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Pratiques : linguistique, littérature,

didactique

Le résumé de texte
Liliane Sprenger-Charolles

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Sprenger-Charolles Liliane. Le résumé de texte. In: Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°26, 1980. Écrire en classe.
pp. 59-90;

doi : https://doi.org/10.3406/prati.1980.1158

https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_1980_num_26_1_1158

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LE RÉSUMÉ DE TEXTE

Liliane SPRENGER-CHAROLLES

Le résumé de texte est un exercice scolaire récent. Depuis quelques


années en effet il existe au baccalauréat une épreuve de résumé — ou
d'analyse — épreuve qui a un certain succès puisque près de 70% des candidats
la choisissent. Pourtant cet exercice n'est pas des plus faciles. Les
professeurs constatent souvent que les élèves sont incapables de rédiger des
synthèses « correctes » : ils reproduisent des passages entiers du texte ou
réduisent simplement quelques phrases. Il est à noter que les mêmes erreurs
se retrouvent dans les résumés d'articles théoriques écrits pourtant par des
chercheurs « ces résumés sont en effet peu cohérents quant à leur démarche
constitutive. On y trouve à la fois des phrases, des syntagmes extraits de
l'article et intégrés tels quels au prix de quelques aménagements... et une
activité résumante proprement dite qui procède d'une réelle activité
sémantique dont on sait d'ailleurs peu de chose » (1). Les enseignants, étant donné
l'absence de consignes précises et surtout de théorie qui pourrait permettre
d'appréhender différemment cet exercice se contentent, en général, de
saupoudrer quelques conseils ponctuels. Les instructions officielles ne sont
pas là d'un grand secours : elles restent en effet très vagues :

I. — Premier sujet
L'épreuve comprend deux parties distinctes : dans la première, le candidat
condense le texte en respectant sa signification (résumé ou analyse), dans la seconde,
il tire lui-même du texte la matière d'une réflexion critique qu'il conduit selon ses
propres convictions (discussion).
A) Première partie : contraction.
La contraction requiert un effort soutenu d'objectivité. Dans cette phase sont
exclus les jugements de valeur ou les commentaires personnels et l'ajout d'une
introduction ou d'une conclusion qui ne figurerait pas dans le texte initial.
Le texte doit ménager au candidat le choix entre deux procédés de contraction :
le résumé ou l'analyse.
A. 1 — Le résumé suit le fil du développement ; dans le même ordre, il dit en
plus court ce que le texte dit en plus long. Le candidat, distinguant avec soin ce
qui est essentiel et ce qui est accessoire, prend en charge les assertions d'importance

(1) BEACCO DAROT. — Pour lire les sciences sociales : une analyse de discours. — Paris :
B.E.L.C, 1978, p. 65.
;

59
majeure pour les exprimer dans son propre style. Il s'interdit un montage de
citations : s'il croit devoir emprunter (en utilisant des guillemets) telle ou telle
formule caractéristique, il ne le fait qu'à titre exceptionnel. Se plaçant dans le cadre
même des énoncés, il s'abstient d'indications comme : « L'auteur déclare que...,
contre que..., dégage, en terminant, l'idée que... ». Ainsi il donne du déroulement
du texte une image réduite, mais fidèle et directe.
A. 2 — L'analyse concentre le texte en mettant en relief l'idée principale et
les rapports qu'entretiennent avec elle les idées secondaires (argumentation,
illustration, réfutation de thèses adverses, atténuations, etc.). Visant à reconstituer en
raccourci la structure logique de la pensée, elle n'hésite pas à s'éloigner, au besoin, de
l'ordre linéaire du texte. Soulignant les enchaînements, elle identifie et, le cas
échéant, décrit à la troisième personne les démarches de l'auteur.
A. 3 — Qu'il s'agisse d'un résumé ou d'une analyse, il n'y a pas lieu
d'imposer à la contraction une dimension déterminée (nombre de mots, nombre de lignes,
proportion chiffrée du volume occupé par le texte à condenser) : le candidat montre
son discernement en s'imposant librement les limites que rendent souhaitables la
nature du texte, son étendue, sa densité (B.O. 45, 1978, circulaire 78-436).
D'après ces instructions résumer un texte serait transformer un texte
premier (texte source) en un texte second, plus court que celui qui fait l'objet
du résumé, mais qui doit être « équivalent » à ce dernier. Le résumé doit
permettre au lecteur de comprendre ou de retrouver l'essentiel du texte de
départ. Mais comment passer du texte premier au résumé, comment différencier
ce qui est essentiel de ce qui n'est qu'accessoire ? A notre connaissance il n'y
a que peu de recherches satisfaisantes sur ce problème (2), les quelques
travaux existant relevant plus du bricolage que de la théorie.
Pour revenir un peu sur ces quelques notes d'introduction limiter l'étude
du résumé à l'exercice scolaire peut sembler un peu restrictif. Mais, d'une
part, on peut supposer que cet exercice n'est pas gratuit : le résumé n'est
pas simplement une épreuve de sélection pour les examens et concours : dans
de nombreuses circonstances de la vie quotidienne nous devons faire des
résumés : résumer un livre, un film, une conférence... ; l'exercice scolaire
préparerait les élèves à cette activité. D'autre part, et ceci nous permet de
déplacer l'enjeu de cet exercice en le situant à un tout autre niveau, la
construction de la MACRO STRUCTURE d'un texte (son résumé) est un élément
essentiel pour la compréhension de la MICRO STRUCTURE (texte de base).
Cette hypothèse est développée dans les travaux des Grammairiens du texte
(et des chercheurs en psychologie cognitive) (3) : « afin de contrôler, à la fois
au niveau de la production et de la compréhension une longue séquence de
propositions de détail, on assigne des macro structures à la séquence » (4).
A partir de là, il semble possible d'envisager différemment le problème du
résumé et les grammairiens du texte devraient pouvoir nous fournir un modèle

(2) Sauf
n° 26, unmaiarticle
1975, depp.PETROFF
41-55) qui(Méthodologie
essaye d'appliquer
de la contraction
au résumé delestexte.
notions
— Langue
Barthesiennes
Française
de
Noyau et Catalyse : dans un texte on distingue - les noyaux qui seront les éléments
porteurs de rapports nouveaux » et qui ne peuvent être ni « supprimés ni déplacés, ni changés
sans modifier les autres rapports- et les «catalyses qui seront les éléments porteurs d'un
information redondante par rapport aux noyaux » et qui peuvent être « supprimés, changés,
déplacés sans que les autres rapports soient modifiés » (p. 46 et 52). Pour un résumé on ne
conserverait donc que les noyaux d'un texte. Mais, comme le note Petroff « on ne peut
mécaniquement délimiter de façon absolue et définitive chacun des éléments d'information »
(p. 47). Reste l'intuition, les tâtonnements.
(3) Voir bibliographie en fin d'article.
(4) n°
KINTSCH
40, décembre
; VAN DIJK.
1975, —p. 99.
Comment on se rappelle et on résume des histoires. — Langages

60
permettant de formaliser les règles qui président à la production de résumés
et à la compréhension des textes. Les éléments essentiels que nous
emprunterons à ces modèles sont les suivants :
1) « Une théorie de la structure et de la compréhension des propositions
et des séquences de propositions (micro structure).
2) Une théorie de la structure et de la compréhension d'unités plus
globales d'un discours ou d'un discours en tant qu'ensemble (macro
structure).
3) Une théorie reliant les micro structures aux macro structures, elle
même insérée dans une théorie de la réduction de l'information
sémantique complexe » (5).
Avant d'étudier chacun de ces points, disons, pour clore cette
introduction, que l'objectif de l'article qui suit est de donner aux professeurs, en
lieu et place des consignes officielles inopérantes, un ensemble d'outils que
décrit la compétence acquise par tout lecteur. Ce faisant, nous voudrions
aider les enseignants de français à mieux faire acquérir cette compétence
à condition que le travail sur le résumé n'attende pas le second cycle pour
être commencé.

I. — MICRO STRUCTURE ET COMPRÉHENSION

II serait peut-être nécessaire de voir, avant d'aborder les problèmes


spécifiques de construction des macro structures (cf. points 2 et 3 ci-dessus)
ce que signifie comprendre un texte (cf. point 1). Si nous prenons l'exemple
suivant extrait d'un article sur la « Recherche en France » publié par le
journal Maintenant :
« Pour le grand public un professeur vaut un autre professeur.
Nous disons : on manque d'argent. C'est vrai globalement si on prend
l'ensemble des laboratoires. Mais dans mon domaine la moitié des
équipes n'ont de recherche que le nom » (6).
Nous nous apercevons que ce texte résiste à la lecture ; il est peu
« clair », et cette difficulté de compréhension rend problématique
l'élaboration d'un résumé. Au contraire, il semble même nécessaire dans un premier
temps, au lieu de procéder à des opérations de réduction de l'information,
d'expanser le texte de départ pour essayer d'en « calculer la signification » (7),
car « ne pas avoir de sens parait aussi étrange pour un énoncé que n'avoir
ni tête ni queue pour un serpent. Et tous les subterfuges sont mis en œuvre
pour réduire une absurdité quasi insupportable » (8), ceci étant une
conséquence du principe de déontologie communicative : on accorde toujours,
à priori, à celui qui parle, écrit... le bénéfice de la cohérence. Nous nous
proposons donc d'essayer de « calculer la signification » de l'extrait de
l'article de Maintenant, ce, en choisissant comme unité d'analyse le cadre de la
phrase.

(5) Idem 4 ; p. 98.


(6) BELLOIN (Gérard). — La Solitude du chercheur de fond. — Maintenant n° 5, avril 1979, p. 28.
(7) CHAROLLES (Michel). — L'Ordre de la signification — à paraître en 10x18 {actes du
colloque : Pour un nouvel enaeignement du français ; Cerisy, août 79).
(8) MARTIN (Robert). — La Notion de recevabilité en linguistique. KLINCKSIECK, 1978, p. 18.

