d’opportunisme, ou si la rumeur, réelle ou imaginaire,
provoqua cette abondance de troisièmes versions, car un an plus tard, en
1727, une seconde troisième partie est encore publiée à Franckfurth und
Leipzig sous le titre de : “aurea Catenae hOmeri, Dritter Theil de trans-
mutatiOne metallOrum, welcher zeithero von vielen vor viel Geld vom vorigen
Verleger, welchen Er p.236 versprochen verlangt worden nie selben recht in Manus-
cript bekommen Können, Worzu noch Ein Anhang der Sächsis. Processe und des
Hermetis Trismegisti Kunst und Rath in Curirung der Patienten nach den sieben
Planeten von einem Liebhaber der Wahrheit ietzo ohne Hass Der Meynt / Wer
Gott und Wahrheit liebt. Sich in der Kunst stets übt — aurea catenae ho-

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aurea catena hoMeri

Meri, Troisième Partie, de la transMutation des Métaux, qui a été


achetée précédemment par de nombreuses personnes pour une grosse
somme d’argent au précédent éditeur, qui avait été promise et exigée, en
page 236, mais qu’il n’avait pas pu lui-même obtenir dans le manuscrit,
d’où le fait d’ajouter un appendice sur les procédés concrets sur l’Art et
le Conseil d’Hermès Trismégiste, pour Soigner les patients d’après les
Sept Planètes, et ce, par un amateur de la Vérité qui jusque là est sans
Haine, sans Préjugé / Qui aime Dieu et la Vérité, s’exerce constamment
dans l’Art — aurea catenae hoMeri.”
Cette version est également connue sous le titre de : “aurea Catenae
hOmeri, liber tertius, de transmutatiOne metallOrum”, possédant
huit chapitres et environ 90 pages.

Édition de la fausse Troisième Partie. 1727.


Nous n’avons pas eu accès à la première version de cette troisième partie
citée par John Ferguson dans son Bibliotheca Chemica en pages 469-470,
mais seulement à la seconde version du Liber Tertius que nous possédons
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intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

dans nos archives.


Nous pensons qu’elle n’est pas du tout de la même plume, ni dans le
même esprit que les deux premières parties publiées en 1823. De fait,
comme de nombreux autres chercheurs avant nous, nous considérons que
cette publication est un faux, même si le contenu n’est pas négligeable,
mais elle ne mérite pas le titre de aurea Catenae hOmeri. Une autre ver-
sion plus ou moins identique de ce liber iii Catenae aureae hOmeri de
transmutatiOne metallOrum sera publiée à Hall par Messerer en 1770.

D’autres éditions semblables à celle de 1823 suivront chez le même édi-


teur en 1827, 1828, 1838.

Versions iMPriMées de l’aurea catena hoMeri


en trois Parties

Peut être afin de rétablir une certaine vérité, une version en trois par-
ties de l’aurea Catenae hOmeri est publiée à Leipzig par Samuel Benjamin
Walther en 1738, puis à Iena, par Christian Henrich CunO en 1754 et en 1757
sous le titre de :
“aurea Catena hOmeri. Das ist : Eine Beschreibung von dem Ursprung der
Natur und natürlichen Dinge : wie und woraus sie gebohren und gezeuget ... wer-
den, auch was das Ding sey, welches alles gebähret und wieder zerstöret, ganz sim-
pliciter nach der Natur selbst eigner Anleitung und Ordnung mit seinen schönsten
natürlichen rationibus und Ursachen überall illustriret. Neue Auflage, welche nach
einem accuraten und vollständigen Manuscript fast auf allen Blättern verbessert,
und an sehr vielen Orten um ein grosses auch nunmehro mit dem ächten Dritten
Theil vermehret ist.”
Cette nouvelle version est celle que nous vous proposons ici à l’étude.
Cette troisième partie provient d’un manuscrit (jusqu’à cette époque
inédite), du moins en édition papier.
Après analyse du texte, il nous a semblé que cette troisième partie est
dans la même veine et dans la même ligne éditoriale que les deux pre-
mières, à la différence du liber iii, qui n’est pas de la même plume.
Cela ne veut pas dire pour autant que ce soit le même auteur, mais plutôt
de la même école et une fois de plus de façon anonyme.

