Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
RÉFLEXIONS AUTOUR DE
L’ESSENCE DU CHRISTIANISME D’ADOLF VON HARNACK
Dan Jaffé
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
*
Dan JAFFÉ est maître de conférences en Histoire des religions à l’université Bar-Ilan, Tel-Aviv.
L’auteur remercie Pierre Gisel pour la relecture attentive de son article.
587
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page588
1
Voir Adolf von HARNACK, L’Essence du christianisme. Textes et débats. Édition, traduction, intro-
duction et notes de Jean-Marc Tétaz, Genève, Labor et Fides, coll. « Histoire et Société », 2015, p. 27.
588
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page589
maison » jusqu’à un Dieu présent tel « l’air que l’on respirait » qu’il y a lieu
d’appréhender la prédication de Jésus. Dieu n’est plus étriqué parmi « un
labyrinthe de défilés étroits, d’impasses et d’issues secrètes », il sort de la loi
qui l’enferme et se trouve enfin libéré grâce au message de Jésus. Jésus
inaugure la présence d’un Dieu vivant annonçant « la noblesse de l’âme » et clôt
l’« industrie terrestre » du divin2.
Il est évident que ces propos choisis parmi tant d’autres du même acabit
sont de l’ordre du jugement de valeur. La perspective d’Harnack est de dresser
une ligne de démarcation entre une approche archaïque et surannée et une autre,
épanouissante et libératrice. La question est toutefois complexe : certaines
modalités d’expression et d’enseignement de Jésus se démarquent in situ de
celle des pharisiens. Cependant cela n’empêche nullement de situer l’homme
Jésus au sein de ce mouvement. On sait en effet que le mouvement pharisien
était loin de représenter une entité monolithique ; il était plutôt composite et
ramifié. Il n’y avait donc pas une école pharisienne, mais des écoles phari-
siennes. Ces écoles se composaient de nombreuses ramifications différentes
les unes des autres, des différences qui, d’ailleurs, se retrouvent parmi les
figures rabbiniques plus tardives. Jésus trouve sa place au sein de cette plura-
lité, il partage avec d’autres pharisiens la croyance en la résurrection des corps
plutôt que la croyance dans l’immortalité de l’âme (que l’on trouve chez les
esséniens). Jésus est également influencé par les modes de raisonnements
textuels et les modèles interprétatifs qui ont cours chez les pharisiens. Il
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
2
Ibid., p. 119. Caractérisant cette industrie terrestre dont il affuble les pharisiens, Harnack ajoute
qu’« il n’y a rien de plus odieux ».
3
Voir Max KADUSHIN, The Rabbinic Mind, New York, The Jewish Theological Seminary of
America, 1952, p. 59-98 ; Ephraïm E. URBACH, « La “drasha” comme fondement de la Halakha et le
problème des Sofrim », Tarbiz 27 (1958), p. 166-182 [en hébreu] (= Ephraïm E. URBACH, Le monde des
Sages. Recueil d’études, Jérusalem, Magnes Press, 2002, p. 50-66 [en hébreu]) ; ID., « Tradition et
589
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page590
Jésus utilise fréquemment les paraboles et les récits anecdotiques ; elles sont
pour lui des moyens d’expliciter, d’exemplifier ou d’illustrer son propos. Elles
ont valeur d’enseignement. On peut donc se demander d’où lui vient cette
habitude. Cette méthode se retrouve dans la littérature midrashique ; le midrash,
certes de rédaction plus tardive, comprend des matériaux littéraires bien
antérieurs à Jésus. Ainsi, il n’est pas surprenant qu’il soit imprégné de ces
procédés oraux (aggadoth) qui sont courants à son époque et qu’il en fasse un
usage très fréquent4.
L’enseignement de Jésus se retrouve donc dans la fragmentation socioreli-
gieuse des pharisiens. Quant à son autorité, bien que ne se réclamant d’aucun
maître pharisien, elle est fondée sur l’interprétation de l’Écriture telle que les
pharisiens la pratiquaient. On ne doit pas non plus oublier qu’un effet littéraire
est attaché au type d’autorité que les Évangiles attribuent à Jésus et qui provient
de la tradition kérygmatique plus tardive. On ne peut évidemment comprendre
ce dernier point que si l’on replace les textes des Évangiles à l’époque de leur
rédaction, c’est-à-dire quelques décennies après la crucifixion de Jésus.
