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A la recherche des villages socialistes

Chapter · May 2023

CITATIONS READS

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67 authors, including:

Frédéric Abécassis Boustil Fériel


Institut français d’archéologie orientale Université Paris Nanterre université Biskra université de Blida1
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4e de couv Karima Dirèche 02-05-2019:Karima Dirèche 08/05/2019 10:13 Page 1

SOUS LA DIRECTION DE
Cet ouvrage a pour objectif de faire l’état des lieux général d’un pays qui est sans doute un Karima Dirèche

SOUS LA DIRECTION DE
Karima Dirèche
des moins étudiés des pays de la rive sud de la Méditerranée. Appréhendée bien trop souvent par

L’Algérie au présent
le gigantisme de son territoire, par son économie rentière et par l’opacité de son régime politique,
l’Algérie est considérée comme une énigme. Celle d’un pays « hors-champs », dont les
expériences historiques auraient construit une spécificité politique, économique, religieuse pour
constituer une sorte de « modèle algérien » qui ne s’appliquerait qu’à lui-même et qui n’aurait
pas à se soumettre à l’analyse critique et à la déconstruction de ses catégories théoriques.
Soixante-quatre auteurs sont réunis ici pour pallier cette situation et offrir des clés de

Entre résistances et changements


lecture pour saisir ce pays passionnant qui tourne aujourd’hui avec courage une longue page
de son histoire. L’ouvrage s’articule autour de plusieurs entrées thématiques (espaces et
territoires, politiques économiques, analyse de jeux politiques, questions de société, langues
d’Algérie, besoins d’histoire, questions religieuses, gestion post-conflit des années 1990,
relations internationales…) qui se présentent comme autant de lectures réflexives sur des
réalités économiques, sociales, politiques et religieuses de l’Algérie du temps présent. Des
approches par des terrains et des objets divers, des explorations fines et intelligentes proposent
des éclairages inédits et fort utiles sur des dynamiques collectives adossées à des

L’Algérie au présent
connaissances empiriques, fruits d’enquêtes de terrain originales.
Cet ouvrage participe à la compréhension des forces motrices de la société algérienne,

Entre résistances et
de ses dynamiques et de ses acteurs en pleine ébullition aujourd’hui.
Karima Dirèche est historienne, Directrice de recherches au CNRS au laboratoire

changements
TELEMMe, elle a dirigé l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain de Tunis entre
2013 et 2017 et est spécialiste de l’histoire contemporaine du Maghreb.
Ont contribué à cet ouvrage : Frédéric Abecassis, Maissa Acheuk-Youssef, Akli Akerkar,
Emmanuel Alcaraz, Joëlle Allouche-Benayoun, Malika Assam, Amina Azza-Bekkat,
Layla Baamara, Jean-Marie Ballout, Nabila Bekhechi, Badia Belabed-Sahraoui, Zakaria
Benmalek, Omar Bessaoud, Saliha Boumadjene, Fériel Boustil, Rafael Bustos García de Castro,
Kamal Cheklat, Salim Chena, Fatima Zohra Cherak, Pierre Daum, Samy Dorlian, Abderrazak
Dourari, Philippe Dugot, Jean-Paul Durand, Giulia Fabbiano, Jacques Fontaine, Carmen
Garraton Mateu, Ahmed Ghouati, Fanny Gillet, Nora Gueliane, Ali Guenoun, Augustin Jomier,
Myriam Kendsi, Nadji Khaoua, Yaël Kouzmine, Soraya Laribi, Djaouida Lassel, Loïc Le Pape,
Farid Marhoum, Makram Mici, Rachid Mira, Amar Mohand-Amer, Meriem Moussaoui-Meftah,
Abdenour Ould-Fella, Moussa Ouyougoute, Tayeb Rehaïl, Patrick Ribau, Anna Rouadjia, Hicham
Rouibah, Oissila Saaidia, Muriel Sajoux, Salah-Eddine Salhi, Saradouni Karim, Isabel Schäfer,
Thomas Serres, Elyamine Settoul, Catherine Sicart, Nedjib Sidi Moussa, Mélanie Soiron-Fallut,
Mehdi Souiah, Sassia Spiga, Issam Toualbi-Thaâlibi, Bradreddine Yousfi, Zohra Aziadé Zemirli.

37 €

ISBN : 978-2-8111-2639-1

hommes et sociétés IRMC-KARTHALA


Bouquin Karima Dirèche:Karima Dirèche 28/03/2019 17:26 Page 101

À la recherche des villages socialistes, quelques


éléments d’une problématique à propos de la
campagne algérienne 1

Farid MARHOUM,
Mehdi SOUIAH

L’analyse qui va suivre présente les premiers éléments ou les pistes de


réflexion d’une enquête exploratoire dans trois (anciens) villages socialistes
de l’Ouest algérien 2 et d’un questionnement sociologique sur l’héritage de la
« Révolution agraire ». Notre intérêt portera donc d’abord sur les vestiges de
celle-ci, à savoir « les mille villages socialistes », soit les éléments constituants
de ladite révolution, comme l’écrivait Ripault-Megerand (1976, 185). Nous
sommes partis d’une série de questions simples, mais qui méritaient d’être
posées : Que reste-t-il des villages socialistes des années 1970 ? Que sont-ils
devenus ? Et quel est le profil sociologique de la population qui les occupe
actuellement ? Certes, l’enquête exploratoire ne nous donne pas toutes les
réponses, mais elle nous permet de poser davantage de questions qui justifieront
l’intérêt que nous portons aux villages socialistes, et qui émane d’un désir de
comprendre les transformations de la campagne algérienne.
En 1972, Mostefa Lacheraf déplorant la ruralisation des villes algériennes,
écrivait :

1. Ce texte propose de présenter les premiers éléments recueillis à travers l’enquête exploratoire d’un projet
de recherche CRASC (Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, Oran) intitulé :
« Urbanité rurale : à propos de l’évolution des villages socialistes », apprécié et approuvé par le conseil
scientifique du CRASC en juin 2016. La problématique du projet a été axée sur le mode de présence dans
un espace qui a ses particularités morphologique, économique et sociale et qui vise, en partie, à sonder
l’efficacité de cet instrument de transformation du mode de vie, à travers des questionnements sociologiques :
Comment ces villages ont-ils affecté le mode de vie de leurs habitants ? Comment ont-ils évolué ? Comment
doit-on considérer, aujourd’hui, leurs habitants ? Comme des urbains ? Des ruraux ? Qu’est-ce qui justifie,
aujourd’hui, leur urbanité ou leur ruralité ? etc.
2. Le choix des villages est dicté par le souci d’une représentativité à l’échelle régionale de l’Oranie : le
1er village est « Fellaoucene » : situé sur le littoral, dans la zone touristique d’Aïn El Turk (Oran), où la
pratique agricole a été plus ou moins délaissée au détriment d’activités en lien avec le tourisme balnéaire ;
le 2e, « Aures El Meïda » se situe dans la commune de Hammam Bouhdjar (Aïn Témouchent) où la pratique
de l’agriculture demeure structurante dans l’économie locale ; et enfin, « Bellahcel » (Relizane) où nous
supposons qu’il y demeure un relatif maintien de la pratique agricole comme élément principal régissant les
dynamiques sociales et économiques locales.
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102 À la recherche des villages socialistes

[la ville] pose le grand problème des structures de la vie algérienne dans sa totalité, de leur
indispensable remodelage et extension, s’agissant d’une société humaine qui est passée en
un siècle et demi environ à côté de transitions multiples qu’elle n’a pu dépasser avec succès
jusqu’à l’aboutissement d’un itinéraire normal et dont le processus contrarié, perturbé ou
bloqué, est cause de cet état semi-urbain sans cesse inachevé et de cet autre état paysan figé
dans les pires archaïsmes et la mort lente (Lacheraf, 1972).

