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M E S U R E S - A N A LY S E S

Ti630 - Techniques d'analyse

Méthodes électrochimiques

Réf. Internet : 42388

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Techniques d'analyse
(Réf. Internet ti630)
composé de  :

Chimie analytique : instrumentation et métrologie Réf. Internet : 42379

Études de structure et caractérisation Réf. Internet : 42386

Techniques d'analyse par imagerie Réf. Internet : 42387

Méthodes thermiques d'analyse Réf. Internet : 42384

Chromatographie et techniques séparatives Réf. Internet : 42385

Méthodes électrochimiques Réf. Internet : 42388

Méthodes nucléaires d'analyse Réf. Internet : 42389

Spectrométrie de masse Réf. Internet : 42390

Spectrométrie atomique et spectrométrie moléculaire Réf. Internet : 42707

Analyse des macromolécules biologiques Réf. Internet : 42380

Analyses de surface et de matériaux Réf. Internet : 42383

La science au service de l'art et du patrimoine Réf. Internet : 42579

Analyses dans l'environnement : méthodologies Réf. Internet : 42382

Analyses dans l'environnement : eau et air Réf. Internet : 42831

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Techniques d'analyse
(Réf. Internet ti630)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Gwenola BURGOT
Professeur à l'université de Rennes 1

Pierre LE PARLOUËR
Docteur Ingénieur, Consultant société Thermal Consulting

Gérard DURAND
Professeur honoraire à l'École Centrale de Paris, Consultant

Patrick MAUCHIEN
Chef du Service de Chimie Physique au Commissariat à l'Énergie Atomique
Saclay

Philippe QUEVAUVILLER
Commission Européenne, DG Environnement

Jean-François HENNINOT
Professeur, université d'Artois, unité de Catalyse et de Chimie du Solide, équipe
Couches Minces et Nanomatériaux

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Rémy AUDINOS Didier HAUCHARD


Pour l’article : P1825 Pour les articles : P2135 – P2136

Fethi BEDIOUI Thi Ngoc Suong HUYNH


Pour les articles : P2125 – P2126 – Pour l’article : P3366
P2127 – P2128 – P2129 – P2132 – P2133
Daniel LINCOT
Fouad CHOUAIB Pour l’article : P2220
Pour l’article : P2175
Alain PAILLERET
Nathalie DELAUNAY Pour les articles : P2132 – P2133
Pour les articles : P3365 – P3367
Thierry PAUPORTÉ
Gérard DURAND Pour l’article : P2220
Pour les articles : P2115 – P2116 – P2117
Gérard PICARD
Sophie GRIVEAU Pour l’article : P2175
Pour les articles : P2127 – P2128 –
P2129 – P2132 – P2133 Sylvie SANCHEZ
Pour l’article : P2175
Agnès HAGÈGE
Pour l’article : P3366

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VI
Méthodes électrochimiques
(Réf. Internet 42388)

SOMMAIRE
Réf. Internet page

Séparations électrochimiques. Électrodialyse P1825 9

Électrophorèse capillaire. Principe P3365 13

Électrophorèse capillaire. Appareillage P3366 19

Electrophorèse capillaire. Applications P3367 23

Voltampérométrie sur électrode solide. Introduction P2125 31

Voltampérométrie sur électrode solide. Théorie et mise en oeuvre expérimentale P2126 33

Voltampérométrie. Phénomènes préalables ou couplés au transfert électronique P2127 39

Voltampérométrie sur électrode solide. Perfectionnement des performances P2128 45

Voltampérométrie sur électrode solide. Diverses géométries d'électrode P2129 49

Microscopie électrochimique P2132 55

Couplages électrochimie - microscopies en champ proche P2133 61

Polarographie. Techniques polarographiques en analyse P2135 65

Polarographie. Principe d'application et mise en oeuvre des techniques P2136 71


polarographiques
Potentiométrie. Définitions et principes généraux P2115 77

Potentiométrie. Mesure du pH ou d'une concentration P2116 81

Potentiométrie. Dosages et titrages. Caractéristiques analytiques P2117 87

Chronopotentiométrie P2175 91

Microbalance à cristal de quartz P2220 97

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VII
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Référence Internet
P1825

Séparations électrochimiques
Électrodialyse
par Rémy AUDINOS
Docteur ès sciences
Ingénieur du Génie chimique (IGC Toulouse)
Professeur des Universités

1. Principes...................................................................................................... PE 1 825 - 3
1.1 Description technique .................................................................................. — 3
1.2 Description électrocinétique........................................................................ — 3
1.3 Phénomènes concomitants ......................................................................... — 4
1.3.1 Polarisation .......................................................................................... — 4
1.3.2 Ionolyse ................................................................................................ — 4
1.3.3 Électro-osmose .................................................................................... — 4
1.3.4 Effet Joule ............................................................................................ — 4
1.3.5 Dénaturation des membranes............................................................ — 5
2. Performances............................................................................................. — 5
3. Membranes ................................................................................................. — 5
3.1 Membranes chargées................................................................................... — 5
3.1.1 Caractéristiques des membranes....................................................... — 6
3.1.2 Membranes ioniques .......................................................................... — 7
3.2 Membranes neutres ..................................................................................... — 7
3.3 Choix des membranes ................................................................................. — 7
4. Électrodialyse préparative statique..................................................... — 8
4.1 Appareillage.................................................................................................. — 8
4.1.1 Appareil à une membrane. Applications........................................... — 8
4.1.2 Appareils à deux membranes et plus ................................................ — 8
4.2 Conditions opératoires de l’appareil à deux membranes......................... — 9
4.3 Domaines d’application de l’appareil à deux membranes ....................... — 10
4.3.1 Utilisation de membranes neutres..................................................... — 10
4.3.2 Utilisation de membranes ioniques................................................... — 11
5. Électrodialyse préparative dynamique ............................................... — 12
5.1 Description .................................................................................................... — 12
5.2 Appareillage.................................................................................................. — 12
5.3 Conditions opératoires................................................................................. — 13
5.4 Domaines d’application ............................................................................... — 13
5.4.1 Ajustement du milieu.......................................................................... — 13
5.4.2 Purification préalable .......................................................................... — 13
5.4.3 Concentration préparatoire ................................................................ — 14
5.4.4 Séparation préliminaire ...................................................................... — 14
6. Électrodialyse analytique ....................................................................... — 14
6.1 Description .................................................................................................... — 14
6.2 Appareillage. Conditions opératoires ......................................................... — 14
6.3 Domaine d’application ................................................................................. — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. PE 1 825

L’ électrodialyse est une technique qui permet d’extraire, tout en restant en


phase liquide et à température constante, les ions d’un milieu liquide ou
Parution : mars 1997

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 1 825 - 1

9
Référence Internet
P1825

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pâteux : sous l’influence d’un champ électrique, les ions d’une solution sont
transférés dans une autre solution séparée de la première par une membrane.
Le domaine courant d’utilisation de l’électrodialyse est la déminéralisation de
liquides contenant initialement des ions minéraux en solution, aqueuse ou non
aqueuse, à des concentrations de l’ordre de 0,05 à 1 mol/L : eaux de mer, eaux
saumâtres, jus sucrés, eaux résiduaires de bains d’électrodéposition. Mais, à
côté de ces utilisations à caractère industriel, il existe un certain nombre d’appli-
cations de type analytique qui ont pris naissance dès 1903 avec la purification
des colloïdes lyophiles et peuvent concerner des solutions beaucoup plus
diluées (quelques milligrammes par litre) et entrent dans la catégorie des analy-
ses assistées par des membranes.
L’électrodialyse peut opérer dans une gamme de températures allant de 0 à
80 ˚C ; toutefois, le choix de la meilleure température dépend à l’heure actuelle
essentiellement de la tenue des membranes employées. De plus, l’élévation de
température ne doit pas provoquer de dégradation des solutions biologiques. En
outre, le milieu ne doit pas être très visqueux afin de pouvoir être pompé dans
les petits canaux (0,25 à 20 mm) des appareils d’électrodialyse.
Néanmoins, grâce à ses conditions opératoires aisées d’accès, l’électrodialyse
donne la possibilité de choisir la température constante la mieux adaptée aux
substances contenues dans les solutions, de modifier ou non le milieu ambiant,
de moduler la durée de la séparation.
Initialement, l’électrodialyse n’était pas un moyen analytique, puisqu’elle ne
constituait pas un moyen de détection : elle était et reste une méthode de sépa-
ration préalable à la mesure qualitative ou quantitative d’une espèce. Cepen-
dant, l’amélioration des connaissances théoriques et les perfectionnements
apportés aux appareils font qu’elle peut servir de moyen de détermination de la
quantité d’un ion, mais qu’elle ne saurait permettre son identification.
Dans cette optique, elle peut être utilisée pour des opérations dans lesquelles
la notion de rendement énergétique ou de production rentable n’est pas le fac-
teur primordial.
En mettant à profit la faculté de réaliser une solution ayant une très faible
teneur en ions, de former un concentrat où se retrouvent les ions provenant du
diluat et de faire réagir les ions formés, il est possible d’utiliser l’électrodialyse
comme moyen de séparation préanalytique de trois façons différentes :
— soit pour débarrasser une solution de traces de façon à ne conserver que le
produit noble unique qui pourra être dosé par une méthode classique ou servir
lui-même de réactif de dosage ;
— soit pour concentrer une ou plusieurs traces dans le compartiment du con-
centrat, de façon à obtenir une concentration susceptible d’être mesurée par une
méthode de dosage classique ;
— soit pour séparer les composés nobles les uns des autres, pour pouvoir les
doser facilement ensuite.
■ Ces séparations peuvent être réalisées sans apporter de modification chimi-
que aux traces, aux produits, aux composés : c’est l’électrodialyse non réactive
utilisée lorsque les charges électriques ou les tailles des espèces sont nettement
différentes. Toutefois, l’absence de transformation chimique n’interdit pas de
modifier les caractéristiques physico-chimiques des espèces en agissant sur le
pH, la force ionique, la température en fonction de leurs constantes de dissocia-
tion ( pKa, pKb ), de leur point isoélectrique ( pl), de leur solubilité ( pKs ) pour faire
varier le nombre de charge ou la mobilité des ions, la viscosité, l’état d’équilibre
des associations ou la solubilité des sels. La déminéralisation des solutions
d’acides aminés en est un exemple.
■ Dans d’autres cas, il faut avoir recours à une modification chimique des espè-
ces dans l’électrodialyseur lui-même pour que la séparation puisse avoir lieu :
c’est l’électrodialyse réactive. La transformation, qui crée un certain nombre
d’espèces nouvelles, neutres ou chargées, solubles ou insolubles, peut avoir
lieu :
— soit dans le compartiment de dilution ;

10
Référence Internet
P1825

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— soit dans le compartiment de concentration ou le compartiment des


électrodes ;
— soit sur la ou les membranes.
Cette transformation peut consister en une véritable réaction chimique :
— entre les ions initiaux, mais répartis différemment dans les divers compar-
timents (double conversion ou métathèse) ;
— entre les composés initiaux et les ions provenant des électrodes ou d’un
autre compartiment ;
— entre certains ions initiaux et les membranes ;
— entre les composés initiaux et des corps nouveaux ajoutés, tels des agents
adsorbants, complexants, séquestrants, floculants ou solubilisants (par
exemple : résines échangeuses d’ions, charbon actif, EDTA, amines, polyphos-
phates).
Lorsque le traitement porte sur des solutions, celles-ci peuvent être au repos :
c’est l’électrodialyse statique, ou en mouvement : c’est l’électrodialyse dynami-
que. La première a été mise en œuvre dès les origines pour traiter les solutions
biologiques (par exemple, solutions d’acides aminés), tandis que la seconde,
plus récente, est surtout employée dans le cas des solutions d’ions minéraux.
Dans tous les cas, l’opération est tributaire du nombre et de la nature des
membranes séparatrices utilisées.
Pour de plus amples détails sur les applications industrielles, le lecteur pourra
consulter l’article [51] du traité Génie des procédés.

1. Principes Membranes

1.1 Description technique Anode


+ –
Cathode

L'électrodialyse [1] peut être réalisée dans un appareil du type fil-


Cadres
tre-presse dont les flasques externes constituent les électrodes. séparateurs
L'empilement peut être disposé verticalement ou horizontalement. Motif élémentaire
Ces électrodes peuvent être séparées par une membrane unique :
Figure 2 – Motif élémentaire d'un électrodialyseur à plusieurs
c'est l'électrodialyse à une membrane ou électro-électrodia-
membranes
lyse (figure 1) [9].

mea mec
Membrane
Anion –
+ – Anode Cathode
Anode Cathode + Cation

Cadres
Figure 1 – Électrodialyse à une membrane séparateurs
mea, mec membranes anionique et
cationique

Figure 3 – Électrodialyse à deux membranes :


Habituellement, la solution à traiter est contenue dans une cham- maintien de l'électroneutralité dans le compartiment de dilution
bre (ou compartiment) constituée par un cadre séparateur isolant
évidé, tandis que les deux faces parallèles aux électrodes sont les
membranes : l'ensemble du cadre séparateur, des deux membranes
et des deux demi-cadres séparateurs contigus est appelé motif élé- 1.2 Description électrocinétique
mentaire (figure 2) [9].
L'assemblage des deux électrodes et de un ou plusieurs motifs
Considérons le motif élémentaire d'une cellule d'électrodialyse
élémentaires forme une cellule (ou module) d'électrodialyse : c'est
(figure 3) disposé entre deux électrodes : l'anode et la cathode.
l'électrodialyse à plusieurs membranes (figures 3 et 4) [10].

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 1 825 - 3

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Référence Internet
P1825

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mea mec mea mec mea mec


mente jusqu'à atteindre la saturation ; il se forme alors un précipité
ou une écume : c'est l'électrodécantation [13] ; l'autre côté de la
membrane est totalement dépourvu en gros ions qui n'ont pu la
+ – franchir. En pratique, il suffit que la taille de ces ions, inorganiques,
Anode Cathode organiques ou d'origine biologique, soit supérieure au diamètre des
H2O
pores de la membrane, qu'elle soit neutre (cf. § 3.2) ou chargée (cf.
§ 3.1) (figure 5).
D B D B D
B compartiment de concentration D compartiment de dilution

Figure 4 – Électrodialyse à plusieurs membranes Concentration

mea mec
Lorsqu'une différence de potentiel continue est établie, les anions
de la solution à traiter se dirigent par migration vers l'anode et les
cations vers la cathode. Toutefois, même si tous les paramètres phy- + –
Anode Cathode
siques, comme la pression ou la température, sont égaux dans tous
les compartiments, à ce mouvement de migration sous l'effet du
champ électrique viennent se coupler des transports par diffusion,
sous l'effet de gradients de concentration du solvant ou des solutés
Distance y
[11] et des transports par convection, sous l'effet de gradients de
densité, ces derniers étant généralement considérés comme négli- Figure 5 – Électrodécantation : profil de concentration suivant
geables (cf. § 3.1). La solution contenue dans le compartiment de la distance
dilution s'appauvrit en ions : c'est le diluat (ou dialysat), tandis que
les deux compartiments contigus, ou compartiments de concentra-
tion, voient augmenter la teneur en ions de leur solution (le concen-
trat). Dans le cas d'une membrane ionique (cf. § 3), par suite de la pré-
sence de charges électriques fixes, le nombre de transport des petits
En outre, les solutions, diluat et concentrat, doivent rester électri- ions peut être plus grand ou plus petit dans la membrane que dans
quement neutres : selon la nature des membranes et l'agencement la solution. Par exemple, s'il est plus élevé, la concentration du
des compartiments, l'électroneutralité est obtenue, dans le compar- concentrat au voisinage de la membrane est plus grande que dans
timent du concentrat, par l'apport de la charge électrique soit des le sein de la solution ; au contraire, dans le diluat, la concentration
ions formés aux électrodes (figure 3), soit des ions provenant du près de la membrane est inférieure à celle de la solution.
diluat voisin (figure 4), tandis que, dans le compartiment du diluat,
la neutralité électrique est maintenue soit par la charge des ions pro-
venant des réactions aux électrodes (figure 3) ou du concentrat 1.3.2 Ionolyse
(figure 4), soit par le départ simultané de deux charges ioniques
opposées, ou par la combinaison de ces deux processus.
Quand la concentration des ions au ras de la membrane devient
Pour éviter de trop grandes variations du pH de la solution qui bai- très faible, elle peut se rapprocher de celle des ions issus de l'iono-
gne l'anode (l'anolyte) et de celle qui lave la cathode (le catholyte), lyse du solvant. À partir d'une certaine valeur, fonction des mobilités
on effectue parfois le mélange des deux liquides en un seul : l'élec- ioniques, les ions du solvant contribuent au passage du courant
trodat. électrique. Par exemple, si, dans une solution aqueuse de pH égal
à 7, un anion a une mobilité 5 fois plus faible que celle de l'ion
hydroxyle, ce dernier franchira de façon significative la membrane
perméable aux anions pour transporter sa part de courant électrique
1.3 Phénomènes concomitants dès que la concentration de cet anion atteindra 1/5 de 10-7 mol/L.
Pour pallier cette ionisation, le compartiment qui s'appauvrit en
1.3.1 Polarisation ions peut être garni d'un lit poreux d'un matériau solide échangeur
d'ions (résine, papier, tissu, tricot) pour faciliter le passage du cou-
rant électrique : c'est l'électrodiarèse [14].
Elle apparaît au voisinage des membranes : en effet, les membra-
nes constituent une barrière pour les ions, qui se déplacent sous
l'influence du champ électrique : le nombre de transport ti M (frac- 1.3.3 Électro-osmose
tion des charges électriques transportées par un ion considéré) des
ions dans cette barrière est différent du nombre de transport ti dans
la solution [12] : On peut la définir comme étant le flux des molécules qui se pro-
duit dans un milieu possédant une charge statique sous l'influence
li zi Ci du champ électrique. Selon la nature et l'agencement des membra-
t i = -------------------
- nes, le liquide s'appauvrit (figure 4) ou s'enrichit en molécules d'eau
S li zi Ci (figure 6) et en molécules neutres entraînées. La déglycérolisation
avec Ci concentration de l'ion dans la solution, des globules rouges du sang en est un exemple [15].
zi charge de l'ion, La combinaison de l'électro-osmose et des phénomènes de pola-
risation est parfois dénommée effet Bethe-Toropoff [16].
li conductivité ionique dans la solution,
S li zi Cisomme des termes li zi Ci pour tous les ions
présents en solution 1.3.4 Effet Joule
De part et d'autre de la membrane, la concentration des ions n'est
donc pas la même qu'au sein de la solution. On peut avoir d'un côté L'échauffement de la solution au passage du courant électrique
de la membrane, dans le cas d'une membrane neutre (cf. § 3.2) par ne se manifeste que si la différence de potentiel appliquée aux bor-
exemple, une accumulation de gros ions : leur concentration aug- nes de la cellule d'électrodialyse est très importante, en même

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
PE 1 825 - 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation

12
Référence Internet
P3365

Électrophorèse capillaire
Principes

par Nathalie DELAUNAY


Chercheur CNRS, Laboratoire de sciences analytiques, bioanalytiques et miniaturisation,
UMR 8231 CBI, ESPCI Paris, France

1. Principe général et phénomènes de transport............................. P 3 365v2 - 2


1.1 Principe ..................................................................................................... — 2
1.2 Migration électrophorétique ................................................................... — 3
1.3 Migration électroosmotique.................................................................... — 5
1.4 Bilan des phénomènes de transport ...................................................... — 7
2. Grandeurs fondamentales.................................................................. — 7
2.1 Temps de migration................................................................................. — 7
2.2 Calcul des mobilités apparentes, électrophorétiques
et électroosmotiques ............................................................................... — 7
2.3 Efficacité et résolution ............................................................................. — 8
3. Contributions à l’élargissement des pics ...................................... — 8
3.1 Diffusion.................................................................................................... — 9
3.2 Effet Joule................................................................................................. — 9
3.3 Adsorption ................................................................................................ — 10
3.4 Électrodispersion ..................................................................................... — 10
3.5 Injection .................................................................................................... — 11
3.6 Autres sources de dispersion.................................................................. — 11
4. Principe des différents modes de séparation
en électrophorèse capillaire.............................................................. — 11
4.1 Électrophorèse capillaire de zone........................................................... — 11
4.2 Chromatographie électrocinétique......................................................... — 12
4.3 Électrochromatographie.......................................................................... — 15
4.4 Électrophorèse capillaire en gel.............................................................. — 16
4.5 Isoélectrofocalisation capillaire .............................................................. — 17
5. Conclusion.............................................................................................. — 19
6. Glossaire ................................................................................................. — 19
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. P 3 365v2

’électrophorèse capillaire est une technique d’analyse de composés en


L phase liquide, que ceux-ci soient des petits ions inorganiques, des petites
molécules telles que des acides aminés, des peptides ou des principes actifs
pharmaceutiques, ou des macromolécules telles que des protéines, des
polymères et de l’ADN, voire des nanoparticules ou des virus. Elle est mise en
œuvre au sein d’un capillaire de faible diamètre interne (quelques dizaines de
micromètres) rempli d’un électrolyte de séparation et requiert l’application
d’un champ électrique. Comme la chromatographie en phase liquide, il existe
plusieurs modes de séparation en fonction de la composition de l’électrolyte et
de la présence éventuelle d’une phase stationnaire dans le capillaire, et qui
permettent la séparation des composés en fonction de leur rapport charge sur
Parution : décembre 2019

taille, de leur hydrophobicité, de leur chiralité, de leur taille ou de leur point


isoélectrique par exemple. Cette diversité de mécanismes de séparation, alliée
à de très grandes efficacités, des analyses rapides, automatisées, peu

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés P 3 365v2 – 1

13
Référence Internet
P3365

ÉLECTROPHORÈSE CAPILLAIRE ________________________________________________________________________________________________________

coûteuses et miniaturisées rendent cette technique incontournable dans de


nombreuses applications. Cet article présente les différents paramètres influant
sur la séparation des composés, définit les grandeurs fondamentales et décrit
les différents phénomènes pouvant conduire à une diminution des perfor-
mances de l’analyse. Le principe de chaque mode de séparation en
électrophorèse capillaire est présenté et illustré par des exemples d’application
variés (ions inorganiques, médicaments, polluants, protéines, ADN...).

Symbole Unité Description Symbole Unité Description


C mol · L–1 concentration de l’électrolyte Vinj,i m3 volume injecté de l’espèce i
Ci mol · L–1 concentration de l’ion i wb s largeur à la base du pic
D m2 · s–1 coefficient de diffusion w0,5 s largeur à mi-hauteur du pic
dc m diamètre interne du capillaire zi sans unité nombre de charges de l’ion i
e A·s charge d’un électron α sans unité coefficient de dissociation
E V· m–1 champ électrique δ m longueur de Debye
F A · s · mol–1 constante de Faraday ∆P Pa surpression
Ι mol · L–1 force ionique ε0 C · V–1 · m–1 permittivité du vide
Ka sans unité constante d’acidité εr sans unité permittivité relative
Kf sans unité constante d’équilibre de ζ V potentiel zéta
formation
η Pa · s viscosité
m longueur effective du capillaire
Λ S· mol–1 . m–2 conductivité molaire
L m longueur totale du capillaire
μapp m2 · V–1 · s–1 mobilité apparente
m longueur injectée de l’espèce i
μeo m2 · V–1 · s–1 mobilité électroosmotique
N sans unité efficacité
μep m2 · V–1 · s–1 mobilité électrophorétique
q C (= A · s) charge d’un ion
σ s ou m écart-type du pic gaussien
Qinj,i mol quantité injectée de l’espèce i
σ2 s2 ou m2 variance du pic gaussien
R J · mol–1 · K–1 constante des gaz parfaits
s2 ou m2 contribution de la diffusion à la
ri m rayon hydrodynamique solvaté variance du pic
de l’ion i
s2 ou m2 contribution de l’injection à la
Rs sans unité résolution entre deux composés variance du pic
S m2 section du capillaire s2 ou m2 contribution de la détection à la
t s temps variance du pic

T K température
teo s temps d’écoulement
électroosmotique 1. Principe général
tinj s durée de l’injection et phénomènes
tm s temps de migration de transport
vapp m· s–1 vitesse apparente
veo m · s–1 vitesse de l’écoulement 1.1 Principe
électroosmotique
vep m · s–1 vitesse électrophorétique L’électrophorèse capillaire est une technique où les composés
sont analysés au sein d’un capillaire de faible diamètre interne
V V tension (quelques dizaines de micromètres) et d’une longueur de l’ordre de
quelques dizaines de centimètres, rempli d’un électrolyte de sépara-
Vcond m3 volume de conditionnement du
tion. Les deux extrémités du capillaire plongent dans deux flacons
capillaire
réservoirs différents où plongent également deux électrodes reliées

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________________________________________________________________________________________________________ ÉLECTROPHORÈSE CAPILLAIRE

Capillaire
1.2 Migration électrophorétique
diamètre interne : 10-100 µm
longueur : quelques dizaines de cm 1.2.1 Définition et équations de base

Détection La migration électrophorétique est le déplacement d’une


espèce chargée sous l’action d’un champ électrique. Elle
Électrode
résulte de l’équilibre qui s’établit entre la force électrostatique
Électrode
et les forces de frictions lorsqu’une vitesse constante est
atteinte.

Il s’agit alors de la vitesse électrophorétique, notée vep. Elle


est égale au produit de la mobilité électrophorétique, notée μep,
qui est propre à l’espèce chargée, et du champ électrique E, qui
est égal au ratio de la tension appliquée aux extrémités du capil-
laire sur sa longueur totale :
Électrolyte Échantillon Électrolyte
(1)

Dans le cas des petits ions, c’est-à-dire ceux dont la taille est
Générateur de
tension (kV)
inférieure à la longueur de Debye δ et où on peut assimiler l’ion à
une sphère uniquement soumise aux forces de Coulomb et de
Stokes, la mobilité électrophorétique d’un ion i s’exprime par :
Figure 1 – Schéma de principe d’un système d’électrophorèse
capillaire
(2)

à un générateur de haute tension, comme représenté schématique- avec q charge de l’ion,


ment figure 1. L’application d’une tension, pouvant atteindre
quelques dizaines de kV, aux extrémités du capillaire génère un zi nombre de charge de l’ion,
champ électrique longitudinal au sein du capillaire qui induit la mise e charge d’un électron,
en mouvement des analytes, selon une vitesse propre à chacun. η viscosité de l’électrolyte,
Une étape de détection en continu est réalisée, le plus souvent
directement à travers le capillaire au niveau d’une fenêtre dite de ri rayon hydrodynamique solvaté de l’ion.
détection. La spectrophotométrie d’absorbance UV est le mode de Plus un ion est chargé et plus il a un rayon hydrodynamique sol-
détection le plus classique en électrophorèse capillaire, mais vaté petit, plus il est mobile, et donc plus il migre à une vitesse élec-
d’autres modes sont possibles tels que la conductimétrie ou la spec- trophorétique élevée lors de l’application d’un champ électrique. Le
trométrie de masse par exemple. Deux phénomènes sont à l’origine tableau 1 présente pour quelques ions leurs valeurs de mobilité
de la mise en mouvement des composés dans un capillaire et qui électrophorétique absolue , c’est-à-dire dans le cas d’une
conduisent à leur séparation : la migration électrophorétique et solution indéfiniment diluée, à 25 °C. La connaissance de ces mobili-
l’écoulement électroosmotique. tés propres à chaque ion permet de prédire le sens et l’intensité de

Tableau 1 – Mobilités électrophorétiques absolues à 25 °C de certains ions

Cation Anion
(× 10–5 cm2 · V–1 · s–1) (× 10–5 cm2 · V–1 · s–1)
H+ 362,5 OH– – 205,5
K+ 76,2 – 82,9
Na+ 51,9 Cl– – 79,1
48,9 – 74,1
Éthanolamine 44,3 F– – 57,4
Li+ 40,1 CH3COO– – 42,4
Tris 29,5 HEPES – 21,8
Ammédiol 29,5 MES – 26,8
20,2 MOPS – 24,4
HEPES : acide 4-(2-hydroxyéthyl)-1-pipérazine éthane sulfonique
MES : acide 2-(N-morpholino)éthanosulfonique
MOPS : acide 3-morpholino-1-propanesulfonique
Tris : tris(hydroxyméthyl)aminométhane

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ÉLECTROPHORÈSE CAPILLAIRE ________________________________________________________________________________________________________

la vitesse de migration des ions lors de l’application d’un champ Plusieurs modèles théoriques ou expérimentaux ont été publiés
électrique et donc leur ordre de sortie. Comme cela apparaît dans afin de pouvoir prendre en compte l’impact des ions de l’électro-
l’équation (2), la mobilité électrophorétique d’un cation est positive lyte, donc de sa force ionique, sur les mobilités électrophorétiques.
et celle d’un anion négative. Les ions hydronium H3O+ et hydroxyde On peut ainsi citer ceux de Debye-Hückel-Onsager ou de Robinson-
OH– sont ceux qui ont les mobilités électrophorétiques absolues de Stokes [1] ou l’équation empirique de Friedl [2].
loin les plus élevées, avec un ordre de grandeur de différence par
rapport à tous les autres ions. Ensuite, on peut remarquer que la
mobilité du chlorure est plus élevée en valeur absolue que celle du 1.2.3 Effet du pH de l’électrolyte
fluorure. Comme ces deux ions ont la même charge, cela indique
que le rayon ionique du chlorure solvaté est plus petit que celui du Pour des composés à analyser ayant des propriétés acido-
fluorure, ce qui est à l’inverse de ce qui est observé à l’état gazeux. basiques, le pH de l’électrolyte joue également sur leur mobilité
Enfin, de manière générale, les ions inorganiques sont plus mobiles électrophorétique comme cela est illustré figure 2 pour un acide
que les ions organiques, car plus petits. faible AH ayant une valeur de pKa de 5. En effet, en fonction du
pH, le degré de dissociation du composé varie, donc sa charge et
L’équation (2) s’applique pour des ions dont la taille est infé-
donc, d’après l’équation (2), sa mobilité électrophorétique. Pour
rieure à la longueur de Debye, notée δ, qui peut être calculée
une valeur de pH de l’électrolyte inférieure à pKa – 2, l’acide est
selon :
protoné sous sa forme AH et donc neutre. Sa charge nulle lui
confère donc une mobilité électrophorétique qui l’est aussi. Pour
(3) une valeur de pH supérieure à pKa+2, l’acide est totalement dépro-
toné et existe en solution sous sa forme A–. Sa charge est donc
avec εr permittivité relative de l’électrolyte, égale à – 1, ce qui lui confère une mobilité électrophorétique non
ε0 permittivité du vide (8,85 × 10–12 C · V–1 · m–1), nulle et négative, . Pour des valeurs de pH croissantes com-
prises entre pKa – 2 et pKa + 2, l’acide se déprotone progressive-
R constante des gaz parfaits (8,314 J · mol–1 · K–1), ment et a un coefficient de dissociation α qui varie de 0 à 1. On
T température en Kelvin, peut alors exprimer, pour chaque valeur de pH, la mobilité électro-
I force ionique, phorétique effective μep eff,i de cet acide faible comme étant égale
F constante de Faraday (9,65 × 104 C · mol–1 avec au produit de la mobilité électrophorétique de l’espèce totalement
1 C = 1 A · s). déprotonée (A– ici) et du coefficient de dissociation α :

En se plaçant dans le cas de l’eau à une température de 25 °C, on (4)


obtient une valeur pour la longueur de Debye de 10 nm si l’électrolyte
à une force ionique de 1 mM et de 1 nm si la force ionique est de
100 mM, ce qui correspond à la gamme de force ionique classique-
ment utilisée en électrophorèse capillaire.
100
Ainsi, l’équation (2) ne s’applique pas à un brin d’ADN, une pro- 90
téine, un polymère synthétique ou une nanoparticule. Il faut dans
Concentration relative

80 [AH] [A–]
ce cas revenir à la définition plus générale de la mobilité électro-
70
phorétique, qui est égale au rapport de la charge de l’ion sur son
60
coefficient de friction lors de son déplacement dans l’électrolyte.
50
Dans le cas particulier d’une molécule constituée de la répétition
de x unités, le coefficient de friction est égal au produit de la 40
viscosité η de l’électrolyte par le nombre x d’unités. La mobilité 30
électrophorétique est donc égale au rapport de la charge de la 20
molécule divisée par ηx. Si la charge de cette macromolécule est 10
indépendante du nombre d’unités qui la compose, sa mobilité 0
électrophorétique varie inversement avec x, donc avec la masse 0 2 4 6 8 10 12 14
moléculaire. Dans le cas particulier où chaque unité supplémen- pH
taire composant la macromolécule confère une charge supplémen-
électrophorétique (en 105 cm2 · V–1 · s–1)

taire, alors la mobilité électrophorétique est indépendante du 45


nombre de répétition de l’unité. Cela est le cas d’un brin d’ADN ou
Valeur absolue de la mobilité

40
d’un polymère constitué de monomères chargés. Dans ce cas,
quelle que soit la taille des brins d’ADN, ils ont tous la même 35
mobilité électrophorétique. 30
25
1.2.2 Effet de la force ionique de l’électrolyte 20
Comme indiqué précédemment, le tableau 1 donne des valeurs 15
de mobilité électrophorétique absolue, c’est-à-dire dans une solu- 10
tion indéfiniment diluée. Cependant, en électrophorèse capillaire,
le liquide qui remplit le capillaire doit pouvoir conduire le courant 5
et donc être un électrolyte, c’est-à-dire une solution qui contient 0
des ions telle que par exemple un tampon phosphate, un tampon 0 2 4 6 8 10 12 14
borate ou de l’acétate d’ammonium, avec des concentrations de pH
quelques dizaines de mmol · L–1. L’électrolyte de séparation a donc
pKa = 5
une force ionique de l’ordre de quelques dizaines de mmol · L–1.
mA– = – 40 × 10–5 cm2 · V–1 · s–1
Or, la présence de ces ions dans le liquide induit une diminution
de la mobilité électrophorétique de l’ion i, notée , et donc les
analytes ont une vitesse électrophorétique plus petite que celle Figure 2 – Effet du pH sur les concentrations relatives et sur la valeur
prévue par les valeurs de mobilité électrophorétique absolue. absolue de la mobilité électrophorétique de l’acide faible AH

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On peut transposer cette discussion au cas d’un composé qui paramètres jouent également un rôle majeur : la température et la
posséderait une fonction basique. Une base faible est sous sa teneur en solvant de l’électrolyte. En effet, une augmentation de la
forme B lorsque le pH est supérieur à pKa + 2. Elle est alors neutre température de 1 °C induit une diminution de 2 à 3 % de la visco-
et a une mobilité électrophorétique nulle. Pour des valeurs de pH sité, et donc une augmentation du même ordre de la mobilité élec-
inférieures à pKa – 2, l’espèce est sous sa forme protonée BH+. Elle trophorétique. De plus, elle a aussi un effet sur les valeurs des
a donc une mobilité électrophorétique non nulle et positive, . constantes thermodynamiques, telles que les pKa et Kf, et donc sur
Pour des valeurs de pH décroissantes comprises entre pKa + 2 et la mobilité électrophorétique d’une espèce qui posséderait des
pKa – 2, la base se protone progressivement avec un coefficient de propriétés acido-basiques ou de complexation, comme cela a été
dissociation α. L’expression de la mobilité électrophorétique effec- décrit précédemment.
tive μep eff,i de ce composé est alors égale au produit de la mobilité
électrophorétique de l’espèce totalement protonée (BH+ ici) et En ce qui concerne la teneur en solvant de l’électrolyte, elle a un
du coefficient de dissociation α : effet sur la viscosité de l’électrolyte, sur les équilibres en solution,
donc sur le pH et les constantes thermodynamiques telles que le
pKa, et sur la solvatation des composés, donc leur rayon hydrody-
(5) namique solvaté. Ces effets qui peuvent être antagonistes se
cumulent et il est parfois difficile de prévoir si un ajout de solvant
Si un composé possède plusieurs groupements acido-basiques, entraîne une augmentation ou une diminution de la mobilité élec-
comme un peptide ou une protéine par exemple, chacun possé- trophorétique d’un composé donné, tout comme une élévation de
dant une valeur de pKa, le raisonnement précédent s’applique pour température. Le plus souvent, seule une mise en œuvre expéri-
chaque groupement et peut induire des variations très fortes de la mentale permet de répondre à cette question. De plus, ces effets
mobilité, qui peut même être négative dans un certain domaine de peuvent être très différents d’un composé à un autre, ce qui fait
pH et positive dans un autre. Il apparaît donc que le pH peut signi- qu’un changement de température ou l’ajout d’un faible pourcen-
ficativement modifier la mobilité électrophorétique d’un composé tage de solvant (de l’ordre de 10 à 30 % en volume), le plus sou-
ayant des propriétés acido-basiques. Ce paramètre doit donc être vent du méthanol, de l’éthanol ou de l’acétonitrile, sont souvent
précisément contrôlé puisqu’il détermine la vitesse de migration testés lors de l’optimisation d’une séparation. Quoi qu’il en soit,
des ions et donc leur temps de sortie. Il peut également permettre ces paramètres sont à contrôler précisément puisqu’ils influent sur
d’ajuster les vitesses électrophorétiques relatives des composés à la migration électrophorétique.
analyser pour mieux les séparer.

1.2.4 Effet de la complexation 1.3 Migration électroosmotique


Si une espèce a des propriétés de complexation, l’ajout d’un
ligand peut fortement modifier sa mobilité électrophorétique. En 1.3.1 Principe
effet, l’espèce complexée peut avoir une charge différente et/ou
une taille différente, deux paramètres affectant la mobilité électro-
phorétique comme décrit dans l’équation (2). De plus, la concentra-
tion en ligand et la constante de formation du complexe
Un deuxième phénomène est à l’origine de la mise en
contribuent également à la valeur finale de la mobilité électropho-
mouvement des composés dans un capillaire lorsqu’un champ
rétique effective de l’espèce considérée. On peut illustrer cela en
électrique est appliqué. Il s’agit de la migration électro-
considérant une espèce chargée M+ qui se complexe avec le ligand
osmotique, qui résulte de l’écoulement de l’électrolyte qui est
L pour former l’espèce ML+ avec une constante de formation Kf.
produit lorsqu’une tension est appliquée aux extrémités d’un
Suite à l’équilibre de complexation, les espèces M+ et ML+ co-
capillaire qui a des groupements chargés à sa surface.
existent en solution, selon l’équilibre de formation du complexe.
Ainsi, la mobilité électrophorétique de l’espèce M, μep,M, s’exprime
selon :
En effet, les capillaires conventionnellement utilisés en électro-
phorèse capillaire sont en silice fondue. Ils possèdent donc en sur-
face des groupements silanol —SiOH. Ceux-ci sont des acides
faibles avec une valeur de pKa variant entre 4 et 6 selon leur envi-
(6) ronnement chimique (silanols voisins, géminaux, vicinaux...).
Ainsi, lorsque le pH de l’électrolyte est supérieur à 2, certains
silanols présents à la surface du capillaire sont déprotonés sous la
forme –SiO–, ce qui confère une densité de charge négative à la
avec [M+], [L] et [ML+] concentrations en espèces M+, L et ML+, surface du capillaire.
mobilités électrophorétiques des espèces
M+ et ML+. L’électrolyte qui remplit le capillaire est lui composé d’au moins
un cation et un anion, afin de pouvoir conduire le courant, dans
Il apparaît donc que l’ajout d’un ligand peut modifier très forte- des concentrations respectives qui respectent la règle de l’élec-
ment l’amplitude et le signe de la mobilité électrophorétique d’une troneutralité, c’est-à-dire que la charge globale de l’électrolyte est
espèce qui se complexe avec lui. Cette propriété est ainsi souvent nulle. La surface du capillaire ayant une densité de charge néga-
utilisée pour ajuster la vitesse électrophorétique d’un composé à tive, des cations de l’électrolyte s’adsorbent sur cette surface et
analyser afin d’améliorer sa séparation vis-à-vis d’autres espèces forme ainsi une double-couche. Sous l’application de la tension,
présentes dans l’échantillon. les cations de cette double-couche se mettent en mouvement vers
l’électrode chargée négativement, qui est appelée par convention
1.2.5 Effets de la température et de la teneur en électrophorèse capillaire la cathode. Ce phénomène a lieu sur
en solvant de l’électrolyte toute la surface et toute la longueur du capillaire et, ces cations
étant solvatés, ils entraînent avec eux l’intégralité du liquide pré-
Précédemment, il a été établi que la force ionique de l’électro- sent dans le capillaire. Cet écoulement porte le nom d’écoulement
lyte, mais aussi son pH et sa teneur en agent complexant peuvent électroosmotique et il est donc généré par l’application d’une ten-
très fortement modifier la migration électrophorétique des espèces sion et non d’une surpression, comme un écoulement hydrodyna-
à analyser. D’après l’équation (2), il apparaît que deux autres mique. Il a la particularité d’avoir un profil de vitesse plat.

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Électrophorèse capillaire
Appareillage
par Agnès HAGÈGE
Chargée de recherche CNRS à l’Institut de Biologie Environnementale
et de Biotechnologie, UMR 7265 CNRS-CEA-Aix-Marseille II et SBTN, CEA Marcoule
et Thi Ngoc Suong HUYNH
Diplômée de la faculté de pharmacie de Hô Chi Minh-ville (Vietnam)
Doctorante au Service de Biochimie et de Toxicologie Nucléaire, CEA Marcoule

Cet article est la réédition actualisée de l’article [P 3 366] paru en 2003 rédigé par Myriam
TAVERNA, Isabelle LE POTIER et Philippe MORIN.

1. Aperçu général ....................................................................................... P 3 366v2 - 2


2. Séparation ............................................................................................... — 3
2.1 Supports de séparation ............................................................................ — 3
2.1.1 Capillaires ......................................................................................... — 3
2.1.2 Puces ................................................................................................. — 3
2.2 Générateurs de haute tension.................................................................. — 4
2.3 Thermorégulation ..................................................................................... — 4
3. Injection ................................................................................................... — 5
3.1 Injection hydrodynamique ....................................................................... — 5
3.2 Injection électrocinétique ......................................................................... — 5
3.3 Préconcentration par stacking — 5
4. Détection ................................................................................................. — 6
4.1 Détection optique ...................................................................................... — 7
4.1.1 UV...................................................................................................... — 7
4.1.2 Fluorescence..................................................................................... — 7
4.2 Détection électrochimique ....................................................................... — 8
4.2.1 Conductimétrie ................................................................................. — 8
4.2.2 Ampérométrie .................................................................................. — 8
4.3 Spectrométrie de masse........................................................................... — 8
4.3.1 Spectrométrie de masse moléculaire............................................. — 9
4.3.2 Spectrométrie de masse élémentaire ICP-MS ............................... — 10
5. Conclusion............................................................................................... — 10
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. P 3 366v2

’électrophorèse capillaire est une technique séparative basée sur la migra-


L tion d’espèces chargées dans un champ électrique, en fonction de leur
mobilité électrophorétique.
Elle ne nécessite que de très petites quantités d’échantillon et offre comme
avantage une grande efficacité de séparation mais également un faible coût de
fonctionnement associé à un faible volume de déchets générés.
Elle est aujourd’hui reconnue comme une technique séparative à part entière
et intégrée à de nombreuses plateformes d’analyse dans les domaines phar-
Parution : décembre 2013

maceutique, biomédical, environnemental… et est applicable à la séparation


de composés très variés, allant des petits ions inorganiques aux macromolé-
cules biologiques (sucres, protéines, ADN…).

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ÉLECTROPHORÈSE CAPILLAIRE ________________________________________________________________________________________________________

Une part importante de son implantation est due à son appareillage relative-
ment simple, ne présentant que peu de parties mobiles, la rendant de ce fait
adaptée à une miniaturisation. Grâce à ces caractéristiques, son intégration au
sein de laboratoires sur puce a suscité un engouement considérable dans le
domaine de l’analyse.
Par ailleurs, les développements instrumentaux sans cesse réalisés ont
permis d’accroître ses performances et ses possibilités. À ce titre, le couplage
avec la spectrométrie de masse peut être considéré comme une avancée
déterminante dans l’expansion de cette technique.
Le but de cet article est de donner un aperçu global de l’appareillage utilisé
en électrophorèse capillaire et d’en détailler les principaux composants et de
mentionner les configurations les plus utilisées et les nombreuses évolutions,
notamment dans le domaine de la détection. Une part importante est
consacrée à la miniaturisation de cette technique.
Cet article fait partie d’une série dédiée à l’électrophorèse capillaire :
– « électrophorèse capillaire. Principe » [P 3 365] ;
– « électrophorèse capillaire. Appareillage » [P 3 366] ;
– « électrophorèse capillaire. Applications » [P 3 367].

Liste des abréviations

Sigle Définition
Capillaire
détecteur de conductivité par couplage
C4 D
capacitif sans contact
CE électrophorèse capillaire Détecteur

ESI ionisation par électrospray


ICP ionisation par plasma induit Électrodes
Réservoirs
amplification de lumière par émission sti- d’électrolyte
LASER
mulée de rayonnement Générateur haute tension

LED diode électroluminescente


Figure 1 – Schéma d’un appareil d’électrophorèse capillaire
LIF fluorescence induite par laser

MALDI
ionisation/désorption par laser assistée deux électrodes, plongeant également dans ces réservoirs et
par une matrice alimentées par un générateur de haute tension, d’un système
d’injection des échantillons (§ 3) et d’un système de détection,
MS spectrométrie de masse
optique la plupart du temps (figure 1).
PMT photomultiplicateur Ces appareils n’ont depuis cessé d’évoluer. Les possibilités de
UV ultra-violet couplage à des détecteurs externes ont multiplié le champ des
détections possibles. Parmi celles-ci, on peut notamment citer la
spectrométrie de masse.
Les années 2000 sont, quant à elles, marquées par la miniaturi-
1. Aperçu général sation de ces systèmes et l’amélioration de la durée des sépara-
tions, désormais réduite à quelques secondes. Comme nous le
verrons par la suite, ce changement d’échelle implique pour
L’électrophorèse capillaire CE (Capillary Electrophoresis) occupe certaines étapes une conception totalement différente.
une place particulière dans le panel des techniques séparatives et Le principe de séparation repose sur la migration d’espèces char-
peut être considérée sous de nombreux aspects comme une tech- gées dans un champ électrique. Parmi ses atouts, on peut citer :
nique hybride entre la chromatographie et l’électrophorèse sur gel.
– sa grande flexibilité ; de nombreux modes de séparation sont
Depuis les premiers travaux réalisés par Hjerten [1] dans des possibles (électrophorèse de zone, électrophorèse sur gel,
capillaires de 0,3 mm de diamètre interne, cette technique a pris chromatographie électrocinétique, micellaire ou non, focalisation
un essor considérable avec l’utilisation de capillaires de diamètres isoélectrique...) qui sont accessibles par simple changement de la
plus réduits (75 µm) grâce aux travaux de Jorgenson et al. [2] au composition de l’électrolyte ;
début des années 1980, qui ont rendu possible le développement – son faible coût de fonctionnement ; notamment dû au faible
d’appareils commerciaux. coût des capillaires, comparé à celui des colonnes chromato-
Ces appareils sont des systèmes totalement intégrés, générale- graphiques et à son automatisation par rapport à l’électrophorèse
ment constitués d’un capillaire de séparation dont les extrémités sur gel, qui permet une diminution considérable du coût de
sont immergées dans des réservoirs contenant un électrolyte, de main-d’œuvre imputé à une séparation.