Dans une perspective purement historique, on peut prétendre que Jésus est
un pharisien en lutte avec d’autres pharisiens. Trois attestations littéraires du
Talmud permettent d’imaginer la pluralité et la fragmentation du mouvement
pharisien de l’époque de Jésus :
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
Halakha », Tarbiz 50 (1980/1981), p. 136-163 [en hébreu] (= Le monde des Sages, op. cit., p. 67-94) ;
Salomon SCHECHTER, Aspects of Rabbinic Theology, New York, Schocken Books, 1961, p. 116-147 ;
Shmuel SAFRAI, « La communauté comme facteur dans la fixation de la halakha », in Zeev Safrai, Avi Sagi
(éd.), Entre l’autorité et l’autonomie dans la tradition juive, Tel-Aviv, Hakibbutz Hameuchad, 1998,
p. 493-500 [en hébreu] ; Jacob NEUSNER, The Halakhah. An Encyclopedia of the Law of Judaism, t. 1, Leyde,
E. J. Brill, 2000 ; Dan JAFFÉ, Le Talmud et les origines juives du christianisme. Jésus, Paul et les judéo-
chrétiens dans la littérature talmudique, Paris, Cerf, 2007, p. 38-45.
4
Voir Elimelech HALEVI, Le monde de la aggada. La aggada dans les sources grecques, Jérusalem,
Dvir, 1972 [en hébreu] ; ID., La aggada historique et biographique à la lumière des sources grecques
et latines, Jérusalem, Dvir, 1975 [en hébreu], ainsi que l’œuvre de Jonah FRAENKEL, Le midrash aggada,
t. 1-3, Tel-Aviv, Open University, 1996 [en hébreu] ; Jonah FRAENKEL, Le récit aggadique – harmonie
de forme et de contenu, Tel-Aviv, Hakibbutz Hameuchad, 2001 [en hébreu]. Citons enfin Joshua
LEVINSON, Le récit qui n’est pas raconté. L’art de l’exégèse narrative dans le midrash rabbinique,
Jérusalem, Magnes Press, 2005 [en hébreu].
590
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page591
Le pharisien prétentieux exhibe ses actions sur son épaule [pour que chacun
puisse les voir], le pharisien hautain fait attendre et n’a pas de temps pour toi car
il doit accomplir un commandement, le pharisien teneur de livres paie sa dette
[son péché] en accomplissant les observances, le pharisien parcimonieux dit :
du peu que je possède, je donne de mes biens pour les bonnes actions, le phari-
sien qui veut rembourser son dû demande aux gens de lui énoncer les péchés
qu’il a commis, le pharisien qui a la crainte est le disciple de Job, et le pharisien
qui aime est le disciple d’Abraham. Aucun n’est autant aimé de Dieu que le
pharisien qui aime [qui est l’émule d’]Abraham.
Abbayé et Rava ont dit au tana : N’enseigne pas [dans la Baraïta] « le phari-
sien qui aime et le pharisien qui a la crainte » [bien qu’ils n’agissent pas complè-
tement de façon désintéressée], car R. Judah a enseigné au nom de Rav : On
pourra étudier la Torah et pratiquer les commandements bien que cela soit
intéressé car [on commencera] à être intéressé et on en arrivera à être désinté-
ressé. R. Nahman bar Isaac a dit : Le voilé est voilé et le dévoilé est dévoilé. Le
grand tribunal [qui est dans les cieux] demandera des comptes à ceux qui se
vêtissent des vêtements des pharisiens.
Alexandre Jannée a dit à sa femme avant sa mort : Ne crains pas les phari-
siens, ne crains pas non plus ceux qui ne sont pas pharisiens. Crains cependant
591
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page592
ceux qui ressemblent à des pharisiens et dont les actions sont telles les actions
de Zimri mais qui demandent la récompense [le salaire] de Phinéas [en référence
à Nb 25,6-15 où il est question de Zimri qui se livre à un acte immoral avec
Kozbi et qui est décapité par Phinéas le zélateur].
