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ORGANISATION DE L'EGLISE
PLANIFICATION PASTORALE

BRÈVE CONTRIBUTION À LA CATÉCHÈSE (038)

EXTRAIT DU COURS SILOÉ LAUSANNE 2009 – 2012


(38.0) : SÉANCE DU 11 OCTOBRE 2011

J.M. Brandt, Dr en théologie, Dr ès sciences économiques


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SILOÉ LAUSANNE 2009 – 2012


(38.0) : SÉANCE DU 11 OCTOBRE 2011.

L'ORGANISATION DEL'EGLISE. LA PLANIFICATION PASTORALE


38.1 INTRODUCTION, BUT, ENJEU

- INTRODUCTION

Comment ne pas "croire en l'Eglise", comme le Credo nous y invite ? Comment en effet
ne pas "aimer et espérer " de tout notre cœur, de toute notre espérance, de tout notre
foi, cette Eglise qui nous est révélée comme l'Epouse de Jésus le Christ mort sur la Croix
et ressuscité pour notre Salut, cette Eglise dont le modèle nous est présenté comme
étant Marie l'Immaculée, la Sainte-Mère de Jésus-Christ ? Une Eglise que Saint-Paul
nous fait considérer comme le Corps du Christ-Tête, et qui poursuit son œuvre tout
entière résumée dans le commandement d'amour :

Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous
ai aimés.1

Aujourd'hui, tout particulièrement chez nous, en Occident, l'Eglise visible subit


clairement une double évolution de retrait de la société : elle apparaît comme étant à la
fois de moins en moins à l'écoute des besoins de la vie quotidienne, et de plus en plus
en replis sur elle-même. Pire, ce constat qui relève du sens commun, n'est pas,
officiellement en tous les cas, partagé par le sommet de la hiérarchie ecclésiastique, et
les indispensables mesures d'hygiène que nécessite toute crise subie normalement par
tout organisme humain, ne paraissent pas devoir être même envisagées. Au contraire, la
politique de la hiérarchie se traduit par des tirs de barrage répétés contre l'évolution de
la société, ses naturelles mises en question, ses dérives, sans qu'apparaisse en
contrepartie la moindre étincelle de volonté autocritique. 2

Mais, pour commencer, sommes-nous d'accord sur le constat de retrait de l'Eglise ?

Le constat de retrait est partagé explicitement dans une société qui met de côté les
valeurs chrétiennes traditionnelles, et implicitement dans une Eglise qui intervient
régulièrement pour lutter contre le manque de vocations, une Eglise qui offre une
présence de plus en plus limitée de ses prêtres en paroisse. En l'absence d'autocritique
et d'évaluation ouverte, nous disposons au besoin de statistiques dont la présentation
est ici hors de propos. Disons que ces statistiques, au demeurant parlantes en termes de
quantités de vocations et de fréquentation du culte, demeurent muettes en termes
qualitatifs d'offre, de demande, ou de besoin et de pertinence de l'offre religieuse par
rapport à la demande.

1
Jn 15,12
2
L'attitude radicale de Benoît XVI à propos des prêtres pédophiles, mise à part.
3

Quelle que soit la situation réelle de retrait de l'Eglise, il est évident que le besoin de
Salut, ou de sens, est fondamental pour l'humanité en général et l'homme en particulier,
aujourd'hui plus que jamais puisque les repères millénaires sont mis en question. Nous
partons de l'idée que cette mise en question est saine, hygiénique, car elle va dans le
sens de l'évolution. La question, pour l'Eglise, plus que jamais interpellée sur la
pertinence de son attitude (et non pas de sa vocation), sera pour nous, ici, d'examiner
dans quelle mesure sa structure met en danger son hygiène naturelle. Nous proposerons
une réponse qui s'inscrira dans la fenêtre de l'Espérance.

L'Eglise que nous abordons ici est l'Eglise catholique romaine, dans son organisation, ses
structures, et la planification de ses œuvres 3. Nous serons amenés à distinguer entre
l'Eglise actuelle et l'Eglise des Origines. Nous ne tiendrons pas compte de l'Eglise au sens
large de la Présence du Sauveur dans le monde, en particulier dans ses diverses
expressions que sont les autres églises ou croyances.

- BUT

Le but est de se familiariser avec l'organisation de l'Eglise, d'évoquer l'articulation entre


sa structure et ses œuvres, et de chercher la manière dont on vit, dont on peut vivre
cette organisation dans la vie de tous les jours, ici et maintenant.

- ENJEU

L'enjeu consiste à trouver (retrouver ?) le message du Christ dans l'Eglise qui est la
nôtre.

- NOTA BENE

La structure, ou plutôt les structures de l'Eglise en Suisse sont originales en ce qui


concerne l'administration ou la logistique qui est au service de la pastorale. Les
structures répondent aux impératifs de la démocratie et du professionnalisme. Elles
incarnent l'un des charismes de l'Eglise particulière telle que vécue, gérée, mise en place
par Saint-Paul. La question des charismes nécessitant une étude en soi, nous proposons
ici une démarche pragmatique qui se cantonne à :

- L'exemple suisse. En Suisse l'Eglise catholique est organisée de façon originale.


Pour illustrer ces spécificités, nous avons annexé au présent document la copie
d'un article paru dans la Revue culturelle jésuite CHOISIR, no 616, avril 2011 pages
22-25 sous le titre : Financement des Eglises. Le Swiss made,

- l'exemple du diocèse LGF. Nous présenterons, résumées à l'extrême, quelques-


unes des caractéristiques marquantes du diocèse LGF (Lausanne, Genève,
Fribourg, Neuchâtel).

3
Officiellement, la "Planification pastorale", en particulier celle du Diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg
(qui inclut Neuchâtel).
4

- INDEX

38.1 INTRODUCTION, BUT, ENJEU

38.2 ETYMOLOGIE. DÉFINITIONS

38.3 STRUCTURE DE L'ÉGLISE. GÉNÉRALITÉS : L'ÊTRE-EGLISE, LE FAIRE-ÉGLISE

Introduction
L'être-Eglise : le pôle structurel
Le faire-Eglise : le pôle missionnaire
Conclusion

38.4 LA STRUCTURE DE L'ÉGLISE, DANS LE TÉMOIGNAGE DES ÉCRITS : L'UNITÉ-


PLURIELLE

Introduction
Diversité dans l'unité : la pluralité au fondement de la Création et du Peuple Elu
Pluralité et unité en tension chez Paul et les Evangélistes
Conclusion

38.5 LA STRUCTURE DE L'EGLISE, DEPUIS VATICAN II

Introduction
Une opinion erronée : nous sommes tous les successeurs des apôtres
Le démenti : compétences des évêques et de l'ordre consacré
Fondement de l'Eglise dans l'unité-plurielle : l'Eglise est une, sainte, catholique,
apostolique
Structure horizontale : Eglise locale, particulière, diocésaine, universelle, romaine
Structure verticale : la hiérarchie
Conclusion

38.6 STRUCTURE OU MISSION, QUELLE PRIORITÉ ?

38.7 CONCLUSION GÉNÉRALE

38.8 ILLUSTRATION DE L'ÉGLISE PARTICULIÈRE : LE DIOCÈSE LGF

L'être-Eglise : la structure LGF


Le faire-Eglise : la planification pastorale
Conclusion

ANNEXE : extrait de la revue cultuelle jésuite CHOISIR, no 616, avril 2011page 22-25,
FINANCEMENT DES EGLISES. LE SWISS MADE, par Jean-Marie Brandt
5

38.2 ÉTYMOLOGIE. DÉFINITIONS

Le mot église a une origine riche de significations. Il remonte à l'hébreux qahal, au grec
έκκλησία, et au latin ecclesia. Il exprime l'idée, qui, de tout temps, a été de rassembler
un Peuple autour de son Dieu. Ce rassemblement, cette assemblée, sont la première
structure de l'Eglise historique et demeurent la structure de base actuelle. L'Eglise est
faite de pierres vivantes (ses membres), et non pas de pierres mortes (les temples).

Qahal désigne l'assemblée de l'Horeb (le Mont Sinaï où fut remis le décalogue au Peuple
élu par l'intermédiaire de Moïse) :

Yahvé me dit : "Assemble-moi le peuple, que je leur fasse entendre mes paroles
[…]4,

ou désigne encore la Terre promise :

Il n'y eut pas un mot de tout ce que Moïse avait ordonné qui ne fut lu par Josué en
présence de toute l'assemblée d'Israël, y compris les femmes, les enfants et les
étrangers qui vivaient au milieu d'eux. 5

A noter ici que Qahal rassemble et assemble hommes, femmes, enfants et étrangers !

Eκκλησία désigne l'assemblée par convocation, l'assemblée du peuple, le lieu de réunion


pour une assemblée. Le mot vient de έκκλησις, appel, évocation, invocation, qui lui-
même est composé de έκ (hors de) et de κλήσις action d'appeler à soi, d'invoquer les
dieux, action d'inviter à une fête, à un repas, assignation devant un tribunal, action de
nommer. En plus de rassembler, il y a l'idée d'appeler ou de vocation.

Qahal est la plupart du temps traduit par έκκλησία, et parfois aussi par συναγωγή
(synagogue), action de rassembler, réunir, récolte, union, rapprochement, lieu de
rassemblement. Longtemps les deux mots seront synonymes, et ils ne s'opposeront que
lorsque les chrétiens se seront réservés le premier, laissant le second aux Juifs
récalcitrants qui avaient ex-synagogué les premiers chrétiens.

L'Eglise est l'assemblée du Peuple convoquée par Dieu dans le monde entier pour
recevoir, vivre, et construire la Bonne Nouvelle. L'église est subsidiairement le bâtiment
dans lequel le peuple se rassemble. On parle de l'Eglise, quand on désigne l'Eglise
catholique romaine et apostolique. On parle autrement des églises.

