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5.

La raison

Définition : La raison : faculté humaine par excellence / ce qui permet de penser, réfléchir, justifier
intellectuellement un énoncé, d’avoir un jugement réfléchi, non passionnel. La raison renvoie à
l’intellect, à la faculté de réfléchir, de penser par soi-même de manière autonome, sans tutelle / se
manifeste dans notre capacité à utiliser la logique, évaluer des preuves et utiliser des arguments
cohérents.

- La raison vient du latin “ratio” qui signifie “calcul” ou « raisonnement logique »


- Aristote définit la faculté de raisonner de l’homme par “zoon logikon”, l’animal raisonnable
- Selon Descartes, la raison est la “puissance de bien juger et de distinguer le vrai d’avec le
faux ». Et elle est “naturellement égale en tous les hommes”.
- Faculté de l'esprit humain qui permet de distinguer le vrai du faux, le bien du mal / faculté de
juger et de réaliser un raisonnement spéculatif, qu'il s'agisse d'un calcul, d'une discussion politique
argumentée ou d'une réflexion métaphysique sur la nature de l'âme humaine
DONC raison humaine donne à l'homme sa spécificité au sein du règne de la nature CAR le seul
être vivant muni d'une telle faculté.

- Lorsqu’on tente de raisonner un individu qui se laisse entraîner par ses impulsions et/ou ses
passions, on dit qu’on cherche à lui “faire entendre raison” ≠ quand un individu “suit le chemin de
la raison” ou “écoute la voix de la raison”, cette “voix” et ce “chemin” amène l’individu à maîtriser
ses passions = on dit de lui qu’il est “raisonnable”.

La raison est présente dans plusieurs domaines :

- Mathématiques : elle nous guide dans la résolution de problèmes en suivant des étapes logiques
et en appliquant des règles précises
- Sciences : formuler des lois et théories qui expliquent le fonctionnement de l’univers
- Philosophie : examiner des concepts abstraits telles que la vérité, la justice, l’éthique
- Prise de décision

La notion de raison comporte 2 aspects

o La rationalité
- d’un point de vue cognitif, la raison est une faculté d’ordre intellectuel, qui permet de penser de
façon logique, de distinguer le vrai du faux
- la capacité de calcul de la raison
- champ théorique et scientifique
- usage théorique lié à la connaissance

o La raisonnabilité
- d’un point de vue moral, l’individu maîtrise ses impulsions et ses passions grâce à la raison
- quand il s’agit de déterminer et de juger les actions des humains, il s’agit d’une valeur
- distinguer le bien du mal, le possible de l’impossible, le beau du laid
- enjeux pratiques et moraux
- usage pratique de la raison

Du côté rationnel, ce sont les axiomes mathématiques et les données de l’expérience. Du côté
raisonnable, ce sont les vérités morales qui se donnent à nous par la culture ou par la religion.

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I. Qu’est-ce que la raison ?

Le terme logos

- Logos est un terme qui vient du grec classique : signifie à la fois la “raison” et la “parole”
CAR pour les Grecques la raison et la parole étaient 2 termes englobés dans 1 même concept : la
parole relève de la raison et la raison adopte la forme de la parole
- En l’assimilant à la sagesse et vérité, les platoniciens ont donné une dimension supérieure à ce
terme. Le logos est le lien entre l’esprit et l’âme, entre la raison en l’homme et la loi divine
DONC “logos” = la « rationalité » , l’intelligence, la connaissance de la vérité qui permet de
percevoir 1 sens dans la confusion du monde.

