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RÉGIMES DE CHANGE ET COMMERCE CHINE-AFRIQUE

Sylviane Guillaumont Jeanneney, Ping Hua

Presses de Sciences Po | « Revue économique »

2013/3 Vol. 64 | pages 469 à 482


ISSN 0035-2764
ISBN 9782724633009
DOI 10.3917/reco.643.0469
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Régimes de change
et commerce chine-Afrique
Sylviane Guillaumont Jeanneney*
Ping Hua*

Cet article étudie l’influence des régimes de change sur la croissance specta-
culaire du commerce entre la Chine et l’Afrique au sud du Sahara. Un modèle de
gravité augmenté des taux de change réels montre que les exportations de biens
manufacturés de la Chine sont stimulées par la dépréciation réelle du renminbi à
l’égard de nombreuses monnaies africaines, alors que ses importations de produits
primaires y sont insensibles. Ainsi la concurrence chinoise risque d’handicaper le
développement de l’industrie africaine dans les pays qui connaissent une appré-
ciation réelle de leur monnaie vis-à-vis du renminbi, soit du fait du rattachement
de celle-ci à l’euro, soit du fait de l’ampleur de leurs exportations de produits
primaires, elles-mêmes stimulées par la demande chinoise.
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eXcHAnGe RATe ReGimeS AnD cHinA-AFRicA TRADe

This article studies the effect of exchange rate regimes on the dramatic
growth of the trade between China and Sub-Saharan Africa. A real exchange rate
augmented gravity model shows that the exports of China’s manufactured goods
are stimulated by the real depreciation of the renminbi against many African curren-
cies, while its imports of raw materials from Africa are not affected. Thus, the
Chinese competition risks handicapping the development of the industry in the
countries which meet a real appreciation of their currency against the renminbi,
either because they peg it to the euro or because of the scale of their exports of
raw materials, themselves stimulated by the Chinese demand.

Classification JEL : O55, F1, F14, p33

INTRODUCTION

Depuis que la chine a commencé en 1978 à s’ouvrir sur l’extérieur, elle


a souhaité diversifier ses exportations et garantir son approvisionnement en
matières premières. Dans ce but, elle s’est tournée vers l’Afrique, particu-
lièrement à partir du premier Forum de coopération chine-Afrique en 2000.

* cerDi - umr 6587, université d’Auvergne, école d’économie, cnrs. Correspondance :


cerDi, 65 boulevard François mitterrand, 63000 clermont-Ferrand cedex, France. Courriels :
sylviane.guillaumont@udamail.fr ; ping.hua@udamail.fr.
Les auteurs remercient la Fondation pour les études et les recherches sur le développement
international (Ferdi) pour son soutien à la réalisation de cet article.

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Revue économique

À partir de cette date, le commerce entre la chine et l’Afrique au sud du Sahara


s’accroît plus vite que le commerce chinois avec le reste du monde.
cette intensification du commerce entre la chine et l’Afrique au sud du Sahara
au cours de la dernière décennie s’est réalisée dans un contexte de change particu-
lier. en effet, la chine, qui contrôle étroitement l’évolution de son taux de change,
a permis à sa monnaie (le renminbi) de s’apprécier vis-à-vis du dollar américain.
De ce fait, le taux de change réel de la chine vis-à-vis de ses principaux parte-
naires commerciaux s’est lui-même en moyenne apprécié. cependant, comme
de nombreux pays africains rattachent leur monnaie à l’euro qui s’est lui-même
apprécié vis-à-vis du dollar, il en est résulté à l’inverse une dépréciation du taux
de change réel de la chine à l’égard de ces pays. cela a aussi été le cas de pays
africains qui, rattachant plus ou moins étroitement leur monnaie au dollar, ont,
du fait de l’importance de leurs exportations de pétrole, connu une appréciation
réelle de leur taux de change. Ainsi, le taux de change effectif réel de la chine à
l’égard de l’Afrique au sud du Sahara s’est fortement déprécié (plus de 40 % en
moyenne), alors qu’il s’est apprécié en moyenne à l’égard du reste du monde.
Plusieurs travaux empiriques ont été récemment consacrés au développement
des échanges commerciaux entre la chine et l’Afrique, mais ils se sont concen-
trés sur l’influence des investissements directs de la chine en Afrique (Biggeri
et Sampilippo [2010]) ou sur celle de la qualité de la gouvernance africaine (De
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Grauwe [2012]). Aucun écrit, à notre connaissance, ne s’est intéressé aux effets
des taux de change réels sur le commerce entre la chine et l’Afrique, bien que la
politique de change de la chine ait joué un rôle essentiel dans le développement
de son commerce extérieur, toutes destinations confondues (Garcia-Herrero et
Koivu [2009] pour un rappel de littérature). cet article estime l’impact des taux
de change réels de la chine sur le commerce entre la chine et l’Afrique au sud
du Sahara à partir de données de panel relatives à quarante-cinq pays africains
durant la période 2000-2010. il montre que les exportations de la chine vers
l’Afrique, contrairement à ses importations, sont significativement influencées
par les taux de change réels bilatéraux.
La section suivante compare l’évolution du commerce entre la chine et les
pays africains (au sud du Sahara) et celle des taux de change réels bilatéraux. La
diversité d’évolution de ces derniers est expliquée par les différences de régimes
de change et de dotation en richesses naturelles des pays africains. La troisième
section présente les bases théoriques des estimations du commerce entre la
chine et l’Afrique, dont les résultats figurent dans la section 4. La conclusion
tire quelques implications politiques.

