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Du texte littéraire à la tâche scolaire : travailler Novarina, du jeu au signe,


du corps au sens

Dolz-Mestre, Joaquim; Ronveaux, Christophe

How to cite

DOLZ-MESTRE, Joaquim, RONVEAUX, Christophe. Du texte littéraire à la tâche scolaire : travailler


Novarina, du jeu au signe, du corps au sens. In: Le langage et l’homme, 2006, vol. 41, n° 1, p. 33–41.

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Le Langage et l'Homine, vol. XXXXI, n° l (juin 2006)

Du texte littéraire à la tâche scolaire :


travailler Novarina, du jeu au signe,
du corps au sens

Joaquim DOLZ et Christophe RONVEAUX


Université de Genève

L'explication de texte, dans le sens englobant que lui donne Daunay (2002),
est !'exercice fondateur de renseignement de la littérature au secondaire. Qu'elle
prenne la forme d'une analyse textuelle, d'un commentaire composé, d'une
analyse littéraire ou d'une lecture méthodique, elle vise à développer la
compétence du lecteur. Dans un. enseignement de la littérature, il s'agit de former
à un discours métatextuei. Dans le meilleur des cas et dans sa forme ia plus
ambitieuse de l'analyse de texte, un élève apprendra à « communiquer avec ses
compagnons, avec son professeur, avec des dictionnaires, des grammaires..., à
expliciter ses réactions et hypothèses, à les mettre à l'épreuve et ainsi, peu à peu,
à faire le départ entre ce qui lui est propre et ce qui lui est commun à la classe (et
par là, sans doute, plus facilement attribuable, en tant que valeur culturelle, au
texte iui-même) ; non pas simple rejet ou refoulement, mais reconnaissance,
discrimination et maîtrise progressives » (Legros, 1978, p.65). Cette finalité est
ambitieuse et son exercice périlleux.
La pratique en classe de français de l'exercice de l'explication de texte fait
régulièrement Pobjet de critique. On lui reproche de ne plus tenu- sa visée de
développer la lecture, de perdre le lien avec le texte. Sont mises en cause tour à
tour son inadaptation au contexte des faibles lecteurs, la nature même de
l'exercice trop axé sur le texte littéraire, la technique de guidage de renseignant.
La lecture littéraire a pu apparaître à certains conime une voie prometteuse, en
particulier dans sa manière de replacer le lecteur au cœur de l'activité
interprétative. Avec elle, on retrouverait le sens de l'exercice originaire de
l'explication de texte : repartir du texte, en saisir les potentialités didactiques et en
faire le point de départ de la tâche. Le propos de cet article n'est pas de présenter
une innovation de plus. Il s'agit plutôt d'identifier ce qui dans les techniques de
pointage de renseignant détermine les conditions d'un apprentissage de la
lecture.
Cette contribution propose une analyse du travail d'une enseignante de
littérature au secondaire supérieur . Cette enseignante a accepté de mener une
leçon sur un extrait de la Lettre aux acteurs de Valère Novarina. Dans un premier
34 DU TEXTE LITTÉRAIRE À LA TÂCHE SCOLAIRE...

temps, nous verrons comment renseignante prépare son objet d'enseignement en


lien avec l'objet textuel, puis, dans un deuxième temps, comment elle choisit de
structurer la tâche. Dans un troisième temps, nous comparerons les potentialités
didactiques du texte avec les tâches effectivement réalisées en classe. Cette
analyse devrait nous permettre de dégager la structure hiérarchique et
l'organisation séquentielle de la leçon.

