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Concept de vocation
Un texte de Mgr Fernando Ocáriz réunit en une phrase plusieurs aspects de la vocation :
« Le concept de vocation a une grande résonnance biblique, aussi bien dans l’Ancien que dans le
Nouveau Testament. Il caractérise un aspect fondamental des relations de l’homme avec Dieu.
L’homme est appelé par Dieu à l’existence avec une finalité précise, qui confère tout son sens à
l’être humain. Cette finalité est le salut, la sainteté, la communion avec Dieu en Jésus-Christ. »1
Nous allons tirer de cette phrase les différentes idées que nous essaierons de développer dans la
suite de cet exposé :
a) appel personnel
b) finalité surnaturelle
c) communion avec Dieu en Jésus-Christ
1 Fernando OCÁRIZ, La vocation à l’Opus Dei comme vocation dans l’Église, dans L’Opus Dei dans l’Église,
Éditions Nauwelaerts, Beauvechain 1996, pp. 103 et ss. Cet article contient des éléments de discernement de la
nature de la vocation qui, tout en présentant des différences claires par rapport aux vocations dans le cadre du
scoutisme, sont intéressants à considérer dans le cas de notre étude, parce que l’A. ne réduit pas le concept de
vocation au sacerdoce et à la vie religieuse dite consacrée et liée uniquement à l’exercice des conseils évangéliques.
2 CONCILE ŒCUMÉNIQUE VATICAN II, Constitution Dogmatique Lumen Gentium, n° 40.
3 Ibidem, n° 41.
déterminée. Mais l’intéressé seul ne peut pas non plus à lui seul atteindre la certitude, d’où
l’importance d’une direction spirituelle respectant la liberté personnelle.
Finalité surnaturelle
L’appel de Dieu ayant comme finalité le salut, il n’est pas possible d’y répondre avec les seules
forces de la nature humaine. La persévérance dans le chemin vocationnel nécessite l’aide de la
grâce. Croire à une voie de sainteté sans sacrements, outre le caractère naïf et utopique de cet
idéalisme, impliquerait une rechute dans l’ancienne erreur du pélagianisme, ou dans la déviation
plus récente de l’activisme.
L’appel lui-même de Dieu, dans la mesure où il est discerné correctement, peut déjà être considéré
comme une grâce, comme un talent.4
Dans la même ligne, saint Paul exhorte les chrétiens de Corinthe de ne pas recevoir « la grâce de
Dieu en vain ».5 Il considère, en effet, comme absurde de recevoir une grâce et de ne pas la faire
fructifier.6 Cette perception offre une manière de comprendre le caractère moralement et
subjectivement obligatoire de la vocation.
Le discernement opéré par la personne appelée, avec le conseil d’une direction spirituelle prudente,
consiste précisément à reconnaître les symptômes d’un appel divin. L’élu commence souvent par
fuir et s’opposer à cette vocation. Ce rejet initial n’est pas inquiétant. Il est compréhensible, parce
que l’intéressé se rend compte que cette vocation demande toujours un don de soi plénier.
Ensuite, s’engage un combat intérieur qui, dans le meilleur des cas, débouche sur la victoire et la
paix intérieure, et ce lorsque l’intéressé accepte la donation totale de toute sa personne à Dieu. Ceci
ne veut pas dire qu’il soit arrivé au terme de son chemin de discernement, ce dont l’Église tient
compte dans sa sagesse multiséculaire, en prévoyant dans tout cheminement vocationnel une
période de plusieurs années.
Identification au Christ
La communion de vie avec Dieu à laquelle la personne est appelée par vocation se fait « dans le
Christ ». Comment ? Tout d’abord par les sacrements. De nombreux auteurs classiques associent le
discernement d’une vocation à la direction spirituelle liée à la réception fréquente du sacrement de
la réconciliation. Le pape François, pour ne citer que lui, témoigne du fait que sa propre vocation au
sacerdoce a été liée à la confession.
Parmi les sacrements, l’eucharistie occupe le sommet. Elle est le signe de notre identification au
Christ, puisque nous formons un seul corps avec lui. Dans cette perspective, nous devenons fils de
Dieu dans le Fils, héritiers et participants de la nature divine. Alter Christus, ipse Christus.7
4 Cf. Mt 25, 14–30.
5 2 Cor 6, 1.
6 Ce qui correspondrait à enterrer le talent en question : cf. Mt 25, 24–26.
7 Citons, entre autres : 1 Jn 3, 1–3 : « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés
enfants de Dieu – et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu.
Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté.
Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. Et
quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur. »
Unité de vie
L’origine du concept d’unité de vie, cité très souvent dans le scoutisme européen, est attribuée par
Mgr F. Ocáriz à saint Josémaria. La vocation chrétienne, dit-il, « unifie aussi toute l’existence
chrétienne. C’est la réalité, l’exigence, de l’unité de vie, objet d’une prédication profonde et
originale [de saint] Josémaria Escrivá ».8
Traduit dans le langage scout pour la branche éclaireurs, ceci signifie que les exigences de l’unité de
vie entraînent que la piste blanche ne peut pas être dissociée des autres. Un scoutisme d’Europe
sécularisé, perdant son âme, perdrait aussi sa vie.
Concept analogique
Pour terminer, le concept d’unité de vie aide à faire prendre conscience que la vocation chrétienne
s’inscrit dans la vie de tous les jours, et par conséquent dans le scoutisme de tous les jours (qui
commence à la maison).
La vocation professionnelle fait partie des talents que Dieu distribue et qui permet au croyant de
discerner la Volonté de Dieu dans son agir. Dans les langues germaniques, le terme profession
(Beruf) contient la racine « appel, vocation » : Ruf, Berufung. Ce n’est pas un hasard.
C’est dans cette perspective qu’on peut parler, à mon humble avis, de scoutisme comme vocation.
Mais il s’agit d’un sens analogique.
Conclusion
J’espère avoir pu montrer jusqu’où va la ressemblance et où se trouve la différence du concept de
vocation dans l’Église et dans le scoutisme (pour autant qu’on puisse parler de vocation scoute).
Ceux qui présentent le scoutisme comme une vocation ont probablement en tête la vocation
professionnelle, la vocation sportive, la vocation politique, la vocation artistique, etc.
Mais ce dernier type de vocation n’engage pas nécessairement toute la vie ni le don de soi total à
une mission conférée par Dieu.
Par contre, la vocation dans l’Église suppose une mission donnée par Dieu, semblable à l’envoi des
apôtres appelés à docere omnes gentes. Cette vocation divine peut inclure un talent particulier, un
appel à faire du scoutisme, une grâce même, mais elle transcende et dépasse le cadre du scoutisme.
8 OCÁRIZ, op.cit., p. 111. Cette édition étant antérieure à sa canonisation, le texte mentionnait le Bx Josémaria.
9 Ac 9, 5. Cf. Ac 22, 8 ; 26, 15.