COMpARAIsON DU COMMERCE ET DEs TAUX DE CHANGE


RÉELs ENTRE LA CHINE ET L’AFRIQUE AU sUD DU sAHARA

entre 2000 et 2010, les exportations de la chine vers l’Afrique au sud du Sahara
ont crû au taux annuel moyen de 31 % contre un taux de croissance de ses expor-
tations vers l’ensemble du monde de 23 %. Les chiffres correspondants pour les
importations sont respectivement 34 % et 21 %. en dépit de cette formidable crois-
sance, l’Afrique demeure un petit partenaire pour la chine (en 2010, 2,8 % de ses
exportations et 4,3 % de ses importations). À l’inverse, depuis 2009, la chine est

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Sylviane Guillaumont Jeanneney, Ping Hua

devenue le plus important partenaire commercial de l’Afrique au sud du Sahara :


les exportations africaines vers ce pays constituent, en 2010, 18 % des exportations
totales africaines et les importations, 14 % (graphique 1). Pour certains pays afri-
cains, le commerce avec la chine est dominant : par exemple, le Soudan, l’Angola
et la République démocratique du congo exportent vers la chine respectivement
61 %, 52 % et 48 % de leurs exportations totales ; le Lesotho et le Libéria importent
de la chine 47 % et 42 % de leurs importations totales.
Le commerce de la chine avec l’Afrique au sud du Sahara s’est géographi-
quement diversifié entre 2000 et 2010, les pays africains importateurs étant plus
nombreux que les exportateurs. il reste cependant très concentré : les trois impor-
tateurs de biens chinois les plus importants en 2010 (l’Afrique du Sud, le nigeria
et le Libéria) totalisent ainsi 50 % des exportations chinoises vers l’Afrique au
sud du Sahara. quant aux importations chinoises, l’Angola, l’Afrique du Sud et
le Soudan demeurent les trois partenaires les plus importants de la chine (tota-
lisant 74 % des importations chinoises en provenance de l’Afrique au sud du
Sahara en 2010), bien que le Burkina Faso, le cap-vert, l’érythrée, la Gambie,
le malawi, le niger et Sao-Tome et Principe soient devenus de nouveaux expor-
tateurs vers la chine.
Les exportations de la chine vers l’Afrique sont dominées par les biens manu-
facturés (95 % de ses exportations en 2010) ; il s’agit principalement de machines
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et d’équipements de transport (43 % en 2010), puis de textiles et de vêtements
(17 % en 2010). quant aux importations de la chine, elles sont dominées par les
produits primaires (90 % des importations en 2010 dont 59 % de pétrole et 26 %
de minerais). La structure du commerce entre la chine et l’Afrique reflète ainsi
le modèle traditionnel des avantages comparatifs.
Le graphique 2 retrace la relation statistique simple en logarithmes entre le
commerce réel bilatéral de la chine avec les différents pays africains au sud du
Sahara et les taux de change réels bilatéraux année par année, soit quarante-
cinq pays africains au sud du Sahara au cours de la période 2000-2010 pour les

Graphique 1. Évolution du commerce entre la Chine et l’Afrique au sud du Sahara


et de sa part dans le commerce total de la Chine et de l’ass,
selon les exportations et les importations

70 000 20
18
60 000
16
50 000 14
12
(million $)

40 000
10
(%)

30 000 8
20 000 6
4
10 000
2
0 0
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010

Exportations chinoises vers l’ASS Importations chinoises de l’ASS


ASS dans les exportations de la Chine ASS dans les importations de la Chine
Chine dans les exportations de l’ASS Chine dans les importations de l’ASS

Source : cnuceD uncTad Stat.

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Revue économique

Graphique 2. Relation entre les taux de change réels bilatéraux et le commerce bilatéral
de la Chine avec l’Afrique au sud du Sahara (ass)

taux de change réels et exportations chinoises taux de change réels et importations


vers 45 ASS 2000-2010 chinoises de 39 ASS 2003-2010

25
25
ln(exportations réelles bilatérales)

ln(importations réelles bilatérales)


