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Camus – L’absurde

Camus livre son courant philosophique de l’absurde notamment dans ces 3 œuvres
principales : Le Mythe de Sisyphe (essai), l’Etranger (roman) et Caligula (théâ tre). La
différence des courants littéraires est un choix pour mettre en lumière l’absurde sous toutes
ses facettes.
La phrase de départ du raisonnement ci-dessous est extraite du Mythe de Sisyphe :
« Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que
la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question
fondamentale de la philosophie ».
Elle exprime la radicalité du caractère de l’absurdité de l’existence, ce qui nous fais penser à
la phrase : « A quoi bon vivre ? » Si la condition de l’Homme est absurde, alors la réponse du
suicide comme solution pratique du suicide à ce problème l’est tout autant et mérite d’être
contourné.
L’absurde nous touche au plus profond de notre être et c’est une expérience dont on ne
reviendra pas inchangé. Si Camus expose l’idée du suicide avant même d’avoir expliqué en
quoi l’existence est absurde, c’est que nous ne pouvons pas comprendre l’absurde sans en
avoir éprouvé sa puissance. Autrement dit, il faut faire l’expérience de ce que signifierait pour
nous, le fait de savoir que l’existence est absurde, car à l’inverse de cela la puissance de
l’absurde est imperceptible.
Se poser la question de l’absurde, c’est se poser la question de la valeur de la vie. Mais d’où
provient cette valeur, qu’est-ce qui fait qu’on accorde de la valeur à notre existence ?
Il y a une réponse culturelle liées à nos religions, nos systèmes moraux et juridiques font de la
vie humaine quelque chose de sacré. Ce caractère sacré de nos vies, c’est ce qui fait qu’on
peut cohabiter. En revanche celui qui enfreint les 10 commandements sera mis au bord de la
société.
Qu’on se situe auprès d’une religion ou d’une morale laïque, on a l’idée que la vie humaine
est sacrée et que la vie est un absolu. Alors que même cet absolu relève de l’irrationnel ou de
l’inexplicable, nous partageons cette conception sacrée de la vie humaine.
Il y a une seconde réponse de type biologique, l’idée que tout être est programmé pour tendre
à sa survie. Nous y sommes viscéralement attachés, selon Camus « Le corps recule vers
l’anéantissement » symbolise notre instinct de survie. Puis l’instinct de conservation que nous
observons chez les animaux et chez les humains dont le but est la perpétuation. La
perpétuation de soi ce que Schopenhauer appelé « le vouloir vivre » et qui porte tout corps
vivant à vouloir continuer à vivre à soi. Cela rejoint également l’idée de Nietzsche,
l’homme considère comme sacré ce qui sert ses intérêts vitaux.
Pourquoi y sommes-nous attachés à la vie ? La raison à besoin de réponse pour
comprendre, et ne doit pas se soumettre l’incompréhensible. Pour Camus, toutes
réponses qu’a apporté l’histoire à cette question ne sont pas viables puisqu’elles
dépassent la raison et donc elles n’ont plus de compte à rendre. La foi dépasse la raison,
parce que la foi donne une réponse que la raison ne peut pas donner, sans que la raison
ne puisse la vérifier. C’est éviter la confrontation à l’absurdité radicale pour Camus. Or la
foi donne du sens à la vie.
L’homme absurde ne fait pas le pari de l’existence de Dieu, il ne cherche pas
d’échappatoire, il ne cherche pas à apaiser son angoisse, il cherche la vérité
fondamentale, la lucidité. Il ne cherche pas à
Conscience et mortalité sont les 2 ingrédients de base de l’existence humaine. S’il
l’homme est conscient, il est capable de s’interroger sur le sens de son existence dans le
monde :
« L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence
déraisonnable du monde. »
Ce besoin d’obtenir des réponses et de transformer l’inconnu en connu. C’est d’ailleurs le
rô le de notre conscience. La conscience c’est ce qu’il fait de l’homme quelqu’un qui ne se
contente pas d’être mais qui veut savoir pourquoi il est. La conscience humaine c’est
l’origine de notre angoisse face à l’appel de manque de réponse.
La mort ajoute à notre existence une absurdité qui dépasse toutes les ignorances. La
mort rend l’existence absurde, car elle réduit tout ce que nous faisons à l’inutile. A quoi-
bon exister si c’est pour que la mort nous efface ? Nous sommes des êtres de raison, et la
raison cherche la perpétuité, l’unité, la fixité, l’éternité. Ce besoin de permanence est
contrarié par l’existence de la mort. L’absurde c’est ce qui naît de notre espoir en ce
besoin d’éternité.
Lorsque nous observons nos vies, nous vivons comme si nous n’allions pas mourir.
Puisque cette idée nous condamne à l’avance. Elle nous condamne à voir l’absurde en
face. Et ce besoin pascalien (divertissement) de détourner les yeux de notre condition
mortel est une des solutions de survie.
Le besoin de sens que nous ayons besoin, répond au pourquoi de notre existence et à sa
destination que l’on doit créer. Il faut trouver une finalité qui donne une raison d’être.
Voilà pourquoi nous pouvons dire que l’absurde n’est pas le résultat du constat
d’absence de cause, mais c’est plutô t le constat d’une raison d’être. Une cause c’est
accidentel, impersonnel et ne donne pas une valeur. Tandis qu’une raison d’être donne
de la valeur, c’est également pourquoi la religion a eu autant d’influence et qu’elle a
exercée autant de domination sur les consciences. Parce la religion propose une raison
d’être en plus d’une cause. Si Dieu nous aime et nous promets la vie éternelle dans l’au-
delà , dans ce cas notre vie a un sens, si cas contraire alors notre vie est absurde.
