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M E S U R E S - A N A LY S E S

Ti674 - Mesures et tests électroniques

Instrumentation de mesures
électriques

Réf. Internet : 42413 | 4e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Mesures et tests électroniques
(Réf. Internet ti674)
composé de  :

Techniques de mesure analogiques et numériques Réf. Internet : 42416

Métrologie temps-fréquence Réf. Internet : 42415

Instrumentation de mesures électriques Réf. Internet : 42413

Grandeurs électriques à mesurer Réf. Internet : 42417

Mesures des télécommunications Réf. Internet : 42317

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Mesures et tests électroniques
(Réf. Internet ti674)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Luc ERARD
Ingénieur ESE, Conseiller scientifique et technique du LNE

Ahmed MAMOUNI
Professeur à Polytech Lille (École polytechnique universitaire de Lille)

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Djamel ALLAL
Pour l’article : R925

Alexandre BOUNOUH
Pour l’article : R925

Bernard DEMOULIN
Pour les articles : R931 – R932 – R935

Pierre-Noël FAVENNEC
Pour les articles : R933 – R934

Chantal GUNTHER
Pour l’article : R928

Bruno MARTIN
Pour l’article : R930

Hervé NDILIMABAKA
Pour l’article : R940

Philippe PENIN
Pour l’article : R927

François PIQUEMAL
Pour les articles : R905 – R908

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VI
Instrumentation de mesures électriques
(Réf. Internet 42413)

SOMMAIRE

1– Étalons et références Réf. Internet page

Étalons électriques fondamentaux passifs R905 11

Étalons électriques fondamentaux actifs R908 15

2– Instrumentation Réf. Internet page

Constitution d'un laboratoire de référence en métrologie dans le domaine électricité- R925 23


magnétisme
Vérification et maintenance d'un parc d'appareils de mesure R927 29

Les SQUID et leurs applications R928 33

Mesures en compatibilité électromagnétique R930 37

Les antennes en compatibilité électromagnétique R931 43

Cadre physique de la métrologie en compatibilité électromagnétique. Descriptif R932 49


général
Cadre physique de la métrologie en compatibilité électromagnétique. Analyse des R935 53
phénomènes
Mesure de l'exposition humaine aux champs radioélectriques. Environnement R933 57
radioélectrique
Mesure de l'exposition humaine aux champs radioélectriques. Partie 2 : exposimétrie R934 63

Réseaux électriques intelligents : défis technologiques et moyens de mesure R940 67

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VII
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Instrumentation de mesures électriques
(Réf. Internet 42413)

1
1– Étalons et références Réf. Internet page

Étalons électriques fondamentaux passifs R905 11

Étalons électriques fondamentaux actifs R908 15

2– Instrumentation

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1

10
Référence Internet
R905

Étalons électriques fondamentaux


passifs
1
par François PIQUEMAL
Division métrologie électrique fondamentale, Laboratoire national d’essais (LNE)

1. Filiation des unités électriques ............................................................ R 905 – 2


2. Étalons de capacité et d’inductance .................................................. — 3
2.1 Étalons calculables de capacité Thompson-Lampard............................... — 3
2.2 Étalons secondaires de capacité ................................................................ — 5
2.2.1 Caractéristiques .................................................................................. — 5
2.2.2 Définition d’impédance en « quatre paires de bornes » ................. — 5
2.2.3 Définition d’impédance en « deux paires de bornes » .................... — 6
2.3 Méthodes utilisées pour les comparaisons d’étalons de capacité .......... — 6
2.4 Étalons d’inductance ................................................................................... — 7
3. Étalons de résistance.............................................................................. — 8
3.1 Étalon de résistance basé sur l’effet Hall quantique................................. — 8
3.1.1 Rappel théorique ................................................................................ — 9
3.1.2 Constante de von Klitzing .................................................................. — 10
3.1.3 Échantillon à EHQ de haute qualité métrologique........................... — 10
3.1.4 Système cryomagnétique .................................................................. — 10
3.2 Étalons secondaires de résistance ............................................................. — 11
3.3 Comparateur cryogénique de courants continus ..................................... — 12
3.3.1 Principe ................................................................................................ — 12
3.3.2 Pont de résistances............................................................................. — 12
3.3.3 Précautions à prendre ........................................................................ — 13
3.4 Réseaux d’échantillons à EHQ mis en série et/ou en parallèle ................ — 13
3.5 Détermination de la constante de von Klitzing ......................................... — 15
3.5.1 Détermination directe de l’ohm et de RK .......................................... — 15
3.5.2 Déterminations indirectes de RK via les mesures de h/e2 et α ....... — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. R 905

a réalisation et la reproduction du farad, du henry et de l’ohm par les labo-


L ratoires nationaux de métrologie (LNM), et notamment en France par le
Bureau national de métrologie (BNM) [R 60], nécessitent la mise en œuvre de
moyens particuliers. Le volt et l’ampère, conformément à l’enchaînement prati-
que actuel des unités électriques, font l’objet de l’article [R 908].
L’étalon calculable de capacité est un dispositif mécanique dont le principe
repose sur un théorème de l’électrostatique. Il présente la particularité d’assurer
à la fois la réalisation SI (système international) du farad et la reproduction, ou
conservation, de cette unité. De plus, à cet étalon primaire sont raccordés les éta-
lons d’inductance assurant ainsi la réalisation SI du henry.
L’ohm est, quant à lui, matérialisé et maintenu à partir d’un phénomène de la
physique quantique de la matière condensée. Il s’agit de l’effet Hall quantique.
C’est également le cas pour le volt avec l’effet Josephson alternatif (voir [R 908]).
Ces phénomènes ont véritablement révolutionné la métrologie électrique du fait
que les résistances et les tensions qui en sont issues sont reliées respectivement
Parution : juin 2004

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur R 905 − 1

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Référence Internet
R905

ÉTALON S ÉLECTRIQUES FON DAM EN TAUX PASSIFS ___________________________________________________________________________________________

aux constantes fondamentales h/e2 et 2e/h, où h est la constante de Planck et e


la charge de l’électron. Ces phénomènes permettent ainsi de disposer, sous cer-
taines conditions, d’étalons fondamentaux [R 50] dont la valeur est immuable
dans l’espace et dans le temps.
Cependant, cette valeur de h/e2 doit être connue avec la plus grande exactitude
possible et nécessite de ce fait des réalisations SI de la résistance, d’où l’intérêt
de l’étalon calculable de capacité qui permet une détermination directe de l’ohm
1 par le biais d’une comparaison d’impédances de capacité et de résistance. De
surcroît, les résultats qui découlent de ces mesures sont confrontés à ceux pro-
venant d’expériences différentes qui impliquent non seulement h/e2 mais éga-
lement d’autres constantes fondamentales.
Le transfert des unités électriques aux utilisateurs ou, en d’autres termes, la tra-
çabilité des grandeurs électriques par rapport aux étalons primaires du SI, est
assuré par un étalonnage périodique d’étalons matériels. Ces étalons secondaires,
de raccordement (ici, condensateur de 10 pF et résistances de 1 Ω et 10 kΩ) et les
principales techniques utilisées pour leur étalonnage sont également décrits. Le
lecteur, désireux d’avoir plus de détails sur les méthodes employées aussi bien
dans les mesures en courant continu qu’en basse fréquence, est invité à consulter
les références bibliographiques [1] et [2] ainsi que les articles [R 928] et [R 965].
Les travaux et dispositifs expérimentaux du BNM antérieurs à 2001 qui sont reportés ci-après
ont été réalisés au BNM-LCIE (Laboratoire central des industries électriques) dans le cadre de
ses anciennes activités de laboratoire national de métrologie du BNM. Depuis le 1er juillet 2001,
les activités de métrologie électrique fondamentale et appliquée ont été transférées au BNM-
LNE. Une description détaillée du BNM (organisation en groupement d’intérêt public, missions,
etc.) est donnée dans l’article [R 60].

1. Filiation des unités La définition de l’ampère fixe donc la valeur numérique de la


constante µ0 : µ0 = 4π · 10−7 N/A2. Il en résulte l’équivalence des
électriques mesures mécaniques et électriques des grandeurs comme l’énergie
et la puissance.

Bien que l’ampère soit l’unité électrique de base, il est préférable


La réalisation (ou détermination) d’une unité découle de la mise
de déterminer d’abord directement les unités électriques dérivées,
en application de sa définition donnée dans le cadre du SI, le sys-
le farad et l’ohm d’une part, le volt d’autre part (figure 2). Cela per-
tème international d’unités [R 50] [3]. Les trois premières unités de
met de réaliser ensuite l’ampère, certes indirectement, mais avec
base, sur les sept que compte le SI, sont les unités de longueur
une plus grande exactitude.
(mètre, noté m), de masse (kilogramme, noté kg) et de temps
(seconde, notée s). Ces unités permettent de définir des unités
dérivées telles que les unités de force (newton, noté N), d’énergie La notion de réalisation (SI) ou de détermination directe
(joule, noté J) et de puissance (watt, noté W). Elles sont aussi impli- (anciennement appelée détermination absolue) d’une unité
quées dans la définition de l’ampère (A), quatrième unité de base du électrique doit être bien distinguée de la simple mesure relative
SI qui assure la filiation des unités électriques aux unités de la grandeur électrique correspondante. Dans le premier cas,
mécaniques (figure 1). il s’agit d’un ensemble d’opérations expérimentales générale-
Nota : pour compléter la liste, rappelons que les trois autres unités de base du SI sont le ment complexes qui permet d’attribuer à l’étalon de cette unité
kelvin (K), la mole (mol) et la candela (cd).
ou à la constante fondamentale qui s’y rattache, une valeur
exprimée uniquement en unités mécaniques (m, kg, s) et en
L’ampère est défini comme l’intensité d’un courant constant fonction de la valeur des constantes, g (accélération due à la
qui, maintenu dans deux conducteurs parallèles, rectilignes, de pesanteur), c (célérité, ou vitesse de la lumière) et µ0, les deux
longueur infinie, de section circulaire négligeable et placés à une dernières constantes ayant, par définition, des valeurs exactes.
distance de 1 m l’un de l’autre dans le vide, produirait entre ces Dans le second cas, il est question d’une comparaison à un éta-
conducteurs une force égale à 2 · 10−7 N par mètre de longueur. lon de même grandeur.
En général, l’incertitude d’une mesure relative est plus faible
que celle d’une réalisation SI. De même, l’incertitude liée à la
Notons que la force F qui intervient dans cette définition a pour reproductibilité de l’étalon peut être inférieure à l’incertitude de
expression : la réalisation de l’unité concernée. C’est le cas de l’ohm et du
volt depuis l’avènement des étalons quantiques. Nous verrons
F = (µ0/2π) · (I2/d) que les comparaisons de résistances (§ 3.1.2) ou de tensions
(voir [R 908]) peuvent être effectuées avec une incertitude pou-
avec µ0 la perméabilité du vide (N/A2), vant atteindre respectivement une valeur relative de quelques
I l’intensité du courant (A), 10−10 et quelques 10−11, bien inférieure à celle des détermina-
d la distance entre conducteurs (m). tions de l’ohm (au mieux quelques 10−8) et du volt (10−7).

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R 905 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

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Référence Internet
R905

__________________________________________________________________________________________ ÉTALON S ÉLECTRIQUES FON DAM EN TAUX PASSIFS

Mètre Kilogramme Seconde Ampère 2


m kg s A
1

γ24
Newton Coulomb γ13
N C

1
3
Joule
J
4
Watt
W
Volt
V Figure 3 – Section droite d’une structure à quatre électrodes
de capacités linéiques croisées γ13 et γ24
Farad Ohm
F Ω

Théorème
(unité)n Soit un système cylindrique (figure 3) constitué de quatre
Siemens Henry
(unité)–n S H électrodes isolées (1,2,3,4), infiniment longues, et placées dans
Exemple : Ω m2 · kg · s–3 · A–2 le vide. Les capacités linéiques directes γ13 et γ24 des deux cou-
ples d’électrodes opposées vérifient l’équation :

Figure 1 – Enchaînement des définitions des unités électriques (SI) exp(− πγ13/ε0) + exp(− πγ24/ε0) = 1
avec ε0 la permittivité du vide.
De plus, dans le cas d’une symétrie parfaite où les capacités
linéiques sont identiques :
Unités γ13 = γ24 = γ = [(ε0 ln2)/π] F/m = 1,953 549 043... pF/m
µ0 c 2
mécaniques
Cette valeur découle de la relation ε0 = (µ0 · c2)−1 et de la valeur
exacte de la vitesse de la lumière dans le vide,
Watt W Farad c = 299 792 458 m/s. Ainsi une valeur de capacité électrique
(électrique) F peut-elle être reliée directement à une mesure de longueur.

Ohm Henry Ce théorème a été mis en application dans plusieurs laboratoires,


Ω H
en général sous forme d’un système de quatre cylindres identiques,
longs, parallèles, faiblement espacés et dont les axes, orientés le
Volt Siemens plus souvent verticalement, constituent les sommets d’un carré.
V S Deux électrodes supplémentaires, servant de garde et mises à la
masse, sont insérées dans la zone centrale délimitée par les quatre
cylindres. Elles sont placées aux extrémités de cette zone, sur un
Coulomb
C
même axe, l’une étant fixe, l’autre mobile pour ajuster la capacité de
l’étalon en lui assignant une longueur bien définie.
Dans la pratique, les mesures sont effectuées en comparant une
Ampère enchaînement actuel (2004) capacité à valeur fixe à la variation de capacité de l’étalon calculable
A enchaînement à venir (horizon 2020) pour deux positions de l’écran mobile. Cela permet de s’affranchir
des effets d’extrémité. La distance de déplacement est mesurée par
interférométrie laser. Le rapport des capacités linéiques γ13/γ24 doit
Figure 2 – Enchaînement des réalisations des unités électriques être préalablement mesuré pour tenir compte des imperfections de
en France symétrie du dispositif.
Exemple : ce condensateur calculable à quatre électrodes a été
réalisé par W. Clothier [18] au laboratoire australien CSIRO/NML (voir
2. Étalons de capacité [Doc. R 905]) dans les années 1960 à la suite du projet initial de
A. Thompson. Cet étalon est toujours opérationnel :
et d’inductance — longueur ( ᐉ ) et diamètre (d ) des électrodes : ᐉ = 260 mm ,
d = 34,95 mm ;
— espace (e) entre deux électrodes adjacentes : e = 2,7 mm ;
— diamètre (de) de l’écran mobile : de = 15 mm ;
— distance de déplacement de l’écran δL ≈ 85,3 mm, occasionnant
2.1 Étalons calculables de capacité une variation de capacité δC de 1/6 pF.
Thompson-Lampard
Le théorème peut être étendu à une structure comprenant un
nombre quelconque n d’électrodes supérieur à quatre. La surface
cylindrique creuse est ainsi constituée par n segments correspon-
La réalisation SI du farad est effectuée à partir de condensateurs dant aux surfaces en regard des électrodes. L’association de ces
calculables dont le principe est basé sur le théorème établi par électrodes en ensembles complémentaires permet de revenir à un
A. Thompson et D. Lampard en 1956 [16] [17]. système de deux capacités croisées vérifiant alors l’équation de

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© Techniques de l’Ingénieur R 905 − 3

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R905

ÉTALON S ÉLECTRIQUES FON DAM EN TAUX PASSIFS ___________________________________________________________________________________________

avec ki le rapport de capacités calculé dans chaque


configuration.

1 En associant à ce système successivement l’une des cinq rela-


tions de Thompson-Lampard, on constitue cinq systèmes de six
γ25 équations à six inconnues. La résolution de cet ensemble conduit
5 2 aux valeurs des cinq capacités linéiques γi, j et à cinq valeurs de la
capacité C dont on fait la moyenne pour attribuer une valeur finale

1 γ14 γ13 au condensateur de 1 pF. Par ailleurs, l’écart entre les cinq valeurs
mesurées γi, j renseigne sur la qualité d’ajustement mécanique du
dispositif (électrodes et écran).
4 3
Les difficultés principales rencontrées lors de l’élaboration d’un
condensateur calculable de type Thompson-Lampard résident juste-
ment dans le parallélisme de toutes les électrodes, de l’écran mobile
Figure 4 – Structure symétrique à cinq électrodes et de sa trajectoire. La régularité de la section des cylindres doit être
également la meilleure possible. Néanmoins, les défauts résiduels
Thompson-Lampard. Ainsi, l’étalon calculable de capacité déve- liés aux variations des distances entre électrodes peuvent être
loppé en France est un dispositif à cinq électrodes dont les axes réduits par l’adjonction d’une pointe à l’extrémité de l’écran mobile
constituent un pentagone régulier [19]. Dans le cas de la figure 4 où [18].
les deux électrodes inférieures (3 et 4) sont électriquement connec-
Exemple : condensateur calculable du BNM (figure 5) [20]
tées, la relation de Thompson-Lampard devient :
Le parallélisme des électrodes est ajusté à mieux que 0,3 µm près
exp[− π(γ13 + γ14)/ε0] + exp(− πγ25/ε0) = 1 (1) (estimation à trois écarts-types). La somme des défauts de cylindricité
est estimée à un angle de 3,7 µrad (pour une longueur utile de
Par permutation circulaire des connexions des électrodes, cette 138,25 mm) qui conduirait à une erreur de 63 · 10−8. Une pointe (spike)
structure permet de définir cinq configurations de l’étalon condui- de 21,8 mm de diamètre et 30 mm de long disposée à l’extrémité de
sant à cinq équations qui peuvent s’écrire sous la forme récurrente l’électrode mobile divise par 25 l’erreur liée au défaut de cylindricité, la
[20] [21] : ramenant à une incertitude de mesure de 2,7 · 10−8.
exp[− π(γi, i+2 + γi, i+3)/ε0] + exp(− πγi+1, i+4/ε0) = 1 L’écran en forme d’étoile qui est placé au même endroit permet d’éli-
miner l’effet d’extrémité quand le cylindre mobile est dans la position
avec γi, j (= γj, i) la capacité linéique entre les cylindres i et j. correspondant à la valeur haute de la capacité de l’étalon.
Dans le cas d’une symétrie parfaite, la capacité linéique
(γi, i+2 + γi, i+3) entre une électrode et les deux électrodes opposées Une autre source d’incertitude liée à la réalisation pratique du
interconnectées sera égale à 2γ avec : condensateur calculable provient de l’effet de fréquence qui résulte
en particulier de l’inductance non nulle des électrodes [18]. Celles-ci
γ = ( ε 0 ⁄ π ) ⋅ ln [ 2 ⁄ ( 5 – 1 ) ] F ⁄ m = 1 ,356 235 626... pF ⁄ m
ne peuvent pas être considérées comme des surfaces équipotentiel-
Cet étalon calculable, tel qu’il a été conçu par N. Elnékavé [19] et les parfaites. L’effet de fréquence peut également provenir de la
amélioré depuis par G. Trapon et coll. [20] [21], dispose d’un écran connexion électrique des électrodes [20] [21].
mobile (figure 5) dont le déplacement dans la zone utile est limité à
δL = 138,25 mm, conduisant par conséquent à une variation de capa- Une modélisation du système permet de calculer la correction à
cité de valeur nominale δC = 2γ δL = 3/8 pF. Pour chacune des cinq apporter, qui varie généralement avec le carré de la fréquence. Pour
configurations de l’étalon, la variation de capacité δCi est comparée le condensateur australien, elle s’élève à 3 · 10−8 (en valeur relative)
à une capacité C de 1 pF d’un condensateur de transfert. Il en résulte à la pulsation de travail de 10 000 rad/s (1 592 Hz). Pour celui du
un système de cinq équations de type : BNM, la correction est obtenue expérimentalement par une extrapo-
lation à fréquence nulle des résultats de trois mesures effectuées à
C = ki δCi = ki δL(γi, i+2 + γi, i+3) (2) 1 600, 800 et 400 Hz environ.

Interféromètre
Michelson Vis Câle en silice
micrométrique (2 mm)
1 (ø = 75,5 mm, ᐉ = 450 mm) 1 1
Laser 5 2 5 2
He-Ne Écran
cran mobile ((ø = 50 mm)

4 3 4 3
Moteur

Pointe munie Écran en forme Patin en PTFE fixé Patin PTFE fixé
d'un coin de cube d'étoile sur le socle sur l'écran
Vis
micrométrique

Figure 5 – Condensateur Thompson-Lampard à cinq électrodes du BNM (d’après [20])


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R 905 − 4 © Techniques de l’Ingénieur

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Étalons électriques fondamentaux


actifs
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par François PIQUEMAL
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1. Étalons de tension continue ................................................................. R 908 – 2


1.1 Références de tension à partir de l’effet Josephson alternatif ................ — 2
1.1.1 Effets Josephson................................................................................. — 2
1.1.2 Constante de Josephson.................................................................... — 4
1.1.3 Étalons de tension 1 V et 10 V à base de réseaux de jonctions
Josephson ........................................................................................... — 4
1.2 Étalons secondaires de tension.................................................................. — 6
1.2.1 Piles étalons Weston........................................................................... — 6
1.2.2 Références à diode Zener .................................................................. — 7
1.3 Raccordement des étalons secondaires .................................................... — 8
1.4 Convertisseurs numérique/analogique Josephson .................................. — 9
1.5 Déterminations de la constante de Josephson......................................... — 10
1.5.1 Réalisation SI du volt.......................................................................... — 10
1.5.2 Expérience de la balance du watt à bobine mobile ......................... — 10
2. Étalons de courant continu................................................................... — 11
2.1 Réalisations pratiques de l’ampère............................................................ — 11
2.1.1 Électrodynamomètre.......................................................................... — 11
2.1.2 Mesures du rapport gyromagnétique du proton en champ faible
et en champ fort .................................................................................. — 12
2.2 Étalons classiques de courant et sources de courant stables.................. — 12
2.3 Étalon quantique de courant ...................................................................... — 13
2.3.1 Effet tunnel à un électron ................................................................... — 13
2.3.2 Étalons de courant monoélectroniques............................................ — 15
2.4 Triangle métrologique quantique : deux approches................................. — 17
2.4.1 U = RI et amplification du courant .................................................... — 17
2.4.2 Q = CU et réalisation d’un étalon « naturel » de capacité ............... — 19
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. R 908

a réalisation et la reproduction du volt et de l’ampère par les laboratoires


L nationaux de métrologie (LNM), et notamment en France par le Bureau
national de métrologie (BNM), nécessitent la mise en œuvre de moyens
particuliers. Le farad, le henry et l’ohm font l’objet de l’article « Étalons élec-
triques fondamentaux passifs » [R 905].
L’unité de force électromotrice est reproduite à partir de l’effet Josephson alter-
natif, phénomène quantique qui relie directement une tension continue U à une
constante KJ et une fréquence f sous la forme U = f/KJ. Les dispositifs actuels
basés sur des réseaux de jonctions Josephson assurent une reproductibilité du
volt, de l’ordre de 0,1 nV, soit 10−10 en valeur relative. Ils permettent donc un
raccordement des étalons secondaires, piles Weston saturées et références à
diode Zener, avec de très faibles incertitudes.
Selon la théorie, KJ devrait correspondre au rapport 2e/h, où h est la constante
de Planck et e la charge de l’électron. L’incertitude sur l’égalité KJ = 2e/h est
Parution : juin 2004

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Référence Internet
R908

ÉTALON S ÉLECTRIQUES FON DAM EN TAUX ACTIFS ____________________________________________________________________________________________

néanmoins très grande. La valeur de KJ, exprimée dans le système SI, n’est en
effet connue qu’avec une incertitude de 4 · 10−7 en valeur relative. Il est donc
d’un grand intérêt d’améliorer les réalisations SI du volt. C’est un des objectifs
de l’expérience dite de la balance du watt menée par plusieurs laboratoires
nationaux de métrologie (LNM).
Moyennant certaines hypothèses, cette expérience conduit aussi à une
détermination directe de h. Elle permettrait en outre de contrôler le kilogramme,
1 seul artéfact matériel du SI définissant à la fois l’unité et l’étalon. À terme, le SI
pourrait alors évoluer vers un système basé uniquement sur les constantes fon-
damentales, la masse étant redéfinie par exemple à partir de la constante de
Planck.
Dans la pratique, l’ampère est reproduit à partir de l’ohm et du volt. À terme, il
pourrait être lui aussi représenté au moyen d’un phénomène quantique, l’effet
tunnel à un électron, en particulier pour les très faibles intensités de courant
(<1 nA). Cet effet, abordé dans le dernier paragraphe, remettrait l’ampère au pre-
mier plan en permettant la réalisation d’un étalon quantique de courant dont
l’intensité est directement liée à la charge de l’électron. Pour illustrer ce propos,
deux expériences à partir des systèmes à un électron sont traitées. Menées dans
plusieurs LNM, elles visent à terme la fermeture du triangle métrologique quan-
tique en appliquant la loi d’Ohm soit sous la forme U = RI par combinaison
directe des trois effets quantiques, soit sous la forme Q = CU à partir de la
réalisation d’un étalon « naturel » de capacité. L’objectif principal est de vérifier la
cohérence des constantes impliquées dans les trois phénomènes, KJ ou 2e/h, RK
ou h/e2 et e, avec un niveau d’incertitude relative de 10−8.
Le transfert des unités électriques aux utilisateurs, ou en d’autres termes la tra-
çabilité des grandeurs électriques par rapport aux étalons primaires du SI, est
assuré par un étalonnage périodique d’étalons matériels. Ces étalons secondai-
res, de raccordement (ici, les piles étalons Weston 1,018 V ou les références à
diode Zener 1,018 V et 10 V), et les principales techniques utilisées pour leur éta-
lonnage sont également décrits ici.
Les travaux et dispositifs expérimentaux du BNM antérieurs à 2001 qui sont reportés ci-après
ont été réalisés au BNM-LCIE (Laboratoire central des industries électriques) dans le cadre de
ses anciennes activités de laboratoire national de métrologie du BNM. Depuis le 1er juillet 2001,
les activités de métrologie électrique fondamentale et appliquée ont été transférées au BNM-
LNE. Une description détaillée du BNM (organisation en groupement d’intérêt public, missions,
etc.) est donnée dans l’article [R 60].

1. Étalons de tension [1], utilisés comme on l’a vu [R 905], dans les comparateurs cryogé-
niques de courants continus. Ces effets prédits, au nombre de trois,
continue apparaissent lorsque deux électrodes supraconductrices sont sépa-
rées par une fine couche isolante.

■ Un supracourant continu, courant porté par des paires de Cooper


La filiation des unités électriques est détaillée dans [R 905]. Le (appariement d’électrons de moments magnétiques de spin oppo-
lecteur est invité à s’y reporter. sés), peut traverser la jonction sans créer de chute de potentiel à ses
bornes. Il est donné par la relation :
IJ = IC sinϕ (1)

1.1 Références de tension à partir où IC correspond au courant critique de la jonction et ϕ = ϕ1 − ϕ2 est


de l’effet Josephson alternatif la différence de phase entre les fonctions d’onde des paires de Coo-
per de part et d’autre de la jonction.
Nota : dans un supraconducteur, toutes les paires occupent le même état quantique
décrit par une seule fonction d’onde.
1.1.1 Effets Josephson
■ L’application d’une tension continue U aux bornes de la jonction
En 1962, B. Josephson prédisait des effets remarquables [14] qui provoque le passage d’un supracourant alternatif de fréquence
vont faire entrer la métrologie électrique dans une ère nouvelle avec f = (2e/h)U où 2e/h ≈ 484 GHz/mV (avec e = 1,602 · 10−19 C la charge
l’émergence des premiers étalons quantiques de tension [15] [16] élémentaire et h = 6,626 · 10−34 J · s la constante de Planck) corres-
[17] et avec le développement des magnétomètres à SQUID [R 928] pond à l’inverse du quantum de flux Φ0. Il s’ajoute au passage prévu

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16
Référence Internet
R908

____________________________________________________________________________________________ ÉTALON S ÉLECTRIQUES FON DAM EN TAUX ACTIFS

Rayonnement micro-onde
I (mA)
de fréquence f
I

ts
ol
+1

iv
w

ill
1
n=0

m
es
L

qu
–1 U (mV) Couche d'oxyde (2 nm)

el
qu

)fe
/2
(h
=
U
a jonction fortement amortie
Figure 2 – Jonction Josephson à couches minces (par exemple,
niobium, oxyde d’aluminium, niobium)
I (100 µA)

(essentiellement du niobium) et doivent donc être placées dans un


cryostat à hélium liquide (4,2 K à pression atmosphérique).
Une jonction Josephson est en fait créée chaque fois que deux
U (mV) supraconducteurs sont séparés par une petite région où la supra-
conductivité est affaiblie.
Cette région assurant un « lien faible » peut être une couche iso-
lante de faible épaisseur (figure 2) formant une barrière de poten-
tiel, les quasi-particules et les paires de Cooper ne pouvant la
b jonction sous-amortie (hystérétique) traverser que par effet tunnel (§ 2.3.1.1). C’est ce type de jonction
tunnel qu’avait envisagé à l’origine B. Josephson. D’autres liens fai-
bles peuvent aussi être réalisés [1] [15]. Ainsi, la couche mince sépa-
Figure 1 – Marches de tension à partir d’une jonction Josephson ratrice peut être métallique (le couplage se faisant par effet de
proximité). Le lien peut être de type contact à pointe, aiguille supra-
conductrice piquant sur une plaque supraconductrice ou type
d’un courant de quasi-particules (électrons non appariés). Ce supra- micropont, film supraconducteur dont la largeur est réduite locale-
courant alternatif résulte du fait que la différence de phase n’est plus ment à une valeur de l’ordre de grandeur de la longueur de cohé-
constante dans le temps : rence des paires de Cooper (distance moyenne des électrons dans
une paire) ou encore de type joint de grains. Les techniques utilisées
dϕ ⁄ dt = (2e ⁄ |)U (2) pour la réalisation de jonctions Josephson, individuelles ou en
réseau série (§ 1.1.3), sont celles utilisées en microélectronique :
où | = h ⁄ 2π est la constante réduite de Planck. dépôt de couches minces par des techniques de pulvérisation ou
Si la tension U est constante, ϕ varie linéairement avec le temps d’évaporation sous vide, photolithographie et gravure.
et conduit à partir de (1) à une variation sinusoïdale du La figure 3 représente le circuit électrique équivalent d’une jonc-
supracourant : tion Josephson connectée à une source extérieure. Dans la pratique,
celle-ci délivre un courant sinusoïdal à haute fréquence I1 sinωt et un
I J = I C sin ( ( 2 e ⁄ | ) U t + Cte ) (3) courant continu de polarisation I0. D’après le modèle RCSJ (resisti-
vely and capacitively shunted junction) proposé par W. Stewart [18]
Réciproquement, cette oscillation de courant peut être synchroni- et D. McCumber [19], la jonction est composée de trois branches où
sée sur la fréquence fondamentale f d’un courant alternatif appliqué circulent respectivement :
à la jonction, ou sur ses harmoniques nf, de telle sorte que la carac- — le supracourant IJ donné par la relation de Josephson
téristique courant – tension présente une succession de marches de IJ =IC sinϕ ;
valeur constante (figure 1) : — le courant porté par les quasi-particules Iq = U/R où U est la
Un = n (h/2e)f (4) chute de potentiel aux bornes de la jonction et R la résistance tunnel
des quasi-particules (résistance normale) ;
Nota : les marches de tension sont souvent appelées marches de Shapiro du nom de — le courant de déplacement lié aux effets capacitifs entre les
l’expérimentateur qui les a observées pour la première fois.
deux électrodes supraconductrices Id = C dU/dt.
■ Si les jonctions sont larges (ce qui n’est pas le cas des jonctions La somme de ces courants doit égaler le courant I fourni par la
Josephson à but métrologique), le supracourant ne peut plus être source :
considéré comme uniforme. La pénétration du champ magnétique
induit une interférence des courants de paires. Le courant total tra- I = I0 + I1 sinωt = C dU/dt + U/R + IC sinϕ (5)
versant la jonction varie alors en sin(πΦ/Φ0)/(πΦ/Φ0).
L’élimination de U en utilisant la relation (2) conduit à une équa-
Le deuxième effet Josephson, dit alternatif, permet donc de dis- tion différentielle non linéaire du second degré :
poser d’un étalon de tension parfaitement reproductible et quasi
idéal puisque ne dépendant que d’une fréquence f par le biais d’une I = | C ⁄ ( 2 e ) d 2 ϕ ⁄ d t 2 + | ⁄ ( 2 eR ) d ϕ ⁄ d t + I C sin ϕ (6)
constante fondamentale h/2e. L’observation de ce phénomène
nécessite cependant un environnement cryogénique. Les jonctions L’obtention de la variation temporelle de ϕ est donc ici très
actuellement conçues pour les besoins métrologiques sont basées complexe. Dans le cas général où ϕ n’est pas faible, sin ϕ ≠ ϕ ,
sur des matériaux supraconducteurs à basse température critique l’équation ne peut en effet être résolue que de façon numérique.

