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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Système politique et administratif de la Belgique


Partie I
Benoît Rihoux

Introduction

A. Le double paradoxe belge


Le système politique belge peut paraître bloqué mais pourtant il fonctionne. Cela fait plus
d’un an qu’il n’y a plus de gouvernement en état de marche au niveau fédéral en Belgique. Pourtant,
l’économie fonctionne, le pays a une bonne image générale, il n’y a pas de révolution, …
La Belgique est un pays dans lequel il y a des discours politiques très différents, avec ce qu’il semble
être deux sphères médiatiques et deux systèmes politiques différents (wallon et flamand). Ce pays
est donc très divisé, segmenté, tout en se portant bien.
Il y a alors un double paradoxe en Belgique.
Une série d’auteurs étrangers ont une image très positive de la Belgique, alors que la
population a une image négative de son système politique.
Lorwin, auto-défini comme 1er belgologue, présente la Belgique comme un idéal, la démocratie de
pacification, et Lijphart, ayant fait sa thèse sur la Belgique, a considéré ce pays comme un cas
emblématique de consociational democracy, ou démocratie de consociativisme ou de consensus.
Huyse, sociologue belge et un des conseillers de Mandela, a montré que la Belgique est un modèle
de cohabitation et de pacification de la société, qui s’est exporté dans le monde entier, comme en
Malaisie ou au Liban, afin de résoudre les problèmes sociétaux.
Les experts valorisent donc ce système, qui est stable, pacifique et complexe.
Néanmoins, toutes les enquêtes d’opinion indiquent que les citoyens et citoyennes belges
ont une image négative de leur système politique. Cette perception est plus négative que dans les
pays voisins. Une des raisons est la complexité et le manque de lisibilité de ce système.
Malgré la baisse des inégalités sociales par exemple, le système belge peine à se renouveler à cause
de sa complexité et de ses lourdeurs. Cette complexité n’est pas liée à la taille du pays.
La Belgique, par le biais de diverses réformes de l’État, a complexifié son système en le divisant en
plusieurs niveaux de pouvoir : européen, euro-régional, fédéral, régional, communautaire, provincial,
intercommunal, communal et infra-communal.
Ces divisions créent des zones d’ambivalence, de flou entre les niveaux de pouvoir, ce qui est très
peu le cas dans d’autres pays fédéraux, comme en Allemagne. Cela est d’autant plus important que
les compétences sont partagées.
La complexité du système est également amplifiée par le principe de coalition, qui fait que la plupart
des décisions politiques ont été prises par des coalitions, avec parfois des avis divergents. Ce
principe est pacificateur mais crée du flou.

B. L’approche par les clivages


La Belgique est une société marquée par l’existence de clivages importants, au moins au
nombre de trois. Ces clivages sont très structurants. Chaque citoyen et citoyenne se trouve dans
un petit segment caractérisé par ces clivages : aspects laïc/chrétien, linguistique, classe sociale.
C’est une des raisons pour lesquels ils et elles ont du mal à s’identifier au système dans son
ensemble.

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La Belgique a été construite artificiellement dans un contexte géopolitique particulier afin


de servir d’État tampon (entre le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, avec un Roi allemand
protestant franc-maçon).
Certains historiens, comme Jacques Pirenne, ont considéré que la Belgique existait depuis toujours,
ce qui est faux : c’est une construction idéologique.
En comparaison avec les pays voisins, il y a en Belgique un plus faible taux de patriotisme.
Néanmoins, il existe une fierté nationale flamande par exemple.
Dobbelaere et Voyé ont écrit Belges heureux et satisfaits, et ont conclu que le belge
francophone est plus proche du belge flamand que du français, en termes de pratiques culturelles,
de valeurs politiques, … et ce malgré la différence linguistique. Ils se comportent quand même
différemment sur le plan électoral, mais cela est dû aussi à une offre politique différente en termes
de partis politiques. C’est la même chose pour le belge flamand par rapport aux néerlandais, à cause
du clivage religieux entre protestants et catholiques.
Ces clivages ont néanmoins rarement mené à des conflits violents en Belgique, surtout
depuis les années 1950-1960. Cela est dû à deux logiques :
 la pilarisation et le consociativisme
La pilarisation est un élément structurel du système belge, qui fait reposer le système sur des piliers
distincts, tandis que le consociativisme concerne la négociation quotidienne et renouvelée, le
compromis, entre les élites.
 la fédéralisation et le système de partis
La fédéralisation du pays résulte d’une transformation du système pour répondre aux demandes d’un
groupe (en particulier les flamands), afin de modérer le conflit.
Cela a tout de même créé des problèmes et des difficultés :
 un système de partis asymétrique
C’est une double asymétrie, à la fois au niveau du poids électoral et au niveau du positionnement
politique. Des partis autrefois uniques se divisent entre le nord et le sud : SPA/PS, CDH/CD&V, … ;
tandis que le centre de gravité est plus à droite en Flandre, et plus à gauche en Wallonie.
 des obstacles et blocages
Les blocages sont le fait d’une dynamique centrifuge, d’éloignement des élites politiques
francophones et flamandes, qui sont de plus en plus distinctes dans leurs perceptions. Cela rend
difficile la formation de coalitions, et la prise de décisions politiques.

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Chapitre 1 : Clivages et partis en Belgique

I. Clivages et dynamique des partis


A. Qu’est-ce qu’un clivage ?
Les auteurs de référence sur les clivages sont Lipset et Rokkan. Pour eux, un clivage est
profond et structurel. Il doit représenter une opposition structurelle entre des idéologies et des
groupes sociaux, qui mène à un conflit potentiel, qui, s’il n’est pas réglé, peut mener à une forte
polarisation, et, par conséquence, remettre en cause le système dans son ensemble.
Les groupes sociaux doivent être durables, clairement identifiables en tant que tels, distinguables
sur base d’une langue, d’un cadre géographique, … On peut définir en Belgique le clivage chrétien/laïc
par exemple, qui existe depuis longtemps. Ces groupes ne doivent pas être trop mélangés, il ne doit
pas y avoir trop de brassage. En général, cela prend la forme de deux groupes opposés.
Le conflit doit être historique, culturel, économique, … Une idéologie doit cristalliser l’opposition
dans des écrits, et doit être exprimée au sein de partis politiques. Des organisations durables sont
alors créées, comme des institutions catholiques ou franc-maçonnes en Belgique.
Un clivage est donc une dynamique structurelle de long terme.

B. Les types de clivages


D’après ces auteurs, quatre clivages pouvant se développer, qui remontent à l’Europe du
Moyen-Âge. Cela veut dire que la structure du clivage doit être pensée un peu différemment dans
des sociétés plus modernes, comme le Canada, ou les pays africains.
Les pays modernes (c’est-à-dire les démocraties libérales) ont connu deux grandes
révolutions : une révolution nationale et une révolution industrielle. Chacune d’elles crée un clivage
territorial (objectivé en termes de territoire physique), et un clivage fonctionnel (lié à la répartition
des pouvoirs entre différents groupes).
Les révolutions nationales se sont produites dans une période d’une cinquantaine d’années, entre
1789 et les années 1850-1860. Elles se sont traduites par le renversement d’un souverain, et la
mise en place d’une bourgeoisie au pouvoir. Cela a mené à la création d’États-nations.
La grande révolution industrielle (c’est-à-dire la seconde) a ouvert les pays, et a développé l’industrie
de masse autour du charbon, de la sidérurgie, des énergies fossiles, de la mécanisation.
Ces révolutions ont mené à l’émergence de clivages dans de nombreux pays. En revanche, dans
certains pays, certains clivages ne se sont pas structurés ; dans d’autres, les clivages se sont
structurés à un moment, avant de se dissoudre, de disparaître.
La Belgique est un cas emblématique dans le sens où chacun des quatre se sont manifestés,
activés, et au moins trois sont restés actifs jusqu’à aujourd’hui. La Belgique est un système
profondément clivé. Ces clivages ont eu pour fonction fondamentale de structurer la société belge,
mais aussi ce qui allait devenir les partis politiques les plus importants.
1. La révolution nationale
La révolution nationale, arrivée historiquement la première, a conduit à l’émergence
potentielle de deux clivages :
 le clivage centre-périphérie
 le clivage Église-État
a. Le clivage centre-périphérie
Le clivage centre-périphérie est un clivage territorial, et est, en Belgique, le clivage entre
francophones et néerlandophones. C’est un clivage très ancien.

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L’État-nation a le plus souvent été créé par le centre (Bruxelles, Paris, …) et a agrégé
différents éléments. Il est le fruit de l’imposition d’une culture centrale par le centre. Dans la plupart
des pays, une langue a été imposée de manière contraignante dans l’ensemble du territoire.
Dans quelques cas plus spécifiques, la construction de l’État-nation a conservé les spécificités
périphériques, le centre n’imposant pas aux périphéries, comme la Suisse, où il existe 4 langues
officielles.
b. Le clivage Eglise-Etat
Le clivage Église-État, qui est un clivage fonctionnel, et a un long parcours historique et
est très ancien.
L’État-nation moderne s’est construit en opposition à un ou des souverain(s), et à l’Église
(dans les pays catholiques), étant proche du pouvoir absolu. Dans certains cas, la révolution
nationale s’est accompagnée d’une grande violence envers l’appareil religieux, comme en France où
beaucoup de religieux ont été massacrés, et des abbayes, monastères ou églises ont été détruites.
Dans la plupart des pays occidentaux, cela a donné un clivage entre les élites bourgeoises
laïques, et ce qui reste de l’appareil ecclésiastique.
Dans les pays nordiques et en Allemagne, la situation est plus spécifique : au Danemark et en Suède,
pays de culture protestante, il y a eu une sorte d’union, d’arrangement entre les élites protestantes
et le pouvoir civil. Ceci s’est fait dans un climat de négociation, ce qui a mené à l’existence d’une
église officielle aujourd’hui. L’Église est alors dans l’État.
2. La révolution industrielle
La révolution industrielle a, elle aussi, produit potentiellement deux clivages structurant au
sein de la société :
 le clivage industriel-rural
 le clivage possédants-travailleurs
a. Le clivage industriel-rural
Le clivage industriel-rural est un clivage où les intérêts de la classe sociale industrielle,
localisée dans les villes et à leurs alentours, s’opposent aux intérêts liés aux territoires ruraux. Ainsi,
s’opposent les bourgeois, qui s’installent dans les villes, aux paysans et propriétaires terriens qui
vivent à la campagne.
Avant la révolution industrielle, le pouvoir économique était détenu dans les campagnes
mais, en très peu de temps, il a été transmis au secteur secondaire. Cela s’est traduit par un exode
rural important.
Dans certains cas, ce clivage est resté très important, surtout là où le monde rural a gardé
son importance, comme en France, où dans les pays nordiques où des partis agrariens se sont créé.
Cela a contribué à maintenir ce clivage politiquement saillant.
Ce clivage est cependant peu activé en Belgique, où le monde rural n’existait que peu sur le territoire
au moment de la révolution industrielle. Le monde rural a tellement décliné dans sa proportion dans
le pays, qu’il n’existe plus réellement de pôle rural, et il n’y a jamais eu de parti agrarien. C’est le
parti catholique qui a plutôt défendu ces droits.

b. Le clivage possédants-travailleurs

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Le clivage possédants-travailleurs, qui a été théorisé par Marx, montre l’émergence d’une
classe laborieuse, travaillant sous l’autorité du capital. Ce clivage départage la bourgeoisie et les
prolétaires en termes de qui a accès au capital, à la richesse.
Sur le plan socio-économique, on peut parler du clivage gauche-droite.
Ce clivage est devenu le plus important dans beaucoup de pays européens, et moins dans
de nouveaux pays, comme le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
3. Critical junctures
L’Histoire n’est pas linéaire dans nos démocraties européennes : il y a eu deux grandes
jonctions critiques (ou critical junctures, pour Lipset et Rokkan), qui créent des systèmes différents,
des clivages. Ces jonctions critiques sont des phases transitoires critiques, c’est-à-dire des
révolutions nationale ou industrielle.
La forme que prennent les différents clivages varie beaucoup suivant les pays, et peuvent
être entrecroisés, imbriqués.
Aux Pays-Bas, la forme que prend le clivage Église-Etat est très différente de la Belgique : aux Pays-
Bas, on observe une triptyque catholiques-protestants-francs-maçons, tandis qu’en Belgique,
s’opposent les catholiques et les francs-maçons. Il y a une séparation géographique de ces
populations, comme en Irlande. Parfois les petits partis territoriaux subsistent.
Une troisième révolution serait une révolution internationale, qui opposerait, selon Lipset et
Rokkan, les communistes et les socialistes, et engendrerait alors une séparation supplémentaire
entre les travailleurs.

C. La création artificielle de certains clivages


Chrétien, sociologue, a étudié les conflits et les clivages dans les Grands Lacs, au Rwanda,
au Burundi, … Historiquement, dans ces sociétés, avant l’arrivée des européens, il existait trois
groupes sociaux : les Hutus, les Tutsis et les Twa, qui étaient des castes spécialisées en termes
économiques (artisans, agriculteurs, …). Les Tutsis, éleveurs, détenaient le pouvoir politique, mais
pouvaient se marier avec des Hutus ou des Twa. La cohabitation était donc pacifique.
Avec l’arrivée des européens (d’abord des allemands puis des belges), y compris avec des
scientifiques (ethnologues et ethnographes) mus par des idéologies racistes, on s’est mis en tête
d’établir une hiérarchie d’humanité entre ces trois groupes.
Les Tutsis, ayant la peau plus claire, sont plus « civilisables ». L’administration allemande a donc
promu les Tutsis dans les postes administratifs. Les belges prennent le relai et poursuivent, après
la Première Guerre mondiale, cette distinction, et donnent aux Tutsis l’accès à plus de ressources
économiques ainsi qu’à l’administration catholique.
Lors de la décolonisation dans années 1950-1960, les clivages se sont alors alignés, et deux
groupes se sont alors opposés, entre dominants et dominés : les Tutsis d’un côté, détenant le
pouvoir politique, économique et religieux, et les Hutus de l’autre, dominés et soumis. En une
soixantaine d’années, deux groupes grandement opposés se sont alors créés, ce qui a mené à de
grandes violences.
Ce genre de création structurelle et artificielle est vue partout dans les zones de colonisation. Cela
peut mener à des déplacements de populations, qui reproduisent le conflit dans les pays alentours.

D. Critiques du modèle de Lipset et Rokkan

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Le schéma de Lipset et Rokkan peut être un peu simpliste, à cause de cette logique binaire.
Il peut en effet y avoir plus de deux pôles qui s’opposent, comme c’est le cas des Pays-Bas, de
l’Allemagne ou encore d’Israël.
Peu d’auteurs ont déterminé de manière empirique l’existence totale de ces clivages. On ne
peut pas dire que ces clivages sont 100 % ou 0 % présents. C’est une zone grise.
La manière d’objectiver l’existence d’un clivage est de voir l’existence de conflits, mais surtout celle
d’organisations spécifiques. Seiler, politologue belge, a établi une généalogie des partis politiques
en Europe en fonction de ces clivages.
La plupart des grands partis politiques classiques se sont construits autour d’un clivage ou
d’un pôle, mais sont tout de même amenés à se positionner sur d’autres clivages, voire à devenir
porteurs d’un des pôles. Ces positionnements stratégiques peuvent les amener à changer leurs
positions sur leur clivage d’origine. Ils peuvent également changer de label ou de nom, ou encore
refouler certains aspects.

II. L’évolution du « système de clivages »


A. La freezing hypothesis, ou le gel des clivages
La thèse et la démonstration empirique qu’ont fait Lipset et Rokkan concerne la situation
des clivages depuis leur création dans les années 1880-1890, jusqu’aux années 1960.
De la fin des années 1920 à la fin des années 1960, ces clivages n’ont pas bougé. On parle de gel
des alternatives partisanes, ou freezing hypothesis.
Empiriquement, on regarde comment évoluent les rapports de force entre les principaux
partis politiques. En Belgique, le système est resté figé dans la même offre électorale entre
catholiques, libéraux, et socialistes : « Le système des partis des années 1960 reflète avec peu
d’exception le système des années 1920 ».

B. De nouveaux clivages ?
La plupart des grands partis politiques classiques se sont structurés autour d’un clivage,
comme les partis catholiques, les partis agraires, ou encore les partis socialistes/ouvriers.
Néanmoins, la plupart des partis politiques sont amenés à se positionner sur d’autres sujets,
d’autres clivages. En Irlande, les partis catholiques irlandais sont devenus les défenseurs des
travailleurs ruraux par exemple.
La plupart des partis doivent se positionner de manière stratégique, ce qui peut les amener à changer
leur position sur le clivage sur lequel ils se positionnent à l’origine.
Il n’est pas non plus toujours facile de situer, sur ces clivages, les partis qui changent leur
nom ou leur label. C’est le cas du CDH, qui était auparavant le Parti social-chrétien, mais qui a changé
de nom, essayant de gommer la notion catholique.

III. L’entrecroisement des clivages, ou cross-cutting cleavages


A. Clivages et conflictualité
Nos sociétés occidentales sont divisées, donc il y a toujours un potentiel de conflits.
Pourtant, peu de conflits violents émergent. Comment expliquer ce paradoxe de conflit/pacification
au sein de certains pays ?
La principale réponse de Lipset et Rokkan est double :

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 gel des clivages : grâce à la consolidation des clivages, on a une routinisation des clivages
et donc les deux ennemis s’acceptent et sont moins violents entre eux, négocient, …
La lutte devient alors idéologique, et non armée.
 suffrage universel : davantage de groupes différents atteignent le pouvoir, et donc négocient
entre eux
Dans des systèmes politiques plus autoritaires, la manière de résoudre des clivages est toute autre.
Au Rwanda, qui sort d’une période de grande violence, le régime autoritaire a nié l’existence d’un
clivage.

B. L’entrecroisement des clivages


La principale thèse de Lipset et Rokkan est que plus les clivages sont entrecroisés, plus ils
vont se neutraliser mutuellement, et neutraliser leur potentiel de conflit violent. C’est donc l’inverse
lorsque ceux-ci sont alignés. C’est le principe des cross-cutting cleavages.
L’Irlande a connu une longue guerre civile (« the events »), avec des clivages entre les
catholiques et les protestants, ainsi qu’entre les anglophones et ceux qui parlent le gaëlique. Ces
clivages se renforcent mutuellement. Il y aussi un clivage entre urbains (protestants) et ruraux
(catholiques), ainsi qu’un clivage entre capitalistes (protestants) et travailleurs (catholiques). Deux
clans que tout oppose sont alors créés. Les clivages sont alignés, et renforcent leur potentiel de
violence. Cela pose les prémices d’une guerre civile.
A contrario, il y a des systèmes où les clivages peuvent se modérer mutuellement à cause
de cet entrecroisement. En Belgique, il y a un clivage gauche-droite, entre les travailleurs et les
détenants du capital, qui s’est modéré de lui-même avec une série de politiques paternalistes dans
lesquelles les patrons ont donné un certain nombre d’avantages aux travailleurs. Le clivage reste
quand même présent, et se développe dans le système politique belge des partis défendant ces
deux groupes clivants. Cependant, le clivage catholique-laïc neutralise ce clivage gauche-droite. Les
élites catholiques sont en effet elles-mêmes divisées sur le clivage gauche-droite : au sein même
de ces partis, les individus sont divisés au niveau de leur orientation politique de droite ou de gauche.
De la même manière, le clivage flamands-francophones est entrecroisé. Il n’y a pas deux camps
comme en Irlande, mais tout est entrecoupé, il y en a une multitude.
Néanmoins, il y a toujours un danger que les clivages puissent se réaligner, ce qui est
précisément en train de se produire depuis une dizaine d’années, et donc conduire à des conflits
violents.

C. Le rôle des partis politiques


Lipset et Rokkan ont insisté sur les partis politiques, et sur les agencies qui jouent un rôle
dans la transformation et la durée des clivages. On se limite ici à ce qu’on appelle les partis
politiques pertinents, relevant.
Pour Sartori, les partis pertinents ont un potentiel de coalition (c’est-à-dire qu’ils peuvent
potentiellement accéder au pouvoir grâce à un certain nombre de sièges, parce que sont considérés
comme fréquentables), et/ou un potentiel de blackmail, de nuance ou de pression sur les autres
partis.
En Belgique, un grand nombre de partis sont pertinents :
 tous les partis classiques ont un pouvoir de coalition
 les partis les plus récents (Ecolo, Groen, ...) ont un pouvoir de coalition

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 le PTB et le Vlaams Belang ont un pouvoir de nuisance, de blackmail, et peuvent faire


pression sur les partis voisins
Le SPD, en Allemagne, plus grand parti d’Europe, est historiquement majoritairement laïc et
socialiste, mais finalement très diversifié. C’est devenu un parti catch-all, ou attrape-tout.

IV. Les clivages rokkaniens en Belgique

Lijphart a fait une comparaison de 36 démocraties dans le monde. Dans son ouvrage de
1999, il examine dans quelle mesure les principaux clivages potentiels sont activés dans les
différents pays. Il a aussi une vision plus large des clivages, et en rajoute d’autres.
Plus on descend dans le tableau, plus faible est le nombre de clivages effectivement activés.

A. Une spécificité belge


La Finlande et la Belgique sont les deux pays où sont le plus activés les clivages. Cependant,
la Belgique est le seul pays dans lequel il y a trois clivages rokkaniens classiques activés. Il y a alors
un fort potentiel de conflit. C’est un cas emblématique d’un système particulièrement clivé,
segmenté.
La Finlande la Suisse ou encore Israël, sont des pays dans lesquels il y a des clivages importants
également. En Finlande, le clivage socio-économique est fortement activé, ainsi que les clivages de
religion, centre-périphérie et ethnique/linguistique. La Suisse et la Belgique sont deux pays où ont
été développées des modalités d’accommodement entre les groupes, de démocratie de «
concordance ». Fonctionnellement, la Belgique ressemble en revanche davantage à l’Allemagne et à
l’Inde.
En Belgique, chacun des pôles de chaque clivage a eu des représentants politiques, qui ont
dès lors contribué à les activer et à les rendre plus vivaces.
Les clivages ont été mis en place par ceux qui se sentaient dominés, comme les intellectuels
flamands. Cela a donné naissance à des partis autonomistes (ou régionalistes) flamands, qui ont
suscité, par effet miroir, la création de partis autonomistes (ou régionalistes) francophones.
Les autres partis classiques (chrétiens, libéraux, communistes …) sont longtemps restés unitaires,
nationaux, et représentaient le centre, l’État-nation.

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B. Les années 1920 à 1960

Sur le schéma, les partis en italiques ont subi des modifications de leur programme, les
partis en pointillés ont été contraints stratégiquement de se positionner sur les clivages, et les
partis en gras se sont positionnés initialement sur un clivage, qui a alors défini le parti à sa création
1. Le clivage centre-périphérie
En Belgique, le clivage centre-périphérie se manifeste par une opposition entre Wallonie et
Flandre.
Les partis successifs définis historiquement comme les défenseurs de la périphérie
culturelle flamande sont les partis autonomistes flamands, dont les noms se sont succédé dans
l’Histoire. Les autonomistes francophones n’existaient pas politiquement, n’étaient pas structurés,
même s’il y avait des militants, qui étaient des intellectuels et défendaient plutôt le centre, la
Belgique unitaire. Se sont créés par la suite des partis autonomistes francophones dans les années
1960, le RW (Rassemblement Wallon) et DéFI (Démocrate fédéraliste indépendant), qui ont défendu
l’autonomie francophone face aux flamands.
Tous les grands partis nationaux, ainsi que les communistes, défendaient une Belgique
unitaire, qui était un positionnement stratégique contre la montée de l’influence des partis
autonomistes flamands.
2. Le clivage Église-État
Concernant le clivage Église-Etat, il est très activé du côté des partis politiques sur le
territoire belge.
La Belgique est un exemple typique de l’existence de partis catholiques, qui entretiennent
des relations directes avec l’appareil religieux, défendant le pilier chrétien, l’enseignement
catholique, avec des organisations spécifiques …
Face à cela se sont définis des partis défendant la laïcité contre les intérêts de l’Église. Ces
partis laïcs sont les libéraux principalement. Le parti libéral est le plus vieux parti créé en Belgique,
issu de la bourgeoisie laïque (qui compose également la franc-maçonnerie), qui s’est défini très tôt
contre l’Église.

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Néanmoins, dans les années 1960, les libéraux ont choisi stratégiquement de s’ouvrir aux élites
catholiques, à la bourgeoisie catholique, ce qui fait que le parti libéral n’est plus le porte-parole de
la laïcité. Structurellement, le parti est cependant toujours un parti anticatholique.
Les partis socialistes et communistes étaient aussi, dans les années 1920 à 1960, laïcs et francs-
maçons, même si cet enjeu était relativement secondaire. Ils défendaient alors la laïcité et
l’enseignement officiel.
Le clivage Église-État est resté fort existant pendant longtemps, même s’il a un peu perdu
de son potentiel de conflit, dû au réalignement des libéraux ainsi qu’à une série de grands accords
sur le pacte scolaire.
3. Le clivage rural-urbain
Le clivage rural-urbain est le seul clivage qui n’a pas été fortement structuré sur le plan
partisan en Belgique. Historiquement, il y a tout de même un parti qui a défendu les intérêts du
monde rural : le parti chrétien.
4. Le clivage gauche-droite
Le parti socialiste, tout comme le parti communiste, s’est créé comme un parti de combat
défendant la classe ouvrière, et, par réaction, les libéraux se sont définis comme les défenseurs des
intérêts des classes moyennes supérieures et de la bourgeoisie.
Le parti chrétien ne s’est pas présenté sur l’axe gauche droite, parce qu’il était segmenté en
son sein en différents groupes. Il y a toujours eu trois groupes : un groupe plutôt de droite, libéral,
une composante centriste défendant les intérêts des agriculteurs, et une partie plutôt de gauche,
défendant la classe ouvrière.
Les partis chrétiens ont longtemps participé à des coalitions, jouant alors un rôle de modération
dans ce clivage gauche-droite.

