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Maximilien Sorre
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pathogène, des variations saisonnières, géographiques ou ethniques de l’organisme
humain doivent être prises en considération » écrit-il dans l’article des Annales de
géographie3. Plus généralement, les variations étudiées par Sorre sont non-linéaires et
varient avec les densités de populations ainsi que les caractéristiques mésologiques du
milieu, autant de questions qui préoccupent les écologues à l’époque. On ne peut
cependant que souligner l’extrême modernité de la pensée de Sorre, car sa réflexion,
dans le cadre d’une écologie de l’homme, est une exploration précise des limites de
l’œkoumène. On peut aussi rêver de la puissance d’analyse que donnerait la
problématique de Sorre à l’intervention géographique dans les débats actuels sur
l’ensemble des contraintes qu’impose à l’humanité la collision qui l’oppose
désormais à sa biosphère.
C’est qu’en effet la posture scientifique de Sorre est englobante, holiste dans son
objectif de prendre la pleine mesure des relations entre l’homme et son
environnement, mais sans que cette orientation ne soit réductrice à un quelconque
déterminisme ou réduite à un système technique. En ce sens, le livre de Maximilien
Sorre peut paraître aujourd’hui scientifiquement incorrect de prime abord, mais la
rigueur et l’envergure de la démarche permettent à l’auteur de poser des questions
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BIOLOGIQUES DE LA
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illusion : elle ne repasse pas par les mêmes sentiers. Ce qui est acquis sur
un point capital demeure acquis et transforme à jamais de proche en
proche notre conception générale des choses. Nous avons beau rendre au
sol ce qui lui appartient, nous ne parlerons jamais d’influences
telluriques et de miasmes en donnant à ces mots le sens exact que lui
donnaient nos ancêtres. Et jamais plus nous ne parlerons du terrain
physiologique comme on le faisait avant Claude Bernard et avant Pasteur,
— nous associons à dessein les deux noms au lieu de les opposer. Alors
même que nous nous servons de vieux mots, nous parlons un langage qui
n’a jamais été entendu. L’intérêt d’une étude comme celle que nous
achevons, c’est d’arrêter l’esprit tour à tour sur tous les éléments du
milieu géographique et sur toutes les réponses de l’organisme. Bonne
garantie contre les modes scientifiques : elle fait passer sur les
inconvénients de la lenteur et de la dispersion. C’est le bénéfice habituel
des méthodes géographiques.
On a donc cherché dans les caractères de l’ambiance les conditions
fondamentales de la constitution de l’œkoumène. Le climat détermine ses
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compte ces séquelles laissées dans le milieu humoral et sanguin par les
maladies infectieuses et dont il a été question au dernier chapitre de ce
livre ? Que valent au juste ces méthodes qui prétendent évaluer l’énergie
humaine en fonction du climat ? Je crains qu’elles ne soient entachées
d’arbitraire. La comparaison de deux courbes, que suggère-t-elle autre
chose qu’une hypothèse ? Tant qu’on n’a pas pénétré, par l’observation et
par l’expérience, le secret d’une variation, on reste dans le doute. Le
lecteur a pu s’impatienter, chemin faisant, de la lenteur dans les
développements, d’une certaine répugnance à accepter des formules trop
simples.. La probité n’autorise point d’autre allure dans un domaine où il
est trop aisé de se payer de mots.
Je dois m’expliquer sans détour sur un autre point. Je n’ai fait état des
fonctions supérieures de l’activité, des fonctions mentales, qu’avec
réserve. Et peut-être pensera-t-on que j’aurais pu montrer moins de
discrétion.
D’une part, je suis très persuadé que les dispositions mentales changent
avec le milieu. Un jésuite espagnol, Baltasar Gracian, a écrit cette phrase
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