Cela suppose-t-il que la ruralité comme mode d’être et de vie n’avait, quant
à elle, plus sa place dans l’Algérie indépendante qui traçait son chemin vers le
développement et la modernité 3 ? Un développement « civilisateur » marqué,
dans les années 1970, par la Révolution agraire et la Révolution industrielle.
Abdelkader Zghal, quant à lui, remarquait, en 1976, qu’à l’occasion des
réformes agraires :
Les conflits des paysans sans terre avec les représentants locaux des classes dirigeantes sont
plus fréquents que ceux qui opposent les paysans pauvres aux grands propriétaires fonciers.
Et que contrairement à la tradition insurrectionnelle de la paysannerie maghrébine
précoloniale, le monde rural donnait l’impression d’être calme par rapport aux villes
périodiquement agitées par les revendications des ouvriers et des étudiants.

Il suppose que ce calme relatif des campagnes pourrait être expliqué par
« la dépaysannisation accélérée des ruraux, au point de se demander si,
réellement, le terme de paysan est encore adéquat pour caractériser cette
population rurale » (Zghal, 1976, 307-308). De facto, il constate auprès de la
paysannerie pauvre, l’absence de perspective pour une vie normale dans les
campagnes, et la recherche d’une possibilité d’emploi en ville ou à l’étranger.
Nos questionnements vont donc tenter de saisir à bras le corps un objet
d’étude quelque peu délaissé par la majorité des praticiens. Les sociologues
comme les économistes et les géographes ont depuis longtemps boudé le
monde rural 4. La tendance est passée de mode, et depuis fort longtemps. Et
pourtant, la mutation de la société algérienne s’effectue autant à la campagne
qu’à la ville.

3. On estimait que la société algérienne avait assez souffert de l’injustice du colonialisme. La société
algérienne était sortie de la guerre de libération (1954-1962) affaiblie et pauvre. La visée du pouvoir politique
de la période du président Boumédiène était de tourner une page d’histoire noircie de peines, de violences
et de souffrances et en écrire une nouvelle où l’Algérie deviendrait un pays développé et « moderne ».
4. Dans un essai au titre significatif « Du rural délaissé à l’urbain convoité : mutations sociales et dynamique
d’intégration » publié en 2003, El Djounid Hadjidj développe la thèse selon laquelle en sociologie (le constat
est similaire dans les autres disciplines en sciences humaines et sociales) les chercheurs ne s’intéressent
désormais guère à la campagne en tant que terrain d’étude, et estiment plus utile de focaliser l’intérêt sur
l’univers urbain. Ce changement de cap correspondrait, selon lui, à l’abandon des différents projets de
développement initiés par l’État au début des années 1970 deux décennies plus tard. Effectivement, la crise
financière qu’a connue l’Algérie, au milieu des années 1980, avait quelque peu conduit à délaisser ces projets
qui devenaient de plus en plus lourds à gérer. Il était donc clair que l’orientation de recherche en sciences
sociales allait suivre la nouvelle dynamique politique, économique et sociale marquée par le passage du
système économique socialiste à l’économie de marché, le passage d’un système politique où le FLN régnait
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Farid MARHOUM - Mehdi SOUIAH 103

La Révolution agraire comme projet de société


Conceptualisée dans le socialisme algérien, la Révolution agraire a été
choisie comme projet :
là où on parle communément de réforme agraire, l’Algérie n’obéit pas à un simple souci de
se différencier d’autres expériences ou de marquer à tout prix le caractère révolutionnaire et
original de ce qu’elle entreprend ; à l’opposé de tout verbalisme révolutionnaire, l’option en
faveur d’une révolution agraire traduit justement le souci de respecter l’authenticité, l’unicité
et la continuité de la révolution algérienne » (Le Monde diplomatique, 1972, 25).

Ce choix d’État a fait l’objet d’études et d’analyses en tous genres 5. Pensée


comme concept scientifique, comme réalité ethnographique (Colonna, 1978),
la Révolution agraire fut également considérée comme une « autopsie de la
mort de l’agriculture » où les villages socialistes émergent comme les ruines
d’un projet ambitieux, mal pensé au départ et mis en place de manière bancale
par la suite. C’est le cas du chapitre consacré au secteur agricole dans un
ouvrage publié sous le pseudonyme de Tahar Benhouria (1980).
Si l’on suit le raisonnement de ce dernier (Ali El Kenz de son vrai nom), ce
projet de société, avec ses mille villages socialistes s’inscrit comme la phase
ultime d’un processus enclenché un siècle auparavant par la dépossession
coloniale et le déplacement dans des camps de regroupement aux marges des
villes. La guerre et la dépossession ont produit des déracinés prêts à émigrer
]vers la ville ou à l’étranger[. Abdelmalek Sayad écrivait que « la colonisation
a ôté au paysan algérien plus que sa terre ; elle l’a dépouillé d’un bien que ne
saurait lui être magiquement restitué ou octroyé, à savoir sa culture » (Sayad
cité in Montlibert, 2016). Dans l’effort d’adaptation de leur savoir-faire à la
nouvelle réalité qui leur a été imposée, il y a eu perte d’une grande part du
savoir-faire référentiel (Bourdieu, Sayad, 1964). A priori, l’échec n’incombe
pas au seul projet de développement initié par le président Houari
Boumédiène ; Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad ont bien montré dans
Le déracinement que « l’émigration s’expliquait par la misère entrainée par
quatre facteurs : la guerre, la concurrence entre une agriculture capitaliste et une

en maître au multipartisme politique. Les spécialités proposées en options dans les départements de
sociologie des universités algériennes sont assez révélatrices et permettent d’éclairer cette mutation. Ainsi
la sociologie rurale (des domaines autogérés, économie agricole…) est peu à peu délaissée laissant place à
une sociologie urbaine, politique, du travail et des entreprises.
5. Nous ne reviendrons pas, ici, sur une thématique qui a eu ses heures de gloire dans les cercles académiques,
celle liée à la paysannerie et à la crise de l’agriculture en Algérie. La question a été traitée, et sous différents
angles. Depuis la célèbre étude menée par le tandem Pierre Bourdieu et AbdelmalekSayad (1964), les
données de cette enquête n’ont cessé d’être actualisées, même si la tendance des études rurales s’est quelque
peu essoufflée ces deux dernières décennies. Effectivement, les années 1970-1980 ont produit une littérature
sociologique dense sur les villages socialistes. À titre d’exemple : Madani Safar Zitoun (1976),
Djaffar Lesbet (1984), Nadir Marouf (1980), Cyrille Megdiche (1977), François Burgat, (1984).
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104 À la recherche des villages socialistes