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aurea catena hoMeri

Édition en Trois Parties. 1738.

de la Version latine

Une version Latine des deux premières parties est également publiée à
Leipzig & Francfort, chez Koch & Esslinger en 1763. Il s’agit d’une traduction
réalisée par Ludwig Favrat pour Frédéric II de Prusse (1712 † 1786).
Cette version possède plus de 680 pages. Le titre de cette édition est
“aurea Catena hOmeri. Id est Concatenata Naturae Historia Physico-Chymi-
ca. Latina civitate donata notisque illustrata a Ludocico Fravat M.D.”

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intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

Édition Latine de Ludwig Favrat. 1763.

Cette version érudite Latine permettait à tout un chacun à travers l’Eu-


rope, d’avoir accès à ce texte qui n’était alors disponible qu’en langue Al-
lemande, même si des versions manuscrites parfois traduites dans d’autres
langues ont circulé sous le manteau et parmi des cercles d’initiés.

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aurea catena hoMeri

de la Version française

En 1772, Pierre de duFOurnel, Médecin & Pharmacien, adapte la version


en deux parties de 1723, chez edMé, Libraire rue Saint-Jean-Beauvais
à Paris, sous le titre Français de “la nature dévOilée ou La théorie de
la Nature. Dans laquelle on démontre, par une analyse exacte de ses opérations,
comment & de quoi toutes choses prennent naissance, comment elles se conservent, se
détruisent & se réduisent de nouveau en leur essence primordiale. Avec Approbation
& Privilège du Roi.”

Édition Française de 1772.

Cette édition ne fait aucune allusion au titre original de la Chaîne d’Or


d’hOmère, même dans son introduction que nous reproduisons ci-après.
C’est cette même version qui a été rééditée chez Dervy en 1993.
Nous avons déjà parlé du fait que cette version française est une adap-
tation, et non une traduction au sens strict du terme, car de nombreux
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intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

passages ont été simplifiés. Par exemple, cette adaptation Française du


chapitre I : “La Nature est la masse de tous les êtres qui composent ce monde vi-
sible, et le principe distingué de Dieu, quoiqu’émané de lui qui l’anime.”
Alors que la version Allemande est plus éloquente : “La nature est l’assem-
blage composé par le créateur du monde visible actuel avec toutes ses créatures visibles
et invisibles, qui sont les seules à avoir une existence tangible dans le monde en de-
hors de Dieu. Ce qui fait que certaines des personnes qui l’ont bien compris ont divisé
le monde d’une part en un monde visible naturel et de l’autre part en un monde
invisible surnaturel. Mais cette dernière chose ne nous concerne aucunement, par
le fait que nous croyons que tout et chaque chose ont été créés par Dieu sous forme de
nature à partir du grand chaos ou grand rien.”
Nous avons remédié à certains oublis du texte Français, tout en conservant
son style propre qui n’est pas sans déplaire. Nous avons aussi remis en
place le chapitre V, Comment l’Eau Chaotique divisée et séparée est régénérée et
devient une Semence Universelle de tout, qui est aussi appelée Anima Seu Spiritus
Mundi, qui n’avait pas été traduit dans son intégralité, mais simplement
ajouté à la fin du chapitre IV sous une forme tronquée.
Jean de Bonnot rééditera cette version en 1999 sous le titre de : “Le Grand
Traité d’Alchimie.”

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aurea catena hoMeri

Préface de l’édition française de 1772

Le premier pas que doit faire celui qui désire parvenir à la connaissance
de la Nature est d’examiner, avec la plus grande attention, comment et
de quoi prennent naissance toutes les choses naturelles, telles que les
météores, les Animaux, les Végétaux et les Minéraux ; comment elles se
conservent, et comment elles se détruisent. Il verra que ces différents
effets s’opèrent par une même cause ; que chaque chose contient en soi
un principe de vie, qui est aussi celui de sa destruction ; que ce principe
est le même dans toutes ; et que c’est cet agent Universel, qui, suivant ses
différentes manières d’agir, opère toutes les générations et les dissolu-
tions qui entretiennent et renouvellent sans cesse ce vaste univers.
C’est ce que je me propose de démontrer dans cet ouvrage, qui est le fruit
de mes observations et de mes expériences. Je l’ai écrit particulièrement
en faveur des amateurs de la chimie, qui, faute de connaître la marche de
la Nature, travaillent au hasard, suivent aveuglément les procédés qu’ils
ont devant les yeux, et s’égarent continuellement dans leurs recherches,
au détriment de leur santé et de leur fortune.
Ils y trouveront une théorie claire, palpable, et qui a l’avantage d’être
aisée à vérifier par la pratique, sans laquelle on ne peut se flatter d’être
véritablement instruit.
Je l’ai divisé en deux parties. Dans la première, j’examine comment et de
quoi toutes choses ont pris et prennent naissance. Dans la seconde, com-
ment elles se détruisent ; et j’ai soin d’appuyer tous les raisonnements
sur des faits connus ou des expériences faciles.
Je préviens qu’on ne trouvera point dans ce traité l’élégance et la pureté
du style ; d’autant plus que j’écris dans une langue qui m’est étrangère.
Mais dans un ouvrage de la nature tel que celui-ci, l’on doit considérer
les choses, plutôt que la manière dont elles sont exprimées.
Je préviens aussi qu’en traitant philosophiquement de la Nature, je n’ai
point prétendu m’écarter des vérités révélées, étant persuadé que ma
théorie ne pourrait être que fausse, si je n’étais point d’accord avec elles.

