Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
TAURILLON D'OR ?
Essai sur les mentions d'Aaron en Exode 32, 1-33, 6
Dany Nocquet
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
INTRODUCTION
229
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 230
D. NOCQUET ETR
1. Thomas RÖMER, « Le jugement de Dieu et la chute d’Israël selon Exode 32 », Foi et Vie
91, Cahier Biblique 31, p. 3-14 ; Konrad SCHMID, Erzwäters und Exodus. Untersuchungen zur
doppelten Begründung der Ursprünge Israels innerhalb der Geschichtsbücher des Alten
Testaments, Neukirchen/Vluyn, Neukirchener Verlag, 1999, p. 142.
2. Guy VANHOOMISSEN , En commençant par Moïse. De l’Égypte à la terre promise,
Bruxelles, Lumen Vitae, 2002, p. 195 sqq.
230
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 231
1. LECTURE SYNCHRONIQUE 3
Au fil du récit d’Ex 32, 1-33, 6
Le moteur du long récit du taurillon d’or est l’absence de Moïse en Ex 32,
1-6. Depuis Ex 24, 12 sqq., Moïse est sur la montagne avec Dieu pour y rece-
voir les tables de la loi. Au moment où il revient vers le peuple, il découvre la
faute d’Israël. Malgré le châtiment sévère infligé au peuple après la fabrica-
tion du taurillon d’or par Aaron – 3 000 coupables sont tués (Ex 32, 25-29) –,
la crise n’est pas résolue à la fin du chapitre. Ex 32 s’achève dans la dyspho-
rie par l’annonce d’un fléau, Ex 32, 35, et se poursuit par le deuil du peuple
en Ex 33, 4-6. Ex 32, 1-33, 6 est la première partie d’une histoire qui
s’achève positivement en Ex 34 par le renouvellement de l’alliance.
L’apparition du motif de la tente de Rencontre en Ex 33, 7 et la récurrence de
plusieurs expressions en Ex 32, 1-33, 6 plaident pour l’unité de cette pre-
mière partie.
La désignation du peuple à la « nuque raide » (qeshèh-‘oréph), Ex 32, 9,
dit l’inflexibilité du peuple et son incapacité à suivre les lois de Dieu. La
même image est répétée en Ex 33, 3.5 pour justifier l’absence de Dieu au
milieu d’Israël et la fin de la proximité d’Israël avec YHWH 4.
Le motif du mal ou du malheur (râ‘âh) est d’abord une question posée à
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
231
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 232
D. NOCQUET ETR
L’unité de la narration d’Ex 32, 1-33, 6 est encore soulignée par la répar-
tition des personnages, ce qui permet le découpage suivant.
v.1-6 Au pied de la montagne. En l’absence de Moïse, le
peuple et Aaron construisent un taurillon d’or pour
une fête en l’honneur de YHWH. Le peuple offre des
sacrifices.
Peuple – Aaron – YHWH
v.7-14 Sur la montagne. YHWH réagit fortement et veut suppri-
mer le peuple. Par sa prière, Moïse demande à Dieu de
renoncer à son projet de malheur. Dieu renonce.
YHWH – Moïse
v.15-29 Au pied de la montagne. Moïse descend et détruit le
taurillon.
Il demande des comptes à Aaron. Pour Aaron, le peuple
est mauvais. Aaron a laissé le peuple sans directives.
Les Lévites exécutent un jugement sur le peuple en
massacrant 3 000 hommes sur l’ordre de Moïse
Moïse – Josué – Aaron – Lévites
v.30-34 Sur la montagne. Moïse monte vers le Seigneur pour
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
232
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 233
5. Sur la place d’Ex 34, 11-26 en Ex 32-34 et comme récapitulatif de la loi, voir O. Artus,
op. cit., p. 51-59.
6. La version syriaque contient une autre leçon : « et il craignit ». Le traducteur semble
tenir compte de la position fragile d’Aaron devant le peuple et sa demande.
7. Le peuple s’assemble contre Aaron (wayyîqqâha ‘al-‘aharôn) dans une attitude de pro-
testation. L’utilisation du verbe qâhal avec la préposition ‘al se retrouve essentiellement dans le
livre des Nombres pour signifier le mécontentement et la contestation de Moïse et d’Aaron,
Nb 16, 3 ; 17, 7 ; 20, 2.
8. Bernard RENAUD, L’alliance, un mystère de miséricorde. Une lecture d’Exode 32-34,
Paris, Cerf, 1998, p. 138-143.
233
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 234
D. NOCQUET ETR
234
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 235
11. Le récit ne précise pas explicitement les destinataires de ces sacrifices. L’ambiguïté du
passage laisse penser qu’il s’agit à la fois des dieux fabriqués et de YHWH.
12. B. RENAUD, op. cit., p. 142, propose une lecture inverse en faisant d’Aaron, un anti-
Moïse. Il comprend l’attitude d’Aaron comme une preuve qu’il fait du taurillon une divinité.