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Enfin, dans son format micropuce, on peut encore citer : populaire avec le développement des techniques électrochromato-
– sa portabilité ; graphiques et permet la synthèse de la phase stationnaire directe-
– sa rapidité, notamment par les possibilités de multiplexage ment in situ par des réactions de polymérisation photo-initiées.
qu’offrent ces supports. La surface interne des capillaires de silice est constituée de sila-
Une étude détaillée [3] fournit, à l’aide de nombreux exemples, nols dont l’ionisation permet de générer un flux électroosmotique
une comparaison objective entre l’électrophorèse capillaire, dirigé vers l’anode. Ce dernier joue un rôle primordial dans le
l’électrophorèse sur gel et la chromatographie (nanochromatogra- processus de séparation et doit être optimisé afin d’améliorer la
phie) basée sur différents critères tels que la vitesse, la flexibilité, sélectivité, de réduire les temps d’analyse mais aussi d’éliminer
la portabilité, le volume d’échantillon, la sensibilité, la répétabilité l’adsorption de certains composés à la surface de ces silanols. Une
ou encore le coût. des options consiste à greffer chimiquement ces silanols. Différents
protocoles ont été élaborés en fonction de la nature du greffon.

2. Séparation Ceux-ci ne sont pas détaillés dans cet article mais le lecteur
pourra se référer à deux articles, l’un traitant plus spécifique-
ment du greffage par le polyacrylamide linéaire [5], l’autre
présentant un panorama plus général du greffage par les
2.1 Supports de séparation polymères [6].
Comme son nom l’indique, les séparations sont en général
réalisées dans des canaux de dimensions capillaires. Les supports Certains d’entre eux sont disponibles commercialement. Pour ne
classiques sont généralement des tubes de silice fondue mais plus citer que les plus courants :
récemment les puces se sont développées et constituent une – capillaires neutres (greffés par du polyacrylamide ou du
véritable avancée, notamment en termes de rapidité d’analyse polyvinylalcool) ;
(figure 2). – capillaires chargés positivement (greffés par des polymères
présentant des groupements ammonium quaternaire) ;
2.1.1 Capillaires – capillaires présentant une charge de surface réduite par des
greffons alkyle, diol.
Les capillaires sont le plus souvent constitués de silice fondue,
D’autres capillaires en polytétrafluoroéthylène (Téflon) ou
revêtus d’une couche de polyimide afin d’en assurer la flexibilité.
perfluoroalkoxy (Teflon-PFA) peuvent être utilisés en raison de leur
Leurs dimensions sont en général comprises entre 10 et 100 cm de
surface non polaire qui devrait présenter des capacités de sorption
longueur et 20 à 75 µm de diamètre interne.
des ions métalliques et des molécules multichargées plus faibles.
Ce type de capillaire est utilisé dans de nombreuses d’applica-
tions. Néanmoins, certaines études mentionnent l’intérêt de
capillaires qui vont différer de par leur géométrie, la nature du 2.1.2 Puces
revêtement externe ou encore celle de leur surface interne. La géométrie des systèmes sur puce diffère quelque peu de celle
Ainsi, des capillaires à section carrée ou rectangulaire ont été des capillaires. Dans le cas des systèmes les plus simples, la
utilisés en raison de leur meilleure capacité à dissiper la chaleur et configuration adoptée est une géométrie en forme de croix, repré-
des plus faibles distorsions optiques engendrées par les surfaces sentée sur la figure 2b. Cette géométrie présente deux avantages :
planes mais leur emploi reste anecdotique. – d’une part, pallier l’absence de passeur d’échantillons en
Des revêtements externes autres que le polyimide tels que les entrée du capillaire de séparation ;
fluoropolymères (Téflon®AF) permettent de disposer de capillaires – d’autre part, permettre l’injection de volumes d’échantillons
totalement transparents aux UV. Ce type de capillaire est devenu très définis comme nous le verrons dans le paragraphe 3.

1 cm

a capillaire de silice b puce en verre

Figure 2 – Supports de séparation utilisés en électrophorèse capillaire (doc. S. Huynh, A. Hagège)

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Électrophorèse capillaire
Applications

par Nathalie DELAUNAY


Chercheur CNRS, Laboratoire de Sciences Analytiques, Bioanalytiques et Miniaturisation,
UMR 8231 CBI, ESPCI Paris PSL, Paris, France

1. Ions inorganiques .................................................................................. P 3 367v2 - 3


1.1 Cations inorganiques............................................................................... — 5
1.2 Anions inorganiques................................................................................ — 7
1.3 Analyse simultanée de cations et d’anions ........................................... — 7
2. Ions organiques..................................................................................... — 8
2.1 Séparation en mode CZE......................................................................... — 8
2.2 Séparation en mode EKC ........................................................................ — 10
3. Composés organiques neutres ......................................................... — 12
3.1 Séparation en mode EKC ........................................................................ — 12
3.2 Stratégies pour le couplage EKC-MS ..................................................... — 13
4. Composés chiraux................................................................................ — 15
5. Acides aminés ....................................................................................... — 17
6. Peptides .................................................................................................. — 17
7. Protéines................................................................................................. — 20
7.1 Séparation en mode CZE......................................................................... — 20
7.2 Séparation en mode CGE ........................................................................ — 21
7.3 Séparation en mode CIEF........................................................................ — 21
8. Monosaccharides et polysaccharides............................................. — 24
9. Conclusion.............................................................................................. — 25
10. Glossaire ................................................................................................. — 26
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. P 3 367v2

’électrophorèse capillaire CE est une technique d’analyse mise en


L œuvre au sein d’un capillaire de quelques dizaines de micromètres de
diamètre interne rempli d’un électrolyte de séparation et soumis à un
champ électrique. Il existe plusieurs modes de séparation en fonction de
la composition de l’électrolyte et de la présence éventuelle d’un gel, d’un gra-
dient de pH ou d’une phase stationnaire dans le capillaire. Chaque mode
sépare les composés selon un ou plusieurs critères tels que leur rapport
charge sur taille, leur hydrophobicité, leur chiralité, leur taille ou leur point
isoélectrique, par exemple. Il existe également plusieurs modes de détection
qui peuvent être couplés à une séparation en CE, tels que la spectrophotomé-
trie d’absorbance UV, la fluorimétrie, la conductimétrie ou la spectrométrie de
masse par exemple.
Cette diversité de mécanismes de séparation et de modes de détection rend la
CE appropriée pour analyser des composés très variés, tels que des petits ions
inorganiques ou organiques, des molécules neutres et/ou chirales, des acides
Parution : septembre 2021

aminés, des peptides, des protéines ou des sucres et polysaccharides. Ainsi, de


très nombreux domaines d’application sont concernés tels que la pharmacie, la
biologie, l’environnement, l’alimentaire ou la criminalistique par exemple, où ses

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ÉLECTROPHORÈSE CAPILLAIRE ________________________________________________________________________________________________________

différentes qualités liées à sa miniaturisation, ses très grandes efficacités, sa


rapidité, son automatisation et son faible coût sont très appréciés.
Cependant, en fonction de la nature des composés ciblés, certains modes de
séparation et de détection sont plus appropriés que d’autres. En effet, pour
analyser en CE des ions et des petites molécules ionisées ou ionisables, l’élec-
trophorèse capillaire de zone CZE (capillary zone electrophoresis) et la
chromatographie électrocinétique EKC (electrokinetic chromatography)
sont très souvent privilégiées, le plus souvent associées à une détection par
spectrophotométrie d’absorbance UV ou par conductimétrie et parfois en spec-
trométrie de masse. La nature des ions, mais aussi le mode de détection,
imposent des contraintes sur la composition de l’électrolyte de séparation et
l’éventuelle fonctionnalisation de la surface du capillaire. Dans le cas de com-
posés neutres qui ont donc des mobilités électrophorétiques nulles, le mode
EKC est classiquement utilisé : un additif est ajouté dans l’électrolyte de sépa-
ration, comme par exemple un tensioactif au-delà de sa concentration
micellaire critique CMC, afin de séparer les composés selon leurs interactions
avec cette phase dite pseudo-stationnaire. Si une séparation chirale est visée,
un additif chiral tel qu’une cyclodextrine CD par exemple est alors ajouté dans
l’électrolyte afin de jouer le rôle de sélecteur chiral et de séparer les énantio-
mères en mode EKC. Pour ce qui concerne l’analyse d’acides aminés AA,
leur manque de propriétés chromophores impose une étape préalable de déri-
vation afin de les rendre détectables en spectrophotométrie d’absorbance UV
si ce mode de détection est choisi par exemple. Cela est également le cas de la
plupart des saccharides, cette étape de dérivation permettant de faciliter leur
détection mais aussi leur séparation en CZE en leur conférant des charges quel
que soit le pH de l’électrolyte de séparation. Dans le cas de l’analyse en CE de
protéines, qui sont des macromolécules et sont caractérisées par un point
isoélectrique, au mode classique de séparation par CZE s’ajoutent ceux de
l’électrophorèse capillaire en gel CGE, (capillary gel electrophoresis) et
d’isoélectrofocalisation capillaire CIEF (capillary isoelectric focusing).
Cet article a pour objectif de détailler les modes de séparation et de détection
les plus adaptés et les plus mis en œuvre pour chaque type de molécule (ions
inorganiques, ions organiques, molécules neutres et/ou chirales, acides
aminés, peptides, protéines et mono- et polysaccharides) tout en les illustrant
par de nombreux exemples d’application issus de l’état de l’art et de domaines
variés comme la pharmacie, la biologie, l’environnement, l’alimentaire ou la
criminalistique.

Sigle Développé Sigle Développé

AA acide aminé CGE électrophorèse capillaire en gel

ACN acétonitrile CIEF isoélectrofocalisation capillaire

AMAC 2-aminoacridone CMC concentration micellaire critique

ANTS acide aminonaphtalène-trisulfonique CTAB bromure de cétyltriméthylammonium

APTS acide 8-aminopyrène-1,3,6-trisulfonique CZE électrophorèse capillaire de zone

AU unité d’absorbance DeS sulfate de dextran

CD cyclodextrine DP degré de polymérisation

C4D détection conductimétrique sans contact DS degré de substitution

CE électrophorèse capillaire EKC chromatographie électrocinétique

CEC électrochromatographie EPO érythropoïétine

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Sigle Développé L’électrophorèse capillaire de zone CZE (Capillary Zone


Electrophoresis) est le mode de séparation le plus utilisé en
FITC isothiocyanate de fluorescéine électrophorèse capillaire. Il met en œuvre un électrolyte qui
est le plus souvent un tampon et les espèces migrent sous le
FMOC 9-fluorénylméthyl chloroformate
seul effet de leur migration électrophorétique et de l’écoule-
GAG glycoaminoglycane ment électroosmotique ; elles sont donc séparées selon leur
rapport charge sur taille.
GU unité glucose La chromatographie électrocinétique EKC (electrokine-
tic chromatography) est un mode de séparation de l’électro-
HAP hydrocarbures aromatiques polycycliques phorèse capillaire où s’ajoutent aux phénomènes de migration
électrophorétique et électroosmotique des interactions entre
HC chaîne lourde les analytes d’intérêt et des composés ajoutés dans ce but
dans l’électrolyte. Les analytes sont alors séparés selon leur
HDMB bromure d’hexadiméthrine
rapport charge sur taille et leurs types d’interactions avec les
HIBA acide hydroxyisobutyrique composés ajoutés dans l’électrolyte comme leur hydrophobi-
cité et/ou leur chiralité par exemple.
HPMC hydroxypropylméthylcellulose

HP-β-CD (2-hydroxy)propyl-β-cyclodextrine

iCIEF isoélectrofocalisation capillaire par imagerie 1. Ions inorganiques


ICP-MS spectrométrie à plasma à couplage inductif
L’électrophorèse capillaire en mode CZE est parfaitement
IgG immunoglobuline G adaptée pour l’analyse d’ions inorganiques, puisque ces espèces
sont chargées. L’électrolyte, liquide conducteur qui remplit le capil-
LC chaîne légère laire, est le plus souvent une solution tampon où les espèces
migrent selon une migration électrophorétique, qui leur est propre,
LIF fluorescence induite par laser et l’écoulement électroosmotique généré lorsqu’une tension est
appliquée aux extrémités du capillaire qui a des groupements
Ln lanthanides chargés à sa surface [P 3 365]. Deux ions ont donc des vitesses dif-
férentes et sont séparés si leurs mobilités électrophorétiques sont
LOD limite de détection différentes, c’est-à-dire si leurs rapports charge sur taille diffèrent.
mAb anticorps monoclonal En CZE, le choix de l’électrolyte de séparation est crucial. En
effet, la nature et la concentration des ions qui le composent et la
MEEKC chromatographie électrocinétique en présence éventuelle de solvant, d’agent complexant, de tensioactif,
microémulsion etc. impactent la mobilité électrophorétique des ions, l’intensité
voire le sens de l’écoulement électroosmotique, l’effet Joule, les
MEKC chromatographie électrocinétique micellaire différentes contributions à l’élargissement des pics et la détection,
comme cela a été détaillé dans les principes de l’électrophorèse
MES acide 2-(N-morpholino)éthanosulfonique
capillaire [P 3 365]. Ainsi, l’électrolyte contribue à la sélectivité,
MS spectrométrie de masse l’efficacité et la durée de la séparation. L’électrolyte, qui doit trans-
porter le courant électrique, doit être composé au moins d’un
NACE électrophorèse capillaire non aqueuse anion et d’un cation respectant la règle de l’électroneutralité. Par
convention, les ions de l’électrolyte qui possèdent une charge de
NDA naphtalène-2,3-dicarboxaldéhyde même signe que celle des analytes sont appelés co-ions, et ceux
qui ont une charge de signe opposé à celle des analytes contre-
ngHC chaîne lourde non glycosylée ions. L’électrolyte a aussi pour objectif de fixer le pH, ce qui fixe la
charge des composés ionisables, et donc leur mobilité électropho-
OPA o-phtaldialdéhyde rétique, et l’écoulement électroosmotique. Dans la très grande
majorité des cas, l’électrolyte de séparation en CZE doit donc avoir
PDC acide 2,6-pyridinedicarboxylique un pouvoir tampon, en choisissant un co-ion ou contre-ion ayant
des propriétés acido-basiques et un pKa voisin du pH ciblé (moins
PEI polyéthylèneimine
d’une unité d’écart) et en en introduisant en quantité suffisante
Phen 1,10-phénanthroline (quelques dizaines de mM en général) dans l’électrolyte. Néan-
moins, un compromis doit être réalisé entre le pouvoir tampon et
PSA antigène prostatique spécifique la force ionique de l’électrolyte qui affecte les mobilités électropho-
rétiques et électroosmotique, et donc la sélectivité de la sépara-
PVA alcool polyvinylique tion, et l’effet Joule [P 3 365]. Pour ce dernier point, choisir des
ions de faible conductivité pour composer l’électrolyte est à privilé-
PVS polyvinylsulfonate gier, même si une contrainte supplémentaire est que pour limiter
la déformation des pics générée par les phénomènes d’électrodis-
SDS sodium de dodécylsulfate persion, le co-ion de l’électrolyte doit avoir une mobilité voisine de
celles des analytes [P 3 365]. Le principe d’économie d’ions doit
2-AA acide 2-aminobenzoïque également être utilisé pour déterminer la composition de l’électro-
lyte afin de limiter l’apparition de pics systèmes [1]. Ainsi, un élec-
18-C-6 éther 18-couronne-6
trolyte idéal est composé d’un anion et d’un cation. Enfin, le
18-C-6 TCA acide (+)-(18-couronne-6)-2,3,11,12- dernier critère à prendre en compte lors du choix des ions compo-
tétracarboxylique sants l’électrolyte de séparation est lié au mode de détection
utilisé.

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– S’il s’agit de la spectrophotométrie d’absorbance UV, certains cations et anions analytes et des cations et anions chro-
mode le plus utilisé en CE, les composants de l’électrolyte doivent mophores qui sont les plus adaptés pour leur analyse respective.
être transparents aux longueurs d’onde adaptées à la détection Cependant, il existe de très nombreux autres cations ou anions qui
en mode direct des analytes. peuvent être utilisés comme ions chromophores [4].
– Cependant, la plupart des ions inorganiques ne possèdent pas – Une autre stratégie de détection des ions inorganiques consiste
de groupements chromophores et n’absorbent pas en UV. Une à utiliser le détecteur conductimétrique sans contact C4D
stratégie consiste alors à faire une détection UV en mode dit (capacitively-coupled contactless conductivity detection) [2] [5]. Il
indirect, où le co-ion de l’électrolyte absorbe fortement en UV [2]. offre comme avantage d’être universel pour les ions, peu coûteux et
Ainsi, comme illustré figure 1, dans le créneau où l’analyte est pré- positionnable à volonté sur le capillaire sans nécessiter de fenêtre
sent, il se substitue au co-ion pour respecter la règle de l’élec- pour la détection, contrairement aux modes de détection optiques
troneutralité, ce qui diminue l’absorbance de cette zone. Cette qui nécessitent d’enlever la couche de polyimide sur la surface
approche est donc universelle. Les critères de choix de ce co-ion externe du capillaire, ce qui explique sa très large utilisation
dit chromophore sont qu’il doit absorber fortement en UV à une aujourd’hui. Cependant, afin que la sensibilité soit maximale, la
longueur d’onde donnée et qu’il ait une mobilité proche de celles conductivité de l’électrolyte doit être la plus différente possible de
des analytes pour éviter toute déformation des pics. La figure 2 [3] celles des analytes, ce qui est en contradiction avec le souci de choi-
présente par exemple les mobilités électrophorétiques de sir un co-ion ayant une mobilité électrophorétique voisine de celles

anion de l’électrolyte
absorbant en UV

analyte n’absorbant
pas en UV

cation de l’électrolyte,
n’absorbant pas en UV
Absorbance

Distance

Figure 1 – Principe de la détection de spectrophotométrie d’absorbance UV en mode indirect en CE

Sr2+
Na+ NH4+
Li+ Ca2+
Mg2+ Ba2+ K+
Analytes

Mobilité
30 50 50 60 70 80 électrophorétique
Cations (10 m2 · V–1 · s–1)
–9
chromophores créatinine Cu2+
pyridine imidazole histidine

a cas des cations


CN– NO2–

Br – NO3 HPO24

CH3CO2


PO34 −
CI– − F– HCO3− H2PO4
Analytes CO32

Mobilité
électrophorétique
Anions 80 70 60 50 40 30
(10–9 m2 · V–1 · s–1)
chromophores MoO24

phtalate benzoate

hydrogéno-

CrO24 HCrO4 phtalate
CHES

b cas des anions

Figure 2 – Mobilités électrophorétiques de certains ions inorganiques et ions chromophores [3]

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des analytes pour limiter les phénomènes d’électrodispersion, Ainsi, l’éther 18-couronne-6 (18-C-6) a une forte affinité pour K+ et
puisque conductivité et mobilité sont liées. Des électrolytes à base l’éther 15-couronne-5 pour Na+. Cette propriété a été mise à profit par
d’acide 2-(N-morpholino)éthanosulfonique MES, un zwittérion, et exemple lors de l’optimisation de la séparation en CZE de cations
d’histidine, base de faible conductivité, sont souvent privilégiés. caractéristiques d’explosifs inorganiques, pour séparer K+ de
– Enfin, un dernier mode de détection possible est la spectro- NH4+ et Na+ de Sr2+ en introduisant dans l’électrolyte le 18-C-6 à une
métrie à plasma à couplage inductif ICP-MS (inductively concentration optimisée de 3 mM : en complexant K+ et Sr2+, il a
coupled plasma mass spectrometry), qui a comme avantage d’être diminué leur mobilité électrophorétique [9]. L’électrolyte optimisé
sensible, sélective et multi-élémentaire [6]. contient également 15 mM de guanidinium, cation chromophore pour
la détection en mode indirect. Il est à noter que la surface du capillaire
a été préalablement modifiée de manière semi-permanente en perco-
1.1 Cations inorganiques lant tout d’abord une solution d’un polymère cationique (bromure
d’hexadiméthrine, HDMB) puis une solution d’un polymère anionique
(polyvinylsulfonate, PVS), dans le but d’obtenir un écoulement élec-
L’analyse de cations inorganiques en CZE avec un capillaire de
troosmotique cathodique élevé même à un faible pH de 4,0.
silice vierge est rapide, car l’écoulement électroosmotique généré
est cathodique, c’est-à-dire dans le même sens que la migration
électrophorétique des cations. Ces deux contributions s’ajoutent Cependant, l’une des limitations de la détection UV en mode indi-
donc et leur confèrent des vitesses apparentes élevées. Cependant, rect est son manque de sensibilité (tableau 1). Afin de bénéficier de
deux cations sont séparés en CZE si leurs mobilités électrophoré- la plus grande sensibilité offerte par le mode direct, les cations inor-
tiques diffèrent, ce qui est le cas pour ceux de la famille des alcalins, ganiques peuvent être complexés avec un composé absorbant dans
mais malheureusement pas pour d’autres comme les métaux de l’UV, comme l’acide 8-hydroxy-quinoline-5-sulfonique, le 4-(2-
transition ou les lanthanides par exemple, qui ont respectivement pyridylazo)résorcinol ou la 1,10-phénanthroline (Phen) par exemple,
des charges et des tailles similaires. Afin de les séparer, la solution le complexe étant alors détectable. Malheureusement, cette com-
consiste à ajouter dans l’électrolyte de séparation un agent com- plexation totale, réalisée en général dans l’échantillon avant son
plexant à une concentration telle qu’il ne complexe que partielle- injection, limite la sélectivité de la séparation, puisque, par exemple,
ment et différemment les cations ciblés pour leur donner des les complexes formés entre Fe2+, Ni2+ ou Co2+ avec Phen ont des
mobilités électrophorétiques différentes [P 3 365]. La sélectivité de la tailles et des charges similaires, donc des mobilités électrophoré-
séparation dépend donc de la nature de l’agent complexant, c’est-à- tiques voisines. C’est pourquoi il peut être intéressant de coupler à
dire du fait qu’il ait des constantes de complexation différentes pour la fois complexations partielle et totale, en remplissant le capillaire
les cations ciblés, de sa concentration et du pH de l’électrolyte, si avec un électrolyte contenant un ligand complexant partiellement
l’agent complexant a des propriétés acido-basiques. les ions, mais également avec une petite zone contenant un com-
plexant fort et absorbant en UV placée avant la fenêtre de détection.
La première application de ce genre a été mise en œuvre par Foret Ainsi, les ions sont séparés dans la première partie du capillaire par
et al. pour séparer 14 lanthanides (Ln) en moins de 5 min [7]. complexation partielle et sont ensuite complexés par le complexant
L’acide hydroxyisobutyrique HIBA a été choisi comme contre-ion de fort et absorbant en UV lorsqu’ils atteignent et traversent successi-
l’électrolyte pour complexer les lanthanides avec des constantes de for- vement cette zone avant d’être détectés en UV direct. Cette
mation globales du complexe [Ln(HIBA)3] variant entre 105,53 pour La3+ approche a par exemple été utilisée pour déterminer les ions Fe2+,
et 108,82 pour Lu3+ à 20 °C. La créatinine a elle été choisie comme co- Ni2+ et Co2+ dans des milieux primaires de centrale nucléaire [10].
ion de l’électrolyte afin de permettre la détection des lanthanides en Pour pallier la faible sensibilité de la détection optique due au faible
mode UV indirect, puisque ces cations n’absorbent pas en UV. chemin optique, une méthode de préconcentration électrocinétique
a été mise en œuvre, ce qui a permis d’atteindre des limites de
D’autres agents de complexation ont également été utilisés pour détection LOD (limit of detection) de l’ordre de 10–8 mol · L–1. Il est à
séparer des cations inorganiques en CZE tels que le lactate, le noter que ces approches de préconcentration électrocinétique, qui
tartrate ou le phtalate par exemple. sont automatisées et se déroulent au sein du capillaire, et/ou de
traitement de l’échantillon sont très souvent utilisées avant la sépa-
Ainsi, 27 cations de la famille des alcalins, des alcalino- ration en CE, quels que soient le mode de séparation et la nature
terreux, des métaux de transition et des terres rares ont des analytes, pour améliorer les performances de l’analyse, en parti-
été séparés en moins de 6 min en utilisant le lactate comme contre- culier ses LOD [11] [12].
ion de l’électrolyte, qui joue à la fois le rôle d’agent complexant et
L’autre mode de détection qui est très utilisé pour l’analyse des
d’espèce tampon, et la 4-méthylbenzylamine comme co-ion, qui est
ions inorganiques est la C4D.
un cation chromophore pour détecter les analytes en UV indirect
(figure 3) [8].
Une excellente sélectivité a été obtenue en jouant sur le pH et la Exemple : 14 cations (NH4+, K+, Ca2+, Na+, Mg2+, Mn2+,
concentration en lactate, mais aussi en ajoutant une faible teneur en Tl3+, Cr3+, Pb2+, Cd2+, Zn2+, Cu2+, Co2+ et Ni2+) ont été ana-
solvant organique, le méthanol ici, qui module les mobilités électro- lysés par CZE-C4D comme nutriments et contaminants dans des
phorétiques via la viscosité de l’électrolyte, la taille des ions solvatés, plantes médicinales et des fertilisants [13]. L’électrolyte était com-
mais également leur charge en modifiant les constantes de complexa- posé de 30 mM de MES/histidine, 1,5 mM de 18-C-6 et 1 mM d’acide
tion et d’acidité (pKa). De plus, l’ajout de méthanol dans l’électrolyte citrique à pH 6,0 pour obtenir une bonne sélectivité. Des LOD
ralentit l’écoulement électroosmotique, améliorant la résolution au comprises entre 0,9 et 6,2 × 10–6 mol · L–1 ont été obtenues. De
détriment du temps d’analyse. Il est intéressant de remarquer sur la nombreux autres exemples d’application ont été décrits dans la
figure 3 que plus un cation migre tard, plus son pic est déformé et littérature [2].
asymétrique, ce qui induit une diminution de la résolution et de la
sensibilité. Cela est dû au phénomène d’électrodispersion, qui est
d’autant plus important que la mobilité de l’analyte est différente de Enfin, le couplage de la CZE avec l’ICP-MS permet non seule-
celle du co-ion de l’électrolyte, le cation chromophore 4-méthylbenzy- ment de détecter les cations de manière plus sensible et sélective,
lammonium ici. mais aussi de déterminer des compositions isotopiques ou de faire
des études de spéciation [14] [15]. Ce couplage est ainsi très utilisé
D’autres types d’agents complexants peuvent être utilisés, pour analyser des radionucléides ou des lanthanides dans des
comme par exemple des éthers couronnes. En effet, ces composés échantillons radioactifs par exemple, car sa sensibilité permet de
hétérocycliques ont une cavité d’une taille donnée qui détermine diluer fortement les échantillons et les faibles volumes d’échantil-
l’ion qui peut s’y complexer. lon nécessaires en CE permettent aussi de limiter la dose finale de

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Absorbance

7 10

4 14
20
5 8 12 16
15
6
13 18
19
1 22 23
21
2 3 17 25
11 26 27

24

2 3 4 5 6
Temps (min)

Capillaire, 75 µm × 60 (52,7) cm
Électrolyte, acide lactique 15 mM, 4-méthylbenzylamine 8 mM, 5 % méthanol, pH 4,25
Tension, 30 kV
Détection UV indirect à 214 nm
1 : K+ ; 2 : Ba2+ ; 3 : Sr2+ ; 4 : Na+ ; 5 : Ca2+ ; 6 : Mg2+ ; 7 : Mn2+ ; 8 : Cd2+ ; 9 : Li+ ; 10 : Co2+ ; 11 : Pb2+ ;
12 : Ni2+ ; 13 : Zn2+ ; 14 : La3+ ; 15 : Ce3+ ; 16 : Pr3+ ; 17 : Nd3+ ; 18 : Sm3+ ; 19 : Gd3+ ; 20 : Cu2+ ; 21 : Tb3+ ;
22 : Dy3+ ; 23 : Ho3+ ; 24 : Er3+ ; 25 : Tm3+ ; 26 : Yb3+ ; 27 : Lu3+

Figure 3 – Séparation en CZE de 27 cations alcalins et alcalino-terreux, de métaux de transition et de terres rares

Tableau 1 – Comparaison de différents modes de détection utilisés en CE pour l’analyse d’ions inorganiques
ou organiques, sans étape préalable de préconcentration

Limite de détection
Mode de détection Avantages majeurs Inconvénients majeurs
(mol · L–1)

UV direct 10–6-10–7 sélectivité dérivation/complexation souvent


nécessaire

UV indirect 10–4-10–5 universalité faible sensibilité

Fluorescence directe 10–6-10–9 sélectivité, sensibilité dérivation/complexation très souvent


nécessaire

Fluorescence indirecte 10–5-10–6 universalité nombre restreint de fluorophores

Conductimétrie C4D 10–5-10–7 universalité choix limité pour l’électrolyte

ICP-MS 10–7-10–9 sensibilité, identification choix limité pour l’électrolyte

ESI-MS 10–6-10–7 universalité, identification choix limité pour l’électrolyte

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rayonnement reçue par le manipulateur et des déchets à retraiter Pour le même type d’application, d’autres auteurs ont privilégié
ainsi que leur volume. une détection C4D [19]. La force ionique de l’électrolyte de sépa-
ration de faible conductivité constitué de Tris 70 mM et CHES
Des LOD entre 10–10 et 10–8 mol · L–1 ont été par exemple obte- 70 mM à pH 8,6 a été optimisée en faisant un compromis entre
nues pour le césium et les lanthanides en fonction du type d’analy- sélectivité et sensibilité.
seur utilisé, après avoir dilué 70 000 fois l’échantillon radioactif initial
pour que la dose finale soit inférieure à 20 µSv · h–1 [14]. Ainsi, 15 anions ont été séparés dans un capillaire préalablement
modifié par du HDMB pour inverser l’écoulement électroosmotique
en 7 min (figure 4) [19] et des LOD de l’ordre de 10–6 mol · L–1 ont
Il est à noter que dans le cas de l’analyse des lanthanides, à
été obtenues.
cause de l’existence d’interférences isobariques des lanthanides
entre eux, leur séparation en CZE par complexation partielle dans Il est à noter que de nombreux paramètres jouent sur la sélecti-
l’électrolyte de séparation est nécessaire avant leur introduction vité en CZE tels que le pH et la force ionique de l’électrolyte, tout
dans le détecteur. en prenant en compte également leur effet sur le pouvoir tampon,
la symétrie des pics et l’effet Joule. Un logiciel de modélisation et
de prédiction, développé par l’équipe de Gaš, intitulé Peakmaster
1.2 Anions inorganiques et téléchargeable gratuitement (https://web.natur.cuni.cz/gas/peak-
master.html), peut alors s’avérer très utile.
L’analyse d’anions inorganiques en CZE avec un capillaire de
silice vierge peut être lente, leurs migrations électrophorétiques Par exemple, il a été utilisé pour optimiser l’analyse en CZE-UV des
étant dans le sens inverse à l’écoulement électroosmotique catho- ions nitrate, périodate et iodate pour la détermination du glycé-
dique (mode dit contre-électroosmotique). C’est pourquoi l’écoule- rol libre dans un biocarburant [20] ou pour l’analyse des ions bicarbo-
ment électroosmotique est généralement soit supprimé, soit nate, phosphate, chlorure, nitrite, nitrate, sulfate, thiocyanate, acétate
inversé pour devenir anodique et ainsi travailler en mode dit co-élec- et butyrate en CZE-C4D dans la salive pour le diagnostic de maladies
troosmotique en appliquant une tension négative à l’entrée du capil- liées à des reflux œsophagiens [21].
laire pour que les anions se déplacent vers la fenêtre de détection,
attirés par l’anode. Cela peut être réalisé par exemple en modifiant au
préalable la surface du capillaire en y faisant passer une solution 1.3 Analyse simultanée de cations
contenant un tensioactif cationique qui s’adsorbe de façon semi-per- et d’anions
manente à sa surface et lui confère alors une charge positive.
Comme il est apparu dans les paragraphes 1.1 et 1.2, l’analyse
Cela a été réalisé pour développer une méthode d’analyse ultrara- en CZE des cations ou des anions inorganiques n’obéit pas aux
pide des ions nitrite et nitrate [16]. Une solution de bromure de mêmes contraintes et c’est pourquoi, le plus souvent, un même
didodécyldiméthylammonium a été percolée à travers le capillaire échantillon est analysé avec deux méthodes différentes, l’une
avant chaque analyse pendant 0,45 min. Il est à noter que ce ten- dédiée aux cations, l’autre aux anions. Comme cette approche est
sioactif à double chaîne est plus efficace pour obtenir une fonctionna- longue et coûteuse, différentes stratégies ont été développées
lisation semi-permanente que les tensioactifs à simple chaîne qui pour analyser simultanément les cations et les anions
s’adsorbent de manière dynamique et nécessitent donc d’être intro- inorganiques [22] [23].
duits dans l’électrolyte de séparation car leur effet n’est pas La première option consiste à utiliser un électrolyte de pH
rémanent [17]. Comme les mobilités électrophorétiques des ions basique pour générer un écoulement électroosmotique catho-
nitrate (74,1 × 10–5 cm2 · V–1 · s–1) et nitrite (74,4 × 10–5 cm2 · V–1 s–1) dique élevé permettant d’emmener du point d’injection au détec-
sont très proches, une bonne résolution de séparation a été obtenue teur tous les ions, même les anions en mode contre-
en diminuant le pH de l’électrolyte de 3,5 à 2,5 car les ions nitrite ont électroosmotique. Cependant, cela entraîne une diminution de la
des propriétés acido-basiques (pKa de 3,15). Leur séparation dure 30 s résolution entre cations et, si des anions sont très mobiles, leur
si la longueur effective est de 20 cm (longueur totale du capillaire, mobilité électrophorétique en valeur absolue peut rester supé-
27 cm) et seulement 12 s pour 7 cm (injection de l’échantillon du petit rieure à celle de l’écoulement électroosmotique. De plus, un pH
côté du capillaire, c’est-à-dire à l’extrémité du capillaire la plus proche élevé peut entraîner la formation d’hydroxyde pour les cations de
de la fenêtre de détection). La détection a été faite en mode direct à métaux de transition ou les lanthanides par exemple, et empêcher
214 nm car ces ions absorbent en UV. la protonation du cation chromophore de l’électrolyte si la détec-
tion se fait en mode UV indirect. Une meilleure option peut consis-
Cependant, la plupart des anions inorganiques n’absorbent pas ter à inverser l’écoulement électroosmotique, ce qui permet alors
en UV et l’une des solutions, comme pour les cations, est de les d’avoir un écoulement électroosmotique élevé même à faible pH.
détecter en UV indirect en choisissant comme co-ion de l’électro-
lyte un anion chromophore, tel que le phtalate ou le benzoate Une seconde approche consiste à choisir un agent complexant
(figure 2). afin de former avec les cations ciblés des complexes chargés néga-
tivement, ce qui permet de se retrouver avec des analytes unique-
ment présents sous forme d’anions.
Pour l’analyse de 11 anions inorganiques caractéristiques
d’explosifs, le chromate a été sélectionné [18]. L’écoulement élec- Elle a par exemple permis l’analyse simultanée des ions chlo-
troosmotique a été inversé en percolant au préalable une solution de rure, nitrate et aluminium dans des extraits post-explosion [24].
HDMB, un polymère cationique, et une bonne sélectivité a été obtenue L’acide 2,6-pyridinedicarboxylique (PDC) a été choisi comme anion
en optimisant la force ionique de l’électrolyte et la nature et la teneur chromophore permettant la détection des ions chlorure en UV indirect
en solvant qu’il contient, ainsi que la température de l’analyse. L’ajout et comme complexant des cations Al3+ sous la forme [Al(PDC)2]– à un
dans l’échantillon d’un étalon interne pour normaliser les temps de pH de l’électrolyte optimal de 4, transformant ces cations transpa-
migration et les aires des pics a permis d’obtenir des coefficients de rents en UV en des anions absorbants en UV.
variation de fidélité intermédiaire inférieurs à 0,7 % pour les temps de
migration et à 3,6 % pour les aires. Une étape de préconcentration par Une troisième approche est basée sur l’introduction de deux
amplification du champ électrique lors de l’injection électrocinétique de créneaux d’échantillon aux deux extrémités du capillaire,
l’échantillon a été optimisée afin d’atteindre les LOD visées. Elle néces- en se plaçant dans des conditions où l’écoulement électroosmo-
site l’ajout d’un petit volume (1/10) de l’électrolyte de séparation dans tique a été supprimé (électrolyte de faible pH ou modification de la
chaque échantillon afin de fixer leur conductivité pour que cette étape surface du capillaire) [22] [23]. Lors de l’application de la tension,
soit répétable et rendre les effets de matrice négligeables. du créneau d’échantillon situé à la cathode, les anions se mettent

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés P 3 367v2 – 7

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P2125

Voltampérométrie sur électrode


solide
Introduction

par Fethi BEDIOUI


Ingénieur ENSCP (École Nationale Supérieure de Chimie de Paris)
Docteur ès Sciences
Directeur de Recherche au CNRS

1. D, tions .................................................................................................. P 2 125v2 - 2


2
. Situation de la méthode ......................................................................... — 2
3
. Notations et symboles ............................................................................ — 3

a connaissance des caractéristiques fondamentales d’une réaction électro-


L chimique se fait au moyen de la mesure des variations du courant en
fonction du potentiel appliqué aux bornes d’une cellule d’électrolyse. La déter-
mination expérimentale de la relation entre le courant et le potentiel d’électrode
se traduit par l’obtention de figures appelées voltampérogrammes. Elle est
l’objet de la voltampérométrie.
Nous présentons dans le dossier [P 2 126v2] les bases théoriques des carac-
téristiques courant-potentiel à une électrode solide en traitant, d’une part, la
cinétique du transfert de charge simple, et d’autre part l’intervention du trans-
port de la matière en régime de diffusion convective stationnaire et en régime
de diffusion naturelle pure. Nous montrons aussi comment la chronoampéro-
métrie et la chronopotentiométrie dérivent de la voltampérométrie en
renvoyant aux dossiers correspondants du traité. Nous présentons dans le
deuxième paragraphe de cette première partie la mise en œuvre des techniques
voltampérométriques (matériaux des électrodes, appareillages, domaine d’élec-
troactivité etc.).
Dans le dossier [P 2 127v2], nous traitons de l’étude des phénomènes
chimiques préalables ou couplés au transfert électronique par voltampéro-
métrie. Les applications analytiques des techniques voltampérométriques sont
exposées aux cas de :
– l’étude thermodynamique des réactions en solution ;
– l’étude cinétique des mécanismes réactionnels couplés au transfert
électronique ;
– l’étude des phénomènes d’adsorption.
Dans le dossier [P 2 128v2], nous traitons du perfectionnement des techni-
ques voltampérométriques et de leurs évolutions vers les techniques
électroanalytiques dérivées et/ou impulsionnelles.
En [P 2 129], nous traitons des voltampérométries réalisées avec diverses
géométries d’électrode, y compris les ultra microélectrodes.
Parution : septembre 2008

L’auteur dédie ce dossier au Professeur Bernard Trémillon en reconnaissance de sa


contribution aux progrès de l’électrochimie analytique.

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est strictement interdite. – © Editions T.I. P 2 125v2 – 1

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32
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P2126

Voltampérométrie sur électrode


solide
Théorie et mise en œuvre expérimentale

par Fethi BEDIOUI


Ingénieur ENSCP (École Nationale Supérieure de Chimie de Paris)
Docteur ès Sciences
Directeur de Recherche au CNRS

1. CaractéristJues courant-potentiel à une électrode solide .......... P 2 126v2 - 2


1.1 Principe de la production des réactions électrochimiques....................... — 2
1.2 Analyse du transfert électronique simple : loi de Butler-Volmer ............. — 3
1.3 Transfert électronique simple et intervention du transport de matière :
lois de Fick .................................................................................................... — 5
1.4 Équation d’un voltampérogramme en régime de diffusion convective
stationnaire pour un système simple Ox + ne– ⇔ Red ............................. — 7
1.5 Équation d’un voltampérogramme en régime de diffusion naturelle
pure pour un système Ox + ne– ⇔ Red...................................................... — 11
1.6 Équation d’un voltampérogramme cyclique (régime de diffusion pure)
pour un système simple Ox + ne– ⇔ Red .................................................. — 14
1.7 Transformation des voltampérogrammes en régime de diffusion pure
(ou cycliques) par convolution.................................................................... — 16
2. Mise en œuvre expérimentale des techniques
voltampérométriques .............................................................................. — 17
2.1 Procédure de détermination des voltampérogrammes............................ — 17
2.2 Électrodes ..................................................................................................... — 18
2.3 Limitations .................................................................................................... — 20
3. Méthodes apparentées : chronoampérométrie
et chronopotentiométrie ........................................................................ — 22
3.1 Chronopotentiométrie ................................................................................. — 22
3.2 Chronoampérométrie .................................................................................. — 22
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 126v2

ous présentons dans ce dossier les bases théoriques des caractéristiques


N courant-potentiel à une électrode solide en traitant :
– d’une part, la cinétique du transfert de charge simple ;
– d’autre part, l’intervention du transport de la matière en régime de diffu-
sion convective stationnaire et en régime de diffusion naturelle pure.
Nous présentons également la mise en œuvre des techniques voltampéromé-
triques (matériaux des électrodes, appareillages, domaine d’électroactivité etc.).
Nous montrons aussi comment la chronoampérométrie et la chronopotentio-
métrie dérivent de la voltampérométrie, en renvoyant aux dossiers
correspondants.
Concernant les symboles de ce dossier, le lecteur se reportera utilement au
Parution : décembre 2008

dossier [P 2 125v2].