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intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

de la Version a lleMande
des rose-croix d’or d’a ncien systèMe

Une autre publication voit le jour en 1781 à Berlin & Leipzig chez Georg Ja-
cob deCker, sous le titre de “annulus PlatOnis, oder physikalisch-chymische
Erklärung der Natur nach ihrer Entstehung, Erhaltung und Zerstöhrung”. Cette
publication est, cette fois, attribuée par les auteurs de cette nouvelle
version, à Herwerd von FOrChenbrunn de Cromau ,en Moravie. Selon leurs
dires, H.von FOrChenbrunn aurait été un membre d’une Société Rose-
Croix, sous le nom de Frater Homerus, mais nous ne savons ni pourquoi,
ni comment cet auteur fut assigné à la Chaîne d’Or.
Dans l’édition Française de chez Dervy, Geneviève dubOis dit qu’il s’agit
d’un commentaire de la sOCiété PansOPhique, mais cette dernière n’exis-
tait pas encore. L’introduction quelque peu abracadabrante de cette
version, comportant 28 pages est signée par un certain “PhlebOChrOn” ;
mais il s’agit en fait de deux des dirigeants de la Rose Croix d’Or d’Ancien
Système.
Le premier est nommé Johann Gottfried Jugel (1707 † 1786) également au-
teur d’une dizaine de livres sur la Chymie, l’Arithmétique, etc, dont en
1766 de “Freyentdeckte Experimental-Chemie, oder Versuch den Grund natürli-
cher Geheimnisse.”
Le second est Johann Christoph Wöllner (1732 † 1800), qui fut membre de
la Loge Maçonnique de Frédéric II, “Aux Trois globes” (Zu den Drei Weltku-
geln). Il sera ensuite le conseiller du Prince Henri de Prusse en 1770, puis il
sera nommé Directeur du conseil privé des Finances, de la Guerre, des
Domaines et Surintendant du Palais en 17886. J. C. Wöllner sera l’un des
fondateurs aux alentours de 1757, avec Johann Rudolf von bisChOFFsWerder
(1741 † 1803) de l’Orden gOlden und rOsenk reutzer des alten systems,
Ordre Maçonnique prenant une forme Rosi-Crucienne dont l’Alchimie
et la Kabbale étaient les enseignements centraux.

13
aurea catena hoMeri

Version des Rose-Croix d’Or d’Ancien Système. 1781.

Ce livre est un immense commentaire du texte initial, en y ajoutant des


extraits d’autres auteurs, des affabulations et des divergences au sens
premier du texte original qui ne font que compliquer la simplicité de la
Chaîne d’Or. Une édition fascimilée de cette version sera imprimée en
1921 par Hermann Barsdorf, puis 1976 & 1981 par Cagliostro Verlag.
Cet Ordre des Rose-Croix d’Or d’Ancien Système, à tendance Maçonnique, pu-
bliera de nombreux autres documents Rosi-Cruciens & Alchimiques de
la même veine, comme :
“La Boussole des Sages — Der Compaß der Weisen, von einem Mitverwandten
der innern Verfassung der ächten und rechten Freymaurerey beschrieben; hrsg. vom
Ketmia Vere. Zwote verbesserte Ausgabe von AdaMah Booz, imprimé chez Mau-
rer à Berlin en 1779 puis en 1782.

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intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

Der Compaß der Weisen, 1782.