agriculture traditionnelle, les spoliations de terres cultivables, et la


déculturation » (Montlibert, op. cit.). Prenant en compte ces considérations,
nous dirons même que l’échec était annoncé et Tahar Benhouria, dans son
analyse, en a fait la chronique.
Dans la contribution de Ripault-Megerand à L’Annuaire de L’Afrique du
Nord, nous pouvons lire que l’un des objectifs de la Révolution agraire était :
[…] d’assurer la promotion sociale et culturelle des masses rurales par l’amélioration de
leurs conditions de vie et leur insertion dans le progrès économique et social ]…[ et, selon
le Président Boumédiène, il s’agit avec la création des villages « d’éliminer le gourbi et
surtout l’esprit de gourbi avec tout ce qu’il comporte de pauvreté et d’esprit individualiste ».
Il s’agit donc d’offrir des structures qui « permettent de lutter contre l’analphabétisme,
l’isolement culturel, la faiblesse du niveau technique et politique, etc » (Ripault-Megerand,
op. cit., 185-187).

La Révolution agraire est donc un processus de transformation qui vise non


seulement à l’amélioration des conditions de vie des populations rurales mais
à la transformation totale des mentalités.
C’est à supposer que la finalité du projet de société était de mettre sur pied
une « Révolution sociale », qu’on présentait comme l’unique « réalité agissante
susceptible de transformer le pays et préparer le terrain au succès des autres
choix fondamentaux – culturel et industriel – de la révolution algérienne et du
socialisme » (Lacheraf, op. cit.). En effet, les villages socialistes destinés, par
essence, aux paysans, consistaient à regrouper les Fellahin dans l’espace
circonscrit du village doté des équipements de base pour, assurer un
« minimum de confort », leur permettant de mener à bien le travail de la terre.
Cela veut dire, nous semble-t-il, la conversion du fellah en « agriculteur » 6. Or,
pour Pierre Bourdieu « le paysan est décrit via des traits de comportement
physique, d’allure ou d’apparence (hexis), de caractère et de manière d’être
(habitus), et [donc[, il n’est pas nécessaire de formuler une définition du
paysan, ]quand celui-ci] se dessine au fil des pages comme l’envers du
villageois, du citadin » (cité in Candau, Rémy, 2009, 84). La question du rural
en Algérie, peut donc prendre d’autres connotations, en nous invitant à repenser
« la ruralité » à travers la transformation des figures du paysan dans toutes ses
dimensions : ses représentations, ses pratiques et son discours, ses positions et
ses attitudes, et les formes de sociabilité que cela peut revêtir.

6. Mettre fin aux pratiques traditionnelles du travail de la terre (considérées comme « archaïques » pour les
promoteurs de la Révolution agraire), et moderniser le secteur en inspirant de nouvelles méthodes et en
apportant de nouvelles techniques de travail en adéquation avec le modèle de l’agriculture moderne. Il s’agit
donc de la différence entre hexis et praxis : le paysan (fellah) désignerait une attitude corporelle et des
qualités comportementales des gens qui habitent la campagne, tandis que l’agriculteur (mouzari’) désignerait,
quant à lui, les pratiques liées à la culture de la terre dans l’ère moderne (avec des méthodes scientifiques).
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Farid MARHOUM - Mehdi SOUIAH 105

Photographie de la réalité antérieure


En 1962, l’Algérie est un pays détruit par la longue nuit coloniale. Il fallait
lancer les chantiers de restructuration de toute l’économie. Dans cet élan, la
priorité est donnée à l’agriculture et à l’industrie, les deux leviers sur lesquels
le système politique en place comptait s’appuyer pour relancer et reconstruire
l’Algérie indépendante, car il fallait rattraper (à tout prix ?) le retard accumulé
en 132 années de colonisation. Mais concernant la réforme agraire, Abdelkader
Zghal a constaté que :
la paysannerie algérienne qui s’est mobilisée, dans sa grande majorité, pour la guerre de
libération nationale, n’a pas exprimé, ce qu’il est convenu d’appeler « la soif de la terre »
par des mouvements d’occupation des terres des grands propriétaires nationaux, ou même
par de simples manifestations avec comme mot d’ordre la réforme agraire. L’occupation
[...] des fermes des colons français, déclarées « biens vacants » est un phénomène limité aux
seuls ouvriers permanents de ces fermes. Les paysans pauvres et sans terre qui vivaient
autour de ces fermes n’ont pas cherché à profiter de cette vacance pour envahir et occuper
les fermes (Zghal, op. cit., 295).

Dans la mise en œuvre du projet de la Révolution agraire, « la société


paysanne » est omise en quelque sorte ; le politique agissait par
« volontarisme » considérant les paysans ou la population rurale comme
« objet » de son action de modernisation de la campagne.
Effectivement, et pour en revenir au raisonnement d’Ali El Kenz (alias
Tahar Benhouria), une méprise ou une incompréhension serait à l’origine de
l’échec de la politique de développement (i.e la Révolution agraire) : « on avait
méprisé les paysans, et leur mode de vie. [Dans la pratique], les paysans sans
terre, les paysans pauvres et moyens qui sont les premiers concernés par les
réformes envisagées n’ont, à aucune occasion, été associés aux discussions, ne
serait-ce qu’à titre consultatif » (Benhouria, op. cit., 164). À l’origine du
mépris, une somme de clichés qu’on avait accolés aux paysans (et qu’on accole
encore de nos jours), projetés par les idéologues et les acteurs de la politique
du développement : « par mimétisme, sont reproduits des agissements, des
pratiques, des réactions, ceux du colon condescendant à l’égard de l’indigène
qui croule sous le poids de la tradition, inculte et ignorant, incapable de
réfléchir/décider par lui-même » (ibid., 165). Pour justifier (renforcer ?) ces
propos, Ali El Kenz s’est référé à un bilan d’activité datant de 1972 établi par
la Commission nationale de la Révolution agraire (CNRA) où le paysan est
représenté comme « ignorant, luttant pour sa survie au moyen de modes
d’exploitation archaïques, incapable d’effectuer le saut qualitatif qui requiert
de sa part l’adhésion à une entreprise qui va bouleverser radicalement le mode
de vie et les conditions de travail à la campagne » (id.).
Les propos d’Ali El Kenz vont à la rencontre de ce qu’a observé Abdelkader
Zghal quand il décrivait des paysans qui « résistent » et qui tiennent une
position « contre » le projet :
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106 À la recherche des villages socialistes

[…] en plus du phénomène du désistement reconnu officiellement, les enquêtes sur le


terrain 7 ont révélé que les attributaires de la réforme agraire ne se comportaient pas d’une
manière passive et qu’ils mesuraient leurs réactions selon les possibilités de la conjoncture
locale et nationale. Les formes de résistance des attributaires de la réforme agraire à leur
statut de semi-salarié sont très variées… » (Zghal, op. cit., 295).

