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Georges Lepoul
1977/3 N° 77 | pages 40 à 48
ISSN 1241-5294
DOI 10.3917/machr1.077.0040
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-maghreb-machrek1-1977-3-page-40.htm
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Dans un pays en voie de développement comme l'Algé- lages ». à savoir essentiellement la circulaire 15 230 de
rie , la situation générale du monde rural est l'un des indi- juillet 1972 et la circulaire 1 670 de juillet 1973.
cateurs les plus sûrs de la nature des carences à moyen
et long termes et des possibilités d'un effort économique
et socia l portant sur l'ensemble de la société. En effet,
selon l'analyse des conditions objectives de ce développe-
ment qu'ont faite les responsables politiques « si la ville,
avec ses techniques, ses institutions, ses hommes, ses
LE PREAMBULE DE LA CIRCULAIRE 15 230
apports indispensables; ne va pas vers les masses rurales,
c'est la misère paysanne, l'exode paysan qui viendraient Dès le premier paragraphe du préambule, le principe
à elle, pour l'assiéger de leurs débris anachroniques et
est posé : « S'inscrivant dans la stratégie globale de la
de leurs valeurs déracinées » (1). C'est là l'une des idées
réforme agraire , l a politique d'habitat rural vise à lier le
essen tielles qu i, avec celle d'une plus grandes produc-
développement de ce secteur au x actions de restructura -
t ivité de l'espace rural, a permis de lancer la Révolution
tion et de modernisation du système de production agri -
agraire en 1971 (2). La transformation radicale des cond i-
cole ». Autrement dit, à système de production nouveau.
t ions sociales d'une part, et des techniques de produc-
conditions de reproduction de la force de travail égale-
tion de l'autre, sont les deux objectifs primordiaux que
ment nouvelles .
se sont fi xés les responsables de la planification .
C'est dans le cadre de cette politique que l'opération Cette politique de l'habitat rural. toutefois, ne se conçoit
« 1 000 villages social istes » a été lancée. L'orig inalité pas comme une pure conséquence - une action corol -
du projet tient, d'une part à son lien étroit avec le pro- laire - des actions au niveau des structures agraires.
cessus de la Révolution agraire, et d'autre part, au nou- mais incorpore une certa ine dimension motrice : « Les
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De plus, elle reprend certaines prescriptions formulées . D'autre part, en lisant de plus près les passages de la
dans le texte antérieur : « Il ne faut pas promouvoir des circulaire concernant la phase << politique », on peut
formes d'habitat qui, conçues en dehors des campagnes, noter que cette consultation est prévue « en liaison »
constitueraient une nouvelle forme de domination cultu- avec les assemblées populaires communales plutôt que
relle. Il ne s'agit pas d'urbaniser les campagnes. » « au sein de » ou « dans le cadre de ».
de Mouzaïa dans la Mitidja, elle montre. entre autres, que dans leurs réalisations une certaine idée sommaire de
57.1 % des attributaires souhaita ient disposer d'une la sociologie rurale . issue en grande partie· de leur propre
écurie ou d'une étable et 83,1 % d'un potag-er. Confor- pratique urbaine. trop éloignée du « terrain » ? En fait,
mément à ces aspirations. il a été étudié un projet de et sous couvert de respect de la sociologie rurale, les
village où les logements comportaient jardin potager et prescriptions émises pour la conception des villages visent
écurie-étable. Après examen du dossier. le ministère des surtout l'impact idéologique sur les masses (8). Plutôt
Travaux publics a publié un document où l'on relève en que de régionaliser les opérations d'habitat rural. il a été
particulier les recommandations suivantes : « Dans le jugé préférable d'en faire une opération nationale à fort
souci de garantir la réalisation de logements répondant contenu politique.