C. Les années 1970 à aujourd’hui

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1. Le clivage centre-périphérie
Le clivage centre-périphérie a gardé son importance, malgré les différentes réformes de
l’État, qui auraient pu l’estomper, mais ont plutôt fait l’inverse.
Des partis se sont structurés et ont continué à activer ce clivage, surtout les partis autonomistes
flamands, la NVA et le Vlaams Belang. Le FDF (Front Démocratique des Francophones, ou DéFi) était
plutôt de base un parti de réaction aux partis flamands, et est devenu un parti se battant pour une
Belgique unitaire.
La vigueur de ce clivage a détruit les partis nationaux chrétiens, libéraux et socialistes, qui
se sont divisés. Il leur est devenu impossible de trouver des accords en leur sein, et se sont alors
scindés entre partis flamands et francophones.
Les francophones sont devenus des partis défendant la Belgique unitaire plus que l’autonomie
wallonne, tandis que les néerlandophones se sont mis à plaider pour l’autonomie flamande. On trouve
donc maintenant en Belgique des partis ethno-régionalistes défendant à la fois l’autonomie de la
périphérie (NVA), et l’unité du centre (FDF).
2. Le clivage Église-État
Le clivage Église-État est resté fort activé parce que les partis chrétiens sont restés des
partis pivots, importants dans les coalitions.
Le Parti Chrétien du Peuple est resté longtemps le parti dominant en Flandre.
Face à eux se sont retrouvés uniquement les socialistes, que se sont alors voués à la défense de la
laïcité, en réaction aux velléités des partis chrétiens.
Aujourd’hui, ce clivage reste doublement saillant par rapport à deux types d’enjeux :
 l’enseignement : officiel contre catholique
 les questions éthiques : l’IVG, la PMA, l’euthanasie, l’abaissement de la majorité sexuelle, …
Le parti chrétien flamand, le CD&V, bloque sur les questions éthiques. Dans ce genre de débat, au
sein du parti libéral, la consigne donnée aux élus est d’être libres de voter ce qu’ils veulent, pour ne
pas créer de division interne.
3. Le clivage rural-urbain
Le clivage rural-urbain a toujours été et est toujours un clivage peu important sur le territoire
de Belgique.
4. Le clivage gauche-droite
Le clivage gauche-droite est resté relativement stable, avec le parti chrétien comme
modérateur. De par la présence du parti chrétien dans beaucoup de coalitions, on a eu des politiques
socio-économiques modérées, ce qui a modéré les conflits sociaux, les conflits gauche-droite, …

D. Des éléments de continuité


Ces schémas témoignent bien sûr des changements, mais aussi beaucoup d’éléments de
stabilité. Dans la plupart des cas, les partis sont restés positionnés sur les différents clivages : au-
delà du splitsing (c’est-à-dire de la séparation des grands partis), de la création de nouveaux partis,
du changement de label de certains partis, … les clivages restent.
Dans la mesure où les partis politiques sont durables, cela leur confère une relative permanence des
clivages.
Ces systèmes de clivages sont analysés au niveau national. Aujourd’hui, il faudrait faire une
analyse séparée entre la Flandre et la Wallonie. Au sud, le clivage gauche-droite est plus activé qu’au
nord du pays par exemple, du fait du poids plus important du parti socialiste en Wallonie,
contrairement à la Flandre, où l’électorat est davantage orienté sur le centre et la droite.

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Les clivages ont évolué avec l’émergence de nouveaux partis (et notamment régionalistes).
Cela confère un côté multi partisan à la Belgique, où tous les partis ont accès à des sièges
parlementaires, ce qui renforce leur durabilité. Cela a complexifié le système. De plus, en Belgique,
le côté pluri partisan est à la fois modérateur et source de conflits politiques. Les partis émergents
maintiennent la pression sur les clivages, notamment les partis régionalistes.

E. L’évolution de l’intensité des clivages


1. Trois niveaux de conflits
La Belgique, bien que très divisée, est un système relativement pacifique. On distingue trois
niveaux de conflits :
 political conflict
 low-intensity conflict : conflits armés, actions terroristes, actions de guérillas, ...
violences ponctuelles non généralisées
 high-intensity conflict : guerre civile et armée
2. Les conflits en Belgique au XIXème siècle
Malgré le fait que la Belgique soit un pays pacifique, elle a connu des phases de plus forte
intensité de conflit (5 ou 6 historiquement), la première étant la révolution nationale elle-même.
La seconde phase a eu lieu dans les années 1850 à 1880, où un conflit politique non-violent a éclaté,
correspondant à une période de grande tension entre le parti catholique et le parti libéral. Ce conflit
a eu des conséquences pour l’agenda politique.
Dans la période 1890-1920, on a eu également des épisodes de conflits sociaux autour de la
question ouvrière, avec de grandes grèves, manifestations, des actions violentes, avec quelques
morts (par l’armée ou la gendarmerie). Cela a été moins violent en moyenne que dans d’autres pays
industrialisés, comme la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. C’est sur cette base-là qu’a été
fondé le parti ouvrier belge.
3. Le Pacte Social, en 1945
Une phase importante de conflit en Belgique concerne le Pacte Social, qui est un grand
accord historique qu’il y a eu entre les dirigeants patronaux et syndicaux, qui ont mis en œuvre la
Sécurité Sociale, en 1944-1945.
La Belgique est un des pays où la Sécurité Sociale est la plus développée au monde.
Cela a neutralisé pour un temps le clivage gauche-droite, et a fait chuter le parti communiste.
4. L’Affaire royale
Cette affaire concerne le retour au pouvoir en Belgique du roi Léopold III. Les catholiques,
majoritaires au nord du pays, soutiennent son retour, tandis que les socialistes et les libéraux,
majoritaires au sud, plaident contre. Un référendum est alors organisé, qui divise fortement le pays
entre le nord et le sud, et mène à l’abdication du roi.
Durant cette période, la Belgique a connu des affrontements violents entre les citoyens et les
citoyennes, avec notamment l’action de milices armées. Lorwin a souligné que la Belgique était
passée proche de la guerre civile.
5. La guerre scolaire des années 1950
La guerre scolaire qui éclate dans les années 1950 en Belgique concerne les budgets et
ressources octroyées aux deux réseaux d’enseignement, officiel et catholique. C’est à ce moment-
là qu’est créé le terme d’enseignement « libre ».
Les manifestations ont été très tendues, et ont manqué de basculer dans la violence. Ils ont
finalement résulté en un exemple typique d’arrangement à la belge, le Pacte scolaire.

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6. Les années 1960


Les grandes grèves de 1960, lors de la perte du Congo belge, ont eu un impact sur l’économie
belge, et ont donné lieu à des affrontements violents. C’était un contexte de déclin industriel et de
problèmes budgétaires, où l’Etat a dû faire pression sur l’Etat-providence, ce qui a entraîné de fortes
grèves.
7. La fin des années 1960 et le début des années 1970
Dans la fin des années 1960 et le début des années 1970, deux grands enjeux ont émergé
en Belgique :
 le Leuven Vlaams (ou Walen buiten) : l’expulsion des francophones de Leuven et la
création forcée de Louvain-la-Neuve
 l’enjeu des Fourons : rattachement d’une série de communes à la Flandre dans la
province de Liège
Ces événements ont été relativement violents, certains groupes menaçant de s’armer, des
manifestants se chargeant les uns contre les autres, ... Cela aurait pu dégénérer.
8. Le potentiel de conflits en Belgique
Si l’on retrace ce fil d’épisodes de polarisation et de conflits, on voit que la Belgique n’est
pas si pacifique que ça. Comme le dirait Luc Huyse, la Belgique a toujours un potentiel de conflits
qui sont latents et toujours pas résolus, et peuvent donc se réactiver.

F. Un gel des clivages ?


La thèse de Lipset et Rokkan s’applique bien à la Belgique. Les clivages sont restés
relativement stables dans la période allant de 1920 à 1970, malgré quelques reconversions, ce qui
va à l’encontre de leur théorie.

V. De nouveaux clivages ?
A. De nouveaux enjeux
D’après Rihoux, il n’y a pas vraiment de nouveaux clivages, malgré la création de nouveaux
enjeux, de nouveaux axes.
Le travail de Lipset et Rokkan a été écrit dans les années 1960. Or, depuis ces années, se sont
produites beaucoup de choses sur le plan socio-structurel en Belgique, notamment la tertiarisation
de la société, ainsi que l’émergence graduelle des classes moyennes. Certains ont appelé la
révolution éducationnelle l’accès de la masse à l’enseignement supérieur dans les années 1960.
Dans ce contexte, on a vu l’émergence d’un nombre assez important de « nouveaux » partis
politiques. Certains sont réellement nouveaux (comme c’est le cas des partis verts), et d’autres
sont des partis réactivés, ou avec des origines plus anciennes (comme les partis populistes,
communistes …).

B. De nouveaux partis politiques


On a vu l’émergence, en Belgique, de 5 types de nouveaux partis politiques, depuis les années
1960, qui ont complexifié le spectre politique.
 ethno-régionalistes, qui ont eu un fort impact sur la politique belge : NVA
(auparavant VU), FDF, RW, ...

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 écologistes : Groen (auparavant AGALEV), Ecolo


 radicaux-populistes (aka d’extrême-droite) : Vlaams Belang surtout, FN, PP, ...
 communistes : PTB, PVDA
 partis provisoires autour d’un leader charismatique : UDRT, Parti blanc, …
D’aucuns considèrent que l’émergence de ces nouveaux partis traduit l’émergence de de
nouveaux clivages. Ce ne sont pas des clivages pourtant, dans le sens où il n’y a pas eu de
structuration de partis des deux côtés du clivage.

C. Une révolution postindustrielle ?


D’après certains auteurs, comme Swyngedoww ou Alber, il y aurait un nouveau clivage autour
de la question environnementale. Des segments de la population auraient des préoccupations non
plus matérielles, mais concernant la qualité de vie, de l’environnement, …
Daniel Seiler suggère que ce clivage « écologie-productivisme » serait une sorte de redéfinition du
clivage urbain-rural. Dans les zones urbaines se développe une sensibilité plus importante aux
questions environnementales. Ce clivage idéologique serait lié aussi aux nouvelles classes
moyennes, qui travaillent dans les services et ont un haut niveau d’éducation. Le pôle productivisme
serait porté par des individus défendant la production de biens matériels, détenants d’un modèle
économique classique, libéral. Il ne faut donc pas faire un lien entre ruralité et écologisme, puisque
l’écologisme vient du milieu urbain. Il n’est pas évident non plus de placer les partis libéraux ou
socialistes du côté du pôle productivisme.
Il est douteux que l’on ait affaire à un nouveau clivage : cette série d’enjeux n’apparaît pas
assez puissant aujourd’hui pour restructurer les partis existants et les clivages.
C’est une modernisation d’un clivage existant plutôt qu’un nouveau clivage.

D. La révolution mondialiste
La révolution mondialiste a frappé la Belgique, et certains suggèrent qu’elle active de
partiellement nouveaux clivages, selon les questions du territoire et de l’ethnicité.
Seiler et Frognier ont suggéré que, dans ce contexte, il y aurait deux nouveaux clivages :
 le territorialisme (c’est-à-dire la défense d’une territorialité face à des flux de personnes),
contre la déterritorialisation

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 l’ethnocentrisme (c’est-à-dire la défense d’un peuple, groupe ethnique ou groupe


linguistique, contre le cosmopolitisme
Dans les deux cas il y a des nouveaux débats, autour de deux nouvelles visions opposées de la
société. Certains partis sont fortement positionnés dessus, comme le Vlaams Belang notamment.

Il n’est pas évident de parler de clivages parce que les partis écologistes, chrétiens,
libéraux, ... ne considèrent pas vraiment ces sujets comme centraux.
Par ailleurs, le Vlaams Belang se définit aussi selon le clivage rokkanien de centre-périphérie.
Il y a néanmoins de vrais débats de société qui sont à l’œuvre en Belgique, mais pas vraiment, pour
Rihoux, de nouveaux clivages au sens de Lipset et Rokkan.

E. Un clivage libertarisme-autoritarisme ?
Kitschet parle d’une évolution de l’espace de compétition partisane, de la forme de l’espace
politique et idéologique autour duquel se définissent les partis.
Quelles sont les demandes des sociétés contemporaines ? On peut essayer de résumer l’espace
idéologique, selon lui, au long de deux axes :
 dimension gauche-droite : socialist politics et capitalist politics
 dimension du lien social (manière dont doit être organisée la société) : libertarian politics et
authoritarian politics

Le schéma élaboré par Kitschet oppose deux grands principes :


 le libertarisme : conception muticulturaliste ou cosmopolite où chacun fait ce qu’il veut, et
où l’on refuse le principe de hiérarchisation de la société

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 l’autoritarisme : principe de respect de l’autorité, notamment en vertu du pouvoir religieux,


des traditions, ...
Il remarque que ces différents pôles sont plus portés par différents groupes dans la population.
Toute sa thèse est de dire que pendant longtemps la compétition électorale a été
horizontale, et que maintenant, avec la saillance de nombre de nouvelles questions, cela étend
verticalement les positionnements.
Dans le contexte belge, même s’il n’y a pas de nouveaux clivages, on peut placer de nombreux
partis autour de la gauche libertaire (Ecolo, …) ou de la droite autoritaire (Vlaams Belang, NVA, ...).
Il y a une structuration plus forte dans cet axe en Belgique, et, sans doute, cela force les partis
classiques à se positionner plutôt dans la gauche libertaire ou la droite autoritaire, et cela divise
alors encore davantage.
Le parti socialiste se trouve un peu écartelé, et une partie de ses membres se retrouve de plus en
plus autour du pôle de gauche libertaire, tout comme au sein des partis libéraux où certains se
retrouvent autour du pôle de droite autoritaire.
L’auteur prédit également une plus forte activation de ce clivage en Flandre qu’en Wallonie,
où le développement des partis sur ces pôles y a été plus fort.

VI. Conclusion
En Belgique, il n’y a pas d’émergence de nouveaux clivages au sens de Rokkan, mais il y a
tout de même de nouveaux acteurs et de nouveaux partis, ce qui peut exacerber ou rendre saillants
de nouveaux enjeux lors de campagnes électorales.
Bien sûr que le schéma de Lipset et Rokkan est simple, et qu’il ne prend pas forcément en
compte le fait qu’il peut y avoir beaucoup plus de pôles différents au sein des clivages. Néanmoins
ce cadre reste important.
Il y a au moins deux clivages qui ont tendance aujourd’hui à se replacer en situation de
parallélisme. C’est en particulier le clivage gauche-droite et le clivage centre-périphérie. On peut en
effet recouper périphérie avec droite, et centre avec gauche.
Du côté belge francophone, on voit une prédominance d’électeurs et de partis politiques de gauche
et de centre-gauche (Parti Socialiste, PTB, Ecolo). A contrario, du côté flamand, on a une
prédominance des partis de droite (CDNV, OpenVLD et NVA). On a donc une opposition structurelle
entre une Flandre socioéconomiquement de droite, et une Wallonie socioéconomiquement de
gauche. Cela donne aux deux plus grands partis, le PS et la NVA, une place de leaders qui s’opposent.
Pour l’instant, cela met seulement un blocage, mais, dans d’autres pays, cela peut donner lieu à des
conflits plus violents ou des blocages plus profonds. Aujourd’hui, la thèse des cross-cutting
cleavages de Lipset et Rokkan ne fonctionne pas en Belgique.

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Chapitre 2 : Piliers et consociationalisme

Un des éléments pouvant expliquer la stabilité et la pacification de la Belgique est


l’entrecroisement des clivages, qui se modèrent mutuellement. Mais il y a deux autres explications
complémentaires : l’existence des piliers, élément structurel, et la question de culture politique que
l’on appelle le consociativisme (ou consociationalisme).
La pilarisation est l’existence de mondes sociologiques relativement distincts au sein d’une
même société. En Belgique, ils ont pris la forme de piliers, ensembles structurés. Ce sont en
particulier un pilier catholique et un pilier socialiste. Cela a mené à une approche pragmatique des
conflits politiques, basés sur la négociation, ce qui a diminué le choc idéologique entre les
différentes acteurrices. Lijphart a nommé la Belgique comme idéal-type d’une démocratie
consociative.
Le consociativisme est une pratique politique, qui s’est développée dans une longue durée
et dont l’émergence remonte à la création de la Belgique. Elle consiste en la négociation, qui a permis
la pacification entre trois acteurs majeurs : les piliers catholique, socialiste, et libéral.
Le pacte scolaire, fruit d’un conflit assez violent dans les années 1940-1950, a mené à une coalition
entre les socialistes et les libéraux, sans les catholiques. Ces derniers voulaient étendre
l’enseignement chrétien, ce qui a suscité des réactions vives, des manifestations et des conflits
violents. Suite à de longues négociations, un pacte scolaire a été pris, satisfaisant finalement tout
le monde. C’est la raison pour laquelle la Belgique est un des seuls pays où l’Église et l’État sont
séparés, mais le réseau catholique est financé par l’État. Ce compromis a coûté très cher, mais a
été bénéfique en termes de pacification. Le coût financier est un des inconvénients des compromis
à la belge.
Ce genre de grands pactes permet d’abaisser les tensions pour un certain temps, jusqu’à ce qu’un
autre conflit éclate.
Ces pratiques consociatives s’appuient sur deux grands principes : la négociation et le pragmatisme.

I. La pilarisation
A. Clivages et institutionnalisation
Les principaux travaux sur les piliers ont été écrits dans la foulée des travaux de Lipset et
Rokkan sur les clivages. Lijphart et Daalder ont beaucoup travaillé sur cela. Ils se sont demandé
comment, dans certains pays, les clivages s’institutionnalisent de manière plus forte qu’ailleurs.
Afin qu’un clivage existe, les recherches de Lipset et Rokkan ont montré qu’il fallait que se créent
des institutions, c’est-à-dire des organisations durables et de grande taille. En revanche, dans
certains pays, ces institutions se développent plus fortement et sont plus puissantes que dans
d’autres, et finissent alors par créer des piliers. C’est donc la multiplication d’associations
puissantes qui constitue les piliers.
En anglais, on parle de pillars, et de pillarization. En néerlandais, on parle de verzuiling (zuil =
couche), et de lager (camps) en autrichien.
Les pays les plus similaires à la Belgique sur le plan des piliers en Europe sont les Pays-Bas,
l’Autriche et le Luxembourg. Israël et la Malaisie sont aussi assez proches de la Belgique.
Ce qui distingue cependant le cas de la Belgique des Pays-Bas est que ces derniers ont connu une
forte pilarisation, avant de connaître une dépilarisation.
B. Piliers et construction de l’Etat belge

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1. La construction du pilier catholique


Les piliers se sont construits grâce à l’existence d’une très forte tradition catholique. Le
monde catholique, composé de l’Église ainsi que de nombreuses organisations auxiliaires (comme
des congrégations religieuses, des organisations telles que des hôpitaux, des écoles, des
dispensaires, des organisations de charité, …), préexistait très largement à la création de l’État
belge.
Cela est contraire à la plupart des pays européens, comme la France, où il y a eu une destruction
physique de l’Église, passant par la destruction du patrimoine ainsi que des tueries des membres du
clergé.
Lors de la construction de la Belgique en 1830, un choix pragmatique a été posé par l’élite
bourgeoise. Il existait alors en Belgique une bourgeoisie libérale et laïque, ainsi qu’une bourgeoisie
catholique, et des libéraux non-catholiques mais laïques déistes. Pas d’opposition frontale ne se
présentait alors, à cause de ce groupe intermédiaire.
Une certaine partie de la bourgeoisie a fait le constat de l’existence des organisations catholiques,
qui remplissent des fonctions utiles et concrètes. On a donc pragmatiquement reconnu à l’Église un
certain statut, et commencé à financer certaines activités de l’Église. Le monde chrétien s’est
développé, a créé des œuvres sociales, de charité, … La Constitution belge reconnaît des droits
religieux. Cela a contribué à l’élaboration du pilier catholique. Ce pilier chrétien, entre 1830 et les
années 1850-1860, était le seul pilier en Belgique.
Cette phase, qui a duré 20-40 ans après la création de l’État belge, a permis le développement de
l’enseignement catholique, qui est maintenant majoritaire, et a créé un réseau dense d’organisations
catholiques.
Les libéraux avaient alors une vision pragmatique : ils n’avaient ni les moyens ni l’envie de
recommencer une guerre, et ont donc laissé faire.
Cependant, un compromis à la belge a été pris lors de la création de l’État belge : on a choisi un Roi,
qui, dans ce compromis, ne pouvait pas être catholique : Léopold Ier était protestant, ainsi que franc-
maçon (mais modéré, donc acceptable pour les catholiques). Ses enfants ont dû en revanche devenir
catholiques, et n’ont pas pu rester francs-maçons.
2. La construction par « effet miroir » du pilier libéral
Le second pilier s’est construit en effet de miroir, phénomène de concurrence et d’imitation,
à partir des années 1850-1860, mais plus fortement dans les années 1870. Cela a été poussé par
la composante laïque déiste de Gand, Liège, … Les élites étaient toutes francophones à l’époque.
Ces élites créent le parti libéral laïc en 1846, et leur premier agenda a été de développer une série
d’organisations qui seraient les vis-à-vis des organisations catholiques. La première a été les loges
franc-maçonnes. L’investissement public s’est orienté dans l’enseignement public laïc, sans cours
de religion (puis compromis mdr donc introduction de cours de religion). Le projet de ces hommes
politiques libéraux était qu’il fallait, dans chaque village, une école laïque officielle pour éduquer les
masses dans un cadrage non-catholique. Cela s’est réalisé donc dans un effet d’imitation. C’est
également à cette période-là qu’a été créée l’ULB.
Pendant un certain temps, les libéraux détiennent un avantage compétitif, grâce à
l’existence d’un parti politique, jusqu’à la création d’un parti catholique en 1884, qui reste au pouvoir
avec une majorité absolue pendant une trentaine d’années, modérant la croissance des ardeurs
libérales.
Cette logique de piliers implique que les individus ne changent pas de pilier : on y reste du
berceau à la tombe.

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L’effet miroir a été vraiment loin. La Belgique est un des rares pays où le monde laïc a créé
des rituels laïcs, des rites de passage, de la même manière que les rituels religieux comme le
baptême, …
3. La construction du pilier socialiste
Émerge assez rapidement une troisième force politique importante : le socialisme. Cette
sphère émerge à partir des années 1870-1880, et explose en 30 à 40 ans, grâce à la création d’un
parti politique, de coopératives et de syndicats (FGTB), de mutualités, … C’est un pilier laïc.
En réaction, se constituent alors un syndicat chrétien (CSC) puissant. La Belgique est aujourd’hui
un des rares pays où coexistent un syndicat catholique et un syndicat socialiste. S’est créé plus
tard un syndicat libéral (CGSLB), plus petit.
Le parti Fourier belge crée une structure commune avec le syndicat et les organisations
culturelles, en créant ce qu’il appelle l’« action commune socialiste » (ACS). L’ACS fait de la
concurrence aux piliers catholique et libéral, en créant de nombreuses institutions et organisations.
Les Faucons rouges, qui sont un mouvement de jeunesse, sont créés en opposition aux scouts
catholiques. En réaction, les catholiques créent, à leur tour le Patro, catholique mais orienté pour
les jeunes moins favorisés.

C. Le système des trois piliers


Au début du XXème siècle, le pilier catholique est très puissant, et le libéral commence à
perdre de sa puissance au profit du socialiste qui croît de plus en plus.
Le passage au système de vote proportionnel au suffrage universel, en 1899, est décidé par
les catholiques, qui se méfiaient du potentiel électoral du parti ouvrier. Les élites politiques
catholiques voulaient en effet protéger la bourgeoisie libérale contre les socialistes. Le système
proportionnel avait alors pour but de diluer le vote socialiste.
Les libéraux, laïcs (mais beaucoup déistes), se sont ralliés aux laïcs plus durs, les
socialistes, afin de soutenir le principe de laïcité.
Dans les années 1920-1930, on n’a plus que 2,5 piliers : un catholique, un socialiste et plus
trop un libéral. Ils ont des organes de presse, des organisations culturelles, patronales, de santé, de
jeunesse, sportive, … distinctes. Cela installe un système assez durable de trois piliers, qui ont des
réseaux d’organisations cohésives.

D. Piliers, partis et « particratie »


L’avantage de ces piliers pour les partis politiques est que cela crée une énorme clientèle.
Ceci est une des raisons pour lesquelles les partis sont devenus stables, sans forte variation.
Jusqu’aux années 1940-1950, il y avait de réelles consignes de vote au sein des organisations. Les
prêtres, le dimanche précédant les élections, poussaient à voter pour le parti catholique. Il y a encore
des traces de ceci dans le Hainaut ou dans la province de Liège. Dans les mutualités socialistes, on
met des affiches pour le parti socialiste, même s’il n’y a pas de liens structurels entre eux.
Les piliers, fonctionnellement, ont un effet de renforcement des partis politiques, qui sont
leur porte-parole. Cela est à l’origine de ce que certains appellent la « particratie ».

II. Les piliers aujourd’hui, depuis les années 1980

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A. La perte de puissance des piliers


Après 1980, on peut dire que globalement, les piliers ont perdu en importance, en terme
relatif. Les piliers ont témoigné cependant d’une grande capacité de survie, contrairement aux
Pays-Bas, qui a subi une dépilarisation.
On peut dire que les partis ont pu connaître des déclins électoraux assez importants, mais
le contraste vient du fait que certaines organisations des piliers sont restées très puissantes,
comme les syndicats socialistes. La Belgique est le deuxième pays au monde en taux de
syndicalisation, ce qui est lié à cette logique de piliers. Les universités sont également très
puissantes, tout comme les mutualités, qui ont réussi à capter des moyens publics, les deux grands
réseaux d’enseignement également, …
Les partis politiques ont également perdu des membres par rapport à il y a 30 ou 50 ans,
mais c’est davantage un principe de lente érosion, contrairement à ce qu’il s’est passé aux Pays-
Bas. Le PS belge a aujourd’hui autant de membres que le PS français.

B. Le recul du pilier libéral et la force organisationnelle des piliers catholique et socialiste


La force des organisations dans les deux principaux piliers reste très présente, tandis que
certaines organisations libérales se sont diluées dans les organisations catholiques.
Certaines organisations se recoupent dans les trois piliers, comme les organisations de
femmes, ou dans deux piliers, comme l’ULB (libéral et socialiste). Il y a d’ailleurs eu des tentatives
de création d’organisations à cheval entre les catholiques et les socialistes, qui ont toujours été
des échecs.
Certaines organisations sont également en dehors des piliers, comme les associations de
consommateurs, …

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Les piliers socialiste et catholique, eux, contrairement au pilier libéral, sont restés
relativement puissants, ce qui est majoritairement dû :
 aux résultats électoraux
 à la logique de solidarité laïque entre libéraux et socialistes, qui a favorisé les socialistes
 à l’ouverture des socialistes aux libéraux, ce qui a divisé ces derniers
 à la composition socio-démographique au sein du pilier libéral, qui ont moins besoin de
services d’entraide, de soutien, d’aide sociale, ... ce qui a donné moins d’importance à ces
organisations
Il y a donc des partis politiques visibles en Belgique, avec, derrière, des réseaux
d’organisations informelles qui les relient à leur pilier. La plupart des organisations ont une origine
dans les piliers, sauf les organisations récentes, dans les domaines de l’environnement, des
nouveaux belges, …

C. Une réalité locale


Cette logique de pilier se produit au niveau local, même si les piliers sont implantés dans
tout le territoire.
Le standard de Liège était de base un club catholique, et il existait un autre club laïc. Il existe
aussi des scouts ou faucons rouges localement.
En Flandre, il existe également un quatrième pilier, le pilier nationaliste.

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L’UCLouvain, en anglais, s’appelle l’University of Louvain, et le terme catholique n’apparait donc pas.