1. Dispositif de recherche et méthode d'analyse

Pour observer la technique de renseignante, nous avons proposé un extrait


de La lettre aux acteurs de Valère Novarina (1989), publié chez P.O.L. Le contrat
de recherche était le suivant : (l) nous transmettre ses réflexions sur sa lecture du
texte et sur son enseignement dans la phase de préparation ; (2) nous permettre
d'enregistrer sur support numérique le déroulement de la leçon.
L'extrait se présente sous la forme d'une lettre adressée aux acteurs. Les
nombreuses formes verbales aux modes impératif et infinitif, la présence de
verbes modalisant l'obligation (« le spectateur doit entendre », « Faut pas faire les
intelligents ») donnent à l'extrait l'allure générale d'une prescription et apparente
le texte au genre injonctif. Le conseil porte sur la manière de dire le texte. La
double série lexicale du corps oral (buccal et anal) et des organes phonatoires
détermine le thème de la « manducation » de la parole (selon l'expression chère à
Jousse, 1975). Il s'agit d'ancrer l'activité phonatoire dans la fonctionnalité des
organes manducatoires. Pour contraster cette position, l'énonciateur oppose deux
séries de lexèmes : la série marquée positivement comprend les iexèmes liés à la
respiration et aux différentes phases de la manducation (couper, broyer, déglutir,
avaler, etc.) ; la série marquée négativement correspond aux lexèmes relevant de
la maîtrise et de Fexercice scolaire du découpage en tranches intelligibles. Cette
dernière série est associée à la doxa d'une certaine diction classique française. Le
texte apparaît donc comme doublement scandaleux : scandale du corps oral
affirmé et scandale du conseil manducatoire s'inscrivant en opposition de la
tradition scolaire.
Pourquoi la «Lettre aux acteurs» de Novarina? Le choix du «réactif»
Novarina présuppose l'hypothèse suivante : le processus de formation /
transformation de l'objet d'enseignement (ici, la lecture, d'un texte littéraire),
constitutif de la transposition didactique (Schneuwly, 1995), sera davantage
saillant s'il est sollicité par un réactif scandaleux — c'est-à-dire par un objet qui
échappe ou résiste (pour un temps tout au moùis) aux méthodes d'investigation de
type « explication de texte » qui s'unposent ordinairement à renseignant. L'idée
est que, devant un objet (textuel) difficile d'accès, posé en dehors des circuits
scolaires de légitimation, l'action de renseignant met en évidence un modèle
didactique de la lecture qui interroge les modèles théoriques existants et montre
de nouvelles dimensions de l'objet d'enseignement. La machine, s'enrayant sous
l'effet de l'intrus, met à nu la fonctionnalité de ses rouages. L'analyse des
données recueillies se fera selon trois niveaux :
(l) Premier niveau, avant le travail en classe, la préparation de la leçon :
analyse des douze messages adressés par renseignante aux chercheurs. Nous
verrons comment le texte proposé par les chercheurs est mis en lien avec les
objectifs du programme, avec les textes frères et opposés, comment cette
DU TEXTE LITTÉRAIRE À LA TÂCHE SCOLAIRE... 35

eignement en intertextualité constituée de proche en proche permet à renseignante de produire


;lle choisit de ses commentaires et de dégager les caractéristiques du texte à lire. Ce niveau
i potentialités d'analyse vise à dégager le modèle d'investigation didactique de renseignante de
classe. Cette manière à comprendre les chobc effectués.
rarchique et (2) Deuxième niveau, l'organisation et la structuration du travail : analyse
des caractéristiques de la tâche scolaire proposée par renseignante en lien avec
les particularités du texte à lire. Ce niveau d'analyse nous permettra d'observer la
séquence d'easeignement dans son ensemble.
ilyse (3) Troisième niveau, les interactions didactiques et le détail des activités
menées dans la tâche : analyse des techniques de présentification et de pointage
>sé un extrait de renseignante. Pour analyser ces techniques, nous établirons le synopsis5 des

