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États de la matière
III
Cet ouvrage fait par tie de
Physique Chimie
(Réf. Internet ti053)
composé de :
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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Physique Chimie
(Réf. Internet ti053)
Jean-Pierre BROSSARD
Professeur de mécanique
Laurent CATOIRE
Professeur des universités, Directeur de l'Unité de Chimie et Procédés (UCP) de
l'ENSTA ParisTech, Membre du conseil d'administration de l'ENSTA ParisTech
Mireille DEFRANCESCHI
Agrégée de chimie, Docteur d'État en Sciences Physiques
Philippe HERVÉ
Professeur à l'Université Paris X, Directeur du Laboratoire d'Énergétique et
d'Économie d'Énergie
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V
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VI
États de la matière
(Réf. Internet 42109)
SOMMAIRE
Réf. Internet page
Combustion et explosion des prémélanges gazeux et sûreté des installations AF3682 103
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VII
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AF3560
aux ions et aux neutres, sont fortement accélérés par les champs électriques
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AF3560
1. Particules présentes tante des particules dans un plasma, les particules lourdes, ou tout
du moins certaines d’entre elles, peuvent se trouver dans un état
dans un plasma et familles excité pendant des temps de l’ordre de 10 – 6 à 10 – 8 s. Elles se
désexcitent vers un niveau d’énergie inférieur en émettant un
de gaz ionisés photon. Cette émission de photons est en grande partie responsable
de la luminosité du plasma et, en quelque sorte, sa « signature ».
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AF3560
∫E
e e E e
v e = – -------- dt = – -------- -------------- = – i ω --------------2- E (10)
me me ( –i ω ) m ω
1.3 Fréquence plasma e
2
avec i nombre imaginaire 1 Π ⁄ 2 ( i = – 1 ) .
La densité de courant correspondante pour une densité d’élec-
Considérons un petit volume parallélépipédique de longueur < trons constante ne0 est alors :
parallèle à x (figure 1) contenant un nombre égal d’ions positifs et
d’électrons uniformément distribués à T = 0 K.
j e = – n e0 ev e (11)
En appliquant une impulsion de champ électrique E aux extré-
mités, impulsion suffisamment brève pour que les ions n’aient pas soit, compte tenu des équations (10) et (6) :
le temps de bouger, on forme à gauche une couche mince d’élec- 2
trons d’épaisseur dξ très petite devant < et à droite une zone avec ω pe
un déficit d’électrons. En utilisant l’équation de Poisson : j e = – i ωε 0 ---------
2
E (12)
ω
1
div E = ----- ρ e< (2)
ε0
dξ d V
2 – + – + – + – +
– en e ------- = ε 0 ----------2 (3)
dx dx – – + – + – + +
La charge élémentaire –e subit une force :
– + – + – + – +
2 2
dV d ξ e
– eE = + e -------- = m e ---------2 = ------ n e ξ (4)
dx dt ε0 dξ dξ
L’équation différentielle : ,
2 2
d ξ e
m e ---------2 – ------ n e ξ = 0 (5) x
dt ε0
est alors celle d’un simple oscillateur harmonique : Figure 1 – Perturbation d’un élément de plasma de longueur <
entraînant de façon transitoire un excès ou un déficit de charge
ξ / ξ 0 = cos ( ω pe t + ϕ ) aux extrémités (sans agitation thermique) [3].
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AF3560
∂E
j D = ε 0 --------- = – i ωε 0 E (13)
∂t
la densité de courant totale j = j e + j D (en négligeant j i ) devient
P
donc :
2
O 1 ωp2
ω pe
j = – i ωε 0 1 – E
---------
2
(14) ω2
ω
Le plasma présente une permittivité : ωp2
a évolution de 12 en fonction de
ω pe
2 ω2
ε r = 1 – ---------
2
(15)
ω
Celle-ci est égale au carré de l’indice de propagation ω
2 2
2 k c
1 = -----------
2
ω
soit :
2
2
2 2
k c ω pe
1 = -----------
2
= 1 – ---------
2
(16) ω(k )
ω ω
avec k vecteur d’onde et k son module.
ωp
La fréquence plasma ω p ≈ ω pe est donc une fréquence critique
c
séparant les fréquences en deux domaines.
■ v > v p : la permittivité ε r est positive et inférieure à l’unité, la
densité de courant de déplacement jD est alors supérieure à celle de
conduction je. Le plasma a un comportement capacitif et propage k
les ondes électromagnétiques sans atténuation. Cependant, la per-
mittivité ε r étant plus petite que l’unité, la vitesse de phase v ϕ des b diagramme de Brillouin
ondes électromagnétiques est supérieure à celle de la lumière et
tend vers l’infini lorsque ω tend vers ωp. Par contre, la vitesse de
Figure 2 – Diagramme de dispersion des ondes électromagnétiques
∂ω ∂ω
groupe ( v g = -------- = ------- ( k ⁄ k ) puisque ω n’est fonction que du dans un plasma [2]
∂k
∂k
module de k ) est toujours plus petite que c et varie de c pour
ω >> ωp à zéro pour ω = ωp.
Ce comportement est résumé sur la figure 2 où l’on a représenté 1.4 États d’énergie dans un plasma
2 2 2 2 2 2
k c ⁄ω = 1 en fonction de ωp ⁄ω et ω en fonction de k
(diagramme de Brillouin). Lorsque les plasmas sont dominés par les collisions, il est impor-
■ v < v p : la permittivité ε r est négative. Le courant de conduction tant d’avoir en tête les ordres de grandeur des énergies internes afin
est supérieur au courant de déplacement et le plasma a un comporte- de connaître quels états peuvent être excités.
ment inductif. L’indice de propagation est purement imaginaire et les Ces derniers sont caractérisés par leur énergie, généralement
ondes électromagnétiques sont évanescentes. Si une onde arrive sur exprimée en électronvolts (1 eV = 1,6 x 10–19 J). En effet, cette
la frontière d’un plasma venant de l’extérieur, elle se réfléchit sur cette énergie est celle gagnée par une charge de 1 C dans un potentiel de
frontière. Ce phénomène se manifeste dans la propagation des ondes 1 V. Pour les atomes présents dans les plasmas de laboratoire
radioélectriques autour de la Terre. L’ionosphère y joue, pour les fré- usuels, le tableau 1 donne les niveaux d’énergie d’ionisation ainsi
quences inférieures à quelques mégahertz, le rôle de réflecteur. que ceux du premier état excité.
Tableau 1 – Énergies de l’état ionisé et de l’état de résonance des principaux plasmas de laboratoire
Atome H He N O Ne Ar
Énergie d’ionisation ...................................................................................(eV) 13,659 24,481 14,534 13,618 21,564 15,755
1er état excité = état de résonance............................................................(eV) 10,198 21,216 10,325 9,521 16,847 11,623
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2. Grandeurs caractéristiques
des plasmas avec 2.2 Grandeurs fondamentales
interactions
2.2.1 Sections efficaces de collision
Ces plasmas se rencontrent pratiquement dès que la pression est
supérieure à quelques dizaines de pascals.
On considère deux particules de masses mj et mk positionnées
2.1 Les collisions par leurs vecteurs r j et r k et de vitesses v j et v k . Dans un repère
fixe par rapport à k, leur position relative est :
Lorsque deux particules initialement séparées par une distance d
s’approchent l’une de l’autre, elles commencent à interagir et si,
après cette interaction, quelque changement mesurable s’est R jk = r j – r k
produit, on dit qu’une collision a eu lieu.
Compte tenu de leur nuage d’électrons, les particules neutres et leur vitesse relative :
n’ont pas de collision type « boules de billards » mais elles se
« sentent » bien avant d’être en contact physique. Cette interaction V jk = v j – v k (figure 4)
est due à la déformation de leur nuage électronique, ce qui entraîne
d’abord une force attractive (dans le cas d’un potentiel de Lennard-
Jones, cette force est ~d –7), puis fortement répulsive du fait des
noyaux positifs (pour un potentiel de Lennard-Jones, cette force est
~d –13). Du fait de cette interaction, les particules sont déviées de j Vjk k
leur trajectoire initiale.
Pour les particules neutres, avec des forces d’interaction en d –n θ ϕ
avec 7 < n < 13 , la déviation se produit pendant un temps très
dθ
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1. Rayonnement et équilibre ■ Dans un plasma, les électrons jouent un rôle majeur au travers
des réactions d’excitation, d’ionisation, de recombinaison… Nous
thermodynamique local allons détailler quelques réactions qui dominent ces différents pro-
cessus :
— les processus d’excitation et de désexcitation par collision
électronique :
1.1 Lois de l’équilibre thermodynamique –
A + e £ A* + e
–
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Un plasma à l’équilibre thermodynamique complet (ETC) est Cependant, les conditions de l’équilibre thermodynamique com-
caractérisé par une même température T pour toutes les espèces plet ne sont pas satisfaites dans les plasmas de laboratoire : exis-
qui composent ce plasma (figure 1a). Le gradient de température et tence de gradients de température et densité, et le milieu est assez
de densité est nul. Les particules ont une distribution des vitesses souvent optiquement mince. On est alors amené à introduire la
maxwellienne. Du fait de ces propriétés, un certain nombre de lois notion d’équilibre thermodynamique local (ETL).
est vérifié. Dans un plasma en ETL, les lois de Boltzmann et Saha, à l’excep-
● Loi de Boltzmann : tion de la loi de Planck, s’appliquent encore localement ; le milieu est
N g souvent optiquement mince dans un domaine étendu de longueur
-----j exp – E
------j = g j – Ek
- ,
---------------- (2) d’onde. La loi de Planck n’étant plus valable, l’intensité rayonnée
N kk k T B s’obtient en utilisant l’équation de transfert du rayonnement. Les
où N j et N k sont les densités de population de niveaux j et k cor- processus collisionnels (en particulier les processus mettant en jeu
respondant aux énergies E j et E k , avec les poids statistiques g j les électrons) jouent un rôle dominant dans ces plasmas. Ce sont les
et g k ; T est la température et k B la constante de Boltzmann. électrons qui assurent l’équilibre et l’égalité des températures d’exci-
tation et d’ionisation avec leur température cinétique (figure 1b avec
● Loi de Saha-Eggert :
T1 et T2 température de deux composants du plasma). Il s’ensuit que
N+ Ne g + 2π mk B T 3 ⁄ 2 E∞ – Ej les critères d’ETL seront liés à la densité électronique du plasma.
- ------------------------
--------------- = 2 -----
gj 2 - ,
exp – ----------------- (3) Exemple : dans l’argon, alors que les raies de résonance sont auto-
Nj h kB T
absorbées, l’ETL existe à partir d’une densité électronique de 1016 cm–3.
avec N + et N e respectivement densités de population des Pour des densités électroniques plus faibles que 1016 cm–3, il se peut
ions et des électrons, que les électrons assurent l’équilibre entre certains niveaux (élevés),
m masse de l’électron, mais que les premiers excités, et en particulier le niveau fondamental,
g+ poids statistisque de l’ion, ne soient plus en équilibre entre eux. On dit que l’on a équilibre ther-
h constante de Planck, modynamique local partiel (ETLP). Les lois de Boltzmann et de Saha
E∞ énergie d’ionisation de l’atome, compte tenu ne sont applicables qu’à partir du niveau où l’équilibre existe.
de l’abaissement du potentiel d’ionisation.
● Loi de Planck Dans la suite de cet article nous considérerons que nous som-
3 mes à l’équilibre thermodynamique local pour les niveaux
2hν 1 considérés de la transition atomique.
I 0 ( ν ,T ) = ------------
2
- ---------------------------------------------- (4)
c exp ( h ν ⁄ k B T ) – 1
15
Aux densités électroniques relativement faibles ( N e ⭐ 10 cm–3),
avec I 0 ( ν ,T ) intensité spectrale (puissance de rayonnement les élargissements Stark (cf. § 1.2)de la plupart des raies spectrales,
traversant normalement une surface unité, par y compris celles de l’hydrogène, sont trop petits pour permettre une
unité de fréquence et unité d’angle solide), mesure précise de la densité électronique. Cependant, lorsque la
ν fréquence du rayonnement, densité électronique N e est connue, T e peut se déduire de la loi de
c vitesse de la lumière. Saha appliquée à partir d’un niveau proche de la limite d’ionisation
dont la densité de population est mesurée en valeur absolue. En fait,
■ La microréversibilité des divers processus à l’équilibre thermody- T e s’obtient à partir de la pente du graphique de Boltzmann en uti-
namique complet entraîne l’autoabsorption du rayonnement ; le lisant un nombre de niveaux régulièrement répartis entre le premier
milieu est optiquement épais. état excité et la limite d’ionisation. Les populations des différents
niveaux sont déterminées en valeur absolue (ou relative) en chaque
point du plasma (on utilisera une inversion d’Abel [2] si le plasma
possède une symétrie de révolution), à partir de leur intensité
d’émission (cf. formule (1)).
Ce graphique de Boltzmann (figure 2) est construit en portant le
logarithme des populations en ordonnée, et l’énergie des niveaux
T T en abscisse. En effet, d’après la loi de Boltzmann [relation (2)], on a
pour un niveau i donné :
Ni Ei
∇T = 0 ln ------
- - + Cte
g i = – ---------
kB T
où N i , E i et g i sont respectivement la densité de population du
a ETC niveau, son énergie rapportée au fondamental et son poids statique.
La pente de la droite obtenue ( – 1 ⁄ k B T ) permet ainsi de remon-
ter à la température T e . L’application de la loi de Saha permet
ensuite de déterminer la densité électronique.
T1 T2 ln N
g λ1
λ2
∇T ≠ 0
λp
b ETL
E
La pente de cette droite détermine la température.
Figure 1 – Différence entre équilibre thermodynamique complet
(ETC) et équilibre thermodynamique local (ETL) Figure 2 – Graphique de Boltzmann
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AF3561
1.2 Raies spectrales ■ Nous dirons que le profil résulte du produit de convolution de
toutes les contributions physiques agissantes, ce qui présuppose
une indépendance statistique des phénomènes impliqués.
C’est ainsi que l’on distingue quatre principales causes que l’on sup-
Le rayonnement des plasmas dans une fenêtre de fréquences pose, au moins dans un premier temps, comme statistiquement
ω indépendantes.
ν = ------- donnée résulte d’un grand nombre de phénomènes physi-
2π — La fonction d’appareil sera mesurée de façon indépendante,
ques résultant, entre autres, des réactions qui font intervenir les mais elle peut, dans les cas de basses résolutions optiques, jouer un
diverses espèces composant ce milieu, ainsi que nous les avons rôle important sur la forme du profil. Nous n’insisterons pas sur cet
évoquées au paragraphe 1.1. La chaîne de mesure joue également aspect expérimental des profils de raies.
un rôle important par le biais de la fonction d’appareil. Autrement — La durée de vie finie des niveaux intervient dans la transition
dit, lorsque l’on observe une raie spectrale avec un spectrographe conduisant à un profil lorentzien. Nous allons y revenir dans ce
ayant une assez bonne résolution, l’enregistrement prend en géné- paragraphe.
rale l’allure donnée sur la figure 3. — L’effet Doppler correspond au mouvement désordonné des
atomes émetteurs.
■ On remarque tout d’abord sur cette figure, un fond continu lié — Les émetteurs subissent des collisions de la part de toutes les
principalement à des phénomènes physiques comme le bremsstra- particules présentes dans le milieu.
hlung (rayonnement de freinage) ou le fond continu de recombinai-
son… On suppose de plus que la raie spectrale observée est isolée Considérons maintenant ces trois derniers effets.
spectralement, mais aussi énergétiquement. Cela signifie que les ● La largeur naturelle d’une raie spectrale est liée à la durée de
niveaux atomiques, impliqués dans la transition, ne seront pas vie finie des niveaux qui interviennent dans la transition (émission
recouverts par d’autres niveaux. spontanée). Chacun des niveaux α = i, f pouvant se désexciter
vers les niveaux inférieurs avec les probabilités d’émission sponta-
Une fois extrait de son fond continu, une raie spectrale
née A α, k , il s’ensuivra une largeur des niveaux
(figure 4) va se caractériser essentiellement par trois paramètres :
— sa largeur γ ; γα = ∑ Aα, k
Nota : il faut bien remarquer qu’il s’agit ici de la demi-largeur à mi-hauteur de la raie k
(HWHM : Half Width at Half Maximum). La largeur totale à mi-hauteur s’écrit FWHM: Full
Width at Half Maximum.
On montre, avec un calcul des perturbations dépendantes du
temps, que le profil prend la forme d’une lorentzienne :
— sa position par rapport à la transition atomique telle qu’elle est
donnée dans les tables (c’est-à-dire son déplacement δ ) ; 1 (γ i + γ f) ⁄ 2
— enfin, sa dissymétrie dont nous parlerons peu dans cette étude ; I N ( ω ) = --- ------------------------------------------------------------
2 2
-
π
nous n’avons pas spécifié cette dissymétrie sur la figure. ( ω – ω0 ) + ( γ i + γ f ) ⁄ 4
En outre, nous supposons que les plasmas, qui font l’objet de cet Dans le domaine visible, la largeur naturelle est en général très
article sont optiquement minces et que, par conséquent, l’absorp- faible devant les autres causes d’élargissement, et cet effet est le
tion qui serait un phénomène susceptible de modifier la forme des plus souvent négligé pour ce domaine de longueurs d’onde.
raies spectrales, est négligeable. Il convient maintenant de s’interro- ● L’effet Doppler, lié à l’agitation thermique des atomes va
ger sur les causes qui structurent ce profil de la raie. dépendre de la température du milieu. Nous y reviendrons à plu-
sieurs reprises dans cet article, en particulier dans le paragraphe 5.
Pour l’instant, nous nous contenterons de dire que le profil de la raie
est cette fois gaussien :
1 ω – ω0 2
I D ( ω ) = ------------------- exp – ---------------- ,
π∆ ω D ∆ ωD
Raie spectrale 1 ω0 v0 2 kB T
où la largeur à --e- est donnée par ∆ ω D = ------------
- , v 0 = ------------- étant la
c M
Fond continu vitesse la plus probable avec M masse de l’atome émetteur.
Aux basses densités électroniques, il arrive fréquemment que la
ω = 2πν ω0 ω température électronique soit différente de la température des espè-
ces atomiques. Le diagnostic du plasma doit alors être complété par
une mesure de cette température. On peut mesurer la température
Figure 3 – Raie spectrale « posée » sur le fond continu des atomes neutres à partir de la masse spécifique du plasma. Elle
de rayonnement peut être déterminée, par exemple, par la mesure de la vitesse de
l’écoulement du plasma et de la pression dynamique du jet. C’est
cette température des atomes qui entre dans le calcul de la vitesse
la plus probable pour évaluer la largeur Doppler de la raie.
● L’élargissement de pression (ou élargissement collisionnel) est
I(ω)
dû aux collisions que subit l’atome émetteur de la part des parti-
δ Centre de la raie cules qui l’environnent : atomes, ions, électrons…
Nota : dans le cas des électrons et des ions, on parle d’élargissement Stark.
Aile de la raie Si la pression du milieu est relativement faible, le profil I C est
γ
donné par une lorentzienne, ce que nous montrerons dans le cadre
de l’approximation semi-classique (§ 3).
ω
(Ei – Ef ) ■ Dans ce cas, et du fait que le produit de convolution de deux
ω0 =
ប lorentziennes est une lorentzienne, le profil résultant sera une
lorentzienne dont la largeur γ est la somme des largeurs de chacun
Figure 4 – Paramètres d’une raie spectrale largeur γ et déplacement δ des profils et le déplacement δ la somme des déplacements.
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AF3565
ans les métaux, il existe des ondes particulières appelées ondes plasma,
D qui correspondent à une oscillation de la densité de charges. Ces ondes
possèdent une structure longitudinale, autrement dit le vecteur d’onde qui leur
est associé est parallèle au champ électrique. Elles ne peuvent donc pas être
générées optiquement, compte tenu de la structure transverse de l’onde électro-
magnétique lumineuse. Il est cependant possible de lever cette contrainte à
l’interface entre un métal et un diélectrique, pour peu qu’une onde évanescente
présentant une composante longitudinale soit générée à cette interface. Le
mode mixte lumière/oscillation plasma ainsi engendré constitue alors le
Parution : juillet 2014
19
Référence Internet
AF3565
possible que moyennant un accord des vitesses de phase des deux ondes. Cette
condition s’obtient lorsque les vecteurs d’onde sont identiques le long de l’inter-
face. Un moyen simple et efficace de générer une onde évanescente propice au
couplage avec le plasmon est de travailler en réflexion interne totale dans un
prisme dont une face est recouverte d’une couche nanométrique métallique.
Lorsque la lumière incidente est couplée avec l’onde plasmonique, il n’y a plus
de lumière réfléchie compte tenu du fait que l’énergie lumineuse transférée vers
le plasmon se dissipe dans le métal. Cette dissipation est liée à la partie imagi-
naire de la constante diélectrique du métal et se traduit par une certaine largeur
de résonance. Les ondes de plasmons de surface étant très sensibles aux chan-
gements d’indice de réfraction du milieu diélectrique extérieur, elles sont
naturellement exploitées pour faire de la réfractométrie fine. Les principales
applications incluent la mesure de constantes diélectriques des métaux, la réali-
sation de capteurs (bio)chimiques, la spectroscopie...
Ce principe physique, dont les premières observations remontent à plus de
100 ans, a été abondamment étudié et documenté. De nombreux ouvrages
détaillent le principe de fonctionnement des ondes de plasmons de surface et
leur utilisation. Ce dossier a pour objectif de présenter au lecteur le principe
physique sous-jacent à la génération de plasmons de surface dans les fibres
optiques. Il s’attarde ensuite sur les principales configurations utilisées pour
l’excitation de plasmons de surface. Des exemples concrets de réalisation sont
finalement discutés.
1. Perspective historique était due à l’excitation des plasmons de surface [6]. La même
année, E. Kretschmann et H. Raether ont démontré l’excitation de
et définition des plasmons plasmons à la surface d’un prisme illuminé sous un angle critique
pour obtenir une réflexion interne totale [7]. Ces travaux pionniers
de surface ont établi une méthode simple et efficace d’excitation des plas-
mons de surface, permettant de les exploiter à différents
escients [8]. À la fin des années 1970, ils furent notamment
Dans cette première partie de l’article, après un bref aperçu employés pour la caractérisation de films minces [9] et l’étudede
historique, nous passons en revue les principales caractéristiques processus chimiques à l’interface métallique. Ils sont dorénavant
des plasmons de surface, que nous détaillerons ensuite dans les utilisés comme socles de base pour la réalisation de
autres sections. (bio)capteurs [10] ainsi que pour la spectroscopie [11].
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Référence Internet
AF3565
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AF3570
L’article [AF 3 571] présente l’action de la pression sur les édifices moléculaires
solides.
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AF3570
1. Rappels théoriques
ρ
L’impact énergétique de la pression est très important.
miques. Il est donc plutôt préférable de parler des mécanismes et interne E (qui décrit l’état d’un système indépendant de l’énergie
des conditions de pression qui vont faire passer d’un type de liaison cinétique de son mouvement d’ensemble et de sa position par rap-
à un autre (transition isolant-métal, amorphisation, molécularisa- port à des champs de force externes) et l’entropie S (qui caractérise
tion, liaisons hydrogène...). l’énergie nécessaire pour qu’un système passe d’un état d’équilibre
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AF3570
réversible à un autre état d’équilibre réversible) sont des grandeurs Dans ces conditions, le module du tenseur est donné par :
thermodynamiques fondamentales additives. C’est-à-dire que
l’énergie interne et l’entropie de l’ensemble sont égales à la somme 1 (T + T + T ) = P
--- 11 22 33
des énergies et des entropies des diverses parties constituant 3
l’ensemble macroscopique du système. En conséquence, pour une
énergie interne E donnée, S ne dépend que du volume occupé V ou, avec P pression thermodynamique définie
pour une entropie S donnée, E ne dépend que de V et non de la précédemment.
forme du système. Cela se traduit par l’équation différentielle totale
bien connue de la thermodynamique [50] [51] :
1.2.2 Ordres de grandeur
dE = TdS − PdV (1)
avec T température thermodynamique, L’unité SI de pression est le pascal (1 Pa = 1 N · m−2 = 10 dyn/cm2).
