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INRA Prod. Anim.

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2012, 25 (2), 193-210 Productivité du travail et économie
en élevages d’herbivores :
définition des concepts, analyse
et enjeux
T. CHARROIN1, P. VEYSSET2,3, S. DEVIENNE4, J.-L. FROMONT5, R. PALAZON1, M. FERRAND6
1Institut de l’Elevage, BP 50, F-42270 Saint-Priest-en-Jarez, France
2 INRA, UMR1213 Herbivores, F-63122 Saint-Genès-Champanelle, France
3 Clermont Université, VetAgro Sup, UMR Herbivores, BP 10448, F-63000 Clermont-Ferrand, France
4 UFR Agriculture comparée et développement agricole, AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, F-75231 Paris,
France
5 AFOCG de l’Ain, 1 rue Robert Schuman, F-01000 Bourg-en-Bresse, France
6 Institut de l’Elevage, 149 rue de Bercy, F-75595 Paris, France

Courriel : Thierry.Charroin@idele.fr

Au cours des cinquante dernières années, la productivité du travail s’est accrue en agriculture
à un rythme beaucoup plus rapide que dans les autres secteurs économiques. Les agriculteurs
ont adapté leurs structures et systèmes de production en utilisant plus d’intrants et de capitaux
pour accroître la productivité de leur travail avec pour objectif de maintenir leur revenu.
Pourtant, la relation entre volume de production par travailleur et revenu des éleveurs n’est pas
linéaire.

La France a très longtemps été un recensement agricole 2010 (Giroux bovins à viande dans le Massif Central
pays rural dont la majorité des habitants 2011) montre que le nombre total de tra- (Institut de l’Elevage 2011a). La ten-
vivait de l’agriculture. Alors que la vailleurs agricoles a chuté de 22% entre dance est toujours à la croissance de la
population active agricole, familiale et 2000 et 2010, le nombre d’exploitations taille moyenne des troupeaux : + 38%
salariée, représentait avec 6,2 millions diminuant de 26% (en 2010 les 490 000 entre 2000 et 2010 pour le nombre
de personnes 31% de l’emploi total en exploitations agricoles que compte la moyen de vaches laitières par exploita-
France en 1955 (Desriers 2007), cette France métropolitaine emploient 750 000 tion et + 31% pour celui de vaches
part est tombée à 3,4% en 2008 (INSEE, Unités de Travail Annuel (UTA)). La allaitantes, même si le travail est sou-
enquête emploi). Dans le même temps, superficie agricole totale poursuit éga- vent évoqué comme un facteur limitant
l’agriculture française connaissait une lement son érosion (- 3% sur dix ans). par beaucoup d’éleveurs.
croissance de sa production tout à fait Au final, la surface que valorise en
remarquable, soutenue par les lois moyenne un travailleur agricole s’est Parallèlement, le nombre d’élevages
d’orientation agricole de 1960 et 1962 accrue de 24% depuis 2000 (36 ha/tra- hors sol et les effectifs de porcs et
qui ont impulsé de fortes et rapides évo- vailleur en 2010 contre 29 ha/travailleur volailles ont explosé. Ces élevages, non
lutions des structures et dont l’effet a été en 2000) (Desriers 2011). soutenus par la PAC, se sont concen-
renforcé par les premières organisa- trés en Bretagne et Pays de la Loire
tions communes de marché (Politique Le nombre d'exploitations d’élevage a (Bourgeois et Desriers 2002), mouve-
Agricole Commune (PAC) issue du trai- diminué et les cheptels ont connu des ment lié à la forte intégration de la filiè-
té de Rome de 1957). évolutions contrastées selon les pério- re par des firmes agro-alimentaires qui
des et les espèces. Le nombre total de cherchent à limiter leurs coûts grâce à
A partir des années 1980, le marché bovins s’est accru entre 1950 et 1980 des économies d’échelle et à un accès
européen étant devenu excédentaire (passant de 15,8 millions de têtes à 23,1 facile à une production standardisée
pour bon nombre de produits agricoles, millions soit près de 50% d’augmenta- (Bagoulla et al 2010).
différentes réformes de la PAC se sont tion), avant de régresser de 17% jus-
succédé pour réguler l’offre tout en qu’aux années 2000 (20,5 millions de Les agriculteurs se sont ainsi toujours
continuant dans un premier temps à bovins en 2000, 19,1 millions en 2011) adaptés (structures, systèmes de pro-
soutenir les prix à la production, puis en sous l’effet des quotas laitiers et des duction, pratiques) au contexte écono-
passant à un soutien direct au revenu Primes au Maintien du Troupeau de mique et politique en privilégiant avant
des agriculteurs (Butault 2004). Vaches Allaitantes (PMTVA). La PAC a tout l’augmentation de la productivité
aidé à «fixer» les productions d’herbi- de leur travail. En cinquante ans, les
La tendance à la réduction du nombre vores dans l’ensemble des régions, bien gains de productivité en agriculture ont
d’exploitations et de travailleurs agrico- qu’on assiste à une légère concentration été continus et considérables. En paral-
les se poursuit encore aujourd’hui. Le des bovins laitiers dans l’Ouest et des lèle, les prix agricoles à la production

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ont fortement baissé, compensés en Pour sa quantification, nous compta- sance réelle de la richesse produite, les
partie et depuis vingt ans seulement par bilisons une unité de main-d’œuvre Comptes de la Nation «décomposent les
des soutiens directs. Cette baisse a sur- pour toute personne majeure «à temps évolutions des opérations sur les biens
tout profité aux branches clientes de plein» sur l’exploitation, quel que soit et services en valeur en deux composan-
l’agriculture, notamment aux industries son âge (même si son temps réel de tes : un facteur prix, reflétant le mouve-
agro-alimentaires (la France est deve- travail dépasse largement les normes en ment des prix, et un facteur volume,
nue un grand exportateur de produits vigueur pour le travail salarié). Pour les mesurant l’évolution des «quantités»
agro-alimentaires). A contrario, les temps partiels (représentations profes- des agrégats (produit brut, consomma-
consommateurs en ont peu bénéficié, sionnelles importantes, autres activités tions intermédiaires, valeur ajoutée…)
sauf pour les produits de l’industrie de pour l’exploitant ou son conjoint, coup à prix constants» (Braibant 2007). Cette
la viande et du lait : le taux de marge de main bénévole) nous disposons de décomposition s’effectue produit par
du commerce a plutôt baissé de 1979 à normes qui, lors des suivis en exploita- produit, en tenant compte de la défor-
1994, mais il augmente fortement tions, sont ajustées par échange avec les mation des prix relatifs.
depuis, entraînant un accroissement en éleveurs. Cette démarche rejoint la pra-
termes réels des prix à la consommation tique du Service de la Statistique et de la b) Productivité physique du travail
(Butault 2008). Prospective (SSP) (Lacroix et Mollard
1991). Les notions de production rapportée à
Nous débuterons cet article en préci- des unités non monétaires telles la pro-
sant dans un premier temps la notion de Le vocable «Unité de Main-d’œuvre» ductivité numérique (nombre de pro-
main-d’œuvre en exploitation agricole, (UMO) a été préféré à celui «d’Unité de duits par femelle reproductrice), pondé-
ainsi que les différentes définitions de la Travail Annuel» (UTA) qui faisait réfé- rale (kg de viande vive par Unité Gros
productivité physique et économique du rence par le passé à un nombre d’heures Bétail (UGB)), fourragère (tonnes de
travail. Nous introduirons également (degré de précision difficile à appro- matière sèche par ha), etc. sont aujour-
les principaux indicateurs utilisés pour cher). d’hui bien intégrées. En complément, il
juger de la performance économique est de plus en plus fréquemment fait
des exploitations. référence à la productivité physique du
1.2 / Productivités du travail travail. Cet indicateur est relativement
Nous porterons ensuite un regard sur La productivité du travail peut être aisé à appréhender dans les exploita-
l’évolution de la productivité du travail définie de deux manières : la «produc- tions ayant un seul atelier de production.
et de l’économie de la production agri- tivité physique» qui mesure le volume Pour les exploitations d’élevage avec
cole française au cours des 50 dernières de biens produit par UMO (unités phy- plusieurs ateliers de production (poly-
années. Un zoom sur les trajectoires siques de lait ou de viande produit en culture-élevage, élevage diversifié…),
d’exploitations d’élevage bovin allaitant exploitation d’élevage) et la «producti- certains auteurs ont proposé des métho-
pendant 20 ans illustrera ces tendances vité économique» qui ambitionne de des pour quantifier la productivité phy-
et précisera leurs impacts productifs et quantifier la richesse créée par UMO. sique globale de l’exploitation (Benoit
économiques. Enfin, nous analyserons Leur analyse sur un intervalle de temps et Laignel 2006) en convertissant des
la relation entre productivité du travail permet de mesurer des gains de produc- hectares de grandes cultures, des mar-
et résultats économiques en élevage, tivité. Nous allons préciser pour chacu- ges brutes d'atelier hors sol en «équiva-
pour les différents types d’élevages her- ne d’entre elles les conventions métho- lent UGB» pour les cumuler aux UGB
bivores (bovins, ovins, caprins pour dologiques que nous avons retenues de l’atelier animal et présenter ainsi un
pour cette analyse. indicateur. Mais de fait, ces conventions
l’année 2009) et ouvrirons le débat sur
évaluent une dimension et non pas
la recherche de gains de productivité en une productivité (qui peut être très diffé-
élevage, leurs moteurs, leurs intérêts et a) Productivité économique du travail
rente).
leurs limites. La productivité économique du travail
correspond à la richesse créée par les Devant l’absence d’une méthodologie
1 / Productivités du travail actifs ayant participé au processus de partagée par tous les acteurs (recherche,
et indicateurs économi- production ; elle est mesurée par la développement, enseignement, agricul-
valeur ajoutée, brute ou nette, par actif teurs…), notre approche s’est refusée à
ques : concepts et défini- agricole. Celle-ci est égale à la valeur de cumuler des quantités de nature aussi
tions la production (hors aides) diminuée de différente que par exemple le lait et la
celle de l’ensemble des biens et services viande.
produits par des tiers (consommations
1.1 / Quantification de la main- intermédiaires et consommation annuel- Nous avons préféré désagréger la
d’œuvre le moyenne de capital fixe). Pour la main-d’œuvre totale de l’exploitation
valeur ajoutée brute, la dépréciation du au niveau de l’atelier. Un jeu de coef-
Il est assez difficile de quantifier la capital fixe n’est pas soustraite ; on ficients d’affectation déterminés par
main-d’œuvre en agriculture du fait de passe à la valeur ajoutée nette en dédui- régression multiple dans une étude
l’importance de la main-d’œuvre non sant cette consommation. Ces grandeurs précédente (Charroin et Ferrand 2010)
salariée dont le nombre d’heures de tra- économiques peuvent être calculées au nous permet de calculer la part de main-
vail est rarement enregistré. On a donc niveau de l’exploitation, mais aussi au d'œuvre affectée à chaque atelier (celles
le plus souvent recours à des conven- niveau de la branche agricole dans les nécessaires au troupeau, aux surfaces
tions. Comptes de la Nation. Notons que la fourragères et aux céréales intracon-
valeur ajoutée peut varier significative- sommées) et donc à en évaluer la pro-
Afin d'analyser l’organisation du tra- ment dans le temps en fonction de la ductivité physique. Pour les élevages
vail, comme le propose la méthode du conjoncture économique de l’année et d’herbivores, le volume de production
Bilan Travail (INRA et l'Institut de indépendamment de la productivité correspond au produit principal de la
l'Elevage, Dedieu et al 2000), nous physique. filière : litres de lait pour les produc-
avons distingué trois classes pour la tions laitières et kilos de viande vive
main-d’œuvre : «exploitants et asso- Pour s’affranchir des effets de la (calculée à partir des ventes et achats
ciés», «salariée» et «bénévole». conjoncture et estimer in fine la crois- d'animaux et des variations d’inventaire