20
15 20

10 15
10 5

5
3.5 4 4.5 5 5.5 3.5 4 4.5 5 5.5
ln(taux de change réels bilatéraux) ln(taux de change réels bilatéraux)

nB. une hausse signifie une dépréciation du renminbi, ou une appréciation des monnaies africaines.
Source : estimation des auteurs à partir de fmi, Statistiques financières internationales, et nu, Comtrade.
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exportations et trente-neuf pendant la période 2003-2010 pour les importations.
il montre qu’une appréciation réelle des monnaies africaines par rapport au
renminbi s’accompagne d’une augmentation des exportations de la chine vers
l’Afrique, mais ne semble pas exercer d’influence sur ses importations. il paraît
donc que la diversification géographique des exportations de la chine, contrai-
rement à ses importations, puisse s’expliquer en partie par une évolution diffé-
rente des taux de change réels de la chine vis-à-vis des pays africains.
Depuis 1980, la chine a mené une politique active de son taux de change.
cette politique s’est traduite jusqu’en 1993 par une forte dépréciation de son
taux de change effectif réel (calculé vis-à-vis de ses principaux partenaires
commerciaux dans le monde dont aucun pays africain ne fait partie), puis de
1994 à 2010 par une appréciation réelle, en raison de l’appréciation du cours du
renminbi en dollars américains. mais, au cours de la dernière décennie, le taux
de change effectif réel de la chine vis-à-vis de l’Afrique au sud du Sahara dans
son ensemble s’est déprécié de 42 %, alors qu’il s’est apprécié de 9,5 % vis-à-vis
de ses principaux partenaires mondiaux.
L’évolution du taux de change effectif réel de la chine vis-à-vis de l’Afrique
recouvre une forte disparité des variations des taux de change réels bilatéraux.
Le renminbi s’est déprécié sensiblement en termes réels vis-à-vis de la monnaie
de trente-deux pays africains au sud du Sahara, tandis qu’il s’est apprécié vis-à-
vis de celle de sept d’entre eux sur un total de quarante-six pays (dans les deux
cas plus de 1 % annuellement) (graphique 3). Si l’on met à part les pays dont le
laxisme de la politique macroéconomique associé à un régime de change fixe (le
Zimbabwe et l’érythrée1) a entraîné l’appréciation réelle de leur monnaie, l’ap-
préciation du taux de change réel de certains pays africains vis-à-vis de la chine

1. Durant la décennie 2000, le Zimbabwe a connu une hyperinflation ayant conduit en 2009 à
la disparition de sa monnaie et l’érythrée, une inflation à deux chiffres.

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Sylviane Guillaumont Jeanneney, Ping Hua

semble s’expliquer par deux principaux facteurs qui parfois se combinent : le


rattachement des monnaies à l’euro, alors que la chine détermine le cours du
renminbi en dollars et, pour les pays majoritairement exportateurs de pétrole
ou de minerais, la présence d’un « syndrome hollandais ». ce terme désigne un
phénomène bien connu lié à un accroissement du flux de ressources extérieures
qui entraîne une augmentation de la demande de biens et une hausse du prix rela-
tif des biens non échangeables internationalement (qui ne peuvent être importés)
et donc une appréciation du taux de change réel (voir, par exemple, collier et
Gunning [1999]).
en effet, de nombreux états africains rattachent leurs monnaies à l’euro.
or celui-ci s’est apprécié vis-à-vis du renminbi de 15 % entre 2000 et 2010,
tandis que le dollar se dépréciait de 18 %. il s’agit, en premier lieu, des états
appartenant à la Zone franc : les comores et les quatorze pays formant l’une
ou l’autre des unions monétaires africaines, l’union économique et monétaire
ouest-africaine, composée du Bénin, du Burkina Faso, de la côte d’ivoire, de
la Guinée-Bissau, du mali, du niger, du Sénégal et du Togo, et la communauté
économique et monétaire de l’Afrique centrale, composée du cameroun, de la
République centrafricaine, de la République du congo, du Gabon, de la Guinée
équatoriale et du Tchad. Les pays de la Zone franc ont passé avec la France
des accords de coopération qui leur donnent un accès illimité à des devises,
garantissant ainsi le maintien de la parité du franc comorien et des deux francs
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cfA vis-à-vis de l’euro2. De plus, si un changement de parité demeure certes
possible, il est rendu difficile dans les unions monétaires en raison de l’accord
unanime des états qu’il implique. Ainsi la parité des francs cfA et du franc
comorien envers le franc français (auquel s’est substitué l’euro en 1999) n’a pas
été modifiée depuis 1994. De manière un peu analogue, le cap-vert (en 1998) et
récemment Sao-Tomé et Principe ont passé un accord avec le Portugal qui leur
assure un droit (limité) de tirage en euros contre l’engagement d’une politique
de stabilité macroéconomique : le cap-vert a pu maintenir son ancrage à l’euro
grâce à une faible inflation. À l’inverse, Sao-Tomé et Principe a connu, au cours
de la décennie 2000, une inflation à deux chiffres, mais celle-ci a été compensée
par une dépréciation du dobra vis-à-vis de l’euro jusqu’en 2009 où il décide de
rejoindre le groupe des pays dont la monnaie est ancrée à l’euro.
Par ailleurs, plusieurs pays africains exportateurs de pétrole ou de minerais
ont souffert à des degrés divers d’un « syndrome hollandais » qui a conduit à
l’appréciation réelle de leurs monnaies. il s’agit manifestement des principaux
exportateurs de pétrole : l’Angola, le nigéria et le Soudan qui sont tous trois en
régime de change fixe vis-à-vis du dollar3, ainsi que le Gabon, la République
du congo et la Guinée équatoriale qui combinent « syndrome hollandais » et
rattachement à l’euro. La mauritanie riche en minerais de fer et le Botswana en
de nombreux minerais (notamment les diamants), dont le régime des changes
s’apparente au change fixe, ont aussi connu, mais de manière marginale, une
appréciation de leur taux de change réel vis-à-vis de la chine. enfin, la Zambie
est un cas particulier de « syndrome hollandais » en tant qu’important exporta-
teur de cuivre et de cobalt. elle a souffert, dans les années 2000, d’une inflation