P pression Exemple : la pression due à l’atmosphère terrestre est de 105 Pa ;
définies par : aux plus grandes profondeurs océaniques, il règne une pression de
108 Pa, au centre de la Terre, une pression de 4 × 1011 Pa et au centre
T = ------
∂E et P = ∂E de Jupiter 1013 Pa.
------
∂S V ∂V S Quelle est l’échelle de pression qui caractérise la matière
Par ailleurs, d’après le principe de Maupertuis, la force exercée condensée ?
sur un élément de surface d S d’un corps s’écrit, en valeur L’énergie typique de l’état solide est donnée par l’interaction
électronique :
moyenne :
Ea = e2/2a0 = 13,6 eV
F = – -----
∂E u
- avec e charge de l’électron.
∂r S
a0 est la longueur caractéristique de l’électron définie par :
avec r rayon vecteur porté par le vecteur unitaire u
a 0 = { 2 ⁄ m e e 2 = 0 ,529 × 10 – 8 cm
normal à la surface d S .
Cela peut s’écrire également : avec me masse de l’électron,
{ constante réduite de Planck.
∂E ∂V u = – ∂E d S = P d S
F = – ------ Le volume correspondant est donc V a = a 03.
------ ------
∂ V S ∂r ∂V S En pratique PaVa = Ea soit :
où l’on retrouve la définition « mécanique » de la pression (rapport Pa = 14,72... × 1012 Pa
d’une force sur une surface).
Cette définition de la pression P thermodynamique n’est valable qui représente l’échelle atomique de pression.
que si E et S sont des grandeurs additives. Cela est généralement Si l’on compare avec l’échelle classique de température, soit envi-
le cas pour les fluides. Pour les solides et les liquides de forte visco- ron kBT par noyau, pour 1 000 K on obtient 0,1 eV ou 8 × 10−3 Ry
sité, où le changement de forme s’effectue avec un certain travail
ayant pour effet de changer son énergie interne, la proposition est (1 Ry (Rydberg) = e2/2a0 unités SI = 2,179 × 10−18 J), la variation de
rarement exacte. Ces considérations ont des conséquences fonda- travail par atome due à la pression est P∆V/N et peut atteindre 1 Ry
mentales sur la mesure des grandeurs sous pression et, en particu- suivant les éléments, soit environ 100 fois plus que l’énergie appor-
lier, lors de mesures dynamiques. tée par la température.
En réalité, on dit qu’un corps qui subit une déformation s’écarte Exemple : l’iode présente une variation de volume de 20 Å3/atome
de son équilibre initial ; des forces de contrainte prennent alors nais- sur une variation de pression de 100 GPa. La variation d’énergie
sance et tendent à le ramener à son état initial. La résultante de ces entre 0 et 100 GPa apportée à une molécule d’iode est de :
forces agissant sur un élément de volume du corps peut être écrite
1011(Pa) × 20 × 10−30(m3) = 20 × 10−19(J)
comme la somme des forces agissant sur chaque élément de sur-
face ds qui délimite cet élément de volume dV. Autrement dit : soit ∆E ≈ 10 eV ( 1 J = 1 ⁄ ( 1 ,601 9 × 10 – 19 eV ) ) .
∫ ∫
mentations, avec les technologies les plus performantes, on est très
Fi d V = T ik d s k
loin de la destruction de la structure atomique interne, mais on peut
sonder les variations de structure sur un large domaine d’existence.
avec Fi une des trois composantes de la résultante de Une dernière constatation : la majeure partie de la matière con-
toutes les contraintes, densée dans l’Univers est sous haute pression.
Tik tenseur du 2e ordre représenté par une matrice
3 × 3.
Si la compression est uniforme sur chaque élément de surface qui 1.3 Principales grandeurs
délimite le volume, alors chacun de ces éléments subit une pression thermodynamiques
de même grandeur dirigée suivant la normale à la surface du corps
et toutes les composantes s’écrivent :
■ Pression thermique et pression cinétique
Tik = δikTii
L’énergie interne est un paramètre thermodynamique important
avec : 1
qui peut être calculé à partir de la connaissance de α = ---- ∂------
V et
δik = 1 pour i = k et δik = 0 pour i ≠ k V ∂ T- P
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Exemple : pour l’aluminium − ∆V/V est de 0,016 1 sous pression et ■ Entropie et haute pression
de 0,012 au zéro absolu.
D’après la relation ------
∂S = – ∂V , l’entropie décroît avec la
On peut expliquer ce phénomène en supposant que, sous pres- ------
∂P T ∂T P
sion élevée, les atomes se déforment alors qu’il n’en est pas ainsi pression à température constante.
sous l’effet de la température.
Si l’entropie totale d’un milieu est limitée et est égale à 0 au zéro
L’énergie interne E, à l’échelle moléculaire, représente la somme absolu, comme l’exige la troisième loi de la thermodynamique [48],
des énergies cinétiques dues à l’agitation thermique et des énergies alors la décroissance totale d’entropie obtenue par l’application de
potentielles associées aux positions des molécules les unes par rap- la pression, aussi élevée soit-elle, ne peut être plus élevée que la
port aux autres. En dérivant la relation (1) :
T
CP
dE = TdS − PdV et avec ∂------
S = ∂P
------
valeur totale de l’entropie donnée par la relation
∫
0
------ d T , c’est-à-
T
∂V T ∂T V ∞ ∞
on obtient : dire que –
∫0
∂S
------
∂P P
dP ≡
∫0
∂V
------
∂T P
d P ne peut pas excéder une
∂E = T ∂S – P = T ∂P – P
------ ------ ------ certaine limite bien définie. Si ------
∂V restait constant avec la pres-
∂V T ∂V T ∂T V
∂T P
sion, cette limite pourrait certainement être dépassée, donc la
d’où l’on tire une expression de la pression totale :
décroissance de ∂------
V lorsque la pression croît apparaît comme
P = T ∂-----
P – ∂E = T α – ∂E ∂T P
- ------ ------ ------ une nécessité imposée par la thermodynamique [3].
∂T V ∂V T κ T ∂V T
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choc. Il est cependant important de faire remarquer au lecteur que les expérien-
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ces réalisées à de telles pressions se font dans des volumes extrêmement petits
(< 10 −3 mm3) avec des gradients de pression (et de température dans les expé-
riences pression-température) élevés. Ces réserves ne jettent aucun doute sur
les phénomènes parfaitement reproductibles observés, mais ne permettent pas
de conclure avec certitude sur les étapes physico-chimiques suivies entre l’état
initial et l’état final observé. C’est pourquoi la communauté scientifique s’inté-
resse actuellement à la fois à la conception de dispositifs permettant de réaliser
des expériences sur de « gros » volumes (> 1 mm3) et à une plus grande utilisa-
tion des techniques de choc.
B = B 0 (V 0 /V ) η
sous pression
De la même façon, le module de compression à la fusion Bm peut
être regardé comme une fonction du volume à la fusion Vm et :
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1 250 200
1 000
NaNO2 100
750 Ba Ge KH2AsO4
500 K
KNO2
0
H2
250 Sb
Bi
0 – 100
0 3 6 9 12 0 2 4 6
P (GPa) P (GPa)
Figure 1 – Représentation de quelques
P est en GPa pour KNO2 aussi mais avec une échelle différente de celle des autres produits données expérimentales par l’équation
de Simon (d’après [4])
d Tm
du volume molaire et de l’entropie. La région II, où le signe de ------------
dP
Pression
∆V < 0 est inversé, désigne la région où le volume du solide est plus grand
∆S = 0 que celui du liquide (cas de l’eau, du bismuth, de l’antimoine et
II
d’autres sels...). Les domaines I et II sont assez bien représentés par
III l’équation de Simon. La région III présente un phénomène de
fusion inverse. Contrairement à la transition liquide-gaz, la transi-
=0
∆S > 0
duquel les deux phases seraient indiscernables.
I
Remarque. La notion de point critique solide-solide a souvent
Pc , Tc
été évoquée par les thermodynamiciens. D’après la théorie de
=0 Landau, il existe un point critique liquide-gaz parce qu’il n’y a
∆V
∆V = 0 pas de paramètre d’ordre à la transition liquide-vapeur (même
∆S < 0 symétrie) alors que la solidification entraîne toujours la modifi-
cation d’un paramètre d’ordre si la transition n’est pas du pre-
mier ordre. La représentation de Tammann confirmerait cette
approche. Ce sujet reste délicat.
IV
∆V > 0
∆S = 0
Cette représentation est attirante car elle élimine la notion
Température d’extension de la courbe de fusion à des températures infinies.
Beaucoup de commentateurs ont estimé que la fusion inverse n’a
Sur ce diagramme figurent également la position du point critique (Pc , Tc) lieu qu’en conditions extrêmes de pression et de température.
et la courbe de saturation
Cependant une telle situation s’est rencontrée à des pressions et des
températures modérées dans le cas de polymères (exemple du
Figure 2 – Représentation générale du diagramme de Tammann 4-méthyl-1-pentène par Rastogi et al [8]). Le principal intérêt de ce
résultat est d’avoir montré que la phase amorphe passait de
manière continue à la phase liquide. Beaucoup de substances, des
capacité thermique, généralement plus élevées dans les liquides. métaux notamment, passent de l’état cristallisé à l’état amorphe.
Les différences d’enthalpie entre liquide et solide à basse tempéra- Dans ce cas particulier, le passage d’un état à l’autre est réversible et
ture peuvent ainsi devenir nulles. Tammann [7] a proposé un dia- s’effectue au voisinage des conditions d’équilibre et, suivant la
gramme universel P, T (figure 2) pour une substance pure en figure, la cristallisation se fait en chauffant (!).
indiquant d’abord les lignes où ∆V et ∆H sont nuls ainsi que les fron- Suivons deux parcours sur le diagramme de la figure 2.
tières entre le cristal et le liquide (ou le milieu amorphe) définies
comme lieu de la température de fusion Tm en fonction de la pres- (1) À T fixé (flèche noire), un liquide cristallise par compression et
sion. Dans cette représentation, la région de stabilité du cristal se le cristal refond si l’on augmente la pression. Le volume décroît à la
trouve ainsi à l’intérieur d’une loupe entourée par les phases fluide cristallisation à basse pression et croît à la cristallisation sous pres-
et amorphe. sion élevée. Il n’y a pas de phase cristalline ordonnée au sens clas-
sique au-dessous de la frontière de la loupe et un liquide peut donc
Ce diagramme, très audacieux à son époque, permet aujourd’hui
être refroidi jusqu’à 0 K par l’intermédiaire d’une multitude de
d’interpréter certains des phénomènes observés sous pression. La
chemins P-T contournant la phase solide cristalline.
région de stabilité d’un cristal est entourée par la région de stabilité
du fluide correspondant. Sur la figure 2, la région I définit la zone où (2) À P fixé (flèche bleue), un liquide cristallise par refroidissement
la fusion est « normale » c’est-à-dire avec des variations positives et le cristal finit par fondre une nouvelle fois en accentuant le refroi-
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Verres
Aspects théoriques
par Jean PHALIPPOU
Professeur à l’Institut des Sciences de l’Ingénieur de Montpellier (ISIM)
Département Matériaux
Laboratoire des Verres, UMR CNRS n° 5587
Université de Montpellier II
ment comprise, son analyse reste délicate à réaliser. Les techniques spectro-
scopiques permettent d’accéder à des informations locales concernant certains
éléments sélectionnés du verre. L’ensemble de ces informations conduit à
proposer l’existence d’un ordre local aux premiers voisins et d’un désordre à
longue distance.
Ces connaissances sont cependant insuffisantes pour rendre compte des pro-
priétés des verres et des efforts continus sont déployés pour obtenir des infor-
mations sur la structure à moyenne distance. C’est dans ce domaine, compris
entre un et quelques nanomètres, que l’on devrait trouver l’explication de
l’agencement structural des verres.
Dans un matériau désordonné, les techniques expérimentales permettant
d’accéder à la fonction de distribution radiale donnent des représentations uni-
dimensionnelles du réseau tridimensionnel. Les informations sont nécessaire-
ment moyennées et ne permettent pas de distinguer des détails ponctuels de la
structure.
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AF3600
VERRES _____________________________________________________________________________________________________________________________
1. Le verre : types et analyse atomique est désordonné à longue distance mais peut présenter un
ordre à courte distance, c'est-à-dire aux premiers voisins. Cet état
condensé possède la faculté de s'écouler. Le cristal correspond à un
arrangement ordonné des atomes suivant une séquence qui se tra-
duit par un type de structure. Cet état condensé et ordonné présente
1.1 Solides non cristallins les propriétés d'un solide. Les atomes vibrent autour d'une position
d'équilibre déterminée. Cependant, il existe une famille de maté-
riaux qui présentent globalement les propriétés d'un solide, mais
■ Selon la température et la pression, les composés chimiques se dont l'arrangement atomique ne présente pas d'ordre à longue dis-
rencontrent sous divers états de la matière. Les trois états usuels tance. Contrairement aux solides cristallins qui montrent des pics
sont le gaz, le liquide et le cristal. L'état gazeux est caractérisé par le sur les diffractogrammes de rayons X, les solides non cristallins pré-
fait que les molécules sont distantes les unes des autres. Elles sont sentent un « halo » diffus relativement large.
animées d'un mouvement aléatoire désordonné. L'état gazeux est
un état désordonné non condensé. Dans l'état liquide, les molécules ■ Les solides non cristallins peuvent être décomposés en deux
sont nettement plus proches les unes des autres. L'arrangement grandes familles : les amorphes et les verres.
Historique
Le verre a toujours été un élément du développement des techni- obtenus par soufflage d'une ampoule de verre qui, après ouverture,
ques. Les verres naturels (obsidienne) étaient jadis utilisés dans la était étalée sous forme de disque. Les verres colorés, dont la com-
confection des pointes de flèche. Au troisième millénaire avant J.-C. position comporte souvent une quantité non négligeable de K2O,
le verre apparaît sous forme d'émail recouvrant des poteries céra- entrent dans la confection des vitraux.
miques. Le verre massif, sous forme de pâte de verre, fait son appa- En 1675, les verriers anglais commercialisent le verre au plomb.
rition en Mésopotamie, puis en Égypte. Les compositions verrières L'indice de réfraction élevé de ce verre le fait associer au cristal de
ne sont d'ailleurs pas très éloignées des compositions actuelles. On roche. Il conserve, de nos jours, le qualificatif abusif de « cristal».
y retrouve les composants majeurs du verre à vitre : la silice, SiO2, Une dizaine d'années après, le procédé de coulée sur table permet
l'oxyde de sodium, Na2O, et l'oxyde de calcium, CaO. À cette épo- une production intensive, bien que discontinue, de larges plaques
que, le verre est un matériau de décoration (collier en perles de de verre à vitre. Actuellement, le liquide est directement déversé en
verre) et, plus rarement, un objet ayant une fonction de récipient. Le continu sur un bain d'étain liquide sur lequel il flotte.
verre creux est tout d'abord réalisé à l'aide d'un noyau de sable ou
d'argile trempé dans le bain en fusion ou sur lequel était enroulé un La technologie verrière et la quantité pratiquement infinie des
cordon de ce liquide visqueux. La réalisation d'objets creux par compositions et, par conséquent, des propriétés a permis à chaque
soufflage est découverte par les Phéniciens 300 ans environ avant avancée scientifique de formuler des verres répondant à la fonction
J.-C. Pendant plusieurs siècles, les progrès du verre sont associés souhaitée. Les ampoules électriques et les fibres optiques sont, à
aux techniques d'élaboration et de mise en forme. Les premiers ver- des dates différentes, la démonstration de la flexibilité de ce maté-
res plats semblent avoir été fabriqués à l'époque romaine. Ils sont riau qui autorise des cadences de production élevées.
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AF3600
_____________________________________________________________________________________________________________________________ VERRES
VM3
1.2 Grandes familles de verres
Tg 3 Tg 2 Tg 1 T
■ Les verres inorganiques d'oxydes constituent la plus grande
famille de verres industriels. Le verre à vitre est un verre d'oxydes
VM1 , VM2 , VM3 indiquent les volumes molaires respectifs des verres
optimisé pour son inertie chimique, sa dureté, sa transparence et
son coût de fabrication. La composition d'un verre d'oxyde indus- obtenus pour les différentes vitesses de refroidissement :
triel est toujours exprimée en pourcentage pondéral d'oxydes. Il est v1 > v2 > v3
généralement constitué par un grand nombre d'éléments. La multi-
plicité des éléments contribue au désordre et favorise l'obtention b influence de la vitesse de refroidissement
d'un verre en évitant la cristallisation lors de l'étape de refroidisse-
ment. Les silicates, les borates, les phosphates ou des mélanges de
Figure 1 – Phénomène de transition vitreuse
ces constituants forment la série des verres usuels.
Le tableau 1 donne quelques compositions de verres industriels.
● La famille des silicates fait intervenir la silice SiO2 comme élé-
par pulvérisation...). Un verre de silice est caractérisé par sa qualité
ment essentiel de la formation du réseau vitreux. La silice à l'état optique, son taux d'impuretés et sa teneur résiduelle en eau, mesu-
naturel est très abondante sous forme de cristaux de quartz (sable). rée à l'aide de la bande d'absorption située à 2,73 µm. La masse
Au-delà de 1 750 °C, on obtient un liquide qui, refroidi rapidement, volumique de ce verre est très faible : 2,2 g/cm3. Il possède par
donnera naissance à un verre de silice vitreuse. (0) ailleurs une excellente transparence dans le domaine de l'ultraviolet
Les différentes nuances des verres de silice sont innombrables car et, de ce fait, est très utilisé comme enveloppe de lampes, fenêtres
un verre de silice peut aussi être obtenu par d'autres voies de syn- ou cuves. La température de transition vitreuse est de l'ordre de
thèse (réaction de SiCl4 avec O2, gels, irradiation de quartz, dépôt 1 200 °C et son coefficient de dilatation linéique, 5.10–7K –1, est parmi
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AF3601
Verres
Propriétés et applications
par Brigitte BOULARD
Maître de Conférences
Institut des Molécules et Matériaux du Mans, UMR CNRS 6283, Le Mans Université,
Le Mans, France
et Jean-Luc ADAM
Directeur de Recherche CNRS
Institut des Sciences Chimiques de Rennes, UMR CNRS 6226, Université de Rennes 1,
Rennes, France
Note de l’éditeur :
Cet article est la réédition actualisée de l’article [AF 3601] intitulé « Verres - Propriétés et
applications » rédigé par Jean PHALIPPOU et paru en 2001.
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AF3601
VERRES ___________________________________________________________________________________________________________________________
1. Les verres et l’optique pression et du fluide. Les abrasifs les plus utilisés sont CeO2,
Fe2O3, Cr2O3, ZrO2, Al2O3 et le diamant. Il est maintenant admis
que, lors du polissage, une couche hydratée se forme à la surface
Le verre, matériau homogène et isotrope, présente des proprié- du verre. La formation de cette couche dépend de la nature du
tés intrinsèques uniques dans le domaine de l’optique. Le verre verre et du fluide utilisé. Cette couche subit l’action des grains
est homogène à des échelles de longueur bien inférieures à celles abrasifs. Un grain de dureté moyenne comme CeO2 et un support
des longueurs d’onde du visible. S’il est préparé dans de bonnes élastique ou viscoélastique (polyuréthane) donnent d’excellents
conditions, il ne contient aucune imperfection pouvant entraîner résultats.
une réfraction ou une réflexion interne de la lumière incidente.
Les verres d’oxydes et quelques verres fluorés sont retenus
pour la plupart des applications optiques dans le domaine du 1.1 Transparence et couleur
visible. Leur transparence n’est pas leur seul atout. Les verres
d’oxydes minéraux ont une dureté supérieure aux aciers usuels. La transparence d’un verre est une notion liée à la transmission
Ils peuvent surtout être facilement mis en forme par moulage, optique définie par la loi de Beer Lambert :
pressage ou étirage. Par un pressage de haute précision, on
atteint maintenant une précision dimensionnelle meilleure que le
centième de millimètre avec des rugosités inférieures à 10 nm.
Certaines lentilles asphériques sont réalisées par pressage. La
fabrication des fibres optiques pour télécommunications est réali- avec I0 intensité d’un rayon entrant dans un volume,
sée par étirage. défini à l’intérieur du verre, d’épaisseur x,
À température ambiante ou peu élevée (hors du domaine de I intensité du rayon émergeant.
relaxation), la géométrie de la surface d’un verre n’est pas évolu- α coefficient d’absorption relié à l’indice
tive dans le temps. d’absorption K (λ) [1] par :
Une surface de qualité optique est obtenue par polissage. Le
polissage et l’état final de la surface dépendent de la nature du
verre, du grain d’abrasif, du support permettant le transfert de
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AF3601
___________________________________________________________________________________________________________________________ VERRES
Si la transmission est mesurée au travers d’un volume de résonance de l’oscillateur. Pour cette fréquence, l’absorption est
matière limité par deux surfaces planes parallèles et convenable- maximale.
ment polies, l’intensité transmise est plus faible en raison des
Pour les verres d’oxydes classiques, les absorptions K sont
pertes par réflexion sur les faces d’entrée et de sortie. Dans le cas
localisées dans le domaine du proche UV et vers 3 à 4 μm dans le
où le rayon lumineux entrant est sous incidence normale, on
domaine de l’infrarouge. Dans le domaine du visible (λ1, λ2), n
obtient :
décroît de n1 à n2 lorsque la longueur d’onde augmente. La varia-
tion de l’indice avec la longueur d’onde, appelée dispersion, est
de la plus haute importance pour les dispositifs optiques. Techni-
quement, on modifiera la dispersion en déplaçant la bande
où R exprime la réflexion : d’absorption côté UV vers les grandes longueurs d’onde par ajout
de certains éléments (Tl, Pb, Bi…).
La transparence optique est limitée aux hautes énergies (basses
longueurs d’onde) par les transitions électroniques entre la bande
de valence (BV) et la bande de conduction (BC) du verre. Cet écart
est la largeur de bande interdite souvent appelé « band gap ».
avec rapport entre l’indice de réfraction du verre et Ainsi, lorsque l’énergie E = hν (ν la fréquence et h la constante de
celui du milieu environnant. Planck) des photons incidents est suffisante, ils provoquent le saut
n et K respectivement les parties réelles et imaginaires d’un électron de BV sur BC et le photon incident est absorbé. Par
de l’indice de réfraction complexe : contre, si l’énergie E est inférieure à la largeur de bande interdite,
elle est insuffisante pour permettre la transition électronique et le
flux de photons traverse le verre sans être absorbé. Pour les
Dans le domaine du visible, K, qui a une très faible valeur, peut verres d’oxydes de notre environnement quotidien, le band gap
être négligé (figure 1). optique est de l’ordre de 8 électron-volt (eV), correspondant à une
longueur d’onde de 150 nm assez loin dans l’ultra-violet (UV). Ces
Ces grandeurs sont les manifestations de l’interaction d’une verres sont donc transparents à la lumière visible. La plupart des
onde électromagnétique avec des oscillateurs du réseau. éléments entrant dans la formulation des verres de chalcogénures
L’indice de réfraction du verre est : (S, Se, Te, As, Sb…) sont porteurs de doublets libres électro-
niques non liants à l’origine de niveaux électroniques qui s’inter-
v calent entre les niveaux liants et anti-liants dans le diagramme
d’énergie. Ces niveaux non liants diminuent la bande optique
avec c vitesse de la lumière dans le vide, interdite, qui devient voisine de 2 eV, rendant ainsi ces verres pra-
tiquement opaques dans le visible.
v vitesse de la lumière dans le verre.