AdaMah Booz, de son vrai nom Adam Michael birkhOlz, était un Rose-
Croix qui édita plusieurs ouvrages de ce type, comme une traduction de
Robert Fludd, “Schutzschrift für die aechtheit der Rosenkreutzergesellschaft” (en
1782, à Leipzig, chez A.F. Böhme) ; ou encore cet ouvrage “Die ganze höhere
Chemie und Naturwissenschaft in allgemeinen Grundsätzen, nach den drei Ura-
nfängen und Grundkräften der ganzen Natur”, en 1787.

15
aurea catena hoMeri

Geheimnis aller Geheimnisse, 1788.

Un autre ouvrage provenant de source Rose-Croix plus ancienne fut im-


primé à Leipzig en 1777, “Starke Erweise aus den eigenen Schriften des Ho-
chheiligen Ordens Gold-und Rosenkreutzer für die Wahrheit, dass seine in Gott
ruhende Väter von ewiger That- und Wirksamkeit sind.” Ou encore “Geheim-
nis aller Geheimnisse ex Macrocosmo et Microcosmo, oder der güldene Begriff der
geheimsten Geheimnisse der Rosen- und Gülden-Kreutzer mit ihren drey Steinen
der Wunder”, en 1788, tout comme la même année, “Alchimistisches Bruch-
stück aus der Verlassenschaft eines verstorbenen Mitgliedes des Odens der Rosen-
und Golden-Creutzer.”
Toutes les publications des Rose-Croix d’Or d’Ancien Système seront
très influencées par le style de la Chaîne d’Or d’Homère.

16
intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

des Versions M anuscrites connues

Une autre version Latine manuscrite provient des Manuscrits de la Bi-


bliothèque Inter-Universitaire de la Sorbonne, Paris, sous le titre de :
“aurea Catena hOmeri, oder eine Berschreibung von dem Ursprung der Natur
und natürlichen Dingen. Autor est Tuldanus Leopoldus Coærus.”
Ce manuscrit côté MS 1368, datant du XVIIIème siècle, comprend 10 pages
en folios latin et 432 pages. le format est de 192 × 132 mm et la reliure est
de veau écaille. L’auteur de cette version serait un certain COaerus (Tul-
danus Leopoldus).
Mais aussi un manuscrit Français d’une traduction de “exPerientia nax-
agOræ, seCundum annulOs PlatOniCOs et Catenam auream hOmeri”,
dont nous parlerons plus loin.

Experientia Naxagoræ, 1723.

17
aurea catena hoMeri

Ce manuscrit est nommé “exPérienCe de naxagOre, suivant les Anneaux de


Platon et la Chaîne d’Or d’Homère. Dans laquelle on montre clairement et sincère-
ment le véritable procédé pour travailler la Médecine Universelle. Traduit d’après
un manuscrit Allemand par Mr *** À Paris en 1742.”

Manuscrit Français de :exPerientia naxagOræ, 1742,


(Archive du Collegium Rosæ-Crucis).

Un autre manuscrit réputé de 165 pages est celui du Docteur Sigismond


baCCstrOm de la Societas Rosæ-Crucis datant de 1797. Ce document provient
de la Manly Palmer Hall collection of alchemical manuscripts du Getty Research
Institute of Los Angeles, Boite 18 volume 5. Il contient environ 210 pages et
des remarques d’expérimentations du Dr Bacstrom. Cette traduction ne
contient que la première partie, tout comme toutes les traductions An-
glaises existantes à ce jour.

18
intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

Manuscrit anglais de Sigismond Bacstrom. 1897.

Le Dr Bacstrom insère des notes toutes personnelles entre parenthèses


et dans la marge de sa traduction. Nous avons inséré quelques unes des
plus intéressantes dans notre version, ainsi que des dessins de la main du
Dr Bacstrom. Les versions Anglaises basées sur cette traduction sont lé-
gions. La plus connue provient du fond de la R.A.M.S., une version faite
par Richardson & publiée par la suite à San Francisco 1983, une autre
commentée par Adam McLean dans The Hermetic Journal en 1979. Elle n’a
jamais cessé d’être rééditée jusqu’à ce jour, mais jamais sans sa seconde,
ni sa troisième partie.

19
aurea catena hoMeri

qui étAit exACtement l’Auteur


de l’AureA CAtenA Homeri ?