2. Par l’intermédiaire de comptes d’opérations ouverts par le Trésor français aux trois banques
centrales de la Zone franc.
3. Le fmi considère que ces trois états ont de facto un régime s’apparentant au change fixe (cf.
imf Annual Report 2012, Appendix II, p. 13-16).

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Revue économique

à deux chiffres et, tout en ayant adopté un régime de flottement de sa monnaie,


elle a connu une appréciation sensible de son taux de change réel.
Les sept pays qui ont connu une dépréciation de leur taux de change réel à
l’égard de la chine (par ordre décroissant de dépréciation, la République démo-
cratique du congo, les Seychelles, la Gambie, la Tanzanie, le malawi, la Sierra
Leone et la Guinée) sont tous des pays ayant adopté un régime de flottement
géré de leur monnaie ou ayant connu de si fréquents changements de politique
de change que le fmi les range dans une catégorie résiduelle (ni ancrage, ni flot-
tement manifeste)4. cependant bien qu’ayant adopté un régime de flottement,
curieusement le Kenya et, dans une plus faible mesure, l’Afrique du Sud et les
trois pays (le Lesotho, le Swaziland et la namibie) qui rattachent leur monnaie
au rand sud-africain, ont connu une certaine appréciation réelle de leur monnaie.

Graphique 3. Taux de croissance annuel moyen des taux de change réels bilatéraux,
2000-2010

11
9
7
5
(%)

3
1
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–1
–3
–5
–7
R. D. Congo
Seychelles
Gambie
Tanzanie
Malawi
Sierra Leone
Guinée
Burundi
Rwanda
Mozambique
Ouganda
Maurice
Ghana
Madagascar
Afrique du Sud
Libéria
Botswana
Mauritanie
Sénégal
Cap Vert
Sao Tomé et P.
Namibie
Mali
Cameroun
Swaziland
Guinée-Bissau
Lesotho
Togo
Niger
Ethiopie
Burkina Faso
Cote d'Ivoire
Tchad
Benin

Comores
Nigeria
Guinée E.
Zimbabwe
Kenya
Soudan
Zambie
Erythrée
Gabon
Angola
R. Congo
R. Centralafricaine

nB. une valeur positive représente une appréciation des monnaies africaines vis-à-vis du renminbi.
il s’agit de la période 2000-2007 pour le Zimbabwe.
Source : calculs des auteurs à partir de fmi, Statistiques financières internationales.

L’ANALYsE THÉORIQUE DEs DÉTERMINANTs


DU COMMERCE ENTRE LA CHINE ET L’AFRIQUE

Pour expliquer le commerce bilatéral entre la chine et les pays africains, il


convient de se référer aux modèles de gravité, qui ont notamment l’avantage de
prendre en compte les coûts de transaction du commerce (Anderson [2011] pour
un rappel de littérature). cependant, il convient de compléter la modélisation en
considérant, parmi les facteurs explicatifs, les taux de change réels à l’image des
modèles traditionnels relatifs au commerce global (Goldstein et Khan [1985]).
cette addition a été proposée par Bénassy-quéré et al. [2003] et par Kwack
et al. [2007] dans des études appliquées au commerce entre la chine et les pays
asiatiques et développés, mais sans modélisation théorique.

4. imf Annual Report 2012, Appendix ii, p. 13-16.

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Sylviane Guillaumont Jeanneney, Ping Hua

Selon la théorie traditionnelle du commerce, l’offre des exportations agrégées


d’un pays i dépend de son offre potentielle et du rapport des prix entre les biens
exportés et produits locaux échangeables internationalement, exprimés en une
même monnaie :
a
PXi$ ) Ei$ 2
Xis = a0 Yia1 f PD n p avec i = 1… n (1)
i

où Xis représente l’offre des exportations du pays i, Yi l’offre potentielle qui est
mesurée par le pib, PXi$ le prix d’exportation du pays i en dollars, PDin le prix
intérieur des biens échangeables exprimé en monnaie nationale du pays i, Ei$ le
taux de change nominal du pays i, exprimé en monnaie nationale par unité de
dollar. Les signes attendus sont positifs pour a1 et a2.
De même, la demande d’importations agrégées du pays j dépend de sa demande
potentielle et du rapport des prix entre produits importés et biens locaux échan-
geables, exprimés en une même monnaie :
b
PM$j ) E$j 2
M dj = b0 Y jb1 f
PD nj
p avec j = 1…m (2)