aux traditions. mœurs et aspirations des populations ru-
rales, l'unité d'habitation devra être conçue suivant les Cette volonté, toutefois. se trouve quelque peu battue
principes de composition et d'articulation des fonctions en brèche par la réalité concrète des moyens . Les cadres
ci-après : habitation à un niveau (rez-de-chaussée) sans nationaux n'étant pas en nombre suffisant. il a fallu faire
étable. ni jardin potager. » appel à tous les agents disponibles. Les wilayate ont très
vite étendu les possibilités · de participation et de concep-
Ces recommandations v1sent. comme nous le verrons tion aux agents non issus du secteur public. en fixant
plus loin, un objectif précis. Si J'on considère en effet que comme critère qu 'ils soient nationaux. Mais cela n'étant
Je « Village socialiste » doit être d'abord et avant tout pas encore suffisant. les prescriptions. quant à la natio-
Jlé à la production agricole des terres de la coopérative, nalité, sont actuellement largement débordées. En gros,
J'étable et Je potager peuvent représenter, au niveau fami- on peut dire que 60% des études sont supervisées par
liaL une immobilisation partielle de la force de travail les wilayate. Dans ce pourcentage, l'on compte 20% des
au détriment des terres collectives. études réalisées par des privés travaillant sous contrat
avec les wilayate et n'apparaissant pas officiellement en
Si J'on ne satisfait pas toujours les aspirations des
tant que tels. 30 % des études sont réalisées officiellement
masses rurales en ce qui concerne les activités écono-
par des bureaux privés nationaux ou étrangers. Les 10%
miques familiales . on tient compte en revanche de leurs
restant reviennent à des organismes publics, tels que :
souhaits inspirés par Je contexte sociologique. Ainsi Je
même document recommande que : « J'habitation s'orga - DNC-ANP, SNS , SONATRACH (9) qui se chargent d'opé-
nise autour de deux cours différentes, J'une de transi- rations ponctuelles et précises.
tion entre J'espace public et le logement, J'autre à usage Le désir d'imprimer un rythme rapide à l'opération était
domestique : prolongement de la cuisine et des activités
déjà perceptible dans la circulaire présidentielle du
ménagères (cour intime). et que le séjour soit directement
25 juillet 1972, qui précisait : « J'établissement d'une pre -
accessible. à partir de la cour de transition, afin de ne mière carte d'hypothèse d'implantation devra être fait ( .. .)
pas troubler l'intimité de la vie familiale. »
quelles que soient la consistance et la qualité des infor-
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LE CONTROLE DES ETUDES pitufatif général établi pâr fe Pian ddrinaif (e§ chiffres sl:ii-
vants :
Toute édification de village est soumise à la constitu- Villages inscrits : 222
tion et à l'agrément, par les Travaux publics et le Plan, Villages achevés : 60
d'un dossier préalable comprenant : un rap_port socio- Villages inaugurés : 42 (•)
économique. un plan de situation et un dossier d'exécu- Ce qui, au total. représente 37 287 logements pro-
tion . grammés . .Ces chiffres, un an avant la fin du Il• Plan qua-
driennal. laissent espérer que l'objectif des 300 villages
Le rapport socio-économique (11) est un document sera dépassé, du moins pour les inscriptions. Si l'on
exhaustif sur la commune où doit s'implanter le village. 11 ne considère que les villages inscrits, ils représentent à
peut traiter aussi bien de la climatologie, que du nombre peu près le quart des 1 000 villages prévus. Ce total per-
d'hectares cultivés, en passant par les voies de commu- met de dire que l'état d'avancement du projet est satis-
nication et le nombre d'habitants . Ce document permet faisant au plan administratif (14). La progression des ins-
de s'informer. mais n'est pas opératoire. Il peut, tout au criptions de villages a été régu'lière : 43 villages inscrits
plus. permettre de corriger certaines erreurs des wilayate, en 1973, 52 en 1974, 64 en 1975, 63 en 1976.
mais n'apporte pas les éléments d'appréciation suffisants
pour juger d'une bonne ou mauvaise implantation. De Une fois inscrits. les villages sont mis en chantier au
plus. dans beaucoup de cas. les responsables locaux bout de 3 à 6 mois, et la réalisation demande 18 à 30
semblent ne le considérer _que comme une simple « for- mois , selon leur taille. Or, au 30 novembre 1976, 60 vil-
malité 1> (12). lages seulement sont terminés. alors que, si nous tenons
compte du délai de réalisation et de la date d'inscription,
En tout cas . cet élément du dossier est largement mini- tous les villages programmés en 1973 et 1974 devraient
misé au profit des deux autres éléments. eux beaucoup être terminés. soit 95 villages. La réalisation n'a donc pas
plus techniques : le plan de situation et le dossier suivi régulièrement les inscriptions. En nombre de loge-
d'exécution . Le ministère des Travaux publics, qui exerce ments, le secrétariat d'Etat au Plan indique 11 239 loge-
le contrôle technique , possède une infrastructure d'études ments terminés au 31 décembre 1975, pour 30 456 pro-
et de contrôle solide, et élabore des notes critiques rela- grammés, soit à peine le tiers. Fin 1976, en nombre de
tives à ces problèmes. alors que le ministère du Plan, villages, le rapport 60 sur 222 représente moins du tiers
concerné pour la partie socio-économique et l'opportunité des villages inscrits.