Mishna, Sotah, 3 :
5
La littérature critique sur les mouvements pharisiens étant très abondante, on ne citera ici que les
travaux qui ont particulièrement marqué la recherche : Robert Travis HERFORD, The Pharisees, New
York, Alle and Unwin, 1924 ; Louis FINKELSTEIN, The Pharisees. The Sociological Background of their
Faith, 2 vol., Philadelphie, Jewish Publication Society of America, 1962 ; Samuel UMEN, Pharisaim and
Jesus, New York, Philosophical Library, 1963 ; Elias RIVKIN, « Defining the Pharisees: The Tannaitic
Sources », Hebrew Union College Annual 40-41 (1969/1970), p. 205-249 ; Jacob NEUSNER, The
Rabbinic Tradition about the Pharisees before 70, 3 vol., Leyde, E. J. Brill, 1971 ; Elias RIVKIN, A
Hidden Revolution. The Pharisee’s Search for the Kingdom Within, Nashville, Abingdon, 1978 ; Albert
BAUMGARTEN, « The Name of the Pharisees », Journal of Biblical Literature 102 (1983), p. 411-428 ;
ID., « The Pharisees Paradosis », Harvard Theological Review 80 (1987), p. 63-77 ; Steven MASON,
Flavius Josephus on the Pharisees, Leyde, E. J. Brill, 1991 ; Albert I. BAUMGARTEN, « Rivkin and
Neusner on the Pharisees », in Peter Richardson (éd.), Law in Religious Communities in the Roman
Period, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 1991, p. 109-126 ; Steven MASON, « Chief Priests,
592
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page593
JÉSUS ET LA HALAKHA
Notons pour ouvrir cette nouvelle section que l’on ne peut non plus séparer
Jésus des autres groupes pharisiens au motif qu’il n’observait pas la loi. On
peut même prétendre au contraire qu’il fut tout au long de son existence fidèle
à l’accomplissement de la loi juive, la halakha. Une lecture des Évangiles à la
lumière du corpus tannaïtique montre que Jésus a scrupuleusement respecté la
loi juive, cela même à propos de l’arrachement des épis le jour du sabbat. La
pratique du froissement des épis avec la main était tolérée dans la tradition
halakhique galiléenne à laquelle Jésus appartenait, elle est attestée notamment
par R. Yosi le Galiléen. Certains pharisiens l’ont donc critiqué parce qu’il
suivait la tradition de la région dont il était originaire, la Galilée. De même les
ablutions avant le repas ne constituaient nullement une obligation halakhique.
Les pharisiens eux-mêmes considéraient les ablutions avant le repas comme
recommandées, mais estimaient obligatoires seulement celles après le repas.
Les ablutions avant le repas étaient donc à l’époque de Jésus une coutume
relative à la pureté qui n’avait pas force de loi pour tous. On ne peut dès lors
imputer le malentendu sur l’ablution des mains à la tradition synoptique. D’un
point de vue méthodologique, on peut aussi conjecturer que le désaccord sur les
ablutions des mains peut relever d’un conflit entre chrétiens et
pharisiens/tannaïtes qui se trouve postérieur à Jésus. C’est sans doute ce conflit
entre chrétiens et pharisiens, auquel renvoie Mc 7,1-23, qui explique que les
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
Sadducees, Pharisees and Sanhedrin in Acts », in Richard BAUCKAM (éd.), The Book of Acts in Its First
Century Setting, t. 4 : The Book of Acts in Its Palestinian Setting, Grand Rapids, Mich., Eerdmans,
1995, p. 119-177 ; Eyal REGUEV, « The Saducees, The Pharisees, and the Sacred : Meaning and Ideology
in the Halakhic Controversies between the Saducees and Pharisees », Review of Rabbinic Judaism,
Ancient, Medieval and Modern 9 (2006), p. 126-140.
6
Simon C. MIMOUNI, Pierre MARAVAL, Le christianisme des origines à Constantin, Paris, Presses
universitaires de France, 2006, p. 103.
7
Sur ces questions, voir les remarques éclairantes de David FLUSSER, « Polémique de Jésus avec
les Pharisiens », in ID., Les sources juives du christianisme. Une introduction, Paris/Tel-Aviv, Éditions
de l’Éclat, 2003, p. 41-49 [traduit de l’hébreu].