D. Des avantages et des inconvénients


1. Les avantages des piliers
La logique des piliers, en Belgique, apporte certains avantages, notamment en termes de
coûts :
 quand elle s’accompagne de négociations et de coalitions, elle permet de répartir les
ressources
Cela garantie une redistribution des ressources, ce qui pacifie et modère les conflits sociaux.
 cela garantie aux partis une clientèle et une stabilité
 ces organisations apportent des services à la population
 la population transmet des demandes sociales, à travers les organisations, qui
remontent les informations aux partis politiques, afin de forger leur programme
Les partis politiques collent alors assez bien aux demandes sociales.
2. Les inconvénients des piliers
Certains inconvénients sont amenés par cette logique de piliers en Belgique, qui sont,
principalement :
 la difficulté pour d’autres organisations en dehors de ces piliers d’exister et d’avoir une
réelle influence politique dans les grands partis établis (comme c’est le cas des questions
environnementales)
 les coûts financiers directs et indirects et en termes de lourdeur : qui dit effet miroir dit
multiplication des organisations, donc un surcoût irrationnel (plusieurs écoles dans le même
village, grands hôpitaux proches, …)
Cela marque une faible efficience en termes de coûts-bénéfices.
 la durée que prennent les décisions politiques, qui nécessitent une négociation permanente
(et ce même si elles permettent la pacification des conflits)
 l’impact profond sur le type de relation citoyen-politique : les citoyennes sont uniquement
des consommateurrices de services, ne se rapprochent plus des partis parce qu’iels croient
au changement, mais parce qu’iels ont besoin de services
On observe donc une désidéologisation et un phénomène de clientélisme.
 les citoyennes belges ont un rapport passif au politique, et un sentiment d’appartenance
très partiel : iels ne ressentent pas d’appartenance au pays, mais à un segment de la société
Cela contribue à segmenter la société ainsi qu’à baisser la confiance au système dans son
ensemble.

III. Le consociationalisme, ou consociativisme


A. Principe de majorité et principe de proportionnalité
Le consociationalisme renvoie à des pratiques d’accommodement entre élites, qui
permettent de redistribuer les ressources entre les différents piliers. Ce principe se base sur la
proportionnalité, et permet une forte protection des minorités.
Les accords sont passés par les élites, qui sont les présidentes de partis et de syndicats,
dirigeantes de structures hospitalières, ... et qui forment des cartels, c’est-à-dire qu’elles font
partie d’un groupe transversal qui négocie différents arrangements. On parle alors de négociations
elite-driven, processus invisible. Le peuple en est donc exclu. Certains groupes sont tout de même

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très favorisés dans les négociations, comme le sont les catholiques en Belgique, qui ont bénéficié
de moyens très importants dans le cadre du Pacte scolaire notamment.
Un exemple de consociationalisme est le RER, qui est une règle voulant que tout investissement
dans les chemins de fer en Belgique se base à 40% en Wallonie, et 60% en Flandre, alors que cela
coûte moins cher en Flandre, dû au relief.
On a par la suite élargi ce principe à d’autres composantes pour d’autres groupes, notamment par
l’introduction de cours de religion islamiques, juifs, ... dans les écoles.
Ce principe consociatif, principe proportionnel, s’oppose au principe de majorité, que l’on
retrouve dans des pays ayant un système de vote majoritaire, comme la France ou le Royaume-Uni.
Ici, la décision de la majorité s’impose aux minorités.

B. Unionisme
Avant la création des partis politiques, il existait un système d’unionisme en Belgique, entre
les élites catholiques et libérales, qui ont régné ensemble, dans les quelques premières décennies
du pays. Cela a duré jusque 1846, et est une première manifestation du consociativisme.

C. Système électoral et partis


Lors de la naissance des partis modernes, et d’abord du parti libéral, les choses changent :
éclate alors une guerre politique entre catholiques et libéraux.
Les partis sont alors vus comme indispensables, et se font les porte-paroles des piliers. La
Belgique est d’ailleurs un des pays européens où les présidentes de partis ont le plus de pouvoir.
On parle souvent de particratie.
En 1893 est apparu le système proportionnel en Belgique. Cela a conduit à de nombreuses
coalitions entre les partis traditionnels. Ces coalitions entraînent une grande difficulté pour ce qui
est de trouver des accords sur des décisions politiques.
Les partis hésitent donc à attaquer un pilier, de peur de voir son propre pilier attaqué s’il n’est plus
au gouvernement. Les catholiques participent à toutes les coalitions, et ont donc un grand pouvoir
de nuisance, ce qui pousse les libéraux et les socialistes à rester très prudents.
C’est très rare qu’un parti obtienne une majorité de siège au sein de ce système proportionnel belge,
même si les catholiques l’ont déjà fait. Cela semble aujourd’hui impossible, en particulier au niveau
fédéral.

D. Conflits et coopération
Beaucoup d’auteurrices idéalisent le système belge en parlant de véritable coopération
entre les élites, mais il ne faut pas oublier que la Belgique est marquée par un vrai conflit de fond.
De nombreux conflits de fond ont marqué le paysage politique belge, tout au long de son histoire :
 questions ethnolinguistiques dans les années 1960
 enseignement
 enjeux de bioéthique aujourd’hui
 ...
Ce pays est donc très conflictuel, malgré un apaisement des tensions au travers des négociations.
Quand la situation devient très tendue, l’on crée des sommets entre cheffes de partis, des
commissions parlementaires, ... Le but est de s’en sortir et de garder la face, en trouvant des
compromis.

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E. Log-rolling et package deals


1. Log-rolling
Le log-rolling consiste à prendre des dossiers conflictuels, que l’on négocie séparément.
Cette pratique est utilisée dans les cas où il est impossible de les négocier ensemble, alors on
recherche un compromis. On fait alors tourner le dossier afin de l’aligner, et que tout le monde soit
plus ou moins satisfait.
2. Package deals
Le package deal consiste à reprendre tous ces accords sur les différents dossiers. Les
victoires sur un certain dossier, sont compensées par les concessions sur un autre dossier.
Cela nécessite cependant des élites politiques capables de jouer ce jeu-là.

F. Concertation sociale
Les patrons et les syndicats peuvent se concerter, et négocier de grands arrangements par
secteur, avec la méthode du log-rolling. Une fois l’accord conclu, il est avalisé par des politiques.
En Belgique, système néo-corporatiste, les deux grandes séries d’organisations (syndicats et
fédérations patronales), se retrouvent dans différents lieux structurés, comme le Conseil central de
l’économie notamment, afin de négocier.
C’est ce que l’on appelle la concertation sociale.

G. Inconvénients du consociationalisme
La pratique consociationaliste a quelques inconvénients et peut parfois soulever plusieurs
problèmes :
 les problèmes ne sont pas réglés mais gelés, c’est-à-dire qu’on ne les résout que
temporairement
 le principe peut mener à la particratie : les partis deviennent fort présents, ont de plus en
plus d’importance (dans la nomination des fonctionnaires par exemple)
 des coûts importants sont impliqués : même sans forte demande d’un des côtés, on attribue
parfois des moyens, afin d’égaliser l’allocation des ressources et apaiser les conflits
 le système néo-corporatiste et elite-driven est fermé et réservé aux élites traditionnelles

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Chapitre 3 : Evolution(s) du comportement électoral en Flandre et en Wallonie

I. L’offre partisane
A. Les partis « traditionnels » contre les partis « protestataires »
Les conflits et oppositions entre les partis en Belgique ont toujours existé, et ont marqué
l’agenda politique et la prise de décisions. Les partis libéral et socialiste ne voulaient notamment
pas accepter le suffrage des femmes, puisqu’ils pensaient qu’elles allaient voter davantage pour le
parti catholique. Il a alors fallu attendre 1949 pour obtenir le suffrage des femmes.
Face aux partis classiques, des partis protestataires se sont créés, afin de les challenger.
Jusque dans les années 1950-1960, le seul challenger était le parti communiste (PCB). Celui-ci ne
challengeait en réalité que le parti socialiste, et n’a été puissant qu’aux alentours de la Seconde
Guerre mondiale, étant donné que le PS a réussi à garder les ouvriers dans son giron, et a mis en
place le grande Pacte social, qui a offert beaucoup de choses aux travailleurs. La Belgique a
également connu Rex, parti d’extrême droite francophone (entre 1930 et 1945), ainsi que le VNV,
parti nationaliste flamand ancêtre du Vlaams Belang.

B. Les partis « traditionnels »


1. Trois partis traditionnels et deux clivages
Les partis traditionnels sont construits autour de deux grands clivages : Eglise-Etat et
gauche-droite. Ces partis classiques sont restés stables pendant très longtemps et n’ont donc
pas beaucoup bougé.
L’offre partisane a donc été très stable, avec un seul réel challenger : le parti communiste.
2. Longévité et force organisationnelle des partis traditionnels
Les partis classiques sont restés prédominants jusqu’à la fin du XXème siècle, voire le début
du XXIème siècle.
3. Le splitsing
Dans les années 1960-1970, on a pu observer un splitsing des partis, c’est-à-dire qu’ils se
sont séparés entre francophones et néerlandophones. Ainsi, le troisième clivage, centre-périphérie,
alors moins fort que les clivages Eglise-Etat et travailleurs-patrons, s’est activé et a détruit les
partis politiques, restructurant le pays avec la fédéralisation.
Cela a amené à la disparition du système belge national, et donc au développement de deux
systèmes de partis, qui se rejoignent partiellement à Bruxelles.
De nombreuses institutions se sont également dupliquées au sein du pays, comme notamment
l’UCL, devenue, UCLouvain en Wallonie, et KULeuven en Flandre.
4. Evolutions électorales des partis traditionnels
Les partis socialistes, c’est-à-dire le PS et le SPA, ont connu une érosion, surtout dans les
années 1960-1970. Ils ont perdu au total la moitié de leur électorat (passant de 30 à 40% des
électeurs, à 15 ou 20%).
Bien que le pilier socioéconomique et ses organisations restent très puissants, ces partis ont
tendance à s’essouffler, notamment à cause de la diminution de la proportion de la population
ouvrière dans le pays.
Les partis libéraux, eux, le MR et l’OpenVLD, n’ont pas subi de déclin sur la longue durée.
Dans les années 1970 à 2000, ils ont été témoins d’une longue période de progression relative,
afin de faire face à un déclin relatif récemment, qui est fortement lié à l’émergence du NVA en
Flandre.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Ces partis se sont figés à entre 15 et 25% de l’électorat, et restent des partenaires stables au
sein de coalitions.
Pour ce qui est des partis chrétiens, le CDH et le CD&V, ils étaient proches de la majorité
absolue en termes de voix (45%) dans les années 1940-1950, avant de fortement décliner jusqu’à
peser aujourd’hui environ 15% de l’électorat, ce qui en font des acteurs non indispensables pour
les coalitions, et ne sont donc plus des partis pivots.

C. Les partis « protestataires »


1. Les partis écologistes
Les partis écologistes, Ecolo et Groen, sont apparus dans les années 1980. Ces partis ne
sont pas négligeables mais pèsent relativement peu sur l’échiquier politique, oscillant, depuis les
années 1990, autour des 10 ou 15% des voix. Ces partis restent tout de même des partenaires de
coalition intéressants.
Ces partis écologistes ne pratiquent pas la politique de cartel, ni de consociativisme : ils
ont des préférences idéologiques assez fortes, et peuvent remettre en cause des compromis
existants.
Les partis écologistes ne font pas non plus partie d’un pilier, et ont une autre logique
partisane.
2. Les partis régionalistes ou communautaristes
Les partis régionalistes, comme DéFI (anciennent FDF), le RW, VolksUnie, et, plus tard, la
NVA, ont connu deux grands pics :
 dans les années 1960-1970 : dépassement des 10% et rôle de perturbation important, ce
qui a poussé au splitsing des partis traditionnels, parallèlement au début de la
fédéralisation
 aujourd’hui : montée en puissance de la NVA, parti le plus puissant du pays
DéFI est un parti plutôt modeste, mais reste bien implanté à Bruxelles, avec un poids relativement
important.
3. Les partis de gauche radicale
Les partis de gauche radicale, c’est-à-dire les partis communistes et d’extrême gauche, le
PTB et le PVDA, ont également connu deux pics :
 dans les années 1940-1950 : atteinte d’environ 5% des voix
 aujourd’hui : atteinte d’un seuil national de 8% de l’électorat
Ce parti politique tire le jeu politique vers la gauche en Wallonie, où il pèse environ trois fois plus
qu’en Flandre.
4. Les partis de droite radicale
En ce qui concerne les partis de droite radicale1, c’est-à-dire les partis populistes et
d’extrême droite, on a observé, au cours de la seconde moitié du XXème siècle, une succession de
petits partis (qui ont tenté de structurer l’extrême droite belge, souvent sans succès), dont un, qui
est devenu plus important, le Vlaams Belang, créé en 1978. Ce parti a obtenu jusqu’à 15% de
l’électorat belge, avant de décliner au profit de la NVA. C’est devenu un parti réellement pertinent,
qui possède un réel pouvoir de perturbation et de pression sur le jeu politique.
On observe cependant une réelle asymétrie entre les sphères wallonne et flamande : il
n’existe aujourd’hui plus d’équivalent au VB en Wallonie.

1 On parle de PDRP : partis de droite radicale populiste

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D. Bilan de l’offre partisane belge


En Belgique, il n’existe plus, à l’heure actuelle, de grand parti dominant : les partis classiques
ont peu à peu décliné, au profit de plusieurs partis protestataires.
En Wallonie, les socialistes regroupent 26 % des voix, et l’on a 6 partis saillants qui ont
prétention à influencer le jeu politique, et peuvent avoir accès à des coalitions. Le système est
davantage multi-partisan qu’auparavant, avec un déclin des partis classiques. Ce déclin n’est pas
spectaculaire cependant, surtout par rapport à d’autres pays européens.
En Flandre, c’est la même logique, mais en plus spectaculaire. Le CD&V, parti historiquement
dominant avec 60 % dans les années 1950-1960, a chuté, et l’on observe un regroupement de 7
partis pertinents, qui peuvent tous prétendre à peser dans le jeu politique, comme notamment la
NVA et le Vlaams Belang. La NVA est aujourd’hui, depuis une dizaine d’années, le parti le plus
important, qui joue un rôle de perturbateur.
La Flandre revêt un aspect spectaculaire, où l’agrégation des scores électoraux des trois partis
classiques (CD&V, SPA et OpenVLD) est passé à moins de 40 %.
On a donc aujourd’hui en Belgique un multipartisme exacerbé, avec des partis qui ont des
difficultés à former des coalitions, des partis classiques affaiblis, et des nouveaux partis aux
idéologies relativement extrémistes, qui sont souvent opposés au système de consensus, surtout
en Flandre. La situation est d’ailleurs plus préoccupante au nord du pays, où la formation de
coalitions est très compliquée au niveau fédéral.
La structure électorale est spatialement très différente entre la Wallonie et la Flandre.
VOIR CARTE DES RÉSULTATS ÉLECTORAUX
Très peu de pays sont comparables à la Belgique en termes d’éclatement des affiliations
politiques. La Suisse l’est globalement, à cause de sa structure cantonale, ainsi qu’Israël, où la
formation de coalitions est très ardue à cause d’un grand multipartisme, ou encore les Pays-Bas et
la Finlande. Il y a en Finlande une tradition de gouvernement minoritaire, ce qui n’est pas du tout
accepté en Belgique, où l’on a une culture de la majorité.

II. Modèles et déterminants de vote


Au sein des déterminants de vote en Belgique, on distingue le vote structurel, et le vote sur
enjeux.

A. Le vote structurel
L’image générale, est, qu’en Belgique, le pourcentage du vote expliqué par le vote structurel,
est en baisse : seulement 40% des votes peut être expliqué par cela, et l’on vote de plus en plus sur
base d’enjeux ponctuels liés à l’élection. Cela signifie qu’il devient de plus en plus difficile de prédire
le vote des citoyennes en fonction de leurs caractéristiques :
 l’âge n’est plus un très bon indicateur, même si les jeunes électeurrices sont plus mobiles,
votant tantôt pour un parti, tantôt pour un autre, et votent davantage pour des partis moins
classiques
 le genre est de moins en moins une variable unique pouvant déterminer le vote, mais ce qui
est plus important est l’entrecroisement entre le genre et l’activité économique
Ainsi, les femmes au foyer votent davantage à droite par exemple. Les femmes sont également plus
pratiquantes religieuses en moyenne, ce qui joue aussi sur les votes.

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 la classe sociale subjective joue encore un rôle


Se sentir ouvrier ou membre de la classe moyenne peut influencer le vote vers le PS, le PTB, ou bien
le MR.
 le syndicalisme reste important afin de prédire le vote vers le PS ou le CDH
 la religion ne rassemble que 7 à 8% des belges, mais permet de prédire le vote,
Les pratiquantes votent plutôt pour le CDH ou le CD&V pour les catholiques, ou le PS pour les
musulmanes (ce qui se joint à un statut socio-économique plus faible).

B. Les votes pour des candidates spécifiques


Jusqu’à il y a 20 ou 30 ans, les électeurrices votaient en case de tête, ou pour la première
personnalité politique sur la liste. Ce comportement est de moins en moins fréquent, et les
électeurrices votent davantage à la carte. Le poids des partis politiques dans l’ordre des individus
qui sont élus est aussi de moins en moins important. Plus de 95 % des élues étaient auparavant
élues selon l’ordre, et plus que 85 % aujourd’hui.

C. Le vote sur enjeux


Auparavant, il y a 20 ou 30 ans, il n’existait que deux enjeux classiques prédominants : la
lutte sociale, et la question communautaire.
Aujourd’hui, il est possible de distinguer, en Belgique, trois types d’enjeux qui peuvent
influencer le vote :
 les enjeux classiques pilarisés : luttes sociales
 les enjeux classiques non-pilarisés : autonomie et centralisation
 les nouveaux enjeux : post-matérialisme, environnement, immigration, ...
Les nouveaux enjeux conjoncturels, qui ont un poids croissant, bénéficient des partis verts et des
partis radicaux, et rendent l’électorat belge moins stable qu’auparavant, rajoutant un élément de
difficulté dans la prévision des résultats électoraux.
Cela est d’autant plus vrai qu’a été instauré, dans les années 1990, un seuil de 5 % afin de siéger
au sein des assemblées législatives. On a maintenant une série de partis politiques, comme le CDH,
le SPA, l’OpenVLD, ou encore Groen, qui s’approchent du seuil de 5 % dans certaines circonscriptions,
et qui pourraient au final perdre toustes leurs élues dans certaines circonscriptions électorales
au profit de partis moins traditionnels. Le seuil devait permettre d’égaliser les chances et de ne pas
permettre aux partis perturbateurs d’accéder au pouvoir, ce qui a quand même eu lieu.

III. Conclusion
Le système électoral est belge est marqué de contrastes, dans le sens où le système
électoral flamand est très fragmenté et éclaté, et que les partis antisystèmes (majoritairement de
droite) ont un poids majeur et de plus en plus important en Flandre.
La volatilité électorale est également plus importante en Flandre qu’en Wallonie, où le PS a mieux
survécu que les partis classiques flamands.
On peut observer une érosion des déterminants structurels classiques du comportement
électoral, de plus en plus de choses rentrent en compte, et les enjeux changent. Cela rend le système
et la formation de coalitions très complexes, d’autant plus que les élites politiques ont des
comportements de moins en moins consociatifs. Ce système de vote structurel fait place à un vote
conjoncturel, moins stable politiquement.

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Chapitre 4 : Les transferts de voix entre partis en Wallonie

La seule manière de savoir si un parti a gagné ou perdu des électeurs se fait au niveau micro,
en observant les transferts de voix entre les différents partis au sein du paysage politique.

I. Méthodologie et concepts
A. Enquêtes et questions
Afin d’étudier le transfert de voix entre partis, il est nécessaire de faire des enquêtes au
niveau micro : une pré-électorale et une post-électorale, en demandant ce qu’on vote ou ce que l’on
a voté à cette élection, ainsi que ce qu’on a voté auparavant.
Cela permet de voir les électeurs mobiles, les movers, et ceux dont le vote reste stable, les stayers.

B. Le modèle « movers-stayers »
Il y a une fausse stabilité dans les partis, qui perdent des électeurices au profit d’autres
partis, tout en en gagnant au détriment d’autres partis. En Wallonie, seulement 25 % des électeurs
passent d’un parti à un autre, tandis qu’en Flandre, la part des électeurices volatiles est de 35 %.
Plus le niveau d’éducation d’un électeur est élevé, plus il aura tendance à voter de manière
stratégique. L’enquête RepResent a montré qu’il y a un plus grand pourcentage de vote stratégique
lorsqu’il y a plusieurs élections en même temps.

C. La volatilité électorale
La volatilité électorale désigne la tendance qu’ont les électeurices à changer d’affiliation
à un parti politique entre deux échéances électorales. On distingue la volatilité individuelle et la
volatilité agrégée. Cette dernière est plus faible que l’individuelle.

D. La décision électorale en fonction du temps


En plus de la volatilité électorale, il faut mentionner le last-minute swing, qui est un
basculement électoral de dernière minute.
Jusqu’à il y a 20 ou 30 ans, la plupart des électeurices faisaient leur choix bien avant les élections.
Aujourd’hui, environ 20 à 30 % sont susceptibles de changer d’avis au dernier moment, en fonction
du déroulement de la campagne notamment.
Les enquêtes électorales sont alors de moins en moins fiables. On a donc des électeurrices
structurées, et environ 25 % d’électeurrices moins fiables, moins structurées.
Le non-vote reste quelque chose de marginal en Belgique, et s’explique par des individus qui
sont empêchés d’aller voter, et n’est donc pas un comportement actif, militant. Cela est notamment
dû au fait que le vote soit obligatoire. Dans d’autres pays, le fait de ne pas aller voter est parfois une
manière de montrer son mécontentement.
Cette proportion de non-vote a augmenté depuis 20 ou 30 ans (passant de 8% à 15%), dû au
vieillissement de la population, mais également à un rejet de la politique, qui peut mener à la
manifestation de son mécontentement par l’abstention (environ 3%). La plupart des gens qui sont
mécontents votent quand même, mais alors pour des partis plus radicaux.

II. Résultats

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A. Volatilité individuelle et agrégée entre les partis


VOIR DONNÉES

B. L’influence des « affaires »


On a eu en Belgique divers scandales politiques, comme Nethys. Ces scandales ont un
impact électoral, mais de manière ponctuelle : s’il y a un mécanisme de name and shame, identifiant
un parti spécifique, alors ce parti perd ponctuellement des électeurrices, et les voix se répartissent
vers ailleurs. Cela n’a pas d’impact au long terme. En revanche, si l’affaire touche à plusieurs partis
un peu indistinctement, comme l’affaire Nethys, alors on observe une augmentation des voix pour
des partis moins classiques.

C. L’influence de la crise
Lors des crises économiques, comme en 2008-2012, il n’y a pas d’impact direct sur le
comportement électoral, mais l’effet indirect est une plus grande issue saliency des enjeux socio-
économiques, les bread and butter issues. Ainsi, les partis qui s’intéressent à ces enjeux, comme
les partis socialistes ou libéraux, bénéficient d’une plus grande visibilité lors de la campagne
électorale.

D. La campagne électorale
Beaucoup d’études belges ont montré que la campagne électorale n’avait pas de grand effet
sur le choix des électeurs.
Cependant, la communication politique non maîtrisée par les partis, peut avoir un effet important.
On a même montré que les campagnes pouvaient avoir un effet contre-productif pour les
élections : l’électeurrice est dans le flou et ne sait pas situer chaque parti sur des enjeux précis.
Des messages contradictoires sont également parfois transmis par les partis politiques au sein des
campagnes électorales. Ainsi, à part pour les individus très politisés et informés, les campagnes
brouillent les idées des électeurs, ce qui peut réduire la prévisibilité des votes.
Des individus ont été interrogé dans un test électoral, et on leur a demandé dans quelle mesure ils
pouvaient classer les partis sur une série d’enjeux concrets. À mesure que la campagne progressait,
les individus savaient de moins en moins le faire.

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Chapitre 5 : Elites et citoyennes en Belgique : quelle congruence ? La « question identitaire » et


la réforme de l’État

La démocratie belge rencontre deux grands problèmes : la relation entre élites et


citoyennes, et la forme que va prendre l’État, qui est une conséquence du clivage centre-périphérie.
Une série de travaux, dont ceux de Voyé, ont démontré qu’il y a réellement une belgitude, une
manière d’être belge, au niveau des valeurs profondes et des modes de vie, aussi bien en Wallonie
qu’en Flandre ou qu’à Bruxelles. En revanche, sur les questions politiques, il y a des différences, qui
sont plus importantes entre les élites flamandes et wallonnes et les citoyennes.

I. La saillance, ou saliency
Dans une étude, Baudewyns et De Winter se sont demandé dans quelle mesure les questions
liées à la forme de l’État sont des questions saillantes pour les élites et les citoyennes belges.
Pour les électeurrices, beaucoup d’autres enjeux, comme la sécurité sociale, l’emploi, la santé,
l’éducation, … sont beaucoup plus saillants que les questions de réforme de l’État, dans une mesure
différente en Flandre et en Wallonie.
Pour les dirigeantes par contre, c’est tout autre chose : près de 24 % des élues flamandes et
près de 20 % des élues francophones considéraient cela comme l’enjeu le plus important.
Les enjeux de réforme de l’État sont alors beaucoup plus portés par les élites politiques que par les
citoyennes. La saillance est alors plus grande auprès des élues qu’auprès de la population.

II. Identité(s)
À quelle entité les belges se sentent iels attachées ? Les individus doivent dire dans quelle
mesure ils se sentent appartenir à la Wallonie, à la Belgique francophone, à la province, à la ville, ou
autre. Est mise en œuvre ici la question Moreno, qui consiste à ordonner les différentes identités,
qui ne sont alors pas opposées mais peuvent se combiner.
VOIR TABLEAU
À la fois les citoyennes wallonnes et les élites politiques wallonnes se sentent avant tout
belges. Il y a donc un alignement et une bonne congruence entre les électeurices et les élites. Très
peu (environ 15%) se sentent wallons ou francophones avant tout. De nombreuxses élues (25%)
sont aussi attachées à leur ville ou leur localité, tout comme 20% des citoyennes.
En Flandre, pour les électeurrices, la première identité (mais beaucoup moins forte qu’en
Wallonie), est belge. Du côté des élites flamandes, usuellement 40 % se sentent d’abord belges, et
beaucoup se sentent flamandes.
Ce qui est important c’est que pour les citoyennes flamandes, les identités belge et
flamande ne sont pas opposées, contrairement à ce que pensent les élites politiques flamandes.
Les élues poussent donc l’agenda flamand vers une prise de décision politique davantage
régionaliste que ne le voudrait la population. Il y a donc un réel décalage entre les élites et la
population flamandes.
Cela signifie qu’aujourd’hui, si les élites politiques flamandes pouvaient décider, elles choisiraient
une autonomie de la Flandre, mais les électeurrices ne suivraient pas. C’est donc pour cela que
Bart de Wever doit freiner l’aile la plus radicale de son parti, sachant que la cession de la Belgique
ne passerait pas pour les électeurrices.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

On observe donc une double asymétrie : les élites politiques flamandes sont beaucoup plus
régionalistes que les élites wallonnes, mais sont également plus flamandes que leur peuple. Cela a
un vrai impact sur la politique. Cela veut dire aussi que les élites wallonnes sont en bonne
congruence avec leur population, contrairement aux élites flamandes.
Il y a tout de même un déficit d’identité wallonne en Belgique, ce qui crée un problème de légitimité
des élues politiques en Belgique francophone.

