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EP REUV E DE HLP

La recherche de soi
(Partie 2)

La recherche de soi
(Partie 2)
Les expressions de la sensibilité.
Du romantisme au XXe siècle.
Introduction
1. Délimitation de la notion

Comment se rechercher soi dans la solitude ? Les sentiments que j'éprouve pour
l'autre ne sont-ils pas un moyen de me connaître ?
Alors que Schopenhauer a écrit sa Métaphysique de l'amour dans laquelle il critique
l'approche romantique en réduisant la relation amoureuse à une simple relation
sexuelle, le romantisme - comme nous l'avons vu dans la fiche précédente - explose
dans la littérature et ensuite dans le cinéma.

Deux visions de l'amour et du sentiment émergent et ces deux visions semblent


se radicaliser de plus en plus de nos jours. Cette radicalisation est à l'image de ce
qui se passe dans nos sociétés où le débat est de plus en plus impossible dans le
domaine du sentiment aussi bien que dans celui de l'éducation et dans l'ensemble
des grandes problématiques de l'humain ainsi que cela a été évoqué.

Il semble qu'il existe désormais deux visions de l'amour et du sentiment : une vision
vitaliste et une vision romantique. La vision romantique semble être celle que les films
populaires nous vendent continuellement ainsi que les romans à l’eau de rose qui
fleurissent encore. En effet, alors que le romantisme était autrefois une littérature qui
séduisait les femmes des classes dominantes, il semble que celui-ci (via les journaux
et les films notamment) soit une « philosophie » qui séduit désormais plutôt les
femmes des milieux plus populaires. Pendant ce temps, la littérature pour l’élite
semble, au contraire, se laisser séduire par une vision plus vitaliste mais en même
temps plus désenchantée des rapports sentimentaux. Les deux mondes s’affrontent
donc ainsi sur ce terrain aussi.

L'auteur contemporain qui - dans la littérature contemporaine - exprime le mieux cette


désillusion à l'égard de l'amour (majoritaire chez les élites) est Michel Houellebecq.
Ce dernier revendique d'ailleurs une filiation avec Schopenhauer. Il a écrit en 2017 un
texte qui s'intitule d'ailleurs : En présence de Schopenhauer. Dans ce texte, il met en
scène son admiration pour ce philosophe qui a également grandement inspiré

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Nietzsche et Freud. Nous y reviendrons. Or pour Schopenhauer, l'amour n'est qu'un


désir de nature purement sexuel et rien d'autre.

Houellebecq est un contemporain. Le romantisme et le milieu du XXe siècle qui nous


intéressent ici ne sont pas encore autant marqués par la crise de l'amour et du
sentiment. Au contraire, cette époque est marquée par une redécouverte des
sentiments avec les désillusions de l'amour qui émerge à la fois dans la
littérature et dans la philosophie. Cette émergence va cependant conduire aux
crises contemporaines. Cette époque est donc intéressante à étudier car elle prépare
la nôtre avec sa désillusion de l'amour - de la part des classes dites « aisées » - et
son idéalisation par les classes plus « populaires ». Cette désillusion est-elle à
l'origine de certaines revendications soit des mouvements de pères divorcés qui
émergent soit des féministes ? Y a-t-il, face à cette désillusion de l'amour, un conflit
entre les sexes ?

2. Distinctions à établir

La notion de sensibilité renvoie à celle de sentiments qu'il convient sans doute de


distinguer du désir du moins dans l'approche « romantique » et rationaliste.
Dans cette approche, le sentiment semble une forme de compromis entre les désirs
du corps et ceux de la raison. Mais ce compromis n'est-il pas un leurre lui-même ?
Certains le penseront de Schopenhauer à Freud. Ce sera le débat ou la réflexion sur
ce sentiment qui occuperont une bonne partie de la réflexion.

Le sentiment existe-t-il en lui-même ? Certains auteurs ne seront pas éloignés de


l'idée que ce n'est qu'une fiction et qu'un leurre.

3. Les problématiques envisageables

L'amour n'est-il que l'expression d'un désir de vie ? Y a-t-il une spécificité du
sentiment et plus particulièrement du sentiment amoureux ? L'homme est-il un être de
sentiments ou d'intérêts et d'envies ?
Peut-on cependant construire des sociétés durables si le ciment du couple - qu'est
l'amour - est remis en cause ? Aristote, dans son livre, Les politiques, montrait déjà
que le ciment de la cité, ce sont les familles. Comment cimenter ces cités si le ciment
qui édifie le lien familial - à savoir l'amour dans le couple parental - est lui-même plus
que remis en cause ?