B. Renaud ne prend pas en compte le fait qu’il n’est pas dit qu’Aaron voit le taurillon, mais
qu’il voit clairement que cet objet, le peuple en a fait une divinité. À l’appui de notre lecture du
texte massorétique, notons que la LXX implique bien davantage Aaron que le TM. Dans la
LXX, Aaron désigne le taurillon comme « les dieux qui ont fait sortir d’Égypte », et sacrifie
lui-même sur l’autel devant le taurillon. L’écart entre TM et LXX indique l’interrogation que
suscita l’implication d’Aaron dans cette histoire.
13. Ex 32, 21-25 permet d’expliciter l’attitude d’Aaron. Notre lecture n’est pas éloignée de
la tradition midrashique et de l’exégèse de Rachi pour lesquelles la construction de l’autel de la
part d’Aaron n’était qu’une action de diversion dans l’espoir du retour imminent de Moïse.
Rachi explique ainsi la parole prononcée par Aaron : « C’est fête pour l’Éternel demain » (et
non pas aujourd’hui) il espérait que Moïse reviendrait avant qu’ils ne l’aient adoré. » Rashi suit
le Midrash qui propose trois explications : « Pourquoi Aaron n’a-t-il pas refusé de faire ce que
le peuple demandait ? Réponse : il a bien compris que ce serait parfaitement inutile, puisqu’ils
avaient assassiné Hour pour cette raison. Mais pourquoi a-t-il lui-même fabriqué l’idole ?
Réponse : il préférait être seul rendu responsable de la faute commise. Mais alors pourquoi
avoir construit un autel en plus du seul veau d’or ? Réponse : il avait la certitude que toute
l’entreprise serait déjouée par le retour de Moïse, qui reviendrait avant que ne fût achevé le
travail de longue durée qu’il voulait faire de ses propres mains. Elie MUNK, éd., Le Pentateuque
en cinq volumes suivis des HAPHTAROTH avec TARGUM ONQUELOS, accompagné du
commentaire de Rachi. Tome II. L’Exode, Paris, Fondation Samuel et Odette Levy, 1990,
p. 287.
235
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 236
D. NOCQUET ETR
nisation du taurillon d’or. Et c’est bien ainsi que la suite du récit comprend
l’attitude du peuple. En Ex 32, 7-20 14, Dieu laisse éclater sa colère devant
Moïse qui est seul avec lui sur la montagne depuis Ex 24, 12. Notons qu’il
n’y a aucune attaque précise contre Aaron de la part de Dieu dans ces versets.
Sa colère s’enflamme seulement contre l’attitude du peuple, la suite du
dialogue avec Moïse ne concerne que le peuple qui « s’est mal conduit »
(kî shîhèt ‘ammekhâ) et au v. 8 : « Ils se sont écartés (sâroû) bien vite du
chemin 15. » Moïse a ici une place déterminante16.
L’action des fils d’Israël est interprétée de manière radicale par Dieu
comme action qui conduit à la destruction et à la mort. Il s’agit d’une déso-
béissance (déviance) fatale par rapport au chemin prescrit et d’un rejet de
YHWH pour d’autres dieux. L’interprétation de Dieu laisse penser que la
fabrication du taurillon d’or n’est pas seulement la violation du second com-
mandement, mais aussi du premier : « Tu n’auras pas d’autres dieux face à
moi. » Dans sa colère, Dieu veut supprimer le peuple « à la nuque raide »
pour en commencer un nouveau avec Moïse 17. Mais Dieu demande à Moïse
de le laisser en paix pour qu’éclate pleinement sa colère. Cette injonction
souligne la place indispensable de Moïse et permet de comprendre qu’il par-
tage la responsabilité de ce peuple avec Dieu 18.
En Ex 32, 11-14, au sommet de la montagne, Israël est sauvé de la colère
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
14. Pour une étude approfondie de ces versets, voir Hans-Christoph SCHMITT, « Die
Erzählung vom Goldenen Kalb Ex 32 », in Steven L. MCKENZIE, T. RÖMER et H. H. SCHMID,
éd., Rethinking the Foundations. Historiography in the Ancient World and in the Bible. Essays
in Honor of John van Seters, Berlin/New York, W. de Gruyter, 2000, p. 235-250 ; et Theologie
in Prophetie und Pentateuch. Gesammelte Schriften, Berlin/New York, W. de Gruyter, 2001,
p. 311-325.
15. Le verbe shâhat, conjugué ici à l’intensif (piel), veut dire « corrompre, dévaster,
détruire ». Ce verbe est utilisé pour signifier la corruption de l’humanité, Gn 6, 17. Il s’agit
d’une action qui conduit à l’anéantissement et à la mort. Dieu refuse de « corrompre », de
détruire Juda, 2 R 8, 19 (emploi factitif, hiphil). Le verbe sour « pencher vers, tourner » est
abondamment utilisé pour décrire les penchants d’Israël pour les autres divinités.
16. Moïse a une place essentielle dans la suite d’Ex 32-34. Moïse obtient une réponse de
Dieu après chacune de ses interventions jusqu’à l’obtention d’un pardon. « Dieu est accessible
à l’intercession humaine », O. ARTUS, op. cit., p. 57.
