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Revue Philosophique de Louvain

V. Soloviev, Le Sens de l'Amour. Traduit du russe par T. D. M.


Paul Decerf

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Decerf Paul. V. Soloviev, Le Sens de l'Amour. Traduit du russe par T. D. M.. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième
série, tome 46, n°10, 1948. pp. 231-232;

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Ouvrages divers 231

Mais le divorce d 'Animus et d 'Anima n'est ni indispensable ni


souhaitable : au niveau de la « sympathie » (M. Scheler), l'esprit
remplit son rôle, non plus comme devant une chose mais dans un
acte de présence à une Personne.
C'est à situer la Personne et son amour que s'efforceront les trois
derniers chapitres, utilisant principalement des articles du P. Rousselot
et les analyses phénoménologiques de H. Guthrie : le « Je », en
tant qu'essence, est centré sur soi, sur sa défense et son
épanouissement ; en tant qu'existant, il est lié au tout de l'être. Et voilà fondés
les deux sens de l'amour ; ils sont inséparables et s'enracinent dans
la constitution la plus profonde de la Personne ; ils décrivent un
double mouvement ; aucun deux ne doit être condamné jusqu'à
l'heure où la Personne se trouvera en présence de son Dieu et où les
termes de la relation essence-existence acquerront des dignités
proportionnellement autres.
Signalons, pour le regretter, que l'auteur borne ses références
à quelques titres de livres, sans la moindre indication de pagination
ni d'édition.
Il faut reconnaître enfin que cette ingénieuse compilation de
vues si hétéroclites constitue une vraie gageure : le P. d'Arcy
parvient à harmoniser les indications de la poésie, de la psychologie,
de l'histoire avec les distinctions traditionnelles de la métaphysique
thomiste, mais le glissement constant du plan rigoureux des techniques
philosophiques au langage plus affectif que strict des poètes ne
facilite guère la tâche du lecteur. Paul DECERF.

V. SOLOVIEV, Le Sens de l'Amour, traduit du russe par T. D. M.


(Collection Bibliothèque philosophique). Un vol. 19x12 de 141 p.
Paris, Aubier, 1946.
Soloviev situe l'amour dans une perspective fort large,
embrassant Dieu, l'Esprit et la matière. L'amour, chez l'homme, ne sert
pas l'espèce, mais contribue à la naissance d'une personnalité
parfaite, non pour favoriser mais pour combattre l'égoïsme de l'individu.
Car ce n'est pas dans l'isolement et le morcellement, auxquels la
matière est assujettie, mais dans l'unité que naîtra l'homme parfait.
Abordons le problème autrement : « en dehors du contenu
matériel ou empirique de sa vie, chaque homme contient en soi
l'image divine, c'est-à-dire une forme spéciale d'un contenu absolu »
(p. 66). L'amour nous découvre cet idéal derrière les apparences
visibles et il nous invite à modeler le contingent sur cette image
232 Comptes rendus

invisible ; l'amour est donc mystique et se situe dans le prolongement


de la Foi ; le mariage en tire sa noblesse et ce serait une mutilation
contre-nature de le réduire à ses aspects physiologiques ou sociaux.
Cet ouvrage date de 1892-1894 : Soloviev a 40 ans, mais c'est
lui qui, 20 ans plus tôt, dans le train de Kharkov, avait aperçu,
penché sur lui et tranfiguré, le visage d'une jolie voyageuse : « Je
sentais, je savais qu'en cette unique image étaient toutes choses,
j'aimais d'un nouvel amour, infini, qui embrassait tout et, en lui, je
sentais pour la première fois toute la plénitude et le sens de la
vie » <X). Paul DECERF.

V. SOLOVIEV, Crise de la Philosophie Occidentale, Introduction


et traduction du russe par M. HERMAN. (Collection Bibliothèque
philosophique). Un vol. 19 x 12 de 157 + 224 pp. Paris, Aubier, 1947.
Cette dissertation de Maîtrise, présentée à Saint-Pétersbourg en
1874, esquisse, en traits largement brossés, l'évolution de la pensée
occidentale de J. Scot Erigène à E. von Hartmann.
Elle ne s'arrête guère au Moyen Age, où la raison aurait acquis
son autonomie, ni au Nominalisme, pour suivre dans la pensée
moderne, de Descartes à Hegel et de Bacon au Positivisme, deux
courants divergents mais destructeurs tous deux de la substance et
de la métaphysique.
Schopenhauer et, mieux, Hartmann représenteraient deux
tentatives pour sortir de l'impasse ; Schopenhauer en découvrant le
réalisme de l'expérience interne et en nous amenant par là à la
Volonté universelle, objet de la métaphysique ; Hartmann en
complétant cette Volonté d'un aspect de Représentation, ce qu'il appelle
l'« Inconscient ».
Les chapitres 3-5 soulignent les insuffisances de toute pensée
abstraite, son inaptitude à fournir une morale ; ils montrent surtout
comment tant rationalistes qu'empiristes, refusant de connaître d'autre
réalité que celle de nos états de conscience intellectuels ou sensoriels,
aboutissent à des formalismes abstraits. Les efforts de Schopenhauer
et même ceux de Hartmann, que l'auteur considère comme le
philosophe occidental le plus conscient, ne réussissent pas à sortir
la pensée occidentale de sa crise.
L'ouvrage est précédé d'une biographie (pp. 5-157) fort docu-

<1J Cité par M Herman, dans son introduction à SoLOVIEV, Crise de la


Philosophie occidentale, p. 13.

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