Platon et le noùs

La raison est la faculté de l'esprit humain sur laquelle reposent différentes activités valorisées
dans la société grecque antique. Les travaux physiques sont laissés aux esclaves, aux étrangers
et aux travailleurs pauvres ≠ la vie politique et les loisirs intellectuels sont les privilèges d'une élite
qui a le temps et l'honneur d'exercer sa raison
DONC considérée comme la partie noble de l'âme humaine dans la culture de la Grèce antique.
- Dans La République, Platon distingue 3 « parties » dans l'âme humaine, qu'il faut
davantage comprendre comme des tendances que comme des parties au sens spatial.
* la partie désirante de l'âme humaine, l'epithumia, liée à la satisfaction des besoins du corps ;
* la partie de l'âme humaine qui rend possibles les actions courageuses, le thumos, soumettant le
corps à une volonté rationnelle ;
* la partie rationnelle de l'âme humaine qui permet à l'homme l'activité contemplative, le noùs.
- Cette dernière est la plus élevée, car elle n'est pas en contact avec les choses du monde,
matérielles, corruptibles et donc ontologiquement inférieures. Le noùs est tourné vers les
Idées, les essences des choses incorruptibles, l'être plein et il nous permet de contempler
la vérité inaltérée = l'homme, seul être possédant le noùs, jouit d'une supériorité naturelle
sur les autres animaux.

II. La raison, un principe universel ?

Pour les Grecs, la raison est une faculté universelle permettant à l’individu de percevoir le monde.

 Descartes, le Discours de la Méthode : « Le bon sens est la chose du monde la mieux


partagée. »
- Il use d’ironie pour expliquer l’idée selon laquelle tous les hommes sont universellement
égaux lorsqu’il s’agit de disposer du bon sens. Sur le plan moral, “le bon sens” donne à
l’homme la faculté de discerner le bien du mal, le vrai du faux.
- Le cerveau, en tant qu’appareil biologique, fonctionne de la même façon d’un individu à
l’autre = amène Descartes à se demander pourquoi certains individus se trompent ?
Selon lui, ce n’est pas un problème lié à la capacité cognitive de l’individu, mais plutôt à la
manière dont ce dernier mobilise cette faculté.
- Tous ont les mêmes capacités cognitives, cerveau fonctionne de la même manière chez
tous MAIS pourquoi alors tous ne pensent pas la mm chose, et pq certains se trompent ?
Ce n’est pas la raison, en tant que faculté cognitive, qui est en cause, mais la manière dont nous
nous en servons

Les maximes de vie seront différentes selon ce qu’on estimera conforme ou non à la raison.
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Faut-t-il en déduire que la raison n’est pas universelle ?
Ce serait confondre la raison en tant que faculté et la raison en tant que contenu de pensée
- Tous les hommes raisonnent (faculté), mais tous ne parviennent pas aux mêmes
conclusions (contenu de pensée)
DONC non-universalité des contenus pratiques

Selon Kant : raison universellement répartie DONC elle fonde la dignité humaine et exige que etre
humain soit respecté

La raison humaine et la raison animale

Bien que l’être humain soit un être rationnel, la raison ne doit pas nourrir l’orgueil de l’homme, car
elle n’est pas propre à sa condition humaine. En effet, il existe une raison animale DONC la raison
n’est pas propre à l’homme

 Descartes, Lettre à Morus : l’animal-machine


- Les mouvements et les actions des animaux sont comparables à celles d’un automate = les
animaux sont donc simplement soumis à des lois mécaniques. Si l’animal dispose d’une
sensibilité, il n’est pas doté de la raison comme l’est l’être humain.
- Il distingue :
* la substance corporelle : où la sensibilité, relevant du corps, peut s’expliquer par des lois
mécaniques ;
* la substance pensive : qui est propre à l’homme en lui octroyant la raison qui ne s’explique pas
par des lois mécaniques.
- Pour prouver ses idées, il s’appuie sur l’incapacité de l’animal à user de la parole, or cette
dernière est la manifestation extérieure de la présence d’une raison = les animaux ne sont donc
pas dotés de raison

Discours de la méthode : « La raison est la seule chose qui nous rend hommes. »

La raison animale

 Montaigne, Les Essais : conteste la théorie de l’animal-machine car elle ôte à l’animal
toute intelligence
- tente de prouver que l’animal dispose d’une raison en prenant l’exemple du chien à la recherche
de son maître
- lorsque le chien tombe sur un carrefour comportant 3 voies différentes, il utilise son flair sur les
deux premiers chemins = pour la 3ème route, le chien n’a pas besoin de faire appel à son flair, il s’y
laisse emporter par la force de la raison.
- en arpentant les 2 premiers chemins, le chien en est arrivé à la conclusion logique que son
maître n’avait pu emprunter que la 3ème voie.
- cette rationalité animale constitue la première humiliation de la raison humaine ET la seconde
humiliation concerne les faiblesses de la raison humaine = montre orgueil de l’Homme se
considérant comme le seul être doué d’une raison

Quels sont les principes logiques de la raison ?