17. De la même manière que Dieu recommence l’humanité avec Noé, dans le « naufrage »
du veau d’or, il envisage de recommencer avec Moïse sans Israël, T. RÖMER, Le jugement,
p. 10 sqq., qui fait d’Ex 32 un récit de chute, sorte de péché originel d’Israël, en la comparant à
Gn 2-3.
18. Cela permet d’expliquer la désignation d’Israël de « ton peuple » dite à la fois par
Moïse et Dieu en Ex 32, 7.11. Moïse et Israël sont indissociables et la suite du récit souligne
cette solidarité inamovible, Ex 32, 32.
236
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 237
conduit Dieu à renoncer « au mal » contre son peuple, Ex 32, 14 19. Par la
prière de Moïse, le narrateur souligne son rôle capital dans la médiation entre
Dieu et Israël qu’éclaire la suite du récit.
Le récit de la descente de Moïse vers le peuple en Ex 32, 15-20 insiste sur
la qualité exceptionnelle des tables comme « œuvre de Dieu » (ma‘asèh
élôhîm), écriture comprise. La description des tables donne une connotation
tragique à leur destruction, manifestant la rupture totale entre YHWH et le
peuple qui s’est choisi d’autres dieux. L’épisode avec Josué permet d’intro-
duire le personnage et de le disculper de toute participation à l’idolâtrie du
taurillon. Le personnage disparaît dans la suite du récit. En brûlant et en
réduisant le taurillon en poussière, Moïse s’oppose aux dieux devant lesquels
les fils d’Israël s’étaient prosternés. De manière ironique et symbolique, les
cendres mélangées à de l’eau sont absorbées par le peuple, Israël met fin,
grâce à Moïse, à sa propre idolâtrie et refuse déjà les autres dieux en absor-
bant les objets les représentant 20.
Ex 32, 21-25 21
Ex 32, 21. Moïse dit à Aaron : « Que t’a fait ce peuple que tu aies fait
venir sur lui un grand péché ? » 22 Aaron répondit : « Que la colère de
mon maître ne s’enflamme pas ! Toi, tu connais le peuple, comme il est
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
237
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 238
D. NOCQUET ETR
tion assez rare 23. Cette construction verbale distingue clairement l’action de
l’expéditeur de celle du destinataire qui se trouve en situation difficile,
passible d’un châtiment. L’usage particulier de ce verbe indique l’extériorité
d’Aaron par rapport aux actes commis par le peuple (32, 31, le peuple a
commis le grand péché). Aaron n’a pas adoré le taurillon. La dissociation
entre Aaron et le peuple est manifeste. Aaron n’a nul besoin de se repentir,
Aaron est aux côtés de Moïse que le peuple a rejeté. Il lui reconnaît le
premier rôle et l’autorité, en maître, dont la colère est comparable à celle de
Dieu dans le récit.
Ce verset souligne le rôle d’Aaron dans la mise en scène qui aboutit à
révéler l’état du peuple. Un constat qu’Aaron fait au v. 23b « car il est dans le
mal, lui » (kî berâ‘ hoû’) en le situant dans une proximité avec Moïse. En
effet, il y a un jeu d’assonance entre le constat d’Aaron et celui fait par
Moïse « car il est débridé, lui » (kî phâroua‘ hoû’) au v. 25a. Aaron rend
manifeste la culpabilité du peuple 24.
Au v. 24, plusieurs auteurs notent la tension entre le v. 4 dans lequel
Aaron fabrique le taurillon et le v. 24 où il n’est pas responsable de la fabri-
cation de la statue. La réponse d’Aaron serait une esquive maladroite où il
refuserait d’assumer sa part de responsabilité dans cette affaire 25. À notre
avis, la pointe du verset ne porte pas sur la responsabilité d’Aaron et sa
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
23. La conjugaison du verbe bô’ au hiphil suivi de la préposition ‘al est assez rare.
Gn 6 17 : « […] je fais venir sur la terre le déluge […] » ; Ex 11, 1 : « Je vais faire venir encore
un fléau[…] », Dieu est le sujet principal du verbe « faire venir sur » dans des situations
conflictuelles entre l’humanité et pharaon. En Gn 26 10 : « […] tu as fais venir sur nous une
faute » ; Isaac est le sujet du verbe dans l’altercation avec Abimélek. Il n’est l’objet d’aucune
punition, et il reçoit au contraire l’assurance d’une protection de la part d’Abimélek. Situations
lourdes de menaces pour le destinataire.
24. La Bible. Ancien Testament I, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade »,
1975, p. 270 ; E. BLUM ; op. cit., p. 55, n° 42.
25. Ibid. ; B. RENAUD, op. cit., p. 152. Pour un résumé des différentes opinions, voir
Brevard S. CHILDS, The Book of Exodus, 3e édition, Louisville, Westminster Press, 1974,
p. 569-570.
26. L’ironie du verset consiste à reprendre le motif du feu qui à la fois fabrique et détruit le
taurillon au v. 20.