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VOLTAMPÉROMÉTRIE SUR ÉLECTRODE SOLIDE ___________________________________________________________________________________________

Ox/Red, celle-ci prend le potentiel d’équilibre précédemment


1. Caractéristues calculé que nous notons :
courant-potentiel
sol
0,058 c Ox
à une électrode solide E eq = E 0 +
n
lg sol
c Red
(4)

Ce potentiel peut être déterminé expérimentalement en mesu-


L’ensemble des données et des traitements fondamentaux rant la différence de potentiel ΔE entre cette électrode et une élec-
des caractéristiques courant-potentiel à une électrode solide a trode de référence, c’est-à-dire une électrode dont le potentiel est
été très largement traité par plusieurs auteurs, dans des constant et indépendant du milieu dans lequel elle est plongée
ouvrages généraux et/ou spécialisés, dont la liste figure à la (soit Eref sa valeur) : ΔE = Eeq – Eref .
fin de ce dossier [1] [2] [3] [4] [5]. Le lecteur est invité à
consulter ces ouvrages afin d’approfondir certains aspects qui La production d’une réaction électrochimique nécessite la réali-
ne sont abordés que brièvement dans ce dossier. sation de conditions rendant le potentiel d’électrode différent du
potentiel d’équilibre, c’est-à-dire l’établissement d’un surpotentiel
(ou surtension) d’électrode η = E – Eeq ≠ 0. Cela provoque une évo-
lution du système oxydoréducteur (plus ou moins rapide) tendant
1.1 Principe de la production au rétablissement d’un nouvel état d’équilibre. L’imposition de
des réactions électrochimiques E ≠ Eeq oblige la composition de la solution à se modifier au
contact de l’électrode. On définit alors c *Ox et c *Red les
Considérons une solution contenant le couple oxydoréducteur
concentrations respectives de Ox et Red à la surface de l’électrode
Ox/Red tel que :
(à l’endroit où a lieu la réaction électrochimique).
Ox + ne− ⇌ Red Ainsi (figure 1) :
Le potentiel E de la solution est alors défini et calculable par la – si η > 0, la solution dans laquelle baigne l’électrode va tendre à
loi de Nernst : prendre le potentiel E imposé et le rapport des concentrations des
espèces Ox et Red au contact de l’électrode cOx * / c*
Red va augmen-
RT aOx ter puisque une partie du réducteur passe à l’état oxydé par la
E = E 00 + ln (1) réaction d’oxydation Red – ne– → Ox ; cela se réalise par le trans-
nF aRed
fert d’électrons dans le sens solution → électrode, qui est alors
avec E00 constante appelée potentiel normal vrai appelée anode ;
(thermodynamique) caractéristique du système – si η < 0, la solution dans laquelle baigne l’électrode va tendre à
électrochimique considéré, prendre le potentiel E imposé et le rapport des concentrations des
F constante de Faraday, espèces Ox et Red au contact de l’électrode cOx * / c*
Red va diminuer,
puisque une partie de l’oxydant va se réduire selon Ox + ne– → Red ;
n nombre d’électrons, les électrons sont apportés par l’électrode (vers la solution), alors
R constante des gaz parfaits, appelée cathode.
T température absolue,
aOx et aRed activités des espèces Ox et Red en solution.
En résumé, lorsque l’on porte à un potentiel E ≠ Eeq quel-
Soit à 25 oC, avec E en volts : conque une électrode plongeant dans une solution contenant
un couple oxydoréducteur, elle est traversée par un courant
0,058 aOx dont le sens dépend de la valeur du potentiel imposé (par rap-
E = E 00 + lg (2)
n aRed port à Eref). Ainsi, le potentiel d’électrode E, ou plus exactement
le surpotentiel η apparaît comme étant le facteur de production
des réactions électrochimiques.
Si, tout en envisageant de faire varier les concentrations des
substances électroactives, on peut admettre que la force
ionique va rester pratiquement inchangée, on peut alors appli-
quer la loi de Nernst en l’écrivant comme si les constituants en
η=0 η>0 η<0
solution se comportaient idéalement, permettant de faire inter-
venir leur concentration à la place de leur activité. La constante
Cathode
Anode

qui regroupe le potentiel normal vrai et le terme comprenant


les coefficients d’activité (terme qui reste invariable dans la Eref Eeq Eref Eref
mesure où la force ionique est constante) est appelée potentiel I
I
normal apparent (ou formel) et est désignée par le symbole E0.
La relation de Nernst s’écrit alors :
ne- ne-
sol
0,058 c Ox
E =E0 + lg sol (3)
n c Red
Red - ne- Ox Ox + ne- Red
avec c Ox
sol et c sol concentrations des espèces Ox et Red en Ox + Red Ox + Red Ox + Red
Red
solution. Circuit ouvert E > Eeq E < Eeq

Lorsque une électrode solide constituée d’un conducteur métal- Figure 1 – Sens du courant suivant la valeur de la différence
lique inattaquable est plongée dans la solution contenant le couple de potentiel appliquée à l’électrode indi5catrice

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___________________________________________________________________________________________ VOLTAMPÉROMÉTRIE SUR ÉLECTRODE SOLIDE

Transfert Transfert Tableau 1 – Constantes de vitesse standard k 0 (à


Transfert de charge 20 oC) de quelques systèmes électrochimiques
de masse de masse
Ox Ox Red Red en solution aqueuse (à une électrode solide) [1]
en solution au contact au contact en solution
de l’électrode de l’électrode k0
Système É
lec
trode É
lec
trolyte
(cm · s–1)

Figure 2 – Décomposition des différentes étapes de la réaction


électrochimique Fe (CN)63 − / Fe (CN)64 − platine KNO3 1 M 0,12

Si nous considérons le cas d’un système simple Ox + ne– ⇌ Red KCN 1 M 10–2
Cr (CN)63− / Cr (CN)64− platine
dont l’oxydant et le réducteur ne diffèrent que par n électrons et
sont tous les deux solubles dans le milieu considéré, et sachant que
le transfert des électrons se fait nécessairement lorsque l’espèce Ox OH–
Mn O −4 / Mn O 24− graphite
concentré
10–2
ou Red est au voisinage de l’électrode, la réaction électrochimique
globale se décompose alors comme indiqué sur la figure 2.
Pour établir la relation entre le courant I, le potentiel E et les Fe3+/Fe2+ palladium H2SO4 1 M 10–2
concentrations de Ox et Red en solution ( c Oxsol et c sol ), nous analy-
Red platine H2SO4 1 M 4 · 10–3
sons successivement les paramètres qui régissent le transfert élec-
tronique (de charge) et le transport de masse. rhodium H2SO4 1 M 3 · 10–3

Fe (C 2O 4 ) 33− / Fe (C 2O 4 ) 43− platine K2C2O4 0,5 M 9 · 10–3


1.2 Analyse du trans8rt électronique
simple : loi de Butler-Volmer or K2C2O4 0,5 M 5 · 10–3

La production d’une réaction électrochimique obéit à une loi Cr3+/Cr2+ platine H2SO4 0,5 M 2 · 10–3
quantitative, dite loi de Faraday reliant les nombres de moles NOx
ou NRed des substances Ox et Red électroactives transformées (pro- Ti4+/Ti3+ platine HCl 1 M 6 · 10–4
duites ou consommées) à une électrode à la charge électrique totale
Q ayant été transférée à travers l’interface électrode-solution. Cette Ce4+/Ce3+ platine H2SO4 0,5 M 2 · 10–4
loi s’exprime, dans le cas d’un système Ox + ne– ⇔ Red, par :
platine
Q H+/H2 H2SO4 10–2
NOx = NRed = (5) divisé
nF
platine poli H2SO4 2,5 · 10–6
avec F constante de Faraday (= 96 484,56 C · mol–1).
argent H2SO4 4 · 10–8
Le transfert d’électron se produit entre l’oxydant (ou le réduc-
teur) présent à l’électrode et l’électrode. Le courant électrique I qui or H2SO4 3 · 10–6
traverse l’interface électrochimique traduit à chacune des deux
fer H2SO4 10–8
électrodes la vitesse du processus électrochimique. L’expression
classique de la vitesse de transfert de charge considérée du pre- plomb H2SO4 6 · 10–15
mier ordre vis-à-vis du réducteur (pour la réaction d’oxydation) et
vis-à-vis de l’oxydant (pour la réaction de réduction) peut s’écrire
de la façon suivante :
Il a été admis que les constantes de vitesse de transfert de
I j charge ka et kc caractéristiques des processus d’oxydation et de
= = ka c *Red − k c c *Ox (6
) réduction obéissent, comme dans le cas des processus chimiques,
nFA nF
à la loi d’activation d’Arrhenius en faisant intervenir α, coefficient
avec A (cm2) aire de l’électrode, de transfert de charge (0 < α < 1). Cela a pour conséquence l’obten-
I (A) intensité du courant d’électrode, tion d’une relation entre ka (ou kc) et le potentiel d’électrode E qui
s’exprime comme suit :
I
j (A · cm–2) densité de courant =,
A  − α nF   (1 − α ) nF 
–1
ka et kc (cm · s ) constantes de vitesse caractéristiques du k c = k 0 exp  (E − E 0 )  et ka = k 0 exp  (E − E 0 )  (7
)
processus d’oxydation et de réduction,  RT   RT 
respectivement.
Rappelons aussi que c *Ox et c *Red désignent les concentrations avec k0 constante de vitesse standard d’échange d’électrons.
respectives de Ox et Red à la surface de l’électrode (à l’endroit où Cette constante peut être déterminée expérimentalement. Le
a lieu la réaction électrochimique). tableau 1 en rassemble quelques valeurs obtenues en solution
aqueuse à 20 oC.
Remarque : le signe adopté est tel que I > 0 correspond à Ainsi, l’expression de la vitesse de transfert de charge prend la
l’oxydation et I < 0 correspond à la réduction. On distingue forme suivante :
ainsi les deux sens possibles du transfert électronique. Pour
pouvoir comparer des effets électrochimiques produits à des
électrodes dont les aires A sont différentes, on considère la j  (1− α )nF  *  − αnF  *
densité de courant de l’électrode j = I/A. = k 0 exp  (E − E 0 ) cRed − k 0 exp  (E − E 0 ) cOx (8)
nF  RT   RT 

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À l’équilibre, j = 0 et par conséquence :


lg # j #
 (1 − α ) nF  *  − α nF  Processus cathodique Processus anodique
exp  (E eq − E 0 )  c Red = exp  (E eq − E 0 )  c *Ox (9)
 RT   RT 
-4
*
Or, à l’équilibre c Red sol (et il en est de même pour Ox) et
= c Red
l’équation (9) prend alors la forme suivante :
-5
sol
c Ox  nF 
= exp  (E − E 0 )  (10)
sol
c Red  RT eq 
αnF (1 - α) nF
ou encore : -6
2,3 RT 2,3 RT

−α
 c Ox
sol 
 − α nF  lg j 0
 sol  = exp  (E eq − E 0 )  (11)
 Red 
c  RT 
- 300 - 200 -100 100 200 300
De plus, on peut envisager une activité faradique exprimée en η (mV)
terme de densité de courant d’échange à l’équilibre j0 égale en
valeur absolue aux composantes anodique et cathodique du Figure 3 – Détermination expérimentale des constantes cinétues
j 0 et h en utilisant la relation de Tafel
courant :


sol exp − α nF (E
 Ainsi, si la solution est très concentrée ou si le courant d’électro-
j 0 = nFk 0 c Ox  − E) (12)
 RT
eq
 lyse est assez faible, de telle sorte que les concentrations à l’élec-
trode et au sein de la solution soient approximativement les
ou encore : mêmes, la relation dite de Butler-Volmer peut alors encore être
simplifiée et s’écrire comme suit :

( ) (c )
(1− α ) α
j 0 = nFk 0 c Ox
sol sol
Red
(13)  (1 − α ) nF − α nF 
j = j 0  exp η − exp η (19)
 RT RT 
avec :
Des formes simplifiées de cette expression peuvent avoir lieu
j 0 = nFk 0 c sol (14) dans deux cas.
■ Lorsque la surtension η appliquée au système électrochimique
dans le cas particulier où c Ox
sol = c sol = c sol.
Red est relativement élevée (η > 70/n mV), la relation entre j et η prend
Nous savons que l’imposition d’un surpotentiel η = E – Eeq induit alors la forme suivante :
la réalisation de la réaction électrochimique et le passage du
courant modifiant les concentrations des espèces Ox et Red à (1 − α ) nF
lg ja = lg j 0 + η (20)
l’électrode et que le surpotentiel peut être relié au potentiel normal RT
apparent E 0 en utilisant la loi de Nernst : avec ja densité de courant d’oxydation,
sol et :
RT c Ox
η = E − E0 − ln (15) α nF
nF sol
c Red lg (− j c) = lg j 0 − η (21)
RT
Cela conduit à l’établissement de la relation : avec jc densité de courant de réduction.
La variation de lg (j ) = f (η ) est linéaire ; c’est la relation de Tafel.
j  (1− α )nF  cRed
*
La figure 3 montre comment on peut expérimentalement détermi-
= exp  (E − E 0 )
ner les constantes j 0, k 0 et α en utilisant la relation de Tafel (la
j0  RT
Ox ( ) (
 c sol (1−α ) c sol
Red )α (16) pente de la partie linéaire donne α et l’ordonnée à l’origine donne
 (− α )nF  cOx
* j 0, et par conséquence k0). L’écart à la linéarité observé sur cette
− exp  (E − E 0 ) figure traduit la non-validité de la simplification de la relation de
 RT
( ) (
 c sol (1−α ) c sol
Ox Red )α Butler-Volmer aux très faibles valeurs de η.

Cette relation peut faire apparaître la variation de la densité de RT


courant j en fonction de la surtension η, à savoir : ■ Lorsque la surtension η appliquée est très faible η ,, (de
αnF
l’ordre de 5 à 10 mV environ), l‘expression de j en fonction de η
 c * (1 − α ) nF  c *Ox  − α nF   prend alors la forme suivante :
j = j 0  Red exp η − exp  η  (17)

 c sol RT  sol
 c Ox  RT    nF 
 Red j = j0  η (22)
 RT 
Cette relation est appelée relation de Butler-Volmer.
Dans le cas particulier où c Ox
sol = c sol = c sol , la relation de Butler-  RT  1
Red où le terme   est appelé résistance de transfert de charge
Volmer peut être simplifiée de la manière suivante :  nF  j 0
au potentiel d’équilibre, noté Rtc et dont la valeur est :
  (1 − α ) nF   − α nF  
j = nFk 0 c *Red exp  η  − c *Ox  exp η  (18) RT
R tc = (23)
  RT   RT   sol )α (c sol) (1−α )
n 2 F 2 k 0 (c Red Ox

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P 2 126v2 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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P2126

___________________________________________________________________________________________ VOLTAMPÉROMÉTRIE SUR ÉLECTRODE SOLIDE

1.3 Transfert électronique simple


et intervention du transport
de matière : lois de Fick Flux de Ox
Perpendiculaire
au plan
Pour qu’une réaction électrochimique, localisée à la surface de Flux de Red
contact entre l’électrolyte et l’électrode, puisse se poursuivre, il
faut que la substance électroactive mise en jeu continue à être pré-
sente à cette surface. Cette condition implique que l’espèce Ox ou
Red (dissoute en solution) arrive à la surface de l’électrode par
transport au sein de l’électrolyte. Il nous faut connaître donc le flux
φ de substance (nombre de moles arrivant à l’électrode et en par- Électrode plane Plan parallèle
et de dimensions à l’électrode
tant, par unité de temps) sachant que les flux de Ox et de Red sont infinies et situé à
opposés puisque l’un se transforme en l’autre (ou inversement). une distance x
En général, il est nécessaire de considérer trois modes de trans-
port de matière : Figure 4 – Bilan de matière à un plan parallèle à la surface
– la diffusion : c’est le mouvement des espèces électroactives de l’électrode situé à une distance x
provoqué par un gradient de concentration créé à la suite d’oxydo
réduction des espèces à la surface de l’électrode ;
– la migration : c’est le mouvement des espèces chargées provo-
qué par un gradient de potentiel appliqué à l’électrode ; x=0 x
– la convection : c’est le mouvement des espèces en solution
provoqué par des forces mécaniques (exemple : électrode tour-
nante).
Red
Dans le cas général, l’investigation des processus électro- ne-
chimiques à l’électrode est effectuée en présence d’un très large
excès d’électrolyte support dans le but de minimiser l’effet de la
migration des espèces électroactives en solution.
De ce fait, deux types de comportement sont à considérer :
j
nF
D $ %
∂cRed
∂x x=0

– la diffusion naturelle pure (cas où l’électrode et la solution sont


immobiles) ;
– la diffusion convective stationnaire assurée, dans le cas d’une
électrode solide disque plan, par la rotation de celle-ci à vitesse -D $ %
∂cOx
∂x x=0
constante.
Rappelons que l’utilisation de la relation de base de Butler-
Volmer nécessite la connaissance des concentrations à la surface
Ox
de l’électrode c *Ox et c *Red . Celles-ci peuvent être obtenues par inté- Surface de l’électrode
gration des équations de Fick.
Le modèle le plus simple est celui de la diffusion linéaire à une Figure 5 – Représentation schématique de l’égalité des flux
électrode plane. Dans ce cas, il est supposé que l’électrode est par- à la surface de l’électrode
faitement plane et de dimensions infinies. Ainsi, la variation de la
concentration ne peut avoir lieu que perpendiculairement à la sur-
face de l’électrode. ■ Seconde équation de Fick : elle permet de déterminer la varia-
tion de la concentration de l’espèce considérée dans l’espace et
■ 1re équation de Fick : elle permet d’effectuer le bilan de matière dans le temps (figure 6) :
à un plan parallèle à la surface de l’électrode et situé à une dis-
tance x de celle-ci (figure 4) :
∂c (x) ∂2c
=D (26)
∂c (x) ∂t ∂x 2
φ = − D grad c = − D (24)
∂x
La résolution de cette équation différentielle fournit la variation
avec D (cm2 · s–1) coefficient de diffusion de l’espèce de la concentration cOx (ou cRed) dans l’espace et dans le temps,
électroactive, ou le profil de concentration c (x, t ). Elle conduit ensuite à la den-
φ (mol · cm–2 · s–1) flux de l’espèce électroactive à la sité de flux de diffusion — dont on ne cherche en fait que la valeur
concentration c en solution. à la surface de l’électrode.

Cette équation permet de relier entre elles la densité de courant Pour réaliser l’intégration des équations différentielles précé-
et les flux des espèces électroactives en solution. La réaction à dentes, il est nécessaire de connaître les conditions dans les-
l’électrode conduit à l’interconversion de Ox et de Red. En appli- quelles s’effectue la diffusion. Les gradients de concentration des
quant la loi de conservation des masses, à la surface de l’élec- espèces dissoutes participant à la réaction électrochimique partant
trode, cela conduit à l’égalité des flux de Ox et Red. De plus, la de la surface de l’électrode et s’atténuant lorsque l’on s’éloigne de
conversion d’une mole de Red à une mole de Ox doit être celle-ci, on retrouve la solution pratiquement homogène à une cer-
accompagnée par le transfert de n électrons (figure 5). Ainsi, on a : taine distance δ de l’électrode (à condition que le volume du
compartiment de cellule contenant la solution soit suffisamment
 ∂c   ∂c  j vaste pour cela). La couche finie d’épaisseur δ autour de l’électrode
− DOx  Ox  = DRed  Red  = (25) dans laquelle se sont établis les gradients de concentration, et par
 ∂x x =0  ∂x x =0 nF
suite les flux de diffusion, est dénommée couche de diffusion.

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P2126

VOLTAMPÉROMÉTRIE SUR ÉLECTRODE SOLIDE ___________________________________________________________________________________________

Centre du volume considéré, Augmentation de l’épaisseur Augmentation de l’épaisseur


à une distance x de l’électrode cRed de la couche de diffusion cOx de la couche de diffusion
dx dx avec le temps avec le temps

t1 < t2<t3 < t4 < t5 t1 < t2<t3 < t4 < t5

sol
cRed *
cOx
Ox Ox Solution Solution

Red Red

Électrode plane Plan parallèle Plan parallèle


et de dimensions à l’électrode à l’électrode Distance x de l’électrode Distance x de l’électrode
infinies et situé à et situé à
une distance une distance Figure 7 – Profil des concentrations des espèces Red et Ox au cours
x - dx x + dx de la réaction Red − ne − → Ox (où Red est présent seul en solution)
en fonction de la distance x de l’électrode, à un potentiel où Red est
Figure 6 – Bilan de matière selon la seconde équation de Fick consommé par une électrolyse en régime de diffusion naturelle pure

Les conditions aux limites que l’on peut donc se donner pour et :
établir la solution de la seconde équation de Fick sont les 1 t j (t )
suivantes : cOx
* = c sol −
Ox
nF (πDOx )1/2 ∫0 (t − τ )1/2 dτ (28)
• à t = 0 (moment où l’on ferme le circuit), la concentration de la
substance est uniformément égale à la concentration initiale à dans le cas où Ox est présent seul en solution.
l’équilibre, l’électrolyse n’étant pas commencée (et il en est de La variation du courant au cours du temps dépend ainsi de celle
même pour Red) : de la différence de concentration csol – c*, ou réciproquement. La
concentration csol est une caractéristique analytique de la solution
c Ox (x , 0) = c Ox
sol loin de l’électrode, la concentration c* est caractéristique de l’état
de la solution au contact de l’électrode. Si l’on connaît la variation
• quand le circuit est fermé, la différence de potentiel imposée de csol – c*, on peut expliciter j = f (t ).
est telle que la concentration de la substance à la surface de l’élec- La figure 7montre le profil de concentration des espèces Red et
trode, c *Ox et/ou c *Red devient différente de la concentration de Ox au cours de la réaction Red – ne– → Ox (où Red est présent seul
cette espèce là en solution, csol (inférieure pour une substance en solution) en fonction de la distance x de l’électrode, à un poten-
consommée, supérieure pour une substance produite). Mais, à une tiel où la substance est consommée par une électrolyse en régime
distance suffisante de l’électrode, la solution n’a pas encore été de diffusion pure.
affectée par l’électrolyse (couche de diffusion limitée), d’où :
Lorsque la surtension η est suffisamment élevée ( c *Red ≈ 0 ,
j = f (t ) s’exprime de manière simple selon la relation dite de
c Ox (∞ , t ) = c Ox
sol
Cottrell :

condition dite de diffusion semi-infinie (et il en est de même pour n F DRed cRe
sol
d
j a (t ) = (29)
Red). (πDRed t ) / 2
1

La résolution de la seconde équation de Fick est opérée en utili- La figure 8 représente la variation en fonction du temps du cou-
sant la transformation de Laplace. rant de diffusion pure à une électrode disque plan fixe à potentiel
E constant, selon cette équation.
1.3.1 Régime de diffusion naturelle pure
Rappelons que dans le cas d’une solution immobile et en pré- Remarque : la relation de Cottrell comprend le terme (πDt )1/2,
sence d’électrolyte support, la diffusion naturelle pure est le seul qui a les dimensions d’une longueur : c’est l’épaisseur δ de la
phénomène de transport de matière à prendre en compte. Dans ce couche de diffusion qui croît avec le temps.
cas, l’application d’une surtension conduit à un régime dit de diffu-
sion pure où l’épaisseur de la couche de diffusion augmente au
cours du temps. Les profils de la concentration à l’électrode (et 1.3.2 Régime de diffusion convective stationnaire
donc celui de la densité de courant j ) à un potentiel fixe sont fonc- (ou hydrodynamique)
tion du temps t. Ils traduisent les solutions c = f (x, t ) de la seconde
équation de Fick. Dans les conditions d’un régime de diffusion convective station-
naire (hydrodynamique), il est aussi nécessaire de définir une
Finalement, par intégration de cette relation, la densité de cou- couche dite de diffusion et d’épaisseur δ :
rant d’électrolyse se trouve donc reliée à la concentration à la sur- – pour x < δ, le transport de matière est contrôlé uniquement par
face de l’électrode de chacune des espèces dissoutes participant à la diffusion ;
la réaction électrochimique, par les formules : – pour x > δ, la convection est telle que la concentration des
espèces en solution est maintenue constante à la valeur c Ox sol (ou
1 t j (t )
cRe
* sol
d = cRe d −
nF (πDRe d )1/2 ∫0 (t − τ )1/2 dτ (27) sol ).
c Red
La figure 9 montre le profil de concentration de l’espèce Red au
dans le cas où Red est présent seul en solution cours de la réaction Red – ne– → Ox (où Red est présent seul en

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Voltampérométrie
Phénomènes préalables ou couplés
au transfert électronique
par Fethi BEDIOUI
Ingénieur ENSCP (École nationale supérieure de chimie de Paris)
Docteur ès Sciences
Directeur de recherche au CNRS
et Sophie GRIVEAU
Docteur de l’université Pierre-et-Marie-Curie,
Maître de conférences à l’ENSCP (École nationale supérieure de chimie de Paris)

1. Méthodes expérimentales ...................................................................... P 2 127v2 - 2


2. Changement d’acidité du milieu, formation de complexes
et de précipités solides........................................................................... — 2
2.1 Effet du changement de l’acidité du milieu : systèmes du type
Ox + mH+ + ne– ⇌ Red ............................................................................... — 2
2.2 Effets de la formation de complexes .......................................................... — 3
2.3 Effet de la formation de précipités solides :
cas des hydroxydes métalliques................................................................. — 6
3. Réactions chimiques couplées au transfert de charge
et mise en évidence d’intermédiaires réactionnels ........................ — 9
3.1 Étude en régime de diffusion convective stationnaire ............................. — 11
3.2 Étude en régime de diffusion pure ............................................................. — 14
4. Effets des phénomènes d’adsorption ................................................. — 18
4.1 Cas général ................................................................................................... — 18
4.2 Cas où seules les espèces Ox et Red adsorbées sont électroactives
et la réaction de transfert de charge est rapide ......................................... — 20
4.3 Cas où l’espèce Ox adsorbée est réduite
selon une réaction de transfert de charge lente ........................................ — 21
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 127v2

N ous limiterons notre étude ici aux électrodes indicatrices solides.


Lorsque la réaction électrochimique n’est pas un simple transfert électro-
nique, mais une réaction complexe, il est nécessaire de prendre en compte la
vitesse des processus associés au transfert électronique (réaction chimique,
adsorption). La relation potentiel-concentration est toujours donnée par la loi
de Butler-Volmer, mais les concentrations à l’électrode cOx
* et c *
Red sont fonction
des vitesses des processus associés au transfert électronique et/ou des para-
mètres d’adsorption (taux de recouvrement, par exemple). L’intégration des
équations de diffusion doit prendre en compte les caractéristiques cinétiques
de ces phénomènes.
L’objet de cet article est de décrire l’évolution des voltampérogrammes des
systèmes électrochimiques par action de réactifs chimiques (électroactifs ou
non) présents en solution. Cette évolution peut consister, dans certaines
conditions, en une simple translation des voltampérogrammes le long de l’axe
Parution : décembre 2008

de potentiel et/ou une amplification de l’intensité de l’électrolyse, fonction de


la réactivité chimique mise en jeu. Ainsi, ces caractéristiques de modification
de voltampérogrammes peuvent être révélatrices de la présence d’un réactif
non électroactif et permettre d’en déterminer indirectement la teneur.

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VOLTAMPÉROMÉTRIE _______________________________________________________________________________________________________________

L’exploitation quantitative des processus cinétiques associés


1. Méthodes expérimentales résulte donc de la prise en compte de la vitesse de transfert élec-
tronique et de la vitesse de la (ou des) réaction(s) associée(s). Les
équations cinétiques théoriques doivent être établies dans les
Un choix judicieux des conditions expérimentales permet, dans 3 cas évoqués dans le dossier [P 2 126v2], à savoir : transfert élec-
certains cas, de faire apparaître une limitation du courant d’électro- tronique rapide, quasi rapide ou lent. Il en résulte une grande
lyse ou un déplacement du potentiel, liés à la vitesse d’une réac- diversité de situations dont seules quelques-unes des plus simples
tion chimique qui peut ainsi être étudiée. Il est d’usage de classer sont examinées ici. L’analyse des processus électrochimiques
les réactions chimiques couplées au transfert de charge comme il comprend donc :
est indiqué dans le tableau 1. L’indice r, q, i, qui affecte l’échange
électronique se rapporte aux cas évoqués dans le dossier – l’étude des paramètres cinétiques du transfert électronique,
[P 2 126v2] (transfert électronique, r : rapide (ou réversible) ; q : lorsque celui-ci peut être isolé des phénomènes couplés ;
quasi rapide et i : lent (ou irréversible)). Les réactions chimiques – l’étude cinétique des processus associés au transfert électro-
couplées peuvent être réversibles (r) ou irréversibles (i). nique ; cette étude implique un choix des méthodes expérimentales
et des conditions d’exploitation compatibles avec les paramètres
cinétiques qu’il s’agit de mettre en évidence.
Les méthodes d’approche sont variées et plus ou moins bien
adaptées aux phénomènes étudiés. La résolution d’un problème
passe en général par la combinaison de plusieurs d’entre elles (par
Tableau 1 – Classification des quelques
exemple, voltampérométrie et coulométrie à potentiel contrôlé qui
combinaisons de réactions chimiques couplées
permet de recenser les espèces stables dans les conditions de
aux réactions de transfert de charge
l’expérience), ou voltampérométrie et impédancemétrie, etc. Le
couplage des méthodes électrochimiques et de méthodes optiques
Transfert Réaction ou électromagnétiques apporte aussi des solutions élégantes, de
Symbole
électronique chimique couplée plus en plus souvent proposées.
réversible Les méthodes proposées dans ce chapitre sont les plus couram-
(ou rapide) ment utilisées et sont parmi celles qui se prêtent bien à un traite-
I Er
ment quantitatif des phénomènes cités ci-dessus. Ce sont :
Ox + ne− ⇌ Red
– la voltampérométrie en régime de diffusion convective station-
naire qui est très bien adaptée à l’étude thermodynamique des
irréversible
réactions en solution, et en particulier à l’étude des effets de pH et
II (ou lent) Ei de la complexation ;
Ox + ne− →Red – la voltampérométrie en régime de diffusion pure, et en particu-
lier la voltampérométrie cyclique, mieux adaptée à la mise en évi-
réversible dence d’intermédiaires réactionnels.
III (ou rapide) Cr Er
antécédente
Ox + ne− ⇌ Red réversible

irréversible Y ⇌ Ox 2. Changement d’acidité


k f /kb
IV (ou lent) C r Ei du milieu, formation
Ox + ne− →Red
de complexes
consécutive
V
réversible
(ou rapide) irréversible Er Ci
et de précipités solides
Ox + ne− ⇌ Red Red →A La prédiction quantitative des modifications, en fonction des
irréversible k caractéristiques des systèmes chimiques mis en jeu, est effectuée
(ou lent) aisément dans le cas où l’on peut appliquer les relations
VI Ei C i d’équilibre (électrochimique et chimique), c’est-à-dire dans le cas
Ox + ne− →Red où toutes les réactions sont rapides (par rapport à la diffusion des
espèces impliquées). Cela est le cas généralement rencontré dans
réversible l’étude de l’action des acides et bases et de réactifs formant des
VII (ou rapide) complexes sur les substances électroactives et/ou sur leur produit
Ox + ne− ⇌ Red d’électrolyse. Le traitement est limité dans cette partie à des cas de
catalytique cette nature où seuls les voltampérogrammes en régime de diffu-
CATA sion convective stationnaire sont considérés (les voltampéro-
irréversible Red + X →Ox
grammes en régime de diffusion pure subissent des modifications
VIII (ou lent) semblables).
Ox + ne− →Red

réversible 2.1 Effet du changement de l’acidité


IX (ou rapide) Er C r du milieu : systèmes du type
consécutive
Ox + ne− ⇌ Red réversible Ox + mH+ + ne − ⇌ Red
irréversible Red ⇌ A De tels systèmes sont fréquemment rencontrés avec les
X (ou lent) k f /kb EiCr composés électroactifs organiques. Leur potentiel d’équilibre
dépend, non seulement des concentrations de Ox et de Red, mais
Ox + ne− →Red
également du pH.

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________________________________________________________________________________________________________________ VOLTAMPÉROMÉTRIE

Remarque : l’analyse des caractéristiques voltampéro-


métriques est la plus simple lorsque le pH de la solution se E˚ ’
trouve bien fixé, soit par la présence d’un acide fort ou celle (pe
d’une base forte, soit par un mélange tampon. Ainsi, on peut nte
:0,
admettre que la réaction à l’électrode (consommation de H+ 0,5
058
)
par réduction de Ox ou production de H+ par oxydation de Q
Red, par exemple) n’entraîne qu’une variation négligeable de
pH local (à la surface de l’électrode). H2Q
(-0
,02
9) Q
Dans le cas d’un mélange tampon, si l’on a affaire à un système
rapide Ox + mH+ + ne– ⇌ Red, sa caractéristique voltampéro- 0
HQ- Q2-
métrique obéit alors à la relation : 0 5 10 pH
0,058 c *Ox
E = E ′0 + lg (1) Figure 1 – Diagramme E $0–pH pour le système quinone/hydroquinone
n c*Red
avec :
m
E ′0 = E 0 − 0,058
pH (2)
n Exemple : c as typique du système c
onstitué pa
r le c
ouple b
enzo-
Le voltampérogramme présente ainsi la même équation caracté- quinone (Q)/hydroquinone (H2Q).
ristique que celle établie pour les systèmes simples, avec notam- Avec ces deux formes moléculaires, le système s’écrit :
ment E1/2 = E′0 (dans le cas simple où DRed = DOx = D). La position
du voltampérogramme sur l’axe de potentiel, caractérisé par celle Q + 2H+ + 2e− ⇌ H2Q
de son potentiel de demi-vague, dépend donc du pH de la solu-
tion. La variation de E1/2 en fonction du pH suit celle de la gran- À pH = 7, le système se comporte bien comme un système
deur E′0 appelée potentiel normal conditionnel (c’est-à-dire Ox + 2e– ⇌ Red rapide. En ce qui concerne le déplacement du vol-
dépendant des conditions de milieu). tampérogramme avec le changement de pH, on a théoriquement
m = n = 2, et donc à 20 oC : ΔE1/2 = ΔE′0 = 0,058ΔpH (en volts). Mais
Il suffit alors de connaître la relation (E′0, pH) pour prévoir l’action
l’hydroquinone H2Q (diphénol) se comporte, en solution aqueuse en
des variations du pH sur le voltampérogramme du système
diacide faible de pKA 9,9 et 11,5. La forme moléculaire H2Q cesse
m donc d’être prédominante, du point de vue des formes
considéré. La variation de E′0 = f (pH) est linéaire, de pente − 0,058
n acido-basiques, en milieu de pH élevé, la prépondérance passant aux
(= – 0,058/n V par unité de pH, à 25 oC). Mais lorsque Ox ou Red, ou formes ionisées HQ– et Q2– (diphénate).
les deux, se trouve soumis à des changements de forme acidobasi- La prédominance de la forme HQ– se traduit alors par le système :
que (dans certains domaines de pH) se traduisant par une modifica-
tion du nombre m d’ions H+ intervenant dans le système rédox, des Q + H+ + 2e− ⇌ HQ−
changements de la pente de variation de E′0 interviennent. La pente
avec la relation correspondante :
de variation dE′0/dpH (ou de dE1/2/dpH), généralement négative, est
approximativement constante dans les intervalles de pH suffisam- dE ′0 /dpH = 0, 029 ( en volts)
ment éloignés des valeurs du pKA de Ox et de Red. Le passage pour
une valeur de pH égale à celle du pKA se traduit par un changement La prédominance de Q2– (aux valeurs de pH les plus élevées) se
de pente, positif lorsqu’il s’agit d’un pKA de Red (c’est-à-dire la varia- traduit par le système :
tion négative de E′0 ou E1/2 par unité de pH devient moins grande), Q + 2e− ⇌ Q2−
négatif lorsqu’il s’agit d’un pKA de Ox (c’est-à-dire la variation néga-
D’où alors :
tive de E′0 ou E1/2 par unité de pH devient plus grande).
D’une manière plus générale, lorsque Ox et Red subissent l’un et dE ′0 /dpH = dE 1/ 2 /dpH = 0
l’autre des effets de changement de formes acidobasiques par
variation de pH, on peut traduire ces effets par l’expression (dans La figure 1 illustre le diagramme potentiel-pH obtenu pour le
le cas simple où DRed = DOx = D) : système quinone/hydroquinone.
m 0,058
E ′0 = E 0 − 0,058 pH − (lg α Ox − lg α Red )
n n
2.2 Effets de la formation de complexes
où αOx et αRed sont les rapports des concentrations de Ox ou de
Red, toutes formes acidobasiques additionnées, à la concentration La complexation des cations métalliques, par réaction avec des
d’une forme particulière de Ox ou de Red (la forme moléculaire ligands, a pour effet général d’abaisser la réactivité apparente des
par exemple) [1]. premiers vis-à-vis d’autres réactifs. Notamment, leur pouvoir
oxydant devient plus faible et leur réduction par conséquent plus
difficile à réaliser (et ce dans la mesure où la loi de déplacement
En pratique, l’établissement expérimental du graphe de
des équilibres est respectée, c’est-à-dire où les réactions sont suffi-
variation de E′0 d’un système rédox en fonction de pH, à partir
samment rapides). Cet effet est observable par voltampérométrie
de la détermination des potentiels de demi-vagues à différents
sur électrode solide, qui constitue ainsi une méthode expérimentale
pH tamponnés et l’analyse de la pente de la variation (à la
pour l’étude de système de formation de complexes dans le cas des
condition qu’il soit vérifié que le système est rapide dans tout
ions métalliques électroactifs. Une autre exploitation consiste à se
le domaine de pH exploré), constituent un moyen de détermi-
servir des déplacements des courbes voltampérométriques produit
nation des propriétés acide-base de l’oxydant ou du réducteur
par complexation pour résoudre des problèmes de sélectivité dans
du système considéré.
les déterminations analytiques des éléments métalliques.

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VOLTAMPÉROMÉTRIE _______________________________________________________________________________________________________________

2.2.1 Influence de la complexation En pratique, le calcul des valeurs des coefficients de complexa-
sur la réduction des ions métalliques tion du cation métallique permet de prévoir quantitativement les
à l’état de métaux déplacements de vagues voltampérométriques produits par la
mise en jeu des effets de complexation et inversement, d’en
Les caractéristiques des voltampérogrammes de réduction des déduire des exploitations pratiques comme par exemple la sépa-
cations métalliques libres ont été établies en [P 2 126v2, § 1.4.5]. ration des vagues pour la bonne résolution de problèmes analy-
Rappelons que lorsque la réduction Mn+ + ne– → M est rapide, la tiques et la modification des ordres de réductibilités pour la
position de la vague est caractérisée par le potentiel d’équilibre réalisation sélectives de réaction de dépôt cathodique.
0,058
E eq = E 0 + sol
lg c Mn + qui correspond au début du dépôt (« pied
n Exemple : on peut citer comme exemple le cas du cobalt(II), dont
anguleux »). Dans le cas où les ions métalliques sont complexés
les ions Co2+ (en milieu aqueux non complexant) ne sont pas électroac-
par un ligand L en solution, on peut admettre (si les réactions sont
tifs anodiquement car l’oxydation de Co2+ en Co3+ est empêchée par
rapides) que la réaction s’effectue selon le processus suivant : à la
l’oxydation préalable de l’eau. Cela s’explique par la valeur élevée du
surface de l’électrode, la formation de M à partir des cations Mn+ potentiel normal E0 du couple Co3+/Co2+ (proche de 1,8 V). Mais, par
entraîne le déplacement de l’équilibre de complexation de ces complexation de Co3+, plus forte que celle de Co2+ de façon que
cations dans le sens de la dissociation, et par suite la libération du (lg αCo(II) – lg αCo(III)) ait une valeur largement négative, il est possible
ligand L. Les gradients de concentration qui apparaissent par d’amener le potentiel normal conditionnel E′0 du système Co(III)/Co(II)
conséquent en solution pour les complexes et pour L provoquent (sous formes de complexes, au moins pour Co(III)) à une valeur nette-
les flux de diffusion de ces espèces vers l’électrode (pour les ment plus basse que la limite d’électroactivité anodique, ce qui rend
complexes et pour L) et à partir de l’électrode (pour L). Dans le cas possible la réaction Co(II) – e– → Co(III). Cela est le cas en milieu
où la concentration du ligand L en solution cLsol -- cM sol, un tel pro-
n+ ammoniacal ou en présence d’éthylènediamine, d’EDTA ou de phé-
cessus se traduit par l’équation suivante : nanthroline. En contrepartie, le cobalt(II) cesse d’être électroactif catho-
diquement dans les milieux de très fort pouvoir complexant vis-à-vis
de l’ion Co2+, comme l’EDTA ou l’oxalate.
′ +
0,058  j 
E = E eq lg 1 −  (3)
n  jlc′  Nota : EDTA : acide éthylène diamine tétraacétique.

avec jlc′ densité de courant limite de diffusion du cation métallique 2.2.2 Influence de la complexation sur
1/ 2 le comportement électrochimique de couples
jlc′  DML  rédox formés par deux ions métalliques
complexé (noté ML) et =  (avec DML coefficient de dif-
jlc  DMn + 
Considérons un couple rédox Ox + ne– ⇌ Red où Ox et Red
fusion du complexe ML et jlc densité de courant limite de diffusion
désignent deux cations en solution du même métal à deux états
du cation métallique en l’absence de ligand L). On obtient ainsi la d’oxydation différents (par exemple Fe3+ et Fe2+). Les caractéristi-
relation : ques théoriques aux cas où ces deux cations sont en milieu non
complexant ont été décrites en [P 2 126v2]. Rappelons tout simple-
0,058 ment que, pour un système rapide, la position des voltampéro-
′ −E
ΔE eq = E eq eq = − lg α M (4)
n grammes en régime de diffusion stationnaire est caractérisée par
le potentiel de demi-vague E1/2 = E0 si DOx = DRed.
avec αM coefficient de complexation du cation Mn+ par le ligand L Lorsque l’on opère en milieu complexant (de l’un des deux
qui est défini par le rapport de la concentration totale de l’ion cations ou des deux à la fois), les voltampérogrammes subissent
métallique sous toutes ses formes en solution (formes complexées des modifications qui peuvent être facilement établies si le sys-
et cations libres) sur la concentration de la fraction non complexée tème reste globalement rapide. Lorsque la condition d’excès suffi-
du cation métallique [1]. L’effet de la complexation du cation sant du ligand L par rapport à la concentration totale des ions
métallique en solution se traduit donc par le déplacement de la métalliques est respectée, on peut caractériser l’effet de la
vague cathodique du voltampérogramme d’une valeur de ΔEeq complexation par la relation courant-potentiel :
(figure 2).
0,058  j − jlc′ 
E = E 1/′ 2 = lg 
′ − j
(5)
n  jla 

avec jlc′ densité de courant limite cathodique pour le cation Ox


Densité de courant j

complexé (qui est très proche de jlc en milieu non complexant du


fait de la proximité des valeurs des coefficients de diffusion des
E eq
' Eeq espèces considérées dans les différents milieux complexant ou
0,058 non) et il en est de même pour jla′ ;
n lg αM
∆ Eeq =
0,058
et : E 1′ / 2 = E 0 + (lg α Red − lg α Ox ) (6)
0 n
E
dans le cas où tous les coefficients de diffusions des espèces
( 1) (2 ) considérées sont égaux.
jlc ∝ c sol
Mn+
L’effet de la complexation sur le voltampérogramme se traduit
donc par un simple déplacement du potentiel de demi-vague :

0,058
ΔE 1′ / 2 = E 1′ / 2 − E 1/ 2 = (lg α Red − lg α Ox ) (7)
n
Figure 2 – Vagues voltampérométriques formées par réduction
d’ions Mn+ en milieu complexant (courbe 1) et non complexant déplacement négatif (vers les potentiels inférieurs) lorsque Ox est
(courbe 2) seul complexé ou est plus fortement complexé que Red

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42
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P2127

________________________________________________________________________________________________________________ VOLTAMPÉROMÉTRIE

(αOx > αRed), déplacement positif (vers les potentiels supérieurs)


dans le cas contraire (αRed > αOx). M + iL -- ne-- → MLni + M -- ne-- → Mn+
(L concentré) (pour les 3 courbes
j se rejoignant)
Remarque : comme dans le cas des couples rédox mettant
0,058
en jeu des ions H+, le terme E ′0 = E 0 + (lg α Red − lg α Ox ) ∆E =
0,058
lg αM
n n
joue le rôle de potentiel normal apparent dans le milieu
considéré et peut être qualifié également de potentiel normal M + iL -- ne-- → MLni +
conditionnel du système. (L dilué)
(3)
En pratique, le calcul des valeurs des deux coefficients de
(3)
complexation des ions métalliques Ox et Red (fonctions de la
concentration du ligand en solution et du pH) et de la différence de

jla ∝ c sol
L
leurs logarithmes conduit à la prévision des effets de la
complexation, du point de vue thermodynamique, sur les caracté- (2)
ristiques électrochimiques du couple rédox et à la prévision
d’exploitation de ces effets. (1)
0
2.2.3 Oxydation aZ
ue des métaux E1/2
E
en présence de réactifs complexants
Rappelons que dans le cas de l’oxydation d’une électrode d’un Courbe 1 : oxydation de M dans une solution non complexante
métal M électroactif selon la réaction rapide M – ne– → Mn+, Courbe 2 : oxydation de M en présence d’un réactif complexant
l’expression de la courbe voltampérométrique est la suivante : L concentré (le coefficient de complexation αM croît
d’une courbe à l’autre de droite à gauche)
0,058 Courbe 3 : oxydation de M en présence d’un réactif complexant
E = Cte + lg j (8) L dilué (à deux concentrations différentes)
n
La courbe j = f (E ) est de forme exponentielle et sans limitation
Figure 3 – Caractéristiques densité de courant-potentiel en régime
de courant. de diffusion stationnaire à une électrode de métal oxydable M
Dans un électrolyte contenant maintenant un réactif complexant
des ions Mn+, les phénomènes sont différents car les ions Mn+
vont être transformés en complexes, au fur et à mesure de leur ■ Lorsque le réactif complexant est à faible concentration, une limi-
apparition à l’électrode. Ce sont ces complexes qui subiront l’effet tation du courant anodique d’oxydation de M se manifeste lorsque,
de diffusion à partir de l’électrode. Le processus global correspon- à potentiel suffisamment élevé, la concentration du réactif L est
dant à la succession de la réaction électrochimique et de la réac- devenue pratiquement nulle à la surface de l’électrode. Le flux de
tion chimique est le suivant : M + i L − n e− →MLni + . diffusion de L qui est alors maximal impose la valeur de courant
limite de diffusion anodique d’oxydation de M (en complexe MLi).
Deux cas peuvent être considérés.
On obtient ainsi une vague anodique correspondant au processus
■ La concentration c Lsol du réactif complexant L en solution est d’oxydation M + i L − n e− →MLni + dont la première caractéristique
très élevée et la densité de courant reste faible. En définissant un est de présenter une hauteur proportionnelle à la concentration de
coefficient de complexation αM (fonction de c Lsol et du pH au sein L en solution (figure 3, courbe 3). Au-delà du palier de courant de
de la solution (1)), on obtient l’équation suivante : cette vague, aux potentiels suffisamment élevés pour que la
concentration des ions Mn+ libres à la surface de l’électrode de
0,058 0,058 métal M devienne grande, le courant recommence à croître par
E = Cte − lg α M + lg j (9)
n n intervention du processus M – ne– → Mn+ libres, comme lorsque la
solution ne contient pas L (figure 3, courbe 1).
(dans la mesure où l’on peut admettre l’égalité de tous les coeffi-
cients de diffusions). Ce qui conduit à :
Remarque : il arrive que l’on observe, en présence d’un seul
0,058 ligand L, non pas une seule vague anodique mais plusieurs
ΔE = lg α M (10)
n vagues successives, dont les hauteurs croissent proportion-
Le déplacement de la courbe anodique d’oxydation de M obéit nellement à c Lsol (figure 4). Cela s’explique par la formation à
donc, comme on pouvait s’y attendre, à la même expression que l’électrode de plusieurs complexes successifs de stabilités
celui de la vague cathodique de réduction des ions métalliques bien distinctes. En effet, les premiers ions Mn+ formés par
(figure 3, courbes 1 et 2). La prévision de ce déplacement de oxydation anodique de l’électrode de métal M se trouvent en
potentiel d’oxydation, son interprétation en vue de déterminer le présence d’un grand excès de réactif L de sorte que le
système de complexation, son exploitation à des fins pratiques complexe qui se forme est alors le plus riche en ligand, ML2
sont effectuées, comme dans le cas des vagues de réduction, en par exemple. À ce courant correspond une densité de courant
calculant le logarithme du coefficient de complexation.
n F d sol
limite jla = k c qui détermine un premier palier de la
2 L L
Remarque : lorsque la solution dans laquelle est plongée courbe courant-potentiel. Au-delà de ce premier palier, lors-
l’électrode de métal M contient initialement des ions Mn+, la que le potentiel de l’électrode devient suffisamment élevé, il
courbe courant-potentiel fait apparaître une vague cathodique arrive un moment où la concentration de ML2 formé à l’élec-
et une branche anodique qui se rejoignent pour E = Eeq . trode diminue au profit de celle du complexe inférieur ML. À
L’addition d’un réactif complexant à concentration cLsol -- cM
sol
n+
la réaction M + L – ne– → ML correspond maintenant une den-
produit la translation de cette courbe sur l’axe de potentiel sité de courant limite de diffusion égal à jla = n F kLd c Lsol .Une
0,058 vague de même hauteur vient donc s’ajouter à la première
d’une valeur ΔE eq = lg α M . vague précédente.
n

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44
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P2128

Voltampérométrie
sur électrode solide
Perfectionnement des performances
par Fethi BEDIOUI
Ingénieur ENSCP (École nationale supérieure de chimie de Paris)
Docteur ès Sciences
Directeur de recherche au CNRS

et Sophie GRIVEAU
Docteur de l’université Pierre et Marie Curie
Maı̂tre de conférences à l’ENSCP (École nationale supérieure de chimie de Paris)

1. Voltampérométries dérivées et/ou à impulsions ...................... P 2 128v2 – 2


1.1 Origine du courant capacitif .............................................................. — 2
1.2 Mesure du courant capacitif .............................................................. — 4
1.3 Exemples ............................................................................................ — 5
2. Voltampérométries par redissolution ......................................... — 8
2.1 Redissolution anodique...................................................................... — 8
2.2 Dissolution cathodique ...................................................................... — 10
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. P 2 128v2

ans cette troisième partie, nous allons aborder les différents moyens qui
D peuvent être mis en œuvre afin d’améliorer les performances des techni-
ques voltampérométriques sur électrode solide en vue de leur application en
analyse chimique. Les améliorations qui sont généralement très recherchées
concernent principalement celle de la sélectivité et de l’abaissement de la limite
de détection (pour atteindre le domaine d’analyse des traces). En ce qui
concerne la sélectivité, une amélioration des techniques voltampérométriques
peut être apportée par la dérivation des voltampérogrammes. Cette dernière
approche a donné naissance à la voltampérométrie dérivée et elle a connu un
essor considérable en polarographie. En ce qui concerne l’amélioration de la
limite de détection, il a été montré que son abaissement passe, dans la plupart
des cas, soit par la minimisation du courant résiduel par filtrage du courant
capacitif, soit par l’amplification du courant faradique par suite d’accumulation
de substance électroactive près de la surface de l’électrode indicatrice. Ces
approches ont donné naissance à la voltampérométrie à impulsions et à la vol-
tampérométrie à redissolution, respectivement.
Parution : mars 2009

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VOLTAMPÉROMÉTRIE SUR ÉLECTRODE SOLIDE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Voltampérométries I dI
(1)
dérivées et/ou à impulsions dE

Le perfectionnement des techniques voltampérométriques pour


l’amélioration de leurs performances en analyse chimique se situe
à deux niveaux : l’amélioration de la sélectivité, d’une part, et
l’abaissement de la limite de détection, d’autre part.
& En ce qui concerne la sélectivité, il est bien connu maintenant
qu’une manipulation judicieuse des effets de solution (acidité, for- (2)
mation de complexes, précipitation, etc.) permet, par une action
chimique, de jouer à la fois sur les potentiels redox et sur les effets
de la diffusion pour obtenir une meilleure séparation des compo-
sés (cf. article [P 2 127v2]). E
Une amélioration technique peut être apportée par la dérivation a allure générale de la courbe dérivée (2) correspondant à
des voltampérogrammes en régime de diffusion convective station- un voltampérogramme en régime de diffusion convective
naire. En effet, la dérivée dI/dE = f(E) du voltampérogramme I = f(E) stationnaire (1) pour des systèmes Ox /Red dissous, rapides.
est facilement obtenue puisque, en enregistrant I = f(t) au cours Les maximums de la dérivée correspondent aux E1/2
d’un balayage de E en fonction linéaire de t, la courbe dI/dt = f(t)
se confond avec cette dérivée (à l’aide d’une mise en œuvre d’un I
élément dérivateur analogique). Les vagues voltampérométriques
dI
se transforment alors en pics dont la résolution est meilleure que
dE
celle des vagues. Les équations théoriques montent en effet que,
pour un système rapide, la dérivée dI/dE présente sa valeur maxi-
male pour E = E1/2 et que cette valeur est, comme l’intensité du cou-
rant limite, proportionnelle à la concentration de l’espèce électroac-
tive en solution. C’est donc au potentiel de demi-vague, et non plus
à un potentiel correspondant au palier de diffusion de la vague, que
s’effectue la mesure. Il suffit par conséquent, pour que cette der-
Ilim
nière ne subisse pas d’interférence de la part de la substance don-
nant le pic suivant, que celui-ci n’ait pas encore débuté à ce poten-
tiel. Ainsi, l’écart entre systèmes successifs, nécessaire pour que la
mesure soit sélective à 99 %, se trouve divisé par deux. Le pouvoir
de résolution de la voltampérométrie (en régime de diffusion DE1/2 = 118 mV E
convective stationnaire) dérivée est environ deux fois supérieur à
celui de la voltampérométrie ordinaire (figure 1).
dI
& En ce qui concerne l’amélioration de la limite de détection (ou dE
plus particulièrement de la sensibilité) il a été montré que son
abaissement passe par la minimisation du courant résiduel. Ceci
nécessite en premier lieu des précautions opératoires pour éviter
ou éliminer les impuretés électroactives, mais il subsiste de toute
façon le courant capacitif. Le perfectionnement consiste alors à
effectuer un filtrage du courant capacitif pour ne laisser la mesure
porter que sur le courant faradique (le courant d’électrolyse) de la
substance dosée.
Pour cela, il est important de connaı̂tre l’origine de ce courant
capacitif et d’en formuler la grandeur, ce qui fait l’objet des para-
graphes 1.1 et 1.2.
E
DE1/2 = 77mV

1.1 Origine du courant capacitif b pouvoir de résolution de la méthode dérivée par rapport
à la voltampérométrie ordinaire dans le cas de deux
L’accumulation de charge électrique (non transférable à travers systèmes rédox à 2 électrons chacun : la détermination
l’interface, en l’absence de tout processus électrochimique) de part d'une espèce sans interférence de l'autre se fait quantitative-
ment si ∆E1/2 > 77 mV en voltampérométrie dérivée, au lieu
et d’autre d’une interface est la conséquence de l’existence, dans
de 118 mV en voltampérométrie ordinaire
les deux phases en contact, de porteurs de charges mobiles et de
celle d’une différence de potentiel (ddp) électrique interfaciale :
Figure 1 – Méthode dérivée : allure de la courbe et pouvoir
Dfel / sol = fel - fsol (1) de résolution (d’après [1])

avec fel et fsol potentiels électriques de la phase solide (élec-


e– dans l’électrode) qui détermine cet équilibre ; la charge accumu-
trode) et liquide (solution), respectivement.
lée d’un coté de l’interface étant contrebalancée par celle accumu-
L’établissement d’un équilibre électrochimique a pour effet de lée de l’autre côté :
déterminer, entre l’électrode et l’électrolyte, une différence de q sol = - q el (2)
potentiel électrique interne, différence de potentiel de Galvani,
prise par convention dans le sens fel – fsol, relié à l’état énergétique
chimique des constituants du système rédox (y compris l’électron q représentant la charge par unité de surface (en C · cm–2).