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R908

ÉTALON S ÉLECTRIQUES FON DAM EN TAUX ACTIFS ____________________________________________________________________________________________

signal d’excitation. Dans le cas de la jonction, il faut pouvoir ver-


rouiller la phase des oscillations Josephson sur celle du courant
Iq Id IJ
haute fréquence appliqué I1 pour obtenir des marches de tension
I0 + I1 sin ωt U R C stables.
Comme nous allons le voir par la suite (§ 1.1.3), un verrouillage
stable est possible sous certaines conditions impliquant d’une part
Iq : courant des quasi-particules les caractéristiques de la jonction et d’autre part la fréquence et la

1
puissance d’irradiation. Si ces conditions ne sont pas réunies, la
Id : courant de déplacement jonction a alors un comportement chaotique se traduisant par des
IJ : supracourant Josephson commutations aléatoires de la tension Josephson sur plusieurs
marches.
Figure 3 – Circuit électrique équivalent d’une jonction Josephson
selon le modèle de Stewart-McCumber
1.1.2 Constante de Josephson

Dès les années 1970, la plupart des LNM utilisaient l’effet Joseph-
son alternatif pour conserver le volt. Cependant, du fait des légères
différences obtenues dans les mesures de h/2e et donc de 2e/h effec-
tuées à l’époque (par des réalisations SI du volt ou par des métho-
des indirectes), il n’y eut pas de consensus international. Plusieurs
valeurs du quotient de la fréquence par la tension de la première
marche de l’effet Josephson (2e/h) furent en effet utilisées de par le
θ
monde. Elles étaient exprimées en unités de laboratoire, unités
m
conservées par des groupes de piles Weston saturées (dont la valeur
moyenne était en fait périodiquement ajustée par comparaison à la
tension Josephson). En France, le coefficient de passage entre le
ms volt « LCIE » et la fréquence était évalué à 483 594,64 GHz/VLCIE à
comparer à la valeur suggérée par le Comité consultatif d’électricité
(CCE) en 1972 pour le volt maintenu par le Bureau international des
Figure 4 – Analogie entre une jonction Josephson et un pendule poids et mesures (BIPM) : 483 594,0 GHz/VBI-69. Suite aux dernières
(d’après [16]) déterminations de 2e/h dont les résultats étaient en meilleur accord
(§ 1.5), le Comité international des poids et mesures (CIPM) a recom-
mandé en 1988 à tous les LNM de maintenir le volt à partir de l’effet
En introduisant les grandeurs sans dimension i = I/IC et τ = 2πfPt Josephson en utilisant comme quotient fréquence/tension, la cons-
où fP = (eIC/(πhC))1/2 est la fréquence de plasma, fréquence de réso- tante KJ et en lui assignant une seule et même valeur avec comme
nance naturelle de la jonction qui est définie à partir de la capacité C date d’application le 1er janvier 1990 [5] :
et de l’inductance L = | ⁄ ( 2 e I C ) de la jonction, la relation (6) se KJ-90 = 483 597,9 GHz/V
réécrit sous la forme :
La représentation du volt est alors devenue la même pour tout le
i = d2ϕ/dτ2 + Q−1 dϕ/dτ + sinϕ (7) monde. Exprimée en unités SI, cette valeur de KJ est entachée d’une
avec Q = 2πRCfP, le facteur de qualité de la jonction. Selon la valeur incertitude de 4 · 10−7 en valeur relative.
de C, suffisamment grande telle que Q > 1 ou faible conduisant à L’engouement des métrologues pour appliquer l’effet Josephson
Q << 1, les marches de tension délivrées par la jonction irradiée à un à la conservation du volt résultait en fait de travaux théoriques et
même niveau de puissance couperont ou ne couperont pas l’axe expérimentaux qui tendent à vérifier la validité de la relation tension
des tensions à courant nul comme l’indique la figure 1. – fréquence. De nombreuses expériences ont ainsi montré que la
relation de Josephson ne dépend pas des caractéristiques de la
jonction, nature des matériaux (Pb, Sn, In, Nb), géométrie (tunnel,
Remarque : Q est identique à β C1 / 2 où βC est le paramètre micropont, etc.), ni des conditions expérimentales, température
d’amortissement de Mc Cumber. Lorsque βC > 0,7 (jonction (entre 1,2 K et 4,2 K), champ magnétique, puissance d’irradiation et
sous-amortie de forte capacité), la courbe courant – tension en courant de polarisation. Les comparaisons les plus précises de ten-
régime statique (sans irradiation) décrira un cycle d’hystérésis. sions entre deux jonctions Josephson (de technologies différentes
mais irradiées à la même fréquence) ont d’ailleurs montré un accord
L’analogie d’une jonction Josephson avec un pendule (voir à 2 · 10−16 près en valeur relative. Ces résultats expérimentaux con-
figure 4) permet de comprendre pourquoi des marches de tension firment que le quotient fréquence/tension est bien une constante
stables peuvent être obtenues [16]. fondamentale sans que cela soit la preuve formelle qu’il s’agisse
véritablement de 2e/h.
La différence de phase ϕ correspond en fait à l’angle de rotation θ Nota : c’est la raison pour laquelle une nouvelle constante KJ a été introduite. Notons
du pendule par rapport à la verticale. La capacité C remplace le que cette constante a également été observée à partir de jonctions basées sur des supra-
moment d’inertie. Le courant continu de polarisation I0 joue le rôle conducteurs à haute température critique (YBaCuO).
du couple appliqué par le contrepoids d’une masse suspendue mS.
Il ne doit pas dépasser le courant critique IC qui correspond au cou-
ple exercé par le poids du pendule mg. La conductance 1/R est le 1.1.3 Étalons de tension 1 V et 10 V à base
coefficient d’amortissement. Un faible amortissement signifie ici de réseaux de jonctions Josephson
que le pendule peut effectuer plusieurs rotations dès qu’un couple
lui est appliqué. Les premières références de tension à base de monojonction
La rotation du pendule peut être synchronisée avec la variation Josephson, bien qu’elles soient de bien meilleure reproductibilité
temporelle alternative du poids ajouté à celui de la masse suspen- que les piles Weston saturées, étaient difficiles d’utilisation, la ten-
due (conduisant à un mouvement périodique de montée et des- sion étant de faible niveau, soit au maximum quelques millivolts (la
cente). n tours du pendule correspondent alors à une période du fréquence d’irradiation usuelle étant de 10 GHz tout au plus). La

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comparaison de cette tension à celle de 1,018 V délivrée par les piles — fréquence de plasma fP bien plus faible que la fréquence d’irra-
Weston nécessitait l’emploi d’un diviseur de tension dont la mise en diation (condition indispensable pour éviter un comportement
œuvre et l’étalonnage étaient particulièrement délicats. L’incertitude chaotique), dans la pratique fP < f /3 ;
finale de l’étalonnage d’une pile atteignait alors 100 nV. — courant critique IC aussi grand que possible pour éviter les
Exemple : le BNM-LCIE utilisait un diviseur résistif série parallèle sauts de marche provoqués par du bruit.
(avec un rapport 225) et une source de courant stable (basée sur des Exemple : paramètres de conception d’une jonction de type Nb/
transistors à effet de champ) [20]. Les principales causes d’incertitude Al2O3/Nb (d’après [16])

1
de l’étalonnage d’une pile étaient alors inhérentes au manque de réso- — densité de courant critique J = 20 A/cm2 ;
lution du nanovoltmètre, au rapport du diviseur, à la stabilité de la — longueur L = 18 µm, largeur w = 30 µm ;
source de courant et à la dérive des f.e.m. thermiques générées par les — courant critique IC = 108 µA, capacité C = 20 pF ;
fils de tension reliant la jonction au dispositif de mesure. — fréquence de plasma fP = 20 GHz ;
La réduction des incertitudes sur le raccordement des étalons — fréquence basse de la cavité résonante fFiske = 175 GHz ;
matériels devait passer naturellement par l’augmentation de la ten- — fréquence d’irradiation optimale f = 75 GHz.
sion Josephson en mettant en série un certain nombre de jonctions.
Des premières tentatives ont été menées à partir d’une polarisation Il faut en outre que toutes les jonctions du réseau soient unifor-
individuelle des jonctions. Cela demandait néanmoins la mise en mément irradiées, ce qui nécessite une certaine structure de circuit
œuvre d’une électronique de commande relativement complexe. Il intégré.
fut alors suggéré l’utilisation des jonctions tunnel de forte Exemple : la figure 5 représente le premier réseau 10 V fabriqué
capacité C, donc des jonctions sous-amorties (ou encore par le NIST. Une antenne finline recueille le rayonnement micro-onde
« hystérétiques »), qui présentent l’avantage de délivrer plusieurs (ici f = 72 GHz) et le retransmet dans un circuit strip line. Celui-ci est
marches de tension stables à courant de polarisation nul (figure 1) éclaté en huit branches strip line dont l’électrode supérieure est
lorsque la fréquence d’irradiation est largement supérieure à la fré- composée de 1 773 jonctions (Nb/PbInAu/Nb) mises en série (le plan
quence plasma [21]. Il suffit d’une seule source de courant pour de masse étant en niobium et le diélectrique en SiO2). Chaque branche
polariser un réseau de N jonctions mises en série. Ainsi, les pre- est terminée par une charge adaptée pour empêcher l’apparition
miers réseaux d’environ 2 000 à 3 000 jonctions délivrant des ten- d’ondes stationnaires qui affecteraient l’uniformité du rayonnement sur
sions de 1 V ont pu être élaborés [22]. Ce fut là le fruit d’une les jonctions. Des connecteurs haute impédance entre chacune des
collaboration entre le National Institute of standard and technology huit branches permettent la mise en série des 14 184 jonctions. Des
(NIST) et la Physicalisch-Technische Bundesanstalt (PTB). capacités de couplage évitent que la tension totale ainsi délivrée ne
Aujourd’hui, des réseaux de 1 V et de 10 V, ces derniers étant soit court-circuitée par le circuit micro-onde.
composés d’environ 20 000 jonctions, sont développés par quel-
ques LNM et peuvent être disponibles commercialement. Pour un réseau 10 V tel que celui présenté sur la figure 5, chaque
La conception de tels réseaux pour qu’ils puissent délivrer des jonction délivre environ huit marches de tension avec un intervalle
marches de tension stables repose sur quatre conditions que doi- de 150 µV (f/KJ) pour une fréquence d’irradiation de 72 GHz. En
vent respecter les paramètres des jonctions à une fréquence d’irra- moyenne, ces jonctions sont polarisées sur la quatrième ou cin-
diation f donnée [16] [17] : quième marche pour que le réseau délivre une tension totale de
10 V. Dans le cas des réseaux actuels de 1 V, les jonctions opèrent
— jonctions de faible longueur L (figure 2) de telle sorte que le
sur la deuxième ou troisième marche (avec 70 GHz < f < 85 GHz).
flux induit par le champ magnétique alternatif au travers de leur sur-
face reste bien inférieur au quantum de flux Φ0 ; Le dessin de la figure 6 montre les marches de tension au voisi-
— longueur L et largeur w petites pour que le mode le plus bas de nage de 1 V d’un réseau de 3 020 jonctions irradié à une fréquence
la cavité résonante soit à une fréquence supérieure à f (L et w beau- de 77 GHz. Une marche est sélectionnée en alimentant en courant
coup plus faibles que la moitié de la longueur d’onde d’irradiation) ; continu une résistance variable mise en parallèle sur le réseau.

Réseau de jonctions en série

Capacité de couplage

Antenne finline

Plan de masse

Plot de contact
Figure 5 – Réseau NIST de 14 184 jonctions
Terminaison résistive
Josephson mises en série délivrant une tension
nominale de 10 V

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19
1

20
Instrumentation de mesures électriques
(Réf. Internet 42413)

1– Étalons et références 2
2– Instrumentation Réf. Internet page

Constitution d'un laboratoire de référence en métrologie dans le domaine électricité- R925 23


magnétisme
Vérification et maintenance d'un parc d'appareils de mesure R927 29

Les SQUID et leurs applications R928 33

Mesures en compatibilité électromagnétique R930 37

Les antennes en compatibilité électromagnétique R931 43

Cadre physique de la métrologie en compatibilité électromagnétique. Descriptif R932 49


général
Cadre physique de la métrologie en compatibilité électromagnétique. Analyse des R935 53
phénomènes
Mesure de l'exposition humaine aux champs radioélectriques. Environnement R933 57
radioélectrique
Mesure de l'exposition humaine aux champs radioélectriques. Partie 2 : exposimétrie R934 63

Réseaux électriques intelligents : défis technologiques et moyens de mesure R940 67

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21
2

22
Référence Internet
R925

Constitution d’un laboratoire


de référence en métrologie
dans le domaine électricité-
magnétisme
par Alexandre BOUNOUH
Docteur de l’université Paris XI
2
Responsable du département métrologie électrique basse fréquence au Laboratoire
national de métrologie et d’essais (LNE)

et Djamel ALLAL
Docteur de l’université Lille I
Responsable du département métrologie électrique haute fréquence au Laboratoire
national de métrologie et d’essais (LNE)

1. Organisation de la métrologie et chaı̂ne de raccordement .... R 925v2 – 2


1.1 Système international d’unités .......................................................... — 2
1.2 Arrangement de reconnaissance mutuelle ........................................ — 3
1.3 Cofrac ................................................................................................. — 3
1.4 Norme ISO/CEI 17025 ......................................................................... — 3
2. Infrastructures du laboratoire de métrologie ........................... — 3
2.1 Conditions ambiantes ........................................................................ — 4
2.2 Vibrations ........................................................................................... — 7
2.3 Immunité électromagnétique ............................................................. — 7
2.4 Alimentation électrique ...................................................................... — 9
2.5 Installations et équipements complémentaires ................................ — 10
3. Instruments de mesures ................................................................ — 11
3.1 Domaine courant continu .................................................................. — 11
3.2 Domaine basse fréquence.................................................................. — 13
3.3 Domaine haute fréquence .................................................................. — 15
4. Organisation du laboratoire.......................................................... — 17
4.1 Rôle du laboratoire ............................................................................ — 17
4.2 Dispositions organisationnelles......................................................... — 17
4.3 Compétence du personnel ................................................................. — 18
5. Exemple de laboratoire de référence .......................................... — 18
5.1 Domaine courant continu .................................................................. — 18
5.2 Domaine basse fréquence.................................................................. — 19
5.3 Domaine haute fréquence (sur ligne coaxiale 50 W) ......................... — 19
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. R 925v2

ans un contexte économique et industriel mondialisé et des échanges en


D forte croissance, le recours à la métrologie et à un système de reconnais-
sance et d’équivalence entre les pays dans ce domaine est le meilleur moyen de
garantir la probité de ces échanges et d’accompagner plus efficacement le
développement économique des entreprises. En effet, le besoin de mesures
de plus en plus précises est devenu un enjeu économique considérable. Ceci
se manifeste par exemple dans les mesures pour la conformité des appareils
avant mise sur le marché selon des directives ou des normes. Ainsi, les résul-
tats de mesures qui sont aux frontières de la conformité ou « borderline » peu-
vent constituer, selon la décision prise sur la réussite ou non du résultat de
l’appareil de mesure, une source de pertes économiques importantes pour le
Parution : juin 2010

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. R 925v2 – 1

23
Référence Internet
R925

CONSTITUTION D’UN LABORATOIRE DE RÉFÉRENCE EN MÉTROLOGIE DANS LE DOMAINE ÉLECTRICITÉ-MAGNÉTISME –––––––––––––––––––––––––––––––––

fabricant en cas de refus ou d’une mise en danger des biens et des consomma-
teurs dans le cas contraire. L’économie mondiale a donc besoin de structures
qui puissent contrôler et organiser les échanges entre pays et continents et per-
mettre une reconnaissance mutuelle des étalons et possibilités de mesure entre
les différents systèmes d’accréditation ou d’évaluation de la conformité. C’est
l’objet du premier chapitre qui brosse un aperçu de l’organisation de la métro-
logie au niveau international et de la chaı̂ne de raccordement au niveau
national.
Le domaine de la métrologie électrique est extrêmement étendu en termes de
grandeurs mesurables et également en termes d’impact. En effet, le développe-
ment très important de l’électronique a fortement contribué au développement
de l’instrumentation dans tous les domaines de la mesure où in fine se sont des
2 grandeurs électriques à mesurer. Il est donc très important pour un laboratoire
de référence en métrologie s’inscrivant dans le domaine de l’électricité-magné-
tisme de bien se positionner pour couvrir toutes les grandeurs incontournables
tout en optimisant le nombre d’étalonnages et de prestations pour que l’activité
économique reste viable. Les investissements matériels et d’infrastructure à
mettre en œuvre seront fonction de l’étendue des grandeurs électriques à cou-
vrir, mais également du niveau d’incertitude recherchée pour les étalonnages.
Ceci est traité dans les chapitres 2 et 3 qui décrivent respectivement les infra-
structures (conditions de l’ambiante et climatisation, immunité électromagné-
tique et vibrations) du laboratoire de métrologie et les instruments de mesure
et étalons indispensables pour l’activité.
Le chapitre 4 traite des principales règles de fonctionnement qui régissent les
activités du laboratoire de métrologie. Les aspects organisationnels sont abor-
dés à travers les exigences de la norme ISO/CEI 17025, tant du point de vue du
système de management que celui des exigences techniques et en terme de
compétence du personnel du laboratoire. Enfin, le chapitre 5 donne un exemple
de laboratoire de métrologie en électricité-magnétisme en détaillant les diffé-
rents équipements et instruments de mesure pour chacun des sous-domaines
avec les incertitudes cibles associées.

1. Organisation 1.1 Système international d’unités


de la métrologie et chaı̂ne C’est la création du système métrique lors de la Révolution fran-
çaise et le dépôt, le 22 juin 1799, des deux étalons en platine, repré-
de raccordement sentant le mètre et le kilogramme, aux Archives de la République
française à Paris qui marquent probablement le départ de l’édifica-
tion du Système International d’unités (SI). Le système métrique
associé à la seconde, définie en astronomie, constitua un système
La constitution d’un laboratoire de référence en métrologie élec- cohérent d’unités avec l’introduction en 1874 du système CGS (cen-
trique dans le cadre d’une chaı̂ne de raccordement nécessite, timètre, gramme, seconde) et le passage en 1889 au système MKS
comme pour les autres domaines, de respecter les règles et exigen- (mètre, kilogramme, seconde). En parallèle, les grandeurs électri-
ces qui permettent de démontrer la traçabilité de ses références au ques telles que l’ohm pour la résistance électrique, le volt pour la
Système international d’unités (SI). En amont de cette chaı̂ne de force électromotrice et l’ampère pour l’intensité de courant élec-
raccordement, les laboratoires nationaux de métrologie (LNM) ont trique furent introduites, dans les années 1880 par la British Asso-
pour mission d’établir les étalons nationaux de mesure et de les ciation for the Advancement of Science (BAAS, aujourd’hui BA) et
disséminer aux utilisateurs au moyen d’étalonnages successifs le Congrès international d’électricité (CIE, aujourd’hui CEI, Commis-
dans le cadre de cette chaı̂ne de raccordement. Le laboratoire natio- sion électrotechnique internationale), dans le cadre d’un système
nal de métrologie a également pour mission d’effectuer les compa- mutuellement cohérent d’unités pratiques permettant de compléter
raisons internationales nécessaires à la démonstration de l’équiva- le système CGS pour le domaine de l’électricité-magnétisme. En
lence internationale de ces étalons nationaux. La dissémination au 1901, l’idée de combiner les unités mécaniques du système MKS
niveau national est réalisée dans le cadre d’un système d’accrédita- au système pratique d’unités électriques en un unique système
tion strictement réglementé. cohérent conduisit le Comité consultatif d’électricité (CCE, aujour-
Les paragraphes suivants donnent le cadre général dans lequel d’hui CCEM) à proposer l’ajout de l’ampère, unité de nature élec-
un laboratoire de métrologie devra s’inscrire : du Système interna- trique aux trois unités de nature mécanique. Cet ajout fut approuvé
tional d’unités et accords de reconnaissances mutuelles, aux orga- par le Comité international en 1946 et par la 10e Conférence géné-
nismes d’accréditation et normes applicables sous-jacentes. rale des poids et mesures (CGPM) en 1954.

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R925

––––––––––––––––––––––––––––––––– CONSTITUTION D’UN LABORATOIRE DE RÉFÉRENCE EN MÉTROLOGIE DANS LE DOMAINE ÉLECTRICITÉ-MAGNÉTISME

Le SI est en constante évolution. Tenant compte des besoins des Les résultats de ces comparaisons aboutissent aux déclarations
utilisateurs, il repose aujourd’hui sur sept unités de base considé- des aptitudes en matière de mesures et d’étalonnages (CMC : « Cali-
rées par convention comme indépendantes du point de vue dimen- bration and Measurement Capabilities ») pour chaque laboratoire,
sionnel : le mètre, le kilogramme, la seconde, l’ampère, le kelvin, la inscrites dans une base de données gérée par le BIPM et accessible
mole et la candela [1]. sur son site Internet. Ainsi, les signataires du MRA s’engagent à
reconnaı̂tre les résultats des comparaisons internationales, inscrits
dans la base de données, et de ce fait à reconnaı̂tre les CMC des
1.2 Arrangement de reconnaissance autres laboratoires participant à l’arrangement, et inscrites dans la
mutuelle base de données.

L’arrangement de reconnaissance mutuelle (MRA) du CIPM


répond à la nécessité d’une coopération efficace entre les laboratoi- 1.3 Cofrac
res nationaux de métrologie, les organisations régionales de Au niveau national, un ensemble de laboratoires accrédités per-

2
métrologie (RMO) et le BIPM, afin d’améliorer la traçabilité interna- met de disséminer les étalons nationaux ou internationaux pour les
tionale des étalons de mesure. Notons par ailleurs que cette convic- différentes grandeurs. Le Cofrac, Comité français d’accréditation,
tion selon laquelle il est nécessaire d’officialiser la reconnaissance joue dans ce cadre un rôle central en garantissant la traçabilité des
des étalons nationaux de mesure est également en accord avec la mesurages effectués à tous les niveaux, depuis le LNM, jusqu’à l’uti-
position de l’International Accreditation Cooperation (ILAC) déposi- lisateur final. Le Cofrac a ainsi pour mission d’attester que les labo-
taire d’un arrangement équivalent parmi les organismes accrédi- ratoires accrédités sont compétents et impartiaux et d’obtenir au
teurs membres et organisations régionales d’accréditation. niveau international l’acceptation de leurs prestations et la recon-
Le MRA dont l’organigramme est donné dans la figure 1, est naissance de leurs compétences. Cela permet d’établir la confiance
signé par les directeurs des LNM des États membres de la Conven- auprès des diverses parties intéressées que sont les entreprises, les
tion du Mètre et des États et entités économiques associés à la consommateurs ou les pouvoirs publics, en ce qui concerne la qua-
Conférence générale des poids et mesures. Il a concrètement pour lité des prestations offertes par les laboratoires accrédités.
but d’établir le degré d’équivalence entre les étalons nationaux de Enfin, dans une économie de plus en plus ouverte, l’accréditation
mesure conservés par les LNM et de pourvoir à la reconnaissance se révèle un outil précieux qui facilite et accélère les échanges,
mutuelle des certificats d’étalonnage et de mesurage émis par ces notamment grâce aux accords multilatéraux (MLA) dont le Cofrac
derniers, par l’organisation de comparaisons internationales de est signataire, et qui permettent à une accréditation obtenue en
mesurage et l’établissement de systèmes de qualité et de démons- France d’être reconnue en Europe et dans le monde entier. De ce
tration de leurs compétences. fait, un certificat d’étalonnage portant la marque Cofrac Étalonnage
apporte les mêmes garanties de traçabilité qu’un document émis
par un laboratoire d’étalonnage accrédité par l’un des signataires
Laboratoires nationaux de métrologie des accords multilatéraux et portant la marque du signataire
[R 62v2].
Étalons Aptitudes
nationaux en matière de mesures
de mesure et d'étalonnages
1.4 Norme ISO/CEI 17025
La norme principale appliquée dans les laboratoires de métrolo-
Comparaisons Systèmes gie dans le cadre de l’accréditation est la norme ISO/CEI 17025.
clés qualité Celle-ci définit les exigences générales concernant les compétences
des laboratoires d’étalonnage et d’essais et leur permet de se faire
reconnaı̂tre comme compétents et fiables par un organisme d’ac-
Comparaisons créditation tel que le Cofrac en France. Dans le cadre d’un labora-
supplémentaires toire d’étalonnage dont la principale activité est de réaliser des éta-
lonnages, la norme ISO/CEI 17025 énumère notamment les
Clés + supplémentaires nombreux facteurs qui déterminent l’exactitude et la fiabilité de
Comités consultatifs Organisations ces étalonnages. Ces facteurs sont inévitablement nombreux et
Organisations RMO
régionales sont liés par exemple aux étalons qui établissent la traçabilité, à
régionales (RMO) de métrologie (RMO) l’objet étalonné lui-même, aux installations, aux conditions
BIPM
ambiantes, aux méthodes, aux équipements, aux opérateurs, etc.
Ces facteurs doivent être pris en compte dans l’évaluation du
Résultats Soumissions bilan d’incertitude associé à l’étalonnage, sachant que tous ces fac-
teurs contribuent à l’incertitude totale de manière différente et
Comité mixte dépendent de la méthode qui est employée pour réaliser l’étalon-
Comités consultatifs des RMO et du BIPM nage. L’application de la norme ISO/CEI 17025 constitue le support
(JCRB) idéal pour la mise en place d’un laboratoire de métrologie, la sou-
mission d’un dossier d’accréditation et sa validation par l’orga-
Aptitudes nisme accréditeur [SL 2 120].
Degrés
d'équivalence en matière de mesures
et d'étalonnages (CMC)

Annexe B du MRA
Information
Annexe C du MRA 2. Infrastructures
du laboratoire de métrologie
Base de données des comparaisons clés
Nous allons aborder dans cette partie les différentes infrastructu-
res nécessaires pour le fonctionnement d’un laboratoire de métro-
Figure 1 – Organigramme du MRA du CIPM (BIPM) logie dans le domaine électrique. Il s’agira de préciser les critères et

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CONSTITUTION D’UN LABORATOIRE DE RÉFÉRENCE EN MÉTROLOGIE DANS LE DOMAINE ÉLECTRICITÉ-MAGNÉTISME –––––––––––––––––––––––––––––––––

les conditions de référence des installations qui permettent au une seule température de régulation, le laboratoire de métrologie
laboratoire de métrologie de s’assurer qu’il dispose des meilleures électrique devra se garder la possibilité de modifier ultérieurement
conditions compatibles avec ses possibilités d’étalonnage. Dans un la température de consigne de 20  C vers 23  C ou vice versa. Dans
premier temps, des spécifications élevées sur ces infrastructures ce cas, il sera alors nécessaire de caractériser les étalons à la nou-
seront données qui correspondent à la plupart des installations velle température. Par ailleurs, il est fréquent de voir dans le même
des LNM mais qui seront ensuite déclinées pour correspondre à bâtiment de métrologie, certains laboratoires être régulés à 20  C et
un niveau d’exigence suffisant pour un laboratoire de métrologie d’autres à 23  C en fonction des spécificités des expérimentations
avec une accréditation nationale. et appareils de mesure de chaque laboratoire. Cependant et pour
Les caractéristiques et critères des locaux d’un laboratoire de des raisons de confort des utilisateurs, une consigne de régulation
métrologie sont bien évidemment étroitement liés aux grandeurs de la température ambiante à 23  C est souvent préférable ; c’est
mesurées dans ce laboratoire qui définit alors l’environnement d’ailleurs le choix qui est fait actuellement dans la plupart des
dans lequel s’effectuent les mesures et les étalonnages. Cet envi- LNM de par le monde.
ronnement agit directement sur le comportement et les performan-

2
ces métrologiques des étalons et appareils de mesure. De ce fait, 2.1.1.1.2 Stabilité
dans un laboratoire de métrologie on doit être capable de maı̂triser La stabilité de la température ambiante du local de métrologie
et de connaı̂tre les différentes grandeurs d’influence susceptibles est un élément très important qui conditionne la qualité des mesu-
d’affecter les mesures, et ce à un niveau suffisant pour être compa- res effectuées dans ce laboratoire. En effet, nombreux sont les élé-
tible avec les incertitudes de mesure recherchées. On comprendra ments de référence (résistances, piles étalons, références à diode
bien alors que le degré d’exigence requit pour les locaux du labo- Zener…) qui ont une dépendance directe avec la variation de la
ratoire sera différent suivant les incertitudes des étalonnages ; ces température qui peut être de fait la part prédominante dans le
exigences seront par exemple extrêmement pointues pour un labo- bilan d’incertitude pour la mesure. Pour exemple, une résistance
ratoire national de métrologie alors que pour un laboratoire accré- ayant un coefficient thermique de 1 ¥10-6/ C, qui est un excellent
dité le niveau d’exigence sera moindre. CT, a besoin d’une stabilité de la température de ± 0,1  C sur le
Dans un laboratoire de métrologie électrique, les premières temps de la mesure pour assurer une incertitude de mesure de
conditions environnementales à maı̂triser sont la température et 10-7 et cela sans qu’aucune correction de la mesure liée à la
l’humidité relative de l’air ambiant. Ces deux paramètres ont une connaissance de la température ne soit nécessaire. Il en est de
influence prépondérante sur les caractéristiques métrologiques même pour toutes les mesures par substitution où les même
des étalons et appareils de mesure et notamment par rapport à la conditions environnementales doivent être maintenues tout au
pression qui est par ailleurs un paramètre difficile à maı̂triser mais long des mesures. Enfin, on a toujours intérêt à avoir une bonne
qui doit être cependant pris en compte si des mesures précises stabilité de la température ambiante même pour les systèmes de
sont requises (pour certains éléments passifs comme les résistan- référence qui possèdent leurs propres systèmes de régulation ou
ces). Cependant, hormis pour les LNM et uniquement pour certai- dans lesquels sont incorporés des circuits de compensation de l’in-
nes mesures, on pourra s’affranchir de mettre en œuvre des solu- fluence de la température ambiante. En effet, la régulation ther-
tions technologiques compliquées pour maı̂triser la pression mique de ces systèmes est d’autant plus efficace que la tempéra-
atmosphérique dans le local de mesure. D’autres facteurs perturba- ture du milieu extérieur est constante.
teurs de l’environnement sont également à considérer comme les Les meilleures stabilités de la température ambiante sont rencon-
champs électromagnétiques, les vibrations mécaniques et la qua- trées dans les installations qui sont l’apanage des LNM et peuvent
lité de l’alimentation électrique. être de ± 0,1  C pour des locaux ayant jusqu’à 40 m2 de surface. La
majorité des laboratoires des LNM sont régulés à 23  C avec une
2.1 Conditions ambiantes stabilité de ± 0,3  C à ± 0,5  C. Pour un laboratoire de métrologie
de référence, on pourra se contenter d’une régulation de la tempé-
rature ambiante à ± 1  C tout en veillant à traiter de façon spéci-
2.1.1 Température fique les appareils de référence sensibles qui peuvent être disposés
Dans toute régulation thermique, les questions auxquelles il faut dans des enceintes à air plus stables en température (résistances,
rapidement apporter des réponses sont la température de consigne piles et références à diode Zener étalons) ou dans des bains d’huile
de la régulation, la stabilité dans le temps de cette température et pour une régulation très fine à 10-3  C comme pour les résistances
bien évidemment les gradients admissibles dans le local à réguler étalons.
surtout si celui-ci est de grandes dimensions. Enfin, il faudra également faire attention à l’homogénéité de la
température ambiante dans le local de métrologie. En effet, les gra-
2.1.1.1 Conditions de référence dients de température sont le résultat de l’architecture elle-même
de la régulation thermique du local, combinée au volume du local
2.1.1.1.1 Température de consigne et son occupation par les instruments de mesures. Ces gradients
Les coefficients de température (CT) des étalons et appareils de peuvent être à l’origine d’erreurs de mesures engendrées par
mesure ont des minimums dans des plages de température, pour exemple par les forces électromotrices thermoélectriques parasites
lesquelles on a la meilleure stabilité de ces appareils. Pour la tem- pour les mesures de tension ou de résistance en courant continu,
pérature ambiante, il sera donc judicieux d’essayer de se placer pas soit simplement dans des mesures de comparaison de deux élé-
loin de la valeur de température correspondant aux minimums des ments de référence qui sont censés être à la même température et
CT (même si ceux-ci ne sont malheureusement pas les mêmes qui ne sont pas placés au même endroit. Il est d’ailleurs toujours
pour les différents appareils de référence). Les résistances étalons recommandé de disposer d’un moyen de mesure local de la tempé-
courantes sont par exemple conçues pour avoir toujours leur mini- rature au plus près de la mesure pour prévenir ce type de pro-
mum de CT entre 20  C et 25  C. Pour des étalons de résistance qui blème. On veillera dans la mise en place de la régulation de la tem-
ne disposent pas de leur propre système de régulation de la tempé- pérature ambiante du local de métrologie à limiter les possibles
rature, comme les boı̂tes de résistance à décade, il sera avantageux gradients à ± 1  C.
de travailler dans une ambiante entre 20  C et 25  C pour limiter
l’effet de la variation de la température. 2.1.1.2 Architecture de la régulation de température
En fait, il existe deux valeurs de température différentes qui peu- Pour compléter le cahier des charges de la partie climatisation du
vent être choisies pour un laboratoire de référence : 20  C ou 23  C laboratoire pour lequel il a déjà été défini une température de
(norme AFNOR NF X 15-050 ou recommandation ISO 554). Étant consigne et la stabilité associée, il faudra tenir compte aussi de la
donné qu’il n’y a pas encore d’accord au niveau international sur puissance globale dissipée par les appareils de mesure dans le