À l’autre extrémité de la plage de transparence, dans l’infra-
Le verre étant un matériau diélectrique, l’indice de réfraction rouge (IR), ce sont les vibrations des liaisons constitutives du
complexe est relié à la permittivité relative complexe par : réseau vitreux qui absorbent l’énergie des photons. Sur le modèle
de l’oscillateur, il apparaît que plus les atomes constitutifs du
verre sont lourds, plus la fréquence de vibration, et donc l’énergie
À l’aide de cette expression et de l’équation du mouvement associée, seront faibles. Ainsi, toute chose égale par ailleurs, les
pour un oscillateur harmonique simple, on peut calculer les évolu- verres au tellure sont ceux qui présentent les énergies d’absorp-
tions de n et K en fonction de la fréquence (figure 1). tion multi-phonons les plus basses, plus basses que celles des
L’indice de réfraction n varie brutalement lorsque la fréquence verres au sélénium et au soufre.
de la lumière incidente devient proche de celle correspondant à la Notons, qu’en plus de la vibration fondamentale d’une liaison
chimique, ils existent des harmoniques d’ordre supérieur dont les
énergies sont des multiples entiers de l’énergie fondamentale
avec p = 2, 3, 4… Ces harmoniques donnent naissance à
des bandes d’absorption dès lors que l’énergie des photons inci-
dents E = hν est égale à Ep. Le rendement de ces absorptions dites
multiphonons décroît rapidement avec p. Cependant, alors que les
fréquences de vibrations fondamentales sont pour la plupart loin
Dis dans la gamme de l’infrarouge (au-delà de 20 μm pour les chalco-
per génures), les harmoniques d’ordre supérieur se déplacent vers le
sion
moyen infrarouge et limitent l’extension des domaines de trans-
parence à typiquement 7-8 μm pour les sulfures (figure 2), 11 μm
pour les séléniures et 18 μm pour les tellurures. Il ne s’agit là que
d’ordres de grandeur qui dépendent également de la nature des
autres éléments entrant dans la formation du verre et de l’épais-
seur de l’échantillon.
La transmission optique décroît lorsque l’indice augmente en
raison des réflexions déjà mentionnées. La perte par réflexion est
particulièrement importante pour les verres de chalcogénures
([AF 3600], § 1.2) qui, bien que transparents dans le domaine de
l’infrarouge, ont un indice élevé (figure 3).
Dans les dispositifs optiques de précision, les pièces en verre
sont recouvertes de couches antireflets. Les antireflets sont consti-
Figure 1 – Évolution de l’indice de réfraction et de l’absorption du
tués par un assemblage (3 ou 4) de couches d’épaisseur et
verre en fonction de la fréquence ou de la longueur d’onde de la d’indice différents. Les couches sont élaborées par dépôt sous
lumière incidente vide ou par dépôt sol-gel. Indice et épaisseur des couches sont
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AF3601
VERRES ___________________________________________________________________________________________________________________________
80
Sulfures rieurement, cette couleur était obtenue par précipitation d’amas
Séléniures colloïdaux d’or. La réduction des ions Au3+ thermiquement acti-
60 vée est assurée par la présence d’ions Sn2+ ou Sb3+. Des réduc-
Tellurures
tions par des rayonnements agissant sur les éléments
40 photoréducteurs Ce3+ sont aussi utilisées.
20
rigoureusement contrôlés et quelquefois optimisés pour donner avec RM réfraction molaire du verre
un effet coloré (verres d’oxydes). RM,i réfraction molaire ionique de l’élément i,
La coloration des verres est essentiellement obtenue par l’ajout masse molaire moyenne
de métaux de transition ou de terres rares qui possèdent des
couches 3d ou 4f incomplètes. La couleur provient des transitions ρ masse volumique.
électroniques induites par le champ des ligands [2]. La couleur xi fraction atomique de l’élément i.
dépend de la nature de l’élément, de la géométrie du site, lui- En supposant le verre constitué par des ions, la réfraction
même dépendant de la nature du verre. Par exemple, l’ion cobalt molaire serait la sommation pondérée des réfractions ioniques
qui, dans les verres de silicates, donne une coloration d’un bleu des divers éléments. Dans les verres d’oxydes, les atomes d’oxy-
profond, donne une coloration rose dans les verres riches en gène, comparativement beaucoup plus volumineux que les
B2O3. Les verriers modifient une coloration par ajout d’un autre cations, participent majoritairement à la valeur de la réfraction
élément, par modification de l’atmosphère du four de fusion ou molaire. Les oxygènes non pontants, porteurs d’un électron excé-
par substitution partielle de l’oxygène dans le verre (par exemple, dentaire, sont nettement plus polarisables que les oxygènes pon-
soufre associé au Fe3+ en position tétraédrique pour les verres tants. Leur réfraction ionique est élevée. Une modification de
ambrés). composition, entraînant une variation notable du nombre d’oxy-
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AF3609
Aérogels
Aspects fondamentaux
par Thierry WOIGNIER
Directeur de Recherche au CNRS
Aix Marseille Université, Université d’Avignon, CNRS, IRD, IMBE
IRD UMR 237, Campus Agro Environnemental Caribéen, le Lamentin, Martinique, France
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article AF3609 intitulé « Aérogels – Aspects fonda-
mentaux » paru en 2004, rédigé par Jean Phalippou et Laurent Kocon.
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La seconde raison est plutôt à mettre à l’actif des physiciens des matériaux
et non des ingénieurs. Elle est dictée par l’intérêt de ces milieux en tant que
modèles. Notamment, les gels ont été utilisés pour tester les modèles théo-
riques d’agrégation et les structures obtenus par simulation numérique ou
l’analogie « gélification-percolation ». Il a été envisagé que les gels et les aéro-
gels pouvaient développer un réseau de phase solide ayant une structure
fractale dans un certain domaine d’échelle, cette structure étant liée au type de
mécanisme de gélification mis en jeu. La possibilité de contrôler ces méca-
nismes permettrait d’ajuster les caractéristiques fractales des matériaux.
Mais qu’est-ce qu’un aerogel ? Une image souvent utilisée consiste à décrire
l’aérogel comme une « fumée figée. » Il faut dire que la fraction volumique de
matière contenue dans l’aérogel ayant la plus faible densité est inférieure à
0,14 %. Cela signifie que l’air occupe 99,8 % du volume de l’aérogel. Le plus
léger d’entre eux a une masse volumique à peine trois fois plus élevée que
celle de l’air. De ce fait, ce solide présente des propriétés singulières qui sont
exposées dans cet article.
Il va de soi que, pour obtenir des matériaux aussi légers mais rigides, il faut
synthétiser un réseau solide hautement réticulé avec un minimum de matière.
De ce point de vue, les gels organiques et minéraux sont les meilleurs candi-
dats. Le réseau solide est formé de liens fins interconnectés entre lesquels le
solvant est localisé. Cependant, si le solvant s’évapore, le solide restant occupe
alors un volume bien plus faible que le gel de départ. Ces gels perdent au
moins 90 % de leur volume lors de cette étape de séchage. Le séchage induit
un affaissement irréversible du réseau de matière. Cet affaissement de la
microstructure poreuse est dû au fait que lors du séchage, l’interface liquide-
vapeur vient au contact des parois des pores du gel. Un ménisque s’établit et
entraîne l’apparition d’une pression capillaire de tension dans le liquide. Un
gradient de contrainte existe dans le matériau, ce gradient est lié à la difficulté
qu’éprouve le fluide localisé au cœur du matériau à s’écouler vers la surface.
L’utilisation d’une technique de séchage hypercritique permet d’éviter ces
contraintes ainsi que l’apparition de fissures qui en découlent. Elle autorise le
séchage d’un gel sans en altérer sa texture. Le solvant est alors évacué à une
pression et une température supérieure au point critique. Dans ces conditions,
le solvant est transformé en un fluide hypercritique homogène où les phases
liquide et vapeur sont indiscernables. L’énergie interfaciale liquide-vapeur
devient nulle ; en conséquence, aucune contrainte capillaire ne peut s’exercer.
L’aérogel est le nom donné au gel séché par évacuation hypercritique du
solvant et pour lequel l’air a remplacé le solvant. C’est un solide de très faible
densité, quelquefois transparent et qui peut être considéré comme étant le
même matériau que le gel mais pour laquelle seule subsisterait la partie solide.
Un aérogel est donc un gel qui a été séché d’une manière très particulière
permettant de conserver la délicate structure du solide telle qu’elle était établie
dans le gel de départ. Le séchage est réalisé à l’aide d’un autoclave. Une éléva-
tion de température et de pression permet de dépasser le point critique du
liquide. C’est la raison pour laquelle ce mode de séchage est appelé hypercri-
tique. En résumé, l’aérogel est issu d’un mode singulier de synthèse de solide ;
c’est aussi le produit d’un mode inusuel de séchage.
On peut définir un aérogel comme un gel dont le liquide localisé dans les
interstices des parties solides a été remplacé par de l’air au moyen d’une tech-
nique de séchage préservant la structure de la phase solide (généralement par
séchage hypercritique). Le réseau liquide a été transformé en un réseau de
pores.
Dans la littérature certains gels de silice de très faible densité, mais séchés
dans les conditions normales, sont parfois appelés aérogels ou « aerogel like
materials » compte tenu de leur large volume poreux et de propriétés phy-
siques semblables à celles des aérogels obtenus par séchage hypercritique.
Dans cet article le terme aérogel sera réservé aux seuls gels séchés dans les
conditions hypercritiques.
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d’eau. Elle se décompose en deux mécanismes élémentaires qui une solution aqueuse ou organique (alcool, DMF, DMSO…). Selon
sont : les auteurs, le cation initialement hydraté donc de type aquo, se
transformerait en espèce hydroxo-aquo par déplacement acido-
basique. Le proton, ainsi libéré, réagirait sur l’oxygène de
l’époxyde et provoquerait l’ouverture du cycle. Les espèces
hydroxo-aquo polycondensent ensuite par olation ou oxolation
pour constituer des oligomères.
Nota : DMF = diméthylformamide ; DMSO = diméthylsulfoxyde.
Tableau 2 – Élaboration d’aérogels obtenus par séchage supercritique de gels issus de sels métalliques
qui ont gélifié en milieu aqueux (d’après [15])
Précurseur Séchage
1re étape 2e étape Échange de solvant
métallique supercritique
Acétate d’aluminium Formation d’un sol par Gélification par déstabilisation Eau → éthanol Éthanol
dialyse du sol en présence de
Chlorure de fer III Formation d’un sol en Gélification par déstabilisation Eau → éthanol → éther → Propane
présence de CO3(NH4)2 du sol en présence de K2SO4 éther de pétrole → propane
Gélification à 100 ˚C
Chlorure d’étain III Hydrolyse et peptisation du Gélification du sol par Eau → éthanol → éther Éther
précipité en présence évaporation lente du solvant
d’ammoniac
Tableau 3 – Influence du solvant sur le temps de prise de gel tg à température ambiante (d’après [16])
Solution composée de ([Cr] : 0,35 M) et d’oxyde de propylène avec un rapport molaire époxyde/Cr = 11.
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La Ce Pr Nd Pm Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu
Ac Th Pa U Np Pu Am Cm Bk Cf Es Fm Md No Lw
sont de loin les précurseurs les plus employés grâce aux nom- La seconde étape est une condensation suivant trois méca-
breux avantages qu’ils présentent (grande diversité d’éléments nismes différents :
accessibles (tableau 4), existence de précurseurs hétérométal- – l’alcoxolation qui s’accompagne d’une élimination d’alcool :
liques, possibilité d’utiliser plusieurs précurseurs différents au
cours d’une même synthèse, pureté élevée, thermodynamique-
ment stable, solubilité élevée…). Leur synthèse pour des applica-
tions dédiées à l’élaboration des aérogels a été, en particulier,
décrite par R.C. Mehrotra [22]. La famille des oxoalcoxydes, de
comportement chimique similaire aux alcoxydes, permet
d’étendre encore cette accessibilité à d’autres éléments (Pb, Re).
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Aérogels
Aspects matériaux
Thierry WOIGNIER
Directeur de Recherche au CNRS
Aix Marseille Université, Université Avignon, CNRS, IRD, IMBE
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Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article AF 3 610 intitulé « Aérogels – Aspects ma-
tériaux » paru en 2004, rédigé par Jean Phalippou et Laurent Kocon.
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1.1 Transparence
Un matériau transparent est un matériau qui transmet la
lumière. Pour une bonne transmission, il faut, d’une part, que le
matériau ne soit pas absorbant dans le domaine spectral consi-
déré et, d’autre part, que la diffusion soit faible. Étant donné la
faible densité des aérogels, l’indice de réfraction est relativement
faible et l’on peut, en première approximation, négliger les pertes
optiques par réflexion.
L’absorption de la silice amorphe dans le visible est faible. Le
verre de silice est un verre utilisé en instrumentation optique. La
silice est l’élément constitutif essentiel des fibres optiques utili-
sées dans les télécommunications. Son indice de réfraction est
parmi les plus faibles des verres d’oxydes. Il est de 1,4585.
Dans les aérogels de silice, on peut dire que seule la diffusion
limite la transmission de la lumière.
La transparence des aérogels est directement liée aux condi-
tions de synthèse du gel. L’étape de séchage supercritique joue
un rôle mineur puisqu’un gel de silice séché en milieu alcoolique
ou à l’aide de CO2 présente quasiment la même transmission
dans le domaine du visible (figure 1) [1]. La transparence dépend
essentiellement du pH de l’eau d’hydrolyse de la solution Figure 1 – Spectre de transmission de deux aérogels de 3 mm
d’alcoxysilane initiale [2]. Les gels synthétisés en milieu acide ou d’épaisseur issus d’un même gel
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Une application directement liée à la transparence des aéro- Étant donné la très faible valeur de l’indice de réfraction, dans le
gels est la capture des poussières cosmiques (cf. § 5.1.6). domaine du visible, cet indice est pratiquement indépendant de la
L’analyse des poussières cosmiques a été facilitée par la mise longueur d’onde λ. La dispersion, entre 337 et 633 nm [5] est de :
en œuvre d’aérogels permettant de capter individuellement
les particules. Embarqués dans un véhicule spatial, les aéro-
gels sont déployés ou découverts lors de la phase de la cap-
ture. La particule entrant dans l’aérogel est ralentie par la
matière, puis finalement piégée. Plusieurs aérogels de densi-
tés différentes sont utilisés. La profondeur de pénétration de
La possibilité de réaliser un milieu transparent d’indice ajus-
la particule dans l’aérogel permet de calculer la vitesse initiale
table trouve son application dans les détecteurs Cherenkov
de la particule. Étant donné que l’aérogel est transparent, la
(cf. § 5.1.2). L’effet Cherenkov est l’émission d’une onde lumi-
trajectoire de la particule est aisément visualisée. La particule
neuse cohérente. Cet effet apparaît lorsqu’une particule relati-
est ainsi récupérée de manière individuelle, caractérisée et
viste chargée (pions, kaons ou protons) se propage dans un
chimiquement analysée.
milieu à une vitesse supérieure à celle de la lumière dans ce
La transparence, alliée aux propriétés d’isolation thermique, même milieu. Cet effet est analogue à l’onde de choc créée par
est recherchée pour diminuer au maximum les pertes ther- le passage du mur du son. Le moment des particules est cal-
miques au niveau des vitrages. Isolant thermique très efficace, culé par la courbure de la trace dans le champ magnétique. La
l’aérogel, s’il est transparent, permet l’absorption des rayonne- vitesse de la particule est directement reliée à l’angle du cône
ments extérieurs par les objets situés à l’intérieur d’une pièce. que forme la lumière émise. Il suffit de disposer plusieurs aéro-
Les rayonnements infrarouges (IR) émis par ces objets sont gels de densités différentes pour discriminer chacune des parti-
réfléchis par des vitres contenant l’aérogel. L’aérogel produit cules, l’effet Cherenkov n’apparaissant que pour les particules
ainsi un effet de serre particulièrement efficace. Cette propriété de vitesse adéquate.
peut être aussi amplifiée si l’on place après l’aérogel un mur ou
Un compteur Cherenkov solide comme l’aérogel est plus
revêtement noir très absorbant dans le visible. De ce fait, la
commode que les chambres à gaz pressurisé auparavant utili-
chaleur réémise se propage préférentiellement à l’intérieur de
sées [6].
la pièce.
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2.1 Propriétés acoustiques et vitesse élastique. Cet effet est contraire à celui observé dans les milieux
denses où la vitesse augmente en fonction de la contrainte
du son uniaxiale imposée. Également observé dans les aérogels orga-
niques, de carbone ou de silice, certains auteurs [9] avancent
La propagation des ondes sonores dans un milieu isotrope
l’hypothèse qu’il serait dû à des déformations de flexion des liens
conduit à la détermination des constantes élastiques C11 et C44 à
associant les nanostructures du squelette solide. Ainsi, malgré
partir des vitesses de propagation respectives des ondes longitu-
l’augmentation locale de densité, il y aurait diminution de la rigi-
dinales vL et transverses vT et de la connaissance de la masse
dité du composé.
volumique apparente :
En raison de la faible vitesse du son, il a été envisagé d’utiliser
les aérogels de silice comme ligne de retard acoustique. Le retard
serait d’environ 1 ms pour 10 cm d’aérogel.
Ces mesures sont réalisées par la méthode du pulse écho dans le
domaine du mégahertz où l’onde est générée par un matériau pié-
zoélectrique. La diffusion Rayleigh Brillouin permet d’accéder aux Une autre application potentielle concerne l’amélioration des
mêmes vitesses. Il est cependant nécessaire d’avoir un aérogel télémètres pour appareil photographique. Le milieu aérogel, en
transparent, la résolution du spectromètre ne permettant pas les raison de sa faible densité et de la faible vitesse du son, per-
mesures dans les aérogels dont la densité est inférieure à 0,10 – mettrait un meilleur ajustement d’impédance acoustique entre
0,15. l’air et le transducteur ultrasonore. Cependant, le problème
majeur est de trouver l’agent de couplage adéquat car les aéro-
Concernant les méthodes ultrasonores (domaine du mégahertz), gels ne peuvent être mis au contact de liquides (colles) sans
la longueur d’onde acoustique est de l’ordre du millimètre. détérioration de leur texture.
Puisque la taille moyenne des pores (10 à 20 nm) est très infé-
rieure à la longueur d’onde acoustique, on peut assimiler l’aérogel
à un milieu continu. Les vitesses du son mesurées sont comprises
entre 50 et 300 m/s, c’est-à-dire inférieures à celle du son dans 2.2 Modules élastiques et contraintes
l’air. Ces faibles valeurs sont associées à la texture particulière de rupture
des aérogels quelle que soit leur nature (silice, mélamine-formal-
déhyde, résorcinol-formaldéhyde) [7]. Le gaz envahissant la poro- Les mesures statiques relativement classiques permettent
sité de l’aérogel joue un rôle mineur sur la vitesse pour les d’estimer tout à la fois les modules élastiques et les résistances
aérogels usuels. Cependant, pour les aérogels de silice de densité (ou contraintes limites) à la rupture. Bien que des mesures de
inférieure à 0,02, la vitesse du son devient dépendante de la compression soient reportées dans la littérature [10], les mesures
nature et de la pression du gaz [8]. La figure 3 montre l’évolution les plus nombreuses sont les mesures de flexion, en raison du
de la vitesse des ondes longitudinales vL en fonction de la pres- caractère fragile des aérogels. Le comportement des aérogels en
sion d’air résiduel. L’étude a été réalisée sur un aérogel de densité
flexion est parfaitement élastique. L’aérogel se rompt brutalement
égale à 0,0053 qui est parmi les plus faibles que l’on puisse pro-
lorsque, dans le domaine élastique, la contrainte atteint la
duire. La vitesse dépend entre autres de la densité du gaz [7]
contrainte limite. La fracture est conchoïdale, en tout point ana-
envahissant les pores.
logue à celle d’un verre. Certains aérogels de très faible densité
La vitesse du son est une mesure relativement précise. Elle a (da < 0,01) peuvent se déformer sous l’effet de leur propre poids.
permis de mettre en évidence un phénomène très particulier asso- Dans ce cas, les techniques ultrasonores déjà décrites sont préfé-
cié à la texture des aérogels. La vitesse des ondes longitudinales rées.
décroît lorsque les aérogels sont comprimés uniaxialement. Ce
Les propriétés mécaniques d’un aérogel sont dépendantes des
phénomène, totalement réversible est, en fait, une non-linéarité
traitements que subit le gel préalablement au séchage supercri-
tique. Le gel est un milieu évolutif dans le temps. Le retrait dû à la
synérèse, la poursuite des réactions de polycondensation et les
phénomènes de dissolution-redéposition entraînent une augmen-
tation des propriétés mécaniques de la phase solide. Le vieillisse-
ment du gel est la cause du renforcement du réseau et, en
conséquence, les propriétés mécaniques de l’aérogel seront
dépendantes du temps de vieillissement.
Ainsi les modules de Young et la résistance à la rupture d’aéro-
gels de même densité dépendent du temps de vieillissement du
gel préalable au séchage supercritique. L’extraction du solvant
localisé dans les pores stoppe l’étape de vieillissement.
Aérogel de Les figures 4 et 5 montrent l’évolution respective des modules
très faible de Young et de la contrainte à la rupture d’aérogels neutres obte-
densité : 5.10–3 nus après vieillissement du gel pendant des temps croissants. Les
gels élaborés en milieu neutre ont été volontairement choisis car
le vieillissement a un effet beaucoup plus conséquent que sur les
gels basiques. Les deux séries d’aérogels présentent des densités
initiales différentes. Elles augmentent avec le vieillissement en rai-
son des phénomènes de retrait et de synérèse évoqués précédem-
ment.
Les modules des aérogels sont très faibles et restent inférieurs
à 1 GPa. Les contraintes limites à rupture présentent les caracté-
ristiques communes aux matériaux fragiles. On observe une forte
Figure 3 – Évolution de la vitesse du son, mesurée dans l’air, d’un dispersion des valeurs. Les valeurs reportées sont les moyennes
aérogel de très faible densité en fonction de la pression résiduelle des essais portant sur 10 échantillons. Bien que les contraintes à
(d’après [7]) rupture soient elles-mêmes très faibles et inférieures à 1 MPa,
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Exemple
Un aérogel de silice obtenu en condition neutre, de densité 0,12 a Figure 7 – Contrainte limite à la rupture en flexion d’aérogels
une déformation limite à rupture de l’ordre de 2,5 %, ce qui est très neutres et basiques en fonction de la masse volumique
inhabituel pour un matériau inorganique.
percolant [12]. Les mesures de contraintes à rupture en flexion σf
La comparaison entre les aérogels neutres et basiques (figure 6) (moyenne sur 10 échantillons) sont peu dépendantes de la cata-
montre que ces derniers ont des modules de Young plus faibles à lyse initiale (figure 7). La contrainte suit, là encore, une loi
masses volumiques égales. Cela conduit à dire que la connectivité d’échelle en fonction de la masse volumique apparente :
du réseau solide est plus faible dans les aérogels basiques. Ils
sont constitués par des particules plus grosses et la taille
moyenne des pores est relativement élevée comparativement aux
aérogels neutres. Comme le montre la figure 6, la variation des L’exposant γ est compris entre 2,5 et 2,6.
modules élastiques avec la densité peut se mettre sous la forme
d’une loi d’échelle :
2.3 Ténacité et propagation subcritique
de fissure
où l’exposant β, compris entre 3,6 et 3,7, est directement obtenu Les aérogels étant fragiles, très poreux et développant une
par la pente des droites. La valeur de cet exposant a été traitée en grande surface spécifique, pour toute application, il est indispen-
termes de propriété de structure hiérarchique [11] ou de milieu sable de connaître leur comportement dans les conditions de
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En toute rigueur, l’aérosol est un système diphasique formé par des particules
et le gaz porteur. Mais dans la pratique, et nous le ferons dans cet article,
« aérosol » est souvent synonyme de « particule ».
