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Espace Prépas Concours Ecrits Culture générale THÈME DE CULTURE GÉNÉRALE "LE MONDE"
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L'intensification de nos pratiques informatiques rend peut-être plus di icile une démarche qui allait de soi : penser à partir d'un énoncé inédit,
un crayon à la main. Or, au concours, une calligraphie est requise. Non seulement pour recopier d'une écriture aérée, lisible, qui donne appétit et
ne rebute pas les yeux déjà très sollicités des correcteurs du concours. Mais aussi pour construire les coulisses. On ne gère pas un brouillon sur
feuille, destiné à guider dans la rédaction définitive, comme on le fait, en continu, à l'ordinateur, brouillon qui devient le texte accompli lui-
même. par Véronique Bonnet
Réfléchir en écrivant sur une feuille ouvre des possibilités très intéressantes, par la rapidité des
rapprochements, la clarté des tableaux synoptiques. À la main, on peut utiliser aisément - Tout -
flèches de dissociation et d'association, dessiner, schématiser, c'est-à-dire rendre sensible à
soi-même ce qui est abstrait ou intelligible. Comme la figure du cercle le fait pour la définition
du cercle.
Une fois l'esquisse sur les rails, il importe de bien déterminer le moment, impératif, du passage
du brouillon à la copie. Ainsi, pour une épreuve en quatre heures, ne jamais consacrer au
brouillon plus d'une heure et demie. Ce qui laisse au moins deux heures et demie pour le
recopiage de l'introduction et de la conclusion, la rédaction du développement avec
argumentaires et illustrations, et la relecture qui est essentielle.
Tel d'entre vous, après avoir montré que le sujet donnait quelque chose à penser, se plaira à
annoncer dès le départ tous les enchaînements, alors que tel autre aura besoin de ménager
une certaine dramatisation plus surprenante, néanmoins explicitée et cohérente. Certains,
pour se sentir bien dans l'acte d'écriture, auront besoin d'homogénéiser les illustrations, ou de
faire monter en puissance les tensions théoriques…
Le seul point non négociable : ne jamais laisser votre lecteur, c'est-à-dire, ici, l'examinateur,
deviner tout seul la logique de vos enchaînements. Autant, pendant l'année, on peut avoir la
tentation d'être allusif, puisque l'on s'adresse à un professeur dont on sait qu'il connaît tel
contexte ou telle transition… Autant, au concours, il est impératif de tout expliquer.
D'où l'importance d'éviter ce que les jurys appellent les topoï — pluriel grec du terme topos —,
des enchaînements et références déjà constitués, que l'on voudra de force " réussir à placer ",
et qui font intervenir des présupposés disparates. Ne surtout pas passer l'année à constituer
une " dissertation type " sur la vérité en général, qui ne pourra en rien constituer un traitement
circonstancié de tel sujet particulier. Les citations hors contexte, vestiges pitoyables d'une
pensée démembrée, sont également indésirables.
l'argumentaire pressenti ;
Vérifier que les étapes en question sont bien successives et non pas juxtaposées. Noter de
manière très lisible quel est leur lien logique : déduction, apparition d'un élément nouveau
(or), qui va lui-même interagir sur ce qui précède et le modifier (donc)…
Principe
Il est important de se représenter la dissertation comme une démarche cohérente, d'un seul
tenant, et d'éviter le malentendu d'une construction qui serait constituée d'une suite de
formalités.
Il m'arrive de renvoyer mes étudiants à la métaphore qui est celle que Platon, dans le
Parménide, met dans la bouche de Parménide lui-même : disserter relève de " la traversée à la
nage d'un vaste océan de discours ". Savoir disserter est un peu et même beaucoup comme
savoir nager : une fois qu'on a compris qu'on pouvait prendre appui sur l'eau elle-même pour
mieux l'a ronter, on est assuré de trouver en elle des ressources, de bien s'y poser,
éventuellement de s'y reposer pour mieux rebondir…
Expression également souvent utilisée dans les rapports de concours, " se battre avec le sujet ".
Non pas se débattre, mais combattre, se mesurer à ce de quoi il faut d'abord saisir la
configuration, la complexion.
Dans la dissertation de culture générale, donc, les opérations s'appellent l'une l'autre. La
première et la plus fondamentale consiste à se donner un objectif. En quoi cet énoncé, cette
forme syntaxique dont je vois bien qu'elle est en rapport avec le thème de l'année, est-il
porteur d'une anomalie, d'une incertitude, d'une ambiguïté, de façon telle que mon
intervention soit requise pour la travailler ?