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local (en charge maximale), du taux de renouvellement d’air et réduit. On pourra par exemple extraire localement les calories pro-
même du nombre d’opérateurs et du type d’éclairage du labora- duites par les appareils dissipant beaucoup de puissance par un
toire. De plus, la situation géographique où est réalisé le local et réseau de canalisations aspirantes isolées thermiquement et réser-
plus précisément les conditions climatiques extérieures seront ver la régulation fine de la température dans l’environnement
considérées. En effet, le comportement et la qualité de tout sys- immédiat des étalons. Dans ce dernier cas, une zone de 1 m2 ou
tème de régulation de température dépendent fortement des 2 m2 peut être installée dans certains laboratoires. Elle pourra offrir
échanges thermiques entre le milieu à réguler et l’extérieur. Ainsi, également la possibilité de réguler la température entre 15  C et
selon l’exposition du bâtiment abritant le local de métrologie (nord 30  C, avec une stabilité de ± 0,1  C pour caractériser les étalons
ou sud), le milieu extérieur aura des caractéristiques différentes en température. Enfin, en dehors du local dans lequel les étalons
dont il faudra tenir compte pour réaliser le système de climatisa- et les bancs de mesure sont utilisés pour effectuer les étalonnages
tion. Il faudra rajouter à ces considérations l’effet des variations cli- et où les conditions de stabilité de la température sont indispensa-
matiques dues à l’alternance du jour et de la nuit et aux saisons qui bles, les autres locaux nécessaires pour les petits travaux de déve-
peuvent représenter des variations de température du milieu exté- loppements, de réparation et de maintenance des appareils devront
rieur de l’ordre de quelques dizaines de degrés. être traités avec des exigences bien moindres. Dans ce cas, il fau-

2.1.1.2.1 Dispositions générales


Tenir compte de toutes les considérations précédentes va per-
dra aménager chaque laboratoire pour qu’il puisse disposer à l’en-
trée d’un premier local qui aura plusieurs fonctions, sas d’entrée,
endroit où on réalise les petits travaux et pourra servir également
2
mettre d’élaborer et de structurer l’architecture du local pour obte- au contrôle à distance des bancs de mesure en y déportant les ordi-
nir une régulation de la température assurant les meilleures condi- nateurs du local de mesures, minimisant ainsi les perturbations
tions de stabilité indispensables aux exigences élevées de la potentielles qu’ils représentent. La régulation de la température
métrologie tout en optimisant le coût énergétique du système de dans ces salles de contrôle pourra être simplement de type confort.
climatisation. Il s’agira d’abord de bien maı̂triser les échanges ther- Pour la régulation de température, il faudra disposer d’un local
miques avec l’extérieur. La solution la plus adaptée est le local technique de climatisation dans lequel une installation centralisée
entièrement aménagé dans le sous-sol qui va permettre d’isoler de traitement de l’air extérieur stabilise la température de l’air
complètement les laboratoires et de réduire notablement les gra- aspiré à une température moyenne (entre 15  C et 17  C par exem-
dients de température avec l’extérieur. Cette solution constitue éga- ple) par refroidissement en été et par chauffage en hiver. Des appa-
lement une très bonne manière d’isoler les locaux du point de vue reils d’alimentation et de circulation d’air (monoblocs) seront alors
des vibrations mécaniques si des installations routières ou ferro- nécessaires pour conditionner l’air extérieur stabilisé dans le res-
viaires se trouvent à proximité. Une autre solution consiste à faire pect des exigences de température propres aux différents labora-
en sorte que les laboratoires les plus sensibles et qui exigent une toires et à leurs sas d’accès. Ces centrales ont quatre fonctions :
régulation très fine de la température soient entourés par d’autres
– contrôler et stabiliser la température ;
laboratoires ayant des contraintes moindres ou par les bureaux qui
– contrôler et stabiliser l’humidité relative ;
peuvent être alors en contact avec l’extérieur, c’est le principe de la
– purifier l’air par filtration des poussières ;
boı̂te dans la boı̂te. Ce principe permet une très bonne isolation
– ventiler l’air.
thermique des locaux sensibles et se traduit par un système de cli-
matisation plus performant et moins consommateur d’énergie. On Les inconvénients d’avoir de gros systèmes de climatisation sont
pourra également opter pour ce dernier principe dans le cas où le liés aux coûts élevés d’équipement et de fonctionnement, et aux
laboratoire devrait être installé dans des bâtiments déjà existants, risques encourus par les étalons et équipements de mesure en cas
on veillera alors à ce que l’intégration des locaux sensibles soit de panne. Pour cette dernière raison, il est préférable d’avoir plu-
centrale pour éviter d’avoir des parois directement en contact avec sieurs petites centrales qui alimentent différentes zones et labora-
l’extérieur. Cependant, quand les précédentes solutions ne peuvent toires du bâtiment, plutôt qu’une grande station qui alimente tout
pas être mises en œuvre et que le local de métrologie possède des le bâtiment.
parois en contact avec le milieu extérieur, d’autres dispositions
peuvent être prises pour limiter au maximum les échanges thermi- En fonction des performances à atteindre sur la stabilité et l’ho-
ques. Il s’agira d’abord de placer les laboratoires de telle façon que mogénéité de la température des laboratoires, plusieurs systèmes
les parties vitrées soient orientées au nord pour réduire les échauf- de ventilation des salles sont possibles :
fements directs dus au soleil tout en utilisant partout des solutions – soufflage de l’air par un faux plafond diffusant et reprise de l’air
de doubles-vitrages adaptés (facteurs de transmission d’énergie sous un faux plancher perforé. Cette solution est préconisée pour
solaire plus faibles dans l’infrarouge) et vitres teintées avec une des laboratoires où il y a un haut niveau d’exigence sur la régula-
bonne étanchéité. Si les bureaux ne sont pas situés dans les labo- tion de température qui peut atteindre ± 0,1  C, mais également
ratoires d’expérimentation et que ces laboratoires ne présentent pour les salles blanches ;
pas de fenêtres vers l’extérieur, alors il sera judicieux de déporter – soufflage par le plafond, reprise en périphérie de la salle (en
les bureaux sur la façade sud du bâtiment. Ensuite, il faudra amé- bas des cloisons par exemple). Cette solution est également desti-
liorer l’isolation thermique avec l’extérieur en utilisant un système née à des laboratoires où on cherche à bien maı̂triser la stabilité de
de doubles parois isolées (air, polystyrène) et en évitant surtout de la température puisqu’elle garde le principe du plafond diffusant,
créer tout pont thermique entre les deux parois. Enfin, l’étanchéité mais l’absence d’un plancher de reprise de l’air amènera quelques
de l’ensemble du bâtiment doit être parfaitement assurée, en parti- gradients de température ;
culier au niveau des fenêtres et portes d’accès. – soufflage en périphérie de la salle (par exemple en bas des cloi-
sons, sur deux faces opposées), reprise au plafond. Ce système est
2.1.1.2.2 Climatisation des laboratoires capable de tenir des exigences fortes et des performances remar-
Pour assurer une bonne stabilité de la température de consigne quables à conditions d’avoir des centrales de climatisation bien
de chaque laboratoire, le dispositif de climatisation devra être suffi- dimensionnées avec une vitesse de soufflage bien adaptée et des
samment dimensionné en puissance pour tenir compte, d’une part, agencements intérieurs qui ne soient pas des obstacles à l’écoule-
du volume et caractéristiques thermiques du local vis-à-vis des ment de l’air.
échanges avec l’extérieur qui dépendent des conditions climatiques La figure 2 illustre deux types de traitement de la ventilation cor-
et, d’autre part, de la puissance totale dissipée par les appareils de respondant à deux zones où les exigences en températures diffè-
mesure mais également par le personnel travaillant dans le local et rent sensiblement. Le soufflage de la salle A, où la stabilité recher-
le taux de renouvellement de l’air ambiant. chée de la température est de ± 1  C, s’effectue par des bouches de
À chaque fois que cela est possible, l’efficacité des régulations ventilation latérales, avec une reprise de l’air au niveau du plafond.
devra être améliorée et le coût des installations de climatisation En revanche, le traitement de la salle B est radicalement différent

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Vérification et maintenance
d’un parc d’appareils de mesure

par Philippe PENIN


Ingénieur consultant en Métrologie (Norma System) 2
1. Connaissance du parc............................................................................. R 927 - 2
1.1 Inventaire...................................................................................................... — 2
1.2 Identification ................................................................................................ — 2
2. Matériel : achat/location ........................................................................ — 2
3. Logiciels de gestion des moyens de mesure.................................... — 3
4. Métrologie.................................................................................................. — 3
4.1 Fonction métrologie .................................................................................... — 3
4.2 Responsabilités............................................................................................ — 4
4.3 Maîtriser le concept métrologie ................................................................. — 5
4.4 Outils de la fonction métrologie................................................................. — 5
4.5 Raccordement au système des chaînes d’étalonnage.............................. — 5
4.6 Autres activités du laboratoire de métrologie .......................................... — 7
4.7 Critères pour les vérifications..................................................................... — 7
4.8 Moyens ......................................................................................................... — 8
4.9 Limites... ....................................................................................................... — 8
5. Maintenance des moyens de mesure ................................................. — 8
5.1 Préambule .................................................................................................... — 8
5.2 Définition de la maintenance...................................................................... — 8
5.3 Types de maintenance ................................................................................ — 8
5.4 Type de contrat selon l’urgence ................................................................. — 10
6. Sous-traitance des fonctions maintenance et métrologie ........... — 11
6.1 Préambule .................................................................................................... — 11
6.2 Analyse du besoin ....................................................................................... — 11
6.3 Maintenance................................................................................................. — 11
6.4 Métrologie .................................................................................................... — 11
6.5 Efficacité économique ................................................................................. — 11
6.6 Solutions possibles ..................................................................................... — 11
6.7 Le meilleur choix.......................................................................................... — 12
7. Automatisation des mesures ................................................................ — 12
8. Conclusion ................................................................................................. — 12
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. R 927

e parc de matériels utilisés dans une société peut représenter un nombre


L d’unités plus ou moins important.
L’organisation mise en place pour gérer ce parc de matériels, aussi bien en
termes de maintenance que de suivi métrologique, sera bien entendu dif-
férente, selon la taille et la complexité des équipements composants ce parc.
Parution : juin 2006

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©Techniques de l’Ingénieur R 927 − 1

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Référence Internet
R927

VÉRIFICATION ET MAINTENANCE D’UN PARC D’APPAREILS DE MESURE __________________________________________________________________________

1. Connaissance du parc Dernier étalonnage

1.1 Inventaire Appareil n°

La première action à mener doit être de dresser la liste complète Prochain étalonnage
des équipements de mesure y compris ceux qui ne servent jamais
et ceux qui ne sont plus en état. Il faut profiter de cet instant pour a modèle 1
nouer les premiers contacts avec les utilisateurs, les connaître et
essayer « d’anticiper » leurs difficultés. Il faut également enre- 06/94
gistrer en même temps les affectations (lieux et/ou personnes), les
détenteurs (dans le cadre réglementaire) des appareils de mesure. b modèle 2

2
Le recensement du matériel est très utile pour les raisons suivantes :
éventuellement de couleur verte pour, par exemple, indiquer la conformité
— il permet de définir la politique à mettre en œuvre par la
fonction métrologie par rapport à l’importance et l’étendue du parc ; Figure 1 – Modèles d’étiquette
— il sert de base de données quand il faut choisir un nouvel
appareil ou pour les prêts d’appareils en interne ;
— il peut éviter l’achat de nouveaux instruments si certains ne
sont pas utilisés ;
— il est obligatoire pour les appareils fournissant des résultats
quant à la qualité et la conformité des produits, dans le cadre de
relations contractuelles (traçabilité) ;
— il est nécessaire pour assurer la gestion économique des Document utilisé par la société Dassault Électronique,
amortissements et des investissements. indiquant le numéro individuel.

Figure 2 – Étiquette d’identification à « code barres »


1.2 Identification
Après avoir recensé tous les équipements de mesure, il convient La figure 1 présente deux modèles d’étiquette, parmi d’autres.
de les identifier de façon matérialisée. Cela signifie qu’il faut définir L’étiquette n’est pas toujours la solution idéale bien que facile
une codification, que l’on rendra ou non significative. d’emploi car elle peut se décoller. Cependant, il y a eu beaucoup
Il est possible de prendre les numéros dans l’ordre naturel, sans de progrès dans ce domaine et une petite recherche peut permettre
aucune logique, de 1 à n. Cette numérotation peut être rendue plus de trouver le produit adéquat.
ou moins significative (par laboratoire, par service, par affectation, Lorsqu’il y a beaucoup d’instruments de mesure à gérer, le code
par famille, etc.). à barres apposé, par le biais d’une étiquette, directement sur
Cette méthode facilite la gestion des codes quand on gère le l’instrument, peut être utilisé. Cette solution intéressante comporte
parc informatiquement. des risques, car elle renvoie directement à l’unité informatique
Le plus important est de définir un système simple, clair et pour la totalité des informations relatives à l’appareil. De plus, cela
pouvant être de préférence repris dans la codification des nécessite une gestion informatisée très poussée, la présence de
documents liés aux instruments de mesure. lecteurs de codes barres (en bon état de fonctionnement) auprès
On peut aussi utiliser le numéro individuel (de l’instrument de des utilisateurs et rend anonyme le suivi de l’instrument (ce qui va
mesure) donné par le constructeur car presque tous les appareils à l’encontre d’une responsabilisation des utilisateurs). Cependant,
de mesure en possèdent un. Même si ce numéro n’est pas signi- ces difficultés peuvent être contournées en mettant le numéro
ficatif, il est déjà inscrit et évite ainsi les problèmes de marquage. individuel de l’instrument à côté du code barres. La figure 2 en
donne un exemple existant en entreprise.
L’identification doit être clairement apposée sur l’instrument et
ne doit pas l’altérer ; dans le cas d’un marquage par gravure, il faut Lorsque l’entreprise possédant du matériel de mesure confie la
faire attention à la méthode retenue. Il peut être utile d’identifier gestion à une société de service extérieure, par exemple un service
aussi la boîte de protection de l’instrument surtout si elle contient de métrologie accrédité pour l’étalonnage, il est important de
des documents ou des données utiles à l’emploi de l’appareil. De définir dans le contrat qui des deux parties apposera sur le maté-
même, dans le cas où les données relatives à la périodicité du suivi riel le marquage relatif à l’opération métrologique, bien que la défi-
(date du prochain étalonnage, par exemple) ne peuvent pas être nition de la périodicité soit de la responsabilité de l’utilisateur.
sur l’instrument (par manque de place, par exemple), on peut les L’entreprise peut définir sa politique en matière de gestion de la fonc-
mettre sur l’étui de protection, à condition de le garder à portée de tion métrologie après ou avant de procéder matériellement à l’identifi-
vue et qu’il mentionne la référence de l’instrument concerné. Au cation des instruments. Quoi qu’il en soit, ces deux actions (marquage
niveau des étiquettes, ne pas confondre celle d’identification et et identification) sont à mener dès le début, après l’inventaire.
celle correspondant au suivi métrologique, il peut être nécessaire
d’avoir deux étiquettes permettant de répondre à la fonction
inventaire et au suivi métrologique.
Dans la plupart des cas, une simple étiquette est apposée sur
2. Matériel : achat/location
l’instrument. En fonction de la taille, elle mentionne le numéro
individuel, la date de la prochaine opération métrologique (éta- Pour arriver à une exploitation performante et efficace d’un parc
lonnage et/ou vérification). Par un jeu de couleur de l’étiquette, on de matériels de mesure, il est un point important sur lequel il faut
peut faire apparaître la périodicité. rester intransigeant : l’équipe chargée d’assurer la maintenance et
la métrologie de ce parc doit être impliquée, avec les utilisateurs,
Exemple : jaune = 6 mois, bleu = 1 an, vert = 2 ans, ... dans le choix des appareils nécessaires à leurs activités.
La date peut être mentionnée en « semaine-année », le numéro En effet, combien de choix, effectués sous l’influence d’une
individuel et la fiche de vie permettant de remonter facilement publicité attractive ou d’un ingénieur de vente particulièrement
jusqu’au document métrologique (constat de vérification ou certi- persuasif, se sont révélés par la suite très coûteux en entretien ou,
ficat d’étalonnage). pire, inadaptés au besoin réel.

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R 927 − 2 ©Techniques de l’Ingénieur

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Référence Internet
R927

_________________________________________________________________________ VÉRIFICATION ET MAINTENANCE D’UN PARC D’APPAREILS DE MESURE

Pour éviter ces écueils, il est souhaitable de constituer une systèmes de développement pour microprocesseurs, compte tenu
équipe d’ingénieurs et/ou de techniciens qui ont pour mission de de l’évolution rapide des architectures proposées.
prendre en charge les demandes des utilisateurs et de les aider à Lorsque la décision d’achat a été prise, le choix du matériel doit
faire le choix des matériels en prenant en compte des paramètres prendre en compte, en plus des caractéristiques propres, un cer-
qui ne sont pas liés à leur seul cas particulier. tain nombre de critères (encadré 1).
Cette analyse peut passer par une remise en cause de la
méthode de mesure utilisée, et s’appuie également sur la connais-
sance des moyens disponibles dans le service demandeur. Il est
peut-être possible de répondre aux besoins par une meilleure 3. Logiciels de gestion
exploitation des moyens disponibles dans le service. des moyens de mesure
Exemple : s’il est nécessaire de disposer d’un signal hyper-
fréquence très pur et très stable, le choix se portera sur un synthétiseur.

2
Avec la montée en puissance de l’informatique dans toutes les
Cependant, il est peut-être suffisant d’utiliser un simple générateur que sociétés et les différents logiciels de gestion d’instruments de
l’on verrouillera en phase à l’aide d’un compteur de fréquence. mesure proposés sur le marché aujourd’hui, on est facilement
tenté d’en acquérir un.
Une fois ces questions techniques résolues, la fonction
« métrologie » s’appuie sur sa connaissance du marché pour Il faut être très attentif avant de se décider car tous sont loin de
définir les matériels pouvant convenir. La première démarche est répondre aux besoins des métrologues et leur coût réel ne
alors de chercher s’il n’y a pas dans l’entreprise un équipement s’amortit pas facilement. Nous n’en citerons aucun ici, souhaitant
disponible pour répondre aux besoins. Cela nécessite une bonne seulement apporter quelques points de repère.
connaissance du parc existant, ce qui est rendu possible par la Il faut d’abord être sûr que le choix est économiquement renta-
mise en place d’un système de gestion informatisée pour suivre les ble, donc que la taille du parc le justifie. Un classeur avec des
matériels et leur utilisation. Cette approche est indispensable, en feuilles cartonnées peut paraître archaïque, mais l’ordinateur ne
particulier, dans les sociétés ayant une activité importante dans les fait pas tout alors que l’on compte un peu trop sur lui, sans parler
études ou le développement. des limites des logiciels. Le but essentiel d’une gestion informati-
sée est de :
— pouvoir accéder aisément à toutes les données du fichier ;
Encadré 1 – Critères à prendre en compte — faciliter la mise à jour des documents ;
pour le choix du matériel — éviter que chacun puisse intervenir sur le contenu des
données ;
● Fiabilité du matériel : les informations fournies par les — ne pas oublier d’instruments de mesure dans le suivi pério-
équipes de maintenance permettent d’avoir des éléments de dique (établissement du calendrier des opérations métrologiques) ;
jugement. — pouvoir retrouver facilement tout l’historique de l’instrument
● Qualité du service après-vente : est-il adapté au besoin
de mesure.
défini, dans le cas, par exemple, d’un fonctionnement de sys- Il est très important de s’assurer qu’une formation est fournie,
tèmes de test en horaires décalés ? ainsi qu’un service après-vente en cas de problèmes. Il faut aussi
● Assistance technique par le fournisseur : demander si le format des données sera échangeable facilement
— est-il prévu une mise en route du matériel ? avec d’autres logiciels, ce point est nécessaire lorsque l’on souhaite
— des cours de formation sont-ils organisés ? récupérer des données provenant d’un autre logiciel de gestion. Il
— quelles sont les possibilités d’assistance technique en cas est déconseillé de ne pas faire trop personnaliser ce type d’outil, le
de problèmes d’utilisation ? risque étant de ne plus profiter des évolutions ultérieures du produit.
Toutes ces questions peuvent être importantes pour certains Le choix informatique (tout informatique) implique de mettre en
appareils sophistiqués et influent sur le choix. place une procédure concernant les sauvegardes et l’archivage des
● Homogénéité du parc : éviter de trop se diversifier dans les
données. Il sera nécessaire de vérifier que les systèmes
produits et les constructeurs permet des gains sur plusieurs d’archivage permettent de restituer les données sur les durées
niveaux : d’archivage définies dans le système qualité (vérifier que les
— maintenance moins coûteuse ; supports ne s’altèrent pas et qu’ils peuvent toujours être lus, que
— meilleur amortissement des stocks de pièces détachées ; les évolutions des logiciels permettent toujours la lecture des
— possibilités d’interchangeabilité en cas de panne ; informations).
— formation plus efficace des utilisateurs, en particulier pour Exemple : on peut trouver l’avantage d’avoir accès à des
les appareils programmables. graphiques (figure 3) qui permettent un suivi des moyens de mesure
● Pérennité du fournisseur et du matériel : pendant combien après avoir déterminé les tolérances minimale et maximale.
de temps sera-t-il encore fabriqué ou maintenu ?
Le groupe métrologie FAQ Ouest (Fédération des Associations
● Préservation de l’investissement :
Qualité de l’Ouest) a établi une grille d’évaluation afin d’aider dans
— ce matériel se prête-t-il à des évolutions futures ? leur choix les futurs acheteurs (ou créateurs) d’un logiciel de gestion.
— la compatibilité de ce matériel sera-t-elle assurée avec les
futures générations ?
— fourniture des notices techniques et d’utilisation.
4. Métrologie
En effet, l’évolution technologique étant de plus en plus rapide,
il est indispensable de donner aux études les moyens de suivre 4.1 Fonction métrologie
cette évolution. C’est pourquoi, il peut être intéressant de suivre les
matériels et d’en améliorer le taux d’utilisation par des transferts ■ Quel rôle ?
ou partages entre services utilisateurs.
Le rôle de la fonction métrologie est de maîtriser l’aptitude à
La course à la performance est telle qu’il faut trouver des l’emploi de tous les équipements de mesure utilisés dans l’entre-
solutions pour garder une durée d’exploitation, et donc d’amortis- prise, qui peuvent avoir une influence sur la qualité du produit ou
sement économique, acceptable. C’est le cas, en particulier, des du service.

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2

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R928

Les SQUID et leurs applications


par Chantal GUNTHER
Maı̂tre de conférences GREYC (Groupe de Recherches en Informatique, Image,
Automatique et Instrumentation de Caen) UMR 6072 CNRS, ENSICAEN (École nationale
supérieure d’ingénieurs de Caen)

2
1. Introduction. Quantification du flux à travers une boucle
supraconductrice ............................................................................ R 928V2 – 2
2. Effet Josephson ; modèle d’une jonction Josephson .............. — 2
3. Principe de fonctionnement des SQUID..................................... — 3
3.1 SQUID radiofréquence (SQUID rf) ..................................................... — 3
3.2 SQUID continu (SQUID dc) ................................................................ — 4
4. Réalisation de jonctions Josephson et de SQUID : aspects
technologiques ................................................................................ — 6
5. Mise en œuvre d’un SQUID continu ............................................ — 6
5.1 Couplage du SQUID au milieu extérieur ........................................... — 7
5.2 Réduction des bruits excédentaires à basse fréquence .................... — 9
5.3 Couplage du SQUID au système d’amplification .............................. — 10
6. Applications métrologiques des SQUID ..................................... — 10
6.1 Préamplificateurs et picovoltmètres .................................................. — 10
6.2 Magnétométrie locale ........................................................................ — 14
6.3 Magnétométrie en espace libre ......................................................... — 15
7. Conclusion........................................................................................ — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. R 928V2

C et article est la nouvelle édition du texte rédigé par Daniel Bloyet et Chantal
Gunther.
Les SQUID (de l’anglais Superconducting Quantum Interference Devices) sont
des détecteurs supraconducteurs de flux magnétique extrêmement sensibles,
dont les applications sont très variées : principalement mesures de faibles cou-
rants ou tensions, thermométrie, biomagnétisme, mesures de propriétés
magnétiques, contrôle non destructif.
Ce sont des appareils dont la tête de mesure (le SQUID proprement dit)
fonctionne à basse température, dans la plupart des cas à 4,2 K (température
d’ébullition de l’hélium liquide à pression atmosphérique) ou jusqu’à 90 K
grâce aux nouveaux matériaux supraconducteurs haute température décou-
verts en 1986.
Leur principe de fonctionnement repose sur deux phénomènes : la quantifi-
cation du flux magnétique à travers une boucle supraconductrice et l’effet
Josephson. On trouvera dans les références bibliographiques d’excellentes
descriptions du principe de fonctionnement des SQUID et de leurs applications.
Le SQUID continu est actuellement le plus développé, qu’il soit à base de supra-
conducteur à basse ou haute température critique ; une présentation simplifiée
en sera faite ici.
Parution : juin 2008

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est strictement interdite. – © Editions T.I. R 928v2 – 1

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R928

LES SQUID ET LEURS APPLICATIONS ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Introduction. 2. Effet Josephson ; modèle


Quantification du flux d’une jonction Josephson
à travers une boucle
& La jonction Josephson est composée d’une barrière isolante fine
supraconductrice séparant deux supraconducteurs. Tant que le courant I appliqué
n’est pas supérieur à un courant critique noté Ic, les paires de Coo-
per peuvent traverser, par effet tunnel, la barrière isolante sans
développer de tension à ses bornes. La fonction d’onde macrosco-
Dans un supraconducteur, dont la température T est inférieure à pique subit, aux bornes de la jonction, une différence de phase q
sa température critique Tc, une partie des électrons libres s’associe donnée par (première relation de Josephson) :
par paires, appelées « paires de Cooper », qui obéissent à la statis-
I = Ic sin q (3)

2
tique de Bose-Einstein et tendent donc à occuper le même état
quantique. Cet état quantique est décrit par une fonction d’onde L’interruption d’un anneau supraconducteur par une ou deux
macroscopique. jonctions Josephson permet de visualiser respectivement un effet
Considérons un anneau de matériau supraconducteur à une tem- SQUID radiofréquence (cf. § 3.1) ou un SQUID continu (cf. § 3.2)
pérature inférieure à Tc. En une position donnée de l’anneau, la dans des conditions précises de polarisation et d’application de
fonction d’onde macroscopique représentant l’état supraconduc- champ magnétique extérieur (conditions qui seront précisées au
teur est monovaluée, la phase de cette fonction d’onde y est donc paragraphe 3).
définie modulo 2p. On montre que la circulation de cette phase le & L’équation (3) ne représente qu’un aspect du comportement de
long de l’anneau (contour # sur la figure 1) est proportionnelle au
la jonction Josephson. Si le courant appliqué à la jonction est supé-
flux magnétique le traversant qui, en conséquence, est quantifié. rieur à Ic, une tension donnée par (seconde relation de Josephson) :
On obtient ainsi :
Æ Æ V = h dq (4)
Ú
h 4pe dt
F= B :dS = n (1)
s 2e apparaı̂t à ses bornes.
Æ
avec B vecteur induction magnétique, Si, au lieu d’appliquer un courant continu à la jonction, on
n entier, applique une tension continue V0 , la dépendance temporelle de la
phase s’écrit donc :
h constante de Planck,
e module de la charge de l’électron, q = 4pe V0 t + q0 (5)
h
S surface délimitée par le contour #. avec q0 constante,
On pose habituellement : et le courant qui la traverse est donné suivant (3) par :
h
F0 = grandeur appelée quantum de flux I ðt Þ = Ic sin 4pe V0 t + q0
 
2e (6)
h
ðF0 = 2,07:10 - 15 WbÞ:
Il oscille donc à la fréquence f0 = 2e V0 , (f0 = 483 MHz pour
L’équation (1) s’écrit aussi : h
V0 = 1 mV).
F = nF0
& Une jonction Josephson réelle peut être modélisée sous forme
ou de l’association de trois éléments en parallèle (figure 2). La branche
2pF "Ic sinq " représente le courant de paires de Cooper donné par
= 2np (2) l’équation (3), tandis que les deux autres représentent le courant
F0
des quasi-particules (électrons célibataires) et le courant lié à la
La condition de quantification de flux (1) correspond à la situa- capacité propre de la jonction. À un courant extérieur continu
tion en volume du supraconducteur. En particulier, si le flux traver- imposé I, la tension V développée aux bornes de la jonction répond
sant l’anneau lorsqu’il est dans l’état normal n’est pas un multiple donc à l’équation :
de F0, un courant permanent de surface s’établira le long de sa
V dV
paroi interne, lorsqu’il deviendra supraconducteur, de façon à res- I = Ic sin q + +C (7)
R dt
pecter l’équation (1). De même, lorsque l’anneau supraconducteur
est soumis à des variations de champ magnétique externe, il y a La résolution de l’équation (7) s’effectue de façon numérique.
évolution du courant de surface de façon à maintenir le flux total Elle permet de tracer la dépendance de la valeur moyenne de la
inchangé. tension V, notée V (figure 3), en fonction de I. Deux types de
comportements sont observés suivant la valeur du paramètre bc
(coefficient de Mc Cumber) :
2pIc R 2 C
bc = (8)
F0

Pour bc > 1 la courbe V = f ðIÞ est hystérétique, pour bc ł 1 elle
est monovaluée. La nature hystérétique ou non hystérétique d’une
jonction dépend de sa technologie de fabrication. On peut toutefois
passer d’un régime à l’autre par simple variation de température,
en raison de la dépendance de Ic en fonction de la température.
Certaines jonctions ont un comportement par nature hystérétique ;
Figure 1 – La zone bleue correspond au matériau qui peut être le dépôt d’un shunt résistif réduisant la valeur de R permet alors
dans l’état normal ou dans l’état supraconducteur d’obtenir bc ł 1.