61
1 — Pour le grand public un professeur vaut un autre professeur
Cet énoncé pose deux problèmes principaux : — quel est le sens de
valoir dans le contexte valoir (prédicat) + professeur (argument). Un
dictionnaire (reste à s'interroger sur la validité de ses entrées) peut nous aider
à désambiguiser cette proposition. Dans le Dictionnaire du Français
Contemporain valoir a deux sens principaux :
a) être estimé à un certain prix — sujet nom de chose.
b) avoir certaines qualités physiques, intellectuelles ou morales —
sujet nom de personne.
Dans notre contexte seul le sens (b) de valoir semble compatible avec
l'argument professeur ; reste à choisir entre les qualités physiques,
intellectuelles ou morales. Il est peu probable qu'il s'agisse ici de qualités physiques
sauf s'il est question d'un professeur de gymnastique. Or aucun élément
de l'énoncé 1 ne nous permet d'éliminer cette hypothèse ; nous devons
nous référer au texte entier pour réduire la polysémie de ce terme : dans
ce passage extrait d'un article sur la Recherche valoir ne peut qu'être
équivalent à avoir certaines qualités intellectuelles.
— Autre problème : quelle est la valeur de vérité de l'assertion un
professeur vaut un autre professeur ? Le fait que rexpérienciateur pour le grand
public (cf. Fillmore (9)), explicitement donné en surface soit différent du
locuteur limite la valeur de vérité de cet énoncé qu'on pourrait paraphraser
comme suit : je dis que pour le grand public il est vrai que..., ce qui laisse
sous entendre que rénonciateur ne partagerait pas l'assertion : un professeur
vaut un autre professeur.
2 — Nous disons : on manque d'argent
L'équivoque levée en 1 sur le sens de valoir est réintroduite. En
effet si on n'accepte pas de faire jouer l'un sur l'autre les deux sens de ce
prédicat (sens quantitatif et sens qualitatif) la phrase 2 n'a plus de
rapport avec la phrase 1, or pour qu'un texte soit cohérent il faut qu'il
comporte dans son développement linéaire des éléments récurrents (sinon
on court le risque d'être accusé de « sauter du coq à l'âne » !). Cet exemple
illustre les limites d'une grammaire qui ne dépasserait pas le cadre trop
étroit de la phrase.
D'autre part nous disons a dans ce passage le même rôle que pour le
grand public en 1. Cette modalisation énonciative détermine la valeur
de vérité que le locuteur est amené à formuler sur l'énoncé en
circonscrivant la vérédiction au champ de l'énonciateur et ce, en relation oppositive
avec l'assertion de la proposition 1 pour le grand public qui s'oppose à
pour nous (les chercheurs).
3 — C'est vrai globalement si on prend l'ensemble des laboratoires
Asserter la vérité d'un énoncé (de renoncé 2), étant donné certains
postulats de conversation (cf. principe de qualité chez Grice : n'affirmez
pas ce que vous croyez être faux (10)) ne peut être considéré que comme

(9) Cf. La Grammaire des cas. — Langages n° 38, juin 1975. Voir aussi KARTTUNEN (Laurl). —
La logique des constructions anglaises à complément prédicatif. — Langages n° 30, juin
1973, ,p. 67.
(10) GRICE {H. Paul). — Logique et conversation. — Communications n° 30, Juin 1979, pp. 57-72,
voir aussi GORDON ; LAKOFF. — Postulats de conversation. — Langages n° 30, Juin 1973,
pp. 33-38.

62
une tournure d'emphase dont la portée est doublement limitée par
globalement et si on prend l'ensemble des laboratoires qui laissent sous entendre
(implicature) que la proposition 2 on manque d'argent n'est pas toujours
vraie (11).
4 — Mais dans mon domaine la moitié des équipes n'ont de
recherche que le nom
II n'est pas possible de comprendre cette phrase et de la relier à
l'ensemble du texte si on n'établit pas de liens entre professeurs I laboratoires I
équipes I recherche (problème de l'identité référentielle). C'est sur la base
de nos connaissances du monde, de ce que l'on sait, que l'on peut effectuer
cette opération. Il faut cependant noter, et ceci est très important dans la
situation pédagogique, que celui qui ne sait pas, mais qui pense que ce que
dit le texte a un sens peut en inférer qu'il existe des rapports entre ces quatre
termes (nécessité des éléments de récurrence), et à partir de là apprendre que
dans certains contextes chercheur est synonyme de professeur, laboratoire
peut être employé pour laboratoire de recherche.
Mais dans mon domaine...
Pour Ducrot (12) « lorsqu'on coordonne par mais deux propositions
p et q on ajoute à p et q les idées suivantes : d'abord qu'une certaine
conclusion r que l'on a précisément à l'esprit et que le destinataire peut retrouver,
serait suggérée par p et infirmée par q : autrement dit p et q ont par rapport
à r des orientations argumentatives opposées. Ensuite que q a plais de force
contre r que p n'en a en sa faveur de sorte que l'ensemble p mais q va dans
le sens non r ». Le problème que pose notre corpus est de savoir où est p,
c'est-à-dire à quel(s) élément(s) du texte s'oppose l'argument q : dans mon
domaine la moitié des équipes n'ont de recherche que le nom introduit par
mais. On peut risquer l'hypothèse que mais relie la suite 1 + 2 + 3 à 4. Mais
jouerait dans ce cas un rôle déterminant pour la cohérence du passage en
permettant l'établissement de liens qui ne semblaient pas toujours
s'imposer (13), en particulier le lien entre les phrases 1 et 2, qui n'existait que dans
la mesure où l'équivoque entre les deux sens de valoir n'était pas levée. Mais
reprend rargument qualitatif (valeur des équipes de recherche), et l'argument
quantitatif (on manque d'argent), en les inversant : puisque la moitié des
équipes n'ont de recherche que le nom, tous les professeurs ne se valent
pas et on dépense souvent de l'argent pour rien, donc on n'en manque pas,
on le répartit simplement mal (14).

(11) « Pour être interprétable il suffit pour un énoncé qu'il soit susceptible de recevoir une
valeur de vérité étant entendu que cette valeur peut s'inscrire sur une échelle qu'il ne s'agit
nullement de borner à l'opposition binaire du vrai et du faux». MARTIN (R.)- — La Notion
de recevabilité en linguistique, p. 15.
(12) DUCROT (O.). — Cité dans « oui mais non mais ». — Langue Française n° 42, mai 1979, p. 96.
(13) « Si des propositions, ou séquences de propositions, sont cohérentes essentiellement parce
que les faits qu'elles dénotent entretiennent des relations, il faut ajouter que ces relations
ne résident pas seulement dans les faits eux-mêmes ou dans les mondes possibles dans
lesquels ils prennent place mais aussi dans la façon dont nous, en tant qu'observateur et
utilisateur du langage percevons ces faits, établissons des relations entre eux et les commentons -
VAN DIJK (Teun). — Relevance \n loglc and grammar. — Université d'Amsterdam, Juillet
1974, p. 47.
(14) Cette interprétation n'est possible que si par ailleurs on tient compte des valeurs de vérité
des phrases 1. 2. 3 s'inscrlvant, comme nous l'avons vu, non dans une opposition binaire du
vrai et du faux, mais sur une échelle du plus ou moins vrai, plus ou moins faux, ce qui
nous permet d'inférer
qu'il n'est pas toujours vrai :
— qu'un professeur vaut un autre professeur,
— qu'on manque d'argent.
63
L'exemple que nous venons d'analyser peut permettre l'hypothèse
suivante : à savoir que l'acte de lecture, surtout quand il s'agit d'un texte
qui résiste, nécessite un certain nombre d'opérations cognitives, de calculs
de « rattrapage » du sens, ceci étant une conséquence du principe de
déontologie conversationnelle et communicative : tout texte a au moins une
signification, celui qui parle ne parlant pas pour ne rien dire. Le calcul de cette
signification s'opère sur la base des informations explicitement présentes
dans le texte auxquelles on doit ajouter toutes les inférences nécessaires
à sa compréhension, ce qui signifie qu'il faut construire une Base de Texte
Explicite (B.T.E.). La B.T. est la structure sémantique sous jacente au texte,
représentée sous la forme d'une suite propositioranelle prédicat/argument.
La B.T.E. en opposition à la Base de Texte Implicite (B.T.I.) comprend toutes
les présuppositions et implications issues des propositions qui sont importantes
pour l'interprétation sémantique du texte (15). L'explicitation des sous
entendus (16) se fonde sur des données linguistiques, le texte, et/ou extra
linguistiques, le contexte situationnel et les connaissances du monde, c'est-à-dire
« l'ensemble des connaissances et des informations que le décodeur peut
réactiver en rapport avec l'énoncé » (17). La (re)eonstruotion d'une B.T.E.
cohérente, qui est conditionnée par ces différentes opérations de rattrapage
du sens, détermine la possibilité d'élaborer les macro structures textuelles :
en effet, et c'est là une évidence, on ne peut résumer que ce que l'on
comprend (18) ; mais étant donné que le sens local d'une séquence (micro
structure) est aussi défini par son sens global (macro structure), il est possible
d'inverser la proposition précédente et de dire que l'on ne comprend que ce
qu'on peut résumer.
II. — MACRO STRUCTURE

Pour en venir maintenant au 2e niveau de structuration textuelle, le


niveau des macro structures, nous nous proposons de voir comment « une
théorie de la réduction de l'information sémantique » (cf. point 3 p. 61) peut
nous permettre d'engendrer les macro structures à partir des micro structures.
Nous allons dans un premier temps travailler sur des textes narratifs (le
problème des résumés de textes argumentatifs sera abordé par la suite) en
prenant comme point de départ une expérience de résumé de texte réalisée par
G. Denhière (19). Dans ce protocole expérimental on présentait aux sujets
« testés » un récit et il leur était demandé de « lire pendant le temps qu'ils
jugent nécessaire le récit proposé de manière à le comprendre parfaitement
et ensuite de choisir les huit phrases les plus importantes, celles qui permettent
de raconter toute l'histoire, de la résumer le mieux possible ». (souligné par

(15) VAN DIJK (Teun). — Macro structures and cognition. — Université d'Amsterdam, 1976, p. 9.
(16) II faut noter le rôle important de l'implicite, en particulier dans les textes argumentatifs :
ce qu'on ne dit pas mais qu'on laisse au lecteur le soin de reconstruire est supposé être
communément admis par tous. (Cf. la définition de l'enthymême en rhétorique). Reste à savoir
s'il faut dans un résumé donner ce que le texte masque.
(17) MARTIN (Robert). — Inférence, antonymie et paraphrase. — Klincksieck, 1976, p. 122.
(18) Voir EHRLICH (M. F.) ; LELUC (C). — Mémoire inférentielle et niveau de compréhension
d'un texte. — Psychologie Française n° 3, 4, tome XXIII, 1978.
(19) DENHIERE (Guy). — Compréhension et mémorisation de récits : étude génétique. — Université
de Paris VIII, laboratoire de psychologie, document n° 195, août 1978.
DENHIERE. — La compréhension et la mémorisation de récits par des enfants d'âge
scolaire ; problématique et résultats, document 106, mars 1978.
DENHIERE. — Compréhension et rappel d'un récit par des enfants de 6 à 12 ans. — Bulletin
de psychologie, n° 341, tome XXXII, août 1979.