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4. Illustrations artistiques du thème

Madame Bovary de Gustave Flaubert raconte l'histoire d'un amour tragique où la


raison et l'union « raisonnable » s'oppose à l'amour passionnel et charnel. Ce roman
montre à lui seul toutes les interrogations qui traversent le XIXe siècle sur ce sujet. Il
montre qu'une relation entre un homme et une famille mariée peut être
malheureux s'il est trop « normé ». Pourtant comment construire ce couple sans
norme minimale ?

Gatsby le magnifique et Tendre est la nuit sont deux textes romancés de Francis
Scott Fitzgerald. Ils montrent également la difficulté à aimer dans la société de l'entre-
deux guerres où les femmes revendiquent leur indépendance et leur émancipation.
Gatsby est un homme dont les origines sociales sont douteuses pour la bonne
bourgeoisie new-yorkaise et il veut cependant s'émanciper socialement. Il ne
parvient pas à aimer réellement une femme d'une condition sociale plus élevée
que la sienne à l'origine. La littérature de Scott Fitzgerald annonce la désillusion de
notre époque en mettant en évidence des couples et des groupes sociaux qui ne se
comprennent déjà plus et qui ne cherchent guère à se rencontrer pour se relier.

À la recherche du temps perdu de Marcel Proust et notamment Albertine disparue


met en scène à quel point un amour peut être possessif et pathologique. Ce roman
décrit l'idée d'un amour impossible. L'ensemble des romans de la saga proustienne
de la recherche du temps perdu, décrit cependant une société finissante, qui doute
d'elle-même et qui ne parvient pas à sortir d'une certaine nostalgie du passé. De
nombreux fantômes hantent la littérature proustienne.

5. Les enjeux contemporains de la notion

Le développement des réseaux sociaux et des rencontres par le net est-il la marque
de la fin de l'amour comme le soutiennent différents sociologues dont notamment Eva
Illouz ? Sommes-nous véritablement entrés dans l'ère de la consommation en ce
domaine ?

La volonté d'émancipation des femmes ne serait-elle qu'une envie de revanche sur


les hommes qui les ont dominés et comment dans ce contexte réinventer de
nouveaux modèles de relation entre l'homme et la femme ?

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I. L'étude de l'amour classique de Platon à la vision romantique


de l'amour platonique
Dans Le banquet et le Phèdre, Platon met en évidence deux formes d'amour :
l'amour qui libère et celui qui opprime. L'amour qui opprime est celui dans lequel
l'amant veut dominer son partenaire. Cet amant est oppressif. Il ne veut pas que celui
qu'il aime se libère. Il a peur de toute démarche par laquelle cet amant pourrait
découvrir un nouvel épanouissement personnel. En conséquence, cet amour est
toxique et possessif. Il a pour objectif d'exclure l'autre de lui-même. Il a pour objectif
de conduire à la réduction et à la soumission de l'autre. Face à cette possibilité de
relations que l'on appellerait « toxiques » de nos jours, certains ont tendance à vouloir
se réfugier dans l'idéal d'un non- amour. Le jeune Phèdre soutient qu'il vaut mieux
ne pas aimer ni être aimé mais Socrate défend l'amour vrai qui permet à chaque
personne de s'élever.

Comment expliquer un tel état d'esprit ? Pour Platon, tous les hommes n'étaient pas
égaux devant la capacité d'approfondir et d'aller loin. Il distinguait des natures
d'hommes. L'amour de belle qualité est donc impossible, selon lui, entre des
personnes qui ne sont pas dans le désir profond de connaissance du vrai et de
l'authentique, seule condition pour être dans le juste.

Cet amour « platonique » et vrai va cependant très rapidement être mal compris
par la Modernité et les romantiques et il va se traduire par une forme de haine
du corps. On opposera très rapidement le bon amour - qui est un amour qui n'est pas
charnel - au mauvais amour qui est celui du jouisseur et de la jouisseuse perverse
bien représentée par les personnages mis en scène par Choderlos de Laclos dans
Les liaisons dangereuses. Pourtant, nous l'avons vu, tel n'était pas le propos de
Platon. Certes, pour lui, l'âme comptait plus que le corps et le véritable amour devait
réunir deux âmes plus que deux corps. Cependant, les anciens grecs ne séparaient
pas - comme les Modernes le faisaient - le corps de l’esprit.