L. Le contrat deux périodes qui couvrent la leçon. Celui-ci fournit une sorte de synthèse des
sa lecture du activités réalisées suivant un ordre séquentiel et une structure hiérarchique. La
•us permettre macro-structure ainsi dégagée (cf. annexe) nous permettra de mieux comprendre
la logique du travail de renseignante.
acteurs. Les
présence de
t pas faire les 2. Analyse de la préparation
et apparente
le texte. La La réflexion de renseignante lors de la préparation de son travail évoque
phonatoires d'abord les liens possibles à établir entre le texte de Novarina, les tâches
ssion chère à prescrites dans les programmes officiels du cours de français et les contenus
ionnalité des d'enseignement en cours de développement dans la classe (en particulier du cours
oppose deux de littérature). Sont convoqués tour à tour son expérience personnelle de lectrice,
mes liés à la le contexte socio-bistorique du texte, les diverses représentations dont ce dernier a
yer, déglutir, fait l'objet, les textes proches dont elle cite des extraits plus ou moins longs (de
3 relevant de quelques lignes à plusieurs pages) ou des auteurs dont elle nomme les topiques,
gibles. Cette les stéréotypes. Progressivement, renseignante centre ses réflexions sur le texte
française. Le même et ses thématiques propres : l'oralité et le corps. Cette centration sur la
1 corps oral thématique du texte est le produit de l'analyse des moyens lexicaux, syntaxiques,
isition de la sonores mis en œuvre par le texte. Le caractère scandaleux du texte, la nature de
renonciation (une prescription aux acteurs), le rythme rapide des phrases brèves
u « réactif» (phrases nominales, verbes à l'impératifou à l'mfinitifsans sujet) en alternance
formation / avec de longues périodes classiques, la thématique du corps oral et buccal, la
:e littéraire), présence de toumures orales (élisions, interjections, phrases exclamatives,
î davantage syntaxe mimant le tour oral) dans l'écrit, les ruptures créatives du genre
un objet qui épistolaù-e qui devient texte théâtral, tous ces aspects du texte conduisent
istigation de renseignante à choisir une entrée par l'oralisation au détriment d'une approche
nant. L'idée traditionnelle de type « commentaire », une entrée dont renseignante reconnaît
des circuits explicitement qu'elle lui a été suggérée par le texte même. Les activités de lecture
un modèle à haute voix, de mémorisation et de mise en espace se feront dans un premier
ts et montre temps en dehors de toute préoccupation de sens. L'activité métatextuelle
irayant sous interprétative est mise en veilleuse au profit de la performance.
analyse des Le choix par renseignante d'une entrée axée sur la lecture à haute vobî de
l'extrait du texte de Novarina où ['accès au sens et au champ esthétique est
le la leçon : d'abord intuitif et par imprégnation, est dicté par les contenus de La lettre aux
leurs. Nous acteurs. Cela dit, tout le travail de préparation proactive permet une anticipation
en avec les des mterventions concrètes de renseignante. L'analyse a priori du texte à lire et
uuent cette de ses potentialités didactiques reste de ce point de vue une base des ressources à
36 DU TEXTE LITTÉRAIRE À LA TÂCHE SCOLAIRE...

mobiliser dans les mteractions avec les élèves après l'oralisation et la mise en
bouche.
Etant donné ce chobc de renseignante, les réflexions sur le corps, la mise en
scène, la prosodie, l'articulation, l'accentuation, le souffle, les registres de langue,
les jeux de mots, le caractère boulimique de la parole, etc. sont celles qui seront
davantage reprises et rentabilisées au cours des activités qu'ordonne la logique de
la tâche scolaire. En résumé, quatre axes de la réflexion de renseignante vont
détermmer la tâche scolaire :

l. l'oralisation, explicitement évoquée dans le texte littéraire, du signe


graphique ;
2. l'association de la parole au corps manduquant et plus particulièrement
au corps mterdit (buccal, anal) ;
3. P incorporation du discours de l'autre, du lexique interdit et des manières
de due contrevenant aux normes du bon usage dans une sorte de
dialogue et de métissage des voue ;
4. le jeu énonciatif où le destmataire explicite du texte (l'acteur de théâtre)
devient l'énonciateur du texte proféré, suivant les jeux proposés par le
texte lui-même.

Si, au départ de la réflexion, renseignante donne une grande importance aux


contraintes du programme officiel, la lecture en interne du texte et la mise en lien
de celui-ci avec d'autres avec la performance entendue au théâtre aident
renseignante à stmcturer la tâche. Au final, seules les contraintes du texte à Ike et
l'adaptation au groupe cible d'élèves seront retenues.

3. Analyse de la tâche

Considérons à présent l'unité de travail élaborée par renseignante. La tâche


observée se caractérise par les éléments suivants :
l. C'est le texte littéraire qui détermine la tâche scolaire. La matérialisation
des contenus d'enseignement se fait par le truchement de la manifestation sonore
et visuelle de l'extrait. Ce dernier est la source des jeux sur les sons, sur le souffle
et du thème retenu au moment de la synthèse finale.
2. Le choix d'un lieu particulier, la salle de théâtre, oriente l'objet
d'apprentissage vers des activités de mise en bouche et de mise en espace. Ces
dernières font partie de l'activité productrice de sens et nourrissent l'activité
métatextuelle qui clora la séquence d'enseignement.
3. La tâche conduit les élèves du texte à dire au texte lu. L'enseignante
amionce d'emblée la difficulté de lu-e mentalement le texte, mais ce n'est pas le
problème prmcipal qu'elle soumet aux élèves. Il devront le mettre en espace et en
voix. C'est autour de cette mise en bouche et en espace que sont structurées les
activités constitutives de la tâche. La compréhension du texte est mise en
veilleuse et vient après la performance des élèves.
4. Les ressources laryngo-buccales préparent la performance. Le travail sur
les consonnes, sur le souffle, sur le destinataire de la lecture à vobc haute, sur le
partenake de jeu, est le moyen donné aux élèves pour réaliser leur mise en espace
corporelle et vocale du texte source. À ce titre, la performance des élèves est le
DU TEXTE LITTÉRAIRE À LA TÂCHE SCOLAIRE... 37