64
nous) (20). L'analyse des résultats de cette expérience, qui sont pour les
groupes d'adultes très semblables (ce sont les mêmes phrases qui sont le plus
fréquemment rappelées), permet d'avancer l'hypothèse qu'il existerait une
compétence macro textuelle. En effet si nous reprenons, en le déplaçant, le point
de départ de la Grammaire Générative et Transformationnelle, nous
pouvons dire que si tout sujet parlant une langue L est capable de comprendre,
d'émettre, de paraphraser et de RESUMER (21) tout texte de L, c'est qu'il
a intériorisé un certain nombre de règles qui lui confèrent cette capacité, ce
qui conduit à postuler :
- qu'il existe une COMPETENCE MACRO TEXTUELLE,
— qu'une Grammaire de Texte doit fournir — entre autres — un
modèle de cette compétence.
Les Grammairiens du texte, et en particulier Van Dijk, ont tenté
d'intégrer à leur théorie ce modèle reliant les macro structures textuelles aux
micro structures en énonçant un certain nombre de REGLES DE
REDUCTION DE L'INFORMATION Sémantique (22) (23). On peut essayer de voir
quelle est la valeur prédictive de ce modèle en l'appliquant à l'exemple
expérimenté par Denhière : si, à l'aide des macro règles, nous pouvons expliquer
pourquoi certains éléments du texte sont retenus par la majorité des sujets,
et même prévoir quels seront ces éléments alors nous disposons d'une théorie
(possiblement) pertinente pour le résumé puisqu'elle nous permettrait de
générer les macro structures à partir des micro structures.

a) texte présenté pour l'expérience (24) GEANT 2


Phrases
1. // y avait un géant
2. C'était il y a bien longtemps
3. Le géant était bon
4. Le géant s'appelait Gargantua
5. Le géant aimait rendre service aux pauvres gens
6. Un jour, le géant se promenait dans la forêt
7. Le géant vit une pauvre vieille
8. La pauvre vieille ramassait du bois mort
9. Le géant décida d'aider la pauvre vieille
10. Le géant arracha quelques chênes
11. En un instant l'arrachage des chênes fut terminé
12. Les chênes étaient parmi les plus beaux de la forêt
13. Le géant mit les chênes sur son épaule
14. Le géant accompagna la vieille dame jusque chez elle
15. La route était longue

(20) DENHIERE. — Document 105. p. 2.


(21) — et il faudrait ajouter de résumer avec convergence et de se prononcer sur l'adéquation
de ces résumés au texte de départ.
(22) Ces règles de réduction de l'information sont encore appelées Macro Règles (M.R.) ou
règles applicatives.
(23) Voir VAN DIJK. — Macro structure and cognition. pp. 15-25.
(24) C'est pour les besoins de l'expérimentation que ce récit a été présenté sous la forme d'une
suite de phrases obtenue à partir de regroupements résultant de l'analyse propositionnelle
du texte. Il semble donc possible, étant donné la façon dont elle a été élaborée de considérer
que cette séquence de 22 phrases est (quasi) équivalente à la base de texte (voir DENHIERE,
document 105).

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16. Le géant posa les chênes contre le mur de la maison de la vieille
dame
17. Le géant était content d'avoir déposé son fardeau
18. Hélas ! La maison s'écroula
19. La pauvre vieille avait maintenant du bois
20. La pauvre vieille pouvait se chauffer
21. La pauvre vieille n'avait plus de maison
22. La pauvre vieille ne pouvait plus s'abriter
b) texte de départ
II y a bien longtemps, vivait un bon géant appelé Gargantua.
Il était bon et aimait rendre service aux pauvres gens.
Un jour, alors qu'il se promenait dans la forêt, il vit une
pauvre vieille qui ramassait du bois mort. Il décida de l'aider. En un
instant il arracha quelques-uns des plus beaux chênes de la forêt.
Il les met sur son épaule et accompagne la vieille dame jusque
chez elle.
Comme la route est longue, il est bien content de déposer son
fardeau contre le mur de la maison de la vieille dame. Hélas ! la
maison s'écroule.
c) Phrases retenues pour le résumé par la majorité des sujets adultes testés
1. Il y avait un géant
5. Le géant aimait rendre service aux pauvres gens
7. Le géant vit une pauvre vieille
8. La pauvre vieille ramassait du bois mort
9. Le géant décida d'aider la pauvre vieille
10. Le géant arracha quelques chênes
16. Le géant posa les chênes contre le mur de la maison de la vieille
dame
18. Hélas ! la maison s'écroula (25)

1. Règles de Réduction de l'information


1. 1. Macro règle d'effacement : M. R. 1
On peut substituer Fa à < Fa, G a... >.
Si G représente un attribut non essentiel de a ;
autrement dit on peut supprimer toutes les propositions qui ne sont
pas relevantes pour la compréhension du texte, c'est-à-dire les
propositions qui ne sont pas condition d'interprétation d'au moins une
autre proposition.
ex. 1 :
Marie en jouant à la balle . Marie en jouant à la balle
a cassé une vitre. Sa balle ., o - a cassé une vitre,
etait bleue.
(la proposition sa balle était bleue, qui n'apporte aucun élément
d'information nécessaire à la compréhension de renoncé 1 pourra être
« effacée »).

(25) DENHIERE. — Document 105 (cf. note 19).

66
Dans Géant 2, les phrases 2. 4. 6. 11. 12. 15. et 17. relèvent de
l'application de cette règle. En effet pour la construction de la macro structure, il est
possible d'éliminer :
— « les descriptions des propriétés de lieu et de temps qui ne sont pas des
conditions d'action, ni des résultats probables de celles-ci »
(phrase 2 : c'était il y a bien longtemps)
(phrase 6 : Un jour le géant se promenait dans la forêt).
— « les descriptions de personnes ou d'objets si elles ne sont pas des
conditions d'actions spécifiques »
(phrase 4 : Le géant s'appelait Gargantua),
(phrase 12 : Les chênes étaient parmi les plus beaux de la forêt).
— « les descriptions d'actions secondaires... » (26)
(phrase 11 : En un instant l'arrachage des chênes fut terminé).
Si on choisit maintenant un autre extrait du même corpus :
GEANT 1
II y a bien longtemps, vivait un bon géant appelé Gargantua.
Il était bon et aimait rendre service aux pauvres gens.
Un jour, assis sur une falaise, il trempait ses pieds dans l'eau
pour les laver. Le soleil brillait et il avait chaud. Aussi, dans ses deux
mains réunies, il prit un peu d'eau pour se rafraîchir.
Mais, au moment où il plongeait ses mains dans l'eau, une
barque passait. Il la prit aussi sans s'en apercevoir.
Quand le géant but, il avala la barque et les mâts du bateau
lui chatouillèrent la gorge. Il se dit qu'il avait avalé une poussière.
Si le géant n'avait plus soif, le bateau et les marins avaient disparu
pour toujours.
On s'aperçoit, en particulier au niveau de l'introduction commune aux
deux contes, que la règle d'effacement ne s'appliquera pas aux mêmes
éléments : si on prend par exemple la phrase
(le géant) était bon et aimait rendre service aux pauvres gens,
dans le texte Géant 2, cette description du héros qui est importante pour la
suite du récit, puisqu'elle constitue une condition d'action spécifique, ne sera
pas supprimée ; par contre dans Géant 1, ce passage pourra être « effacé ».
1. 2. Macro Règle d'intégration : M. R. 2
Une proposition P, ou une séquence de propositions, peut être
intégrée dans une proposition Q, si P est une condition, composante ou
conséquence normale (27) des faits dénotés par Q.
ex. 2 :
Pierre allume sa pipe (P) ► Pierre fume sa pipe
Pierre fume sa pipe (Q) M- R- 2
(On peut intégrer P dans Q, P étant une condition de Q — Q
impliquant l'existence de P).

(26) KINTSCH, VAN DIJK. Comment on se rappelle et on résume des histoires, p. 105.
(27) « normale » sera employé • comme signifiant vrai dans la plupart des mandes possibles
compatibles avec notre monde possible actuel, c'est-à-dire partageant avec lui le même
ensemble de postulats de base, cognltivement parlant cela signifie que étant donné un ensemble
de faits, un autre fait normalement cooccurent est attendu >. — VAN DIJK. — Macro structure
and cognition, p. 20.

67
Dans notre corpus :
— la phrase 3 peut être incluse dans la phrase 5 dont elle est une
composante :
(3 : Le géant était bon)
(5 : Le géant aimait rendre service...)
— la phrase 14, condition de 16 sera intégrée à cette dernière :
(14 : Le géant accompagne la vieille dame jusque chez elle)
(16 : Le géant posa les chênes contre le mur de la maison de la
vieille dame)
— et les phrases 19, 20 et 21, 22 incorporées respectivement dans 16
et 18 : 19, 20 étant une conséquence de 16, et 21, 22 de 18 :
(19 : la paume vieille avait maintenant du bois)
(20 : la paume vieille pouvait se chauffer)
(16 : le géant posa les chênes contre les murs de la maison de la
pauvre vieille)
(21 : la pauvre vieille n'avait plus de maison)
(22 : la pauvre vieille ne pouvait plus s'abriter)
(18 : Hélas ! la maison s'écroula).
Il faudrait noter que les consignes officielles (voir extrait du B.O. p. 1-2)
interdisent en général d'appliquer cette règle d'intégration. En effet, on
recommande aux élèves de « prendre en charge les assertions d'importance
majeure pour les exprimer dans (leur) propre style », la reproduction de «
formules caractéristiques » du texte de départ ne devant se faire qu'à « titre
exceptionnel ».
1. 3. Macro règle de construction : M. R. 3
Soit une proposition ou une séquence de proposition P, s'il est
possible de construire une proposition Q telle que P soit une condition
composante ou conséquence normale de Q, alors on peut substituer
a à p.
ex. 3 :
II décroche l'écouteur
attend la tonalité *~ 11 téléphone
compose le numéro M. R. 3
Cette règle est très proche de la macro règle d'intégration, mais alors
que dans M. R. 2Q est une proposition extraite de la micro structure dans
M. R. 3Q est construit à partir de la micro structure. C'est pour cette raison
que nous n'aurons pas, dans l'expérience réalisée par Denhière d'application
de M. R. 3 : en effet il était simplement demandé aux sujets de relever les
huit phrases du texte qui permettaient de le résumer le mieux possible.
Si la consigne de départ avait été différente (p. e. expérience de rappel
ou de résumé d'un texte communiqué oralement) nous aurions pu trouver
des macro propositions résultant de l'application de la règle de construction
comme, par exemple :
le géant transporta les chênes jusqu'à la maison de la vieille dame (proposition
qui apparaîtrait dans la B.T.E.) construite à partir des phrases 13. 14. 15.
(le géant mit les chênes sur son épaule I Le géant accompagne la vieille dame
jusque chez elle I La rouie était longue/).

68
1. 4. Macro règle de généralisation : M. R. 4
soit une proposition
P = [F 1 (x 1), F 2 (x 2)... Fn(x n)]
S'il existe un concept G tel que
G> F 1 G> F 2, G> Fn
et un concept y tel que
y> x 1, y > x 2} y > x n
alors on peut substituer
G (y) àP
M. R. 4 permet de généraliser prédicats et arguments par inclusion
hypéronymique dans la catégorie super ordonnée (p. e. chien ;
chat -* animaux) substitution qui s'opère sur la base du lexique
ex. 4 :
Mon père nettoie la cuisine,
ma mère termine son der- >~ ^ /fl^ m
ruer Uvre, mon frère peint
et ma sœur range sa
chambre.
(les arguments père, mère... sont repris par l'hypéronyme famille,
et les prédicats NETTOYER, PEINDRE par TRAVAILLER).
Comme la règle précédente M. R. 4 définit une information qui n'est
pas exprimée en tant que telle dans le discours, on ne trouvera donc pas non
plus d'application de cette règle dans l'exemple choisi et il est même difficile
d'en imaginer dans la mesure où, dans ce texte, les prédicats décrivent des
actions uniques (quasi génériques) et les arguments en position de sujet (le
géant, la vieille dame) ont tous des rôles narratifs très précis. Par contre
nous pouvons envisager une application possible de M. R. 4 dans le texte
sur la Recherche (texte de Maintenant) : le générique « chercheurs » reprenant
les quatre arguments : professeurs, équipes, laboratoires, recherche... et c'est
même, comme nous l'avons vu, de cette possibilité de construction d'une
référence commune à ces quatre fermes que dépend la cohérence du texte.

