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Brevet 2019

Dès qu’ils étaient au complet, ils partaient, promenant la raquette le long des
grilles rouillées des jardins devant les maisons, avec un grand bruit qui réveillait
le quartier et faisait bondir les chats endormis sous les glycines poussiéreuses.
Ils couraient, traversant la rue, essayant de s’attraper, couverts déjà d’une
bonne sueur, mais toujours dans la même direction, vers le champ, non loin de
leur école, à quatre ou cinq rues de là. Mais il y avait une station obligatoire, à
ce qu’on appelait le jet d’eau, sur une place assez grande, une énorme fontaine
ronde à deux étages, où l’eau ne coulait pas, mais dont le bassin, depuis
longtemps bouché, était rempli jusqu’à ras bord, de loin en loin, par les
énormes pluies du pays.

Brevet 2018
Le collège de Blémont étant détruit, la municipalité avait réquisitionné certains
cafés pour les mettre à la disposition des élèves, le matin de huit à onze heures
et l’après-midi de deux à quatre. Pour les cafetiers, ce n’étaient que des heures
creuses et leurs affaires n’en souffraient pas. Néanmoins, Léopold avait vu d’un
très mauvais œil qu’on disposât ainsi de son établissement et la place Saint-
Euloge avait alors retenti du tonnerre de ses imprécations. Le jour où pour la
première fois les élèves étaient venus s’asseoir au café du Progrès, il n’avait pas
bougé de son zinc, le regard soupçonneux, et affectant de croire qu’on en
voulait à ses bouteilles. Mais sa curiosité, trompant sa rancune, s’était
rapidement éveillée et Léopold était devenu le plus attentif des élèves."

Brevet 2016
« Mais il est six heures du soir. La nuit vous entre dans les yeux. On n’a plus que
ses mains nues, que toute sa peau offerte à la boue. Elle vous effleure les
doigts, légèrement et s’évade. Elle effleure les marches rocheuses, les marches
solides qui portent bien les pas. Elle revient, plus hardie, et claque sur les
paumes tendues. Elle baigne les marches […], les engloutit : brusquement, on la
sent qui se roule autour des chevilles… Son étreinte d’abord n’est que lourdeur
inerte. On lutte contre elle, et on lui échappe. C’est pénible, cela essouffle ;
mais on lui arrache ses jambes, pas à pas… » 
Brevet 2017
De temps en temps, je m’arrête, je tourne la tête et je regarde vers le bas de la
rue où Paris s’entasse : des foyers éclatants et des taches de ténèbres
piquetées de points d’or. Des flammes blanches ou rouges flambent d’en bas
comme d’une vallée nocturne où s’est arrêtée la caravane des nomades. Et le
bruit : bruit de fleuve ou de foule. Mais les flammes sont fausses et froides
comme celles de l’enfer. En bas, dans un de ces parages sombres est ma rue du
Dragon, mon hôtel du Dragon. Quel ordre sournois, le soir déjà lointain de ma
première arrivée, m’a fait mystérieusement choisir cette rue, cet hôtel au nom
dévorant et enflammé ? Il me serait facile, d’ici, d’imaginer le monstre aux
écailles de feu.

Brevet 2015
"Il n'y avait rien d'autre sur la terre, rien, ni personne. Ils étaient nés du désert,
aucun autre chemin ne pouvait les conduire. Ils ne disaient rien. Ils ne voulaient
rien. Le vent passait sur eux, à travers eux, comme s'il n'y avait personne sur les
dunes. Ils marchaient depuis la première aube, sans s'arrêter, la fatigue et la
soif les enveloppaient comme une gangue. La sécheresse avait durci leurs
lèvres et leur langue. La faim les rongeait. Ils n'auraient pas pu parler. Ils
étaient devenus, depuis si longtemps, muets comme le désert, pleins de
lumière quand le soleil brûle au centre du ciel vide."  

Brevet 2014

Beaucoup parmi les gens de la résistance passent la plupart de leur temps dans
les trains. On ne peut rien confier au téléphone, au télégraphe, aux lettres.
Tout courrier doit être porté. Toute confidence, tout contact exigent un
déplacement. Et il y a les distributions d’armes, de journaux, de postes
émetteurs, de matériel de sabotage. Ce qui explique la nécessité d’une armée
d’agents de liaison qui tournent à travers la France comme des chevaux de
manège. Ce qui explique aussi les coups terribles qui les atteignent. L’ennemi
sait aussi bien que nous l’obligation où nous sommes de voyager sans cesse.

Joseph KESSEL, L’Armée des ombres, 1963

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