38.3 LA STRUCTURE DE L'EGLISE, GÉNÉRALITÉS : L'ÊTRE-ÉGLISE ET LE FAIRE-

EGLISE Introduction

L'Eglise est le produit d'une tension dynamique entre ses deux pôles structurel et
missionnaire : le pôle de l'être-Eglise et le pôle du faire-Eglise.

4
Dt 4.10
5
Jos 8,35
6

L'être-Eglise : le pôle structurel

Le volumineux ouvrage CATÉCHISME DE L'EGLISE CATHOLIQUE6 débute, dès le premier


paragraphe de son prologue, par une définition générale de l'Eglise, qui se base sur la
nature organique de la Famille de Dieu. Il faut ainsi entendre que cette Famille est
présentée, dans son fondement, comme étant par essence identitaire, soit qu'elle est
exclusive dans le sens qu'elle existe de et par la distinction à établir entre membres et
non-membres, et que son fonctionnement nécessite un mode organisationnel propre
pour mettre en œuvre, préserver et cultiver cette identité. Ainsi, dès le début du
message catéchétique, l'accent est mis sur la dimension ontologique (l'être-Eglise), avec
un accent de priorité sur les aspects structurels, tels que l'organisation interne (décider
qui est membre et qui ne l'est pas, instituer une compétence et un mode de décision,
avec des responsabilités, des chefs, etc.).

Le manuel de catéchisme, dès ses premières lignes, enseigne que l'Eglise est, et non pas
que l'Eglise fait. En effet on y lit que l'Eglise est la Mère des héritiers du Salut, ou :

l'unité convoquée par Dieu de la famille de tous les hommes que le péché a
dispersés en vue de devenir, dans l'Esprit Saint, ses enfants d'adoption, et donc les
héritiers de sa vie bienheureuse.7

D'un côté, la structure de cet organe qu'est l'Eglise est annoncée comme étant ouverte à
tous les hommes que le péché a dispersés, soit, selon le message testamentaire, à tous
les hommes de tous les temps, l'humanité tout entière étant pour nous révélée comme
descendant d'Adam et d'Eve. D'un autre côté, précision est clairement apportée que la
qualité de membre est conditionnée par un processus d'adoption qui fait héritiers les
membres de la famille. Le but de l'Eglise est défini expressis verbis, c'est "l'unité" de la
famille, aujourd'hui dispersée. Qui dit unité, entend vérité, vérité identitaire, unique,
certes qui est offerte en partage à tous, mais qui conditionne, par sa reconnaissance,
l'adoption en tant que membre de la famille. Qui dit vérité, identité, entend conditions à
remplir, définitions, règles, interprétations, jugements, arbitrages, autorité, justification,
compétences, responsabilités, etc. On pourrait comprendre que, en fonction de cette
dimension identitaire de l'Eglise, on n'hérite pas du Salut sans être dans et avec l'Eglise,
soit sans être adopté. Or nous savons bien, depuis Vatican II, qu'est révolu le principe
"hors de l'Eglise, pas de salut."

Le tout premier enseignement du Catéchisme consiste donc à définir l'Eglise du point de


vue de son être (l'être-Eglise) et de ses structures, en présentant un critère d'exclusivité,
soit de conditionnement et d'exclusion, qui paraît paradoxal, sinon contradictoire, mis
en perspective avec le message de la Foi, de la Charité, de l'Amour.

C'est la limite de la définition organique ou structurelle de l'Eglise. Cette limite peut,


selon les cas, être considérée comme une frontière, une fermeture aux "autres", ou
comme une ouverture, une opportunité pour ces mêmes "autres". Nous avons observé,
au fil du parcours Siloé, que l'Eglise, au long des siècles, a évolué entre ces deux limites,

6
CATECHISME DE L'EGLISE CATHOLIQUE, Paris, Mame-Librairie Editrice vaticane, 1992
7
Id. 1
7

et que l'ouverture, évidente du temps des Apôtres et des Pères, s'est obstruée depuis le
IVème siècle, bouchée depuis le XIème siècle, condamnée au XIXème siècle, pour enfin
se rétablir avec l'aggiornamento du concile Vatican II en 1958-1962. Aujourd'hui,
toujours portés par la vague de Vatican II, nous sommes en attente de confirmations et
en besoin de nouveaux éclaircissements quant au positionnement de l'Eglise sur le pôle
de son être et de ses structures (l'être-Eglise). Une ligne claire est actuellement tracée,
est c'est la ligne de l'unité, en ce sens qu'elle implique un retour dans la même famille
de nombreux chrétiens encore dispersés (notamment Luthériens et orthodoxes).

Le faire-Eglise : le pôle missionnaire

Le Catéchisme, après avoir posé la définition de l'Eglise en tant qu'entité organique et


structurée (l'être-Eglise), poursuit par le rôle qui lui est dévolu (le faire-Eglise), soit sa
mission. Cette mission s'articule autour d'une structure, qui est l'être-Eglise. La
convocation à entrer en qualité d'héritier dans la famille de l'Eglise est l'affaire d'abord
du Seigneur en personne, mais elle est aussi la tâche de tout membre de la famille, en
ciblant la démarche autant sur les générations suivantes des membres, que sur les non-
membres. Ce sont pour commencer les apôtres à qui a été confiée cette mission, et ce
sont les évêques, leurs successeurs, qui ont la responsabilité, ou vocation première
d'assurer le relai de cette convocation ou Bonne Nouvelle, ou Evangile :

Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père
et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai
prescrit. 8

Une deuxième mission repose, comme celle de l'annonce, sur l'être-Eglise, est celle de
dépositaire de l'héritage sacré : il s'agit d'être adopté pour devenir membre de la famille
et héritier. En fait, l'Eglise tout entière (soit tous ses membres) est la dépositaire de la
Sainte tradition et de l'Ecriture Sainte à elle confiées par les apôtres (depositum fidei)9.
Cette tâche ou mission de l'Eglise est ainsi orientée à l'interne. Elle est de nature
statique. L'Eglise apparaît telle une banque à laquelle on confie son patrimoine pour à la
fois le préserver de toute détérioration et le rendre disponible en tout temps. C'est aux
apôtres, puis à leurs successeurs qu'incombe en premier lieu la tâche et la responsabilité
de cette mission. Chaque membre de l'Eglise est cependant dépositaire et responsable
de la mission et donc de l'Eglise.

De cette tâche statique découle une troisième tâche ou mission imputée à l'Eglise,
également orientée à l'interne, mais qui est cette fois dynamique. Il s'agit du travail
disons «de pertinence» sur la Parole et sur la Tradition, qui consiste à interpréter le sens
original dans l'esprit, pour permettre sa réception aujourd'hui. Cette tâche est orientée
vers l'interne quant aux effets et ouvre sur l'externe par l'écoute. Nous dirons que
l'identité n'est pas exclusive, rigide et soumise à l'obsolescence, au contraire, qu'elle
doit, pour se perpétuer avec l'autorité de l'origine, être inclusive de l'évolution du
monde tant à l'externe, qu'à l'interne. Cette tension entre exclusivité et inclusivité la
rend vivante pour nous, aujourd'hui et ici. Le risque est d'une part la déviance par

8
Mt 28, 19-20, voir également Mc 16,15-15 ; Lc 24,47 ; Jn 14,18-21
9
CATECHISME 84
8

rapport à l'esprit, si la tension porte trop sur l'ouverture, et d'autre part l'asséchement si
elle porte trop sur la fermeture. L'équilibre de cette tension incombe, selon le
Catéchisme, à un corps spécialisé, et donc à une super structure de l'être-Eglise : la
charge d'interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou non écrite, qui

a été confiée au seul Magistère vivant dont l'autorité s'exerce au nom de Jésus-
Christ, c’est-à-dire aux évêques en communion avec le successeur de Pierre,
l'évêque de Rome.10

La mission de l'annonce est professionnalisée sous le nom de catéchèse. La mission est


d'ordre éducatif et repose sur un enseignement officiel qui est le fait d'enseignants
formés. Son domaine de compétence est d'être une

éducation de la Foi11.

Nous soulignons que la mission de l'annonce (le faire-Eglise) incombe à tous les
membres de la famille, sans exception. S'il existe un magistère dans l'Eglise, la Parole, la
Mission, le faire-Eglise sont la tâche et la responsabilité de chacun de ses membres.

Il serait enfin contraire à la Révélation d'omettre la mission essentielle et prioritaire de


l'Eglise, qui est la charité. Ce principe ne souffre aucune exception. Il est précisé dès le
prologue du Catéchisme.12 C'est le faire-Eglise par excellence.

- Conclusion

Aborder l'Eglise dans ses structures et dans la planification pastorale, c'est l'aborder au
cœur de sa tension fondatrice entre l'être-Eglise et le faire-Eglise. Si le manuel de
catéchisme entame son enseignement par l'être-Eglise (les structures), cela ne signifie
pas que l'être-Eglise est prioritaire par rapport au faire-Eglise (la mission, la pastorale).
Bien au contraire, le choix du manuel dépend de critères didactiques. Dans la logique
occidentale, on part de l'être et on poursuit par le faire. A nos yeux, il eût été plus
pertinent de procéder dans l'ordre inverse. C'est le message prioritaire de l'Evangile, que
de faire-Eglise.

Quant à la planification de la pastorale, elle se situe de façon exemplaire à l'intersection


des lignes de tension entre les deux pôles : la pastorale ressortit à la mission ; la
planification, à l'organe et aux structures.

