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L'engagement philosophique dans le champ de la

médecine : Georges Canguilhem aujourd'hui


Claude Debru
Dans Débats philosophiques 2007, pages 45 à 62
Éditions Presses Universitaires de France
ISBN 9782130560340
DOI 10.3917/puf.braun.2007.01.0045
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 30/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 8 (IP: 193.54.180.221)

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L’engagement philosophique
dans le champ de la médecine :
Georges Canguilhem aujourd’hui
CLAUDE DEBRU

Dans la pensée philosophique européenne et mondiale


du XXe siècle, Georges Canguilhem (1904-1995) cons-
titue un exemple assez rare d’un intellectuel engagé dans
un combat philosophique touchant un domaine tech-
nique particulier, celui de la médecine. Différent en cela
de ses condisciples de l’École normale supérieure à Paris,
Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, engagés dans différents
combats politiques à dimensions mondiales, Georges
Canguilhem, plus modestement, s’est consacré à une
réflexion puissamment originale, dont les conséquences
pratiques se font aujourd’hui pleinement ressentir, sur la
médecine, les sciences de la vie, et leur statut philoso-
phique (préoccupation qu’il partageait à son époque avec
quelques autres penseurs en Europe, Karl Rothschuh et
Pedro Llain Entralgo). Ces domaines, à l’époque qui va
des années 1940 aux années 1960 et qui est celle de la
pleine activité de recherche de Georges Canguilhem,
étaient sans doute moins glorieux et semblaient moins
riches de conséquences que d’autres parties de l’activité
philosophique, phénoménologie, philosophie des scien-
ces, philosophie politique. Mais, aujourd’hui, ses consé-
quences sur le plan de l’éthique médicale, de la pratique

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des soins et de la conception même de la valeur de la vie


se font pleinement sentir. À bien des égards, Canguilhem
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fut un précurseur. En même temps, il était assez typique
de l’attitude des professeurs de philosophie dans le sys-
tème français d’éducation, qui se définissaient comme des
intellectuels engagés politiquement dans l’évolution de la
société – d’une société qui, à cette époque, ne se définis-
sait pas exclusivement comme une « société fondée sur la
connaissance » (au sens scientifique du terme), mais qui
accordait aux questions d’éducation une place centrale,
caractérisée par l’équilibre recherché entre les humanités,
au sommet de leur prestige, et les « applications » (dont
les sciences, au prestige croissant). Dans la société fran-
çaise du milieu du XXe siècle, la médecine et le droit,
domaines d’application dotés de facultés qui avaient et
ont toujours un style particulier d’organisation les faisant
plutôt ressembler à des écoles professionnelles, étaient des
domaines fortement valorisés tant en raison de leur
contenu humain que des aspects plus matériels de leur
pratique, sans être pour autant au sommet de la hiérarchie
des valeurs sociales menée par les castes politiques, finan-
cières et industrielles, ainsi qu’intellectuelles. Canguil-
hem, issu de la province française, venu à Paris étudier la
philosophie à l’École normale supérieure, eut un par-
cours à la fois typique et singulier. Jeune intellectuel poli-
tiquement engagé dans les années 1930 et plus encore
pendant la Résistance, il est exemplaire sans être tout à
fait typique. Envisageant, vers la fin des années 1930, de
quitter l’enseignement pour pratiquer la médecine dans
sa province natale, il est moins exemplaire et plus typique
de son propre milieu d’origine. Le lien de la médecine et
de la Résistance a donné lieu, comme on sait, à ce chef-
d’œuvre de la littérature philosophique qu’est Le normal et
le pathologique. Ce chef-d’œuvre est le fruit d’une genèse