produit d'une activité de sémiose, au sens où celle-ci s'appuie sur des ressources
vocales, kmésiques, corporelles, spatiales pour provoquer des effets. Ces
ressources sont mises au service des moyens mis en œuvre par le texte. C'est en
cela que la tâche proposée par renseignante relève de l'interprétation.
5. Le. contrat didactique est volontairement lacunaire. Même s'il est
explicité d'emblée, le contrat didactique porte moins sur le texte et la démarche
d'mterprétation que sur l'engagement des élèves dans l'exploration des
ressources vocales et corporelles. Les consignes et les conseils pour la mise en
activité sont sobres ; chaque activité porte sur un objet (le souffle, l'accentuation
des consonnes, la mémorisation, etc.) dont les propriétés vont être sollicitées au
moment de la performance.
6. L'évaluation du processus et du travail ne porte pas sur la qualité de la
performance, mais sur les effets de sens provoqués par la performance.
L'enseignante coupe court aux premiers applaudissements et rappelle le caractère
exploratoire du travail en atelier. Ce dernier est un moyen au service de la
sémiose, et non une fin. Les performances viennent saturer le texte de sens,
chacune à sa manière.
L'analyse de la tâche montre que c'est bien le projet génératif de La lettre
aux acteurs qui est au cœur de la tâche d'interprétation proposée. C'est Yartifice
sémantico-syntaxique, pour reprendre l'expression de Eco, constitué par le texte,
qui détermine le projet de leçon de renseignante et l'organisation de la tâche, non
un modèle didactique a priori de commentaù'e de texte.

4. Analyse de la séquence d'enselgnement

Quelle est l'architecture générale de la séance d'enseignement ? La séance


s'ouvre par une mise en contexte du cours : renseignante évoque successivement
le contrat de recherche, le choix de cette classe de 5 et ie défi que représente le
fait de « voir » la Lettre aux acteurs de Novarina. Le texte est présenté d'emblée
comme l'objet d'investigation de la séance et sa compréhension comme sa
finalité. Mais, dans le même temps, son illisibilité est affirmée. L'enseignante
propose donc d'entrer dans le texte de manière détournée, sans se préoccuper
immédiatement du sens.
Entre Pépisode d'ouverture et l'épisode de fermeture, 8 épisodes structurent
1a tâche annoncée par renseignante. Les 6 premiers constituent un espace
d'expioration par lequel les élèves expérimentent les ressources phoniques des
organes phonatoires (souffle, points d'articulation, mode articulatoire,
accentuation). La mise en mouvement des organes laryngo-buccaux constitue
l'essentiel des activités. La fmalité est d'apprivoiser le texte pas à pas en
explorant les potentialités de sa manifestation sonore (le niveau de l'expression,
dirait Eco). Il s'agit par exemple de déconstruire les habitudes du lecteur qui rend
sensibles les unités syntaxiques de la phrase et manifeste le point par une pause
respiratoire. Chaque épisode est l'occasion d'expérimenter les règles d'un
nouveau jeu : dire sur le souffle jusqu'à l'asphyxie, dire en mangeant les sons,
dire avec agressivité, dire à l'autre en mastiquant consonnes et voy elles avec
force, dire en alternance, etc. Le septième épisode vise la mémorisation d'un
court extrait. A nouveau, au moment de vérifier la mémoire, renseignante
aménage la situation de communication et crée un nouvel espace d'çchange pour
38 DU TEXTE LITTÉRAIRE À LA TÂCHE SCOLAIRE...