III. Les préférences institutionnelles


Une question stressante est comment les citoyennes belges voient leurs institutions
politiques à l’avenir. L’option de la scission du pays est la moins privilégiée, tant en Flandre qu’en
Wallonie, mais des tendances divergentes assez nettes apparaissent.
En Wallonie :
 environ 45 % des wallonnes sont près à un retour à une Belgique unitaire,
 moins de 22% sont pour un Etat fédéral avec plus de compétences
En Flandre :
 près de 50 % des citoyennes flamandes sont favorables à un État fédéral plus fort
 seulement 11% veulent un retour à la Belgique unitaire
 20% préfèrent un statu quo
On observe donc des différences flagrantes dans les préférences institutionnelles des belges, en
Flandre et en Wallonie.

IV. Conclusions
A. L’asymétrie
Le premier mot clé est l’asymétrie : en Belgique, on voit des différences profondes entre le
Nord et le Sud du pays, qui sont contrastés en termes :
 de richesse du pays (Flandre > Wallonie)
 de démographie (Flandre > Wallonie)
 de rapports de force politiques (centres de gravité : Flandre à droite et Wallonie au centre-
gauche)
 de sentiment d’appartenance
...
On a donc deux sociétés similaires mais qui s’opposent politiquement.

B. Le groupe PAVIA
Le groupe PAVIA a été créé par des universitaires wallons et flamands, et qui tente de créer
une circonscription fédérale, avec des élues qui parleraient au pays dans son entièreté, ce qui
modérerait ce clivage Nord-Sud.
Cette idée reçoit une grande méfiance, voire une hostilité en Flandre, malgré des négociations de la
part d’élues wallonnes.
C. La faible congruence des élites-masses en Flandre
Les élites flamandes sont peu congruentes avec leurs citoyennes. Les politiques, qui sont
elite-driven peuvent alors mener à des conflits politiques importants, notamment sur la question
identitaire, étant donné que les élites font pression, plus que les citoyennes.

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C’est la même chose qu’au Pays Basque et qu’en Catalogne, où les pressions sont effectuées par
les élites, même si maintenant les électeurrices catalanes sont de plus en plus en faveur de
l’indépendance.

D. Le réalignement graduel des clivages


Les clivages étaient auparavant cross-cut, mais on observe aujourd’hui un phénomène de
réalignement des clivages.
Cela génère une Flandre davantage pro-flamande, socioéconomiquement à droite, face à une
Wallonie pro-Belgique, et socioéconomiquement à gauche.
Cela explique l’impossibilité qu’il y a de faire converger la NVA et le PS sur le plan fédéral au sein
d’une coalition, étant donné qu’ils s’opposent sur ces deux points de vue. Les élites n’ont, en plus,
aucun intérêt à faire des compromis.

E. Le blocage des compromis à la belge


Une des conditions permettant à la démocratie consociative de fonctionner, est les
négociations entre les élites. Mais encore faut-il qu’elles y trouvent un intérêt. Cela est renforcé par
le fait qu’il y a un renouvellement des générations en politique, et une majorité des plus jeunes élites
est d’abord passée par la politique régionale et locale, et non fédérale. Elles se voient alors avant
tout comme les soutiens d’une politique régionale, et non d’un système de négociation et de
compromis à la belge.
La pratique même du consensus est donc remise en cause, ce qui peut mener à des
situations de blocage, et il y a peu de raisons de penser que cela va changer à court terme. La
démocratie de consensus à la belge, qui était un modèle, est aujourd’hui cassée.
Ce qu’on ne peut pas attendre à court terme en Belgique est cependant des situations de
conflits et de violences physiques, étant donné qu’il n’existe pas de milices, … mais un blocage est
possible.

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Système politique et administratif de la Belgique


Partie 2
Lieven De Winter

Chapitre 1 : Le système électoral belge

I. La portée et la fréquence des élections


A. La portée des élections
1. Les élections aux niveaux fédéral, régional, provincial et communal
Les élections de la Chambre, des assemblées régionales (y compris de la Communauté
germanophone) ainsi que provinciales et locales, se font de manière directe pour l’entièreté des
élues. Cela n’a pas d’impact direct sur la composition de l’exécutif fédéral, régional et provincial,
sauf dans le cas des élections communales en Wallonie (ainsi qu’en Flandre à partir de 2024).
Pour ce qui est su Sénat, jusque 2010, une partie des sénateurices était élue directement. Ce n’est
plus le cas aujourd’hui. Ainsi, les parlements des Communautés et Régions envoient 50 membres
sur la base de leurs résultats électoraux :
 29 membres du Parlement flamand
 10 membres du Parlement de la Communauté francophone
 8 membres du Parlement wallon
 2 membres du groupe francophone du Parlement bruxellois
 1 membre d Parlement de la Communauté germanophone
Ces sénateurs cooptent, par la suite, 10 sénateurices sur la base des résultats électoraux à la
Chambre des Représentants.
2. La démocratie directe
Depuis 1994, les consultations populaires sont permises au niveau local, mais également
depuis 1999 au niveau provincial, malgré que cela n’ait jamais été utilisé, et depuis mai 2019 en
Wallonie. Les consultations populaires ont déjà été pratiquées au niveau local (30 en Wallonie et 20
en Flandre), avec un succès variable. Nous pouvons retrouver un caractère fort « NIMBY » (Not In My
Back Yard), qui ne poursuit alors pas l’intérêt général.
3. L’élection quasi-directe des bourgmestres en Wallonie
En Wallonie, le ou la candidate de la liste prédominante dans l’exécutif communal (par
mono-liste ou liste de coalition) qui obtient le plus de voix de préférence devient bourgmestre. On
parle d’élections quasi-directes puisque le parti prédominant peut être exclu de l’exécutif communal.

B. La fréquence des élections


1. La fréquence des élections
Niveaux de pouvoir Fréquence
Fédéral (Chambre et Sénat avant 2014) 4 ans
Chambre (depuis 2014) 5 ans
Régional 5 ans
Communal 6 ans
Provincial 6 ans
Europe 5 ans

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

2. Synchronisations et séparations
Les élections tentent de se synchroniser entre les différents niveaux de pouvoir : les
élections régionales et européennes, depuis 1999, sont synchrones, tout comme les élections
communales et provinciales. L’accord gouvernemental Di Rupo, « accord papillon », en 2011, a posé
une resynchronisation des élections pour la Chambre, les assemblées régionales et européennes,
afin d’éviter la fièvre électorale ainsi qu’une campagne permanente empêchant la prise de décisions
courageuses mais impopulaires.
Par ailleurs, il est interdit, en Belgique, de figurer sur différentes listes : en 2010, les trois quarts
des députés du Parlement flamand figuraient sur les listes législatives. On observe donc un
(con)fusion des niveaux et un levelhopping des candidates entre les différents niveaux de pouvoir.

II. Le droit de suffrage


A. L’étendue du droit de suffrage
A l’origine, la Belgique pratiquait un suffrage censitaire : en 1830, seulement 1% de la
population pouvait voter. Entre 1893 et 1919, une période de transition a mis en place un vote plural
censitaire et capacitaire, afin d’aboutir, en 1919, au suffrage universel masculin. Le suffrage
universel féminin n’a été acquis qu’en 1948, parallèlement à une réduction de l’âge minimum de vote.
Le droit de vote des étrangerères à été établi en 2004 pour les niveaux communal et européen,
tandis que les Belges résidants à l’étranger ont la possibilité de voter au niveau fédéral depuis 1998.
VOIR TABLEAUX DE DONNEES

B. L’obligation du vote et sa suppression éventuelle


1. L’obligation du vote
L’obligation du vote, en Belgique, a été introduite en même temps que le « suffrage universel
tempéré », afin de lutter contre l’absentéisme (majoritairement rural) et les manipulations.
Avant cela, la participation variait beaucoup, entre 30% et 40%. Depuis 1894, date à laquelle
l’obligation de vote a été introduite, le taux d’abstention tourne autre de 5% à 10%. Ce système est
donc très efficace et garantie la représentativité des citoyennes.
VOIR GRAPHIQUES
On peut observer des écarts importants et assez stables de participation électorale entre la Flandre
et Bruxelles, avec une position intermédiaire de la Wallonie et de la Communauté germanophone.
VOIR GRAPHIQUES
Pour ce qui est des votes blancs et nuls, leur taux est élevé en Wallonie, ce qui est probablement
dû à l’usage généralisé du vote papier. Le vote électronique rend le vote nul techniquement
impossible, et le vote blanc un peu plus difficile.
VOIR TABLEAUX DE DONNEES
En 2019, aux élections à la Chambre des Représentants, l’absentéisme s’élevait à 10% et les votes
blancs et nuls à 6,7%, ce qui donne un total de « non-votes valides » de près de 17%. Cela peut être
dû au vieillissement de la population, à la proximité du niveau politique, et à l’informatisation du
vote.

2. L’éventuelle suppression du vote obligatoire


La suppression du vote obligatoire a des effets potentiels sur :
 le degré de participation des différentes catégories sociales

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

 les rapports de forces entre partis


 la lutte contre les partis extrémistes
 la représentativité des élues et la légitimité du système représentatif
En cas de suppression, la participation électorale baisserait jusqu’à représenter plus ou moins 2
personnes sur 3. Certaines catégories sociales, comme les moins instruites, les femmes, les
personnes isolées ou les personnes à statut professionnel bas seraient également sous-
représentées.
VOIR TABLEAUX ET GRAPHIQUES
La suppression du vote obligatoire pourrait potentiellement avoir des effets sur les scores
des partis. En Flandre, cela aurait des effets mineurs, sauf pour le VB, Groen (au niveau européen)
et la NVA (au niveau fédéral). En Wallonie, les effets seraient plus vastes : le PTB et le MR y
gagneraient à tous les niveaux, et les Ecolos, plus modestement, au niveau européen.

C. Les critères d’éligibilité


Il existe, en Belgique, plusieurs critères d’éligibilité au niveau fédéral, permettant donc de
pouvoir se faire élire :
 être belge (ou ressortissant de l’UE pour les élections européennes)
 jouir de droits civiques et politiques
 avoir 21 ans (ou 18 ans au niveau régional)
 être domicilié dans le « territoire que l’on veut représenter »

III. Les circonscriptions électorales


Le nombre et la taille des circonscriptions électorale en Belgique sont variables. Jusqu’en
2003, le pays comptait 20 arrondissements (comportant de 2 à 22 sièges) et 150 représentantes2.
Depuis, on compte 11 circonscriptions (de 4 à 24 sièges). Le nombre de sièges par circonscriptions
électorales et calculé en fonction de la population.
Les circonscriptions régionales et fédérales ne coïncident pas toujours.

IV. L’anonymat du vote


D’après les articles 62 et 68 de la Constitution, « le vote est obligatoire et secret ». Ce
principe a été introduit avec le suffrage universel tempéré. Auparavant, certaines mesures strictes
garantissaient déjà un certain anonymat.
L’utilisation des ordinateurs et l’assistance aux computer illiterates posent des problèmes.
Les suffrages sont exprimés électroniquement, et ce sont des systèmes informatiques et des
informaticiennes qui effectuent les vérifications, et non les citoyennes. Il peut donc y avoir de
nombreux bugs et hackings. En février 2016, le gouvernement wallon a donc décidé de ne plus
utiliser le vote électronique. A partir de 2018, le vote papier s’effectue à tous les niveaux en Wallonie,
alors qu’en 2014, 49% de l’électorat belges votaient par ordinateur (58% en Flandre, 100% à
Bruxelles, et 20% en Wallonie).

2 Avant 1993, il existait 30 arrondissements et 212 représentantes.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

V. La formule électorale
Jusqu’en 1899, les élections belges se font au scrutin majoritaire. Depuis, elles se font
plutôt au scrutin proportionnel.
Il existe un ou plusieurs niveaux territoriaux de calcul de sièges : jusqu’en 1993, était en place le
calcul à double niveau avec le système de l’apparentement provincial.
L’électeurrice peut exprimer son vote ou sa préférence pour un candidat ou un parti de deux
manières :
 en votant en tête de liste, marquant son accord avec l’ordre des personnes dans le parti
 en votant pour une ou plusieurs personnes dans la même liste
Le vote de préférence est ainsi plural, et correspond au nombre de sièges à attribuer dans la
circonscription. Le panachage, qui consiste à voter pour des candidates de listes différentes, est
interdit.
Il existe des seuils de vote, en dessous desquels les candidates ne peuvent pas obtenir de
siège : ceux-ci sont à 5% depuis 2003 au niveau de la circonscription.

VI. La distribution des sièges


A. La distribution des sièges entre partis
La méthode d’Hondt est une méthode servant à répartir les sièges entre partis, en fonction
des voix obtenues.

Cette méthode consiste à l’attribution du premier siège au parti A, qui a le plus de voix. Chaque fois
qu’on attribue un siège à un parti, on divise par 2 (puis 3, puis 4, ...). On compare ensuite ce qu’il
reste, avec les résultats des autres partis.
La méthode Imperiali, elle, est un système qui favorise encore plus les grands partis. Elle a
été créée par un sénateur catholique, dans le but de limiter la représentation des petites listes en
prolifération après l’introduction du suffrage universel masculin en 1919.

B. Les votes de préférence, une évolution récente étonnante ?


VOIR GRAPHIQUES
Le déclin depuis 2003 est en contradiction avec la personnalisation de la politique observée
en Europe et en Belgique depuis plusieurs décennies dans la littérature scientifique.
38
Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Les leaders électoraux demeurent toujours aussi attractifs pour les électeurs. Dans les
circonscriptions où les leaders électoraux sont candidates, la proportion de votes préférentiels est
restée stable depuis 2003. En revanche, là où aucun grand leader n’est sur la liste, les votes de
préférence sont en nette baisse.
Par ailleurs, nous pouvons constater une nette baisse des performances électorales des partis
traditionnels (démocrates-chrétiens, socialistes et libéraux) au profit de formations plus jeunes
(NVA, PTB-GO, PP, ECOLO, Groen). Or, les partis traditionnels peuvent s’appuyer sur un plus grand
nombre de députées sortantes et d’élues locaux qui attirent les voix de préférence. Nous
pouvons donc observer une réduction du nombre de candidates populaires pouvant figurer sur les
listes pour attirer de nombreux votes préférentiels : l’interdiction des multiples candidatures aux
régionales, fédérales et européennes par une même personne, ainsi que la limitation du cumul
mandats locaux et régionaux en Wallonie y ont un rôle.
Enfin, nous nous dirigeons de plus en plus vers une « présidentialisation » des partis politiques : les
présidentes de partis et quelques top leaders captent l’attention des médias et des électeurrices,
et restent les « faiseureuses de voix ». La personnalisation se déplace de tous les candidats vers
quelques figures de proue.

C. La distribution des sièges au sein des partis


1. L’attribution des sièges et des voix de préférence avant 2003

Dans ce tableau, Franky, qui est tête de liste, est le moins populaire de la liste. Afin de
distribuer les sièges au sein du parti, on prend alors le chiffre électoral du parti (c’est-à-dire
l’ensemble des votes soit en tête de liste, soit pour un ou plusieurs candidats du parti), que l’on
divise par le nombre de sièges obtenus +1. On obtient alors 12 000, qui est le chiffre qu’il faut
obtenir pour pouvoir siéger. Franky en a obtenu 3000, et il va alors puiser 9000 dans le réservoir des
votes en tête de liste, afin d’obtenir les 12 000. Michel fait le même raisonnement : il puise 7000,
Albert pareil. Ainsi, avant 2003, c’était principalement les candidates en tête de liste qui étaient
élues. Seulement 1% des parlementaires avaient été élues alors qui n’étaient pas en tête de liste.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

2. L’attribution des sièges et des voix de préférence après 2003

Depuis 2003, l’attribution des sièges se fait différemment. Désormais, seulement 50% des
votes en tête de liste sont attribuables. Cela permet aux personnes qui ne sont pas en tête de liste
d’être élues. Cette méthode casse l’ordre utile et augmente l’impact du vote de préférence. Mais cet
impact reste quand même relativement faible. Pour preuve, à la Chambre, sur les 150 députées,
environ 15 ont gagné leurs sièges en vertu du vote préférentiel.
En Wallonie, depuis 2018, l’attribution se fait uniquement en fonction des voix de préférence
pour les élections communales, tandis qu’en Flandre, elle se fait en fonction sur système fédéral,
avec une réduction à un tiers du réservoir des votes en tête de liste. On observe donc un
empowerment des votes de préférences.

D. Les quotas gender


1. La parité femmes-hommes
La loi Smet-Tobback, votée en 1994, passage des deux tiers-un tiers à la parité, à la tirette
intégrale, ou système « chabada ». De plus, la révision de la Constitution de 2002 introduit le
principe de droit fondamental à l’égalité des hommes et des femmes. Une autre loi prévoit également
la présence de femmes dans les exécutifs (au moins une), du niveau local au niveau fédéral. Dans
les communes de RBC, on s’oriente vers un tiers d’échevines obligatoires à partir de 2018.
2. Les femmes au Parlement
En 1994, des quotas de répartition entre hommes et femmes sur les listes de candidates
ont été introduits dans le Code électoral. La loi dite Smet-Tobback dispose qu’au maximum deux
tiers du total des places de la liste devaient être occupées par des candidates d’un même sexe.
La loi électorale du 13 décembre 2002 ajoute que depuis 2003, les listes doivent comporter autant
de femmes que d’hommes. En outre, les deux premierères candidates de la liste ne peuvent être
du même sexe.
Les dispositions légales ont abouti à l’effet escompté : 39% des membres de la Chambre sont à
présent féminins, contre 10% dans la période allant de 1974 à 1995. En 2018, durant les élections
communales wallonnes, la tirette intégrale est généralisée pour toute la liste, cela met fin à un effet
dévolutif.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Chapitre 2 : Le système de partis belge

I. D’un système de partis unique, à deux systèmes de partis distincts


On désigne système de partis, un ensemble de partis qui agissent à un certain niveau, qu’il
soit communal, régional, ou encore fédéral. Les partis sont en concurrence mais doivent coopérer,
notamment via la formation de coalitions.
En Belgique, l’unique système de partis s’est transformé en deux systèmes de partis
distincts, par :
 la scission des partis traditionnels
 l’émergence des partis régionalistes dans les années 1960
 l’émergence des partis écologistes dans la fin des années 1970, du Vlaams Block et de
l’UDRT
Le nombre de partis a donc beaucoup évolué. Ainsi, le premier parti du pays ne représente plus
désormais qu’une petite partie de l’électorat. Il n’existe alors plus de partis nationaux, mais que des
partis régionaux, et donc deux systèmes de partis.

II. La volatilité électorale


L’électorat belge est devenu de plus en plus volatile, mais notons tout de même que la
volatilité réelle est trois fois plus importante que la volatilité officielle. Ainsi, en 2010, officiellement
16% des belges avaient changé de parti, mais, en réalité, cela représentait plus de la moitié de
l’électorat.
Les partis flamands et wallons font face à des différences de volatilité : en Flandre, elle est presque
deux fois plus importante qu’en Wallonie. Cette volatilité est notamment due au mouvement des
partis traditionnels vers les nouveaux partis.
VOIR GRAPHIQUES

III. Système(s) de partis et formation du gouvernement


La composition d’une coalition, en Belgique, dans le but d’atteindre le pouvoir, dépend
notamment de :
 la taille parlementaire des partis : size matters
 la proximité idéologique des partis sur différents clivages, et la pertinence actuelle des
clivages : ideology matters
 le sort des partis aux élections : elections matter
 l’expérience des partis dans le(s) gouvernement(s) précédent(s) : history matters
 les enjeux de la formation des exécutifs fédérés : multilevel matters
La pertinence de chaque facteur peut varier cependant d’une formation à l’autre.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Chapitre 3 : La formation et le maintien des gouvernements

Le processus de la formation d’un gouvernement belge est le plus complexe des pays de
l’Union Européenne, et est donc devenu le processus décisionnel le plus crucial dans le système
politique belge étant donné que lors de la formation d’un gouvernement, les politiques publiques sont
décidées lors d’un accord gouvernemental. Plus le nombre de partis est important, plus il est
compliqué de former un gouvernement et des accords.
L’enjeu dépasse également la distribution de postes ministériels, lors de la formation d’un
gouvernement : jusque dans les années 1990, on distribuait aussi des postes de l’administration
publique, dans des entreprises semi-parastatales, dans l’enseignement public, … Il fallait donc
décider de la clé de répartition.

I. Les composantes de la complexité de formation des gouvernements


A. Le nombre de participantes
Le nombre de participantes autour de la table, dans les années 2010, a connu un record,
avec 9 partis. On ne peut pas inclure toutes les intéressées, puisque sinon il ne reste plus
personne dans l’opposition. Il y a donc ce problème que tous les partis belges sont intéressés
d’entrer dans le gouvernement, selon certaines conditions dépendant de leurs opinions politiques.
C’est la raison pour laquelle il existe un cordon sanitaire.

B. Le nombre de clivages et de domaines politiques pertinents


Le nombre de clivages et la saliency sont importantes dans la formation du gouvernement.
Les clivages gauche-droite, laïque-catholique, communautaire, matérialiste-postmatérialiste, ...
sont de pertinence variable. Leur présence influence la recherche de partenaires : les coalitions se
forment avec des partis proches dans nos positions sur un clivage particulier.

C. La mise en cause régulière de la forme de l’Etat


En Belgique, le rôle de l’Etat est régulièrement remis en cause, et des partis
indépendantistes, comme le Vlaams Belang et la NVA, prennent de plus en plus de puissance.
Comment faire un gouvernement si certains partis refusent de fonctionner comme cela ?

D. Le caractère multilevel de la formation du gouvernement


La formation du gouvernement, en Belgique, revêt un caractère multilevel, entre fédéral,
régional et communautaire, ce qui nécessite de former des coalitions à symétrie horizontale ou
verticale : on essaie de mettre en place les mêmes coalitions à tous les niveaux de pouvoir.

E. Deux systèmes de partis indépendants et asymétriques


La Belgique est marquée par deux systèmes de partis indépendants et partiellement
asymétriques. Les différences de composition de ces derniers proviennent probablement d’une
opinion publique différente.
Ainsi, toute la campagne de la NVA se base sur la volonté de former un gouvernement sans le PS, ce
qui crée une grande tension entre ces deux partis.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

F. La pression internationale
La Belgique souffre d’une pression internationale et européenne, étant donnée la taille de la
dette publique, qui est supérieure à 100% du PNB. Cela rend le processus de formation du
gouvernement très complexe.

II. Les causes principales de la complexité


La complexité de formation des gouvernements en Belgique est causée par de multiples
facteurs, tels que :
 la fragmentation du système politique, notamment par l’évolution du nombre de partis
 la volatilité électorale accrue

III. Des conséquences importantes


Cette complexité a des conséquences, notamment en termes de durée de formation du
gouvernement évidemment, mais également concernant :
 la prise de décision au sein du gouvernement : collective et consensuelle
 le rôle du Parlement et des parlementaires
 le rôle des partis et la démocratie interne au sein des partis de la majorité : discipline et
oligarchisation
 l’influence des électeurrices et des élections (relativement faible)
 la confiance dans les institutions et la légitimité du système

IV. Les facteurs facilitant les formations


Il existe des facteurs qui facilitent les formations des gouvernements, si l’on regarde
notamment les rapports de force parlementaires à la Chambre entre 1946 et 2010 :
 une famille pivot prédominante, le CVP/PSC (jusqu’à leur scission en 1968)
 un parti pivot prédominant : le CVP (de 1969 à 1999)
Le parti pivot joue le rôle de moteur des coalitions : il peut choisir entre un partenaire à gauche ou à
droite. Ce n’est cependant plus le cas aujourd’hui.
VOIR GRAPHIQUES

V. A la recherche du temps perdu ...


Depuis 1968, les négociations menant à la formation d’un gouvernement, ont, au total,
consommé presque cinq années entières, soit 1981 jours.
VOIR DONNEES

VI. Les accords gouvernementaux


VOIR SCHEMAS
Les accords gouvernementaux en Belgique sont extrêmement longs et détaillés. Le
gouvernement Di Rupo a dû intégrer un accord institutionnel (l’« accord papillon ») sur la forme de

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

l’Etat, dont la mise en œuvre en termes de lois a pris 1000 pages. Le gouvernement Michel a
cependant battu la longueur de cet accord sans aucun accord spécifique.
Le Belgique a connu 44 gouvernements depuis 1946, avec une durée moyenne de 554 jours, tandis
que dans le nouveau système, il peut durer 4 ou 5 ans. On a donc un gouvernement très instable. On
a un gouvernement si :
 la composition partisane change
Par exemple, le gouvernement Martens III est un gouvernement tripartite avec trois partis : ce qui
change, c’est l’arrivée des libéraux au gouvernement.
 la tenue d’élections législatives a bien lieu
 un changement du poste de premier ministre
 un gouvernement démissionne et que le roi accepte cela,
Un formateur doit alors être nommé afin de former un nouveau gouvernement.

VII. Le Conseil des ministres de 2014 à décembre 2018


A. Le Conseil des ministres de 2014 à décembre 2018 : le Kern (PM et Vices-PM)
Nom Parti Poste
Charles Michel MR Premier ministre
Kris Peeters CD&V Vice-PM ; Ministre de l’Emploi, de l’Economie et des
Consommateurs, chargé du Commerce extérieur
Didier Reynders MR Vice-PM ; Ministre des Affaires étrangères et européennes,
chargé de Beliris et des Institutions culturelles fédérales
Jan Jambon N-VA Vice-PM ; Ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, charge des
Grandes villes et de la Régie des Bâtiments
Alexander Decroo VLD Vice-PM ; Ministre de la Coopération au développement, de
l’Agenda numérique, des Télécommunications et de la Poste

B. Le Conseil des ministres de 2014 à décembre 2018 : les ministres ordinaires


Nom Parti Poste
Koen Geens CD&V Ministre de la Justice
Sophie Wilmès MR Ministre du Budget, chargé de la Loterie nationale
Maggie De Block VLD Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique
Johan Van Overtverldt N-VA Ministre des Finances
Denis Ducarme MR Ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des
Petites et moyennes entreprises, de l’Agriculture et de
l’Intégration sociale
Daniel Bacquelaine MR Ministre des Pensions
Marie-Christine Marghem MR Ministre de l’Energie, de l’Environnement et du
Développement durable
Steven Vandeput N-VA Ministre de la Défense, chargé de la Fonction publique
François Bellot MR Ministre de la Mobilité, chargé de Belgocontrol et de la
Société nationale des chemins de fer belges

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

C. Les Secrétaires d’Etat de 2014 à décembre 2018


Nom Parti Poste
Pieter de Crem CD&V Secrétaire d’Etat au Commerce extérieur
Philippe Debacker VLD Secrétaire d’Etat à la Lutte contre la fraude fiscale, à la
Protection de la vie privée et à la Mer du Nord
Zuhal Demir N-VA Secrétaire d’Etat à la Lutte contre la pauvreté, à l’Egalité des
chances, au Personnes handicapées et à la Politique scientifique,
chargé des Grandes villes
Theo Francken N-VA Secrétaire d’Etats à l’Asile et à la Migration, chargé de la
Simplification administrative

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Chapitre 4 : Parlement et parlementaires

I. Le Parlement belge
A. Hiérarchie, division du travail et ressources
En ce qui concerne la hiérarchie interne du Parlement, en Belgique, on trouve :
 lea Présidente (2011-2014 : Flahaut, PS ; 2014-2019 Bracke, NVA)
 la Conférence des présidentes de groupe
Notons la différence entre lea cheffe de file et lea présidente du parti. Lea cheffe de file est lea
ministre lea plus importante de sa couleur politique. Lea présidente de parti est lea cheffe de
l’organisation du parti. Parfois, une même personne peut avoir les deux rôles.
Pour ce qui est de la division du travail au sein de la Chambre des Représentants, elle
s’exerce entre :
 les commissions parlementaires
 les groupes parlementaires, où règnent discipline de parti et collégialité.
Enfin, les ressources humaines et matérielles disponibles au sein du Parlement belge sont
d’ordre :
 institutionnelles
 individuelles
 des groupes et partis.