27. B. RENAUD, op. cit., p. 62 pense que l’écart entre Ex 32, 1-6 et Ex 32, 24 accuse Aaron.
Le rédacteur de ces versets fait d’Aaron une « triste figure qui se défausse de ses responsabili-
tés ».
238
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 239
28. Ibid., p. 63, où il constate que ce verset est une sorte de conclusion des v. 21-24.
29. B. CHILDS, op. cit., p. 569-570, voit également dans ce verset le reflet de la faiblesse
d’Aaron qui contraste avec la force de Moïse. Aaron ne peut même pas freiner le peuple alors
que Moïse arrive à limiter même la colère de Dieu.
30. C’est l’interprétation de B. RENAUD, op. cit., p. 152. On peut objecter qu’Aaron n’est
encore investi officiellement d’aucune mission sacerdotale.
31. Le terme « raillerie, dérision » shîmetsâh est utilisé une seule fois. Ce terme est lié à la
racine shâmats « murmurer », Jb 26, 14. La signification demeure incertaine.
32. De manière générale, on souligne le caractère énigmatique de l’expression, B. RENAUD,
op. cit., p. 64 ; Joachim HAHN, « Das Goldene Kalb ». Die JahweVerehrung. Die Stierbildern in
der Geschichte Israels, Francfort-sur-le-Main/Berne, Peter Lang, 1991, p. 63-70. Le terme
désigne l’adversaire direct de Dieu en Ex 15, 7 ; Dt 33, 11 et Ps 74, 23 ; 44, 6 ; il désigne
l’adversaire du psalmiste ou de David que Dieu a vaincu, 2 S 22, 40, 49 ; Ps 18, 40, 49 et
Jr 51, 1. « Ses » adversaires, ce sont les ennemis de Dieu plus que ceux du peuple.
239
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 240
D. NOCQUET ETR
240
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 241
35. Il s’agit du même verbe en Ex 7, 27 et 12, 23, lorsque Dieu « frappe » l’Égypte par les
plaies.
36. B RENAUD, op. cit., p. 165-169, compare le dépouillement des Israélites à celui des
Égyptiens en Ex 3, 20-22. Le même verbe nâtsal est utilisé. L’enrichissement des Israélites a
été éphémère.
37. Le terme désigne des bijoux d’hommes ou de femmes en 2 S 1, 24 ; Jr 2, 32 ; 4, 30. Il
est ici métaphore de l’attachement de Dieu à Israël, Jr 2, 32. Il est utilisé dans un contexte
d’infidélité à Dieu, Israël se pare pour ses amants, Jr 4, 30. Il est le matériau dont on fait les
idoles en Ez 7, 20 ; Ez 16, 7, 11 utilise le mot pour dire la restauration, la purification et la
beauté d’Israël. En Es 49, 18, le terme est une métaphore du retour.
241
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 242
D. NOCQUET ETR
diaires à l’ombre de Moïse, Aaron, Josué, les fils de Lévi. Ils sont collabora-
teurs de Moïse, une collaboration qui permet de légitimer leur fonction, leur
place. Il en est ainsi pour Josué et les fils de Lévi. Josué apparaît sur la
montagne à côté, il est donc épargné par l’affaire du taurillon et n’est pas
compromis par l’action cultuelle illégitime des Israélites. Les fils de Lévi
apparaissent également de manière inopinée dans le récit. Ils sont associés à
Moïse pour exécuter le châtiment lié à l’idolâtrie et à la pratique d’autres
cultes que celui de YHWH. Ils sont « investis » comme gardien de l’ortho-
doxie du culte rendu à YHWH.
En ce qui concerne Aaron, malgré l’ambiguïté première du personnage,
nous avons pu montrer qu’il n’est pas impliqué dans la divinisation du tau-
rillon. Son rôle est de révéler l’état du peuple : « Un peuple dans le mal » 38.
L’attitude d’Aaron permet de dévoiler que derrière le rejet de Moïse, les
Israélites renoncent à YHWH comme seul Dieu. Par son action, Aaron met en
évidence l’attachement polythéiste des Israélites qui vénèrent des dieux
fabriqués aux côtés de Y HWH . En manifestant la situation de péché du
peuple, le personnage d’Aaron permet d’introduire le motif de la présence de
Dieu au milieu du peuple, c’est-à-dire l’impossibilité d’une relation proche et
vivante entre Dieu et Israël.
D’un point de vue narratif, l’extériorité d’Aaron par rapport au peuple,
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
38. Ce constat rappelle celui que fait Dieu en Gn 8, 21 : « La pensée du cœur de l’homme
est mal depuis sa jeunesse » (kî yètsér lèv hâ’âdâmâh ra‘).
39. Sur l’ensemble de ces chapitres, voir Erhard BLUM, « Israël à la Montagne du Sinaï.
Remarques sur Ex 19-24 ; 32-34 et sur le contexte littéraire et historique de sa composition »,
in Albert de PURY, éd., Le Pentateuque en question, Genève, Labor et Fides, 1989, p. 271-295 ;
B. RENAUD, op. cit. ; Jacques VERMEYLEN, « L’affaire du veau d’or (Ex 32-34). Une clé pour la
question deutéronomiste ? », ZAW 97, 1985, p. 1-22 ; Peter WEIMAR, « Das Goldene Kalb.