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complexe, dans laquelle la pensée allemande joue un rôle


important à côté d’autres éléments, français ou anglo-
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américains, alors même que Canguilhem risque sa vie
dans le combat contre les nazis. Mon propos dans cette
contribution est de commenter l’actualité persistante de
la philosophie médicale de Georges Canguilhem comme
engagement intellectuel.
L’essentiel de cette philosophie médicale tient dans
l’idée que le pathologique est un mode de fonctionne-
ment de l’organisme qui est caractérisé par la persistance
de son pouvoir « normatif », même si ce pouvoir est
réduit. L’organisme à l’état pathologique fonctionne
selon des « normes » physiologiques différentes de l’état
normal mais qui n’en subsistent pas moins comme des
normes (une maladie chronique comme le diabète illustre
bien ce point de vue car la maladie affecte d’une certaine
façon tout l’organisme, lequel trouve malgré tout une
« allure » de fonctionnement relativement stable ou qui
peut être stabilisée). En d’autres termes, le régime de
fonctionnement normal de l’organisme et le régime de
fonctionnement pathologique sont différents, ils ne sont
pas en continuité quantitative l’un avec l’autre mais en
discontinuité qualitative. Ils traduisent tous deux, à leurs
manières propres, le pouvoir de l’organisme d’exister
sous différentes « normes » de fonctionnement, pouvoir
baptisé « normativité ». Lorsqu’il rédige sa thèse de
médecine, Le normal et le pathologique, à l’Université de
Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, Canguilhem a pu
prendre connaissance, grâce au milieu strasbourgeois, de
la riche littérature médico-philosophique de langue alle-
mande du début du XXe siècle, qui comprend de nom-
breux auteurs, en particulier Kurt Goldstein, dont il
reprend les données et interprétations neurologiques tout
en élaborant une vision plus large dirigée par une physio-

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logie plus théorique. À cet égard, il m’est arrivé de pro-


poser que certaines formulations de Canguilhem sur les
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deux allures de fonctionnement de l’organisme étaient
assez proches dans leur esprit des conceptions de la dyna-
mique qualitative et pouvaient être interprétées dans
leurs termes1. Philosophiquement parlant, la conception
de Canguilhem paraît relever d’un rationalisme opti-
miste. Rationalisme, car le pathologique est saisissable
dans des modèles, même s’ils ne sont que qualitatifs.
Optimisme, car l’idée de normativité est un hymne à la
puissance de conservation et de création du vivant. Cet
optimisme est attesté par la puissance libératrice et même
curative de la conception de Canguilhem. Comme phi-
losophe, Canguilhem parie sur les puissances de guérison
contenues dans l’organisme, et il est indéniable (je puis en
donner quelques témoignages) que la lecture de Canguil-
hem peut aider des patients en situation difficile à sur-
monter leur état et à retrouver la santé (l’efficace propre
d’une pensée philosophique est assez rare pour être noté).
Convaincre philosophiquement son lecteur que la nor-
mativité vitale reste à l’œuvre dans l’organisme et que le
sujet peut s’appuyer sur elle pour recouvrer la santé est
l’acte philosophique propre, de l’ordre d’une conversion,
que le discours canguilhemien effectue et suscite. Mais
cette conversion, pour être effective, nécessite que le
sujet qui la vit accède à une compréhension du phéno-
mène vital qui noue la vie et la connaissance de la vie, en
quelque sorte l’éthique et l’épistémologie, d’une manière
inédite. Une idée canguilhemienne qui évoque forte-
ment la Wertphilosophie allemande est que la vie est posi-
tion inconsciente de valeur. La valeur est ce qui naît du

1. Claude Debru, Georges Canguilhem, science et non-science, Paris, Éd.


Rue d’Ulm / Presses de l’École normale supérieure, 2004, p. 35-36, 44-45.

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L’engagement philosophique dans le champ de la médecine