593
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page594
Pour bien situer la question de l’attitude prise par Jésus de Nazareth à l’égard
de la Loi juive, il faut la replacer au milieu des discussions qui, durant plus de
trois cents ans, de l’époque des Macchabées à la clôture de la Mishna, ont
accompagné, orienté et finalement stabilisé ce courant. La façon d’expliquer
maintes prescriptions de la Thora, qu’il ne fallait pas transmettre sans avoir fixé
avec précision quelle était leur application adéquate, et, à l’occasion aussi, la
révision de prescriptions devenues périmées (par exemple Deut. 21,1ss., révisé
en Sota 9, 9 ; Deut. 26, 12-15 [les dîmes], révisé en Sota 9, 10, au IIe siècle avant
Jésus-Christ) : tels sont les thèmes des débats des Pharisiens et de leurs décisions
d’école. [...] La thèse que nous défendons dans la présente étude est la suivante :
la critique que Jésus fait de la Loi, les divergences existant entre sa pensée ou
son attitude et la tradition juive tournent entièrement autour de parties de la Loi
qui ne constituaient pas encore de son vivant une halacha définitivement
stabilisée. De plus, Jésus s’oppose jusqu’à un certain point aux principes de la
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
8
David FLUSSER, Jésus, Paris, Éditions de l’Éclat, 2005, p. 65. Flusser ne manque pas de remar-
quer fort pertinemment que les écoles pharisiennes étaient nombreuses et que le groupe pharisien n’était
pas monolithique. On consultera également avec profit David FLUSSER, « Jésus entre le monde du
judaïsme rabbinique et le monde des esséniens », in ID., Les sources juives du christianisme, op. cit.,
p. 57-64, et ID., « Jesus in the Context of History », in Judaism and Christianity. Collection of Articles,
Jérusalem, Academon Press, s. d., p. 20-41.
9
Hans-Joachim SCHOEPS, « Jésus et la Loi juive », Revue d’histoire et de philosophie religieuses
33 (1954), p. 1-20. Cette étude a été traduite de l’allemand par le regretté Étienne Trocmé.
594
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page595
semble-t-il, dans le conflit qui oppose Jésus aux autorités rabbiniques de son
temps, les Pharisiens : Jésus se refuse à reconnaître aux halachot des rabbins
alors en train de prendre forme – et donc à l’enseignement oral – l’autorité de
la Thora. Les conflits qu’il a soutenus à propos de la Loi, tout en portant sur des
matières d’actualité, dérivent tous de cette différence fondamentale. Cela ne
signifie naturellement pas que Jésus n’ait prêté aucune attention aux disposi-
tions de la Loi orale, en particulier au cérémonial quotidien prescrit par les
rabbins, ainsi que le montrent beaucoup de détails de son comportement que
nous rapportent les évangiles (bénédiction du vin et du pain, consommation de
l’agneau pascal, récitation du Hallel, etc.)10.
10
Ibid., p. 1-4. On pourrait ajouter que nombre d’enseignements (halakhot) n’ont pas été fixés dans la
Mishna mais le furent quelques siècles plus tard dans le Talmud, voire postérieurement à la clôture du Talmud.
11
Voir sur ce dossier Jacob NEWMAN, Halachic Sources. From the Beginnings to the Ninth Century,
Leyde, E. J. Brill, 1969, et Martin S. JAFFEE, « The Taqqanah in Tannaitic Literature: Jurisprudence and
the Construction of Rabbinic Memory », Journal of Jewish Studies 41 (1990), p. 204-225.
12
L’exemple le plus significatif est celui de R. Eliezer ben Hyrcanus, dépositaire de modèles interpré-
tatifs en totale inadéquation avec ses condisciples de l’époque de Yabneh. Ainsi, après avoir été rejeté de la
maison d’étude par les autres Sages et vu ses décisions halakhiques évincées, il vécut reclus dans la ville de
Lod en Judée. Le passage de Nidah 7b à propos de sa mort témoigne de l’attitude des Sages envers lui et
son enseignement : « Durant toute la vie de R. Eliezer, on fixait [la halakha] selon R. Yehoshua [son condis-
ciple]. Après la mort de R. Eliezer, R. Yehoshua remit les choses à leur place. Pourquoi ne fixait-on pas [la
halakha] selon R. Eliezer de son vivant ? Car R. Eliezer était shamuti [vocable qui peut avoir deux signifi-
cations qui se recoupent : le fait d’être excommunié, ou d’appartenir à l’école de la maison de Shammaï et
non à celle de Hillel selon laquelle la halakha est fixée]. Ainsi R. Yehoshua pensait que si l’on procédait selon
son avis dans un domaine, on procéderait selon son avis dans d’autres domaines. Or, on n’aurait pas pu
empêcher cela à cause de l’honneur dû à R. Eliezer. Après sa mort, où l’on put empêcher cela [la pratique
de son enseignement], il devient possible de remettre les choses à leur place [ce qui revient à dire : réhabi-
liter le rang et l’honneur de R. Eliezer] ». Sur R. Eliezer ben Hircanus et son enseignement conservateur
antagoniste par rapport aux nouveaux modèles de l’assemblée de Yabneh, voir Benjamin LAU, Les Sages.