Redaktionskritische Erwâgungenzu Ex 32 », BiNo 38/39, 1987, p. 117-160.
40. L’historiographie deutéronomiste désigne traditionnellement les livres bibliques de
Josué à 2 Rois. Il s’agit d’un important travail de composition autour de l’Exil. Dans la
recherche actuelle, elle est l’objet d’une relative remise en cause, cf. Albert de PURY, Thomas
RÖMER, Jean-Daniel MACCHI, Israël construit son histoire. L’historiographie deutéronomiste à
la lumière des recherches récentes, Genève, Labor et Fides, 1996.
242
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 243
ment interprétée 41. Une première indication est fournie par la comparaison du
récit d’Ex 32 avec celui de Dt 9-10. Les correspondances avec Dt 9-10 déli-
mitent en Exode un récit du taurillon d’or cohérent en Ex 32, 7-20 et 34, 1-4,
28a. Pour B. Renaud et J. Vermeylen, les correspondances littérales sont à
comprendre comme un récit de base, pré-deutéronomiste (prédtr) pour l’un et
deutéronomiste (dtr) pour l’autre, composés à partir des éléments communs
entre les deux versions. J. van Seters attribue l’essentiel d’Ex 32 à un auteur
yahwiste (J) à l’époque postexilique, une version complétée par un travail
rédactionnel sacerdotal (P) 42.
La version du Deutéronome est plus concise que celle de l’Exode 43.
L’ordre des événements diffère d’un passage à l’autre. La prière de Moïse
intervient à la fin des événements dans le Deutéronome où le récit dtr
demeure orienté vers l’apostasie du peuple. L’élargissement de l’épisode du
taurillon d’or en Ex 32-34 doit donc être lu comme un commentaire de la
version du Deutéronome. Cet élargissement met en exergue le personnage
d’Aaron, qui ne joue aucun rôle dans les versets parallèles en Deutéronome,
excepté en Dt 9, 20. Dt 9, 20 n’est pas indispensable au récit du
Deutéronome et ne fait jamais mention du geste de fabrication d’Aaron.
C’est le seul passage où il est question de la volonté de Dieu d’exterminer
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
243
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 244
D. NOCQUET ETR
244
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 245
livre des Nombres 49. La fabrication du taurillon avec tout l’or des boucles
d’oreilles évoque celle de l’éphod par Gédéon (Jg 8, 22-28) 50. Ex 32, 1-6
s’inspire et connaît la tradition deutéronomiste, mais il l’utilise pour y
apporter d’autres éléments non dtr. La critique d’Ex 32, 1-6 dépasse la
dénonciation dtr de l’idolâtrie liée à d’autres divinités comme le montre la
comparaison avec 1 R 12.
En effet, Ex 32, 1-6 a surtout été comparé avec 1 R 12, 26-34 51 pour en
déterminer le caractère dtr. Les termes « taurillons d’or » (expression au
pluriel) appartiennent aux deux récits. L’attitude d’Aaron rappelle celle de
Jéroboam I er. L’un et l’autre accomplissent des gestes voisins, avec la
construction d’un autel et l’organisation d’une fête autour de cet objet. Le
même terme « fête » (hag) 52 est utilisé dans les deux textes, mais à la diffé-
rence de 1 R 12, 32, Ex 32 contient l’expression « fête pour YHWH » (hag
leyhwh), le terme se trouve seulement en Ex 13, 6, cela donne un caractère
solennel et en même temps ironique à l’initiative d’Aaron. Ces rapproche-
ments sont peu flatteurs pour Aaron. Ils en font un personnage douteux et
proche de la figure honnie de Jéroboam Ier, figure emblématique de l’infidé-
lité d’Israël dans l’histoire deutéronomiste. La comparaison induit l’interpré-
tation qu’Ex 32, 1 sqq. est une critique du sacerdoce aaronide comme 1 R 12
est une condamnation de Jéroboam et de la royauté du Nord. La critique
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
49. La composition du livre des Nombres est l’objet d’une attention renouvelée. On y
reconnaît notamment en Nb 11-25 un matériau sacerdotal et un matériau non sacerdotal,
O. A RTUS , Études sur le livre des Nombres. Récit, histoire et loi en Nb 13, 1-20,13,
Fribourg/Göttingen, Éditions universitaires, Vandenhoeck & Ruprecht, 1997 ; R. ACHENBACH,
Die Vollendung der Tora. Studien zur Redaktionsgeschichte des Numeribuches im Kontext von
Pentateuch und Hexateuch, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2003 ; T. RÖMER, J.-D. MACCHI et
C. NIHAN, éd., op. cit., p. 203-207.
50. Jg 8, 24-27 contient un accent dtr marqué par l’usage du mot « piège » caractérisant la
fabrication de l’éphod, ce même terme signale les menaces d’infidélité à YHWH dans l’histoire
deutéronomiste. L’or consacré à l’idole fait aussi penser à la tradition d’Os 2, 10 où le prophète
dénonce l’attitude d’Israël qui utilise l’or pour Baal.