Compétences et responsabilités sont dès l'origine différenciées par le Christ mort sur la
Croix et ressuscité en fonction des missions qu'il confie aux successeurs des apôtres. Lui-
même ne s'est pas proclamé chrétien et n'a pas construit d'Eglise au sens de la structure
que son héritage est devenu. Cette structure construite a posteriori ne différencie
cependant pas les membres de la famille au fondement même de leur qualité de
membres, ou de leur être-baptisé. Tous, sans exception, ils sont dépositaires de
l'héritage, responsables de sa vie et de sa pertinence, comme de son annonce à l'interne
et à l'externe. La vie de l'être-Eglise a cependant abouti, dans ce que nous qualifierons
10
CATECHISME, 84,85
11
CATECHISME, 4
12
Id. 25
9

de «rapport d'efficacité», à un degré d'exclusivité et un échelonnage des spécialités,


responsabilités et compétences qui sont une construction humaine, bien humaine,
parfois trop humaine.

Il n'y a pas à l'origine, des prêtres et des laïcs, mais des apôtres et des baptisés. Les
tensions entre les pôles interne et externe, originel et actuel, font vivre l'organe en le
maintenant dans la pertinence de l'Esprit. A l'origine, l'assemblée de la famille (qahal,
έκκλησία) avait ceci de spécifique, qu'elle était composée d'un Peuple élu du Seigneur,
dont chacun des membres était égal à l'autre devant Lui, avec les mêmes droits et les
mêmes devoirs. Avec le temps, la hiérarchie et la structure se sont, non pas interposées
entre le Seigneur et le Peuple, conditionnant l'effet miroir de la transcendance à l'accès
administratif, mais se sont hautement spécialisées dans l'organisation du service des
membres et des usagers de la famille. En vérité, la tension entre une structure qui
devient un but en soi, et un corps intermédiaire conditionnant le service a été grande,
jusqu'à devenir parfois destructrice.

Cette tension tout à la fois alimente la vie de l'Eglise et contient les germes de sa
destruction. Les Conciles, qui sont une forme particulière de superstructure, entrent
dans le dynamisme de cette tension de manière décisive. Vatican II a ramené la tension
vers la vie par la priorité clairement donnée au service et à la mission, par rapport à
l'organe et à ses structures (le faire-Eglise plutôt que l'être-Eglise).

Ainsi l'Eglise est-elle définie entièrement, dans la tension entre son être-Eglise et son
faire-Eglise, et la planification pastorale en est l'expression équilibrée.

38.4 LA STRUCTURE DE L'EGLISE, DANS LE TÉMOIGNAGE DES ÉCRITS : L'UNITÉ-


PLURIELLE

Introduction

Ayant posé les principes et nécessités d'une structure ecclésiale, non seulement par
rapport à l'externe (faire-Eglise), mais également par rapport à l'interne (être-Eglise),
nous pouvons aborder le rapport entre les Eglises locales et l'Eglise universelle, soit les
articulations structurelle et fonctionnelle entre les diocèses (évêchés), l'Eglise de Rome
et l'Eglise universelle. Le sujet est difficile, délicat, et demande à être abordé d'une part
dans le respect des institutions (l'Autorité), et d'autre part dans la conscience de notre
responsabilité individuelle, car nous sommes tout un chacun dans un rapport unique de
transcendance avec le Seigneur, membre à part entière et dans l'égalité d'une même
Famille, et convoqués de la même et unique façon à communier tous ensemble dans la
joie de la Bonne nouvelle (l'Evangile).

Comme référence nous choisissons la communication de la Commission pontificale


biblique du 11 avril 198813, dont l'intérêt pour notre propos est d'une part qu'elle
interroge l'Ecriture sur les rapports entre les Eglises locales ou les groupes particuliers et
l'universalité d'un seul peuple de Dieu, et d'autre part que l'interrogation se fait dans un
contexte de crise qui se veut bénéfique :

13
COMMISSION PONTIFICALE BIBLIQUE, Unité et diversité dans l'Eglise, Rome, 11 avril 1988,
10

L'Eglise vit aujourd'hui, plus encore peut-être qu'autrefois, une tension difficile qui
devrait se révéler féconde.14

L'idée est d'observer le lien entre la diversité, source de richesse et de vie, et l'unité,
instrument sacré de justification et de protection. La diversité est au principe même de
la Création de l'homme et de la femme à l'image de Dieu, et du rapport de chacun à
l'Autre, qui se situe dans la transcendance divine. L'unité est au fondement de la
communion dans l'Eglise-Epouse du Christ, composée de la Tête qui est le Christ, du
corps que sont les membres, avec la distinction hiérarchique de et dans l'ordre des
prêtres : le Grand-Prêtre est le Christ, les évêques sont les descendants des apôtres, les
prêtres sont ordonnés par les évêques, sont égaux entre eux, et le premier entre les
égaux est le Souverain-Pontife. Cet ordre consacré est le seul habilité à donner la
communion et à remettre les péchés. La tension entre diversité et unité réalise cette
unité-plurielle qui place l'être-Eglise (la structure) au service du faire-Eglise (la Parole-
créatrice, la mission), et non pas l'inverse. Cette unité-plurielle est une condition pour
que devienne concret l'unique commandement :

voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai
aimés.15

Passons maintenant en revue les témoignages successifs des écrits bibliques, afin de
replacer les rapports entre les Eglises locales ou les groupes particuliers et l'universalité
d'un seul peuple de Dieu dans le rapport de tension de l'unité-plurielle qui l'a créé et qui
fait vivre l'Eglise.

Diversité dans l'unité : la pluralité au fondement de la Création et du Peuple élu

La diversité de l'univers est voulue par Dieu, qui la considère «bonne»16. La diversité est,
au sens de la Création, une dynamique de richesse à la limite infinie, dont le principe
serait destructeur sans la tension avec son principe opposé, l'unité. Il ne faut pas en effet
que la diversité, source de pluralité, devienne cause de division, de confrontation,
d'éclatement, de destruction.17

Le principe de diversité étant posé au fondement de la Création universelle, le principe


d'unité se développe en surplomb de la Création, par la manifestation du génie humain,
inspiré par l'Esprit. Ainsi l'homme, au plan individuel, ne séparera point l'homme et la
femme que le Seigneur a unis, d'où le principe fondamental d'unité de la famille. Au plan
collectif, le Seigneur réunira son Peuple dans l'Alliance et fera de lui son Elu, qu'il
ramène à l'unité, fidèlement, à chaque fois que l'Elu la brise. Le régime de l'Alliance est
difficile, et le Seigneur permet l'ouverture de la monarchie. Cependant, même au temps
du roi David, le tempérament du Peuple élu explose dans les rivalités collectives et les
besoins de liberté au plan individuel. La voix des Prophètes s'élève contre les rois et les
facteurs de division, se référant à l'antique tradition de justice, d'égalité, et
d'immédiateté divines. Les écoles prophétiques n'en représentent pas moins

14
Id. introduction
15
Jn 15,12
16
Cf. Gn 1,12. 17.21.25.31
17
Cf. Gn 2-3 ; 6,12 ; 3,18 ; 3,16 ; 4,8.23.24
11

une grande diversité de mentalités et d'options politiques […].18

S'il existe pour tous un seul et unique Peuple hébreux du Dieu d'Israël, les paradigmes et
repères ne sont alors pas encore fixés, qui permettent de reconnaître le vrai du faux, et
notamment le vrai du faux prophète. C'est alors que le Deutéronome centralise le culte
en un lieu choisi par le Seigneur : le Temple, ou le minyan : dix personnes assemblées
garantissent la présence divine (la Shekina). Cette tradition remonte à l'époque où la
famille constituait la cellule de référence dans le cadre du Peuple élu.

Avec la dispersion en diaspora et la chute du Temple (le Temple étant facteur d'unité, et
la diaspora facteur de diversité), est née l'institution sacerdotale en tension avec l'unité
au service de la mission (et réciproquement). L'unité se définit alors en fonction de la
Torah et de son respect, et s'exprime dans le rassemblement du Peuple en synagogue.
Les lois de la pureté garantissent l'identité et l'appartenance au Peuple élu. Le Seigneur
cependant est roi de l'univers, et il fait régner sa gloire dans son sanctuaire, partout
dans le monde :

Mais les nations sont appelées à participer à son espérance (Is 51,5) et à son culte
(Is 2,2-4).

Ainsi, chez les Hébreux, puis chez les Juifs, la diversité dans l'unité (l'unité-plurielle) est
une tension identitaire fondamentale. Au temps de Jésus, la diversité de l'identité juive
connaît une tension paroxystique. Cette tension a contribué à fonder le message
christique, notamment dans son ouverture à l'autre, à l'externe, et dans sa vision de
rassemblement dans le Royaume qui vient.

Nous invitons le lecteur à se référer à nos contributions 18.0 du 28 septembre 2010


Pluralismes d'Eglise dans le NT et 37.0 du 21 juin 2011 Les Béatitudes. 19

Pluralité et unité en tension chez Paul et chez les Evangélistes

Du temps de Paul, qui nous livre les premiers témoignages écrits (vers 56), il existe
plusieurs églises réunies en communautés locales. La structure correspond à la mission,
puisque Paul a, comme apôtre de Jésus Christ 20, celle de porter l'Evangile annoncé par
les prophètes. Le concept de l'Eglise universelle n'est pas traité par lui. Apparaît
néanmoins l'expression de problèmes structurels qu'il gère dans l'unité : les relations
entre Juifs et non-Juifs, faibles et forts, pauvres et riches, hommes et femmes, de Paul
avec ses collaborateurs, la tension entre païens convertis et judéo-chrétiens, la gestion
des déviances, des hérésies, des tendances des judaïsants chrétiens et l'expression de
charismes divers et puissants. Paul situe et affirme l'unité de L'Eglise par rapport à
l'unicité de l'Evangile :

18
COMMISSION, ch. 3
19
voir www.pleiade.ch, parcours Siloé, PLURALISME D'EGLISES DANS LE NT : L'EGLISE PRIMITIVE, dossier
28.09.2010,no 020
20
1 C0 1,1 ; 2 CO 1,1
12

Paul, apôtre non de la part des hommes ni par l'intermédiaire d'un homme, mais
par Jésus Christ et Dieu le Père qui l'a ressuscité des morts, et tous les frères qui
sont avec moi, aux Eglises de Galatie.21

A l'endroit des églises de Galatie, comme à celui des autres églises, Paul fait acte
d'autorité en resserrant le propos sur le Christ et son Evangile dont il a la charge au
moment où les tensions s'exacerbent au sein des églises. Paul utilise l'expression
puissamment identitaire et unitaire :

έκκλησία τοφ Θεοφ (Eglise de Le Dieu).22

Les tensions plurielles se multiplient alors. Elles sont signes de vitalité pour une Foi
naissante. Les discussions font rage dans l'ouverture de la philosophie grecque, la
tolérance de l'Empire romain, et la tradition de liberté juive. De plus, le message du
Christ est la liberté dans la Foi. Cette diversité positive, qu'on peut nommer unité-
plurielle, est encouragée par Paul qui utilise l'image du corps et des membres, dans son
effort de structurer la diversité autour de l'unité christique sans lui ôter sa dynamique 23.