De l’époque de Yabneh jusqu’à l’insurrection de Bar-Kokhba, Jérusalem, Yediot Aharonot Press, 2007,
p. 94-106 [en hébreu] et l’excellente monographie que lui a consacrée Isaac D. GILAT, R. Eliezer ben
Hircanus. A Scholar Outcast, Ramat-Gan, Bar-Ilan Press, 1984.
595
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page596
13
Voir notre article « L’identification de Jésus au modèle du Hasid charismatique Galiléen : les
thèses de Shmuel Safrai et de Geza Vermes revisitées », New Testament Studies 55 (2009), p. 218-246.
14
A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 53, et p. 116 pour le texte même.
596
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page597
15
Ibid., p. 64.
16
Marcel SIMON, Verus Israel. Étude sur les relations entre juifs et chrétiens dans l’Empire romain
(135-425), Paris, Éditions E. de Boccard, 1948.
17
Guy G. STROUSMA, Le rire du Christ. Essais sur le christianisme antique, Paris, Bayard, 2006,
p. 155-159.
597
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page598
Les prêtres et les pharisiens tenaient le peuple enchaîné et tuaient son âme.
Face à ces autorités illégitimes, Jésus fit preuve d’une absence de respect vérita-
blement libératrice et rafraîchissante. Il ne s’ait jamais lassé – il s’est même
élevé jusqu’à la plus sainte colère – de combattre ses « autorités », de mettre à
jour leur rapacité et leur hypocrisie et de leur annoncer le jugement proche19.
Dans une note, Jean-Marc Tétaz souligne qu’Harnack reprend à son compte ce
que Luther disait de l’autorité temporelle : « Là où par une loi humaine on prétend
imposer aux âmes de croire telle ou telle chose, au gré de la volonté humaine, la
parole de Dieu n’est sûrement pas présente. […] Il en résulte que, par ce comman-
dement impie, le pouvoir temporel pousse les âmes à la mort éternelle20 ».
On notera la véhémence du propos : les autorités pharisiennes acheminent les
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
18
A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 132 et 133. Ajoutons avec Jean-Marc
Tétaz que cette idée simplificatrice se trouve déjà en germe chez Augustin d’Hippone (voir ibid.,
p. 133, n. 89).
19
Ibid., p. 153.
20
Martin LUTHER, De l’autorité temporelle [1523], MLO IV, p. 31 sq. (= WA 11, 262), cité par
Jean-Marc Tétaz in A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 153, n. 154.
21
La bibliographie sur les « quêtes » contemporaines du Jésus de l’histoire étant très abondante, on
se bornera à ne citer que les principales publications en langue française. Voir ainsi Charles PERROT,
598
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page599
L’HÉRITAGE MARCIONITE
Jésus et l’histoire, Paris, Desclée, 1979, p. 21-80 ; Vittorio FUSCO, « La quête du Jésus historique. Bilan et
perspectives » et Élian CUVILLIER, « La question du Jésus historique dans l’exégèse francophone. Aperçu histo-
rique et évaluation critique », in Daniel Marguerat, Enrico Norelli, Jean-Marc Poffet (éd.), Jésus de Nazareth.
Nouvelles approches d’une énigme, Genève, Labor et Fides, 1998, respectivement p. 25-57 et p. 59-88 ;
Daniel MARGUERAT, « La “Troisième quête” du Jésus de l’histoire », Recherches de science religieuse 87
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
tion de l’Église catholique, Paris, Cerf, 2003 (1921), p. 254 sq., cité par Pierre GISEL, « Antijudaïsme
dans le christianisme. Une récurrence inavouée de marcionisme… », art. cit., p. 199. Pierre Gisel cite
un autre passage du Marcion d’Harnack, où l’hérésiarque est glorifié en tant que rédempteur qui a
« démasqué le dieu juste du monde et de la Loi ». Comme le rapporte Gisel, pour Harnack, « ce n’étaient
pas seulement les lois cérémonielles qui étaient écartées, mais aussi tout un vaste ensemble d’énoncés
vétérotestamentaires insupportables » (p. 200 et n. 29). On ne peut qu’acquiescer à l’analyse de Pierre
Gisel qui décèle chez Harnack un antijudaïsme.
599
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page600
HARNACK ANTISÉMITE ?
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
25
A. von HARNACK, Marcion, op. cit., p. 12 et 38, cités par Pierre GISEL, « Deux postures différentes
dans la relecture du christianisme : Harnack et Troeltsch », in ID., Du religieux, du théologique et du
social. Traversée et déplacements, Paris, Cerf, 2012, p. 135-157, ici p. 145.