B. Le ou la présidente du Parlement
Le ou la présidente du Parlement est le ou la représentante de la Chambre en tant
qu’institution, élue par l’assemblée plénière pour la durée d’une session (ce qui équivaut à un an).
En pratique, cette personne reste à son poste pour la durée de la législature, sauf en cas de
changement de gouvernement. Généralement, le ou la présidente fait partie de la majorité, puisque
son poste est inclu dans la répartition des portefeuilles. En concertation avec les présidentes des
groupes politiques, il ou elle dirige les activités de la Chambre : il maintient l’ordre pendant les
séances, demande l’avis du Conseil d’Etat, … Le ou la présidente a cependant une autorité et une
influence variable selon l’expérience, la personnalité et le statut de son parti.
La conférence des présidentes est composée :
 du ou de la présidente et des vices-présidentes de la Chambre
 des anciennes présidentes encore députées
 du ou de la présidente ainsi que d’une membre de chaque groupe politique
Une ministre chargée des relations avec la Chambre assiste également à ces réunions, afin de
communiquer les préférences d’agenda du gouvernement.
La Conférence délibère chaque semaine sur le règlement des travaux de la séance plénière, ainsi que
sur la coordination entre les différents organes de la Chambre (c’est-à-dire entre séances plénières
et commissions par exemple). Le but est de trouver un compromis délicat entre le droit de gouverner
de la majorité, et le droit de s’opposer de l’opposition, ainsi que les droits individuels des
parlementaires en termes de : temps de parole, de priorité des initiatives législatives sur l’ordre de
jour, de mise en question des ministres et des nominations aux postes importants au sein de la
Chambre.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

C. Les commissions parlementaires


Une part importante du travail parlementaire se fait également en commission
parlementaire. Celles-ci se chargent en grande partie du travail législatif préparatoire et du contrôle
du gouvernement. Chaque commission est compétente dans un domaine de politique publique bien
délimité, et ses membres sont et deviennent spécialisés dans le domaine en question. Composées
d’un groupe restreint de parlementaires, les commissions permettent de travailler d’une manière
plus efficace (et souvent plus consensuelle).
Le règlement accorde la priorité aux projets par rapport aux propositions de loi sur l’agenda des
commissions. Ainsi, en moyenne 70 à 80% des textes approuvés sont d’origine gouvernementale.
A la suite des discussions, le ou les rapporteurs (désignés pas leurs collègues commissaires)
dressent un rapport des travaux des débats, qui représente uniquement la vision de la majorité,
approuvée par un vote. Ce rapport est ensuite envoyé à l’assemblée plénière, qui prend une décision
finale.
Il existe plusieurs types de commissions parlementaires :
 les commissions permanentes
Leurs domaines de compétences sont la plupart du temps identiques à ceux des départements
ministériels.
 les commissions temporaires, instituées pour l’examen de projets ou de propositions de loi
 les commissions spéciales
 les comités d’avis, actifs sur des terrains spécifiques
 les commissions d’enquête
Les commissions d’enquête reposent sur des thématiques très larges, et peuvent permettre de
convoquer des témoins, les entendre sous serment et les confronter entre elleseux, demander des
documents, ordonner des perquisitions, ...
Les présidences, ainsi que le nombre de commissaires dans chacune des commissions et
des comités sont allouées de manière proportionnelle, par la méthode de la clé d’Hondt.
Il existe actuellement 11 commissions permanentes au sein de la Chambre, ainsi que 3 comités
d’avis. VOIR SLIDES/SYNTHESE
L’activisme semble être en hausse pour la plupart des indicateurs d’activisme législatif et
de contrôle. Cependant, cela mène à une surcharge de l’agenda des commissions, tout comme de
l’agenda de contrôle. Les questions orales sont alors souvent reportées aux semaines suivantes, ce
qui perd en pertinence vis-à-vis de l’actualité.
Les groupes parlementaires sont de plus en plus fragmentés, tout comme la composition
des commissions : dans la plupart des groupes, un à deux parlementaire(s) doi(ven)t suivre un très
large éventail de politiques publiques, ce qui nuit à la spécialisation des députées, à leur capacité
d’exercer leur fonction de contrôle de l’exécutif ainsi que d’amélioration et d’amendement des textes
législatifs introduits par le gouvernement.
VOIR EXEMPLES DE COMMISSIONS
En dépit de l’augmentation importante du degré agrégé de remplacement et de
renouvellement de la Chambre dans la période allant de 1982 à 2008, ce degré au sein des
commissions est resté stable, mais à un niveau très élevé. La moyenne de la durée d’une carrière
non-interrompue d’un commissaire au sein d’une commission est de 3,9 ans. Ainsi, un siège au sein
d’une commission change d’occupante une fois par législature.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Ce degré très élevé de renouvellement de la composition des commissions nuit fortement à la


spécialisation des commissaires dans les politiques publiques dont leur commission est
compétente.

D. Les groupes parlementaires


Les députées appartenant à un même parti constituent un groupe politique. Le règlement
de la Chambre prévoit que, pour être reconnu, un groupe politique doit être composé d’au moins cinq
membres. Seulement les parlementaires des groupes reconnus peuvent siéger dans une commission
Entre 2014 et 2019, les parlementaires PTB, PP, VB et DéFi en étaient alors exclus.
Le rôle des groupes dans le travail parlementaire ne cesse de s’accroître. Leurs membres se
réunissent régulièrement afin d’arrêter une ligne de conduite politique commune.
Lea cheffe de groupe, élue par les membres du groupe, joue le rôle de porte-parole : il ou elle expose
la position du groupe en séance plénière, coordonne les activités des membres, et assure la
discipline de vote du groupe.
Chaque groupe reçoit des moyens financiers importants de la Chambre pour leur permettre de
garantir leur fonctionnement.
A la Chambre, les cheffes de groupe des partis de la majorité se réunissent très
régulièrement afin d’accorder leurs violons, à chaque fois qu’une députée introduit un amendement,
une question, ou encore une proposition de loi, qui pourrait déstabiliser la cohésion de la majorité
gouvernementale. C’est ce qu’on appelle les concertations de majorité.
Le mandat subit une professionnalisation en termes de revenus : on oppose alors le living
off politics du living for politics de Weber. La Chambre représente plus ou moins bien la population
en termes d’âge et de genre, mais pas en termes de profession et de niveau d’instruction.

E. Les membres du personnel


Le personnel collectif représente moins de 600 personnes, dont un quart seulement sont
des universitaires. Beaucoup de ces derniers travaillent à la traduction, ou encore aux services
législatifs. Les commissions ont aussi une à deux secrétaire(s), occupées à la rédaction des PVs
ainsi qu’à l’aide secrétariale et administrative des rapporteureuses.
Les groupes parlementaires possèdent également un staff de secrétariat et de recherche,
qui dépend de la taille du groupe.
Chaque parlementaire travaille aussi avec une assistante administratif et une assistante de
niveau universitaire. Dans la plupart des partis, ce dernier est mutualisé par le groupe, le centre de
recherche du parti, ou la présidence. Certains partis mutualisent également l’assistante
administratifve.

F. L’absentéisme parlementaire
Les chiffres récents manquent et sont secrets, mais entre 1979 et 1981, la présence
moyenne en séance plénière était de 61%, tandis que la présence moyenne en commissions était
de 73%.
La Chambre, comme la plupart des parlements régionaux, a adopté un règlement visant à pénaliser
les députées en cas d’absence trop importante lors du vote en séance plénière. Ce règlement
prévoit que si le parlementaire a pris part sans excuse admise à moins de 80%, 70% ou 50% des
votes en séance plénière, son indemnité parlementaire sera amputée respectivement de 10%, 30%

48
Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

ou 60%. En moyenne, un à trois députées par mois sont sanctionnées. A partir des élections de
2019, sera également sanctionné l’absentéisme au sein des commissions.

G. Le déclin du Parlement ?
Depuis quelques années, des chercheureuses et organismes de presse appuient la thèse
du déclin des parlements. Cependant, ce n’est pas vraiment une réalité, étant donné que l’on voit
une augmentation :
 des propositions de loi
 des réunions de commission
 des questions orales
 des questions écrites
Cependant, il y a bien un déclin des interpellations en séance plénière depuis 1995, à cause de leur
transfert vers les commissions.
Il n’y a donc pas de vraie preuve quantitative et empirique de la thèse du déclin du parlement belge.
En revanche, on peut parler d’un déclin qualitatif par :
 la fragmentation du système de partis
 les contraintes de l’accord gouvernemental sur l’initiative parlementaire
 la nécessité de discipline de parti et de coalition
 le manque de moyens de l’opposition et des parlementaires individuelles
 la faible infrastructure collective
 la prolifération des activités en-dehors du Parlement
 la précarité de la carrière parlementaire, par le turnover
La plupart de ces causes du déclin sont structurelles, et présentes depuis au moins les années
1970.

II. Les activités extraparlementaires


Une députée moyenne consacre, en moyenne, 30 heures de travail au sein du Parlement
et de son parti, mais également 30 heures supplémentaires aux différents types d’activités au sein
de sa circonscription. Il ou elle maintient alors un focus important et stable sur sa circonscription
électorale, malgré l’augmentation radicale de sa taille territoriale.
VOIR DONNEES CUMUL DES MANDATS
Le cumul local est le cumul traditionnel, plus ou moins stable. Environ 70% des députées
fédéralesaux et régionalesaux exercent un mandat local exécutif, en plus de leur poste de députée.
Une cumularde communale investit alors 8 heures de travail par semaine pour son mandat local.
Tous les partis pratiquent le cumul des mandats, mais dans une moindre mesure pour les Ecolos.
Afin de décourager le cumul local, un plafond financier a été instauré : les revenus provenant de
l’exercice des mandats publics ne peuvent plus dépasser 50% de l’indemnité parlementaire, au
risque que celle-ci soit adaptée à la baisse. Le cumul avec des fonctions dans le secteur privé reste
en revanche intouchable.
VOIR GRAPHIQUES
Le nombre de députées exerçant une profession privée semble diminuer dans le temps.
Pour celles et ceux qui en pratiquent une, cette profession leur prend environ 10 heures par semaine.
Après une journée de travail au Parlement, le ou la députée belge peut rentrer chez lui ou
elle tous les soirs et participer à la vie sociale locale, contrairement aux députées des grands pays,

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

qui logent dans la capitale pendant les jours de travail parlementaire. Cela consomme en moyenne
8 heures par semaine, et regroupe un très large panel d’activités variées.
Les permanences sociales, de « service aux électeurrices individuelles » sont en net
déclin : en 1983, cela représentait 2134 dossiers par an (soit 50 dossiers par semaine, ce qui
équivaut à plus de 5 heures de travail), mais plus que 204 dossiers par an en 2013 (soit 4 dossiers
par semaine).
Les députées flamandes en reçoivent cependant deux fois moins que les députées wallonnes.
Ce déclin a donc beaucoup plus marqué la Flandre que la Wallonie.
On observe également de grandes différences entre les partis : la majorité des dossiers concernent
le PS et le CDH, tandis que les partis non-traditionnels n’en reçoivent que très peu. Le Vlaams Belang
et la N-VA en reçoivent également beaucoup plus que les autres partis non-traditionnels, notamment
les partis verts.
VOIR TABLEAUX
Les causes du déclin du service aux électeurrices sont multiples :
 la crise budgétaire de l’Etat « St Nicolas » : d’un Etat très généreux à un Etat faillite
 l’objectivation du fonctionnement des administrations
 la privatisation et l’autonomisation des entreprises publiques
 l’émergence de différents types d’ombudsman
 l’annulation de plus en plus de nominations politiques par le Conseil d’Etat
 l’augmentation de la taille territoriale des circonscriptions électorales
 le culture shift, renouveau politique ou nieuwe politieke cultuur : les citoyennes et médias
condamnent de plus en plus le clientélisme
 les codes déontologiques parlementaires, qui mettent des contraintes au services aux
électeurrices

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Chapitre 5 : Les dysfonctionnements de la démocratie belge

I. La politisation du secteur public


En Belgique, la politisation du secteur public est devenue systémique et envahissante,
jusqu’à la fin des années 1980.
VOIR DONNEES

II. Vers une dépolitisation partielle à partir des années 1990 ?


Depuis les années 1990, le but des autorités est de réduire la politisation des
fonctionnaires. Cela se marque par :
 l’absence d’accord global sur la répartition des nominations politiques dans les accords de
coalition
 les réformes de dépolitisation du sommet de l’administration publique, comme la réforme
Copernic
 le déclin de la politisation des fonctionnaires statutaires et le déclin de leur nombre au profit
des fonctionnaires contractuelles temporaires
 l’annulation, par le Conseil d’Etat, de de plus en plus de nominations politiques
 la formation des aspirants-magistrates et la gestion des nominations par le Conseil
supérieur de la Justice, composé de magistrates
 la réduction des cabinets ministériels

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Système politique et administratif de la Belgique


Partie 3
Christian de Visscher

Chapitre 1 : « Radiographie » du secteur public en Belgique – un modèle administratif éclaté entre


niveaux de pouvoir d’une part, et entre politique et administration d’autre part

En raison de notre système fédéral complexe, il y a un éclatement non seulement des


compétences, mais aussi des institutions administratives, qui tiennent compte des différents
niveaux de pouvoir. Ce sont deux caractéristiques fondamentales lorsque l’on analyse le secteur
public. On observe donc une difficulté d’entente entre les politiques et les cadres dirigeants de
l’administration : l’interaction est difficile. On parle beaucoup de politisation.
Trois niveaux sont à distinguer lorsque l’on analyse les structures organisationnelles et les
compétences en Belgique :
 macro-organisationnel (entre l’Autorité fédérale et d’autres entités ou niveaux de pouvoir)
 méso-organisationnel (au niveau de l’Autorité fédérale, des régions et communautés)
 micro-organisationnel (au sein des départements ministériels)

I. Fédéralisme et décentralisation en Belgique


A. Les notions de décentralisation, de fédéralisation et de déconcentration
On distingue les administrations centralisées des administrations décentralisées :
 entité centralisée :
 autonomie et différentiation sur le plan organisationnel
 soumission au pouvoir hiérarchique
 absence de personnalité juridique propre3
 entité décentralisée :
 autonomie organique : organes propres et liberté d’administration
 personne juridique distincte, mais dépendante d’un autre niveau de pouvoir
(fédéral, régional, provincial, ...)
 soumission au contrôle de tutelle
La SNCB est, par exemple, un organisme public qui dépend de l’autorité fédérale, mais qui en est
distincte. Elle dispose de ses propres organes, qui peuvent prendre leurs décisions sans devoir
attendre les ordres venant du gouvernement central.
Il existe également deux types d’administrations décentralisées : les administrations
décentralisées fonctionnelles (ou sectorielles), et les administrations décentralisées territoriales.
 décentralisation fonctionnelle : pouvoir attribué à un service public distinct et autonome,
par un autre niveau de pouvoir, en fonction de l’attribution publique conférée, dans un
domaine déterminé
 décentralisation territoriale : pouvoir attribué à des collectivités politiques territoriales,
dans la gestion de leurs intérêts propres

3 partie d’une entité juridique plus large, le fédéral

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Les services territoriaux décentralisés ont des compétences générales, qu’ils peuvent appliquer sur
un territoire défini. C’est le cas notamment des communes et des provinces en Belgique, qui
agissent localement.
Ces entités décentralisées doivent respecter la hiérarchie des normes : les collectivités
politiques locales ont des organes (comme les collèges communaux par exemple) dont les
règlements ou arrêtés doivent respecter la hiérarchie des normes.
En moyenne, dans un pays, il y a trois niveaux de collectivités : souvent un niveau fédéral,
régional et communal. En Belgique, nous avons quatre niveaux (auparavant trois) :
 l’État fédéral
 3 régions et 3 communautés (apparues à partir des années 1970)
 10 provinces
 589 communes

B. Les entités fédérées : régions et communautés


1. Deux types de collectivités
Lorsqu’il y a des entités fédérées, il y a un réel partage de la souveraineté interne entre le
niveau fédéral et ces entités fédérées. Ce n’est pas le cas dans les états centralisés ou
décentralisés comme la France ou les Pays-Bas.
Ce partage de la souveraineté amène la coexistence de plusieurs ordres juridiques : les entités
fédérées peuvent adopter des normes, qui sont égales aux normes adoptées par le niveau fédéral. Il
n’y a ici pas de hiérarchie des normes.
Il y a également une coexistence de plusieurs pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires : chaque
entité a un gouvernement, un parlement, des institutions judiciaires, …
En Belgique, nous avons deux types de collectivités et d’entités fédérées : les régions et les
communautés :
 régions : Région wallonne, Région flamande et Région de Bruxelles-Capitale
 communautés : communauté flamande, communauté française, et communauté
germanophone
Les régions linguistiques sont des circonscriptions administratives indiquant quelles langues sont
parlées sur tel territoire. Il n’y a pas de gouvernement, mais ces circonscriptions sont importantes
afin de délimiter le territoire des entités politiques.
2. Les évolutions institutionnelles
On a en Belgique deux grandes communautés culturelles, qui ne sont pas d’accord sur la
manière de concevoir l’évolution institutionnelle du pays. Du côté flamand, on est pour une Belgique
à deux, avec un critère linguistique nécessaire pour déterminer les communautés. Du côté wallon,
on souhaite mettre en exergue les différences socio-économiques du pays, et l’on insiste alors pour
une Belgique composée de trois grandes régions.
En 1970, on s’est alors mis d’accord sur un schéma complexe, où l’on retrouve deux types d’entités
différentes : les régions et les communautés.
Entre 1830 et 1970, la structure de l’État n’a pas vraiment évolué, même si certaines lois
ont été adoptées, qui ont influencé la structure de l’État par la suite, comme la loi adoptée en 1963
qui fixe une frontière linguistique entre les francophones et les germanophones.
Lorsque l’on parcourt l’évolution institutionnelle, on s’aperçoit que les communautés ont
précédé les régions. La mise en place des régions a été beaucoup plus difficile, notamment quant à
la création de la région de Bruxelles-capitale.

53
Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Du côté francophone, on voulait étendre davantage cette région, ce qui s’est heurté à une
contestation du côté néerlandophone.
L’organisation des pouvoirs à Bruxelles a été également difficile. On a mis d’abord en place une
transition provisoire des régions, qui n’avaient pas vraiment de compétence, de pouvoir décrétal, et
ne pouvaient que donner leur avis. Il faut attendre 1980 pour que les régions wallonne et flamande
soient mises en place, et 1988-1989 pour la RBC.
3. La répartition des compétences
Ce qui est important également est que ce qu’on avait au départ défini comme des
communautés culturelles, en 1980, deviennent des communautés. Du côté néerlandophone, on
souhaitait en effet en élargir le domaine de compétences. C’est à ce moment-là qu’a été
implémentée la notion de matières personnalisables. Du côté flamand, on voulait que les matières
sociales soient gérées par les communautés, et non les régions.
Le transfert de compétences, comme l’enseignement, vers les communautés s’effectue en
1988-1989. Les communautés ont alors reçu de nombreuses compétences et ressources. Les
régions obtiennent aussi des compétences en termes de transports, de travaux publics, … C’est
cette année-là qu’est créée la RBC.
Un nouveau système de financement, d’abord attribué aux régions avant d’être aussi donné
aux communautés, est adopté : c’est le principe du « juste retour ». Ce dernier est adopté
progressivement jusqu’en 1999. En termes de financement des entités fédérées, le côté flamand
est maintenant beaucoup plus à l’aise que le côté wallon, disposant de davantage de ressources.
Pour les régions et les communautés, on a adopté le principe de compétences exclusives.
Une fois qu’une compétence est transférée à une entité fédérée, une autre ne peut plus intervenir
dans ce domaine de compétence.
Ce qui complique les choses, c’est que, si l’on applique ce principe, cela ne veut pas dire pour autant
que les compétences que l’on transfert sont homogènes. On ne transfert en effet pas forcément
l’ensemble d’un domaine de compétence. Le risque de conflit de compétence est alors beaucoup
plus élevé. C’est le cas du secteur du travail par exemple, qui est divisé entre le niveau fédéral et le
niveau régional.
La lecture de cette réforme est donc extrêmement compliquée, et génère un tas de procès et de
jurisprudence.
L’État peut décider de reprendre les compétences attribuées aux entités fédérées, en
réformant le système institutionnel. Ce n’est cependant pas simple, étant donné que ce sont des
lois spéciales, qui nécessitent donc des majorités spéciales.
4. L’asymétrie de la structure fédérale
Non seulement on a un système de compétences exclusives, mais en plus, la structure
fédérale est asymétrique :
 du côté flamand : deux entités juridiques, mais un seul parlement, et un seul gouvernement
 du côté francophone : deux entités juridiques avec chacune leur assemblée et leur exécutif
 la Région wallonne peut transférer certaines compétences à la Communauté germanophone
 la Communauté française peut transférer certaines compétences à la Région wallonne et à
la COCOF en RBC

5. La hiérarchie des normes juridiques dans la Belgique fédérale


La hiérarchie des normes en Belgique fédérale est la suivante :

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

 normes internationales et Constitution


 normes législatives (lois, décrets et ordonnances)
 arrêtés d’exécution du gouvernement fédéral et des gouvernements des entités fédérées
 règlements provinciaux
 règlements communaux
6. Les compétences des régions et des communautés
Les régions et communautés n’ont que des compétences attribuées, qui sont explicitement
données. Toutes les autres compétences qui n’ont pas été attribuées, relèvent du niveau fédéral.
Les communautés, qui étaient, au départ, compétentes uniquement dans les matières
culturelles, le sont maintenant dans l’enseignement, les matières personnalisables, l’emploi des
langues, la coopération (entre communautés et internationale), …
En ce qui concerne les régions, elles agissent dans l’aménagement du territoire, le logement,
la politique de l’eau, l’agriculture, ou encore la coopération (entre régions et internationale), ...
Les choses sont un petit peu plus complexes pour le territoire de la région bilingue de
Bruxelles-capitale, dû au fait que la langue parlée par les citoyennes n’est pas la même pour tout
le monde. Il n’y a donc pas de critère linguistique, ou une norme d’usage concernant la langue dans
cette région.
Le gouvernement et le parlement de la RBC sont compétents dans les matières régionales dans la
mesure où elles ne posent pas de problème, mais c’est plus compliqué pour les matières
communautaires. Des commissions communautaires ont été créées : la COCOF et la VGC.
Les communautés flamande et française en RBC ne sont compétentes que pour les institutions
considérées comme unilingues. Cela concerne par exemple les écoles francophones et
néerlandophones, qui sont gérées par l’une ou l’autre communautés en fonction de la langue.
Pour les matières et les personnes qui ne relèvent pas des communautés, une solution a dû être
trouvée : la COCOM (Commission Communautaire Commune). Celle-ci s’occupe des matières
personnalisables, des allocations familiales, …
7. La gestion des conflits
La délimitation des compétences est peu homogène. Les régions et communautés disposent
d’un pouvoir exclusif, comme l’État fédéral. Celui-ci ne peut pas utiliser son contrôle de tutelle.
Tout cela mène à un risque élevé de multiples conflits entre les entités fédérées.
Dans les lois de réformes institutionnelles, on a envisagé ce cas de figure, et mis en place
deux choses : des mécanismes en amont afin d’éviter ces conflits, par la coopération entre les
entités, ainsi que des mécanismes permettant de gérer ces conflits, une fois qu’ils ont eu lieu.
On établit, dans la législation, une différence entre :
 les conflits de compétences : conflits d’ordre juridique portant sur qui est compétent pour
telle matière
 les conflits d’intérêt : conflits politiques portant sur la manière dont une institution exerce
une compétence, qui peut être au détriment d’une autre entité
a. Les mécanismes préventifs de coordination
Il existe divers mécanismes préventifs de coopération, comme les présentent Jacob et
Pasquet4 :
 la simple information
 la concertation préalable

4 S. Jacob & C. Pasquet. Le fédéralisme conflictuel : identité régionale et gestion des conflits en Belgique. 253-262.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

 l’association
 l’avis conforme
 l’accord de coopération
Les accords de coopération sont des traités sur le plan interne, entre les entités, qui se mettent
d’accord et règlent des conflits de compétences. Ceux-ci découlent soit d’obligations, soit de
nécessités sur les plans naturel ou technique, et sont conclus sur une base volontaire.
Ces accords de coopération se réalisent souvent au sein de conférences interministérielles.
b. Les mécanismes institutionnalisés de gestion des conflits
Il existe aussi en Belgique des mécanismes de gestion des conflits, lorsque l’on n’a pas pu
les éviter.
Les conflits de compétences sont alors réglés par un organe judiciaire, que ce soit le Conseil d’État,
pour les normes réglementaires, ou la Cour constitutionnelle, pour les normes législatives.
Pour ce qui est des conflits d’intérêt, c’est le comité de concertation, composé de ministres
fédéraux et fédérés, qui tranche le conflit.
Le mécanisme de la sonnette d’alarme, permet, lui, de régler des conflits d’intérêt ayant lieu au sein
d’une même institution (et non entre les différentes entités). Cela permet notamment de protéger
les minorités.
c. Les mécanismes non institutionnalisés de gestion des conflits
Il est également possible de mettre en place des mécanismes non-institutionnalisés,
comme l’encommissionnement, ou encore la négociation informelle.