débat du vivant avec le milieu. La valeur est quelque


chose qui à la fois résulte de l’existence menacée et sus-
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cite la conquête (ou la reconquête) de cette existence.
Elle est une polarité dynamique. Elle traverse l’être et tra-
duit son orientation vers le futur. La thèse canguilhe-
mienne constante est que la connaissance scientifique de
la vie ne peut faire l’économie d’une conception philoso-
phique de la vie animée par l’idée de position de valeur.
D’inconsciente, cette position devient consciente dans la
philosophie aussi bien que dans la médecine, et plus
encore dans l’alliance (rare) entre les deux. Une telle
connaissance, de nature philosophique, modifie la per-
ception de la maladie et réoriente l’action de la méde-
cine. Mais cette connaissance ne vient pas du dehors. Elle
n’est pas primitivement de l’ordre de la science, de la
pure et simple objectivité. Le sujet, sain ou malade, est
premier ; la médecine, comme technique, se greffe sur
cette expérience primitive et collabore avec elle. La thèse
canguilhemienne est que la technique précède la science,
et la médecine lui en fournit un exemple qui est peut-
être le plus parlant de tous.
Pour quelles raisons les spéculations d’allure vitaliste
élaborées par Canguilhem dans des circonstances et dans
un monde qui n’existent plus aujourd’hui conservent-
elles un réel pouvoir critique d’interrogation et de mobi-
lisation pour la médecine contemporaine, qui est saisie
par des doutes multiples, se trouve dominée par des exi-
gences éthiques et économiques parfois contradictoires,
et qui semble parfois mettre son pouvoir croissant au seul
compte de la recherche biomédicale, de la biologie cellu-
laire et moléculaire ? Pour quelles raisons l’engagement,
assez solitaire et profondément original, d’un jeune pro-
fesseur de philosophie au milieu de la tourmente de la
Seconde Guerre mondiale, dans un domaine qui n’avait

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pas réellement à voir avec le désastre politique d’alors et


qui paraissait quelque peu marginal par rapport au cou-
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rant principal de la philosophie en France, a-t-il trouvé
plus récemment un écho très large parmi les praticiens de
la médecine et plus largement des soins médicaux ? Cette
question se pose réellement, et cela d’autant plus que la
lecture, aujourd’hui, de l’ouvrage Le normal et le patholo-
gique est un exercice qui révèle tout autant l’étrangeté du
livre, très daté par certains côtés, que l’actualité de son
propos.
La médecine contemporaine est devenue « scienti-
fique », c’est-à-dire fondée sur des preuves (evidence-
based). Elle s’appuie sur de larges appareils statistiques,
sur des essais cliniques standardisés, sur des classifications
également standardisées et objets de consensus, sur des
groupes d’études internationaux. La médecine est de-
venue une expérience collective à l’échelle planétaire.
Elle vise la plus grande efficacité par la connaissance bio-
logique, et se donne de plus en plus pour but une
connaissance biologique individualisée du patient et de sa
maladie, dans la mesure où une assez grande variabilité
individuelle s’avère être le cas dans les maladies et dans
leurs substrats génétiques, lorsque ces substrats génétiques
existent (ce qui n’est pas toujours le cas, du moins avec
les connaissances actuelles, une maladie comme le diabète
pouvant avoir ou ne pas avoir un substrat génétique).
Mais cette médecine, beaucoup plus efficace qu’il y a un
demi-siècle dans le cas de maladies aiguës ou des cancers,
se trouve confrontée à un déficit de clinique – à savoir,
d’approche individualisée du patient dans sa biographie,
son existence, sa manière d’être au monde et ses relations
sociales et affectives. Réduite à une connaissance de plus
en plus raffinée du support biologique, la médecine
contemporaine tend à s’en satisfaire et se trouve de ce fait

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L’engagement philosophique dans le champ de la médecine