26
Pour tout ce développement, voir P. GISEL, Du religieux, du théologique et du social, op. cit.,
p. 144-151. A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 96-97 nous assure même que la
prédication de Jésus est distante et éloignée du judaïsme de son temps !
27
A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 68.
600
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page601
ne fassent retour dans leur sens littéral. […] Il n’y avait donc rien de durable à
attendre, à l’époque apostolique, des tentatives pour tordre ou réinterpréter la Loi
afin de faire place à côté d’elle à une nouvelle foi ou afin d’en rapprocher l’ancienne
religion. Il fallait qu’un homme se lève et déclare que ce qui est ancien est aboli ;
il fallait qu’il déclare comme péché le fait de lui rester plus longtemps fidèle ; il
fallait qu’il montre que tout est devenu neuf28.
Il ne s’agit pas non plus d’entrer dans la question soulevée par Gisel sur le
protestantisme libéral, cependant force est de constater qu’Harnack est certai-
nement l’un des principaux représentants de ce genre de conception.
28
Ibid., p. 198-199.
29
Ibid., p. 201 et 204.
30
La littérature sur ce dossier est immense, on se contentera de renvoyer au recueil de Denise
JUDANT, Judaïsme et christianisme. Dossier patristique, Paris, Éditions du Cèdre, 1969, qui regorge de
textes patristiques véhéments contre les juifs et le judaïsme.
31
P. GISEL, Du religieux, du théologique et du social, op. cit., p. 136 (et l’auteur d’indiquer en quoi
cette ligne se poursuit, aux yeux du même protestantisme libéral).
601
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page602
critique des thèses de Ferdinand Christian Baur qui présentait au contraire les
Évangiles comme des écrits retraçant l’histoire de partis en conflit au sein du chris-
tianisme primitif32. Si Harnack entend par « partis » différentes tendances proto-
chrétiennes après la crucifixion et qu’il les nie au profit de la « pureté » d’une « forme
d’exposition » qu’il dit « primaire », on ne peut que réfuter son approche. Il suffit
en effet de renvoyer au Nouveau Testament pour se rendre compte combien le
premier christianisme était diversifié. Les pauliniens, pétriniens et autres jacobiens
expriment à n’en pas douter cette pluralité. En outre, l’incident d’Antioche
mentionné en Ga 2 et en Ac 15 illustre mieux que tout autre la plurivocité des concep-
tions sur des questions aussi cruciales que les critères à imposer aux païens afin de
les accepter dans la communauté des croyants. La question des observances des
préceptes du judaïsme (tels qu’ils étaient en vigueur à l’époque) a assurément séparé
les premières communautés chrétiennes ainsi que leurs dirigeants33. On peut donc
affirmer que les premières communautés chrétiennes offrent une pluralité rituelle et
doctrinale. Comme l’a montré Bauer dans son livre pionnier, c’est l’hétérodoxie qui
prime, et elle laisse progressivement place à l’orthodoxie triomphante34, schéma
d’ailleurs valable pour les trois religions monothéistes. On peut également renvoyer
à l’évangéliste judéo-chrétien Matthieu et à sa communauté d’appartenance au sujet
desquels de nombreux témoignages patristiques évoquent un « évangile destiné aux
disciples juifs de Jésus et de langue hébraïque35 ».
Harnack entend expliquer le christianisme à l’aide de « la science histo-
rique et avec l’expérience de vie acquise au contact de l’histoire vécue » ; or,
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
32
A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 100-101, n. 8.
33
Voir notamment L. Michael WHITE, From Jesus to the Christianity, San Francisco, Harper Collins,
2004.
34
Walter BAUER, Orthodoxie et hérésie aux débuts du christianisme, Paris, Cerf, 2009 (publié initiale-
ment en allemand sous le titre Rechtgläubigkeit und Ketzerei im ältesten Christentum à Tübingen en 1934).
35
Sur ce dossier, on renverra aux analyses de Dominique BERNARD, Les disciples juifs de Jésus du
Ier siècle à Mahomet. Recherches sur le mouvement ébionite, Paris, Cerf, 2017.
36
A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 90. Les citations allant dans ce sens
abondent, notamment quand Harnack déclare dans la même page que « la religion chrétienne est une
chose sublime ». Voir également les remarques suggestives sur « théologie ou science » face à la question
de la recherche historique dans les Facultés de théologie en Allemagne à la fin XIXe, chez Marino
PULLIERO, Une modernité explosive. La revue Die Tat dans les renouveaux religieux, culturels et
politiques de l’Allemagne d’avant 1914-1918, Genève, Labor et Fides, 2008, p. 557-562 (nous remer-
cions Pierre Gisel de nous avoir fait découvrir cet ouvrage).