La science des aérosols, initiée comme telle dans le courant des années 1950,
s’est considérablement développée durant ces vingt dernières années. En effet,
considérés parmi les polluants atmosphériques majeurs, impliqués dans le
réchauffement global de la planète et l’éventuel trou d’ozone, les aérosols inter-
viennent dans de nombreux phénomènes naturels.
Nous citerons le bilan radiatif de l’atmosphère, leur influence sur la visibilité,
la formation des nuages et des précipitations, les échanges océan-atmosphère.
Ils sont également les vecteurs de la radioactivité atmosphérique.
De la sorte, afin de pouvoir mieux appréhender les phénomènes atmosphéri-
ques et leur dynamique, le modèle « gaz » initialement utilisé tend à céder la
place à un modèle «aérosol », même si ce dernier est plus compliqué.
On les retrouve également dans de nombreux domaines industriels, dans le
monde des salles à empoussièrement contrôlé (salles propres), dans la filtration,
l’épuration de l’air, la climatisation. On les rencontre davantage encore dans les
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m
3⁄ mV 2 Exemple : pour l’air, à la température de 20 °C, on utilise la relation :
f = -----------------
2
exp – -------------- (4)
2π k B T 2 k B T 5 × 10
–3
λ m (cm) = --------------------- (12)
p (Torr)
Le nombre dn de molécules, par unité de volume, dont le vecteur
& & & avec p pression atmosphérique (en Torr).
vitesse est compris entre V et V + d V s’écrit : On rappelle que 1Torr = 133,3224 Pa.
m
3⁄ mV 2 Le libre parcours moyen intervient dans les phénomènes dans
d n = nf d V = n -----------------
2
exp – -------------- d V (5) lesquels une propriété moléculaire, répartie initialement de façon
2π k B T 2 k B T hétérogène dans une masse de gaz, tend à s’uniformiser par suite
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AF3613
ans cette seconde partie, nous traitons d’abord de la coagulation des aéro-
D sols qui, lorsque leur nombre est suffisant, agit sur leur concentration et leur
granulométrie. Puis nous étudions leurs propriétés électriques, mises en appli-
cation dans les sélecteurs électrostatiques permettant d’obtenir leur granulomé-
trie. Nous abordons ensuite leurs propriétés optiques qui, pour les particules de
dimensions supérieures à 0,1 µm, permettent, également (compteurs optiques
de particules), d’accéder à leur répartition dimensionnelle. L’adhérence et le
réentraînement des particules font l’objet d’une étude particulière. C’est, en
effet, un domaine qui voit se développer un certain nombre de recherches
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Le lecteur se reportera à l’article [AF 3 612] : Physique des aérosols. Partie 1 pour l’étude des
propriétés mécaniques des aérosols.
(0)
1. Coagulation des aérosols les petites particules suivent les fluctuations aléatoires de vitesses
dans le fluide : deux aérosols se trouvant dans deux tourbillons voi-
sins peuvent alors entrer en collision. Le second mécanisme est la
coagulation turbulante inertielle : les particules ayant une densité dif-
férente de celle du fluide, deux aérosols de tailles différentes auront
La coagulation des aérosols est le processus d’adhésion ou de donc des « temps de réponse » différents, ce qui permet la collision.
fusion d’une particule d’aérosol avec une autre.
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1 1 2 3⁄2
B = ---------------- 3 2
L = --------------- ( 2 r p + λ p ) – ( 4 r p + λ p )
6π η r p 6 λp rp
(4)
avec η viscosité dynamique du gaz porteur. avec λp libre parcours moyen apparent des particules défini, par
De ce fait, le coefficient de coagulation peut s’écrire sous la forme : analogie avec le libre parcours moyen des molécules
gazeuses, par :
4 kB T 8D
K 1 = ------------- (2) λ p = --------------- (5)
3η π V mp
Il s’agit là d’un résultat important qui montre que, pour les gros- V mp vitesse moyenne d’agitation thermique de la particule,
ses particules (rp > 1 µm), le coefficient de coagulation K est indé- aussitôt après qu’elle vient de subir un choc, soit :
pendant des dimensions des particules.
2 kB T
V mp = 2 ------------- (6)
π mp
Il est, pour l’air à la température ordinaire, sensiblement égal
à 3,0 × 10–10 cm3.s–1. avec mp la masse de la particule.
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Enfin, on calcule que, dans le cas d’aérosols très fins (rp < 10–2 µm) ■ Domaine intermédiaire (λg ≈ rpi)
[1][2][3], le coefficient de coagulation peut s’exprimer par : La relation (8) K 3 = 8π Dr p β prend ici la forme :
K 3 = 8π Dr p β (8) K 12 = 8π ( D 1 + D 2 ) ( r p1 + r p2 ) β
avec : avec :
1
1 β = --------------------------------------- (14)
β = ------------------------------------------------- (9) r 4D
2 rp 4D ------------ + -------------------
------------------ + ------------------------
2 rp + δ r V δ r Vm 2
p mp 2
r + ---
2
qu’on peut également, en faisant apparaître λ p le libre parcours rp 1 + rp 2 D1 + D2
r = ---------------------
- D = -------------------
-
moyen apparent des aérosols, mettre sous la forme :
2 2
(15)
1 2 2 2 2
β = ----------------------------------------- (10) δ = δ1 + δ2 et Vm = V mp1 + V mp 2
2 rp π λp
------------------ + --------------- -
2 rp + δ 2 r 2 ■ Domaine moléculaire (rpi < 10–2 µm)
p
r
β décroît avec r p . On peut, dans ce cas, négliger le terme ------------ dans l’expression de
δ
Le tableau 1 donne les valeurs du coefficient de coagulation K r + ---
2
dans le cas d’aérosols monodispersés de rayon r p . Suivant les
dimensions considérées, on utilise les coefficients K1, K2 ou K3. β, de sorte que K12 se réduit à :
2 2 2
K 12 = π ( r p1 + r p2 ) V mp1 + V mp2 (16)
On constate que K passe par un maximum vers rp = 10–2 µm,
puis devient constant et égal, sensiblement, à K = 3 × 10–10 cm3.s–1, Si ρ est la masse volumique des aérosols de rayon r p i , leur
pour r p > 1 µm. vitesse moyenne d’agitation thermique s’écrit :
1 6 kB T
V mp i = --- -------------
- (17)
π ρr 3
1.1.2 Cas d’un aérosol bidispersé pi
et :
On suppose maintenant que, au début de la coagulation, on se 2 6 kB T 1 1
trouve en présence de deux sortes de particules de rayon r p1 et r p2 , K 12 = ( r p1 + r p2 ) - ------- + -------
------------- (18)
ρ r 3 r 3
de coefficients de diffusion D1 et D2, de vitesses moyennes d’agita- p1 p2
tion thermique V mp1 et V mp2 . On appelle K12 le coefficient de coa-
gulation des particules de rayon r p1 avec celles de rayon r p2 ; K12 Le tableau 2, d’après [1][4], donne les valeurs de K12 pour diffé-
est donc le nombre total de collisions, par centimètre cube et par rents rayons r p1 et r p2 .
seconde, entre aérosols de rayon r p1 et de rayon r p2 , pour une On constate tout d’abord que les valeurs de K12 sont beaucoup
concentration de 1 cm–3 pour chaque sorte. plus fortes que celles des coefficients de coagulation correspondant
à un aérosol monodispersé. De plus, ce tableau nous permet de tirer
■ Domaine de Stokes (rp1 et rp2 >> λg) un certain nombre de conclusions importantes sur le plan pratique.
On a alors :
Le coefficient de coagulation K12 croît très rapidement lors-
K 12 = 8π ( r p1 + r p2 ) ( D 1 + D 2 ) (11) que le rapport r p1 ⁄ r p2 ou r p2 ⁄ r p1 augmente. De sorte que, dans
le cas d’un agglomérat résultant de la coagulation d’une petite
Et, si chaque coefficient de diffusion D est de la forme : particule avec une grosse, la dimension de celui-ci ne doit pas
différer sensiblement de celle de la plus grosse.
kB T Ainsi, dans un aérosol polydispersé, les petites particules sont
D i = ----------------- Cu ( r p i ) (12)
6π η r p i très rapidement collectées par les plus grosses.
Tableau 1 – Valeurs du coefficient de coagulation K dans le cas d’un aérosol monodispersé de rayon rp
rp ....................................................... (µm) 10–3 2 × 10–3 5 × 10–3 10–2 2 × 10–2 5 × 10–2 0,1 1 2
K ...................................... (10–10 cm–3.s–1) 4,5 6 9 12 11 7,2 5,2 3,1 3
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(0)
rp2 (µm)
rp1 (µm)
10–3 2× 10–3 5× 10–3 10–2 2 × 10–2 5 × 10–2 1
10–3 4,5
2 × 10–3 15 6
5× 10–3 53 26 9
10–2 1,7 × 102 62 26 12
2 × 10–2 5,7 × 102 2,1 × 102 59 27 11
5 × 10–2 2,7 × 103 8,8 × 102 2 × 102 67 26 7,2
1 1,54 × 106 6,4 × 103 1,7 × 103 90 3,1
Nota : on emploiera l’abréviation p.cm–3 pour particules par centimètre cube. Bien entendu, du fait de la coagulation, au fur et à mesure que la
concentration n diminue au cours du temps, le diamètre des particu-
les augmente. Si on suppose qu’il n’y a pas de pertes, on peut
considérer que la masse d’un aérosol confiné reste constante, de
1.2 Influence de la coagulation même que la masse m par unité de volume. Ainsi, pour des particu-
sur la granulométrie d’un aérosol les liquides (sphères de masse volumique ρp, de diamètre initial d0
et de diamètre d(t) à l’instant t) :
π 3 π 3
Il ne faut donc jamais oublier que, pour qu’il y ait coagulation, m = n 0 --- ρ p d 0 = n ( t ) --- ρ p [ d ( t ) ]
6 6
il faut que la concentration particulaire soit suffisante, supé-
rieure à quelques 105 p.cm–3 en général. soit :
n0 1⁄3
d(t)
---------- = ---------- (25)
1.2.1 Aérosol initialement monodispersé d0 n(t)
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Le coefficient 1/2 évite de compter deux fois un choc entre les À partir de la relation (33), on peut établir les variations du coeffi-
mêmes particules (l’interaction i + j est la même que l’interaction cient de coagulation gravitationnel avec le rayon des particules. La
j + i ). figure 2 montre ces variations pour rp1 = 1,5 µm, en prenant
ε = ε G F , ρ 1 = 0,91 g.cm–3 et ρ 2 = 0,98 g.cm–3. On constate que KG
Le nombre de particules p-uples disparaissant par cm3 et par
passe par un maximum pour r p2 = 1,00 µm. Pour les valeurs de KG
seconde par coagulation des particules p-uples et des autres aéro-
inférieures à KGmax, il existe donc deux valeurs de r p2 donnant la
sols est :
même valeur de KG.
∞
np ∑ Knp nn (28)
n=1
3 –1
KG (cm.s
Le taux de formation des particules p-uples s’écrit donc : )
10 –8
n = p–1 ∞
dn 1
---------p = ---
dt 2 ∑ K nk n n n k – n p ∑ Knp nn (29) rp1 = 1,5 µm
n=1 n=1
10–9
1.3 Efficacité de collision
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Atomisation, pulvérisation
et aérosols
Instrumentation
63
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AF3620
Cette atomisation, puisque c’est le terme usuel, peut s’obtenir par de nom-
breux procédés : interaction aérodynamique, mécanique, électrostatique, mais
aussi par cavitation, ou même par ultrasons. Les domaines d’application et les
moyens d’obtention sont si nombreux qu’il faut restreindre le cadre de l’article
aux phénomènes dont le contrôle et les lois de comportement sont les plus dif-
ficiles à maîtriser et qui représentent aux yeux de l’ingénieur l’information la
plus précieuse. Ainsi, deux cas seront traités uniquement par la suite : la créa-
tion de gouttes à partir d’un liquide et la création de particules solides à partir
d’un corps en fusion. Sont exclus donc en particulier les processus de concas-
sage produisant des poudres solides à partir de corps solides.
Pourquoi atomiser ? En premier lieu, dans les applications des phases dis-
persées de liquides ou d’alliages en fusion, c’est la très grande surface
d’échange offerte par les gouttes qui est utile pour obtenir des taux de réac-
tion, de refroidissement, d’évaporation ou de solidification extrêmement
élevés à un coût énergétique faible. Aussi, c’est la taille (et la morphologie) des
gouttes créées qui est capitale. Cette taille peut varier de la centaine de nano-
mètres à quelques millimètres selon les applications. Un choix correct du type
d’atomiseur et du processus d’atomisation mis en jeu permet d’obtenir prati-
quement n’importe quelle taille moyenne, distribution de tailles et parfois
forme souhaitées. Ensuite, lors d’interactions des phases dispersées avec des
parois solides de nombreuses réalisations sont possibles, dont certaines des-
tructrices comme l’impact de glace sur les rotors d’hélices ou d’ailes d’avions,
de gouttes d’eau sur les aubes de turbine à vapeur, mais d’autres très utiles
comme le refroidissement par aspersion ou l’application de peintures.
Enfin, l’atomisation de matières en fusion permet la fabrication de poudres et
d’aérosols solides avec des taux de solidification importants résultant dans le
captage de certaines formes allotropiques stables à haute température, mais
aussi l’homogénéité dans le cas d’alliages, résultant dans des propriétés méca-
niques meilleures pour les poudres obtenues par atomisation que par d’autres
moyens conventionnels, à un prix souvent avantageux.
Les développements récents de la technologie des atomiseurs, des théories
des mécanismes de formation de gouttes, mais aussi du calcul parallèle et des
méthodes optiques non intrusives de mesure, ont profondément modifié la
compréhension et la portée du processus d’atomisation.
1. Atomiseurs, pulvérisateurs du fait que ces propriétés varient en général avec le temps et la
zone, voire l’échelle, d’observation de la phase dispersée.
et autres dispositifs
1.1.1 Granulométrie
Afin de comprendre et prévoir les propriétés des phases disper- Cette propriété mesure la taille des gouttes ou particules géné-
sées, il est indispensable de connaître les moyens technologiques rées lors de l’atomisation. Elle comprend le diamètre moyen ou
développés pour les générer. Un très bref aperçu de ces dispositifs toute longueur caractéristique moyenne (pour les particules non
accompagnés d’une description succincte de leur fonctionnement sphériques) ainsi que tous les moments statistiques (écart-type...)
est donné ici selon une classification reposant sur le paramètre de relatifs à cette longueur caractéristique. En général, on cherche à
contrôle principal pour chacun des dispositifs. D’autres classifica- obtenir des distributions de tailles de gouttes « fines », c'est-à-dire
tions sont évidemment possibles. d’un faible diamètre moyen mais aussi avec un écart-type le plus
faible possible.
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AF3620
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AF3621
Atomisation, pulvérisation
et aérosols
Théorie et modèles
mais aussi dans le brouillard, la pluie, les nuages, les éruptions volcaniques,
les geysers... De façon générale, l’étude de la formation de gouttes et parti-
cules est commune aux processus d’émulsion, de séparation de liquides, de
vaporisation et condensation, qu’on veuille accélérer ces processus par la for-
mation de gouttes ou au contraire les ralentir en évitant l’apparition de
gouttes.
Les processus et mécanismes physiques mis en jeu sont en général assez
simples sur le principe, mais le passage d’une phase continue liquide à une
phase dispersée se fait par la déformation puis la rupture de la surface. Cette
déformation apparaît subtilement, d’abord comme une perturbation superfi-
cielle imperceptible. Puis, grâce à l’amplification par le couplage de forces
appliquées au liquide, la perturbation grandit et atteint une amplitude telle que
les contraintes appliquées dépassent celles qui permettent la cohésion ; c’est la
rupture. Des phénomènes non-linéaires sont donc responsables du passage à
la phase dispersée et, par nature, leurs expressions présentent des difficultés
aux mathématiciens et aux physiciens voulant prévoir ou reproduire leurs
effets.
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AF3621
1. Formation de gouttes 72 µm
1.1 Ligaments
t – t0 = – 114 µs, – 63 µs, – 11 µs
L’étape intermédiaire entre la surface de liquide en déformation
et l’apparition des gouttes est la formation de ligaments, filaments
ou digitations à la surface du liquide. Les caractéristiques de ces
ligaments dépendent des conditions « externes » de l’écoulement a avant rupture
et des propriétés du liquide. L’étirement de ces ligaments conduit
à une épaisseur radiale telle que le volume de liquide contenu se
conserve, donc pouvant être relativement faible, jusqu’à ce que la 72 µm
rupture intervienne et les forces de tension superficielle remo-
dèlent le liquide sous forme de gouttes. Le rayon final de ces
gouttes peut être très supérieur à l’épaisseur moyenne des liga- t – t0 = 11 µs, 63 µs, 114 µs
ments, mais de l’ordre de grandeur de la racine cubique du
volume du filament. Une des raisons pour que les gouttes résul-
tant de la rupture des ligaments soient si grosses réside dans la
« cascade de coalescence » qui tend à regrouper les fragments b après rupture
issus de la rupture initiale du ligament. Tant qu’il y a une attache
du ligament à la masse liquide, l’instabilité capillaire est ralentie, Figure 1 – Rupture d’un ligament liquide (Eggers)
alors que le ligament est étiré par sa propre inertie, par des forces
aérodynamiques, des ondes capillaires et d’autres mécanismes.
Lorsque le liquide constituant le ligament se détache, l’échelle
de temps des phénomènes de rupture et de coalescence devient
inférieure. En effet, une analyse dimensionnelle simple permet de
former une échelle temporelle pour l’action de la tension superfi-
0
ρV
cielle τ σ = à partir du volume V du ligament. Si les forces
σ
agissant sur celui-ci sont plus rapides, le ligament s’étire. Lors de
2
ρh 3
la rupture, cette échelle temporelle devient τ σ = où h est
σ
l’épaisseur du ligament.
4
La dynamique des filaments a été étudiée notamment par
Villermaux et Marmottant dans [7]. Le système régissant le rayon
du ligament peut s’écrire :
6
∂r γ r ∂u
+ r+ 0 0 =0
∂t 2 2 ∂x
∂u σ 1 ∂r ∂3 r 3ν ∂ ∂2 r 8
+ γu = − 2 − − r
∂t ρ r0 ∂x ∂3x r02 ∂x ∂x
∂2 r ∂r 3 2 σ 2 ∂2 r ∂4 r ∂3 r 1 ∂r 2
+ 2γ + γ r− −r0 −r4 − 3ν 2 + γ =0
∂2 t ∂t 4 2ρr03 ∂x 2 0 ∂x 4 ∂x ∂t 2 ∂x 12
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la disparité des fragments d’après la distribution des modulations La conservation de la masse donne :
d’amplitude. Il se forme alors des fragments liquides indépendants
qui peuvent se regrouper par agrégation. Cette vision aboutit à des ∂rv r + ∂zv z + v r / r = 0
distributions de type Gamma pour la taille finale des gouttes L’étude de similitude du problème fait apparaître trois groupes
issues du fractionnement des ligaments qui recoupent bien des adimensionnels :
mesures expérimentales. Ces distributions sont serrées pour des
gouttes issues de ligaments réguliers et élargies pour des fila- ρR U
– celui de Reynolds : Re = ;
ments tortueux. Cette dynamique des ligaments explique la forme µ
exponentielle des distributions de taille fréquemment observées
ρ gR 2
dans les sprays. – celui de Bond : G = ;
σ
µU
– celui du Nombre capillaire : Ca = .
1.2 Rupture σ
Ou alternativement :
On peut considérer que le goutte-à-goutte constitue la forme
d’atomisation la plus élémentaire. De façon schématique, un ρR U 2
cylindre liquide s’allonge sous l’effet de certaines forces (inertie, – celui de Weber : We = ;
σ
gravitation...), ce qui conduit à une modification de la courbure de µ
sa surface libre et à l’action de la tension de surface. – celui de Ohnesorge : Oh = Z = ;
ρR σ
Dans le cas le plus simple, un liquide adhérant sous une surface
plane forme des gouttes sous l’effet de la pesanteur. La tension de ρ gR 2
– celui de Bond : G = .
surface assure la cohésion du liquide et déforme la surface libre σ
sous une forme sphéroïdale, jusqu’à ce que le poids du liquide À la surface du liquide, on peut écrire deux conditions limites.
accumulé dépasse les forces de tension de surface. Le bilan des L’égalité des contraintes normales permet d’obtenir :
forces en présence conduit à la taille des gouttes :
n S n = − γ (1/R1 + 1/R2 )
σ
d = 3, 3 Et celle des contraintes tangentielles :
ρC g
nS t=0
De la même façon, pour un liquide sortant d’un orifice de petite
taille (capillaire) et soumis à l’action de la pesanteur, en absence L’expression des rayons de courbure à partir du rayon d’un
d’autres forces et lorsque la vitesse de formation des gouttes est cylindre de révolution à l’abscisse z donne :
faible, le bilan des forces conduit à l’expression :
1 1 1 ∂z2 H
6d σ
1/ 3 + = −
d = 0 R1 R 2 H (1+ (∂z H ) )
2 1/ 2 (1+ (∂z H ) 2 ) 3/ 2
ρC g
Une dernière équation peut être écrite en identifiant la vitesse
D’autres expressions de forme similaire sont possibles selon le du fluide à la surface et la vitesse de la surface elle-même :
rayon de courbure retenu lors du détachement de la goutte (voir
encadré Instabilité capillaire).
∂t H + v z ∂z H = v r r =H
La description détaillée de la forme que prend la surface lors de
la création de la goutte et dans quelles conditions plus précisé- Ce système d’équations décrit un problème à frontières mobiles
ment a lieu la rupture a été faite par différents auteurs. Elle passe relativement complexe. Lors de l’étirement du cylindre liquide, la
par la recherche de solutions (approchées) des équations de tension superficielle aura pour effet de réduire la section transver-
Navier-Stokes écrites pour un problème de symétrie axiale en sale jusqu’à ce qu’elle devienne nulle au moment de la rupture
coordonnées cylindriques : quelque part le long du col formé entre la goutte qui se détache et
la partie « fixe » du cylindre liquide. En toute rigueur, la descrip-
∂tv r + v r ∂rv r + v z ∂zv r
tion de la rupture elle-même aurait besoin d’une description aux
= − ∂r p / ρ +ν (∂r2v r + ∂z2v r + ∂rv r / r − v r / r 2 ) échelles moléculaires et les équations ci-dessus ne sont valables
∂tv z + v r ∂rv z + v z ∂zv z que juste avant ou juste après celle-ci. Des solutions asympto-
tiques existent qui décrivent la forme de la surface lors de l’étire-
= − ∂z p / ρ +ν (∂r2v z + ∂z2v z + ∂rv z / r ) − g ment juste avant la rupture, puis lors de la rétraction suivant la
rupture. Pour les écrire, partant du fait que lors de la rupture les
L’instabilité capillaire échelles de longueur et de temps peuvent être arbitrairement
petites autour de la singularité que représente le lieu et le moment
de la rupture, on peut ne considérer que des échelles indépen-
dantes des conditions initiales ou limites du problème, dépen-
dantes uniquement des caractéristiques du fluide. Ainsi, les unités
R de temps et d’espace peuvent être définies comme :
u
(ρν 2 ) (ρ2 ν 3 )
Cν = ; tν =
σ σ2
Si l’on désigne par z0 le lieu de la rupture et t0 le moment où elle
a lieu, le changement de variables :
Lorsqu’une surface se déforme, les forces de tension superficielle
augmentent avec la réduction du rayon de courbure. Le liquide est 1/ 2
évacué de la zone de déformation, diminuant la section de la zone
z ′ = (z − z 0 ) /Cν , t ′ = (t − t0 ) /tν , ξ = ± z ′/ t ′
de déformation et entraînant ainsi une réduction supplémentaire
du rayon de courbure. Les effets se conjuguent et s’amplifient mu- permet de situer le comportement singulier du système lorsque
tuellement jusqu’à entraîner la rupture. z ′ ⬍⬍ 1 et t ′ ⬍⬍ 1 .