faire entendre le texte. Cette nouvelle configuration de l'espace est l'occasion


pour renseignante de souligner l'efficacité du travail de mémorisation des élèves
N
noi
et leur déplacement par rapport au texte. Ce dernier paraissait difficile au début de
Poj
la séquence d'enseignement, tandis qu'à cet stade du travail, les élèves
parviennent à s'approprier des extraits importants du texte.
Enfin, l'épisode 8 correspond à la mise en espace d'une « parole sculptée »
cet
et comprend deux moments : la préparation en sous-groupe et la performance des
liei
sous-groupes devant le grand groupe. L'enseignante a assigné à chaque sous-
res
groupe un extrait différent. En sous-groupe, les élèves s'accordent sur la
poi
distribution des vobc, sur le texte à dire dans l'extrait, sur les postures, les
apl
mouvements et les manières de dire. Certains groupes ont le temps d'essayer leur
ren
mise en espace et en voix ; d'autres n'ont que le temps de s'accorder, ceux-là
Peï
unproviseront le produit de leurs prises de décision. Le résultat de ce travail de
préparation est très ouvert ; peu d'éléments de la tâche ont prédéterminé les
produits finis. Les élèves ont utilisé les sous-objets (phonétiques, posturaux,
spatiaux) qu'ils ont rencontrés dans la tâche (le face-à-face, l'accentuation des
consonnes, le jeu sur le souffle et l'asphyxie). Ces sous-objets, constitutifs du
texte de Novarina, ont été rémvestis dans les productions de manière à faire
entendre un nouveau texte, institué comme tel par renseignante. Les sous-
groupes ont fonctionné indépendamment les uns des autres, sans se copier, à
partir d'un tout textuel. La sémiose du texte de No vanna se déploie autour de la
production de chacun des sous-groupes sans qu'elle s'épuise, ni se disperse.
L'épisode de clôture est le bilan de la séance (de la leçon). Il comprend deux
blocs bien distincts : il s'agit d'abord d'écru-e un rapport réflexif (impressions
sauvages) sur ce qui vient de se dérouler, puis de partager collectivement les
réflexions individuelles. Certains élèves évoqueront l'événement (étrangeté de
F activité, plaisir de la performance), le texte lu et joué (texte intéressant et
émouvant), sur la posture du lecteur (texte illisible devenu dicible).

Conclusion

Les analyses ont montré l'importance des propriétés du texte littéraire


(éléments ou stmctures) dans la constitution de la tâche, dans la gestion des
interactions didactiques. La forme prescriptive de la Lettre aux acteurs, entre
autres propriétés, oriente la tâche et les activités sur la respu-ation, l'accentuation,
la kmésie. La tâche ainsi orientée conduit à découvrir, par la mise en mouvement
des organes phonatoires, l'articulation, la posture et le mouvement corporel, les
ressources mises en œuvre par le texte littéraire. L'effet textuel, par son exercice
sonore et kinésique, est produit dans d'autres ordres sémiotiques ; c'est cette
nouvelle production qui fait sens pour les élèves.
Du point de l'objet effectivement enseigné en classe de littérature, nous
avons mis en évidence la richesse d'une recherche axée sur l'analyse du travail
de renseignant. La description séquentielle et hiérarchique de l'ensemble des
leçons, la suite temporelle des tâches proposées, la progression des contenus
abordés dans ces tâches ainsi que l'observation des activités effectuées par les
élèves dans leur contexte dynamique mettent en évidence une forme particulière
d'enseignement de la lecture littéraire. Cette forme est fortement orientée par les
caractéristiques spécifiques du texte à lire. L'enchaînement de consignes,
DU TEXTE LITTÉRAIRE À LA TÂCHE SCOLAIRE... 39

;st l'occasion l'aménagements des lieux et de supports de travail visent la découverte de


on des élèves nouvelles stratégies de compréhension et convergent systématiquement avec les
e au début de potentialités sémiologiques multimodales (corporelles, vocales, etc.) contenues
., les élèves dans le texte.
Du point de vue du modèle didactique dominant de l'explication de texte,
île sculptée » cette forme particulière d'herméneutique est en rupture en ce qu'elle privilégie le
formance des lien physique avec le texte. Les jeux sonores et kinésiques, le recours aux
chaque sous- ressources vocales et corporelles, tous ces éléments jouent le rôle de procédures
Tdent sur la pour accéder au texte. L'ensemble constitue une tâche interprétative. Cette
postures, les approche privilégiée du texte littéraire à lire ne signifie pas que renseignante
l'essayer leur renonce au commentaire. Smiplement, ce dernier vient après l'artifice de la
irder, ceux-là performance, qui l'outille.
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40 DU TEXTE LITTÉRAIRE À LA TÀCHB SCOLAIRE...