C. Les communes et les provinces


1. Les communes
Depuis 1977, avec la fusion des communes, il y a 589 communes en Belgique, dont 19 à
Bruxelles, 262 en Wallonie, et 308 en Flandre.
Depuis 2002, l’organisation des institutions provinciales et communales relève des régions.
On a donc des différences entre les différentes régions au niveau de l’organisation des pouvoirs
locaux, concernant notamment la désignation du ou de la bourgmestre, entre autre.
a. Les organes de la commune
Au sein de la commune, il y a trois organes : le Conseil communal, le Collège communal (ou
Collège des bourgmestres et échevins à Bruxelles), et le ou la bourgmestre.
 le Conseil communal
Les conseillerères sont élues à la proportionnelle tous les 6 ans.
 le ou la bourgmestre
Depuis 2006, en région wallonne, le ou la bourgmestre n’est plus désignée par le gouvernement,
contrairement aux autres régions, mais est élue. Celui ou celle qui est nommé bourgmestre est
celui ou celle qui a obtenu le plus de voix sur la liste politique qui a fait le plus haut score parmi les
groupes politiques participant au pacte de majorité. S’il existe plusieurs partis, il faut former une
coalition entre les listes afin de se faire dégager une majorité. Cela favorise une majorité stable au
sein du Conseil.
Il ou elle fait en général partie du Conseil communal, et préside le Collège communal.
 le Collège communal
Les échevines, pour leur part, sont élues par le Conseil en son sein : le pacte de majorité fait
l’objet d’un vote, ce qui mène à l’élection des échevines.
b. Les attributions des organes communaux

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Conseil communal Collège communal Bourgmestre


(pouvoir exécutif)
compétent pour toutes les responsable du bon membre et présidente du
matières d’intérêt communal : fonctionnement des Collège, responsable du
il décide les matières institutions communales, et, maintien de l’ordre (avec des
communales, ainsi que les parfois, chargé de l’exécution pouvoirs propres en matière
matières cogérées5 de mesures provenant de police administrative), et
d’autres niveaux de pouvoir mission général d’exécution
des normes prise aux niveaux
supérieurs de pouvoir
c. Les compétences communales
En ce qui concerne le mode de répartition des compétences, c’est complètement différent
que ce qui est établi pour les régions et les communautés.
La Constitution (article 162) dit que les communes et les provinces sont compétentes pour tout ce
qui concerne l’intérêt communal ou provincial. L’idée est de répondre aux besoins de la population,
qui peuvent être très variés. On applique le principe de subsidiarité, en rapprochant le pouvoir des
citoyennes.
La Constitution prévoit aussi que les communes disposent d’un pouvoir fiscal, afin de financer leurs
projets. Dans certaines communes, il existe par exemple une taxe sur les piscines privées, ou encore
sur les distributeurs de billets sur le territoire communal.
La hiérarchie des normes indique que les règlements adoptés par les provinces et les
communes sont tenus d’être respectés par les communes. Ces initiatives d’intérêt communal sont
donc rarement totalement libres.
Le législateur peut toujours déterminer ou modifier le périmètre des attributions locales, voire même
faire passer une mesure locale à un niveau supérieur. Un niveau supérieur peut alors à tout moment
supprimer la possibilité de la commune d’agir dans un certain domaine, ou l’encadrer. Cette
modification du périmètre d’action des pouvoirs publics ne concerne que les communes et les
provinces, et non les régions et communautés, qui ont des compétences établies.
Le législateur peut aussi conférer aux communes certaines tâches administratives de cogestion,
qui vont dans l’intérêt d’un niveau de pouvoir supérieur. Dans ce cadre, les niveaux de pouvoir
supérieurs imposent aux communes ou provinces, l’exécution d’autres normes. C’est le cas en
matière d’État civil, où la commune ne fait qu’exécuter ce que le fédéral lui a imposé.

d. Le contrôle de tutelle
Le législateur peut également organiser un contrôle de tutelle sur les actes des autorités
décentralisées. Au niveau des communes, on a affaire à des pouvoirs subordonnés, donc c’est le
niveau supérieur qui peut imposer sa volonté par le biais de contrôles de tutelle : c’est le niveau
régional qui le fait. Ce contrôle concerne autant les décisions prises dans l’intérêt communal, que
celles prises en cogestion.
Cette prérogative légale régionale est fondée sur le respect de la loi sensu lato, ou de l’intérêt
général.

5 Matières cogérées : missions confiées par d’autres niveaux de pouvoir, pour lesquelles l’action de la commune est
requise

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

2. Les provinces
En Belgique, le pays est divisé en 10 provinces : 5 provinces en Wallonie et 5 provinces en
Flandres, mais plus en RBC. Les régions ont la possibilité de supprimer des provinces afin de les
remplacer par d’autres institutions supra-communales.
Conseil provincial Collège provincial Gouverneur
 élu à la proportionnelle tous  députation permanente  désignation par le
les 6 ans  pouvoir exécutif de gouvernement régional sur
 compétent pour les matières publication et d’exécution des avis conforme du
d’intérêt provincial ainsi que décisions du Conseil gouvernement fédéral
les matières cogérées  responsable de la direction  représentant du pouvoir
des services et central
établissements provinciaux  pouvoirs propres en matière
de police administrative
 responsable de l’exécution
des lois et arrêtés des
niveaux supérieurs

II. L’analyse macro-organisationnelle des structures administratives : une double


évolution
A. La première évolution, conséquence du passage de l’État unitaire à un État fédéral
On assiste en Belgique à un double modèle d’organisation dans les rapports entre structures
administratives. Yves Meny a développé une typologie sur la répartition des rôles entre les
administrations centrales et leurs services extérieurs, et les autorités territoriales et services
publics décentralisés fonctionnellement dans la mise en œuvre de l’action publique :
 le self-government
 l’option hiérarchique
 l’option décentralisée
 l’option égalitaire
Avant 1980, la Belgique se situait dans l’option décentralisée, mais aujourd’hui, les options
décentralisée et égalitaire se sont toutes deux développées et coexistent au sein du pays. C’est
donc un double modèle de répartition des rôles.
1. L’option décentralisée
L’option décentralisée est un modèle d’organisation et de coordination des structures
administratives dans lequel les autorités locales ont des compétences et des moyens suffisamment
importants pour pouvoir élaborer des politiques propres. Ce sont cependant leurs administrations
qui mettent en œuvre une très grande partie des politiques du gouvernement.
Plutôt que l’État doive développer ses propres institutions administratives, c’est plus simple pour
lui de faire appel à des services administratifs qui existent déjà à un niveau plus local.
Ce modèle est donc bâti sur la coopération des services extérieurs, des ministères du pouvoir
central, ainsi que des administrations territoriales, qui relèvent de différents pouvoirs élus.
Dans cette option, le pouvoir central dispose d’un pouvoir de contrôle qui a une nature de
type hiérarchique en ce qui concerne la mise en œuvre des tâches de cogestion (et donc la mise en
place des politiques de l’État), et un pouvoir de tutelle sur les autorités communales ou provinciales,
dans leur prise de décisions locales. Les tâches de cogestion sont donc davantage contrôlées.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Le problème majeur de cette option est qu’il y a une tendance de la part du pouvoir central à
faire supporter, par le pouvoir local, des dépenses qu’il ne veut pas assumer. Souvent, la
compensation financière que les pouvoirs locaux reçoivent pour l’exécution de ces missions est
inférieure aux ressources nécessaires pour les mettre en œuvre. Cela réduit les possibilités de
mettre en place des initiatives locales.
2. L’option égalitaire
Dans l’option égalitaire, chaque niveau de pouvoir a ses compétences, et dispose de ses
propres services administratifs pour mettre en œuvre ses compétences. Chacun met alors en œuvre
les politiques dont il a la responsabilité ou la compétence.
Le problème posé est la coordination politique et administrative entre les différents niveaux
de pouvoir, qui est alors alourdie. La répartition des compétences entre le fédéral, les régions et les
communautés n’est pas homogène. De plus, beaucoup de politiques publiques nécessitent de
combiner plusieurs domaines de compétences, et donc une coordination entre plusieurs acteurs
publics. On le voit bien dans le cadre de la crise du coronavirus.
Même si des accords de coopération, ou des conférences interministérielles peuvent être mises en
place, rien n’a été institué dans le cadre de la coordination administrative. C’est réellement au cas
par cas que l’on gère la coordination.
En France, les préfets, qui sont des agents du pouvoir central, sont chargés de coordonner les
services du pouvoir central et ceux des régions et départements. Cela pourrait être une fonction
donnée au gouverneur de province en Belgique, mais ce n’est pas encore le cas, sauf en ce qui
concerne le maintien de l’ordre et les services de secours.

B. La deuxième évolution : diversité des régimes et des structures au niveau de la


décentralisation fonctionnelle
VOIR SCHEMA
1. Rappel
Depuis les origines, on a assisté à une diversité des structures au niveau de la
décentralisation fonctionnelle.
Au XIXème siècle, les pouvoirs politiques ont confié les services publics à des opérateurs privés,
comme en ce qui concerne les lignes de chemin de fer. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle que l’on
assiste progressivement à la mise en place de la décentralisation fonctionnelle, selon plusieurs
facteurs :
 pour des motifs d’efficacité technique dans le cadre de l’extension des missions de l’État
dans les domaines économique et social
L’intervention de l’État augmente petit à petit tout au long du XIXème siècle, ce qui mène à la
création de services publics spécifiques.
C’est notamment le cas de la CGER (Caisse Générale d’Epargne et de Retraite), ou encore de SNCI
(Société nationale de Crédit à l’Industrie).
 pour éviter la mainmise d’opérateurs étrangers sur les grandes infrastructures nécessaires
au développement du pays
La Belgique était alors dans une période de grande prospérité économique, mais on avait des craintes
que certains opérateurs étrangers empêchent le développement économique. C’est donc à ce
moment-là qu’est prise la décision de confier ces services publics à des organes publiques.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

C’est le cas de la SABENA (ancêtre de Brussels Airlines), de la SNCB, de la Régie des Télégraphes et
des Téléphones, … Un monopole est accordé aux communes pour ce qui est de la distribution du gaz
et de l’électricité au bénéfice de la population.
 en vue d’associer les forces sociales du pays à la gestion des intérêts publics.
L’assurance sociale, après la Seconde Guerre mondiale, a été généralisée, mais l’on voulait que les
employeureuses et les employées puissent prendre part à l’organisation de la gestion de ces
organes. On a donc créé des organismes décentralisés fonctionnellement, en matière de sécurité
sociale, où l’on a pu intégrer des représentantes de la société civile. C’est le cas de l’ONSS, l’Inami,
l’ONEM, …
2. Les principes d’organisation des organismes décentralisés fonctionnellement
Les organismes décentralisés fonctionnellement sont des personnes juridiques distinctes,
chargées d’une mission spécifique. Ils ont un caractère public, ce qui signifie qu’ils ont des rapports
étroits avec la puissance publique, par la tutelle, mais également un statut dérogatoire par rapport
au droit commun des sociétés privées.
Ces organismes sont créés par voie de fondation, c’est-à-dire grâce à une loi particulière qui en règle
l’organisation, ou par voie d’association, en vertu de la loi, de personnes publiques, ou de personnes
publiques et privées.
Ce sont des services marchands-administratifs, ou non-marchands, et dont l’activité de la mission
peut être exercée en monopole public.
3. La décentralisation fonctionnelle au niveau central
a. La loi du 16 mars 1954 relative au contrôle des organismes d’intérêt
public
Il a fallu mettre un peu d’ordre dans ces organes décentralisés. La première mesure qui a été
prise a alors été la loi du 16 mars 1954, qui est la première tentative pour essayer faire rentrer ces
initiatives dans un cadre législatif commun, afin que l’État y puisse plus facilement appliquer sa
tutelle.
Cette loi, cependant, ne déclare pas totalement ce qu’on définit comme décentralisation
fonctionnelle : on en fait une liste seulement. D’emblée, tous les organismes publics ne sont donc
pas repris dedans. Elle n’est en plus que partielle, dans le sens où elle ne règle pas toutes les
questions relatives à la décentralisation fonctionnelle.
Cette loi règle trois choses : les principes relatifs aux pouvoirs de décisions, les règles concernant
les budgets et la comptabilité, et la détermination des statuts du personnel.
Cette loi introduit alors une classification des organismes d’intérêt public en fonction du
degré d’autonomie par rapport à l’autorité politique. La structure la plus proche du ministre est le
ministère, qui fait partie du pouvoir central sur le plan juridique.
Elle distingue donc quatre catégories en fonction de l’autonomie :
 catégorie A : régies soumises au pouvoir hiérarchique du ministre, tout en constituant une
entité juridique séparée, avec un budget séparé devant être approuvé par le Parlement
 catégorie B : établissements publics jouissant d’une autonomie organique et possédant
donc leurs propres organes de gestion ainsi qu’un budget séparé qui doit être approuvé par
l’autorité de tutelle
 catégorie C : à l’origine les organismes financiers, qui ont le même régime que les OIP de
catégorie B, mais peuvent fixer eux-mêmes le cadre et le statut de leur personnel
 catégorie D : auparavant organismes de sécurité sociale (mais plus depuis 1997)
VOIR EXEMPLE

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

b. La libéralisation des services publics à caractère marchand


Parallèlement à l’extension de la décentralisation fonctionnelle se produisant en même
temps que le développement de l’État providence, on observe, dans les années 1980, un mouvement
de libéralisation des services publics à caractère marchand.
La libéralisation consiste à ouvrir un service public (dans le sens de sa mission) à la concurrence.
Cette dite libéralisation trouve ses fondements dans le New Public Management, qui promeut la
« désagrégation » et la mise en concurrence au nom de l’efficience et de l’efficacité du secteur
public.
C’est le cas du service des transports ferroviaires, qui était une mission réservée exclusivement au
service public, et plus exactement à un organisme en monopole, et qui est maintenant
progressivement ouvert à d’autres opérateurs (qu’ils soient belges ou étrangers) que la SNCB, qui
peuvent faire rouler des trains sur les chemins de fer, et vont donc entrer en concurrence avec.
L’Union Européenne, dans le cadre de la formation du grand marché intérieur, a décidé de
favoriser l’échange de biens, de services et de personnes, au sein des pays membres. Or, elle a
constaté que les services publics au sens fonctionnel, dans chacun des pays, pouvaient en être une
entrave. L’Europe a alors décidé de mettre en place un processus d’européanisation, secteur par
secteur, des services publics à vocation marchande. Se sont établis alors un certain nombre de
principes communs à l’échelle européenne, par exemple en matière de sécurité, et les secteurs se
sont progressivement ouverts à la concurrence.
Cette ouverture à la concurrence se fait dans différents secteurs : le gaz, l’électricité, les télécoms,
les médias, la poste et le transport aérien. Toute une série de barrières sont alors tombées afin de
supprimer progressivement les monopoles nationaux, afin de faire baisser les prix et améliorer l’offre
de services.
Cependant cela mène à s’intéresser qu’aux services qui sont rentables. Il faut donc en même
temps définir ce que l’on veut maintenir comme service public qui satisfasse toute une série de
besoins de la population, sans que cela ne soit forcément rentable. La mise en place de cette
libéralisation doit donc s’accompagner de la définition des services que l’on considère comme
publics et pour lesquels on veut en garantir un accès à tous et toutes.
Avec la loi de 1991, les activités de service public que les opérateurs ne voudront pas effectuer
parce que non rentables sont indiquées, et ces opérateurs concluent un contrat de gestion avec
l’État afin que ces activités soient assumées, et que les obligations de service public soient
précisées. Dans le contrat de gestion sont ainsi déterminées l’étendue du service public, ainsi que
les règles quant aux rémunérations. On adapte alors le statut organique de ces sociétés aux règles
européennes.
Ces obligations du service public ont trait à l’abordabilité, l’accessibilité et la qualité.

c. Les mouvements de privatisations partielles ou totales


Parallèlement à la libéralisation, on a assisté à un mouvement de privatisation, totale ou
partielle, d’organismes publics, à partir des années 1990. Cela concerne à la fois les entreprises
publiques du secteur marchand, ainsi que des entreprises du secteur bancaire ou financier. L’État
abandonne alors ces services publics à des opérateurs privés.
L’État justifie ces privatisations par le fait qu’il estime qu’il :
 peut se débarrasser de certains organismes qui ne lui sont pas prioritaires, comme le
secteur bancaire ou financier

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

 doit ouvrir le capital de l’entreprise afin de soutenir son développement industriel


Cela a été le cas pour Belgacom (ancien Proximus), qui nécessitait davantage de capitaux. L’État
en est toujours actionnaire majoritaire, mais avec des partenaires privés, qui apportent à la fois de
l’argent et de l’expertise. Cela peut amener à des conflits d’intérêt.
 veut contribuer à la réduction du déficit public
On assite, parallèlement à une professionnalisation de la gestion de ces secteurs par
l’arrivée de managers du secteur privé.
d. L’extension de la démarche contractuelle
Un autre phénomène observé est l’extension de la démarche contractuelle, ce à quoi on peut
se référer par l’agentification, qui consiste à confier les fonctions d’exécution et de gestion des
politiques à des organismes autonomes. Cela se développe non seulement dans le secteur public
marchand, mais également dans le secteur public non-marchand (théâtre, sécurité sociale, …).
4. La décentralisation fonctionnelle au niveau local
La décentralisation fonctionnelle ne se limite pas au niveau fédéral, régional ou
communautaire, mais existe aussi au niveau des provinces et des communes.
Ces dernières sont autorisées à créer des régies autonomes communales, qui sont un peu
l’équivalent des organismes de catégorie A de la loi de 1954, et concernent en particulier la
fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité.
À côté de cela, on a aussi des intercommunales, qui sont des associations de communes à des fins
d’intérêt communal. Elles peuvent aussi s’associer à des provinces, ou à des personnes privées. On
parle alors d’intercommunales mixtes. Ces associations intercommunales doivent avoir comme
objet social un objet d’intérêt communal, comme la distribution d’électricité par exemple.
Les établissements publics, eux, sont des institutions décentralisées fonctionnellement, comme la
fabrique d’église, au sein d’une commune, ou encore le CPAS.

III. L’approche méso-organisationnelle


L’approche méso-organisationnelle consiste à analyser la répartition fonctionnelle des
tâches et les mécanismes de coordination au sein d’un même niveau de pouvoir, que ce soit l’État
fédéral, les régions ou les communautés.

A. La division en départements ministériels pour des motifs d’efficacité


Les grandes unités administratives, les ministères, ou départements ministériels, ont
développé, entre elles, une répartition des tâches. On parle d’ailleurs de moins en moins de
ministères : on a rendu la dénomination davantage user friendly, et l’on appelle plutôt ça Service
Public Fédéral, ou Service Public de Wallonie.
A la tête de chaque ministère est placé un fonctionnaire dirigeant, qui a des adjoints. Ce
fonctionnaire est appelé secrétaire général, ou président de comité de direction. Un département
ministériel regroupe en principe les services en fonction d’une compétence ou d’un domaine
homogène.
1. Evolution dynamique du nombre de départements ministériels

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Chaque ministère a des missions précises à remplir. Lors de la création de l’Etat belge, leur
nombre s’élevait à cinq, et ils s’occupaient exclusivement des missions régaliennes, fonctions
d’autorité : finances, affaires étrangères, défense, maintien de l’ordre et justice. Au cours du XIXème
et du début du XXème siècle, le nombre de ministères s’est accru, en raison des nouvelles missions
économiques et sociales assumées par l’Etat. Les nouveaux départements ministériels (Education
nationales, Affaires économiques, Emploi et Travail, ...) remplissent dorénavant davantage des
fonctions de gestion.

La réforme Copernic, en 2000, a changé la structure des départements ministériels. Ce schéma


montre, au centre, les services publics assurant les domaines de compétences relevant de l’État. A
gauche se trouvent des services publics horizontaux, qui ont une fonction transversale de soutien
ou de contrôle à d’autres services publics. Ils font partie des services publics de coordination. Les
services publics de programmation, à droite, ne sont, eux, pas censés durer, mais assurent un
service temporaire, avant de disparaître. Ce sont des administrations de mission, qui sont de petite
taille, créées afin d’assumer de manière temporaire la coordination d’une mission. C’est le cas du
développement durable par exemple, assurant la coordination entre les services en œuvre dans cette
problématique.
Finalement, certains services publics ont été fusionnés, notamment le service public TIC,
celui concernant le budget et le contrôle de la gestion, ainsi que le service public Personnel et
Organisation, qui font maintenant partie du SPF Stratégie et appui (BOSA).
Parmi les services publics de programmation certains n’ont jamais été créés, certains ont été
intégrés dans d’autres SPF, et d’autres ont été décentralisés.
2. L’adéquation entre la structure ministérielle et la structure administrative
Il est important de noter qu’il n’existe pas forcément une adéquation entre la structure
ministérielle et la structure administrative : le nombre de ministres ne correspond pas toujours au
nombre de départements ministériels. Certains ministres se retrouvent à la tête de plusieurs
ministères, tandis que d’autres se partagent la responsabilité d’un seul ministère à plusieurs. Il
existe également des ministres à portefeuille, qui ne disposent pas d’un département ministériel.

B. Les mécanismes centraux de gouvernement

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Les mécanismes centraux de gouvernement, ou MCG, sont, selon Molitor, des services ou
ministères à attributions générales exerçant à l’égard des autres une action de coordination, de
service ou de contrôle. Ce sont, dans le schéma précédent, ceux qui sont situés à gauche.
Avec la crise du coronavirus, on a mis en place le Conseil National de Crise, qui réunit la cheffe du
gouvernement, ainsi que les principaux ministres concernés par la crise, mais aussi les ministres
présidents des régions et des communautés. La cheffe du gouvernement joue un grand rôle afin
d’harmoniser les points de vue. Il est donc logique que le ou la Premierère ministre doit pouvoir
s’appuyer sur ces MCG, qui l’épaulent dans la coordination de l’action publique.
1. Les raisons du développement et du renforcement des MCG
En Belgique, depuis le roi Albert Ier, le roi n’assure plus la présidence du conseil des
ministres, et n’y assiste même plus. Il n’a donc plus de fonction de coordination du gouvernement.
La fonction de Premierère ministre a alors monté en puissance à partir de ce moment-là, par un
phénomène de présidentialisation. Ce rôle est devenu encore plus important après la Première
Guerre mondiale, où l’on a commencé à connaître des gouvernements de coalition.
2. Les MCG : structures et fonctions
a. Des organismes d’appui auprès du Premier ministre
Ces organismes sont généralement dédoublés entre ceux qui assurent une fonction
politique, et ceux qui assurent une fonction administrative. Le Premier ministre a donc autour de lui
la cellule de politique générale (ou cabinet ministériel), et le SPF Chancellerie.
Les MCG peuvent avoir plusieurs fonctions différentes, en termes d’appui au Premier ou à la
Première ministre :
 fonctions d’intendance pour les organes collégiaux de décision (qui relèvent plutôt du SPF
Chancellerie)
Cela concerne le Conseil des ministres, le Conseil de Gouvernement, le Comité de concertation, et
les comités ministériels (permanents ou temporaires). Pour tous ces organes, il faut annoncer les
réunions, réserver les locaux, distribuer les documents, rédiger et distribuer les PV, …
 contrôle général et parfois intervention directe dans des questions de compétence
intergouvernementale ou internationale
 gestion politique quotidienne, c’est-à-dire relation entre le Gouvernement et le Parlement,
les partis, et les groupes de pression
 gestion de l’appareil d’État, en ce qui concerne le personnel, les nominations importantes,
des impulsions aux réformes administratives, …
VOIR TABLEAU P. 26
b. Les organismes d’appui aux ministres
Auprès de chaque ministre se trouve un cabinet ministériel, que l’on appelle cellule de
politique générale. Les réunions inter-cabinets jouent un rôle très important, et c’est là que l’on
tranche des décisions politiques. Les aspects politiques sont discutés ici, entre les collaborateurs
des ministres.
c. Le rôle de soutien et de contrôle des départements horizontaux
Les départements horizontaux ont un rôle de soutien et de contrôle, en particulier de
l’Inspection des finances au niveau de la mise en œuvre du budget.
d. La coordination en réseau
Une coordination en réseau a lieu dans les différents domaines de politiques publiques, due
au fait que, en raison de la pilarisation de la société, les groupes de pression sont présents dans
différents organes de concertation et/ou de décision.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

IV. L’approche micro-organisationnelle : la structure interne des départements


ministériels
A. La relation ministre-administration
Le ministre se trouve au sommet du département ministériel, et a, auprès de lui, des
collaborateurs qui se trouvent dans la cellule stratégique. Les services extérieurs, eux, se trouvent
sur le « terrain ». Au niveau administratif, le secrétaire général, ou président de comité de direction,
dirige le département.

B. La coordination entre la fonction gouvernementale et la fonction administrative


Il y a une grande coordination entre la fonction gouvernementale et la fonction
administrative, malgré le fait que leurs avis ne sont pas toujours convergents.
Le problème est que depuis très longtemps, on a, à côté du ministre, des collaborateurs personnels,
qui ne font pas partie de l’État, ce qui est source de frictions.
À l’origine, les membres des cabinets sont des conseillers du ministre, qui s’occupent de
ses affaires personnelles et analysent sous l’angle politique les dossiers venant de l’administration.
Ils ne s’occupaient alors pas ou très peu des dossiers qui étaient de la compétence des agents du
département.
Dès le moment où l’on a vu apparaître ces collaborateurs, ils ne se sont pas contentés de s’occuper
des matières personnelles, mais ont pris en main des affaires politiques également. Les cabinets
se sont progressivement étoffés, et leur rôle de coordination des politiques publiques est devenu
très important. Ils interviennent à tous les stades du processus de la décision politique : aussi bien
lors de l’élaboration que de la mise en œuvre.
1. Les motifs d’extension des cabinets
Cette extension des cabinets en Belgique, reflet du poids des partis politiques dans le
processus de décision, est due à plusieurs éléments :
 la complexité technique des dossiers
Avec l’État providence, l’État est amené à s’écoper de beaucoup de questions, et les ministres
doivent trouver des solutions à toute une série de problèmes. Ces derniers ont beaucoup à faire,
comme des conférences, des inaugurations, des manifestations, mais aussi se joindre à des
réunions du Parlement, du parti, … Ils doivent donc s’appuyer sur des collaborateurs qui les aident.
Pourquoi alors ne pas faire appel à l’administration ?
 la relation de méfiance vis-à-vis de la haute administration
Dans la mesure où la haute fonction publique est très politisée au sens formel6. Un ministre, s’il doit
travailler avec un directeur général d’un ministère mais sait que celui-ci n’est pas de la même couleur
politique, va s’en méfier. Il préférera donc travailler avec des collaborateurs qu’il aura lui-même
choisis.
 la carence vraie ou supposée de l’administration
Les cabinets ont été créés afin de suppléer au manque de support administratif. Les premiers
gouvernements n’avaient pas assez de personnel administratif afin de mettre en œuvre l’action
publique, dû notamment à la rigidité de l’organe administratif.