fondée à ignorer les dimensions socio-affectives de nom-


breuses maladies – ce en quoi d’ailleurs il ne peut y avoir
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une philosophie de la médecine complètement cohérente
et unifiée, mais seulement une philosophie de la méde-
cine attentive à la pluralité des facteurs qui conditionnent
la santé et la maladie des êtres humains, et cette pluralité
est déjà le cas au niveau biologique dans des maladies très
typiques où facteurs écologiques, génétiques et infectieux
concourent au processus pathologique. Dans un tel
contexte, profondément renouvelé par rapport à celui des
années 1930 et 1940, qu’est-ce que la « normativité » à
la Canguilhem, cette entité presque mystique, peut
apporter à la réflexion et à la pratique médicales ?
Pour juger de l’actualité de l’engagement philoso-
phique de Georges Canguilhem vis-à-vis de la situation
présente de la médecine, situation dont il a vécu la
genèse, nous allons envisager trois thèmes qu’il a abordés
plus particulièrement à la fin de sa carrière : la médecine,
science et technique ; l’expérimentation ; la santé. Pour
Canguilhem, la médecine reste fondamentalement une
technique, et cela lui impose des obligations. Le lien de la
médecine et de l’éthique médicale est d’ailleurs fort
ancien et même consubstantiel. Dans une conférence
prononcée en 1978 à la Faculté de médecine de Stras-
bourg, « Puissance et limites de la rationalité en méde-
cine », Canguilhem prend une vue critique de la
médecine triomphante et de l’organisation du système de
soins qui encourage à la fois l’offre et la demande. « La
gloire d’un homme, a dit Rainer-Maria Rilke, est la
somme des malentendus accumulés sur un nom. Le pres-
tige de la médecine contemporaine ne serait-il pas la
somme des divergences décelables dans l’idée que s’en
font ceux qui la produisent comme savoir, ceux qui l’uti-
lisent comme pouvoir, ceux qui tiennent la production

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de ce savoir et l’exercice de ce pouvoir comme un devoir


à leur égard et à leur bénéfice ? La médecine n’est-elle
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pas perçue comme science à l’INSERM, au CNRS, à l’Insti-
tut Pasteur, comme pratique et technique dans un service
hospitalier de réanimation, comme objet de consomma-
tion et éventuellement de réclamations, dans les bureaux
de la Sécurité sociale, et comme tout cela à la fois dans un
laboratoire de produits pharmaceutiques ? Il paraît donc
indispensable de distinguer les différents champs sur les-
quels on peut se situer quand on s’interroge sur le pou-
voir de la rationalité médicale. On doit se demander si
dans le passage d’un champ à un autre, à partir du pre-
mier, la valeur de rationalité, désormais reconnue au
savoir médical, est ou non conservée. La pratique médi-
cale véhicule-t-elle jusqu’au consommateur de médica-
ments et de soins la rationalité du savoir dont elle est
l’application ? »1
Face à cette question posée dans une certaine radica-
lité par rapport à une situation fort complexe, il est pos-
sible, en s’écartant quelque peu de Georges Canguilhem,
d’adopter une formulation encore plus critique. De quel
ordre est la « rationalité » du savoir médical ? En quel
sens peut-on parler de « rationalité » au sujet de ce
savoir ? Le moins que l’on puisse dire aujourd’hui est
que cette « rationalité » recouvre une complexité de fac-
teurs plus grande que jamais. Si « rationalité » il y a, elle
reste encore d’un ordre largement pragmatique, et cela
pour plusieurs raisons qui se sont aggravées depuis
l’époque où Canguilhem proposait ses réflexions. En
premier lieu, la physiopathologie, science aussi peu

1. Georges Canguilhem, « Puissance et limites de la rationalité en


médecine », Études d’histoire et de philosophie des sciences concernant les vivants et
la vie, Paris, Vrin, 1994, p. 398.

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L’engagement philosophique dans le champ de la médecine