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R928

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– LES SQUID ET LEURS APPLICATIONS

Ic sin θ Φ /Φ 0

I R C 4

Figure 2 – Modèle RSJ (Resistively Shunted Junction) d’une jonction


Josephson 2

1
Courant (I / Ic)

2
–1
1,5 0
t
1 2 3 4 Φa /Φ 0
V
A
1 -1
0

A
βL > 1 βL < 1
0,5

ϕ Figure 4 – Caractéristiques F = f (Fa) d’un SQUID rf ; suivant la valeur


0 de bL, le comportement est hystérétique (bL ø 1) ou non hystérétique
(bL < 1)
ϕ
– 0,5
0
t
Irf
–1 V
Détecteur
0 d'amplitude
t
– 1,5
SQUID Vrf Vs
B

– 1,5 –1 – 0,5 0 0,5 1 1,5 Φe


Tension (V /R Ic)
Figure 5 – Principe d’un magnétomètre à SQUID rf
Figure 3 – Caractéristique V = f (I) d’une jonction Josephson non
hystérétique. Les inserts A et B montrent les évolutions temporelles En prenant le sinus des deux membres de l’expression (9) et en
de la tension et de la phase aux points A et B de la courbe V = f (I) posant :
pour une jonction alimentée par un courant continu constant
F = Fa + LI
La figure 3 illustre la dépendance de V en fonction de I pour une avec I courant circulant autour de l’anneau supraconducteur,
jonction non hystérétique. Pour j I j ł Ic seul le courant de paires est
L inductance de l’anneau supraconducteur,
non nul, V = 0 ; pour |I| * 2Ic, la contribution majeure à V provient
du courant de quasi-particules, V est alors une fonction linéaire de I. on obtient une relation, entre le flux magnétique total F traversant
l’anneau et le flux Fa appliquée de l’extérieur, qui s’exprime de la
façon suivante :

3. Principe
 
F + LIc sin 2pF = Fa (10)
F0
de fonctionnement Le tracé de l’expression (10) reporté en figure 4 fait apparaı̂tre
des SQUID deux comportements différents suivants la valeur du paramètre
2pLI c
bL = · Pour bL ł 1, la courbe F = f ðFa Þ est monovaluée tandis
F0
que pour bL > 1, elle est multivaluée. On constate sur ce tracé que
3.1 SQUID radiofréquence (SQUID rf) le supraconducteur réagit en tentant de maintenir le flux F à une
valeur multiple F0, réaction contrariée par la présence de la jonction
Considérons un anneau supraconducteur interrompu par une Josephson. De plus, pour bL ø 1, le système a un comportement
jonction Josephson dont l’épaisseur est négligeable comparée à la hystérétique consommateur d’énergie ; cet effet est mis à profit
circonférence de l’anneau. La condition d’invariance modulo 2p de dans les systèmes à SQUID radiofréquence dont le schéma de prin-
la phase de la fonction d’onde macroscopique est maintenue mais cipe est donné en figure 5. L’anneau supraconducteur est couplé
se traduit différemment en termes de flux magnétique en raison de magnétiquement à un circuit bouchon alimenté par un générateur
la première équation de Josephson, on obtient : de courant radiofréquence Irf à la fréquence fp (fréquence de
2pF = 2np - q pompe). Le flux total instantané appliqué au SQUID est donc :
(9)
F0 Fa = Fe + Fp
avec q différence de phase aux bornes de la jonction. avec Fe et Fp flux extérieur et radiofréquence respectivement.

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R928

LES SQUID ET LEURS APPLICATIONS ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Vrf Fe = nF 0 I

1
Fe = (n + —) F0 L /2 L /2
2
vs

Fe R V
R

I1 I2

2
0 IB Irf

Figure 6 – Variation pour les états de flux statique Fe =nF0


et Fe =(n+1/2) F0 de l’amplitude de la tension radiofréquence relevée
aux bornes du circuit en fonction du courant radiofréquence Irf ; Figure 7 – Principe d’un SQUID continu. Les jonctions Josephson
à courant radiofréquence donné, l’amplitude de Vrf est fonction sont représentées par leur modèle RSJ (où l’on suppose C = 0)
périodique (de période F0) de Fe. L’insert montre la dépendance
en flux de cette amplitude en fonction du flux appliqué
pour une valeur IB du courant radiofréquence 2Ic, l’autre obtenue en Fa = ðn + 1 / 2ÞF0 pour laquelle il vaut
2Ic - DIc . Pour un courant d’alimentation I ª 2Ic , la tension moyenne
Un retour sur la figure 4 montre que le nombre moyen de cycles développée aux bornes du dispositif est fonction périodique du flux
d’hystérésis décrits par F est fonction de la valeur quasi statique de appliqué.
Fe (le spectre du flux à mesurer Fe est supposé limité à des fré-
quences très inférieures à fp) et de l’amplitude du flux radiofré- & Pour aller plus loin dans la compréhension des caractéristiques
quence Fp. Les pertes provoquées par les parcours de cycles d’hys- du SQUID continu, écrivons les équations de Josephson pour un
térésis induisent donc une dépendance en Fe de la tension anneau supraconducteur comprenant deux jonctions (figure 7) :
alternative moyenne présente aux bornes du circuit bouchon. La
figure 6 illustre l’allure de l’amplitude moyenne de la tension rele- dq1
I1 = I - J = Ic sin q1 + h (12)
vée aux bornes du circuit bouchon en fonction de Fe pour une 2 4peR dt
amplitude de flux rf constante et suffisante pour provoquer le par-
cours de cycles d’hystérésis. Le comportement du système est évi- I h dq2
demment périodique (figure 6) de période F0. I2 = + J = Ic sin q2 + (13)
2 4peR dt
En appliquant la loi d’Ohm sur chaque branche de l’anneau, on
3.2 SQUID continu (SQUID dc) obtient :
3.2.1 Fonctionnement du SQUID dc
 
dq1 dq2
V = h + (14)
Le schéma de principe du SQUID continu est représenté en 8pe dt dt
figure 7. Il est constitué d’un anneau supraconducteur interrompu
par deux jonctions Josephson que l’on supposera identiques, non Par extension des équations (2) et (9), la condition d’unicité,
hystérétiques et placées symétriquement par rapport aux points modulo 2p, de la phase de la fonction d’onde macroscopique
d’alimentation en courant. s’écrit, pour un flux magnétique total FT compris entre nF0 et
ðn + 1Þ F0 :
& Une première explication très simplifiée du fonctionnement du
SQUID peut être donnée en considérant d’abord le comportement FT
2np + q1 - q2 = 2p (15)
du système soumis à un flux magnétique Fa égal à un multiple F0
entier de quanta de flux. La présentation de la quantification de
flux donnée en introduction permet de prédire qu’il n’existe pas, où
dans ces conditions, de courant permanent circulant autour de l’an- FT = LJ + Fa + n F0 (16)
neau ; le courant I se répartit donc de façon équilibrée entre ses
deux branches. Une tension moyenne apparaı̂t aux bornes du soit :
SQUID pour jI j ø 2Ic, où Ic est le courant critique de chacune des F0

2pFa

jonctions. Si Fa devient différent de nF0, un courant permanent J J = q1 - q2 - (17)
circule autour de la boucle pour limiter l’augmentation de flux 2pL F0
subie par le supraconducteur ; J renforce le courant traversant
Cet ensemble d’équations a été résolu par voie numérique ou
l’une des jonctions Josephson et diminue le second. Le courant
reproduit par simulation électronique. Une discussion détaillée
d’alimentation I pour lequel apparaı̂t une tension aux bornes du
des résultats de ces simulations se trouve notamment dans les arti-
dispositif s’écrit :
I = 2ðIc - JÞ (11) cles de C. Tesche et J. Clarke [1] [2] dont les résultats essentiels
sont rappelés ici. La variation DIc du courant critique du SQUID
avec J = ðI2 - I1 Þ / 2 peut être évaluée approximativement par :
La caractéristique courant-tension du SQUID continu va ainsi être 2Ic
DIc ª (18)
semblable à celle d’une jonction Josephson unique dont le courant 1 +b
critique est fonction du flux appliqué. Bien entendu, la situation se
retrouve à l’identique pour toute augmentation du flux Fa égale à où
un multiple de F0. La caractéristique V = f ðI, Fa Þ est périodique ; 2LIc
elle va évoluer (figure 8) entre deux courbes extrêmes : l’une obte- b =
F0
nue en Fa = nF0 pour laquelle le courant critique équivalent vaut

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36
Référence Internet
R930

Mesures en compatibilité
électromagnétique
par Bruno MARTIN
Directeur général EMITECH

Cette édition est une mise à jour de l’article d’Alain AZOULAY et Michel MARDIGUIAN
intitulé Mesures en compatibilité électromagnétique paru en 1998.
2
1. Définitions .................................................................................................. R 930v2 - 2
2. Nature et classification des perturbations........................................ — 3
2.1 Couplage des perturbations ........................................................................ — 3
2.2 Classification des perturbations par leur type ........................................... — 3
3. Mesure des perturbations produites par un appareil ..................... — 4
3.1 Généralités sur la mesure des perturbations............................................. — 4
3.2 Grandeurs physiques pour la mesure des perturbations produites
par un appareil ............................................................................................. — 4
3.3 Principe des mesures ................................................................................... — 4
3.4 Instrumentation de mesure ......................................................................... — 6
3.5 Capteurs de mesure ..................................................................................... — 9
3.6 Nécessité d’un site de mesure spécifique .................................................. — 13
3.7 Mesure des perturbations conduites aux fréquences
radioélectriques ............................................................................................ — 13
3.8 Mesure des perturbations rayonnées aux fréquences
radioélectriques ............................................................................................ — 15
3.9 Étalonnage du site d’essai pour les mesures de rayonnement
aux fréquences radioélectriques ................................................................. — 15
3.10 Mesure de la puissance perturbatrice aux radiofréquences .................... — 16
3.11 Mesure des perturbations à basse fréquence
(aux fréquences comprises entre 0 et 9 kHz) ............................................. — 17
4. Mesure de l’immunité d’un appareil ................................................... — 17
4.1 Généralités sur les essais d’immunité........................................................ — 17
4.2 Grandeurs et phénomènes physiques associés ........................................ — 17
4.3 Susceptibilité et immunité........................................................................... — 18
4.4 Critère de performance. Réponse de l’équipement sous test .................. — 18
4.5 Immunité aux DES ....................................................................................... — 19
4.6 Immunité aux champs rayonnés radioélectriques .................................... — 20
4.7 Immunité aux impulsions transitoires rapides .......................................... — 21
4.8 Immunité aux surtensions de forte énergie ............................................... — 22
4.9 Immunité aux signaux radioélectriques conduits ..................................... — 22
4.10 Autres essais d’immunité ............................................................................ — 23
5. Autres mesures en CEM ......................................................................... — 23
Pour en savoir plus ............................................................................................ Doc. R 930v2

a compatibilité électromagnétique (CEM) a pris une importance non négli-


L geable depuis quelques années avec les obligations liées à l'application
depuis le 1er janvier 1996 de la directive européenne sur la CEM (89336/CEE)
transcrite en droit français par les décrets 92-587 et 95-283 du Journal officiel.
Cette directive a été abrogée le 20 juillet 2007 et remplacée par une nouvelle,
intitulée 2004/108/CE et parue le 15 décembre 2004. Elle a été transcrite par le
décret 2006-1278 du 18 octobre 2006.
Parution : juin 2009

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est strictement interdite. – © Editions T.I. R 930v2 – 1

37
Référence Internet
R930

MESURES EN COMPATIBILITÉ ÉLECTROMAGNÉTIQUE _____________________________________________________________________________________

Qu’est-ce que la CEM ? Quelles implications peut avoir la directive


européenne ? Celle-ci précise que pour être mis sur le marché européen, les
équipements doivent être conçus et fabriqués, conformément à l’état de la
technique, de façon à garantir :
– que les perturbations électromagnétiques produites ne dépassent pas le
niveau au-delà duquel des équipements hertziens et de télécommunications ou
d’autres équipements ne peuvent pas fonctionner comme prévu ;
– qu’ils possèdent un niveau d’immunité aux perturbations électromagnéti-
ques auxquelles il faut s’attendre dans le cadre de l’utilisation prévue qui leur
permette de fonctionner sans dégradation inacceptable de ladite utilisation.
2 Dans l’optique de la première condition, la finalité est de limiter les risques
de brouillage entre systèmes radioélectriques (émetteurs/récepteurs radio), de
caractériser les émissions radioélectriques des émetteurs et les effets de leur
rayonnement, d’identifier et de limiter le pouvoir perturbateur d’équipements
non radioélectriques pouvant brouiller la réception des systèmes de radiocom-
munications ou perturber le fonctionnement d’autres équipements voisins,
d’assurer la propreté des signaux d’alimentation des réseaux à 50 Hz en limi-
tant l’amplitude des harmoniques du 50 Hz réinjectés vers les réseaux
d’alimentation et tous les signaux associés, d’éviter les couplages par les
réseaux de télécommunications ou d’alimentation de signaux issus d’émet-
teurs de radiocommunications ou de radiodiffusion puissants, etc.
La deuxième condition entraîne la nécessité d’identifier, de caractériser et
donc de mesurer les perturbations émises par les appareils, tout comme les
perturbations pouvant agir sur eux.
Le but de cet article est donc de caractériser les méthodes de mesure en
compatibilité électromagnétique tant dans un sens (perturbations produites
par un équipement) que dans le sens opposé (perturbations agissant sur un
équipement). Cet article ne fera référence qu’aux normes harmonisées dans le
domaine civil (CENELEC, CEI et CISPR) et ne couvrira pas les méthodes de
mesures développées dans le cadre de spécifications militaires françaises
(GAM) ou américaines (MIL). Cependant, un grand nombre de méthodes, utili-
sées par les instances militaires et basées sur des signaux de même nature à
mesurer, s’avèrent être similaires dans les principes quoique non identiques
dans la méthodologie d’essai et sur les interprétations de mesure.

signal non désiré ou une modification du milieu de propagation


1. Définitions lui-même ; on définit des perturbations « continues » et des
« claquements ».
■ La compatibilité électromagnétique est l’aptitude d’un dispositif,
d’un appareil ou d’un système à fonctionner dans son environ- ■ Un claquement est une perturbation brève et relativement iso-
nement électromagnétique de façon satisfaisante et sans produire lée. Cette notion étant trop vague pour être utilisée en l’état, les
lui-même des perturbations électromagnétiques intolérables pour normes définissent un claquement comme une perturbation qui
tout ce qui se trouve dans cet environnement. dépasse la limite d’une perturbation continue, sa durée maximale
est de 200 ms et elle est séparée de la perturbation suivante par un
■ Au sens de la directive européenne sur la CEM, on appellera intervalle de temps minimal de 200 ms.
appareil : « tout dispositif fini ou combinaison de tels dispositifs
mis dans le commerce en tant qu’unité fonctionnelle indépen- Une perturbation qui n’est pas un « claquement » est considérée
dante, destiné à l’utilisateur final et susceptible de produire des comme continue.
perturbations électromagnétiques, ou dont le fonctionnement peut
être affecté par de telles perturbations ». Tout appareil électro- Un claquement peut comporter un certain nombre d’impulsions
nique ou électrique est donc concerné. brèves ; dans ce cas, la durée du « claquement » s’étend du début
de la première impulsion à la fin de la dernière impulsion.
■ Les perturbations électromagnétiques sont des phénomènes
électromagnétiques susceptibles de créer des troubles de fonction- ■ Le pouvoir perturbateur d’un appareil est l’ensemble des pertur-
nement d’un dispositif, d’un appareil ou d’un système. Une pertur- bations produites par conduction ou par rayonnement par cet
bation électromagnétique peut être un bruit électromagnétique, un appareil.

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■ L’immunité est l’aptitude d’un dispositif, d’un appareil ou d’un Les signaux en cause peuvent avoir des caractéristiques
système à fonctionner sans dégradation de qualité en présence spectrales variées. En effet, selon leur fréquence de répétition et
d’une perturbation électromagnétique. leurs variations temporelles, les caractéristiques spectrales seront
fort différentes et, par conséquent, les moyens de mesure associés
■ Une onde continue ou entretenue est une onde électromagné- également.
tique dont les oscillations, sinusoïdales et identiques en régime
permanent, peuvent être interrompues ou modulées pour trans-
porter de l’information.
2.2.2 Phénomènes transitoires ou impulsionnels
■ Une dégradation est une modification non désirée des perfor-
mances opérationnelles d’un appareil en essai sous l’effet de per- Ces phénomènes amènent à traiter des signaux pouvant être
turbations électromagnétiques. Cela ne veut pas forcément dire rapides, principalement dans le domaine temporel. Ils mettent en
mauvais fonctionnement ou défaillance irrémédiable. jeu les signaux issus :

– de la foudre ;
– des décharges d’électricité statique (DES) ;
2
2. Nature et classification – des surtensions induites par les réseaux d’alimentation ou de
des perturbations traction électrique sur les réseaux de télécommunications ;
– de l’impulsion électromagnétique nucléaire (IEMN) ;
2.1 Couplage des perturbations – de phénomènes transitoires rapides de toutes natures et, plus
particulièrement, d’origine industrielle, etc.
Les perturbations produites ou subies par un équipement
peuvent être d’origines multiples et ont des modes de propagation C’est à cette typologie de phénomènes électromagnétiques
complexes : externes que seront souvent soumis les appareils. C’est pourquoi
– par conduction sur les câbles raccordés à l’équipement ; les essais d’immunité visent, dans la plupart des cas, ce type de
– par rayonnement direct des châssis, des cartes ou du câblage signaux, en dehors de l’immunité aux émissions entretenues ou
interne ; pulsées issues d’émetteurs radioélectriques ou de générateurs
– par différents types de couplages des deux modes précédents. radiofréquences (RF) industriels, scientifiques ou médicaux connus
Pour mieux comprendre les couplages possibles, on a défini sous le sigle ISM.
figure 1 les différents types d’accès possibles d’un appareil donné.
Les normes européennes définissent l’accès comme une inter- 2.2.3 Exemple de signaux parasites produits
face particulière de l’appareil concerné avec l’environnement élec-
par des appareils
tromagnétique extérieur.
Elles définissent également l’accès par l’enveloppe ou le boîtier Tout appareil électrique ou électronique engendre naturellement
comme la frontière physique de l’appareil par laquelle les champs des signaux parasites ou perturbations, mesurables ou non. En
électromagnétiques peuvent rayonner ou pénétrer. Pour les éléments effet, il y a toujours des composants actifs induisant des variations
enfichables, cette frontière physique est définie par l’unité hôte. plus ou moins rapides des potentiels électriques à l’intérieur de
L’accès par un câble est défini comme un point par lequel un l’appareil, d’où la création de champs électromagnétiques parasites
conducteur ou un câble est relié à l’appareil. C’est, par exemple, rayonnés autour de l’appareil et de signaux perturbateurs conduits
un accès signal ou un accès d’alimentation. aux accès par des couplages variés à l’intérieur de l’appareil.

Dans un appareil électronique, il existe, de plus en plus souvent,


2.2 Classification des perturbations une alimentation à découpage, des oscillateurs de signaux d’hor-
loge (base de temps à quartz) synchronisant des cartes à micro-
par leur type processeur ou des cartes de vidéo ou de traitement numérique,
L’analyse des phénomènes mis en jeu dans la CEM permet de des oscillateurs radiofréquences d’ondes entretenues (ISM, émet-
scinder ces phénomènes en deux catégories : teurs et récepteurs radioélectriques...), parfois des relais, des
moteurs, des dispositifs d’affichage (visuels, diodes électrolumi-
– phénomènes entretenus (ou modulés) ; nescentes). Ces éléments produisent des parasites de natures très
– phénomènes transitoires (ou impulsionnels). variées qui se combinent et produisent, lors des mesures de per-
turbations, des signaux complexes à analyser et à interpréter.
2.2.1 Phénomènes entretenus (ou modulés)
On identifiera (figure 2) :
Ces phénomènes couvrent le spectre électromagnétique et
amènent à réaliser des études allant de quelques hertz à plusieurs – les signaux perturbateurs à bande étroite par des raies sur un
dizaines de gigahertz. Ils consistent, d’une part, en signaux affectant analyseur de spectre ; elles sont dues aux oscillateurs à fréquence
le spectre et les communications radioélectriques et, d’autre part, en élevée ou aux impulsions à fréquence de répétition très élevée ;
signaux pouvant nuire à la propreté des alimentations de 50 Hz. – les signaux perturbateurs à large bande ; ils se traduisent par
un spectre continu sur une bande de fréquence importante et cor-
respondent à des signaux impulsionnels à faible fréquence de
répétition ou avec une probabilité d’occurrence aléatoire.
Accès d'alimentation
continue Accès signal

Accès d'alimentation Appareil Accès de Lorsque l’on fait un enregistrement du spectre avec un ana-
alternative télécommunication
lyseur à mémoire et un balayage unique, notons qu’un claque-
ment, qui se produit au cours du balayage, se présente sur
l’enregistrement comme un pic de parasite à bande étroite.
Figure 1 – Description des accès

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militaires et des normes CEI et EN sont en préparation pour effec-


Parasite à Bruit à large bande tuer des mesures jusqu’à plusieurs gigahertz.
Champ (dB(␮V/m))

bande étroite De par leur nature, et comme il a été indiqué paragraphe 2.1, les
65
perturbations produites par un appareil seront principalement de
60
deux types :
55
50 – les perturbations conduites vont amener l’expérimentateur à
45 les caractériser par les tensions perturbatrices induites aux diffé-
40
rents accès de l’appareil ou par les courants conduits sur les
câbles d’interconnexion ;
35
30
– les perturbations rayonnées seront caractérisées par le champ
électromagnétique produit à une distance définie de l’appareil,
25
dans des conditions de reproductibilité satisfaisantes.

2
20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Fréquence (MHz) ■ En fonction des catégories d’appareils, le tableau 1 permet
d’identifier les types de perturbations produites à mesurer, suivant
Figure 2 – Exemple de relevé de mesure illustrant les parasites les normes européennes harmonisées.
à large bande et à bande étroite
• Les perturbations à large bande (ou à large spectre) sont
notées LB dans le tableau 1. Ces perturbations s’étendent de façon
continue sur une largeur de bande beaucoup plus importante que
3. Mesure des perturbations la largeur de bande d’analyse du filtre de résolution de l’appareil
produites par un appareil de mesure (récepteur ou voltmètre sélectif, mesureur de champ ou
analyseur de spectre) utilisé pour la mesure.
• Les perturbations à bande étroite ou à spectre de raies
3.1 Généralités sur la mesure (notées BE) sont identifiables « individuellement » à l’aide d’un
récepteur sélectif. Les signaux peuvent être considérés comme des
des perturbations porteuses uniques ou multiples, faiblement modulées ou pas.
L’amplitude de ces perturbations est globalement indépendante de
■ En fonction de leur nature et de leur mode de couplage, les per- la largeur du filtre de résolution de l’appareil de mesure.
turbations produites vont être mesurées de différentes manières.
Elles vont nécessiter des appareillages parfois complexes. Enfin,
une caractérisation poussée et exhaustive de toutes les perturba-
tions produites par un appareil peut être fort longue et fastidieuse
3.2 Grandeurs physiques pour la mesure
si des dispositions préalables n’ont pas été prises pour les limiter. des perturbations produites par
Pour en faciliter et reconnaître l’organisation, on se préoccupera un appareil
des essais en fonction de leur priorité habituelle, à savoir que,
parmi les perturbations par un appareil, ce sont les perturbations Bien que le but final soit de protéger des équipements voisins et
entretenues (voire modulées) affectant le spectre, donc les des récepteurs radioélectriques (et de télévision) en particulier, de
communications radioélectriques, qui doivent être prioritairement par la nature même des perturbations produites, il sera plus
limitées et donc caractérisées. simple de caractériser les perturbations par des grandeurs
physiques correspondant à la réalité de ce que produit la source
de perturbation (l’appareil en essai).
Des mesures de perturbations sont effectuées soit pour véri- C’est pourquoi aux accès, on mesurera des tensions ou des cou-
fier la conformité aux normes d’un équipement, soit pour des rants conduits, généralement des signaux en mode commun
analyses d’un appareil ou d’une installation sur un site et en (mode asymétrique), parfois en mode différentiel (mode
assurer la compatibilité électromagnétique. symétrique) à l’aide de capteurs spécifiques.
Étant donné que les méthodes de mesures applicables dans On se reportera aux articles spécialisés et, notamment, à l’article
le premier cas sont souvent valables pour le second, on se Compatibilité électromagnétique. Introduction [E 3 750] dans le
limitera, dans ce qui suit, à décrire les mesures pour vérifier la traité Génie électrique pour les définitions et représentations des
conformité aux normes. signaux de mode commun et de mode différentiel.
En rayonnement, on mesurera suivant le cas, la composante
magnétique H ou électrique E du champ parasite produit par
Les services radioélectriques définis par l’Union internationale
l’appareil à une distance déterminée par les conditions d’essais
des télécommunications couvrent la bande de fréquences
spécifiées.
comprises entre 9 kHz et 3 000 GHz. Il ne peut être question de
vérifier la compatibilité électromagnétique de tout appareil électro- Le tableau 2 représente les différentes grandeurs physiques à
nique entre ces fréquences extrêmes. Habituellement, on mesure mesurer, leurs unités SI et leurs unités usuelles en fonction des
les perturbations produites par un appareil dans la partie du gammes de fréquence.
spectre radioélectrique où se situe la plus forte densité de services,
généralement entre 150 kHz et 1 GHz.
Cependant, compte tenu du développement de nouveaux 3.3 Principe des mesures
services radio (mobiles terrestres et par satellite, GSM, UMTS,
boucle locale radio, téléphone sans fil numérique, réseaux locaux Les mesures de perturbations produites par des appareils élec-
informatiques par radio, WiFi, Wimax), autour et au-dessus de troniques sont effectuées, en conduction ou en rayonnement, à
1 GHz, et de l’extension vers les hyperfréquences des circuits l’aide d’un capteur relié à un appareil de mesure. Suivant les cas,
logiques et de transmissions numériques, il est nécessaire, de le capteur aura différentes finalités et sera :
savoir caractériser les perturbations à des fréquences supérieures – un réseau fictif ou de stabilisation d’impédance de ligne (RSIL)
à 1 GHz ; cela est déjà réalisé dans la plupart des spécifications pour des mesures de tension parasite conduite ;

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Tableau 1 – Identification des perturbations produites à mesurer en fonction des bandes


de fréquence et de la nature des perturbations. Relations avec les normes européennes
EN 55014-1
EN 55015
Type EN 55013 appareils EN 55022
Gamme EN 55011 EN 55012 luminaires
de récepteurs électro- ATI (2)
de fréquence ISM (1) véhicules à fluores-
perturbation radio/TV domestique et autres
cence
s
9 (ou 150) kHz à 30 MHz bruit impulsif continu (LB) X X X X
bruit impulsif (LB) discon-
9 (ou 150) kHz à 30 MHz tinu X

9 (ou 150) kHz à 30 MHz


(claquements)
impulsions
périodiques (BE)
X X X X X X
2
ondes porteuses parasites
9 (ou 150) kHz à 30 MHz X X X X
isolées (BE)
30 MHz à au moins 1 GHz bruit impulsif continu X X
bruit impulsif
30 MHz à au moins 1 GHz discontinu X X
(claquements)
impulsions
30 MHz à au moins 1 GHz X X X X X X
périodiques (BE)
ondes porteuses parasites
30 MHz à au moins 1 GHz X X X
isolées (BE)
(1) ISM : appareil industriel, scientifique et médical.
(2) ATI : appareil de traitement de l’information.

Tableau 2 – Grandeurs physiques à mesurer pour caractériser les perturbations produites


par un appareil
Grandeur physique,
Gamme de fréquence Unité SI Unité usuelle en CEM
éventuellement mesurée

9 kHz à 30 MHz Tension parasite RF volt (V) dB(µV)

9 kHz à 30 MHz Champ magnétique H ampère/mètre (A/m) dB(µA/m)

9 kHz à 30 MHz Courant de mode commun RF ampère (A) dB(µA)

30 MHz à au moins 1 GHz Champ électrique rayonné E volt/mètre (V/m) dB(µV/m)

30 MHz à au moins 1 GHz Puissance isotrope rayonnée équivalente watt (W) dB(mW) ou dBm

30 MHz à 300 MHz (extension possible à Puissance (mesurée avec pince


watt (W) dB(pW)
1 GHz) absorbante MDS cf. 3.5.3)

– une pince ampèremétrique pour la mesure d’un courant sur un


câble ;
– une « pince absorbante » pour la mesure de puissance pertur-
batrice conduite ;
– une antenne cadre pour la mesure de champ magnétique ;
– une antenne spécialisée étalonnée pour les mesures en champ Appareil Capteur Instrument
électrique. en essai de mesure

Le schéma de principe de la mesure des perturbations produites


par un appareil est indiqué figure 3. Lien galvanique pour les mesures de tension,
pas de connexion pour les mesures en rayonnement,
à la pince ampèremétrique ou à la pince absorbante.
Chaque capteur, défini dans une bande de fréquence détermi-
née, est caractérisé par une fonction de transfert k (f ) permettant
de passer de l’indication lue sur l’appareil de mesure à la grandeur Figure 3 – Principe des mesures des perturbations produites
à mesurer, avec les unités choisies. par un appareil

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L’appareil de mesure donne généralement une indication en ten- recommande d’effectuer les mesures avec un récepteur à détection
sion v (f ) à l’entrée de l’appareil. La prise en compte de la fonction de valeur quasi-crête ou à détection de valeur moyenne (§ 3.4.1). Un
de transfert du capteur ainsi que des pertes des câbles de liaison même récepteur peut être équipé des deux types de détecteurs et
ℓ(f ) entre l’appareil de mesure et le capteur vont permettre la les mesures peuvent être effectuées en passant alternativement
transformation vers la grandeur recherchée g (f ) selon la relation : d’un détecteur à l’autre. Nous allons étudier au paragraphe suivant
l’instrumentation pour la mesure du pouvoir perturbateur ainsi que
g (f ) = k (f ) ℓ (f ) v (f ) (1) les grands principes des détecteurs utilisés dans les récepteurs de
mesure de perturbations ou en analyse spectrale.
Plus généralement, en CEM, il est d’usage d’exprimer les diffé-
rentes grandeurs en décibels. En transformant ces grandeurs par
application d’une relation :
3.4 Instrumentation de mesure
X (f ) = 20 lg (x (f ))

2
L’instrumentation de mesure de base consiste en un récepteur
pour les grandeurs relatives à des tensions ou des courants, des de mesure muni de caractéristiques particulières, lui permettant
champs magnétiques ou électriques, on obtient une relation : d’identifier la perturbation à mesurer en amplitude, fréquence et
en occupation spectrale. Le CISPR a longuement travaillé sur cette
G (f ) = K (f ) + L (f ) + V (f ) (2) question qui évolue par la nature même des performances des
appareils, mais aussi du fait des évolutions technologiques des
avec V (f ) valeur de la tension RF indiquée par le récepteur de signaux radioélectriques à protéger ainsi que de la nature des
mesure à la fréquence indiquée, exprimée en dB(µV), signaux brouilleurs et de leurs sources.
L (f ) perte du câble de liaison entre le capteur et l’entrée du
Outre le récepteur de mesure accordé et ses dérivés (microvolt-
récepteur, à la fréquence f, exprimée en dB,
mètre sélectif, analyseur de spectre, etc.), il existe d’autres appa-
K (f ) facteur de correction ou de transfert du capteur de reils visant à identifier des perturbations fugitives, des
mesure, exprimé en dB. claquements, ainsi que tout autre perturbation n’ayant pas une
Ce facteur K (f ) doit, pour des raisons d’homogénéité, être périodicité facilement identifiable, soit parce que la période est très
exprimé en dB par rapport à une unité permettant de passer de la longue, soit parce que la perturbation se produit de façon totale-
tension à la grandeur recherchée. ment aléatoire.
Si l’on veut mesurer la composante électrique d’un champ
rayonné par un appareil, cette composante G (f ) s’exprime usuel- 3.4.1 Récepteurs de mesure
lement en dB(µV/m), l’appareil de mesure donnant des indications
en dB(µV), le facteur de correction d’antenne devra alors être 3.4.1.1 Généralités
exprimé en dB(m–1).
Le récepteur de mesure est un récepteur accordable permettant
Exemple de couvrir une large bande de fréquence, essentiellement les
bandes de fréquence où sont préconisées les mesures. Le schéma
Supposons que, à l’aide d’une antenne dipôle accordée, on trouve synoptique d’un tel récepteur est indiqué figure 4. Récepteur supe-
une émission donnant 40 dB(µV) sur le récepteur de mesure à rhétérodyne dans le principe, il est constitué :
200 MHz ; le facteur d’antenne étant égal à 14 dB(m–1) environ et les
pertes du câble reliant l’antenne au récepteur de mesure étant égales – d’un ou plusieurs étages radiofréquence (RF) (présélecteur,
à 3 dB à cette fréquence, le champ mesuré sera alors de : amplificateur, atténuateurs, étages de changement de fréquence) ;
– d’un ou plusieurs étages à fréquence intermédiaire (FI) ;
14 + 3 + 40 = 57 dB(µV /m) – d’une série de filtres d’analyse ou de résolution commutables
en fréquence intermédiaire ;
Pour les mesures aux fréquences comprises entre 9 kHz et 1 GHz, – de détecteurs spécialisés et de filtres post-détection avant trai-
la normalisation internationale basée sur les travaux du Comité tement basse-fréquence ;
international spécial pour les perturbations radioélectriques (CISPR) – d’un dispositif d’affichage des valeurs mesurées.