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Encadré 1. Schéma des soldes intermédiaires de gestion.

en nombre et en poids) pour la viande brut avec et sans les aides, contribution dimension patrimoniale que celui-ci
bovine. En viande ovine, en raison de la des aides et part des intrants. Ce dernier représente).
forte différence de valorisation entre poste (concentrés, fourrages et paille
agneaux et brebis de réforme et de la achetés, engrais, semences, produits de La rétrospective de l’évolution de la
prépondérance des agneaux vendus en protection phytosanitaire, carburants, productivité du travail de l’agriculture
carcasse, le volume de production est électricité et gaz) regroupe les charges française sur les 50 dernières années
exprimé en «équivalents agneaux car- les plus liées au degré d’intensification fera référence aux critères utilisés par
casse». Nous avons renoncé à prendre des systèmes de production et donc a les Comptes de la Nation. Les données
en compte les coproduits (veaux de 8 priori à un accroissement de la produc- disponibles pour traiter du zoom sur
jours pour les troupeaux laitiers, laine tivité. les trajectoires d’exploitations bovines
en élevage ovin…) après avoir vérifié allaitantes et les analyses des relations
leur faible poids dans le chiffre d'affai- Parmi les soldes intermédiaires de entre la productivité du travail et les
res. gestion (encadré 1), nous avons retenu résultats économiques feront référence
la valeur ajoutée brute calculée sans à la productivité physique du travail.
Pour tous les ateliers herbivores de aide, la valeur ajoutée nette après
chaque exploitation de la base de don- déduction des amortissements, l’Excé- 2 / Evolution de la producti-
nées des Réseaux d’élevage, nous dent Brut d’Exploitation (EBE), ainsi
disposons des résultats de productivité que le Résultat Courant Avant Impôts
vité du travail et des résul-
physique par UMO rémunérée (une éva- tats économiques de l’agri-
luation de l'atelier «grandes cultures» (RCAI) qui est l’indicateur du revenu
est en cours). Ce mode d'estimation de des comptes de l’agriculture. Afin de culture française depuis
la productivité physique du travail, pouvoir analyser la productivité du tra- 1950
maintenant intégré dans les outils vail de la main-d’œuvre rémunérée
«coûts de production», a été systématisé (salariée ou non), le RCAI et l’EBE sont
dans toutes les filières herbivores. calculés sans déduire les salaires, les Depuis cinquante ans, la production
charges salariales et les charges sociales agricole française a connu, nous l’avons
de l’exploitant. L’efficience écono- vu, une forte expansion malgré la bais-
1.3 / Indicateurs économiques mique des exploitations est analysée à se importante du nombre d’exploita-
L’impact de la productivité du travail partir du ratio EBE/Produit brut total. tions et d’actifs agricoles. Cette évo-
est analysé selon les grandes composan- Le montant du capital d’exploitation est lution repose sur un accroissement
tes du compte d’exploitation : produit calculé hors foncier (du fait de la spectaculaire du volume produit par

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actif agricole, donc de la productivité ainsi sur une large autofourniture des matière (eau, azote, phosphore, oligoé-
physique du travail, permis par de pro- moyens de production. léments…) et des populations vivantes a
fondes transformations des systèmes de été extrêmement poussé. Le mode de
production agricole1. L’autoconsommation et l’autofourni- production développé ne s’est que peu
ture absorbaient en général la majeure appuyé sur les capacités intrinsèques
2.1 / Les systèmes de polycultu- partie de la production agricole et les des écosystèmes à produire et à se
re-élevage des années 1950 surplus étaient vendus, parfois après renouveler, privilégiant au contraire le
transformation, afin de dégager le reve- recours aux moyens de production
En 1950, dans la majeure partie des nu monétaire nécessaire pour renouve- industriels.
régions françaises, prédominaient des ler les moyens de production de l’ex-
systèmes de production basés sur l’as- ploitation (notamment l’équipement de L’adoption d’équipements de plus en
sociation agriculture-élevage, très large- culture attelée) et assurer les besoins de plus performants a permis aux exploi-
ment tournés vers l’autoconsommation la famille. tants agricoles d’accroître l’efficacité
familiale (Mazoyer et Roudart 1997). de leur travail et de toujours repousser la
Ces systèmes combinaient différents 2.2 / Une révolution agricole limite du nombre d’hectares ou d’ani-
systèmes de culture (adaptés à la diver- basée sur l’incorporation de maux qu’un actif peut prendre en char-
sité des terroirs) et d’élevage qui entre- ge. Le recours aux intrants a contribué à
tenaient des relations étroites. Les systè- moyens de production indus- accroître les rendements, à simplifier le
mes de culture étaient généralement triels travail. Il a également permis d’aban-
basés sur des rotations complexes qui A partir des années 1950, une vérita- donner la complémentarité jusqu’alors
faisaient alterner céréales, plantes ble révolution agricole (Mazoyer et indispensable entre les cultures au sein
sarclées (betteraves fourragères et/ou Roudart 1997) a pris place et s’est des rotations et entre les systèmes de
à sucre, pommes de terre, navets, déroulée en plusieurs phases jusqu'à culture et d’élevage. Le processus de
choux...) et légumineuses fourragères aujourd'hui. Elle a reposé sur l’utilisa- remplacement de l’autofourniture des
(trèfle semé sous avoine, luzerne, sain- tion croissante de moyens de production moyens de production par l’approvi-
foin…). Les produits végétaux fournis- industriels et sur le développement de sionnement auprès de l’industrie a
saient une part importante de l’alimen- techniques conçues par la recherche ouvert la voie à la spécialisation des
tation de la famille, ainsi que l’essentiel publique ou privée et vulgarisées dans unités de production dans un nombre de
de l’alimentation des élevages. La les centres de formation ou directement plus en plus restreint de productions
logique agronomique des rotations de auprès des agriculteurs. végétales et/ou animales, en fonction
cultures était basée sur les effets «précé- des conditions de milieu, de leur super-
dent» et «sensibilité du suivant» : les Les innovations techniques, sur les- ficie et de leurs moyens de production
légumineuses contribuaient à enrichir le quelles repose l’accroissement de la ainsi que des débouchés auxquels
sol en azote tandis que l’alternance des productivité du travail dans le secteur elles avaient accès. Aujourd’hui seules
plantes sarclées et des prairies tempo- agricole, ne sont pas conçues indé- 12,6% des exploitations agricoles fran-
raires ou artificielles avec les céréales, pendamment du système technique et çaises sont en polyculture ou polyéleva-
contribuait à améliorer la structure du de l’esprit technologique ambiant ge, contre 16,8% en 1988 ; Sébillotte
sol, à limiter l’impact des maladies et à (Mounier 1992, Perez 2009). Ainsi, (1966) estimait qu’elles étaient 85% en
contrôler la prolifération des adventices depuis 1950, les solutions proposées et 1963. L’accroissement de la productivi-
et des prédateurs. Un travail manuel majoritairement adoptées dans le sec- té physique du travail s’est également
important était encore nécessaire pour teur agricole se sont fondées dans un accompagné d’un agrandissement de la
le désherbage et les rendements demeu- premier temps sur le pétrole (industrie superficie et de la taille de troupeau des
raient limités. du tracteur et du machinisme agricole, exploitations, permis par l’adoption de
pétrochimie…), une division horizonta- nouveaux équipements et nécessaire
Les productions fourragères ainsi que le et verticale du travail et des écono- pour les rentabiliser. Ce processus a
les sous-produits de culture contribuaient mies d’échelle, la standardisation des été rendu possible par la disparition
au fonctionnement des systèmes d’éleva- productions, etc. avant que l’informa- progressive et continue des exploita-
ge. Les exploitations élevaient bien sou- tique et les biotechnologies ne prennent tions insuffisamment productives pour
vent à la fois des bovins, pour la produc- récemment une place grandissante. La suivre ce mouvement ; il aboutit à une
tion de lait et de viande, des ovins et/ou biologie a été mise au service du déve- concentration de la production dans un
des caprins dans les régions aux condi- loppement de ces technologies. La nombre toujours plus restreint d’exploi-
tions de milieu plus difficiles et, à l’ex- sélection génétique a visé à adapter les tations.
ception des plus petites d’entre elles, des plantes cultivées et les animaux aux
chevaux pour la force de trait, ainsi que moyens de production industriels, tandis 2.3 / Des systèmes de production
quelques porcs (porcs à l’engrais et par- que les écosystèmes, considérés seule- spécialisés de plus en plus pro-
fois une ou quelques truies) et de la ment comme un support de production, ductifs
volaille. Ces différents systèmes d’éleva- ont été aménagés afin de permettre la
ge fournissaient en retour l’énergie de mise en œuvre des nouvelles formes de En grandes cultures, le développe-
traction et le fumier pour la reproduction production (arrachage des haies, agran- ment a reposé sur une spécialisation de
de la fertilité sur les espaces cultivés. Le dissement des parcelles, drainage, irri- plus en plus poussée des systèmes de
système de polyculture-élevage reposait gation...). Le contrôle des cycles de production et sur la simplification et

1 La description des modalités concrètes d’évolution des systèmes de production s’appuie sur les nombreux travaux de terrain réalisés dans différentes régions
françaises depuis 20 ans visant à effectuer l’analyse-diagnostic de l’agriculture de petites régions agricoles (Cochet et Devienne 2006). Ces travaux, encadrés
par les enseignants de l’UFR d’Agriculture comparée et Développement agricole d’AgroParisTech, ont été effectués soit dans le cadre de mémoires d’Ingénieur
en Développement Agricole ou lors de travaux de terrain collectifs avec des étudiants de la dominante d’approfondissement Développement agricole ou en
2ème année du cursus agronome d’AgroParisTech. Au total, plus de cinquante diagnostics ont été réalisés, dans des régions très différentes (Nord, Haute Marne,
Meuse, Côtes d’Armor, Vendée, Deux Sèvres, Cantal, Yonne, Corrèze, Drôme, Seine Maritime, Orne, Charente, Allier…). Ces diagnostics visent à compren-
dre la situation actuelle et l’évolution de l’agriculture à l’échelle d’une petite région agricole en mettant en évidence le processus de différenciation des sys-
tèmes de production qui a conduit à la situation actuelle.