Cette opposition moderne et cette mauvaise compréhension de l'amour platonique


conduira néanmoins de nombreuses personnes -vivant à l'ère moderne - à vivre
malheureuses avec la personne qui partage leur existence. Madame Bovary, le
roman de Flaubert, mettra en évidence cet amour malheureux et ce mariage triste.
Madame Bovary c'est le roman qui marque l'échec de cette séparation entre le corps
et l'esprit qui est pourtant si important pour la pensée moderne qui glorifiait la raison -
nous l'avons vu - et avec elle l'intellect contre les corps.

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La psychanalyse naitra à partir du moment où de nombreuses femmes souffriront des


relations peu satisfaisantes qu'elles ressentent dans leur vie de couple.

À la réaction de ces femmes qui trouveront parfois refuge dans un amour idéal et
idéalisé - qui les rendra encore plus malheureuses selon la psychanalyse en ce qu'il
ne sera que la marque d'un amour sublimé - Freud proposera la cure psychanalytique
dont l'objectif sera précisément d'effectuer un travail sur soi afin d'équilibrer à la fois
ses désirs (ou pulsions) et la pression de la morale.

Toutefois, la psychanalyse n'ira-t-elle pas trop loin sur le sujet ?

II. L'amour réduit à un simple désir ?


La logique de recherche d'équilibre face à la relation amoureuse ne sera pas toujours
la réponse à l'émergence de la morale victorienne qui opprimera la femme tout au
long du XIXe siècle.

Des auteurs comme Schopenhauer dans son maître livre intitulé Le monde comme
volonté et représentation mettra précisément en avant le concept de représentation
plutôt que celui de raison universelle. L'idée de représentation sera plus une
émergence de la notion de sentiment. Pour lui, en effet le monde se résume à ces
représentations du monde qui sont toutes subjectives et une volonté qui
transcende et réunit ces représentations sans qu'elles s'en rendent compte.
Cette volonté n'est autre que celle de la nature qui ne veut que la vie.

Dans cet ordre d'idées, à la fin de son texte, Schopenhauer écrira une Métaphysique
de l'amour qui n'a rien de métaphysique. Pour lui, lorsqu'un homme désire une femme
ou l'inverse, cela n'est que l'expression de leur désir qui n'exprime lui-même que cette
force de vie qui veut s'exprimer.

Par ce biais, et grâce à cette philosophie, Schopenhauer pourra notamment


pardonner à la femme adultère qui est poursuivie et attaquée violemment au
XIXe siècle. En effet, selon lui, c'est parce que la force de la vie est souvent trop forte
en elle et qu'elle n'est pas satisfaite par son mari que cette femme va rechercher une
aventure.

La pensée de Schopenhauer place le sentiment comme médian mais non pas comme
le médian de l'expression du cœur mais plutôt comme le médian représentant en
réalité un désir déguisé et qui ne veut pas s'avouer.

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III. Assistons-nous à la fin de l'amour et cette fin est-elle


programmée afin d'affaiblir les individus ?
En plaçant le désir au centre de l'amour, Schopenhauer participera à ce courant
contemporain qui désacralise l'amour et qui semble faire du désir le maitre mot de
l'humanité. Nous qui avons - à l'avènement de la modernité rejetée notre part
animale - ne sommes-nous pas en train de n'être plus que des animaux désirants et
consommateurs ? Peut-on parler de fin du sentiment et de l'amour ? Lorsque l'on voit
tous ces couples qui se défont ; ces familles qui se brisent et le développement de
réseaux sociaux qui permettent une consommation « rapide » et sans tabou,
n'assistons-nous pas à une fin de l'amour comme le soutiennent certains sociologues.
Jean-Paul Kauffmann a par exemple étudié ces métamorphoses du sentiment dans
ses textes et notamment dans son livre sex@mour.

La montée des familles mono-parentales et des personnes qui vivent seules est-il la
marque de cette évolution et de cette lente désagrégation du couple ?

Michel Houellebecq dans ses romans décrit également cette immense souffrance qui
existe - selon lui - et cette incapacité à vivre les sentiments en commun qui est à la
fois la marque d'une crise profonde du couple qui n'est peut-être pas assez pensée
mais aussi de la relation à soi qui est liée à cette crise.

En conclusion, après que le sentiment ait été mis en évidence et qu'il devienne
central vers la fin du XVIIIe siècle en Europe avec Jean Jacques Rousseau puis les
romantiques, il semble que de nos jours, celui-ci soit en net recul et que nous
assistions à une difficulté de créer du lien à l'intérieur du couple et de la famille. Cette
difficulté à vivre ensemble est-elle présente dans d'autres domaines ? C'est ce que
nous verrons dans d'autres fiches et d’autres approches de la matière.

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