Atténuateur Filtre Amplificateur


Filtres passe-bande

variable passe-bande à fréquence


commutables

présélecteur intermédiaire

dB

Oscillateur Oscillateur
local n° 1 local n° 2
Générateur
étalon

Détecteur
de crête Dispositif
Amplificateur à basse d'affichage
Détecteur de
fréquence linéaire
quasi-crête
ou logarithmique
Amplificateur
FI 2 Détecteur de
valeur moyenne

Figure 4 – Schéma de principe d’un récepteur de mesure

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R931

Les antennes en compatibilité


électromagnétique
par Bernard DÉMOULIN
Professeur émérite
Université Lille 1, Groupe TELICE de l’IEMN, CNRS, UMR 8520, Lille, France

1.
1.1
Concepts de dipôles élémentaires ..............................................
Rayonnement du dipôle électrique élémentaire ...............................
R 931 – 3
— 4
2
1.1.1 Formules générales du dipôle électrique ............................... — 4
1.1.2 Formules des champs proches ................................................ — 5
1.1.3 Formules des champs lointains .............................................. — 5
1.2 Rayonnement du dipôle magnétique élémentaire ............................ — 6
1.3 Calcul de la puissance rayonnée ....................................................... — 6
2. Antennes émettrices ...................................................................... — 8
2.1 Antenne dipôle symétrique ............................................................... — 8
2.1.1 Calcul de la variation du courant I (z) ..................................... — 9
2.1.2 Calcul des champs lointains .................................................... — 9
2.2 Calcul de l’impédance d’entrée des antennes .................................. — 10
2.2.1 Impédance sous la résonance quart d’onde ........................... — 10
2.2.2 Calcul de l’impédance caractéristique de l’antenne ............... — 11
2.3 Antennes symétriques larges bandes ............................................... — 12
2.3.1 Antennes log périodiques ....................................................... — 13
2.3.2 Antennes biconiques ............................................................... — 13
2.3.3 Gain, surface effective et facteur d’antenne ........................... — 15
3. Antennes réceptrices ..................................................................... — 16
3.1 Règles de réciprocité émission réception ......................................... — 16
3.1.1 Entrée du principe de réciprocité ............................................ — 16
3.1.2 Connexion d’une impédance de charge ZL ............................. — 17
3.2 Calcul des tensions collectées sur les charges ................................. — 17
3.2.1 Monopôle électrique accordé en quart d’onde ...................... — 18
3.2.2 Monopôle aux basses fréquences .......................................... — 18
3.2.3 Bilan de puissance des antennes ............................................ — 20
3.3 Directivité des antennes ..................................................................... — 21
4. Conclusion........................................................................................ — 24
5. Glossaire ........................................................................................... — 24
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. R 931
Parution : juin 2016 - Dernière validation : novembre 2021

L ’analyse des sources d’incertitudes, ou plus simplement, la compréhension


de phénomènes physiques rencontrés lors des mesures pratiquées en com-
patibilité électromagnétique (CEM), exige bien souvent la consultation de trai-
tés d’électromagnétisme. Cet article entre dans cette préoccupation en s’effor-
çant de réaliser une synthèse des connaissances empruntées à l’étude des
antennes. Il faut savoir que les antennes interviennent en métrologie CEM en
diverses occasions, notamment pour l’émission de champs forts lors des essais
d’immunité, ou bien pour la mesure de champs faibles émanant d’un appareil
électronique en fonctionnement. Nous devons préciser que la gamme de fré-
quences envisagée s’étend de 30 MHz à 1 GHz, qu’un champ électrique fort
peut atteindre une amplitude de 1 V/m à 10 V/m ou plus, et qu’un champ faible
se situe au voisinage de 100 mV/m.
L’article est divisé en trois parties bien distinctes, mais reliées par des proprié-
tés physiques communes. Il aborde en tout premier lieu le concept de dipôle

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés R 931 – 1

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R931

LES ANTENNES EN COMPATIBILITÉ ÉLECTROMAGNÉTIQUE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

élémentaire. Le terme dipôle utilisé ici diffère toutefois de son équivalent de


l’électrocinétique, car nous sommes confrontés au rayonnement d’un élément
conducteur de dimension Dl et parcouru par un courant uniforme animé de
variations d’amplitude sinusoı̈dales.
Cette première partie est principalement dédiée aux calculs des champs pro-
ches et des champs lointains agissant à une distance r du dipôle. L’investigation
est ensuite étendue aux calculs d’autres paramètres pertinents parmi lesquels,
figurent la puissance active transmise dans l’espace et l’entrée du concept de
résistance de rayonnement.
La seconde partie entièrement consacrée aux antennes émettrices est plus
particulièrement axée sur le dipôle symétrique composé de deux conducteurs

2
de dimensions L0 accordés en quart d’onde. Nous verrons que ce fonctionne-
ment, très utilisé en métrologie, procure à l’antenne symétrique des propriétés
proches d’une ligne de transmission. L’assimilation aux lignes facilite grande-
ment le calcul de la variation du courant sur les conducteurs, ainsi que la déter-
mination du champ lointain. Il est également montré que le dipôle résonnant en
quart d’onde possède pour autre caractéristique remarquable, une résistance de
rayonnement de 73 W. D’autres paramètres propres à la métrologie CEM et aux
antennes viennent ensuite compléter l’étude du dipôle symétrique, tels que
l’impédance d’entrée, le gain en puissance, la surface effective et le facteur
d’antenne. Il est bon de préciser que, dans cette seconde partie, l’analyse
descriptive et physique des antennes, émettant ou recevant des signaux sur
une large bande de fréquences, est brièvement exposée.
La troisième partie de l’article concerne surtout les antennes réceptrices sou-
mises aux inductions de champs électromagnétiques, assimilés localement à
une onde plane. Le calcul de la fem collectée sur une antenne de type mono-
pôle, constituée d’un conducteur de dimension L0 et perpendiculaire à un plan
métallique, est entrepris. Les développements font appel aux propriétés de réci-
procité électromagnétique ainsi qu’à la théorie des images électriques. Il est
montré que le monopôle ainsi configuré est strictement équivalent au dipôle
symétrique étudié en seconde partie. Le calcul de la tension apparaissant sur
une résistance de charge connectée à la base du monopôle est développé en
étudiant attentivement l’influence de la longueur d’onde. On regarde successi-
vement le monopôle accordé en quart d’onde, puis l’hypothèse basse fré-
quence, où la longueur d’onde dépasse très largement la dimension L0. L’ana-
lyse se poursuit par les calculs du transfert de puissance active, réalisé entre
une antenne réceptrice et une charge, puis étendu à une source de signaux
dotée d’une impédance interne et connectée à une antenne émettrice. Pour
conclure cette troisième partie, la directivité des antennes est examinée sur la
base d’un exemple illustrant la variabilité du rayonnement observée sur le
dipôle symétrique stimulé par des résonances de rang élevé. La répartition de
l’énergie électromagnétique dans l’espace se manifeste par de multiples lobes
bien reflétés dans la fonction analytique relatant la directivité de l’antenne.
Les différentes sections composant chaque partie sont assorties d’exemples
voués à l’exercice des ordres de grandeurs. Le lecteur trouvera également avan-
tage à consulter l’article [E 1 020] consacré aux bases de l’électro-magnétisme,
ainsi qu’à l’article [D 1 322] rapportant les principaux éléments de la théorie des
lignes de transmission.

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1. Concepts de dipôles +q
élémentaires
Le premier paragraphe aborde en priorité l’analyse physique du Δl Δl i(t)
rayonnement engendré par le dipôle électrique élémentaire, suivie
de l’étude succincte du dipôle magnétique, qui n’est autre que la
forme duale du précédent. Un dipôle électrique élémentaire peut
être présenté sous deux modèles équivalents. L’un considère deux
-q
charges électriques + q et - q espacées de la distance rigide Dl,
charges auxquelles s’associe le moment électrique p déterminé
par le produit, p = q Dl. Le second modèle suppose que + q et - q Figure 1 – Représentations équivalentes du dipôle électrique

2
évoluent avec la variable temps t suivant la fonction analytique élémentaire
q (t), le dipôle électrique élémentaire est alors assimilable à un
conducteur filiforme de dimension Dl écoulant le courant i (t), résul- & Rayonnement lointain
tat de l’application directe de la loi de Coulomb, Considérons maintenant un accroissement très important de la
pulsation w délivrée par les oscillations entretenues. Dire que l’on
i (t ) = dq /dt se trouve en présence d’un rayonnement lointain signifie que
l’observation ou la mesure des champs magnétiques et champs
Sous l’hypothèse de charges q (t) animées de variations d’ampli- électriques sera entachée de déphasages dus aux phénomènes de
tudes sinusoı̈dales sous la pulsation w, on adopte les notations propagation. Dans ce cas, la longueur d’onde définie par le rapport
complexes définies au § 2.1.2 de [D 1 322], soit pour q (t) de la célérité et de la fréquence des oscillations, soit l = c / f, va
jouer un rôle majeur dans les propriétés des antennes. Il est alors
q (t ) = q e j ωt où j = −1 observé que champ magnétique et champ électrique évoluent tous
deux en raison inverse de l’éloignement r de l’observateur. De plus,
Dans ce cas, q désigne l’amplitude efficace complexe des varia- si l’on substitue au moment électrique la relation p = I Dl / jw, il
bles charges. apparaı̂t que les champs lointains émis par le dipôle électrique élé-
On déduit tout de suite de la relation précédente que i (t) prend mentaire suivent une loi proportionnelle à la pulsation de la source
pour expression : w et au produit combinant l’amplitude du courant I et la dimension
Dl du conducteur filiforme.
dq
i (t ) = = j ω q e j ωt Avant d’approfondir ces divers aspects physiques du rayonne-
dt ment procuré par le dipôle électrique, les deux prochaines rubriques
sont consacrées à sa description matérielle. Nous envisageons suc-
La fonction i (t) pouvant également s’écrire, i (t) = I ej wt, le terme I cessivement, l’exemple d’un monopôle de dimension Dl coiffé d’un
représente l’amplitude efficace du courant attaché au dipôle élec- disque métallique, puis un tronçon de conducteur cylindrique de
trique élémentaire, le dipôle est dans ce cas illustré par le conduc- dimension Dl prélevé par la pensée sur un circuit filiforme.
teur filiforme de la figure 1.
Aux concepts de moment électrique et de dipôle électrique & Monopôle électrique
s’ajoutent les notions de régime statique, de régime quasi statique Prenons le cas d’un conducteur de section cylindrique et de
et de rayonnement lointain dont la signification est brièvement dimension Dl perpendiculaire à un plan métallique, supposé de
résumée ci-après. dimensions infinies, mais répondant localement à la configuration
& Régime statique représentée à la figure 2. Par opposition à l’antenne dipôle élec-
trique symétrique étudiée au § 2, l’antenne ainsi constituée prend
Le régime statique, éloigné du fonctionnement usuel d’une le nom de monopôle électrique.
antenne, n’en demeure pas moins utile à la compréhension ulté-
rieure des formules simplifiées du champ électrique. Considérons Le disque métallique coiffant le sommet du conducteur forme
deux charges répondant à la définition du moment électrique, une capacité Cd rapportée au plan. Le générateur de fem sinusoı̈-
mais invariantes dans le temps. Dans ce contexte, la théorie élec- dale e (t) connecté à la base du dispositif engendre un courant, il
trostatique montre qu’à distance r des charges, grande par rapport sera toutefois supposé que i (t) reste uniforme sur Dl. Sous ces
à leur espacement Dl, se manifeste un vecteur champ électrique hypothèses, le monopôle répond à la définition du dipôle élec-
évoluant en 1/r3 et directement proportionnel au moment électrique trique élémentaire. Il faut cependant rester très vigilant, car la pré-
p. Bien entendu, l’invariabilité des charges électriques entraı̂ne la sence du plan compose l’image électrique de Dl. Ainsi, pour tout
condition dq/dt = 0, éliminant de fait le courant i (t) et a fortiori la observateur situé au-dessus du plan, le monopôle électrique sera
contribution d’un champ magnétique. équivalent à un dipôle électrique de dimension 2Dl. De plus, l’ana-
logie avec la définition du dipôle élémentaire impose à i (t) l’inva-
& Régime quasi statique riabilité sur Dl. Nous verrons que le respect de ce critère suppose
Dès que le moment électrique p est animé d’oscillations sinusoı̈- que la longueur d’onde l soit très supérieure à Dl.
dales entretenues sous la pulsation w, apparaı̂t un champ magné-
& Tronçon Dl de circuit filiforme
tique. Quand w n’est pas trop élevée, les vecteurs champ magné-
tique et champ électrique, produits à distance r du moment, Dans un tout autre contexte, la figure 3 se rapporte à une source
entrent en régime quasi statique. Sous ce mode particulier, un de fem sinusoı̈dale e (t) alimentant une ligne de transmission bifi-
champ magnétique prend naissance, ce champ varie suivant une laire composée de deux conducteurs cylindriques parallèles.
loi proportionnelle à w. Quant au champ électrique, il demeure L’extrémité opposée de la ligne est terminée sur une impédance
indépendant de w et similaire aux équations établies pour le régime quelconque ZL. Le repère Oz prenant origine sur la source de fem,
statique. Nous verrons que le régime quasi statique ainsi défini porte la variable longitudinale z figurant dans la fonction du cou-
répond aux conditions de l’émission du champ proche. Bien que rant i (z, t) formulée sous la notation complexe :
le courant i (t) engendré par la source soit non nul, la continuité
avec le régime statique suggère de maintenir le moment électrique i (z , t ) = I (z )e j ωt
dans les formules des champs proches.

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Disque métallique Courant


uniforme sur Δl

λ >> Δl

i (t) Δl Δl
i(t)

i(t) Δl
+

2 Plan
métallique
e(t)

- Image
électrique

Figure 2 – Représentation matérielle d’un monopôle électrique



Dans les relations apparaissent deux fonctions de point E (r , θ, ϕ )
 
Δl
i(z, t) et H (r , θ, ϕ ) appartenant aux vecteurs champ électrique E et champ

+ magnétique H extérieurs au dipôle et observés au point de coor-
ZL données définies par les variables r, q et j. Ces dernières provien-
e(t) λ >> Δl
nent d’un repère géométrique sphérique dont l’origine est confon-
- due avec le centre de symétrie du dipôle.
Les théories électromagnétiques décrites dans la réfé-
z
0 z0 L0 rence [E 1 020] ou d’autres ouvrages cités en bibliographie
 [5] [7],
mènent aux formes analytiques générales des fonctions E (r , θ, ϕ )

Figure 3 – Dipôle électrique élémentaire représenté par l’élément et H (r , θ, ϕ ) présentées au § 1.1.1.
de conducteur D l
En pratique, les formules sont rarement utilisées telles quelles,
on préfère leur substituer des expressions simplifiées extraites des
Dans cette relation apparaı̂t la fonction génératrice I (z) décrivant notions de régime quasi statique et de champs lointains évoqués
la variation du courant sur la ligne. en préambule. La recherche des formules simplifiées sera facilitée
Considérons un tronçon de conducteur de dimension Dl localisé en rapportant la distance r de l’observateur à la longueur d’onde l.
en z0. S’il est admis que I (z) varie peu dans l’intervalle Dl, le tron- La section 1.1.2 concernera donc la formulation des champs pro-
çon centré sur z0 est assimilable à un dipôle électrique élémentaire. ches provenant du régime quasi statique et présentement caracté-
Cette analogie sera exploitée ultérieurement pour entreprendre le risé par un rapport r / l très inférieur à l’unité.
calcul des champs électromagnétiques rayonnés par une antenne
La section 1.1.3 s’adresse aux formules des champs lointains
rectiligne. Le procédé peut être étendu à tout circuit filiforme de répondant aux propriétés du rayonnement lointain établi quand le
géométrie quelconque, mais sous la condition préalable d’avoir rapport r /l est supérieur ou très supérieur à l’unité.
accès à la fonction I (z).

Dans la poursuite du texte, le terme « dipôle électrique élé-


1.1 Rayonnement du dipôle électrique mentaire » sera parfois restreint à « dipôle électrique », l’adjectif
élémentaire étant dans ce cas implicite.
élémentaire
Le dipôle électrique élémentaire défini en préambule prend 1.1.1 Formules générales du dipôle électrique
accessoirement le nom de dipôle de Hertz. Le patronyme honore
l’œuvre du physicien germanique, Heinrich Hertz, qui réalisa en L’axe polaire du repère sphérique Orqj coı̈ncide avec l’axe du
dipôle électrique. La figure 4 donne la représentation des champs
1888 la première expérience prouvant l’existence des ondes
au point P occupé par l’observateur.
radioélectriques [1] [9].   
Pour introduire les formules, nous dirons que le courant i (t) Appelons ur , uθ et uϕ les vecteurs unitaires attachés aux direc-
représenté ici par un signal sinusoı̈dal uniformément réparti sur tions définissant les variables r, q et j. Sous cette représentation,
Dl, génère de l’énergie électromagnétique transportée dans l’analyse
 théorique du rayonnement montre que les fonctions de
l’espace sous la configuration d’une onde sphérique.
  L’onde est point H (r , θ, ϕ ) et E (r , θ, ϕ ) se subdivisent en trois composantes
caractérisée par les fonctions e (r , θ, ϕ , t ) et h (r , θ, ϕ , t ) présentées relatées comme suit :
sous les notations complexes et vectorielles transcrites ci-dessous :  
 H (r , θ, ϕ ) = Hϕ (r , θ, ϕ )uϕ (1)

e (r , θ, ϕ , t ) = E (r , θ, ϕ )e j ωt
  
h (r , θ, ϕ , t ) = H (r , θ, ϕ )e j ωt
 
E (r , θ, ϕ ) = Er (r , θ, ϕ )ur + E θ (r , θ, ϕ )uθ (2)

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& Conditions d’usage des formules générales



L’usage des formules générales est toutefois restreint au conduc-
teur filiforme, s’il s’agit d’un cylindre, le diamètre d doit demeurer
très inférieur à Dl.

Axe polaire P Cette condition impose également une distance minimale r rap-
portée au dipôle et au-dessous de laquelle les formules générales
θ engendrent des erreurs systématiques. Leur domaine de validité
suppose par conséquent que l’observateur P soit au moins éloigné
Er de r ≥ 5Δl .
r
Ces formules établies sous l’hypothèse de l’uniformité du cou-
rant I sur Dl exigent que la fréquence des signaux animant le cou-
rant i (t) corresponde à une longueur d’onde l très supérieure à la
Δl O dimension du dipôle ; le critère λ ≥ Δl doit être respecté.

2
I
Quand les données géométriques, r, Dl, d et la longueur d’onde
l, sortent des domaines justifiant l’usage des formules générales,
ϕ le recours aux techniques de calcul numérique est impératif.
Plan
équatorial
1.1.2 Formules des champs proches
Sous les conditions de champ proche, le produit γr étant très
inférieur à l’unité, les termes g r et (g r)2 s’effacent devant 1 et la fonc-
tion exponentielle e-g r disparaı̂t des équations, car voisine de l’unité.
Figure 4 – Repère sphérique et structure du champ Ces simplifications mènent aux formules des champs proches de Hj,
électromagnétique rayonné par le dipôle électrique élémentaire Er et Eq présentées sous les expressions allégées (7), (8) et (9) :

Aux projections Hj(r, q, j), Er (r ,q, j) et Eq(r, q, j), la théorie du p sin θ


Hϕ ≅ j ω (7)
dipôle électrique fait également correspondre les expressions 4π r 2
générales portées ci-dessous [2] [5] :
I Δl sin θ p 2 cos θ
Hϕ (r , θ, ϕ ) = (1+ γ r )e − γ r (3) Er ≅ (8)
4π r 2 4 πε0 r 3

I Δl 2 cos θ p sin θ
Er (r , θ, ϕ ) = (1+ γ r )e − γ r (4) Eθ ≅ (9)
4 π j ωε0 r 3 4 πε0 r 3

L’examen des équations permet de retrouver le contexte du


I Δl sin θ ⎡ régime quasi statique brièvement évoqué en préambule. La pré-
E θ (r , θ, ϕ ) = 1 + γ r + (γ r ) ⎤ e − γ r
2
(5) sence du moment électrique p confirme que le champ magnétique
4 π j ωε0 r 3 ⎣ ⎦
émerge avec une loi proportionnelle à la pulsation w alors que les
composantes de champ électrique Er et Eq restituent la variation en
Dans les relations figure la constante de propagation g des ondes
1/r 3 découlant des propriétés électrostatiques du moment électrique.
électromagnétiques, c’est une quantité purement imaginaire reliée
au nombre d’onde k par l’expression : Rappelons que le moment électrique est lié aux charges, au cou-
rant I, à la pulsation w et Dl par les formules :
γ = jk où j = − 1
p = q Δl = I Δl / j ω (10)
Le nombre d’onde sera présenté suivant l’usage sous les trois
L’absence de la fonction e-g r confirme également que les formu-
formes équivalentes :
les des champs proches excluent les déphasages engendrés par les
ω f 2π phénomènes de propagation.
k= = 2π = (6)
c c λ
1.1.3 Formules des champs lointains
On retrouve la pulsation w, la fréquence de la source f ainsi que L’observateur P est situé à une distance r du dipôle électrique res-
la longueur d’onde établie par le rapport, l = c / f. Nous convenons pectant les critères r > l ou r ≫ λ. Le produit γr intervenant
d’adopter pour la célérité c la valeur dans (3), (4) et (5) devient très supérieur à l’unité ; dans ce cas, de
nouvelles simplifications transforment profondément les fonctions
c ≅ 1/ µ0 ε0 = 3.108 m/s liant les champs aux diverses variables physiques et géométriques.
La fonction exponentielle e-g r devra être maintenue, alors que la
où : m0 = 4p 10-7 H/m et ε0 ≅ (1/ 36π )10−9 F /m. La définition de la variation en 1/r 2 de la composante radiale Er de champ électrique
célérité est précisée en 2.2.1 de [D 1 322]. suggère de l’éliminer face à la composante polaire Eq variant en
L’examen des relations générales (3), (4) et (5) montre que ces 1/r. Nous verrons plus loin que cette hypothèse cause une erreur
trois expressions ont pour terme commun la fonction e-g r impri- dès que l’observateur s’approche de la direction de l’axe polaire.
mant le déphasage engendré au cours de la propagation. On Le déroulement du calcul conduisant aux projections des vec-
remarquera que l’absence de la variable angulaire j définie dans teurs champs lointains restreintes à Eq et Hj montre que le rapport
le plan équatorial du repère sphérique, sous-entend la propriété de ces deux quantités converge vers la racine carrée du rapport des
de symétrie de révolution du rayonnement. La permittivité élec- constantes physiques m0 et e0, soit :
trique absolue e0 figure dans les expressions des champs
E θ / H ϕ = Zw = µ0 / ε0
électriques.

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Précisons que Zw représente l’impédance de l’onde plane dans le


vide à laquelle correspond la valeur numérique : Zw ffi 377 W que
l’on peut également écrire Zw ffi 120p W. θ
Boucle de
Les équations (11) et (12) ci-dessous rassemblent les formules P
surface ΔS
usuelles des champs lointains déduites des relations générales (3) N
et (5). r

I Δl e − γ r (11) Δl
E θ ≅ j ωµ0 sin θ
4π r
I ϕ

Eθ µ0 S
Hϕ ≅ où Zw = (12)
Zw ε0

2 Ces formules, qui répondent au cadre physique du rayonnement


lointain évoqué en préambule, comportent aux numérateurs le pro-
duit jw I Dl. Rien ne s’oppose cependant à y faire figurer le moment
électrique p. Figure 5 – Transposition du moment magnétique par un dipôle
magnétique constitué d’une boucle de surface D S et d’un courant
& Propriétés physiques remarquables des champs lointains uniforme I
L’examen des formules allégées (11) et (12) exprime les proprié-
tés de tout rayonnement électromagnétique. En effet, la loi de pro- formules générales relatives aux champs rayonnés par le moment
portionnalité à la pulsation w du courant I injecté dans le dipôle se magnétique, appelé ici dipôle magnétique, prennent une structure
retrouve sur les champs lointains captés dans l’environnement similaire aux équations (3), (4) et (5). Leur usage suppose toutefois
d’appareils électroniques soumis aux mesures d’émission prati- le respect des règles de dualité énoncées plus loin.
quées en CEM. La figure 5 établit la correspondance entre le moment magné-
Les formules confirment la variabilité en 1/r observée sur toute tique et la boucle attachée au repère sphérique Orqj.
source ponctuelle émettant des ondes sphériques transportant de
l’énergie active. & Passage du dipôle électrique au dipôle magnétique
L’intensité des champs rayonnés est proportionnelle à la dimen- Les règles de dualités ci-dessous fixent les conditions de trans-
sion Dl du dipôle. formation des formules (3), (4), (5) vers leurs équivalentes pour les
En contrepartie, la variabilité du rayonnement selon l’angle champs rayonnés par le dipôle magnétique :
polaire q et la polarisation des champs électriques demande une
analyse plus élaborée des approximations précédentes. S’il est Transposition des sources : I Δl → I ΔS
clair que Eq et Hj évoluent en sin q, il ne faut pas en conclure hâti-
vement que le champ électrique est nul sur l’axe polaire, car la Transposition des champs : Hϕ → Eϕ
composante radiale Er éliminée par simplification prend en q = 0
ou q = p l’expression ci-dessous tirée de la formule générale (4),
soit : Er → Hr et E θ → H θ

(
Er ≅ Zw ( I Δl / 2π ) 1/ r 2 ) Transposition des constantes physiques : ε0 → µ0

Bien sûr, Er est indépendante de la pulsation w et il faut bien Les expressions des champs proches et des champs lointains du
constater qu’en s’éloignant de l’axe polaire, Eq rétablit l’hypothèse dipôle magnétique figurent en 5.1.1 de [D 1 325].
initiale Er ≪ E θ , avec une certitude d’autant plus grande que w est Par dualité avec le dipôle électrique, on montre aisément que
élevée. Ej/Hq = Zw.
Inversement, E θ et Hϕ prennent l’amplitude maximale dans le L’usage des relations analytiques est également subordonné au
respect de l’éloignement r de l’observateur rapporté aux dimen-
plan équatorial du repère où q = p/2. Dans ce cas, Er est stricte- sions de la petite boucle simulant le dipôle magnétique élémen-
ment nulle. taire. De plus, l’uniformité de distribution de i (t) suppose que la
Nous verrons au § 1.3 que la puissance active transportée sous le longueur d’onde l soit très supérieure au périmètre de la boucle.
rayonnement lointain reste invariante sur des surfaces sphériques
centrées sur le dipôle élémentaire. Cette remarque vaut d’ailleurs
pour tout type d’antenne. 1.3 Calcul de la puissance rayonnée
Prenons un observateur situé à une distance r d’un dipôle élec-
1.2 Rayonnement du dipôle magnétique trique répondant aux conditions de l’émission des champs loin-
élémentaire tains ainsi qu’au repère géométrique de la figure 4. Sachant que
l’émission est à symétrie de révolution, considérons un anneau
Le dipôle magnétique élémentaire illustre la forme duale du
sphérique centré sur le dipôle et prenant pour surface latérale :
dipôle électrique, aux charges électriques du moment électrique
doivent correspondre les charges magnétiques du moment magné-
ds = 2πr 2 sin θ d θ
tique. Une représentation matérielle du dipôle magnétique peut
être apportée par un petit aimant permanent de dimension Dl
Traversée par la densité de puissance active formée du produit
confondue avec l’axe polaire du repère sphérique. Une représenta-
tion alternative, plus exploitable que la précédente, est celle d’une E θHϕ* , la surface ds reçoit la puissance élémentaire :
boucle de surface DS disposée normalement à l’axe polaire et par-
courue uniformément par le courant i (t). Quand i (t) est formé de dPr = E θHϕ∗ ds
signaux sinusoı̈daux de pulsation w et d’amplitude efficace I, les

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Cadre physique de la métrologie


en compatibilité électromagnétique
Descriptif général
par Bernard DÉMOULIN

2
Professeur émérite
Université Lille 1, Groupe TELICE de l’IEMN, CNRS, UMR 8520

1. Métrologie des protocoles de mesures ou d’essais ................. R 932 – 2


1.1 Contexte de la métrologie en CEM .................................................... — 2
1.1.1 Notion d’appareil électronique ............................................... — 2
1.1.2 Objectifs de la métrologie ....................................................... — 3
1.1.3 Nature physique des variables mesurées ............................... — 4
1.2 Mesures d’émission ........................................................................... — 5
1.2.1 Signaux générateurs d’émission large bande ........................ — 5
1.2.2 Mesure de l’émission aux basses fréquences ........................ — 6
1.2.3 Mesure de l’émission aux hautes fréquences ........................ — 6
1.3 Essais d’immunité et de susceptibilité .............................................. — 8
1.3.1 Essai d’immunité aux hautes fréquences (100 MHz à 1 GHz) — 8
1.3.2 Tests de susceptibilité ............................................................. — 10
2. Antennes réceptrices basses fréquences .................................. — 10
2.1 Antennes monopoles électriques ...................................................... — 10
2.2 Antennes boucles magnétiques ........................................................ — 11
3. Conclusion........................................................................................ — 14
4. Glossaire ........................................................................................... — 14
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. R 932

a métrologie suivie en compatibilité électromagnétique, appelée succincte-


L ment « métrologie CEM », couvre un domaine d’application tellement varié
qu’il est bien illusoire d’en détailler le contenu dans l’espace d’un seul article.
Ces raisons ont donc conduit l’auteur à limiter l’exposé à l’évaluation de l’émis-
sion ou de l’immunité électromagnétique d’un appareil électronique ainsi
qu’aux mesures des ondes radiofréquences porteuses de champs faibles ou
de champs forts.
Parution : juin 2017 - Dernière validation : janvier 2022

Au regard de la terminologie officielle, on rappellera que l’émission s’adresse


aux champs électromagnétiques indésirables rayonnés à distance d’un appareil
et capables d’engendrer des interférences pouvant altérer le fonctionnement
d’un appareil voisin.
Inversement, l’immunité d’un appareil caractérise son aptitude à présenter un
fonctionnement inaltéré en présence de champs électromagnétiques répondant
à une gamme de fréquences et à une intensité préalablement fixées par un pro-
tocole d’essai.
Le sujet sera développé en deux parties bien distinctes composant deux arti-
cles reliés par des propriétés physiques communes.
Dans la première partie exposée ci-après et intitulée « Descriptif général », le
texte aborde les protocoles de mesures d’émission et d’essais d’immunité élec-
tromagnétique ainsi que les antennes réceptrices utilisées lors de mesures pra-
tiquées aux basses fréquences.