602
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page603
Bien qu’Harnack assure qu’il fait œuvre d’historien, on n’aura aucune difficulté
à protester qu’il n’en est rien ; il procède tel un théologien, où la foi est au centre
de ses préoccupations. Outre ses présupposés confessionnels, sa démarche ne peut
être assimilée à celle d’un historien. Cette imbrication de l’engagement axiolo-
gique et de la connaissance historique sera à l’époque d’Harnack au cœur de
nombreux débats. Le philosophe néo-kantien Heinrich Rickert (1863-1936) a
proposé une classification binaire de cette question entre « relation de valeur »
indispensable pour la constitution de l’analyse historique et « jugement de valeur »
exprimant l’engagement axiologique du chercheur37. Comme l’écrit de nouveau
Tétaz, c’est précisément pour combattre cette imbrication dont il contestait la justi-
fication épistémologique que Max Weber a imposé que les sciences sociales
respectent le principe de neutralité axiologique38.
Dans l’esprit qui est le sien, Harnack suggère d’utiliser les récits évangé-
liques de miracles en tant que source historique. Cette approche qui ne manque
pas de stupéfier est expliquée par Harnack de la façon suivante :
1. les miracles étaient quasi-quotidiens à l’époque des Évangiles ;
2. les récits de miracles sont parfois rapportés concomitamment à leur réalisation ;
3. les miracles font partie de l’ordre naturel du monde et n’en constituent pas
un bouleversement ;
4. le personnage charismatique ou divin peut employer les forces de la
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
37
Heinrich RICKERT, Science de la culture et science de la nature. Suivi de Théorie de la définition, Paris,
Gallimard, 1997 cité par Jean-Marc Tétaz in A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 48,
n. 161. On renverra également à l’article fort suggestif de Jean-Marc TÉTAZ, « La logique de l’historisme
entre épistémologie transcendantale et philosophie de l’histoire », Divinatio 13 (2001), p. 123-149.
38
Max WEBER, « Essai sur le sens de la “neutralité axiologique” dans les sciences sociologiques et
économiques », in ID., Essais sur la théorie de la science, Paris, Agora, 19922, cité par Jean-Marc Tétaz
in A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 48, n. 162.
39
A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 102-105.
40
Sauf à entendre ces récits au plan de l’usage qu’en font les communautés de l’époque et de la fonction
qui est celle de cette évocation de miracles, visant ainsi à rendre compte de formes de croyance historiques ;
mais ce plan devrait alors être explicité, ce qui n’est pas le cas dans l’argumentation d’Harnack.
603
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page604
41
A. von HARNACK, L’Essence du christianisme, op. cit., p. 283. Notons que Leo Baeck, rabbin
libéral de son état, est loin d’être lui-même exempt de présupposés confessionnels et pêche par ce qu’il
reproche : l’apologie. Il procède par jugements de valeur et cherche souvent à montrer l’originalité et
la grandeur du judaïsme.
42
Ernst TROELTSCH, « Que signifie “essence de christianisme” ? » (1903), in A. von HARNACK,
L’Essence du christianisme, op. cit., p. 307-354, ici p. 309 [NdE : le « livre symbolique » au sens où le
protestantisme qualifie de Symboliques les Confessions de foi de référence du christianisme, tel le
« Symbole des Apôtres »].
43
Ibid., p. 355-365, ici p. 357.