Il semblerait que l’aurea Catenae hOmeri ait circulé pendant des années
sous une ou plusieurs formes manuscrites parmi les Adeptes Alchymistes
& Rose-Croix avant d’être publiée en 1723 par Johann Georg Böhme, car à
la même date, circule un livre qui est une application en Laboratoire des
théories de la Chaîne d’Or d’Homère.
Ce livre est intitulé : “exPerientia naxagOræ, seCundum annulOs Pla-
tOniCOs et Catenam auream hOmeri : worinnen der wahrhaffte Process, die
Universal-Medicin zu elaboriren : so wohl vor den menschlichen Leib, als die
Metalla zu verbessern, klar und aufrichtig vor Augen lieget — exPérienCe de
naxagOre, suivant les Anneaux de Platon et la Chaîne d’Or d’Homère. Dans
laquelle on montre clairement et sincèrement le véritable procédé pour travailler
la Médecine Universelle : Aussi bien pour améliorer le corps humain, que les Mé-
taux ; et que l’on peut constater de ses propres yeux.”
Il fut publié, en 184 pages, à Francfort am Main (Francfort-sur-le-Main),
par Dominico von sant.
Plusieurs autres manuscrits & copies de cet ouvrage sont visible dans
différentes collections, la Denis Duveen Alchemy and Chemistry Collection,
l’Université de Glasgow, mais aussi un manuscrit du Wellcome Institute de
Londres, MS. 3664.
Ce manuscrit contient 7 folios + 188 pages au format 175 x 110 mm, il est
daté de 1739. Le premier des trois premiers folios contient un dessin à la
plume d’une figure symbolique, le second une reproduction de la gravure
de la planche ‘Annulus Platonis’ de l’édition de 1723, et le troisième folio
une reproduction du dessin de ‘l’Abyssum duplicatum’, dessin de notre dos
de couverture.
Une traduction manuscrite en Français, fut réalisée par un certain Mr
*** en 1742.
L’auteur de ce texte serait, de par son titre, Johann Ehrd von naxagOras,
pseudonyme du Docteur Johannes neithOld, né à la fin du XVIIe et dé-
cédé au début du XVIIIe siècle.
Nous ignorons exactement qui il fut, mais il nous a laissé des dizaines
d’ouvrages sur l’Alchimie, dont “alChymia denudata, oder, Das biss an-
hero nie recht geglaubte durch die Experientz nunmehro aber würcklich beglaubte
und aus allen Zweiffel gesetzte Wunder der Natur”, en 1708. “sanCta veritas
hermetiCa, seu, Concordantia philosophorum consistens in sale et sole vel Mer-
curio et Sulphure” en 1712. “ChymisCher Oder alChymistisCher PartiCular-
zeiger” en 1715, et bien d’autres ouvrages.

20
intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

Les premiers chercheurs attribuèrent donc la rédaction de l’aurea ca-


tena hoMeri à Johann Ehrd von naxagOras, mais d’autres chercheurs ul-
térieurs et d’autres bien plus récents eurent une toute autre opinion.
La première référence concernant un autre auteur de cet écrit provient
des recherches d’un certain Docteur Rudolf Johann Friedrich sChmidt (1702 †
1761), lequel, érudit en Alchimie, annotait les livres et les manuscrits de
sa bibliothèque. Une version manuscrite de la Chaîne d’Or d’Homère,
possède l’annotation du nom d’un auteur qui ne serait autre que le Doc-
teur Anton Joseph kirChWeger de Styrie, Autriche.
Hermann kOPP (1817 † 1892), lui-même chymiste et historien de la chymie,
dans son ouvrage sur la Chaîne d’Or d’Homère, publiée chez Friedrich
Vieweg und Sohn en 1880, arrive à la même conclusion, mais par des voies
différentes ; il se base sur un catalogue de manuscrits publiés à Vienne
en 1786.
Dans son analyse de la Chaîne d’Or d’Homère, “die gOldene kette hO-
mers, Ein zum Studium und zum Verständnis des gesamten hermetischen Litera-
tur unentbehrliches Hilfsbuch” le Dr Ferdinand m aaCk (1861 † 1930), Médecin,
Inventeur et Occultiste Allemand, Fondateur d’un Ordre Rosi-Crucien
se revendiquant de la tradition de la Rose-Croix d’Or et farouche oppo-
sant à l’Anthroposophie de Rudolf steiner, cite une autre source logique.
En effet, il exhume différentes références que fait Anton Joseph kir-
ChWeger dans son ouvrage intitulé, “miCrOsCOPium basilii valentini, Sive
Commentariolum Et Cribrellum über den grossen Kreuzapfel des Welt. Ein Eupho-
risten der ganzen Medicin, ex Theoria et Praxi Grauinii, composé par Anton
Iosephus kirChWeger de Forchenbron, Docteur en Médecine à Mährisch Kromau”,
publié à Berlin en 1790.
En effet, dans cet écrit Anton Joseph kirChWeger cite une douzaine de fois
l’expression “Son Aurea Catena Homeri”, tout comme dans son troi-
sième écrit “ars senum seu PandOra redux”.
Malheureusement, nous n’avons pas de trace de ce dernier ouvrage. En
1728, un autre ouvrage est publié sous les noms d’Anton Joseph kirChWeger
& d’Herwerd von FOrChenbrunn : “vOn der zerstörugn und zerlegung
der natürliChen dinge.”