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CADRE PHYSIQUE DE LA MÉTROLOGIE EN COMPATIBILITÉ ÉLECTROMAGNÉTIQUE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

La seconde partie contenue dans l’article [R 935] est intitulée « Analyse des
phénomènes », l’objectif vise à expliquer la contribution des différents facteurs
physiques agissant à l’échelle des principaux composants passifs ou actifs
constituant l’appareil sous test.
Revenons sur la première partie pour procéder à un bref descriptif du premier
paragraphe. On cherchera tout d’abord à définir ce que représente un appareil
soumis à une mesure d’émission ou à un essai d’immunité. L’exposé insistera
sur la nature physique des variables entrant dans le contexte de la métrologie
CEM puis sur le partage du spectre en trois gammes de fréquences couvrant
respectivement les basses fréquences situées entre 150 kHz et 30 MHz, les hau-
tes fréquences allant de 100 MHz à 1 GHz et les fréquences intermédiaires com-
blant la lacune 30 MHz à 100 MHz. Nous verrons sur la base d’exemples que
2 cette division du spectre n’est pas arbitraire mais justifiée par les propriétés
des antennes à large bande de fréquences et par la nature des variables pres-
senties pour effectuer les mesures ou accomplir un essai. Les protocoles de
mesures ou d’essais généralement pratiqués en chambres semi-anéchoı̈ques
seront aussi examinés afin de mettre en exergue différentes sources
d’incertitudes.
Le second paragraphe aborde l’analyse du fonctionnement des antennes
réceptrices adoptées lors de certaines mesures d’émission pratiquées entre
150 kHz et 30 MHz. Nous regarderons le lien entre le champ électrique ambiant
et la tension capturée à la base d’un monopole récepteur ainsi que les incerti-
tudes pouvant survenir lors de la mesure du champ magnétique pratiquée avec
une boucle réceptrice.
Le texte fait fréquemment appel à des démonstrations ou à des formules
exposées dans l’article [R 931] consacré aux antennes rencontrées en CEM. En
outre, la consultation des articles [D 1 300], [D 1 305] et [R 930], de portée plus
générale que les sujets élaborés par la suite, complétera efficacement la lecture.
Remarque importante : les valeurs numériques des tolérances d’émission ou
de contraintes d’immunité signalées en exemple ne sont qu’indicatives, le lec-
teur désireux de déterminer avec rigueur ces données est invité à consulter les
normes génériques sur la CEM.

1. Métrologie des protocoles 1.1 Contexte de la métrologie en CEM


de mesures ou d’essais La perception d’émissions indésirables, ou les anomalies dues à
l’interférence de champs électromagnétiques régnant près d’appa-
reils électroniques en fonctionnement sont aujourd’hui réglemen-
tées par les directives sur la CEM. À l’échelle internationale, la
Dans le prolongement de l’introduction, apportons plus de mise en place des directives s’appuie sur des normes décrivant la
détails sur le contenu de ce premier paragraphe. On commencera nature physique des variables représentant l’intensité de ces phé-
donc par définir ce que représente un appareil soumis à l’examen nomènes perturbateurs ainsi que les protocoles permettant d’en
d’un test d’émission ou à celui d’un essai d’immunité. L’attention pratiquer la mesure ou la reproduction [1].
portera plus particulièrement sur le rôle imparti aux liens de l’appa-
Des tolérances exprimées par des seuils d’amplitudes maximales
reil avec les références de potentiel désignées habituellement sous
ou minimales constitueront les références officielles en vue de la
les termes de « terre », « masse » ou autres équivalents. La ques-
certification de l’appareil vis-à-vis de la CEM.
tion de l’objectif attendu par les mesures ou les essais précédera
l’analyse des différentes variables physiques envisagées pour Les trois parties composant ce premier paragraphe s’efforceront
atteindre des résultats autant que possible reproductibles. donc de résumer le cadre général de la métrologie des mesures
d’émission ou des essais d’immunité s’approchant de situations
Ce premier paragraphe se tournera ensuite vers les descriptifs
ou d’exemples inspirés des normes sus mentionnées.
d’une mesure d’émission ou d’un essai d’immunité. Le texte se
limitera aux aspects substantiels des protocoles de mesures ou
d’essais dont les détails abondent évidemment dans les documents 1.1.1 Notion d’appareil électronique
normatifs officiels. En contrepartie, le texte insistera sur les risques Un appareil électronique, au sens de la CEM, peut être assez bien
d’incertitudes et sur le recours à une métrologie alternative faisant illustré par le diagramme de la figure 1. L’appareil rassemble géné-
par exemple appel aux propriétés des chambres à réverbération. ralement diverses fonctions électroniques matérialisées par
Nous serons également amenés à bien dissocier l’essai d’immu- l’échange de signaux électriques. On y rencontre des signaux binai-
nité du test de susceptibilité. res délimités par des seuils d’amplitudes bien spécifiques, mais

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R932

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CADRE PHYSIQUE DE LA MÉTROLOGIE EN COMPATIBILITÉ ÉLECTROMAGNÉTIQUE

situations extrêmes valorise par conséquent la description topolo-


Ligne Périmètre Lignes gique détaillée d’une installation et les protocoles métrologiques
d’alimentation de l’appareil d’échange qui en découlent.
en énergie de signaux
& Lignes d’échange de signaux

Fonctions
Les lignes d’échange de signaux concernent les canaux de com-
électroniques et munication de données entrant ou sortant du périmètre de l’appa-
lignes internes reil. Quand le canal est constitué d’une ligne non blindée, le transit
des signaux s’accompagnera, dans certains cas, de rayonnements
Lien à la référence résiduels ou, dans d’autres cas, par une vulnérabilité accrue aux
globale de potentiel champs environnants. Nous verrons dans l’article [R 935] que
l’usage d’une ligne blindée n’élimine pas totalement ces risques,
car le blindage peut constituer une source de résonances en se
comportant vis-à-vis des champs extérieurs comme une antenne
Référence globale de potentiel déterminée
par la surface du sol, l’infrastructure métallique
d’un bâtiment ou la caisse métallique d’un véhicule
réceptrice.
& Lien à la référence globale de potentiel 2
La référence globale de potentiel désignée par la suite sous
l’abréviation RGP est extérieure au périmètre de l’appareil. Consi-
Figure 1 – Schéma résumant la notion d’équipement électronique
telle que relatée dans le contexte de la métrologie appliquée dérons par exemple un appareil situé dans un aéronef, la RGP
à la CEM sera représentée par le fuselage métallique (et partiellement com-
posite) de l’avion. Quand l’appareil représente une locomotive, la
aussi des signaux analogiques pouvant couvrir une gamme très RGP n’est autre que la surface du sol. Par contre pour les mesures
étendue d’amplitude, allant par exemple pour les tensions de quel- ou essais sur un appareil installé dans une chambre blindée, la RGP
ques mV à un millier de volts. sera constituée par le plan inférieur métallique de la chambre.
La topologie de l’appareil incite à bien dissocier dans le vocabu-
Les signaux transitent ou proviennent de composants électroni-
laire la RGP du réseau de masse, ce dernier appartient aux conduc-
ques pouvant revêtir des configurations très variées comprenant
teurs portés au potentiel commun de zéro volt interne au périmètre
des circuits logiques intégrés, des amplificateurs, ou des compo-
de l’appareil. Le terme « zéro volt » entraı̂nant fréquemment des
sants semi-conducteurs de puissance couramment utilisés dans
confusions, nous préférons le désigner sous la locution de « réfé-
les convertisseurs modernes d’énergie électrique.
rence locale de potentiel » reconnue ci-après par l’abréviation RLP.
L’illustration portée à la figure 1 considère qu’en règle générale
Selon la topologie, la RLP peut être ou non reliée à la RGP, cette
tout appareil peut être décrit sommairement par quatre identifiants
alternative est précisée à la figure 1 par le trait pointillé. La conne-
topologiques énoncés comme suit, le périmètre de l’appareil, la xion physique est en relation étroite avec les questions de sécurité
ligne d’alimentation en énergie, la (ou les) voie(s) d’échange de électrique. Par exemple, suivant la classe d’isolement de l’appareil,
signaux avec l’environnement extérieur au périmètre, puis le lien le périmètre constitué d’un châssis ou d’un container métallique
avec la référence globale de potentiel. (RLP) sera ou non relié à la terre (RGP). Cette fonction peut être réa-
Nous proposons ci-après d’apporter quelques détails sur ces cri- lisée localement par une prise de terre spécifique, ou déportée sur
tères topologiques. Rappelons que le terme « topologie » une prise de terre lointaine par le conducteur de terre entrant dans
s’adresse, dans la présente application, aux dispositions adoptées la ligne d’alimentation. Quand l’appareil est isolé en classe 2, le lien
pour mettre en œuvre différentes connexions électriques internes à la terre n’est pas indispensable, toutefois pour les signaux évo-
ou extérieures au périmètre de l’appareil. luant à de très hautes fréquences, la connexion marquée en pointil-
lés à la figure 1 interviendra par le biais des capacités de fuites ! La
& Périmètre de l’appareil métrologie CEM doit prendre en considération ces détails
Le périmètre de l’appareil est bien souvent confondu avec le topologiques.
container métallique (ou non métallique) abritant les diverses fonc- Il est important de préciser que les phénomènes physiques rela-
tions électroniques. Ces fonctions se concrétisent par des circuits tés dans l’article excluent les perturbations électromagnétiques
imprimés, reliés par des lignes formant la topologie interne de dues aux courants dérivés par les réseaux de terre ou de masse
l’appareil. apparentés à la RGP. Ces phénomènes appelés « couplage par
Le périmètre peut englober un volume extrêmement variable, la impédance commune » font l’objet de descriptions développées
plupart des exemples abordés par la suite seront surtout cantonnés dans les dossiers [D 1 305] et [D 1 321].
aux appareils pouvant prendre place dans une chambre blindée. Ce
contexte circonscrit forcément l’appareil à un volume excédant 1.1.2 Objectifs de la métrologie
rarement un mètre cube. Dans d’autres circonstances, il peut être
bien plus volumineux, tel est le cas des locomotives électriques. Il Comme l’impose le cadre normatif, les mesures et les essais
est bien évident que la métrologie adoptée pour procéder aux sélectionnés pour le descriptif de l’article couvrent une gamme de
mesures d’émission ou aux essais d’immunité doit tenir compte fréquences allant de 150 kHz à 1 GHz, soit à peu près trois décades.
de l’ensemble des facteurs géométriques. Les gammes d’amplitudes sont encore plus vastes, car elles dépas-
sent dans certains cas une dynamique de 100 dB. Dans un tel
& Ligne d’alimentation en énergie contexte, il ne faut pas attendre de la métrologie des performances
Exception faite des équipements possédant une alimentation de précisions, mais plus justement de l’objectivité, utilisée ici
autonome prenant place dans le périmètre défini plus haut, la comme synonyme du terme anglais accuracy. Ainsi, rien ne sert
ligne d’alimentation en énergie réalise un lien physique avec le de déterminer le champ électrique émis par un appareil avec une
milieu extérieur. Pour les appareils usuels répondant aux protoco- précision relative de 1 %, mieux vaut prouver que l’amplitude se
les de métrologie examinés au § 1.3 et confinés dans une chambre situe à 150 mV/m avec une incertitude de 20 % !
blindée, la ligne d’alimentation n’excédera pas un à trois mètres de L’argument a donc orienté la métrologie CEM vers la recherche
long. En revanche, l’alimentation d’une locomotive en énergie, de variables physiques essayant de satisfaire ce critère et de
matérialisée par un contact glissant sur caténaire et un retour du répondre simultanément à l’optimum de reproductibilité des
courant par les rails, couvre selon l’usage des distances pouvant mesures et des essais pratiqués en différents lieux ou sous diffé-
atteindre plusieurs dizaines de kilomètres. L’exemple de ces rentes circonstances.

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Un exemple devrait nous éclairer sur la pertinence du choix des Essayons donc de confronter ces données qualitatives au partage
variables. Les théories électromagnétiques nous apprennent qu’au de la gamme de fréquences 150 kHz – 1 GHz en trois sous-gammes
dessus de 100 MHz la mesure du champ électrique peut être réali- subdivisées selon le vocabulaire de l’introduction générale.
sée par des antennes relativement compactes, n’excédant pas une
– De 100 MHz à 1 GHz, les mesures d’émissions seront circonscri-
envergure d’un mètre cinquante. D’après cet argument, le choix de tes à la détermination de la variable champ électrique, c’est le
la variable champ électrique paraı̂t donc naturel pour mesurer domaine des hautes fréquences où les dimensions de l’antenne
l’émission d’un appareil. Par contre, si on extrapole le raisonne- réceptrice demeurent inférieures à deux mètres.
ment, la mesure du champ électrique pratiquée à une fréquence
dix fois plus faible demanderait en théorie une antenne d’enver- – De 150 kHz à 30 MHz, se situe la zone des basses fréquences,
gure dix fois plus grande ! Nous verrons au second paragraphe où l’on préférera substituer au champ électrique les variables cou-
qu’il est envisageable de réduire ces dimensions par divers artifi- rants ou tensions capturées sur la ligne d’alimentation de l’appa-
ces, l’option est toutefois assortie d’artefacts nuisibles à l’objecti- reil. Bien entendu, et comme va l’illustrer l’exemple cité en réfé-
vité des mesures, donc à leur reproductibilité. La métrologie rence, cela n’exclut pas dans quelques cas particuliers les mesures
de champs.

2
s’oriente alors vers l’usage de variables alternatives. Nous verrons
qu’une alternative au champ électrique consiste à choisir les cou- – De 30 MHz à 100 MHz c’est la zone intermédiaire dans laquelle
rants ou tensions transportés sur la ligne d’alimentation en énergie, entre la fréquence de 75 MHz citée en illustration. Ainsi, de 75 MHz
ou dans d’autres cas, procéder à la mesure du champ magnétique à 100 MHz la mesure du champ électrique reste exploitable.
ou du champ électrique à proximité immédiate de l’appareil ou de Au-dessous de 75 MHz, deux alternatives sont envisageables, on
la ligne. peut adopter une antenne compatible avec cette gamme de fré-
Des facteurs autres que l’encombrement des antennes entrent quence ou opter pour la mesure d’une autre variable que le
aussi en jeu pour optimiser le choix des variables physiques ou champ électrique. Nous pensons par exemple au champ magné-
l’organisation des protocoles de mesures. Pour illustration, reve- tique ou aux courants ou tensions à large spectre de fréquence
nons sur l’exemple de la mesure de l’émission d’un appareil. Il est engendrés par l’appareil sur les voies de communication avec le
aujourd’hui observé que l’espace encombré par une population monde extérieur.
croissante d’utilisateurs des ondes hertziennes incite à pratiquer la Toutes ces règles déduites des propriétés de l’émission d’un
mesure des champs faibles dans une chambre blindée. Si ces appareil sont évidemment transposables pour les essais d’immu-
conditions permettent de protéger les variables mesurées des inter- nité. Néanmoins, la question de la réciprocité évoquée dans l’arti-
férences extérieures, le confinement des champs dans une enceinte cle [R 935] apportera quelques détails sur ce point important, mais
métallique engendre des artefacts générateurs d’incertitudes tribu- combien scabreux de la métrologie CEM !
taires des dimensions de la chambre. Dans ce cas, on améliore
l’objectivité des mesures en essayant de restituer les conditions Les situations illustrées en exemple s’adressent à deux applica-
de propagation en espace libre par la pose d’absorbants électroma- tions diamétralement opposées, où la mesure des émissions pro-
gnétiques contre les parois métalliques de la chambre, hormis bien duites en dessous de 30 MHz exigera selon le cas la mesure du
sûr le plan de sol. L’usage des propriétés semi-anéchoı̈ques n’est courant transporté ou du champ magnétique produit par la ligne
cependant possible qu’aux fréquences supérieures à 100 MHz, car d’alimentations en énergie.
au-dessous, l’épaisseur de l’absorbant est tellement prohibitive
qu’il faut accroı̂tre le volume de la chambre et consécutivement Exemple : mesure des émissions au-dessous de 30 MHz
son prix ! – Émissions produites par un convertisseur statique
La topologie d’un convertisseur d’énergie électrique répond assez
La métrologie se tourne également vers d’autres procédés que la
bien à la configuration de l’appareil présenté en figure 1. La ligne de
chambre semi-anéchoı̈que, tel est le cas des chambres réverbéran- données correspond ici à la voie d’alimentation de la charge (moteur)
tes à brassage de modes. La méthode de mesure utilise les proprié- connectée à l’appareil. Nous admettrons, pour simplifier, que cette
tés des cavités électromagnétiques surdimensionnées par rapport à ligne ne contribue pas à l’émission, par contre nous supposerons
la longueur d’onde. Le protocole de mesure est basé sur le bras- qu’au-dessous de 30 MHz la ligne d’alimentation en énergie reliant
sage des modes de résonances engendrés par la réverbération l’appareil à la source de tension continue (ou alternative sous fré-
des ondes sur les parois métalliques, sous ces conditions les quence de 50 Hz) constitue la source majeure de l’émission.
champs électromagnétiques ainsi que les tensions induites sur les Les rudiments de théorie apportés au paragraphe 1.1 de [D 1 323]
antennes adoptent des propriétés stochastiques. De l’excursion montrent qu’en absence de filtre la ligne véhicule des courants dont
aléatoire de ces variables de part et d’autre de leur amplitude le spectre peut atteindre et même dépasser 30 MHz. Dans de telles
moyenne on extrait un écart type. Ce dernier joue alors le rôle circonstances la mesure du spectre du courant peut suffire à caracté-
d’une variable stationnaire paraissant sous certaines circonstances riser l’émission. En effet, s’il est prouvé que la dimension L0 de la
indépendante des dimensions de la chambre [2]. ligne demeure plus petite que le quart de la longueur d’onde la plus
Malgré tout, nous verrons en prochaines sections qu’au-dessous courte, soit présentement L0 < 2,5 m, les champs électriques ou
de 30 MHz l’élaboration de protocoles de mesures ou d’essais magnétiques émis à distance de la ligne restituent une image spec-
reproductibles demande le concours d’autres variables que les trale proche de celle du courant. Cela ne veut pas dire que les spec-
tres sont rigoureusement homothétiques, car, du point de vue du
champs électromagnétiques.
rayonnement, la ligne entre en régime quasi TEM possède sa propre
fonction de transfert. Le paragraphe 1.4 de [D 1 322] apporte sur ce
1.1.3 Nature physique des variables mesurées sujet quelques explications qualitatives.
La contrainte dimensionnelle imposée à la ligne d’alimentation
Les éléments de théories exposés dans l’article [R 931] incitent à n’est pas le seul facteur pouvant altérer la reproductibilité des mesu-
penser qu’il existe une relation de proportionnalité entre l’intensité res, encore faut-il que l’impédance présentée par la source d’énergie
de l’émission d’un appareil et la dimension des circuits le consti- soit invariante pour les hautes fréquences et pour tout site de
tuant. En effet, pour un appareil dont le volume n’excède pas un mesure, ce qui est manifestement impossible en pratique. Les proto-
mètre cube, les lignes et câbles intérieurs dépassent rarement un coles officiels suggèrent de réduire cette probabilité d’incertitude en
mètre. Leur résonance en quart d’onde devrait donc se manifester interposant un filtre passe-bas entre la source de tension continue
au-dessus de 75 MHz. De plus il était montré dans [R 931] que la (ou alternative) et la ligne d’énergie. Le filtre intitulé dans ce contexte
mesure du champ électrique réalisée avec un dipôle symétrique « réseau stabilisateur d’impédance de ligne » désigné sous l’abrévia-
accordé en quart d’onde demandait, à 75 MHz, une antenne tion RSIL doit toutefois respecter fidèlement les critères d’implanta-
d’envergure proche de deux mètres. tion et de constitution décrits dans les normes.

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Cadre physique de la métrologie


en compatibilité électromagnétique
Analyse des phénomènes
par Bernard DÉMOULIN
Professeur émérite
Université Lille 1, groupe TELICE de l’IEMN, CNRS, UMR 8520 2
1. Analyse physique des mesures et des essais ............................ R 935 – 2
1.1 Contributions des composants passifs dans l’émission ................... — 2
1.1.1 Émission d’une piste imprimée .............................................. — 3
1.1.2 Contribution de la topologie du réseau de masse ................. — 6
1.1.3 Intervention de la bande passante du récepteur .................... — 7
1.2 Couplages, interférences et critères d’immunité .............................. — 8
1.2.1 Analyse de l’immunité aux hautes fréquences (30 MHz
à 1 GHz) .................................................................................... — 8
1.2.2 Essais d’immunité aux basses fréquences (150 kHz
à 30 MHz) ................................................................................. — 10
2. Mesure des champs faibles et des champs forts ...................... — 11
2.1 Mesure de l’atténuation des blindages à haute immunité ............... — 11
2.2 Mesure du champ près d’un émetteur .............................................. — 13
3. Conclusion........................................................................................ — 16
4. Glossaire ........................................................................................... — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. R 935

C e second article consacré au cadre physique de la métrologie CEM aborde


le volet phénoménologique indispensable à la compréhension des mesu-
res d’émission ou des essais d’immunité relatés dans l’article [R 932]. C’est un
sujet difficile que l’auteur a préféré développer sur la base d’exemples simples,
coordonnés par des calculs analytiques.
Dans cet esprit, le premier paragraphe exposera deux problèmes académi-
ques résumant les mécanismes impliqués dans les concepts d’émission ou
d’immunité. Le premier problème analyse le rayonnement d’une piste de circuit
Parution : juin 2017 - Dernière validation : janvier 2022

imprimé parcourue par des signaux occupant un large spectre de fréquences.


Nous explorons ensuite, mais de manière purement qualitative, le couplage
exercé entre le champ proche du circuit imprimé et la topologie interne à
l’appareil. La configuration réduite à un câble blindé mettra en évidence l’exis-
tence de résonances corrélées aux connexions réalisées avec les diverses réfé-
rences de potentiel. Le second problème s’adresse à la tension capturée à
l’extrémité de la piste soumise à un essai d’immunité produit par le champ
électromagnétique d’une onde RF entretenue. Les questions afférentes aux
notions de couplages, d’interférences et de critère d’immunité transportées
sur cet exemple simple aboutiront à l’examen d’effets non linéaires agissant
sur les composants actifs, en l’occurrence un amplificateur intégré.
Le second paragraphe aborde un sujet indépendant du précédent mais tout
aussi révélateur de l’effort qu’il faut porter à l’interprétation d’expériences des-
tinées à la mesure de champs faibles ou de champs forts. En guise d’illustra-
tion, on procédera à l’analyse attentive du protocole adopté pour mesurer

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CADRE PHYSIQUE DE LA MÉTROLOGIE EN COMPATIBILITÉ ÉLECTROMAGNÉTIQUE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

l’atténuation d’une enceinte métallique efficacement blindée. L’analyse sera


poursuivie par la démarche accomplie en vue de la mesure du champ rencontré
à proximité d’un puissant émetteur d’ondes radiofréquences. Ces deux exem-
ples partagent pour point commun la recherche de méthodes permettant de
localiser et de réduire les incertitudes dues à l’autoperturbation des instru-
ments de mesures.
Le texte fait fréquemment appel à des démonstrations ou à des formules expo-
sées dans l’article [R 931] consacré aux antennes rencontrées en CEM. En outre,
la consultation des articles [D 1 300], [D 1 305] et [R 930], de portée plus générale
que les sujets élaborés par la suite, peut compléter efficacement la lecture.
Remarque importante : les valeurs numériques des tolérances d’émission ou

2
de contraintes d’immunité prises en exemple ne sont qu’indicatives, le lecteur
désireux de déterminer avec rigueur ces données est invité à consulter les nor-
mes génériques sur la CEM.

lampe obéit à des comportements certainement très proches du


1. Analyse physique dipôle. De plus, l’émetteur d’Allouis situé au centre de la France
des mesures et des essais et à une distance de 400 kilomètres du site de l’expérience dis-
perse le champ suivant la loi en 1/r. Cette remarque signifie
que, dans le nord de la France, l’amplitude du champ électrique
ne peut que se rapprocher du seuil de sensibilité du récepteur.
Nous avions mentionné dans l’article [R 932] qu’une mesure À ce facteur propre à toute émission électromagnétique
objective s’efforçait de situer une variable ou un essai rapporté à s’ajoute l’atténuation engendrée par la structure métallique de
un seuil de référence décrété par une norme. Quand l’appareil l’immeuble, car dans la gamme des ondes hectométriques et
sous test franchit cette référence, il ne respecte pas la conformité. kilométriques on observe fréquemment une atténuation des
Inversement, un appareil déclaré conforme peut produire sous cer- champs proche de 20 dB au franchissement des structures en
taines circonstances une émission électromagnétique inacceptable béton armé. Ce facteur ajouté au précédent rapproche encore
ou se révéler sensible lors de l’exposition à des contraintes électro- plus le signal utile du seuil de réception de l’appareil. Sous ces
magnétiques d’amplitude exceptionnelle. L’exemple retenu en conditions, il n’est donc pas surprenant d’assister à une dégra-
encadré illustre ce contexte en observant l’émission produite à dation du rapport signal à bruit et de constater l’inaptitude d’un
proximité immédiate d’un appareil en fonctionnement nominal. appareil réputé conforme à l’esprit des normes.

Champ de proximité d’un appareil


À la lumière des conditions d’usage de l’appareil évoqué dans
Considérons une lampe à faible consommation d’énergie en l’exemple, on se rend compte que la métrologie CEM ne peut faire
portant l’attention sur l’émission électromagnétique produite abstraction des mécanismes physiques mis en jeu lors d’une
aux basses fréquences, c’est-à-dire entre 150 kHz et 30 MHz. mesure d’émission ou lors d’un essai d’immunité. Il est bien évi-
Les prescriptions sur les mesures d’émission établies en sec- dent que cette question est primordiale quand il s’agit de définir
tion 1.2.2 de l’article [R 932] indiquaient que les normes recom- les caractéristiques de filtres ou de blindages destinés à doter un
mandent la mesure du courant de mode commun collecté sur appareil de la conformité vis-à-vis des normes CEM, ou de le ren-
la ligne d’alimentation de l’appareil. Concrètement, cela signi- dre compatible sous les conditions d’usage exceptionnelles resti-
fie qu’un appareil déclaré conforme permettrait de recevoir la tuées dans l’exemple. Ce contexte a donc incité l’auteur à partager
radio sans risque d’interférence à distance de 3 mètres de la ce premier paragraphe en deux classes de phénomènes où seront
lampe et de la ligne d’alimentation. étudiés au § 1.1 l’émission d’une piste imprimée déposée au des-
Pratiquons une expérience consistant à positionner un récep- sus d’un plan métallique, suivie au § 1.2 des mécanismes d’interfé-
teur radio usuel à une distance de 30 centimètres de la lampe rences engendrées sur cette piste lors d’un essai d’immunité.
et accordé sur l’émetteur d’Allouis, de fréquence 164 kHz et de
longueur d’onde 1 829 mètres. Sous cette configuration, l’ex-
périence révèle des interférences concrétisées par un signal
audible de fréquence 50 Hz occultant le programme transmis 1.1 Contributions des composants
par la station de radio. Ajoutons à ces détails que l’expérience passifs dans l’émission
est réalisée dans le nord de la France et à l’intérieur d’un
immeuble construit en béton armé. Sous les termes de « composants passifs », nous entendons la
Ce constat incite par conséquent à approfondir l’analyse phy- participation de circuits ne mettant en œuvre que des phénomènes
sique en vue de rechercher les mécanismes générateurs des physiques linéaires apparenté à la famille des couplages électroma-
interférences. En effet, à distance de 30 centimètres de l’appa- gnétiques. Ce premier paragraphe commencera donc par le calcul
reil rien ne prouve que l’amplitude des champs reste proche de l’émission produite par une piste imprimée, suivie de l’analyse
du seuil prescrit par les tolérances de la norme. Il est montré qualitative des émissions liées à la topologie des réseaux de câble
dans l’article [R 931] que la production d’un champ électroma- et de masse internes à l’appareil. Pour conclure, on procédera à
gnétique à proximité du dipôle électrique élémentaire évolue
l’étude de l’impact du filtrage exercé par le récepteur sélectif
fortement avec l’éloignement r. L’émission provenant de la
connecté sur l’antenne large bande.