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Productivité du travail et économie en élevages d’herbivores : définition des concepts, analyse ... / 197

le raccourcissement des rotations. ou automotrices, robots d’alimentation, nisable, du semis à la distribution


L’accroissement de la production par pots trayeurs dans les années 1950 jus- aux vaches (Guesdon 1985). Culture
actif a été permis par l’augmentation qu’au robot de traite ou carrousel auto- annuelle relativement coûteuse en
des rendements et de la superficie. matisé depuis les années 1990…). Dans intrants (semences, herbicides, engrais),
L’utilisation de variétés sélectionnées, les exploitations équipées de l’automati- le développement du maïs nécessite
des engrais et des produits phytosani- sation, la traite, tâche la plus contrai- souvent des investissements impor-
taires et, dans bien des cas aussi, le gnante pour les éleveurs laitiers, cesse tants : drainage de parcelles au potentiel
drainage, voire l’irrigation, ont conduit d’être le facteur limitant du nombre de de rendement élevé mais dont la portan-
à des rendements accrus (qui sont pas- vaches par actif ; la surveillance des ce du sol n’est pas suffisante à l’autom-
sés par exemple pour le blé de 25 q/ha chaleurs devient alors la principale ne pour permettre la récolte ; irrigation
en 1960 à 70 q au début des années contrainte et de nouvelles techniques dans les régions au déficit hydrique
2000 et plafonnent depuis). La superfi- ont été développées permettant de marqué en été afin d’assurer la régulari-
cie cultivée par actif a pu être augmen- repousser cette limite. L’externalisation té des rendements ; construction de
tée non seulement grâce à l’adoption de certaines tâches, comme le recours à bâtiments munis de couloirs d’affoura-
d’équipements autorisant une plus l’entreprise pour la réalisation des opé- gement adaptés pour la distribution de
grande capacité de travail (puissance et rations culturales, permet par ailleurs de l’ensilage. Les prairies cèdent progres-
largeur de travail), mais aussi grâce à spécialiser le travail de l’exploitant ainsi sivement la place au maïs : les prairies
la simplification des itinéraires tech- que le capital d’exploitation et d’accroî- permanentes situées dans les espaces les
niques (travail simplifié, semis direct) tre le nombre de vaches laitières qu’il plus favorables à la culture du maïs
que permet le recours aux herbicides. peut élever. (fonds de vallée par exemple) sont
Cette évolution devrait se poursuivre retournées tandis que les prairies tem-
avec le développement de l’informa- Parallèlement les éleveurs ont cher- poraires reculent dans les rotations, en
tique et des biotechnologies. Le recours ché, afin de rentabiliser les investisse- dépit des améliorations apportées aux
au GPS permet en effet à la fois l’auto- ments coûteux qu’ils réalisaient dans les techniques de conservation de l’herbe
guidage des machines, donc un allège- équipements, à augmenter les rende- (perfectionnement des techniques d’en-
ment substantiel du travail2 et la pos- ments laitiers (qui sont passés de 2370 silage et développement de l’enruban-
sibilité, avec les mêmes puissance et L/vache en 1960 à 3100 en 1970 et 6340 nage à partir des années 1990). Ainsi, si
largeur de travail, d’accroître la superfi- en 2008). La sélection génétique a visé depuis 1960 les cultures fourragères ont
cie maximum cultivable par actif et une notamment à accroître le potentiel de reculé de plus de 5 millions d’hectares,
gestion précise de l’information sur des production des vaches, tandis que le l’évolution de la superficie des diffé-
superficies importantes, donc l’ajuste- recours à des fourrages de densité éner- rents types de fourrages a été contras-
ment précis de l’utilisation des intrants. gétique plus élevée, distribués avec des tée : recul continu des superficies
Les biotechnologies quant à elles, si concentrés riches en protéines comme toujours en herbe (- 3,5 millions d’hec-
elles sont autorisées comme aux Etats- le tourteau de soja acheté à l’extérieur, tares), diminution brutale de la superfi-
Unis, offrent avec les variétés généti- permettait à ce potentiel de s’exprimer. cie des prairies artificielles dans les
quement modifiées (tolérantes aux her- La production de ces fourrages est allée années 1960 et 1970 (passées de plus
bicides et/ou résistantes à certains de pair avec une modification des systè- de 3 millions d’hectares en 1960 à
insectes) la possibilité de simplifier le mes fourragers visant à accroître les moins d’un million en 1980 et un peu
travail en réduisant encore le nombre de rendements et à augmenter le charge- moins de 400 000 ha en 2010), stabilité
passages sur la parcelle. ment. Ce mouvement a été réalisé en de la superficie des prairies temporaires
plusieurs étapes. Dans les années 1950- depuis 1970, après une progression de
L’accroissement de la productivité du 1960, la priorité a été donnée à la «révo- près d’un million d’ha entre 1960 et
travail en grandes cultures repose ainsi lution fourragère», basée sur le dévelop- 1970 ; quant au maïs fourrage, pratique-
sur un capital fixe par actif de plus en pement des prairies temporaires de ray- ment absent des assolements dans les
plus élevé et la mise en œuvre d’itiné- grass anglais ou italien et sur l’intro- années 1960, il a vu sa superficie explo-
raires techniques s’appuyant sur un duction de la technique de l’ensilage, ser à partir de 1970, pour atteindre 1,7
recours important aux consommations permettant à la fois de mieux tirer parti million d’hectares au début des années
intermédiaires, en dépit des efforts du pic de croissance de l’herbe au 1990 et se stabiliser ensuite autour de
réalisés au cours des vingt dernières printemps et d’obtenir un fourrage 1,5 million d’hectares.
années pour maîtriser l’utilisation des beaucoup plus digestible que le foin.
intrants. Les techniques de gestion de la prairie, Les systèmes fourragers qui se sont
notamment de pâturage tournant et de développés depuis les années 1970 sont,
Le même processus est à l’œuvre fertilisation, ont elles aussi été vulgari- excepté en zone de montagne, de plus
dans le secteur de l’élevage. En élevage sées à cette époque (Dumont 1954, en plus dépendants du maïs. D’abord
bovin laitier, la voie privilégiée d’aug- Voisin 1957, Pochon 2002, Pochon utilisé pour la seule ration hivernale,
mentation de la productivité du travail a 2008). l’ensilage de maïs est progressivement
consisté en l’augmentation du nombre donné en complément du pâturage pen-
de vaches laitières par actif et de la pro- A partir des années 1970, la culture de dant la période estivale, puis de plus en
duction laitière par vache. L’adoption de maïs ensilage commence à être dévelop- plus tôt au printemps jusqu’à des systè-
bâtiments permettant de réduire le pée en plaine ainsi que dans certaines mes d’alimentation dans lesquels les
temps de travail nécessaire à l’alimenta- régions de moyenne montagne. Elle pré- silos sont ouverts toute l’année et pro-
tion des animaux et à la manutention sente l’avantage de permettre des rende- curent l’essentiel de l’alimentation des
des déjections a été couplée avec ments et une densité énergétique élevés, vaches, lesquelles ne prélèvent plus
celle d’équipements plus performants de bien se conjuguer avec des tourteaux que très peu de fourrages à la pâture
(fosses à lisier, désileuses-pailleuses riches en protéines pour l’équilibre de voire sont élevées en zéro-pâturage.
puis mélangeuses distributrices tractées la ration et d’être entièrement méca- Cette évolution a autorisé l’agrandisse-

2 Le recours à l’autoguidage, permis par le GPS («Global Positioning System») permet de supprimer le travail de conduite de la machine et de surveillance
pour la réalisation de l’opération culturale, la machine effectuant seule le travail avec une précision de l’ordre de un ou deux centimètres.

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198 / T. CHARROIN, P. VEYSSET, S. DEVIENNE, J.-L. FROMONT, R. PALAZON, M. FERRAND

Figure 1. Evolution de la production agricole, des consommations intermédiaires mations pour le secteur agricole dans
et de quelques postes spécifiques en volume. son ensemble. La production agricole
(1959 = indice 100). Source : Insee, Comptes de la Nation. en volume a été multipliée par 2,2 en
cinquante ans (figure 1). Les consom-
mations intermédiaires ont augmenté en
volume à un rythme à peine supérieur,
permettant à la valeur ajoutée brute en
volume de doubler sur la même période.
L’évolution des différents postes de
consommations intermédiaires apparaît
très contrastée. L’utilisation des produits
de protection des cultures, de l’alimen-
tation achetée et des dépenses vétéri-
naires, ainsi que le recours aux services
d’entreprise agricole se sont accrus
rapidement jusqu’aux années 1990 et
maintenus depuis au même niveau. Le
volume d’engrais et amendements a
diminué depuis le milieu des années
1980, mais cette évolution masque la
relative stabilité de la consommation
d’engrais azotés, en légère diminution
seulement depuis le début des années
2000. Ces différentes consommations
participent directement à l’accroisse-
ment de la productivité physique du
travail. En revanche, un accroissement
beaucoup moins important peut être
constaté pour le poste de l’énergie, sta-
ble depuis 1975 et même une diminu-
tion des frais d’entretien des bâtiments
et du matériel, évolutions à mettre en
relation avec les économies d’échelle
permises par l’agrandissement des
structures.

L’accroissement de la production et de
ment du troupeau, grâce à l’augmenta- 2.4 / Des résultats économiques la valeur ajoutée brute en volume s’est
tion du chargement et l’accroissement contrastés : accroissement de accompagné d’une forte diminution de
des rendements laitiers. Le passage au la production en volume, mais la population active. Il traduit donc la
zéro-pâturage est par ailleurs aujourd’- diminution de la valeur ajoutée très rapide augmentation de la producti-
hui également accéléré par l’adoption vité du travail dans le secteur agricole.
du robot de traite. Ce type de système
réelle de la branche agriculture La productivité apparente du travail,
de production laitier, basé sur une ration La politique agricole a joué un rôle mesurée par la valeur ajoutée brute en
identique tout au long de l’année à important dans les profondes transfor- volume par équivalent temps plein, s’est
base d’ensilage de maïs et de tourteau, mations de l’agriculture : la garantie accrue en agriculture à un rythme beau-
conduit en zéro-pâturage, équipé d’une apportée aux prix agricoles (notamment coup plus rapide que dans les autres
salle de traite très performante ou d’un pour les céréales, le lait ou la viande secteurs économiques (figure 2) depuis
robot de traite, est devenu courant dans bovine), ainsi que les politiques de les années 1950. Elle a augmenté en
les régions de plaine en France ; il crédit et de restructuration foncière ont moyenne chaque année de 6,5% entre
est encore beaucoup plus répandu au encouragé les agriculteurs et leur ont 1949 et 1961 (Malassis 1969) et de
Danemark, aux Pays-Bas, ou aux Etats- donné les moyens de réaliser des inves- presque 5% entre 1969 et 1989 (Mabile
Unis, où il concerne des troupeaux de tissements et d’acquérir les nouveaux 1990), contre respectivement 5,1 et
grande voire de très grande taille (plu- moyens techniques permettant d’accroî- 3,3% pour l’ensemble de l’économie ;
tre la productivité de leur travail. Le depuis 1978, elle a évolué plus de deux
sieurs milliers de têtes aux Etats-Unis). caractère familial des exploitations agri- fois plus rapidement que dans l’ensem-
coles a indéniablement été déterminant : ble de l’économie (Guihard et Lesdos
La logique de ce type de développe- ne cherchant pas à rentabiliser au mieux 2007).
ment repose, comme en grandes cultu- leur capital, mais avant tout à rémunérer
res, sur un capital fixe de plus en plus leur propre travail, les exploitants agri- Ces gains de productivité se sont
conséquent par actif mais aussi sur un coles qui en avaient les moyens, bénéfi- répercutés sur les prix des produits agri-
recours important aux consommations ciant de la sécurité des prix garantis, coles : en termes réels3, le prix des
intermédiaires (achat d’aliments, cultu- ont poursuivi leurs investissements à un céréales a ainsi diminué de 75% depuis
re du maïs, importance des fourrages rythme rapide depuis les années 1950. le début des années 1960, celui du lait et
stockés dans la ration au détriment du de la viande bovine de moitié (INSEE,
pâturage). La même logique a été privi- Les Comptes de la Nation permettent séries longues IPPAP). Le différentiel
légiée pour les autres types d’élevages. d’observer les résultats de ces transfor- sectoriel de productivité du travail se

3 Evolution corrigée de l’inflation mesurée ici par l’indice de prix du Produit Intérieur Brut.

INRA Productions Animales, 2012, numéro 2


Productivité du travail et économie en élevages d’herbivores : définition des concepts, analyse ... / 199

Figure 2. Productivité apparente brute du travail par branche (valeur ajoutée brute 2000 et le revenu net d’entreprise agri-
en volume/actif). cole ne se maintient qu’avec les subven-
(1978 = indice 100). Source : INSEE, Comptes de la Nation. tions.