des implantations. ne possède pas une infrastructure Les raisons de ce décalage entre inscriptions et réali-
équivalente. sation définitive sont multiples. Il y a tout d'abord les
En résumé , nous retiendrons essentiellement que le problèmes liés à la circulation administrative du dossier,
une fois que celui-ci a été accepté au niveau central à
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Nous essaierons. dans cette dernière partie, de tracer Les résultats par secteurs géographiques montrent un
le bilan d'ensemble, tant quantitatif que qualitatif, de la relatif souci d'équilibre. On observe que la moyenne des
première tranche du projet. L'interaction entre villages, villages inscrits par wilaya, selon le nouveau découpage,
attributaires et monde rural est essentielle à observer. Elle oscille entre 5 et 10 : chaque région administrative a ses
permet de donner sa dimension exacte à l'opération « Vil- « villages ». avec une concentration certaine dans le
lages ». et de mesurer plus justement la distance entre Nord ; ils sont encore peu nombreux dans la steppe, la
le discours idéologique sur les ·villages et ce qu'ils sont troisième phase de la réforme agraire y étant en cours.
et représentent en réalité. Pour certaines wilayate (Skikda, Medea, Mascara, Djelfa,
Laghouat. M'Sila, Tebessa, Guelma, Bechar). on n'en est
qu'au stade de l'inscription . Dans d'autres (Alger, Blida, .
Bou ira, Bejaia, Jijel, Setif, Annaba, Biskra, Ouargla) - un
BILAN QUANTITATIF ET QUALITATIF petit nombre de logements est terminé, un grand nombre
programmé, mais aucun en construction. les chantiers
les plus nombreux se trouvent dans les wilayate de Oran, On voit que la moitié de la population rurale est mal
Saïda , Sidi-bei-Abbès , Tiaret, Constantine . Ces situations ou très mal logée, donc qu'elle est « potent ~ellement >> en
sont révélat ri ces de l'impulsion rapide imposéè par l'Etat, demande de logements. A partir de ces données, on peut
malgré le manque de moyens de réalisation sur le terrain . prévoir un impact positif de l'opération « Villages » au-
Sur le plan technique, les villages se présentent comme près des masses rurales .
un habitat rural moderne de bonne qualité. Les prescrip- Nous savons en effet que « les besoins ne sont pré-
tions sont strictes. Chaque logement doit en principe com- sents dans la conscience collective qu'en référence aux
porter un revêtement de béton au sol, des sanitaires avec moyens proposés par la société pour les satisfaire, que
eau courante, une cheminée, l'électricité et le gaz quand la marchand ise peut créer le besoin >> (18) . Donc, l'intro-
cela est possible. Les matériaux traditionnels et locaux, duction d'un « habitat moderne >> en milieu rural compor-
conse illés au départ, sont peu util isés. Le coût de chaque ta nt des éléments ine xistants jusqu'alors devrait entraî-
logement s'en ressent : prévu à 20 000 DA par un ité en ner un processus dynamique de changement social vers
1973, il est à l'heure actuelle de 50 000 DA. Il était en la « modernité_>> . Ceci implique que construire des loge-
effet difficile de ne pas dépasser le budget initialement ments ruraux n'est pas une opération simple, se propo-
envisagé, d'autant plus que dans le même temps on sant « de couvrir un besoin univoque >> , mais organiser
observait une forte hausse des matériaux de construc- un ensemble qui a « pour fin d'assurer la vie d'un groupe
tion. On peut regretter le manque d'originalité des plans- social >> (18) .