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1.1.1 Émission d’une piste imprimée de [D 1 322] apportent la justification physique de ce raisonnement.
On déduit immédiatement que le courant I engendré par la source
La figure 1 reproduit la coupe longitudinale d’une piste imprimée RF prend pour amplitude :
de dimension L0 déposée sur un substrat diélectrique d’épaisseur Dl
adossé à un plan de masse. L’axe Oz prenant origine sur l’une des I = jCd ω E0 (1)
extrémités de la piste fixe le repère longitudinal. En z = 0, la piste
est reliée à une source radiofréquences (RF), positionnée sous le La variable E0 représente alors la fém délivrée par la source RF.
plan métallique et confinée dans un blindage électromagnétique Il sera admis pour l’instant qu’il s’agit d’une source idéale dépour-
étanche. La piste est ouverte à l’extrémité opposée donc en z = L0. vue d’impédance interne.
S’il est en plus admis que le plan métallique possède des dimen- La formule (11) établie en section 1.1.3 de [R 931] est donc direc-
sions infinies et qu’il est composé d’un matériau hypothétique de tement transposable au calcul du champ électrique lointain produit
conductivité électrique infinie, la théorie des images électriques par Dl, soit :
apporte des symétries remarquables. La participation du contraste I Δl e− jk r (2)
de permittivité électrique imposé par la couche diélectrique posée E θ ≅ 2jωµ0 sin θ
4π r

2
sur le plan de masse intervient surtout sur la vitesse de propaga-
tion du mode quasi TEM et dans une moindre mesure sur le rayon- Le facteur 2 figurant en tête du second membre tient compte
nement de la piste. Pour la vitesse de propagation, une correction de l’émission due à l’image électrique de Dl alors que les varia-
peut être pratiquée par les formules disponibles dans [E 1 427] bles r et q se rapportent au repère sphérique fixé sur le conduc-
et [1]. L’impact du diélectrique sur le rayonnement de la piste ne teur Dl à la figure 1. Dans (2) figurent également la perméabilité
peut être rigoureusement pris en compte qu’à l’aide de simulations magnétique m0 = 4p 10-7 H/m ainsi que le nombre d’onde k lié à la
numériques de l’émission. Toutefois, si l’épaisseur Dl du substrat pulsation w par k = w /c. On adoptera pour la célérité la valeur
reste négligeable devant la longueur d’onde, sa contribution approchée c ffi 3.108 m/s.
demeurera négligeable. Dans les exemples ultérieurs, ces difficul- La fusion des relations (1) et (2) conduit à observer que les
tés seront contournées en faisant abstraction de la couche diélec- champs lointains émis par Dl suivent une loi proportionnelle à w2.
trique. La piste et le plan de masse seront donc représentés par Ce détail de démonstration prouve que le spectre des signaux déli-
une ligne monofilaire comprenant le segment conducteur Dl per- vrés par la source située en extrémité de piste joue un rôle majeur
pendiculaire au plan métallique et le conducteur horizontal de dans la signature spectrale de l’émission produite par Dl.
dimension L0 parallèle au plan. Sachant que le conducteur L0 est
bien plus grand que Dl, ce dernier est donc similaire au monopole & Émission du conducteur horizontal L0
électrique coiffé du disque métallique étudié au début de l’arti- Assimilons le conducteur horizontal L0 à une succession illimitée
cle [R 931], la piste L0 joue le rôle du disque. de dipôles de dimension infinitésimale dz. La fonction I(z) relatant
Nous procéderons au calcul des champs lointains émis simultané- la variation du courant suivant le repère Oz sera calculée par la
ment par le monopole Dl et la piste L0. En effet, dans la gamme de théorie des lignes de transmission ; dans ce cas, il paraı̂t logique
fréquences envisagée 100 MHz - 1 GHz la longueur d’onde sera tou- d’approximer le rayonnement de L0 avec l’émission d’un dipôle
jours plus petite que l’éloignement r de l’observateur estimé à r = 3 m. électrique élémentaire de dimension L0 mais parcouru par un cou-
rant uniforme I . La variable I doit alors correspondre à l’amplitude
De plus, la longueur d’onde demeurant toujours très supérieure moyenne acquise par I(z) sur L0, soit :
à Dl et L0, exception faite de la résonance en quart d’onde où
1 L0
L0 = l/4, on maintient l’esprit des calculs élaborés dans l’arti- I (z )dz
L0 ∫0
I = (3)
cle [R 931] pour le dipôle électrique.
& Émission du segment vertical Dl Après insertion de (3) dans l’équation (11) tirée de [R 931], l’émis-
Sous l’hypothèse préalable de fréquences situées bien en deçà sion produite par L0, mais indépendamment de la présence du plan
de la résonance en quart d’onde de la piste, la capacité prolongeant de masse métallique, s’exprime par la relation :
le sommet du segment Dl prend pour valeur : Cd = CL0 où C repré-
sente la capacité linéique de la ligne monofilaire formée de la piste I L0 e− jk r (4)
E z ≅ jωµ0
parallèle au plan de masse. Les calculs développés en section 5.1.1 4π r

P
Diélectrique
θ
r Piste imprimée

Δl
I (z)
Plan de masse

O z

L0

Source RF blindée

Figure 1 – Coupe longitudinale d’une piste imprimée ouverte en extrémité et connectée à une source RF

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés R 935 – 3

55
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R935

CADRE PHYSIQUE DE LA MÉTROLOGIE EN COMPATIBILITÉ ÉLECTROMAGNÉTIQUE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Il est important de préciser que Ez est calculé à la verticale de la La source prend successivement pour fréquence fm = 100 MHz,
piste, donc q = p/2. puis la fréquence f0 établie à la résonance en quart d’onde de la
Faisons maintenant intervenir le plan métallique en tenant ligne. Observons qu’à la fréquence de 100 MHz on trouve l = 3 m,
compte de l’image électrique de L0 distante du conducteur horizon- l’hypothèse des grandes longueurs d’onde est donc satisfaite,
tal de 2Dl. L’image étant parcourue par un courant de polarité oppo- car λ ≫ L0.
sée à I , le champ lointain perçu par l’observateur situé à la verti- Le segment de conducteur vertical reliant la source RF à l’entrée
cale provient cette fois de la somme algébrique : de la ligne a pour dimension Dl = 5 mm.
Après avoir calculé l’émission sous les fréquences fm et f0 définies
E z r = E z − E z e− j2k Δl (5) plus haut, la fém e(t) de la source sera constituée d’impulsions récur-
rentes répondant au profil trapézoı̈dal ainsi qu’aux critères et nota-
Le premier terme correspond au champ provenant de L0 et le tions portés à la figure 2 de l’article [R 932].
second terme au champ dû à l’image de L0. Sachant que la position r On adopte pour valeurs numériques VM = 5 V ; T0 = 100 ns ;
de l’observateur est très éloignée, l’approximation r ≫ 2Δl permet t = 15 ns et t d = 100 ps.

2
de négliger la dispersion d’amplitude occasionnée par 2Dl. Par Les calculs concerneront principalement l’émission produite par le
contre, ce terme doit subsister en exposant car il détermine le segment Dl. En guise de conclusion, nous verrons, exception faite de
déphasage des ondes engendrées par la source et son image. la résonance quart d’onde, que le conducteur horizontal L0 contribue
L’équation (5) peut être néanmoins simplifiée puisque les longueurs peu au champ lointain.
d’onde situées ici au-dessous de 30 cm et que 2Dl demeure inférieur Le calcul du champ électrique est normalisé à une distance r = 3 m
à 1 cm, le produit figurant en exposant vérifie la condition 2k Δl ≪ 1. de la ligne et le diamètre du conducteur fixé à d = 2 mm.
En conséquence, il peut être fait usage du développement limité au — Calcul de l’émission quand fm = 100 MHz
second ordre de la fonction exponentielle, d’où la forme approchée Des éléments de théorie exposés en section 5.1.3 de [D 1 322], on
de (5) portée ci-dessous : trouve que la ligne monofilaire ouverte en extrémité est équivalente à
une capacité Cd déterminée par le produit CL0, où C représente la
4 π Δl E Δl capacité linéique prenant ici pour expression :
E z r ≅ jE z = j 2ω z (6)
λ c
2πε0
C=
Sachant que Ez est proportionnel à la pulsation w de la source RF, ⎛ 4Δl − d ⎞
ln ⎜
Ez r évolue aussi en w2. ⎝ d ⎟⎠
& Émission sur la résonance quart d’onde L0 = l/4 Dans cette formule, entre la permittivité électrique abso-
Sur la résonance en quart d’onde de la ligne monofilaire ainsi lue e0 ffi (1/36p) 10-9 F/m d’où :
constituée, l’impédance rapportée au sommet du monopole de
dimension Dl est théoriquement un court-circuit. La singularité du Cd = CL0 = 2,5 pF
courant I(0) sera éliminée en faisant intervenir l’impédance interne
de la source RF. S’il s’agit d’une résistance de valeur R0 = 50 W, le À 100 MHz, l’impédance d’entrée de la ligne s’exprimant :
courant à l’entrée de la ligne doit donc prendre pour amplitude Ze ffi 1/jCd 2pfm le calcul donne : Ze ffi - j636 W. Le courant en
I(0) = E0 /R0. D’autres facteurs que R0 participent aussi à l’amortisse- entrée peut donc s’écrire : I ffi E0 /(Ze + R0). Sachant qu’à
ment de la ligne monofilaire. Nous pouvons signaler son propre 100 MHz R0 ≪ Z e , l’approximation I ≅ E 0 / Z e = 1,57 mA est bien
rayonnement ainsi que l’impédance vue en extrémité de ligne, cer- justifiée.
tes très grande mais non idéalement infinie ! Bien que la réduction Sous la fréquence de 100 MHz et selon le calcul du champ lointain
du courant I(z) à l’amplitude moyenne I perde un peu de rigueur établi par la relation (2), un observateur situé sur le plan métallique,
sous le fonctionnement résonnant en quart d’onde, l’hypothèse donc en q = p/2, et à une distance de 3 m de la source devrait rece-
simplificatrice sera maintenue. Les calculs développés en sec- voir un champ électrique d’amplitude : E θ m = 340 µV /m.
tion 3.3 de [R 931] apportent quelques détails sur les erreurs impor- L’indice m rappelle que l’estimation de l’émission est effectuée à
tantes que pourrait engendrer cette approximation lors des réso- 100 MHz.
nances de rangs élevés. — Calcul de l’émission à la résonance en quart d’onde
La fréquence de résonance en quart d’onde implique la condition
& Contribution de la dimension non infinie du plan l = 4L0 = 40 cm, ce qui équivaut à la fréquence : f0 = c/l = 750 MHz.
En présence d’un plan de masse échappant au modèle acadé- Si l’on fait abstraction des dissipations d’énergie dans le conduc-
mique du plan infini, l’émission de la ligne monofilaire ne répond teur ainsi que du rayonnement propre de la ligne monofilaire, l’impé-
plus au rayonnement d’une onde hémisphérique stricte. En dance d’entrée de la ligne n’est autre qu’un court-circuit, d’où Ze = 0.
d’autres termes, un observateur localisé derrière le plan devrait L’amplitude du courant sera donc déterminée par la résistance
recevoir un champ non nul dont l’amplitude croı̂t avec l’éloigne- interne de la source RF fixée ici à 50 W, d’où : I = E0 /R0 = 20 mA.
ment du circuit. Une analyse plus approfondie montre que ce La formule (2) du champ lointain mène finalement à :
champ supplémentaire a pour cause un courant de mode commun E θ 0 = 31mV /m. On retrouve en indice le symbole 0 attaché à
dû à la rupture de symétrie du modèle initial, fondé sur l’idéal des f0 = 750 MHz.
images électriques. Dans ce cas, le calcul requiert l’usage de On observe que, par rapport à l’émission calculée à 100 MHz, la
méthodes numériques. Sous ce perfectionnement, on observe un résonance en quart d’onde stimule un saut d’amplitude du champ
champ lointain proche d’une onde sphérique d’amplitude réduite proche de 40 dB !
de 6 dB par rapport aux prévisions du calcul analytique effectué Ajoutons à ce calcul le champ magnétique parallèle au plan métal-
par la théorie des images [2].
lique évalué par le rapport Hϕ = E θ / Zw où intervient l’impédance de
Exemple : rayonnement d’une ligne monofilaire l’onde plane Zw = 377 W, d’où : Hϕ = 0,90 µA /m à 100 MHz et
La ligne monofilaire sera constituée d’un conducteur cylindrique de
diamètre d distant de Dl du plan de dimensions infinies. Les repères 82 mA/m à f0 = 750 MHz.
géométriques de la figure 1 seront maintenus, le substrat isolant éli- — Participation de la signature spectrale de la source de signaux
miné et la dimension du conducteur horizontal fixée à L0 = 10 cm. Les données T0, t et t d fixées dans le préambule procurent pour
L’application numérique s’adresse tout d’abord à une source déli- fréquence fondamentale F0 = 1/T0 = 10 MHz. En conséquence, les
vrant une fém sinusoı̈dale d’amplitude efficace E0 = 1 V et possédant fréquence de 100 MHz et 750 MHz concordent respectivement
pour résistance interne R0 = 50 W. avec les harmoniques de rangs n = 10 et n = 75.

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R933

Mesure de l’exposition humaine


aux champs radioélectriques
Environnement radioélectrique
par Pierre-Noël FAVENNEC

2
Docteur es-sciences physiques
ArmorScience, Pleumeur-Bodou, France

Note de l’éditeur :
Cet article est la réédition actualisée de l’article R 933 intitulé « Mesure de l’exposition
humaine aux champs – Partie 1 : environnement radioélectrique » paru en 2009, rédigé
par Pierre-Noël FAVENNEC.

1. Contexte ........................................................................................... R 933v3 – 2


2. Définitions........................................................................................ — 2
3. Champs électromagnétiques ........................................................ — 4
4. Environnement radioélectrique.................................................... — 5
4.1 Sources de rayonnement d’origine naturelle .................................... — 5
4.1.1 Rayonnement électromagnétique du soleil ............................ — 5
4.1.2 Sources galactiques................................................................. — 6
4.1.3 Sommaire sur l’environnement électromagnétique d’origine
naturelle ................................................................................... — 6
4.2 Environnement radioélectrique d’origine humaine .......................... — 6
4.2.1 Sources d’origine domestique ................................................ — 6
4.2.2 Sources d’origine industrielle ................................................. — 7
4.2.3 Émetteurs de radiodiffusion et de télévision.......................... — 7
4.2.4 Dispositifs électroniques portatifs .......................................... — 7
4.2.5 Télécommunications ................................................................ — 8
4.2.6 Radars ...................................................................................... — 10
4.2.7 Véhicules électriques ............................................................... — 10
4.3 Sources d’origine scientifique et médicale ....................................... — 10
4.4 Fils et câbles électriques d’intérieur et extérieur .............................. — 11
4.5 RFID .................................................................................................... — 11
4.6 Technologies WPT (Wireless Power Transfer) .................................. — 11
4.7 Autres sources .................................................................................... — 11
5. Interactions des champs électromagnétiques avec les tissus
biologiques et risques sanitaires ................................................. — 11
5.1 Effets des champs et ondes électromagnétiques sur la santé ......... — 11
5.2 Dualité onde-photon : remarques sur les énergies d’activation ...... — 12
5.3 Champs radiofréquences (RF) : champs non ionisants .................... — 12
5.4 Effets biologiques des champs électromagnétiques ........................ — 12
5.5 Mécanismes possibles ....................................................................... — 13
5.6 Hypersensibilité aux ondes électromagnétiques .............................. — 13
6. Valeurs limites d’exposition ......................................................... — 14
6.1 Cadre réglementaire ........................................................................... — 14
6.2 Niveaux de référence ......................................................................... — 14
6.3 Principe de précaution ....................................................................... — 16
6.4 Cas spécifique de l’Italie .................................................................... — 17
7. Conclusion........................................................................................ — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. R 933v3
Parution : juin 2016

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R933

MESURE DE L’EXPOSITION HUMAINE AUX CHAMPS RADIOÉLECTRIQUES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

oute charge électrique mise en mouvement produit un rayonnement élec-


T tromagnétique qui se propage dans l’espace. Cette propriété est à la base
de la production de rayonnements radioélectriques utilisés dans les dispositifs
de radio, de télévision, de télécommunication, de chauffage par micro-ondes,
d’émission radar. En conséquence, tout système alimenté en électricité, ou à
plus forte raison contenant un élément rayonnant, émet un rayonnement élec-
tromagnétique ou engendre un champ électrique et/ou magnétique dans son
voisinage proche, voire éloigné, que l’on caractérisera, dans cet article, par le
terme générique de « champ électromagnétique ».
Deux préoccupations émergent de cette présence électromagnétique :

2
– l’une concerne les systèmes électroniques ; il s’agit alors de compatibilité
électromagnétique (CEM) ;
– l’autre, l’homme ; il s’agit alors d’exposition humaine aux champs électro-
magnétiques induits par des rayonnements non ionisants (RNI).
Ce dossier dédié à la mesure des champs radioélectriques, dans la gamme de
fréquences relevant des rayonnements non ionisants et excluant les rayonne-
ments optiques, concerne exclusivement ce dernier aspect : l’environnement
humain.
Afin d’apporter des éléments fiables d’appréciation aux responsables sanitai-
res, un premier élément consiste à quantifier, par la mesure, les grandeurs per-
tinentes caractérisant l’exposition de l’homme. L’objet de ce dossier est de
décrire les « bonnes » pratiques de laboratoires.
Deux articles composent ce dossier Mesure de l’exposition humaine aux
champs radioélectriques :
 le premier – [R 933v2] « Environnement radioélectrique » – décrit les champs
radioélectriques et en fixe le cadre réglementaire ;
 le second, plus technique, – [R 934] « Exposimétrie » – décrit la mesure des
champs et les difficultés dans son interprétation.

fréquences concernées vont donc du continu jusqu’à quelques téra-


1. Contexte hertz, c’est-à-dire jusqu’à l’infrarouge lointain.
Avant d’aborder la description de notre environnement, il est
utile de donner des définitions précises des vocabulaires utilisés.
Les dispositifs de radio, de télévision, de télécommunication, de Les rayonnements classés puis décrits, les ordres de grandeur des
chauffage par micro-ondes, d’émission radar utilisent la propriété champs et des énergies précisés, on pourra alors préciser comment
selon laquelle une charge électrique en mouvement émet un rayon- caractériser ces grandeurs, donner les normes admises des rayon-
nement électromagnétique qui se propage dans l’espace. Cette pro- nements tant au niveau national qu’international.
priété est aussi responsable des émissions radioélectriques et opti-
ques d’origine naturelle et notamment celles issues du soleil. Ainsi,
tout système alimenté en électricité ou contenant un élément
rayonnant produit un rayonnement électromagnétique et engendre
un champ électrique et/ou magnétique dans son voisinage proche,
2. Définitions
voire éloigné. Cette présence électromagnétique dans l’environne-
ment met en avant deux préoccupations : la première concerne
les systèmes électroniques, il s’agit alors de compatibilité électro- Il s’agit de définitions générales de physique appliquée au carac-
magnétique [3] [4] [20] ; la seconde concerne l’homme, en tant tère spécifique des effets des champs sur l’homme.
qu’utilisateur, patient ou simple passant, il s’agit alors d’exposition
& Absorption spécifique (AS) : énergie absorbée par unité de
humaine aux champs électromagnétiques induits par des rayonne-
ments non ionisants [27] [29]. Cette préoccupation relève alors du masse de tissus biologiques. Elle s’exprime en joule par kilo-
domaine de l’hygiène et de la sécurité. gramme (J/kg).

Dans cet article, nous allons décrire l’environnement radioélec- & Champs électromagnétiques : cette expression « champs élec-
trique de l’homme dans lequel il est baigné volontairement ou invo- tromagnétiques », utilisée dans cet article, comprend tous les
lontairement. Nous décrirons uniquement l’environnement radio- champs qu’ils soient électriques ou magnétiques qui sont les com-
électrique en excluant ici l’environnement optique qui fait pourtant posantes du champ électromagnétique. Ils concernent toute la
partie intégrante de l’environnement électromagnétique [10]. Les gamme de fréquences y compris les champs statiques. Ces champs

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– MESURE DE L’EXPOSITION HUMAINE AUX CHAMPS RADIOÉLECTRIQUES

sont susceptibles d’interagir, d’une façon ou d’une autre, avec les & Effet thermique : effet biologique se traduisant par une augmen-
organismes vivants, donc avec l’homme, soumis à leur présence. tation de la température.
& Champ lointain (zone de Fraunhofer) : zone éloignée de la struc- & Énergie des photons ou énergie quantique d’une onde : produit
ture rayonnante d’au moins 1,6 fois la longueur d’onde ; dans cette de la constante de Planck h (= 6,626.10-34 J.s) par la fréquence v
zone, les relations entre champ électrique E, champ magnétique H exprimée en hertz. L’énergie quantique hv, exprimée en électron-
et densité de puissance surfacique S sont clairement définies et la volt (eV), est relativement faible dans le domaine spectral concerné ;
simple connaissance d’une grandeur permet de déterminer les c’est pourquoi les champs électromagnétiques de 0 Hz à 300 GHz
deux autres. L’intensité de l’onde varie de façon inversement pro- sont souvent désignés par l’expression « rayonnements non ioni-
portionnelle au carré de la distance et les modules de E et de H sants » ou RNI.
sont reliés entre eux par la relation E / H = 377 W.
& Évaluation des incertitudes des mesures, composante de type A :
& Champ magnétique : vecteur champ dû à la présence d’un cou- évaluation des incertitudes par analyse statistique des séries
rant électrique entraı̂nant, de par le mouvement de particules char- d’observation.

2
gées, des forces magnétiques d’attraction ou de répulsion. Son
intensité s’exprime en ampère par mètre (A/m). & Évaluation des incertitudes des mesures, composante de type B :
évaluation des incertitudes par des moyens autres que l’analyse
& Champ proche (zone de Fresnel) : zone proche de la structure statistique des séries d’observation.
rayonnante où l’onde électromagnétique n’est pas « formée », elle
ne possède pas les caractéristiques d’une onde plane et les champs & Exposimétrie : ensemble des mesures de champ électromagné-
électriques et magnétiques varient fortement d’un point à un autre. tique de l’environnement ambiant.
E et H ne sont pas corrélés et doivent être mesurés & Fréquences et longueurs d’onde : la fréquence est le nombre de
indépendamment.
vibrations ou d’oscillations par unité de temps dans un phénomène
& Compatibilité électromagnétique (CEM) : aptitude d’un disposi- périodique ; la plupart des champs varient sinusoı̈dalement à une
tif, d’un appareil ou d’un système à fonctionner dans son environ- fréquence v, exprimée en Hz, kHz, MHz ou GHz. Dans un milieu
nement électromagnétique de façon satisfaisante et sans produire donné, caractérisé par sa permittivité e et sa perméabilité m, les
lui-même de perturbations électromagnétiques intolérables pour ondes électromagnétiques se propagent à une vitesse qui est
tout ce qui se trouve dans cet environnement. égale à la vitesse de la lumière c dans le vide et aussi pratiquement
dans l’air. La longueur d’onde l est liée à la fréquence par la
& Débit d’absorption spécifique (DAS ou SAR en anglais) : le DAS, relation :
exprimé en watt par kilogramme (W/kg), représente la puissance
radiofréquence (RF) absorbée par unité de masse d’un tissu biolo- λ = c /v
gique exposé à un champ électrique E (en V/m) et caractérisé par sa
conductivité électrique s (en S/m) et sa densité de masse r (en & Incertitude élargie : grandeur définissant un intervalle autour
kg/m3) : d’un résultat de mesure, dont on peut s’attendre à ce qu’il com-
prenne une fraction élevée de la distribution des valeurs qui pour-
σE 2 raient raisonnablement être attribuées à la mesure.
DAS =
ρ
& Intensité de champ électrique : valeur du module du champ élec-
& Densité du courant : courant traversant une unité de surface per- trique E ; elle s’exprime en volt par mètre (V/m).
pendiculaire au flux de courant dans un volume conducteur & Intensité de champ magnétique : valeur du module du champ
comme le corps humain ou une partie de ce dernier. Elle s’exprime magnétique H ; elle s’exprime en ampère par mètre (A/m).
en ampère par mètre carré (A/m2).
& Niveau de fuite (en hyperfréquences) : densité de puissance en
& Densité de flux magnétique ou induction magnétique (B) : c’est
n’importe quel point accessible situé à une distance d’au moins
une grandeur vectorielle équivalente au champ magnétique dans 5 cm (« 2 pouces ») d’une installation à hyperfréquences. Il s’ex-
l’air et dans les milieux biologiques. Elle s’exprime en tesla (T) prime en W/m2 ou plus pratiquement en mW/cm2.
avec la relation d’équivalence suivante : 1 A/m = 4 p.10-7 T.
Le gauss (G), bien qu’unité non légale, peut encore être rencon- & Niveaux de référence : les niveaux de référence sont exprimés
tré (1 mT = 10 mG). sous la forme d’un champ électrique, d’un champ magnétique ou
d’une densité de puissance.
& Densité de puissance surfacique S ou vecteur de Poynting : le
vecteur de Poynting indique la direction de propagation d’une & Polarisation : orientation du plan contenant le vecteur champ
onde électromagnétique. Le flux du vecteur de Poynting à travers électrique E et la direction de propagation de l’onde :
une surface est égal à la puissance véhiculée par l’onde à travers – dans le cas où ce plan est fixe, la polarisation est dite « linéaire »
cette surface. Le module de ce vecteur est donc une puissance par de type vertical si le vecteur E est vertical et de type horizontal si le
unité de surface, c’est-à-dire un flux d’énergie qui s’exprime en vecteur E est horizontal ;
watt par mètre. – si le plan tourne, elle est dite « tournante » de type elliptique ou
Selon les publications, la même grandeur est appelée « densité circulaire selon la courbe décrite par l’extrémité du vecteur champ
de puissance » (recommandation européenne), « densité de puis- électrique en fonction du temps.
sance surfacique » (norme EN 12198-2), « densité du flux de puis-
L’utilisation de capteurs triaxiaux ou à réponse isotrope permet
sance » ou « flux énergétique » (norme EN 61566).
de s’en affranchir en grande partie pour les mesures.
& Dosimétrie : la dosimétrie, par l’intermédiaire du DAS, quantifie
& Principe de précaution : principe tel que l’absence de certitudes
l’exposition aux champs électromagnétiques des personnes, des
(compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du
animaux ou des cellules vivantes.
moment), se joignant à une grande complexité, ne doit pas retarder
& Effet biologique : réaction de l’organisme en réponse à un fac- l’action ; ce principe, par l’adoption de mesures effectives et pro-
teur extérieur et n’ayant pas forcément de conséquence sur la portionnées, vise à prévenir un risque de dommages graves et irré-
santé. versibles, ou à atténuer ou à limiter ses conséquences, à un coût
économiquement acceptable, mais dans la perspective d’un déve-
& Effet sanitaire : effet biologique ayant un effet sur la santé. loppement durable [25].

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& Puissance transportée par une onde : les ondes planes transpor-
tent de l’énergie qui se propage parallèlement au plan d’onde ; la
3. Champs
puissance est l’énergie délivrée par seconde par un système rayon-
nant, elle s’exprime en watt (W).
électromagnétiques
& Rayonnements non ionisants (RNI) : les rayonnements non ioni-
Les champs électromagnétiques font partie de notre environne-
sants sont des rayonnements dont les énergies sont insuffisantes ment physique au même titre que le bruit, la chaleur, la lumière…
pour ioniser un atome, c’est-à-dire incapables d’arracher un élec- Par référence au spectre électromagnétique, le domaine fréquentiel
tron à la matière. considéré s’étend de quelques hertz à environ 300 GHz. Toutefois,
pour des raisons d’exhaustivité, il sera étendu à 0 Hz afin d’englo-
& Restrictions de base : valeurs limites fondamentales d’exposi- ber les champs statiques. On notera que la partie haute du
tion de l’homme mais souvent difficiles à mesurer hors du labora- domaine, relative aux hyperfréquences, côtoie le domaine des
infrarouges présentant ainsi des effets similaires sur les milieux

2
toire. Le débit d’absorption spécifique et la densité de courant
induit dans le corps par les champs sont les restrictions de base biologiques.
les plus couramment utilisées. Le tableau 1 a trait aux champs statiques et, plus particulière-
ment, aux champs magnétostatiques (les champs électrostatiques
& Valeurs efficaces (RMS) : valeurs des champs d’exposition ne semblant pas présenter de risques directs ne seront pas consi-
dérés), ainsi qu’aux champs à extrêmes basses fréquences EBF (> 0
répondant à l’équation :
à 10 kHz) incluant la fréquence du secteur (50 Hz). Dans ce dernier
1 T cas, il ne s’agit pas d’ondes électromagnétiques au sens strict,
v (t ) dt
2
T ∫0 
mais, principalement, de champs non rayonnants électriques et
magnétiques (les composantes rayonnées présentent, quant à
elles, des intensités de champ faibles).
avec v (t) variation du champ électrique ou du champ Le tableau 2 concerne les champs et les ondes du domaine
magnétique en fonction du temps, radioélectromagnétique divisé en trois parties :
T période du champ. – les fréquences intermédiaires de 10 kHz à 10 MHz ;
– les radiofréquences de 10 MHz à 300 MHz ;
En RNI, il est usuel, pour les émissions continues, d’afficher les – les hyperfréquences de 300 MHz à 300 GHz.
champs en valeurs RMS. Toutefois, pour les sources pulsées, les
On note que les énergies de ces rayonnements (E (eV) = 1,24 / l
champs sont souvent exprimés en valeurs crête, la valeur RMS
(mm)) restent très faibles puisque à une longueur d’onde de 1 000 m
étant alors bien souvent quasi nulle.
correspond une énergie de 1,24 neV (nano-électron-volt) et pour
En CEM, les valeurs crête, quasi crête et moyenne sont préférées une longueur d’onde de 1 m l’énergie quantique n’est que de
de façon générale. 1,24 meV.

Tableau 1 – Champs statiques et extrêmes basses fréquences (EBF)


Nature des champs et Longueur d’onde l Fréquence v Énergie
Désignation
rayonnements (m) (Hz) (eV)

Champs électriques ou
Champs statiques Pas de sens Nulle Nulle
magnétiques

Champs à extrêmes basses


Champs EBF > 3.104 > 0 à 10 kHz de 0 à 10-14 eV
fréquences

Tableau 2 – Champs et RNI radioélectromagnétiques


Nature des champs et Longueur d’onde l
Désignation Fréquence v Énergie
rayonnements (m)

Champs à fréquences
Champs RF et RNI 3.104 à 30 10 kHz à 10 MHz De 40 peV à 40 neV
intermédiaires

Champs RF et RNI Champs radiofréquences 30 à 1 10 MHz à 300 MHz De 40 neV à 1,24 meV

De 1,24 meV à
Champs HF et RNI Champs hyperfréquences 1 à 10-3 300 MHz à 300 GHz
1,24 meV

RF : radiofréquences
HF : hyperfréquences

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Tableau 3 – Rayonnements optiques Tableau 5 – Quelques fréquences caractéristiques


et longueur d’onde associée
Nature des Longueur Fréquence
Énergie
champs et Désignation d’onde l v
(eV) Fréquence v Source d’émission Longueur d’onde
rayonnements (m) (Hz) l
Infrarouges 10-3 300.109 1,24.10-3 50 Hz Secteur 6 000 km
Optique,
rayonnement Visible à à à 1 MHz Émetteurs, fours à induction… 300 m
photonique
-7 15
Ultraviolets 10 3.10 12,4 Émetteurs, presses à haute
27 MHz 11,1 m
fréquence

Nature des
Tableau 4 – Rayonnements ionisants

Longueur Fréquence
900 MHz

1 800 MHz
Téléphones mobiles

Téléphones mobiles
0,33 m

0,166 m
2
Énergie
champs et Désignation d’onde l v
(eV) Fours à hyperfréquences,
rayonnements (m) (Hz) 2 450 MHz 12,2 cm
Wi-Fi…
-7 15
Rayons g 10 3.10 12,4
10 GHz Radars 3 cm
Rayonnements
et à à à
ionisants
Toutefois, en ce qui concerne le cas spécifique des téléphones
rayons X 10-14 3.1022 1,24.107 mobiles fonctionnant à 900 MHz ou 1 800 MHz, en dépit de la faible
longueur d’onde, la proximité de la tête de l’utilisateur est telle que
Les tableaux 3 et 4 se rapportent à des rayonnements hors du l’on n’atteint pas les conditions de champs éloignés (l’oreille est à
domaine du présent article ; ils sont donnés à titre comparatif. Le moins de 5 cm). En conséquence, il faut tenir compte de l’impé-
tableau 3 décrit des RNI relatifs aux rayonnements optiques tels dance présentée par la tête pour caractériser les champs. Cela
que les infrarouges, la lumière visible et les ultraviolets et le nécessite soit le calcul, soit une modélisation. Il va de soi que le
tableau 4 les rayonnements ionisants dont les effets sur les orga- cas particulier de ces interactions tête-terminal mobile n’est pas
nismes vivants peuvent être dévastateurs en raison de l’énergie l’objet de cet article et qu’il est alors nécessaire de se reporter aux
quantique élevée. Pour ce dernier type de rayonnements, elle peut nombreux articles existant sur le sujet et, en particulier, les articles
atteindre des valeurs très supérieures à 12,4 eV alors qu’elle est récents tels que [27] [28] [29].
quasiment nulle pour les rayonnements radioélectromagnétiques.
Entre les fréquences dites « HF » et celles dites « infrarouges », il
est coutume de parler de « fréquences térahertz ». Le domaine THz 4. Environnement
est situé à cheval entre les domaines des hautes fréquences micro-
ondes et celui des plus basses fréquences de l’infrarouge. Les fré- radioélectrique
quences correspondantes vont de 300 GHz à 10 THz, soit de 10 mm
à 3 mm. Les photons THz possèdent des énergies de 1,24 meV à
400 meV. Les énergies des photons sont relativement faibles. C’est Dans notre vie quotidienne, les champs électriques, magnétiques
une énergie faible par rapport aux transitions électroniques des et électromagnétiques actuels peuvent avoir quatre origines : natu-
atomes et molécules, qui sont de l’ordre de 1 eV et de l’ordre de relle, domestique, industrielle, scientifique et médicale. Le rayonne-
grandeur de l’énergie thermique à température ambiante ment environnemental ne résulte pas d’une source simple, il faut
(kBT = 24,5 meV à 25  C). Typiquement, ces ondes dites «THz » peu- généralement considérer les champs radiatifs résultants. Une
vent être abordées par les technologies optiques et micro-ondes. description complète des sources de rayonnement électromagné-
tique est donnée par J.C. Alliot [2] [12] [13].
Quelques fréquences caractéristiques et leur longueur d’onde
associée sont rappelées, à titre d’exemples, dans le tableau 5 pour
des émissions spécifiques. 4.1 Sources de rayonnement d’origine
Il est communément admis que, pour une antenne dipôle, l’onde naturelle
est dite « formée » à une distance supérieure à l/2p. Pour les dis-
Les sources des rayonnements naturels couvrent un spectre à
tances inférieures, on dit « être en champ proche ». La transition
très large bande, du continu à quelques gigahertz, et participent à
entre champs proches et champs lointains est progressive et ce
tout l’environnement électromagnétique dans lequel la population
n’est qu’à 10 fois l/2p, soit 1,6 l que l’on peut considérer être réel-
humaine est immergée. Les sources de rayonnement naturel pro-
lement en champ éloigné. La zone comprise entre l/2p et 1,6 l est
viennent de divers mécanismes physiques produits par la présence
une zone de transition entre les deux systèmes de propagation.
permanente (dans l’ionosphère, par exemple) ou la création des
L’onde sera définitivement formée seulement à 480 m pour particules chargées dans notre environnement (effet triboélectrique
1 MHz, à 18 m pour 27 MHz et à 52 cm pour 900 MHz à condition, en cas de quelques décharges électrostatiques, par exemple).
toutefois, que les dimensions de la source d’émission soient nette-
ment plus petites que la longueur d’onde (inférieures au moins à 4.1.1 Rayonnement électromagnétique du soleil
10 fois la longueur d’onde).
Le soleil rayonne les ondes électromagnétiques dont le spectre
En conséquence, pour toute mesure à faible distance des sources s’étend des ondes décamétriques aux rayons g tout en passant par
d’émission, ce qui est souvent le cas des expositions professionnel- la lumière visible. Les ondes radio émises par le soleil viennent prin-
les, la difficulté s’accroı̂t quand la fréquence diminue. Il est généra- cipalement des plasmas constituant la chromosphère et la corona.
lement plus aisé de caractériser l’exposition à 2 450 MHz qu’à Les ondes centimétriques correspondent aux basses couches de la
27 MHz. chromosphère tandis que la corona émet les ondes décamétriques.