Étant une faculté universelle chez l’être humain, la raison répond forcément à un certain nombre
de critères.

 Aristote : recense 3 principes logiques de la raison :

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1. Le principe d’identité : affirme le fait que tous les raisonnements étant identifiés comme
rationnels partent du principe qu’une chose est ce qu’elle est. “Ce qui est est”, “ce qui n’est
pas n’est pas”. “Ce qui est vrai est vrai” et ne peut être changé.
(Le mot “feuille” désigne une feuille et ne peut désigner un arbre, de même que le mot “arbre” ne
peut être utilisé pour désigner une feuille.)
 tout raisonnement et toute activité mentale identifiée comme rationnelle postule qu’une chose
est ce qu’elle est DONC quand je produis un discours, je pars du principe que les objets que je
désigne ne sont pas susceptibles de changer à tt moment d’identité.

2. Le principe de non-contradiction : défini comme l’impossibilité qu’un même attribut


appartienne et n’appartienne pas en même temps à une même chose. Ce principe rejette
catégoriquement la contradiction d’une proposition et de sa négation
(On ne peut pas affirmer à la fois que “tous les hommes sont des menteurs” et “seuls quelques
hommes sont des menteurs” OU que cette personne est à la fois morte et vivante)
 il est contraire à la raison de postuler qu’une même chose puisse, sous un même rapport, en
même temps être et ne pas être.

3. Le principe de la causalité : stipule que tout effet à une cause. Comme rien ne se produit
sans cause : les mêmes causes auront forcément les mêmes effets.
 tout effet a une cause et la même cause produira le même effet : les choses ne surviennent
pas de façon aléatoire / rien ne se produit sans cause

CCL : tous ces principes permettent de vérifier si ce que nous formulons est conforme à la logique
ET répond à 1 ordre rationnel = vérifier la validité logique d’un raisonnement

III. Comment apprendre à raisonner ?

Si l’être humain veut apprendre et parvenir à des vérités, il est obligé d’apprendre à bien
raisonner. Mais comment bien raisonner ?

La nécessité d’une méthode

Trouver des vérités ne signifie pas que l’on est doué de raison, mais que nous sommes en
mesure de faire bon usage de notre raison pour parvenir à des vérités.
 Descartes, Discours de la Méthode : “Le bon sens est la chose du monde la mieux
partagée.”
- tous les hommes sont dotés de raison et par conséquent, nous avons tous la possibilité
d’accéder à la vérité ≠ l’homme est capable de se tromper. Si les humains font des erreurs, c’est
qu’ils n’ont pas su faire le bon usage de la raison. Pour le faire, il faut suivre une méthode, du
grec methodos, qui signifie “poursuite ou recherche d’une voie”.
- il s’agit de chercher la vraie méthode pour parvenir à la connaissance de toutes les choses dont
mon esprit serait capable
 essence de l’homme repose dans une raison universelle et diversité de nos opinions, donc nos
erreurs, vient de la diversité dans notre conduite de la raison

Le doute méthodique / cartésien

 Descartes, Discours de la Méthode :


- il explique au cours de sa vie, il a rencontré le doute plusieurs fois. Déjà lors de ses études, il
s’est aperçu que + il apprenait, + il se rendait compte de son ignorance = en se remettant sans
cesse en question, il n’arrive pas à trouver de certitude.

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- il se rapproche de ce que disait Socrate plusieurs siècles avant lui : “Ce que je sais, c’est que je
ne sais rien.”