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– VOLTAMPÉROMÉTRIE SUR ÉLECTRODE SOLIDE

La charge portée par l’électrode elle-même, qel, est constituée par


un excès d’électrons (charge négative) ou un déficit d’électrons Condensateur à plaques
(charge positive), selon le signe de la ddp Df. La charge compensa- parallèles
f
trice du côté de la solution électrolytique est due à un excédent de
C = q el/D f fsol
cations sur les anions, pour Df < 0 (cas où l’électrode est chargée

Électrode (q el < 0)
négativement), ou un excédent d’anions sur les cations, pour +
Df > 0 (cas où l’électrode est chargée positivement). Si l’épaisseur +
de la couche chargée côté « interne » de l’électrode peut être consi-
+
dérée comme très mince (< 0,1 Å), l’épaisseur de la couche côté de
solution, dans laquelle la distribution ionique n’est pas électrique- +
ment neutre est considérablement plus importante, étant donné le + Cations
rayon des ions (solvatés). D’autre part, cette distribution est com-
fel + excédentaires
plexe, étant donné la différence de comportement des ions selon Molécules
leur nature et la présence de molécules polaires du solvant. Épaisseur de solvant, +
uniquement.
de la couche
Actuellement, la structure qui est admise pour cette couche < 0,1 Å 0 PH x
ionique chargée est décrite de la manière suivante : en l’absence
d’interactions spécifiques fortes avec la surface de l’électrode PH : plan de Helmholtz
(adsorption spécifique), et sous influence d’un champ électrique
interfacial, les ions en excédent (cations ou anions) ont seulement
la possibilité de s’approcher de la surface de l’électrode jusqu’à une Figure 2 – Représentation de la double couche électrique :
distance de l’ordre de quelques Angströms, et s’alignent le long distribution des charges et variation du potentiel électrique f
d’une surface parallèle à celle de l’électrode, appelée le plan de en fonction de la distance x à la surface de l’électrode.
Helmholtz (PH, pour le cas le plus fréquent d’électrodes planes). Modèle simple de Helmholtz (cas Dfel/sol < 0)
La couche de Helmholtz (ou couche compacte), comprise entre la
surface de l’électrode et ce plan, contient uniquement des molécu-
les du solvant orientées par le champ électrique, de manière sem-
blable à un diélectrique d’un condenseur. Couche de Couche de
Helmholtz Gouy - Chapman
Si tous les ions excédentaires se situaient sur ce plan de Helm-
holtz, on obtiendrait l’équivalent d’un condenseur à plaques paral- fsol
lèles, caractérisé par la capacitance (par unité de surface) C = qel/Df. + Dy
Dans ces conditions, la variation du potentiel électrique f (entre fel fPHE
et fsol), dans la couche comprise entre les deux plans limites, est + +
Électrode (q el < 0)

une fonction linéaire de la distance (figure 2). Cependant, ce


Dfel/sol

modèle demeure simple et souffre d’un certain nombre de limita- + +


tions et de complications comme celles liées à l’agitation ther-
mique et à l’adsorption spécifique des ions. +
+ +
En effet, les ions accumulés près de l’électrode se trouvent sou-
mis à l’agitation thermique, et de ce fait, une couche de répartition +
des ions excédentaires s’établit. Cette couche stationnaire, par suite +
de l’équilibrage entre les forces de sens opposés, de rétrodiffusion fel
+
et d’attraction électrostatique exercée par la surface de l’électrode,
correspond à une charge d’espace de densité décroissante en fonc- PH x
tion de la distance au plan PH. Dans cette couche, appelée couche 0
de Gouy-Chapman, le potential électrique f varie en obéissant à la PH : plan de Helmholtz
loi de Poisson :
52 f = - r / e (3)
Figure 3 – Représentation de la double couche électrique :
avec e constante diélectrique du milieu, distribution des charges et variation du potentiel électrique f
en fonction de la distance x à la surface de l’électrode. Modèle
r densité de charge d’espace. de Stern comprenant une couche compacte et une couche diffuse
(cas Dfel/sol < 0 et absence d’adsorption spécifique)

Gouy et Chapman ont ainsi établi la loi de variation de f comme


fonction exponentielle inverse de la distance au plan de Helmholtz Aussi, l’adsorption des ions à la surface de l’électrode doit être
et ont déduit l’expression de la ddp totale Dy correspondant à cette attentivement considérée. Deux types de comportement des ions
couche diffuse. L’ensemble couche de Helmholtz (couche compacte) doivent être distingués :
+ couche de Gouy-Chapman (couche diffuse) constitue le modèle – les ions qui ne sont pas adsorbés (des cations généralement)
dit de Stern de la double couche électrochimique (figure 3). sont maintenus à distance de l’électrode par leur coquille de solva-
tation, ainsi que par l’intercalation d’une couche de molécules de
solvant fixées par adsorption au contact de l’électrode ;
Remarque : il a été montré par la formule de Gouy-Chapman
que la ddp Dy correspondant à la couche diffuse peut être ren- – les ions qui subissent une adsorption spécifique (des anions
due très faible (< 50 mV) lorsque la concentration de l’électro- généralement) viennent au contraire au contact direct de la surface
lyte est suffisamment grande. La couche de Helmholtz peut de l’électrode, sans interposition de molécules de solvant.
alors être considérée comme la région dans laquelle se produit
la quasi-totalité de la variation interfaciale de Df du potentiel De cette manière, deux plans de Helmholtz (et donc deux cou-
électrique. L’épaisseur de la double couche électrochimique ches distinctes correspondantes) peuvent être distingués : un plan
est dans ces conditions de l’ordre d’une dizaine d’angströms. interne (PHI) et un plan externe (PHE), comme il est représenté sur
la figure 4.

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Voltampérométrie
sur électrode solide
Diverses géométries d’électrode
par Fethi BEDIOUI
Ingénieur ENSCP (École nationale supérieure de chimie de Paris)
Docteur ès Sciences
Directeur de recherche au CNRS

et Sophie GRIVEAU
Docteur de l’université Pierre-et-Marie-Curie,
Maı̂tre de conférences à l’ENSCP (École nationale supérieure de chimie de Paris)

1. Voltampérométrie en couche mince ........................................... P 2 129 – 2


2. Voltampérométrie sur électrodes dites modifiées................... — 4
2.1 Électrode modifiée par dépôt d’une monocouche d’espèce
électroactive ....................................................................................... — 4
2.2 Électrode modifiée par un film polymère.......................................... — 5
3. Électrode à pâte de graphite à composé électroactif
incorporé .......................................................................................... — 8
3.1 Différentes configurations d’électrode à pâte de graphite ............... — 8
3.2 Allure des courbes voltampérométriques ......................................... — 9
4. Électrode tournante à disque et à anneau ................................. — 11
4.1 Description et principe de la méthode .............................................. — 11
4.2 Exemples de réponse de l’électrode anneau..................................... — 12
5. Ultramicroélectrodes ..................................................................... — 13
5.1 Réalisation d’ultramicroélectrodes au laboratoire ............................ — 14
5.2 Données fondamentales..................................................................... — 16
5.3 Voltampérométrie aux ultramicroélectrodes ..................................... — 18
5.4 Applications des ultramicroélecrodes ............................................... — 19
5.5 Instrumentation .................................................................................. — 21
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. P 2 129

ans cette quatrième partie, nous allons aborder les applications de la vol-
D tampérométrie avec diverses géométries d’électrode : les couches minces,
les électrodes modifiées, l’électrode à pâte de graphite à composé électroactif
incorporé, l’électrode tournante à disque et à anneau et les ultramicro-
électrodes.
Parution : mars 2009

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P2129

VOLTAMPÉROMÉTRIE SUR ÉLECTRODE SOLIDE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Voltampérométrie laquelle plonge le dispositif à trois électrodes sont nulles, si bien


que la quantité totale de réactif reste, à tout instant, constante et
en couche mince égale à la quantité initiale c0, à savoir : cRed + cOx = Cte = c0.
Sachant que l’intensité du courant est proportionnelle à la quan-
dc Red
tité d’espèce réduite disparue par unité de temps : I = - nFV ,
La voltampérométrie en couche mince est apparue en 1961, son dt
principe et ses applications ont donné lieu à plusieurs mises au cela donne, en utilisant la relation de Nernst, l’expression suivante :
point successives (voir par exemple une des plus récentes [1]) et c
c Red =  0
nous ne développerons ici que quelques aspects de sa mise en nF (2)

1 + exp ðE - E 0 Þ
œuvre. RT
Le principe de cette technique consiste à isoler à la surface de
L’expression du courant s’écrit alors :
l’électrode de travail une très faible quantité de l’espèce électroac-
tive qui participera totalement à la réaction électrochimique. exp nF ðE - E 0 Þ
 
!
Contrairement aux méthodes classiques où les transformations n2 F 2 V c 0 9 RT
I=  i2 (3)
électrochimiques ne modifient pas sensiblement la composition RT nF
h 
1 + exp ðE - E 0 Þ
de la solution étudiée (microélectrolyse), la totalité du réactif RT
contenu dans la couche mince est électrolysée au cours du tracé
d’une courbe. avec 9 vitesse de balayage de potentiel.
Le principe d’une cellule électrochimique en couche mince est
représenté sur la figure 1. La cellule comporte deux faces parallè- L’allure caractéristique d’un voltampérogramme cyclique obtenu
les, distantes de 2 à 100 mm ; l’une est fixe, l’autre solidaire d’une en couche mince pour un système rapide est représentée sur la
vis micrométrique qui permet de faire varier le volume V de la cou- figure 2. La courbe est symétrique, passe par un maximum (à l’aller
che mince de façon continue, et de régler avec précision son épais- comme au retour) Ip pour E = E0 :
seur e. Le centre d’une ou des deux faces de la cellule est constitué n2 F 2 V c 0 9
d’un disque métallique servant d’électrode indicatrice, dont le Ip = (4)
rayon est environ 100 fois plus grand que e. La plupart des techni- 4RT
ques électrochimiques sont applicables à la couche mince, en parti- et le courant s’annule lorsque la totalité de l’espèce Red, initiale-
culier la chronopotentiométrie, les électrolyses à potentiel contrôlé ment présente dans la couche mince, est oxydée (ou inversement si
et la voltampérométrie dont nous allons développer brièvement le
c’est Ox qui est présent initialement en solution).
principe de l’obtention des courbes I = f(E).
Dans le cas d’une réaction d’oxydation simple et rapide : L’expression de Ip ci-avant montre que l’intensité du pic voltam-
pérométrique (dans les conditions décrites ci-avant) est directe-
Red Æ Ox + ne - , les concentrations c Ox et c Red de Ox et de Red à
ment proportionnelle à la vitesse de balayage de potentiel et
la surface de l’électrode obéissent à la loi de Nernst :
qu’elle ne dépend pas de DRed, caractérisant ainsi le régime de dif-
c
!
fusion pure finie. Il a été aussi montré que, pour pouvoir appliquer
E = E 0 + RT ln Ox (1) les relations relatives à la couche mince, le produit de la vitesse de
nF c Red
balayage de potentiel et de l’épaisseur de la couche mince doit
La géométrie de la cellule implique l’électrolyse totale du réactif satisfaire à la condition suivante : 9e = 300 mm · mV · s - 1 . À noter
contenu dans le volume V de la couche mince. Par ailleurs, en fai- que lorsque la vitesse de balayage de potentiel devient importante,
sant varier linéairement le potentiel de l’électrode suffisamment les concentrations des formes Ox et Red de l’espèce électroactive
lentement, les concentrations des formes oxydée et réduite sont ne sont plus uniformes au sein de la couche mince.
uniformes dans tout le volume V de la couche mince, ce qui revient
à négliger la diffusion des espèces électroactives et à écrire :
c Ox = COx
sol
et c Red = c sol
Red
. On entend ici par c sol
Red
(ou c sol
Ox
), la concen-
tration de l’espèce Red (ou Ox) dans la solution qui occupe le I (µA)
volume V de la couche mince. Elle est généralement la même que
la concentration initiale c0 de l’espèce considérée dans la solution
1
extérieure dans laquelle plonge le dispositif à trois électrodes. De
plus, les échanges de matière avec la solution extérieure dans
Q Ip

Contre- 0
électrode 0
Vis micrométrique E -- E 0 (V)
Électrode de
référence Solution
électrolytique
--1
Lame de
verre mobile

Disque métallique
(électrode indicatrice) Concentration 1 mM de Ox en solution
Volume de la couche mince = 1 µl
Couche mince de Nombre d’électrons échangés = 1
volume V et Vitesse de balayage de potentiel = 1 mV/s
d’épaisseur e T = 298 K

Figure 1 – Principe d’une cellule électrochimique en couche mince,


à électrode indicatrice disque plan Figure 2 – Courbe intensité-potentiel théorique en couche mince

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P 2 129 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

50
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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– VOLTAMPÉROMÉTRIE SUR ÉLECTRODE SOLIDE

I I
--0,8 0 --0,6 0
0 0
0 E -- E 0 (V)
E -- E (V)

(4)

(4) (3) (2) (3)


--4 µA (1) --4 µA (1)

Courbe 1 : réaction de transfert de charge rapide (2)


Courbe 2 : k 0 = 10--6 cm.s--1
Courbe 3 : k 0 = 10--8 cm.s--1 Courbe 1 : réaction de transfert de charge rapide
Courbe 4 : k 0 = 10--10 cm.s--1 Courbe 2 : ana = 0,75
n = na = 1 Courbe 3 : ana = 0,5
A = 0,5 cm2 Courbe 4 : ana = 0,25
Concentration de Ox = 1 mM k 0 = 10--6 cm.s--1
a = 0,5 n=1
V = 2 µl A = 0,5 cm2
ᐂ = 2 mV/s Concentration de Ox = 1 mM
a = 0,5
Figure 3 – Partie cathodique de la courbe intensité-potentiel V = 2 µl
théorique dans le cas d’une réaction de transfert de charge ᐂ= 2 mV/s
totalement irréversible pour différentes valeurs de k0 (d’après [2])
Figure 4 – Partie cathodique de la courbe intensité-potentiel
L’intensité du courant de pic Ip peut être reliée à la quantité de théorique dans le cas d’une réaction de transfert de charge
coulombs Q nécessaire pour transformer en totalité la substance totalement irréversible pour différentes valeurs de a n a (d’après [2])
électroactive présente initialement dans la couche mince :
Q = nFAec 0 (5)
(avec A aire de l’électrode indicatrice), grâce à la relation : Électrode de référence
Plaques de verre Bouchon
n2 F 2 V c 0 9 Contre-électrode (ou de quartz)
Ip = = 9,73nQV (6)
4RT
L’estimation de Q, qui est indépendante de la vitesse de balayage Minigrille de platine
(électrode indicatrice)
de potentiel, obtenue soit par intégration du courant total lors du
premier balayage, soit par le calcul de l’aire de la surface de pic, Faisceau
lumineux
permet donc de calculer le nombre d’électrons échangés :
Ip
n= (7)
9,73QV
Dans le cas où la réaction électrochimique est constituée d’une Couche
succession de transferts de charge de rapidités différentes [P 2 127v2, mince
§ 2.2.5] et que globalement elle est lente (totalement irréversible),
les figures 3 et 4 illustrent l’allure des voltampérogrammes (partie
Solution
cathodique) pour différentes valeurs de k0 et ana (a étant le coeffi- électrolytique
cient de transfert de charge et na est le nombre d’électrons échan-
gés dans l’étape la plus lente) [2]. Le potentiel de pic cathodique a
pour expression : Vue de face Vue de côté
 
E pc = E 0 + RT ln RT k 0
(8) Figure 5 – Schéma d’une cellule électrochimique en couche mince
an a F an a F e9
optiquement transparente
et le courant de pic cathodique a pour expression :
de réactions trop lentes pour être étudiées par voltampérométrie
an a nF 2 9V c 0
Ipc = (9) cyclique en cellule classique (constantes de vitesses < 5 x 10-2 s-1
2,718 RT pour une réaction du premier ordre) ou trop rapides pour être
En observant ces figures, il apparaı̂t que : déterminées par électrolyse à potentiel contrôlé (constantes de
– plus le système est lent, plus le pic de réduction de Ox se vitesses > 10-3 s-1). La méthode permet aussi la mise en évidence
déplace vers les potentiels cathodiques de 0,058/ana(V) par décade d’espèces intermédiaires électroactives et l’étude de leur évolution.
de diminution de k0 ; La réalisation d’une cellule électrochimique en couche mince opti-
– plus a est petit, plus le pic s’élargit et s’étale. quement transparente (figure 5) rend possible l’identification, par
spectrophotométrie, des espèces formées à l’électrode [3]. De nom-
La voltampérométrie en couche mince est principalement utilisée breux exemples d’identification d’espèces biologiques électroacti-
pour l’étude de réactions de transfert de charge simple (calcul du ves possédant des propriétés photospectrales intéressantes, telles
nombre d’électrons échangés, par exemple) et de réactions chimi- que l’hémoglobine et ses dérivés synthétiques (métalloporphyri-
ques couplées à des transferts de charge. En effet, cette technique nes) ont été rendus possible grâce à l’utilisation d’une telle cellule
est très bien adaptée à la détermination de constantes de vitesses électrochimique [4].

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VOLTAMPÉROMÉTRIE SUR ÉLECTRODE SOLIDE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

2. Voltampérométrie
I (µA)
(4)
sur électrodes dites
40
(5)
modifiées
(3)
(6)
(7) (8)
(1) (2) Le développement de nombreux travaux portant sur la modifica-
0 tion de la surface de l’électrode indicatrice par formation de films
1,4 E (V/(Ag/AgCl) fins de polymère conducteur (ou pas) contenant des substances
électroactives, pour aboutir à ce que l’on appelle communément
une électrode modifiée a connu un essor considérable au cours
--40 des trente dernières années et le but d’une telle démarche est de
répondre à un ensemble de préoccupations dont certaines sont
apparues comme nouvelles en électrochimie. Les principales sont
les suivantes :
a voltampérogramme cyclique du complexe Ru (bpy)2(Me2bpy)(PF6)
– étudier les propriétés électrochimiques de composés fixés à la
(2,9 mM) dans une cellule électrochimique en couche mince
surface d’une électrode, et en particulier disposer d’une méthode
optiquement transparente contenant une solution d’acétonitrile + électrochimique d’étude de composés insolubles ;
NBu4PF6 0,1 M (vitesse de balayage de potentiel = 25 mV/s) – maı̂triser la structure de l’interface électrode/solution afin d’in-
fluencer l’efficacité et la sélectivité de la réaction électrochimique ;
– obtenir d’une façon générale une électrocatalyse (ou une cata-
lyse électroassistée) de réactions en solution.
Forme réduite du complexe L’émergence du développement des recherches dans le domaine
Absorbance

E des électrodes modifiées (terme générique utilisé maintenant pour


1,600 désigner toute électrode à la surface de laquelle une microstructure
moléculaire est délibérément fixée) a trouvé, dans certains cas, une
1
solution aux problèmes liés à la détermination des caractéristiques
2
3 électrochimiques des films [6], [7]. Cette solution passe, dans cer-
1,280 tains cas, par la mise en œuvre du principe de la voltampérométrie
d’espèces électroactives adsorbées ou en couche mince. En effet,
4
Forme oxydée du complexe dans le cas des électrodes modifiées, la substance électroactive
0,960 est généralement confinée au sein d’un film polymère fin déposé
5 E à la surface de l’électrode. La transformation électrochimique a
lieu au sein de ce film mince (situation dite de « système fermé »)
0,640 6 imprégné par la solution électrolytique.
Si l’adsorption reste le moyen le plus simple pour fixer des com-
7 posés électroactifs à la surface d’une électrode, de nouvelles métho-
0,320 des ont été développées au cours des années récentes [6] [7].
2
3 Ainsi, les plus étudiées sont :
4
5 6
– le greffage chimique à la surface de l’électrode solide, par liai-
0 son covalente, de l’espèce électroactive souhaitée ;
300 400 500 – la formation d’un film, généralement polymère du composé
Longueur d’onde (nm) électroactif lui-même, ou d’un polymère dans lequel ce composé
est fixé ;
– le dépôt à la surface de l’électrode de couches de mélange de
b spectres d’absorption UV-visible enregistrés à différents potentiels
graphite et du composé électroactif (avec ou sans liant) dont le
(indiqués par les numéros 1 à 6) au cours du tracé de la partie
modèle est inspiré de l’électrode à pâte de graphite (et que nous
anodique (balayage aller) du voltampérogramme
détaillerons dans le paragraphe 3).
(durée de l’acquisition d’un spectre = 0,5 s)

Figure 6 – Voltampérométrie et spectrométrie d’absorption en cellule


2.1 Électrode modifiée par dépôt
couche mince (d’après [5]) d’une monocouche d’espèce
électroactive
Exemple : la figure 6a montre l’exemple d’un voltampérogramme
cyclique du complexe Ru(bpy)2(Me2bpy)(PF6)2 (2,9 mM) dans l’acéto- L’adsorption ou le greffage chimique d’un composé électroactif à
nitrile + Bu4NPF6 0,1 M dans une cellule couche mince optiquement la surface de l’électrode solide conduit généralement à la formation
transparente, à 25 mV/s [5]. Au cours du tracé de la partie anodique de monocouche dont la détermination des caractéristiques électro-
de ce voltampérogramme, les spectres photométriques (UV-visible) chimiques s’effectue principalement par voltampérométrie cyclique,
de la solution emprisonnée dans la couche mince ont été tracés et selon le modèle théorique proposé par Laviron [8]. La figure 7 mon-
sont représentés sur la figure 6b. Ainsi, le tracé direct des spectres tre l’allure du voltampérogramme obtenu dans le cas d’une mono-
UV-visible de la solution en couche mince permet d’en caractériser la couche de substance électroactive fixée à la surface, dans le cas où
composition à chaque point du voltampérogramme cyclique. Le cou- la réaction Ox + ne– Ð Red est rapide. Dans le cas où les coeffi-
plage des deux techniques illustre bien ici l’intérêt évident de l’utilisa- cients d’activité de surface de Ox et de Red sont directement propor-
tion et du développement de la voltampérométrie en couche mince. tionnels aux concentrations surfaciques G Ox et G Red (mol · cm–2), les
équations du voltampérogramme s’écrivent de la même manière
Nota : bpy : bipyridine. que ce que nous avons déjà établi en [P 2 127v2, § 4].

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– VOLTAMPÉROMÉTRIE SUR ÉLECTRODE SOLIDE

Epa
I DE1/2 (mV)

I
g=0 200

100
Ipa DE1/2
g=3

E0
0
E --4 --2 0 2
E gG total
a b

Ipc gOx = gRed = 2g


Q = nFA Gtotal Électrode modifiée par fixation d’une monocouche d’espèce
électroactive subissant une réaction de transfert de charge rapide
(seul le pic anodique est représenté)

Figure 8 – Influence du paramètre d’interaction g sur l’allure


des voltampérogrammes cycliques (a) et sur la largeur de pic à mi-
Epc hauteur (b) dans le cas d’une électrode modifiée (d’après [6])

Figure 7 – Voltampérogramme cyclique théorique obtenu de g traduisent des interactions répulsives et déstabilisantes. Ce
à une électrode modifiée par fixation d’une monocouche d’espèce nouveau modèle traduit d’une manière relativement satisfaisante
électroactive. Cas d’une réaction de transfert de charge rapide la plupart des voltampérogrammes expérimentaux, mais nécessite
encore quelques améliorations (en particulier, la prise en compte
Rappelons que les critères analytiques d’un tel processus sont : de la variation des paramètres d’interaction en fonction de la solva-
tation des espèces greffées à la surface de l’électrode).
– la proportionnalité entre l’intensité du pic Ip et la vitesse de
balayage de potentiel 9 ;
– l’écart entre les potentiels de pic DEp = Epa - Epc = 0 ;
2.2 Électrode modifiée par un film polymère
– E0 = (Epa + Epc)/2 (appelé aussi E 0surf ) ;
– DE1/2 (largeur du pic à mi-hauteur) = 90,6/n (mV) ; La modification de la surface d’une électrode par le dépôt d’un
– G total = Q/nFA (quantité totale de Ox ou de Red fixée à la surface polymère contenant une espèce électroactive peut être réalisée
de l’électrode, avec Q quantité d’électricité développée sous le pic selon deux procédures :
anodique ou cathodique) ; – à partir d’un polymère préformé portant sur son squelette l’es-
– G total est indépendant de 9. pèce électroactive. Le dépôt est obtenu par immersion de l’élec-
Cependant, les résultats expérimentaux décrits dans la littérature trode dans un solvant solubilisant le polymère électroactif ou par
montrent l’inefficacité de ce modèle trop simple. Les valeurs expé- évaporation sur l’électrode d’une goutte de cette solution. Les poly-
rimentales des deux paramètres significatifs DEp et DE1/2 sont géné- mères utilisés dans cette procédure sont pour la plupart non
ralement différentes de leurs valeurs théoriques. La variation signi- conducteurs électroniques (tels que le polystyrène, par exemple) ;
ficative de DE1/2, de 100/n à 250/n mV, qui se traduit donc par – à partir de la polymérisation, directement sur l’électrode, d’un
l’élargissement des pics voltampérométriques peut s’expliquer par monomère polymérisable substitué par des groupes électroactifs.
une variation des coefficients d’activité de surface de Ox et de Red La procédure la plus élégante, et la plus couramment utilisée main-
en fonction des taux de recouvrement G Ox et G Red. Dans ce cas, tenant, est la polymérisation électrochimique (appelée aussi
l’équation du voltampérogramme devient (en utilisant l’isotherme électropolymérisation).
de Frumkin, tel que nous l’avions vu en [P 2 127v2, § 4]). La technique d’électropolymérisation est particulièrement adap-
exp P tée à la formation de polymères conducteurs, à base de polypyr-
I = 4Ip (10) role, polythiophène et polyaniline fonctionnalisés par des groupe-
ð1 + exp P Þ2 - ðg Ox + g Red Þ exp P
ments rédox. De nombreux exemples sont maintenant reportés
avec gOx et gRed paramètres d’interaction, dans la littérature [9] [10] [11] [12] [13]. Cependant, la présence de
substituant sur le squelette du polymère électroformé affecte forte-
P = nF ðE - E 0 Þ + ðg Ox + g Red ÞG Ox - g Red G total , ment la conduction électronique de ce dernier. Ainsi, le polymère
RT substitué par des groupements rédox peut voir sa conduction élec-
n 2 F 2 G total A9 tronique devenir négligeable devant la conductivité par saut d’élec-
Ip =   (intensité du courant de pic). tron entre sites rédox (appelée conductivité rédox). Ce type de poly-
RT 4 - ðg Ox - g Red ÞG total mère sera considéré comme un simple polymère rédox [6] [7].
La figure 9 présente le schéma d’une électrode modifiée par un
Il en ressort aussi que le potentiel Ep est relié au potentiel E0 par
dépôt de film polymère électroactif fin ainsi que les différents pro-
l’expression :
cessus, électrochimiques et autres, y intervenant. L’espèce élec-
troactive étant contenue dans le film polymère de structure généra-
E p = E 0 + RT ðg Ox - g Red ÞG total (11)
nF lement rigide, on conçoit que les processus ayant lieu dans
Nota : l’homogénéité de ces formules n’est pas toujours vérifiée, mais elles donnent l’épaisseur du dépôt soient plus complexes que dans le cas d’une
une indication intéressante pour l’allure des courbes. couche mince, ou d’une couche adsorbée. En effet, plusieurs phé-
La figure 8 montre l’influence des paramètres d’interaction gOx et nomènes sont à prendre en compte, en particulier :
gRed sur l’allure des pics voltampérométriques et la linéarité – le transfert d’électrons des (et vers les) sites électroactifs à tra-
entre DE1/2 et gG total, avec g = (gOx + gRed)/2. Les valeurs négatives vers le film polymère jusqu’à l’électrode conductrice. Ce transfert

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Microscopie électrochimique

par Fethi BEDIOUI


Directeur de recherche au CNRS
Sophie GRIVEAU
Maître de conférences à l’École nationale supérieure de chimie de Paris
et Alain PAILLERET*
Maître de conférences à l’université Pierre et Marie Curie – Paris Universitas
* la contribution de cet auteur a porté principalement sur le couplage
électrochimie/microscopies en champ proche

1. Principe de fonctionnement de la SECM........................................... P 2 132 - 3


2. Modes d’utilisation de la SECM ........................................................... — 4
2.1 Mode feedback ............................................................................................. — 4
2.2 Mode génération/collecte ............................................................................ — 7
2.3 Mode pénétration......................................................................................... — 7
3. Principales applications de la SECM .................................................. — 8
3.1 Imagerie de surface ..................................................................................... — 8
3.2 Études de cinétiques réactionnelles ........................................................... — 8
3.3 Études de corrosion ..................................................................................... — 9
3.4 Étude de systèmes biologiques .................................................................. — 10
3.5 Modification localisée de surface (microstructuration) ............................ — 12
4. Instrumentation ........................................................................................ — 15
4.1 Appareillage de base ................................................................................... — 15
4.2 Sondes SECM............................................................................................... — 16
4.3 Positionnement de la sonde pour l’imagerie............................................. — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 132

’électrochimie procure, par nature, une contribution de toute première


L importance au développement des nanosciences. Il suffit pour cela de réa-
liser, par exemple, que des processus élémentaires de corrosion ou
d’électrocristallisation modifient l’aspect et la composition d’interfaces métal/
solution d’abord à l’échelle atomique avant de produire des répercussions évi-
dentes à une échelle nanométrique. Par ailleurs, l’électrochimie permet, dans
une approche principalement de type « bottom-up », de générer sur des sur-
faces conductrices des structures diverses et variées, cristallines ou amorphes,
organiques, inorganiques ou métalliques à partir de solutions contenant des
espèces dissoutes, ioniques ou neutres, monoatomiques ou moléculaires. Ces
structures pourront prendre la forme de dépôts localisés plus ou moins clair-
semés ou bien encore de films fins uniformes. Par le biais d’un contrôle
rigoureux des conditions de dépôt (paramètres électrochimiques, composition
de la solution électrolytique utilisée...), l’électrochimie permet donc d’accéder,
dans la région de l’interface conducteur électronique/solution, à une grande
diversité de nano-objets (nanoplots, nanofils, nanotubes, nanocristaux, nano-
particules, nanomotifs, films d’épaisseur submicronique...) dont une au moins
des dimensions se limite à quelques nanomètres. Si les techniques électrochi-
miques classiques permettent effectivement la préparation d’une vaste
diversité de nano-objets, elles offrent également l’accès par exemple à la
caractérisation directe, globale ou locale, de la réactivité électrochimique et/ou
de la composition chimique d’interfaces électrochimiques. Cependant, elles
Parution : juin 2009

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MICROSCOPIE ÉLECTROCHIMIQUE _____________________________________________________________________________________________________

permettent également l’étude, parfois indirecte, d’un certain nombre de pro-


priétés, comme le métabolisme de systèmes biologiques (par exemple des
cellules) via la détection électrochimique de ses métabolites (surtout lorsque
ceux-ci sont électroactifs bien sûr).
À l’échelle locale, les propriétés (électro)chimiques et topographiques d’un
échantillon sont accessibles à l’aide de la microscopie électrochimique (ou
SECM pour Scanning ElectroChemical Microscopy), inventée à la fin des années
1980, grâce à l’utilisation d’une électrode miniaturisée jouant le rôle de sonde. La
SECM est, en effet, une technique de microscopie à sonde locale, offrant la pos-
sibilité d’imager la réactivité électrochimique d’échantillons de différentes
natures ou encore d’en modifier localement les propriétés. Il permet d’examiner
la surface d’échantillons en les balayant par des électrodes miniaturisées, qui
vont recueillir un signal indicatif de la réactivité redox locale de celui-ci, donnant
ainsi une vision à l’échelle micrométrique de la surface. L’utilisation de la SECM
constitue une avancée majeure de l’électrochimie, rendue possible grâce à la
miniaturisation des électrodes et à la possibilité de mesurer de très faibles cou-
rants. Elle offre tout un panel d’applications allant de l’imagerie électrochimique
in situ à la structuration locale microscopique de surface.
L’élaboration de la SECM a débuté à la fin des années 1980 simultanément
dans deux laboratoires d’électrochimie [1] [2]. C’est une technique apparentée
aux microscopies en champ proche, telles que la microscopie à effet tunnel
(STM, Scanning Tunneling Microscopy) ou la microscopie à force atomique
(AFM, Atomic Force Microscopy). En SECM, le rôle de sonde est assuré par
une ultramicroélectrode (UME), permettant notamment d’imager la réactivité
redox locale d’échantillons solides ou liquides, mais qui peut aussi servir
d’outil de modification locale de surfaces solides. Par analogie avec les autres
microscopies AFM et STM [3], l’UME est également appelée « tip » (pointe)
même si la plupart des UME utilisées en SECM possèdent des géométries
disque plan (et non pas en forme de pointe).

Nous avons choisi de recourir aux abréviations et notations utilisées dans la littérature
internationale par souci d’homogénéité (une liste des abréviations est disponible à la fin du
document). Par ailleurs, le lecteur est invité à se reporter à l’article [P 2 128] [4] des Techni-
ques de l’Ingénieur pour plus de précisions sur les UME (principe, fabrication et applications
des UME).
Remarque : les microscopies en champ proche ou assimilées sont le plus souvent abrégées
sous leur acronyme anglais (STM, AFM, SECM) selon une pratique internationale. Ces abré-
viations sont à la fois utilisées pour désigner la technique et l’outil (le microscope).

Tableau des notations Tableau des notations


Notation Unité Définition Notation Unité Définition
ai activité (relative, par rapport à un état IS courant adimensionnel mesuré
standard) de l’espèce chimique i au substrat
Cisol mol · cm–3 concentration de l’espèce i IT courant adimensionnel mesuré
en solution à la sonde
d m distance séparant UME et échantillon L distance adimensionnelle
Di cm2 · s–1 coefficient de diffusion de l’espèce i
n nombre d’électron(s) impliqué(s)
E V potentiel d’électrode (relatif par dans une réaction électrochimique
rapport à une électrode de référence)
Eeq V potentiel d’équilibre Ox oxydant
F C · mol–1 constante de Faraday r µm rayon du disque conducteur
(96 484,5 C · mol–1) d’une UME
i A intensité de courant risol µm rayon de la gaine isolante entourant
iS A courant traversant l’échantillon le disque conducteur de l’UME
(substrat) RG pour une UME disque plan, rayon
iT A courant mesuré à l’UME (tip current ) de la gaine isolante normalisé par le
iT,∞ A courant stationnaire mesuré à l’UME rayon du disque conducteur : risol/r
(loin du substrat) Red réducteur

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_____________________________________________________________________________________________________ MICROSCOPIE ÉLECTROCHIMIQUE

1. Principe de fonctionnement Les ultramicroélectrodes


de la SECM
L’ultramicroélectrode a un rôle central dans la réalisation de
manipulations SECM, c’est pourquoi ses principales propriétés
Le principe de la SECM repose sur la mesure du courant traver- seront rappelées ici. Rappelons pour commencer que les ultra-
sant l’UME (électrode de rayon r allant de quelques nanomètres à microélectrodes sont des électrodes dont le diamètre est
25 µm) pendant que celle-ci balaye la surface d’un échantillon en le compris entre quelques nanomètres et quelques dizaines de
survolant à une faible distance. L’échantillon, également appelé microns. Seules les UME disque plan, géométrie actuellement la
« substrat », peut être solide ou liquide (cependant, nous nous plus utilisée en SECM seront détaillées ici. Celles-ci sont
limiterons au cas de substrats solides). La présence de l’échan- constituées d’un disque plan conducteur, obtenu par l’exposi-
tillon à faible distance de l’UME va entraîner une perturbation de la tion par polissage de la section d’un conducteur (fil de platine,
réponse électrochimique de la sonde, ce qui donne accès à des d’or ou fibre de carbone) scellé dans un capillaire de verre
informations sur la nature et les propriétés du substrat. L’UME (figure 2a ). Nous traitons ici de l’allure du voltampérogramme
constitue ainsi la sonde SECM : la résolution de la SECM sera ainsi obtenu à une UME dans une solution électrolytique contenant
limitée par la taille de l’UME et sa sensibilité par le courant mini- une espèce électroactive, un oxydant (Ox) par exemple à la
mal pouvant être mesuré précisément à celle-ci. concentration C Oxsol en solution. L’UME est introduite en solution

La figure 1 représente l’ensemble du système nécessaire pour les et maintenue immobile loin de toute surface, une électrode de
manipulations SECM : un système de déplacement tridirectionnel de référence et une électrode-auxiliaire complètent le dispositif à
trois électrodes. L’application d’un balayage linéaire de poten-
l’UME par rapport à l’échantillon ainsi qu’un potentiostat permettant
tiel vers le sens de la réduction de Ox en Red conduit à la géné-
l’imposition du potentiel et les mesures simultanées du courant à la
ration d’un courant cathodique à l’UME. La figure 2b illustre
sonde. Le microscope électrochimique doit en effet permettre de
l’allure caractéristique d’un voltampérogramme linéaire obtenu
positionner précisément l’UME à proximité de l’échantillon, puis de le
sur UME : la courbe est une sigmoïde avec l’apparition d’un cou-
balayer latéralement dans un plan (x, y ) défini par l’expérimentateur. rant limite ou quasi stationnaire, noté iT,∞ . Le courant station-
Le positionnement précis de la sonde vis-à-vis de l’échantillon est le naire pour une UME disque plan de rayon r, iT,∞ est donné par :
plus souvent réalisé au moyen d’éléments piézoélectriques, s’inspi-
rant en cela des dispositifs développés pour les microscopies en sol
i T ,∞ = 4 nr F DC Ox (1)
champ proche comme les microscopes STM ou AFM. L’instrumenta-
tion est détaillée à la fin de ce dossier dans le paragraphe 4.1. avec n nombre d’électrons impliqués,
L’ensemble sonde/échantillon est immergé dans une solution r rayon de l’UME,
électrolytique contenant généralement une espèce électroactive, F constante de Faraday,
électro-oxydable ou électro-réductible (qui peut être O2 dissous en D coefficient de diffusion de l’espèce redox,
solution), l’échantillon solide étant placé au fond de la cellule élec-
sol concentration de l’espèce Ox en solution.
C Ox
trochimique. On dispose également, comme pour toute mesure
électrochimique, d’une électrode de référence et/ou une contre- Cette expression du courant est valable à potentiel imposé,
électrode qui permettent de contrôler le potentiel appliqué à la suffisamment négatif pour induire la réduction immédiate de
sonde UME et de mesurer le courant la traversant. Un bipoten- Ox en Red à l’électrode (E – E0 < – 60 mV). L’apparition de ce
tiostat permet de réaliser ces mesures en contrôlant le potentiel de courant stationnaire en un temps très court, alors que l’élec-
l’UME et, au besoin, celui de l’échantillon. Le signal détecté corres- trode est immobile, est lié à un régime de diffusion aux UME
pond au courant mesuré à l’UME pendant que celle-ci balaye différent de celui des électrodes planes conventionnelles milli-
l’échantillon. Le courant mesuré ainsi que ses variations lors du métriques. Dans ce cas, il n’est plus possible de négliger les
déplacement de l’UME au-dessus de l’échantillon vont dépendre effets de bords, ce qui introduit une composante diffusionnelle
de la distance UME/échantillon, de la conductivité de surface de hémisphérique en plus de la diffusion plane [4] [5]. Cette
l’échantillon, de sa réactivité électrochimique et de sa rugosité. composante modifie le flux de diffusion, qui tend très rapide-
ment vers une valeur constante, de l’ordre de DCsol/r, et le cou-
Le mode de fonctionnement le plus classique de la SECM rant, proportionnel au flux, devient stationnaire en un temps
consiste à recueillir le signal électrochimique à l’UME (sonde très court (~ r 2/D ). En utilisant une UME, il est donc possible
ampérométrique) en fonction de la distance entre l’UME et la sur- d’obtenir un régime de diffusion stationnaire sans imposer de
face à analyser. convection. On peut noter que le flux est proportionnel à 1/r ;
aussi, l’apport de matière sera d’autant plus important que la
taille de l’électrode sera faible : dans certains cas, la vitesse de
z
transport de masse peut être si rapide que la réaction de trans-
1 fert de charge devient l’étape limitante, sa cinétique peut alors
2 être déterminée de manière quantitative à partir de la forme et
z y x 3 Bipotentiostat
4 du déplacement des vagues voltampérométriques.
Lorsque l’UME, soumise à un potentiel constant, va être len-
tement approchée à proximité d’un échantillon, la présence de
ce dernier va perturber la diffusion de l’espèce Ox à l’UME et,
y x par conséquent, le courant stationnaire mesuré à l’UME. Dans
Platine mobile ce qui suit, nous allons montrer comment la nature de
y x l’échantillon influence le courant iT mesuré à l’UME.