Ainsi, en dépit de l’accroissement


spectaculaire de la productivité phy-
sique du travail dans le secteur agricole,
la valeur ajoutée et le revenu de l’agri-
culture en termes réels (déflatés par le
prix du PIB) ne cessent de diminuer
depuis le milieu des années 1970 (figu-
re 3). Le revenu agricole par actif ne
s’est globalement maintenu qu’avec la
diminution du nombre d’actifs qui se
poursuit à un rythme rapide : après
avoir stagné de 1970 jusqu’au début des
années 1990 (Desriers 2007), celui-ci a
augmenté de 20% entre 1990 et 2000,
avant de diminuer ensuite pour revenir à
un niveau environ 10% supérieur à celui
de 1990 (INSEE, comptes provisoires
de l’agriculture 2011). Cette évolution a
toutes les chances de se poursuivre car
les exploitations sont loin d’avoir adop-
té les équipements les plus performants
qui existent, et ceux-ci ne cessent, avec
la révolution des technologies de l’in-
formation, de la communication et de
l’informatique, de repousser les limites
en termes de superficie ou de nombre
d’animaux par actif.

traduit, en monnaie constante, par une Figure 3. Evolution en monnaie constante de la production, de la valeur ajoutée et
diminution plus rapide des prix agrico- du revenu de la branche agricole.
les par rapport à ceux des biens, équipe- (1959 = indice 100). Source : INSEE, Comptes de la Nation.
ments et services qu’achètent les agri-
culteurs.

Cette évolution des prix défavorable à


l’agriculture se répercute sur les résul-
tats économiques de la branche (figu-
re 3). Le poids des consommations
intermédiaires et de la consommation
annuelle de capital fixe dans la produc-
tion agricole s’est considérablement
accru depuis cinquante ans, de manière
bien plus importante en valeur qu’en
volume. Ainsi, les consommations inter-
médiaires sont-elles passées de 40% de
la valeur de la production agricole dans
les années 1960 à 50% environ dans les
trente années suivantes et à plus de 60%
aujourd’hui. La part de la consomma-
tion de capital fixe dans la valeur de la
production a régulièrement augmenté
pour atteindre un peu plus de 15%
aujourd’hui. Au total, la valeur ajoutée
nette de l’agriculture ne représente plus
aujourd’hui que 20% de la valeur de la
production agricole contre 55% au
début des années 1960. En monnaie
courante, la valeur ajoutée agricole
diminue depuis le début des années

INRA Productions Animales, 2012, numéro 2


200 / T. CHARROIN, P. VEYSSET, S. DEVIENNE, J.-L. FROMONT, R. PALAZON, M. FERRAND

3 / Productivité du travail et Figure 4. Evolution de la productivité du travail dans les exploitations bovines
Charolais du Centre de la France.
économie en élevage bovin Source : Réseau Charolais INRA, 59 exploitations.
allaitant :trajectoires d’évo-
lution d’exploitations

Les évolutions constatées globale-


ment au niveau de l’agriculture françai-
se masquent des disparités entre les dif-
férentes filières et zones géographiques.
Les forts gains de productivité, aussi
bien en grandes cultures, cultures four-
ragères et production laitière, ont forte-
ment impacté les effectifs d’herbivores.
Le troupeau bovin s’est de plus recom-
posé : sur les 10 millions de vaches pré-
sentes en 1970, trois sur quatre étaient
laitières ; en 2011, plus d’une vache sur bovin allaitant, ne renseignent pas sur Contrairement aux grandes zones de
deux est une allaitante (7,9 millions de leurs trajectoires et leurs adaptations à polyculture-élevage, nous n’avons pas
vaches dont 3,7 millions de laitières et ces changement structuraux. assisté dans le Charolais à une évolution
4,2 millions d’allaitantes). Le troupeau marquante des assolements, ni à une
allaitant fournit aujourd’hui près de Afin de comprendre les déterminants intensification des surfaces fourragères.
60% de la viande bovine produite et des évolutions des exploitations, de L’instauration, en 1992, d’un complé-
consommée en France. connaître et d’analyser les potentialités ment de prime animale pour les systè-
techniques et économiques des sys- mes «extensifs», ainsi que la mise en
Les bovins allaitants ont été long- tèmes de production, une équipe de place de la Prime au Maintien des
temps, en France, l’apanage des monta- l’INRA de Clermont-Ferrand/Theix a Systèmes d’Elevage Extensifs (PMSE)
gnes du Massif Central et des plaines mis en place, depuis les années 1970 un (dite «prime à l’herbe») ont été suffi-
herbagères à faible potentialité agrono- réseau d’observations sur le long terme samment incitatives pour conforter ces
mique. En 1970, le troupeau allaitant d'exploitations d’élevage bovin allaitant systèmes. Les seuils de chargement
était localisé à 75% dans cinq régions : Charolais du centre de la France (Lherm pour l’attribution de ces aides étaient
Bourgogne, Limousin, Auvergne, Midi- et al 1983). Pour l’analyse qui suit, nous très proches des chargements observés
Pyrénées et Aquitaine. L’instauration allons nous appuyer sur un échantillon dans la région, les surfaces en herbe et
des quotas laitiers a provoqué un déve- constant de 59 exploitations spécia- le nombre d’UGB totaux se sont donc
loppement du troupeau allaitant dans les lisées (naisseurs stricts et naisseurs- «figés». En revanche, les tendances à
zones intensives de l’Ouest. Ce trou- engraisseurs) sur les 20 dernières l’agrandissement des structures ont été
peau s’est délocalisé, les zones herbagè- années (1991-2010) de ce réseau observées ici comme partout ailleurs.
res et montagneuses ont ainsi vu leur Charolais INRA. La SAU des exploitations a augmenté
part régresser de 75 à 50% de l’effectif de 41% en 20 ans, et ce, de façon quasi
allaitant national.
a) Evolution des structures continue à un rythme de 1,6 à 1,9% par
an. La part de la Surface Fourragère
Les exploitations de ces régions A la fin des années 1980, de nom- Principale (SFP) dans la SAU est restée
d’élevage herbager classées en zone dif- breux GAEC père-fils se sont consti- stable (autour de 80%), l’orientation
ficile sont restées spécialisées dans la tués. Au cours des années 2000, après «élevage spécialisé» de ces exploita-
production de viande bovine mais ont son départ à la retraite, le père continue tions s’est donc maintenue. La taille des
subi de grands bouleversements dans souvent à travailler bénévolement sur troupeaux a augmenté dans les mêmes
leurs structures et systèmes de produc- l’exploitation quelques années. Depuis proportions que celle de la surface, soit
tion. Nous allons illustrer ces évolutions le début des années 2000, le nombre de + 36% (179 UGB en 2010 vs 132 UGB
par les trajectoires observées d’exploi- travailleurs exploitants a donc tendance en 1991), le chargement est donc resté
tations d’élevage bovin allaitant du à diminuer au profit des travailleurs stable entre 1,25 et 1,30 UGB/ha SFP.
Bassin Charolais. bénévoles (parents à la retraite) qui
représentent près de 5% des travailleurs La productivité physique du travail a
3.1 / Productivité physique du totaux ces dernières années (contre par conséquent fortement augmenté
travail et revenu en élevage bovin moins de 1% dans les années 1990). (figure 4). Le nombre d’hectares de
allaitant spécialisé Parallèlement, le nombre de salariés a SAU, de vaches et d’UGB totaux déte-
légèrement augmenté, passant de 0,19 à nus par UMO totale a augmenté respec-
En 20 ans, de 1990 à 2009, la superfi- 0,30 UMO entre 1991 et 2010. Les sala- tivement de 50, 55 et 42% en 20 ans. En
cie moyenne (SAU en ha) des exploi- riés et les bénévoles ne compensent pas 2010, un travailleur produit 48% de
tations d’élevage bovin allaitant en entièrement les départs des exploitants viande vive de plus qu’en 1991 (27
France métropolitaine (Agreste, RICA, retraités. Entre 1991 et 2010, le nombre 780 kg vifs produits/UMO en 2010 vs
OTEX42) a augmenté de plus de 60%, moyen de travailleurs totaux par exploi- 18 730 kg en 1991).
le cheptel moyen de près de 65% alors tation a baissé de 4%, respectivement
que le nombre de travailleurs totaux par 2,11 et 2,03 UMO en 1991 et 2010, avec b) Systèmes de production et résultats
exploitation a baissé de 7%. Ces résul- toujours une forte dominance du travail techniques
tats issus d’une «sonde» nationale de des exploitants (familiaux ou associés
500 à 700 exploitations (nombre varia- dans les formes sociétaires). Une incer- Les réformes successives de la PAC
ble et exploitations différentes selon titude pèse sur les solutions à trouver depuis 1992 (baisse des prix garantis
l’année) représentant statistiquement lorsque les bénévoles cesseront définiti- compensée, en partie, par des aides
l’ensemble des exploitations d’élevage vement de travailler. directes), ainsi que les évolutions de

INRA Productions Animales, 2012, numéro 2


Productivité du travail et économie en élevages d’herbivores : définition des concepts, analyse ... / 201

Figure 5. Evolution du revenu du travail et des capitaux (RWC) par travailleur taux propres de l’exploitation hors fon-
(UMO ) et par hectare de SAU dans les exploitations bovines Charolais du Centre cier. Nous appellerons ce résultat éco-
de la France. nomique le revenu du travail et des capi-
Source : Réseau Charolais INRA, 59 exploitations. taux (RWC).
RWC = Résultats Courant + (salaires
nets) – (valeur locative des terres en
propriété – impôts fonciers)