Anton Joseph kirChWeger était Médecin, Professeur de Physique à Gmun-


den (Autriche) & Conseiller de la Chambre du Roi. Né au XVIIe siècle et
décédé le 8 février 1746. Ce sont les seules références que nous possédons
sur cet homme.
Serait-ce véritablement A. J. Kirchweger l’auteur des deux premières
parties, ou ne serait-il que le rédacteur de l’édition de 1823 ! Nous ne
connaissons ni la date de naissance de Kirchweger, ni les dates auxquelles

21
aurea catena hoMeri

les premiers manuscrits circulèrent parmi les Adeptes antérieurement à


la publication de 1723.
Mais, en admettant que Kirchweger soit né aux alentours de 1675-1680, il
pourrait être l’auteur des premiers manuscrits, mais alors la troisième
partie serait un apocryphe puisqu’elle est datée du 18 octobre 1654 à Utrecht,
aux Pays-Bas, et non en Autriche, pays natal de Kirchweger. À moins qu’il
ne s’agisse d’un manuscrit du même auteur, mais que ce dernier soit an-
tidaté, puis retranscrit plus tardivement.
Une autre hypothèse est également valide, selon laquelle l’aurea cate-
na hoMeri serait un travail collégial mis en impression par Anton Joseph
kirChWeger, car le style de la rédaction est assez homogène, ce qui laisse
à penser qu’il s’agirait de la même plume, donc du même auteur, ou du
moins, du même rédacteur ayant retranscrit et remanié les manuscrits
originaux en un texte cohérent pour la lecture. Le mystère reste entier.

l’AureA CAtenA Homeri


en tAnt que texte des rose-Croix

Ce livre est généralement qualifié d’ouvrage écrit par les Rose-Croix


alors qu’il n’est nulle part fait mention de cette fraternité dans le texte.
Il en est de même dans l’Opus Mago-Cabbalisticum et Theosophicum de Georg
vOn Welling.

Ce dernier qui fut publié pour la première fois, sous le pseudonyme de


Gregorius Anglus Sallwigt, à la même époque, 1719 et 1729, sous le titre ini-
tial de “Tractatus Mago Cabbalistico-Chymicus et Theosophicus von des Saltze
Uhrsprung und Erzeugung, Natur und Nussen”, et enfin à Leipzig & Francfort,
en 1760.
Tout comme notre auteur hypothétique, A. J. Kirchweger, Georg vOn Wel-
ling (1652–1727) n’était pas connu du grand public, du moins pas sous une
notoriété d’Alchymiste, mais uniquement comme ce que nous nomme-
rions actuellement, un ingénieur des mines. C’est cet anonymat, ou l’em-
prunt d’un pseudonyme, qui excita la curiosité des érudits de ce XVIIIe
siècle naissant.
Un autre fait mérite d’être souligné, ces deux ouvrages sont écrits avec
un état d’esprit totalement nouveau pour l’époque. Il est aussi bien ques-
tion de Chymie, de Théologie que de Kabbale pour exprimer les idées
centrales du Grand-Œuvre.
Des emprunts à la langue hébraïque et à la Kabbale sont monnaie cou-
rante dans ces livres Rosi-Cruciens, ce qui est nouveau, car la Kabbale,
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intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