51. T. RÖMER, op. cit., p. 2-8 ; J. van SETERS, The Life, p. 295 sqq. ; J. BLENKINSOPP, The
Narrative, p. 102-104.
52. L’emploi du mot « fête » : Os 2, 13 ; 9, 5. Le mot est fréquent en Ex 10, 2 ; 13, 6 ;
23, 15 ; 32, 5; Ex 34, 18.22.25 ; Lv 23, 6. 34. 41 ; Dt 16, 10.13.16 (à propos de la fête des pains
sans levain).
53. J. VERMEYLEN, L’affaire, p. 16, attribue ces versets à Dtr tardif. Ils refléteraient la diffi-
culté de l’installation d’un sacerdoce aramide au retour de l’exil ; T. RÖMER, op. cit., y voit une
critique du sacerdoce aaronide en tant que sacerdoce qui aurait été lié à Béthel.
54. Dans le Pentateuque, les rédacteurs rappellent avec Nb 20 que même les personnages
éminents n’échappent pas à la sanction divine.
245
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 246
D. NOCQUET ETR
d’1 R 12 avec un autre objectif que celui de Dtr 55. La comparaison entre
1 R 12, 26-33 et Ex 32, 1-6 fait apparaître des différences considérables sur
la fabrication du veau d’or, l’organisation du culte et sur l’adoration de cette
fabrication.
La fabrication du taurillon 56. 1 R 12 est totalement silencieux sur la
manière dont le roi fabrique les jeunes taureaux de Béthel et de Dan 57. Il y a
là une différence essentielle avec Ex 32 qui détaille la fabrication exécutée
par Aaron à l’aide d’un terme technique (tsour) qu’on retrouve en 1 R 7, 15 à
propos de la colonne de bronze 58. Ce verbe voisin et synonyme de yâtsar
« fabriquer, réaliser » (plus fréquent) se trouve surtout dans le second Esaïe 59.
En Es 44, 9-10, 12, le prophète dénonce la fabrication des idoles et des dieux
faits de main d’homme (cf. aussi Ha 2, 18). L’usage de cette racine en
Ex 32,4 fait référence au travail artisanal qui manifeste l’aspect créé et non
divin de l’œuvre. Le travail artisanal de l’homme signifie la non-divinité des
idoles. La description du processus de fabrication va jusqu’à parler de l’outil
avec le mot « burin, stylet » (héréth) qui a un seul autre emploi en Es 8, 1 60
(Es 44, 12 utilise un terme synonymique : ma‘atsâd). Enfin, et surtout, en
Ex 32, 4, Aaron fabrique le « métal fondu » (massèkah). Ce terme absent de
1 R 12, 26-33 appartient au second Esaïe, Es 42, 17.
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
246
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 247
247
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 248
D. NOCQUET ETR
65. M. ABERBACH, L. SMOLAR, « Aaron, Jeroboam, and the Golden Calves », JBL 86,
1967, p. 129-140 ; T. RÖMER, op. cit., p. 8.
66. J. BLENKINSOPP, The Narrative, p. 102-104, le considère comme présupposant Dtr ;
J. VERMEYLEN, op. cit., L’affaire, p. 16, y voit un texte dtr tardif (525) ; pour J. van SETERS, The
Life, p. 295, le début du récit de base J postdtr. Malgré des divergences de datation, un consen-
sus fait encore d’Ex 32, 1-6 le début du récit de base d’Ex 32 : Erik AURELIUS, Der Fürbitter
Israels. Eine Studie zum Moseslied im Alten Testament, Stockholm, coll.
« Conjectanea Biblica, Old Testament Series 22 », 1988, p. 65 et 460 ; John I. DURHAM,
Exodus, Waco, Word Books Publisher, 1987, p. 415 sqq. ; J. HAHN, op. cit., p. 170 sqq. ;
T. RÖMER, op. cit., p. 7 ; H. C. SCHMITT, op. cit., p. 312 sqq. ; P. WEIMAR, Das Goldene Kalb,
p. 142 sqq. ; B. RENAUD, op. cit., p. 138-143, le considère comme un texte dtr qui ne fait pas
partie du récit premier d’Ex 32 ; J. VERMEYLEN, op. cit., p. 8 sqq. attribue Ex 32, 2-4 à la
deuxième rédaction dtr (Dtr 575) ; H. C. SCHMITT, op. cit., p. 316 pense que le texte de base
d’Ex 32 dépend de DtrH (Historien deutéronomiste).
67. B. RENAUD, op. cit., p. 54-55.
68. G. VANHOOMISSEN, op. cit., p. 197, n° 41 reconnaît la dénonciation sous-jacente du
polythéisme.
248
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 249
cité de Dieu font d’Ex 32, 1-6 un premier ajout non dtr et tardif à l’épisode
du taurillon d’or.