Autant d'indices contenus dans le sujet qu'une lecture un peu attentive va débusquer afin de
diligenter une investigation réfléchie. Qu'il s'agisse d'une notion (" L'authenticité "), d'un
couple de notion (" Vérité et sincérité "), d'un adjectif substantivé (" L'invraisemblable "), d'un
nom suivi d'un adjectif qualificatif (" La parole vraie "), d'un verbe (" Vérifier "), d'une triade ("
Doute, certitude et vérité "), d'une alternative (" Vérité ou évidence ? "), d'une question qui
reste arbitraire tant qu'elle n'est pas problématisée (" Comment discerner le vrai ? "), il
importera de relever teneur apparente, teneur sous-jacente, statut temporel, spatial, sujet
supposé, registre, contraposée…
Chaque sujet de dissertation est absolument spécifique et la " chair de l'énoncé " impose une
stratégie de lecture plastique, constamment prête à se reconfigurer. Un peu comme les veines
du marbre s'imposent successivement à qui tente d'y faire surgir une figure.
Le terme problème veut dire, pour une dissertation de culture générale comme un devoir de
mathématiques, obstacle. Il vient du grec pro, " devant " et blêma de ballà, " jeter ", soit " ce
qui est jeté devant ".
Relever dans le sujet une di iculté, un obstacle, quelque chose qui nous arrête et nous
empêche d'avancer, revient à avoir la garantie de réfléchir avec une réelle envie de
comprendre, moteur décisif. La dissertation se trouve alors e ectivement enclenchée, et ce qui
apparaît progressivement est su isamment ordonné pour avoir en lui-même une logique qui
dispense de tout agencement factice.
Certes, restera toujours la question de la conclusion, qui ne pourra jamais prétendre être une
solution intégrale, puisque à mesure que les propositions se font plus précises, elles sont
amenées à rencontrer d'autres apories et scories.
Dans la dissertation de culture générale, s'arrêter a toujours une part d'inaccompli, comme le
disait déjà Aristote : " Il est nécessaire, toutefois, de s'arrêter. " La construction s'interrompt en
e et, et il convient de négocier comment le faire de la façon la plus lucide et élégante, avant
même que toutes les di icultés se soient trouvées dépassées.
Le schéma le plus simple est donc celui d'une hypothèse initiale qui, rencontrant des limites,
donne lieu à une première reformulation, qui elle-même, pour la même raison, donne lieu à
une nouvelle et dernière reconfiguration. Mais, pour le dire à nouveau, l'essentiel est que la
proposition soit animée du dedans par une continuité démonstrative, comme la traversée du
nageur, qui prend appui sur ce de quoi il faut parler autrement et mieux.
Le moment moteur est celui de la lecture du sujet. C'est pourquoi nous allons maintenant
montrer comment, à partir d'un sujet sur la vérité, bien s'approprier la teneur d'un libellé
revient à se donner des atouts pour avancer et relancer à chaque fois l'exigence de
construction. L'introduction qui, comme son nom l'indique, a pour fonction de conduire le
candidat et son lecteur " à l'intérieur " du sujet, si elle est correctement construite, contient
déjà en elle-même les matériaux pour les étapes suivantes.
d'écrire le sujet, qui n'est pas supposé connu du lecteur. Ne jamais commencer par " Ce sujet
nous invite à " ;
de problématiser le sujet. Ainsi, pour " Être dans le vrai ", établir les incertitudes temporelles,
la naïveté spatiale, la fragilité du substantif ;
de reformuler le sujet pour bien montrer au lecteur que vous avez identifié l'obstacle
théorique ou l'ambiguïté.
Ce qui pourrait donner au brouillon : " La vérité serait-elle à penser comme un lieu originaire,
plénier, dont l'homme se serait trouvé exilé, ou comme tâche récurrente de mise en cohérence
des mots et des choses, des choses et des choses, des mots et des mots, de soi avec soi…
Royaume originaire ou totalisation toujours à recommencer ? Notion statique ou dynamique ?
Lieu ou processus ? "
Ce qui pourrait donner au brouillon : " Partis d'une approche spatiale de la vérité, nous avons
mesuré la naïveté d'une démarche qui se contenterait de juxtaposer des éléments sans en
constituer une synthèse temporelle. Pour autant, parler non plus d'“être dans le vrai”, mais de
construire, déduire, reviendrait à méconnaître le diallèle du critère du vrai, qui se suppose lui-
même. Ce qui dès lors reviendrait à inverser la formule proposée : non pas “être dans le vrai”,
mais avoir en soi une idée du vrai. "
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