Nota 1 : la notation iT,∞ de l’équation (1) est utilisée pour indiquer la valeur du courant
Ordinateur stationnaire lorsque que la sonde est infiniment loin du substrat (environ dix fois le rayon
de l’UME), par opposition au courant noté iT mesuré à la sonde lorsque cette dernière est
placée (ou déplacée) à une distance donnée du substrat.
1 : UME Nota 2 : en pratique, les valeurs de iT,∞ peuvent légèrement s’écarter de la valeur
2 : électrode de référence déduite du calcul selon l’équation (1). Le polissage de l’électrode peut en effet conduire à
3 : électrode auxiliaire une déviation par rapport à la géométrie idéale disque plan, géométrie considérée pour
le calcul théorique. Dans le cas d’un écart de quelques pourcents entre courants expéri-
4 : substrat mental et théorique, l’UME peut être considérée comme idéale et tout à fait convenable
pour les manipulations. Il faut noter qu’il existe des équations similaires à l’équation (1)
Figure 1 – Appareillage SECM pour les autres géométries d’UME [4].

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MICROSCOPIE ÉLECTROCHIMIQUE _____________________________________________________________________________________________________

Tableau 1 – Exemples de médiateurs redox


i (A) utilisés en SECM
Coefficient de diffusion à Tamb
E0 (cm2/s)
Couple redox
UME (V/ENH)
DOx DRed
iT, ∞
Fe(CN)36− /4 − 0,36 7,6 ⋅ 10–6 (a) 6,5 ⋅ 10–6 (a)

Verre Ru(NH3 )36+ /2+ 0,10 5,5 ⋅ 10–6 (b) 7,7 ⋅ 10–6 (a)
E (V/ref)
Conducteur 1,25 ⋅ 10–5 (c)
Ferrocene-
0,34 1,20 ⋅ 10–5 (c) 7,8 ⋅ 10–6 (d)
a ultramicroélectrode b allure d’un voltampérogramme obtenu méthanol+/0
disque plan sur une UME (électrode immobile) pour 3,7 ⋅ 10–6 (e)
une réaction de transfert de charge
simple contrôlée par la diffusion Ferrocène+/0 0,44 2,31 ⋅ 10–5 (c) 2,43 ⋅ 10–5 (c)
Coefficients de diffusion mesurés dans :
Figure 2 – UME et voltampérogramme correspondant (a) KCl 0,1 M,
(b) tampon phosphate pH 7,
(c) acétonitrile + 0,1 M (CH3CH2)4NClO4 ,
(d) H2O + 0,05 M (CH3)4NClO4 ,
(e) DMSO + 0,05 M (CH3)4NClO4 .
2. Modes d’utilisation
de la SECM l’échantillon sont placés dans un électrolyte contenant une espèce
électroactive, à l’état oxydé ou réduit, jouant le rôle de médiateur
Les principaux modes d’utilisation de la SECM sont [6] : redox, et l’UME est déplacée verticalement (direction z ) au-dessus
– le mode feedback (FB) ; du substrat. Le couple redox correspondant à l’espèce électroac-
– le mode génération/collecte (GC) ; tive doit être électrochimiquement rapide. Le tableau 1 donne
– le mode pénétration ; quelques exemples de médiateurs redox, présentant un
– le mode direct ; comportement rapide, couramment utilisés en SECM. Le potentiel
– le mode à perturbation d’équilibre ; de l’UME est porté à une valeur suffisamment négative (ou posi-
– le mode transfert d’ions à l’interface entre deux solutions élec- tive) pour conduire à la réduction (ou à l’oxydation) du médiateur
trolytiques non miscibles (ITIES) ; redox, pour laquelle le courant mesuré à l’UME est stationnaire et
– le mode potentiométrique. vaut iT,∞ [équation (1)]. L’échantillon, quant à lui, peut aussi être
soumis à un potentiel et servir ainsi de seconde électrode de tra-
Les modes FB, GC et pénétration sont illustrés sur la figure 3. vail. Dans ce cas, les manipulations nécessitent l’utilisation d’un
Nous donnerons ici les principes de base de ces modes de fonc- potentiostat à deux électrodes de travail (bipotentiostat).
tionnement de la SECM, en nous plaçant dans le cas d’ultramicro-
électrodes de géométrie disque plan, la plus répandue dans les L’espèce consommée à l’UME (sonde) est alors régénérée (ou
manipulations SECM. non) à la surface du substrat (échantillon).

Nous nous plaçons dans le cas où la solution électrolytique


2.1 Mode feedback contient initialement le médiateur redox sous sa forme oxydée. La
Le mode feedback (noté FB) ou régénération, très utilisé actuelle- réduction de Ox se produit à l’UME selon la réaction suivante :
ment en microscopie électrochimique, est basé sur l’utilisation
d’une UME, et plus précisément sur les variations du courant faradi- Ox + n e− → Red (2)
que iT traversant l’UME en fonction de la distance UME/échantillon.
Dans cette configuration, l’UME joue le rôle d’électrode de tra- Le principe général du mode feedback est représenté sur la
vail dans un montage classique à trois électrodes. L’UME et figure 4. Trois cas limites peuvent être distingués :

Ox Red

Ox Ox Ox Ox Ox Ox
Ox Ox
Ox Red Ox
Ox Solution Solution Solution
Ox Ox Matière molle
Substrat Substrat
Ox Red contenant Ox/Red

a feedback (FB) b génération/collecte (GC) c pénétration

Figure 3 – Modes d’utilisation de la SECM

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_____________________________________________________________________________________________________ MICROSCOPIE ÉLECTROCHIMIQUE

mesuré dépend à la fois de la distance UME/substrat (et donc de


la topographie de l’échantillon), mais aussi de la réactivité du
y y médiateur vis-à-vis du substrat. Dans le cas d’une surface peu
x x
rugueuse présentant à la fois des zones conductrices et isolantes
(figure 5a ), le courant mesuré à la sonde (iT) est supérieur à iT,∞
z z lorsque la sonde passe au-dessus des zones conductrices, et est
inférieur à iT,∞ au voisinage des domaines isolants. Au-dessus
d’une surface conductrice présentant une rugosité importante de
surface (figure 5b ), le courant iT augmente et devient supérieur à
iT,∞ à proximité des sommets (d, la distance UME/surface, étant
plus faible) tandis qu’il diminue lorsque la sonde se situe au voi-
sinage des creux (distance d plus élevée) tout en restant supé-
rieur à iT,∞ (si la distance de travail est bien choisie).
Ox Red
Isolant
Conducteur
Remarque : dans le cas où le substrat est conducteur, la vitesse
de la réaction (3) peut être contrôlée en appliquant au substrat le
a en solution b feedback négatif c feedback positif potentiel adapté, par l’intermédiaire de l’utilisation d’un bipoten-
tiostat. Cependant, le potentiel d’un substrat conducteur non
polarisé est directement relié aux concentrations des espèces Ox
Figure 4 – Principe du mode feedback en SECM et Red en solution, sans être polarisé [9]. Dans le cas où la solu-
tion ne contient que la forme oxydée du médiateur, la quasi-tota-
lité de la surface de l’échantillon (en général beaucoup plus
– le premier cas (figure 4a ) représente celui où l’UME est en grande que celle de l’UME) se retrouve exposée à une solution de
solution, loin de toute interface (au moins 10 fois le rayon de Ox, et selon l’équation de Nernst, le potentiel du substrat est :
l’UME). Le courant alors mesuré à l’UME correspond au courant
sol
stationnaire iT,∞ [équation (1)] ; RT C Ox
– la figure 4b correspond à l’approche de l’UME à proximité d’un E = E0 + ln sol
nF CRed
isolant électrique inerte, c’est-à-dire qu’aucun transfert électronique
n’est possible entre le médiateur redox en solution et le substrat sol ≈ 0, ainsi E − E 0 >> 0, ce qui implique que la forme
or CRed
(exemple : verre, plastique...). Cela se traduit alors par une décrois- réduite Red générée à l’UME atteignant le substrat se retrouve
sance du courant iT mesuré à la sonde de façon concomitante avec oxydée à sa surface. Il n’est donc pas toujours nécessaire de
la diminution de la distance UME/substrat, étant donné que le subs- polariser l’échantillon.
trat empêche la diffusion latérale de l’espèce Ox vers l’UME. Ce phé-
nomène est d’autant plus accentué que la séparation sonde/substrat
est faible. Le courant faradique iT mesuré à l’UME décroît donc ■ Les courbes d’approche
jusqu’à s’annuler dans le cas d’un contact direct entre UME et subs-
trat. Le terme admis pour l’observation de ce phénomène de Le tracé du courant iT mesuré à l’UME en fonction de la distance
confinement est « feedback négatif » (ou régénération négative) ; d qui la sépare du substrat, lorsque la sonde s’approche perpendi-
– lorsque le substrat est conducteur (platine, cuivre...), une aug- culairement du substrat (direction z ), est appelé une « courbe
mentation du courant faradique iT est alors observée lorsque l’UME d’approche ». Ces courbes sont généralement représentées sous
s’approche de celui-ci (figure 4c ), bien que la diffusion de Ox soit forme adimensionnelle, c’est-à-dire sous forme du courant norma-
également gênée. En effet, dans ce cas, l’espèce réduite Red formée lisé IN (= iT/iT,∞) en fonction de la distance normalisée L (= d/r, où r
à l’UME peut être ré-oxydée électrochimiquement au contact du représente le rayon de l’UME) [10]. La figure 6 montre les courbes
substrat, si celui-ci est à un potentiel suffisamment positif, selon la d’approche obtenues dans les deux cas limites d’une surface par-
réaction : faitement isolante (figure 6a ) et conductrice (figure 6b ) sur le
principe explicité précédemment : à l’approche d’une surface iso-
Red − n e− → Ox (3) lante, le courant diminue, tandis que l’inverse est observé à
l’approche d’un conducteur, à cause de la régénération du média-
et qui se produit à la surface du substrat.
teur au niveau du substrat. Le tracé et l’allure des courbes
L’échantillon va alors se comporter comme une source de pro- d’approche donnent des informations sur la cinétique du proces-
duction de Ox : l’espèce Ox est, de cette façon, régénérée à la sur- sus de transfert de charge au niveau de la surface d’échantillon.
face de l’UME, ce qui a pour effet d’augmenter le flux d’espèce Ox
à l’UME. Cette augmentation de flux se traduit par l’augmentation Des courbes d’approche de surfaces conductrices et isolantes
du courant iT (en valeur absolue), augmentation qui est dépen- ont été simulées dans la littérature sur la base de la résolution des
dante de la nature du substrat et de l’interdistance sonde-substrat. équations de diffusion. Nous donnons ci-après des expressions
Le courant sera d’autant plus élevé que la cinétique d’oxydation de analytiques des courbes d’approche adimensionnelles obtenues
Red en Ox au niveau du substrat sera rapide et que la distance sur UME de géométrie disque plan, les plus utilisées actuellement
sonde-substrat sera faible. Dans le cas d’une cinétique de transfert dans la littérature dans le cas d’une surface parfaitement isolante
de charge très rapide à la surface du substrat, la ré-oxydation de ou conductrice. « Parfaitement isolant » signifie que l’espèce géné-
Red en Ox est contrôlée par l’apport de Red au substrat, c’est-à- rée à l’UME (Red dans le cas présent) n’est pas convertie en Ox,
dire par la diffusion de Red (et Ox) entre l’UME et le substrat. On tandis que « parfaitement conducteur » indique que la réaction de
parlera alors de « feedback positif » (ou régénération positive ou ré-oxydation de Red en Ox est contrôlée par la diffusion. Les
encore d’amplification localisée) [7] [8]. expressions données ci-dessous ont été utilisées pour la réalisa-
tion des courbes des figures 6a et 6b. Ces équations ne sont
On comprend alors que l’allure de la courbe d’approche corres- valables que pour la géométrie UME disque plan et dans le cas où
pondant au courant mesuré à l’UME (iT) en fonction de la distance, le rapport (noté RG ) entre le rayon total de l’électrode (prenant en
d, UME-substrat dépend de la nature du substrat. compte l’isolant) et le rayon de l’UME est égal à 10 [11]. Dans les
La figure 5 permet d’illustrer le type de profils de courants deux cas, on suppose également que le substrat présente une
obtenus lorsque la sonde est déplacée au-dessus de l’échantillon, réactivité uniforme, que ses dimensions sont bien plus grandes
selon la nature et la topographie de ce dernier. Le courant que celle du rayon r de l’UME. Enfin, les coefficients de diffusion

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P2133

Couplages électrochimie-
microscopies en champ proche

par Alain PAILLERET


Maître de conférences à l’université Pierre et Marie Curie
Sophie GRIVEAU
Maître de conférences à l’École nationale supérieure de chimie de Paris
et Fethi BEDIOUI
Directeur de recherche au CNRS

1. Couplages ................................................................................................... P 2 133 - 2


2. Nanolithographie électrochimique en mode current-sensing
de l’AFM (CS-AFM) ................................................................................... — 2
2.1 Principe de fonctionnement ........................................................................ — 2
2.2 Applications du CS-AFM à la nanolithographie par voie
électrochimique............................................................................................ — 2
3. Électrochimie et microscopie à force atomique (AFM) ................. — 3
3.1 Couplage AFM-sonde électrochimique ...................................................... — 3
3.2 Couplage AFM-contrôle électrochimique du substrat (EC-AFM) ............. — 8
4. Électrochimie et microscopie à effet tunnel (STM)........................ — 11
4.1 Couplage STM-sonde électrochimique ...................................................... — 11
4.2 Couplage STM-contrôle électrochimique du substrat (EC-STM) ............. — 13
5. Conclusion.................................................................................................. — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 133

our enrichir et compléter ses capacités de caractérisation électrochimique


P locale de la réactivité électrochimique, afin d’accroître encore son rôle
dans le développement des nanosciences, l’électrochimie a dû très rapidement
faire appel, voire s’associer, à des techniques performantes d’analyse de
surface permettant, si possible en simultané, l’analyse physico-chimique locale
in situ, avec une résolution spatiale optimale, des interfaces électrochimiques
de type conducteur/solution, et plus généralement solide/solution. Notons que
ces différentes exigences ont souvent mené à l’exclusion des microscopies
électroniques tantôt pour leur manque de résolution, tantôt pour leur fonction-
nement astreint au vide primaire. C’est dans ce contexte que les techniques
dites « à balayage de sonde » sont progressivement devenues incontournables
dans les études de processus électrochimiques interfaciaux, dans un premier
temps à l’échelle micrométrique, puis, dans un second temps, à l’échelle nano-
métrique voire atomique.
Des efforts considérables ont ainsi été réalisés pour rapprocher l’électro-
chimie des deux techniques à balayage de sonde (ou SPM en anglais) à peine
plus anciennes que la SECM que sont la microscopie à effet tunnel (STM) et la
microscopie à force atomique (AFM). Ces efforts ont consisté à montrer
comment ces deux techniques ont permis de décupler les apports de l’électro-
Parution : septembre 2009

chimie dans le domaine des nanosciences en lui procurant des moyens de


générer, modifier et surtout caractériser très largement des interfaces électro-
chimiques nanostructurées ou nanofonctionnalisées ainsi que des nanoobjets

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COUPLAGES ÉLECTROCHIMIE- MICROSCOPIES EN CHAMP PROCHE __________________________________________________________________________

électrogénérés, non plus globalement mais très localement avec une résolu-
tion nanométrique, voire atomique selon les conditions de travail et la
technique retenues. Les caractérisations ainsi rendues accessibles sont alors
physiques, et plus spécifiquement, morphologiques, mécaniques, électriques
ou encore physico-chimiques (forces de surfaces) selon la technique et son
mode de fonctionnement utilisés.
Ce chapitre introduit précisément les couplages AFM/électrochimie et STM/
électrochimie ainsi que leurs applications les plus développées.
Nota : un tableau des abréviations est présenté en fin d’article.

1. Couplages
La microscopie à force atomique (AFM) et la microscopie à effet Pointe AFM
tunnel (STM) appartiennent à la famille des microscopies en conductrice
champ proche et ne sont pas, par nature, des techniques électro-
chimiques, à l’inverse de la SECM, comme le montre leur principe Ménisque aqueux
de fonctionnement et les aspects instrumentaux qui s’y
rapportent [1]. Dans la suite de ce texte portant sur les couplages
AFM/électrochimie et STM/électrochimie, on distinguera d’une part Film d’eau
les couplages où seul l’échantillon est sous contrôle électro- Échantillon
chimique pendant que la sonde AFM ou STM joue son rôle habi-
tuel (EC-AFM, EC-STM) et, d’autre part, ceux où la sonde elle- Figure 1 – Principe de la nanolithographie par AFM à pointe
même est sous contrôle électrochimique, seule ou en même temps conductrice reposant sur un mécanisme électrochimique
que l’échantillon : CS-AFM (AFM en mode current-sensing, sous
certaines conditions), ECP-AFM (aussi nommée AFM-SECM dans
la littérature), ECP-STM (aussi nommée STM-SECM dans la littéra- de l’AFM [1] avec un dispositif de mesure électrique locale rendue
ture). Notons que les deux appellations ECP-AFM et ECP-STM sont possible grâce à l’utilisation d’une pointe AFM conductrice. Ce
introduites à l’occasion de ce chapitre. Elles ne sont pas utilisées mode est initialement destiné à la caractérisation électrique de sur-
dans la littérature scientifique car elles ne présentent peut-être pas faces conductrices à l’échelle nanométrique, à l’air ou sous vide.
de façon suffisamment explicite la proximité qui existe entre les Cette application du mode CS-AFM ne sera pas plus amplement
deux couplages correspondant et la SECM. Si cette proximité peut détaillée car elle n’entre pas dans le cadre du sujet traité ici.
effectivement être mise en évidence sur le plan communication, il En revanche, il est important de signaler dans le cadre de ce
faut cependant bien admettre que ces deux couplages ECP-AFM et chapitre que ce mode current-sensing de l’AFM constitue égale-
ECP-STM gardent la majorité des potentialités et spécificités tech- ment une technique de nanolithographie notamment par voie élec-
niques propres respectivement à l’AFM et à la STM, malgré le rôle trochimique. Celle-ci utilise le ménisque aqueux se formant
supplémentaire et très enrichissant apporté par la sonde électro- spontanément à l’endroit du contact entre la pointe AFM
chimique par rapport à leur sonde initiale. conductrice et le fin film d’eau présent sur toute surface d’échan-
Nota : il faut noter que le mode current-sensing de l’AFM (CS-AFM) est aussi nommé tillon exposée à l’air humide (voir figure 1). L’épaisseur de ce film
C-AFM (pour conductive AFM en anglais) et plus rarement CP-AFM (pour conductive et les dimensions du ménisque aqueux dépendent du taux d’humi-
probe AFM en anglais) dans la littérature internationale.
dité de l’air ambiant. Des mécanismes de nanolithographie
peuvent s’y produire par polarisation de la pointe AFM conductrice
maintenue à force constante au contact de l’échantillon, soit en un
point fixe soit au cours du balayage d’une ligne ou d’une zone de
2. Nanolithographie l’échantillon. Les dimensions des nanostructures ainsi produites
sont influencées notamment par le taux d’humidité, le bias et la
électrochimique en mode force d’appui appliqués à la pointe ainsi que par la vitesse de
current-sensing de l’AFM déplacement de celle-ci (« vitesse d’écriture »).

(CS-AFM)
2.2 Applications du CS-AFM
à la nanolithographie par voie
2.1 Principe de fonctionnement électrochimique
L’AFM n’est pas par nature une technique électrochimique. Son Des processus localisés d’oxydation anodique de matériaux
principe de fonctionnement repose en effet sur la mesure de forces divers, induits par une pointe AFM conductrice polarisée de façon
échangées entre la pointe AFM et la surface d’un échantillon grâce à adéquate, peuvent être produits dans un ménisque aqueux. Ils se
la détection optique de la déflexion d’un capteur de force [1]. Parmi produisent lorsque la pointe AFM est cathode (d’où la réduction de
les différents modes de fonctionnement « classiques » de l’AFM, il l’eau) et le substrat anode (d’où les nanostructures à base d’oxydes)
en existe un qui la fait tendre vers une technique à balayage de dans un dispositif de microélectrolyse au sein du ménisque aqueux
sonde électrochimique. Il s’agit du mode current-sensing de l’AFM situé entre les deux. Ils ont pour effet de produire des espèces
(CS-AFM) qui résulte très simplement du couplage du mode contact oxydantes qui peuvent alors réagir avec le substrat pour former

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localement des nanostructures à base d’oxydes. Les substrats pou- 2) un asservissement de la position verticale de la pointe sur un
vant accueillir ce type de mécanisme sont des semi-conducteurs, signal choisi judicieusement (courant faradique à la sonde, forces
des métaux, des SAM (Self Assembled Monolayer) ou encore des de cisaillement, autres) ;
films de Langmuir-Blodgett. Lorsqu’ils sont réalisés dans un ménis- 3) un bipotentiostat performant présentant une voie bas-cou-
que organique (issu d’un solvant organique pur), ces mécanismes rants (permettant la mesure de très faibles courants (pA) à la
d’oxydation électrochimique locale peuvent conduire à des structu- nanosonde électrochimique grâce notamment à un bruit électro-
res de composition chimique intéressante et exploitable résultant chimique minimal) en plus d’une voie normale (permettant de
de l’électrogreffage de molécules de solvants. Une autre extension mesurer simultanément des courants plus classiques sur l’échan-
de ce mécanisme consiste à réaliser l’électrodépôt dans un ménis- tillon).
que constitué non plus d’un solvant pur mais d’une solution électro-
lytique de dépôt de composition maîtrisée. C’est dans ce contexte qu’est apparue l’idée de faire du capteur/
applicateur de force qui constitue l’élément central de l’AFM une
Un processus de dépôt par voie électrochimique d’un précurseur nanosonde électrochimique de taille nanométrique. Cette nouvelle
redox qui est initialement immobilisé sur la pointe CS-AFM est configuration a l’avantage de donner accès à l’étude souvent
possible en mode CS-AFM. Il diffère en cela de celui exposé ci-des- incontournable de corrélations topographie-réactivité électro-
sus puisque ce dernier ne faisait intervenir que le substrat et des chimique souvent très instructives avec une très haute résolution
espèces oxydantes résultant de la dissociation du solvant spatiale. Plus généralement, en s’appuyant sur des procédures éla-
constituant le ménisque. Ce mécanisme se rapproche donc plus borées d’imagerie simultanées ou successives dans différents
d’une version électrochimique de la DPN (EDPN). modes de fonctionnement propres à l’AFM et/ou à la SECM, ce
Rappel : le lecteur pourra se reporter au tableau des abréviations situé en fin d’article. couplage AFM/sonde électrochimique permet une caractérisation
non seulement électrochimique mais de surcroît mécanique, élec-
Le mode CS-AFM permet également la modification électrochimi- trique ainsi qu’une mesure des forces de surface in situ à l’échelle
que de monocouches auto-assemblées (SAM). En appliquant une locale, se différenciant en cela de la SECM à haute résolution.
tension adéquate entre la pointe CS-AFM et un tel type d’échan- Cette stratégie offre de surcroît l’avantage de répondre favorable-
tillon, il est possible d’induire une transformation électrochimique ment aux deux premières des trois exigences dictées par la réduc-
locale de SAM fonctionnalisées en surface par des groupements tion de la taille des sondes SECM et listées ci-dessus. Rappelons
redox tout en conservant pleinement l’intégrité structurale de la en effet qu’en AFM, d’une part, le positionnement de la pointe
monocouche globale. En fonction de la nature de la transformation, AFM est assuré par des éléments piézoélectriques qui permettent
la zone modifiée de la monocouche pourra être utilisée pour procé- des résolutions latérales et verticales adaptées à l’observation de
der à l’auto-assemblage d’une grande variété de matériaux (organi- molécules, voire d’atomes [2] et, d’autre part, la coordonnée z de
ques, métalliques, semi-conducteurs, nanoparticules). la sonde AFM est asservie sur la déflexion du cantilever (en mode
contact). Cependant, l’élaboration d’une sonde électrochimique de
taille nanométrique pouvant servir simultanément de capteur/
Les systèmes cantilevers/pointes utilisés en CS-AFM sont
applicateur de force constitue encore aujourd’hui un réel handicap
fabriqués en revêtant des systèmes cantilevers/pointes AFM
au succès et au développement de ce couplage. Néanmoins, diffé-
classiques non-conducteurs de films minces de matériaux
rentes démarches de fabrication de telles sondes sont décrites
conducteurs (Pt, Ti/Pt, Cr/Pt-Ir 5 %, diamant dopé). Ces pointes
dans la littérature, confirmant ainsi sa faisabilité.
sont immobilisées sur le scanner AFM par le biais de « nez »
propres au mode CS de l’AFM. Ceux-ci sont de petits disposi-
tifs en plastique comprenant un suiveur de courant dont le 3.1.2 Différentes stratégies d’élaboration
rôle est de déterminer la gamme de courant accessible lors de sondes électrochimiques intégrables
des mesures. Il faut noter que ce suiveur et sa connexion au dans un AFM : exemples d’application
système diffèrent d’un constructeur d’AFM à un autre.
Afin d’être intégrables dans un AFM, des sondes électro-
chimiques permettant au couplage AFM-sonde électrochimique
d’être productif et performant tout en fonctionnant de façon rigou-
3. Électrochimie reuse doivent en même temps conserver leur fonction de capteur/
applicateur de forces au même titre que les systèmes pointe/canti-
et microscopie à force lever utilisés en AFM classique. Le fonctionnement en
configuration AFM doit donc toujours permettre de cartographier
atomique (AFM) la topographie des substrats avec une résolution verticale nano-
métrique grâce à un asservissement de la coordonnée z de la posi-
tion du cantilever sur sa déflexion, lui permettant ainsi de travailler
à force constante. L’objectif est d’obtenir soit simultanément, soit
3.1 Couplage AFM-sonde grâce à deux balayages successifs des cartographies topogra-
électrochimique phiques et électrochimiques. La taille et la géométrie de la sonde
sont évidemment primordiales puisqu’elles conditionnent cet
aspect en même temps que la validité et la lisibilité des cartogra-
3.1.1 Principe de fonctionnement phies correspondantes. Notons que cette sonde à double rôle
La SECM, dont est inspiré ce couplage, est née puis s’est dévelop- (nanoélectrode et capteur de force) ou mixte peut également
pée en utilisant principalement des sondes électrochimiques de géo- constituer un outil de modification locale, notamment de la topo-
métrie disque présentant des rayons de taille micrométrique au graphie, via, par exemple, un mécanisme de dissolution induit
minimum (voir l’article Microscopie électrochimique [P 2 132]). C’est électrochimiquement ou d’électrocristallisation, ou plus générale-
seulement dans un second temps qu’a été identifiée la nécessité de ment par un mécanisme d’électrodépôt localisé conduisant à la
développer des sondes SECM offrant à cette technique une meilleure formation d’un nanoobjet.
résolution latérale et présentant donc un rayon sous-micrométrique À ce jour, une douzaine d’approches ont été développées pour
voire nanométrique. Cette nécessité de réduire la taille des sondes élaborer des sondes pouvant à la fois remplir le rôle de capteur/
SECM a très vite mis en évidence la nécessité de procéder simultané- applicateur de force et de nanosonde électrochimique. Nous nous
ment à d’autres améliorations des montages de SECM comme : limiterons dans la suite de ce paragraphe à l’introduction de qua-
1) des systèmes de positionnement beaucoup plus précis (élé- tre méthodes qui sont celles ayant conduit à un nombre raisonna-
ments piézoélectriques les plus performants) ; ble de publications. Il faut noter que l’ensemble de ces stratégies

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Sonde AFM
d’origine
Couche de
Si3N4
Couche d’or

La mesure électrochimique se fait à l’apex de la pointe, tout


Portions supprimées
comme la mesure de force ( a et b ) ou bien elle se fait sur une
microélectrode située en retrait par rapport à l’apex de la sonde
Détecteur Laser
AFM ( c et d ). La stratégie d’élaboration repose sur l’utilisation
d’un microfil métallique, par exemple en platine ( b , c ) ou sur
la modification de sondes AFM commercialisées ( a , d ). Microélectrode

Pt électrode

2 µm
Cantilever tip

500 µm 10 µm 1,5 µm

a d’après [3] [4] b d’après [7] [8] c d’après [12] d d’après [13]

Figure 2 – Images MEB de sondes AFM mixtes pouvant fonctionner en tant que capteur/applicateur de force ainsi qu’en sonde électrochimique
de taille sous-micrométrique à nanométrique

(les douze ou les quatre) se divisent en deux groupes. En effet, on 3.1.2.1 Pointes AFM conventionnelles modifiées
doit distinguer les sondes où la détection électrochimique se fait à
l’apex de la pointe AFM de celles où elle se fait sur une partie de D’un point de vue chronologique, la première stratégie proposée
la sonde située en retrait de l’apex (voir figure 2). Dans les deux a été sans doute celle consistant à modifier des pointes AFM
cas, ce sera bien sûr l’apex de la pointe qui assurera le contact conventionnelles et donc commercialisées [3] [4] (voir figure 2a). Il
pointe/échantillon au cours de l’obtention de l’image de topogra- s’agit de sondes AFM dédiées au mode contact et faites de cantile-
phie en mode contact (ou tapping) de l’AFM. Cette situation n’est vers en Si3N4 (longueur : 200 µm ; constante de raideur :
cependant pas compatible avec une mesure électrochimique 0,06 N · m–1) portant une pointe pyramidale (hauteur : 2,86 µm ;
simultanée lorsque l’échantillon est conducteur et que la détection largeur à la base : 4 µm). À l’aide de la technique de pulvérisation,
électrochimique est assurée par l’apex de la pointe. Dans ce cas, l’ensemble support/cantilever/pointe a été tout d’abord recouvert
l’image de topographie et l’image électrochimique doivent être d’une couche de chrome (épaisseur : 100 Å) servant de promoteur
obtenues par le biais de deux balayages consécutifs, soit ligne par d’adhésion, puis d’une couche de platine (épaisseur : 100 Å). Des
ligne (l’information topographique est acquise, par exemple, sur couches métalliques plus épaisses auraient pour conséquence
le balayage aller alors que l’information électrochimique est d’induire une courbure du cantilever fatale pour le réglage du sys-
acquise sur le retour), soit à l’aide de deux images successives sur tème de détection optique de la déflexion du cantilever et aussi de
la même zone. Ce mode particulier s’est vu parfois attribuer produire une augmentation conséquente du rayon de courbure de
l’appellation d’imagerie AFM/SECM en mode lift. Celle-ci indique la pointe AFM, entraînant ainsi une altération encore plus impor-
effectivement qu’après un premier balayage (d’une ligne ou d’une tante de la résolution latérale. Une fois métallisé, l’ensemble a été
aire) destiné à acquérir l’image de topographie en mode contact immobilisé avec précautions dans un support adéquat afin de
de l’AFM, le contact pointe/échantillon est rompu et la pointe est revêtir seulement la face inférieure du support à l’aide d’un pin-
relevée d’une distance connue. Un second balayage destiné à ceau très fin et d’une solution de polystyrène/1,2-dichloroéthane
l’imagerie électrochimique est alors réalisé de façon à suivre à (de composition 1:40 en masse). Cette procédure est destinée à
distance constante le profil topographique obtenu au cours du isoler électriquement le support sur lequel est encastré le cantile-
premier passage. Compte tenu de cette contrainte propre au cas ver afin d’éviter qu’il entre en contact électrique avec la solution
où l’information électrochimique est recueillie à l’apex de la électrolytique. L’ensemble est ensuite abandonné à l’air pour
sonde, il est évident que la stratégie où la nanosonde électrochi- séchage pendant trente à soixante minutes. Le contact électrique
mique est en retrait par rapport à l’apex est avantageuse car elle sur le cantilever est pris à l’aide du dispositif servant à immobiliser
permet d’obtenir les images électrochimique et de topographie le support. Par la suite, un soin tout particulier a été apporté aux
simultanément. conditions du dépôt de platine par pulvérisation dans le but d’opti-
miser sa durabilité grâce notamment à une plus grande densité et
Elle nécessite en revanche un usinage techniquement très exi- aussi son adhérence sur le matériau de pointe (Si ou Si3N4). Les
geant et donc notablement plus coûteux, comme nous le verrons tentatives visaient à remplacer la couche intermédiaire de chrome
ultérieurement dans cette section. par une couche de titane en tant que promoteur d’adhésion.

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P2135

Polarographie
Techniques polarographiques en analyse

par Didier HAUCHARD


Docteur en Chimie de l’université Paris 6, spécialité Chimie analytique
Maître de conférences à l’École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR)

1. Caractéristiques et présentation générale........................................ P 2 135v2 - 2


1.1 Historique et perspectives : de Heyrovsky à nos jours ............................. — 2
1.2 L’électrode de mercure................................................................................ — 3
1.2.1 Propriétés du mercure ........................................................................ — 3
1.2.2 Électrodes à goutte de mercure ......................................................... — 4
1.2.3 Électrodes à film de mercure ............................................................. — 6
1.2.4 Manipulation, purification et recyclage du mercure ........................ — 7
1.3 Domaines d’électroactivité de l’électrode de mercure ............................. — 8
2. Domaines d’utilisation
des techniques polarographiques en analyse .................................. — 9
2.1 Principe général du tracé des polarogrammes et appareillage ............... — 9
2.2 Cellule de mesure ........................................................................................ — 11
2.3 Choix de la technique polarographique en analyse.................................. — 11
2.4 Espèces électroactives................................................................................. — 13
2.4.1 Cas des substances inorganiques ..................................................... — 13
2.4.2 Cas des substances organiques......................................................... — 13
2.5 Électrolytes supports et interférences ........................................................ — 17
3. Théorie de la polarographie .................................................................. — 18
3.1 Lois de diffusion appliquées à une électrode de mercure........................ — 18
3.2 Expressions du courant ............................................................................... — 18
3.3 Influence des phénomènes interfaciaux .................................................... — 20
3.3.1 Courbes électrocapillaires .................................................................. — 20
3.3.2 Courant résiduel et courant capacitif ................................................ — 20
3.3.3 Maximums polarographiques............................................................ — 21
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 135v2

a polarographie, ainsi nommée par son inventeur nobélisé J. Heyrovsky, est


L à l’origine d’un grand nombre de techniques électroanalytiques dont la
voltampérométrie. C’est une méthode d’analyse qui consiste à étudier électro-
chimiquement des composés électroactifs (ou non d’ailleurs) en solution, au
moyen d’une électrode indicatrice à goutte de mercure. Elle se différencie de sa
descendante, la voltampérométrie, essentiellement par la nature de l’électrode
puisque les méthodologies sont bien souvent identiques. Les spécificités
propres à l’électrode à goutte de mercure comparées aux électrodes
conductrices solides viennent des propriétés particulières de ce métal qui,
liquide à température ambiante, permet un renouvellement de la surface active
de l’électrode, qui conduit aisément à la formation d’un certain nombre d’amal-
games avec les métaux et qui permet des réductions à des potentiels très
Parution : septembre 2008

négatifs (réductions impossibles à réaliser sur électrode de platine ou de


carbone vitreux). En oxydation, par contre, l’exploration des potentiels en pola-
rographie est limitée par l’oxydation du mercure, ce qui explique qu’une grande

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POLAROGRAPHIE ___________________________________________________________________________________________________________________

partie des applications a concerné des composés électroréductibles. Cette


étendue des potentiels d’exploration est naturellement influencée par le pH,
l’électrolyte support ou le solvant, ceux-ci pouvant limiter cette étendue. Un
autre avantage important du mercure réside dans le fait qu’à chaque goutte cor-
respond une nouvelle électrode, identique à la précédente du point de vue
géométrique, mais ne gardant pas mémoire du phénomène électrochimique
ayant affecté les gouttes antécédentes.
Ces différentes remarques suffisent à souligner l’intérêt d’une telle électrode
en électroanalyse comme peut en témoigner le travail scientifique concernant
la polarographie qui n’a cessé de s’accroître depuis les origines de la méthode.
Le terme « polarographie » sera étendu ici aux techniques utilisant une élec-
trode de mercure comme électrode indicatrice : goutte de mercure tombante ou
goutte pendante, mais aussi film mince de mercure (sur électrode solide).
La polarographie regroupe un certain nombre de techniques analytiques cou-
vrant un large domaine de concentrations allant de la polarographie classique,
pour la moins sensible (10–3 à 10–5 mol · L–1), aux méthodes de redissolution
(adaptées aux traces et ultratraces) en passant par les méthodes impulsion-
nelles (10–4 à 10–8 mol · L–1). Les appareillages actuels permettent d’appliquer
la plupart de ces techniques polarographiques. Elles sont applicables pour de
nombreuses substances inorganiques, organiques, organométalliques ou bio-
logiques dans un grand nombre de secteurs industriels et en recherche.
Cette technique octogénaire a connu son apogée au siècle dernier, dans les
années 1960 à 1980. Elle a été confrontée depuis à une concurrence importante
avec les techniques émergentes de spectrométrie et a dû supporter une image
un peu « vieillote » qui l’a chassée du devant de la scène de l’analyse. Depuis
une quinzaine d’années, elle a toutefois bénéficié d’un « lifting » grâce à l’infor-
matisation des méthodes, à l’utilisation de stands polarographiques
multimodes (permettant ainsi une manipulation confinée du mercure en moins
grande quantité) et à l’adjonction de passeurs d’échantillons autorisant les ana-
lyses de routine. Il existe même des appareillages portatifs permettant des
analyses sur site. La polarographie pourrait jouir d’une seconde jeunesse s’il
s’avérait qu’elle ne soit pas délaissée dans les formations des techniciens et des
ingénieurs, tant ses avantages sont nombreux notamment en termes de coûts
(analyse et appareillage), de simplicité de l’appareillage et de performances
analytiques (limites de détection, analyse multiélémentaire).
Cet article se veut être une aide pratique et théorique pour la mise en œuvre
et pour le choix des méthodes polarographiques en analyse qui incitera, je
l’espère, les analystes, même non spécialistes, à les adopter et à se doter du
matériel nécessaire pour leurs besoins d’analyse.

Le nom « polarographie » proposé par Heyrovsky fait allusion à


1. Caractérist ues l’importance fondamentale des forces électromotrices de polarisa-
et présentation générale tion qui se développent à I’électrode. Dans l’analyse du phéno-
mène, elles apparaissent liées à la nature des réactions et à la
diffusion des espèces électroactives vers I’électrode. Le problème
v
de la diffusion a été résolu pour la première fois par Ilkovic en
1.1 Historue et perspectives : 1938 [2] le conduisant à établir une relation de proportionnalité
de Heyrovsky à nos jours
v
(relation d’ Ilkovic ) entre intensité du courant de diffusion enregis-
tré et concentration en solution de la substance réduite ou oxydée.
C’est en 1922 qu’Heyrovsky, à partir de ses travaux sur la tension Depuis 1938, plusieurs chercheurs, dont Heyrovsky, proposent des
superficielle du mercure issu d’un tube capillaire, décrit une variantes, dont le point commun est l’utilisation d’une tension
nouvelle technique d’analyse appelée polarographie [1]. Nommé d’électrolyse variable à une électrode à goutte de mercure tom-
professeur à l’université Charles de Prague, il est le père fondateur bante, et les courbes courant-potentiel (polarogrammes) qui en
d’une école tchèque dynamique qui va développer cette technique, résultent sont enregistrées et exploitées à des fins d’analyse quali-
et Heyrovsky sera récompensé par le prix Nobel de Chimie en 1959 tative mais surtout quantitative. C’est alors l’apogée de la polaro-
« pour sa découverte et le développement des méthodes polarogra- graphie classique (qualification retenue pour la méthode initiale
phiques d’analyse ». À cette date, les techniques polarographiques développée par Heyrovsky) qui se révèle être un outil important
étaient devenues indispensables à l’analyste moderne. pour doser une grande quantité d’ions inorganiques et d’espèces

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___________________________________________________________________________________________________________________ POLAROGRAPHIE

organiques en solutions aqueuses. Ce développement a conduit


Lingane et Kolthoff à publier dans les années 1950 une série Tableau des sigles
d’ouvrages liés aux applications de la polarographie en analyse [3]
[4]. Cependant, au début des années 1960, sa primauté lui a été Abréviation Définition Traduction
enlevée par diverses méthodes spectroscopiques et la polarogra-
phie a alors perdu sa prépondérance en analyse. Direct Current Polarographie
DCP
Polarography à courant direct
Au milieu des années 1960, divers développements nouveaux de
l’appareillage (notamment au niveau de l’électronique) et la mise en Direct Current Tast Polarographie directe
place de nouvelles techniques (tension sinusoïdale, méthodes DCTP
Polarography à échantillonnage
impulsionnelles) ont permis d’offrir de meilleures sensibilités et
limites de détection [5]. II en a résulté un vif regain d’intérêt pour ces Électrode à Goutte
Drop Mercury
nouvelles méthodes et une généralisation de l’utilisation de la pola- DME de Mercure (EGM)
Electrode
rographie grâce notamment à la commercialisation d’appareillages tombante
performants et de coût abordable. La méthode de redissolution ano-
Polarographie diffé-
dique inventée par l’école polonaise de Kemula [6] a permis Differential Pulse
DPP rentielle à impulsions
d’accroître les possibilités d’analyse avec des limites de détection Polarography
constantes
pouvant atteindre, selon les cas, des concentrations en solution de
10–9 à 10–12 mol · L–1. Les techniques polarographiques ont ainsi Hanging Mercury Électrode à goutte
pendant longtemps été des méthodes de choix pour l’analyse de HMDE
Drop Electrode de mercure pendante
traces et d’ultratraces, seules les méthodes nucléaires d’analyse par
activation (cf. article [P 2 565]) permettant d’atteindre ces perfor- Normal Pulse Polaro- Polarographie impul-
NPP
mances mais avec des coûts d’analyse nettement supérieurs. graphy sionnelle normale
Les techniques polarographiques ont bénéficié, à la fin des Électrode à goutte
Static Mercury Drop
années 1970 et début des années 1980, de nets progrès au niveau SMDE de mercure tombante
Electrode
matériel avec notamment l’apparition de stands d’électrode à en mode statique
goutte de mercure automatisés, permettant de fonctionner avec
différents modes (DME, SDME, HMDE Cf. tableau des sigles). Polarographie
Square Pulse
Pourtant, depuis les années 1980, les techniques spectroscopiques SWP impulsionnelle
Polarography
d’absorption atomique avec four graphite et d’ICP (Inductively à tension carrée
Coupled Plasma ) ainsi que les techniques chromatographiques Thin Film Mercury Électrode à film
sont venues sérieusement concurrencer les techniques polarogra- TFME
Electrode mince de mercure
phiques avec pourtant des coûts d’investissement nettement plus
importants. Une des raisons en a été une informatisation tardive
des appareillages et un manque de systèmes d’automatisation des
analyses polarographiques proposés par les fournisseurs d’appa- ou SMDE). La DME est employée en polarographie classique et
reillage (un seul constructeur propose actuellement un système impulsionnelle alors que l’HMDE sert en analyse par redissolution
automatisé avec passeur d’échantillons !). anodique ([P 2 136], § 3) et aux études polarographiques sur élec-
trode stationnaire au même titre qu’une électrode solide
Malgré tout, les techniques d’analyse polarographiques restent
(voltampérométrie ; cf. articles Voltampérométrie sur électrode
bien implantées dans le domaine industriel. Dans un certain nombre
solide [P 2 125] [P 2 126] [P 2 127] [P 2 128] de ce traité).
de cas, elles n’ont d’ailleurs pas de méthodes concurrentes aussi
rapides, spécifiques, peu onéreuses et non destructives de l’échan- • L’électrode à film mince de mercure (TFME), obtenue par
tillon. Ces dernières années, la miniaturisation des électrodes soli- dépôt électrochimique d’un film mince de mercure sur une élec-
des et la fabrication d’assemblages d’électrodes selon le principe trode solide : elle permet d’appliquer les méthodes polarographi-
des circuits imprimés apportent un regain d’intérêt pour ces métho- ques, notamment l’analyse par redissolution, en évitant
des, notamment pour la polarographie par redissolution anodique l’utilisation et la manipulation de grandes quantités de mercure
puisqu’elles permettent d’envisager leurs applications en l’absence métallique.
d’utilisation de mercure métallique et sur le terrain avec de l’appa- Nota : les abréviations utilisées tout au long de cet article (voir tableau) sont celles des
reillage portatif. dénominations anglophones pour les électrodes de mercure et les différentes techniques
polarographiques. Elles sont en effet couramment utilisées même par les fournisseurs
Conclusion : étant donné leurs atouts, il serait dommage que les d'appareillage.
techniques polarographiques perdent la place qu’elles ont eue
pendant longtemps en analyse chimique. Les maintenir vivantes
passe surtout par un maintien de la formation à ces techniques 1.2.1 Propriétés du mercure
des techniciens et des ingénieurs diplômés. Le mercure est un métal liquide de – 39 à + 356 oC (sous pression
atmosphérique). De ce fait, il est utilisable pour la polarographie
appliquée aux milieux aqueux et à la plupart des solvants usuels, y
1.2 L’électrode de mercure compris certains sels fondus et liquides ioniques.
Les principales propriétés physiques du mercure sont résumées
Les techniques d’analyses polarographiques sont liées à l’utilisa- dans le tableau 1.
tion d’électrodes de mercure et les propriétés particulières de ce
métal, qui distinguent profondément ces électrodes de celles La faible pression de vapeur du mercure et la toxicité de ses
constituées de métaux solides, justifient qu’un paragraphe leur vapeurs sont à prendre en compte quant à la sécurité dans les labo-
soit consacré. Il est possible de distinguer principalement deux ratoires. La manipulation du mercure doit s’effectuer dans un
types d’électrode. endroit ventilé (hotte aspirante) et il est nécessaire de récupérer
immédiatement toute dispersion accidentelle de gouttelettes de
• L’électrode à goutte de mercure (EGM), formée à l’extrémité mercure (cf. § 1.2.4) pour éviter une exposition chronique du per-
d’un capillaire : elle peut être stationnaire, électrode de mercure à sonnel. Les salles peuvent être équipées de moyens de contrôle sys-
goutte pendante (HMDE) ou résulter d’un écoulement dynamique tématique comme des capteurs de vapeurs de mercure [7]. Cela
du mercure le long d’un capillaire conduisant à la formation d’une implique également une gestion rigoureuse des déchets après avoir
goutte de taille croissante et se renouvelant périodiquement (DME effectué des analyses de solutions en polarographie (cf. § 1.2.4).