qu’elle soit Judaïque ou Chrétienne, ne faisait pas partie de la tradition


des textes Alchimique médiévaux.
Une autre grande nouveauté est que cet enseignement est transmis dans
les deux premiers livres, sous la forme d’une cosmogonie, et non dans
le style traditionnel des textes Alchimiques, avec un fond radicalement
Chrétien.
La structure de la Chaîne d’Or ressemble à des cours magistraux dis-
pensés à des élèves studieux. Chaque partie du livre est une évolution
théorique finissant par une ou des pratiques. Le texte est progressif et
didactique, tout en étant abordable pour le plus grand nombre.
C’est cet ensemble de faits qui fit dire aux descendants de la Tradition
Rosi-Crucienne, qu’il s’agissait d’un cours mis par écrit pour des dis-
ciples. Tout comme le fait que des manuscrits circulèrent dans des mi-
lieux bien spécifiques pendant des années avant d’être enfin publiés.
Ce cours a peut-être été écrit par plusieurs personnes à travers le temps
comme le suggèrent les différentes parties. L’ensemble de ces parties
formant ensuite un cursus clair et complet qui fut réécrit afin de pro-
duire ce livre.
Même s’il ne s’agit pas de la même main qui écrivit les trois parties de ce
livre, il s’agit bien de la même école, du moins pour la version que nous
vous présentons ici.
Alors pourquoi la Fraternité des Rose-Croix serait-elle à l’origine de
ce texte ? Il y a déjà le phénomène de ‘mode’ relancé en 1710 par le pas-
teur Silésien Samuel Richter, alias Sincerus Renatus, fervent disciple de Pa-
racelse et de Jacob Boëhme. Ce dernier fondera, et tentera de faire croire
qu’il avait réactivé une branche spécifique de la Rose Croix, la Fraternitas
Aureæ et Rosæ-Crucis, Fraternité de la Rose-Croix d’Or. 6

Il publiera de nombreux ouvrages dans le même esprit littéraire de la


Chaîne d’Or d’Homère, comme “Goldene Quelle der Natur und Kunst”,
“Sämmtliche philosophisch- und chymische Schrifften”, “Theo-philosophia theore-
tico-practica”, mais avec une clarté moins évidente que la Chaîne d’Or
d’Homère, ses livres sont beaucoup plus pratiques que didactiques.
Il se fera surtout connaître pour avoir traduit et édité un petit traité
Rose-Croix sur la Pierre Philosophale, “Die Wahrhafte und Vollkommene
Bereitung des Philosophischen Steins, der Brüdeschafft aus dem Orden des Gulden-
und Rosen-Creutzer”, 7 ainsi que ‘la Profession de Foi’ de cette Fraternité.
Non seulement la Rose-Croix est de nouveau à la mode, mais elle revient
6. Ne pas confondre cet Ordre, Fraternitas Aureæ et Rosæ-Crucis — Fraternité de la Rose-Croix d’Or et la Fraternité de la Rose et
de la Croix d’Or — Fraternitate Roseæ et Aureæ Crucis qui est bien plus ancienne et bien plus authentique que celle de S. Richter.
7. Le manuscrit original en Français portait le titre de ;“La véritable et parfaite préparation de la Pierre Philosophale de la Confrérie
de l’ordre de la Rose-Croix d’Or” datant de 1666. Archive du Collegium Rosæ Crucis.

23
aurea catena hoMeri

petit à petit au devant de la scène à travers ces multiples publications,


mais les Frères ne se dévoilent pas pour autant, personne à cette époque
ne se revendique ouvertement comme un Frère de la Rose-Croix, du
moins, pas sous sa forme originelle & traditionnelle, hormis Samuel Rich-
ter et sa nouvelle Fraternité dont nous ignorons presque tout.
Les documents que nous possédons sont généralement des manuscrits
qui se passaient sous le manteau, ils étaient recopiés à la main par les
disciples et étaient jalousement gardés.
Un grand nombre d’entre eux ont survécu aux outrages du temps dans
de rares fraternités et dans des bibliothèques privées, mais très peu de ces
manuscrits font réellement allusion à la Rose-Croix, hormis quelques si-
gnatures portant les initiales F.R.C. (Frère Rose-Croix).
Il semblerait, d’après certains renseignements de valeur, que l’un de ces
manuscrits de la Chaîne d’Or d’Homère possède ces initiales, mais nous
n’avons pas pu le vérifier de nos propres yeux…
Toujours est-il que ce livre est bien écrit dans le style d’ouverture d’es-
prit et de cœur des Rose-Croix des XVIIe & XVIIIe siècles, le ou les
auteurs ne cherchent pas à dissimuler leurs connaissances et leurs ensei-
gnements, au contraire, ils les partagent ouvertement avec le lecteur.