Lorsque nous sommes enfants, nous avons besoin de préjugés. Ils permettent de disposer de
principes pour guider ses actions ≠ lorsque la raison est formée et qu’un individu est capable de
réfléchir par lui-même, il est important pour Descartes de balayer tous ses préjugés, faire table
rase de toutes les opinions que nous avons reçues afin de les examiner une par une via le prisme
de notre raison.
 Descartes, Principes de la philosophie : “Pour examiner la vérité, il est besoin de mettre
toutes choses en doute autant qu’il se peut.”
Il a tout remis en question afin d’établir des vérités fiables et indiscutables en partant de
connaissances dont il était impossible de douter
Pour lui, il n’y a qu’un moyen de parvenir à la vérité, c’est la raison = nous pousse à chercher des
raisons, c’est-à-dire des explications, des justifications, des preuves
- Le doute lui-même est notre meilleur allié pour atteindre la vérité = la raison doit douter de tout,
jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus douter = ce doute va paradoxalement aboutir à l’évidence de la
vérité
- Le doute méthodique est le fait de douter systématiquement de toutes les idées que nous
n’avons pas examinées. Ce doute nous permet alors de vérifier si cette idée est une certitude ou
non.
(Il oppose le doute méthodique, ou cartésien, au doute sceptique. Le premier est provisoire quand
le second ne cesse jamais.)

Le cogito cartésien

C’est grâce à cette démarche qu’il a trouvé sa 1ère vérité : le « cogito ergo sum » (« je pense,
donc je suis »)
 Descartes, Méditations métaphysiques : la question essentielle est de savoir si nous
pouvons nous fier à la raison.
- il remet en cause l'existence de tout ce qui existe = il doute d'abord de l'existence de tout ce que
les sens peuvent sentir et arrive rapidement à la conclusion que nous ne pouvons jamais nous fier
à nos sens pour atteindre la vérité, car on constate régulièrement qu'ils nous trompent (mirages,
erreurs de perception)
DONC il faut systématiquement renoncer aux connaissances venant des sens.
- il remet également en doute les connaissances venant de la raison : il constate que la raison
s'égare aussi parfois, et que l'on commet des erreurs de calcul ou de raisonnement sans s'en
rendre compte = si on veut être certain de ne jamais se tromper, il faudrait rejeter toutes les
connaissances de la raison.
- pourtant, il y a une vérité dont on ne peut douter, dégagée non par un raisonnement mais par
une évidence rationnelle. C'est l'expérience du cogito : « Dubito ergo cogito, cogito ergo sum »
(« Je doute donc je pense, je pense donc je suis »)
- quand je doute, il n'y a qu'une chose qui demeure : le sujet à l'origine de ce doute. La raison
constate que je ne peux jamais arrêter de penser, et quand bien même je voudrais douter que je
pense ou que je doute, il y aurait irréductiblement un sujet qui ferait l'action de douter. Descartes
peut donc déclarer : « Je suis une chose qui pense, c'est-à-dire un esprit, un entendement ou une
raison » = l’être humain se définit avant tout comme une capacité à raisonner.

La raison comme moyen d’action

 Rousseau, le Contrat Social : lien entre raison et politique


- raison doit guider les décisions politiques = trouver principes justes et équitables pour gouverner
la société = pour que démocratie puisse vivre paisiblement

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 Machiavel : la Raison d’État
- la notion de raison en politique n’est pas toujours aussi noble qu’elle devrait l’être
- le Prince prend parfois des décisions pragmatiques, voire cyniques, visant à préserver le pouvoir
- la politique c’est comme un jeu stratégique dans lequel la raison doit parfois agir de façon
immorale pour atteindre objectifs fixés
- principe d’action politique qui vise la conservation de l’État, sans considération de la moralité ou
légalité des moyens engagés pour y parvenir

En politique, la raison oscille entre noblesse et ruse ET la véritable mesure de sa grandeur


dépendra des mains qui la manie
Être raisonnable : vivre sous la conduite de la raison

- Être conforme à la raison, c’est pas uniquement être rationnel, c’est-à-dire respecter la logique,
mais c’est aussi faire preuve de bon sens DONC la raison n’est plus assimilée à une simple
faculté logique, aussi à la capacité de produire des jugements éthiques
(Ex : se conformer à la raison si l’on suit Platon, c’est être capable de maitriser ses désirs plutôt
qu’en être esclave / être capable de juger qu’un mode de vie a plus de valeur qu’un autre)

La raison comme guide moral

Le versant moral de la raison est la raisonnabilité. L’humain fait un usage moral de sa raison
quand il doit déterminer sa manière d’agir conformément à la morale.