C’est dans ce climat de tension latente, de résistance, d’incompréhension et


de « flou » que s’est imposé le processus de la Révolution agraire et le projet
de société qui l’accompagne. On a tenté d’aligner le mode d’existence des
ruraux, cheville ouvrière de la Révolution agraire, à celui des urbains,
considérant que ces derniers incarnaient la « normalité ». Le mode de vie
urbain, l’homo-urbanus, placé au sommet de l’échelle de l’évolution, imposait
son modèle en milieu rural et, par la même, assenait les coups qui ont fini par
avoir raison de l’agriculture et de la paysannerie. On agissait et on réfléchissait,
dans les cercles de décision, en urbain qu’on était devenu 8.
De ces constats, il est donc légitime d’interroger la place de la ruralité
comme mode d’être et de vie dans l’Algérie indépendante. À ce sujet,
Abdelkader Zghal nous fournit quelques éléments de réponse :
Pour prendre le cas de la classe dirigeante la plus avancée dans ce domaine, celle de
l’Algérie, nous constatons qu’au moment où elle se lance dans une réforme agraire radicale,
elle adresse aux paysans un discours des plus paternalistes : « Arrachés à l’ignorance et à
l’exploitation, les paysans mettent désormais en valeur et à leurs propres profits une terre que
la Révolution leur a attribuée ]…[, en contrepartie de ce don de la Révolution, les paysans
algériens doivent changer de mentalité et s’intégrer ]…] Si la Révolution a donné aux
paysans la terre et les moyens matériels pour la travailler, elle doit maintenant les aider à
élever leur conscience sociale et à placer leur action dans un cadre qui dépasse les horizons
étroits de leur unité de production » (Avant-projet de la Charte nationale, 1976, 13 cité in
Zghal, op. cit., 310).

On ne peut ici que paraphraser cet auteur quand il conclut que « Dans cette
perspective, les paysans sont vus comme un objet de l’action de la
Révolution ». Désormais, il est écrit dans l’avant-projet de la Charte nationale
de 1976 « La Révolution agraire n’avancerait pas si elle ne parvenait à modifier
la mentalité du paysan et à détruire chez lui toutes les structures archaïques de
pensée, d’action et de vision du monde » (id.).
La Révolution agraire est ainsi, elle-même, pensée comme un dispositif
pour révolutionner les modes de vie et les mentalités du monde rural et paysan
dans la direction de la modernité et de l’urbanité. Les idéologues du projet,

7. Abdelkaer Zghal cite les enquêtes d’Abdelkrim El-Aïdi (1974) et de Nourredine Abdi (1975).
8. « Ou, qu’on était déjà », Bruno Etienne fournit la précision suivante : « Les fonctionnaires et les politiques
qui s’y installèrent [dans les villes, Alger principalement, en 1962], viennent pour la plupart du Maroc. Ils
y ont acquis d’autres habitudes urbaines. Comme tous les cadres algériens récupérant le pouvoir à Alger en
1962. Ils ont, en partie, subi d’autres modèles occidentaux mais pas spécialement en Algérie qu’ils ont
quittée pour la plupart “à la fleur de l’âge” » (Etienne, 1972).
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Farid MARHOUM - Mehdi SOUIAH 107

voulaient-ils remplacer le rural par l’urbain ? Prenaient-ils « à la légère » le


concept de « révolution » ? Ce concept qui évoque la rupture, le changement
radical, le changement de cap… Voulaient-ils imposer aux paysans la
modernité (de la ville), en l’invitant à entrer chez eux sans frapper à leurs
portes ?
Cela étant dit, il nous semble que le discours sur la réalité vécue et ressentie
par les habitants des villages socialistes ou plutôt ce qu’il en reste, doit être
mobilisé pour comprendre quelque peu les transformations de la campagne
algérienne.

Le discours sur la réalité présente


On rappellera que des intellectuels comme Mostafa Lacheraf et Nadir
Marouf se sont vus confiés la mission d’assurer la promotion de ce « projet de
société », visant, du moins en théorie, à améliorer les conditions de vie des
Algériens en les urbanisant. Le résultat est qu’on avait peut-être échoué dans
la mission de développer le secteur agricole, mais on avait « brillamment »
transformé le mode de vie rural, produisant ainsi un scénario tout droit sorti des
pages du Droit à la ville d’Henri Lefebvre, celui de :
[…] l’espace urbain, devenant centre de décision, qui attaque la campagne, la corrode, la
dissout. […] Celui de la vie urbaine [qui] pénètre la vie paysanne en la dépossédant
d’éléments traditionnels : artisanat, petits centres qui dépérissent au profit des centres urbains
(commerciaux et industriels, réseaux de distribution, etc.). Les villages s’urbanisent en
perdant la spécificité paysanne. Ils s’alignent sur la ville mais en résistant et en se repliant
parfois farouchement sur eux-mêmes (Lefebvre, 2009, 66-67).

Notre enquête exploratoire consistait à aborder chaque village dans sa


double dimension : d’espace construit et de lieu habité (espace approprié). En
réalité, pour provoquer l’échange avec les habitants, nous n’avions que deux
questions : 1) que pouvez-vous nous dire sur le village socialiste de (…) ? 2)
que reste-t-il du village socialiste ? D’autres questions venaient au fur et à
mesure pour demander plus d’explications sur des points que nous avons jugés
importants afin de comprendre les transformations et renforcer nos
questionnements de départ.
La grande majorité des habitants avec lesquels nous avons échangé, nous
ont présenté le village avec distance : « il est le village de tout le monde »,
« le village de l’État » ; celui-là même qui a contribué largement à sa
transformation, et par conséquent à transformer leur mode de vie, de leur
quotidien et de leur vécu. Pourtant, la nostalgie est bien présente dans les
propos des plus âgés (ceux qui ont vécu les inaugurations). Ils évoquent, avec
regret le temps passé, celui où ils travaillaient encore la terre, où il n’y avait pas
de crise de logement, le temps où il faisait « bon de vivre [...] mais hélas, tout
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108 À la recherche des villages socialistes