La science à un moment de l’histoire a pris le dessus sur la religion et elle répond au
comment de l’histoire et non au pourquoi. La science exclue de sa méthodologie même,
le recours à des explications finalistes (qu’il y est une volonté à l’œuvre), la science est
donc incapable de répondre à la question du sens.
Ce qui définit concrètement l’absurde, c’est l’aspect d’éternel recommencement de la vie,
la répétition des mêmes actions, le cycle des générations et nous habitons un monde où
tout ce qui est fait sera défait. Cela illustre le Mythe de Sisyphe où il voit le rocher qu’il
tente de soulever en haut de la montagne, avant de le voir redescendre indéfiniment.
Dans le roman « l’Etranger », Meursault sait que l’existence est absurde et face à cette
absurdité radicale, il a décidé de continuer à vivre et de faire de l’absurdité le moyen de
sa liberté. Si le monde est absurde alors je n’ai pas à faire semblant, ni de jouer le jeu de
la comédie sociale, je n’ai a épousé l’absurdité. Je n’ai qu’a assumé que tout est futile.
Etrangé et détaché du monde, Meursault reste un homme incompris. Or ce qu’il a
compris du monde, c’est bien l’absurdité et il se trouve accuser de ne pas jouer la
comédie sociale. Meursault ne se pose pas la question du pourquoi, mais la remplace par
le comment. Il préfère nous parler de ce qu’il a mangé à midi plutô t que d’évoquer ses
sentiments ou de ses inspirations profondes.
Son étrangeté au monde se retournera contre lui quand le procureur évoquera qu’il n’a
pas pleuré durant l’enterrement de sa mère, le crime de Meursault c’est son insensibilité.
La seule réponse lucide face à la conscience de l’absurdité au monde est l’indifférence.
L’indifférence coupable dans un monde régi par la valeur de la vie, par un monde
littéralement inconscient, qui vous fera payer le prix de votre blasphème si vous ne vous
conformez pas à l’impératif de sensibilité. L’homme absurde c’est l’homme sans espoir,
c’est l’homme qui n’est même plus déçu par son espoir de trouver un sens.
La différence entre le désespoir et l’absence d’espoir est la suivante : le désespoir c’est la
réaction à une attente déçue. Tandis que l’absence d’espoir c’est l’absence d’attente
(neutre d’un point de vue émotionnel). Ne rien attendre du monde, c’est le seul chemin
philosophique pour un homme absurde.
Dans notre esprit, conscience de l’absurde ne peut rimer qu’avec pessimisme.
Schopenhauer semblait avoir montré que la conscience de l’absurdité du monde ne
pouvait conduire qu’au désespoir ou au suicide qu’il soit physique ou symbolique. Or
Meursault montre que ce n’est pas le cas, car pour vivre l’absurde jusqu’au bout, il finira
par mourir d’un crime sans motif et sera emporté par son destin tragique. Meursault
s’atteint les confins de l’absurde à mesure où il se rapproche de sa condamnation à mort.
Et Meursault va se réconcilier avec l’existence au moment même où il va en être séparé.
L’idée de Camus incarnée par Meursault, c’est que l’on peut accepter de vivre dans un
monde absurde. Les pessimistes sont des idéalistes déçus, les désespérés sont des
poètes qui avaient placés dans le monde des attentes de satisfaction que le monde ne
leur a jamais promis.
Avant d’être jeté sur terre, l’Homme a connu le jardin d’Eden, l’être humain a connu un
paradis perdu, dans une communion totale avec l’être. Le monde n’est pas absurde
quand il nous offre pas la possibilité de voir ce qu’il ne convient pas, c’est le cas dans le
ventre maternel, dans ce paradis perdu où rien ne cloche puisque les besoins sont
satisfaits, la dualité est inexistante. C’est au moment de la chute dans le monde où tout
ne va pas bien. La plongée dans le monde est la 1 ère expérience de l’absurdité puisque
pourquoi quitter un monde où tout va bien pour en rejoindre un où tout va mal. C’est là ,
l’absurdité originelle, le paradis perdu. Cette absurdité originelle vaut bien qu’on moque
quelques conventions, qu’on se permette un peu d’indifférence et de révolte.
La révolte c’est la réponse donnée par Camus au problème de l’absurde. L’homme
absurde s’il devient l’homme lucide alors il lui trouvera la source de sa véritable liberté.
La révolte c’est la présence vive et profonde à notre destinée. « L’homme absurde est
celui qui ne se sépare pas du temps » écrit Camus cela signifie que le temps n’est pas
condamné à être notre ennemi et le meilleur moyen de le combattre, c’est de l’épouser. A
chaque fois que vous épouser le temps, vous vous réconciliez avec l’absurde, à chaque
fois que vous êtes absurdement absorbé par quelque chose, à chaque fois que vous créez
au point d’oubliez le temps, vous enlacez l’absurde.
Sisyphe d’abord désespéré par son sort, modifia un jour la perception qu’il avait de sa
condition, ne se voyant plus comme l’esclave des Dieux et du temps, mais il se vit comme
une force de réalisation, une force d’accomplissement de son destin. Il se trouva une
raison d’exister. Incarner la révolte, c’est incarner la flamme qu’aucune absurdité ne
serait l’éteindre, c’est donc incarner l’engagement passionné de soi. A chaque fois que
l’on perfore l’absurde par notre redressement, par votre affirmation, par votre puissance
d’accomplissement, vous exister.

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