 Kant : la raison peut guider nos choix moraux en établissant principes universels et
rationnels
- permet d’évaluer la conséquences de nos actes, de distinguer le bien du mal, d’adopter une
démarche objective dans nos décisions éthiques
- la raison guide vers des principes moraux qui s’appliquent à tous individus indépendamment de
leurs préférences / intérêt personnels = orienter nos actions dans bon chemin
- il a une foi folle en l’homme = il considère que hommes peuvent faire choix moraux et renoncer à
leur plaisir individuel immédiat
- impératif catégorique : le commandement qui guide l’action morale / qui fait préférer l’intérêt
collectif ≠ intérêt particulier, personnel
« Agis de telle sorte que le principe de ton action puisse être érigée en loi universelle »
Va-t-on choisir le cote obscur de la force ou au contraire choisir la voie de la sagesse ?

Exemple : Star Wars : Luke doit faire face à un choix moral difficile = est-ce qu’il doit tuer son père
Dark Vador ou l’épargner ? (Vador étant du côté obscur de la force)
 Luke va utiliser sa raison pour ce dilemme = évaluer la conséquence de son action, les
implications morales et les principes universels de la bonté et de la justice = il va se détourner de
la tentation du côté obscur / renoncer au plaisir immédiat et personnel de la vengeance / faire
preuve d’un discernement guidé par la raison = rédemption et espoir plutôt que la vengeance

Critiques de la morale kantienne

 Charles Péguy, Pensées : « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »
- le kantisme serait en pratique inapplicable : il serait moralement pur, mais seulement de par son
inefficacité à penser l’action morale concrète
- kantisme est moralement propre mais incapable d’un acte concret = ne tient pas compte des
basses réalités quotidiennes
- l’humain n’est pas une machine = nos émotions influencent jugements, décisions et choix même
lorsqu’on essaie d’être rationnel

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Exemple : Severus Rogue dans Harry Potter : bien qu’il semble agir de façon froide et rationnelle
= ses actes sont motivés par son amour non partagé envers Lily Potter (mère Harry) ET sa colère
envers James Potter (père Harry)

 David Hume : nos émotions jouent un rôle décisif dans nos actions et nos jugements,
même lorsque nous cherchons à être rationnels
- émotions influencent nos raisonnements et la raison pure ne peut guider seule nos choix
- prendre en compte complexité de nos émotions dans notre réflexion, ne pas sous-estimer leur
impact dans nos pensées rationnelles
- reconnaître interaction entre émotions et notre raisonnement = prendre décisions éthiques,
justes et équilibrées  préalable indispensable à l’action
« La raison est l’esclave des passions »

IV. La raison a ses failles

Les limites de la raison (théorique)

 Pascal, les Pensées : la finitude humaine


- du fait de sa finitude, l’homme n’a accès qu’à une petite partie de la nature = sa raison est donc
limitée. - l’homme est une créature finie créé par une puissance divine infinie = l’homme, doit se
contenter de comprendre le monde en acceptant les limites qui sont les siennes.
- Les reconnaître permettra à l’être humain, non pas d’arrêter de rechercher la vérité, mais de la
chercher dans la petite partie à laquelle il a accès DONC l’être humain ne peut pas saisir le
monde dans son entièreté.