Sur les vingt années étudiées, le RWC


par travailleur s’est maintenu autour de
22 000 €/UMO (en euros constants 2010
en tenant compte de l’évolution de l’indi-
ce moyen annuel des prix à la consomma-
tion INSEE), avec des variations annuel-
les assez conséquentes (figure 5). En
2010, les aides totales représentent 151%
du RWC (hors aides, ce revenu serait
négatif), la viabilité économique de ces
exploitations est donc très fortement
prix de marché, ont abouti à un raccour- augmentations très fortes en 2007 et dépendante de celles-ci (Veysset et al
cissement du cycle de production et à 2010 sans pour autant, pour l’instant, 2005b). Les gains de 45 à 50% de pro-
une moindre diversité de types de mâles observer des différences de stratégie ductivité physique du travail ont donc
produits (Veysset et al 2005a). Deux dans l’utilisation des concentrés de la juste permis de maintenir les revenus.
grandes catégories représentent plus de part des éleveurs. Une bonne gestion de
90% des mâles produits : les broutards l’herbe demande de l’observation et du Le RWC/ha de SAU présente égale-
(plus ou moins âgés et lourds) et les jeu- temps, incompatibles avec la nécessité ment de grandes variations annuelles,
nes bovins gras, avec une prédominance de simplification des pratiques. Un prix mais, globalement, la tendance à la bais-
des broutards (70% des mâles vendus). des céréales durablement élevé incitera se est significative (- 8,06 €/ha/an, r² =
Alors que, dans les années 1980, une certainement à l’avenir les éleveurs à 0,44) du fait, notamment, de la hausse
même ferme pouvait produire jusqu’à faire un nouvel arbitrage entre la gestion des charges fixes (figure 6). La baisse
4 ou 5 types d’animaux différents (du de l’herbe, des concentrés et la taille des du prix de la viande de 26% en 20 ans
jeune broutard au bœuf de 4 ans, l’inter- troupeaux. ayant été compensée par l’augmentation
diction des anabolisants en 1988 a été des aides totales et par le léger accrois-
«fatale» pour la production de bœufs), c) Résultats économiques sement de la productivité animale, le
la «standardisation» et la spécialisation produit par ha est resté stable. Les char-
des systèmes autour de la production de Pour comparer les résultats écono- ges proportionnelles par ha ont égale-
un ou deux types d’animaux ont conduit miques des exploitations entre elles, ment été relativement stables sur la
à gérer une moindre diversité d’ani- mais également au fil des années, il est période étudiée, la forte augmentation
maux aux besoins différents dans une impératif de tenir compte du statut des des quantités de concentrés distribués a
même ferme. Les nouveaux bâtiments travailleurs et du mode de faire valoir été compensée par la baisse conséquen-
d’élevage et les nouvelles techniques des terres. Nous utiliserons donc la te de leur prix unitaire. L’augmentation
d’alimentation ont permis de loger et notion de résultat courant «homogé- du prix unitaire des engrais et des pro-
nourrir dans de bonnes conditions des néisé» : les salaires nets des salariés ne duits phytosanitaires a entraîné une
lots de grande taille. La taille des trou- sont pas comptabilisés dans les charges diminution de leur utilisation. Alors
peaux de vaches a ainsi pu augmenter fixes (alors que les charges sociales des qu’avec l’augmentation de la taille des
sans pénaliser significativement les salariés et des exploitants sont mainte- exploitations nous pouvions nous atten-
résultats zootechniques (Bébin et al nues dans les charges) et un fermage est dre à une diminution des frais de méca-
1995). affecté aux terres en propriété duquel nisation et de bâtiment (notion d’écono-
sont déduits les impôts fonciers. Ce mie d’échelle), ceux-ci ont augmenté
La forte baisse du prix des céréales résultat courant «homogénéisé» devrait respectivement de 30 et 20%. Les autres
depuis 1992 et donc des concentrés, a donc permettre de rémunérer l’ensem- charges fixes ont peu évolué. Parmi
également encouragé la simplification ble des travailleurs présents, sans dis- les charges de mécanisation à l’hectare,
des pratiques. La distribution de con- tinction de statut et l’ensemble des capi- les frais de carburants et les amortisse-
centrés s’est faite de façon beaucoup
plus libérale : 720 kg/UGB en 2010 vs Figure 6. Evolution des charges fixes par ha de SAU dans les exploitations bovines
510 kg/UGB en 1991 (+ 41% en 20 ans) Charolais du Centre de la France.
alors que la productivité animale, c'est- Source : Réseau Charolais INRA, 59 exploitations.
à-dire la production de viande vive
(kg vifs) par UGB, n’augmentait que de
5% (312 kg/UGB vs 298). Dans le
même temps, le chargement et donc la
disponibilité en fourrages par animal,
n’ont pas évolué. La valorisation de la
ressource en herbe, c'est-à-dire les kg
de viande produits uniquement avec
l’herbe, a baissé au profit des aliments
concentrés faciles à acheter et de valeur
alimentaire stable sur l’année. Nous
observons ces dernières années une
volatilité du prix des céréales avec des

INRA Productions Animales, 2012, numéro 2


202 / T. CHARROIN, P. VEYSSET, S. DEVIENNE, J.-L. FROMONT, R. PALAZON, M. FERRAND

Figure 7. Evolution du capital par ha et par UMO dans les exploitations bovines seule fois, avec une durée d’amortisse-
Charolais du Centre de la France. ment longue (20 ans).
Source : Réseau Charolais INRA, 59 exploitations.
Au final, malgré l’agrandissement
des fermes, le capital matériel détenu
par ha de SAU a progressé de 36% en
20 ans. Le capital bâtiment est resté sta-
ble ; et en 2010, il est deux fois moins
important par ha que celui en matériel.
Le cheptel qui représentait 65% du capi-
tal total d’une exploitation Charolaise
en 1991 n’en représente que 53% en
2010, alors que le capital matériel voit
sa part passer de 17 à 27%.

Malgré la baisse du capital par ha, le


nombre d’ha détenus par travailleur
(tous types de travailleurs confondus) ne
cessant d’augmenter, le capital détenu
par travailleur s’accroît de 33% en 20
ans pour atteindre près de 230 000 €/
UMO en 2010. En 2010, un travailleur
en exploitation d’élevage bovin allaitant
ments (consommation annuelle du capi- 3.2 / Contribution du capital à doit engager 20% de capital de plus
tal matériel, amortissements dégressifs l’accroissement de la producti- qu’en 1991 (en euros constants) pour
de 10 à 15% par an selon le matériel) vité une espérance de revenu identique. Ceci
ont augmenté respectivement de 61 et pénalise évidemment l’entrée des jeu-
18%, les frais d’entretien sont restés Le cheptel représente le premier nes dans cette profession et explique
stables ; de même, pour les bâtiments, poste en valeur de capital total d’une pourquoi les exploitants sortants ne
ce sont les charges d’amortissement exploitation bovine allaitante. Si le trouvent pas toujours facilement un
(amortissements linéaires sur 10 à 20 capital total détenu par ha de SAU des acquéreur unique pour leur outil de
ans) qui ont augmenté. exploitations en élevage bovin allaitant production (Veysset et al 2008).
Charolais a baissé de 13% en 20 ans
Contrairement aux observations réali- (figure 7), ce n’est pas grâce à une 4 / Relation entre producti-
sées sur l’ensemble de l’agriculture fran- meilleure utilisation du capital sur de
çaise (figure 1), il n’y a pas eu effet de plus grandes structures, mais unique- vité physique du travail et
dilution de la consommation d’énergie, ment grâce à la baisse de la valeur, indicateurs économiques en
des charges de structure et notamment quasiment équivalente, du cheptel sur
de l’utilisation du matériel et des bâti- la même période. élevage d’herbivores
ments avec l’augmentation de la taille
des exploitations. La notion d’économie L’accroissement de la productivité du Ces observations sur les tendances
d’échelle, qui a guidé l’évolution de bon travail a pu se réaliser grâce à la moder- passées donnent lieu à penser qu’il exis-
nombre de structures productives agrico- nisation des exploitations (accompa- te une corrélation, plus ou moins signi-
les, n’est donc pas valide dans ces exploi- gnant la spécialisation des troupeaux et ficative selon les productions, entre pro-
tations d’élevage bovin allaitant. la simplification des pratiques) princi- ductivité physique du travail et revenu.
palement par des investissements lourds Pour les filières d’herbivores, la produc-
Ces producteurs de viande bovine et continus en matériel. Ces investisse- tivité est également liée à la zone et au
Charolaise n’ont donc pas retenu leurs ments matériels ne sont cependant pas système de production. Au-delà d’une
gains de productivité, mais les ont «dis- tous réalisés dans un but productif en analyse transversale de ces relations,
tribués» (Butault et al 1995) presque vue d’améliorer le revenu (ils partici- nous décrirons pour chaque filière les
intégralement, sous forme de baisse de pent à la baisse du revenu par les amor- principaux repères de productivité phy-
prix et de consommation de matériel. tissements et les frais financiers géné- sique du travail, le lien avec les perfor-
rés), mais pour certains, dans un intérêt mances économiques et le besoin en
Ces résultats sont corroborés par fiscal. Dans le cadre de projets d’instal- capital qui, comme cela a été souligné
l’étude de l’évolution des coûts de pro- lation d’un fils (GAEC père-fils) avec précédemment, est très lié à l’accroisse-
duction du kilogramme de viande vive obtention de nouveaux droits (gratuits) ment de la productivité du travail et
produit, incluant la rémunération de la de PMTVA, de nouvelles stabulations devient un point déterminant pour la
main-d’œuvre exploitante et des capi- pour loger l’ensemble des animaux et transmissibilité du système.
taux propres (Institut de l’Elevage faciliter le travail, se sont construites.
2010a). Ce coût de production est quasi Par ailleurs, beaucoup d’éleveurs L’analyse statistique porte sur les don-
stable, 3,29 €/kg vif, sur 20 ans. Seul le concernés par la mise aux normes des nées de l’année 2009. Cependant, pour
poste charges fixes est en forte progres- bâtiments et installations existants ont prendre en compte le caractère exception-
sion : + 20 centimes d’€/kg soit + 18%, préféré investir dans un nouveau bâti- nel de la conjoncture laitière bovine de
alors que le poste rémunération de la ment en utilisant les subventions qui cette année-là (baisse de revenu de près
main-d’œuvre exploitante est en baisse auraient été nécessaires pour moderni- de 50%), nous avons également analysé
de 28% (il faut moins de travail pour ser l’ancien. On a ainsi assisté à un fort les données de l’année 2008.
produire un kg de viande). Sur les cinq renouvellement avec modernisation du
dernières années, les charges fixes hors parc de bâtiments. Ces investissements 4.1 / L’échantillon
main-d’œuvre représentent 42% du coût dans les bâtiments sont relativement
de production et les charges de travail lourds en valeur absolue, mais, contrai- L’analyse repose sur les résultats des
totales en représentent 27%. rement au matériel, sont réalisés une 1441 exploitations du dispositif des

INRA Productions Animales, 2012, numéro 2


Productivité du travail et économie en élevages d’herbivores : définition des concepts, analyse ... / 203