2. Quelques remarques

2. 1. Non bi directkmnalité des Macro Règles


Les macro règles ne sont pas bi directionnelles, c'est-à-dire que, si elles
permettent de dériver -la macro structure de la micro structure, il n'est pas
toujours possible d'effectuer l'opération inverse ; encore que à ce niveau il
faudrait différencier les règles d'effacement et de généralisation, des règles
de construction et d'intégration. En effet, dans ces deux derniers cas,
l'information supprimée n'est pas totalement perdue puisqu'elle peut être inférée
à partir de la macro structure : p. e. si la maison de quelqu'un s'écroule on
peut en déduire qu'rï n'a plus de maison (cf. exemple M. R. 2 p. 68). Par contre
après application de M. R. 1 ou M. R. 4 l'information éliminée peut plus
difficilement être retrouvée : si on remplace chien et chat par le générique
animal (macro règle de généralisation), on n'est plus en mesure de récupérer
les termes spécifiques.

69
2. 2. Récursivité des Macro Règles
Les M.R. sont récursives, c'est-à-dire qu'elles peuvent être appliquées
plusieurs fois, et c'est cette récursivité qui permet d'expliquer pourquoi le
même texte peut recevoir plusieurs abstracts. Mais « afin de maintenir une
macro information aussi spécifique que possible nous nous arrêterons au
plus bas niveau de macro structure » (28). La récursivité des M.R.,
théoriquement infinie est donc limitée par le principe d'informativité : en effet si on
applique trop longtemps les M.R. on aboutit forcément à des propositions
du genre quelqu'un a fait quelque chose : qui ne sont plus du tout informa-
tives et enfreignent par là une des conditions essentielles de réussite de l'acte
de langage (29).

2. 3. Macro Règles et connaissances du monde


L'application des M.R. est conditionnée par nos CONNAISSANCES
DU MONDE, et aussi nos SCRIPTS (30) c'est-à-dire les schémas d'actions ou
scénarios que nous avons stockés en mémoire. Ce système de savoir
conventionnel sur le monde qui est déterminé cognitivement et socialement permet
d'établir les inférences nécessaires pour la construction des macro structures
textuelles (ainsi que pour l'élaboration de la base de texte explicite). Pour
reprendre l'exemple sur la Recherche, le lecteur qui ne saurait pas que
professeurs I équipe de recherche I laboratoires sont équivalents serait incapable
de subsumer ces quatre termes sous l'appellation chercheurs (problème de
connaissances du monde), de même celui qui ignorerait que les actions de
décrocher l'écouteur, attendre la tonalité, composer le numéro font partie
d'un même script, ne pourrait pas résumer cette séquence (ces micro
scripts) par le générique téléphoner (macro script). Mais les élèves
ont des connaissances du monde limitées et sélectionnent souvent l'information
pertinente (pour eux) en fonction de ce qui est un fait remarquable dans
leur propre système de valeur... qui ne correspond pas forcément au nôtre.
Comment leur donner les moyens d'acquérir les scripts utiles pour la
compréhension d'un texte ? C'est là un des problèmes qui se posent à l'enseignant.
La lecture, entre autres, permet de transformer, de modifier ou de renforcer les
connaissances du monde ; par exemple si l'élève qui lit le texte Géant 2 ne
sait pas que le bois peut être utilisé comme combustible de chauffage il ne
comprendra pas qu'il y a un rapport entre les phrases 19 et 20 (La pauvre
vieille avait maintenant du bois. La pauvre vieille pouvait se chauffer) et sera
incapable de résumer cette séquence ; ou, étant donné que tout énoncé doit
avoir un sens (principe de déontologie communicative), il inférera du texte
qu'il existe un lien entre ces deux phrases et apprendra un script nouveau :
se chauffer au bois. La construction du résumé d'un texte dépend donc
étroitement de ces différents calculs de rattrapage du sens qui s'effectuent
sur la base de ce savoir commun connu ou induit à partir du texte.

(28) VAN DIJK. — Gomplex semantic information processing. — Université d'Amsterdam, mars
1976, p. 22.
(29) Voir les « principes de coopération » et en particulier la règle de quantité chez Grice : « il
faut que votre contribution contienne autant d'information qu'il est requis pour les visées
conjoncturelles de l'échange». GRICE. — Logique et conversation. — Communications 30, p. 61.
(30) VAN DIJK. — Complex semantic information processing, pp. 32-33.

70
III. — SUPER STRUCTURE

II existe un autre niveau de structuration qui facilite l'application


des macro règles : il s'agit des SUPER STRUCTURES typologiques qui ne
définissent pas le contenu global du texte (macro structure) mais sa forme (texte
narratif, poétique, argumentatif...). Ces super structures (S. S.) sont
conventionnelles c'est-à-dire que les règles qui indiquent par exemple « comment
on raconte une histoire appartiennent à notre langage et à la culture que
nous partageons avec les autres membres de la communauté » (31). Le
modèle des S.S. narratives a été élaboré par les formalistes russes (V. Propp) et
repris par un certain nombre de chercheurs. Nous utiliserons, dans le cadre
de cet article, les catégories descriptives établies par Labov et Waletzky (32).
Tout épisode d'un récit comprend :
— Une exposition définissant
le monde du récit (temps, lieu)
les agents
la situation initiale.
— Une complication qui décrit les événements remarquables par rapport à la
situation initiale (« nœud de l'intrigue »).
— Une résolution qui présente les (ré)actions subséquentes de l'agent
principal — ou des agents — pour prévenir les conséquences indésirables de la
complication (« dénouement »). La résolution sera « heureuse » ou «
malheureuse ». Si elle est malheureuse elle peut amener une nouvelle
complication suivie d'une nouvelle résolution (récursivité des super structures).
et deux catégories optionnelles :
— L'évaluation qui spécifie les réactions de l' agent/narrateur à l'épisode,
— et la morale qui indique les conséquences possibles de l'histoire dans le
but d'influer sur le comportement actuel ou futur des destinataires du récit.
(Voir schéma des superstructures Géant 2 p. 72).
Ce modèle superstructurel, qui fonctionne comme une sorte de schéma
abstrait dont il suffirait de remplir les cases vides avec l'investissement
sémantique propre à chaque texte, guide la construction des macro structures.
En effet les macro structures devront avoir la même forme que les super
structures, c'est-à-dire que si le texte de départ est un récit, le lésumé de ce texte
sera obligatoirement un récit qui comportera les éléments caractéristiques
des super structures narratives. Le résumé de Géant 2 (voir p. 66) répond bien
à ce critère puisqu'il comprend une exposition de la situation initiale
(phrases 1, 5, 7 et 8) et la relation des événements principaux qui provoquent
directement la complication (phrases 9 et 10) et la résolution (phrases 16 et 18).
Pour ce conte construit selon le schéma conventionnel l'élaboration des macro
structures ne pose pas de problèmes particuliers et les résumés Tecueillis sont
tous convergents. Par contre si on travaille sur un texte qui ne correspond
pas à notre modèle culturel du récit, une histoire amérindienne par exemple,
(ou sur un texte qui conteste les modes narratifs dominants (nouveau roman))

(31) VAN DIJK. — Macro Structure and Cognition, p. 28.


(32) LABOV ; WALESTZKY. — Narrative Analysis in : Helm éd., Studies in the verbal and Visual
arts. — Seattle : Washington U.P., 1967. Voir aussi VAN DIJK. — Text and context : exploration
in the semantics and pragmatics of discourse. — London : Longman, 1977, p. 153-155. Pour
l'utilisation de ces modèles, voir Pratiques n° 11/12 et Langue Française n° 38.

71
4
SCHÉMA DES SUPER STRUCTURES DE GÉ
RÉCIT
EXPOSITION COMPLICATION
I i I
MONDE AGENTS SITUATION ACTION 1
INITIALE (acteur x) (acteur x)2 A
ACTION (a
(qualifications)
_L
l 1 i
Temps Lieu acteur x acteur y acteur x acteur y but acte
i i 1 chênes
son
. x met
acte
épaule
i les
sur x
il y a .dans
lai .Dame . x voit
se promène
y ramasse
■y . x veut
aideriy
. Vieille quelques
arrache
chênes
.X
longtemps forêt . service
.aime
.bon
Géant
Gargantua
rendre . pauvre du bois
un
jour
(ptv 2 et 6) (ph. 8) (ph. 1.3.4.5) (ph.7) (ph.6.7) (ph;8) (ph.9) (ph. 10.11.12) (ph. 13)
le héros varie, l'organisation de l'histoire est (pour nous) obscure (cf. article
de Kintsch et Van Dijk (33)) et si on demande à des élèves ou à des sujets
adultes d'effectuer le résumé de ce texte les résultats seront très différents ;
on observera une grande disparité dans les résumés due au fait que les sujets
ne (re)connaissent pas le principe d'organisation du récit et ne peuvent donc
pas se servir des super structures (dont ils ne possèdent pas le schéma) pour
construire les macro structures.
On se trouve à peu près devant la même situation avec des enfants de
6/8 ans qui eux ne maîtrisent pas encore totalement les matrices narratives.
Ce fait, constaté par Van Dijk dans son article « études de discours et
éducation » (34) est corroboré par l'expérience de Denhière (35) qui a analysé
des résumés produits par des élèves du cours élémentaire, et a constaté que
ces enfants n'aboutissent jamais à une expression complète de la macro
structure : ils « privilégient les phrases du début du récit qui décrivent
l'exposition de la situation initiale, et ne sélectionnent que les actions ou
événements les plus remarquables de la complication et de la résolution » (36). Par
exemple, les élèves de cette classe d'âge ont proposé, pour résumer le texte
Géant 2, la macro structure suivante (voir schéma p. 74).
ph. 1 il y avait un géant
Ph. 5 le géant aimait rendre service...
Ph. 7 le géant vit une pauvre vieille
Ph. 9 le géant décide d'aider la pauvre vieille
Ph. 18 hélas la maison s'écroula.
Ce résumé comporte un certain nombre de lacunes : en particulier
dans la présentation de la situation initiale il n'est pas question de ce que
fait l'acteur y — qui ramasse du bois — (ph 8), or cette information est
importante pour la suite du récit puisqu'elle conditionne l'action subséquente
de x — qui pour aider y arrache quelques chênes — (ph 10), cette dernière
proposition, élément central de la complication, étant elle aussi omise.
D'autre part au niveau de la résolution seul l'événement le plus spectaculaire est
rappelé — la maison s'écroule — (ph 16), par contre la cause de cet
événement n'est pas évoquée. Ces divers oublis, résultant, entre autre, de la non
maîtrise des structures narratives par les élèves rendent le résumé
irrecevable, les calculs nécessaires pour retrouver à partir de cette macro structure
le texte de départ étant trop importants et surtout il n'est pas évident qu'ils
permettent de « récupérer » la micro structure : en effet un lecteur qui ne
connaîtrait pas le récit pourrait difficilement établir un rapport entre les
phrases 9 et 18 et serait incapable de reconstruire le schéma narratif exact
du conte.
La double constatation que nous venons de faire concernant la
difficulté d'élaborer les macro structures textuelles quand on ne possède pas le
schéma des super structures, que ce soit en raison de la non maîtrise de ce
niveau (cas des enfants de 6-8 ans) ou à cause des problèmes posés par la
micro structure (exemple du conte qui ne correspond pas à notre modèle
culturel du récit) démontre l'importance d'un travail préalable sur les S.S.
lorsqu'on veut aborder avec les élèves le résumé de texte. Reste un problè-

(33) KINTSCH VAN DIJK. — Comment on se rappelle et on résume des histoires, pp. 112-114.
(34) VAN DIJK. — Discourse studies and éducation. — Université d'Amsterdam, 1979.
;

(35) DENHIERE. — Document 105 (cf. note 19).