développée que centrale pour l’argumentation de l’ou-


vrage Le normal et le pathologique, est un domaine
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où règne désormais la pluralité des causes, s’éloi-
gnant encore plus de la monocausalité en vogue dans
les conceptions médicales de la première moitié du
XXe siècle, conceptions peu compatibles avec le holisme
vitaliste professé par Canguilhem, lequel se résume dans
l’idée qu’il n’y a pas de cellule malade, pas d’organe
malade, mais que la maladie est celle de l’organisme tout
entier. Aujourd’hui, l’introduction des « facteurs de
risque », issus d’études épidémiologiques de grande
ampleur, a accru la perception de la complexité des
mécanismes physiopathologiques, dont certaines compo-
santes, génétiques en particulier, ne sont pas, jusqu’à
preuve du contraire, nécessaires à l’expression d’une
maladie, mais sont seulement des conditions suffisantes.
En outre, l’épidémiologie indique très clairement dans
des cas typiques la corrélation entre l’adjonction-
coopération de causes et l’incidence variable de telle ou
telle maladie (les multiples déterminants du lymphome
de Burkitt en sont un exemple classique).
Cette situation a pour conséquence épistémologique
que la compréhension des phénomènes pathologiques
doit reposer plus que jamais sur la considération de phé-
nomènes populationnels de divers ordres, génétiques
certes, mais aussi écologiques, sociaux, psychologi-
ques, etc. La rationalité de type « holiste » ne peut être
reconquise qu’en s’établissant à un niveau de complexité
bien supérieur à celui de l’organisme individuel, et à un
tel niveau la rationalité ne peut être qu’holiste, que repo-
ser sur une vue d’ensemble. Comment les organismes
individuels établissent-ils (ou non) des équilibres avec
leur milieu (l’une des intuitions les plus constantes de
Canguilhem porte sur le fait que le vivant crée son

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milieu) est aujourd’hui une question qui fait partie du


champ de la « santé publique », domaine qui nous éloigne
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des intuitions originaires de Canguilhem sur la normati-
vité physiologique sans pour autant les contredire. Une
seconde considération concernant le caractère encore
pragmatique de la « rationalité » médicale porte sur la
thérapeutique. La finesse croissante de l’analyse génétique
moléculaire des individus humains ou de leurs patho-
gènes permet aux médecins de rêver à une thérapeutique
individualisée. Cette thérapeutique n’existe pas pour
l’instant, en raison du fait que les médicaments sont en
nombre inférieur aux classes et sous-classes des maladies,
ainsi que du fait que la découverte des médicaments reste
une affaire largement pragmatique, et non rationnelle.
Mais il n’est nullement exclu que le progrès des bio- et
nanotechnologies permette de réaliser ce rêve médical
d’une spécificité totale des traitements individuels, tout
comme une réelle spécificité avait été atteinte dans le
traitement des maladies infectieuses du fait de la spécifi-
cité chimique des réactions antigène-anticorps. Quoi
qu’il en soit, l’espoir d’une médecine individualisée ren-
force la perspective d’une médecine rationnelle. Elle
s’ajoute à la compréhension de la physiopathologie issue
des considérations de santé publique en offrant la pers-
pective de thérapeutiques nouvelles et plus efficaces. Cela
invalide-t-il pour autant la critique de Canguilhem dans
toute sa portée ? Pour évaluer cette portée, il est
nécessaire d’aller un peu plus loin dans la présentation de
sa pensée critique.
Canguilhem a fort bien vu le caractère d’autorenforce-
ment du cycle techno-scientifique dans la médecine. Il a
bien vu aussi que ce cycle introduisait de nouvelles iné-
galités et donc créait une difficulté d’ordre éthique pour
la médecine. À l’époque du grand développement de la

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L’engagement philosophique dans le champ de la médecine

pratique des greffes d’organe, il écrit : « On a pu se


demander si la rationalité à l’œuvre dans les recherches
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initiales se retrouvait ou non dans les programmes natio-
naux de répartition des moyens d’intervention thérapeu-
tique. Dans bien des pays du Tiers Monde, où la
pathologie parasitaire ou infectieuse vient au premier
rang des causes de mortalité, la transplantation d’organes
est jugée irrationnelle... Il apparaît ainsi que la puissance
de la rationalité en haut, chez les détenteurs du savoir et
chez ceux qui l’appliquent, est, dans chaque société, sous
la dépendance de la rationalité d’en bas, dans l’opinion de
ceux qui sont charnellement concernés par de nouvelles
avances en thérapeutique... Ayant ainsi inventé, au béné-
fice d’une élite de patients, une technique de production
d’organes anonymes, les médecins ont-ils ou non oublié
que la rationalité de leur discipline s’est d’abord mani-
festée à tous par les preuves qu’elle leur a données de son
pouvoir d’assistance pour la réalisation d’un de leurs plus
vieux rêves, la conservation et le bon usage de leur
santé ? »1 Cette question posée à la médecine appelle
plusieurs éléments d’analyse. Elle ne met pas en cause
la rationalité de la recherche physiopathologique, dont
Canguilhem se fait le défenseur face à des idéologies
d’autogestion de la maladie par le patient. En même
temps, Canguilhem, face au « pouvoir médical », rappelle
que « le malade est un Sujet ». « Il est impossible d’annu-
ler dans l’objectivité du savoir médical la subjectivité de
l’expérience vécue du malade. »2 En plaidant pour une
réintroduction de la subjectivité du malade dans la pers-
pective du médecin, Canguilhem définit pour la « ratio-