6 Politisation au sens formel : en matière de sélection des fonctionnaires, embauchés sur base partisane

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Les collaborateurs, eux, sont davantage flexibles en termes d’horaires de travail, de carrières (c’est-
à-dire concernant la mobilité du personnel), …
 le ministre est membre du gouvernement, et n’est pas seulement l’autorité hiérarchique
dans son département
Le ministre est membre du gouvernement, collégialement responsable des décisions du Conseil des
ministres, et a donc besoin d’appui, et surtout le Premier Ministre et les Vices-Premiers Ministres.
Leurs collaborateurs jouent alors un rôle d’« espions », et informent leurs ministres sur les dossiers
des autres ministères qui vont arriver au Conseil des ministres.
Le cabinet sert alors de « contre-pouvoir » afin de contrôler les projets politiques des ministres
appartenant aux autres partis de la coalition.
 les cabinets sont des pépinières de futurs dirigeants politiques
Les cabinets sont une manière pour les partis, de tester la valeur de certains collaborateurs, qui
peuvent alors être soutenus afin d’occuper des fonctions de députés ou de ministres.
 les cabinets sont une source d’information pour les partis, et s’immiscent dans les
procédures de nomination et de promotion des fonctionnaires
2. Le profil des conseillers politiques
La typologie de Connaughton, distingue plusieurs profils de conseillers politiques :
 les experts : spécialistes de haut niveau dans un domaine relevant de la responsabilité du
ministre
 les partisans : personnes désignées par le parti et chargées de veiller aux intérêts de ce
dernier au sein du cabinet
 les coordinateurs : « généralistes » chargés de coordonner la politique gouvernementale, de
diriger et de surveiller la mise en œuvre de la politique du ministre par les fonctionnaires du
départements, et de participer aux réunions inter-cabinets
 les gardiens : chargés de faire « éviter les pièges » au ministre, qui mettraient en péril son
avenir politique
David Aubin et Marleen Brans ont adapté cette typologie au cas belge, et ont montré qu’au
niveau fédéral, on trouve essentiellement des collaborateurs de cabinets, qui assurent le lien avec
les partis politiques.
3. Les critiques des cabinets ministériels
Il existe une série de critiques envers les cabinets ministériels, venant de l’administration,
d’experts universitaires ou d’observateurs de la société civile :
 l’immixtion dans le fonctionnement quotidien des services en court-circuitant les
fonctionnaires généraux des administrations
 le risque de décalage entre les vues très politiques et à court terme du cabinet, et la
nécessité pour l’administration de faire prévaloir des perspectives à long terme et une
continuité nécessaire à la mise en œuvre des politiques publiques
 le phénomène de « cercle vicieux »
L’extension des cabinets a fini par déresponsabiliser et démotiver les fonctionnaires dirigeants, qui
sont dépossédés dans aspects essentiels des décisions politiques, ce qui peut finir par mettre à
mal leur expertise et leurs compétences techniques.
Une grande partie d’entre eux veulent rejoindre les cabinets en joignant un parti, ce qui politise
davantage l’administration lorsqu’ils y reviennent après la dissolution des cabinets. Cela renforce la
méfiance des ministres envers les hauts fonctionnaires, qui embauchent davantage des
collaborateurs, et ainsi de suite.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

4. Les solutions quant aux critiques faites aux cabinets ministériels


Plusieurs solutions ont été tentées afin de répondre aux critiques faites aux cabinets
ministériels :
 limitation du nombre et de l’ampleur des collaborateurs
 imposition d’un code de bonne conduite afin de régler les relations entre les cabinets et
l’administration
Au niveau flamand, il existe par exemple une charte. Cela n’a cependant pas permis d’amener à une
diminution des effectifs des cabinets.
 accord de gouvernement Verhofstadt Ier
À partir de la réforme Copernic, on a imaginé une solution afin de réformer les cabinets ministériels.
Le but était que l’administration redevienne un partenaire des cabinets dans l’élaboration des
politiques publiques, et donc que les cabinets n’accaparent plus ce travail. La réforme Copernic
propose alors deux choses :
 la création de cellules stratégiques
Cette réforme plaide pour la disparition des cabinets tels qu’on les connaît, et le découpage de ces
derniers en deux, entre secrétariat politique et cellule stratégique, et donc la création dans
l’administration ce qu’on a appelé une cellule stratégique, chargée d’aider le ministre à élaborer sa
politique publique. Ces cellules assistent le ministre et le président du comité de direction, et en
dépendent. Les collaborateurs des cellules stratégiques seraient par ailleurs nommés par le
ministre, après une présélection par SELOR. Le ministre ne choisirait donc pas vraiment librement
ses collaborateurs
 la création du conseil stratégique, présidé par le ministre et qui l’assiste dans l’élaboration
et la mise en œuvre de ses projets
Le comité de direction est interne au département, tandis que le conseil stratégique fait le lien entre
le politique et l’administration.
Malheureusement, ce projet n’a jamais abouti, parce que les partis de la majorité se sont
montrés méfiants de ce projet, ayant compris qu’ils allaient perdre les relais qu’ils avaient au sein
des ministères. La réforme a donc échoué : les conseils stratégiques n’ont jamais été mis sur pied,
les cabinets ont changé de nom et sont devenus des cellules stratégiques, et ont intégré le
secrétariat politique des ministres.
Cela a été une tentative conçue pour essayer de limiter les effets néfastes, ou le fait que les
cabinets avaient trop d’emprise sur l’interface politico-administrative, mais cette tentative a
échoué.
5. Les rapports entre les ministres, les cabinets et l’administration
En revanche, dans le cadre de Copernic, on a mis en place une contractualisation entre les
ministres et les hauts fonctionnaires à travers le contrat d’administration, conclu pour la durée de
trois années civiles. On y trouve les objectifs à atteindre, les missions de l’administration, le budget
du département ministériel, et l’on donne la marge d’autonomie dont dispose l’administration.
Entre ce qui est prévu dans les textes et ce qui est mis en œuvre cependant, il y a aussi une marge
qui peut être considérable. Ça n’a pas changé grand-chose quant à la marge de manœuvre des
fonctionnaires, et donc il n’y a pas eu des résultats significatifs.
Ce qui détermine la qualité de la relation politico-administrative, ce sont plusieurs facteurs,
identifiés par le beau Christian de Visscher et ses collègues :
 la volonté du ministre et de son cabinet

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Certains sont très collaborant, s’appuient et font confiance à l’administration, contrairement à


d’autres qui sont méfiants.
 la reconnaissance de l’expertise de l’administration
Dans certains secteurs complexes, le ministre est forcé de tenir compte de l’avis de
l’administration, comme les domaines de la finance et de la fiscalité. L’administration peut alors
assurer un support technique.
 la manière dont le ministre organise concrètement la relation
Certains ministres sont déterminés à organiser des réunions souvent, d’autres non.
 l’attitude, de la personnalité du ministre
Certains sont en retrait, d’autres plus collaborant.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Chapitre 2 : Les transformations du système administratif en Belgique

La Belgique a été témoin de deux grandes réformes du système administratif en son sein au
cours du XXème siècle et du début du XXIème siècle :
 la réforme « Camu » (1936-1940), élaborant un statut administratif et pécuniaire unique
pour l’ensemble du personnel des ministères
 la réforme Copernic (1999-2003), tournant managérial visant la structure, les ressources
humaines et les méthodes de gestion de l’administration fédérale
Afin de comprendre les ressorts, le contexte, le contenu de ces réformes, nous allons nous
appuyer sur le modèle d’analyse de réforme des administrations publiques (public management
reform) élaboré par Pollitt et Bouckaert. Celui-ci nous aide à comprendre les dynamiques à l’œuvre
dans les transformations du système administratif.
Les réformes administratives qui sont réellement mises en œuvre dépendent de deux grands
facteurs : les forces socio-économiques et le système politique. Les variables socio-économiques
sont des changements à la fois du système économique, mais aussi du milieu socio-démographique,
qui engendrent des changements des politiques publiques, qui ont une influence sur la manière dont
les élites politiques conçoivent les réformes administratives. Au niveau du système politique, celui-
ci suscite la réflexion sur les idées politiques, à travers les programmes politiques, les relations que
les partis entretiennent avec les acteurs de la société, et donc portent certains projets à l’agenda.
C’est la combinaison de cela qui va amener au changement du système administratif, et alimente
les réformes.
Les auteurs insistent sur l’incidence de facteurs fortuits (chance events). Les bonnes idées ne
suffisent pas pour que les autorités politiques passent à l’acte, et certains événements internes ou
externes (crise, changement politique majeur, …) poussent les politiques à amener des
changements dans l’appareil administratif de l’État.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

I. Le statut Camu de 1937 tente de « professionnaliser » la gestion de la fonction


publique belge, de l’unifier et limiter les effets des clivages
A. Eléments de contexte
A la fin des années 1930, la Belgique entre dans une période troublée tant sur le plan
économique que politique : montée du nazisme et crise de 1929, montée du parti d’extrême-droite
Rex insistant sur la restauration de l’autorité de l’État, ... Le gouvernement, dirigé par van Zeeland,
charge Louis Camu, venant du secteur privé, de devenir commissaire royal à la réforme
administrative. Il a pour mission de réorganiser le secteur administratif en Belgique, et d’améliorer
le fonctionnement et la qualité du service public. Cela permettrait d’augmenter la confiance qu’ont
les citoyens dans le système politique et le pouvoir en place.
Jusqu’à la réforme, il n’y avait pas de statut des fonctionnaires, c’est-à-dire de conditions
de travail uniformes au sein de l’État : chaque département ministériel faisait sa politique de
ressources humaines. Il y avait aussi des pratiques d’influence partisane, et de politisation formelle.

B. Les objectifs de la réforme Camu


Camu va s’inspirer de ce qu’il se fait dans d’autres pays, notamment en Angleterre, où la
fonction publique était peu réglementée mais très professionnelle, ainsi qu’en France, et quelque
peu aux États-Unis.
Camu, dans la mise en place de cette réforme administrative, poursuit plusieurs objectifs
principaux :
 la création d’un outil de gestion uniforme pour le personnel de la fonction publique, et la mise
en place d’un élément d’équité pour les agents eux-mêmes qui verraient leur carrière
garantie par l’État de droit
Il propose alors de fixer un cadre administratif et juridique pour tous les fonctionnaires sur le
déroulement de la carrière des agents de l’État. Le but est de garantir les agents contre le risque
d’arbitraire politique.
Le statut rédigé par Camu deviendra, dès lors, la référence pour tout le secteur public, y compris
pour les OIP et la fonction publique locale.
 le règlement de l’ensemble de la carrière en fonction du principe du mérite, déterminé de la
manière la plus objective possible
Pour le recrutement, on généralise les concours, qui passent par un organe indépendant, le SPR
(Secrétariat permanent au recrutement du personnel de l’État), créé en 1937 et précurseur de
SELOR. Pour l’avancement ou la promotion, on procède tous les deux ans à un signalement, c’est-à-
dire à une évaluation par le supérieur hiérarchique.
 le reliage du recrutement du personnel au système éducatif national, et l’ouverture plus large
des administrations publiques aux diplômes universitaires
Camu crée alors une hiérarchie au sein de l’administration en fonction du niveau de diplôme obtenu
dans l’enseignement. On a alors quatre catégories d’agents, des niveaux A à D. On permet alors un
accès direct à ces catégories pour les détenteurs des diplômes correspondants : A = universitaire
par exemple. Il est également possible de gravir les échelons, y compris par des examens internes.
 le maintien du caractère démocratique de la carrière, en permettant l’accès de tous les
belges à la fonction publique
La Belgique se différencie de la France et du Royaume-Uni, en cela qu’elle est moins élitiste et
davantage démocratique.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

 l’assurance d’un juste équilibre entre les droits des agents et les intérêts supérieurs de
l’Etat
Pour ce principe, Camu élabore un statut disciplinaire relatif aux obligations des agents, en élaborant
des peines disciplinaires, tout en prévoyant un système de recours en cas de contestation sur le
signalement ou les peines disciplinaires.
 l’assurance d’une collaboration permanente entre l’administration et ses agents
Il met en place des comités de personnel, associant les personnels à la bonne marche des services
et donnant aux organisations professionnelles la possibilité d’exprimer en toute liberté leurs avis
sur les problèmes qui dominent la carrière des agents.
Le statut consacre officiellement le syndicalisme administratif, tandis que le droit de grève
ne sera repris qu’en 1994 (ARPG) mais reconnu officieusement. On considérait que le droit de grève
était incompatible avec le principe de continuité du service public.
Le Service d’administration générale, rattaché auprès du Premier ministre, futur ministère de la
Fonction publique est créé. Il est le « gardien de l’uniformité » face aux velléités d’autonomie des
départements

C. Evaluation de la mise en œuvre de la réforme Camu


De nombreux points de la réforme qui ont été une réussite : le statut est devenu une
référence, et a servi de modèle pour certains organismes, comme les collectivités locales. Au niveau
du déroulement de la carrière, il a apporté des points très significatifs en termes d’égalité de
traitement, d’égalité des chances dans la sélection des agents, …
Néanmoins, malgré les freins à la politisation que Camu avait prévu, les partis politiques ont
essayé de détourner les statuts de différentes façons afin de procéder à des recrutements sur base
partisane. Il y en a eu trois façons de faire :
 dans le statut, il était permis à l’art. 18, le recrutement de personnalité de haute valeur dans
des circonstances exceptionnelles
Cela pouvait se justifier en partie, mais cette disposition, confiant un pouvoir discrétionnaire mal
limité au Conseil des ministres a connu bien des abus, par la multiplication des primo-nominations
notamment.
 le statut permettait, dans certains cas, de recruter des agents temporaires
Il devait être limité aux agents dans les réserves des concours. Très vite, les ministres ont
cependant eu tendance à aller chercher des agents temporaires en dehors de tout cadre
réglementaire. Ces agents étaient souvent prolongés, avant d’être régularisés. Il y avait alors une
situation d’iniquité entre ceux qui avaient passé les concours et les agents temporaires.
 beaucoup de supérieurs hiérarchiques biaisaient le système de signalement
La plupart des agents obtenaient une mention favorable, et il était alors difficile d’effectuer un
classement. Le politique pouvait alors choisir qui promouvoir

II. Entre les réformes « Camu » et Copernic, les efforts de modernisation de 1980 à 1999
Entre 1950 et 1980, il ne s’est plus passé grand-chose en termes de réformes
administratives fondamentales.
A partir des années 1980, la Belgique se trouvait dans une situation financière difficile. Le Solde Net
à Financer, indicateur du déficit public s’est brusquement détérioré. Les politiques se sont alors mis
en alerte, craignant que la charge d’intérêt soit trop importante et fasse une pression trop forte.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Cela réduisait les ressources disponibles pour d’autres secteurs. C’est un premier signal d’alarme,
qui va signifier une période d’austérité, où l’on va réduire, rationaliser, et dégraisser l’appareil d’État,
de manière à faire des économies. Parallèlement, une pression de type économique ou industrielle a
lieu.
On se rend alors compte que la question de la performance de l’appareil administratif se pose : on
doit faire en sorte de mieux gérer l’État. On a besoin de sécurité juridique, mais celle-ci ne doit pas
se faire au détriment de la performance.
Ce qui a freiné le développement de la réforme administrative sont les enjeux
communautaires. Les autorités politiques étaient occupées à mettre en place ces réformes
institutionnelles, qui voulaient régler les conflits internes sans se préoccuper de la performance de
l’État.
On peut se demander quelle a été la part du citoyen dans le déclenchement des réformes
administratives. La Marche blanche notamment, en octobre 1996, qui a mobilisé 300 000
personnes, a montré la désapprobation des carences de la police et de la justice.
VOIR RÉCAPITULATIF DES RÉFORMES ADMINISTRATIVES
En 1980, sont mises en place les régions et les communautés (qui abandonnent l’adjectif
culturelles). Se pose alors la question du support administratif de ces nouvelles entités. On adopte
donc, grâce à l’arrêté royal sur les principes généraux communs à l’ensemble des fonctions publiques
(ARPG) de 1994, le modèle égalitaire de Mény : chaque entité met en œuvre elle-même ses propres
compétences et dispose de ses propres services administratifs. Chaque gouvernement dispose
d’une administration, d’institutions décentralisées, et d’un personnel, et peut aussi fixer le cadre
(c’est-à-dire le nombre d’emplois) et procéder aux nominations.
Les règles relatives aux relations entre les autorités publiques et les organisations
syndicales des agents relevant de ces autorités, ainsi qu’avec les membres de ces organisations
syndicales, relèvent en ce qui concerne les communautés, les régions et les personnes morales de
droit public qui en dépendent y compris l’enseignement, de la compétence de l’autorité fédérale, sauf
en ce qui concerne la RTBF et le Commissariat général aux relations internationales de la
Communauté française. Toutefois, le Gouvernement de la Communauté française peut décider
d’appliquer pour ces deux institutions les dispositions légales précitées. Ainsi, les régions et
communautés fixent les règles relatives au statut administratif et pécuniaire de leurs agents, à
l’exception des règles relatives aux pensions.
La question est de savoir si on donnait une totale liberté en ce qui concerne la gestion de la
fonction publique, ou si l’on impose le statut Camu. On trouve un compromis à la belge, comme
toujours : on donne alors une autonomie encadrée. L’arrêté royal fixe quelles mesures de la réforme
Camu vont être appliquées au personnel des communautés et régions.
Du côté flamand, des voix s’élèvent afin de pouvoir sortir de ce cadre. Cet arrêté royal est alors
supprimé en 2014, donnant une liberté totale aux régions et communautés quant à l’organisation du
statut de leur personnel.
En matière de mandats, au niveau des agents de niveau A, l’ARPG pose que le personnel n’est
plus nommé à vie, mais pour un mandat de 6 ans pouvant être renouvelé par une évaluation favorable.
Cela introduit un changement fondamental, qui pousse les fonctionnaires à être performants et
réactifs, en leur faisant intégrer qu’ils ne sont plus inamovibles.

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III. La réforme « Copernic » de l’administration fédérale


A. Eléments de contexte
La réforme Copernic intervient en 1999, à la suite d’un événement fortuit, la « crise de la
dioxine ». Cette crise révèle de graves dysfonctionnements dans l’administration fédérale :
négligences dans le contrôle de la chaîne alimentaire dues en grande partie au manque de
coordination entre les ministères concernés (Santé publique et Agriculture), suivies par de nombreux
cafouillages dans la gestion de la crise et de ses conséquences, … Tout cela se passe dans les mois
précédant les élections de juin 1999. Les résultats de ces élections entraînent alors un changement
de coalition gouvernementale. Les partis sociaux-chrétiens (CVP et PSC), au pouvoir depuis plus de
quarante ans (!), dans des coalitions formées en alternance avec les socialistes et les libéraux, sont
renvoyés dans l’opposition. La nouvelle coalition est composée de six partis, libéraux, socialistes et
écolos, sous la houlette de Guy Verhofstadt, émerge. Ils veulent alors donner un signal fort à la
population en lançant cette « révolution copernicienne » de l’appareil administratif.
Verhofstadt appelle Van Den Bossche, personnalité forte, convaincu des réformes néo-
managériales et qui en a déjà pratiqué au sein du gouvernement flamand. Il va alors appliquer les
mêmes recettes au sein du système fédéral. Cette réforme se veut très englobante, et qui va
s’inspirer de la nouvelle gestion publique, tant prônée dans les pays anglo-saxons que nordiques.

B. La réforme Copernic, une réforme administrative historique ?


Les points forts de cette réforme sont les suivants :
 le réaménagement de la structure des ministères, et l’amélioration de la coordination entre
l’autorité politique et la fonction publique dirigeante
Ce phénomène a lieu notamment par l’instauration d’outils de planification (plans stratégiques et
de management) et d’organes de concertation (conseil stratégique et comité de direction).
 le développement d’une nouvelle vision de la gestion des ressources humaines
Cette gestion des RH met particulièrement l’accent sur la valorisation des compétences et des
prestations.
 une nouvelle culture de management
Celle-ci implique une réforme des méthodes de contrôle budgétaire, axées davantage sur le contrôle
de la qualité de la gestion et le recrutement des hauts fonctionnaires selon un système de mandats.
 l’introduction de nouvelles méthodes de travail au sein de l’administration
Ces méthodes doivent être fondées sur le « business process reengineering », qui correspond à
l’analyse des processus de travail au sein des administrations en vue d’améliorer la qualité.
1. Le réaménagement de la structure des ministères
VOIR SUPRA
2. La nouvelle vision GRH et la nouvelle culture du management : le mandat
Le principe du mandat a été investi avant la réforme Copernic, dans le cadre de l’ARPG, mais
la réforme la met d’autant plus en avant.
Pour les fonctions correspondant aux trois grades les plus élevés dans la hiérarchie, les
fonctionnaires ne sont plus nommés à vie dans leur poste, mais pour une durée limitée à 6 ans, et
conditionnée à l’atteinte d’objectifs par le titulaire du mandat.
Cette relation de travail entre le ministre et le fonctionnaire est organisée à partir d’un plan de
management, qui sert de référence lors de l’évaluation du cadre dirigeant. On y assigne les moyens
dont il va disposer notamment, ainsi que des objectifs à atteindre. Ce plan de management a été

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

remplacé en 2016 par un contrat d’administration, qui regroupe les plans de chacun des
mandataires.
Les postes, pour les rangs n (présidentes de comité de direction) et n-1 (directeurrices
généralesaux), sont ouverts à des personnes venant du secteur privé ou d’autres organisations
publiques. Ils ne sont donc plus réservés à celles et ceux qui travaillent déjà dans l’administration
fédérale.
La procédure de recrutement se déroule comme suit :
 présélection par SELOR, et classement en « aptes », « très aptes » et « moins aptes ».
 choix des candidats par les ministres parmi les « très aptes » (et éventuellement dans une
catégorie inférieure si on ne trouve pas ce qu’on veut)
On appuie donc sur la compétence, et on laisse les ministres choisir les candidats. Le rôle du pouvoir
politique dans le recrutement des cadres dirigeants est reconnu, ce qui crée un climat de confiance
entre le pouvoir politique et le pouvoir administratif. Cela existait déjà, mais de manière occultée.
Ici, c’est officialisé.

IV. Conclusion
Quelles leçons peut-on tirer des transformations successives du système administratif ?
Quels points de comparaison peut-on établir entre les deux grandes réformes qu’a connues
l’administration fédérale ?
Pollitt et Bouckaert ont élaboré un modèle d’analyse des transformations du système
administratif. Pour qu’il y ait transformation du système administratif, certains facteurs doivent être
à l’œuvre : des conditions socio-économiques, ainsi que des conditions liées au système politique.
Dans la réforme Copernic comme dans la réforme Camu, on est dans des moments où la
Belgique rencontre des problèmes de finances publiques. En ce qui concerne la réforme Camu, la
Belgique fait face à la crise de 1929. Pour la réforme Copernic, c’est le moment où la Belgique
souhaite faire partie des pays adhérant à l’euro, et doit donc rencontrer certains objectifs de
convergence, en faisant des efforts afin d’améliorer la situation de ses dépenses publiques, en les
réduisant. Ces deux situations économiques sont différentes, mais montrent toutes deux un besoin
de réduire les dépenses publiques.
Alain Camu trouve son inspiration dans les réformes du civil service au Royaume-Uni, ainsi
que dans la pensée de l’administration en France, mais aussi dans l’organisation scientifique du
travail aux États-Unis.
Ces idées sont portées pas les partis politiques, qui ont un rôle d’impulsion : dans les deux cas, les
partis, compte tenu du contexte et des idées qui circulent, inscrivent ce point de la réforme
administratif dans l’agenda politique.
Parmi ces facteurs liés au système politique, Pollitt et Bouckaert soutiennent que la
pression des citoyenes joue également un rôle. Ici c’est difficile de déterminer si cette pression a
pu jouer, compte tenu de l’inexistence de la démocratie participative en Belgique, malgré quelques
exceptions de consultation.
Il y a eu une manifestation importante en 1996, la marche blanche, événement ayant secoué les
citoyens et les politiques, mais il est difficile de dire à quel point cette pression de la rue a pu avoir
un effet sur la mise à l’agenda de la réforme administrative.
Dans les deux cas, les partis politiques, surtout ceux qui étaient parti prenant au
gouvernement étaient conscients qu’il fallait rétablir la confiance dans l’autorité de l’État et les

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

institutions. En 1935 à cause de la montée des partis extrêmes, et dans les années 1999 à cause
du scandale de la crise de la dioxine.
Pour que ces idées qui sont à l’agenda soient traduites en termes de réformes, il faut
d’autres éléments :
 il faut souvent un entrepreneur politique, qui porte la réforme
Dans le cas de la réforme Camu, c’est un commissaire royal à la réforme administrative, tandis que,
dans le cadre de la réforme Copernic, c’est un ministre des réformes administratives. Camu est un
expert du privé, tandis que Van Den Bossche est un politique. Le rôle des entrepreneurs politiques
est important pour que la réforme soit traduite dans la loi puis dans les faits, en donnant des
directives à l’administration et en mettant en œuvre les décisions.
 il faut également des événements fortuits, qui donnent un coup d’accélérateur aux choses
Dans le cas de la réforme Camu, cela concerne les scandales politico-financiers, qui ont érodé la
confiance. En ce qui concerne la réforme Copernic, c’est la crise la dioxine qui a accéléré les
changements administratifs.
Si l’on analyse le contenu des réformes, on peut voir des similitudes entre les deux réformes
administratives : réaménagement de la structure ministérielle, création de nouveaux départements,
mise en place d’un nouveau statut de la fonction publique, …
Enfin, un résultat non atteint ressort dans les deux réformes : un frein est mis à la
dépolitisation. C’est paradoxal, parce qu’il y avait une réelle volonté de dépolitisation.

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Chapitre 3 : Le système politico-administratif en action – élaboration et mise en œuvre des


décisions politiques en Belgique

I. Comment fonctionne le cycle de la décision politique, allant de la mise à l’agenda, à la


mise en œuvre des décisions ?
Il est possible de représenter le processus de décision politique en un cycle relativement
théorique.
Celui-ci commence par l’émergence d’un problème, puis sa perception dans les sphères publique et
privée, qui est mis à l’agenda politique. Une fois qu’une question est arrivée à l’agenda politique, elle
fait l’objet d’une analyse, généralement faite par l’administration. Si l’on décide de se saisir du
problème, on adopte alors un programme politico-administratif (PPA), donc un arrêté, une loi, un
règlement, … qui tentent de le résoudre. Ces textes doivent faire l’objet d’une mise en œuvre, qui se
fait à travers deux types d’instruments : des instruments qui précisent la nature de la loi (des arrêtés
d’application ou circulaires ministérielles), ainsi que des produits concrets qui permettent de mettre
en œuvre les politiques publiques. Enfin, après la mise en œuvre de la politique publique, celle-ci est
évaluée. Cela va mener à l’émergence et la perception d’autres problèmes.
Ce cycle ne se déroule pas forcément de manière si mécanique que cela, et certaines étapes peuvent
être sautées.
VOIR SCHÉMA

A. Les règles institutionnelles précisent les pouvoirs des acteurs


Les contours de ce cycle sont précisés dans des règles institutionnelles, qui règlent la
répartition des pouvoirs entre les institutions politiques et administratives.
Cependant, ces textes fondamentaux laissent une marge d’autonomie, et sont complétés par la
coutume constitutionnelle.
Le déroulement du cycle suit donc des règles institutionnelles et informelles. Parfois les règles
formelles peuvent être contournées, dans la pratique, comme c’est le cas de la désignation par le
roi des ministres, qui sont en fait proposés par les partis politiques.