a changé, il ne reste rien… ». Les habitants s’attardent sur la différence entre


les anciens du village (porteurs de la mémoire du village) et « el berrani »
(l’étranger, l’intrus) ; ils s’expriment longuement sur la gravité de la situation
et font, tous, le même procès : celui de « l’État, mal-gestionnaire, têtu, qui agit
sans concertation avec quiconque ». Les situations décrites par les habitants
évoquent ce que Mokrane Ait Ouarabi écrivait : « Pour les habitants, ces
cadavres en béton représentent la fin de l’épopée socialiste ; illustrent l’échec
d’une politique lancée tambour battant [...] Une sorte de cimetière où reposent
“les idéaux de Boumédiène” » (Ait Ouarabi, 2008).
À partir des enquêtes effectuées dans chacun des villages retenus, nous
avons voulu recueillir, auprès des habitants, des souvenirs de ce qui était
considéré comme les fiefs de la « modernité et de la civilisation » du monde
rural. Cela nous a permis de relever une somme de constats concernant les
pratiques habitantes symboliquement significatives. Il s’agit de pratiques qui
indiquent que les occupants de ces villages n’ont pas définitivement rompu
avec le mode d’existence propre à la campagne, mais que peu de choses les
rattachent encore à la ruralité. Dans le discours et dans les représentations, les
villages avec leur mode de vie d’antan sont encore là, regrettés avec nostalgie
pour ce qu’ils représentaient par le passé, ou dénoncés avec amertume pour ce
qu’ils sont advenus aujourd’hui.
Sur le terrain, la population a toujours son mot à dire, elle n’est pas passive,
elle est plutôt rattrapée par des traditions, des coutumes, une culture, un savoir
et un savoir-faire, tous ancestraux. Elle nous rappelle que nous sommes loin du
schéma classique d’une dichotomie rural/urbain, ou d’un continuum à dire vrai
où la frontière (symbolique) entre le rural et l’urbain est tranchée. La réalité
nous renseigne qu’il s’agit là d’un mode d’existence « autre » qui puiserait et
dans la ruralité et dans l’urbanité, donnant naissance à un mode d’existence
nouveau en cohérence avec l’évolution de la société algérienne. Cela nous
invite donc à remettre en question le constat de l’échec du projet de la
Révolution agraire. Autrement dit : dans quelle mesure pouvons-nous évoquer
l’échec ou la réussite de la révolution agraire ? Il est à supposer que la situation
actuelle est le résultat des « fonctions latentes » ou des « effets secondaires »
du projet de la Révolution agraire. Cela suppose encore que ce projet contenait
des contradictions internes que ses initiateurs n’ont pas su mesurer, ni gérer
après le décès de son principal promoteur, Houari Boumédiène, en
décidant – tout simplement – d’abandonner et de passer à autre chose.
La question qui reste posée, à ce stade, est bien celle de Abdelkader Zghal :
« Le processus de dépaysannisation des ruraux a-t-il réellement atteint un point
tel, que, finalement, ce sont eux-mêmes qui demandent la destruction de leur
vision du monde, en répondant à tout projet par un “oui, mais… !” » (Zghal,
op. cit., 310).
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Farid MARHOUM - Mehdi SOUIAH 109

Étudier les villages socialistes : proposition d’approche(s)


Pour les besoins de la démarche méthodologique, nous avons jugé opportun
de prendre le village comme cadre d’analyse. La présence du couple
(influence/résistance) entre l’urbanité et la ruralité est visible du moment que
le discours habitant évoque l’urbain et met toujours le village en relation étroite
avec la ville. Ce qui est prégnant, dans ce discours, est que l’espace urbain
influence les représentations et les pratiques des habitants, dans la mesure où
les pratiques de mobilité géographique font que le village est perçu,
aujourd’hui, comme « marginal » par rapport aux centres urbains de la ville.
La domination symbolique de l’urbain exercée par « la ville », comme
représentation sociale, renforcée par le processus de modernisation entamé et
généralisé depuis la fin des années 1960, contribue à soumettre les « ruraux »
à la multi-appartenance et à une double attraction, celle de la société moderne
(modernisée ?) et celle de la communauté (rurale) traditionnelle (Candau,
Rémy, op. cit., 84).
Les trois visites de terrain nous ont permis de faire la déduction suivante : les
deux univers communiquent par plusieurs canaux. Et si l’urbanité rurale, telle que
nous l’avons pensée, existe, la piste de la communication entre les deux
sociétés/univers serait en effet une piste à investir, car l’urbain s’invite dans le
rural – de diverses façons – s’y plait et s’y installe pour un moment indéfini,
transformant les représentations et les pratiques des villageois. Le problème dans
ces villages socialistes est que la primo-population (celle des inaugurations) n’a
pas pu (n’a pas su ?) transmettre les mêmes modes et pratiques de vie paysanne
à la génération suivante. De son côté, cette dernière ne peut pas (ne veut pas ?)
reproduire le même itinéraire (souvent considéré négativement) de leurs parents
et encore moins de leurs grands-parents paysans.

« Fellaoucene » et les trois « âges » de l’urbanisation du village


Situé sur le littoral oranais, dans la commune de Bousfer 9, et frontalier avec
la commune d’Ain El Turck, le village Fellaoucene avait été inauguré en 1978
par Chadli Bendjedid. On considère qu’il est passé par trois phases ou « trois
âges » dans son développement : le premier, avec la construction des
220 logements qui formaient le village initial ; le deuxième avec la construction
des logements OPGI 10 vers la fin des années 1980 ; et le troisième avec le
« bidonville » construit par les habitants sur les abords de l’oued de Bousfer
dans les années 1990 11.

9. 18 361 habitants (2013) ; constituée de deux agglomérations : le chef-lieu Bousfer et Le VSA Fellaoucene.
10. Les Offices de promotion et de gestion immobilières (OPGI), établissements publics de gestion immobilière.
11. Selon les propos des habitants, les premières baraques ont été érigées en 1994-1995 sur le lit de l’oued.
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110 À la recherche des villages socialistes

Ces trois âges sont empruntés aux « trois âges de l’émigration algérienne en
France » d’Abdelmalek Sayad (1977). Le premier âge est celui de l’émigration
« sur ordre », car les premiers habitants originaires de Bousfer dans leur
majorité avaient reçu l’ « ordre » d’habiter les logements et avaient la mission
de travailler la terre et faire vivre le village socialiste. Mais, selon les propos
de nos interlocuteurs, la plupart d’entre eux n’en avaient pas vraiment envie,
car mal informés et mal encadrés par les gestionnaires locaux du projet de la
Révolution agraire. Et certains l’ont quitté pour rentrer dans leurs habitations
(individuelles) à Bousfer. Le deuxième âge est celui de « la perte de contrôle »
avec la construction des logements OPGI, l’installation de nouveaux venus
d’autres wilayates (Tiaret, Mascara…) et le « regroupement » de certaines
familles élargies invitées par les premiers « étrangers », ceux-là qui ont occupé
des logements que les premiers habitants bénéficiaires avaient quittés.
Le troisième âge représente la naissance du bidonville : une vrai « colonie »
(selon l’expression de Abdelmalek Sayad) d’habitants en mal de logement,
originaires de Bousfer et d’autres communes d’Oran, et qui se sont installés
« illicitement » dans des constructions de fortune sur le lit de l’oued Bousfer,
aux abords des constructions « légales » des années 1970-1980. Est-ce une
évolution à contre-courant 12 ?
Ce premier cas nous amène à poser la question de l’évolution du village
socialiste en termes de reproduction de la communauté villageoise qui est mise
à l’épreuve du processus « production/appropriation » de l’espace bâti où
l’opposition « paysan/citadin » commence donc à être vécue au cœur même de
la communauté villageoise. À cet égard, nous pouvons avancer l’hypothèse que
les relations (les sociabilités) entre les habitants se basent sur l’ancienneté
d’installation dans le village (autochtones/étrangers), selon les métiers (paysans
et agriculteurs/autres métiers), et la nature d’occupation (construction
légale/illégale). Les derniers arrivés, ceux du bidonville, réclament « un droit de
cité » dans cet espace qui ne bénéficie plus, pour eux, des représentations du
village socialiste, « …c’est Oran et nous sommes des Oranais… des Algériens.
Nous avons des familles, des enfants… que voulez-vous que nous fassions… ? ».
Mais, même si le village, comme configuration spatiale, a été dissous (et/ou
dissimulé) par l’urbanisation, il demeure cependant existant dans l’imaginaire
des habitants (pour ceux du premier âge surtout), du moins comme mémoire
d’une configuration sociale. Cette hypothèse renvoie au processus de séparation
(décrit par Pierre Bourdieu) de deux entités [l’urbain et le rural] et la
différenciation sociale par spécialisation [paysans/agriculteurs/autres métiers],