(36) DENHIERE. — Document 105, p. 10 (cf. note 19).

73
SUPER STRUCTURES DU RÉSUMÉ DE GÉA
RÉCIT
i
EXPOSITION COMPLICATION
1 l i
MO NDE AGENTS
SITUATION
INITIALE
i ACTION
(acteur x)1 /(ACTION 2 AC
(ac
qualification acteur x)
i ; i i i
Temps Ueu acteur x acteur y acteur x acteur y but acte
acte
i
1 1 1 1 1
0 0 .dame .x volt y .y ramasse 0
.aime
. rendre
service
géant . pauvre du bois aider
veut
.x
y quelques
arrache
chênes
x
. vieille
<ph.1.5) (Ph. 7) (ph.7> (ph.8) (ph.9) (ph.10)
.dame .x voit y 0 .x 0
•.aime
. rendre
géant . pauvre veut
. vieille aider
service y
(ph.1,5) (ph. 7) (Ph.7) (ph.9)
1. Résumé produit par
2. Résumé "déviant" p
me : si nous disposons d'un schéma des S.S. pour le récit il n'en va pas de
même pour d'autres types de textes comme par exemple les textes argumen-
tatifs.
On peut rassembler l'ensemble des hypothèses que nous venons
d'émettre à propos du résumé de texte sous la forme du schéma suivant :

MICRO STRUCTURE SUPER STRUCTURE


(B.T.E.)

MACRO
RÈGLES

MACRO STRUCTURE
!

!
CONNAISSANCES DU MONDE

L'élaboration des macro structures dépend étroitement de la maît'.ise


des différents niveaux de structuration textuelle :
— le niveau micro structurel, représenté par la B.T.E. construite à partir
des informations explicitement présentées dans le texte, auxquelles on doit
ajouter, sur la base de nos connaissances du monde toutes les inférences
nécessaires à sa compréhension,
— et le niveau des super structures typologiques conventionnelles (dans un
univers culturel donné) qui orientent l'application des macro règles.
La macro structure, dérivée de la micro structure à partir des règles
de réduction de l'information, devra « reproduire », mais de façon globale,
le contenu sémantique ainsi que la forme super structurelle du texte de départ.

IV. — MICRO STRUCTURE ET MACRO STRUCTURE


DU DISCOURS ARGUMENTATIF

L'épreuve de résumé telle qu'elle existe dans l'institution scolaire


s'applique rarement à des textes narratifs mais plutôt à des textes argumentatifs.
Bien qu'il semble possible théoriquement de différencier nettement ces deux
types de discours, dans la pratique leurs frontières restent souvent assez
floues : l'enjeu d'un récit n'est-il pas la plupart du temps une argumentation,
se concrétisant à l'intérieur de la structure textuelle même par la catégorie
de la « morale » qui indique les conséquences possibles de l'histoire dans le
but d'influer sur le comportement actuel ou futur du destinataire du récit —
et c'est bien là une fonction argumentative — . Ce qui opposerait ces deux
types de textes ce serait la nature des arguments utilisés : dans le premier
cas, pour le récit, c'est un schéma d'actions considérées comme «
exemplaires » qui sous tend l' argumentation et à ce niveau l' application des macro
règles ne pose généralement que peu de problèmes (il faudrait cependant
moduler cette affirmation beaucoup trop catégorique). Mais si le modèle
proposé semble théoriquement pertinent et psychologiquement valide est-il
assez puissant pour résoudre les problèmes posés par la construction des
macro structures de textes non narratifs (les textes argumentatifs p. e.) qui
n'obéissent pas à la logique des actions et pour lesquels on ne dispose pas

75
d'un modèle préétabli des super structures ? Avant d'aborder cette question
il serait peut-être nécessaire, dans un premier temps, de préciser ce qu'on
entend par discours argumentatif. (D.A.).

1. Qu'est-ce qu'un discours argumentatif?


1.1. Le discours argumentatif a pour finalité de provoquer ou
d'accroître l'adhésion d'un auditoire aux thèses qu'on présente à son
assentiment. On oppose en général l'argumentation à la démonstration utilisée en
mathématique. Dans la démonstration formelle on pose au départ une
hypothèse — probable — (prémisse de la démonstration) et on en infère —
nécessairement — une conclusion, le rapport existant entre les prémisses et la
conclusion étant un rapport de vérité ; la structure du D.A. est à peu près
identique (prémisse / conclusion) mais le D.A. diffère de la démonstration
par la nature des prémisses qui sont constituées d'opinions généralement
acceptées ou acceptables, c'est-à-dire raisonnables (et non probables) et
d'autre part le rapport prémisse / conclusion est du domaine du vraisemblable
et non du vrai. Le D.A. ne consiste pas en des inférences logiques mais
présente des arguments plus ou moins forts qui ne sont jamais purement formels.
« Le but de l'argumentation n'est pas comme celui de la démonstration de
prouver la vérité de la conclusion à partir de celle des prémisses mais de
transférer sur la conclusion l'adhésion accordée aux prémisses » (37). D'autre
part le D.A. à la différence de la démonstration sera fortement marqué par la
catégorie du sujet (discours opaque) ; on peut à ce niveau — celui des
modalités dénonciation — distinguer trois cas de figure, c'est-à-dire trois
types de relations qui peuvent exister entre l'argumentateur (A),
l'argumenté (B) et l'objet de l'argumentation (R) « marquant la position de l'orateur
vis-à-vis des contenus auxquels il se réfère et vis-à-vis d'autrui, son
interlocuteur »

dans
auxvaleurs
transparent)
quand
les
D.A.
(37)
(38)
76 VIGNAUX.
PERELMAN.
exigences
serait
Je
Le
qu'à
1.
On
les
delevous
2.considérer
troisième
peut
sujet
modalités
celles
de
Super
illocutoires

demande
—la
considérer,
de
Le
L'empire
forme
de
structures
discours
la
renonciation
Rcas
l'argumentation,
logiques
démonstration
:(assertion,
rhétorique.
deargumenté
d'après
figure
du (aléthiques,
discours
Je
disparaît
Paris
un
ce
considère
interrogation,
écrit.
(soit
objet
qui
formelle
mais
Vrin,
—un
argumentatif
vient
en
Communications
1977,
épistémiques,
on
objet)
surface
(discours
retrouvera
d'être
p.injonction).
35.semble
dit,
la 20,pregnance
impersonnel,
que
déontiques)
dans
1973,
davantage
soit
objet
lap.leun
structure
139.
D.A.,
de (38)
répondre
et
ce même
sujet
dans
d'un
:
arguments
prémisse conclusion (ou thèse)
ce discours étant lui-même enchâssé dans un autre discours (qu'on appellera
thèse « antérieure ») avec lequel il entretient un rapport d'opposition, s'il
vise à changer les convictions, c'est-à-dire à infirmer la thèse antérieure, ou de
renforcement quand le but de l'argumentation est simplement d'accroître
l'adhésion de l'auditoire aux thèses présentées :

thèse « antérieure »

prémisse

arguments

conclusion
(ou thèse)

La place dans le D.A. des différentes catégories super structurelles


n'est pas fixe et en particulier la conclusion peut suivre ou précéder l'énoncé
des arguments. A ce niveau on distingue (39) le discours persuasif qui veut
modifier les dispositions antérieures de l'argumenté en faisant appel à
l'affectivité (thèse le plus souvent à la fin du D.A.) et le discours convaincant qui
s'adresse à la raison (thèse plutôt au début du D.A.).
D'autre part le D.A. est souvent elliptique et les catégories super
structurelles que l'on vient de définir ne sont pas forcément toutes explicitement
présentes dans le texte : souvent la thèse antérieure n'est pas exprimée mais
il se peut aussi que l'orateur laisse sous entendues des prémisses que tout
le monde connaît ou qu'il n'énonce pas les conclusions de son
argumentation, l'implicite jouant dans ce cas un rôle d'argument : ce que le
destinataire du D.A. peut déduire s'impose à lui comme une évidence.

1. 3. Ordre et force des arguments


L'ordre des arguments a aussi un rôle important dans le D.A. Les
arguments peuvent suivre l'ordre croissant (du plus faible vers le plus fort),
l'ordre décroissant (du plus fort vers le plus faible) ou l'ordre « nestorien » (40)
(le D.A. commence et se termine sur les arguments les plus forts). Cet ordre
n'est pas neutre et dépend des stratégies utilisées par l'argumentateur. Mais la
force d'un argument n'est pas une grandeur immuable : l'argument fort est
celui qui convainc effectivement l'auditoire ; la question est alors de savoir
si on peut définir, à partir de critères linguistiques le poids d'un argument
ou si on est obligé de se référer uniquement à la réception du D.A., donc
à de l'extra-linguistique, pour juger de l'efficacité, et par là de la force d'un
argument. Cette dernière solution pose un certain nombre de problèmes
méthodalogiques et conduit à un éclatement du modèle mais peut-on en faire

(39) PERELMAN OLBRECHTS — TYTECA. — Traité de l'argumentation. Paris : P.U.F., 1958,


pp. 34-39.
;

(40) Idem 39, p. 661.

77
l'économie en particulier si on se réfère à la situation pédagogique : l'élève
ne partageant pas avec le professeur le même ensemble de connaissances
du monde, ce qui peut être pour lui un argument fort parce que nouveau,
inattendu ne sera pour l'enseignant qu'un argument banal, sans grande
portée (41).