Réseaux d’Elevage4. Elle a été ren- Le nombre total d’UMO par exploita- res. La relation avec les aides est nette-
due possible grâce à la disponibilité tion varie de 0,5 à 6. La majorité des ment moins forte et devient même néga-
conjointe de données techniques et éco- exploitations (53%) n’a pas de salarié, tive en filière caprine (historiquement
nomiques. Cet échantillon est composé ni de bénévole. La main-d’œuvre sala- moins concernée).
d’exploitations de taille moyenne à riée représente 9% du total des UMO - L’augmentation de la productivité du
grande (les petites structures sont peu de l’échantillon et son importance va travail repose sur une part croissante
représentées dans le dispositif mobili- de pair avec la dimension des exploita- d’intrants et de capital dans toutes les
sé). tions. Elle est plus fréquente dans les filières. L’impact des intrants sur l’effi-
systèmes caprins et au sein des systèmes cience économique, appréhendée par le
Les exploitations combinant un éleva- associant une production bovine (lait ou critère EBE/PB, est systématiquement
ge herbivore avec une production hors- viande) avec des céréales. La part de négatif. L’accroissement des amortisse-
sol, des cultures pérennes ou spéciales bénévolat est plus faible (6%). Les sys- ments lié à celui du capital dégrade éga-
ou encore de la transformation fromagè- tèmes ovins laitiers en comptent le plus lement très fortement la relation entre
re, n’ont pas été retenues du fait d’effec- (12%) et les systèmes laitiers bovins et productivité du travail et valeur ajoutée
tifs insuffisants. A contrario, toutes les caprins sont ceux qui y ont le moins nette pour les conjonctures les moins
exploitations comprenant des grandes recours (< 5%). La part de cette main- favorables (cas en 2009 pour les filières
cultures (43% des exploitations du d’œuvre est inversement proportionnel- bovines). Il en va de même pour le reve-
dispositif au sens des OTEX – polycul- le à celle de la main-d’œuvre rémunérée nu courant.
ture élevage voire de grandes cultures (14% de la main-d’œuvre totale dans les
avec de l’élevage) ont été conservées. plus petites exploitations contre 3% Il est clair que le résultat de ce type
De grandes structures sociétaires diver- pour les plus grandes). d’analyse est très dépendant de la
sifiées présentant des volumes de pro- conjoncture économique de l’année.
duction importants et une producti- Au niveau de la main-d’œuvre rému- Nous aurons l’occasion de l’illustrer en
vité du travail souvent élevée ont égale- nérée, 3 classes ressortent : un tiers des production de lait de vache à travers
ment été intégrées dans l’échantillon exploitations a moins de 1,4 UMO, 40% deux années ayant connu des conjonctu-
étudié. comptent 1,4 à 2 UMO et un quart res très contrastées, 2008 et 2009.
compte plus de 2 UMO. Les exploita-
Toutes les exploitations ont été typées tions allaitantes ovines et bovines sont Le lien entre productivité physique et
selon les conventions de la statistique pour près de la moitié d'entre elles dans revenu a été analysé pour les différents
agricole qui déterminent l’orientation la première catégorie alors que celles de systèmes au sein des filières à l’aide de
technico-économique (OTEX) et la la filière bovine laitière et les associa- régressions univariées.
classe de dimension (CDEX). Nous tions avec des grandes cultures prédo-
avons finalement retenu trois grandes minent dans la troisième. b) Les productions laitières bovines,
familles d’OTEX : i) les systèmes spé- ovines et caprines
cialisés herbivores avec une ou plu- Pour la suite des traitements, nous ne
sieurs productions animales «HER» prendrons en compte que la main-d’œu- En production laitière, le volume de
(OTEX 41-Bovins lait, 42-Bovins vian- vre rémunérée (UMOr), salariée ou non. lait commercialisé a été retenu comme
de, 43-Bovins mixtes, 44-Autres herbi- unité pour quantifier la productivité
vores et 71-Polyélevage - Herbivores) ; 4.2 / Productivité physique du physique des exploitations. C’est un
ii) les systèmes de polyculture-élevage travail et indicateurs écono- indicateur facile à déterminer et très uti-
«POLY» (OTEX 60-Polyculture et 81- miques selon les filières ani- lisé. Il ne tient pas compte du coproduit
Grandes cultures et herbivores) ; iii) les males viande (animaux de réforme et animaux
exploitations céréalières avec la présen- jeunes – veaux, agneaux et chevreaux)
ce d’élevage «GCU» (OTEX 13- qui ne représente qu’une part marginale
Céréales - Oléagineux – Protéagineux et a) Analyse transversale des filières
de travail physique.
14-Autres grandes cultures). A partir d’une affectation de la main-
d’œuvre aux différents ateliers des Les volumes de lait commercialisé
Parmi les trois filières laitières, ce exploitations (méthode décrite dans la par unité de main-d’œuvre rémunérée
sont les systèmes ovins qui sont les plus partie 1) et d’un regroupement par filiè- sont généralement différents entre les
spécialisés en élevage alors que, pour re animale principale, nous avons croisé systèmes de plaine et ceux de monta-
les bovins et caprins, les systèmes de la productivité physique et les princi- gne. Le handicap dû au milieu impacte
polyculture représentent respectivement paux critères économiques de l’atelier significativement la productivité du
20 et 30% des exploitations (les associa- (tableau 1). travail : les systèmes d’élevage de
tions avec une part importante de gran- piémont et de montagne enregistrent
des cultures -GCU- étant cependant peu Plusieurs tendances se dessinent (en une productivité physique du travail
fréquentes). Pour les filières viandes lien avec les évolutions observées pour inférieure à celle des systèmes de plaine
bovine et ovine, un peu plus de 10% des la branche agricole) : (figure 8).
exploitations se caractérisent par une - Le produit brut total est logiquement
prédominance de grandes cultures dans très fortement corrélé à la productivité Pour les zones de montagne, nous
le système. physique du travail pour toutes les filiè- avons également distingué les exploita-

4 L’approche globale (structurelle, technique et économique) des exploitations d’élevage mise en œuvre en France dans les «Réseaux d’Elevage pour le Conseil
et la Prospective (RECP)» depuis le début des années 1980 (Lebrun 1983) repose sur un partenariat associant des éleveurs volontaires, les Chambres
d’Agriculture et l’Institut de l’Elevage. Ce dispositif s’appuie aujourd’hui sur un échantillon raisonné de 1420 exploitations des filières bovines, ovines et
caprines et, pour certaines régions, d’exploitations supplémentaires suivies selon la même méthodologie. Le suivi approfondi et le traitement des données
recueillies, combinés à l’expertise des acteurs de ce dispositif permettent de mettre au point, de modéliser et de décrire des systèmes de production efficients
et cohérents, à des niveaux d’optimisation compatibles avec leurs contextes socio-économiques et pédoclimatiques (Delaveau et al 1999). Les Réseaux d'éle-
vage contribuent ainsi à l’élaboration de références globales et/ou thématiques utilisées pour le conseil par les agents de développement et pour l’aide à la déci-
sion par les professionnels et les acteurs publics. Les critères de choix des exploitations (structures, performances et modes de conduite) et le suivi rapproché
sur plusieurs années répondent à un objectif de connaissance de la diversité des systèmes plus que de représentativité.

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204 / T. CHARROIN, P. VEYSSET, S. DEVIENNE, J.-L. FROMONT, R. PALAZON, M. FERRAND

Tableau 1. Coefficients de corrélations entre la productivité physique du travail dans les filières herbivores (en unité de produit
par UMOr) et différents indicateurs économiques.
Source : Réseaux d'élevage 2009.

tions en agriculture biologique et celles croissant de productivité physique du de franchir un nouveau cap de producti-
avec une production laitière sous signe travail pour les exploitations des gran- vité physique du travail). L’écart entre
de qualité (AOP des montagnes de des régions d’élevage, celles de polycul- les deux extrêmes atteint 100 000 litres
l’Est). En plaine, la part de grandes cul- ture élevage situées en région de gran- par unité de main-d’œuvre.
tures a été prise en compte. Enfin, les des cultures (où les quotas disponibles
exploitations équipées d’un robot de sont importants suite à la spécialisation En montagne, les systèmes en agri-
traite ont également fait l’objet d’une croissante des exploitations vers les culture biologique ont la plus faible
catégorie spécifique. grandes cultures) et celles équipées productivité avec 120 000 litres en
Pour les systèmes conventionnels de d’un robot de traite (pour lesquelles la moyenne par unité de main-d’œuvre, les
plaine, nous observons un gradient mise en place de cet équipement permet mêmes systèmes en plaine produisant
50 000 litres de plus (figure 8).

Figure 8. Productivité physique du travail des systèmes bovins laitiers.


En 2009, le revenu est très peu corré-
lé avec la productivité (r = 0,14). Dans
Source : Réseaux d’élevage 2009. ce type de conjoncture exceptionnelle
La variabilité de la productivité physique de la main-d’oeuvre est présentée graphi- (baisse du prix du lait standard de 20%
quement sous forme de box-plot (1er décile, 1er quartile, médiane, 3ème quartile et par rapport à 2008 et prix des intrants
9ème décile). élevés – revenu divisé par deux), les
systèmes positionnés sur une démarca-
tion de produit (laits issus de l’agricul-
ture biologique ou autres AOP des mon-
tagnes de l’Est) obtiennent un revenu
par unité de main-d’œuvre plus impor-
tant, comme le montre par exemple la
comparaison entre les résultats des
exploitations laitières en AOP Comté
(32 k€ RCAI/UMOr pour une produc-
tivité de 180 000 L/UMOr) et ceux
des exploitations de l’Ouest en système
maïs dominant (25 k€ pour une produc-
tivité de 250 000 litres) (Institut de
l’Elevage 2011b).