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AF3621
Sont recherchées sous la forme : On peut à présent écrire l’équation de conservation de la masse
sous la forme :
−1/ 2
h = t ′ φ (ξ ) , v = ± t ′ ψ (ξ ) div (V ) = ∆φ = 0
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AF3621
∂ux ∂p ∂2 φ ∂p
ρ =− , soit ρ =−
∂t ∂x ∂t ∂x ∂x
Pour ce problème axisymétrique, la perturbation doit être nulle
au niveau de l’axe de symétrie, ce qui permet d’assurer que la
constante apparaissant après intégration par x doit être nulle car
dépendant uniquement du temps. Ainsi :
∂φ
ρ =− p
∂t
Comme pour le cas de la formation de gouttes, les conditions
limites à la surface du cylindre liquide sont l’égalité des
contraintes et la continuité cinématique. Pour linéariser le pro-
blème, ces conditions sont écrites en r = R et pas en R + η. Ainsi : d
L’expression du rayon de courbure dans le cas présent donne : dont on déduit, par élimination de A et η0 , l’équation de disper-
sion en r = a :
3
∂η 2 2
σ I (ka)
1+ ∂x ω2 = (1− a 2 k 2 ) k 1
ρa 2 I0 (ka)
R1 = R + η et R 2 =
∂ 2η
∂x 2 Lorsque le facteur ka est inférieur à 1, la perturbation prend la
forme d’une sinusoïde d’amplitude croissante (exponentiellement)
1 ∂ 2η car ω est imaginaire, c’est l’instabilité. En dérivant l’équation de
qui se linéarise dans le cas où η est petit en : = .
R 2 ∂x 2 dispersion par rapport au nombre sans dimension ka, il apparaît
un maximum pour le facteur d’amplification dont l’expression est :
En absence de perturbation : R1 = R et R2 = ∞, ce qui permet
d’écrire l’expression de la perturbation de pression : σ 2πa
ω max = 0, 343 , pour la valeur (ka)max = = 0,696. La lon-
ρa 3 λmax
1 1 1 1 1 ∂2η 1 gueur d’onde de cette perturbation de facteur d’amplification
p = σ + − + =σ − −
R1 R2 sans R1 R2 avec R + η ∂x 2 R maximale a comme valeur λmax = 4,51 × 2a.
perturbation perturbation
Selon cette vision du phénomène, la perturbation la plus ampli-
que l’on peut simplifier, pour η petit, en : fiée déformera prioritairement le cylindre liquide jusqu’à la rup-
ture. Afin d’obtenir un critère simple de rupture, on suppose que le
σ ∂ 2η cylindre reste uni tant que l’amplitude de la perturbation est infé-
p=− η +R2 2
R 2 ∂x rieure au rayon initial du cylindre. Alors, des morceaux du cylindre
de longueur λ et de rayon a se détachent et l’on peut prédire la for-
En cherchant une solution à fonctions séparées pour φ sous la mation de gouttes identiques dont le diamètre d est obtenu à par-
forme : φ = X (x ) R (r ) e–iωt, la résolution de l’équation ∆φ = 0 tir d’un bilan de masse simplifié :
conduit à une famille de solutions : φ = Aeikx I0 (kr )e–iωt.
πd 3
∂η ∂φ = πa 2 λ
La condition cinématique = conduit à une perturbation de 6
∂t ∂r
la forme : η = η0 eikx e–iωt. Soit des gouttes de diamètre : d = 1,89 × 2a, c’est-à-dire deux
En injectant ces solutions dans les équations de mouvement et fois environ le diamètre de l’orifice de sortie du jet.
la condition cinématique, on obtient le système : Quoique les approximations puissent sembler grossières, la
théorie de Rayleigh (figure 5) se vérifie assez bien dans les injec-
σ teurs à vibrations, lorsque l’on excite le jet liquide de vitesse u, à la
− i ρ A I0 (kr )ω = 2 (η0 − a 2 k 2 η0 )
a u
k A I ′ (kr ) = − i ω η fréquence ν correspondant à la longueur d’onde λmax : ν = .
0 0 λmax
71
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Référence Internet
AF3622
Atomisation, pulvérisation
et aérosols
Applications
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Référence Internet
AF3622
Λ (1+ 0, 45 Z 0 ,5 ) (1+ 0, 4 T 0 ,7 ) B | est une constante introduite pour prendre en compte les
= 9,02 effets de l’écoulement interne à l’injecteur. Des valeurs allant de
a (1+ 0,87 W e 167 , 0 ,6
2 ) 1,73 à 30 ont été proposées.
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Référence Internet
AF3640
Cristallisation et polymorphisme
Description du phénomène
par Michel BAUER
Directeur du Département international d’analyse
Sanofi-Synthélabo
Le but de ces articles est de décrire ce phénomène et d’envisager ses conséquences dans le
domaine pharmaceutique principalement, mais aussi dans d’autres a priori moins connus. Ils
paraîtront dans l’ordre suivant :
— [AF 3 640] - Cristallisation et polymorphisme. Description du phénomène ;
— [AF 3 641] - Cristallisation et polymorphisme. Physico-chimie du polymorphisme ;
— [AF 3 642] - Cristallisation et polymorphisme. Applications pharmaceutiques et autres.
Parution : avril 2004
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur AF 3 640 − 1
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b Cp
État liquide
surfondu
État
vitreux
c
Tg T
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© Techniques de l’Ingénieur AF 3 640 − 3
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Référence Internet
AF3641
Cristallisation et polymorphisme
Physico-chimie du polymorphisme
par Michel BAUER
Directeur du Département international d’analyse Sanofi-Synthélabo
euxième d’une série de trois, cet article aborde les principes physiques et
D thermodynamiques à l’origine du polymorphisme.
Après avoir montré comment la notion d’empilement de sphères peut
constituer un modèle simple permettant la compréhension du phénomène du
polymorphisme et de ses conséquences, une étude détaillée des forces physiques
mises en jeu dans les empilements cristallins est proposée (forces ioniques, de
Van der Waals, de répulsion) ainsi qu’une rapide évocation des techniques de
modélisation du polymorphisme.
Parution : avril 2004
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur AF 3 641 − 1
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Référence Internet
AF3641
Le lecteur trouvera une description détaillée du phénomène ainsi que les différentes défini-
tions concernant le polymorphisme dans le premier article de cette série :
[AF 3 640] - Cristallisation et polymorphisme. Description du phénomène.
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AF 3 641 − 2 © Techniques de l’Ingénieur
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1.2.1 Forces attractives mises en jeu pour des cristaux ioniques minéraux (exemple : NaCl) et 50 à
100 kJ/mole pour des cristaux ioniques organiques.
■ Forces ioniques
■ Forces de Van der Waals
Elles sont présentes essentiellement dans les cristaux ioniques
(par exemple, CINa, sel d’une molécule organique, etc.). Elles sont Pour expliquer la structure des cristaux constitués par des molé-
non directionnelles et peuvent être modélisées par la loi de cules neutres électriquement, il faut faire appel aux forces de Van
Coulomb régissant l’énergie potentielle électrostatique Ue entre der Waals. Celles-ci peuvent être expliquées par des considérations
deux ions i et j de charges opposées Zi e et Zj e séparés par une dis- quantiques [1], mais nous nous contenterons ici de les énumérer.
tance rij , égale à : ● Les forces d’attraction dipôle-dipôle (dites de Keesom) pro-
( Zi e ) ( Zj e ) viennent de l’existence de moments dipolaires permanents µ au
U e = – --------------------------------- (1)
4π ε 0 r ij sein des molécules et donnent lieu à une énergie d’attraction Ud-d
du type :
avec e charge (en Coulombs) de l’élection, 4
µ
ε0 constante diélectrique du vide. U d-d = – C 1 --------- (2)
r6
Les forces électrostatiques sont fortes et correspondent à des
énergies de l’ordre de plusieurs centaines de kilojoules par mole avec C 1 constante dépendant de la température.
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© Techniques de l’Ingénieur AF 3 641 − 3
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AF3641
● Les forces d’attraction de type induction (dites de Debye) ont forces de répulsion sont fondamentalement de nature quantique et
sont une conséquence directe, d’une part, du principe d’exclusion
pour origine l’influence du moment dipolaire permanent µ d’une
de Pauli en ce qui concerne les électrons des molécules qui se rap-
molécule sur la distribution des charges des molécules voisines prochent les unes des autres et, d’autre part, de la répulsion des
créant ainsi un effet de polarisation induite. L’énergie correspon- noyaux atomiques chargés positivement.
dante U ind est du type :
La variation de ces forces est extrêmement sensible à la distance
2
αµ intermoléculaire. C’est pourquoi, en termes de modélisation, on
U ind = – C 2 -------------- (3)
r6 utilise, pour traduire l’énergie de répulsion U R , des expressions
empiriques du type (avec C ′, B et b des constantes) :
avec C 2 constante,
α polarisabilité de la molécule. C′
U R = ---------- (5)
● Les forces de dispersion (dites de London) ont pour origine r 12
l’existence de moments dipolaires instantanés même au sein de
ou U R = B e–br (6)
molécules ne possédant pas de moments permanents (exemple :
gaz rares, CCl4 , etc.). dont l’évolution est extrêmement rapide dès que r tend vers sa
Le moment dipolaire instantané d’une molécule crée, comme valeur à l’équilibre r m .
dans le cas des interactions type Debye, une polarisation des molé-
cules avoisinantes par induction. L’énergie correspondante U L est
du type : 1.2.3 Énergie réticulaire. Modélisation
2 et prédiction du polymorphisme
α-
U L = – C 3 -------- (4)
r6
■ À partir de l’ensemble des forces décrites précédemment, il est
avec C 3 constante, possible a priori de calculer l’énergie réticulaire U ret du système
α polarisabilité. cristallin adopté par une molécule et de comparer le résultat à
Toutes ces forces n’ont pas de caractère directionnel et sont rela- enthalpie de sublimation ∆H subli à laquelle elle est reliée.
tivement faibles. L’énergie correspondante est de l’ordre de la
dizaine de kilojoules par mole. Cela explique pourquoi, dans le cas ■ Modélisation et prédiction du polymorphisme
des molécules organiques neutres, où ces forces de Van der Waals
Comme nous le verrons dans le paragraphe suivant, la structure
opèrent principalement, on trouve en général des températures de
cristalline adoptée par une molécule peut se transformer, en fonc-
fusion peu élevées.
tion des domaines de pression et de température, en une autre
● La liaison hydrogène a pour origine la présence dans une molé- structure dans le cadre d’un processus de transition de phase
cule des groupements du type R—O—H ou R1R2N—H ; on montre solide-solide. La raison profonde de cette caractéristique en est la
alors que, du fait de l’électronégativité des atomes d’oxygène et variation d’entropie des formes cristallines en fonction de la tem-
d’azote, les liaisons O—H et N—H acquièrent un caractère ionique pérature et de la pression ∆S (T, p ). Comme il n’est guère possible
important se traduisant par une fraction de charge élémentaire posi- de trouver un modèle mathématique permettant d’évaluer S (T, p ),
tive au niveau de l’atome d’hydrogène. Celui-ci peut alors établir la modélisation et la prédiction du polymorphisme s’opèrent en
des liaisons par pont hydrogène avec des atomes électronégatifs supposant les molécules au zéro absolu (absence de vibration des
comme l’oxygène et l’azote qui, eux, portent une charge négative molécules autour de leur point d’équilibre). Des logiciels sont
fractionnaire. Ce sont plus précisément les doublets libres qui subis- apparus sur le marché qui utilisent des champs de forces fondés
sent l’action attractive de la charge positive portée par l’atome sur l’utilisation de la mécanique moléculaire [67] [68]. Très généra-
d’hydrogène. Compte tenu de leur caractère p marqué (en termes lement, ces champs de force contiennent des termes décrivant
d’orbitale), on conçoit que la notion de directionnalité est prépondé- l’énergie de la molécule elle-même dans sa (ou ses)
rante. Les liaisons par pont hydrogène sont, par conséquent, diri- conformation(s) adoptée(s) dans la maille et, bien sûr, des termes
gées et vont jouer un rôle important dans l’émergence et la stabilité décrivant l’énergie d’interaction intermoléculaire à l’origine de
des formes cristallines par le maillage qu’elles introduisent. Ces l’existence de la structure cristalline.
l i a i s o n s c o rr e s p o n d e n t à d e s é n e r g i e s d e l ’ o r d r e d e 2 0 L’énergie potentielle totale E totale de la molécule au sein de la
à 30 kJ · mol–1 situées donc entre celles caractéristiques des liaisons structure cristalline est alors du type suivant [3] :
purement ioniques et celles correspondant aux liaisons de Van der
Waals. E totale = E s + E b + E tor + E vdw + E elec (7)
● Les forces de covalence correspondent à des liaisons homo- avec Es énergie de vibration des liaisons de la molécule entre
polaires se caractérisent par la mise en commun d’électrons des
couches externes. Elles sont par nature orientées et les énergies atomes voisins ,
mises en jeu sont de l’ordre de plusieurs centaines de kilojoules par Eb énergie de torsion angulaire dans le plan ,
mole. L’un des exemples les plus connus concerne les deux formes
Etor énergie de torsion autour d’une liaison
allotropiques du carbone, à savoir le diamant et le graphite où des
liaisons σ et π dans le deuxième cas sont mises en jeu. Nous ne
considérerons pas plus avant ce type de forces non présentes dans centrale ,
le polymorphisme cristallin des molécules organiques qui nous
occupent. Evdw énergie provenant des interactions de Van der Waals
Pour une étude plus approfondie, on pourra consulter les modélisées par des équations fondées sur les
références [1] [2] [3]. relations (2) (3) (4) (5) et (6),
Eelec énergie provenant des interactions électrostatiques
intra et intermoléculaire [équation type (1)].
1.2.2 Forces de répulsion
Un autre terme d’énergie rendant compte des liaisons hydro-
Comme nous l’avons dit au début de ce paragraphe, il faut intro- gène peut être également ajouté. L’énergie potentielle totale E est
duire des termes répulsifs dans l’énergie d’interaction intermolécu- fonction des positions intra et intermoléculaires des atomes i
laire afin d’expliquer l’existence des structures cristallines. Ces constituant les molécules repérées par des distances r i .
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AF3641
À partir de là, on recherche des minimums locaux de l’énergie l’agitation des molécules par rapport à leur point d’équilibre ainsi
∂ E totale que l’accès de celles-ci à diverses situations conformationnelles.
potentielle définis par --------------------
- = 0 et qui vont permettre de Autrement dit si, à la température de 0 K, les molécules dans les
∂ ri
formes 1 et 2 sont considérées comme figées dans des états éner-
remonter à la structure et aux positions des molécules dans la gétiques uniques donnés, au fur et à mesure que la température T
maille. va augmenter, pour une pression donnée, les molécules vont dis-
Nous renvoyons le lecteur à la littérature [3] [4] [5], mais il faut tribuer leur énergie suivant des degrés de liberté (en termes
souligner que la modélisation doit faire appel à des spécialistes. d’espace et de vitesse) de plus en plus nombreux (soit w leur nom-
Par ailleurs, dès lors que les molécules présentent la possibilité de bre). D’après L. Boltzmann, chaque forme sera caractérisée par une
nombreuses conformations, les temps de calcul peuvent devenir entropie :
rédhibitoire. Enfin, dans le cas relativement fréquent où la molé-
cule se présente sous forme de sels du type A+ X – par exemple, S 1 (T ) = R lg w 1
c’est plutôt la difficulté d’adapter les champs de force à la diversité à p donnée (8)
des problèmes qui est le point délicat. Il n’existe pas en particulier S 2 (T ) = R lg w 2
de champs de force susceptibles de prendre en compte les liaisons
ioniques dans les molécules organiques. Par contre, si les structu-
res absolues obtenues par analyse sur monocristaux sont disponi- Ces mêmes entropies, exprimées dans le cadre de la thermo-
bles, on peut calculer les énergies Ui (0) au zéro absolu pour dynamique classique d’équilibre, deviennent :
chaque forme cristalline i, ce qui peut apporter d’utiles informa-
tions en complément de celles obtenues expérimentalement et s,1
T
p ( )
dont il sera question au paragraphe suivant. S1 ( T ) =
0
CTT
----------------------- d T
Notons enfin que cette méthode fondée sur la minimisation de
à p donnée (9)
l’énergie potentielle réticulaire n’est pas toujours suffisante pour T s,2
C p (T )
prédire correctement les formes cristallines réellement obser-
vées [6]. La méthode peut générer en particulier un nombre impor-
S2 ( T ) =
0
----------------------- d T
T
tant de minimums locaux d’énergie produisant des structures
hypothétiques peu réalistes. s,1 s,2
avec C p ( T ) et C p ( T ) capacités thermiques à pression cons-
L’effet de la température doit être bien sûr considéré dans sa
relation avec l’entropie des systèmes. Il faut également considérer tante des deux formes cristallines 1 et 2 (en J · mol–1 · K–1).
l’aspect croissance cristalline et la stabilité mécanique des parti- À ce stade, il est important de comprendre que, plus l’énergie
cules qui en découle. totale d’un système est distribuée à travers ses composants sui-
D’autres approches sont possibles comme celles fondées sur la vant un grand nombre de degrés de liberté en termes de direction
notion « d’ingénierie cristalline » utilisant la notion de synthons de mouvement dans l’espace à trois dimensions et de distribution
supramoléculaires [7] [8]. On part d’une structure connue (phase des vitesses, plus une partie importante de cette énergie totale ne
mère) et on essaie d’extraire un fragment périodique contenant, si sera plus utilisable pour être transformée en une autre de type
possible, une part importante de l’énergie réticulaire de la phase mécanique et chimique par exemple ; d’où le concept introduit par
mère. W. Gibbs d’enthalpie libre G d’un système à une température T
sous une pression p correspondant à cette partie d’énergie unique-
Partant de ce motif de base, on tente de trouver un ou plusieurs ment transformable et qui va caractériser directement la réactivité
empilements dans l’espace par adjonction de nouveaux éléments physico-chimique (autrement dit la stabilité) du système.
de symétrie (ou déplacement d’éléments de symétrie déjà existant
de la phase mère). Nota : à propos du potentiel thermodynamique G introduit par Gibbs, on trouve, dans
la littérature, également les termes enthalpie libre de Gibbs ou énergie libre de Gibbs ou
Comme dans la situation décrite plus haut, on procède alors à bien énergie utilisable. Nous pourrons indifféremment utiliser les trois expressions.
une minimisation de l’énergie des réseaux ainsi générés. Ces
réseaux virtuellement générés peuvent faire l’objet d’un calcul de La relation fondamentale entre G, H, S et T devient :
leurs spectres de diffraction de rayons X théoriques permettant G (T ) = H (T ) – T S (T ) pour une pression p (10)
une comparaison avec les formes cristallines expérimentalement
obtenues. traduisant le fait :
énergie utilisable = énergie totale – énergie « perdue » ou non
transformable.
1.3 Étude thermodynamique Si nous considérons les deux formes cristallines, nous aurons
alors les relations :
du polymorphisme
G1 ( T ) = H1 ( T ) – T S1 ( T )
Dans toute la suite de ce paragraphe, la lettre ᐉ fait référence pour une pression p donnée (11)
G2 ( T ) = H2 ( T ) – T S2 ( T )
à l’état liquide (fondu) de la molécule et s à l’état solide (cristal-
lin). Dans le cas de deux formes cristallines 1 et 2 par exemple,
s,1 s,2 L’énergie libre G des deux formes est, comme on le voit, fonction
C p et C p désignent les capacités thermiques à pression
de la température T et de la pression p. L’étude thermodynamique
constante des formes cristallines 1 et 2 (à ne pas confondre avec du polymorphisme va donc consister à trouver les domaines de
le symbole C représentant la concentration). Quand il n’y a pas température et de pression où :
d’ambiguïté, ces symboles sont placés en indice comme dans
H s,2 , enthalpie de la forme cristalline (solide) 2.
G 1 < G 2 ⇒ forme 1 plus stable thermodynamiquement
G 2 > G 1 ⇒ forme 2 plus stable thermodynamiquement (12)
Il faut maintenant considérer l’influence de la température. En
élevant cette dernière, on va apporter à chacun des deux systèmes G 2 = G 1 ⇒ formes 1 et 2 en équilibre thermodynamique
(forme 1, forme 2) de l’énergie qui va augmenter dans le cristal
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Cristallisation et polymorphisme
Applications
par Michel BAUER
Directeur du Département international d’analyse Sanofi-Synthélabo
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1 Prise du 2 Dissolution
médicament
sous forme orale
(comprimés,
gélules) 3 Absorption
Passage dans
la circulation
sanguine
Concentrations plasmatiques (µg · mL–1)
Cp en molécules 10
au niveau de
la paroi A
8
Concentration
toxique
6
Parois intestinales
Cinétique Circulation 4 B
de dissolution sanguine
in vivo (J ) Concentration
Perméabilité P 2 minimale efficace
Molécules dissoutes C
Formulation solide 0
0 2 4 6 8 10 12
Cp concentration en molécules dissoutes de PA au niveau de la paroi intestinale Temps (h)
Figure 1 – Schéma très simplifié du processus de libération d’un principe actif PA absorbé par voie orale et de son passage dans la circulation
sanguine ; courbes des taux sanguins correspondants
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Exemple : citons les cas de l’ampicilline [1] [2] traitée ci-dessous, 1.2 Polymorphisme et profils
de la carbamazépine [3] [4], du pentabarbital [5], du chloramphénicol
[6], de l’érythromycine [7] [8] [9] (2e exemple présenté). de dissolution
Afin de souligner la complexité de la relation polymorphisme / disso-
lution / biodisponibilité, il est important de faire un certain nombre de
remarques dans le cas des molécules que l’on vient de citer. Même s’il n’y a pas de conséquence en termes de biodispo-
• Pour l’ampicilline susceptible de se présenter sous forme anhy- nibilité, il est important, ne serait-ce que pour des considérations de
dre ou de trihydrate, des conclusions contradictoires ont pu être tirées contrôle de qualité, d’illustrer succinctement les différents profils de
en termes de biodisponibilité. S’il a été montré que la forme anhydre dissolution susceptibles d’être rencontrés tant au niveau du principe
présente une dissolution plus rapide que le trihydrate, ce qui est un actif que du produit fini dans le cas de l’existence d’un polymor-
comportement assez classique (cf. article [AF 3 641], § 2) avec une phisme pour une molécule donnée. La cinétique de dissolution
meilleure biodisponibilité [1], d’autres études [2] ont pu conclure dépend, bien sûr, de la forme cristalline considérée (caractérisée par
l’inverse. En fait, on peut penser que, dans les formulations utilisées son enthalpie libre de Gibbs G), mais également de l’habitus, de
concluant à la bioéquivalence des deux formes, la composition et le l’état d’agglomération, de la distribution granulométrique, de la sur-
procédé d’obtention ont pu gommer les différences entre les formes face spécifique et de la réactivité surfacique. Pour accéder à la
anhydres et trihydratées en ayant, par exemple, favorisé la transforma- vitesse de dissolution intrinsèque J, on opère à partir d’une pastille
tion anhydre ⇒ trihydrate au cours de la fabrication de la forme galé- circulaire obtenue en comprimant le produit à étudier (vérifier que la
nique. pression n’a pas induit de transformation polymorphique). Les
effets de granulométrie, d’agglomération et de surface spécifique
• Pour l’érythromycine base, il a été montré qu’elle peut exister présenté au solvant sont ainsi éliminés. Si l’on se place dans des
sous diverses formes cristallines incluant une forme anhydre, une conditions où la concentration C(t) en solution à un instant donné t
forme dihydrate et une forme amorphe. Les études menées chez le est faible devant la concentration à saturation Cm à la température T
volontaire sain ont montré que les formes anhydre et dihydrate étaient et dans le solvant considéré, on constate très souvent que la
absorbées plus rapidement [7] [8] [9] que la forme amorphe et que vitesse :
celle présente dans la formulation commerciale (mélange de formes
anhydre et amorphe).