Ex 32, 21-25
D’un point de vue historique, la cohérence de ces versets et leurs liens
logiques avec l’ensemble du récit serait difficile à saisir 69. Ex 32, 21-25 se
situe pourtant dans la continuité d’Ex 32, 1-6 par la présence d’Aaron, la
reprise de la demande du peuple d’avoir des « dieux qui marchent devant
nous » et du motif de l’absence de Moïse, le rappel de l’acte d’Aaron. Ces
versets appartiennent donc au même niveau de composition qu’Ex 32, 1-6.
Pour ce qui concerne l’interprétation du dialogue entre Moïse et Aaron, il
est lu le plus souvent telle une séance de reproches faits au grand prêtre 70.
Une telle interprétation conduit à une contradiction insurmontable. Comment
Aaron, père de la lignée sacerdotale la plus prestigieuse peut-il être tenu pour
responsable du « grand péché » du peuple à l’égard de YHWH sans avoir été
aussitôt écarté du sacerdoce pour YHWH comme Jéroboam fut condamné en
2 R 17, 21 ? Une autre interprétation doit être envisagée.
Cela a été souligné précédemment, l’intervention de Moïse : « Que t’a fait
ce peuple? », met en évidence la séparation et l’opposition entre Aaron et le
peuple. Moïse ne reproche pas à Aaron d’avoir fabriqué le taurillon d’or,
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
249
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 250
D. NOCQUET ETR
71. En Lv 27, 11-14, dans le cadre d’une offrande non présentable à YHWH, le prêtre déter-
mine la valeur de l’offrande selon qu’elle est bonne ou mauvaise. » (bèyn thôv oûbeyn râ‘)
72. La LXX propose une autre interprétation de la situation du peuple : « à cause de la
violence de ce peuple ».
73. Ce verset annoncerait la condamnation deutéronomiste d’Israël, voir 1 R 14, 16 et
2 R 17, /18.
74. Ex 32, 26-29 fait intervenir les Lévites pour châtier ceux qui sont responsables d’avoir
conduit le peuple dans la vénération du taurillon d’or. Ces versets appartiennent à la phraséo
logie dtr.
75. Ex 32, 31-34 décrit Moïse dans une fonction sacerdotale. Il monte vers Dieu pour
« obtenir l’absolution » (vocabulaire au caractère sacerdotal prédominant). Le terme absolution
apparaît en Ex 32, 30 pour la première fois. Moïse est ici le modèle du grand prêtre et légitime
la fonction que la lignée aaronide prendra à son compte dans la suite de l’histoire. En Nb 17, 6-
28 (Nb 17, 6-15 est construit sur une typologie comparable, avec la révolte du peuple, la colère
de YHWH voulant anéantir le peuple et l’intervention de Moïse et d’Aaron prenant en charge
l’absolution), la fonction du rite d’absolution est désormais assumée par Aaron pour éloigner le
fléau du peuple. Elle anticipe un certain nombre de passage dans lesquels le grand prêtre
obtient l’arrêt d’un fléau et le pardon de Dieu, Nb 25, 13. En Ex 32, Aaron n’est pas encore
titulaire de cette charge.
76. E. BLUM, Studien, p. 57-58 considère que les versets 34-35 présupposent non seulement
la chute du royaume du Nord, mais aussi celle de Juda ; T. RÖMER, op. cit., p. 8, relie la men-
tion du verbe pâqad « visiter » à Am 3, 14 et le péché d’Israël (Ex 32, 30 sqq.) à la critique
oséenne du veau de Samarie, Os 8 1 sqq. ; 10, 1 sqq. ; 13, 1 sqq.).
250
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 251
77. B. RENAUD, op. cit., p. 68-74, note le caractère composite d’Ex 33, 1-34, 9 sqq. et
168 sqq. ; E. BLUM, Studien, p. 369. Ex 33, 2 sqq. présupposerait non seulement Dtr mais aussi
« KD », cf. supra, n° 40.
78. La figure de l’ange comme Ersatz « substitut » de la présence de Dieu se trouve en
Ex 23, 20.23 ; Jg 2, 1 (ou encore 34, 19) : E. BLUM, Studien, p. 58-60 considère Ex 33, 2
comme un re-travail avec l’ange (« m’l'ak-Bearbeitung »), de même le v. 4.
79. Il y a une contradiction entre l’attitude du peuple au v. 4 qui renonce à porter ses
parures et le v. 6 dans lequel le peuple se dépouille de ses habits de fête. On peut se demander
si le v. 4 n’aurait pas une place plus naturelle après le v. 5, voir B. RENAUD, op. cit., p. 165-169.
La mention des habits de fête fait directement écho à l’intervention de Josué et à son échange
avec Moïse au sujet des chants qui proviennent du peuple.
80. Ex 33, 7-11 introduit le motif de la tente de Rencontre qui est une autre manière de par-
ler de la présence de Dieu, voir E. BLUM, Studien, p. 62. B. RENAUD, op. cit., p. 165 sqq., note
la rupture qu’introduit Ex 33, 7-11 entre Ex 33, 1-6 et Ex 33, 12-23.