masse, qui présentent trop souvent un habitat groupé où
les cellules s'alignent en blocs séparés par de larges Il faut préciser enfin qu'une fois le processus entamé,
al iées, les équ ipements collectifs étant implantés au il est impossible de revenir en arrière, et que l'action en -
centre du village (15) . Celui-ci est, en effet composé de gagée doit devenir massive et toucher l'ensemble de la
logements (de 100 à 300 suivant le cas), d'équipements soci été rurale du pays. Il s'agit en fait d'introduire de
collectifs (école, mosquée, hamman, salle polyvalente) et nouvelles structures sociales dans un corps traditionne l
d'équipements productifs pour la coopérative. Les vill ages qu 'il convient d'analyser dans sa complexité, pour mieux
sont différenciés en primaire, secondaire et tertiaire, selon saisir de quelle manière cette partie de la formatio n
leur type et leur importance; le « tertiaire » correspon- sociale algérienne projette au sol ses rapports familiau x
dant le plus souvent à un greffage sur un noyau d'habitat et sociaux . Si ce travail préalable n'est pas réalisé, l'in-
existant. le primaire étant construit « ex nihilo ». Il va troduct ion d'un habitat trop différent risque d'être perçue
de soi que l'importance de chaque opération (entre 700 comme une agress ion et , à ce titre, rejetée, quels que
et 2 000 personnes) nécessiterait une étude complète, soient les besoins potentiels. Ce phénomène s'est produit
aussi bien technique pour l'agencement interne, que de dans qu elques villag es, où l'on a pu voir des attributaires
l'environnement dans lequel s'insère ce nouvel habitat. refuser terres et logements , et quitter le nouvel espace
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listes (19). Cet avant-projet précise que le village socia- population de la steppe (troisième phase). il ne semble
liste constitue une collectivité publique à caractère terri- pas que l'opération de distribution puisse toucher plus
torial. Il est reconnu comme une entité socio-économique, de 1 500 000 personnes ;
dont le noyau est constitué par les bénéficiaires de la • le secteur coopératif constitué connaît de très gros
révolution agraire. C'est à ce titre que la personnalité problèmes : il est très généralement déficitaire et, en
morale lui est reconnue et qu'il est appelé à se doter tout état de cause, n'exerce pas sur le reste du monde
d'organes chargés de gérer les affaires locales. Le statut rural, en particulier sur la petite paysannerie, un effet
définitif du village par rapport à l'organisation commu- pédagogique sensible ;
nale n'est pas encore arrêté. mais, logiquement. le village • les textes de la réforme agraire ont prévu, pour
socialiste devrait être reconnu en tant que collectivité restructurer cette petite paysannerie, des formules de
infra-communale de base. Ceci est déjà dans les faits coopération très diverses mais. présentement, l'adhésion
dans les zones à population éparse, où le village implanté à ces structures reste très limitée, et l'action énergique,
fait office de chef-lieu de commune. En ce qui concerne tant sur le plan politique qu'économique, qui pourrait
le patrimoine, l'avant-projet précise que la propriété du la susciter. ne se manifeste pas et ne semble pas devoir
village s'étend à l'ensemble des installations et équipe- se manifester : l'Union nationale des paysans algériens
ment collectifs créés . Un point important n'est pas en- (UNPA) ne s'intéresse qu'aux attributaires et les actions
core réglé, c'est celui du statut juridique des logements de mise en valeur concernent uniquement quelques zones
individuels. Pour le moment, la propriété personnelle du privilégiées par leurs potentialités hydrauliques ou pédo-
logement est soumise à deux conditions : l'attributaire logiques.
sera reconnu propriétaire . au terme d'une période pro-
batoire· de cinq ans, et ce droit sera annulé en cas de En d'autres termes. l'opération a d'emblée un caractère
départ du bénéficiaire. Rien n'est pourtant fixé et il limitatif et sélectif, dont nous allons essayer de voir
semble que plusieurs propositions soient en discussion. maintenant la traduction concrète.
La population, actuellement directement bénéficiaire de
l'opération, est celle de la quarantaine de villages qui
sont pour l'instant habités (20). La mesure des effectifs
VILLAGES ET MONDE RURAL concernés peut se faire directement, en additionnant le
nombre de logements ou les effectifs approximatifs. Nous
préférerons néanmoins faire un calcul indirect. en utili-
Après avoir vu quels étaient les résultats de l'opération sant des rapports arithmétiques simples, permettant
« villages » en elle-même. nous nous efforcerons de les l'extrapolation.
exprimer relativement à l'ensemble social dans lequel
ils prennent place ; il s'agit maintenant de qualifier Le nombre moyen de logements par village est de 200 ;
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A la fin du troisième Plan quadriennal. on peut ad- des ouvriers de l'industrie. En troisième lieu , on peut
mettre, compte tenu de l'accélération prévisible de l'opé- noter aussi que l'appellation des villages a subi des modi-
ration, que les 1 000 Villages globalement pr-ogrammés fications en accord avec ce qui vient d'êtra dit : initia-
seront réalisés et habités ou en voie de l'être. La popu- lement. il s'agissait de Villages agricoles de la révolution
lation touchée vers 1981 serait de l'ordre de 1 500 x 1 000 agraire (VARA). puis il s'est agi de Villages agricoles
= 1 500 000 personnes. Toujours selon les prévisions du socialistes (VAS) ; enfin, la référence à l'agriculture s'est
Rapport général du Il' Plan quadriennal, la population trouvée plus ou moins éclipsée, et. actuellement, on ne
rurale, à la date citée, s'élèvera à 10 400 000 habitants. parle plus que de Villages socialistes (VS) .