 Kant, la Critique de la raison pure : délimite l’usage de la raison au domaine sensible /


délimite ses utilisations légitimes
- les questions métaphysiques, ne concernant pas le sensible, la raison est capable d’y réfléchir,
mais n’est pas en mesure de produire un jugement objectif sur ces questionnements : “Le cœur a
ses raisons que la raison ignore” = raison peut produire des jugements vrais que dans domaine
sensible grâce à l’expérience
- se méfier de la tendance de la raison à vouloir dégager des connaissances dans des domaines
qui échappent à ses compétences.
- Notre faculté raisonnante peut en effet se tourner dans deux directions :
* L'entendement, d'une part, s'intéresse aux choses sensibles dans leur diversité / 1 faculté de
connaître ce qui s’applique aux choses sensibles, dans le temps et dans l’espace
(ex : lorsqu'on voit un chêne et un cerisier, l'entendement trouve le commun qui les unit malgré
leur diversité (tronc, branches, feuilles) et dégage le concept d'arbre)
* La raison a, d’autre part, une tendance qui l'incite à se dégager du sensible et à tenter de trouver
des concepts qu'elle voudrait sur des objets non sensibles, des objets dont elle ne peut faire
l'expérience = quand la raison s'adonne à la métaphysique, et qu'elle tente de savoir si des objets
tels que Dieu, l'âme ou le monde existent  bien qu'aucune expérience sensible de ces objets ne
soit possible, la raison a toujours tendance à vouloir affirmer qu'elle peut prouver leur existence.
(C'est ce que fait Descartes quand il croit pouvoir déduire de l'essence de Dieu son
existence dans Méditations métaphysiques : sa raison statue sur des questions métaphysiques,
qui relèvent de la foi et non de la rationalité)
- C’est ce qu’on appelle l’illusion transcendantale : tendance irrépressible de la raison à croire que
idées métaphysiques sont démontrables scientifiquement et qu’on peut donc connaître les choses
en soi
DONC certains aspects de la réalité dépassent les capacités de la raison humaine

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 Si l'on veut être certain de ne jamais se tromper, il faut discipliner la raison et se méfier
de l'illusion transcendantale qu'elle tente d'affirmer comme vraie sans en avoir les moyens /
nécessaire de délimiter ce qu’on peut ou non connaître. La raison ne peut dégager de vérité que
sur des objets dont l'expérience est possible : sans expérience sensible, la raison est totalement
impuissante = raison est illégitime qd elle prétend connaitre ce qui ne peut faire l’objet d’une
expérience sensible / elle peut conduire à des impasses cognitives (qui concerne acquisition
connaissances)

La raison peut faire défaut à l’homme (pratique)

L’humain est un être rationnel en tant qu’il possède une raison. Il peut cependant se conduire de
manière irrationnelle ou irraisonnable quand sa raison lui fait défaut : l’expression “perdre la
raison”

- Les dieux ont le pouvoir de retirer la raison à l’être humain et le contraindre à commettre des
actes irrationnels comme dans la pièce La Folie d’Héraclès d’Euripide où Héraclès devient fou à
cause d’Héra et finit par tuer sa femme ainsi que ses enfants. De même que les croyances,
lorsqu’elles sont extrêmes, poussent l’être humain à commettre des actes insensés comme le
terrorisme par exemple.

- Même la raison est censée maîtriser les sentiments de l’homme, il peut arriver que ces derniers
soient si forts qu’ils plonge l’être humain dans la folie comme l’illustre la pièce d’Othello de
Shakespeare où un roi, rongé par la jalousie, assassine sa femme, Desdémone.

- Enfin, les raisons médicales peuvent également expliquer la perte de la raison chez un individu.
La raison humaine peut donc défaillir.

Le rejet de la raison : le refus de la rationalité et de la raisonnabilité

L’aspect moral peut renforcer l’aspect logique de la raison quand il s’agit de guider l’action
humaine. Cependant, si l’humain peut se servir de sa raison sous ces deux aspects, il peut
également refuser d’en user. Il rejette alors la rationalité et la raisonnabilité dont il est capable.