B. Le déroulement du cycle en Belgique


VOIR SCHÉMA
Ce schéma n’est pas complet, oubliant une étape fondamentale : préalablement à toute
discussion, on a un accord de gouvernement, sur lequel s’appuient les partis pour tout projet qui
sera discuté au sein du gouvernement. Celui-ci contient toutes les options fondamentales des
politiques publiques qui seront abordées au cours de la législature.
Certaines étapes manquent aussi en aval.
La discussion comprend différentes étapes : un nouveau projet fait d’abord l’objet de
négociations techniques (réalisées par les fonctionnaires), suivies de négociations politiques (au
sein de réunions inter-cabinets). A la suite d’un accord, la question fait l’objet d’un avis juridique du
Conseil d’État. C’est sur cette base qu’est adopté l’arrêté ou la loi. Si c’est une loi, celle-ci doit
ensuite être évaluée au Parlement (d’abord en commission, puis en séance plénière). Les textes
sont enfin publiés.
Il manque de plus, dans ce schéma, ce qu’il se passe après, c’est-à-dire la rédaction des
arrêtés d’application et de l’adoption des plans d’action et des actes administratifs individuels afin
de mettre en place les politiques publiques.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Ce qu’il est important de souligner et qu’il se peut qu’il y ait une certaine divergence résultant
soit de la discussion entre les partis, ou d’événements externes.
En France, le confinement a soulevé des problèmes de maintien de l’ordre dans certains quartiers.
Les autorités locales ont dû adapter, modeler la politique publique, afin de faire respecter le
confinement.
Les textes sont ainsi souvent adaptés, ce qui résulte du jeu des acteurs, qui négocient et modèlent
les produits concrets de la politique publique. Les décisions se prennent donc dans des
environnements socio-politiques spécifiques. La société civile réagit aux décisions prises. Le
pouvoir politique doit donc tenir compte de cela.

II. Les principaux acteurs de la décision politique (par ordre d’importance)


A. Les partis politiques
On parle en Belgique de « particratie », terme inventé par le politologue Wilfried Dewachter,
qui disait que c’était la prépondérance des partis sur les autres acteurs ou institutions prenant part
au processus de décision politique. Il avait élaboré une échelle de la particratie dans de nombreux
pays européens, dans les années 1960-1970.
Les partis sont réticents à démanteler les cabinets ministériels, qui sont pour eux un réseau
d’information très important. Il y a en plus une concertation importante entre les ministres et les
partis. Ce sont aussi eux qui désignent les candidats aux postes ministériels.

B. Les ministres
Les ministres sont choisis par les chefs des partis, et nommés officiellement par le roi.

C. Les parlementaires
Les parlementaires ont perdu progressivement une partie de leurs pouvoirs. Ils sont très
dépendants du parti, et doivent respecter la discipline du parti : ils n’ont pas beaucoup de marge de
manœuvre afin d’exprimer un vote individuel qui irait à l’encontre de la position du parti. Ils sont
contrôlés à travers les secrétariats de groupe, ainsi que lors de la constitution des listes.

D. Les groupes de pression


Les syndicats et le patronat sont associés à beaucoup de politiques, et ont des rencontres
régulières avec le gouvernement. Ils sont donc associés à toute une série de questions liées à la vie
du pays.
On a, en Belgique, une tradition de néocorporatisme et de networking : en associant les
acteurs représentatifs à la décision politique, les acteurs politiques cherchent à privilégier le
« consensual desicion-making », selon Bouckaert.
Il faut souligner que certaines de ces associations ont d’autant plus de poids dans ce networking
dans la mesure où elles peuvent être actives dans la mise en œuvre des politiques publiques. Elles
ont pu s’être vu attribuer des moyens, en lieu et place des services publics, comme c’est le cas des
écoles privées, ou encore en termes d’allocations de chômage, qui ont pu être données aux
syndicats. Ces organisations peuvent alors donner un feedback, et sont donc incontournables dans
la prise de décisions politiques, étant donné qu’elles possèdent beaucoup d’information sur certains
sujets.

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E. L’administration
On considère que l’administration a, en Belgique, peu d’influence dans le processus de
décision, à l’exception des corps de contrôle : l’Inspection des finances (contrôleur interne à
l’administration) et la Cour des comptes (auditeur externe agissant pour le compte du Parlement)
ont un rôle effectif dans le contrôle des finances publiques (recettes et dépenses).
Le Bureau du Plan ou le Banque Nationale de Belgique peuvent aussi avoir un certain rôle, mais sont
des exceptions.
Aubin, Brans et Fobe ont fait une analyse du middle management des départements
ministériels, concernant leur implication dans l’élaboration des politiques. Cette implication est
assez faible, et le middle management concentre environ 50 % de son activité à la mise en œuvre
des politiques, et 30 % à l’analyse juridique des projets émanant du gouvernement. Mise à part les
fonctionnaires dirigeants, l’administration est donc peu impliquée dans l’élaboration des politiques
publiques.
Cela peut s’expliquer par plusieurs facteurs :
 l’inexistence de grandes écoles (comme l’ENA) chargées de formée des cadres, de créer un
« esprit de corps » et de susciter une réflexion sur le fonctionnement de l’administration
Les politiques eux-mêmes sont réticents à créer une telle école, de peur que l’administration leur
fasse de l’ombre.
 la faible estime de l’administration par la population
Cela peut témoigner d’un rejet du pouvoir central, mais cet argument ancien peut-être dû également
au fait de la domination historique de la Belgique par des autorités politiques étrangères, que la
population a toujours rejetées.
 la méfiance des politiques quant à la loyauté de la haute administration
 la dimension de court terme de la plupart des décisions publiques

F. Les experts
Les experts contestent en ce domaine le pouvoir d’influence des hauts fonctionnaires. Leur
influence est variable suivant les secteurs. Ils apportent une connaissance technique et leur
influence se produit directement sur le pouvoir politique, parce que ces experts sont souvent
présents directement dans les cabinets, et participent à des GT « techniques », …
Il y a plusieurs types d’experts :
 consultants en organisation, cabinets d’avocats
 « think-tanks »
 organismes internationaux : UE, ONU, FMI, OCDE, …

G. La presse
La presse est parfois considérée comme un quatrième pouvoir, à cause du poids des grands
éditorialistes.
Dans le cas des dossiers communautaires, ceux-ci ont parfois joué un grand rôle et ont orienté la
réaction des partis politiques.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

III. L’analyse du processus décisionnel au niveau ministériel


A. Le pouvoir des ministres
Alain Eraly a publié en 2002 Le pouvoir enchaîné : Être ministre en Belgique. Son enquête est
fondée sur un certain nombre d’entretiens auprès de ministres et de membres de cabinets
ministériels. Il est intéressant puisqu’il démystifie le pouvoir réel des acteurs et actrices comme
les ministres, dans le cycle de prise de décisions politiques. Eraly tente d’expliquer la différence
entre pouvoir formel et informel dans la prise de décision. Les ministres sont enchaînés entre le fait
de pouvoir user de leurs pouvoirs, et l’exercice réel de ces pouvoirs, devant tenir compte de certains
facteurs.
L’autorité des ministres repose en principe sur le pouvoir d’édicter des règles, et le pouvoir de
commander une structure administrative (c’est-à-dire un ministère) ou d’exercer la tutelle sur
d’autres personnes publiques.
En pratique, l’exercice de ses pouvoirs se heurtent à des contraintes, qui font que cette
conception hiérarchique du fonctionnement de l’État ne correspond pas tout à fait à la réalité. Eraly
parle alors d’un « État en réseau ».
Cela peut s’expliquer par quelques facteurs :
 le système de représentation proportionnelle, qui favorise la fragmentation des forces
politiques.
Il faut donc former des coalitions et donc abandonner une partie de son pouvoir.
 la plupart des décisions se prennent selon le principe du consensus, selon une tradition
latine qui veut qu’aucun accord n’est pleinement acquis tant qu’il n’y a pas d’accord global
 le ministre se trouve au cœur d’un système complexe mêlant acteurs politiques,
administratifs, et société civile

B. Trois contraintes fondamentales du travail ministériel


Eraly souligne alors que : « A l’instar de toute fonction d’autorité à haut niveau, le travail
ministériel est soumis à trois contraintes fondamentales : la complexité, l’interdépendance et
l’incertitude. »
 la complexité des dossiers
Compte tenu de la technicité des dossiers et de leur nombre, les ministres doivent s’appuyer sur
des collaborateurs. Cela contribue à créer une grande dépendance des ministres à leurs
collaborateurs.
- l’interdépendance des décisions
Chaque partenaire de la coalition a un certain nombre d’objectifs propres à atteindre, et dépose des
projets qui sont discutés en Conseil des ministres. Ici, chaque ministre pousse les projets auxquels
il est très attaché, et tente de bloquer les projets des ministres appartenant à d’autres partis de la
coalition. Cela crée une charge considérable en termes de concertation et de négociation entre les
ministres ou entre leurs collaborateurs.
Nous sommes de plus dans un modèle égalitaire en Belgique (avec une équipollence des normes
entre les niveaux de pouvoir) qui alourdie la tendance au travail de collaboration, outre la multiplicité
des partis, et rend l’interdépendance très forte.
 l’incertitude dans les décisions
En principe, on devrait pouvoir réduire l’incertitude et la charge de coordination qui en résulte, d’une
part en définissant à l’avance le programme gouvernemental à travers le contrat gouvernemental,
et, si nécessaire, en redéfinissant chaque année ce programme, à l’occasion de la discussion du

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

budget, et d’autre part, en recourant pour le surplus à l’arbitrage du Premier Ministre ou, dans les
régions et les communautés, du ministre-président.
En Belgique, le Premier Ministre n’est pas celui qui a amené les partis vainqueurs aux élections. Il
est désigné par le roi parmi les partis vainqueurs. C’est un « premier parmi ses pairs », un
coordinateur, mais n’a pas l’autorité, comme c’est le cas en France ou encore au Royaume-Uni,
d’imposer son point de vue aux autres, sauf dans le cas d’une très forte personnalité.
Ces trois contraintes combinées de complexité, d’interdépendance et d’incertitude
entrainent différentes conséquences :
 une charge intense de communication en face à face entre les ministres et entre les
collaborateurs
Cela contribue à créer des rapports de force et des jeux de pouvoir permanents entre les membres
de la coalition : on négocie perpétuellement des décisions entre les membres de la coalition. Chacun
cherche à mobiliser ses ressources afin d’influencer les dossiers, au risque d’un enlisement
généralisé dans la conflictualité.
Au plus on approche des élections, au plus le climat politique se détériore, et donc il devient de plus
en plus difficile de faire passer des dossiers en Conseil des ministres voire au Parlement.
Il existe une série de mécanismes de concertation au sommet afin de « réguler la pression » dans
la gestion des dossiers et projets politiques : le Conseil des ministres, le comité ministériel
restreint, les réunions des directeurs de cabinets, ou les réunions inter-cabinets.
 l’omniprésence des jeux de pouvoir entraîne à son tour toute une série de dysfonctions liées
à la méfiance entre les partenaires
La pauvreté de la communication entre ces ministres obsédées par la peur de perdre la face
participe à affaiblir la qualité de la coordination au sein du gouvernement.
 la conjonction des contraintes impose de travailler en réseau, plutôt que hiérarchiquement
Il s’agit alors d’absorber la charge de coordination en s’impliquant dans une diversité de relations
interpersonnelles.
 le travail en réseau et les trafics d’influence forment un obstacle à la légitimation de l’action
politique
Tout cela nous donne un constat assez sombre du travail ministériel.

IV. Conclusion
Le « New Deal » est une politique en faveur de l’emploi, qui été lancée par le gouvernement
bruxellois à partir de 2011. Celle-ci visait à améliorer le contenu de la politique de l’emploi, mais
surtout à concevoir autrement l’action publique sur le territoire de Bruxelles. Le gouvernement
bruxellois a donc voulu essayer de trouver une autre manière d’élaborer les politiques publiques.
Ce dispositif vise à associer les différentes acteurrices compétentes sur le territoire bruxellois.
VOIR SCHÉMA
Ainsi, la RBC, son administration et ses agences, une série d’organes de concertation, les
commissions communautaires (entités décentralisées dépendant des deux communautés), les
deux communautés, les CPAS, les communes … interviennent dans la politique de l’emploi.

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Pauline Huillard SPOL1BA 2019-2020

Dans quelle mesure cette politique du « New Deal » cherche-t-elle à surmonter les
contraintes soulignées plus haut ?
 l’interdépendance
Le fait que le gouvernement bruxellois, pour mettre en place sa politique, a besoin de mettre en place
un dispositif allant au-delà des compétences de la région, associant à la fois des acteurs publics et
privés, qui est une gouvernance en réseau, tend à tenir compte des contraintes, au sein d’une région
très fragmentée7.
 la complexité
Pour résoudre ce problème, le gouvernement bruxellois a conclu une méthode de « coordination
ouverte » : un certain nombre de lignes de conduites de cette politique ont été discutées au sein du
CBCES (Comité Bruxellois de Concertation Économique et Social), instance où siègent les
partenaires sociaux et le gouvernement, où l’on s’est mis d’accord sur un certain nombre de points,
et l’on a confié des actions concrètes en exécution des lignes directrices à de groupes de travail qui
élaborent des directives pratiques afin de mettre en œuvre cette politique.
 l’incertitude
Il faut, si l’on veut éviter l’incertitude et la méfiance, non seulement créer des organes comme les
groupes de travail ou le CBCES, mais également créer des synergies, mettre en commun des
connaissances et des compétences. Il faut pour cela des ressources et du temps afin de créer des
relations et des structures8. On espère alors arriver à une meilleure entente et une bonne
coopération.
Ce texte sur le « New Deal » est le résultat d’une évaluation qui a été faite du dispositif. Ce
qui en ressort est un certain nombre de points forts et de points faibles.
La coopération contribue à renforcer la confiance entre les acteurrices, et a permis de créer des
réseaux personnels informels, qui permettent d’assurer un bon processus. Des nouveaux liens de
coopération ont été créés entre des acteurrices qui ne se parlaient pas ou très peu.
En revanche, le « New Deal » n’a pas réussi à faire bouger la complexité de la situation
institutionnelle à Bruxelles : on aurait pu par exemple envisager une modification de la répartition
des compétences sur le territoire de RBC. De plus, dans ce genre de dispositif, vu que la région ne
peut pas imposer la coopération, on compte sur le bon vouloir des acteurrices : certaines sont
donc restées un peu à l’écart, n’ont pas joué le jeu. L’implication des acteurrices est donc très
variable entre eux, ainsi que dans le temps.

7 cf. points 7, 8 et 20 de l’article


8 cf. point 26

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Chapitre 4 : Quel avenir pour le modèle fédéral en Belgique ?

On entend souvent dire que la Belgique est au bord de l’éclatement. On peut alors se
demander quel est réellement ce risque, et quels sont les scenarii possibles pour imaginer l’avenir.

I. Le système institutionnel est-il de type fédéral ou confédéral ?


Selon l’article Ier de la Constitution de 1993, la Belgique est un État fédéral.

A. Les traits caractéristiques d’une confédération selon la doctrine


Selon la doctrine, les traits caractéristiques que revêtent les confédérations sont les
suivants :
 le confédéralisme est une construction de droit international, décrivant une situation dans
laquelle plusieurs États indépendants décident de gérer en commun
Ainsi, le confédéralisme dans un seul pays est conceptuellement une contradiction.
 chaque pays a le droit de faire sécession, c’est-à-dire de se retirer de la confédération
 il n’y a pas de lien direct entre la confédération et lea citoyenne
La confédération est une réalité intergouvernementale, les citoyennes ne votent pas pour élire les
dirigeantes de la confédération, et ne sont même pas citoyennes de la confédération, mais de l’un
de ses États-membres.
 la confédération n’a qu’un nombre très limité de pouvoirs : la plénitude des compétences
reste aux mains des États-membres.
 dans une confédération, les décisions se prennent à l’unanimité : chaque État doit approuver
les décisions politiques.

B. Le système belge présente-t-il des traits confédéraux ?


De Coorebyter, dans un article en 2008, parlait de « fantôme du confédéralisme » : la
Belgique est bien un pays fédéral, mais on retrouve, dans ses traits, un certain nombre de
caractéristiques qui se rapprochent d’une confédération.
Les points qui plaident contre cela sont :
 le fait que les régions et les communautés ne sont pas des États indépendants, et le
processus de fédéralisation est centrifuge, et non centripède
 les entités, selon la Constitution, ne peuvent pas faire sécession
En revanche, certains points nous situent entre le fédéralisme et le confédéralisme :
 le lien politique direct entre les citoyennes et l’autorité fédérale existe, mais n’est plus si
évident
Il n’y a plus vraiment de logique fédérale dans l’élection des députées : on en élit des flamands et
des wallons, et chaque électeur s’identifie à sa communauté linguistique.
 l’Autorité fédérale dispose de pouvoirs et compétences étendues, mais si l’on met en œuvre
l’article 35 de la Constitution, on s’approche alors du modèle confédéral
Pour pouvoir donner les compétences résiduaires aux communautés et régions, il faudrait déterminer
les compétences exclusives du pouvoir fédéral. Ce n’est pas encore le cas cependant.
 au niveau fédéral, les décisions ne se prennent pas à l’unanimité, mais plusieurs décisions
prises en vue de protéger les minorités accordent un droit de veto aux francophones

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C’est le cas de la parité au Conseil des ministres, ainsi qu’au Collège réuni de la COCOM, qui
nécessitent un consensus ; mais également en ce qui concerne les règles de majorité spéciale au
Parlement fédéral pour modifier la Constitution et les LSRI ; ou encore de la procédure de la sonnette
d’alarme et celle de prévention des conflits d’intérêt.
Tout cela tend à montrer que le système possède des traits confédéraux.

II. Pourquoi le modèle belge de pacification est-il mis davantage sous pression ?
Comment peut-on expliquer la longueur des crises gouvernementales en 2007, 2011 et
2019-2020 ? Pourquoi est-il plus difficile d’arriver à conclure un compromis sur le plan institutionnel
aujourd’hui par rapport à il y a 20 ou 30 ans ?

A. Les changements électoraux en Flandre


Dans le passé, on avait en Belgique deux grandes familles politiques : les socialistes et les
sociaux-chrétiens, qui avaient un des partis qui était dominant dans une des deux régions, avec un
parti frère qui était minoritaire dans l’autre région. Cette configuration au niveau électoral faisait
que ce parti dominant combiné avec un parti frère facilitait l’atteinte des compromis.
La situation a changé à partir du moment où le CD&V est aujourd’hui contesté en Flandre par les
partis nationalistes. Lors des dernières élections, le Vlaams Belang est devenu le deuxième parti
flamand derrière le N-VA.

B. L’équilibre entre les trois clivages désormais rompus


Ces clivages permettaient des compromis en faisant jouer les équilibres entre ces trois
clivages. Aujourd’hui, le clivage linguistique est devenu dominant par rapport aux autres, et
cristallise tous les débats politiques sur des considérations communautaires.

C. La disparition des élites politiques nationales et fédérales


Chacun vote pour des mandataires de leur circonscription, qui sont regroupés par groupe
linguistique, et considèrent alors qu’ils n’ont de compte à rendre que pour leur communauté.
Toute une série d’institutions sont maintenant divisées sur base linguistique, comme la presse
notamment.

D. Plus de marge de manœuvre budgétaire pour renouveler la politique du « gaufrier »


La détérioration des finances publiques, à partir des années 1980, de même que la faible
croissance économique ne permettent plus autant de marge de manœuvre afin de pratiquer la
politique du « gaufrier », qui consiste à donner autant de moyens aux deux communautés.
Aujourd’hui, on ne peut transférer davantage de moyens aux régions et communautés sans risquer
de mettre le pouvoir fédéral en difficulté.

E. Les revendications sur le plan institutionnel des flamands et des francophones


divergent fortement
La divergence des revendications institutionnelles entraîne des incertitudes quant aux fins
ultimes de ce processus de fédéralisation : il n’y a pas d’harmonie entre les revendications des uns
et des autres. Les positions sont très éloignées entre les partis du Nord et du Sud du pays. La
frustration des partis flamands face à l’intransigeance francophone – plus de marchandage fondé

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sur davantage de « sous » pour les Francophones en échange d’un accroissement de compétences
aux entités fédérées pour les Flamands – a conduit à une radicalisation des positions du côté
flamand, ce qui expliquerait la montée en puissance des partis nationalistes.
On a de plus un éparpillement des voix avec l’émergence de nombre de nouveaux partis, comme les
Ecolos et Groen.
Cela rend compliquée une décision.
1. Du côté flamand
La Résolution du Parlement flamand de 1999, adoptée par tous les partis, reste la ligne de
conduite des revendications :
 une extension de l’autonomie fiscale des régions
 une transformation des mécanismes de solidarité interrégionale de manière à diminuer les
transferts Nord-Sud
 des paquets de compétences plus homogènes au bénéfice des entités fédérées
 une structure fédérale de la Belgique fondée sur deux États fédérés, un flamand et un
francophone, flanqués de deux entités, Bruxelles-Capitale et la Communauté germanophone,
lesquelles n’auraient pas le même statut
C’est le modèle dit du « 2 + 2 ».
2. Du côté francophone
Au niveau politique, on n’a pas assisté à un changement politique majeur au niveau des partis
(malgré quelques changements électoraux) : le PS reste toujours le parti dominant, rassemblant
30% à 35% des voix et étant au pouvoir en coalition depuis 1988 sans interruption. Beaucoup
d’auteurrices en conviennent, même s’il n’a pas de majorité absolue, le PS possède toute une série
de réseaux qui gravitent autour de lui. La présence du PS dans la gouvernance est donc très
importante.
La dualité de l’espace francophone, entre la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles, avec des
institutions séparées, est un handicap à produire une vision partagée sur le long terme. Il y a donc
deux options à opter, qui divisent : jouer la carte régionale, notamment en transférant la compétence
sur l’enseignement de la Fédération à la Région, ou au contraire, privilégier l’option d’un espace
interrégional développant la collaboration entre Francophones wallons et bruxellois pour contrer
l’hégémonie flamande.
Les francophones s’accordent cependant sur le rejet du modèle « 2 + 2 » prôné par les flamands.
Les partis francophones restent aussi très attachés au fait d’avoir une autorité fédérale avec des
compétences étendues.

III. Quels sont les scenarii possibles pour l’avenir du modèle fédéral belge ?
A. La poursuite dans la lignée du modèle actuel
On pourrait garder le modèle actuel, c’est-à-dire une structure fédérale avec trois régions et
trois communautés. La négociation porte sur les points suivants :
 des paquets plus homogènes de compétences
 une plus grande responsabilité financière des régions
 une Région de Bruxelles-Capitale plus forte, c’est-à-dire mieux organisée (par la
simplification) et mieux financée (en raison des charges supportées pour les autres régions)
 la création d’une circonscription fédérale pour élire une partie des députées de la Chambre

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Cela aurait pour but de renforcer la responsabilité des élues vis-à-vis de l’ensemble de la
population, et pas seulement vis-à-vis d’une communauté.
 des élections organisées simultanément à tous les niveaux de pouvoir
La sixième réforme de l’État s’inscrit clairement dans ce premier scénario. Tous les points
énumérés ci-dessus n’ont toutefois pas été rencontrés :
 concernant les paquets de compétences, certains domaines sont devenus plus homogènes,
comme les allocations familiales, mais pas d’autres
 on a accordé une responsabilité financière aux régions, mais on reste dans un mécanisme
très complexe combinant à la fois la responsabilité financière9 et la solidarité interrégionale
Certains mécanismes ont donc été gardés, tandis que l’on a quand-même accordé davantage de
responsabilité financière aux régions.
 l’idée de créer une communauté métropolitaine entre Bruxelles et son « hinterland »10 est
restée une lettre morte en raison de l’opposition du Gouvernement flamand
Cette communauté aurait pour mission d’organiser une concertation (sans pouvoir de contrainte)
entre les trois régions portant sur la mobilité, la sécurité routière, les travaux routiers, autour et
vers Bruxelles.
 la circonscription fédérale n’a pas non plus été acceptée
 des élections organisées simultanément à tous les niveaux de pouvoir ?
La durée de la législature fédérale passe de 4 à 5 ans ; les élections fédérales auront lieu dorénavant
en même temps que les élections européennes. Mais dans le même temps, l’Accord prévoit que les
entités fédérées disposeront de l’autonomie constitutive pour éventuellement modifier la durée
(actuellement de 5 ans) de leurs propres législatures !
Plus fondamentalement, la question est de savoir où s’arrêtera ce scénario de fédéralisme
centrifuge. Cette question est cruciale.

B. Le confédéralisme
On parle ici de confédéralisme au sens donné à ce terme dans le débat politique belge et non
selon la définition juridique traditionnelle. Dumont envisage la constitution de deux pôles, un État
fédéré flamand et un État fédéré wallon-bruxellois. Le modèle adopte ici la logique (confédérale) du
« 2+2 », mais sans passer juridiquement par une séparation d’une des entités (en l’occurrence la
Flandre). Le nouvel article 35 serait mis en œuvre pour déterminer les (rares) compétences
attribuées au pouvoir fédéral (défense, affaires étrangères, nationalité, dette fédérale, …).
La difficulté à résoudre est d’abord d’amener les francophones à discuter d’un tel scénario.
À supposer qu’on puisse mettre le sujet sur la table, quelques questions seraient à soulever :
 la délimitation territoriale de chaque entité, et en particulier de Bruxelles
 la mise en place des mécanismes de coopération pour les projets communs à toutes les
entités (lignes de chemin de fer, gestion des cours d’eau, …)
 la dette publique, supportée jusqu’à présent par l’Autorité fédérale
 le statut à accorder à la Région de Bruxelles-Capitale, ainsi qu’à la Communauté
germanophone

9 Notamment par l’instauration d’un IPP régional et l’utilisation de la seule clé du revenu IPP dans chaque région pour
les dotations
10 Prévu par l’accord de gouvernement Di Rupo 2011

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C. Une Belgique à quatre régions


Ce scénario a été développé dans des cénacles francophones, mais ne fait pas l’unanimité.
Il vise à mettre en place une Belgique à quatre régions – Flandre, Wallonie, Bruxelles, Région
germanophone - dont le territoire respectif correspondrait aux quatre régions linguistiques telles
que définies dans la Constitution. Ces quatre régions disposeraient des mêmes compétences, aussi
bien pour les matières régionales que communautaires, ce qui simplifierait grandement notre modèle
institutionnel. Il n’y aurait plus de distinction entre régions et communautés, ces dernières ayant
disparu, et plus de distinction entre les entités au niveau des compétences attribuées comme c’est
le cas actuellement. L’article 35 de la Constitution serait alors mis en œuvre suite à l’adoption de
la liste des matières attribuées à l’Etat fédéral.
Il reste cependant des problèmes à résoudre concernant l’application de ce scenario à la
Belgique :
 une « révolution mentale » des partis flamands
 la représentation de la minorité flamande au sein de la RBC
 les mécanismes de coopération à mettre en place pour les projets communs
 la protection des minorités dans les communes à facilités

D. L’éclatement de la Belgique
Même si en Flandre, plus de 40 % des électeurs votent pour des partis nationalistes, cela
ne veut pas dire que tous sont séparatistes. Seulement 15 % de l’électorat serait favorable à une
indépendance de la Flandre. Ce serait cependant possible d’établir une séparation complète de la
Belgique, en surmontant quelques difficultés :
 la détermination des entités qui deviendront des Etats indépendants
 l’accord sur le mode d’exercice du droit à l’autodétermination et sur la façon de s’inscrire
dans une structure confédérale
 la délimitation territoriale de chaque entité
 la dette publique supportée jusqu’à présent par l’autorité fédérale
 le protection des minorités dans les communes à facilité
 la réaction de la communauté internationale
 les conséquences économiques

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