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Université Loyola du Congo (ULC)

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Faculté de Philosophie St-Pierre Canisius

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Journal hilosophique N°097 - Janvier 2023

Editorial

L
a quête inlassable, animée par le désir de justification de ce qui est
et de la motivation de connaître ce qui incite l’être humain à opérer
des choix, à prendre des décisions ou encore à porter des jugements,
a toujours été un élément crucial dans la recherche du sens de l’existence de
l’homme dans le monde. Par la réflexion critique et par des méthodes rigou-
reuses, l’individu s’efforce d’échapper au statu quo et au quiproquo de la vie.
Ainsi, se poser des questions telles que : qu’est-ce qui détermine la validité ou
la véracité d’une certaine affirmation ou d’un acte humain ? aide l’homme à
atteindre un idéal pour mieux se situer dans le présent, en renvoyant à la ques- Evénéménts
tion fondamentale qui l’engage dans une voie de la recherche d’un premier importants
principe qui puisse constituer la source et le fondement de tout agir humain.
En effet, au-delà de toute prétention universelle, toute éthique est
censée être située, par rapport à son histoire et à sa culture. Cependant, le
métissage culturel qui caractérise certaines sociétés dont quelques sociétés
africaines ne sont pas exemptes, fait que d’une certaine manière la nécessité
de comprendre la réalité soit basée sur une instauration des principes préten-
dus être universalisables. Les réflexions de nos deux auteurs portent essen-
tiellement sur la Norme et la Valeur morale qui règlementent l’agir humain à
partir du prisme de nos connaissances et de nos expériences qui ne peuvent
pas être séparées du temps et de l’espace. Par conséquent, les aspects ontiques
et ontologiques de la vie humaine font que l’individu puisse créer « des
concepts abstraits et inhabituels qui résultent d’actes créatifs et individuels
PAULO Mateus Gunza, S.J.
L3 Philo/ULC
et la formulation consciente et intentionnelle de principes généraux » (PAUL
FEYERABEND, Adieu la raison, p.159).
Afin de pouvoir dégager une lueur qui nous servirait de phare sur notre
itinéraire quotidien, le présent numéro de notre journal hebdomadaire Sophia,
est une esquisse présentée à partir de deux articles dont la problématique est
centrée sur la question de la morale et de l’éthique. Le premier article intitulé
: « Arthur Schopenhauer et la causalité morale », est un essai de dépassement
des hypothèses postulées par Schopenhauer, sur ce qui constituerait la base
morale de tout agir humain et ses possibles implications. Notre auteur estime
que la causalité ne peut pas être le seul criterium qui puisse déterminer la
valeur morale d’un acte, puisque ce qui motive l’être humain à agir émane
aussi du mode hétérogène de l’entendement. Le deuxième article portant sur
« L’heure de nous-mêmes a sonné », consiste à montrer que, malgré le contact
civilisationnel entre les peuples, ce que Samuel Huntington appel le choc des
civilisations, une sorte d’éthique a toujours été présente au sein du peuple
congolais, par ses pratiques traditionnelles, par ses habitudes et ses coutumes,
c’est-à-dire à partir de son « modus vivendi ». Donc, déduire que l’Afrique,
de manière particulière le peuple congolais a été civilisé ou humanisé par la
colonisation serait un jugement erroné. Tout en vous invitant à l’exercice du
« Noûs », nous vous souhaitons bonne lecture.
NSONDEY Monsengo,S.J
Master1 philo/ULC
ARTHUR SCHOPENHAUER
ET LA CAUSALITE MORALE