Paul prend le risque de mettre à l'arrière-plan les signes distinctifs puissamment


identitaires et unitaires enracinés dans la tradition juive, comme le caractère exclusif et
national de la Torah, la circoncision, les règles alimentaires, le monopole du Temple. Les
chrétiens deviennent sanctuaires dans leur unité-plurielle :

Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l'esprit de Dieu habite
en vous ? Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, celui-là, Dieu le détruira. Car le
temple de Dieu est sacré, et ce temple, c'est vous. 24

Ainsi, Paul, dans les premiers écrits chrétiens qui nous sont parvenus, définit clairement
que l'Eglise, ce sont les Croyants.

En toute logique, c'est bien la mission qui exprime la structure de l'Eglise universelle.
L'apostolat est fonction d'universalité et d'unité entre toutes les églises. Portée par
l'apostolat, la prédication de l'Evangile unifie tous les croyants des diverses églises, et les
rassemble de façon pratique et sacramentelle dans le baptême et le partage de la
κοίνόνια (la communion) entre les apôtres d'abord, ensuite entre tous les croyants. Il est
très important de relever que pour Paul, la

complémentarité des charismes est médiatrice d'unité25.

et non pas l'inverse !

Le temple de Jérusalem, malgré la présence du groupe de Jésus et son importance aux


yeux des Juifs, est mis au second rang par rapport au temple que forment les Croyants.

21
Ga 1, 1-2
22
Ga 1.13
23
Cf. 1 Co 12 et Rm 12
24
1 Co 3,16
25
COMMISSION, III,3
13

Plus tard, dans les épîtres dites de la captivité, l'argument de la nécessaire pluralité est
développé et renforcé, par exemple dans Colossiens avec l'image du Christ, tête du corps
de l'Eglise26. Alors que chaque groupe social est appelé à suivre des comportements
différents, l'unité est réalisée autour de l'agapè, qui d'ailleurs est le Corps et le Sang du
Christ en même temps que le parfait partage de tous dans Son amour. 27

Ephésiens renforce cette idée de l'unité-plurielle d'une structuration dans l'autorité


entièrement tournée vers la mission de l'apostolat. 28

C'est lui encore qui a donné aux uns d'être apôtres, à d'autres d'être prophètes, ou
encore évangélistes, ou bien pasteurs et docteurs, organisant ainsi les saints pour
l'œuvre du ministère, en vue de la construction du corps du Christ, au terme de
laquelle nous devons parvenir, tous ensemble, à ne faire plus qu'un dans la foi et la
connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de
l'âge, qui réalise la plénitude du Christ. 29

Dans les épîtres dites pastorales, la structure, les compétences et responsabilités se


précisent. Tite et Timothée défendent la Foi contre les déviances30, Tite institue des
anciens dans chaque ville31, tous deux précisent les qualités requises de l'épiscope (le
surveillant, l'évêque)32, Timothée précise les qualités des diacres33, aussi des femmes
diacres34, et tous deux décrivent la vie irréprochable que se doit de mener tout
chrétien35.

A propos des Evangiles, précisons que Marc et Luc n'utilisent pas le terme d'église, mais
supposent l'existence d'une telle réalité. 36 C'est Matthieu qui utilise par deux fois le
terme έκκλησία'37 et son Evangile est appelé Evangile de l'Eglise par excellence. On y
trouve aussi la notion de Simon-Pierre, roc de fondation de l'Eglise universelle à venir. 38
C'est lui, le dépositaire des clés du Royaume, c'est lui qui en premier doit assurer la
cohésion du tout. Simon, surnommé Pierre, est déclaré le premier des douze Apôtres,
avec la compétence de lier et délier, et la charge de l'exemplarité dans le suivi de
l'enseignement du Christ. Pierre, qui accepte l'ouverture de Paul à la diversité, est l'unité
dans la diversité, il est l'unité-plurielle par excellence.

Dans les Actes sont reprises les idées de Paul, notamment que l'Eglise est un peuple qui
vit dans la tension de l'unité-plurielle. Le terme έκκλησία' y désigne l'église locale, mais y
est évoquée aussi

26
Cf. Col 1,18 ; 2,19 ;
27
Cf. Col 3,14
28
Cf. Ep 4,7
29
Ep 4,11-13
30
1 Tm 6,20 ; 2 Tm 3,13 ; Tt 1,9 ; 3,10
31
Tt 1,5
32
1 Tm 3,2-7 ; Tt 1,7-9
33
1 Tm 3,8-10.12-13
34
1 Tm 3,11
35
1 Tm 5-6 ; Tt, 2,1-10
36
COMMISSION, IV, 1, a
37
Mt 16,18 ; 18,17-18
38
Mt 16,18 : 18,18
14

l'Eglise de Dieu qu'il s'est acquise par son sang,39

soit l'Eglise universelle rachetée dans la communion.

Conclusion

Les Ecrits pauliniens et les Evangiles manifestent une unité-plurielle, la diversité


demeurant au fondement de la vitalité de l'Esprit, et l'unité transcendant les différences
dans l'Amour du Créateur en Jésus le Christ mort sur la Croix et ressuscité. Vatican II,
comme nous l'avons observé précédemment 40, a consisté en un aggiornamento, une
mise à jour, de l'Eglise, la réconciliant dans son être et dans son faire. L'être n'a de fin
que le service du faire. L'ordre (la hiérarchie consacrée) détient la seule autorité d'être
au service de tous les membres en mission de la Parole.

De missionnaire au temps du Christ et des apôtres (Paul y compris), l'Eglise est devenue
structure, depuis les Epîtres et les Evangiles les plus tardives. Il est naturel qu'à une
attitude puissamment identitaire et unitaire de la communauté matricielle (les Juifs
rejettent le Chrétiens dès après la destruction du Temple, mais selon un processus qui a
pris du temps), réponde une réaction identitaire et structurée.

38.5 LA STRUCTURE DE L'EGLISE, DEPUIS VATICAN II

Introduction

Comme référence, nous nous basons pour commencer sur la Lettre à tous les évêques
de la Congrégation pour la doctrine de la foi, signée par le cardinal Ratzinger en 1983 41.
Nous l'avons choisie, car il s'agit d'un recentrage sur l'unité, selon la tradition, jugé
nécessaire après les ouvertures de Vatican II, qui montre l'évolution de l'Eglise vers un
retour à la mission et à l'Eglise du Peuple, par rapport à l'édifice structuré et existentiel
construit au cours des siècles. Cette prise de position en faveur du faire-Eglise en
priorité par rapport à l'être-Eglise, source de tensions vives au sein de l'Eglise, nous
paraît encore aujourd'hui en cours de construction. Pour l'essentiel, nos références
proviennent, ici également, du manuel de Catéchisme romain.

Une opinion erronée : nous sommes tous les successeurs des apôtres

Commençons par une mise au point importante, rendue nécessaire par l'exubérance
populaire de la vague de sympathie qu'a engendrée Vatican II, et qui n’est pas encore
retombée.

Selon une opinion relativement répandue, toute communauté chrétienne, par le simple
fait qu'elle se réunisse au nom du Christ, bénéficierait de sa présence indivise42, et serait
dès lors pourvue de tous les pouvoirs accordés par le Seigneur à son Eglise. L'Eglise est

39
Ac 20,28
40
Voir www.pleiade.ch, parcours Siloé, VATICAN II, dossier 30.11.2010, no 024
41
LETTRE A TOUS LES EVÊQUES DE L'EGLISE CATHOLIQUE SUR QUELQES QUESTIONS TOUCHANT LE
MINISTRE DE L'EUCHARISTIE, S. Congrégation pour la doctrine de la foi, Joseph Card. Ratzinger, Préfet, 6
août 1983
42
Mt 18,20
15

certes apostolique, en ce sens qu'elle descend des apôtres, et tous les baptisés
participeraient donc de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, et tous
seraient à leur tour des apôtres. Le sacerdoce commun des fidèles, de par la
participation de tous au sacerdoce du Christ au sens de son exercice (un mandat), ne
différerait pas de la charge au sens de la conduite de la communauté, qui comprend
celle de prêcher et de présider l'Eucharistie (un sacrement). Toute communauté locale,
aussi petite soit-elle, étant dotée de l'apostolicité et bénéficiant de la présence du
Christ, même privée depuis longue date de l'Eucharistie, serait compétente pour se
réapproprier son pouvoir originel et pour désigner son propre président et
administrateur, et y assumer la conduite, y compris celle de présider et de consacrer
l'Eucharistie.