2. Le Résumé du discours argumentatif


2. 1. Les modalités d'énonciation
Les macro structures d'un D.A., et ceci est valable pour toutes les
macro structures textuelles, devront reprendre les modalités d'énonciation
utilisées dans le texte d'origine (discours transparent/opaque). Mais le résumé
doit-il être transparent, c'est-à-dire est-ce que ï'énonciateur du résumé, quand
il est différent de Ï'énonciateur du texte à résumer, ce qui est le cas le plus
fréquent, doit s'effacer en surface ? Les consignes officielles sont sur ce
point très précises : « [le candidat] se plaçant dans le cadre même des
énoncés... s'abstient d'indications comme : l'auteur déclare que... » ce qui ne va
pas sans poser des problèmes, en particulier lorsque l'élève doit assumer le
« je » de Pargumentateur. Il nous semblerait plus pertinent que l'auteur du
résumé « marque » son texte. Si nous optons pour cette dernière solution le
schéma donné p. 25 pourrait se réécrire sous la forme suivante :

A'-* A'- A B A1-

\ V

jonctif.
et
structure
dans
illocutoire.
structurelle
catégories
àarguments
«l'argumenté,
arguments...).
dire
celui
nondevront
2.
D'autre
Les
(A'
un
» du
A
critique,
ce
Rde
Dans
2.:àBdeR
'"résume"
>-macro
texte
: que
texte
S.S.
sujet
Super
l'argumentateur
Conclusion)]
l'objet
lacorrespondre
A
part
un
que
micro
ne
dit
de
du
structures
de
structures
résumé
de
base.
se
ces
nous
texte
renonciation
structure
l'argumentation).
manifeste
énoncés
Le
et
de
avons
informatif
àet
textuelles
pouvant
présentera
résumé
départ
celles
résumé
définies
(arguments
recevront
A1
pas
duce
dit
de
les
d'un
"résume"
être
doivent
qui
résumé,
que
toujours
de
la
ces
valeurs
ci-dessus
RA
D.A.
vise
un
micro
éléments
différentes
vs.
reproduire,
dire
Acomportera
àuniquement
illocutoires
conclusion
: structure,
donner
[thèse
rargumentateur,
assertif,
dans
valeurs
laune
antérieure
ce
donc
un
A'
interrogatif
de
étant
forme
ou
une
que
dit
"résume"
image
la
ordre
illocutoires,
conclusion
de
les
lemacro
entendu
seule
super
texte
RB
différentes
(Prémisses
identique
«: fidèle
ou
valeur
que
in-
vs.
le»

(41) Voir aussi sur l'argumentation le numéro de Pratiques. — A paraître juin 1960.

78
A ce niveau se pose le problème de l'implicite qui joue souvent un
rôle important dans le D.A. Bien entendu l'élaboration de la B.T.E. nécessite
l'explicitation de toutes les propositions importantes pour l'interprétation
sémantique du texte, et la mise à jour d'un schéma super structurel conforme,
c'est-à-dire exhaustif ; mais le résumé, construit à partir de cette B.T.E. de-
vra-t-il comporter les différentes catégories super structurelles et, en
particulier, celles qui sont effacées dans le texte de départ ? Si nous prenons par
exemple le cas d'un D.A. dans lequel la conclusion est omise, cette
conclusion s'imposant d'elle même à l'argumenté en raison du poids et de la
convergence des arguments, étant donné que ces arguments ne pourront pas tous
être repris dans le résumé du texte, l'argumentation, au niveau macro
structurel, perdra de sa force et la thèse soutenue ne s'imposera plus d'elle-même
avec autant d'évidence : il sera peut être nécessaire de l'expliciter, explicita-
tion qui permettra de faire l'économie d'une partie des arguments mais au
prix d'un détournement de la stratégie argumentative utilisée par l'orateur.
2. 3. Les Macro Règles
Le modèle théorique présenté dans la première partie de cet article
est-il assez puissant pour résoudre les problèmes posés par la construction
des macro structures d'un D.A. et en particulier, peut-on appliquer les M.R.
dans un domaine qui ne relève pas de la logique des actions ?
2. 3. 1. La M.R. 1 ou règle d'effacement permet de supprimer toutes
les propositions qui ne sont pas importantes pour l'interprétation sémantique
du texte. Cette règle semble pouvoir s'appliquer dans le D.A., comme dans
le récit, aux circonstants, c'est-à-dire aux descriptions de propriétés de lieu
et de temps si elles ne sont pas relevantes :
par exemple la suite propositionnelle « ce mercredi 6 novembre le Président
de la République a donné une conférence de presse diffusée sur A2» précédant
le compte rendu d'un débat télévisé pourrait être effacée.
Mais M.R. 1, dans le récit s'applique aussi aux descriptions d'actions
secondaires : or dans un D.A. il n'y a pas d'arguments secondaires puisque
tout argument a pour finalité d'accréditer, avec plus ou moins de force, la
thèse soutenue par l'argumentateur, mais des arguments plus faibles que
d'autres. On peut avancer l'hypothèse que ces arguments faibles pourront
être effacés dans un résumé sans que l'argumentation perde sa cohérence.
Le problème est alors de savoir s'il existe des marques linguistiques
permettant de déterminer le poids d'un argument. Si nous prenons les deux
exemples suivants :
(1) Boire notre thé a toujours été un privilège
(a) il accompagne les meilleurs moments
(b) avec lui les femmes paraissent encore plus raffinées
(c) même les hommes sont séduits (42).
(2) Ne roulez pas trop vite
(a) plus on roule vite plus on consomme d'essence
(b) quand on roule vite on n'a pas le temps de regarder le paysage
(c) le nombre d'accidents mortels augmente avec la vitesse.
dans (1) même focalise linguistiquement l'argument le plus fort, c'est-à-dire,

(42) Extrait d'une publicité pour le • thé de la compagnie coloniale ».

79
dans ce cas précis, l'argument le plus surprenant : en effet même les hommes
sont séduits pourrait être paraphrasé par la suite propositionnelle : les
hommes sont séduits et on ne s'attendait pas à cela (43). Un exemple identique
est donné par Anscombre dans l'article « Même le roi de France est sage » (44).
(3) Marie est très savante
(a) Elle lit l'hébreu
(b) Elle lit le latin
(c) Elle lit le grec ancien
(d) Elle Ut même le sanscrit.
Pour Anscombre (a), (b) et (c) sont redondants par rapport à (d), parce
que présupposés par (d) : l'explicitation des trois premiers arguments n'est
donc pas nécessaire pour la compréhension du D.A. au niveau micro
structurel et à fortiori, ils pourront être effacés dans le résumé.
Le problème posé par (2) est d'un autre ordre puisqu'aucune marque
linguistique ne signale, dans cet exemple, l'argument le plus fort, mais à
supposer qu'on demande à un ensemble de personnes de relever l'argument
qui dans ce D.A. a le plus de poids, on peut conjecturer que les réponses
seront identiques : l'argument (c) (le nombre d'accidents mortels...) sera
considéré le plus souvent comme étant le plus relevant par rapport à la thèse
avancée (il ne faut pas rouler trop vite). En conséquence le résumé de cette
séquence pourrait comporter simplement l'énoncé de la thèse et l'argument (c),
les deux autres propositions (a et b) étant effacées. Dans cet exemple ce sont
les connaissances du monde, ou plutôt les croyances — supposées —
partagées par l'ensemble de rauditoire qui permettent de différencier les arguments
forts des arguments faibles. Mais ce système de valeur est-il contraignant au
point d'autoriser l'enseignant à sanctionner l'élève qui choisirait
l'argument (a) (consommation d'essence) comme étant le plus fort? Ce n'est pas
sûr d'autant que certaines valeurs, même universelles, n'ont pas un poids
argumentatif très grand (cf. les évidences et, à l'inverse, la force de l'argument
inattendu). Cependant un partage, pas forcément d'acquiescement mais au
moins de (re) connaissance de ces valeurs est nécessaire pour que puisse
s'établir une communication « heureuse ».

2. 3. 2. L'application des M.R. de construction et d'intégration (soit <une


proposition ou une séquence de propositions P s'il est possible de construire
une proposition Q — ou s'il existe dans le texte une proposition Q —telle
que P soit une condition, composante ou conséquence normale de Q alors
on peut substituer Q à P) ne pose généralement que peu de problèmes au
niveau des schémas d'action. Si nous prenons l'exemple du script téléphoner
il est en effet possible de distinguer nettement ce qui est une composante
de ce script (attendre la tonalité, composer le numéro...) de ce qui est une
condition (disposer d'un téléphone, savoir téléphoner...) ou une conséquence
normale du script (pouvoir téléphoner à...). Mais ces deux M.R. peuvent-elles
être utilisées de façon identique pour le D.A. et en particulier comment
déterminer ce qui est composante, condition ou conséquence normale d'un
argument (ou d'une thèse) ?

(43) no
FILLMORE.
19, 1971.— Les règles d'Inférence dans une théorie sémantique. — Cahier; de lexicologie
(44) ANSCOMBRE. — Môme le rai de France est sage. — Communications 20, 1973, pp. 55-59.

80
□ le concept de composante semble être, à priori, pertinent à ce niveau. Dans
l'exemple suivant :
(4) « Parler à un individu d'une chose, soit pour en dire du bien, soit
pour en dire du mal, peut disposer cet individu, s'il ne l'est pas encore, à
s'occuper de cette chose » (45).
La proposition soit pour en dire du bien, soit pour en dire du mal (qu'on
appellera P) est composante de la proposition parler à un individu d'une
chose (Q) et on pourra intégrer P dans Q. C'est sur la base de nos
connaissances du monde qu'on peut établir cette relation entre P et Q parce que l'on
sait, ou plutôt on doit normalement savoir, que parler d'une chose c'est
apporter des informations positives, négatives ou même neutres sur cette
chose. De même dans l'exemple 5 :
(5) « A en croire notre confrère les explications du Président de la
République s'écroulent pour au moins trois raisons :... premièrement... parce que
la remise des cadeaux présidentiels dont il a été question sur A 2 ne portait
que sur des objets sans grande valeur allant du piolet d'alpiniste au costume
folklorique... » (46).
La dernière partie de l'argument (allant du piolet d'alpiniste... (P))
n'étant qu'une expansion de la proposition précédente (objets sans grande
valeur (Q)) on pourra substituer, dans la macro structure, Q à P.
Une autre manifestation de la relation (a 2) est composante de (a 1) =
les arguments de rang 2, c'est-à-dire tout argument qui accompagne, renforce
ou prouve la validité d'un autre argument, par exemple :
(6) (a) la moto est... [pour les jeunes adolescents] un instrument de séduction
(b) destiné à « rabattre le gibier féminin »
(c) c'est incontestable
(d) comme en témoigne ce qui existe dans la région parisienne et qu'on
a appelé « les chasseurs de filles à motocyclettes » (47).
dans cet exemple si la proposition (b) est composante de l'argument (a) (qui
est un des arguments validant la thèse de cet article : la moto est un
phénomène sociologique — voir texte p. 26) au même titre que la proposition P
(soit pour en dire du bien...) de l'exemple (4), la fonction des propositions (c)
et (d) semble différente, en effet (c) et (d) sont eux-mêmes des arguments :
(d) prouve la validité de (a) par l'« exemple » ((a) est vrai : la preuve — vé-
rifiable — il existe des chasseurs de filles à motocyclettes) tandis que la
modalité épistémique c'est incontestable renforce la crédibilité de l'argument (a).
Cette modalité joue en quelque sorte le rôle d'un argument d'autorité (48)
c'est-à-dire d'un argument dont la vérité dépend du statut de l'argumentateur
qui doit être reconnu compétent. Mais les arguments d'autorité, et les
modalités épistémiques ne sont qu'exceptionnellement utilisés seuls pour valider une
thèse : en général ils complètent l'argumentation, apportant un élément de
preuve supplémentaire. Il semble donc possible d'appliquer à ces arguments
de rang 2 la M.R. d'intégration. Dans ce cas la macro structure de l'exemple
(6) pourrait ne comporter que la proposition (a), (c) et (d) étant comme (b)
intégrés dans (a).