La proportion de population bénéficiant directement de
l'opération Villages sera donc (à l'époque) de 14,4 % , Cette évolution vers un assouplissement de la sélec -
soit environ 15 % . On voit ainsi que, même en projec- tivité initiale traduit-elle une mutation de la conception
tion, on n'est pas fondé à attribuer un caractère massif des villages du point de vue de leur destination sociale?
à l'opération . Peut-être, mais nous ne le pensons pas . Le fait peut
s'interpréter essentiellement comme le résultat d'une
contradiction entre le projet dans sa conception initiale
Qu'en est-il par rapport aux besoins en logements
et les conditions concrètes offertes par l'espace rural
les plus pressants dans le monde rural ? Les besoins
auquel il s'applique. En effet, sauf en un certain nombre
seront plus précisément évalués par le recensement en
d'endroits , où a pu se faire une distribution massive de
cours. Néanmoins, les résultats de l'enquête de I'AARDES
terres permettant la constitution de gros îlots coopératifs,
au niveau des conditions de logement des attributaires
de . la première phase· sont suffisamment évocateurs à les terres de la révolution agraire sont assez disper-
sées (24). et il est difficile de « faire le plein » d'un
cet égard : au moins la moitié de la population rurale
connaît des conditions de logement médiocres ou très village avec des coopérateurs , à moins de les éloigner
considérablement de leur lieu de travail et ce, d'autant
médiocres (cf. tableau p. 44) . Exprimés, non plus rela-
tivement à la population rurale prise dans son ensemble, que ce secteur coopératif mène très généralement à
une exploitation de type extensif (1 coopérateur pour
mais relativement à la fraction très mal logée de cette
population , les résultats anticipés pour 1981 ne se chif- 10 ou 15 ha) . Ceci étant, on peut songer à "remplir»
frent qu 'à 30 %. Un tel résultat n'est pas négligeable , un village avec des ouvriers du secteur autogéré , mais
mais peut être jugé insuffisant dans la mesure où , sur si ce secteur réalise une mobilisation d'espace plus
3 ruraux mal logés, un seul est susceptible de voir continue, les densités d'occupation correspondantes sont
ses conditions de logement effectivement s'améliorer au faibles (25). l'exploitation étant très fortement mécanisée ,
terme de l'opération. et donc très extensive (1 ouvrier pour 10 ha en moyenne) .
les villages, la notion de « pôles ruraux » devant exercer se traduira surtout par un appui technique à la produc-
par rapport au monde rural environnant au moins trois tion agricole et la mise en place éventuelle d'infrastruc-
grandes séries de fonctions : tures dans ce domaine. Sans doute, aura-t-il au:;si une
- une attraction résidentielle : des petits paysans sont certaine influence du point de vue résidentiel et procure-
susceptibles de venir s'installer au village, et y construire ra-t-il des services aux zones environnantes, mais ce
leur maison, ce qui aura pour effet la restructuration sont principalement les personnes liées aux zones de
géographique de la population ; forte productivité qui seront concernées. On retrouve là,
dans ce cas concret, le caractère limitatif et sélectif de
- une attraction de services : les populations envi-
l'opération que les statistiques globales avaient déjà mis
ronnantes bénéficiant d'un centre de services plus proche en évidence :
verront leurs conditions de vie s'améliorer, auront à leur
disposition des services qu'elles utiliseront plus intensi- - les implantations se font en correspondance avec
vement ou commenceront à le faire, réalisant ainsi l'in- les zones de forte productivité dont elles améliorent
tégration au << monde moderne » ; considérablement les conditions de production et les
conditions de reproduction de la force de travail ;
- une attraction économique : des ruraux trouvant un - mais ces zones étant éloignées des zones d'agri-
établissement bien équipé, plutôt que de migrer vers les culture traditionnelle qui ont les plus grands besoins en
centres urbains, chercheront à vivre dans le nouveau logements et en équipements sociaux, elles n'ont pas
village, où l'on aura prévu des activités artisanales ou d'effet très sensible sur ces dernières. Il semble donc
de petite industrie . Ainsi sera également réalisé l'effet que dans ces circonstances il soit vain d'attendre une
de frein à l'exode rural. sinon son blocage. influence indirecte appréciable des nouveaux villages.