Le démenti : compétences des évêques et de l'ordre consacré

Le pouvoir de réaliser le sacrement de l'eucharistie est lié à l'Ordination sacramentelle


(l'ordre consacré). Le Seigneur a destiné sa Parole à être vécue et partagée dans un
corps unique : l'Eglise qu'il construit au long des siècles. Ce corps est continuellement
doté par Lui de grâces ministérielles et cette superstructure sacramentelle s'explicite,
selon la Sainte Tradition,

dans le triple pouvoir, confié aux apôtres et à leurs successeurs, de sanctifier,


d'enseigner et de gouverner au nom du Christ. 43

La Sainte Tradition définit l'imposition des mains, sous invocation de l'Esprit Saint,
comme garantie de la lignée apostolique. Le lignage est donc, par sacrement, le fait des
évêques successeurs des apôtres, qui seuls jouissent du pouvoir de nommer un nouveau
successeur. Cette épine dorsale, qui a l'autorité de la tradition historique, permet de
maintenir en vie apostolique cohérente la totalité de l'Eglise. Seuls les évêques sont
donc en droit et en pouvoir de confier la charge de leur ministère à diverses personnes
dans l'Eglise. Seuls les évêques consacrés dans la filière des apôtres et par imposition
des mains sous invocation de l'Esprit ont reçu du Christ la compétence pour célébrer
l'Eucharistie, ainsi que les prêtres qu'ils ont rendus participants de leur propre ministère.

Le Christ marque spirituellement ceux qu'il appelle à l'épiscopat, au presbytérat,


d'un sceau particulier au moyen du sacrement de l'Ordre.44

Un sceau, appelé caractère, identifie le prêtre de si près au Seigneur, que, en tant qu'il
prononce les paroles de consécration, il agit non pas au nom d'un mandat de la
communauté, mais «in personna Christi». Le prêtre est, dans cette fonction, associé au
Grand prêtre de l'Alliance éternelle. Depuis le Concile de Latran, il apparaît clairement
que seuls les évêques sont les successeurs des apôtres et que seul l'ordre consacré (les
prêtres) détient la compétence Eucharistique. On voit l'importance donnée au pôle de
l'être-Eglise et la dynamique de sa tension avec le faire-Eglise.

43
LETTRE II,2
44
LETTRE III,4
16

Fondement de l'Eglise dans l'unité plurielle : L'Eglise est une, sainte, catholique
et apostolique

L'Eglise place son fondement dans une dimension structurelle explicite : l'unité-plurielle
de la Tête (le Christ) et des membres, de l'Epoux (le Christ) et de l'Epouse (l'Eglise).
Communauté organique structurée en mission de Salut pour le monde,

- L'Eglise est une dans un peuple un. L'identité du "Peuple de Dieu" est unique. Il
est élu par Dieu à travers "l'eau et l'Esprit" 45, soit par la foi en Christ et le
baptême. Le peuple tout entier, pris individuellement et collectivement,
participe à la triple vocation christique : sacerdotale (un peuple consacré, un
peuple saint), prophétique (il approfondit l'intelligence de la foi, la vit et en
témoigne dans le monde) et royale (mais un peuple qui conquière sa dignité
royale en se mettant au service de tous, à l'image du Christ-Roi :

Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir.46

- L'Eglise est sainte. Elle de fait le Corps du Christ et son Epouse. Le Seigneur s'est
lui-même désigné comme l'Epoux, et les apôtres présentent l'Eglise, et avec et
en elle chacun de ses membres comme la fiancée (nous ajoutons : la bien-aimée
du Cantique des Cantiques). C'est pourquoi l'Eglise, et chacun de ses membres,
sont dits immaculés. Le peuple qui forme l'Eglise est unifié au Christ avec lequel
tous forment un seul corps, dont Christ est la Tête. Le corps vit de la tension de
l'unité-plurielle :

Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.47

Il n'y a ni Juif, ni Grec, il n'y a ni esclave, ni homme libre, il n'y a ni homme, ni


femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus.48

Mais il y a toujours des Juifs et des Grecs, des esclaves et des hommes libres, des
hommes et des femmes. C'est l'unité-plurielle que nous avons longuement
évoquée.

- L'Eglise est apostolique. Elle est le Temple de l'Esprit Saint. Le peuple est, au
sens figuré "Le temple du Dieu vivant." 49 Il se construit en tant qu'individu et en
tant que peuple dans l'édification de son Salut. Il n'est plus d'autre temple saint
que le peuple de Dieu. Son temple est l'univers dans le Christ cosmique. Chacun
des membres de l'Eglise est envoyé en mission (apostolos) de témoignage en
vue de la rédemption du monde. Le monde qu'il crée par la Parole est le
Royaume de Dieu, son seul et unique Temple.

45
Cf. Jn 3,3-5
46
Mt 20,28
47
Jn 6,56
48
Ga 3,27-28
49
2 Co, 6,16
17

L'Eglise trouve son fondement dans l'unité-plurielle que représente ses membres
distingués selon leur appartenance à l'ordre consacré, mais tous égaux devant Dieu et la
mission de la Parole.

Structure horizontale : Eglise locale, particulière, diocésaine, universelle, romaine

L'Eglise est universelle. Elle se déploie horizontalement dans une articulation


géographique à travers le monde.

La structure horizontale du corps de l'Eglise est triplement intégrée. On parle de l'Eglise


particulière, soit "l'Eglise - en particulier - celle-ci - ou bien celle-là". Il s'agit de l'Eglise
que nous sommes et que nous vivons, nous, groupement de baptisés témoins de la foi
en Jésus Christ, en communion dans les sacrements avec notre évêque ordonné dans la
succession apostolique.50 Cette église locale est en même temps l'Eglise catholique
universelle, qui est l'ensemble et chacune en particulier de toutes les églises locales, ou
Eglises particulières. Cette unité plurielle perpétue et développe au plan mondial et dans
le temps, le message originel de l'unité plurielle des Origines, tel que commenté ci-
avant.

On parle de "l'Eglise universelle" qui initie la catholicité (l'universalité) dans le respect de


l'autre et de sa culture, tous étant unis dans la foi et les sacrements du Christ-tête,
autour de l'évêque successeur des apôtres appelés par Jésus. L'Eglise universelle est
aussi l'Eglise particulière et chaque Eglise particulière est aussi l'Eglise universelle.

Dans ce corps qu'est l'Eglise, on distingue enfin, selon la doctrine de l'Eglise, le diocèse
de Rome et la primauté de l'évêque de Rome. Ce distinguo est le seul obstacle considéré
aujourd'hui par Rome comme sérieux sur la voie du rapprochement avec le monde
orthodoxe. Pour les catholiques, l'évêque de Rome n'est ni plus ni moins qu'un évêque,
avec la même définition de compétence et de vocation, à la différence près qu'il est le
successeur de Saint-Pierre, consacré pierre-angulaire et à qui ont été remises les clés du
Royaume. L'évêque de Rome est donc le primus inter pares, et plus que tout autre il se
doit d'être humble et au service de tous.

L'unité, mieux la totalité de l'Eglise locale ou particulière est partie intégrante de l'Eglise
universelle, mieux encore elle est l'Eglise universelle, de même que l'Eglise universelle
est l'Eglise locale ou particulière. C'est la communion qui réalise ce mystère, sur le
modèle du Christ, tête cosmique unique. Dans sa structure horizontale, l'Eglise réplique
le principe de l'unité plurielle. L'Eglise de Rome n'échappe pas à la catholicité de l'Eglise,
au contraire, elle est à son service.

Structure verticale : la hiérarchie

Toute organisation a besoin d'une ligne verticale ou d'une structure hiérarchique.


Soulignons pour commencer l'indispensable condition qui limite cette déclaration de
principe : un message de liberté, de responsabilité, de valorisation individuelle est au
cœur de l'enseignement de Jésus. Les divers ministères représentés par chacun des

50
Cf. CATECHISME, 833
18

membres de l'Eglise convergent dans l'Eucharistie et chaque baptisé présente une


dimension spirituelle équivalente, quel que soit son rang ou titre ecclésial.
L'échelonnement hiérarchique au sein des structures de l'Eglise est effacé en regard de
l'être-créature de Dieu que nous sommes tous, pas seulement en miroir, mais bien en
chair et en esprit. L'échelonnement hiérarchique intervient entre les membres de l'Eglise
en fonction de la vie de la communauté, des tâches qui la sous-tendent, des spécialités
et des missions de chacun (les dons ou charismes, mais aussi les sacrements de la
filiation des apôtres dans les évêques et de l'ordre des prêtres). Ainsi, l'initiation
chrétienne, à tous les niveaux de toutes les structures, trouve son achèvement dans
l'Eucharistie, par laquelle tous deviennent un seul corps du Christ, le Christ demeurant la
Tête unique, et la tête faisant partie intégrante du corps que nous sommes tous au
même titre.