où M dj représente la demande des biens étrangers du pays importateur j, Yj sa


demande potentielle qui est mesurée par le pib, PM$j le prix des importations du
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pays j, PD nj le prix intérieur des biens échangeables en monnaie nationale, E$j le
taux de change du pays importateur j, exprimé comme précédemment. Pour b1
le signe attendu est positif et pour b2 négatif.
conformément aux modèles de gravité du commerce extérieur, nous suppo-
sons qu’il y a n pays exportateurs (i = 1…n) dont chacun a m marchés et m pays
importateurs (j = 1…m) dont chacun a n marchés ; les marchés sont séparés les
uns et les autres par les coûts de transaction mais rapprochés par les mesures
facilitant le commerce.
Afin d’introduire les variables du modèle de gravité, nous supposons que
l’offre d’exportations d’un pays i à un pays importateur j (Xijs ) dépend de sa
capacité de production (Yi), du rapport des prix entre les biens exportés (PXij) et
les biens locaux échangeables (PDi) exprimé en une même monnaie, des coûts
de transaction (xij) et des mesures facilitant le commerce entre les deux pays
(tij), soit : c
PXij$ ) Ei$ 2
Xijs = c0 Yic1 f PD n p xijc3 tijc4 . (3)
i

De même, la demande d’importations d’un pays j pour les biens exportés par
le pays i (nommée Mijd ) dépend du pib du pays importateur j, du rapport entre
le prix d’importation du pays j provenant du pays i (PM$ji ) et le prix des biens
locaux échangeables de l’importateur j (PD nj ) exprimés en une même monnaie,
des coûts de transaction entre les deux pays (xji) et des mesures facilitant le
commerce (tji). La fonction de demande d’importation peut être écrite de la
manière suivante : d
PM$ji ) E$j 2
M dji = d0 Y jd1 f PD n p x dji3 t dji4 . (4)
j

L’équilibre du marché entre deux pays implique que


M dji = Xijs , PXij$ = PM$ji , xij = x ji et tij = tji . (5)

475

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Revue économique

À partir des équations 3, 4 et 5, nous obtenons l’équation suivante par élimi-


nation des prix :
Xij = M ji = e0 Yie1 Y je2 ERije3 xije4 tije5 (6)
d2 -c2
d2 c1 -c d c d
où e0 = c d2 - c2 d d2 - c2 ; e1 = d - c2 ; e2 = d -2 c1 ; e3 = d 2- 2c ;
0 0 2 2 2 2 2

d2 c3 - c2 d3 d2 c4 - c2 d4 Ei$ PD nj PD nj
e4 = d2 - c2 ; e =
d2 - c2 ; ER = ) = EN ij PD n .
)
5 ij E$j PDin i

enij et eRij représentent respectivement les taux de change bilatéraux, nomi-


nal et réel, du pays j (l’importateur) vis-à-vis pays i (l’exportateur). une hausse
de leurs valeurs signifie que la monnaie du pays j s’apprécie et que, récipro-
quement, la monnaie du pays i se déprécie.
nous obtenons une équation du commerce bilatéral selon laquelle le volume
des exportations ou des importations entre deux pays (ici la chine et un pays afri-
cain au sud du Sahara) dépend des variables traditionnelles du modèle de gravité
auxquelles est ajouté le taux de change bilatéral entre les deux pays.
cependant, la théorie traditionnelle des déterminants du commerce interna-
tional, qui inspire la modélisation précédente, suppose « une concurrence impar-
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faite » entre les produits étrangers et nationaux (ou que les pays exportateurs
sont « faiseurs de prix ») de telle sorte que les prix de ces biens ne sont pas iden-
tiques. en ce qui concerne les exportations de produits manufacturés de la chine
vers l’Afrique, cette hypothèse semble acceptable. en revanche, les exportations
africaines étant constituées de pétrole et de minerais, leur prix sont déterminés
sur les marchés internationaux de ces biens et les pays africains sont « preneurs
de prix ». c’est pourquoi il conviendra de distinguer deux équations, celle des
exportations chinoises (ou importations africaines) pour laquelle on s’attend à
un coefficient non nul du taux de change réel selon le modèle précédent et celle
des importations chinoises (ou exportations africaines) où il serait normal que
le taux de change réel n’ait pas d’impact significatif, comme l’avait d’ailleurs
suggéré la relation simple entre ces deux variables (graphique 2).

L’ANALYsE ÉCONOMÉTRIQUE DEs DÉTERMINANTs


DU COMMERCE ENTRE LA CHINE ET L’AFRIQUE

L’objectif de cette section est d’isoler parmi les déterminants du commerce


entre la chine et l’Afrique au sud du Sahara le rôle des taux de change réels
bilatéraux. Sont présentés successivement les équations à estimer, la méthode
d’estimation et enfin les résultats empiriques.
nous réécrivons l’équation 6 en logarithmes sauf pour les variables muettes et
la variable de la qualité de gouvernance qui a une valeur entre – 2,5 et 2,5. nous
ajoutons les termes d’erreur aux équations estimées relatives aux exportations
de la chine i destinées à un pays africain j (équation 7) et aux importations de la
chine i provenant d’un pays africain j (équation 8) :
ln Xijt = ln M jit = ln e0 + e1 ln Yit + e2 ln Yji + e3 ln ERijt
+ e4 xijt + e5 ln tijt + h j + ct + n jt , (7)