Annexe

Découpage de la séquence d'enseignement en unités séquentielles et hiérarchiques

EPISODES SUPPORT ACTIVFTE OBJET


Episode ouverture Créer un « climat » ; Recherche -
Contrat de recherche indication de régie texte - auteur
Présentation de l'auteur (les chaussures, le cercle lecteur - oralité
Défi pour renseignante « magique ») ; mise en espace
Défi pour les élèves justification du tout
Episode l TEXTE COMME Dire le texte sans le Flux textuel
(PRODUCTION. TOTALITE comprendre pour
INITIALE.) [+feuille de Papprivoiser ;
METTRE EN BOUCHE EN vocabulaire) mime
DEAMBULANT
Episode 2 TEXTE EN Dire te texte en une seule Unité de souffle
DIRE JUSQU'A FRAGMENTATION coulée de souffle comme
L'ASPHYXIE (« le plongeur en apnée ») ; découpage
mime l'exercice textuel

Episode 3 TEXTE ENTIER Travailler la syllabe Unité phonique


JEUDEPHONE [accentuation de durée, par le mime
d'intensité et de timbre] laryngo-buccal
(« chaque syllabe doit être
vénérée comme syllabe ») ;
Mime l'exercice

Episode 4 FRAGMENT Dire les mots du texte en Accentuation


DEVORALTERER machouillant les syllabes en phonique et
cherchant la confrontation gestuelle en
(« de façon cannibale ») prenant appui sur
l'échange

Episode 5 FRAGMENT Mémorisation de fragments Appropriation du


INCORPORER DU TEXTE distribués ; texte par la
mémoire
Episode 6 FRAGMENTS Récitation en alternance et en Restitution et
RECITER EN PING-PONG RECOMPOSANT LA face à face écoute d'un
TOTALITE puzzle
recompose
Episode 7 MOTS CHOISIS D'UN Dire un mot choisi chacun à Aecentuation
RECITER EN MOTS-CLES FRAGMENT son tour d'unités lexicales
choisies

Episode 8 FRAGMENTS Préparer en sous-groupe la Interprétation du


(PRODUCTION sculpture ; texte de
FINALE) Représenter cette sculptaire Novarina par le
METTRB EN ESPACE devant les autres groupes ; corps
UNE PAROLE SCULPTEE Institutionnalisation («je l'ai
(préparation et lu 50 fois etje vois des
représentation) nouveautés »)
DU TEXTE LITTÉRAIRE À LA TÂCHE SCOLAIRE. 4l

Episode de clôture Verso de la feuille du La compré-


BILAN texte support hension en
Bloc l : écrire un lecture par la
rapport réflexif ; mise en voix et
;hiques
Bloc 2 : partager en corps du texte
collectivement les
BJET
réflexions individuelles
che-

auteur -

- oralité
en espace Bibliographie

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tuation
|ueet
Ile en
Notes
[t appui sur
âge
priation du
larla
u-e 2 L'équivalent du cycle postobligatoire en Suisse ou du 2e cycle du lycée en France.
3 II faut entendre la tâche au sens de Dolz, Schneuwly, Thévenaz et Wirthner (2000), comme une unité
ition et
de travail englobante, un tout déterminé par un objet d'enseignement. Pour constituer ce tout, une
d'un
tâche doit satisfaire aux conditions suivantes : (l) opérationnaliser et matérialiser les contenus
d'enseignement ; (2) être déterminée par renseignant, les concepteurs de programme ou les manuels ;
pose (3) être cyconscrite dans l'espace et le temps : (4) placer l'élève dans une situation problématique ; (5)
tuation viser un but spécifique qui se traduit en résultat ou but ; (6) ce produit ou ce résultat doit faire l'objet
ss lexicales d'une évaluation ou d'une validation ; (7) sa mise en œuvre suppose l'activation d'une ou de plusieurs
es procédures en nombre limité ; (8) elle est prescriptive dans la mesure où elle engage renseignant et
rétation du les élèves dans un contrat didactique.

le 4 Pour une définition de ces deux gestes, voir Schneuwly (2000) et Ronveaux (2004) pour une
reformulation en lien avec un cours de littérature.
ina par le
5 La méthode élaborée par le GRAFE à l'occasion de la recherche FNRS 1214-068110 consiste à
dégager pour l'ensemble de la leçon les unités de travail mises en œuvre selon les gestes de
présentification et de pointage de renseignant. Les unités constituantes de la leçon sont identifiées en
fonction des changements de contenus d'enseignement, de consignes, de mises en activité, du milieu
(supports) et des formes sociales du travail.

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