Dans une certaine mesure , l'appréciation de cet impact
indirect éclaire les perspectives de l'industrialisation
rurale en Algérie. A ce niveau, on peut dire ceci : l'in-
dustrialisation rurale est sans doute souhaitable et pos-
***
sible (27) cependant, elle reste faiblement développée et
Au niveau de la conception le projet « 1 000 Villages »,
rien ne permet de prévoir, même à moyen terme, qu'elle
lié « aux actions de modernisation et de restructuration »,
intéressera les nouveaux villages en tant que source
présente très légitimement. eu égard aux nécessités d'ac-
significative d'emplois. En conséquence, on peut très
croissement de la production agricole en Algérie, une
fortement douter que ces nouveaux villages aient le rôle
dimension appréciable. On y note, de fortes préoccupa-
prévu de frein à l'exode rural avant longtemps.
tions de type social : améliorations des conditions de
vie des populations rurales, processus démocratique de
Mais cette appréciation de l'impact indirect renvoie
réalisation par association de ces populations aux déci-
au problème de l'insertion de l'opération dans l'espace
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(1) Mostefa LACHERAF : « De la révolution agraire à (14) Le projet a, en effet, bénéficié d'une priorité par
la révolution sociale », Alger, << EI-Djeich », août 1972. rapport aux autres opérations d'habitat rural.
(6) Note 3 592 CH3.74, du 18 décembre 1974, repro- (19) M. A. BENACHENOU : « Notes sur les aspects
duite dans « Quelques textes officiels concernant les juridiques de l'avant-projet de statut des villages socia-
Villages socialistes de la Révolution agraire ». Centre de listes "• présentées à la journée Villages du CREA-ONRS,
recherche en architecture et urbanisme, juillet 1975, 15 janvier 1976.
p. 39. (20) Selon C. CHAULET dans « Paysans et collectifs
(7) Note interministérielle 1 670 CH3/75 (Intérieur - Tra- de producteurs dans la réforme agraire algérienne »,
vaux publics - Secrétariat d'Etat au Plan) du 9 juillet 1973 Alger, Cahiers du CREA , no 1, sept. 1976, communication
« En communication aux walis » dans « Quelques textes faite au 4th World Congress of Sociology, Turin, août
officiels concernant les Villages socialistes ... », op. cit., 1976, il y aurait 34 villages de 100 à 150 maisons déjà
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(8) Le village socialiste de la commune de Staoueli. aux (21) En Algérie, toute population .1e s'agglomérant pas
environs d'Alger, a fait l'objet d'une grosse « manchette » au-delà de 2 000 habitants.
dans le « Moudjahid » parce qu'il avait été fait par un (22) Ces données ne seront disponibles qu'au terme de
Bureau d'étude public algérien. la publication des résultats du deuxième recensement
(9) DNC-ANP : Direction nationale des Coopératives de et de l'enquête sur les Villages habités, que projette
l'Armée nationale populaire . I'AARDES.
SNS : Société nationale de sidérurgie. (23) Voir note 7.
SONATRACH : Société nationale pour la recherche, la
production, le transport. la transformation et la commer- (24) Réserve faite pour la steppe, où l'espace a été
cialisation des hydrocarbures. globalement nationalisé, et dont nous faisons un cas à
part.
(10) Note des Travaux publics 1 527 / CH3/75 du 29 mai
1975, relative au Il• Plan quadriennal et aux Villages (25) Dans une carte de répartition de la population, les
agricoles socialistes, en communication à MM. les Walis. zones d'agriculture autogérées se signalent par un affai-
blissement des densités .
(11) Cf. les canevas de travail pour l'étude socio-écono-
mique de l'environnement qui ont déterminé le choix de (26) Ou en laissant à d'autres opérations d'habitat rural
la localisation, Secrétariat d'Etat au Plan, août 1972. le soin de les satisfaire ; l'opération « Villages » n'est
qu'une partie du programme d'habitat rural (Il• Plan qua -
(12) Ce problème a été soulevé officiellement par l'As- driennal : 40 000 logements dans le cadre opération « Vil-
sociation des architectes algériens lors de la journée lages » et 60 000 dans le cadre d'autres opérations, no-
d'étude sur les Villages socialistes, organisée par le tamment autoconstruction).
Centre de recherches et d'études agronomiques (CREA).
sous couvert de l'Office national de la recherche ·scienti- (27) ROBINEAU, Alg~r. Cahiers du CREA, no 1, sept.
fique (ONRS), 15 janvier 1976. 1976.