Bien que cette situation soit sans doute rare, on peut penser que la dC(t)
J = --------------- (pour t donné)
forme amorphe est moins mouillable et/ou se présente sous formes dt
d’agglomérats plus ou moins solubles, conduisant à une diminution de
la surface accessible au solvant (cf. § 1.6 le cas du furosémide). est constante.
Exemple : nous présentons, figure 2, le cas du sulindac [13]. On
En conclusion, il faudra toujours, dans le cas d’un polymorphisme note que, comme cela est très généralement le cas, la vitesse intrinsè-
avéré, effectuer une caractérisation complète des propriétés physico- que de dissolution J est plus grande pour les formes solvates organi-
chimiques des différentes formes, en particulier de leur solubilité et de ques que pour la ou les formes cristallines non solvatées, ce qui
leur cinétique intrinsèque de dissolution. Cependant, il est éventuellement peut être mis à profit pour améliorer la biodisponibilité.
aujourd’hui difficilement possible de prédire les conséquences du L’explication habituellement fournie [14] est que la variation d’énergie
polymorphisme sur la biodisponibilité, tant d’autres facteurs au libre de Gibbs de mélange ∆Gm est généralement négative (exother-
moins aussi importants peuvent intervenir dans ce domaine (méta- mie) dans le cas d’un solvant organique libéré durant la dissolution en
bolisme, variabilité intra-intersujet, formulation galénique, états milieu aqueux et contribue donc à l’augmentation de la cinétique de
d’agglomération, transformation solide/solide in vivo et in vitro, etc.). dissolution.
On remarque, dans le cas cité, la quasi-identité des vitesses de deux
Remarque sur l’utilisation des phases amorphes solvates qui amène à les considérer comme des formes solvatées
isoénergétiques (le concept de polymorphes isoénergétiques fait réfé-
Pour terminer ce paragraphe, nous allons aborder le cas des rence à la quasi-identité des solubilités sur une plage importante de
phases amorphes. Ces phases, caractérisées par une absence température et donc à un ∆G ≠ 0).
d’organisation à grande distance, présentent, comme nous
l’avons dit, une énergie libre de Gibbs G plus élevée que celle La figure 3 présente les courbes de la vitesse J obtenue pour les
d’une phase cristalline, même métastable, d’une molécule formes 1 (hémihydrate) et 2 (anhydre) de la molécule présentée
donnée. dans l’article [AF 3 641], § 2.5, figures 25, 26, 27, 28, 29.
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C (t )
25
2
20
1
15
10 t
forme anhydre
solvate chloroforme 1
solvate acétone
t
Figure 2 – Vitesse intrinsèque de dissolution du sulindac b cas d'une trimorphie
(d’après [13])
Soulignons de nouveau que, pour les molécules peu hydrosolu- Il est important de se rappeler que les molécules à l’état solide
bles, la distribution granulométrique et les états d’agglomération présentent toujours une certaine réactivité physico-chimique, bien
pourront jouer un rôle très important pouvant aller jusqu’à obscurcir sûr plus faible en général qu’à l’état liquide ou gazeux, encore que,
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et Bernard WEBER
Directeur de Recherche au CNRS, LPMIA – UMR 7040, Université Henri Poincaré Nancy I
et André THOMY
Directeur de Recherche au CNRS (Laboratoire commun CNRS Saint-Gobain, Unité Mixte 37)
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AF3680
e domaine des surfaces revêt une importance particulière car tout corps,
L liquide ou solide, interagit avec le milieu ambiant à travers la surface qui
le délimite. Or, les atomes se trouvant à la surface d’un solide ou d’un liquide
présentent une coordinence moins importante que ceux situés au cœur de ce
système. On conçoit donc que ces atomes confèrent à la surface des propriétés
tout à fait spécifiques. Ainsi, l’énergie nécessaire pour augmenter la surface
d’un solide est toujours positive, ce qui a pour conséquences, entre autres,
que les systèmes condensés ont tendance, pour minimiser cette énergie de
surface :
– à diminuer l’étendue de cette surface ;
– à réagir avec les molécules de l’atmosphère ambiante pour former une cou-
che dite d’adsorption ;
– à faire ségréger en surface l’élément du solide qui a la plus faible énergie
superficielle ;
– ou à conduire à des relaxations superficielles (modification des distances
entre les plans cristallins), voire donner lieu à de profondes reconstructions
superficielles.
Ces propriétés particulières donnent aux systèmes dispersés (présentant une
grande surface spécifique) un rôle important dans des domaines très divers de
la physique, de la chimie, mais aussi de la géologie et de la biologie. Certaines
réactions chimiques, thermodynamiquement possibles, sont accélérées, ou
sont favorisées quand elles sont en compétition avec d’autres réactions possi-
bles, grâce à la surface de certains solides. Ce phénomène, la catalyse hétéro-
gène, revêt une importance cruciale, par exemple en pétroléochimie. Des
remarques analogues pourraient être faites dans les domaines de la métallur-
gie, de la corrosion, de l’adhésion et de la rupture des solides, de la lubrifica-
tion, de la tribologie, de la croissance cristalline, de l’électronique, des micro-
systèmes, etc. À la limite, dans les nanosystèmes, quand le nombre d’atomes
« de surface » devient équivalent, voire supérieur, au nombre d’atomes « de
volume », la notion même de surface, comme délimitant un corps ou une
phase, perd de son sens et la physique elle-même peut changer de nature.
Le présent article traite plus particulièrement de l’adsorption et de la ségréga-
tion. Pour un panorama général de ces phénomènes et de leurs applications, on
pourra consulter les ouvrages cités au § 1.
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AF3680
& L’adsorption d’un gaz sur une surface peut se traduire par la for-
mation de liaisons chimiques fortes (énergies supérieures à quelques
dizaines de kilojoules par mole). Il s’agit alors de chimisorption et,
E ads
dans ce cas, il y a saturation pour des quantités de l’ordre d’une cou-
che monoatomique. Pour des énergies de liaison plus faibles (physi-
solide surface gaz
sorption), il se forme généralement plusieurs couches d’adsorption.
r
& Le terme de ségrégation, qui s’applique aux hétérogénéités de
composition, est utilisé par les métallurgistes. On distingue la
a cas d’une interface solide-gaz
ségrégation majeure, au niveau du lingot, et la ségrégation
mineure, au niveau du grain. Il s’agit dans ces deux cas de ségré-
gations hors équilibre dues aux vitesses de diffusion finies qui ne
E(r) permettent pas l’homogénéisation complète lors de la solidifica-
tion. Elles peuvent s’étendre sur des épaisseurs très importantes
(celles du lingot ou du grain).
La ségrégation superficielle à l’équilibre qui nous occupe ici a été
E dis mise en évidence plus tardivement. Elle trouve son origine dans
E s’
l’énergie superficielle qu’elle tend à minimiser ; elle subsiste à
l’équilibre et s’étend rarement sur plus de trois ou quatre couches
monoatomiques (1 nm environ).
Es
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AF3680
concernant les aspects structuraux, thermodynamiques et cinéti- Il vient immédiatement que a1 et a2* ainsi que a2 et a1* sont
ques, seront donc illustrés : orthogonaux. On démontre également que les aires des mailles
– par des exemples étudiés avec suffisamment de détails pour élémentaires dans l’espace direct et dans l’espace réciproque sont
avoir des résultats sûrs et précis (physisorption sur les solides inverses l’une de l’autre. Comme dans un réseau purement 2D le
lamellaires pour les changements de phase bidimensionnels) ; vecteur a3 dans la troisième direction est nul, il vient que le vecteur
– par des exemples d’intérêt didactique (cinétique d’adsorption) a3* tend vers l’infini. En conséquence, le réseau réciproque d’un
ou pratique (ségrégation aux joints de grains), mais qui n’ont pas réseau 2D est constitué par un système de tiges perpendiculaires
toujours atteint le même stade de précision que les précédents. au réseau direct 2D et passant par les nœuds du réseau construit
grâce aux vecteurs a1* et a2*. (Notons que dans une autre conven-
Il convient en effet de se souvenir que les systèmes où l’équi- tion, le réseau réciproque 2D peut être défini, de façon analogue au
libre complet (gaz-surface-volume) a été étudié, en prenant en réseau 3D, par les relations a1. a1* = a2 . a2* = 2p. Dans ce cas le
compte toutes les relaxations superficielles du réseau, sont produit des aires des mailles élémentaires dans l’espace direct et
peu nombreux. dans l’espace réciproque est égal à 2p).
Le cas de la physisorption est à cet égard intéressant, car il n’y
a pas de dissolution et le substrat se comporte comme un Enfin, on peut montrer que le diagramme de diffraction
réservoir à peu près inerte en ce sens que l’adsorption n’y observé en DEL est une image du réseau réciproque associé à
introduit que des perturbations négligeables et au demeurant la structure de la surface, les directions de diffraction pouvant
réversibles. être prévues par la construction d’Ewald. Pour cet aspect, le
lecteur pourra se reporter aux articles [29] et [30].
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AF3680
ou encore, si a = 0, c’est-à-dire si a1//b1 et a2//b2 : D’après les définitions du réseau réciproque, on relie a1 et a2 à
a1* et a2* et on a les conditions suivantes :
b1 b2
p si la maille est primitive 1
a1 a2 a 1 est perpendiculaire à a 2 et ja 1 j =
ja 1 j
b1 b2
c s¢il s¢agit d¢ une maille centrée pffiffiffi
a1 a2 2
a 2 est perpendiculaire à a 1 et ja 2 j =
On trouvera sur la figure 2 quelques exemples fréquemment ja 1 j
rencontrés.
Puis, on détermine b1 et b2 en calculant les coefficients de la
L’avantage de la notation de Wood est sa simplicité. Malheureu-
matrice transposée inverse de M* :
sement, cette notation ne permet pas de représenter toutes les
surstructures, en particulier si l’angle entre a1 et a2 n’est pas b 1 = m11 a 1 + m12 a 2
conservé entre b1 et b2, ou si la structure du substrat n’a pas de
périodicité commune avec l’adsorbat. C’est la raison pour laquelle, b 2 = m21 a 1 + m22 a 2
dans les cas complexes, la notation matricielle a été introduite :
avec :
b1 a 11 a 12 a1 a1
= =A
b2 a 21 a 22 a2 a2 m22
m11 = =2
On notera la surstructure par la matrice A et l’on trouvera pour det M
les exemples de la figure 2 la double notation.
m21
m12 = - = -1
2.2.3 Analyse d’un diagramme DEL simple det M
Du point de vue de l’expérimentateur, la détermination de la
structure des phases adsorbées se fait encore souvent par DEL en m12
m21 = - =2
comparant le diagramme de diffraction obtenu quand une couche a det M
été adsorbée sur la surface à celui de la surface nue. On se propose
de traiter ici l’exemple d’une surstructure sur la face (110) d’un cris- m11
tal c.f.c. (cubique faces centrées). Les diagrammes DEL observés m22 = =1
det M
sont schématisés sur la figure 3a. Les vecteurs de base associés
au réseau réciproque de la surstructure b1* et b2* peuvent être Soit, dans l’exemple de la figure 3 :
liés aux vecteurs de la maille du réseau réciproque du substrat a1*
et a2* : b 1 = 2a 1 - a 2 et b 2 = 2a 1 + a 2
b 1 = 1 a 1 - 1 a 2 >
9
On en déduit alors la surstructure de la couche adsorbée dans le
1=4 - 1=2 a 1
b1 a1
=
4 2 d0 où réseau direct (figure 3b), qui peut être notée :
= = M
1 1 b2 1=4 + 1=2 a 2 a 2
b 2 = a 1 + a 2 > ;
– soit c (4 ¥ 2) dans la notation de Wood ;
4 2
2 1
– soit dans la notation matricielle.
2 1
2 0 1 1 a2
a p (2 x 2) = b c (2 x 2) =
0 2 1 1 b2
b2
a1
b1 b1
a a2
1 1 a1
c (√3 x √3) R 30° = substrat
1 2 b
adsorbat
Figure 2 – Exemples de structures superficielles fréquemment Figure 3 – Exemple de détermination d’une structure superficielle (b)
rencontrées (d’après [9]) à partir d’un diagramme de diffraction (a) (d’après [9])
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A245P1
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A245P1
∂A 冣
冢 -----------
∂F
Un système hétérogène est composé de phases séparées par γk = - ( A) (2)
T , V , N a , Aᐉ
k
des interfaces. À l’équilibre et en absence d’une force extérieure, la
valeur de toute grandeur thermodynamique est constante dans avec ᐉ ≠ k .
n’importe quel point d’une phase. Aux interfaces, un bon nombre
de propriétés peuvent changer d’une façon plus ou moins abrupte, La fonction de partition q d’une molécule monoatomique est :
telles la densité de matière, l’énergie d’interaction entre molécules,
l’entropie, etc., alors que d’autres, tels le potentiel chimique ou la +∞
température, ne varient pas. 1
q = -------
h3
- 冕冕冕冕冕冕 冢 ε
冣
exp – ------------ d x 1 d x 2 d x 3 dp 1 dp 2 dp 3
k BT
(3)
(A)
Le potentiel chimique µa d’un composé a dans une phase A v –∞
est défini comme le travail qu’il faut faire sur le système pour que
(A)
avec kB constante de Boltzmann,
le nombre de molécules dans cette phase augmente de dN a ,
h constante de Planck,
tout autre paramètre d’état étant constant. Si l’énergie libre du
système est F, il vient : ε énergie totale (cinétique plus potentielle) de la
molécule,
冢 冣
(A) ∂F x i et pi respectivement coordonnées conjuguées de position
µa = -------------------
(A)
(1) et d’impulsion qui caractérisent ses trois degrés de
( A) (B)
∂N a T , V , N b , N a , Ak
liberté.
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A245P1
Nota : comme, lors des variations d’états de la matière considérées dans cet article, les L’énergie libre des N (g) molécules est liée à leur fonction de par-
états électroniques de la molécule demeurent, en première approximation, inchangés,
nous nous affranchissons du calcul de la fonction de partition électronique. Par ailleurs,
tition par la relation bien connue :
dans un but de simplicité, nous nous limitons à la considération de corps monoatomiques.
Il est clair que la considération de molécules polyatomiques introduit dans l’équation (3) de F ( g ) = – k BT ln Q N ( g )
nouveaux couples (xi , pi ), un pour chaque degré de liberté.
L’intégration en (3) se fait sur le volume V accessible à la molécule, L’énergie libre par molécule du gaz (fg = F (g)/N (g)) est donc :
en ce qui concerne les coordonnées xi , et de – ∞ à + ∞, en ce qui fg = ε p,g – k BT lnvg – k BT + µ0 (8)
concerne les impulsions pi .
et, d’après (1), le potentiel chimique s’écrit :
La fonction de partition de N molécules monoatomiques d’une
même espèce s’écrit : qg
- = ε p,g – k BT ln v g + µ 0
µ ( g ) = – k BT ln ------------- (9)
+∞ N (g)
QN
1
= -------------------
h3N N !
- 冕v冕冕 冕 冢
....
–∞ k BT
E
冣
.... exp – ------------ d x 1 … d x 3 N dp 1 … dp 3 N (4) où vg = V /N (g)
et µ0 = k BT ln Λ3
Ici E est l’énergie totale et le terme 1/N ! tient compte de l’indis-
cernabilité des molécules. Si la force d’interaction entre les
molécules du système ne dépend pas de leur énergie cinétique, on 1.1.3 Fonction de partition
peut intégrer séparément les intégrales multiples des équations (3) d’un cristal monoatomique
et (4) suivant les coordonnées de position x i et d’impulsion pi .
L’énergie cinétique par degré de liberté de la i -ième molécule
pouvant s’écrire : Le volume accessible à une molécule, qui vibre autour d’un
nœud du réseau d’un cristal monoatomique, est calculé souvent à
pi l’aide de l’approximation d’oscillateurs harmoniques, en supposant
ε k , i = ----------
-
2m une seule fréquence de vibration ν0 (modèle d’Einstein). Pour des
températures suffisamment élevées (k BT Ⰷ h ν0 ), on obtient pour
où m est la masse moléculaire, l’intégration de (4) suivant les 3N la fonction de partition d’une molécule (monoatomique) vibrant
coordonnées d’impulsions pi aboutit au facteur : autour d’un nœud du réseau :
( 2π mk B T ) 3 N /2 ~ – ε p,c
------------------------------------------- = Λ– 3N q c = Λ –3 v 0 exp ----------------- (10)
h3N k BT
où Λ = h /(2 π mk BT )1/2, appelé longueur d’onde thermique de avec εp,c énergie potentielle de la molécule au repos,
De Broglie, ne dépend, pour une espèce donnée, que de la tempé- ~ 3
rature. L’intégrale d’ordre 3N qui reste après cette opération sur v0 = ( k B T /2π m ) 3/ 2/ ν 0 volume moyen de vibration de la
l’équation (4) : molécule.
Comme le cristal représente un état localisé, la fonction de
ZN
1
= ---------
N!
冕 冕 冢 冣
v
– Ep
.... exp ------------
k BT
d x 1 … dx 3 N (5)
partition des N (c) molécules est simplement :
(c )
(c ) ~ N (c ) – Ep N (c)
Q N (c ) = Λ – 3 N v 0 exp ------------------ = q c
appelée intégrale de configuration, rend compte de la répartition de k BT
l’énergie potentielle E p du système dans tous les états accessibles
(c)
à ses molécules. Son calcul est en même temps le but principal et avec Ep = N ( c ) ε p,c
la difficulté majeure que rencontre la thermodynamique statistique,
comme on le verra à partir des exemples suivants. et l’énergie libre par molécule, égale au potentiel chimique :
~
f c = µ ( c) = ε p,c – k BT ln v 0 + µ 0 (11)
1.1.2 Fonction de partition d’un gaz parfait
La comparaison de (8) et (11) montre que, en plus de la différence
Cette phase est caractérisée par l’accessibilité du volume entier V dans les énergies potentielles et dans les volumes moyens attribués
à toutes les N (g) molécules (considérées comme des points maté- à une molécule du gaz ou du cristal, une molécule dans le gaz est
riels) et par l’absence d’interaction entre elles, d’où l’indépendance plus riche en entropie puisqu’elle est libre d’occuper n’importe quel
(g)
point du volume total en même temps que toute autre molécule.
de l’énergie potentielle E p des coordonnées de position x i . On a Cette entropie commune a la valeur maximale de k B par molécule
pour la fonction de partition : pour le gaz parfait.
Les deux exemples considérés montrent que le calcul de l’intégrale
(g)
–Ep de configuration (et des fonctions thermodynamiques qui en décou-
Λ – 3 N (g) V N (g)
QN (g) = ------------------------------------- exp ------------------- (6) lent) est aisé dans deux cas extrêmes, celui du gaz parfait, dont les
N ! ( g ) k BT
molécules sont totalement délocalisées à la suite de l’absence de
toute interaction, et celui d’un cristal, dont les molécules sont
Si l’on compare ce résultat à la fonction de partition qg d’une parfaitement localisées par la forte interaction entre elles. Dans les
seule molécule évoluant dans le même volume V, obtenue par deux cas, le traitement est facilité par la supposition que les
intégration de (3), on constate que : molécules sont des points matériels.
N (g) N (g) Quand les molécules de la phase considérée interagissent modéré-
1 – ε p,g qg ment et que, en plus, leur volume est comparable au volume libre,
Q N ( g ) = ----------------- Λ – 3 V exp ----------------- = ----------------- (7) le calcul de l’intégrale de configuration de cet état dense mais désor-
N (g) ! k BT N (g) !
donné (gaz réel, liquide) n’est possible qu’au prix d’approximations
importantes ou par des méthodes numériques. Cependant, on peut
(g)
avec ε p,g = E p / N ( g ) = Cte énergie potentielle de la molécule. dire d’une façon qualitative que l’énergie libre par molécule dans
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ces cas est toujours donnée par une expression semblable à (8) et 1.2.2 Équilibre cristal - bain fondu. Surfusion
que l’entropie commune est inférieure à k B .
Il n’existe pas d’expression simple, analogue à l’équation (12),
qui relie la pression et la température auxquelles un cristal est en
équilibre avec son propre bain fondu, étant donné l’impossibilité
1.2 Équilibres entre les phases infinies déjà évoquée de calcul analytique de la fonction de partition d’un
liquide. Des théories modernes plus ou moins exactes [3] arrivent
1.2.1 Tension de vapeur d’un cristal monoatomique. cependant à calculer, avec une bonne précision, la température de
Sursaturation fusion Tf définie d’habitude à la pression atmosphérique.
La différence des potentiels chimiques des deux phases hors
À l’équilibre, les potentiels chimiques d’un composé dans toutes équilibre, toujours égale au travail de transfert d’une molécule, est
les phases doivent être égaux. Pour un cristal monoatomique dont mesurée dans ce cas, à pression constante, par l’écart entre la
la vapeur est un gaz parfait, l’égalité des équations (8) et (11) conduit température Tf du point de fusion et la température T, ∆T = Tf – T,
à l’expression de la pression de vapeur saturante [2] : comme suit :
冕
T
∆T
( 2π m ) 3/2 3 – φ0 ∆µ = ( s ᐉ – s c ) dT ≈ ∆ h f --------
- (16)
- ν 0 exp ------------
p 0 = -------------------------- - (12) Tf Tf
( k BT ) 1/2 k BT
avec s ᐉ et s c respectivement entropies par molécule du bain et
où on a posé p 0 = k BT /vg et on a désigné par φ 0 la différence des du cristal,
énergies potentielles d’une molécule dans le gaz et dans un nœud ∆h f enthalpie de fusion par molécule.
du réseau. φ 0 représente le travail nécessaire pour extraire une
molécule d’un nœud et l’envoyer dans la vapeur et de ce fait est
approximativement égal à l’enthalpie de sublimation ∆h s par 1.2.3 Comportement des différentes faces
molécule à la température du zéro absolu. Comme, par ailleurs, on d’un cristal à l’équilibre
pose souvent l’énergie potentielle dans le gaz égale à zéro, la
relation entre ces grandeurs est : L’égalité des potentiels chimiques de la vapeur et du cristal qui
conduit à l’équation (12) suppose que la position de la molécule au
φ 0 = ∆hs = ε p,g – ε p,c = – ε p,c sein du réseau, pour laquelle le potentiel chimique du cristal a été
calculé, est représentative du réseau tout entier, de façon que :
L’expression (12) peut être obtenue d’une façon simple si on
postule, à l’équilibre, l’égalité entre la fréquence d’évaporation : (c)
Ep = N ( c ) ε p,c
● – φ0 Par ailleurs, le fait que le même résultat soit obtenu en posant
n0 = ν 0 exp -------------
→
(13)
kBT égales les fréquences d’évaporation et de condensation d’une
molécule à la surface du cristal suggère que ladite position est un
à partir d’un site de surface, et la fréquence de condensation d’une site de surface. La position qui remplit les deux conditions est
molécule : montrée schématiquement sur la figure 1 (site C ) pour un cristal de
réseau cubique simple. Une molécule dans cette position a une
● p0 k BT 1 énergie potentielle ε p,c égale à la moitié de l’énergie potentielle d’une
n0 (14)
→
- ---------------
= ------------------------------------- - ---------
( 2π mk BT ) 1/2 2 π m ν 20 molécule au centre du cristal, d’où son nom « position de
demi-cristal » [4]. En outre, cette même position est un pas
répétable [5] pour la construction du cristal tout entier (en négligeant
sur ce même site, dont l’aire est supposée être l’aire moyenne de les effets des bords), car si l’on enlève ou si l’on y ajoute une
vibration : (c)
molécule, la même position en résulte. La condition : E p = N (c ) ε p,c
~ = k BT 1
a se trouve donc vérifiée. La position de pas répétable est donc le site
--------------- -------2-
2π m ν de surface du cristal dans lequel, à l’équilibre, les fréquences de
0
condensation et d’évaporation sont égales. Comme, par ailleurs, le
Cette approche cinétique de l’équilibre pose cependant, comme potentiel chimique d’une molécule dans cette même position est lié
on le verra au paragraphe 1.2.3, le problème de la non-équivalence aux propriétés volumiques du cristal (tension de vapeur, point de
des différents sites sur la surface, due à l’anisotropie du cristal. fusion, etc.), il est clair qu’elle doit être retrouvée sur n’importe quelle
face cristallographique.