Tout organisme, pour survivre et se développer, a besoin d'un repérage hiérarchique à


même de traiter les priorités, les conflits, et de les arbitrer. Nous dirons que la clé
fonctionnelle (et non pas existentielle : l'Eglise ne tire pas son essence, son existence
originelle de sa hiérarchie, qui n'est en plus pas une fin en soi) de l'Eglise est sa structure
hiérarchique. L'échelonnement hiérarchique s'articule sur l'unité dans la communion, à
commencer par le collège des évêques :

cette communion s'exprime et se réalise dans et par le collège épiscopal.51

Avec la distinction du primus inter pares, le Pape, évêque de Rome et successeur de


Pierre, qui est :

principe perpétuel et visible et fondement de l'unité de l'unité qui lie entre


eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles 52,

et qui a, en tant que Pontife romain,

sur l'Eglise, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute


l'Eglise, un pouvoir plénier, suprême et universel qu'il peut toujours librement
exercer.53

Puis intervient le Collège ou corps épiscopal, dont la compétence n'existe qu'en union
avec le Pontife romain et dont les décisions ne valent que munies de son
consentement.54

Ensuite, le Collège des évêques exerce le pouvoir sur l'Eglise tout entière de manière
solennelle dans le Concile œcuménique.55 Il n'est pas de concile œcuménique, s'il n'est
pas formellement accepté par le successeur de Pierre. 56

Ensuite, les évêques sont, chacun pour sa part, principe et fondement de l'Eglise
particulière et de son unité,57 dans sa répartition locale et sa dimension universelle. Des
51
Le SACREMENT, III, 26
52
CONSTITUTION DOGMATIQUE DE L'EGLISE LUMEN GENTIUM, Concile Vatican II, 23
53
LUMEN 22
54
LUMEN 22
55
CODEX JURI CANONICI, can 337, par 1
56
LUMEN 22
19

Eglises particulières voisines et de culture homogène forment des provinces


ecclésiastiques ou encore des patriarcats ou régions.58 Les évêques de ces ensembles se
réunissent en synodes ou conciles provinciaux. On parle de conférences épiscopales,
dont le rôle est d'assurer l'unité, la collégialité et la cohésion en leur sein. 59 La sedes ou
cathedra joue donc un rôle capital dans l'insertion de l'évêque au cœur de l'apostolicité
ecclésiale. Par cathedra, il faut entendre la présence de l'évêque dans chaque Eglise
locale. Le prêtre, ou le curé, n'est que l'envoyé de l'évêque qui agit en son nom et sous
son mandat.

Au centre d'une communauté définie par le diocèse, l'évêque, en tant que descendant
direct des disciples et apôtres du Christ, assure un ministère de présidence pour l'unité
des charismes présents. C'est l'Eglise locale, ou encore l'Eglise dite particulière (nous
dirons l'Eglise des particuliers, ou encore de proximité) qui est l'Eglise à part entière et
donc qui est accomplie pleinement dans le mystère du Christ mort sur la Croix et
ressuscité.

En effet, porteuse de la variété des dons de l'Esprit, l'Eglise locale a en son centre
l'évêque dont la communion réalise l'unité de tous et exprime la plénitude de
l'Eglise.60

C'est également le collège, en présence de deux ou trois évêques, qui réalise la


communion avec l'élu-candidat dans l'ordination épiscopale. En termes de structure
hiérarchique, la mission et (nous ajoutons, pour notre part : en second lieu) la charge ou
le poste d'évêque, trouvent leur achèvement dans la communion.

Après le Pape, le collège épiscopal, l'évêque, intervient le prêtre. Commençons par


souligner que, invisiblement présent dans l'Eglise par le Saint-Esprit qu'il a envoyé, le
Christ est l'unique grand prêtre de l'Eglise. En lui, pasteurs et laïcs, tous forment

une race élue, un royaume, un sacerdoce, une nation sainte, un peuple acquis,
pour proclamer les louanges de celui qui vous a appelés des ténèbres à son
admirable lumière.61

et que, tous nous sommes appelés au sacerdoce, à être saints et consacrés :

tu as fait d'eux pour notre Dieu une royauté de prêtres régnant sur la terre.62

Le prêtre est ordonné par l'évêque et il agit par mandat de l'évêque sous sa
dépendance. Sa mission comporte des tâches et responsabilités définies dans le cadre
du mandat. Il est en principe envoyé en tant que pasteur d'une communauté paroissiale
: il préside à l'eucharistie sur l'autel consacré par l'évêque, il est le ministre des
sacrements pour sa communauté, il annonce l'Evangile et catéchise, il a la garde des
charismes du peuple dans l'unité.

57
LUMEN 23
58
CANON DES APOTRES 34
59
LUMEN 28
60
LETTRE A TOUS LES ÉVÊQUES, III, 25
61
1 P 2,9
62
Ap 5,10
20

Il apparaît comme le ministre ordinaire de la communauté eucharistique locale, et


le diocèse est alors une communion de communautés eucharistiques. 63

Les presbytres (à l'origine, les anciens), forment le collège qui entoure l'évêque dans sa
mission et dans la charge ou le siège épiscopal, notamment dans la consécration ou la
présidence de la communion. Leurs activités sont mandatées par l'évêque, pour la
célébration des sacrements, l'enseignement de la Parole, et le gouvernement de la
communauté.

Les diacres (anciennement : l'homme ou la femme au service de la pastorale), qui sont


attachés au service de l'évêque ou du prêtre, concrétisent le lien entre ces hommes et
les fidèles.

Conclusion

Nous reprenons les termes de notre référence, la Lettre de rappel 64, pour souligner que
la structure de l'Eglise est donnée comme sainte :

L'Eglise est structurée en vertu de la Sainte Tradition en pasteurs et en membres,


les premiers ayant pour mission de paître le troupeau du Seigneur en le nourrissant
de la vérité, de garder le dépôt de la foi et de conserver intacte l'unité de l'Eglise. 65

38.6 STRUCTURE OU MISSION, QUELLE PRIORITÉ ?

Afin de proposer une appréciation de la vision de l'Eglise sainte dans ses structures et
son organisation, nous choisissons de nous inspirer entre autres des commentaires que
le père jésuite Joseph Moingt a introduits dans l'enseignement de l'Eglise, en analysant
le lien entre l'Annonce de l'Evangile et la structure de l'Eglise dans un article récent. 66
Nous choisissons Moingt, car il est connu à la fois pour son indépendance et sa
proximité avec ce qui, à nos yeux, fut l'indispensable aggiornamento de Vatican II.67

L'Eglise est un organisme constitué dans le mystère divin, qui a pour mission d'annoncer
la Parole créatrice et rédemptrice de Jésus le Christ mort sur la Croix et ressuscité. Sa
structuration, processus humain naturel à tout organisme, ne devrait, selon le message
originel, que refléter les besoins organiques de la mission. La question posée à l'Eglise
est : comment témoigner de l'Evangile ? Le faire-Eglise ne doit-il plus reposer sur l'être-
Eglise ?

De l'avis de Moingt, la réponse est :

un témoignage d'Evangile accessible à notre monde, tel qu'il est, exige que tous les
baptisés se sentent collectivement responsables de l'Evangile confié à la garde et à
la parole de l'Eglise et réclame en conséquence que l'organisation interne de
63
SACREMENT 42
64
LETTRE A TOUS LES ÉVÊQUES, IV
65
Id.
66
Cf. CULTURE ET FOI, Annonce de l'Evangile et structures de l'Eglise, Moingt Joseph, Blois, 24 septembre
2010
67
Voir www.pleiade.ch, parcours Siloé, VATICAN II, dossier 30.11.2010, no 024
21

l'Eglise, de ses structures administratives et de ses services et ministères, soit


pleinement adaptée à cette mission collective qui incombe, en fin de compte, au
laïcat engagé dans la vie et les affaires de ce monde. 68

Or, on assiste en Occident, au retrait de la religion, qui n'est pas une attitude de
déchristianisation, mais un phénomène de civilisation, en l'occurrence d'émancipation
de l'individu, qui se libère du lien des valeurs traditionnelles. Le droit politique, depuis la
laïcisation de l'Etat, prend en charge le lien social. Moingt relève le paradoxe : c'est
l'Eglise qui est à l'origine, et le moteur de cette émancipation, mais c'est elle qui a pris
peur devant l'ébranlement de son autorité et de sa tradition. Il en déduit qu'une

culture de l'éloignement de la religion a entrainé la perte de la foi69.

Or, l'Evangile est la seule voie de salut, et cette révélation fonde le devoir absolu de le
porter au monde. Quelle est cette voie de salut, sinon de s'aimer les uns les autres
comme le Seigneur nous a aimés ? C'est pourquoi, poursuit Moingt

nous ne devons pas penser que ce monde sorti de religion est sorti des voies du
salut.70

Or l'Evangile n'est pas un code religieux, mais intervient dans le projet créateur de
regrouper tous les hommes de bonne volonté dans la plénitude de l'humanité de son
message :

la mission salutaire confiée expressément par Jésus à l'Eglise concerne son


Evangile, qui est une école de vie, source d'humanisme, non un code religieux et
pour ne pas laisser croire que la religion est la seule voie assurée de salut, ce que
ne dit pas l'Evangile.71

Il s'agit donc aujourd'hui de retourner au mode originel et de mandater les fidèles à la


mission, tout en se référant à l'unité d'une structure fonctionnelle qui assure la tension
de l'unité-plurielle. Cette charge est au fondement de la famille chrétienne, notion plus
large que l'Eglise, et elle est commune à tous ses membres, sans exception. En
conséquence, elle incombe principalement sur les laïcs, et elle appelle une organisation,
une structure proprement missionnaire de l'Eglise.

Or, l'Eglise est collée (Moingt dit "centrée")

sur le principe du pouvoir sacré que la plupart des fidèles s'étaient habitués à
l'idée qu'ils n'avaient qu'à se laisser passivement conduire par leurs pasteurs, à
bien remplir leurs devoirs religieux, sans aucune responsabilité dans les affaires de
l'Eglise, et que la mission évangélique relevait exclusivement de l'autorité de ceux à
qui Jésus avait confié son Eglise, ceux à qui il avait donné son Esprit Saint avec la
charge d'en faire bénéficier les croyants. 72

68
Cf. CULTURE ET FOI
69
CULTURE, p.5 sur 15
70
Idem
71
CULTURE, p. 6 sur 15
72
Idem
22

Moingt rappelle qu'à l'origine, l'Eglise était mission et que l'organe correspondant dans
sa structure n'était rien de plus que le reflet de la mission. Les approches
organisationnelles ont débuté au début du IIIème siècle, avec la distinction entre clercs
ordonnés, évêques, diacres ou presbytres, et simples laïcs.