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POLAROGRAPHIE ___________________________________________________________________________________________________________________

La tension superficielle du mercure, pour le système eau-


Tableau 1 – Principales constantes physues mercure, a une valeur moyenne de 470 dyn/cm. La présence
du mercure d’agents tensioactifs dans la solution modifie notablement celle-ci.
C’est un aspect du problème qui sera repris plus loin (§ 3.3).
Masse molaire 200,59 g · mol–1
La viscosité dynamique du mercure (1,554 · 10–3 Pa · s à 20 oC)
est légèrement supérieure à celle de l’eau, ce qui explique l’utilisa-
Densité d 420 13,593 9 tion de tubes capillaires de faibles diamètres internes (10 à 100 µm)
permettant la réalisation de l’électrode à goutte de mercure.
Pression de vapeur 0,26 Pa à 25 oC
La conductivité du mercure est relativement élevée (proche de
Température de fusion – 38,87 oC celle du cuivre qui est de 59,6 · 106 Ω–1 · m–1) ce qui en fait un bon
matériau d’électrode.
Température d’ébullition + 356,72 oC De nombreux métaux forment des amalgames avec le mercure,
avec des solubilités variées selon les métaux (tableau 2), le bis-
Solubilité dans l’eau 6 · 10–5 kg · m–3 muth, le cadmium, l’indium, le plomb, l’étain et le zinc ayant les
solubilités les plus importantes (supérieures à 1 % en % massi-
Tension superficielle 0,484 N · m–1 que). Cette propriété caractéristique pour un matériau d’électrode
est mise à profit notamment pour la technique d’analyse polaro-
Résistivité 9,576 · 10–7 Ω · m graphique par redissolution anodique (cf [P 2 136], § 3).
Le mercure est un métal toxique. Cette toxicité vient de son
Viscosité dynamique : extrême volatilité (puisqu’il peut être facilement respiré) et de sa
relative solubilité dans l’eau et les graisses (il peut être facilement
– à 10 oC .................................. 1,615 · 10–3 Pa · s transporté dans le corps). Lorsque le mercure sous forme de vapeur
est inhalé, il va dans les poumons et dans le sang. Le mercure est
– à 20 oC .................................. 1,554 · 10–3 Pa · s alors transporté dans les différentes parties du corps, notamment
dans le cerveau, organe cible des intoxications par vapeurs mercu-
– à 30 oC .................................. 1,499 · 10–3 Pa · s rielles. La valeur limite d’exposition permanente en milieu profes-
sionnel est de 50 µg/m3 d’air [9]. La surveillance des personnes
Conductivité électrique (à 20 oC) 1,04 · 106 Ω–1 · m–1 susceptibles d’être exposées se fait par analyse de sang et d’urine.
Les valeurs limites pour les travailleurs exposés sont :
Structure cristalline hexagonale – concentration de mercure inorganique dans les urines : 50 µg/g
de créatinine ;
– concentration de mercure inorganique dans le sang : 15 µg/L
de sang.

Tableau 2 – Solubilité de quelques métaux 1.2.2 Électrodes à goutte de mercure


dans le mercure métallique Le dispositif de base permettant d’obtenir des électrodes à goutte
(% massique) [10] de mercure repose sur les propriétés de l’état liquide du mercure
métallique. La formation de goutte de mercure est obtenue par
Métal Solub
ilité écoulement de mercure au sein d’un capillaire plongeant verticale-
ment dans la solution à analyser. Le capillaire, fabriqué générale-
Ag 0,042 ment en verre avec un faible diamètre intérieur (0,02 à 0,08 mm) et
avec une longueur comprise entre 10 et 20 cm de longueur, est relié
Au 0,135 à un réservoir de mercure. Pour que le mercure s’écoule, il est
nécessaire d’exercer une pression.
Bi 1,4
■ À l’origine, et pendant de très nombreuses années (ce type de
Cd 9,6 montage étant encore rencontré aujourd’hui), le réservoir de
mercure est placé à une hauteur h (entre 30 et 80 cm comptés à
Co 1 · 10–6 partir de l’extrémité du capillaire) (figure 1). La pression de la hau-
teur de colonne de mercure permet de contrôler le flux de mercure
Cr 4 · 10–7 dans le capillaire et conduit, à son extrémité, à la formation d’une
goutte en expansion. La goutte grossit jusqu’à atteindre une
certaine taille qui dépend du diamètre du capillaire, de la géométrie
Cu 1,4 · 10–2
de son extrémité et de la tension interfaciale entre le mercure et la
solution électrolytique. La chute de la goutte (détachement du capil-
ln 68
laire) est obtenue au moment où son poids devient égal à la force
de tension superficielle qui la retient jusque là accrochée à l’orifice
Mn 4,6 · 10–3 du capillaire. Lorsqu’elle tombe, au même instant, une nouvelle
goutte commence à se former. Elle répète le même cycle que la pré-
Na 0,65 cédente et ainsi de suite. Ce cycle correspond au temps de goutte
τ qui, en stillation manuelle, est ajusté avec la hauteur h du réser-
Ni 2 · 10–6 voir pour obtenir des valeurs de τ comprises entre 2 et 6 s.
Pb 1,65 On constate en utilisant l’EGM dans différents milieux que la
durée de vie de la goutte peut être variable. Trois facteurs sont
particulièrement influents : le solvant, la présence d’agents
Sn 1,26
tensioactifs et le potentiel appliqué. Cependant, lorsque ces
éléments sont fixés, la chute de la goutte apparaît très régulière et la
Zn 5,73
déviation standard relative avec une EGM est typiquement de 1 %.

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___________________________________________________________________________________________________________________ POLAROGRAPHIE

7 Chute de la goutte à τ = 8 s
0,06

A en cm2, V en 10 –2 cm3
r0 en cm, dA/dt en cm 2 · s–1
Débit du capillaire :
–3
10 g · s–1
6
I I
0,04
II II
III III
0,02

h
IV IV
3 1 2 0
0 4 8 12 16
Temps (s)
5

Figure 2 – Variations comparées de la surface (I),


de son accroissement (IV), du rayon (II) et du volume (III)
de la goutte de mercure

4
Extrémité du Il est d’usage en polarographie d’utiliser le débit massique
capillaire Q m(g · s–1), défini selon :

1 Électrode indicatrice 5 Arrivée d'azote Q m =Q v ρ 1 (4)


2 Électrode de référence 6 Réservoir de mercure
3 Électrode auxiliaire 7 Contact électrique
4 Cellule thermostatée h hauteur de la colonne
Cela vient du fait que Q m s’estime aisément par simple pesée
de mercure (donc avec précision) d’une quantité écoulée sur une période
donnée. Comme en électrochimie, les courants sont toujours pro-
portionnels à la surface A de l’électrode, celle-ci est calculée en
Figure 1 – Schéma conventionnel d’une cellule polarographique assimilant la goutte à une sphère :
avec une électrode à goutte de mercure

2/ 3
 3Q m t 
Le calcul de la durée de vie de la goutte de mercure issue d’un A = 4 π r 02 = 4 π   (5)
 4π ρ 1 
capillaire immergé dans un liquide peut être fait au moyen de
l’équation de Poiseuille qui conduit à exprimer le débit volumique
Numériquement, il vient pour 0 < t < τ :
Q v (cm3 · s–1) du mercure :

π Δprc4 A = 0,848 9 (Q m t ) 2/ 3 (6)


Qv = (1)
8zη
Dans les conditions usuelles, la superficie maximale de la goutte
avec z longueur du capillaire, est de l’ordre de 1 à 2 mm2.
Δp pression hydrostatique (différence de pression entre le En polarographie classique, la vitesse de croissance de la goutte
sommet et la base du tube capillaire) telle que donnée joue un grand rôle et peut être représentée par la dérivée dA /dt de
dans l’équation (2), la surface A. Une illustration des variations respectives de A, V, r 0
rc rayon interne du capillaire, et dA /dt est donnée sur la figure 2 pour un capillaire de débit usuel
(10–3 g · s–1).
η viscosité dynamique.
Δp = hg ρ 1 (2) ■ De façon à maintenir le temps de goutte tout à fait constant au
cours du tracé d’un polarogramme, on préfère aujourd’hui utiliser
avec h hauteur de la colonne de mercure, des dispositifs de stillation forcée. Un marteau électromécanique
g accélération de la pesanteur, vient ainsi frapper régulièrement le capillaire pour déclencher la
chute de la goutte à intervalles constants, préréglés, inférieurs au
ρ1 masse volumique du mercure (13,593 9 g · cm–3). temps de goutte naturel du capillaire.
Le débit est donc proportionnel à la hauteur h entre la surface de Les systèmes d’électrodes à goutte de mercure actuellement dis-
mercure dans le réservoir et la partie inférieure du capillaire. De ce ponibles sur le marché sont beaucoup plus compacts et la pression
fait, le temps de goutte est inversement proportionnel à h. Cela est du mercure n’est plus assurée par une colonne de mercure mais
vrai en première approximation seulement car il faut, plus rigoureu- par pression d’azote, l’écoulement le long du capillaire étant assuré
sement, corriger la hauteur de la colonne de mercure en la par une valve à aiguille ou un montage similaire contrôlé électroni-
diminuant d’un terme correspondant à une contre-pression due à quement par le polarographe. Ces systèmes permettent l’utilisation
l’effet de la tension superficielle. Ce terme vaut environ 1,5 cm. d’une électrode multimode qui peut être aussi bien utilisée comme
Le volume V de la goutte (assimilée à une sphère) en fonction électrode à goutte tombante (DME, SMDE) qu’à goutte pendante
du temps t s’exprime selon : (HMDE).
4 3 La figure 3 présente un schéma de ce type de système multi-
V =Q v t = πr (3) mode. Lorsque l’aiguille ou le solénoïde n’obstrue pas l’orifice du
3 0 capillaire, le débit de mercure est constant, la goutte se forme, sa
avec r 0 rayon de la goutte. taille augmente, puis elle chute naturellement ou mécaniquement

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69
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Bouchon à vis Arrivée


d’azote
Ressort
Membrane PTFE
Aiguille Bouchon
à vis
Support

Réservoir
de mercure

Ameteck-Pinceton Applied Radiometer analytical


Tube capillaire Research (modèle 303A) (stand MDE150)

Goutte de mercure

Figure 3 – Schéma d’une électrode à goutte de mercure multimode


(modèle MME Metrohm )

A DME

Metrohm chaîne d’analyse polarographique


a
avec computrace 749 et passeur 813

τ t Figure 5 – Exemples de stands de polarographie commercialisés


actuellement
A
SMDE

b (figure 4c ) tout au long du tracé du polarogramme. La goutte de


mercure est ensuite décrochée, puis une nouvelle goutte est refor-
mée à l’extrémité du capillaire pour le tracé d’un nouveau polaro-
τ t gramme.
A Dans tous les cas, il est important de protéger l’appareillage de
HMDE vibrations qui pourraient faire chuter involontairement la goutte de
mercure.
c
En France, principalement trois types de stands de polarogra-
phie sont commercialisés (photos figure 5). Ils comprennent l’EGM
(systèmes multimodes), la cellule électrochimique, le système de
t
dégazage et d’agitation de la solution, le tout étant connecté au
polarographe interfacé à un micro-ordinateur. Avec ces nouveaux
Figure 4 – Variation de la surface de l’électrode à goutte systèmes, les risques de dispersions accidentelles du mercure sont
de mercure en fonction du temps selon le mode de fonctionnement réduits de même que les quantités de mercure stockées dans le
réservoir.

sous l’effet du marteau (DME, figure 4a ). Pour le mode SMDE 1.2.3 Électrodes à film de mercure
(électrode à goutte de mercure tombante en mode statique), la
goutte de mercure est délivrée rapidement jusqu’à atteindre une ■ L’électrode à film mince de mercure (TFME) est une alternative à
surface donnée et reste ensuite maintenue avec cette surface à l’utilisation d’une HMDE pour l’analyse polarographique ou chro-
l’extrémité du capillaire en stoppant le débit de mercure par obtu- nopotentiométrique par redissolution anodique ou cathodique (cf.
ration. Ce n’est qu’ensuite que la chute de la goutte a lieu par [P 2 136], § 3.2 et 3.3). La TFME est recommandée lorsqu’une sen-
action du marteau (figure 4b ). Ce type de fonctionnement s’appli- sibilité maximale est requise et lorsque les conditions expérimen-
que pour les méthodes à échantillonnage du courant qui opèrent tales (mesures sous agitation, dans les sédiments, sur site...) ne
lorsque la surface de la goutte est constante. Ce mode, du fait de permettent pas l’utilisation d’une électrode à goutte de mercure
la réduction du courant capacitif, permet d’obtenir de meilleures pendante risquant de se détacher du capillaire. La TFME est obte-
sensibilités des méthodes polarographiques utilisées en analyse. nue par électrodépôt d’un film mince de mercure sur une microé-
Pour ces électrodes à goutte tombante, chaque mesure du courant lectrode solide. Le meilleur support pour la TFME est obtenu avec
s’effectue sur une électrode de surface identique renouvelée. Dans une microélectrode de carbone vitreux ou d’irridium. Ces microé-
le cas du mode HMDE, la goutte de mercure est formée à l’extré- lectrodes sont généralement des électrodes disque-plan tournan-
mité du capillaire et maintenue avec une surface constante tes (cf. [P 2 126], § 1.4 et § 2.2). Elles permettent un dépôt plus

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Polarographie
Principes d’application et mise en œuvre
des techniques polarographiques

par Didier HAUCHARD


Docteur en Chimie de l’université Paris 6, spécialité Chimie analytique
Maître de conférences à l’École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR)

1. Conditions d’application des techniques polarographiques ....... P 2 136 - 3


2. Polarographie classique ......................................................................... — 3
3. Méthodes impulsionnelles en polarographie ................................... — 8
4. Techniques de redissolution en analyse polarographique ........... — 18
5. Conclusion.................................................................................................. — 30
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 135v3

es techniques polarographiques couvrent un large domaine d’applications


L en analyse et peuvent être utilisées en particulier dans les domaines de
l’environnement, de l’analyse de l’eau et des eaux résiduaires, de l’industrie
pharmaceutique, alimentaire, cosmétique, pétrolière et nucléaire, de la galvano-
plastie, de l’analyse des fluides biologiques et de l’industrie des plastiques et des
polymères. Elles sont appliquées à l’analyse de constituants principaux et à
l’analyse de traces et d’ultratraces. Elles concernent l’analyse en solution de
métaux, de molécules inorganiques, organométalliques ou organiques ou des
molécules d’intérêt biologique et biochimique. Elles permettent des analyses
multiélémentaires et sont non destructives des solutions analysées puisque les
quantités de solutés impliqués dans les mesures polarographiques sont négli-
geables par rapport aux quantités en solution, permettant ainsi des mesures
répétitives sur une même solution. Elles nécessitent quelques millilitres à une
cinquantaine de millilitres de solution selon la taille de la cellule électrochimique
utilisée et peuvent être appliquées, soit directement sur l’échantillon lorsque
c’est une solution, avec éventuellement une adaptation de ses conditions chimi-
ques (ajout d’un électrolyte support, modification du pH, ajout d’un complexant)
ou un ajustement des concentrations avec une étape de dilution, soit après une
étape de prétraitement de l’échantillon (filtration, extraction, digestion, oxyda-
tion, solubilisation, dissolution, purification) pour des matrices complexes ou
solides comme c’est le cas pour de nombreuses autres méthodes d’analyse.
En pratique, il résulte de l’application des méthodes d’analyse polarographi-
ques la mesure d’un courant ou parfois d’une quantité de charges, à un
potentiel caractéristique de l’analyte, proportionnel à sa concentration en solu-
tion. Pour les analyses quantitatives, on procède, soit à l’établissement d’une
droite d’étalonnage à partir de concentrations connues du soluté à laquelle on
se reporte pour la détermination d’une concentration inconnue, soit pour éviter
des erreurs de mesures dues aux effets de matrices, à la méthode des ajouts
dosés, en effectuant des ajouts de concentrations connues dans la solution
contenant le ou les solutés à analyser.
Parution : juin 2011

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Les différentes techniques polarographiques couramment utilisées seront


décrites dans cette seconde partie du fascicule en présentant le principe de leurs
mises en œuvre, leurs performances (limite de détection, précision, répétabilité
des mesures, sélectivité et pouvoir séparateur) et les applications qui les
concernent illustrées de quelques exemples pratiques. Ainsi seront abordées la
polarographie classique et les techniques de polarographie impulsionnelle qui
utilisent une électrode à goutte de mercure tombante (DME ou SMDE) et qui
sont adaptées au domaine de concentration allant des centaines de mg · L–1 à la
centaine de µg · L–1. Pour les analyses de traces et d’ultratraces, les méthodes de
redissolution anodique et cathodique utilisant une électrode de mercure statique
(HMDE, TFME) seront également présentées. La polarographie à tension alterna-
tive surimposée n’est plus beaucoup utilisée et tous les appareillages récents ne
la proposent pas dans les méthodes disponibles. Cette méthode polarogra-
phique ne sera donc pas abordée dans cet article ; pour plus d’information,
consulter les références [15] [42] [43].

Tableau des sigles Tableau des sigles

Abréviation Abréviation
Définition Traduction Définition Traduction
(1) (1)

AdCSP Adsorptive Cathodic Polarographie par DPP-ASP Anodic Stripping Pola- Polarographie par
ou Stripping Polarogra- redissolution ou rography by Differen- redissolution anodique
AdCSV (2) phy cathodique après DP-ASV (2) tial Pulse Polarography en polarographie
adsorption impulsionnelle
différentielle
AdSP Adsorptive Stripping Polarographie
ou Polarography par redissolution HMDE Hanging Mercury Drop Électrode à goutte
AdSV (2) (ou Voltammetry) après adsorption Electrode de mercure pendante
ASP Anodic Stripping Polarographie par
NPP Normal Pulse Polarographie impul-
ou ASV (2) Polarography redissolution anodique
Polarography sionnelle normale ou
(ou Voltammetry)
polarographie à impul-
CCSA Constant Current Analyse chronopoten- sions croissantes
Stripping Analysis tiométrique par redis-
solution à courant PSA Potentiometric Analyse chronopoten-
constant Stripping Analysis tiométrique par redis-
solution chimique
CSP Cathodic Stripping Polarographie
ou CSV (2) Polarography par redissolution SMDE Static Mercury Drop Électrode à goutte
(ou Voltammetry) cathodique Electrode de mercure tombante
en mode statique
DCP Direct Current Polarographie
Polarography à courant direct SWP Square Wave Pulse Polarographie impul-
Polarography sionnelle à tension
DCTP Direct Current Tast Polarographie directe carrée (encore appelée
Polarography à échantillonnage à onde carrée)
DME Drop Mercury Électrode à goutte
Electrode de mercure (EGM) SWP-ASP Anodic Stripping Pola- Polarographie par
tombante ou rography by Square redissolution anodique
SW-ASV (2) Wave Polarography en polarographie
DPP Differential Pulse Polarographie impul- impulsionnelle à
Polarography sionnelle différentielle tension carrée
ou polarographie diffé-
rentielle à impulsions TFME Thin Film Mercury Électrode à film mince
constantes Electrode de mercure

(1) Les sigles donnés et utilisés correspondent aux termes en anglais car (1) Les sigles donnés et utilisés correspondent aux termes en anglais car
majoritairement employés par les fournisseurs et utilisateurs. majoritairement employés par les fournisseurs et utilisateurs.
(2) Sigles correspondant aux termes anglais utilisés de plus en plus dans (2) Sigles correspondant aux termes anglais utilisés de plus en plus dans
la littérature où voltammetry se substitue à polarography. la littérature où voltammetry se substitue à polarography.

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– dans le cas des appareillages à commande numérique, le


1. Conditions d’application potentiel est incrémenté régulièrement d’un échelon de potentiel
des techniques ∆Es (step potential ) de faible amplitude tous les temps ts (step
time ) coïncidant avec le temps de goutte τ, ce qui revient à une
polarographiques variation du potentiel à la vitesse v.
Comme les deux types d’appareillage sont rencontrés dans les
laboratoires, les deux cas de programmation du potentiel seront
Les principales conditions d’application des techniques polaro- abordés, notamment pour la description des techniques polarogra-
graphiques, communes à chacune des méthodes, sont rappelées phiques impulsionnelles.
dans l’encadré suivant avec un renvoi pour plus de détails aux
paragraphes de [P 2 135]. Sauf spécification contraire, le principe des différentes méthodes
polarographiques abordées sera traité dans le cas d’un simple sys-
tème redox réversible du type :
Rappel sur les conditions d’application des techniques pola- Ox + ne− $ Re d
rographiques
• Analyse en solutions aqueuses ou organiques en présence avec uniquement la forme oxydée (Ox) en solution.
d’un électrolyte support suffisamment concentré (de haut degré
de pureté pour l’analyse de traces et d’ultratraces) [P 2 135v2],
§ 1.3. 2. Polarographie classique
• Élimination de l’oxygène dissous par barbotage de gaz
inerte (N2, Ar) pendant une dizaine de minutes puisque ces La polarographie classique, bien qu’elle soit à l’origine des techni-
techniques sont appliquées généralement dans le cas ques électrochimiques d’analyse et qu’elle ait connu un fort déve-
d’espèces réductibles [P 2 135v2], § 2.5. loppement jusqu’aux années 1970, n’est presque plus utilisée
• Limitation en réduction en solutions aqueuses par la aujourd’hui. Les appareillages modernes qui sont commercialisés
réduction des protons (milieux acides) ou de l’eau (milieux actuellement ne la proposent plus, pour beaucoup, dans le panel
neutres ou basiques) [P 2 135v2], § 1.3. des méthodes accessibles. Dans la recherche de limites de détection
• Limitation en oxydation due à l’oxydation du mercure dont toujours plus faibles et compte tenu de l’évolution des techniques,
le potentiel d’oxydation dépend de l’anion de l’électrolyte ce sont les méthodes de polarographie impulsionnelle qui se sont
support [P 2 135v2], § 1.3. imposées. Il a toutefois été choisi ici de consacrer un chapitre à cette
méthode pour trois raisons essentielles. La première vient du fait
que la plupart des solutés analysables en polarographie dans divers
Le tracé des polarogrammes s’effectue en appliquant un poten- milieux ont été étudiés en polarographie classique et que les ouvra-
tiel variable en fonction du temps à l’électrode de mercure entre ges et les publications qui s’y reportent sont extrêmement nom-
un potentiel initial Ei et un potentiel final Ef . La vitesse de variation breux. La seconde c’est qu’il existe toujours dans le parc
du potentiel de l’électrode à goutte de mercure (EGM) doit être d’appareillages disponibles dans les laboratoires des appareils qui
suffisamment faible pour que le potentiel pendant le temps de vie permettent l’application de cette méthode. Et la dernière vient du
de la goutte puisse être considéré comme pratiquement constant fait que les méthodes impulsionnelles découlent de la polarogra-
et ne variant au plus que de quelques millivolts. phie classique et qu’il est nécessaire de pouvoir s’y référer.

Le mode de programmation du potentiel dépend du type Ainsi, le principe et les principales caractéristiques de cette
d’appareillage (figure 1) : méthode seront abordés succinctement dans cette partie sachant
que de nombreux points ont déjà été décrits dans le paragraphe
– dans le cas des appareils analogiques, une rampe linéaire de Théorie de la première partie de cet article ([P 2 135v2], § 3). Les
potentiel est appliquée à partir de Ei , le potentiel variant linéai- performances de la méthode et quelques exemples d’application
rement en fonction du temps à la vitesse de balayage v ; caractéristiques seront présentés.
Eimp

Eimp

Ef Ef

∆Es

Ei Ei

t t
a rampe linéaire de potentiel (appareillages analogiques) b rampe de potentiel en escalier (équipements digitaux à commande numérique)

Figure 1 – Programmations de potentiel en polarographie

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Zn 2+ /Zn(Hg) Cd 2+ /Cd(Hg) Pb 2+ /Pb(Hg)


E 1/ 2 E 1/ 2 E 1/ 2
E1/2
E (V/ECS) – 1,3 – 1,0 – 0,7 E (V/ECS) – 1,0 – 0,8 – 0,6 – 0,4

I
Ilim –1 Ilim1
Ilim/2

Ilim2
II –3

Courant
Ilim3 0,4 µA

Courant
a acide pyruvique 7,4 ⴛ 10–4 M dans le tampon de Britton Robinson b mélange plomb-cadmium-zinc ([Pb2+] = [Cd2+] = [Zn2+] = 6 ⴛ 10–5 M)
à pH = 4,1 (courbe II) ; la courbe I représente le courant résiduel dans KCl 1M
en absence d'acide pyruvique
Temps de vie de goutte : 3 s ; débit de capillaire : 9 × 10–4 g · s–1 ; hauteur de mercure : 55 cm ; v = 5 mV · s–1

Figure 2 – Exemples de polarogrammes obtenus à une EGM en DCP

2.1 Principe et caractéristiques avec i courant au potentiel E,


des courbes intensité-potentiel E1/2 potentiel de demi-vague (valeur du potentiel à Ilim/2)
caractéristique des propriétés électrochimiques du
La polarographie classique regroupe la polarographie à courant système redox considéré ; il a pour expression :
direct (DCP), introduite par Heyrovsky en 1923, et la polarographie
à courant direct échantillonné (appelée aussi Tast Polarography, RT D 1/ 2
DCTP). À partir d’un montage à trois électrodes, elle est caractéri- E1/ 2 = E 0′ − ln 1Ox
/2
(3)
nF DRed
sée par l’enregistrement de courbes intensité-potentiel dans des
solutions non agitées avec une électrode à goutte de mercure tom- avec E 0′ potentiel normal apparent du couple redox.
bante (DME) comme électrode de travail.
Les coefficients de diffusion de l’oxydant (DOx) et du réducteur
(DRed) étant pratiquement égaux dans le cas d’un système redox à
2.1.1 Polarographie à courant direct (DCP) simple transfert d’électrons, le potentiel de demi-vague est pratique-
ment assimilable au potentiel normal apparent de ce couple. Ainsi, la
En faisant varier linéairement le potentiel à l’EGM à faible mesure du potentiel de demi-vague est caractéristique d’une espèce
vitesse de balayage des potentiels (1 < v < 10 mV · s–1), le polaro- électroactive dans un électrolyte support donné, faisant de la polaro-
gramme enregistré en DCP présente des oscillations causées par la graphie à courant direct une méthode qualitative d’analyse intéres-
croissance et la chute de la goutte à intervalle de temps régulier sante pour l’identification de la présence d’un soluté.
(τ ). Le signal obtenu pour une espèce qui se réduit à l’EGM
(comme c’est souvent le cas en polarographie) se présente sous la   I −i  
forme d’une vague sigmoïde. La figure 2a représente un exemple On remarque également que la courbe E = f log lim   doit
de polarogramme obtenu en DCP correspondant à la réduction de   i 
être une droite de pente 2,303 · RT/nF, soit 59,1/n mV à 303 K. Ce
l’acide pyruvique. La hauteur de cette vague correspond au cou-
calcul de la pente de la transformée logarithmique d’une vague
rant limite de diffusion (Ilim) dont l’équation a été discutée dans la
constitue un test de réversibilité ou permet d’estimer le nombre
première partie de ce traité (équation d’Ilkovic [P 2 135v2], § 3.2) :
d’électrons échangé n pour un système réversible donné. Il existe
2 / 3τ 1/ 6 D 1/ 2C 0
un test plus rapide qui consiste à déterminer |E3/4 – E1/4| (critère de
Ilim = − 7,06 × 104 nQm (1)
Tomes [44]) qui est égal à 56,4/n mV à 303 K, les potentiels E3/4 et
Dans cette équation, le courant est en ampères si l’on exprime le E1/4 étant respectivement ceux pour lesquels i = 3 Ilim/4 et i = Ilim/4.
débit de mercure, Qm , en grammes par seconde, le temps de Comme l’indique l’équation (1), à débit de mercure constant, le
goutte τ en secondes, le coefficient de diffusion, D, en centimètres courant de diffusion est directement proportionnel à la
carrés par seconde et la concentration de l’espèce en solution qui concentration molaire de l’espèce électroactive en solution,
se réduit, C0, en moles par centimètre cube. permettant ainsi d’utiliser la polarographie en analyse quantitative.
Par la suite, les équations seront exprimées dans le système Les courants de diffusion provenant de plusieurs espèces électro-
CGS classiquement utilisé en polarographie. actives sont additionnels comme le montre la figure 2b dans le cas
de l’analyse d’un mélange plomb-cadmium-zinc avec trois vagues
La forme caractéristique du polarogramme peut être décrite par
de réduction successives. La première vague à environ – 0,4 V
la relation de Nernst qui conduit pour un système réversible en
correspond à la réduction de Pb2+ en Pb(Hg) à l’EGM. Lorsque le
réduction à l’expression suivante :
potentiel est suffisamment négatif (environ – 0,6 V), la réduction de
Pb2+ et de Cd2+ a lieu simultanément et le courant résultant reflète
RT  I −i  la somme des deux processus de réduction. La ligne de base pour
E = E1/2 + ln  lim 
nF  i  la mesure du courant limite du second processus (ici la réduction
(2) de Cd2+ avec Ilim2) est obtenue par extrapolation du courant limite
0, 05915  I −i 
E = E1/2 + log  lim  à T = 298 K du premier processus (réduction de Pb2+). Pour la réduction de
n  i  Zn2+, la même façon de procéder est utilisée pour la détermination

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B
(s)
B
(p)

Ilim Ilim
Ilim

E1/2
(r)
( r) (q)
A A

a b c d

– La première méthode de mesure consiste à tracer des droites extrapolant le courant de pied de vague (r) et le courant du palier de la vague (p) puis à
tracer la droite passant par la partie linéaire de la vague afin de déterminer E1/2 (point sur la courbe équidistant entre les points A et B). La mesure de Ilim
s'effectue alors à la verticale de E1/2 entre les droites (r) et (p).
– La seconde méthode consiste à déterminer A et B comme précédemment puis à tracer horizontalement les droites (q) et (s) passant respectivement par A
et B. La valeur de Ilim est déterminée entre ces deux droites.

Figure 3 – Différentes possibilités de mesure du courant limite et de E1/2 d’une vague polarographique

du courant limite de diffusion correspondant (Ilim3). Pour pouvoir


analyser plusieurs solutés en solution, il est nécessaire que leurs • Par ailleurs, pour la réduction de cations métalliques, la
potentiels de demi-vague soit au moins différents de 100 mV ce formation de complexes avec un ou plusieurs ligands conduit
qui est le cas dans cet exemple présenté figure 2b. à une diminution du potentiel de demi-vague vers des poten-
tiels plus négatifs rendant le métal complexé plus difficilement
D’un point de vue pratique, la détermination de la valeur du cou- réductible que le métal libre. Cette diminution du potentiel de
rant limite peut être rapidement évaluée graphiquement dans le demi-vague a pour expression (5) dans le cas de complexes
cas idéal (figure 3a ) par extrapolation du courant au pied de la entre un métal Mn+ et un ligand L à la concentration en
vague et par mesure de Ilim entre cette ligne de base et le palier. solution égale à CL0 selon l’équilibre :
L’allure des vagues peut toutefois être plus ou moins déformée par
rapport à cette situation idéale. Comme il n’existe pas de méthode
de mesure de la hauteur de la vague standardisée, il est important Mn + + x L− $ ML(xn − x )+
d’utiliser la même procédure pour des mesures comparatives. Les
figures 3b, 3c et 3d indiquent deux méthodes possibles de
mesure. Nous recommanderons la première méthode de mesure.
RT RT
(E1c/ 2 − E1/ 2 ) = − ln K f − x ln CL0 (5)
nF nF
Remarques : le potentiel de demi-vague d’une espèce élec-
troactive peut être soumis à variations selon les systèmes avec E1c/ 2 potentiel de demi-vague correspondant à la
électrochimiques mis en jeu et les conditions chimiques cor- réduction de métal complexé selon :
respondant à l’électrolyte support.
ML(xn − x )+ + ne− + Hg $ M (Hg) + x L−
• Pour les systèmes irréversibles, le potentiel de demi-vague
est dépendant de la constante de transfert de charge Ks et du E1/2 potentiel de demi-vague de réduction du métal
temps de goutte ([P 2 135v2], § 3.2) [45]. libre
• Pour des mécanismes électrochimiques plus complexes Kf constante de formation du complexe ML(xn − x )+ .
qu’un simple transfert d’électrons (mécanismes E-C, C-E, E-C-E
par exemple), le potentiel de demi-vague est fonction des réac-
tions mises en jeu et de leurs cinétiques. Pour plus de détails, se Plus le complexe est stable c’est-à-dire Kf grand, plus l’écart
reporter aux références suivantes [34] [46] [47] [48] [49] [50]. avec le potentiel de demi-vague de réduction du métal libre
• Pour les molécules organiques, le mécanisme de est important. Ce déplacement permet de déterminer Kf . En
réduction, par exemple, peut faire intervenir des protons pratique, on détermine E1/2 en absence de complexant et on
selon : fait varier la concentration du ligand, de telle sorte de tracer
(E1c/ 2 − E1/ 2 ) expérimental en fonction de lnCL0 . La pente de la
m −n)+
R + m H+ + ne− $ RH(m (4) droite obtenue permet d’avoir accès au coefficient stœchiomé-
trique x puisque n est connu et l’intersection à l’origine per-
Pour de tels processus, le potentiel de demi-vague peut être
fonction du pH (avec un déplacement négatif d’environ met de déterminer Kf .
m Le déplacement du potentiel de demi-vague dû à la
× 59 mV à 25 oC par augmentation d’une unité de pH) [51].
n complexation est d’ailleurs utilisé pour permettre l’analyse
La variation en fonction du pH de E1/2 peut être utilisée pour d’un mélange de métaux qui présentent des potentiels de
déterminer des mécanismes redox non connus de molécules réduction trop proches en milieu non complexant mais qui,
organiques ou biologiques [58]. Par contre, pour des analyses par utilisation de réactions de complexation sélective,
quantitatives en polarographie, il est recommandé de se pla- présentent des systèmes redox suffisamment séparés (cf.
cer en milieu tamponné en pH afin d’avoir des résultats repro- [P 2 135v2], § 2.5 ; [J 1 606] et [J 1 607] « Électrochimie. Carac-
ductibles. téristiques courant-potentiel : théorie (parties 1 et 2) ».

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Surface de la goutte de Hg

Surface de la goutte de Hg
tm
tm

τ τ
Eimp

Eimp
∆Es ∆Es

Ei Ei

ts ts
t t

a DME b SDME

Figure 4 – Représentation schématique de la mesure du courant en DCTP par rapport au potentiel appliqué et à la surface de la goutte de
mercure dans le cas (a) de la DME et (b) de la SMDE

2.1.2 Polarographie à courant direct


échantillonné (Tast polarography DCTP) Zn 2+ /Zn(Hg)
E 1/ 2
Cd 2+ /Cd(Hg)
E 1/ 2
Pb 2+ /Pb(Hg)
E 1/ 2
E (V/ECS)
0
Afin d’éliminer les oscillations de courant dues à la croissance
de la goutte de mercure et sa chute, et d’avoir un rapport courant – 1,1 – 0,9 – 0,7 – 0,5
faradique/courant capacitif le plus important possible, le courant
peut être enregistré uniquement à la fin de la vie de la goutte pen- – 0,2
dant un temps faible (tm) de 1 à 100 ms (figure 4a ). Dans ce cas, il
est nécessaire d’avoir une parfaite coïncidence entre l’échantillon-
nage du courant et la chute de la goutte qui est provoquée artifi-
– 0,4

Courant (µA)
ciellement avec un système de frappe du capillaire. C’est ce qui a τ = 1 s ; v = 5 mV · s–1
donné lieu à la technique de polarographie à courant direct échan-
tillonnée (Tast Polarography, DCTP). Entre les échantillonnages, le
courant est maintenu à la dernière valeur mesurée. Le polaro- – 0,6
gramme obtenu se présente sous la forme de courbes sigmoïdes [Pb2+] = [Cd2+] = [Zn2+] = 2 mg · L–1
qui ne présentent plus d’oscillations (figure 5) et dont les caracté-
ristiques sont les mêmes que celles décrites précédemment en Figure 5 – Exemple de polarogrammes obtenus à une EGM en DCTP
pour un mélange plomb-cadmium-zinc dans HCl 0,1 M
DCP (pour Ilim et E1/2).
Le contrôle numérique des appareillages de polarographie a
conduit à remplacer la variation linéaire de potentiel par une
Remarque : bien que les trois métaux dans l’exemple de la
rampe incrémentée de potentiel. Les incréments de potentiel (∆Es)
figure 5 soient à la même concentration massique (2 mg · L–1),
sont imposés tous les temps ts qui coïncident avec le temps de
les courants limites de leur vague de réduction correspon-
goutte (figure 4a ). Le courant est alors échantillonné à la fin de la
dante ne présentent pas la même intensité. Cela est normal
vie de la goutte sur une période très courte (tm) pour considérer la
puisque les courants limites dépendent de leur coefficient de
surface de l’EGM pratiquement constante et réduire ainsi la
diffusion et sont proportionnels à la concentration molaire de
composante capacitive du courant total mesuré.
chaque métal en solution [équation (1)] et non à leurs
Une autre amélioration de la technique de polarographie concentrations massiques qui sont toutefois habituellement
classique permettant d’améliorer le rapport if /ic est l’utilisation de utilisées, notamment au niveau des normes.
l’électrode à goutte tombante de mercure en mode statique
(SMDE) (figure 4b ) grâce à l’utilisation d’électrodes à gouttes de
mercure multimodes (cf. [P 2 135v2], § 1.2.2). Dans ce cas, au bout 2.2 Performance de la méthode
d’un certain temps par rapport au début de la croissance de la
goutte de mercure, le débit de mercure est interrompu et la 2.2.1 Sensibilité
surface de la goutte devient alors constante permettant ainsi
l’échantillonnage du courant en fin de vie de la goutte après une La polarographie classique est généralement appliquée pour
décroissance notable du courant capacitif (la surface de la goutte l’analyse de solutés se situant dans le domaine de concentration
ne variant plus). compris entre 5 × 10–5 et 5 × 10–3 M. C’est l’existence d’un courant

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Potentiométrie
Définitions et principes généraux

par Gérard DURAND


Professeur honoraire à l’École Centrale de Paris

1. Définitions .................................................................................................. P 2 115v2 - 2


2. Activités et concentrations ................................................................... — 3
3. Cellules électrochimiques...................................................................... — 5
3.1 Montage de la cellule................................................................................... — 5
3.2 Fonctionnement de la cellule ...................................................................... — 6
4. Électrodes de référence.......................................................................... — 7
4.1 Électrode à hydrogène................................................................................. — 7
4.2 Électrode au calomel ................................................................................... — 8
4.3 Électrode argent-chlorure d’argent ............................................................ — 8
5. Électrodes indicatrices ........................................................................... — 9
5.1 Mesure d’un potentiel d’oxydoréduction................................................... — 10
5.2 Mesure d’un potentiel de membrane ......................................................... — 13
5.3 Dispositifs électrochimiques particuliers ................................................... — 14
6. Mesures potentiométriques à courant nul ou imposé ................... — 14
6.1 Principe et conditions de mesure ............................................................... — 15
6.2 Avantages et inconvénients ........................................................................ — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 115v2

e toutes les méthodes électrochimiques, la potentiométrie est certaine-


D ment la méthode la plus fréquemment utilisée. Ses possibilités
correspondent très exactement à l’intitulé du traité « Analyse et
caractérisation ». C’est l’évolution de l’instrumentation qui lui a permis de se
développer (la mise en évidence de l’existence d’un potentiel de membrane
pour le verre ayant plus de cent ans). La méthode exploite en effet, pour ce qui
concerne les électrodes à membrane, des variations extrêmement faibles de
potentiel que seuls des millivoltmètres de très haute impédance sont capables
de discriminer. Ce n’est que lorsque de tels appareils ont pu être construits,
grâce au développement parallèle de l’électronique, que cette méthode a pu
apparaître. La mise à disposition des laboratoires de la mesure instrumentale
du pH par potentiométrie a ainsi constitué, il y a une soixantaine d’années, une
avancée considérable, par sa commodité, sa rapidité et sa précision.
Méthode d’analyse physico-chimique, puisque permettant de mesurer les
activités d’espèces réelles en solution, la potentiométrie fut l’objet d’un
nouveau et important développement, il y a une trentaine d’années, cette fois
du côté des électrodes. À la demande initiale des biologistes souhaitant
pouvoir mesurer les activités du calcium, et discriminer ainsi la forme libre
Ca2+ des formes complexées, fut construite une électrode à membrane liquide
Parution : septembre 2010

indicatrice du calcium. Dans le même temps, le développement de la chimie du

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POTENTIOMÉTRIE __________________________________________________________________________________________________________________

solide permit de mettre au point une électrode à membrane indicatrice du fluo-


rure, sur la base d’un monocristal de fluorure de lanthane dopé à l’europium.
À partir de ces deux électrodes se développa graduellement et assez rapide-
ment toute une variété d’électrodes dont les inconvénients initiaux de mise en
œuvre (pour les électrodes à membrane liquide) furent progressivement
gommés par la mise au point de membranes jetables.
Le développement récent de l’informatique a permis à la potentiométrie de
franchir un nouveau seuil en étendant grandement ses possibilités tant au
niveau de l’acquisition des résultats, de leur exploitation, de leur stockage et
de l’automatisation des mesures, par la conception de logiciels adaptés et
performants ; dans le même temps, l’appareillage subissait également une
grande évolution avec la miniaturisation des appareils, leur adaptation aux
mesures de terrain, l’intégration de l’ensemble des fonctions nécessaires dans
une chaîne d’analyse potentiométrique souvent automatique.
Permettant d’effectuer la spéciation des espèces en solution par suite de la
mesure physico-chimique, étant adaptée à la mesure in situ, au contrôle en
ligne, la potentiométrie n’a cessé depuis de se développer et de gagner tous
les secteurs d’activité, que ce soit l’analyse de laboratoire (chimique, biochi-
mique, pharmaceutique, etc.) ou l’analyse industrielle (pour le pilotage de
procédés, le contrôle des eaux, les dispositifs d’alerte, etc.).
Ce premier article est consacré aux principes généraux qui régissent la
potentiométrie. Les relations entre activités et concentrations seront d’abord
rappelées, dans la mesure où la potentiométrie permet d’accéder aux activités
alors que la concentration est la grandeur que souhaite mesurer l’expéri-
mentateur. Une mesure potentiométrique s’effectue dans une cellule
électrochimique, dont les caractéristiques de mise en œuvre seront rappelées.
Deux électrodes sont nécessaires : en général une électrode de référence de
potentiel, dont les plus courantes seront décrites dans leur principe et leur
fonctionnement, et une (voire deux) électrode(s) indicatrice(s). Les indications
de ces dernières peuvent être exploitées au travers de la mesure d’un potentiel
d’oxydoréduction ou d’un potentiel de membrane. Quelques électrodes parti-
culières seront décrites : les électrodes « à gaz » dont le fonctionnement est un
peu différent des autres électrodes de potentiométrie, et les électrodes « à
oxygène » qui sont en général présentées dans les catalogues de constructeurs
avec les électrodes de potentiométrie, mais qui n’en relèvent pas. Il s’agit dans
ce cas de dispositifs qui corrèlent une mesure de courant (ampérométrie ou
voltampérométrie) à la concentration de l’oxygène dissous.
Si la plupart du temps la potentiométrie est mise en œuvre à courant nul,
dans quelques cas il y a intérêt à opérer à courant imposé. Quelques exemples
seront décrits.
Le dossier « Potentiométrie » se compose de trois articles : [P 2 115] : Défini-
tions et principes généraux ; [P 2 116] : Mesure du pH ou d’une concentration ;
[P 2 117] : Dosages et titrages. Caractéristiques analytiques.

1. Définitions ou Eref /Électrolyte 1/Électrolyte 2/ Eind


L’interface (/) séparant l’électrode de référence de potentiel de
La potentiométrie est une méthode analytique qui permet de l’électrolyte est une jonction liquide ; il en est de même pour
relier une mesure de potentiel d’électrode à une activité d’espèce l’interface entre les électrolytes 1 et 2 dans le second cas de chaîne
en solution. L’électrode correspondante est appelée électrode indi- galvanique. La nature de l’interface électrode indicatrice-électrolyte
catrice. sera différente selon le type de mesure potentiométrique effec-
L’électrode indicatrice (de potentiel Eind), choisie en fonction de tuée.
la nature du soluté à déterminer, est incluse dans une chaîne gal- C’est à ce niveau que se développera le potentiel relié aux activi-
vanique comportant une électrode de référence (de potentiel Eref ) tés des solutés.
et un ou deux électrolytes. Selon qu’il y a un ou deux électrolytes, En pratique, la chaîne galvanique constituée des deux élec-
la chaîne potentiométrique peut être écrite : trodes, indicatrice et de référence, plongées dans un (ou deux)
électrolyte(s) est appelée cellule électrochimique de mesure. Celle-
Eref /Électrolyte/ Eind ci est reliée à un appareil de mesure du potentiel.