251
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 252
D. NOCQUET ETR
81. T. RÖMER, op. cit., p. 1 ; B. RENAUD, op. cit., p. 249-254 ; G. VANHOOMISSEN, op. cit.,
p. 193, n° 29. Ex 32 serait un récit étiologique en faveur des Lévites, alors qu’Ez 44, 10-12
dénonce le sacerdoce lévitique et légitime leur rôle second par rapport aux prêtres.
82. B. RENAUD, op. cit., p. 133-135, pense que l’utilisation de l’image du taurillon fait réfé-
rence à une des expériences religieuses des plus menaçantes pour la foi yahwiste telle que la
rapporte Osée. Am 3, 14 annonce le jugement de Béthel au jour de la « visite », même utilisa-
tion du verbe en Ex 32, 34.
83. J. BLENKINSOPP, The Judean Priesthood, p. 34 sqq., pense que Béthel est demeuré un
sanctuaire important à l’époque exilique et au début de l’après-exil et qu’il fut un pied à terre
pour les prêtres aaronides.
84. Dans l’historiographie deutéronomiste, le personnage d’Aaron est une figure rare, mais
les quelques mentions qui s’y trouvent ne lui sont pas défavorables. Les passages suivants
témoignent d’une relative sympathie à l’égard d’Aaron, fils de Lévi. En Jos 21, 4.10.13.19 ; les
Lévites sont désignés « fils du prêtre Aaron ». Il y a même une superposition des fonctions
entre prêtres et Lévites en Jos 21, 19. Il semble qu’on ait affaire ici à une harmonisation. En
Jos 24, 5 et 33 la figure d’Aaron apparaît en bonne place aux côtés de Moïse comme figure
libératrice d’Israël. La mort d’Éléazar avec la mention généalogique d’Aaron au v. 33 est
comparable en bien des points à celle de Josué. Il y a une certaine égalité dans la présentation
de la mort des deux personnages qui évoque les présentations semblables des morts de Moïse et
Aaron (Dt 34 et Nb 20). Dans le livre des Juges, Jg 20, 28, la figure de Pinhas, fils d’Éléazar et
d’Aaron se trouve associée à la fonction de l’arche comme emblème guerrier de la présence de
YHWH au combat. Enfin en 1 S 12, 6 et 8 Moïse et Aaron sont deux personnages liés et associés
à la sortie d’Égypte. Ces mentions sont-elles des ajouts éditoriaux ? Quoi qu’il en soit, on ne
peut guère s’appuyer sur ces évidences textuelles pour affirmer une animosité dtr contre le
personnage d’Aaron.
252
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 253
contre le grand prêtre (Nb 20 85), une critique sans conséquence logique indis-
pensable, en contradiction avec une théologie dtr prônant l’élimination des
idolâtres. Au milieu de l’architecture d’Ex 25-40 attribué essentiellement à la
composition sacerdotale qui consacre le rôle d’Aaron comme grand prêtre, il
demeure étonnant qu’Ex 32-34 puisse contenir une critique faisant du grand
prêtre Aaron, le plus grand des apostats au culte unique de Y HWH . Le
Pentateuque décrit Aaron, depuis Ex 4, comme le personnage le plus impor-
tant après Moïse. Sa charge déjà annoncée de grand-prêtre n’est guère com-
patible avec la rupture religieuse totale dont il serait l’initiateur.
Ex 32, 1-33, 6 en son état final n’est pas le reflet d’une critique dtr ou
d’une opposition entre les Lévites et Aaron. Il se situe également dans le
contexte d’une théologie de l’unicité de Dieu, comparable au second Esaïe,
où Aaron révèle la pratique polythéiste de la fabrication de faux dieux, situa-
tion dans laquelle se trouve encore le peuple, même après la théophanie du
Sinaï. Malgré l’ambiguïté du personnage, cette fonction de manifestation de
la situation religieuse du peuple est incompatible avec l’interdit de la fabrica-
tion de dieux en métal fondu. Le personnage renvoie déjà aux fonctions
sacerdotales de distinction et de séparation qu’occuperont Aaron et sa dynas-
tie. Aaron assure la légitimité du sacerdoce aaronide dans un contexte de
crise monothéiste.
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 12/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.191.220.73)
253
ETR/Nocquet 12/06/06 14:10 Page 254
D. NOCQUET ETR
Cela prépare ainsi le lecteur au rôle que joue la tente de Rencontre à partir
d’Ex 33 jusqu’en Ex 40 et en Lévitique, lieu d’une proximité renouvelée
avec Dieu, lieu d’alliance et d’absolution. La narration sacerdotale donne à
ce lieu la fonction de « Sinaï portatif », rappelant la montagne de Dieu
comme lieu de la miséricorde et du pardon renouvelés malgré le péché du
peuple. Dans l’ensemble Ex 25-40, la question de la présence du Dieu unique
au milieu d’Israël pécheur se trouve ainsi résolue par la médiation sacerdo-
tale qui permet la rencontre et la proximité avec Dieu. Voilà pourquoi Aaron
ne fut pas châtié après la fabrication du taurillon d’or.
CONCLUSION
254