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Sylviane Guillaumont Jeanneney, Ping Hua

ln Mijt = ln X jit = ln e0 + e1 ln Yit + e2 ln Yjt + e3 ln ERijt


+ e4 xijt + e5 ln tijt + h j + ct + n jt . (8)
ici Xij et mij représentent les exportations et les importations en volume de la
chine vis-à-vis d’un pays africain, Yi le pib réel de la chine et Yj celui du pays
africain, eRij le taux de change réel bilatéral entre les deux pays (une hausse
correspond à une dépréciation réelle du renminbi vis-à-vis de la monnaie afri-
caine), pour lequel on attend un coefficient positif seulement dans l’équation 7,
x les coûts de transaction et t les mesures facilitant le commerce. Les coûts
de transaction peuvent être captés par une variable muette pour les pays dont
l’enclavement accroît les coûts de transaction et de communication, ainsi qu’une
variable représentant la qualité de la gouvernance (Anderson et marcouiller
[2002]), conformément au modèle appliqué à la chine par De Grauwe et al.
[2012]. Les mesures destinées à faciliter le commerce sont représentées par la
« coopération économique de la chine »5 (équation 7) et les investissements
directs de la chine en Afrique (équation 8), ainsi que par une variable muette
censée capter l’impact des zones économiques spéciales chinoises6 destinées
à développer les activités manufacturières africaines (attendue significative en
particulier dans l’équation 7).
L’analyse économétrique est appliquée aux exportations de la chine sur un
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panel de quarante-cinq pays africains au sud du Sahara durant la période 2000-
2010. La Somalie et le Zimbabwe sont exclus en raison de l’indisponibilité de
certaines données. en ce qui concerne les importations de la chine en prove-
nance de l’Afrique, l’échantillon est réduit à trente-neuf pays africains et à la
période 2003-2010, puisque la chine ne publie les données sur ses investis-
sements directs à l’étranger qu’à partir de 2003. nous avons exclu le Burkina
Faso, le Swaziland, les comores, le cap-vert, la Guinée-Bissau et Sao Tome et
Principe en raison de l’absence des données sur les investissements directs de
la chine dans les deux premiers pays et sur les importations chinoises en prove-
nance des autres pays pour certaines années. Le choix de ces deux échantillons
nous permet de n’avoir aucune valeur nulle pour les données du commerce.
Le tableau 1 résume les caractéristiques des variables dont la définition et les
sources sont données en annexe.
Trois méthodes économétriques ont été utilisées : le modèle à effets fixes qui
a l’inconvénient de ne pas permettre d’introduire les variables qui ne varient pas
dans le temps, le modèle à effets aléatoires qui ne permet pas de capter les effets
individuels et conduit à une estimation inconsistante et le modèle de Hausman-
Taylor [1981] avec variables instrumentales qui corrige ces défauts et permet de
tenir compte de l’endogénéité de certaines variables. ce dernier modèle consiste
à estimer un modèle à effets aléatoires en utilisant les variables exogènes variant
dans le temps comme instruments pour les variables endogènes variant dans
le temps et en utilisant les variables exogènes invariables dans le temps plus

5. La coopération économique de la chine en Afrique concerne majoritairement des projets


d’infrastructure relevant d’un contrat passé entre un entrepreneur chinois et un état africain. La
chine réalise un quart des projets de construction mis en adjudication par la Banque mondiale, la
moitié des contrats financés par la Banque africaine de développement (Brautigam [2011]) et tous
les projets financés par le gouvernement chinois.
6. cette variable étant égale à un ou zéro n’est pas en logarithme dans l’estimation, comme les
deux variables représentant les coûts de transaction.

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Revue économique

Tableau 1. Résumé des variables

variables obs. unités* moyenne écart type min max


exportations chinoises vers
l’Afrique en volume 495 million $ 275 674 0,03 5 974
importations chinoises
de l’Afrique en volume 351 million $ 330 1 008 0,001 8 274
Taux de change réels 495 2 000 = 100 117,6 33,4 36,3 271,6
pib réel de l’Afrique 495 million $ 9 555 25 130 0,8 187 234
pib réel de la chine 495 milliard $ 2 053 666 1 198 3 243
enclavement africain 495 0,31 0,46 0 1
Gouvernance africaine 495 – 0,58 0,73 – 2,17 0,99
zes chinoises en Afrique 495 0,05 0,21 0 1
coopération économique
de la chine en Afrique 495 million $ 131 370 0 3 945
iDe chinois en Afrique 351 million $ 64 191 0 2 298
* Les dollars sont des dollars constants 2000.
Source : estimation des auteurs à partir de fmi Statistiques financières internationales et nu Comtrade.