12. Ce bidonville illustre une mutation et un bouleversement, du fait qu’on est passé d’une époque où il
y avait des logements qui ne trouvaient pas « preneurs », à une époque (aujourd’hui) où la demande dépasse
largement l’offre. Les logements, anciennement boudés, ont acquis une valeur immobilière considérable
selon les propos des habitants.
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Farid MARHOUM - Mehdi SOUIAH 111

où le bourg [le village] s’éloigne (peu à peu) de son passé paysan, de sorte que
« les façades citadines dissimulent le passé paysan » (Bourdieu, 2002, 90). En
effet, le changement est évident et inévitable, mais le plus intéressant est de voir
jusqu’où la barrière entre la ville et la campagne, entre le paysan et le citadin
(la distinction), sépare maintenant les villageois ?
D’autre part, l’existence d’un bidonville à Fellaoucene qui absorbe la
précarité et demeure un réservoir de main-d’œuvre (de sous prolétaires, de
vendeurs ambulants, d’ouvriers dans le bâtiment et d’autres « sous-métiers »
fortement liés à la vie socio-économique du monde urbain) est en soi un
indicateur d’urbanité, et n’a pas grand-chose à voir avec la ruralité et ses modes
de vie et de production. Comme si la mémoire du lieu restait suspendue entre
deux extrémités symboliques de l’établissement humain, ni complètement
rural, ni manifestement urbain, un peu des deux, avec une nostalgie du passé,
une amertume du présent, et un désespoir sur le futur. Les discussions menées
avec quelques-uns des habitants du bidonville confirment cette dernière idée.
Tous ceux auprès desquels nous avons posé la question du choix de
l’installation à Fellaoucene, nous ont répondu de la manière suivante : « le fait
qu’on ne soit pas solvable pour prétendre à un logement dans aucune de ses
formules, qu’on soit exclu des programmes du logement social, rendait notre
installation dans un bidonville quasi certaine ».

« Aures El Meïda » : Les enfants du village et la violence symbolique


de l’urbain
Ce village situé dans la commune de Hammam Bouhadjar 13, dans la Wilaya
de Ain Témouchent, a été inauguré en 1975 par Houari Boumédiène lui-même.
Au total, 150 ménages ont été logés sous la direction d’ « un chargé de
mission » qui continue, aujourd’hui encore, à agir comme représentant du
comité du village. C’est lui qui nous a accueilli et qui nous a écouté sur l’objet
de notre visite. Il raconte l’histoire du village socialiste, celle aussi de sa famille
et de sa fonction comme chargé de mission, pour promouvoir le projet du
village auprès des gens logés en 1975. Il raconte que les débuts ont été difficiles
et que ça a progressé lentement.
On a pu observer que les habitants ne s’attardaient pas beaucoup sur
l’histoire passée du village. Ils préfèrent décrire la situation présente et surtout
la situation à laquelle ils aspirent : « aujourd’hui, personne ne s’intéresse aux
villages socialistes… Ils (l’État) nous ont délaissés…, on manque de tout,
surtout le gaz de ville », déclarent les habitants que nous avons rencontrés lors
de la visite de ce village.

13. 35 158 habitants (2013), répartis sur trois agglomérations : le chef-lieu, Dar El Beida et Aures El Meïda.
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112 À la recherche des villages socialistes

Il semble que les habitants (surtout les jeunes) sont un peu démunis par la
référence au village socialiste et sont surtout polarisés sur une vision binaire du
monde : « civilisé/attardé ». Ils se sentent bloqués dans un monde où « rien
n’a changé », selon eux, depuis les années 1970. Dans leurs représentations ils
sont doublement exclus par l’État, initiateur du village, qui l’a délaissé en
abandonnant le projet de la Révolution agraire et en l’écartant du processus de
développement-modernisation, réservé aux villes.
En effet, les habitants du village vivent une bipolarité, comme celle décrite
par Abdelamalek Sayad en 1995 : « Tant que persiste la bipolarité du monde
divisé entre un monde noble et un monde ignoble, un monde cultivé et un
monde inculte, un monde civilisé et un monde attardé, un monde riche et un
monde pauvre, la référence à l’origine ne peut agir que comme une tare
disqualifiante » (Sayad, 1995). Cette bipolarité est présente dans l’esprit des
habitants du village socialiste Aures El Meïda et elle renforce leur discours.
Par ailleurs, il semblerait que la confusion historique soit de mise, une sorte de
« névrose d’insatisfaction collective faite de désespoirs et d’ignorances, de
ressentiments et d’hypocrisies » (Candau, Rémy, op. cit., 87). Sur ce point,
Jacqueline Candau et Jacques Rémy confrontent dans leur analyse la position
de « Pierre Bourdieu qui dénonce l’effet destructeur des valeurs urbaines sur
les valeurs paysannes, et celle de Placide Rambaud qui considère que c’est la
société locale, et son auto-enfermement, qui entraîne son propre délitement.
Ce dernier, critique notamment la confusion entre “famille” et “exploitation”,
d’une part, et rêve d’autarcie économique, d’autre part » (id.). Pour le cas étudié
ici, il s’agit des deux positions, une violence symbolique de l’urbain et une
impuissance à objectiver la vie dans un village délaissé – comme ils le disent.
Une frange de la population de ce village, celle des 18-30 ans, à qui nous avons
demandé de décrire leurs journées racontent qu’ils préfèrent rester le plus
longtemps possible hors d’Aures El Meïda, « ils ne se passent jamais rien par ici »
aiment-ils à répéter. Pour prendre un café, ou rencontrer un copain, le jeune
d’Aures El Meïda se dirige – volontiers – vers la ville la plus proche. La position
géographique du village fait de lui une contrée isolée, éloignée des autres villages
et de la ville de Hammam Bouhadjar. Ils se plaignent de se sentir piégés dans un
environnement hostile où rien ne se passe, où il n’y a pas de distractions, et surtout
où il n’y a pas de travail. En ce qui concerne le travail de la terre, seuls quelques
lycéens nous ont confié qu’il leur arrivait de travailler dans le jardin familial.

« Bellahcel » 14 et la nécessité d’une anthropologie de la tribu


C’est une commune mitoyenne de celle de Relizane (chef-lieu de la wilaya)
à 10 km au nord, et frontalière avec la wilaya de Mostaganem. Le village

14. 14 074 habitants en 2008.