(45) PARETO. — Traité de sociologie générale. — Cité dans le Traité de l'argumentation (cf.
note 39), «p. 637.
(46) Les diamants de l'Elysée. — Le Matin, 5 décembre 1979.
(47) Un rite initiatique : ta moto. — Le Monde, 30 mars 1978.
(48) Traité de l'argumentation (cf. note 39), pp. 410-417.
81
Autre point : comment résoudre les phénomènes de redondance qui
jouent un rôle important dans le D.A. ? En effet « l'ampleur argumentative
peut résulter de la simple reproduction, plus ou moins fidèle, des mêmes
arguments » (49). Mais existe-t-il des critères permettant de décider qu'un
argument (a2) est redondant par rapport à un argument (al) ? Le concept
d'information (et une théorie adéquate de la paraphrase) serait nécessaire pour
traiter ce problème : par exemple on pourrait dire que (a2) est redondant
par rapport à (al) si l'information transmise par (a2) est équivalente à
l'information transmise par (al) ; dans ce cas il serait possible d'intégrer (a2)
dans (al) ou de construire une macro proposition (a x) telle que (a 1) + (a 2)
D (a x) (50), (a 1) et (a 2) étant composantes de (ax). Soit l'exemple suivant :
(7) (a 1) quand on parle de moto avec de jeunes adolescents... on repère très
vite chez la plupart d'entre eux la notion de puissance et d'affirmation virile...
(a 2) Le sentiment de puissance assis sur une machine qu'on domine
complètement... est un sentiment fortement développé chez les jeunes
utilisateurs d'une moto...
(a 3) il faut voir dans ce sentiment de puissance le désir de s'affirmer (51).
Une simple lecture de ce passage permet de déceler intuitivement que
(al), (a2) et (a3) sont en relation de quasi paraphrase et une analyse
propositionneUe devrait confirmer cette intuition et permettre de relever les prédicats
et arguments (au sens de l'analyse propositionneUe) porteurs d'éléments
nouveaux d'information qui constitueront la base de texte de la macro structure
de cette séquence :
AFFIRMER (adolescents ; puissance, virilité ; par moto)
agent but instrument
qu'on pourrait « traduire » par : les adolescents affirment leur puissance et leur
virilité par la moto, ou : la moto permet aux adolescents d'affirmer leur
puissance et leur virilité.
□ Nous n'évoquerons que très rapidement les concepts de conditions et
conséquences qui soulèvent des problèmes linguistiques et logiques très
complexes. Il serait en particulier nécessaire de distinguer la cause de la
condition et la conclusion de la conséquence... ces deux paires de notions ne se
recouvrant que partiellement ; pour Ducrot par exemple la notion de cause
— origine déterminante d'un phénomène — est plus contraignante que celle de
condition : « l'affirmation d'un passage nécessaire menant de la cause A à
l'effet B est particulièrement nette lorsque A est dit cause suffisante de B.
Si on ne veut pas affirmer une telle nécessité, tout en maintenant l'existence
d'un lien entre A et B on dit plutôt que A est une condition favorable
de B» (52).
Soit l'exemple :
(8) (B) — le désir de posséder un engin à moteur représente un phénomène
sociologique de la plus haute importance.
(A) — qui découle du fait que nous vivons dans une société très
industrialisée (53).

(49) Traité de l'argumentation (cf. note 39), p. 633.


(50) = inclus dans.
(51) Cf. note 47.
(52) DUCROT. — La preuve et le dire. — Marne, 1974, pp. 109-109.
(53) Voir note 47.

82
c'est le fait que nous vivons dans une « société très industrialisée » (A) qui est
condition de l'existence de (B), et en l'absence de cette condition (si on se
réfère par exemple à la civilisation de Moyen âge) (B) est improbable : on
pourrait donc, au niveau macro structurel intégrer (A) dans (B), tout comme
dans l'exemple :
(4) Parler à un individu d'une chose
(B) — peut disposer cet individu... à s'occuper de cette chose
(A) — s'il ne l'est pas encore (54).
On peut disposer un individu à s'occuper d'une chose (B) à condition qu'il
ne le soit pas encore (A) ; il n'est pas possible d'avoir en même temps ~ (A)
vrai et (B) vrai : (B) impliquant l'existence de (A) et (A) dans le résumé
pourra être intégré dans (B).
Si nous envisageons maintenant le cas de deux arguments dont l'un est
la conséquence de l'autre :
(9) le désir de posséder un engin à moteur est un phénomène sociologique
de la plus haute importance...
(A) c'est tellement vrai que tous les pays industrialisés connaissent cette
forme de désir qu'a l'individu de posséder un véhicule à moteur,
(B) et ceci s'éclaire davantage quand on sait que le vol de véhicules à
moteur représente une des formes de délinquance la plus importante dans
nos sociétés.
(B) est bien ici une conséquence de (A)... mais il resterait à s'interroger sur la
« normalité » de cette conséquence : la connaissance de (A) peut-elle nous
permettre de prévoir — ou d'inférer — l'existence de (B) ? Il n'est guère
possible de répondre à cette question, la notion de normalité des
conséquences — et des conditions — nécessitant une étude approfondie que l'on ne peut
entreprendre dans le cadre de cet article (55).
Les différents concepts théoriques avancés qui visent surtout à apporter
des éléments de réflexion, plus que des réponses, devraient donner à
l'enseignant les moyens d'aborder le résumé de texte de façon moins empirique en
lui permettant en particulier de sérier les problèmes. Au niveau des règles
de réduction de l'information il faudrait retenir la productivité de la M.R.
d'intégration : des propositions de synthèse existant à l'intérieur du D.A.,
rargumentateur fournissant ces macro structures comme élément de «
récupération » du discours, souvent même de façon explicite (cf. les formules
« pour résumer ce qui vient d'être dit »...) et ceci avec une fréquence accrue
dans les argumentations orales. On peut donc regretter que les consignes
officielles proscrivent l'application de cette règle sans doute dans le but
d'éviter le recopiage de fragments du texte qui n'auraient pas été assimilés :
mais la paraphrase résoud-eile les problèmes de compréhension ? Peut-on par
exemple dire que l'élève qui, pour reformuler la phrase : la moto représente
un langage initiatique qui vient combler l'absence de signes institutionnalisés
dans la société, écrit : la motocyclette représente un rite linguistique d'intro-

(54) Voir note 45.


(55) II n'est pas nécessaire d'examiner les problèmes posés par M.R. 4 dans un D.A. puisque
cette règle, qui permet de généraliser prédicats et arguments (au sens de l'analyse proposi-
tionnelle) par irvclusion hypéronymique dans la catégorie super ordonnée, ce sur la base du
lexique, s'applique de façon identique à tous les types de texte quelle que soit leur forme
super structurelle.

83
duction venant combler le manque de signes de reconnaissance institués
dans la collectivité a réellement saisi la signification de ce passage ? Rien n'est
moins sûr.

ANNEXE : Un exemple

UN RITE INITIATIQUE: LA MOTO

Le désir de posséder un engin à moteur, et plus particulièrement une moto


quand il s'agit de jeunes adolescents, représente incontestablement un phénomène
sociologique de la plus haute importance qui découle directement du fait que nous
vivons dans une société très industrialisée où la technique est devenue une nouvelle
idole. Il s'est créé des rapports très particuliers entre l'homme et la technique, entre
l'homme et les engins motorisés, entre l'homme et les véhicules à moteur. C'est
tellement vrai qu'actuellement les jouets pour enfants qui ont le plus de succès sont,
justement, des jouets qui comportent un moteur. Tous les pays industrialisés
connaissent cette forme de désir souvent passionné qu'a l'individu de posséder un véhicule
à moteur. Et ceci s'éclaire davantage quand on sait que le vol de véhicules à moteur
représente une des formes de la délinquance la plus fréquente et la plus importante
dans nos sociétés.
Quand on parle de moto avec des jeunes adolescents, et ce serait vrai des
voitures également pour certains adultes, on repère très vite chez la plupart d'entre
eux la notion de puissance et d'affirmation virile. Quand on dit qu'un adolescent se
défoule sur sa moto, c'est qu'on pointe le besoin chez lui d'affirmer sa puissance
face à celle des adultes. Et c'est pour cela que bien souvent le conflit s'installe
entre les adultes qui refusent à l'adolescent d'exercer sa puissance et l'adolescent
qui prétend l'affirmer avec les moyens qu'il aura choisis. Le sentiment de puissance,
assis sur une machine qu'on domine complètement et dont on sait également qu'elle
est capable de se cabrer comme un animal, est un sentiment fortement développé
chez le jeune utilisateur d'une moto. Il faut voir dans ce sentiment de puissance le
désir de s'affirmer et d'accéder à un statut égalitaire avec l'adulte. C'est un sentiment
qui permet une évolution positive vers ce statut.
La moto représente un signe de classe, témoin justement de cette période de
l'adolescence. C'est tellement vrai qu'il existe un véritable code utilisé par les
motards qui est accessible à tous les jeunes dans un certain groupe donné et qui peut
s'étendre même au-delà des frontières départementales, régionales et même
nationales. La moto, avec son code de rituels, son marché économique, sa technique, sa
mode spécifique et sa presse spécialisée, représente un langage initiatique qui vient
combler l'absence de signes institutionnalisés dans la société.
C'est là qu'il faut voir le point de départ des bandes de motards, des
microgroupes constitués par des jeunes possesseurs de motos et capables d'équipées
communes qui peuvent être quelquefois des équipées sauvages.
La moto représente un élément de valorisation sociale mais aussi narcissique, et,
chez les garçons en particulier, c'est un instrument de séduction destiné à « rabattre
le gibier féminin » comme en témoigne ce qui existe dans la région parisienne et qu'on
a appelé les « chasseurs de filles à motocyclettes ».
Mais la moto est aussi un instrument de révolte contre la famille. Plus les
parents s'obstineront à refuser, pour des raisons d'ailleurs tout à fait compréhensibles,
d'accéder au désir du jeune, plus le jeune s'entêtera à assumer ce désir jusqu'à, dans
certaines conditions, aller à commettre un délit de vol de véhicule. Plus les parents
seront inquiets quant aux risques encourus par l'adolescent, plus l'adolescent jouera
avec ce risque qui est pour lui un moyen d'exercer sa puissance sur sa famille par
l'inquiétude qu'il suscite.
Article extrait du « Monde », 30 mars 1978.

84
Ce texte, qui a été effectivement donné comme exercice à des élèves
des classes de seconde (56), peut être qualifié de « transparent » (absence du
« je » — d'un « je » explicite — de l'argumentateur et du « tu » de
l'argumenté), et, si nous reprenons la tripartition proposée par Vignaux (voit p. 20)
ce texte correspond au 5e cas de figure : soit un objet, objet qui est posé sur le
mode de l'assertion (valeur illocutoire). D'autre part, au niveau des super
structures, les différentes catégories (prémisses, thèse, arguments) sont
explicitement présentes dans le D.A., seule la thèse antérieure est implicite.
Structure du D.A. (voir tableau p. 000)
Thèse antérieure (implicite) : l'opinion publique pense que la moto est
un simple « gadget ».
Prémisses de V argumentation (consistant en propositions supposées
admises par l'auditoire) : le désir de posséder un véhicule à moteur
représente un phénomène sociologique.
Thèse : (présentée dans un rapport d'analogie avec les prémisses) :le
désir de posséder une moto représente un phénomène sociologique
(pour les jeunes adolescents).
Arguments : II faudrait distinguer deux types d'arguments :
— ceux qui renforcent la présence des prémisses (a, b, c),
— ceux qui s'articulent sur la thèse (m, n, o, p).