les moyennes individuelles des variables exogènes comme instruments pour les
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variables endogènes invariables dans le temps.
Les résultats de cette analyse sont présentés dans le tableau 2. Les commen-
taires s’attachent aux résultats du modèle Hausman-Taylor. en ce qui concerne
les exportations de la chine vers les pays africains, les variables traditionnelles du
modèle de gravité sont statistiquement significatives et conformes aux résultats
attendus. un accroissement de 1 % du pib de la chine conduit à un accroissement
de 1,52 % de ses exportations vers l’Afrique, tandis qu’un accroissement de 1 %
du pib d’un pays africain les accroît de 0,87 % (colonne 3). L’enclavement des
pays africains a un effet négatif. Leur bonne gouvernance a un effet positif. La
coopération économique de la chine en Afrique est favorable aux exportations,
en particulier pour les machines et les équipements de transport (colonne 4),
tandis que les zones économiques spéciales, créées par la chine en Afrique en
vue de transmettre son expérience et d’aider les pays africains à développer leurs
industries, réduisent ses exportations vers l’Afrique, particulièrement pour les
textiles et les habillements (colonne 5).
La dépréciation réelle du renminbi exerce comme attendu un effet positif
sur les exportations chinoises avec un coefficient de 0,56 (colonne 3). L’effet
est plus fort pour les exportations de machines et d’équipements de transport
dont le coefficient estimé pour le taux de change réel est 0,70 (colonne 4) que
pour les exportations de textiles et de vêtements dont le coefficient estimé n’est
plus que 0,39 (colonne 5). il est donc possible qu’à l’heure actuelle la concur-
rence chinoise ait pour effet non seulement de supplanter les pays développés
dans leurs exportations de machines et d’équipements de transport, mais aussi
d’évincer des producteurs africains plus concentrés sur le secteur des textiles et
des vêtements.
non seulement le coefficient du taux de change réel est significatif, mais ce
résultat a une portée économique. Ainsi, entre 2000 et 2010, le taux de crois-
sance annuel des exportations chinoises vers l’Afrique a été augmenté de 2,2 %
(3,9 %*0,56) grâce à la dépréciation réelle moyenne du renminbi de 3,9 %,

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Tableau 2. Déterminants du commerce entre la Chine et l’Afrique au sud du Sahara

importations chinoises de 39 pays ASS


exportations chinoises vers 45 pays ASS en volume 2000-2010
en volume 2003-2010
effets
effets fixes Hausman-Taylor
aléatoires
effets Hausman-
machines et effets fixes
Textiles et aléatoires Taylor
Total Total Total équipements
vêtements
de transport
1 2 3 4 5
Taux de change réels (hausse = appréciation 0,55*** 0,55** 0,56*** 0,70** 0,39 – 0,65 – 1,09 – 0,87
des monnaies africaines) (4,48) (4,47) (4,47) (3,66) (2,08) (– 1,21) (– 1,74) (– 1,58)
pib réel des pays africains 0,65*** 0,87** 0,87*** 0,56** 1,06*** 1,24*** 1,14*** 1,19***
(6,00) (4,21) (4,22) (1,77) (3,39) (4,68) (3,49) (3,30)

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pib réel de la chine 1,61*** 1,52*** 1,52*** 2,41*** 1,13*** 0,34 0,93 0,39
(19,0) (13,7) (13,7) (14,2) (6,71) (0,75) (1,37) (0,85)
enclavement africain – 0,88* – 0,89* – 0,81* – 1,43** – 0,99 – 1,02
(– 1,59) (– 1,67) (–,02) (– 2,51) (– 1,42) (– 1,03)
Gouvernance africaine 0,36*** 0,35*** 0,35*** 0,28* 0,27** – 0,76** – 0,90* – 0,85**
(3,54) (3,27) (3,39) (1,92) (2,02) (– 2,31) (– 1,82) (– 2,25)
zes chinoises en Afrique – 0,20* – 0,21* – 0,21* – 0,37** – 0,99*** – 0,03 0,23 0,08
(– 1,64) (– 1,77) (– 1,78) (– 2,01) (– 5,40) (– 0,07) (0,58) (0,21)
coopération économique de la chine en 0,16*** 0,16*** 0,16*** 0,16*** 0,05
Afrique retardée d’une période (7,64) (7,28) (7,27) (4,86) (1,54)
iDe chinois en Afrique retardé 0,21** 0,22** 0,19**
d’une période (2,50) (2,49) (2,32)
constante – 46,9*** 49,4*** – 49,1*** – 69,5*** – 33,5*** – 20,7 – 17,1** – 19,7
(– 21,3) (–17,7) (– 17,5) (– 16,1) (– 7,82) (– 1,55) (– 2,26) (– 1,47)
nombre d’observations 486 486 486 483 482 265 265 265
nombre de pays 45 45 45 45 45 39 39 39
R² ajusté 0,80 0,80 0,80 0,83 0,79 0,37 0,31 0,37

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Sylviane Guillaumont Jeanneney, Ping Hua