A contrario, avec une conjoncture


favorable (prix du lait standard élevé)
comme celle de 2008, le revenu est plus
fortement corrélé avec la productivité
(r = 0,43), et cette conjoncture convient
beaucoup mieux aux systèmes les plus
productifs : par exemple 37 k€ RCAI/
UMOr avec une productivité de 240 000
L/UMOr pour le même système de
l’Ouest contre 26 k€/UMOr pour une

INRA Productions Animales, 2012, numéro 2


Productivité du travail et économie en élevages d’herbivores : définition des concepts, analyse ... / 205

Tableau 2. Résultats des modèles de régressions expliquant le revenu courant avant impôts par la productivité du travail et
l'efficience économique en élevage laitier.
Source : Réseaux d'élevage.
Régressions établies sur l'échantillon complet des systèmes lait «conventionnel éleveurs et polyculteurs» en plaine pour les
années 2008 et 2009.

productivité de 156 000 litres en lait à mé par les résultats du modèle de régres- directe que pour la production laitière.
Comté (Institut de l’Elevage 2010b). sion appliqué sur les exploitations de Par exemple, la productivité d’un systè-
Une telle sensibilité à la conjoncture plaine. La conjoncture 2009 a été favora- me naisseur repose sur une part impor-
permet de mettre en relief l’importance ble aux revenus des élevages caprins tante de cheptel de souche (à faible
de la cohérence et de l’efficience des (fourrages de qualité, prix des aliments à croissance) dans le troupeau à la diffé-
systèmes dans la détermination du la baisse et poursuite de la hausse du prix rence d'un système spécialisé dans
résultat économique. du lait). Avec la crise que traverse la filiè- l’engraissement de jeunes bovins ayant
re depuis 2010 (prix du lait à la baisse), recours à des achats de broutards (à
Cela nous a incité à réaliser un traite- les éleveurs caprins pourraient se retrou- forte croissance).
ment complémentaire des données 2008 ver dans la même situation que les éle-
et 2009 pour les deux types convention- veurs bovins laitiers en 2009. Parmi les systèmes naisseurs
nels de plaine en introduisant le ratio (tableau 4), ce sont les exploitations en
Excédent Brut d’Exploitation/Produit En production de lait de brebis, la agriculture biologique qui observent la
Brut. Les résultats (tableau 2) sont productivité moyenne est proche de plus faible productivité de la main-
exprimés en coefficients standardisés 50 000 L/UMOr. L’écart entre la pro- d’œuvre avec 18 000 kilos de viande
(βstandardisé=β*σx/σy), ce qui permet de ductivité du Rayon de Roquefort et celle vive/UMOr. Les exploitations conven-
comparer les différents coefficients des Pyrénées n’est pas très important, tionnelles avec un niveau de chargement
entre eux, l’unité commune étant l’é- même si les exploitations de la zone inférieur ou égal à 1,2 UGB/ha de SFP,
cart-type. Roquefort sont de plus grandes dimen- principalement localisées dans le grand
sions. La liaison du RCAI avec la bassin allaitant, sont nettement plus pro-
Pour les deux types et les deux productivité est aussi significative ductives (plus de 45% par rapport à
années, l’augmentation du RCAI/UMOr (r = 0,50). leurs homologues en agriculture biolo-
induite par l’efficience économique est gique). Les systèmes les plus intensifs
nettement supérieure à celle liée à l’aug- Pour ces deux filières, les conjonctu- au niveau de la conduite fourragère
mentation de la productivité. L’écart res 2008 et 2009 ont été beaucoup (> 1,2 UGB/ha) apparaissent les plus
entre productivité et efficience écono- plus stables et donc, pour cette dernière productifs.
mique est plus important en 2009 pour année, plus favorable que pour les
les systèmes «éleveurs» et quasiment bovins laitiers. En ce qui concerne les systèmes nais-
constant entre les deux années pour les seurs-engraisseurs, les producteurs de
systèmes «polyculteurs». Les systèmes c) Les productions de viande bovine veaux sous la mère, dont les pratiques
les plus consommateurs d’intrants se et ovine d’élevage sont «consommatrices» de
sont trouvés très pénalisés et ont dû main-d’œuvre (tétée contrôlée des
recourir, pour les moins solides finan- La grande diversité des systèmes de veaux), ont logiquement la plus faible
cièrement, à des emprunts de trésorerie. production en viande bovine ne permet productivité (autour de 15 000 kg/
pas une comparaison aussi facile et UMOr) alors que le système avec des
En production de lait de chèvre, la
comparaison se limite aux systèmes de
plaine et de montagne (les systèmes Tableau 3. Productivité physique du travail des systèmes ovins et caprins laitiers.
fromagers caprins qui représentent Source : Réseaux d'élevage 2009.
près de la moitié des exploitations lai-
tières caprines en 2009 (Source SSP -
Cheptel) ne sont pas retenus dans cette
étude (cf. § 4.1)). La productivité phy-
sique moyenne du travail des systèmes
caprins de plaine est de 150 000 litres/
UMOr, soit 50% supérieure à celle de
montagne. Dans les deux situations, la
variabilité est forte (tableau 3) avec des
exploitations très productives dans les
deux zones (et un montant d’aides le
plus faible de toutes les filières étu-
diées). Le lien entre la productivité et le
RCAI est nettement plus fort que pour le
lait de vache (r = 0,53), ceci étant confir-

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206 / T. CHARROIN, P. VEYSSET, S. DEVIENNE, J.-L. FROMONT, R. PALAZON, M. FERRAND

Tableau 4. Productivité physique du travail des élevages de bovins à viande selon le type de système.
Source : Réseaux d'élevage 2009.

jeunes bovins produit en moyenne kilos de carcasse «agneaux». Cela se jus- productivité et les aides en ovins allai-
39 000 kilos de viande/UMOr, soit la tifie d’un point de vue économique car, tants est une des plus faibles (r = 0,35),
plus forte productivité de tous les systè- comme en viande porcine et contraire- ce qui s’explique probablement par le
mes allaitants. Quant aux engraisseurs, ment à la viande bovine, les réformes fait qu’une partie des aides du second
ils atteignent des niveaux moyens plus sont beaucoup moins bien valorisées que pilier ne sont pas directement propor-
importants, avec 115 000 kilos de vian- les produits «jeunes», avec un prix par kg tionnelles au volume de production,
de vive/UMOr. inférieur d’environ 50%. donc à la productivité physique du
travail. La corrélation globale entre la
Sur l'ensemble des exploitations, le Nous avons distingué 4 grands types productivité et le revenu est de 0,43.
lien entre productivité de la main- de systèmes de production : les systè-
d’œuvre et produit brut est là aussi mes «fourragers» avec un chargement d) Capital d’exploitation et producti-
très important (r = 0,89) mais devient supérieur à 1,4 UGB/ha, les systèmes vité du travail
inexistant avec le RCAI. Une analyse «herbagers» (< 1,4 UGB/ha) et deux
selon les systèmes de production mon- types de systèmes «pastoraux» («pasto- Comme nous l’avons mentionné dans
tre une relation faible mais positive pour raux mineurs» et «pastoraux majeurs» l’analyse transversale, la relation entre
les systèmes naisseurs. La conjoncture selon l’importance du recours aux sur- le montant du capital d’exploitation
2009, marquée par de très faibles reve- faces pastorales). La productivité phy- hors achat de foncier (matériel, bâti-
nus pour ces systèmes, a probablement sique du travail du système «fourrager» ments améliorations foncières, cheptel)
un impact sur ces résultats. En 2008, est supérieure à 11 000 kg d’équivalents et la productivité physique du travail est
comme en 2009, la relation entre valeur carcasses d’agneaux/UMOr (tableau 5). très significative dans toutes les filières.
ajoutée nette et productivité physique Celle des «herbagers» est inférieure de
du travail est quasi-nulle (respective- 25%. Ce sont les systèmes «pastoraux» En valeur absolue par UMO, le mon-
ment 0,04 et - 0,09), ce qui rend l’acte qui ont la plus faible productivité, et ce tant varie de 1 à plus de 2 selon les filiè-
de production peu rémunérateur ces d’autant plus que la part du pastoralis- res (tableau 6). Au sein des filières lai-
années-là. La filière bovine à viande se me s’accroît : la taille de cheptel supé- tières, ce sont les exploitations laitières
trouve devant le défi d’améliorer son rieure en comparaison des autres types bovines et ovines qui engagent le plus
efficience économique car, en plus de la de systèmes ne compense pas la moin- de capitaux, alors qu'en production de
dépendance aux intrants, comme pour dre productivité numérique à la brebis et lait de chèvres, le capital est le moins
les autres filières, elle se caractérise par le moindre poids des agneaux. important. En production de viande, le
la plus forte corrélation entre le capital contraste est très fort entre les deux
et la productivité physique (r = 0,78). Comme pour toutes les autres filières, espèces. Les exploitations allaitantes
le lien entre la productivité physique du bovines sont celles qui engagent le plus
En production ovine allaitante, l’évalua- travail et le produit brut est très net de capitaux et la répercussion financiè-
tion de la productivité est basée sur les (r = 0,90). La relation globale entre la re en impacte négativement les perfor-

Tableau 5. Productivité physique du travail des élevages ovins allaitants selon le type de système.
Source : Réseaux d'élevage 2009.

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Productivité du travail et économie en élevages d’herbivores : définition des concepts, analyse ... / 207

Tableau 6. Capital d'exploitation hors foncier selon les filières. son augmentation va de pair avec celle
Source : Réseaux d'élevage 2009. du capital, acquis progressivement et
dont la transmission est un point névral-
gique de la vie de l'exploitation. Le
niveau de capital requis, mis en regard
du revenu espéré, de plus en plus vola-
til, peut être dissuasif. Une cessation
d’activité génère un nouvel agrandisse-
ment des exploitations les plus proches
et les plus à même de financer une aug-
mentation de capital. En prolongeant la
tendance actuelle (1 remplacement pour
5 départs, «départs précoces» inclus), le
mances économiques tant au niveau de tigations restent à poursuivre, par exem- nombre d'exploitations bovines laitières
la valeur ajoutée nette que du revenu. ple l'évaluation des conséquences éco- pourrait se situer en 2014 entre 68 et
nomiques d'un appel à l'entreprise ou au 54 000 (Perrot 2010) avec, pour consé-
L’accroissement du capital est relati- salariat partagé, comparé à celui d'un quence, une pression accrue vers l’ac-
vement progressif au fil des années, la investissement propre. croissement de la productivité de la
capacité à le transmettre est un point main-d’œuvre.
névralgique pour les installations, L’analyse rétrospective montre que la
notamment pour celles qui sont hors productivité du travail en agriculture Si l’on peut considérer que l’augmen-
cadre familial. s’est accrue à un rythme beaucoup plus tation de la productivité du travail
rapide que dans les autres secteurs éco- constitue une voie possible d’améliora-
Aujourd’hui, les exploitations qui nomiques. Le volume produit et la tion d’un système d’exploitation, il
enregistrent les plus fortes productivités valeur ajoutée brute en volume ramenés est cependant souhaitable qu’elle ne
du travail ont les montants de capitaux par actif ont connu un accroissement conduise pas à l’artificialisation de son
par unité de main-d’œuvre les plus éle- spectaculaire (+ 400% en 30 ans pour la fonctionnement sur les plans agrono-
vés dans toutes les filières (par exemple valeur ajoutée brute en volume). Cette mique, zootechnique, économique ou
pour les exploitations allaitantes bovi- évolution s’est faite de pair avec l’aug- ne le rende pas de plus en plus dépen-
nes de plaine, le montant du capital mentation de la part du capital fixe et dant de ressources financières extérieu-
représente 230 k€/UMOr pour la pro- des consommations intermédiaires dans res. Les effets, souvent peu perceptibles
ductivité du travail la plus faible contre la valeur de la production, alors que les immédiatement, peuvent néanmoins se
430 k€ pour la plus forte). Dans un prix de ces dernières diminuaient moins révéler très impactants à plus ou moins
contexte de volatilité des revenus, le vite en termes réels que celui des pro- long terme (perte d’autonomie avec
besoin de sécurité financière au moment duits agricoles. Ainsi, la valeur ajoutée recours de plus en plus important aux
de l’installation, pour faire face à une de la branche agricole a fortement dimi- intrants) ou dans un contexte écono-
mauvaise conjoncture, ne fait qu’accroî- nué (en monnaie constante) depuis le mique et financier très volatil (qui sem-
tre les besoins d’autofinancement. milieu des années 1970. Le revenu agri- ble devoir se généraliser). L’avenir n’est
cole par actif ne s’est maintenu que pas à un modèle unique d’exploitation
Conclusion grâce à l’accroissement des subventions (petites, moyennes ou grandes entrepri-
et à la diminution du nombre d’actifs. ses agricoles, système de production
intensif ou extensif...), mais plutôt
Quelles conséquences de l’augmenta- L’analyse de la productivité physique aux agriculteurs attentifs à une gestion
tion de la productivité physique du tra- du travail et des principaux indicateurs de leur exploitation privilégiant la
vail sur l’économie des exploitations ? économiques réalisée sur l’année 2009 recherche permanente d’équilibre entre
pour les filières d’élevage met en exer- viabilité, vivabilité et transmissibilité
Au plan méthodologique, nous nous gue trois points déterminants : (AFOCG01 2007, InterAFOCG 2007,
sommes attachés dans cet article à clari- - les écarts de productivité importants Levallois 2010). Si beaucoup ont misé
fier la notion de productivité physique entre systèmes d’une même filière, et misent encore sur l’agrandissement,
du travail. Cependant, le travail reste la spécialisation et la rationalisation des
- l'importance de l’efficience écono- tâches afin d’accroître la productivité
une donnée difficile à mesurer en agri- mique du système (mesurée par le ratio
culture en raison de son caractère fami- physique de leur travail, d’autres optent
EBE/PB) indicatrice de la recherche de pour la diversification et/ou la création
lial. Nous avons utilisé les UMO pour cohérence du système de production et
l’évaluer (quantification du temps de de valeur ajoutée au travers d’une
de l’optimisation des moyens de pro- meilleure valorisation de leurs produits
travail «en équivalent temps plein») en duction,
étant conscients que les variations de ou de la mise en œuvre de processus
temps de travail effectif pour une même - le poids de la conjoncture : si revenu plus économes en intrants et en équipe-
UMO peuvent être considérables. Des et productivité physique évoluent sou- ments. Ces stratégies ne sont ni cloison-
enquêtes avec des méthodes de reconsti- vent dans le même sens, la relation nées ni exclusives ; la transformation et
tution analytique visant une quantifica- devient très ténue les années où les prix la commercialisation de produits agri-
tion en heures permettraient d’identifier de vente baissent fortement, du fait coles concernent parfois les grandes
ces variations et de mesurer la producti- notamment du poids des charges fixes exploitations et les petites peuvent être
vité de la journée ou de l’heure de tra- dans les structures les plus importantes. spécialisées5.
vail. Quant à la productivité écono-
mique du travail, nous l’avons mesurée Les conséquences de l’accroissement Des systèmes de production revenant
par la valeur ajoutée rapportée à la de la productivité du travail doivent éga- aux bases de l’agronomie (complémen-
main-d'œuvre, méthode classiquement lement s’analyser au-delà du revenu. En tarité des productions, rotations de cul-
utilisée par les économistes. Ces inves- effet, dans toutes les filières d’élevage, tures privilégiant la prise en compte des