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Exemples
Remarques :
1. La force ionique d’une solution 0,1 M de sulfate de sodium
1. Dans un certain nombre de cas, en particulier pour la Na2SO4 est :
mesure du pH, les deux électrodes, de référence et indicatrice,
sont souvent commercialisées sous la forme d’une seule et 1 1
même électrode appelée électrode combinée. I= ( 0, 2 × 12 ) + ( 0,1 × 22 ) = 0, 3 M
2 2
2. Selon leur fonction, les appareils de mesure du potentiel
portent diverses appellations commerciales (pH-mètre, iono- 2. De même pour un mélange de sels, Na2SO4 0,2 M + NaCl
mètre). 0,1 M, on calcule :

1 1 1
I= ( 0, 5 × 12 ) + ( 0,1 × 12 ) + ( 0, 2 × 22 ) = 0, 7 M
2 2 2

2. Activités et concentrations La valeur de la force ionique est directement liée à la quantité


d’ions présents en solution : elle permet d’évaluer l’importance
des interactions qui s’exercent entre les ions en solution. Plus la
La thermodynamique permet de montrer que le potentiel force ionique est élevée, plus la valeur du coefficient d’activité
qu’adopte une électrode indicatrice incluse dans une chaîne poten- s’éloigne de l’unité.
tiométrique est relié à l’activité ai de l’ion i auquel l’électrode
Différentes théories ont été établies pour calculer la valeur que
répond. L’activité, grandeur thermodynamique, est reliée à la
prend le coefficient d’activité d’un ion, en fonction de la valeur de
concentration, grandeur expérimentale, par l’intermédiaire du
la force ionique.
coefficient d’activité γi par la relation :
La première approche a été effectuée par Debye et Hückel
(1923). Elle permet de calculer, sans mesures expérimentales, le
ai = γ i [i ] (1) coefficient d’activité moyen γ± des ions d’un électrolyte en fonction
des différentes valeurs de la force ionique par la relation :
avec ai (mol · L–1) activité du soluté i,
lg γ ± = − A z1 z 2 I1/ 2 (3)
[i ] (mol · L–1) concentration du soluté i,
1,8246 × 106
γi (nombre sans dimension) coefficient d’activité de i dans A= (A = 0,512 dans l’eau à 25 o C)
(ε T ) 3 / 2
la solution considérée.
avec ε constante diélectrique du milieu,
T (K ) température de la solution,
Remarque : l’unité de concentration du système international z1, z2 charges de l’anion et du cation,
est la mole par mètre cube. Il conviendrait donc d’adopter, à
l’échelle du laboratoire, la mole par décimètre cube (mol · dm–3). lg logarithme décimal.
En pratique, la verrerie de laboratoire étant graduée en volume, La relation (3) n’est valable que pour les très faibles valeurs de
on assimile en général le décimètre cube au litre et l’on force ionique (I < 0,001) car elle traduit les interactions coulom-
exprime les concentrations en mol · L–1 (également symboli- biennes à longue distance qui existent entre ions de signes oppo-
sées par M). sés considérés comme ponctuels. Lorsque la concentration
augmente, se développent des interactions à courte distance qui
nécessitent de considérer la taille des ions. On a alors la relation
Le coefficient d’activité, dont la valeur est inférieure ou égale à suivante valable pour 0,001 < I < 0,1 :
l’unité, exprime un écart à l’idéalité du comportement de l’espèce
et traduit les interactions qui s’exercent en solution entre l’ion − A z1 z 2 I1/ 2
lg γ ± = (4)
considéré et les autres ions présents [1]. 1 + Br I1/ 2
50, 29 × 108
Le coefficient d’activité tend vers 1 lorsqu’aucune interaction avec B = (environ 0,33 × 108 cm–1 en solution aqueuse
n’influence le comportement de l’ion considéré (solutions infini- (ε T )1/ 2
ment diluées) ; on a alors : à 25 oC),
r (cm) rayon moyen des ions de l’électrolyte.
ai = [i ] Lorsque la concentration de l’électrolyte devient grande, se
développent également entre les ions et les molécules du solvant
des interactions soluté-solvant. Il est alors nécessaire d’introduire
Plus la quantité d’ions présents en solution augmente, plus le un nouveau terme correctif. On a alors l’expression empirique :
coefficient d’activité s’abaisse et s’éloigne de la valeur unité.
− A z1 z 2 I1/ 2
Afin de caractériser la composition ionique totale de la solution lg γ ± = + bI (5)
on utilise la notion de force ionique I introduite par Lewis et 1 + Br I1/ 2
Randall (1921), définie par la relation :
avec b constante expérimentale variable selon l’électrolyte.
En pratique, seules les relations (3) et (4) sont utilisables pour
1
I= Σ ci zi2 (2) évaluer les coefficients d’activité moyens ; l’approximation est
2 bonne dans le cas de la relation (3) mais approchée avec la
relation (4), l’incertitude étant due à la méconnaissance de la
avec ci (mol · L–1) concentration de l’ion i, valeur réelle du rayon moyen r des ions. Il peut être admis, en pre-
mière approximation, que ces rayons moyens sont compris entre
zi charge de l’ion i. 0,3 et 0,5 nm [2].

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POTENTIOMÉTRIE __________________________________________________________________________________________________________________

Remarques Tableau 1 – Valeurs expérimentales du rayon


1. La détermination expérimentale des valeurs de rayons moyen r pour quelques électrolytes [2]
moyens est effectuée à l’aide des expressions (3) et (4) en por-
Électrolyte r Électrolyte r
tant lg γ± mesuré en fonction de I1/2 dans un large domaine de
(nm) (nm)
force ionique [3]. Les valeurs obtenues pour quelques électro-
lytes 1:1 sont rassemblées dans le tableau 1 [2]. HCl 0,44 NH4Cl 0,37
2. Sur la détermination expérimentale des coefficients d’acti- LiCl 0,43 MgCl2 0,50
vité moyens, on consultera [1].
NaCl 0,39 CaCl2 0,47
3. Lorsque la valeur de r est de l’ordre de 0,3 nm (Br ≈ 1) et
pour I < 0,001 on peut utiliser la relation simplifiée de KCl 0,36 SrCl2 0,46
Güntelberg (1926) : RbCl 0,34 0,44
BaCl2
− 0, 5 z i2 I1/2
lg γ ± =
1+ I1/2
4. Davies (1938) a proposé que dans la relation (5) Tableau 2 – Coefficients d’activité ionique d’ions
individuels en solution aqueuse
b = 0, 1 z1 z 2 , d’où : calculés selon la relation (4) [4]
 I1/ 2  Valeurs du coefficient
lg γ ± = − 0,5z i2  − 0, 3 I 
 1+ I1/ 2  Rayon d’activité ionique ␥ i
Ions r pour une force ionique
relation valable jusque pour I < 0,5.
(nm) (mol/L) égale à :

10–3 10–2 0,1

En pratique, lorsqu’on utilise une électrode indicatrice d’ions, il zi = 1


est nécessaire de connaître non pas le coefficient d’activité moyen H+ 0,9 0,967 0,914 0,83
d’un électrolyte, mais le coefficient d’activité des ions individuels.
Les mesures potentiométriques portent en effet le plus souvent sur Li+ 0,6 0,965 0,909 0,81
des solutions ioniques où la variation d’activité d’un ion est reliée Na+, K+, NH+4 , Ag+, 0,4 0,964 0,900 0,77
à une variation de potentiel d’électrode.
OH–, F–, Cl–, Br–, I–,
Pour un sel AnBm dissocié selon : CN–, HCO3−
An Bm → n Am + + m Bn − NO3− , ClO−4 , MnO−4 0,3 0,964 0,899 0,75

Le coefficient d’activité moyen du sel γ± et les coefficients d’acti- zi = 2


vité des ions individuels γ Am + et γ Bn − sont reliés par la relation : Mg2+, Ca2+, Cu2+ 0,8 0,872 0,69 0,45
Co2+, Ni2+
(γ ± )n +m = (γ Am + )n (γ Bn − )m Fe2+, Mn2+, Zn2+, Ba2+, 0,6 0,870 0,675 0,405
Sr2+, Cd2+, Pb2+
Cette formule permet de relier le coefficient d’activité moyen aux
coefficients d’activité individuels des ions. Mais seuls sont acces- Hg2+, S2–, CO2− 0,5 0,868 0,67 0,38
3
sibles expérimentalement les coefficients d’activité moyens. Des
hypothèses extra-thermodynamiques permettent cependant SO24− , HPO24− 0,4 0,867 0,66 0,355
d’approcher les valeurs des coefficients d’activité des ions indivi-
duels à partir de la mesure des coefficients d’activité moyens. Le zi = 3
tableau 2 rassemble quelques valeurs de coefficients d’activité Al3+, Fe3+, Ce3+ 0,9 0,738 0,445 0,18
d’ions individuels calculées selon la relation (4) [4]. L’impossibi-
lité de connaître avec précision les valeurs des coefficients d’acti- PO34− , Fe(CN)36− 0,4 0,725 0,395 0,045
vité des ions individuels est une contrainte importante en
potentiométrie. En effet, ainsi qu’il a déjà été signalé, les potentiels zi = 4
d’électrode sont reliés aux activités des espèces en solution. Or, Ce4+, Sn4+ 1,1 0,588 0,255 0,065
l’expérimentateur ne connaît avec grande précision que les
concentrations. Fe(CN)64− 0,5 0,57 0,20 0,021

En pratique, deux types de cas peuvent être rencontrés : soit l’on


opère en solution diluée, et dans ces conditions ai ≈ [i ] (γi ≈ 1 car
les coefficients d’activité sont d’autant plus proches de 1 que les Remarque : la figure 1 montre que les coefficients d’activité
solutions sont plus diluées), soit l’on opère avec des des ions varient fortement dans le domaine des solutions
concentrations notables (0,1 M par exemple). Dans ce dernier cas, diluées. Si leur variation suit la relation de Davies, l’écart est de
pour conserver une relation linéaire entre activité et concentration, plus de 20 % de I = 0 à 0,1, de moins de 4 % pour 0,1 < I < 0,2 et
afin que les potentiels d’électrode soient eux-même reliés linéaire- au maximum de 1,6 % de 0,2 à 0,5. Ainsi, même si la force
ment aux concentrations en solution, il faut maintenir constante la ionique n’est pas fixée, sa variation au cours de la mesure
valeur du coefficient d’activité pendant toutes les opérations de potentiométrique, peut ne faire varier le coefficient d’activité
mesure. Pour cela on fixe la force ionique. Dans ces conditions, que d’une valeur négligeable, compatible avec la précision
même si γi est (très) inférieur à 1, il reste constant pendant toutes recherchée pour la mesure.
les opérations de mesure.

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P 2 115v2 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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P2116

Potentiométrie
Mesure du pH ou d’une concentration

par Gérard DURAND


Professeur honoraire à l’École Centrale de Paris

1. Mesure du pH............................................................................................. P 2 116 - 2


1.1 Généralités.................................................................................................... — 2
1.1.1 Définitions............................................................................................ — 2
1.1.2 Mesure expérimentale du pH............................................................. — 2
1.2 Électrodes indicatrices de pH ...................................................................... — 3
1.2.1 Électrode à hydrogène........................................................................ — 3
1.2.2 Électrodes indicatrices de pH du second genre ............................... — 4
1.2.3 Électrode de verre ............................................................................... — 5
1.3 Solutions tampon......................................................................................... — 8
1.3.1 Définition ............................................................................................. — 8
1.3.2 Caractéristiques................................................................................... — 8
1.3.3 Exemples ............................................................................................. — 9
2. Mesure d’une concentration d’ion ou de molécule ........................ — 12
2.1 Électrodes indicatrices d’ions ..................................................................... — 12
2.1.1 Définitions............................................................................................ — 12
2.1.2 Méthodologie ...................................................................................... — 13
2.2 Différentes électrodes indicatrices ............................................................. — 18
2.2.1 Électrodes du premier genre.............................................................. — 18
2.2.2 Électrodes de deuxième et troisième genres ................................... — 18
2.2.3 Électrodes à membrane...................................................................... — 19
2.2.4 Électrodes indicatrices de gaz ............................................................ — 24
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 116

l a été rappelé dans la première partie [P 2 115] quels ont été les développe-
I ments de la potentiométrie pour parvenir à ce qu’elle est devenue
aujourd’hui. Le lecteur pourra s’y reporter.
Le précédent article était consacré aux principes généraux de mise en œuvre
de la potentiométrie. Seront décrites ci-après les deux grandes mesures réali-
sables par potentiométrie : celle du pH et celle d’une concentration d’ion ou de
molécule. Présenté ainsi, il pourrait apparaître que le domaine d’application de
la potentiométrie est somme toute limité. Ce n’est évidemment pas le cas.
La mesure du pH, à l’origine du développement de la potentiométrie,
constitue toujours un domaine privilégié d’action (en milieu aqueux et dans les
solvants). Seront d’abord rappelés les principes généraux de la mesure du pH,
outre sa définition même, et les moyens de le mesurer. Si l’électrode de verre
constitue la plupart du temps le moyen de mesure idéal, ce n’est pas toujours
le cas, en particulier pour des milieux complexes ou corrosifs qui n’autorisent
pas l’utilisation du verre. C’est la raison pour laquelle seront citées, outre
Parution : septembre 2010

l’électrode à hydrogène, des électrodes dites du second genre (à quinhydrone,


à antimoine) qui peuvent constituer des alternatives lorsque l’utilisation d’une

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81
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P2116

POTENTIOMÉTRIE __________________________________________________________________________________________________________________

électrode de verre n’est pas possible. Les caractéristiques de fonctionnement


des électrodes de verre seront décrites car elles conditionnent la fiabilité de la
mesure du pH. Si l’utilisation d’une électrode de verre associée à un dispositif
de délivrance automatique d’acide ou de base de part et d’autre d’un point de
consigne peut constituer un moyen pour piloter en continu le contrôle du pH
d’un milieu liquide, la plupart du temps on utilise des tampons d’acidité. Le
premier cas relève plus des procédés industriels (où l’utilisation des tampons
n’est guère envisageable), le second étant mis en œuvre dans les laboratoires
d’analyse et de contrôle. Les caractéristiques de fonctionnement des tampons
et leur composition selon les milieux visés seront décrites.
La mesure d’une concentration d’ion ou de molécule étend grandement les
possibilités de la potentiométrie. Le principe de la mesure et les caractéristi-
ques générales de mise en œuvre des électrodes indicatrices d’ions seront
décrits. L’important problème de la sélectivité et de l’incidence sur la mesure
de la présence d’autres ions sera exposé. Les différents types d’électrodes
indicatrices d’ions seront décrits, qu’elles exploitent un potentiel d’oxydoré-
duction, ou un potentiel de membrane. Enfin, les électrodes à gaz qui
constituent une catégorie un peu différente seront également décrites.

1. Mesure du pH tés et non à leurs concentrations, la définition initiale du pH don-


née par Sörensen :

pH = − lg [H+ ] (2)
1.1 Généralités
a été modifiée ultérieurement en (1).
1.1.1 Définitions Les relations (1) et (2) sont reliées par l’intermédiaire du coeffi-
cient d’activité γ H+ de l’ion H+ :
La notion de pH (potentiel hydrogène) introduite pour la pre-
mière fois par Sörensen en 1909 permet de mesurer le niveau aH+ = γ H+ [H+ ]
d’acidité d’une solution, acidité au sens de Brönsted-Lowry,
c’est-à-dire concernant les réactions d’échange de l’ion H+ (appelé Pour obtenir expérimentalement la concentration des ions H+
aussi proton). d’une solution par mesure du pH, il est donc nécessaire de
Le pH est relié à l’activité des ions H+ solvatés par les molécules connaître la valeur du coefficient d’activité du proton (cf. [P 2 115,
de solvant dans lequel ils ont été dissous : § 2]). Ce n’est que pour les solutions diluées qu’on a :

pH = − lg aH+ (1) pH = − lg aH+ = − lg [H+ ]

Cette définition est générale ; elle est valable non seulement La mesure expérimentale du pH est réalisée par l’intermédiaire
pour l’eau où elle a été définie initialement mais également pour d’un montage potentiométrique à deux électrodes (cf. [P 2 115,
d’autres solvants (en particulier non aqueux) où l’ion H+ peut § 3]) :
exister [2].
Dans l’eau il a été montré que l’ion H+ hydraté se trouve princi-
Électrode de référence de potentiel Jonction Électrode indicatrice de pH
palement sous la forme de l’ion hydronium, H3O+. Mais, dans un (3)
souci de simplification et par convention, on écrit simplement H+ liquiide
  
qui représente le proton hydraté. De même, dans les solvants pro- Eréf Ej Eind
tonés HS (alcools, acides, amides non substitués, amines, etc.) 
dont la molécule est protophile (accepteur du proton H+), la E cel
solvatation de l’ion H+ conduit préférentiellement à l’ion H2S+ (ana-
logue à H3O+) qu’on écrira simplement H+. Elle correspond à la définition opérationnelle du pH
recommandée par l’IUPAC.
Ainsi la mesure du pH, reliée à la quantité d’ions H+ présents en
solution, permet de caractériser le niveau d’acidité de la solution. Quelle que soit l’électrode indicatrice de pH utilisée (cf. § 1.2), le
La relation (1) indique que plus une solution est acide et plus faible potentiel Eind peut être mis sous la forme suivante :
est la valeur du pH.
RT
E ind = E ind
0 + 2, 3 lg aH+
F
1.1.2 Mesure expérimentale du pH
La ddp mesurée aux bornes de la cellule est alors :
Si l’on excepte les déterminations spectrophotométriques du pH
à l’aide d’indicateurs colorés (qui ne sont plus guère utilisées), la
mesure du pH s’effectue classiquement par potentiométrie. RT
E cel = E ind
0 −E
ref + E j + 2, 3 lg aH+
Comme les potentiels d’électrode sont reliés aux activités des solu- F

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P 2 116 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

82
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P2116

___________________________________________________________________________________________________________________ POTENTIOMÉTRIE

d’où : constitue le plus ancien dispositif instrumental de mesure des


variations d’acidité.
0 −E
E ind ref + E j E cel a) Principe
pH = − (4)
RT RT Le potentiel d’oxydoréduction qu’adopte une électrode de pla-
2, 3 2, 3
F F tine plongée dans une solution saturée d’hydrogène et contenant
des ions H+ est donné par la relation :
Afin que le millivoltmètre utilisé pour mesurer le pH d’une solu-
tion fonctionne comme un pH-mètre, c’est-à-dire indique directe- RT (a + ) 2
ment la valeur du pH à partir d’une mesure de Ecel , il doit au E = E 0 + 2, 3 lg H
préalable être étalonné. 2F pH 2
Le premier terme de la relation (4) étant constant (pour une Introduite dans une chaîne galvanique telle que (3), cette
chaîne potentiométrique donnée E ind 0 et Eref sont fixés, de même électrode à hydrogène permet de connaître le pH de la solution
que Ej (cf. [P 2 115, § 3.2]), l’étalonnage consiste à ajuster Ecel de dans laquelle elle est plongée par l’intermédiaire de la mesure du
telle sorte que l’appareil affiche le pH connu d’une solution tam- potentiel de cellule Ecel dans les conditions précisées au [P 2 115,
pon d’acidité dans laquelle on plonge les deux électrodes. Selon § 5.1.1]. On a alors :
les pH-mètres utilisés, les valeurs de pH des solutions tampons
sont, soit entrés manuellement par l’expérimentateur, soit saisis RT
E cel = Ct e − 2, 3 pH
automatiquement par l’appareil (reconnaissance automatique des F
tampons).
b) Réalisation
Pour que la mesure du pH soit significative, un certain nombre
Remarque : la reconnaissance automatique s’effectue, pour de conditions doivent être respectées.
un appareil donné, à partir des valeurs que le constructeur a • En premier lieu, il est nécessaire que le platine soit recouvert
entrées en mémoire. Il convient donc de s’assurer que la solu- de platine finement divisé pour que le processus électrochimique
tion tampon utilisée est adaptée à cet appareil. global :

2 H+ + 2 e− % H2 ↑
La proportionnalité entre le potentiel et le pH est fonction de la
RT corresponde à un système réversible. Les performances d’une telle
valeur du terme 2, 3 . Par construction, les pH-mètres sont
F électrode ne sont pas immuables. Il est en particulier recommandé
conçus pour fonctionner à une température standard (25 oC par de la conserver dans l’eau distillée, le platine divisé perdant ses
exemple). La plupart des appareils modernes comportent donc propriétés lorsqu’il est conservé trop longtemps à sec. Il faut alors
une sonde de température (thermistance) capable de corriger la replatiner l’électrode après avoir détruit l’ancien platinage par l’eau
valeur du coefficient de proportionnalité si la mesure n’est pas régale diluée (3 vol. HCl 12 M + 1 vol. HNO3 16 M + 4 vol. H2O).
effectuée dans les conditions standards. Mais, en plus, la réponse
de la membrane de verre n’est pas toujours strictement nersns-
tienne et elle finit au cours du temps par s’éloigner de la valeur Remarque : bien que des électrodes de palladium palladié et
d’iridium iridié aient été décrites, l’usage s’est établi de fabri-
RT
2, 3 théorique. Pour cela, il est préférable d’étalonner le quer les électrodes à hydrogène avec du platine platiné. C’est
F en particulier parce que l’activité catalytique du « noir de
pH-mètre avec un second tampon. De ce fait on s’assure qu’entre
platine » (platine divisé) est supérieure à celle du noir de palla-
les deux points d’étalonnage, il y a proportionnalité rigoureuse
dium qu’on procède ainsi.
entre la tension de cellule mesurée et sa traduction en terme de
RT
pH, quand bien même le terme 2, 3 ne serait-il pas égal à sa • En second lieu, il est nécessaire que la pression partielle
F
valeur théorique à température donnée. d’hydrogène soit maintenue constante dans la solution pendant
toute la mesure. Cette condition est aisément respectée lorsque
l’hydrogène est délivré à l’aide d’un débitmètre, à partir d’une bou-
Remarque : dans le cas d’un étalonnage avec deux tampons, teille de gaz comprimé.
et avec une sonde de température, l’appareil affiche, en terme
de pourcentage par rapport à la valeur théorique, la pente Ce n’est que lorsque des mesures très précises de pH doivent
réelle de réponse de l’électrode de verre (écart à la réponse être effectuées (à mieux que 1/100 de pH près) qu’il convient alors
nernstienne). de tenir compte d’une correction barométrique. On calcule alors :

0, 4 h
pH2 = p − pH2O +
13,6
1.2 Électrodes indicatrices de pH
avec p (mm Hg) pression barométrique corrigée,
Il existe essentiellement trois types d’électrodes permettant une
détermination potentiométrique du pH : l’électrode à hydrogène pH2O (mm Hg) pression de vapeur de l’eau à la température
qui est une électrode indicatrice d’ions du premier genre, des élec- de mesure,
trodes du second genre (comme l’électrode à quinhydrone), enfin h (mm) hauteur d’immersion du capillaire d’arrivée de
des électrodes à membrane sensible à l’ion H+ (électrodes de l’hydrogène dans la solution.
verre). • Pour que l’électrode réponde correctement, la solution ne doit
contenir ni oxydant plus puissant que H+ susceptible d’oxyder H2
1.2.1 Électrode à hydrogène (tels que Ag+, Hg 2+
2 , nitrophénols, acide benzoïque et surtout oxy-
Elle peut être utilisée soit comme électrode de référence de gène, etc.) ni réducteur plus fort que H2 susceptible de réduire H+,
potentiel (à pH fixé) (cf. [P 2 115, § 4.1]) soit comme système indi- ni molécules susceptibles de s’adsorber sur le platine (protéines
cateur du pH (cf. [P 2 115, § 5.1.2b]). De ce point de vue elle par exemple).

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POTENTIOMÉTRIE __________________________________________________________________________________________________________________

D’autre part, si la solution contient des gaz dissous (H3As, H2S, Il suffit d’ajouter de la quinhydrone, produit commercialisé sous
CO2, NH3, etc.), le barbotage d’hydrogène fait varier la cette forme à la solution dont on veut mesurer le pH et d’y plonger
composition de la solution. le couple d’électrodes platine poli (ou or)-référence de potentiel
• Enfin pour éviter que le passage de l’hydrogène ne fasse (calomel par exemple) pour lire sur le pH-mètre préalablement éta-
varier la concentration des solutés par entraînement de solvant, il lonné la valeur de pH cherchée.
faut l’introduire préalablement saturé de solvant.
Si le dispositif expérimental décrit par Hildebrand [1] est le plus Remarque : pour des mesures très précises il convient de
ancien, il n’est pas celui qui permet les déterminations les plus
recristalliser (dans l’eau à 70 oC) la quinhydrone commerciale
précises. D’autres ont été décrits par Hitchcock et Taylor [3],
car la quinone est légèrement volatile. La dissolution d’un pro-
Perley [4] ou Bates et coll. [5]. Ils permettent d’effectuer les mesu-
duit vieilli conduit à un excès d’hydroquinone en solution et
res avec un volume plus restreint de solution (2 mL pour [3]) et
donc à des activités différentes de aQ et aH2Q . La recristallisa-
d’obtenir l’équilibre plus rapidement et avec une meilleure préci-
sion (0,02 pH après 5 min). tion y remédie.

Remarque : si l’électrode à hydrogène n’est plus guère utili- c) Caractéristiques


sée (elle doit être fabriquée au laboratoire car elle n’est pas L’électrode à quinhydrone est facile à réaliser et elle atteint rapi-
commercialisée), elle se révèle utile dans un certain nombre de dement l’équilibre. De plus le système oxydoréducteur Q/H2Q
cas où l’électrode de verre ne peut être utilisée (milieux corro-
RT
sifs, solvants particuliers, etc.). étant réversible, le terme 2, 3 a toujours sa valeur théorique à
F
la température correspondante. L’électrode à quinhydrone peut
avantageusement être utilisée dans un certain nombre de cas où
1.2.2 Électrodes indicatrices de pH l’électrode de verre est inopérante : milieux corrosifs (acide fluo-
du second genre rhydrique), hautes températures, milieux non aqueux. Elle permet
également de mesurer le pH de solutions de gaz (H2S, CO2, etc.).
1.2.2.1 Électrode à quinhydrone
Son utilisation est cependant limitée par un certain nombre
La quinhydrone est une association moléculaire de 1,4-dioxy- d’inconvénients. Une limitation majeure concerne la modification
benzène (quinone, symbole Q) et de 1,4-dihydroxybenzène (hydro- de la proportionnalité E-pH en milieu basique. Cette erreur alcaline
quinone, H2Q) très peu soluble dans l’eau (0,0187 mol · L–1 à 25 oC) a essentiellement deux causes : d’une part la dissociation notable
et faiblement dissociée selon l’équilibre : de l’hydroquinone à partir de pH 8 à 9 selon :

Q ,H2Q % Q + H2Q H2Q % H+ + HQ – (K a = 10−10 )


pour lequel, à 25 oC, on a :
et d’autre part l’oxydation spontanée en milieu basique de l’hydro-
quinone par l’oxygène dissous selon :
aQ aH2Q
K= = 0, 259
aQ ,H2Q 2 H2Q + O 2 % 2 Q + 2 H2O

À 25 oC on calcule que 4 g de quinhydrone dissoute dans 1 litre Pour s’affranchir de ce dernier inconvénient, il est possible de
d’eau est dissociée à 93 % en quinone et hydroquinone. dégazer la solution et de la maintenir sous atmosphère de gaz
a) Principe de la mesure inerte (azote, argon, etc.).

Quinone et hydroquinone sont respectivement l’oxydant et le C’est pourquoi l’électrode à quinhydrone ne peut être utilisée
réducteur du couple électrochimique réversible : dans l’eau pour mesurer des pH supérieurs à 8.
De façon plus générale, dans la mesure où l’on ajoute la quinhy-
Q + 2 H+ + 2 e− % H2Q drone au milieu dont on veut mesurer le pH, cela implique que le
rapport Q/H2Q ne soit pas modifié par les solutés présents dans le
Dans ces conditions, une électrode inattaquable (platine ou or) milieu : oxydation de l’hydroquinone (Fe3+, Cl2, etc.), réaction de la
plongée dans une solution contenant quinone, hydroquinone et quinone (ammonium, amines, amino-acides, etc.).
ions hydrogène adopte le potentiel : Un autre inconvénient mineur de cette électrode apparaît
lorsqu’on veut faire des mesures très précises de pH en milieu
RT a (a + )2 salin concentré. La variation différente des coefficients d’activité de
E = E 0 + 2, 3 lg Q H
2F aH2Q la quinone et de l’hydroquinone entraîne un écart de potentiel, non
lié au pH. Mais cet écart est minime : de 0,02 et 0,06 unité de pH
Dans la mesure où les activités de la quinone et de l’hydroqui- pour les sels les plus usuels à la concentration 1 M.
none restent inchangées (solutions diluées), le potentiel de l’élec-
trode plongée dans une solution de quinhydrone (aQ = aH2Q )
Remarque : on peut noter que le système quinone/hydroqui-
devient :
none sert à étalonner des capteurs industriels comprenant une
électrode de référence couplée à une électrode de verre et une
RT électrode de platine afin de mesurer simultanément pH et
E = E 0 + 2, 3 lg aH+
F potentiel.
avec E0 = 0,70 V/ENH (électrode normale à hydrogène).
Ce système fonctionne donc comme une électrode indicatrice 1.2.2.2 Électrode à antimoine
des ions hydrogène.
Elle est constituée par un barreau d’antimoine métallique plon-
b) Réalisation geant directement dans la solution dont on désire mesurer le pH.

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___________________________________________________________________________________________________________________ POTENTIOMÉTRIE

a) Principe de la mesure
L’antimoine n’est pas un métal suffisamment noble pour qu’il ne
soit pas oxydé par l’oxygène présent en solution ; il se recouvre Câble conducteur blindé
superficiellement d’une mince couche d’oxyde Sb2O3. L’ensemble
constitue une électrode indicatrice de pH, car à l’équilibre
électrochimique :

Sb 2O 3 ↓+ 6 H+ + 6 e− % 2 Sb ↓+ 3 H2O
correspond le potentiel d’électrode : Tube de verre isolant

RT
E = E 0 + 2, 3 lg aH+ (5)
F
Blindage
puisque l’activité des espèces solides Sb2O3 et Sb est égale à
l’unité. Associée à une électrode de référence, elle permet de
mesurer le pH des solutions. Électrode de référence interne
b) Réalisation
Solution interne
Bien qu’a priori facile à réaliser, la fabrication d’une électrode à
antimoine dont le potentiel varie selon la relation théorique (5) pré- Mince paroi de verre indicatrice
sente quelques difficultés. Elles sont liées à la nature cristalline du du pH (10–3 à 10–1 mm)
métal (selon qu’il est coulé, déposé électrochimiquement, brut,
poli, etc.) et à la manière dont est produit l’oxyde Sb2O3 (oxyda-
tion chimique par l’oxygène dissous, oxydation électrochimique, Figure 1 – Électrode de verre indicatrice du pH
incorporation initiale avec l’antimoine fondu, etc.). Il en résulte que
le potentiel normal E0 de la relation (5) fluctue et que le système
électrochimique n’est pas totalement réversible (pente de la droite
d’étalonnage).
L’électrode n’est utilisable que dans un domaine restreint de pH.
Électrode de verre Électrode de référence
Elle ne peut être utilisée en milieu très acide (pH < 2) par suite de
la solubilisation de l’oxyde Sb2O3 (en SbO+) et en milieu basique
(pH > 8) par suite de sa redissolution (en SbO −2 ). Électrode Électrolyte Électrolyte
Référence
de référence référence Verre Solution référence
externe
L’électrode ne fonctionne également plus correctement en pré- interne interne externe
sence d’oxydants de l’antimoine ou de réducteurs de l’oxyde. Il en
est de même en présence de tampons de pH dont la base forme E
des complexes avec l’antimoine(III) (tartrate, citrate, oxalate,
borate, etc.). On peut par contre utiliser les tampons phtalate,
phosphate et carbonate.
Ecel
En revanche, l’électrode à antimoine présente un certain nombre
d’avantages : rapidité de réponse (quelques minutes), simplicité de
Eref,e
préparation, utilisation à haute température, bonne réponse dans
des milieux où les électrodes à hydrogène, à quinhydrone et de Eref,i
verre ne conviennent pas (présence de CN–, S2–, milieu fluorhy-
Ej
drique, etc.). Elle est recommandée pour des mesures industrielles EM,e
en continu ne nécessitant pas une extrême précision. EM,i

1.2.3 Électrode de verre


L’électrode de verre qui doit son nom au fait qu’un potentiel de
membrane (cf. [P 2 115, § 5.2]) relié au pH se développe de part et
d’autre d’une mince paroi de verre est maintenant le moyen le Eref,i potentiel de l'électrode de référence interne
plus commode de mesurer l’acidité d’une solution. (très souvent Ag, AgCl, Cl–)

1.2.3.1 Principe Eref,e potentiel de l'électrode de référence externe

L’électrode de verre est constituée d’une membrane d’un verre Ej potentiel de jonction ionique entre la solution électrolytique
spécial qui sépare une électrode de référence interne plongeant de l'électrode de référence externe et la solution de pH inconnu
dans une solution de pH fixé, de la solution de pH inconnu dans
laquelle le dispositif est plongé (figure 1). Pour obtenir une indica- EM,i potentiel de membrane entre la solution électrolytique
tion de potentiel qui soit reliée au pH après étalonnage, on couple de l'électrode de référence interne et la face interne
de la membrane de verre
l’électrode de verre avec une électrode de référence de potentiel.
On réalise ainsi une chaîne galvanique telle que représentée EM,e potentiel de membrane entre la solution à mesurer (de pH
figure 2. inconnu) et la face externe de la membrane de verre

Ecel différence de potentiel mesurée pour la chaîne potentiométrique


Remarque : la majorité des « électrodes de verre » vendues correspondante
dans le commerce sont en fait des électrodes de pH
combinées, couplant l’électrode de verre elle-même, avec une
électrode de référence de potentiel. Figure 2 – Mesure du potentiel de membrane, relié au pH,
avec une électrode de verre

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POTENTIOMÉTRIE __________________________________________________________________________________________________________________

Il a été observé puis démontré que lorsque deux solutions d’acti- comportent pas de façon rigoureusement identique vis-à-vis d’une
vité aH+ différentes baignent les deux faces d’une fine membrane solution de même activité aH+ (E M,i ≠ E M,e ) .
de verre, il apparaît une différence de potentiel de membrane telle
que : Le potentiel d’asymétrie varie lentement au cours du temps
(aucune incidence sur les mesures classiques) et augmente
lorsque l’électrode vieillit. Il peut être mesuré en utilisant une élec-
RT (a + )
∆E M = 2, 3 lg H 1 (6) trode de référence externe sans jonction ionique, identique à l’élé-
F (aH+ ) 2 ment de référence interne, comme dans la chaîne
potentiométrique suivante :
Lorsqu’on interpose cette fine membrane dans une chaîne
potentiométrique telle que celle représentée figure 2, on a :
Ag, AgCl, H2PO4– / HPO2–
4 (pH = 7) Verre H2PO4– / HPO2– 4 (pH = 7), AgCl, Ag
 
 
Électrode de verre Électrode de référence
E cel = E ref ,e + E j + ∆E M + E ref ,i
En pratique, l’utilisation d’une électrode de référence externe
soit : avec jonction ionique rajoute un potentiel de jonction liquide Ej au
potentiel d’asymétrie qu’il devient impossible de mesurer seul.
RT RT RT b) Réponse de l’électrode
E cel = E ref
0
,e − 2 , 3 lg (aCl− ) e + E j + 2, 3 lg (aH+ ) e − 2, 3 lg (aH+ )i
F F F Elle correspond à la relation de proportionnalité linéaire (8) entre
R T le potentiel mesuré et le pH de la solution, à une température don-
+ E ref
0 − 2, 3
,i lg (aCl− )i
F RT
née. Quelques valeurs du coefficient de proportionnalité 2, 3
avec E0 potentiels normaux des éléments de référence interne et F
externe, sont rappelées en [P 2 115, tableau 3]. En réalité, bien que la
réponse soit linéaire dans un large domaine (pH 1 à 10) pour les
aCl− activité des ions chlorure dans chacun de ces éléments. verres au sodium, la pente expérimentale Pe s’éloigne parfois légè-
Ainsi : rement (par défaut) de la valeur théorique Pt dans le cas d’une
électrode neuve (Pe = 0,995 Pt par exemple) mais parfois beaucoup
 0 RT (a − ) RT  RT plus dans le cas d’une électrode usagée (jusqu’à Pe = 0,75 Pt).
E cel =  ∆Eref + E j + 2, 3 lg Cl i + 2,3
3 pHi  − 2, 3 pHe (7)
 F (aCl− )e F  F Pour remédier à cet inconvénient, il suffit d’effectuer un étalon-
nage avec deux tampons d’acidités différentes (dans la gamme de
d’où : linéarité de l’électrode et si possible encadrant le pH de la solution
à mesurer). Les appareils modernes à logiciel intégré calculent la
RT valeur de la pente réelle et l’utilisent pour calculer le pH des solu-
E cel = Ct e − 2, 3 pH (8)
F tions inconnues.
c) Influence de la température
1.2.3.2 Caractéristiques
Lorsqu’on trace les droites d’étalonnage d’une électrode de
Il existe sur le marché plusieurs catégories d’électrodes de verre verre à différentes températures, on obtient un faisceau de
qui se différencient, soit par la nature de l’électrode de référence courbes telles que celles représentées figure 3b qui, toutes
interne, soit par la composition de la solution de remplissage, soit passent par un même point, appelé point isopotentiel, défini par
par celle de la membrane de verre. Ces trois éléments les coordonnées Eiso, pHiso.
conditionnent les caractéristiques propres d’une électrode de Le potentiel de ce point correspond à :
verre.
L’électrode de référence interne est dans la majorité des cas E iso = E cel = ∆E ref
0 +E
j (9)
constituée par le système électrochimique Ag/AgCl (cf. [P 2 115,
§ 4.3]). Le fil d’argent chloruré plonge dans une solution de rem- de la formule (7) pour pHi = pHe et (aCl− )i = (aCl− ) e .
plissage interne comportant une concentration fixée d’ions Cl–.
Cette solution contient en outre un tampon d’acidité afin de fixer Si les systèmes de référence externe et interne de l’électrode de
l’activité des ions H+. Pour la quasi-totalité des électrodes 0 = 0 et E
verre sont identiques, ∆E ref iso est alors égal au potentiel de
commercialisées, le pH de la solution interne est 7.
jonction ionique Ej.
La composition du verre influe de façon déterminante sur les
performances de l’électrode. À côté des verres au sodium qui Comme il a été signalé précédemment, un potentiel d’asymétrie
constituent les électrodes les plus classiques (et ont une se rajoute aux potentiels mesurés. Il est égal à la valeur de
composition voisine du premier verre utilisé pour cette fonction l’expression :
(SiO2 72,3 %, Na2O 21,3 %, CaO 6,4 %), on trouve différentes
compositions de verre destinées à procurer à l’électrode de verre RT (a + )
∆E M = 2, 3 lg H i
des performances acceptables dans certaines conditions extrêmes. F (aH+ ) e
Pour cela, on incorpore au verre, selon les cas, différents éléments
en proportions variables, par exemple Li2O, BaO, La2O3, etc. qui, pour (aH+ )i = (aH+ ) e n’est pas nulle.
a) Potentiel d’asymétrie Pour une électrode de verre à remplissage interne à pH = 7, la
Si les deux parois d’une membrane de verre séparent deux valeur de pHiso est inférieure (ou supérieure) à pH = 7 (cf.
figure 3b).
solutions aqueuses de même activité d’ions H+, la différence de
potentiel de membrane doit être nulle selon la relation (6). En réa- Une électrode de verre idéale répondrait selon les courbes de la
lité, ce n’est bien souvent pas le cas. On appelle potentiel d’asymé- figure 3a.
trie la différence de potentiel qui apparaît lorsque deux solutions La connaissance des coordonnées du point isopotentiel est
de même activité d’ions H+ baignent les deux parois de la mem- nécessaire pour pouvoir étalonner un pH-mètre à une température
brane de verre. Il provient du fait que les deux parois de la mem- et l’utiliser à toute autre température en corrigeant simplement la
brane de verre qui fonctionne comme un échangeur d’ions ne se valeur de la pente de l’électrode. Mais, dans la pratique, on ne

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P2117

Potentiométrie
Dosages et titrages.
Caractéristiques analytiques

par Gérard DURAND


Professeur honoraire à l’École centrale de Paris

1. Dosages potentiométriques .................................................................. P 2 117 - 2


1.1 Généralités.................................................................................................... — 2
1.2 Méthodes utilisables .................................................................................... — 3
1.3 Mesures en continu ..................................................................................... — 5
2. Titrages potentiométriques ................................................................... — 6
2.1 Généralités.................................................................................................... — 6
2.2 Allure des courbes de titrage ...................................................................... — 7
2.3 Localisation du point final de la réaction ................................................... — 13
3. Caractéristiques analytiques des déterminations
potentiométriques.................................................................................... — 17
3.1 Domaines d’application ............................................................................... — 17
3.2 Sélectivité ..................................................................................................... — 17
3.3 Sensibilité, limite de détection.................................................................... — 18
3.4 Précision ....................................................................................................... — 18
4. Matériels ..................................................................................................... — 18
4.1 Électrodes pour mesures potentiométriques ............................................ — 18
4.2 Appareillages................................................................................................ — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 117

près le rappel des principes généraux de mise en œuvre de la


A potentiométrie [P 2 115v2] et la description des différentes électrodes
indicatrices permettant la mesure du pH ou de la concentration d’ions et de
molécules [P 2 116], ce fascicule est consacré aux deux grandes méthodes
de mesure potentiométrique : dosages potentiométriques et titrages
potentiométriques.
Utilisés souvent l’un pour l’autre, les deux termes ne sont pas synonymes.
Un dosage implique un étalonnage préalable, la mesure consistant à comparer
la valeur de la solution inconnue par rapport à une droite d’étalonnage établie
avec des concentrations connues de l’espèce à mesurer. Dans cette opération
la solution inconnue ne subit aucune modification de composition, l’électrode
y ayant été introduite simplement pour mesurer le potentiel. Un titrage
consiste au contraire à effectuer une modification de la composition de la solu-
tion inconnue. On y réalise une réaction chimique par l’intermédiaire d’un
réactif titrant dont le titre (la concentration) est connu. L’exploitation de la
courbe de titrage (variation du potentiel en fonction du volume de réactif
Parution : décembre 2010

titrant ajouté) permet de calculer la concentration de la solution inconnue.

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P2117

POTENTIOMÉTRIE __________________________________________________________________________________________________________________

Les caractéristiques de mise en œuvre et d’exploitation des dosages poten-


tiométriques seront décrites. La courbe d’étalonnage nécessaire pour effectuer
un dosage potentiométrique suppose que celle-ci soit établie avec des solu-
tions de composition proche de celle de la solution inconnue pour ce qui
concerne les espèces autres que celle à mesurer. Or cela n’est pas toujours
possible, en particulier avec des milieux complexes (biologiques par exemple).
Dans ces conditions, il y a lieu d’opérer par une méthode d’ajouts dosés afin
de prendre en compte les interférences éventuelles. Outre les mesures ponc-
tuelles, l’un des avantages des dosages potentiométriques est qu’ils autorisent
le contrôle en ligne. Il est alors très aisé de disposer un (ou plusieurs) capteurs
potentiométriques dans le flux liquide dont il s’agit de contrôler la composition
en continu (contrôle des eaux de rivière par exemple).
Ainsi qu’il a été rappelé plus haut les titrages potentiométriques impliquent
de réaliser une réaction en solution pour déterminer le titre (la concentration)
de la solution inconnue. Il est alors envisageable, selon le cas, de mettre en
œuvre une réaction acido-basique, d’oxydoréduction, de complexation, de pré-
cipitation. La plupart du temps ces réactions sont suivies par titrage
potentiométrique à courant nul. Dans quelques cas particuliers, il est faisable
de suivre un titrage par potentiométrie à courant imposé : cette technique pré-
sente l’avantage d’être « rustique » et de ne nécessiter qu’un investissement
minimal et très faible.
Le problème majeur des titrages potentiométriques est la localisation du
point équivalent de la réaction, au travers duquel sera calculée la concentration
de la solution inconnue. Correspondant à un point singulier de la courbe de
titrage, les logiciels le plus souvent associés aux titrimètres correspondants
sont capables de repérer ce point par une dérivation (première ou seconde) de
la courbe. Il y a lieu cependant de s’assurer que la courbe est exploitable et
que le point final (expérimental) repéré par l’appareil correspond au point équi-
valent (théorique) de la réaction (avec une précision donnée). La puissance des
outils d’exploitation des courbes ne peut que s’ajouter à l’analyse critique
préalable des conditions de la mesure, effectuée par l’expérimentateur. Dans
les cas les plus simples, le repérage du point final de la courbe peut être
effectué par une méthode graphique. Parfois l’utilisation d’indicateurs poten-
tiométriques permet de suivre certaines réactions qui sans eux ne seraient par
exploitables.
Pour terminer, une revue des principales caractéristiques analytiques des
mesures potentiométriques sera effectuée, ainsi que celle des matériels, élec-
trodes et appareillages, disponibles.

1. Dosages fait l’acquisition du couple ionomètre-électrode sélective adaptés,


mais utiles dans certains cas.
potentiométriques Comme les pH-mètres, les ionomètres sont en réalité des milli-
voltmètres électroniques qui permettent de lire directement la
concentration X (ou la valeur de pX) de l’ion à mesurer. Les
mêmes précautions qui ont été énoncées quant aux conditions de
1.1 Généralités correspondance mV/pH (cf. [P 2 116], § 1.1.2) sont également vala-
bles pour la correspondance mV/pX.
On appelle dosage potentiométrique, ou encore potentiométrie
directe, toute méthode de détermination de concentration fondée Si tous les ionomètres possèdent une entrée de haute impé-
sur l’exploitation de la relation de Nernst reliant le potentiel d’une dance (> 1012 Ω), tous n’en possèdent pas nécessairement une
électrode à l’activité de l’espèce en solution. Selon la manière seconde qui peut être nécessaire si l’on utilise comme électrode de
d’exploiter la correspondance logarithmique entre ces deux gran- référence une électrode de verre (dans une solution dont le pH est
deurs, on définit plusieurs méthodes de dosage. Avant d’exposer invariable au cours de la mesure).
ces dernières, il convient de rappeler quelques généralités sur Il faut également prendre garde d’opérer dans les limites de
l’appareillage à utiliser. Ces rappels peuvent être superflus si l’on réponse nernstienne de l’électrode.