Quand les potentiels chimiques du cristal µ (c) et de la phase
ambiante µ (p) ne sont pas égaux, on dit que cette dernière est sur-
saturée ( µ (p) > µ (c) ) ou sous-saturée ( µ (p) < µ (c)). Si la phase
ambiante est un gaz parfait et si l’écart de l’équilibre se fait par
variation de sa pression à température constante, la sursaturation
ou la sous-saturation est définie comme étant égale à :
(g) p
∆ µ = µ (g) – µ 0 = k BT ln --------
p0
(g)
où µ0 est le potentiel chimique du gaz à la pression de
saturation p0 .
Comme pour des faibles variations de la pression, le potentiel
chimique du cristal ne varie pas, on peut écrire pour le travail
gagné lors du transfert d’une molécule du gaz vers le cristal :
w = µ (c) – µ (g) ≈ µ (0g ) – µ ( g ) = – ∆µ (15) Figure 1 – Surface de la face (100) d’un cristal cubique simple
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Les autres sites de surface montrés sur la figure 1 ne sont, — conserve son profil, car, pour créer la moindre protubérance,
évidemment, pas identiques, par leur environnement, à celui de on est amené à déposer des molécules dans des sites ad pour les
demi-cristal. La différence entre eux est manifeste si l’on considère voir aussitôt disparaître. Par contre, le creusement d’une cavité a
leurs degrés d’occupation par des molécules adsorbées [6]. comme effet l’augmentation du nombre des sites in qui sont très
Nota : dans ce qui suit, nous allons utiliser la notion de molécule adsorbée sans rapidement comblés.
distinction de la nature du support. Quand le support est de la même espèce que la
molécule, il est évident qu’il s’agit de phénomènes de croissance ; quand il est d’une nature On peut se rendre compte facilement que l’environnement
différente, nous avons affaire à une adsorption étrangère ou à la formation de couches (exprimé en nombre de voisins) d’une molécule en position ad est
minces sur support. exactement complémentaire à celui d’une molécule en position
+
Le temps moyen d’occupation τ i d’un site i est égal à la valeur symétrique in (par exemple A et E ou B et D ). En effet, l’addition
●
des deux aboutit à l’environnement d’un site dans le volume pour
réciproque de la fréquence d’évaporation n i d’une molécule de → lequel le travail, 2φ 0 , d’extraction d’une molécule est le double du
ce site, elle-même donnée par une expression analogue à (13) travail de séparation de la même molécule d’une position de
contenant le travail φi de séparation de la molécule de ses voisins. 0 0
demi-cristal. Si l’on désigne par φ ad et φ in les travaux de séparation
Le temps moyen de non-occupation τ – d’un site est égal à la valeur d’une molécule à partir des sites symétriques A et E, il résulte :
●
→
= ---------------------
+
τi +τ– à la molécule qui viendra se déposer le même environnement (trois
(18) premiers voisins) que celui de la face (100), les quatre autres sites
(A, B, D, E ) ont eux aussi cet environnement et sont donc identiques
Le tableau 1 montre, dans le cas du modèle de cristal cubique
à C. Tout site de surface de la face (111) a alors un degré d’occupation
simple, en supposant que les forces intermoléculaires soient limitées
d’un demi, et la distinction entre molécules adsorbées sur la surface
aux premiers voisins (cristal de Kossel) et pour une valeur raison-
et molécules incorporées dans la surface n’existe pas. Ces faces,
nable de l’énergie ψ d’une liaison entre ces derniers, les taux de
appelées faces K (kinked ), répondent par conséquent à la condition :
recouvrement et les fréquences d’échange de molécules dans les
sites représentés sur la figure 1. On constate d’abord que le degré 0 0
de recouvrement du site de pas répétable est d’un demi, résultat φ in – φ 0 = φ 0 – φ ad = 0 (20)
découlant du fait que les molécules dans cette position sont en
équilibre avec la vapeur saturée. Les molécules qui occuperaient les tout comme les faces F remplissaient la condition (19).
sites A et B auraient un degré de recouvrement nettement inférieur
à un demi et ne pourraient pas être considérées comme appartenant La comparaison de (19) et (20) révèle un aspect qualitatif
au cristal. On appellera ces deux types de sites : sites d’adsorption important de la différence fondamentale entre faces F et K. Comme
ou sites ad. Les sites D et E sont, par contre, occupés à un degré on peut le constater sur la figure 1, la distinction entre les sites ad,
avoisinant un. Les molécules qui s’y trouvent sont donc incorporées demi-cristal, et in (A, C, E ) est que :
dans le cristal, d’où la dénomination sites in. (0) — dans le premier site, une molécule adsorbée ne possède pas
de voisins dans le plan de la surface ;
— dans le deuxième site, elle possède la moitié du nombre
Tableau 1 – Énergie de désorption réduite i / k B T , maximal de tels voisins ;
degré de recouvrement i et fréquence d’échange fi — dans le troisième site, elle possède tous ces voisins.
avec la vapeur d’une molécule adsorbée
dans les différents sites de surface de la figure 1
i fi
Type de site ------------
- i
kB T (s–1)
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La matière molle
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A1195
Les interactions de Van der Waals sont dues aux interactions attrac-
1.1 Définition tives entre dipôles. Ces dipôles peuvent être soit permanents, soit
induits. Par exemple, une molécule d’eau possède un moment dipo-
La dénomination matière molle peut sembler quelque peu étrange laire permanent de par son anisotropie de forme. Mais même un
et n’a en fait vraiment fait son apparition qu’au début des années atome (ou une molécule) totalement isotrope possède un moment
1990 pour décrire l’activité du physico-chimiste étudiant la matière dipolaire à chaque instant à cause des fluctuations du nuage élec-
dans l’état condensé (c’est-à-dire n’étudiant ni les gaz ni les plasmas) tronique autour du noyau atomique ; ce dipôle instantané donne lieu
sans pour autant étudier les solides ou les liquides. Le succès de à un champ électrique qui pourra donc déformer le nuage électro-
cette dénomination est certainement lié au couronnement par le Prix nique d’un atome voisin et induire ainsi un dipôle (ce type d’inter-
Nobel de Physique en 1991 de Pierre-Gilles de Gennes, qui est le action dipôle-dipôle est appelé interaction de dispersion ou de
promoteur de la discipline depuis trois décennies [1]. London). Il est ici hors de notre propos de développer la théorie des
Mais pourquoi utiliser le terme de matière molle ? Le sens premier interactions de Van der Waals, et il suffira de retenir que ces inter-
de mou est « qui cède facilement à la pression », « facile à modeler » actions sont proportionnelles à la polarisabilité des atomes ou molé-
et c’est bien de cela dont il s’agit. Nous définissons la matière molle cules, toujours attractives, et proportionnelles à 1/r 6 où r est la
comme de la matière qui, soumise à de faibles perturbations ou à distance entre les deux atomes, le coefficient de proportionnalité
cause d’infimes modifications de structure, change complètement étant de l’ordre de 10 –77 J · m6. La polarisabilité décrit la facilité avec
de propriétés. Citons deux exemples : laquelle un atome ou une molécule acquiert un moment dipolaire
— la vulcanisation du caoutchouc : quelques ponts chimiques quand il est soumis à un champ électrique. Remarquons que le critère
entre chaînes de polymères suffisent pour passer d’un liquide vis- de mollesse défini paragraphe 1.1 (interaction de l’ordre de l’énergie
queux à un solide élastique (figure 1) ; thermique) conduit à définir une taille caractéristique des matériaux
— les dispositifs d’affichage à cristaux liquides : une faible de la matière molle de l’ordre du nanomètre. Quand on considère
tension électrique (de l’ordre de 1 volt) suffit à faire basculer l’orien- non plus deux atomes ou deux molécules mais deux objets en inter-
tation d’une assemblée de molécules anisotropes confinées entre action (par exemple deux billes de silice), on a besoin d’intégrer
deux plaques et en modifie ainsi les propriétés optiques. toutes les interactions élémentaires sur le volume des deux objets ;
cela a conduit à l’introduction d’une constante dite constante de
La définition précédente peut sembler encore vague. Nous défi- Hamaker (souvent notée A ) qui tient compte de la nature du couple
nissons plus rigoureusement les systèmes de la matière molle des objets interagissant et du milieu qui les sépare. Par exemple,
comme des systèmes dont l’énergie caractéristique de cohésion, l’interaction par unité de surface entre deux demi-espaces infinis
c’est-à-dire l’énergie d’interaction de ses composants élémentaires, (infinis voulant bien sûr dire plus grands que la portée des forces
est plus petite ou comparable à l’énergie thermique kT (avec k la de Van der Waals, environ 100 nanomètres) séparés d’une distance
constante de Boltzmann et T la température) : on conçoit alors d est donnée par :
aisément que cette limite peut définir un critère de mollesse d’un
matériau. Notons que la matière molle est habituellement désignée A
– -----------------------
2
-
par le terme complex fluids outre-Atlantique. 12 π d
La constante de Hamaker A est positive pour deux matériaux iden-
tiques quel que soit le milieu les séparant mais peut être éventuel-
1.2 Interactions lement négative (et donc donnant lieu à des interactions répulsives)
pour deux matériaux différents séparés par un troisième matériau.
Les interactions donnant lieu à l’établissement de liaisons cova- L’ordre de grandeur d’une constante de Hamaker est de 10 –20 J ; par
lentes ne forment évidemment pas des matériaux mous, car leur exemple, la constante de Hamaker pour deux milieux en polystyrène
énergie est de l’ordre d’un électronvolt, soit quelques dizaines de séparés par du vide est 6,5 × 10 –20 J et de 1,4 × 10 –20 J quand ils
fois l’énergie thermique kT [rappelons que kT = 4 × 10 –21 joule (ou sont séparés par de l’eau.
1/40 électronvolt) à la température ambiante]. Les interactions qui
nous intéressent ici seront essentiellement les interactions de Van
der Waals qui existent pour tous les matériaux et les interactions 1.2.2 Interactions électrostatiques
électrostatiques coulombiennes [2].
Les objets de la matière molle sont souvent chargés et donc
interagissent électriquement. Considérons deux molécules portant
chacune une charge élémentaire ± e, où e est la charge élémentaire
de l’électron, le critère de mollesse définit une taille caractéristique
donnée par :
2
e
ᐉ B = ---------------------------
4 π ε kT
où ε est la permittivité. Si le milieu est de l’eau, cette longueur,
appelée alors longueur de Bjerrum, est de l’ordre d’un nanomètre
(0,7 nm).
Quand nous considérons des objets chargés dans de l’eau (qui
est le solvant le plus courant), nous devons tenir compte du
phénomène d’écrantage des charges. Cela est très simple : les ions
présents dans l’eau sont évidemment sensibles aux charges des
objets. Supposons que ces derniers soient chargés positivement,
Figure 1 – Vulcanisation du caoutchouc : quelques ponts chimiques les ions négatifs (anions) de la solution vont alors être attirés par
(usuellement fournis par des atomes de soufre) suffisent ces objets et les décorer d’une couronne négative et, par
à transformer un liquide polymère visqueux (a ) en un solide élastique conséquent, les objets apparaîtront moins chargés. Les répulsions
(b ) aux applications nombreuses électrostatiques entre objets seront donc moins importantes. Ce
phénomène d’écrantage est décrit par la longueur de Debye qui
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A 1 195 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
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AF3682
Combustion et explosion
de prémélanges gazeux et sûreté
des installations
103
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AF3682
104
Référence Internet
AF3682
1. Contexte de la physique
de la combustion des
prémélanges gazeux
Prémélange butane/air
1.1 Contexte
Dans les applications industrielles, la combustion relève généra-
lement de plusieurs disciplines scientifiques : la chimie, la thermo-
dynamique et la mécanique des fluides. Elle se situe donc au
carrefour de ces connaissances et le Pr. Von Karman [7] [20] lui
donne même le nom évocateur d’aérothermochimie.
CH4 + 2O2 → CO2 + 2H2O (1) Figure 1 – Exemple de flamme de prémélange butane/air
105
Référence Internet
AF3682
Enfin, le transfert de masse est principalement illustré par thermodynamiques qui sont la pression P, la température T et la
l’expansion des produits ou gaz brûlés composés de dioxyde de masse volumique ρ, N – 1 masses volumiques partielles ρi et trois
carbone et de vapeur d’eau qui sortent à l’extrémité de la bouteille. variables cinématiques constituées des trois composantes de la
Il nous reste à expliquer un point important : est-ce que les phéno- vitesse Uα . Le même nombre d’équations (N + 5) est nécessaire
mènes observés dans l’expérience précédente dépendent de la pour fermer le système.
quantité de gaz introduite par le briquet ? Généralement, la propa-
gation autonome de la flamme n’a lieu que dans un domaine de La première exprime que, dans tout écoulement, la masse se
composition bien défini, appelé domaine d’inflammabilité. Il est conserve, soit :
limité pour les mélanges pauvres (respectivement riches) par la 3
limite inférieure (respectivement supérieure) d’inflammabilité, cor- ∂ρ ∂
∂t α∑
+ [ρ Uα ] = 0 (2)
respondant à la quantité minimale (respectivement maximale) de ∂x
=1 α
combustible dans l’oxydant permettant la propagation d’une
flamme autonome. Pour l’hydrogène dans l’air et dans les Le fluide étant formé de N espèces chimiques différentes, la diffu-
conditions ambiantes de température et de pression, ces limites sion et les réactions chimiques vont faire varier les concentrations
sont voisines de 4 et de 75 vol %. Elles traduisent la compétition de chaque espèce au sein du mélange gazeux. Pour chacune des
entre l’apport de chaleur par la réaction chimique et les pertes de espèces i, on peut écrire l’équation de conservation de la masse
chaleur par conduction, les recombinaisons radicalaires pouvant partielle ρi :
aussi intervenir sur le phénomène d’inflammation. Les limites
dépendent de la nature des constituants, de la présence d’éven-
tuels diluants (azote, vapeur d’eau...) et des conditions de pression 3 3
∂ρi ∂ ∂
∂t α∑
et de température. Nous n’étudierons pas ici le processus d’inflam- + [ρi Uα ] = ∑ [− ji ,α ] + ρω:i (3)
∂x
=1 α
∂x
α =1 α
mation et le lecteur est à nouveau renvoyé aux ouvrages [20] [80]
[95] pour plus d’informations sur ce sujet.
Le terme ω:i représente l’action des réactions chimiques sur
Au-delà de l’exemple précédent, la combustion des prémélanges l’espèce i. Le flux diffusif ji,α de l’espèce i dans le mélange
gazeux se retrouve dans beaucoup de situations que les auteurs s’exprime généralement suivant la loi de Fick :
de [46] ont qualifiées d’intentionnelles ou d’accidentelles suivant le
contrôle effectif de la réaction chimique. Les auteurs du présent
article s’intéressent principalement aux applications accidentelles : ∂Yi
ji ,α = − ρ _i ,m (4)
explosions [11] [16] [25] [78] [79] [147], feux torche [131] [148] et ∂xα
incendies [86]. Le Commissariat à l’énergie atomique et aux éner-
gies alternatives s’est intéressé aux explosions accidentelles Cette expression simple suppose que la seule force motrice de la
d’hydrogène suite à l’accident du réacteur 2 de la centrale de diffusion est le gradient de la fraction massique de l’espèce
Three Mile Island en 1979. Lors de cet accident grave, de l’hydro- i (Yi = ρi /ρ ). On néglige donc l’effet des autres espèces gazeuses et
gène produit par oxydation des gaines du combustible nucléaire a des gradients de température et de pression. Des hypothèses
été relâché dans l’enceinte de confinement. Il s’est donc mélangé à moins restrictives ont été prises dans les travaux de Ern et
l’air et à la vapeur d’eau présente. Ensuite, une étincelle ou un Giovangigli [56]. En sommant ces N équations de transport,
point chaud a initié la réaction de combustion. L’explosion générée l’équation de conservation de la masse doit être retrouvée, ce qui
n’a pas endommagé l’enceinte de confinement. Plus récemment, implique :
lors des accidents de la centrale de Fukushima, de l’hydrogène
provenant du même phénomène a été dispersé dans le bâtiment N
réacteur suite à la décompression de l’enceinte de confinement. ∑ω:i = 0 (5)
Dans ce cas, les explosions ont partiellement détruit ce bâtiment et i =1
ont fortement compliqué la gestion de l’accident.
et
La plupart des combustions accidentelles commencent donc par
la mise en présence d’un combustible et d’un oxydant de façon N
incontrôlée au sein du dispositif industriel. Ensuite, une source ∑ ji ,α =0 (6)
d’inflammation, généralement de faible énergie, initie la réaction i =1
chimique qui se propage tout d’abord sous la forme d’une défla-
gration, par transport de masse et de chaleur (moléculaire ou tur- Dans l’approximation de la loi de Fick, cette dernière contrainte
bulent) des produits vers les réactifs. Dans certaines conditions de n’est vérifiée que si tous les coefficients de diffusion _i ,m sont
mélange et de géométrie, la flamme peut s’accélérer et la déflagra- égaux. Dans le cas contraire, la modélisation [124] [130] propose
tion transite alors vers la détonation. L’onde de choc créée par deux solutions : soit de ne transporter que N – 1 espèces et d’accu-
l’explosion interne entraîne une propagation supersonique par la muler les erreurs sur la dernière espèce majoritaire, soit d’ajouter
compression adiabatique suivie de l’auto-inflammation des réac- une vitesse de correction garantissant la contrainte. Enfin, le coef-
tifs. Les vitesses de propagation et les surpressions engendrées ficient de diffusion _i ,m peut s’exprimer en fonction des coeffi-
sont alors beaucoup plus importantes et habituellement plus des- cients de diffusion binaires _i , j par la loi de Blanc, par exemple :
tructives. Avec ce scénario catastrophe, on cerne mieux la néces-
sité d’étudier, d’analyser et de comprendre chacune des étapes,
afin de mettre en place des moyens de prévention. Mais, avant de 1− X i
_i ,m = (7)
détailler chacune de ces étapes, il est important de rappeler les Xj
∑
N
équations régissant le système physico-chimique. j =1, j ≠1 _i , j
106
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AF3682
Le tenseur des contraintes ~αβ s’exprime par : ou d’une équation de transport de la température :
3 N 3
∂T ∂T ∂
∂U ∂U β 2 3 ∂Uγ ρC p + ∑ ρUα =− ∑ ω: i hi + ∑ ∂x [− jq ,α ]
~αβ = µ α +
∂xα 3 γ∑
− µ δ αβ (9) ∂t α =1 ∂xα i =1 α =1 α
∂x β =1
∂xγ (17)
3 N 3 3
∂T ∂Uα
− ρ ∑ ∑C p ,i ji ,α + ∑ ∑ ~αβ
∂xα α =1β =1 ∂xβ
et Fβ représente les forces de volume, supposées agir sur toutes α =1i =1
les espèces chimiques de la même manière.
Enfin, les trois variables thermodynamiques ne sont pas indépen-
La dernière équation de conservation exprime le premier prin- dantes les unes des autres et elles sont liées par une relation qui
cipe de la thermodynamique qui dit que la variation de l’énergie exprime l’état du fluide. Avec l’hypothèse du gaz parfait, on a :
totale – somme de l’énergie cinétique et de l’énergie interne – est
égale à la puissance des forces extérieures, augmentée de la puis- P = ρ rT (18)
sance calorifique reçue. Soit, dans notre formalisme :
avec r = R/M, où R est la constante des gaz et M la masse molaire
du fluide.
3
∂ρe tot ∂ Finalement, le système à résoudre en l’absence de force de
+∑ [ρUα h tot]
∂t ∂x
α =1 α
volume s’écrit :
(10)
3
∂ N 3 3
= ∑ ∂x − jq ,α − ∑ hi ji ,α + ∑ Uβ ~αβ + ∑ Uβ F β
∂ρ 3 ∂
+∑ [ρUα ] = 0
α =1 α i =1 β =1 β =1 ∂t α =1 ∂x α
3 3
∂ρYi + ∂ ∂ ∂Y
Pour un gaz parfait, l’énergie totale etot s’écrit :
∂t ∑ ∂x [ρYi Uα ] = ∑ ∂x ρ_i ,m ∂x i + ρω: i
α =1 α α =1 α α
∂ρU β 3 3
P ∂ ∂P ∂
e tot = h tot − (11) +∑ [ρUα U β ] = − +∑ [~ α ,β ]
ρ ∂t α =1 ∂x α ∂x β α =1 ∂x α
3
∂ρht ∂
Pour chaque espèce gazeuse, avec l’hypothèse du gaz parfait, +∑ [ρUα htot ] =
∂t α =1 ∂x α
(19)
l’enthalpie hi est définie par :
3 ∂ ∂T N
∂Yi 3 ∂P
∑ κ − ∑ hi ρ _ i ,m + ∑ U β ~ α ,β +
T ∂ x
α =1 α ∂x ∂ x ∂t
hi = hi0 + ∫
α i =1 α β =1
C p ,i (T ′) dT ′ (12)
T0 N
P = ρ ∑Yi ri T
Les enthalpies de formation de chaque espèce hi0 sont données i =1
dans des tables comme Janaf [33], par exemple pour l’état standard T
i + ∫T C p ,i (T ′)) dT ′
h = h 0
choisi à T0 = 298 K. L’enthalpie de mélange h est ensuite définie i
0
par :
ω: i = X (Y j , T ...)
N
h = ∑Yi hi (13) Les équations étant posées, nous allons maintenant pouvoir
i =1
nous intéresser à la transformation des gaz frais en gaz brûlés.