44
C’est dans ce sens qu’écrit Leo Baeck : « Le théologien juif considérera lui aussi que c’est une
œuvre bonne et noble pour un chrétien que d’écrire une apologie, un livre à la gloire de sa religion. Ce
604
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page605
Depuis près d’un siècle, des pas de géants ont été accomplis dans la
recherche sur le Jésus de l’histoire. Tout d’abord, il y a lieu de mentionner la
sortie de Jésus du carcan de la théologie pour le faire entrer dans l’histoire en
tant que personnage historique. Les « quêtes » du Jésus de l’histoire ont permis
d’élaguer le Christ de la foi et des présupposés confessionnels pour ne traiter
que de l’homme Jésus. Le chercheur, quelle que soit sa confession religieuse,
est d’abord et avant tout un critique des sources. En ce sens, il se doit de tendre
à l’impartialité et à l’objectivité s’il veut s’inscrire dans une perspective scien-
tifique. Dans une certaine mesure, il n’est pas erroné de considérer que le
critique des sources est celui qui déconstruit les normes établies : si sa démarche
est sous-tendue par son appartenance religieuse, il n’est pas historien mais
théologien. Cela ne veut pas pour autant dire que l’historiographie sur Jésus
est dénuée de toute influence implicite du milieu, de l’éducation ou de la
confession du chercheur ; cela signifie que la méthodologie employée, les
questions posées et les problématiques soulevées par les chercheurs sont de
l’ordre du travail de l’historien et non du théologien. Cela est déjà un pas impor-
tant d’accompli. Depuis quelques décennies, la recherche s’engage dans une
mise en perspective du personnage de Jésus. On a tenté de contextualiser Jésus
dans la société juive de son temps, et cela à l’aide des matériaux littéraires,
épigraphiques et archéologiques à notre disposition. Comme le note fort à
propos Alan Segal :
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
Une plus grande lumière a été faite sur le personnage grâce aux Rouleaux
de Qumran et à la littérature intertestamentaire, fruits du foisonnement litté-
raire de la fin de l’époque du Second Temple. De même, la prise en considéra-
tion de la littérature talmudique s’est avérée salutaire. Il est capital de déceler
contre quoi il proteste, c’est seulement que l’apologie se fasse passer pour de l’histoire et qu’elle croie
avoir le droit de se servir comme arme de l’injustice historique », in A. von HARNACK, L’Essence du
christianisme, op. cit., p. 305.
45
Alan F. SEGAL, « Paul et ses exégètes juifs contemporains », Recherches de science religieuse 94
(2006), p. 413-441, ici p. 440-441.
605
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page606
Les historiens n’en sauront jamais beaucoup plus sur Jésus. Beaucoup
d’entre eux se rebellent contre l’impossibilité où ils se trouvent de dresser une
véritable biographie de ce grand homme. De là les tentatives répétées […] pour
trouver la clé d’un personnage aussi mystérieux. Cette clé n’existe pas. Il n’y a
que des points de vue d’où l’on peut jeter un regard sur le Nazaréen, sans jamais
s’approcher de très près46.
Dans le foisonnement religieux de son temps, Jésus offre une approche que
l’on a trop longtemps qualifiée de singulière. Selon notre opinion, son ensei-
gnement s’inscrit dans la pluralité du monde juif de son époque. Soulignons un
point crucial : une lecture des prophètes comme toile de fond est vitale pour
comprendre des enseignements de Jésus tels le rapport à Dieu, la repentance ou
la relation à l’autre. On a souvent le sentiment que derrière certains enseigne-
ments de Jésus se cachent des enseignements bibliques ou prophétiques.
Ajoutons qu’avec Jésus apparaît un point fondamental que l’on pourrait quali-
fier de dépassement de la Loi, une conjoncture dans laquelle la Loi, dans sa
littéralité, n’est pas l’ultime façon d’établir un lien avec Dieu, mais peut être
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
46
Étienne TROCMÉ, Jésus de Nazareth vu par les témoins de sa vie, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé,
1971.
606
p587_607_JAFFE_Mise en page 1 04/08/17 14:25 Page607
prône d’intérioriser la Loi au point de ne faire qu’un seul être avec elle ; il
préconise de facto une parfaite intégration de l’Être et de la Lettre. Pour lui, tout
manquement ou tout acte qui n’est pas scrupuleusement conforme à la Loi est
objet de condamnation. Dans cette perspective, ses vitupérations proscrivent
et rejettent avec violence ce qui lui semble une attitude hypocrite ou non
conforme à la stricte observance. Notons que l’on peut retrouver cette intério-
risation de la Loi dans différentes paroles que les Évangiles lui attribuent,
notamment en Mt 5,20-48 ou encore en Mt 23,16-32.
La fin de cette étude nous ramène à ce que nous écrivions voici quelques
années et qui est important pour qui s’intéresse au Jésus de l’histoire. En effet,
nous concluions notre ouvrage en soulignant combien la recherche du Jésus
historique est à la fois passionnante et déconcertante. Le chercheur procède à
des analyses textuelles ainsi qu’à des recoupements littéraires. Il scrute les
sources dans une perspective historique et philologique. Il convoque également
les sciences sociales. Malgré tous ces efforts déployés, le sentiment qui l’anime
est que cette recherche reste asymptotique47.
Dan JAFFÉ
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 24/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.7)
47
D. JAFFÉ, Jésus sous la plume des historiens juifs du XXe siècle, op. cit., p. 352-353.
607