1. Ibid., p. 400-401.
2. Ibid., p. 409.

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nalité médicale » « un point de conversion qui n’est pas


un point de repli »1.
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L’un des derniers textes de Georges Canguilhem, et
l’un des plus aboutis, porte le titre « Le statut épistémolo-
gique de la médecine ». Dans cette conférence prononcée
à Pérouse en 1985, Canguilhem réexamine l’ensemble de
l’histoire de la médecine du point de vue de l’ambition
de scientificité, en décrit les grandes évolutions et en
marque les grands moments. L’un de ces grands moments
est l’hygiène sociale, devenue une préoccupation ma-
jeure à la fin du XIXe siècle, en particulier dans le sillage
des travaux de Pasteur et de son école. « Par le biais de
l’hygiène publique, institutionnalisée dans les sociétés
européennes du dernier tiers du XIXe siècle, l’épidémio-
logie entraîne la médecine sur le champ des sciences
sociales, et même des sciences économiques. Il n’est plus
possible désormais de tenir la médecine pour la science
des anomalies ou altérations exclusivement organiques.
La situation socio-économique d’un malade singulier et
son retentissement vécu entrent dans le cadre des don-
nées que le médecin doit prendre en compte. La méde-
cine, par le biais des exigences politiques de l’hygiène
publique, va connaître une altération lente du sens de ses
objectifs et de ses comportements originaires. »2 La
médecine devient une « technologie biologique » qui
« met entre parenthèses » le malade individuel, objet
singulier de la médecine clinique. Mais la biologie, l’im-
munologie, la génétique ne permettent-elles pas de
retrouver l’individualité du malade ? Ce n’est pas réelle-
ment le cas, aux yeux de Canguilhem : « Il faut se garder

1. Ibid., p. 411.
2. Georges Canguilhem, « Le statut épistémologique de la médecine »,
in Études..., p. 421.

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L’engagement philosophique dans le champ de la médecine

ici d’une tentation, celle de croire avoir retrouvé, grâce


aux progrès de la scientificité médicale, le malade indivi-
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duel concret, que ces progrès mêmes ont mis entre
parenthèses. L’identité immunitaire, malgré le laxisme
sémantique qui la présente quelquefois comme l’opposi-
tion du soi et du non-soi, reste un fait strictement objec-
tif. » Comment alors définir le statut épistémologique de
la médecine ? Canguilhem propose de la définir comme
science appliquée, et plus précisément comme somme
évolutive de sciences appliquées. En tant que science
appliquée, la médecine « conserve la rigueur théorique
des connaissances qu’elle emprunte pour une meilleure
réalisation de son projet thérapeutique »1. Une science
appliquée reste une science, mais l’application inclut une
dimension expérimentale nouvelle. Canguilhem cite Karl
Rothschuh, qui a défini la médecine comme « science
opérationnelle » (operationale Wissenschaft)2. Mais ces dé-
nominations ne sont pas suffisantes, car elles ne prennent
pas en compte la figure nécessaire de l’individualité
humaine, qui est l’ « unité d’opération » visée par cette
« somme » de connaissances et de pratiques qu’est la
médecine. On voit que la critique canguilhemienne
d’une médecine réduite à une activité instrumentale ne
perd rien aujourd’hui de son actualité.
Somme de sciences appliquées, la médecine en tant
qu’application inclut nécessairement un moment expéri-
mental. Tout acte thérapeutique est une expérience,
rappelle Canguilhem. Un texte plus ancien que les pré-
cédents, et qui porte le titre « Thérapeutique, expéri-
mentation, responsabilité » et date de 1959, envisage
toutes les conséquences de cet état de choses, y compris