Dès lors, ceux-ci n'eurent plus droit à la parole et tous les ministères ecclésiastiques
furent réservés aux ordres sacrés.73

Les premiers chrétiens se sentaient tous solidairement responsables de la mission


évangélique et c'est Vatican II, avec Lumen Gentium74, qui a remis le peuple de Dieu en
avant de la démarche, l'ordre consacré devant le suivre et le servir, et qui a invité les
laïcs à l'action missionnaire. Ce rappel souligne que, pour être sauvé, il ne suffit pas
d'annoncer l'Eglise pour annoncer l'Evangile, et

qu'il ne reste que l'apostolat des laïcs pour prendre la mission en charge de façon
vraie et efficace.75

Bien entendu, il reste vrai que la mission authentique de l'Evangile doit se faire au nom
du Christ et en Eglise, puisque Jésus lui a confié cette mission. Simplement, si nous osons
dire, la mission ne peut plus s'accomplir sous sa forme hiérarchique, mais sous la forme
communautaire des débuts, à partir de communautés missionnaires constituées comme
telles, en référence à une structure en priorité dévouée à la mission de tous ses
membres.

Il s'ensuit, avec la raréfaction des vocations et le retrait général de l'Eglise, que d'amples
réformes sont nécessaires. A commencer par le regroupement à but uniquement
cultuelle de la plus petite cellule de l'Eglise particulière qui est la paroisse. Moingt
entrevoit que ces paroisses regroupées auront à s'organiser par elles-mêmes, dans la
liberté de l'Evangile, précisément selon le mode démocratique, afin de reconvertir
l'Eglise aux fins missionnaires.76

Bien entendu, on ne peut imaginer cette restructuration sans la faire entourer par et
recourir aux services du presbyterium diocésain, pour le contrôle de façon partagée, de
telle manière que personne n'attende rien de l'autre sans initier soi-même le processus
missionnaire. C'est que le peuple tout entier est saint, apostolique et royal, comme nous
l'avons vu, et que l'Eglise particulière, comme chacun de ses membres est partie
intégrante de l'Eglise universelle.

Moingt constate que, dans l'état de l'organisation des structures ecclésiastiques, il ne


voit aucun responsable diocésain oser prendre l'initiative de la réforme. Nous pouvons
le comprendre, étant donné le pouvoir absolu ou quasi absolu dont Rome dispose et
l'état des lieux qui est à la peur et au doute. Or, constate-t-il opportunément 77, ce mode
de faire structurel et hiérarchique ne remonte qu'au XIème siècle, soit à la réforme
73
CULTURE, p. 7
74
CONSTITUTION DOGMATIQUE DE L'EGLISE LUMEN GENTIUM, Concile Vatican II, 23

75
CULTURE, p.8
76
CULTURE, p.10
77
Cf. CULTURE, p. 11
23

grégorienne, qui a imposé la suprématie du pouvoir sacré et spirituel sur le pouvoir laïc
et profane. Il n'a donc rien d'évangélique au sens du message de Jésus et des apôtres.

Voici les propositions que fait Moingt dans le but de relancer l'Evangile par un retour à la
mission par opposition au pouvoir, au faire par rapport à l'être :

- Faire exister une communauté réduite à la place d'une paroisse,

- l'organiser en vue d'un partage de l'Evangile (prévoir un programme d'étude,


une méthode de travail, un calendrier de rencontres). Dégager un lieu de prière,

- affirmer son caractère missionnaire en travaillant sur les priorités évangéliques,

- les malades, les pauvres, les autres, prendre à bras les problèmes d'humanité,

- essaimer, créer d'autres communautés au sein de la paroisse, laquelle demeure


dans sa vocation d'Eglise de proximité avec son prêtre pour le ministère de
l'eucharistie et le baptême,

- représenter dans les instances dirigeantes du secteur, partager le pouvoir


clérical,

- réunir des communautés du secteur sous l'ancien modèle des Assemblées


dominicales en l'absence de prêtre,

- évoluer sous forme de nouvelles liturgies eucharistiques,

- accepter les affrontements et les arbitrer dans le dialogue, la transparence, et le


respect de l'autre.

38.7 CONCLUSION GENERALE

Il n'y pas de structure modèle qui s'imposerait d'elle-même, ou par vertu de discipline,
ou encore par respect de l'échelon hiérarchique ou honorifique. Il n'y a ni appareil ni
pompe dans l'Eglise originelle, au contraire, sa structure est dynamique en ce sens
qu'elle est mission, parole, débat. Moingt cite Paul, l'apôtre qui est à l'origine d'une
Eglise structurée et organique, qui s'exprime dans la dynamique de la mission. L'autorité
y est fonctionnelle et non pas organisationnelle, et elle travaille sur les charismes de
chacun, tant il est vrai que Jésus n'a eu de cesse que de mettre l'individu en valeur :

il faut bien qu'il y ait aussi des scissions parmi vous, pour permettre aux hommes
éprouvés de se manifester parmi vous.78

A nos yeux, la structure des origines n'a pas pour but la justification de l'Etre-Eglise, mais
de faire-Eglise. Les spécialisations ou qualités mises en avant par Jésus (les grâces ou
charismes) sont avant tout missions, et, au plan de la structure, demeurent au service de

78
1 Co 11,19
24

tous. A l'image de Jésus mort dans l'infamie de la Croix et ressuscité, le seul échelon
hiérarchique validé est celui du serviteur qui agit dans l'humilité et dans la dignité. En
d'autres termes, son être est tout entier transformé en mission, une mission qui répond
à l'appel divin, à la vocation du chrétien, et le titre ou la fonction demeurent
secondaires, instruments nécessaires pour assurer la réussite de la mission, mais qui ne
sont jamais une fin en soi. Les membres de la famille sont tous égaux quant à leur
qualité d'enfant de Dieu, mais tous inégaux dans leur être de chair et leur savoir-faire.
Egaux devant Dieu, inégaux les uns par rapport aux autres, doués de charismes
différents, riches de leur diversité, ils sont et ils agissent dans la complémentarité de
l'unité-plurielle propre à la Création et à l'Evangile. Au-delà des structures et de toute
hiérarchie, dans l'expression prioritaire de leur vivre-ensemble, ils vivent entre eux et
montrent un comportement d'amour et de charité, parfait dans le mystère de l'égalité
cosmique et rédemptrice avec le Christ dans la communion :

Ainsi donc, mes frères, quand vous vous réunissez pour le repas, attendez-vous les
uns les autres.79

et :

Montrez-vous mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ.80

Ainsi, la structure, ou le pôle existentiel de l'Eglise (l'être-Eglise) est non seulement


nécessaire, mais il se fonde dans l'ordre consacré par le Christ en personne. La mission,
ou le pôle fonctionnel de l'Eglise (le faire-Eglise) constitue le but du pôle existentiel. A
trop se concentrer sur le premier, l'Eglise devient un but en soi, qui échappe à la mission
du Christ. A l'inverse, l'Eglise court le risque de se volatiliser dans l'éclatement de la
Tradition et de la Parole. Reflet du principe biblique de l'unité-plurielle, l'Eglise vit de la
tension entre les pôles de l'être et du faire, l'être étant en priorité au service du faire, et
non pas l'inverse. L'être-Eglise peut vivre dans la confiance et l'Espérance du faire-Eglise
avec l'aide de l'Esprit et ne point se replier sur ses structures ou sur son être par crainte
de son devenir.

38.8 ILLUSTRATION DE L'EGLISE PARTICULIÈRE : LE DIOCÈSE LGF

L'être-Eglise : la structure LGF

La structure d'un diocèse est complexe, en particulier celle de LGF, qui regroupe 4
cantons de confessions majoritaires et de système de représentation et de financement
différents (magnifique exemple de richesse dans la diversité). L'évêque, qui est la tête
du diocèse, et qui y concrétise l'Eglise universelle, est le chef des catholiques. En son
absence, toute décision est canoniquement suspendue, y compris les contrats
d'engagement et de mandat. Bien entendu le Droit civil, en quelque sorte subsidiaire du
point de vue canonique, mais principal du point de vue sociétal, continue à s'appliquer à
tous les membres de l'Eglise comme à l'Eglise dans son ensemble. Il en va de même pour
le Droit pénal. Le temps passé à la gestion de l'ensemble empiète naturellement sur le
temps de la pastorale et ce, de plus en plus cruellement.
79
1 co 11, 33
80
1 Co 11,1
25

Comme tous les diocèses de l'Eglise, LGF est structuré et fonctionne dans le cadre et en
application du Droit canon. LGF est l'Eglise particulière (des particuliers) de Suisse
romande (le Chablais vaudois et le Valais mis à part, qui relèvent du Diocèse de Sion,
depuis le IVème siècle). Comme nous l'avons observé plus haut, le Diocèse est l'Eglise
universelle dans sa région de compétence et l'Eglise universelle est tout entière
présente dans le Diocèse.

En Suisse, on compte 6 diocèses (Bâle, Coire, LGF, Lugano, Saint-Gall, Sion) et 2 abbayes
territoriales, dont le Père abbé dépend directement du Saint-Père, mais qui agissent en
pleine coordination avec l'évêque du lieu. L'ensemble compose la Conférence des
évêques suisses. La conférence répartit son travail au sein de 10 Commissions de
planification pastorale et de 3 commissions de dialogue avec les Eglises réformée,
luthérienne et orthodoxe. Les autres organismes nationaux sont tous placés sous la
responsabilité des évêques (notamment Action de Carême, Caritas). Il existe en outre de
nombreux organismes de coordination au plan régional, notamment romand (à titre
d'exemple, un organisme financier : la Fédération catholique romande.