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Farid MARHOUM - Mehdi SOUIAH 113

Bellahcel a été inauguré en 1974 et comptait 220 logements, construits sur des
terrains agricoles de « Ärch Sidi Khattab ». Malgré la proximité du village de
la ville de Relizane, la ruralité est présente dans les représentations des
habitants et dans leurs modes de vie. Le village est considéré, dans les
déclarations des habitants rencontrés lors de l’exploration de ce terrain, comme
la maison des « Ouled Bellahcel », même si d’autres soulignent des différences
entre les premiers habitants (ceux du village), et les autochtones (ceux du douar
et des douaouir). Il est évoqué dans le discours habitant l’identité liée à la tribu,
et y est défendue l’idée que « le mélange de la population n’est pas bon » ;
idée largement partagée par la majorité des habitants.
Dans ce discours, les uns comme les autres évoquent les « Ouled Bellahcel »
comme entité sociale homogène et ne tiennent compte d’aucune distinction :
À Bellahcel, tu ne trouveras que n’nakhoua (la générosité et l’hospitalité), chez nous, on
dit : kesra w l’ma, w rfaâ rask f’sma (du pain et de l’eau et lève la tête vers le ciel). Nous
sommes tous des g’lalil, m’sakine (des miséreux, des pauvres).

L’éclatement des espaces d’habitation, d’activités et d’interconnaissances,


et la remise en cause de l’activité agricole sont révélateurs de la
décomposition/recomposition des liens sociaux. Mais selon les habitants, c’est
l’esprit tribal qui a permis de maintenir, à des degrés différents, les pratiques
de voisinage et de sociabilités au sein de la communauté villageoise. Le partage
des mêmes conditions de vie (difficiles), l’âpreté du travail agricole confronté
au problème de l’eau d’irrigation, et l’orientation des nouvelles générations
vers le travail indépendant non-agricole (maçonnerie, transport, fonction
publique…) ont considérablement atténué (sinon mettent en veille) les
divisions (tribales ?) entre les habitants.
À la fin de notre visite, certains habitants nous ont confié qu’il existait une
sorte de division des habitants en deux communautés : celle des autochtones,
et celle des habitants du village socialiste, (les premiers habitants du village
socialiste) qui ne sont pas reconnus comme de vrais « Ouled Bellahcel ».
Considérés comme les missionnaires de la Révolution agraire, ils auraient
bénéficié des terres sans en avoir aucun droit et sans aucune légitimité.
À la source de cette division « autochtones/village socialiste », conflictuelle
par moments (lors des élections locales par exemple), l’enjeu de l’héritage et
de la propriété des terrains agricoles est central avec, en arrière-fond, l’idée
que la révolution agraire a été « injuste ». Le slogan révolutionnaire « la terre
à celui qui la travaille » est clairement dénoncé. Selon nos interlocuteurs des
douaouir : « les habitants du village socialiste sont des « intrus » et n’ont aucun
droit – de propriété – sur les terres de nos ancêtres ».
Sur un autre volet, la présence du couple (influence/résistance) entre
l’urbanité et la ruralité est prégnante dans ce village. L’espace urbain influence
considérablement les représentations et les pratiques des habitants. Les jeunes
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114 À la recherche des villages socialistes

sont attirés par les lumières et le dynamisme du centre-ville de Relizane et de


Mostaganem. En effet, « le bourg n’est citadin que par opposition à ses
hameaux paysans », et [donc] il exerce une domination symbolique au
détriment des hameaux 15. Le problème au village de Bellahcel se pose
autrement, car les différences qui existent entre les représentations des jeunes
et celles de leurs parents et de leurs grands-parents sont le résultat de
l’expérimentation de temporalités et de contextes socio-économiques très
différents. La même réalité est vécue différemment par les acteurs sociaux, car
on assiste justement à « l’effondrement » d’une société paysanne et de ses
valeurs (mode de vie ?) face à l’attraction-pression de « l’urbain » synonyme
de modernité, de développement, d’ambiance, de mouvement. Les jeunes
rencontrés nous ont souvent rétorqué : « La vie, c’est là-bas, dans la ville. Ici,
il n’y a rien… ».

Conclure sur un nouveau paradigme : l’urbanité rurale ?


Nous serons tentés de dire que l’urbain et le rural ne sont aujourd’hui que
deux « extrémités idéales » comme dirait Claude Lévi-Strauss – en parlant des
sociétés froides (primitives) et des sociétés chaudes (développées) –, le rural
tend à disparaître (mais en résistant) tandis que l’urbain progresse en
conquérant (Souiah, 2015) 16. Les valeurs de la société urbaine sont d’ores et
déjà présentes en ville comme à la campagne. L’urbanisation transforme à la
fois les villes et les campagnes (Paquot, 2006, 11) 17.
L’Algérie des années 1960-1970 était « révolutionnaire » et le mot
« Révolution » a été instrumentalisé de manières diverses. Bruno Etienne
attirait notre attention sur ce « flou » qui caractérise le discours politique
(populiste ?) des années 1970 : « Seule l’Algérie fait un effort pour
l’éradication des bidonvilles, mais le discours du président Boumédiène du
20 mars 1973 inaugurant le séminaire sur l’habitat rural, ne laisse pas de doute
sur son adhésion à cette problématique : mieux vaut fixer les ruraux dans les
villages socialistes agricoles, que de les laisser envahir les villes » (Etienne,
1972, 35) 18. La pensée politique a toujours favorisé l’urbain même en parlant

15. Jacqueline Candau, Jacques Rémy, op. cit., 85.


16. Cf. Mehdi Souiah, Urbanité et lien social dans les quartiers oranais périphériques, thèse de doctorat
(ès sciences) en sociologie, Faculté des sciences sociales, Université d’Oran II, 2015.
17. Th. Paquot, Terre urbaine, Cinq défis pour le devenir urbain de la planète, Paris, La découverte, 2006, 11.
18. Il cite le discours de Houari Boumédiène publié dans le journal El Moudjahid du 21 mars 1973 : « Pour
être objectifs envers l’Histoire et envers nous-mêmes, nous nous devons d’établir une juste évaluation de nos
premières réalisations accomplies dans les villes après l’indépendance […] Plus que dans les campagnes,
les moyens d’éducation se trouvent réunis dans les villes. Il en est de même pour les services sociaux et pour
la création d’emplois nouveaux. Contrairement aux villes qui ont bénéficié d’un certain héritage après la
libération du pays, les campagnes algériennes n’ont eu pour héritage que la destruction totale. C’est là, un
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Farid MARHOUM - Mehdi SOUIAH 115

du rural ; et même quand on veut développer ce rural, c’est pour « protéger »