S
chopenhauer découvre la causalité en partant simultanéité et la succession entre la cause et son
du principe leibnizien de la raison suffisante effet.
dont il distingue quatre formes radicales qui
Schopenhauer dégage ici deux angles de
sont : (1) Le principe du devenir : loi de liaison
réflexion. D’une part les quatre principes sont per-
entre les représentations d’ordre concret ; (2) le
çus comme homogènes quand on considère qu’ils
principe de la connaissance : loi de liaison entre
impliquent tous une dépendance entre les objets
les représentations d’ordre abstrait ; (3) le prin-
de connaissance et une liaison des représentations.
cipe de l’être : loi de liaison entre les notions spa-
D’autre part, ils sont hétérogènes ou spécifiques
tio-temporelles ; enfin, (4) le principe de l’action :
quand on considère leur ordre de représentation.
loi de liaison entre les actes et les motifs.
Par exemple, rendre compte d’un changement
De ces principes, Schopenhauer estime physique (représentation concrète) comme les
que la causalité subsiste seulement dans le prin- panneaux solaires qui rechargent les batteries, est
cipe du devenir. En effet, dans le principe de l’ac- différent de rendre compte d’un jugement (repré-
tion, puisqu’il s’agit de la morale, la causalité ne sentation abstraite) comme ((ixy) ^ (iyz)) → (ixz).
peut être entrevue que légèrement de l’extérieur, Et c’est à ce niveau d’abstraction qu’il faut situer
en se réglant sur le motif qui ‘‘cause’’. La consé- la critique de la causalité morale.
cution est alors réduite au seul cas où l’on admet
En effet, avec le principe de l’action, le
un état de connaissance antérieur à un état d’ac-
motif de nos décisions et actions tient d’un mode
tion. L’entendement découvre simplement la règle
hétérogène à l’entendement. Or, ce motif nous
de l’action parmi les états successifs, elle est donc
ne le connaissons pas seulement par l’expérience
assez faible pour fonder la morale.
corporelle interactive, mais ce faisant, nous nous
Influencé par le transcendantalisme kan- saisissons en même temps comme sujet de la vo-
tien, Schopenhauer envisagera la causalité sous lition. Subséquemment la consécution perceptible
un angle logico-métaphysique (SCHOPEN- seulement extérieurement nierait donc la volonté.
HAOUER, De la quadruple racine de la raison Pourtant le sujet agissant reste maître de son action
suffisante), convenant que la logique classifie les délibérée, malgré les motifs extérieurs. Soit ! Ce
principes premiers, tandis que la métaphysique débat reste ouvert...
explique la valeur relative des principes. Pour
Nous estimons, quant à nous que la cau-
lui donc, la causalité exprime le rythme de notre
salité, ne peut seule fonder la morale ou être prise
pensée qui consiste en une modification de notre
pour seul criterium de détermination de la valeur
organisme. En d’autres termes, il s’agit d’une
morale d’un acte, au vu du danger qu’elle com-
sensation à opposer dans l’espace un objet, cause
porte : l’imbrication de causes concurrentes qui
extérieure de l’effet au changement subi dans le
peut conduire à une régression à l’infini. Il nous
temps. Ainsi envisagée, la causalité comme forme
semble convenir de chercher un principe plus au-
transcendantale de nos connaissances ne peut être
tonome et intérieur. Un retour à l’impératif caté-
séparée du temps et de l’espace d’où elle tire la
gorique kantien?

