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Bruno Karsenti
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Centre Sèvres | « Archives de Philosophie »
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BRUNO KARSENTI
Université de Paris I
Les textes que l’on réunit ici, loin de chercher dans l’anthropologie
structurale les linéaments d’une anthropologie philosophique, s’interrogent
plutôt sur ce qu’elle apporte, c’est-à-dire impose à la philosophie en termes
de production conceptuelle.
Selon Sartre, il y a deux manières d’envisager le rapport de l’anthropo-
logie à la philosophie : soit on fait de la première une approche objective que
la philosophie ne peut reprendre qu’en la dépassant ¢ car, pour elle, « la
notion d’homme ne se referme jamais sur elle-même » 1. Soit on admet que la
structure est « constituante », que le plan anthropologique comprend à son
propre niveau l’explication des synthèses selon lesquelles les phénomènes
humains se produisent ¢ et l’on se situe alors résolument en dehors de la
philosophie. Dans l’esprit de Sartre, cette alternative se voulait une réfuta-
tion du « structuralisme radical ». Elle manque cependant sa cible, si l’on
reconnaît que l’anthropologie structurale n’a jamais cherché à se développer
comme une philosophie, alors même qu’il lui arrivait de « braconner » sur
ses terres. Sa force et sa fécondité tiennent seulement ¢ mais c’est sans doute
là l’essentiel ¢ dans ses effets, c’est-à-dire dans son étonnante puissance de
subversion des découpages conceptuels que la réflexion philosophique est
spontanément portée à accréditer. Ce travail du structuralisme est envisagé
de différents points de vue dans les textes qu’on va lire : une autre articula-
tion de la théorie et de la pratique, une autre conception de la logique et de
la langue, une autre vision de l’efficace causale reconduite à l’action de la
forme comme telle. Dans chaque cas, l’image courante du structuralisme est
récusée, et son interprétation s’en trouve libérée, reprise sur des bases
nouvelles, débarrassée des lieux communs qui n’ont pas cessé d’en brouiller
la compréhension, mais aussi confrontée aux limites tracées par l’histoire de
l’anthropologie dont le structuralisme est un chapitre dont la place et la
fonction restent à évaluer.
Comment cerner le sens proprement conceptuel de l’opération structu-
rale, envisagée sur son versant anthropologique ? Pour répondre, il est sans
doute préférable de renverser les perspectives et d’observer Lévi-Strauss
lisant Sartre. On connaît l’objection, mêlée de fascination, adressée à la
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sans que l’on présuppose la distinction comme étant déjà opérée. Faire
l’effort, en philosophe, de rejoindre les problèmes soulevés par Lévi-Strauss,
reviendrait alors essentiellement à ceci : découper et recomposer la réalité
autrement que la philosophie nous y incline, et contraindre du même coup
celle-ci à penser et à se penser sur fond d’une dynamique intellectuelle que
seule une science empirique permet d’explorer.