1. Ibid., p. 423.
2. Ibid., p. 427.

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Claude Debru

les conséquences dans la formation des médecins. Le


diagnostic de Canguilhem concernant la réalité de la
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médecine par rapport aux valeurs qui l’orientent est le
suivant : « Comme (...) la médecine, aussi bien que
toute forme d’activité technique, est aujourd’hui un
phénomène à l’échelle des sociétés industrielles, des
choix de caractère politique se trouvent impliqués dans
tous les débats concernant les rapports de l’homme et de
la médecine. Toute prise de position concernant les
moyens et les fins de la nouvelle médecine comporte
une prise de position, implicite ou explicite, concernant
l’avenir de l’humanité, la structure de la société, les insti-
tutions d’hygiène et de sécurité sociale, l’enseignement
de la médecine, la profession médicale, tellement qu’il
est parfois malaisé de distinguer ce qui l’emporte, dans
quelques polémiques, du souci pour l’avenir de l’huma-
nité ou des craintes pour l’avenir du statut des méde-
cins... La forme aujourd’hui la plus aiguë de la crise de la
conscience médicale, c’est la diversité et même l’opposi-
tion d’opinions relatives à l’attitude et au devoir du
médecin, devant les possibilités thérapeutiques que lui
offrent les résultats de la recherche en laboratoire, l’exis-
tence des antibiotiques et des vaccins, la mise au point
d’interventions chirurgicales de restauration, de greffe
ou de prothèse, l’application à l’organisme des corps
radioactifs. »1 Le diagnostic d’une crise de la conscience
médicale, d’un malaise dans l’application des possibilités
les plus récentes offertes par la recherche médicale pour-
rait être transposé quasiment dans les mêmes termes
aujourd’hui – ce qui signifie qu’il y a un certain degré
de continuité culturelle dans la médecine (réflexion que

1. Georges Canguilhem, « Thérapeutique, expérimentation, responsa-


bilité », in Études..., p. 383-384.

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L’engagement philosophique dans le champ de la médecine

partageait d’ailleurs l’historien Mirko Grmek), continuité


marquée dans la conscience du fait que « soigner, c’est
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faire une expérience »1. Canguilhem philosophe (et
médecin) ne manque pas de rappeler aux médecins les
conséquences de cet état de choses dont ils sont telle-
ment familiers : « Nous demandons à être bien entendu.
Revendiquer le devoir d’expérimentation clinique, c’est
en accepter toutes les exigences intellectuelles et mo-
rales. »2 Cette exigence devrait se traduire dans l’ensei-
gnement de la médecine. À l’époque où Canguilhem
propose cette réflexion de nature éthique, l’enseigne-
ment de la médecine ne l’intègre pas. « Un fait devrait
nous surprendre, jusqu’au scandale... N’est-il pas surpre-
nant que l’enseignement de la médecine porte sur tout,
sauf sur l’essence de l’activité médicale, et qu’on puisse
devenir médecin sans savoir ce qu’est et ce que doit un
médecin ? À la Faculté de médecine, on peut apprendre
la composition chimique de la salive, on peut apprendre
le cycle vital des amibes intestinales de la blatte de
cuisine, mais il y a des sujets sur lesquels on est certain
de ne recevoir jamais le moindre enseignement : la
psychologie du malade, la signification vitale de la
maladie, les devoirs du médecin dans ses relations avec le
malade (et pas seulement avec ses confrères ou avec le
juge d’instruction), la psychosociologie de la maladie et
de la médecine. »3 Il se trouve que ces remarques cri-
tiques sur l’enseignement de la médecine ont mis trente
ans, dans le système français, à faire leur chemin et
à aboutir à l’introduction des sciences humaines et