L'évêque LGF a son siège (cathedra, cathédrale) à Fribourg depuis la Réforme et les
cantons autres détiennent une basilique (avec un vicaire épiscopal, délégué de
l'évêque). L'évêque s'appuie sur son presbyterium (le Conseil de l'évêque, ou les
Anciens), soit l'ensemble des prêtres. De fait, le Conseil presbytéral (le sénat) est formé
des prêtres que l'évêque y délègue. Le but du conseil presbytéral est de promouvoir la
pastorale du diocèse, en priorité auprès des plus pauvres.

L'évêque nomme les membres de la Curie (son état-major), qui est composée du vicaire-
général, adjoint de l'évêque au gouvernement du diocèse, du vicaire épiscopal, adjoint
de l'évêque pour une portion du diocèse ou pour un groupe de personnes, du
chancelier, qui rédige et archive les actes de l'évêché, du Conseil épiscopal, qui réunit
l'état-major et des prêtres délégués (c'est l'exécutif), de l'official ou vicaire judiciaire
(affaires juridiques, par exemple annulation des mariages).

Le Conseil pastoral, composés de prêtres, religieux et laïcs, est la direction pastorale


sous l'autorité de l'évêque. En LGF, il n'y a que des conseils pastoraux cantonaux.

Le Chapitre des chanoines est responsable entre autres des charges liturgiques de la
cathédrale.

Le Synode diocésain est convoqué par l'évêque au besoin, pour discuter d'aspects
importants de la conduite du diocèse.

Le Vicariat épiscopal est l'exécutif cantonal du diocèse. Il n'a pas d'existence juridique et
n'agit qu'au nom et pour compte de l'évêque, avec l'appui du Conseil du vicariat.

Le Décanat est un regroupement territorial de paroisses, qui peut être subdivisé en


secteurs. Les paroisses sont regroupées selon le principe du maillage, qui consiste à
étendre la paroisse sur un territoire plus grand, sans en déterminer de centre ou de
pôle.
26

La Paroisse est le cœur vivant de l'Eglise. Elle est

la communauté précise de fidèles qui est constituée d'une manière stable dans
l'Eglise particulière, et dont la charge est confiée au curé, comme à son pasteur
propre, sous l'autorité de l'évêque diocésain.81

La Paroisse est l'organe de base de la pastorale diocésaine. Elle se compose


administrativement des catholiques, ou du Peuple de Dieu de son territoire (de 1500 à
15.0 "fidèles") qui est une partie du diocèse, et du curé (cas échéant, d'une équipe
pastorale) en communion avec l'évêque. Elle est soit territoriale, soit personnelle (quand
elle regroupe des communautés dont le dénominateur commun est autre que la
territoire de la paroisse, par exemple, les Suisses-lémaniques, les Italiens, etc.).

La structure de la paroisse est la suivante :

- le curé (dans la mesure du possible), qui est son chef spirituel,

- l'équipe pastorale, avec prêtres et permanents laïcs et religieux (catéchistes,


assistants pastoraux, etc.),

- le conseil pastoral, avec le curé, l'équipe pastorale, des délégués par activités,
différents groupements,

- le conseil de paroisse (ou "fabrique"), avec le curé et les laïcs qui gèrent
l'ensemble de la logistique.

Le rôle de la paroisse est de servir l'Eucharistie dominicale et d'assurer les services


pastoraux.

Dans le canton de Vaud, l'Eglise catholique est représentée par la Fédération


Ecclésiastique catholique romaine du canton de Vaud. C'est une corporation de droit
public, au même titre que l'Eglise Evangélique Réformée du canton de Vaud. Les deux
Eglises ont un statut constitutionnel égal. La Communauté israélite est reconnue
constitutionnellement d'intérêt public, sous le nom de Communauté israélite de
Lausanne et du canton de Vaud. Les structures laïques, notamment la Fédération répond
aux règles de la démocratie, ses membres ayant droit d'être élus et ayant droit de vote
pour les décisions importantes et l'élection du comité directeur. La Fédération
représente légalement l'Eglise catholique vis-à-vis des institutions vaudoises. Elle est
bénéficiaire d'une subvention étatique de Fr. 24 millions par année environ, dont la plus
grand part finance les salaires des prêtres et des laïcs. On compte environ 225.000
catholiques dans le canton (43 % de la population, les réformés représentant quelque 41
%). Le diocèse regroupe quelque 500.000 catholiques. Les catholiques sont majoritaires
dans le canton de Vaud, alors qu'ils représentaient 3 % de la population au début du
XXème siècle.

81
Can. 515, par.1, in Appelés à faire Eglise en Suisse romande, Centre catholique romand de formation
permanente
27

Le Centre Catholique Romand de formation Permanente (CCRFP), nommé par la


conférence des évêques suisses, est un

lieu d'Eglise où se réfléchit et s'organise la formation permanente en lien avec la vie


de l'Eglise et les défis de notre temps.82

Il est

au service des agents pastoraux, prêtres et laïcs, de Suisse romande.83

Le parcours Siloé, depuis une trentaine d'années, est l'un de ses fers de lance dans la
formation des laïcs.

Le faire-Eglise : la planification pastorale

Selon le manuel de formation84, la Pastorale c'est

tout ce que l'Eglise fait pour réaliser la mission que lui a confiée le Christ pasteur
:"allez, évangélisez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit (Mt, 28,19).85

La pastorale, ou mission de la Parole, en particulier sa planification pour l'ensemble de


l'Eglise particulière (ou des particuliers, de vous et moi, ou encore du Diocèse), se situe
dans la dynamique de la tension entre l'être-Eglise (l'organisation de la mission), et le
faire-Eglise (l'annonce et la pratique de la Bonne Nouvelle), dans la ligne de Vatican II,
soit avec un seul but pour l'être-Eglise, qui est celui de servir le faire-Eglise.

La Pastorale et l'objectif de sa planification reposent sur le Peuple de Dieu tout entier,


s'adressent à toute la communauté humaine sans exception 86. Elles s'articulent sur 4
axes du faire (et non pas de l'être) :

- l'annonce de la Parole (martyria ou témoignage), est l'annonce de ce que Dieu


fait dans son amour pour les êtres. La catéchèse est partie intégrante de la
Parole,

- la liturgie (leitourgia ou liturgie), est le dialogue consacré avec Dieu, sous les
formes de la célébration et de la prière,

- le service des pauvres et de la justice (diakonia, ou service), est le soulagement


de la misère sous toutes ses formes et la recherche des causes de la misère et
du combat contre elle,

82
Cf. Appelés à faire Eglise en Suisse romande, manuel publié par le Centre Catholique romand de
formation permanente.
83
Id.
84
Id. 3.1
85
Id.
86
C'est ce qu'on nomme le "multitudinisme", qui est une des conditions sine qua non de la subvention
étatique vaudoise pour les Eglises reconnues d'intérêt publique.
28

- la construction de la communauté (koinônia ou communion), est tout ce qui est


fait pour rassembler les chrétiens en Eglise.

La planification pastorale initie, coordonne et soutient les projets de pastorale


paroissiens. Ce sont les synodes des évêques qui la définissent. La planification organise,
structure, coordonne l'action de la Parole, ou la mission visant à sa pertinence, sa
cohérence, son efficience dans l'ensemble du diocèse pris dans sa double dimension
d'Eglise particulière et d'Eglise universelle. L'exercice de la planification consiste à partir
de la réalité en Eglise, à concrétiser un modèle de pastorale qui tienne compte de cette
réalité en fonction de l'état de la Pastorale et de ses changements, et enfin de construire
l'Eglise des pierres vivantes (Le temple du Peuple de Dieu) dans la perspective du projet.

- Conclusion

Pour conclure nos observations sur la structure de l'Eglise et la planification de la


Pastorale, nous avons suivi la ligne de tension qui existe entre les deux pôles de l'être-
Eglise et du faire-Eglise, soit de la dynamique qui maintient en vie à la fois l'Eglise, en
tant qu'organisme, et la Parole, en tant que mission. Nous n'avons pas abordé, comme
sortant de notre propos, le rapport de cette tension avec une autre tension, qui est un
scandale pour l'ensemble des héritiers du Christ, soit la tension avec les autres églises.
Soulignons simplement que, si la structure, construction humaine qui remonte dans le
poids de sa masse au XIème siècle, est un obstacle réel à la réunion, cet obstacle ne
devrait pas, en fonction de la Parole, ou de la mission, demeurer un obstacle définitif. A
titre d'exemple, la Pastorale, dans le canton de Vaud (la ou les missions) est projetée et
mise en œuvre en commun avec l'Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud et
aussi avec la Communauté Israélite de Lausanne et du Canton de Vaud. Bel essai, encore
à transformer ! Voici le mot de la fin, qui n'est là que pour permettre de rebondir : les
premières lignes d'un tout récent ouvrage d'un éminent réformé, Professeur honoraire
de théologie, Daniel Marguerat :

Nous partons pour un pays connu et inconnu. Deux raisons poussent à faire le
voyage maintenant. La question de Dieu a fait son retour. On était au bord de
penser que Dieu était un produit vieilli, démodé par de nouvelles offres culturelles,
et que seule la gourmandise religieuse de groupuscules dévots le faisait survire.
Erreur, la question de Dieu a ressurgit en pleine modernité, souvent par la bande,
parfois sauvagement, faisant savoir que le religieux est une dimension
incontournable de l'être humain.

A titre d'illustration pratique, est joint en annexe un extrait de la revue cultuelle jésuite CHOISIR,
no 616, avril 2011page 22-25, FINANCEMENT DES EGLISES. LE SWISS MADE, par Jean-Marie
Brandt.

Jean-Marie Brandt ( www.pleiade.ch), 11 octobre 2011

Annexe : extrait de la revue cultuelle jésuite CHOISIR, no 616, avril 2011page 22-25,
FINANCEMENT DES EGLISES. LE SWISS MADE, par Jean-Marie Brandt

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