l’influenCe de l’AureA CAtenA Homeri

Pour conclure cette introduction, nous devons écrire quelques lignes à


propos de l’immense influence qu’eut l’aurea Catenae hOmeri sur les
esprits des XVIIIe & XIXe siècles. Des gens comme Johann Wolfgang von
gOethe, (1749—1832), et plus récemment Carl Gustav Jung (1875-1961) étu-
dièrent ce traité Alchimique, ce qui se ressent fortement dans l’œuvre du
psychanalyste.
Mais nous devons aussi considérer de nombreux Occultistes du XIXe
siècle, comme Samuel Liddel McGregor Mathers (1864-1918) et son associé
William Wynn Westcott (1848-1925), tous deux fondateurs de l’Ordre Ro-
sicrucien nommé, Hermetic Order of the Golden Dawn. Ces derniers insé-
rèrent les premiers chapitres de la Chaîne d’Or d’Homère dans le cursus du
grade d’Adeptus Minor, mais rien ne nous dit que leurs recherches allèrent
beaucoup plus loin, car aucune note, hormis des références au Dr Bacs-
trom, ne prouve un quelconque travail alchimique lié à ce livre.
Cet Ordre étant essentiellement Magique et Kabbalistique, l’Alchimie
opérative reste un domaine spéculatif pour les personnes se revendiquant
de la Golden Dawn. Par contre, les enseignements associés aux 4 éléments
& aux 3 Principes Alchimiques seront insérés dans la magie de la Golden

24
intrOduCtiOn à la Chaîne d’Or d’hOmère

Dawn, ce qui n’avait jamais été réalisé précédemment.


Les sources littéraires ‘ésotériques’ comme la Philosophie Occulte de Cor-
nelius Agrippa traitent des 4 directions, des 4 vents, des influences des 4
lettres du Tétragramme, etc, mais pas une seule fois d’une Magie asso-
ciée aux 4 éléments.
Nous pouvons constater la même chose dans le système de Magie An-
gélique, ou Enochéenne, du Dr John Dee. La symbolique de la Grande
Table de la Terre est bien liée aux 4 directions, mais elle n’est pas une
seule fois associée aux 4 éléments en tant que tels, hormis certaines pe-
tites parties de carrés spécifiques, mais pas l’ensemble des 4 coins qui la
composent.
C’est bien la Golden Dawn et ses fondateurs qui créèrent ces associa-
tions aux 4 éléments & aux 3 Principes Alchimiques. Associations qui
influencèrent, pour le pire comme pour le meilleur, la Magie moderne
et contemporaine.
Cette forme de Magie date bien du XIXe siècle, elle n’a pas de références
implicites avant l’étude et l’exploitation de la Chaîne d’Or d’Homère par les
membres de la Golden Dawn ; et comme le fit judicieusement remarquer
feu Jean Dubuis à travers les cours des Philosophes de la Nature, les parallé-
lismes entre les 4 éléments de l’Alchimie, Feu, Air, Eau & Terre sont in-
compatibles avec les 4 plans Kabbalistiques attribués par la Golden Dawn
aux éléments, à savoir le Feu pour Atzilouth, l’Eau pour Beriah (alors que
la Kabbale Judaïque lui attribue l’Air, comme la tradition Alchimique),
l’Air pour Yetzirah (au lieu de l’Eau) et enfin la Terre à Assiah.
Les associations des 3 principes Alchimiques, Soufre, Sel & Mercure as-
signées aux trois lettres Mères de l’alphabet hébreux, à savoir respecti-
vement à Shin, Mem & Alef, sont également uniquement symboliques et
ne tiennent pas compte du fait que ces principes évoluent à travers les
différentes phases de l’œuvre.
Comme nous l’avons écrit dans notre premier paragraphe, la Chaîne d’Or
d’Homère est très peu connue en France, seuls les Philosophes de la Nature
se sont penchés sérieusement sur son étude et l’ont largement diffusée
et conseillée, mais nous espérons en ce jour que ce glorieux ouvrage ob-
tiendra la place qui se doit dans l’étude de l’Alchimie.

Fred Macparthy,
Rothomagus, le 20 Janvier 2012.

© fred M acParthy et sesheta-P ublications

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