107
Référence Internet
AF3682
Onde stationnaire
P
− ρ1D = ρs (Us − D )
P1 + ρ1D 2 = Ps + ρs (Us − D )2 (22)
Figure 3 – Courbes d’Hugoniot et de Crussard
D2 (Us − D )2
h1 + 2 = hs + 2
elle ne satisfait pas les bilans de masse et de quantité de mouve-
Des deux premières équations, on déduit la relation suivante : ment. Le point A correspond à la transformation adiabatique iso-
bare (AIBC) réalisée à vitesse D nulle. En ce point hb = h1 , ce qui
nous donne :
1 1
Ps − P1 = − (ρ1D) 2 − (23)
ρ s ρ 1 Tb
N N T1
N N
∫T ∑ Yp C p ,p
0
(T ′) dT ′ + ∑ Yp h p0 = ∫T ∑Yr C p ,r (T ′) dT ′ + ∑Yr hr0
0
(26)
p =1 p =1 r =1 r =1
représentant, dans un système de coordonnées (P, 1/ρ ), une droite,
appelée droite de Rayleigh, de pente – (ρ1D )2. En injectant cette
ou, sous une autre forme :
dernière équation dans la conservation de l’énergie, on obtient la
relation suivante dite d’Hugoniot exprimée en énergie ou en
enthalpie : Tb N
∫T ∑ Yp C p ,p
1
(T ′) dT ′
p =1
1 1 1 }}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}n
Chauffage des produits
e s − e1 = (Ps − P1) −
2 ρ
1 ρ s (27)
T1 N T1 N
N N
(24)
h − h = 1 1 1 = ∫T ∑Yr C p ,r (T ′) dT ′− ∫T ∑ Yp C p ,p (T ′) dT ′+ ∑Yr hr0 − ∑ Yp h p0
s 1 (Ps − P1) +
0
r =1 p =1 0
r =1 =1
}}}}}}}}}p}}}}}}}}
}n
2 ρ
1 ρ s
Qα
}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}}} n
Q Énergie apportée par la réaction à T1
qui détermine tous les états possibles pour le fluide suite au pas-
sage du choc, compte-tenu de l’état initial P1, ρ1 . L’intersection L’énergie apportée par la réaction Q sert à chauffer les produits de
avec la droite de Rayleigh caractérise entièrement l’état du fluide la combustion.
derrière le choc de vitesse D. Si maintenant on s’intéresse à une Si la composition des produits est connue, la température des
onde de combustion, nous devons ajouter à l’équation de gaz brûlés Tb , appelée ici température de flamme, est
conservation de l’énergie, la chaleur libérée par la réaction complètement fixée par la connaissance des capacités calorifiques
chimique Q, appelée chaleur de réaction et définie par (27). à pression constante Cp et des enthalpies de formation h0, soit
L’équation (24) devient : seulement par la thermodynamique. Sur la figure 4, la tempéra-
ture de flamme calculée pour un mélange hydrogène/air initiale-
1 1 1 ment dans les conditions ambiantes de température et de pression
hb − h1 − Q = (P − P1) + (25) est présentée. Cette grandeur peut être mesurée par des
2 b ρ1 ρb techniques détaillées dans [R 2 752].
Le point B représente une transformation adiabatique isochore
Nous utilisons maintenant l’indice b pour caractériser l’état du
(AICC) se faisant maintenant à vitesse infinie. D’après (24), e1 = eb .
fluide derrière l’onde de combustion. Cette équation définit la
Si l’on suppose encore connue la composition des produits, l’état
courbe de Crussard et l’intersection avec la droite de Rayleigh
des gaz brûlés (Tb , Pb), appelées dans ce cas température et pres-
caractérise encore l’état du fluide derrière l’onde de combustion. À
sion d’explosion, est de nouveau complètement déterminé par la
ce niveau, nous allons seulement nous intéresser aux points A et B
thermodynamique.
de la figure 3 comme états possibles des gaz brûlés. Sur cette
figure, la courbe contenant le point 1, représentatif des gaz frais, Il nous reste à quantifier la composition des produits. Dans
est la courbe d’Hugoniot. Celle passant par A et B est la courbe de l’introduction, nous avons mentionné que les produits peuvent
Crussard. La zone en pointillés séparant A et B est inaccessible car ne pas atteindre leur plus haut degré d’oxydation. Effectivement,
108
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AF3682
1 H + O 2 ( OH + O
∆g = 0 = ∆g0 + RTb ln (K p ) (28)
2 H2 + O ( OH + H
avec la constante d’équilibre Kp donnée par la loi d’action de
masse : 3 H2 + OH ( H2O + H
a 4 H + O 2 + M → HO 2 + M
∏
N
p =1
Pp p
Kp = (29) 5 HO 2 + H → 2OH
∏
N ar
r =1
Pr
6 HO 2 + H ( H2 + O 2
les ai représentant les coefficients stœchiométriques. Cette
constante d’équilibre n’est fonction que de la température pour 7 HO 2 + OH → H2O + O 2
des gaz parfaits. Il est maintenant possible de résoudre
8 H + OH + M ( H2O + M
complètement notre problème et d’obtenir la composition des gaz
brûlés, la pression et la température finales. 9 2H + M ( H2 + M
Généralement, un problème de combustion est fait de beaucoup
d’espèces chimiques et l’ingénieur a recours à des programmes 10 2HO 2 → H2O 2 + O 2
informatiques pour calculer l’état d’équilibre. Citons, par exemple,
11 HO 2 + H2 → H2O 2 + H
les logiciels EQUIL de CHEMKIN [71], GASEQ ou COSILAB qui rem-
plissent ces fonctions. 12 H2O 2 + M → 2OH + M
Dans tout ce que l’on vient de voir, la notion de temps n’inter-
vient pas et nous avons simplement utilisé la thermodynamique M molécule jouant le rôle de diluant.
109
110
Référence Internet
AF3683
Fusion thermonucléaire :
fondamentaux, réalisations
et perspectives
111
Référence Internet
AF3683
1. Fusion et combustion réaliser des réactions exoénergétiques par fusion de noyaux légers
ou par fission de noyaux lourds permettant de récupérer une éner-
thermonucléaires gie ∆E par réaction. Cette deuxième possibilité est mise en œuvre,
depuis plus de soixante ans, dans les réacteurs à fission nucléaire ;
quant à la fusion de noyaux légers, sa mise en œuvre et son
Les énergies d’interactions atomiques et nucléaires sont habi- contrôle constituent les objectifs des programmes de recherches
tuellement mesurées en électronvolt (eV) et megaélectronvolt sur le confinement et le chauffage des plasmas thermonucléaires.
(MeV) dont les facteurs de conversions en joules sont : Plus de 80 réactions de fusions de noyaux légers ont été identi-
1 eV = 1,6 × 10–19 J et 1 MeV = 1,6 × 10–13 J. La constante d’entro- fiées et étudiées, mais la faible valeur des réactivités (sections effi-
pie de Boltzmann, kB = 1,380 × 10–23 J/K, qui apparaît dans l’équa- caces) de ces réactions ne permet pas d’envisager une combustion
tion du gaz parfait (pression [Pa] = kB × densité [m–3] × température thermonucléaire contrôlée. Une seule réaction peut être envisagée
[K]), permet de convertir l’électronvolt en une température : à des fins de production d’énergie dans un avenir proche, la réac-
1 eV [K] =1,6 × 10–19/kB = 11 604 K. Suivant l’usage, nous utilise- tion de fusion du deutérium D (Z = 1, N = 1) avec le tritium T
rons donc une échelle en eV pour mesurer les énergies et repérer (Z = 1, N = 2), les deux isotopes de l’hydrogène. Les deux produits
les températures ; ainsi, par exemple, la température typique d’un de cette réaction sont une particule alpha (α) et un neutron (n) :
plasma thermonucléaire, 10 keV, est donc de l’ordre de 108 K.
D + T → α (3, 52 MeV) + n (14, 06 MeV), ∆E = EDT = 17, 58 MeV
1.1 Section efficace, taux de réaction La particule alpha étant chargée, elle peut être confinée,
collisionnellement ou magnétiquement, et déposer son énergie au
Les noyaux sont constitués d’un ensemble de nucléons, protons sein du mélange réactif d’ions deutérium et tritium, entretenant
et neutrons. L’usage est de noter A le nombre de nucléons, Z le ainsi la combustion. Le taux de réactions de fusion au sein d’un
nombre de protons et N le nombre de neutrons, ainsi : A = Z + N. mélange de combustibles est déterminé par la section efficace de
Tout ensemble de A nucléons en interaction nucléaire ne réaction dont nous rappelons ici la définition. Considérons un fais-
constitue pas nécessairement un noyau stable ; 282 noyaux stables ceau de particules D, de densité nD et de vitesse vD , interagissant
ont été recensés à la surface de la terre. Les noyaux légers sont avec une cible T, de densité nT ; le nombre de réactions par unité
stables pour N ~ Z, les noyaux plus lourds pour N ~ 1,5 × Z. Notons de temps et unité de volume, dN /dxdydzdt, est proportionnelle au
M (A, Z ) la masse d’un noyau possédant A nucléons dont Z pro- flux incident nDvD et à la densité de cible nT . Le coefficient ajustant
tons, notons mp la masse du proton et mn celle du neutron. Les le taux de réaction à ces deux facteurs présente la dimension
énergies associées à ces masses sont respectivement Mc2, d’une surface et définit la section efficace σ (vD) de la réaction :
mpc2 = 938,28 MeV et mnc2 = 939,57 MeV, où c est la vitesse de la
lumière. L’expérience révèle que pour l’ensemble des noyaux pré- [Nombre de réactions D + T → α + n] dN
= = (nD v D ) nT σ (v D )
sents dans notre environnement : M (A, Z ) < Zmp + Nmn. Ce défaut [par unité de volume et unité de temps] dx dy dz dt
de masse conduit à interpréter les noyaux comme un état d’éner-
gie Mc2 inférieur à l’énergie de l’ensemble de ses composants La section efficace de la réaction D + T → α + n, représentée sur
Zmpc2 + Nmnc2. L’origine de la stabilité des noyaux étant ainsi la figure 1, présente un maximum au voisinage d’une centaine de
identifiée, définissons l’énergie de liaison d’un noyau B (A, Z ) par kiloélectronvolts et la valeur de la section efficace pour ce maxi-
la relation : B (A, Z) = Zmpc2 + Nmnc2 – Mc2 ; B (A, Z ) mesure mum est beaucoup plus importante que les sections efficaces
l’énergie libérée lors de la formation d’un noyau à partir de A usuelles des réactions nucléaires basse énergie. Au sein d’un
nucléons indépendants ; lorsqu’elle est positive, la configuration mélange combustible d’ions deutérium et tritium, cette réaction de
nucléaire ainsi obtenue est donc plus stable que l’ensemble des A fusion est accompagnée par plusieurs réactions satellites illustrées
nucléons dispersés. La courbe de l’énergie de liaison E = B (A)/A sur la figure 1. Un mélange réactif d’ions deutérium et tritium, de
en fonction de A est représentée sur la figure 1. La croissance, densités nD [m–3] et nT [m–3] et température T, présente néces-
puis la décroissance de la courbe E (A) indiquent la possibilité de sairement une distribution de vitesses relatives entre D et T. La
112
Référence Internet
AF3683
3
10–27
D+T→α+n
4
Fusion
E = B/A (MeV)
5 Li
10–29
σ (m2)
6
Fission D+D→T+p
7
He 10–31
U
8 C ∆E Os D + D → 3He + n
O Gd
Ne Xe
Si Kr
Fe
Figure 1 – Énergie de liaison E par nucléon B (A, Z )/A en fonction de A et sections efficaces des réactions de fusion D-T et D-D de fonction de
l’énergie E
quantification de sa réactivité conduit à introduire le taux de réac- aux réactions de fusion, EN [J/kg] ≈ 3,3 × 1014. La comparaison de
tions moyen par unité de volume et unité de temps défini par la ces deux contenus énergétiques spécifiques, cinétique et potentiel,
relation : pour une température de l’ordre de 10 keV, permet d’identifier un
facteur de l’ordre de EN /ET ≈ 300 qui constitue le gain idéal d’une
Nombre de réactions D + T → α + n T combustion thermonucléaire, qui peut être vue comme une
nD nT σv = conversion potentielle-cinétique. Ce gain est significatif et augure
[par unité de volume et unité de temps] favorablement de la mise en œuvre de systèmes de production
d’énergie par combustion thermonucléaire d’un mélange DT.
L’indice T indique une moyenne sur les vitesses relatives distri-
buées thermiquement, et ce que l’on nomme communément le Un cinquième de l’énergie EN produite se trouve, après la réac-
sigmavé, σ v est la moyenne de σ (v) × v sur les distributions tion, sous forme cinétique sur les particules α. Ces particules étant
de vitesses relatives v des noyaux D et T thermiques. Dans la chargées, elles présentent la propriété d’être aisément confinable,
gamme des températures thermonucléaires, une approximation soit à travers les collisions au sein d’une cible dense pour la filière
parabolique : inertielle, soit en utilisant un piège magnétique pour la filière
magnétique. Dans les deux cas, c’est cette énergie cinétique des
σ v [m3 ⋅ s−1] = 1,1× 10−24 Ti 2 [keV] particules α qui chauffe le mélange pour le maintenir dans des
conditions de réactivité optimales, à haute température, entrete-
nant ainsi la combustion. Le transfert de cette énergie cinétique
donne la valeur expérimentale à 10 % près. Nous pouvons donc des particules α vers le mélange combustible est de nature
calculer la densité volumique de puissance nD n T σ v E DT [W ⋅ m−3 ] collisionnelle et conduit à un ralentissement en deux temps : entre
résultant de la combustion d’un plasma thermonucléaire de densi- 3,5 MeV et 500 KeV, l’essentielle de l’énergie est transférée aux
tés nD [m–3] et nT [m–3]. La section efficace représentée sur la électrons thermiques, puis, entre 500 et 10 KeV, aux ions
thermiques.
figure 1 indique que cette densité volumique de puissance ne
devient significative que pour des températures de l’ordre d’une Pour un réacteur tokamak, les temps caractéristiques de trans-
centaine de millions de degrés. Pour ces températures, le fert de l’énergie des particules α au plasma thermique dilué sont
combustible est totalement ionisé, donc en phase plasma, le donnés par :
milieu thermonucléairement réactif est donc composé de noyaux
D et T et d’électrons libres en proportions assurant la neutralité
électrique du mélange. α /électrons
→ Alphas suprathermiques
Alphas rapides
∼ 0,2 s
3,5 MeV ∼ 500 KeV
α /ions
1.2 Gain : chauffage par les particules ∼
0,05 s
→ Alphas thermiques
∼ 10 KeV
alpha
Deux formes d’énergies sont mises en jeu dans un mélange Pour une cible inertielle dense, la densité étant plus élevée de 10
chaud (10 keV ~ 108 K) de deutérium et tritium : l’énergie cinétique à 12 ordres de grandeur, les temps caractéristiques de transfert de
d’agitation thermique ET , associée à la température T, l’énergie des α au plasma thermique dense sont beaucoup plus
ET [J/kg] ≈ 1,8 × 1011 T [keV] et l’énergie potentielle interne, stockée petits, d’un facteur de 10–10 à 10–12, garantissant un chauffage
dans les liaisons nucléaires, de réactivité nucléaire EN , associée thermonucléaire rapide de la cible après allumage.
113
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AF3683
En conclusion, pour un mélange stœchiométrique de deutérium Cette identité dépendant seulement de la température T, nous
et tritium occupant un volume V, la puissance Wfus : identifions ainsi une température minimum d’auto-entretien de la
réaction ou température de Post : TPost = 4,3 keV. Il est impossible
d’entretenir une combustion thermonucléaire en dessous de cette
Wfus W température . Le modèle conduisant à l’identification de cette tem-
= nD n T σ v E DT
V m3 pérature ne prend pas en compte les pertes par conduction et
convection, la température de combustion sera donc supérieure à
la température de Post.
dégagée par les réactions de fusion l’est principalement sous
forme d’un flux de neutrons rapides ; seulement un cinquième de
cette puissance Wα = Wfus/5 peut être utilisée pour chauffer le
plasma thermonucléaire, les 4/5 restants étant emportés par les
1.4 Confinement et combustion : critère
neutrons récupérés, ralentis et utilisés dans la couverture tritigène. FCM
Pour construire un modèle de combustion plus réaliste, nous
devons aussi prendre en compte les pertes d’énergie par diffusion
1.3 Pertes : bremstrahlung, cyclotron associées à la conductivité thermique finie du plasma thermonu-
et atomique cléaire. Introduisons Waux [W] la puissance auxiliaire injectée dans
le plasma pour atteindre la température d’allumage et notons
Pour des températures entre 1 et 10 keV (10 et 100 millions de Wdif [W] la puissance perdue par conduction thermique. L’usage
degrés), le rayonnement électronique est important ; aussi, il est est de définir le facteur Q du système de chauffage comme le rap-
nécessaire d’évaluer l’impact des pertes radiatives sur le bilan port de la puissance fusion sur la puissance auxiliaire :
énergétique de la combustion. Nous distinguerons donc, Q = Wfus /Waux = 5 Wα /Waux . Définissons ensuite le temps de
Pb [W/m3] les pertes radiatives dues aux collisions électron-ion confinement de l’énergie τE au sein du plasma thermonucléaire
(bremsstrahlung ) et Pc [W/m3] les pertes radiatives dues au rayon- comme le rapport du contenu énergétique thermique 3 nkBTV sur
nement cyclotron des électrons pour les tokamaks ; on notera que la somme des pertes radiatives PbV et conductives Wdif :
les processus de rayonnement de raies et de recombinaisons ato-
miques participent aussi au bilan radiatif. Pc n’intervient que pour
le confinement magnétique des plasmas thermonucléaires. L’ordre 3nkBTV
τE =
de grandeur de la densité volumique de puissance Pb rayonnée à Wdif + PbV
travers le processus de bremsstrahlung au sein d’un plasma
thermonucléaire, pour une densité ionique ni , une densité électro-
nique ne et une température électronique Te , est donné par : En régime stationnaire, les gains doivent compenser les pertes :
Wdif + PbV = Waux + Wα où seule la puissance portée par les parti-
1
cules α peut être déposée dans le plasma car les neutrons ne sont
Pb [W/m3 ] ≈ 5 × 10−37 Z 2 ni n e [m−6 ] Te2 [keV] pas confinés.
Le temps de confinement de l’énergie que multiplie la densité
L’ordre de grandeur des pertes cyclotroniques Pc , pour une densité du plasma apparaît comme une fonction totalement déterminée de
électronique ne et un champ magnétique B et une température élec- la température. Sous cette forme finale, l’identité entre gains et
tronique Te , est donné par : pertes constitue le critère de Lawson [11] illustré sur la figure 2 :
Wα n 2 1
= σ v E DT = 5 × 10−37 Z 2 ni n eTe2 = Pb Le domaine où le tokamak ITER opérera est représenté en gris sur
V 20 T =TPost la figure 2.
114
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AF3683
1016
15
1015 Q = 1 000
10
1014 Q=5
ITER 5 ITER
1013
τE
TPost 10 102 T (keV) 0,2 0,4 0,6 0,8 τL
1.5 Allumage et combustion : critère FCI En prenant comme instant t le temps de confinement du plasma
τc, la fraction maximale de combustible brûlé φc s’écrit :
En FCI (fusion par confinement inertiel), le plasma n’est pas
maintenu dans un état stationnaire. L’énergie extérieure est en n (τ c ) ρDT RDT g T [keV]
φc = 1 − = , H = 2, 56 × 10
−15
effet apportée de manière pulsée ; chauffée, la matière se détend, n0 /2 ρDT RDT + H cm2 σv
baisse en densité et température, puis se désagrège au bout d’un
certain temps. Pour une sphère de DT de rayon RDT , ce temps de Le gain du DT peut en être déduit comme le rapport de l’énergie
confinement s’écrit τc = RDT/2CS où CS est la vitesse d’expansion de fusion délivrée sous forme des particules (α + n) à l’énergie
du plasma définie par : thermique du plasma :
φ c E DT φc
GDT = = 3 000 ×
m ZkBTe + 3 kBTi 6kBT T [keV]
CS = = 4 × 105 T [keV]
s Amp
où chaque couple D-T fusionnant est supposé donner
EDT = 17,6 MeV pour une énergie thermique (en incluant les élec-
Z désignant le nombre de charge ionique (Z = 1 pour les isotopes trons) 4 × 3 kBT/2. En choisissant kBT = 20 keV qui conduit à
de l’hydrogène), Te,i désignant les températures électronique et H = 14 g/cm2, valeur proche du minimum de la figure 3, et une
ionique et T la température supposée commune. La sphère n’est fraction de combustible brûlé réaliste φc = 0,3, on déduit
pas alimentée continûment en combustible et la densité décroît ρDTRDT = 6 g/cm2 et GDT = 45. Analysons la masse MDT de DT mise
donc au cours du temps par combustion, la loi d’évolution
en jeu ; elle est définie par : MDT = 4 πρDT RDT 3 / 3. L’énergie
des densités de deutérium et tritium au cours du temps, pour
une densité initiale totale n0 , est donnée par : thermique nécessaire pour chauffer ce DT est directement propor-
tionnelle à cette masse. Cette énergie étant délivrée par le laser, on
nD (t ) /n0 = n T (t ) /n0 = 1/ (2 + n0 σ v t / 2) . Ainsi, le temps caractéris- voit qu’il y a intérêt à réduire la masse de DT en jeu, d’une part, et
tique de combustion τB (B pour burn) peut être défini à partir de à comprimer le mélange DT avant de le porter à haute tempéra-
cette loi de décroissance des densités de combustible par la ture, d’autre part. Ainsi, une masse de 10–3 g conduisant à
relation : τ B n0 σ v = 1 . Afin de faciliter la comparaison avec le par- Efus = 1 MJ nécessite ρDT = 324 g/cm3, soit environ 1 500 fois la
cours d’arrêt des particules produites, introduisons la grandeur
densité initiale du DT solide. L’intérêt de comprimer la cible, et pas
ρDTRDT (exprimée en g/cm2) qui, en fonction du produit neτc (expri- seulement de la chauffer, a été publié pour la première fois en
mée en cm–3 · s–1) s’écrit : ρDT RDT = 3, 2 × 10−16 n eτ c Te [keV] . Cela 1972 par le Lawrence Livermore National Lab (LLNL-États-Unis) [5].
conduit au critère du ρDTRDT exprimé en g/cm2 : Estimons le gain complet de la cible pour un mélange DT porté
à 20 keV. Si η = 10 % de l’énergie laser se retrouve sous forme
d’énergie interne dans le DT, le gain de la cible vaut Gci = GDTη = 5.
11 Est-ce suffisant ? Il faut pour cela intégrer cet apport d’énergie
ρDT RDT [g ⋅ cm−2 ] ≈ 3
dans une centrale à fusion, en prenant en compte tous les rende-
T [keV] 2 ments des dispositifs utilisés : électricité → (ηlaser = 0,1-0,3)
laser → (G ) fusion → (ηthermique = 0,33) électrique → (ηr = 0,25)
électrique réinjecté. Un réacteur doit satisfaire au minimum :
équivalents FCI du critère de Lawson FCM. Les particules α créées ηlaser Gciηthermique ηr = 1, ce qui impose GDT = 1 200. Le gain précé-
par réaction de fusion doivent chauffer le DT ; étant des ions, ils demment trouvé GDT = 45 n’est donc pas suffisant. Il existe un
sont fortement ralentis essentiellement sur les électrons libres.
moyen d’augmenter le gain de la cible, en mettant en place un scé-
C’est par collisions électrons-ions que les ions vont ensuite être
nario avec un mélange D-T non uniforme, constitué d’une coquille
chauffés. Pour une température T inférieure à 15 keV, la distance
d’arrêt λα des α reste inférieure à RDT , montrant ainsi la comprimée à basse température (800 g/cm3 à 1 keV) renfermant en
compatibilité avec le critère de TPost < 15 keV. En réalité, le son centre un petit noyau central chaud moins dense et plus chaud
combustible est consommé progressivement et l’on doit prendre (100 g/cm3 à 5-10 keV). Dans ce point chaud, les conditions sont
en compte la dynamique de la combustion décrite par remplies pour déclencher l’allumage thermonucléaire : la fusion
nD (t ) = nT (t ). D-T commence, les particules α créées s’arrêtent dans le fuel
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