1. Ibid., p. 383.
2. Ibid., p. 390.
3. Ibid.

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Claude Debru

sociales, de l’histoire de la médecine et des sciences, de


la philosophie et de l’éthique médicales dans le cursus
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des études médicales. Il est clair que, outre des problè-
mes récurrents, divers scandales de santé publique ont
encouragé les autorités à aller dans le sens préconisé par
Georges Canguilhem, comme cela a été le cas dans les
années 1990 en France. Sur la question de savoir qui
doit enseigner ces disciplines, Canguilhem a son idée :
« C’est à des médecins de grande culture et de longue
expérience qu’il revient d’enseigner à leurs jeunes
émules que soigner, c’est, toujours, à quelque degré,
décider d’entreprendre, au profit de la vie, quelque
expérience. »1
Une philosophie de la médecine serait incomplète sans
une réflexion sur la santé. Plusieurs textes canguilhemiens
y sont consacrés, dont La santé, concept vulgaire et question
philosophique, qui date de 1988. Peut-être est-ce dans ses
commentaires sur la santé comme question philoso-
phique que Canguilhem retrouve de la manière la plus
nette et la plus intense le vitalisme de sa jeunesse. Y a-t-il
une science de la santé ? Dans Le normal et le pathologique,
Canguilhem paraissait parfois douter qu’il y ait une
science de la maladie : « S’il n’a pas paru vraiment pos-
sible de maintenir la définition de la physiologie comme
science du normal, il semble difficile d’admettre qu’il
puisse y avoir une science de la maladie (...) une patho-
logie vraiment scientifique. »2 « Il n’y a pas de pathologie
objective. »3 La conclusion des analyses de Canguilhem
sur la santé, qui commente également la « grande santé »,

1. Ibid., p. 391.
2. Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, Paris, PUF, 1966,
p. 143.
3. Ibid., p. 153.

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L’engagement philosophique dans le champ de la médecine

de Nietzsche, est duale, car elle se joue, comme toujours


chez lui, sur les deux registres de la vérité et de la valeur.
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« La reconnaissance de la santé, comme vérité du corps,
au sens ontologique, non seulement peut mais doit
admettre la présence, en lisière et comme garde-fou, à
proprement parler, de la vérité au sens logique, c’est-à-
dire de la science. Certes, le corps vécu n’est pas un
objet, mais, pour l’homme, vivre c’est aussi connaître. Je
me porte bien dans la mesure où je me sens capable de
porter la responsabilité de mes actes, de porter des choses
à l’existence et de créer entre les choses des rapports qui
ne leur viendraient pas sans moi, mais qui ne seraient pas
ce qu’ils sont sans elles. Et donc, j’ai besoin d’apprendre à
connaître ce qu’elles sont pour les changer. »1 On
retrouve ici, quasiment à l’état pur, et à quarante-cinq
années de distance, le thème philosophique de la norma-
tivité humaine.
Canguilhem a adopté en son temps le rôle de l’intel-
lectuel « critique » face à tous les mécanismes de déshu-
manisation. C’est bien ce pouvoir critique qui a fait sa
renommée dans les cercles médicaux et au-delà – pou-
voir critique à l’égard des conceptions reçues dans les
années 1930 (la continuité du normal et du patho-
logique, la variation simplement quantitative de l’un à
l’autre, le caractère localisable des processus patho-
logiques, l’unicité de la cause de la maladie). La polé-
mique canguilhemienne à l’égard de ces préjugés a
perdu aujourd’hui toute pertinence, car ces préjugés

1. Georges Canguilhem, « La santé, concept vulgaire et question


philosophique », Écrits sur la médecine, Paris, Éd. du Seuil, 2002, p. 68. Voir
aussi Georges Canguilhem, Gesundheit – eine Frage der Philosophie, herausge-
geben und übersetzt von Henning Schmidgen, Berlin, Merve Verlag, 2004,
p. 68-69.

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Claude Debru

n’ont plus cours. Mais cela ne signifie pas que tout


préjugé soit absent de la médecine devenue scientifique
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et du système de soins dominé par cette évolution.
C’est ici que la critique philosophique peut encore être
utile au progrès de la science et de la pratique médicales,
et que Canguilhem peut rester un inspirateur et un
guide.

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