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1.2 Méthodes utilisables rement la concentration inconnue [X], à partir de la valeur du


potentiel de cellule Ecel mesuré entre l’électrode de référence et
une électrode indicatrice appropriée.
1.2.1 Exploitation directe de la relation de Nernst
Dans la pratique, les appareils actuels s’étalonnent directement
On plonge les deux électrodes (référence + indicatrice), ou l’élec- en pX = f (lg CX). De plus, il est souvent inutile de tracer la droite
trode combinée, reliées à l’appareil de mesure dans la solution d’étalonnage ; celle-ci est calculée directement par l’appareil à par-
inconnue et l’on mesure la fém de la cellule galvanique correspon- tir de la mesure effectuée pour au moins trois solutions de
dante, soit : concentrations connues et reste en mémoire dans l’appareil.
E cel = Eind + Eref + E j (1) Malgré la simplicité de la mesure, un certain nombre de précau-
tions doivent être prises.
Malheureusement la détermination de :
Il convient tout d’abord d’établir la droite d’étalonnage avec des
Eind = E cel − (Eref + E j ) (2) solutions dont la composition de base est aussi proche que
possible de la solution inconnue (nature et concentration de l’élec-
est entachée de l’incertitude sur la valeur du potentiel de jonction trolyte, du tampon, etc.), exclusion faite de l’espèce à mesurer.
Ej qui se développe à l’interface électrode de référence/solution. Cela a pour but de s’affranchir d’une variation éventuelle du coeffi-
cient d’activité de l’espèce entre l’étalonnage et la mesure puisque
D’autre part dans l’expression de Eind : l’on mesure l’activité et que l’on cherche à obtenir la
concentration. De plus, dans le cas où l’espèce mesurée n’est pas
RT totalement libre, mais partiellement complexée, il est obligatoire,
Eind = E 0 ′ + 2, 3 lg aX
F si l’on veut utiliser une droite d’étalonnage, que cette dernière ait
été obtenue dans des conditions identiques. Enfin, en procédant
avec aX activité du monocation X, ainsi, on maintient constant entre l’étalonnage et la mesure le
on ne connaît pas avec précision la valeur du potentiel normal E0′. niveau des interférences.
De sorte que la grandeur cherchée [X] (équivalente à aX dans le Il est important de rappeler que les électrodes mesurent les acti-
meilleur des cas), donnée par l’expression : vités des espèces libres et non la totalité de l’espèce présente en
0′ −E
solution. Si l’espèce dont on désire mesurer l’activité (la
aX = 10(E cel −Eref −E j )F / 2,3 RT (3) concentration) est complexée, l’électrode n’indiquera que la partie
libre de l’espèce correspondante.
n’est connue qu’avec une certaine approximation, parfois suffi-
sante pour une première évaluation, mais certainement pas pour Ainsi une électrode sélective du cuivre indiquera la totalité de
une mesure précise. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer cuivre présent en solution (10–3 M par exemple) si le milieu est
qu’une incertitude (ou une variation) de 1 mV sur n’importe lequel non complexant (NaNO3 10–1 M + HNO3 10–3 M par exemple) alors
des potentiels de l’expression (3) entraîne une erreur d’environ 4 %
sur la valeur de aX (8 % s’il s’agit d’un ion portant deux charges). que la même solution à laquelle aura été ajouté de l’ammoniac en
excès (1 M par exemple) n’indiquera plus que la fraction libre (très
petite, ≈ 10–16 M) du cuivre (Cu2+), la majeure partie étant sous
1.2.2 Méthode de la cellule de concentration forme de complexes aminés Cu(NH3 )n2+ .
Il s’agit d’une méthode comparative. On opère avec deux
cellules électrochimiques identiques, l’une contenant la substance
à déterminer (activité ai ), l’autre une concentration connue de Remarque : il ne faut pas confondre limite de détection d’une
cette dernière (activité a0). La différence de potentiel entre ces électrode à membrane et concentration minimale mesurable.
deux cellules est : La limite de détection d’une électrode à membrane
commerciale est voisine de 10–7 M. Cette valeur signifie qu’une
RT a
∆E cel = 2, 3 lg i + ∆E j (4) telle électrode n’est plus indicatrice du cuivre si la
zF a0 concentration totale du cuivre en solution est inférieure à
10–7 M. Par contre dans l’exemple précédent, en présence
Si l’on opère à force ionique fixée et identique dans chaque d’ammoniac en excès, et pour une concentration totale de
cellule, la différence ∆Ej des potentiels de jonction est proche de cuivre en solution égale à 10–3 M, l’électrode est capable de
zéro et les coefficients d’activité sont très voisins. On a alors : mesurer de très faibles concentrations de cuivre libre en pré-
sence d’ammoniac. En effet, si l’on admet en première approxi-
RT C mation que seul le complexe 1:4 se forme, on a :
∆E cel = 2, 3 lg i (5)
zF C0
[Cu (NH3 ) 42+ ]
pour obtenir la concentration Ci cherchée, il suffit de faire varier C0 [Cu 2+ ] = , soit [Cu 2+ ] = Cte × [Cu (NH3 ) 42+ ]
par ajouts successifs de quantités connues jusqu’à obtenir
β 4 [NH3 ]4
∆Ecel = 0. On a alors Ci = C0.
(cf. [P 2 116], § 2.2.3.1 a) et figure 12 pour une électrode à
Cette méthode est particulièrement bien adaptée à la détermina- membrane indicatrice de l’argent).
tion de traces de substances dans de faibles volumes. Ainsi, on a
pu doser 0,38 ng de fluorure dans 10 µL de solution, avec une
erreur de 0,5 %, et de même 0,054 µg d’argent dans 100 µL avec Il faut établir l’étalonnage dans la zone de concentration où la
2 % d’erreur. réponse de l’électrode est nernstienne et de préférence linéariser
les points expérimentaux en calculant la droite des moindres car-
1.2.3 Méthode de la droite d’étalonnage rés. La plupart des appareils modernes calculent automatiquement
cette droite. Dans le domaine de réponse non nernstienne, particu-
C’est la méthode la plus fréquemment utilisée [1]. Avec des solu- lièrement au voisinage de la limite de détection, on procède plutôt
tions de concentrations connues croissantes de l’espèce X, on par interpolation avec des solutions d’activités aussi voisines que
trace la droite Ecel = f (lg CX). Celle-ci permet de connaître ultérieu- possible de la solution inconnue.

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L’appareil ayant enregistré les valeurs de potentiel correspon- lorsqu’on utilise certaines électrodes à membrane. Dans les
dant aux solutions étalons, il affiche ensuite la grandeur cherchée conditions du dosage de l’argent cité plus haut, une variation de
pour la solution inconnue (concentration, pH ou pX). Pour les iono- 1 mV de la valeur de S entraîne une erreur de 3,2 % ; malheureuse-
mètres, comme pour les pH-mètres, la réponse est fonction de la ment, il arrive souvent que la pente expérimentale s’écarte beau-
température. Il est donc important de prendre les mêmes précau- coup de la valeur théorique. Dans ces conditions, l’erreur peut
tions pour l’étalonnage et la mesure. L’utilisation d’une sonde de devenir très importante (pour ∆S = 5 mV, erreur de 11 %). Pour
température permet d’effectuer les corrections nécessaires pour remédier partiellement à cet inconvénient, il est possible d’évaluer
l’étalonnage et la mesure. la valeur expérimentale de la pente Sex en mesurant la variation
∆E du potentiel de la solution inconnue par dilutions successives.
On a :
1.2.4 Méthode des ajouts dosés
Cette méthode est utilisée principalement lorsqu’il faut détermi- ∆E
Sex =
ner l’activité d’une espèce dans un milieu complexe, dont la V0 + V1
composition est mal connue, de telle sorte qu’il est impossible de lg
V0
préparer des solutions étalons de même composition.
Les cas de solutions biologiques, voire de certaines solutions avec V0 volume initial,
industrielles relèvent de cette méthode. V1 volume d’eau ajouté.
Une exploitation par régression linéaire des valeurs de ∆E mesu-
1.2.4.1 Méthode du simple ajout
rées peut permettre d’obtenir une assez bonne évaluation de Sex .
Dans ce cas, on effectue deux mesures de potentiel, avant (E1) et
après (E2) addition d’un volume VS d’une solution étalon (de 1.2.4.2 Méthode des ajouts multiples
concentration CS connue de l’espèce à déterminer) au volume ini-
tial V0 de la solution inconnue (de concentration C0). Dans les deux Afin de remédier au double inconvénient d’une incertitude sur la
cas, le potentiel est donné par les expressions suivantes : valeur de la pente et d’un calcul de concentration à partir de deux
points, il est possible de faire plusieurs ajouts à la solution initiale.
RT En opérant tout d’abord par la méthode du double ajout, il est
E 1 = E 0 ± 2, 3 lg γ 1C0 (6)
zF possible de calculer la concentration inconnue sans avoir à
connaître la valeur de la pente de l’électrode.
RT (C V + CSVS) Après avoir mesuré le potentiel initial (E1) donné par
E 2 = E 0 ± 2, 3 lg γ 2 0 0 (7) l’expression (6) et ajouté une quantité connue (CSVS) de la solution
zF V0 + VS
étalon [potentiel E2 , expression (7)], un autre ajout de la même
En admettant que la force ionique ne varie pas lors de l’ajout, quantité CSVS est effectué. Le potentiel E3 correspondant est
donné par la relation :
RT
γ1 = γ2 . En appelant S = 2, 3 la pente de l’électrode, la variation
zF RT (C V + 2 CSVS)
de potentiel provoquée par l’ajout est : E 3 = E 0 ± 2, 3 lg γ 3 0 0 (11)
zF (V0 + 2 VS)
C 0V0 + C SVS
∆E = S lg (8) Si, comme précédemment, il est admis que, à force ionique
(V0 + VS ) C 0
fixée, γ1 = γ2 = γ3, la variation du potentiel ∆E3 = E3 – E1 correspond
à l’expression :
d’où :

CSVS VS CS C 0V0 + 2 C SVS


C0 = = (9) ∆E 3 = S lg (12)
∆E V0 + VS ∆E (V0 + 2 VS ) C 0
V0
(V0 + VS) 10 S − V0 10 S −
V0 + VS Comme ∆E2 est donné par la relation (8), on a :
Dans le cas particulier où la solution ajoutée est très concentrée
C 0V0 + 2 C SVS
par rapport à la solution initiale, VS Ⰶ V0 , et l’expression (9) devient lg
alors : ∆E 3 (V0 + 2 VS ) C 0
R= = (13)
∆E2 C V + C SVS
lg 0 0
C SVS (V0 + VS ) C 0
C0 = ∆E
(10)
V0 (10 S − 1) La valeur de la concentration C0 cherchée peut être déduite de la
relation précédente après avoir mesuré le rapport R. La résolution
Le calcul de la concentration inconnue C0 à partir des de la relation (13) pour obtenir C0 s’effectue par une méthode de
expressions (9) ou (10) nécessite la mesure de ∆E, V0 et VS et la calcul itérative.
connaissance de CS et S. S’il est possible de connaître avec grande
Une variante plus fréquemment utilisée de cette méthode
précision les volumes V0 et VS et la concentration CS de la solution
consiste à effectuer des ajouts multiples pour déterminer graphi-
étalon, il n’en est pas de même pour ∆E et S. La mesure de la dif-
quement la concentration de la solution inconnue à partir de nom-
férence de potentiel ∆E peut être entachée d’une certaine impréci-
breux points expérimentaux.
sion et de même la valeur de la pente S peut être connue avec
incertitude. À la quantité C0V0 de l’espèce à déterminer sont ajoutées des
Ainsi une variation de 1 mV de ∆E lors du dosage de l’argent par quantités successives C SVS′ de la solution étalon ; cela se traduit
cette méthode (dans les conditions suivantes : V0 = 100 mL, par une variation de potentiel. En appelant ∆E l’écart mesuré entre
VS = 1 mL, CS = 10–2 M, S = 0,06 V) entraîne une erreur d’environ le potentiel relevé après l’un quelconque des ajouts et le potentiel
8 % sur la détermination du titre. initial, et VS (VS = ΣVS′ ) le volume total de solution étalon ajouté, la
Mais la plus grande cause d’erreur provient très souvent de la relation (8), qui demeure valable dans ce cas, peut être exploitée
méconnaissance de la valeur exacte de la pente S, surtout graphiquement pour obtenir C0.

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P2175

Chronopotentiométrie

par Gérard PICARD


Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS),
Laboratoire d’Électrochimie et de chimie analytique, École nationale supérieure de chimie
de Paris.
Fouad CHOUAIB
Maître de conférences à l’université de Paris-sud (Paris-XI)
Sylvie SANCHEZ
Chargée de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS),
Laboratoire d’Électrochimie et de chimie analytique, École nationale supérieure de chimie
de Paris.

1. Bases théoriques ...................................................................................... P 2 175 - 3


1.1 Signal d’excitation et réponse .................................................................... — 3
1.2 Profils de concentration des espèces électroactives.
Temps de transition. Équation de Sand..................................................... — 3
1.3 Expressions analytiques des chronopotentiogrammes et critères
de réversibilité ............................................................................................. — 5
2. Applications analytiques ....................................................................... — 8
2.1 Principes. Généralités.................................................................................. — 8
2.2 Analyse chimique ........................................................................................ — 9
2.3 Caractérisation d’une électrode.................................................................. — 10
2.4 Caractérisation d’un dépôt.......................................................................... — 11
2.5 Propriétés thermodynamiques d’un alliage et coefficients
d’interdiffusion............................................................................................. — 12
2.6 Natures et stabilités de complexes en milieux réactionnels.................... — 15
2.7 Mécanismes réactionnels ........................................................................... — 16
3. Acquisition et gestion des données ................................................... — 20
3.1 Mesures et appareillages ............................................................................ — 20
3.2 Traitement informatique des données....................................................... — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 175

es techniques électroanalytiques font intervenir essentiellement trois gran-


L deurs (ou une fonction qui en dérive, par exemple l’impédance électrochi-
mique) qui sont le courant i, le potentiel E et le temps t. Etymologiquement, la
chronopotentiométrie est une mesure du potentiel E en fonction du temps t.
Cependant, d’après les recommandations de l’IUPAC (International union of
pure and applied chemistry), elle se limite aux techniques pour lesquelles :
— d’une part, le signal d’excitation i est constant ou variable avec le temps t
(tout au moins lors d’une première impulsion dans le cas de trains d’impulsions)
et non nul (ce qui implique au moins une réaction électrochimique) ;
— et d’autre part, le transfert de matière est assuré par la seule diffusion.
Ceci exclut les techniques de potentiométrie et de titrages potentiométriques à
courant nul, et à courant constant en cas de régime de diffusion forcée (agitation
de la solution).
Dans le cas considéré, c’est-à-dire dans celui de l’existence d’une réaction élec-
trochimique en régime de diffusion pure, la modification transitoire des espèces
Parution : mars 2003

électro-actives qui en résulte entraîne une variation temporelle de la réponse à


toute excitation électrique appliquée à l’électrode indicatrice.

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CHRONOPOTENTIOMÉTRIE _______________________________________________________________________________________________________________

Tem
ps t

Courant i
Courant i

n E
Tensio
Vitesse
ion E
Voltamétrie Tens
à balayage linéaire
Voltamétrie i on E
à échantillonnage Tens
du courant Te
m ps
(à temps constant)
t

Chronopotentiométrie
(à temps constant)
Temps de transition

Figure A – Représentation tridimensionnelle (i-E-t) des réponses obtenues par diverses


techniques électrochimiques

Il est possible – comme l’a montré précédemment Reinmuth [4] – de visualiser


en trois dimensions cet aspect. La figure A fournit en effet la relation qui existe
entre les trois grandeurs fondamentales : courant i, tension E et temps t (ce dia-
gramme a été tracé dans le cas général d’un système électrochimique rapide
correspondant à la réduction d’une espèce oxydante – Ox – soluble en une autre
espèce soluble). Elle permet de faire la liaison entre les différentes techniques
électrochimiques faisant intervenir un signal d’excitation monotone.
C’est ainsi par exemple que la chronopotentiométrie à courant constant
conduit à des réponses E = f(t) – appelées chronopotentiogrammes – obtenues
par l’intersection de la surface (en bleu sur la figure A) par un plan horizontal.
Ces chronopotentiogrammes sont indiqués en pointillés, et projetés sur le plan
tension-temps, sur lequel on met en évidence l’existence du « temps de
transition » τ (cf. § 1.2, équation (10)).
Une intersection de cette surface par un plan parallèle au plan courant-tension
(plan vertical) définit les réponses obtenues en voltamétrie à échantillonnage du
courant (à temps constant), tout à fait analogues aux courbes courant-tension
obtenues en régime de diffusion convective (voltamétrie). Les réponses relatives
à la voltamétrie à balayage linéaire (i = f(t)) s’obtiennent par l’intersection de la
surface (i, E, t) par un plan oblique dont l’angle avec le plan courant-tension
définit la vitesse de variation de la tension. D’une façon analogue, la chronopo-
tentiométrie à variation linéaire du courant fournit des chronopotentiogrammes
dont l’allure est fournie par l’intersection de la surface (i, E, t) par un plan oblique
dont l’angle avec le plan courant-tension définit la vitesse de variation du cou-
rant.
Nous verrons dans le paragraphe 1 que les signaux d’excitation peuvent être
cycliques ou périodiques. Dans le cas de signaux périodiques rapides, la techni-
que de chronopotentiométrie est alors à rapprocher de celle de la spectroscopie
d’impédance à courant alternatif imposé.
Enfin, la chronopotentiométrie est à comparer aux techniques coulostatiques
qui font appel à une intégration du courant, ces techniques étant souvent mêlées
dans le cas d’applications particulières comme nous le verrons aux paragraphes
2.4 et 2.5.

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______________________________________________________________________________________________________________ CHRONOPOTENTIOMÉTRIE

1. Bases théoriques Les conditions aux limites sont :

C Ox ( x, 0 ) = C ° Ox C Red ( x, 0 ) = C ° Red 
 (3)
C Ox ( ∞, t ) = C ° Ox C Red ( ∞, t ) = C ° Red 
1.1 Signal d’excitation et réponse
En supposant que le courant capacitif est toujours très inférieur
au courant faradique (cf. § 2.1), la première loi de Fick est vérifiée à
La chronopotentiomé trie s’ est considé rablement dé veloppé e l’interface (x = 0), et le flux de matière est alors relié au courant
depuis que l’ é lectronique et l’ informatique permettent d’ une part imposé par la relation :
d’ obtenir aisé ment des signaux d’ excitation varié s, et d’ autre part
une analyse fi ne de leurs ré ponses. Le tableau 1 rassemble les
signaux d’ excitation les plus couramment utilisé s ainsi que les chro-
nopotentiogrammes correspondants. ∂ C Ox ( x, t ) i(t)
D Ox ----------------------------- = ----------- (4)
∂x x=0
nFS
La chronopotentiomé trie à courant imposé monotone (courant
constant ou programmé ) est largement utilisé e à des fi ns d’ analyses
(§ 2.1 et § 2.2), de caracté risation d’ é lectrode, de dé pô t (§ 2.3 et avec n nombre d’électrons,
§ 2.4) ou de solutions (§ 2.6), et d’ é tude des mé canismes ré ac-
F constante de Faraday (F = 96 487 C).
tionnels (§ 2.7). Les techniques à courant cyclique ou alternatif
(é chelons de courant ou courant sinusoï dal) sont essentiellement Nota : l’interface d’une électrode métallique au contact d’un électrolyte se comporte
appliqué es à l’étude de systèmes complexes et à la caractérisation comme une capacité ; il s’ensuit que l’ensemble de l’électrolyte et de l’interface constitue
un circuit RC (R résistance, C capacité) qui amortit les variations rapides de potentiel.
des étapes électrochimiques – mises en évidence d’intermédiaires
solides ou solubles (§ 2.7). Enfin, les trains d’impulsions avec des D’autre part l’expression d’un flux stationnaire des espèces oxy-
temps de relaxation plus importants que ceux des échelons de cou- dante (Ox) et réductrice (Red) à l’électrode s’écrit :
rant, ont des applications plus ciblées telles que la détermination
des propriétés thermodynamiques et des coefficients d’interdiffu-
sion d’alliages (§ 2.5).
∂ C Ox ( x, t ) ∂ C Red ( x, t )
D Ox --------------------------- + D Red ----------------------------- = 0 (5)
∂x x=0 ∂x x=0

1.2 Profils de concentration des espèces


électroactives. Temps de transition. ■ Concentrations à l’électrode
Équation de Sand L’intégration des équations (1) et (2) en tenant compte des condi-
tions aux limites (3) de la première loi de Fick (4) en se plaçant dans
les conditions d’un flux stationnaire à l’électrode (5) permet d’obte-
■ Résolution des équations de diffusion (lois de Fick) nir les profils de concentration de l’oxydant et du réducteur :

Dans ce qui suit, on prendra l’exemple d’une réduction correspon- C Ox ( x, t )


dant à la réaction électrochimique :
 
i ( t )  D Ox t x2 
= C ° Ox – -----------------------  2 ------------ exp  – ----------------- – x ⋅ erfc x
→ Red
Ox + n e – ← nFSD Ox  π
-  4 D Ox t ---------------------  (6)
 2 D Ox t 
avec Ox oxydant (espèce réductible),
C Red ( x, t )
Red réducteur (espèce oxydable).
 
Un courant cathodique d’intensité i (t) est imposé à une électrode i ( t )  D Red t x2 
= C ° Red + -------------------------  2 -------------- exp  – ------------------- – x ⋅ erfc x
plane de surface S plongeant dans une solution contenant l’espèce
nFSD Red  π
-  4 D t -----------------------  (7)
réductible Ox à la concentration C ° Ox et l’espèce oxydable Red à la 
Red 2 D Red t 
concentration C ° Red . Le transport de substance électro-active se fait
par diffusion linéaire semi-infinie. Dans ces conditions, les équa-
tions de diffusion (deuxième loi de Fick) sont applicables : avec erfc (x) complément de la fonction d’erreur erf (x) défini par :

x
2

∂ C Ox ( x, t ) ∂ 2 C Ox ( x, t )
erfc ( x ) = 1 – erf ( x ) = 1 – ----------
2
e –y d y
--------------------------- = D Ox ------------------------------ (1) π1 / 2
∂t ∂ x2 0

Les concentrations à l’électrode (x = 0) s’obtiennent à partir des


∂ C Red ( x, t ) ∂ 2 C Red ( x, t ) équations (6) et (7). Ainsi :
----------------------------- = D Red -------------------------------- (2)
∂t ∂ x2
2 i ( t ) t1 / 2
C Ox ( 0, t ) = C ° Ox – ------------------------------- (8)
avec COx(x, t), CRed(x, t) concentrations de l’oxydant et du nFS D Ox π
réducteur à une distance x de
l’électrode et au temps t,
2 i ( t ) t1 / 2
DOx, DRed coefficients de diffusion de l’oxydant et C Red ( 0, t ) = C ° Red + --------------------------------- (9)
du réducteur respectivement. nFS D Red π

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CHRONOPOTENTIOMÉTRIE _______________________________________________________________________________________________________________

(0)

Tableau 1 – Signaux d’excitation couramment utilisés et réponses électrochimiques


Excitation Réponse

i E

Chronopotentio-
métrie à courant
constant
τ

t t

i E

Chronopotentio-
métrie à courant
programmé

t t

E
i

i1
Chronopotentio-
métrie
à échelon
de courant
t τanodique τcathodique
– i2
t

E
i

i1
Chronopotentio-
métrie cyclique
t
τ1 τ2 τ3 τ4
– i2
t

E
i

Chronopotentio-
métrie à courant
alternatif
t

i E

Chronopotentio-
métrie
répétitive à train
d’impulsions

t t

■ Temps de transition et équation de Sand 1/2


π 1 / 2 nFSD Ox
τ 1 / 2 = ----------------------------------- ⋅ C ° Ox (10)
L’examen de l’équation (8) montre qu’à un instant donné, appelé 2i(t)
temps de transition τ, la concentration de l’espèce oxydante à l’élec- À cet instant, le flux de la substance électrolysée vers l’électrode
trode, COx(0, t), s’annule (courant de réduction) : est insuffisant pour consommer tout le courant imposé de telle sorte

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qu’il se produit un saut de potentiel pour atteindre une valeur telle En combinant les relations (8), (9), (10), (12), (13) et (14) on
qu’une autre réaction électrochimique puisse se produire et puisse obtient :
consommer tout le courant imposé. Cette équation appelée équa-
tion de Sand [5], qui relie le temps de transition, le courant imposé α nF
χ R exp ----------- ( E – E ° )
et la concentration en solution, est à la base d’une grande partie des RT
applications de la chronopotentiométrie, notamment dans le
domaine de l’analyse chimique. t nF  t D Ox C ° Red
= 1 – -- – exp -------- ( E – E ° )  -- ------------ + --------------- (15)
τ RT  τ D Red C ° Ox 
La relation (10) peut également s’écrire :
π D Ox
1/2 1/2
i τ1 / 2 nFSD Ox π avec χ R = ------------------ .
------------- = ----------------------------------- (11) 2k° τ
C ° Ox 2
χR est une constante sans dimension que l’on définit comme étant
définissant ainsi la constante chronopotentiométrique, le cou-
D⁄δ
rant imposé étant généralement constant. le critère de réversibilité analogue au rapport ----------- défini en régime

de diffusion stationnaire (la résolution de l’équation (6) lorsque t
L’ensemble de ces résultats peut être illustré de manière tridimen- tend vers τ et x tend vers l’infini conduit à définir une distance
sionnelle (figure 1) en utilisant les paramètres adimensionnels t/τ,
D Ox τ
C ( x, t ) x
----------------- et λ = -------------- . δ′ = 2 ----------------, analogue à l’épaisseur de la couche de diffusion δ).
π
C° 2 Dt
Toujours par analogie, on dira que le système est rapide si χR est
inférieur à 10−2, lent quand χR est supérieur à 100 et quasi-rapide
La relation de Sand prend une autre forme lorsque le courant
pour les valeurs de χR intermédiaires.
imposé dépend du temps. Par exemple :
— si i(t) = βt, alors τ 3/2 est proportionnel à C ˚Ox [6] (pas d’inté- Dans les cas du système rapide et du système lent, on donne ci-
rêt pratique réel) ; après une relation simplifiée de l’expression (15).
— dans le cas où i(t) = βt1/2, τ est proportionnel à C ˚Ox [7] ■ Cas des systèmes rapide et lent
(générer un tel courant est cependant difficile). −2
● Cas du système rapide : χR < 10

La relation (15) devient :

1.3 Expressions analytiques  


RT  
des chronopotentiogrammes τ1 / 2 – t1 / 2
E = E ° + -------- ln -----------------------------------------------------------------
 (16)
 
et critères de réversibilité nF
 D Ox
 C ° Red 
 t 1 / 2 ------------ + τ 1 / 2  --------------- 
D Red C ° Ox
Le système rédox considéré est (cf. § 1.2) : expression qui est indépendante des paramètres de transfert de
charge k ˚ et α.
Ox + n e– → Red
← Dans le cas particulier pour lequel C ˚Red = 0, on écrit :
Pour un tel système, l’équation qui relie le courant au potentiel est
RT  D  RT
la relation de Butler-Volmer :  τ 1 / 2 – t 1 / 2
E = E ° – ----------- ln  ------------
Ox 
+ -------- ln  ------------------------- (17)
2 nF   nF t1 / 2
i(t) = nFS(kRedCOx(0, t) − kOxCRed(0, t) (12)  D Red
avec kOx et kRed constantes cinétiques de transfert de charge
respectivement dans le sens de l’oxydation À partir de la relation (17), on peut donner les expressions de
et de la réduction. Eτ/4 (potentiel de quart de vague) et de E3τ/4 (potentiel de trois
quart de vague) du potentiel aux temps t = τ/4 et t = 3τ/4. On
Les constantes cinétiques de transfert de charge sont définies obtient donc pour un système rapide et avec C ˚Red = 0 :
par :

( 1 – α ) nF RT D 
k Ox = k °exp ------------------------- ( E – E ° ) (13) E τ ⁄ 4 = E ° – ----------- ln  ------------
Ox 
(18)
RT 2 nF  
 D Red
( – α ) nF
k Red = k °exp ------------------- ( E – E ° ) (14) et
RT
avec k˚ constante de vitesse intrinsèque de transfert de  D  RT  
RT 2
charge, E 3τ ⁄ 4 = E ° – ----------- ln  ------------
Ox 
+ -------- ln  ------- – 1 (19)
2 nF   nF  
α coefficient de transfert de charge qui caractérise  D Red  3 
la symétrie du système par rapport au complexe
activé, La différence (E3τ/4 − Eτ/4) permet de déterminer le nombre n
E˚ potentiel normal standard du couple redox RT 2
d’électrons E 3τ ⁄ 4 – E τ ⁄ 4 = -------- ln  ------- – 1 .
considéré, nF  
3
R constante des gaz parfaits, Par ailleurs, si les coefficients de diffusion sont connus, E ˚
T température. peut être déduit de la valeur de Eτ/4.

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Microbalance à cristal de quartz

par Thierry PAUPORTÉ


Ancien élève de l’École Normale Supérieure de Lyon
Chargé de Recherche au CNRS
Chercheur au Laboratoire d’Électrochimie et de Chimie Analytique à l’École Nationale
Supérieure de Chimie de Paris
et Daniel LINCOT
Ingénieur ESPCI (École Supérieure de Physique et Chimie Industrielles)
Directeur de Recherche au CNRS
Directeur du Laboratoire d’Électrochimie et de Chimie Analytique à l’École Nationale
Supérieure de Chimie de Paris

1. Principes..................................................................................................... P 2 220 – 3
1.1 Généralités ................................................................................................... — 3
1.2 Principe de fonctionnement........................................................................ — 3
1.3 Paramètres influençant la fréquence de résonance ................................. — 5
1.3.1 Dépôt de matière ................................................................................ — 5
1.3.2 Température ........................................................................................ — 6
1.3.3 Solution ............................................................................................... — 6
1.3.4 Pression et contraintes....................................................................... — 7
1.4 Dispositifs de mesure.................................................................................. — 7
1.4.1 Résonateurs à cristal de quartz ......................................................... — 7
1.4.2 Montages ............................................................................................ — 8
1.4.3 Microbalance à cristal de quartz électrochimique ........................... — 8
2. Applications de la MCQ ......................................................................... — 9
2.1 Mesures de vitesse et de rendement faradique de dépôt........................ — 9
2.2 Étude de mécanismes de dépôt électrochimique..................................... — 10
2.3 Étude de phénomènes de dissolution ....................................................... — 11
2.4 Mesure de la viscosité d’une solution ....................................................... — 11
2.5 Transport de matière dans des films ......................................................... — 12
2.6 Mesure de contraintes dans des films....................................................... — 13
2.7 Mesure d’angle de contact ......................................................................... — 13
2.8 Étude de la formation de bulles ................................................................. — 13
Parution : décembre 2006 - Dernière validation : octobre 2020

2.9 Phénomènes d’adsorption et d’électroadsorption à la surface


d’électrodes.................................................................................................. — 14
2.10 Capteurs piézo-électriques ......................................................................... — 14
3. Conclusions ............................................................................................... — 16
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. P 2 220

a mesure d’une faible prise ou perte de masse sur une surface lorsque les
L phénomènes mis en jeu sont sub-micrométriques nécessite l’utilisation
d’une méthode adaptée. Dans ce cas, les méthodes classiques de pesée ne peu-
vent pas être utilisées du fait de leur faible sensibilité et de la difficulté de les
mettre en œuvre dans des milieux variés, notamment liquides (le lecteur pourra
se reporter au dossier [P 1 380v2] [1]). La microbalance à cristal de quartz (MCQ)
est une méthode basée sur les propriétés piézo-électriques du quartz. Elle est
très sensible, ce qui permet la mesure de très faibles variations de masse
(jusqu’à la fraction d’une monocouche). La MCQ est très simple à mettre en
œuvre et l’équipement nécessaire est d’un coût modéré. Enfin, dans sa variante

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P2220

MICROBALANCE À CRISTAL DE QUARTZ ____________________________________________________________________________________________________

électrochimique, le potentiel électrochimique de la surface de mesure peut être


contrôlé permettant un ajustement de la charge de surface et/ou de l’état redox
des espèces présentes.
Cependant, l’utilisation de la MCQ nécessite certaines précautions, qui sont
dues au principe de fonctionnement du capteur utilisé (un cristal de quartz) et à
sa sensibilité à d’autres paramètres que le dépôt ou la perte de matière. Ces
paramètres sont essentiellement : la température, le contact avec une solution,
la pression et les contraintes exercées sur le quartz. Les applications de la
méthode sont très variées et dépassent très largement le dépôt ou l’électrodépôt
de couches. Celles-ci seront détaillées dans le paragraphe 2 de ce dossier.
(0)

Notations et symboles
Symbole Définition
C0, Cq, Cf capacité diélectrique du quartz, capacités électromécaniques du quartz et du film
ECS électrode au calomel saturé (potentiel égal à +0,2415 V par rapport à l’électrode normale à hydrogène)
Ẽ champ électrique alternatif
eq, ef épaisseurs de la lame de quartz, du film
F constante de Faraday (96 485 C ⋅ mol–1)
f0, ff , f fréquences de résonance du quartz, du film plus quartz
∆f, ∆fm variation de la fréquence de résonance, idem dans le cas d’une prise ou perte de masse
h épaisseur de la couche de modulation (≈ 1/k1)
j densité de courant
Kc constante de couplage électromécanique
k1 constante de propagation
Lq, Lf, Ls inductances équivalentes dues au quartz, au film, à la solution
M masse molaire
∆m variation de masse à la surface du résonateur
N rang de l’harmonique de la fréquence de vibration
n nombre de mole d’électrons échangés au cours d’une réaction électrochimique
Q facteur de qualité acoustique
Qe charge électrique échangée lors d’une réaction électrochimique
rg rayon d’une goutte à la surface d’un quartz
rb rayon d’une bulle à la surface d’un quartz
R, Rth constantes de croissance mesurée, théorique
Rq, Rf, Rs résistances équivalentes dues au quartz, au film, à la solution
S aire de l’électrode du résonateur
t temps
Vg volume d’une goutte de liquide
vq, vf vitesses de l’onde de cisaillement du quartz (3 340 m ⋅ s–1), du film
v0, v (z, t) vitesses de la solution au contact du quartz, à une distance z au temps t
Y admittance électrique
Z impédance électrique
z distance normale à la surface du quartz
ηs viscosité cinématique de la solution
β électrovalence d’adsorption
λ0 longueur d’onde
µq, µf modules de cisaillement élastique du quartz (2,947 × 1011 g ⋅ cm–1 ⋅ s–2), du film
∆γ variation de la contrainte dans un film
ρq, ρf, ρs masses volumiques du quartz (2,648 g ⋅ cm–3), du film, de la solution
θ angle de contact

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P2220

____________________________________________________________________________________________________ MICROBALANCE À CRISTAL DE QUARTZ

1. Principes avec eq l’épaisseur de la lame,

N le mode harmonique,

1.1 Généralités λ0 la longueur d’onde.

λ0 est relié à la fréquence de résonance par :


La microbalance (ou nanobalance) à cristal de quartz (MCQ) est un
instrument de haute précision permettant de mesurer les variations
de masse à la surface d’une électrode [2] à [9]. Le terme microba- λ0 = vq ⁄ f0 (2)
lance (ou nanobalance) provient de la sensibilité de cet instrument
puisque celle-ci se situe bien en dessous du microgramme. Histo- avec vq la vitesse de cisaillement du quartz.
riquement, les mesures de variation de masse ont été réalisées à
l’aide de balances dont le fonctionnement est basé sur une mesure
mécanique ou électromagnétique de forces. Cependant, ces instru-
ments ne permettent, en général, qu’une mesure à l’air. Dans le cas ∼
de phénomènes de dépôt ou de dissolution en solution, la mesure Ε Champ électrique
ne peut donc être réalisée qu’ex situ et les processus ne peuvent pas alternatif
être suivis en continu. De plus, la limite de détection d’une ultrami-
crobalance d’analyse se situe autour de 0,1 µg [1]. Cette limite est Lamelle
insuffisante pour la mesure d’une ou plusieurs monocouches d’ato- Axe du plan nodal piézo-électrique
mes sur une surface. La microbalance offre une sensibilité 100 fois de quartz
plus élevée, se situant dans le domaine du nanogramme. Cette
méthode permet la réalisation de mesures dans des milieux variés, Vecteurs
déformation
notamment les milieux liquides. Un autre avantage est que la préci-
sion de la mesure résulte de la géométrie du capteur, appelé résona-
teur, et de l’électronique qui mesure les variations de propriétés de Figure 1 – Schéma représentant, selon une échelle arbitraire,
ce capteur, ceci rend l’étalonnage a priori inutile si ces paramètres les déformations d’une lame de quartz en mode de vibration
sont parfaitement contrôlés. en cisaillement d’épaisseur sous l’effet d’un champ électrique
alternatif
Remarques : la méthode des ondes acoustiques de surface (sur-
face acoustic wave, SAW) présente une plus grande sensibilité en Encadré 1 – Bref historique sur la piézo-électricité
masse (d’un facteur 10 par rapport à la MCQ) mais elle est plus dif-
ficile à mettre en œuvre notamment en milieu liquide [2]. On
La découverte de la piézo-électricité semble due à René Just
notera enfin que le suivi in situ de variations d’épaisseur (et donc
Haüy (1743-1822), mais l’étude du phénomène sous sa forme
de masse) d’une couche peut être réalisé par des mesures de
directe sur des cristaux de quartz (SiO2), de sel de Seignette
variation de propriétés optiques (transmission, réflexion). Cepen-
(NaKC4H4O6 ⋅ 4H2O) et de tourmaline (NaM3Al(Si6O18)
dant, ces méthodes nécessitent la connaissance de certains para-
(BO3)3 ⋅ (OH, F)4 avec M = Al, Fe, Li, Mg, Mn) ainsi que son inter-
mètres optiques des couches et sont moins utilisées que la MCQ.
prétation reviennent à Pierre et Jacques Curie (1880). Ceux-ci ont
montré que l’application d’une pression entre les deux faces de
ces cristaux pouvait entraîner l’apparition d’un champ électrique
1.2 Principe de fonctionnement proportionnel à la pression exercée. Les frères Curie ont énoncé
les lois principales gouvernant le phénomène de piézo-électricité
et les ont reliées à la géométrie des cristaux. Cet effet est observé
La microbalance à cristal de quartz (MCQ) est un dispositif de dans les matériaux ne présentant pas de centre de symétrie.
mesure basé sur les propriétés piézo-électriques du quartz L’effet piezo-électrique indirect, c’est-à-dire la déformation
(encadré 1). Ces propriétés sont liées à l’absence de centre de symé- mécanique d’un cristal sous l’effet d’un champ électrique a été
trie dans le cristal hexagonal de quartz. Le quartz n’est que l’un des mis en évidence peu après. Les premières applications de ce
nombreux matériaux piézo-électriques, cependant il présente un phénomène ont été développées pendant la Première Guerre
certain nombre d’avantages par rapport à d’autres matériaux : mondiale, en 1917, par Paul Langevin. P. Langevin a utilisé des
— il offre une faible résistance à la propagation des ondes acous- lames de quartz de coupe X pour générer et produire des ondes
tiques et un module de cisaillement élevé ; ultrasonores sous-marines avec pour objectif la détection des
— il peut être préparé sous une forme très pure et très bien sous-marins. Son travail a conduit au développement des
cristallisée ; sonars. À partir de 1918, deux chercheurs américains,
— il présente une très grande stabilité chimique, notamment au A. M. Nicholson et W. G. Cady, ont étudiés de manière indépen-
contact de solutions. dante les phénomènes de résonance dans des cristaux piézo-
Si on applique un champ électrique convenablement orienté à électriques. W. G. Cady a mis au point les premiers standards
une lame de quartz, celle-ci subit une déformation élastique. Si le de fréquence et filtres d’ondes à base de quartz. Cependant, ces
champ électrique est alternatif, E˜ , fixé à une fréquence appropriée oscillateurs présentaient l’inconvénient d’être très sensibles à la
(dépendant de la géométrie et des propriétés de l’échantillon), la température. Les cristaux de quartz de coupe – AT ou BT –, beau-
lame se met à vibrer dans un mode de résonance mécanique. coup moins sensibles à ce paramètre, ont été obtenus en 1934
L’amplitude maximale de vibration est obtenue pour un champ alter- de manière indépendante au Japon, en Allemagne et aux États-
natif de fréquence f0, appelée fréquence de résonance du quartz. Le Unis. Dès lors, la piézo-électricité devint très présente dans
mode de vibration en cisaillement d’épaisseur est le plus fréquem- l’électronique naissante. Elle a été utilisée pour la réalisation de
ment utilisé. Il est illustré dans la figure 1 : de part et d’autre du plan microphones, de haut-parleurs et de têtes de tourne-disques.
nodal les plans parallèles à la surface se déplacent en direction Elle a permis la génération de fréquences électriques, donc
opposée. Ce mode de vibration permet l’obtention de fréquences d’échelles de temps, extrêmement stables, qui sont très utili-
élevées, situées entre 0,8 MHz et 150 MHz. Le déplacement maximal sées dans le domaine des télécommunications. Depuis 1970, le
des faces, à la résonance du quartz, est obtenu lorsque : quartz est utilisé dans l’horlogerie. La piézo-électricité est égale-
ment exploitée pour la réalisation de capteurs de température,
N λ0 ⁄ 2 = eq (1) de viscosité, de pression et de masse.

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MICROBALANCE À CRISTAL DE QUARTZ ____________________________________________________________________________________________________

Z Z Z

Coupe X AT
−θ +θ CT
Coupe Y DT BT ET
FT

O
O Y
Y Coupe Z Y
X
X X
a axes X, Y et Z du b coupes X, Y, Z c coupes à simple Figure 2 – Représentation de différentes
cristal de quartz rotation coupes du cristal de quartz par rapport
aux axes principaux

Le mode de vibration du quartz dépendra de la coupe de celui-ci. La


figure 2 présente différentes coupes par rapport aux axes principaux. Tableau 1 – Propriétés piézo-électriques de différentes
La coupe peut être simple, perpendiculaire à un axe (figure 2b), ou coupes de cristal de quartz
obtenue par simple rotation par rapport à un axe, comme l’axe X
Angle par rapport au Gamme
(figure 2c). La coupe X est la plus ancienne et fut la première à être Mode
Coupe plan de symétrie de fréquence
utilisée pour la fabrication d’oscillateurs à quartz. Elle présente une de vibration
(ZOX) (MHz)
bonne résonance en mode d’élongation, mais le couplage avec
d’autres modes de vibration, gênant en pratique, ne peut être évité. AT +35°15’ Cisaillement 0,5 à 100
La coupe Y ne vibre qu’en mode de cisaillement d’épaisseur. Le d’épaisseur
tableau 1 donne les propriétés des principales coupes à simple rota- BT –49° Cisaillement 5 à 15
tion du cristal de quartz. Celles-ci présentent une meilleure stabilité de d’épaisseur
leurs performances en température par rapport à la coupe Y.
CT 38° Cisaillement 0,2 à 1
Sauerbrey fut le premier, en 1959, [9] à développer le principe de de surface
l’utilisation de la microbalance à cristal de quartz pour la mesure de DT –52° Cisaillement 0,2 à 0,5
prise de masse. Il a établi la loi reliant la variation de la masse à la de surface
surface du quartz et la variation de sa fréquence de résonance [voir
X / Élongation 0,03 à 0,1
relation (5)]. Par la suite, cette méthode a été largement développée
et utilisée pour la mesure de l’épaisseur de films déposés sous vide.
La possibilité d’utiliser ces oscillateurs pour mesurer des prises de
masse en solution n’a été envisagée que dans les années 1980,
car la perte d’énergie liée au contact avec un liquide a longtemps
fait croire à l’impossibilité d’utiliser ces capteurs en milieu liquide.
Les premiers travaux sur l’influence du milieu liquide sur la fréquence
de vibration sont dus à Nomura et Okuara [10], et les premières Rs Solution
applications en électrochimie ont porté sur l’étude in situ de l’électro- ηs , ρs
dépôt de cuivre et d’argent [11]. Ls
Le résonateur est alors constitué d’une lame de quartz dont les
deux faces sont recouvertes par un dépôt conducteur, les Rf R1
électrodes. Ces deux électrodes parallèles permettent d’appliquer C0 Cf Film C0 C1
une différence de potentiel alternative qui maintient le quartz en
mode de vibration. Le comportement électromécanique d’un réso- Lf L1
nateur plongé dans une solution et sur lequel un film viscoélastique
est présent sur l’une des électrodes peut être représenté par le Rq
schéma électrique de la figure 3a [12]. Ce schéma comporte deux Cristal de
Cq quartz
branches en parallèle formant un dipôle. La première branche est b schéma électrique
constituée par une capacité C0 représentant la réponse diélectrique Lq simplifié
du quartz. La seconde branche traduit les propriétés électromécani-
ques du résonateur en contact avec un milieu donné. Un premier cir- a circuit électrique
cuit RqLqCq traduit les propriétés électromécaniques du quartz. Le
second circuit Rf Lf Cf est dû à la réponse électrique d’un film visco-
élastique en surface. La capacité Cf traduit le caractère viscoélastique Figure 3 – Circuit électrique équivalent représentant le
de celui-ci tandis que l’inductance est due à la viscosité du dépôt. comportement électromécanique de la MCQ dans une solution en
Dans le cas d’un film rigide, un dépôt métallique par exemple, le cir- présence d’un dépôt viscoélastique à la surface d’une des électrodes
cuit Rf Lf Cf se réduira à une résistance pure Rf . Enfin, le contact d’une
des électrodes avec la solution de viscosité η s et de masse volumique
ρ s se traduit par un circuit RsLs en série sur la deuxième branche du La fréquence de résonance se traduit par un pic de conductance
circuit. Ce schéma équivalent se simplifie pour donner le schéma du quartz, c’est-à-dire de la partie réelle de l’admittance Y, l’inverse
électrique de Butterworth-Van Dyke (BVD) présenté dans la figure 3b. de l’impédance, Z. La figure 4 donne l’exemple de courbes de
conductance enregistrées en solution en absence (courbe 1) ou en
présence d’une couche rigide (courbe 2) ou d’une couche viscoélas-
Les valeurs typiques de ces composants pour un quartz de fré- tique (courbe 3) (par exemple un polymère) en surface du résona-
quence fondamentale de 10 MHz sont : teur. Dans le cas de dépôts viscoélastiques, des pertes d’énergie
C0 = 7,3 10–12 F, R1 = 90 Ω, C1 = 23 10–15 F et L1 = 7,5 10–3 H. importantes se produisent au niveau du dépôt ce qui se traduit par
un amortissement de l’amplitude d’oscillation du résonateur et par

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