Elaboration de la (des) macro-structures(s) du texte


Le résumé du D.A. devra reproduire les modalités d'énonciation
(discours transparent), la valeur illocutoire (assertion) et les principales catégories
super structurelles (prémisse, thèse, arguments) du texte de base. Il faudrait
cependant moduler cette dernière affirmation : en effet il est possible d'établir
plusieurs niveaux de macro structure (réairsivité des macro règles), le résumé
pouvant être plus ou moins « long » (57) :
— Une macro structure de « 1er niveau » (voir tableau p. 41-44) pourrait
comporter toutes les articulations du D.A.
— les prémisses et les arguments des prémisses (a, b, c),
— la thèse et les arguments de la thèse (m, n, o, p).
— Dans une macro structure de « 2e niveau », plus globale, il serait possible
de supprimer les arguments des prémisses qui illustrent (58) du « connu »,
à la différence des arguments de la thèse qui structurent et fondent une
règle (celle posée par la thèse), ou de ne retenir qu'un des trois arguments
des prémisses, le plus fort ; mais quel est, de a, b, c, l'argument qui a le
plus de poids ? On peut avancer l'hypothèse que b, étant plus général,
plus universel que a (individu > enfant, véhicule moteur > jouet à mo-

(56) Nous possédons le corpus des résumés de ce texte produits par les élèves ; il n'est
malheureusement pas possible de reprendre l'analyse des copies, qui a été partiellement effectuée, en
raison des contraintes de longueur de l'article.
(57) On peut relever encore une fois l'aberration des consignes officielles dans lesquelles il est
écrit «qu'il n'y a pas lieu d'imposer à la contraction une dimension déterminée...: le
candidat montre son discernement en s'imposarrt librement les limites que rendent souhaitables
la nature du texte, son étendue, sa densité » ; or quelle que soit la « nature du texte > il est
toujours théoriquement possible d'élaborer plusieurs niveaux de macro structures (plus ou
moins « globales »)•
(58) Voir le Traité de l'argumentation p. 481 (argument par l'illustration), et p. 470-488.

85
teur) serait plus fort que a, mais par ailleurs a est un argument plus
original, plus inattendu que b... et par là aussi plus relevant : a ou b pourrait
donc subsister dans une macro structure de 2e niveau, par contre
l'argument c, qui est en rapport de conséquence avec l'argument b pourra être
intégré dans b (application de M.R. 2).
— Dans une macro structure de « 3e niveau » on pourrait faire l'économie
des prémisses, constituées d'opinions généralement acceptées, admises par
l'auditoire et qui n'apportent — normalement et par définition — pas
d'informations nouvelles à l'argumenté : les prémisses étant simplement
le point de départ du D.A. permettant à Pargumentateur d'obtenir
l'adhésion de l'auditoire.
— Il serait possible, dans une macro structure de « 4e niveau », la plus
globale, d'effacer les arguments qui sont, en quelque sorte, des composantes
de la thèse (cf. la maxime de qualité chez Grice : on ne dit que ce qu'on
peut prouver) le résumé pouvant se réduire à l'expression de la thèse : le
désir de posséder une moto représente un phénomène sociologique, thèse
qui est reprise et précisée par le titre, qui se trouve souvent être une
macro structure possible du texte comme c'est le cas dans notre corpus.
Pour construire ces 4 niveaux de macro structure, nous avons dû faire
fonctionner les macro règles sur l'ensemble du schéma super structurel du
texte ; il faudrait maintenant revenir un peu en arrière pour voir comment
appliquer les M.R. à l'intérieur de chaque catégorie S.S. (59). Nous nous
proposons pour ce faire de décomposer le passage en « unités de signification »
en partant du texte manifesté en surface. Il serait bien entendu préférable
de travailler sur la B.T.E., représentée sous la forme d'une suite proposition-
nelle, qui seule permettrait une application plus fine des règles de réduction
de l'information. Mais cette analyse nécessiterait un certain nombre de
développements préalables dont nous préférons faire l'économie (60).

(59) II serait nécessaire de différencier théoriquement deux niveaux d'application possible des
macro règles :
— une application intra catégorielle,
— une application inter catégorielle.
(60) Nous renvoyons les lecteurs intéressés par ces problèmes au livre de LE NY (Jean François) —
La sémantique psychologique. P.U.F., 1979 (voir en particulier le chapitre II l'analyse prédicative).
:

86
4
st 0 + 0
suppres¬ sion des
arg. de
la thèse
Macro
3
st 0 0 0 0 0 + -i-
suppres¬ sion des prémis es
2
Macro ,T « ' "
0 + „" + ~r
possible
règles
macro
des
des :
partie : 9
tous) arg.
de
(ou cas: cas cas:
1er 1er cas
2e 2e dans
sup res ion d'une
- des prémis es ef acement maintien maintien ef acement intégration
1
structure
Macro
0 -f- , • "■ + -}• 0
0
1 0
1 0
1
et
9 (
-,
puis
arg.
+ 0
1
dans J0
3
dans 14
Application 3
dans
dans dans b dans
dans
prémis es thèse
structure arg. de
+ thèse
la
que
maintien intégration
de
0
3
dans b
que
fort
+ a —
que
fort
+ a
que
fort maintien
des fort universel)

Macro prémis es intégration intégration généralisation intégration construction
surprenant)
inat endu) universel)
inde
2
rang
tégration inde
2
rang
tégration intde
2
rang
égration 9
de
1
de argument (plus :
(pcq-moins : argument (plus :
argument (moins intde
arégurmateinotn
2
rang
argument
:
cas
1er "quasi
de
cas cas cas
SMitructroure des
(Fonction dif érents éléments) 2e 1er 2e paraphase"
condition relation en14.17/1
argument composante argument argument conséquence
b c
Thèse des prémis es arguments des
prémis¬ ses a thèse
arguments
structures antérieure
Thèse
Super Prémis es de l'argumen¬ tation argumen¬ tation
re¬de la
et
la des
une
(6).
entre cette
(12) notion
la
(15)
de
engins à
les
et moteur.
lqu'
'individau sait
on
quand
(9) représente les
j(epunes
our
comportent
qui vite.
vivons
nous
que
fait
du
moteur
à jonuets
eles
pour
le
ont
qui
fants très
sociologique dedvuoleveneluee.
noest
iune con ais ent fréquente
plus
la
texte
du moto..
une
particuliers l'homme
très jouets virile.
engin
un pas ionné à
moteur. moeprtéseuntre

vl'hé oimcumeles
les
et des sociétés.
nos
dans
industrialisée.
très davantage adolescents)
que.
vrai sociologique
sont industrialisés repère
(14)
parle
on
phénomène
un
(2) directement rapports et
des technique,
la véhicule
un jeunes et
pos éder.
de d'af irmation
Découpage posde
séder importance. pays de
souvent
désir véhicules de
délinquance
la
s'éclaire
de
1
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et
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dans
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18
dans
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intégration généralisation intégration intégration intégratio
intégde
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tégration
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"
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de "quasi
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analogique analogique relation 25.29/30
"quasi
de de
paraphrase" paraphrase" paraphrase" 14. 7/18.20 3.24 paraphrase" 2\
paraphrase" entre e5n.2t9/r3e0
relation relation entre 14. 7/18.20 3.24 condit on conséquenc
expansion argument 14.17/18.20.23.24
entre conséquence argument relation
f argument relation
1 argument
expansion a>
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j/ s Ventre
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qui sa
pour face avec posi¬ des spé¬
(18). cle
onflit à désir
le
de
l'adoles¬ motards uncertain
constitué
au-delà lanitgiag¬e
iun
cqu'apeablle
est
également pointe puis ance
sa
maassisurchinse (21
une sentiment
un
est
) égalitaire
évolution
une parles dans économique, et
presse
sa snistgi unestion¬
ide
souvent let
'adolescent aura jteilunesateur
le
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les
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et
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défoule
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moto.
sa
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un
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son
que qui permet
qui code à jeunes et
les
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des
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des
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les
rentre l'absence
également l'adolescence.
de que.
vrai
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(17)
qu'
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qu'on d'af irmer cela sa
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puis ance
de (30)
c o m p l è t e m e n t ssa
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de qu'ril. de
voilà
faut
adultes. pour dévelop é on d
et' a c é d e r cestatut. représente période véritable
un combler dansla
société. départ
avec
serait adultes. des l ' a f i r m e r voir. dans sentiment
un donné
domine moto. tel ement
ce adolescent besoin c'est d'exercer dont de moto moto code vient point
existe qui
cabrer II
se tiversve ac es ible
est
et quand un le cel
à l e Et s'instal e cent prétend Le s20
entiment qu'on fortement d'une faut (22) La decette c'est il qui c'est le
c e r t a i n s Et s'af irmer l'adulte. c'est groupe f r o n t i è r e s . départementales, La tique. son technique cialisée. nalisés
15 16 7 1 18 19 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33
34 et capables d'équipées communes qui peuvent
être quelquefois des équipées sauvages. composante de 33 intégration dans 33
35 La moto représente un élément de valorisation composante de intégration dans
sociale. 25.29/30 25.29/30
36 mais aussi narcissique (La moto représente un
élément de valorisation...).
37 et chez les garçons en particulier c'est un construction
instrument de séduction.
38 destiné à rabattre le gibier féminin. 0 composante de 37 intégration dans 37
39 comme en témoigne ce qui existe dans la région
parisienne et qu'on a appelé les "chasseurs de argument de rang 2 intégration dans 37
filles à motocyclettes".
40 Mais la moto est aussi un instrument de révolte maintien
contre la famille.
41 Plus les parents s'obstinent à refuser (42) condition de 40
d'accéder au désir du jeune. intégration dans 40
42 pour des raisons d'ailleurs tout à fait effacement
compréhensibles.
43 plus le jeune s'entêtera à assumer ce désir. conséquence de 40 intégration dans 40
P
44 jusqu'à, dans certaines conditions, aller à conséquence de 43 intégration dans 43
commettre un délit de vol de véhicule.
45 Plus les parents seront inquiets quant aux risques condition de 40 intégration dans 40
encourus par l'adolescent.
46 plus l'adolescent jouera de ce risque conséquence de 40 intégration dans 40
47 qui est pour lui un moyen d'exercer sa puissance composante de 46 intégration dans 46
sur sa famille par l'inquiétude qu'il suscite.
Après application de la MR. de construction les suites (1), (2), (3) pourraient se réécrire : (1) - 14.17/18.20.23.24 . La m
virili
(2) - 25.29/30 . La m
initiatiq
mot
oo3 (3) - 36,37 . La m
séduc
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