5 Sur ce thème, l’Institut de l’Elevage, l’INRA et l’inter AFOCG sont partenaires du projet CASDAR (2011 -2013) «Organisation, productivité du travail et
sens du métier dans des élevages innovants».

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208 / T. CHARROIN, P. VEYSSET, S. DEVIENNE, J.-L. FROMONT, R. PALAZON, M. FERRAND

effets précédent/sensibilité du suivant, des instruments financiers sophistiqués, teurs que leur seul montant ; selon cer-
associations de cultures, autonomie ali- censés permettre une gestion dyna- tains auteurs, les soutiens directs au
mentaire pour les animaux et les plan- mique de l’endettement de ces exploita- revenu seraient sécurisants pour les
tes), tels que les systèmes de polycultu- tions» (Perrot et al 2011). L’éclatement agriculteurs soumis aux aléas de prix
re élevage développés en agriculture des bulles foncières et financières a mis (OCDE 2011) et n’encourageraient pas
biologique, se montrent autant, voire en lumière la fragilité financière d’une forcément l’investissement (Sckohai et
plus rémunérateurs que les systèmes production laitière hautement capitalis- Moro 2009) ; d’autres les présentent
conventionnels (Pavie et Lafeuille tique : le revenu moyen des exploita- comme un outil coûteux et inefficace
2009a et b, Pôle AB Massif Central tions laitières, qui avait atteint près de pour protéger les agriculteurs contre la
2010). De la même manière, les systè- 40 k€/UMO en 2007, est devenu néga- volatilité des prix des produits agricoles
mes herbagers économes qui valorisent tif en 2008 et en 2009 (respectivement et des moyens de production (Kroll
au mieux le fonctionnement de l’éco- - 20 k€/ UMO et - 40 k€) et est resté nul 2010). Les politiques publiques confor-
système (cultures pluriannuelles, asso- en 2010. Les dynamiques de développe- teront-elles cette tendance à l’accroisse-
ciations prairiales à base de légumineu- ment basées sur l’accroissement de la ment de la productivité physique du
ses, utilisation de l’effet précédent productivité physique du travail se sont travail ? Comment se répartiront les
cultural, maximisation du pâturage…) traduites par une agriculture de moins gains de productivité entre les diffé-
et réduisent le recours à des intrants et à en moins familiale au profit d’un mo- rents acteurs de la branche (produc-
des équipements coûteux, se révèlent dèle entrepreneurial dont les capitaux, teurs, industries agro-alimentaires,
être intensifs du point de vue de la très importants par actif, sont de plus en com-merce et consommateurs) ? Quelle
création de valeur ajoutée par hectare, plus détenus par des structures finan- sera l’attractivité du métier d’agricul-
performants en termes de productivité cières. teur ? Enfin quelles seront les demandes
économique du travail et moins dépen- sociétales de demain ?
dants des aides publiques et des ressour- De plus, dans les territoires où le fon-
ces fossiles (Garambois et Devienne cier est limitant, par exemple aux Pays- Quoi qu’il en soit, les systèmes de
2010, Garambois 2011). Bas, il est difficile de concilier au production et les agriculteurs continue-
niveau des systèmes de production l’ac- ront d'évoluer et de s’adapter ; dans
Si l’on sort de la France, on constate croissement de la productivité physique tous les cas, la poursuite de l’analyse
aujourd’hui à travers le monde une du travail et de bonnes performances de la diversité des performances des
grande diversité de niveaux de producti- environnementales. exploitations, notamment pour les sys-
vité physique du travail suivant les sys- tèmes émergents en France et à l'étran-
tèmes de production (Agri benchmark En France, la productivité physique ger, du point de vue de la productivité
2011, IFCN 2011). Ne serait-ce qu’en du travail reste encore faible (180 t de physique mais aussi économique du
Europe, une très large gamme peut être lait/UMO en 2010) au regard de ces travail, sera utile pour l'ensemble des
observée pour la production de lait de pays, mais s’accroît régulièrement. Le
vache. L’analyse de l’évolution dans développement de nouveaux moyens filières d'élevage.
certains bassins laitiers de l’Europe du techniques (notamment automatisation
nord, notamment au Danemark où la et élevage de précision) laisse à penser Remerciements
productivité physique du travail est la que ce mouvement pourrait se poursui-
plus élevée au monde, avec plus de vre. Pour la filière lait de vache, la fin
500 t de lait/UMO, peut être riche en des quotas laitiers se traduira-t-elle par Nous remercions les éleveurs qui
enseignements. Ces dernières années un nouvel accroissement de productivi- participent au dispositif des Réseaux
le phénomène de volatilité des revenus té dans le sillage des pays de l’Europe d’Elevage, les ingénieurs départemen-
y a été encore plus fort que celui que du Nord ? Comment les projets de taux qui assurent le suivi et l’enregistre-
nous avons connu en France. L’accrois- contractualisation vont-ils orienter la ment des données des exploitations et
sement de la productivité se traduit en production ? Le mode d’attribution des les ingénieurs qui animent les équipes
effet par «un besoin en capital toujours aides peut avoir autant d’incidence sur régionales.
plus important, nécessitant un recours à les stratégies d’évolution des agricul-

Références
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Résumé
De tous les secteurs de l’économie, c’est l’agriculture qui a connu l’accroissement le plus rapide de la productivité du travail au cours
des cinquante dernières années. La production en volume de la branche a été multipliée par 2,2 entre 1955 et 2010, grâce à l’utilisa-
tion croissante des intrants et à la mobilisation d’un capital toujours plus important (matériel et bâtiments). Sur cette même période,
la population active agricole est passée de 31 à 3,4% de l’emploi total. Les subventions jouent aujourd’hui un rôle déterminant dans
le maintien du revenu agricole par actif. L’analyse de la productivité du travail pour les filières bovine, ovine et caprine montre que
l’accroissement de la productivité physique et des principaux indicateurs économiques ne vont pas forcément de pair. Il existe des
écarts de productivité physique du travail importants entre systèmes et entre filières. Si, en bonne conjoncture de prix, les systèmes à
haute productivité physique du travail dégagent les meilleurs revenus, une évolution défavorable des prix induit pour ces systèmes une
fragilisation économique révélant ainsi leur faible capacité de résilience. La recherche de cohérence du système de production et de
l’optimisation des moyens de production apparaît toujours comme un élément déterminant des performances économiques.
L’orientation des exploitations sera largement induite par la répartition des gains de productivité entre les différents acteurs de la
branche (producteurs, industries agricoles et alimentaires, commerce et consommateurs) ainsi que par les choix des pouvoirs publics.

INRA Productions Animales, 2012, numéro 2


210 / T. CHARROIN, P. VEYSSET, S. DEVIENNE, J.-L. FROMONT, R. PALAZON, M. FERRAND

Abstract
Labour productivity and economy in herbivore rearing: concepts, analysis and stakes

Labour productivity in agriculture has grown faster than the other sectors of the economy over the last fifty years. Volume produc-
tion of the branch was multiplied by 2.2 from 1955 to 2010, thanks to the increasing use of input and a more important mobilization
of capital (equipment and buildings). At the same time the agricultural labour force decreased from 31 to 3.4% of total employment.
Today, subsidies have a decisive role in the upholding of farm income per worker. The analysis of labour productivity for cattle, sheep
and goat productions shows that the economic indicators are not necessarily linked to an increase in physical productivity. There are
differences in physical productivity of labour between systems and production sectors. In a favourable economic situation, systems
with high physical productivity of labour get the best income, but when the economic situation becomes unfavorable these systems
appear financially weak and reveal their low resilience capability. The consistency of the production system and the optimization of
means of production always appear as a determinant of economic performance. The distribution of productivity gain between the dif-
ferent actors in the sector (producers, agricultural and food industries, trade and consumer) and the choice of government will remain
decisive for farm orientation.

CHARROIN T., P. VEYSSET P., DEVIENNE S., FROMONT J.-L., PALAZON R., FERRAND M., 2012. Productivité du tra-
vail et économie en élevages d’herbivores : Définition des concepts, analyse et enjeux. In : Numéro spécial, Travail en élevage.
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INRA Productions Animales, 2012, numéro 2

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