l’urbain. Les résultats de cette démarche politique sont palpables sur le terrain
et si notre hypothèse (dans la problématique du projet) est d’affirmer qu’il
existe une « urbanité rurale » (partant de l’idée qu’il s’agit d’un village agricole
au départ qui s’est vu urbanisé), il faudrait (re)définir ce qui fait la spécificité
d’un tel mode de présence dans les villages socialistes : Se rapproche-t-il de
celui de la ville ? Ou bien reste-t-il encore un mode d’être dans la campagne,
la transformant en un lieu qui favorise les formes de lien social basées sur les
affinités tribales et la parenté ? Serait-il un mode de vie « ambivalent » où les
jeunes incarnent l’urbanité et où les vieux incarnent la ruralité et qui sont
obligés de cohabiter et de composer au sein d’une même communauté
villageoise ?
Retenons à l’esprit que la Révolution agraire, comme concept de
développement, était sous-tendue par l’idée de transformer le mode de vie des
paysans ou des ruraux pour sortir l’agriculture de la crise, et que « ses éléments
constituants », i.e les villages socialistes, n’étaient que les formes matérialisées
qui rendraient sa réalisation possible. En réalité, ces villages ont évolué et se sont
transformés, mais peut-être pas dans le sens escompté de ses concepteurs, et c’est
sur cet élément sur lequel se sont focalisées les études antérieures. Les habitants
ont profité de la Révolution agraire, à leur manière : ils pratiquent d’autres
activités, pensent, agissent et vivent autrement, parfois en marge, par rapport à
la ville, mais bien au milieu de leurs villages dans la campagne. Les uns tentent
de reproduire des formes de sociabilités anciennes élaborées au fil du temps et
qui résistent aux changements dus à la modernisation de l’espace rural ; les autres
(les jeunes) tentent de s’approprier ou de produire de nouvelles formes de
sociabilité à travers un processus de désocialisation-resocialisation pour être à
jour avec les transformations de la société algérienne. Cependant, un problème
se pose concernant la reproduction de la communauté rurale, les anciens n’ont pas
pu (su ?) reproduire leur mode de vie auprès de leurs enfants. Ces enfants (les
jeunes) sont de moins en moins intéressés (ne veulent pas ?) par la reproduction
des mêmes conditions de vie, misérables à leurs yeux, de leurs parents. Avec le
temps, les jeunes sont moins résistants au projet de transformation du monde
rural mais veulent plus qu’un monde rural modernisé. C’est à la ville, à son
ambiance, à ses commodités et ses opportunités qu’ils aspirent.

facteur de déséquilibre qui a eu pour conséquence un exode massif des populations rurales vers les villes […]
Après les premières années de l’indépendance, après le réajustement du 19 juin qui a rendu la vie à son
cours normal tout en rétablissant la Révolution sur sa véritable voie et après les premières mesures urgentes,
il s’agissait de trouver une solution radicale aux problèmes des zones rurales. Sincères dans notre conviction,
nous avons estimé qu’il était primordial de se diriger vers les campagnes et étudier sur place leurs problèmes
afin d’éviter un nouvel exode vers les villes dans les années à venir ».
Bouquin Karima Dirèche:Karima Dirèche 28/03/2019 17:26 Page 116

116 À la recherche des villages socialistes

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Bouquin Karima Dirèche:Karima Dirèche 28/03/2019 17:26 Page 118

118 À la recherche des villages socialistes

Annexe

Figure 1. Répartition des Villages socialistes par Wilaya (janvier 1976)

Source : Cyrille Megdiche (1977, 88).


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L’ALGÉRIE AU PRÉSENT
ENTRE RÉSISTANCES ET
CHANGEMENTS
Dirigé par Karima Dirèche

Éditeur : Karthala
Prix : 37 €
Parution : 30 mai 2019
Nombre de pages : 852
ISBN : 978-2-8111-2639-1
Thématiques : Histoire-Politique
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Cet ouvrage a pour objectif de faire l’état des lieux Points forts
général d’un pays qui est sans doute un des moins
étudiés des pays de la rive sud de la Méditerranée.  Un ouvrage exhaustif sur l’histoire de
Appréhendée bien trop souvent par le gigantisme l’Algérie
de son territoire, par son économie rentière et par
l’opacité de son régime politique, l’Algérie est  Un collectif d’auteurs venant d’horizons
considérée comme une énigme. Celle d’un pays « intellectuels différents
hors-champs », dont les expériences historiques
auraient construit une spécificité politique,
économique, religieuse pour constituer une sorte de
Actualités
« modèle algérien » qui ne s’appliquerait qu’à lui-
même et qui n’aurait pas à se soumettre à l’analyse  Les élections présidentielles auront
critique et à la déconstruction de ses catégories lieu le 4 juillet
théoriques. Soixante-quatre auteurs sont réunis ici
pour pallier cette situation et offrir des clés de  La contestation ne faiblit pas depuis la
lecture pour saisir ce pays passionnant qui tourne démission d’Abdelaziz Boutelfika le 2
aujourd’hui avec courage une longue page de son avril
histoire.

I. Habiter l’Algérie : espaces partagés, espaces disputés


VI. Pierres, papiers et récits. Raconter l’Algérie
Jean-Marie BALLOUT, Fériel BOUSTIL, Jacques FONTAINE,
Maissa ACHEUK-YOUCEF, Badia BELABED-SAHRAOUI,
Yaël KOUZMINE, Bradreddine YOUSFI, Nora GUELIANE,
Emmanuel ALCARAZ, Malika ASSAM, Karima DIRÈCHE,
Nadji KHAOUA, Farid MARHOUM, Mehdi SOUIAH, Makram
Giulia FABBIANO, Fanny GILLET, Ali GUENOUN, Amar
MICI, Philippe DUGOT, Sassia SPIGA, Patrick RIBAU, Anna
MOHAND-AMER, Nedjib SIDI-MOUSSA.
ROUADJIA.
VII. Faire société : soigner, instruire, transmettre et divertir
II. A la force des bras : richesses et prédations en Algérie
Rafael BUSTOS GARCÍA DE CASTRO, Muriel SAJOUX,
Akli AKERKAR, Omar BESSAOUD, Salim CHENA, Loïc LE
Saliha BOUMADJENE, Fatima-Zohra CHERAK, Jacques
PAPE, Rachid MIRA, Thomas SERRES, Catherine SICART.
FONTAINE, Carmen GARRATON MATEU, Ahmed GHOUATI,
III. Sortir du Conflit. Par-delà les morts, en deçà des mots
Myriam KENDSI, Djaouida LASSEL, Moussa OUYOUGOUTE,
Pierre DAUM, Soraya LARIBI, El Yamine SETTOUL.
Tayeb REHAÏL.
IV. Faire communauté : les réassignations partisanes
VIII. Façons de parler. Les langues du malentendu
Layla BAAMARA, Kamal CHEKLAT, Abdenour OULD FELLA,
Amina AZZA-BEKKAT, Abderrazak DOURARI, Meriem
Karim SARADOUNI, Mélanie SOIRON FALLUT.
MOUSSAOUI.
V. Divin, discordes et politique…Questions religieuses
IX. L’Algérie et les autres
Joëlle ALLOUCHE-BENAYOUN, Jean-Paul DURAND, Nabila
Isabel SCHÄFER, Zakaria BENMALEK, Hicham ROUIBAH,
BEKHECHI, Frédéric ABECASSIS, Karima DIRÈCHE, Samy
Issam TOUALBI-THAÂLIBI, Salah-Eddine SALHI.
DORLIAN, Augustin JOMIER,. Oissila SAAIDIA, Zohra Aziadé
ZEMIRLI,

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