 Kant, Qu’est-ce que les Lumières ? :


- Pourquoi vouloir se maintenir dans l'état de tutelle ? Une telle volonté est à la fois un refus de se
servir de la rationalité dont l'homme est capable, et un acte déraisonnable.
- L'humain choisit de rester sous tutelle par paresse : accéder aux Lumières demande un effort.
Celui qui refuse de penser par lui-même se laisse gagner par le confort et la facilité qu'il y a à
déléguer cet effort à un autre = celui qui pense à la place d'un autre lui donne des idées toutes
faites DONC l'être humain s'épargne l'effort de penser par lui-même.
- Cette délégation devenant habituelle, il est toujours plus difficile de commencer à penser par soi-
même = l'humain choisit de rester sous tutelle par lâcheté : cette lâcheté vient de la peur de se
tromper et d'être tenu pour responsable de ses erreurs ≠ celui qui se laisse gouverner par un autre
ne sera jamais tenu pour responsable : le responsable sera son guide.
- Se laisser guider par un autre : un acte déraisonnable. Le tuteur de l'enfant doit le faire passer
d'un état de dépendance, d'hétéronomie, à un état d'autonomie. Il le conduit à dépasser l'état de
tutelle pour accéder à une liberté de penser et d'agir par lui-même. L'objectif est de le faire
accéder à la liberté. Il est un maître à penser, c'est-à-dire celui qui apprend à penser.
- Inversement, le tuteur responsable de la tutelle d'un autre ne le fait pas devenir autonome. Il le
conforte dans sa servitude afin de conserver sur lui un pouvoir et le manipuler. Ainsi il l'abêtit,
c'est-à-dire qu'il ne l'aide pas à exercer ses facultés. Il n'éveille pas sa raison, mais au contraire
l'endort.

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 l'homme qui se maintient volontairement dans un état de tutelle refuse de se servir de sa
rationalité, et se prive lui-même de sa liberté, ce qui est un acte déraisonnable.

La destruction du raisonnable par le rationnel

L'homme peut mettre sa rationalité au service de fins totalement immorales. La raison est
alors déchirée, quand ses deux versants se séparent radicalement l'un de l'autre et
s'opposent.
L’homme peut mettre sa rationalité au service de fins totalement immorales. La raison est alors
déchirée, quand ses deux aspects se s’opposent.

 Georges Didi-Huberman, Images malgré tout :


La mise en place de la « solution finale » par les nazis est un exemple historique de cette
déchirure et de cette opposition.
- les nazis ont voulu et construit le caractère inimaginable de la Shoah
- témoignage du détenu Simon Wisenthal qui rapporte les paroles d'un SS disant que tous les
soupçons et les recherches ne permettront jamais de dégager de preuve de l'existence de la
Shoah CAR les nazis auront détruit toutes les preuves matérielles et humaines.
- le crématoire V d'Auschwitz fut détruit en 1945 par les SS eux-mêmes ; et les
Sonderkommandos furent contraints de détruire tous les documents sur les détenus = oubli de
l'extermination fait partie de l'extermination elle-même.
- Un autre moyen employé par les SS pour cacher l'existence de la Shoah fut le détournement de
la langue = les Sonderkommandos ne sont pas seulement un commando spécial comme
l'invite à le croire le terme allemand. Ce sont les équipes de détenus chargés de mettre les
cadavres dans les fosses ou les fours crématoires.
Toutes ces procédures témoignent d'une très grande rationalité, d'une grande capacité de
calcul ; mais également de la destruction de toute morale (immoralité : pratique qui porte atteinte à
la dignité humaine)

Conclusion :
Grâce à la raison, l’homme est capable de connaître le monde et de guider ses actions. Toutefois,
la raison seule ne permet pas à l’homme de connaître le monde dans sa globalité. Du fait de sa
finitude, l’être humain n’est pas en mesure de disposer des connaissances auxquelles il n’a pas
accès. On peut illustrer cette idée à une fourmi qui serait dotée d’une raison similaire à celle de
l’homme ; du fait de sa petite taille, elle ne serait pas en mesure d’avoir des connaissances sur
l’univers. Cependant, bien que Descartes puisse considérer l’animal à un automate (animal-
machine), ces derniers ont une raison qui leur est propre. Ce qui fait que l’être humain n’est pas le
seul animal à disposer d’une raison. Une faculté qui dispose de nombreuses limites.

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