Sophia / n°097-Janvier 2
Raoul NTIELE Mboken
L2 philo/ULC L'heure de nous-mêmes
a sonné
D
’aucuns ont pensé et pensent que la mo- « monde malade ». Fascinée par les sollicitations
rale était une réalité étrangère à l’Afrique de la nouvelle éthique mondiale dont le mode opé-
précoloniale sous l’argument de sauvage- ratoire semble la libéralisation des valeurs, elle
rie et d’infrahumanité dont les Africains furent ac- s’est ainsi entrainée sur la voie de sa décadence.
cusés, au point de croire au miracle de « l’humani- Le besoin d’universalité dont le manque fut repro-
sation » de l’Africain par la colonisation. Tout en ché aux éthiques traditionnelles dites prudentielles
soulignant qu’il ne saurait exister une communauté avait tout de même décrété l’éradication de celles-
humaine qui ne connaisse de règles et ne distingue ci. Pourtant, plus on se modernise, plus on sombre
le bien du mal, ce présent travail se veut une ré- dans la bestialité.
flexion sur la situation éthique de l’Afrique et par-
L’heure n’a-t-il pas sonné pour que nous
ticulièrement de la société congolaise aux prises
réexaminions nos considérations éthiques et re-
avec la dépravation des mœurs, la banalisation du
nouions avec nos principes éthiques traditionnels
méprisable. Il nous importe dès lors de nous poser
pour sauver ce monde en dérive ? Après examen
la question de savoir qu’est-ce qui serait à la base
des us et coutumes traditionnelles de différentes
des égarements auxquels se prêtent nos sociétés
tribus congolaises, Mbambi met en vedette une
actuelles ?
valeur collective fondamentale : le respect de la
On ne saurait mieux répondre à cette en- vie. « Pour la société congolaise primitive, la paix
quête fondamentale si l’on ne parvient à remonter sociale en tant que garante d’une véritable promo-
les structures autour desquelles furent établies les tion de la vie, est d’une nécessité et d’une impor-
sociétés traditionnelles. La défense des valeurs fut tance sans pareille. Tout ce qui favorise l’harmo-
le pilier duquel toute réglementation devrait puiser nie et la cohésion sociale est admirable dans cette
sa substance. Les sociétés traditionnelles congo- société. »
laises furent profondément régulées ; et ce, par
Au final, Cette paix sociale impose le de-
des principes qui défendent la valeur de la vie et
voir de protéger et de promouvoir la vie aussi bien
orientent les relations interpersonnelles pour une
dans sa personne que dans celle d’autrui. Le sou-
coexistence pacifique. Voilà pourquoi, au Congo
ci de promouvoir la vie de chacun tel qu’il se lit
le terme sorcier s’applique non seulement à celui
ici justifie la primauté du groupe sur les intérêts
qui manipule les amulettes, mais aussi à toute per-
individuels égoïstes. Tout individu n’est ici perçu
sonne qui s’oppose au sens de la vie de quelque
et reconnu qu’en tant qu’appartenant à un groupe.
manière que ce soit. Sans sombrer dans l’idolâtrie
Voilà pourquoi toutes les prescriptions morales
du passé en consacrant une « immaculée concep-
dans les sociétés congolaises traditionnelles, écrit
tion » aux sociétés traditionnelles, nous dirions
Mbambi se révélaient en principe et en priorité
que ces sociétés auraient encore à beaucoup nous
des obligations envers les autres c’est-à-dire en-
apprendre.
vers ceux avec qui on partage la même vie. Nous
En effet, la société congolaise livre le por- avons ainsi le devoir de revivifier ces principes
trait d’un navire en mal de positionnement éthique aujourd’hui.
et dépourvu de repère moral au milieu du flot d’un

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p
UNIVERSITE LOYOLA DU CONGO Faculté de Philosophie St-Pierre-Canisius

So
J
hia
ournal hilosophique

REVUE SOPHIA
compilation des articles publiés
au cours de l’année académique 2021-2022.

Rédacteur en Chef :KUMA KUMA Landry, S.J. Conseillers :P. MOKA Willy, SJ.
Equipe de rédaction :BAGENDEKERE Fabrice, S.J. P. MBIRIBINDI Dieu-Donné, SJ.
DJAGUE Ramadane, S.J. P. NZOIMBENGENE Philippe, SJ.
DJERABE Rodrigue, S.J. P. TSHIKENDWA Ghislain, SJ.
SEKELE Irénée P. KUPELESA Max, SJ.
NSONDEY Monsengo, S.J. P. BASONOTA Eugène, SJ.
PAULO Mateus, S.J. P. KIANGALA Jules, SJ.
NGOY Ruphin Kibipe Sr. BOLONGO Amandine
YAPO Gilbert, S.J.
Nicolas MABWA
Secrétaires : KONGO Gabriel, S.J.
BALAKIME Antoine, S.J.
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KASONGO Selemani D.-Nepa,SJ. Publication :KAPCHE Mathieu, S.J.
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