DWH test d’endogénéité 0,05 0,07 0,03 0,001

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Revue économique

de 1,5 % (3,9 %*0,39) pour les textiles et les vêtements, et même de 2,7 %
(3,9 %*0,70) pour les machines et les équipements de transport. Pour les pays qui
ont connu une forte appréciation de leur taux de change réel vis-à-vis de la chine,
l’impact est évidemment plus considérable : sur la même période, le taux de
croissance annuel des exportations chinoises vers le Gabon ou vers l’Angola, qui
ont connu la plus forte appréciation, a été accru de 6,3 % (11,3 %*0,56) et même
de 7,9 % (11,3 %*0,70) pour les seuls machines et équipements de transport.
en ce qui concerne les importations de la chine, il apparaît que le pib des
pays africains agit positivement, alors que le pib de la chine n’est pas significa-
tif, sans doute en raison de sa forte corrélation avec les investissements directs
de la chine en Afrique, dont le coefficient est très significatif (colonne 8)7.
contrairement au cas des exportations, la chine importe plus des pays africains
ayant une mauvaise gouvernance, soit que la chine éprouve des difficultés à
avoir accès aux principaux producteurs de pétrole et de minerais qui sont les
partenaires traditionnels des pays développés, soit que les pays africains riches
en ressources naturelles aient plus tendance à une mauvaise gouvernance. enfin,
comme nous l’attendions, le taux de change réel n’a pas d’impact significatif sur
les importations chinoises, contrairement aux exportations.
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CONCLUsION

L’analyse économétrique a permis de montrer l’impact significatif des taux de


change réels bilatéraux entre la chine et les pays de l’Afrique au sud du Sahara
sur les exportations de la chine à destination de ces pays. elle a aussi montré que
l’assistance financière de la chine aux pays africains favorise ses exportations,
freinées toutefois par les zones économiques spéciales que la chine a créées en
Afrique. enfin, la chine oriente ses exportations vers les pays où les coûts de
transaction sont les plus faibles pour des raisons géographiques, ou en fonction
de la qualité de leur gouvernance. en revanche, la chine importe des matières
premières des pays africains apparemment les moins bien gouvernés.
il semble que par rapport à la concurrence que la chine exerce sur la produc-
tion manufacturière africaine par ses exportations, de nombreux pays africains
souffrent d’un handicap particulier lié au rattachement de leurs monnaies à
l’euro. La baisse de la valeur de celui-ci par rapport au dollar (et donc par rapport
au renminbi) au cours des derniers mois, surtout si elle se poursuivait, pourrait
atténuer ce phénomène.
Les pays africains qui sont les mieux dotés en ressources naturelles ont bénéfi-
cié d’un rapide accroissement de leurs exportations de produits primaires vers la
chine. c’est pour eux une source immédiate de croissance économique ; mais, à
terme, cela risque d’être un handicap pour la diversification de leurs productions
en direction des biens manufacturés, puisque l’appréciation réelle simultanée de
leurs monnaies accroît les exportations chinoises de ces biens.

7. en effet, le coefficient du pib chinois devient significativement différent de zéro lorsqu’on


supprime de l’estimation les investissements directs. notons toutefois que la variable pib de la chine
a une variabilité temporelle mais non spatiale, ce qui peut aussi réduire sa significativité dans le
modèle de panel.

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Sylviane Guillaumont Jeanneney, Ping Hua

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Revue économique

ANNEXE

définiTions eT sources des variables

nom des variables méthode de calcul Sources


exportations chinoises exportations chinoises vers un pays nu Comtrade
vers l’Afrique en volume africain divisées par la valeur unitaire des cnuceD Unctadstat
importations de ce pays (base 2000 = 100)
importations chinoises importations chinoises d’un pays africain nu Comtrade
de l’Afrique en volume divisées par la valeur unitaire des exporta- cnuceD Unctadstat
tions de ce pays (base 2000 = 100)
pib réel d’un pays africain pib nominal d’un pays africain déflaté par Banque mondiale,
son déflateur World development
(base 2000 = 100) indicators
pib réel de la chine pib nominal de la chine déflaté par son Banque mondiale,
déflateur (base 2000 = 100) World development
indicators
Taux de change bilatéral Taux de change bilatéral nominal corrigé fmi Statistiques finan-
réel par le rapport des prix à la consommation cières internationales
d’un pays africain et de la chine
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enclavement africain variable muette égale à 1 pour Burkina cepii
Faso, Botswana, Afrique centrale,
éthiopie, Lesotho, mali, malawi, niger,
Rwanda, Swaziland, Tchad, uganda,
Zambie, Zimbabwe
Gouvernance africaine Stabilité politique mesurée by Kaufmann Banque mondiale
et al. [2010]
zes chinoises en Afrique variable muette, 1 pour les pays africains Bräutigam et Tang
où la chine a créé une zone économique [2011]
spéciale et 0 pour les autres
coopération économique coopération économique de la chine en cnuceD Unctadstat
de la chine en Afrique Afrique, déflatée par la valeur unitaire des China Statistical
importations africaines (base 2000 = 100) Yearbook
iDe chinois en Afrique Stocks des investissements directs étran- cnuceD Unctadstat,
gers (iDe) de la chine en Afrique, déflatés Statistical bulletin of
par la valeur unitaire des importations China’s ofdi
africaines (base 2000 = 100)

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