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2

62
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R934

Mesure de l’exposition humaine


aux champs radioélectriques
Partie 2 : exposimétrie
par Pierre-Noël FAVENNEC
Union Radio-Scientifique Internationale – URSI-France
Institut Télécom
Cet article a pour origine un article précédent de Jean Paul Vautrin Mesurage de
l’exposition humaine au champ électromagnétique paru en 2001. Le lecteur ne s’étonnera
2
donc pas de noter certaines parties communes entre les deux textes

1. L’environnement radioélectrique à mesurer .............................. R 934 – 2


1.1 Nécessité de connaı̂tre l’environnement radioélectrique ................. — 2
1.2 Que doit-on mesurer ? ....................................................................... — 2
1.3 Différents paramètres et configurations à considérer ...................... — 3
1.4 Évaluation a priori des champs ......................................................... — 3
2. Matériels pour les mesures des rayonnements non ionisants — 4
2.1 Chaı̂ne de mesure .............................................................................. — 4
2.2 Antennes et mesureurs de champ ..................................................... — 5
2.3 Capteurs et détecteurs ....................................................................... — 6
3. Mesures ............................................................................................. — 8
3.1 Mesures dans le domaine statique .................................................... — 8
3.2 Mesures dans le domaine EBF .......................................................... — 8
3.3 Mesures dans le domaine RF et hyperfréquences ............................ — 9
3.4 Protocole ANFR .................................................................................. — 10
3.5 Étalonnage .......................................................................................... — 11
3.6 Évaluation de l’incertitude des mesures ........................................... — 11
3.7 Mesure des champs radioélectriques dans un environnement rural — 13
3.8 Le débit d’absorption spécifique (DAS) et sa détermination ............ — 14
3.9 Techniques de mesure pour la compatibilité électromagnétique
(CEM) dans le domaine des RF .......................................................... — 15
3.10 Mesures pour les technologies Wi-Fi (IEEE 802.11) .......................... — 15
3.11 Mesures des champs dans des situations de mobilité ..................... — 16
4. Stations de contrôle et de mesures électromagnétiques
en continu : vers un cadastre électromagnétique en 3D ........ — 16
Parution : décembre 2010 - Dernière validation : novembre 2015

5. Conclusion........................................................................................ — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. R 934

oute charge électrique mise en mouvement produit un rayonnement élec-


T tromagnétique qui se propage dans l’espace. Cette propriété est à la base
de la production de rayonnements radioélectriques utilisés dans les dispositifs
de radio, de télévision, de télécommunication, de chauffage par micro-ondes,
d’émission radar. En conséquence, tout système alimenté en électricité ou à
plus forte raison contenant un élément rayonnant émet un rayonnement élec-
tromagnétique et engendre un champ électrique et/ou magnétique dans son
voisinage proche, voire éloigné, que l’on caractérisera dans cet article par le
terme générique de « champ électromagnétique ».
Deux préoccupations émergent de cette présence radioélectrique :
– l’une concerne les systèmes électroniques ; il s’agit alors de compatibilité
électromagnétique (CEM) ;

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MESURE DE L’EXPOSITION HUMAINE AUX CHAMPS RADIOÉLECTRIQUES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

– l’autre, l’homme, en tant qu’utilisateur, patient ou simple passant, il s’agit


alors d’exposition humaine aux champs électromagnétiques induits par des
rayonnements non ionisants (RNI) et alors relevant du domaine de l’hygiène
et de la sécurité.
Cet article dédié à la mesure des champs radioélectriques, dans la gamme de
fréquences relevant des rayonnements non ionisants et excluant les rayonne-
ments optiques, concerne exclusivement ce dernier aspect, l’environnement
humain.
Afin d’apporter des éléments fiables d’appréciation aux responsables sanitai-
res, un premier élément consiste à quantifier, par la mesure, les grandeurs per-
tinentes caractérisant l’exposition de l’homme. L’objet de cet article est de

2
décrire les « bonnes » pratiques de laboratoires.
L’article est séparé en 2 parties. La première décrit les champs radioélectri-
ques et en fixe le cadre réglementaire (partie 1 : environnement radioélec-
trique), tandis que la seconde partie, plus technique, décrit la mesure des
champs et ses difficultés dans son interprétation (partie 2 : exposimétrie).

que cela est nécessaire. Ces mesures, effectuées par des personnes
1. L’environnement compétentes, auront les objectifs suivants :
radioélectrique à mesurer – répondre aux inquiétudes des personnes, en quantifiant par la
mesure, les valeurs réelles d’exposition de leurs lieux de vie (rési-
dence, travail ou autres) et délivrer un rapport donnant une appré-
ciation sur la qualité électromagnétique de l’environnement
1.1 Nécessité de connaı̂tre ambiant ;
l’environnement radioélectrique – effectuer une cartographie en 3D des champs à proximité de
sites, d’appareils ou d’installations pour lesquels on peut craindre
L’homme ne peut échapper à son environnement électromagné- l’existence de champs élevés en termes d’hygiène publique et
tique, qu’il soit naturel ou qu’il soit artificiel. Il est patent que les industrielle. Ces champs locaux seront comparés aux niveaux de
sources d’émission prolifèrent et exposent l’homme moderne à un référence reconnus. Tout dépassement excessif devra alors déclen-
environnement que ses prédécesseurs n’ont pas connu, à l’excep- cher une action de prévention permettant de réduire les intensités
tion, bien sûr, des champs naturels. Face à cette pollution électro- des champs.
magnétique, et au seul niveau sanitaire, il est parfaitement légitime
de se poser des questions sur ces expositions et leur niveau de
puissance. 1.2 Que doit-on mesurer ?
Parallèlement à cette forte croissance des sources radiofréquen-
ces, se développe une interrogation du public s’inquiétant de la 1.2.1 Niveaux de fuite près des matériels
position précautionneuse des scientifiques qui ne peuvent affirmer hyperfréquences
définitivement l’innocuité de l’exposition aux champs d’intensité
modeste rencontrée quotidiennement par l’homme. De plus, cer- Le niveau de fuite est la densité de puissance en n’importe quel
tains effets spectaculaires dus aux champs RF peuvent accroı̂tre la point accessible situé à une distance d’au moins 5 cm (« 2 pouces »)
suspicion à leur encontre : allumage d’un tube fluorescent non d’un matériel fermé dans lequel évoluent des hyperfréquences. Il
connecté au secteur à proximité d’un émetteur, lévitation magné- est toutefois très représentatif de la qualité des blindages dans le
tique de couverts dans une cantine localisée à proximité d’électro- cas d’applicateurs fermés. Sa mesure est fortement recommandée,
lyseurs, instabilité des images de téléviseurs et de moniteurs, dys- mais elle n’a de sens qu’autour des installations à hyperfréquences.
fonctionnements d’ordinateurs à proximité d’un transformateur… Les niveaux de fuite peuvent alors être confondus dans certains cas
Autant d’effets aisément explicables par la compatibilité électroma- avec les niveaux d’exposition. Par exemple, quand on regarde par
gnétique, mais difficilement acceptables pour une grande partie du le hublot de la porte d’un four à micro-ondes ou quand un ouvrier
public, ayant des difficultés à admettre que l’action spectaculaire observe un processus par le hublot d’un tunnel de déshydratation.
sur des systèmes électroniques de grande sensibilité ne soit pas
transférable à l’homme.
1.2.2 Grandeurs physiques à mesurer
N’oublions pas toutefois les effets réels et avérés :
– l’échauffement du corps de l’opérateur exposé à des champs In situ, en milieu industriel ou domestique, si les restrictions de
élevés, en situation industrielle, à proximité de fours à induction base ou valeurs limites fondamentales d’exposition doivent être
ou d’électrodes de presses à haute fréquence ; respectées, ce sont en fait les niveaux de référence dérivés des pre-
– le dysfonctionnement possible d’implants électroniques médi- mières qui serviront à caractériser effectivement l’exposition. En
caux (stimulateurs cardiaques par exemple). effet, la mesure des courants induits et de la densité d’absorption
spécifique (DAS ou SAR en anglais) dans le corps humain nécessite
Toutes ces raisons doivent inciter les responsables de la sécurité un matériel et une méthodologie spécifique de laboratoire et com-
à effectuer ou faire effectuer des mesures de champs chaque fois plètement inadaptés aux mesures sur site. Les grandeurs

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R934

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– MESURE DE L’EXPOSITION HUMAINE AUX CHAMPS RADIOÉLECTRIQUES

physiques dérivées seront donc mesurées puis comparées aux parties du corps humain à des valeurs d’induction différentes n’est
niveaux de référence. Les grandeurs suivantes seront à mesurer : pas sans conséquences physiologiques).
– la densité de flux magnétique ou induction magnétique (B) ;
– la densité de puissance surfacique (S) ; La connaissance préalable des paramètres décrits est indispen-
– l’intensité de champ électrique (E) ; sable avant toute mesure effective afin d’assurer les meilleures
– l’intensité de champ magnétique (H). conditions possibles de relevés des grandeurs d’exposition. La
mesure électromagnétique est très délicate, la qualité de celle-
On rappelle que pour ces grandeurs, en exposition continue, ce ci requiert des expérimentateurs connaissant bien les bases de
sont les valeurs efficaces qui sont à prendre en compte, tandis que l’électromagnétisme et étant bien formés à cette discipline.
pour les sources pulsées (véhiculant des impulsions d’une durée
inférieure ou égale à 30 ms comme pour les radars) ce sont les
valeurs crête. 1.4 Évaluation a priori des champs

2
Avant de procéder à une mesure sur site, il est utile d’avoir une
1.3 Différents paramètres idée de la valeur des champs à détecter et à mesurer.
et configurations à considérer Certaines manifestations spectaculaires liées à la compatibilité
La mesure électromagnétique à des fins sanitaires est particuliè- électromagnétique telles que des dysfonctionnements de moni-
rement délicate. Pour caractériser l’exposition, il faut d’abord ana- teurs d’ordinateurs ou des bruits induits par une présence proche
lyser soigneusement l’environnement de la machine ou le site. Les d’un terminal mobile et d’un PC sont généralement induits par la
paramètres indiqués ci-dessous sont à considérer. présence de champs très faibles, et pourtant elles sont bien sou-
vent à l’origine d’interrogations et de sollicitations de la part
& Le domaine de fréquences : s’agit-il de champs statiques, à d’observateurs inquiets. Les mesures de ces champs indiquent
extrêmes basses fréquences, à fréquences intermédiaires, à radio- des valeurs faibles et bien au-dessous des niveaux de référence.
fréquences ou à hyperfréquences ?
En revanche, il en va tout autrement des sensations thermiques
& Le type d’émission électromagnétique : s’agit-il principalement désagréables, généralisées ou localisées, que l’on peut ressentir à
d’une exposition définie par une induction magnétique, un champ proximité de certains dispositifs tels que les presses à hautes fré-
électrique, un champ magnétique ou un champ électromagnétique quences, certains radars ou même parfois de fours à micro-ondes.
ou par une association de ces différentes grandeurs ? L’expérience montre que la sensation thermique ressentie dans les
& La nature de l’émission électromagnétique : s’agit-il d’une émis- membres ou à l’abdomen auprès d’un dispositif HF répond à des
valeurs de champs supérieures à 300 V/m. De même, une sensation
sion continue (cas des émetteurs de télévision) ou de nature impul-
de chaleur au niveau des mains, à proximité d’un four à hyperfré-
sionnelle (cas des radars, mais, dans ce cas, la durée et la fré-
quences correspond généralement à des densités de puissance
quence de répétition des impulsions… doivent être connues) ou
supérieures à 10 mW/cm2.
de nature discontinue (cas des presses HF) ? Est-elle modulée
(type de modulation, caractéristiques de la modulation…) ? D’autres éléments peuvent informer et renseigner de façon inté-
ressante sur les champs auxquels on s’intéresse. En effet, la préoc-
& La présence de fréquences harmoniques en plus de la fréquence
cupation électromagnétique étant toujours liée à la présence sus-
fondamentale (niveaux relatifs de ces harmoniques, rang des har- pecte d’une source identifiée (transformateur, antenne, réseau de
moniques à considérer). distribution, machine HF, four à micro-ondes…), il est presque tou-
& La distance entre l’émetteur ou l’antenne ou la fuite et le lieu jours possible d’anticiper sur la mesure et d’avoir une connais-
d’exposition : est-on dans la zone de champ proche (zone de Fres- sance approximative des champs concernés en faisant référence
nel), ou dans la zone de champ lointain (zone de Fraunhofer) ? aux données antérieurement accumulées sur des sites et autour
de machines similaires. Toutefois, cette connaissance a priori ne
& La présence de plusieurs autres sources d’émission que la seule remplace pas la mesure, mais elle la facilite.
émission dont on souhaite connaı̂tre les niveaux de champ : nature
et caractéristiques de ces autres sources. Le calcul permet d’apprécier, avec une précision acceptable, les
valeurs des densités de puissances existant à une distance d’une
& La polarisation de l’onde : l’orientation du champ électrique peut antenne, par exemple de l’antenne parabolique d’un radar, à l’aide
donner des mesures très incomplètes si l’on ne considère qu’une de la formule suivante :
seule de ses composantes. L’utilisation de capteurs isotropes met
à l’abri de ces grossières approximations, on y mesure alors direc- P
S=
tement le module de champ et non une seule de ses composantes. 4 πd 2
& La présence de matériaux absorbants ou réfléchissants dans avec P puissance fournie par l’antenne (en watt),
l’environnement de la zone à mesurer : de tels matériaux ont pour
effet de créer ou de renforcer le régime d’ondes stationnaires avec d distance (en mètre) de l’antenne à l’endroit de
génération de « nœuds » et de « ventres » de champs, rendant la mesure,
donc obligatoire des mesures de champ très localisées en fonction S densité de puissance (en W/m2) à la distance d.
de la distance.
& La dérive en fréquences des émetteurs : dans le cas des presses Ainsi pour une puissance de 1 000 W et à une distance de 1 m, la
à hautes fréquences, par exemple, l’oscillateur peut dériver de plu- densité de puissance sera de :
sieurs kilohertz, voire plusieurs mégahertz, par rapport à la fré-
quence initiale de 27 MHz. La solution palliative consiste soit à (
S = 79,6 W / m2 ou 7,96 mW / cm2 )
faire une poursuite de fréquences pour suivre la dérive, soit à tra-
vailler à bande large afin d’intégrer cette dérive dans la mesure. ce qui correspond dans l’hypothèse d’une onde plane à :

& L’importance du gradient de champ : si le gradient de champ est E = 173 V / m pour le champ électrique
important, c’est-à-dire si le champ varie fortement en fonction de la et H = 0,5 A / m pour le champ magnétique.
distance (supérieure à son doublement sur 1 m), il devra être pro-
cédé à son relevé, car c’est une donnée intéressante surtout en ce Bien entendu, ce type de calcul possède ses limites de validité et
qui concerne l’induction magnétique (l’exposition des différentes doit être utilisé avec circonspection.

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R934

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De même, dans le cas d’une ligne d’alimentation à 50 Hz, de la appliqués comme l’effet Hall utilisé pour la mesure de champ et
bobine d’un four d’induction parcourue par un courant EBF ou des d’induction magnétiques, ou différents effets électro-optiques (Poc-
électrodes d’une presse HF alimentée par une tension HF, les lois et kels et Kerr). Ces deux derniers ne sont utilisés qu’en laboratoire et
formules de l’électromagnétisme s’appliquent et permettent de cal- non pour des appareils de terrain. Il en est de même pour une
culer les valeurs de champs à une distance donnée. sonde non interférente utilisant trois phototransistors modulés
optiquement. Ces sondes présentent un grand intérêt quand il
Exemple : un conducteur parcouru par un courant I, connu ou s’agit de bien connaı̂tre les valeurs exactes de champs transmis à
mesuré, à la fréquence du secteur, entraı̂ne une valeur d’induction un milieu donné (pour le traitement thermique de produits ou en
magnétique, à une distance d du conducteur, calculable à l’aide de électrothérapie), mais ne sont pas adaptées pour des mesures sur
la formule de Biot-Savart : site.
µ0 l Une sonde plongée dans un environnement électromagnétique
B= délivre un signal thermique ou un signal électrique (une tension,
2πd
un courant, une résistance) représentative de l’intensité des

2
avec m0 = 4p x 10–7 H/m, champs rencontrés à une fréquence identique. Une détection de
perméabilité du vide. ce signal est nécessaire afin de délivrer un signal électrique continu
à champ constant, exploitable par l’appareil de mesure. La fonction
À 6 cm du conducteur, la valeur de l’induction sera de 16 mT. de détection, assurée par diodes ou par thermocouples, est locali-
Avec deux conducteurs parcourus par le même courant mais en sée dans l’unité sensible avec le capteur ou avec l’unité de traite-
sens inverse, l’induction aura pour valeur 235 mT, inférieure à celle ment (c’est le cas quand est utilisé un mesureur de champ).
calculée ci-dessus.
Dans le cas où le capteur est uni-axial (une boucle ou une
antenne), la valeur mesurée est dépendante de la direction de pro-
Convenons qu’il s’agit de configurations théoriques, simples et
pagation et de la polarisation du champ, ce qui est un handicap
que dans la réalité, il faudra utiliser un modèle plus élaboré afin
sérieux dans la mesure où une seule composante du champ est
de tenir compte d’autres conducteurs avec des géométries diverses
mesurée. Deux solutions sont envisageables :
ou de la présence de transformateurs tout cela rendant les calculs
parfois laborieux. – la première solution consiste à orienter la sonde de façon à
déceler le champ maximal (il s’agit en fait de rechercher « le pire
En définitive, la mesure sur site quand c’est possible est la cas » correspondant à l’exposition réelle en ce point). Cela n’est
meilleure solution pour caractériser une exposition réelle. pas toujours aisé, et peut très vite être une source d’erreurs impor-
tantes dans l’évaluation des champs ;
– il est préférable d’adopter une seconde solution qui est de tra-
vailler avec des sondes isotropes dispensant ainsi l’opérateur de
2. Matériels pour les mesures l’orientation du capteur. Une sonde isotrope, qu’elle soit électrique
ou magnétique, est réalisée par l’association de trois sondes uni-
des rayonnements non axiales disposées pour relever les trois composantes du champ
selon les axes x, y et z. Un traitement approprié permettra par la
ionisants suite de calculer la valeur effective du champ. Toutefois, l’isotropie
parfaite n’existe pas, ce qui entraı̂ne toujours une incertitude dans
les mesures.
2.1 Chaı̂ne de mesure Un autre phénomène peut s’avérer gênant en situation réelle : il
s’agit de la sensibilité d’une boucle magnétique, destinée à mesu-
Toute mesure implique la mise en œuvre d’une chaı̂ne de mesure rer le champ magnétique, aux effets du champ électrique associé.
comportant, de façon séparée ou intégrée, deux éléments Cela se traduit par l’apparition aux bornes de la boucle d’une ten-
(figure 1) : sion parasite faussant la mesure du champ magnétique. Dans ce
– une unité sensible à la grandeur physique à mesurer ; cas, il faut compenser ce phénomène par la construction de deux
– une unité de traitement et un système d’affichage. boucles imbriquées, compliquant un peu plus la réalisation et
posant le problème de compensation satisfaisante sur toute la
2.1.1 Unité sensible à la grandeur physique gamme des fréquences. La détermination du champ électrique
à mesurer doit faire l’objet d’une mesure séparée à l’aide d’un appareillage
approprié.
Cette unité délivre en sortie un signal proportionnel à la grandeur
physique. Cette dernière est un des niveaux de référence défini
2.1.2 Unité de traitement du signal et système
dans le tableau 7 de [R 933v2]. Elle peut être le champ électrique E
le champ magnétique H, l’induction magnétique B ou la densité de
d’affichage
puissance équivalente en onde plane S. Elle permet de délivrer à l’utilisateur l’information concernant les
L’unité sensible est composée principalement d’un capteur valeurs mesurées. Elle peut être accomplie par un mesureur de
appelé communément sonde. Le capteur est généralement une champ (qui est en fait un récepteur HF), un analyseur de spectre,
antenne pour le champ électrique, un cadre ou une boucle pour le un oscilloscope ou plus communément, en mesure RNI, par un
champ magnétique. Mais d’autres effets physiques peuvent être appareil spécifique à large bande, dédié expressément à cette
application.
L’unité de traitement reçoit un signal en provenance de l’unité
sensible par l’intermédiaire d’une liaison filaire, optique ou her-
Grandeurs Unité tzienne afin de présenter à l’afficheur un signal approprié. Le traite-
physiques Unité sensible de traitement ment contient éventuellement un détecteur (dans le cas où il n’a
à mesurer à la grandeur Liaisons du signal pas été traité au niveau de la sonde), une fonction d’adaptation
(E,H,B ou S) physique et affichage automatique à la sonde utilisée (dans le cas où différents types de
sondes peuvent être mis en œuvre), une fonction d’amplification et
éventuellement de filtrage (pour réduire le bruit électronique) et
une fonction de calcul afin de présenter les valeurs de champs en
Figure 1 – Synoptique d’une chaı̂ne de mesure RNI unités électriques efficaces vraies. Certains appareils comportent,

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R 934 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

66
Référence Internet
R940

Réseaux électriques intelligents :


défis technologiques et moyens
de mesure
par Hervé NDILIMABAKA
Ingénieur de recherche, métrologie électrique basse fréquence

2
Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE)

1. Énergies renouvelables décentralisées ...................................... R 940 – 2


1.1 État de l’art ......................................................................................... — 2
1.2 Topologie des réseaux électriques traditionnels et intelligents ....... — 3
1.3 Efficacité des réseaux électriques intelligents .................................. — 4
1.4 Défis technologiques .......................................................................... — 5
2. Réseaux électriques intelligents (smart grids).......................... — 5
2.1 Systèmes de surveillance et de contrôle ........................................... — 6
2.2 Déploiement de vecteur-mètres ......................................................... — 9
2.3 Analyse et traitement des données ................................................... — 9
2.4 Aspects normatifs .............................................................................. — 9
3. Instrumentation et mesures pour les smart grids .................... — 11
3.1 Mesure de puissance pour les réseaux électriques intelligents ....... — 11
3.2 Qualité de l’énergie pour les smart grids.......................................... — 12
3.3 Mesure d’impédances des réseaux électriques ................................ — 13
3.4 Utilisation de capteurs spécifiques ................................................... — 14
3.5 Systèmes de protection ..................................................................... — 21
4. Efficacité énergétique, maı̂trise de la demande et contrôle
de la charge ...................................................................................... — 22
4.1 Pilotage de la charge du réseau et gestion active d’équipements ... — 22
4.2 Nouvelle répartition des rôles entre opérateurs du réseau
et consommateurs ............................................................................. — 23
4.3 Notion de modèle économique pour soutenir l’efficacité
énergétique ........................................................................................ — 23
4.4 Déploiement de compteurs électriques dits « communicants »
(Linky) ................................................................................................. — 24
5. Conclusion........................................................................................ — 24
6. Glossaire – Définitions................................................................... — 25
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. R 940
Parution : décembre 2015 - Dernière validation : janvier 2022

u cours des cent dernières années le réseau électrique a peu évolué. Le


A schéma de production, transport et distribution de l’énergie électrique est
globalement resté le même : centralisé. La multiplication des usages de l’élec-
tricité, alliée aux nouvelles considérations environnementales (réduction de
l’impact de nos activités) et sociétales (en termes d’ouverture à la concurrence
du marché de l’électricité notamment) ont révélé les limites de cette approche.
Le système est au bord de la saturation. De profondes mutations sont
nécessaires.
Le déploiement des réseaux électriques intelligents (smart grids) offre la pos-
sibilité, à partir de technologies de l’information et de nouvelles infrastructures
réseau (décentralisées), de contrôler à la fois la production, le transport et la
distribution de l’énergie électrique. La surveillance en temps réel de l’état du
réseau permet de connaı̂tre sa stabilité, la qualité de l’énergie fournie et plani-
fier la gestion de son équilibre.

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RÉSEAUX ÉLECTRIQUES INTELLIGENTS : DÉFIS TECHNOLOGIQUES ET MOYENS DE MESURE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

De nouvelles notions liées à ces nouvelles problématiques apparaissent : la


demande d’énergie doit à tout moment correspondre à sa fourniture à partir
des sources disponibles. Et le réseau doit être fiable, même en périodes de for-
tes charges, et rester robuste vis-à-vis de défauts.
Cependant, le succès de cette entreprise est tributaire des moyens de mesure
pouvant être mis en œuvre sur le réseau. Cet article présente à la fois ces
moyens de mesure (les principes physiques qui leur sont associés sont égale-
ment décrits) pris individuellement, et les systèmes de surveillance et de
contrôle à grande échelle. Le choix d’une technologie particulière doit être
dicté par la qualité du résultat envisagé et l’information recherchée.
Enfin, les défis environnementaux posés par la raréfaction des sources d’éner-

2
gie d’origine fossile et le dérèglement climatique ont généré une variété de
défis avec l’intégration des énergies renouvelables dans le bilan énergétique
global. Ces différents aspects y sont également évoqués. De la même manière,
les perspectives d’une nouvelle économie engendrée par les programmes d’in-
vestissements massifs entrepris de par le monde sont explorées.

Le recours aux EnR est apparu comme une alternative intéres-


1. Énergies renouvelables sante aux énergies fossiles après le premier choc pétrolier dans
décentralisées les années 70. Le fait que ce recours ait été motivé pour l’essentiel
par des raisons économiques a relativisé son importance une fois
le prix du baril de brut revu à la baisse.
Aujourd’hui, cependant, les changements climatiques, la néces-
Énergie et développement durable sont deux notions aujourd’hui
sité de réduire l’impact environnemental des systèmes énergéti-
indissociables. La prise de conscience de ce lien a conduit l’Assem-
ques fossiles et la sécurité de l’approvisionnement en énergie
blée générale des Nations unies à déclarer l’année 2012 « Année
conduisent à un regain d’intérêt pour l’utilisation des EnR [2]. L’in-
internationale de l’énergie durable pour tous » (SE4ALL) [1]. Cette
dépendance énergétique est conditionnée par la façon dont le pro-
initiative vise à sensibiliser à la fois le grand public et les instances
blème de la gestion des EnR sera traité au cours des prochaines
décisionnaires quant à l’importance de l’accès durable à l’énergie,
l’intérêt d’atteindre l’efficience énergétique, et de disposer aussi décennies.
bien à l’échelle locale qu’aux niveaux régional et international de En effet, les EnR sont pour la plupart intermittentes et réparties
sources d’énergie renouvelable (EnR) et des moyens d’acheminer de manière inhomogène. La puissance disponible n’est que peu
cette énergie des centres de production aux consommateurs finaux. contrôlable et on n’en dispose pas toujours lorsqu’elles sont le
Dans ce contexte, l’intégration accrue des EnR dans le bilan éner- plus nécessitées. Par ailleurs leurs coûts de production peuvent
gétique global constitue une priorité absolue. Le paysage énergé- être relativement élevés. Ce qui, couplé au vieillissement des équi-
tique doit évoluer vers une production diversifiée et décentralisée pements des réseaux électriques actuels et à la dégradation de
qui tient compte du caractère intermittent des EnR. Le recours à leurs performances dans les processus de génération d’énergie,
une structure de communication capable d’aider à maintenir l’équi- exige la mise en place de technologies de rupture et une impor-
libre du réseau et de connaı̂tre en temps réel le profil de produc- tance grandissante du rôle des consommateurs dans la maı̂trise
tion/consommation ainsi que la stabilité et la qualité de l’énergie de la demande d’énergie (MDE).
fournie devient indispensable. En Europe ces mutations sont motivées par les objectifs 20-20-20
Cette section passe en revue (de manière non exhaustive) l’état du paquet énergie-climat (auquel s’ajoutent en France le Grenelle
actuel des connaissances et met en conjonction EnR et réseau élec- Environnement et la programmation pluriannuelle des investisse-
trique en portant l’accent sur les défis technologiques sous-jacents. ments, PPI) qui vise à l’horizon 2020 à :
Ils passent notamment par la mise en place d’un réseau électrique – réduire de 20 % la consommation d’énergie ;
dit « intelligent » (smart grid). – produire au moins 20 % de son énergie finale à partir des EnR.
62 % de la génération d’énergie à travers le monde provient des
énergies fossiles, 13 % du nucléaire, 16 % de l’hydroélectricité et
1.1 État de l’art moins de 4 % des autres EnR [3] ;
– diminuer de 20 % les rejets de dioxyde de carbone dans
Les EnR sont généralement classées en six grandes familles, l’atmosphère.
suivant la source de laquelle elles proviennent : le soleil (solaire
Dans ce contexte, pour le cas particulier du secteur éolien par
thermique et photovoltaı̈que), la chaleur de la terre (géother-
exemple, des calculs montrent que si des éoliennes conventionnel-
mie), les chutes d’eau (hydroélectricité), les marées (énergie
les on-shore d’une hauteur de 80 m étaient implantées sur 13 % de
marémotrice), les végétaux (biomasse) et le vent (éolien). Bien
la surface des terres émergées, la puissance électrique potentielle-
que le Soleil et la Terre soient à l’origine des différentes formes
ment commercialisable obtenue par ce biais représenterait 72 téra-
suscitées. Ces sources d’énergie sont pour la plupart inépuisa-
bles (à l’échelle humaine), c’est-à-dire qu’elles sont renouvelées watts (TW). Ce qui équivaut à près de cinq fois la consommation
plus vite qu’elles ne sont consommées. mondiale d’énergie sous toutes ses formes (environ 15 TW
actuellement) [3].

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Toutefois, avec environ 159 gigawatts (GW) de générateurs Le smart grid se situe ainsi à la convergence de deux mondes :
éoliens disséminés de par le monde fin 2009, les petits parcs celui des télécommunications et celui des réseaux électriques tradi-
éoliens disposaient tout de même d’une capacité collective de tionnels dont il fait converger les attributs et capacités dans le but
340 térawattheure (TWh) d’énergie produite annuellement, soit de les transformer en réseaux Internet de l’énergie.
2 % de la consommation globale d’énergie électrique. Dans cette Les prochaines sections discutent les différences entre les
répartition, le Danemark (20 %), l’Espagne et le Portugal (14 % cha- réseaux électriques conventionnels et les réseaux électriques intel-
cun) et l’Allemagne et l’Irlande (7 % chacun) figurent parmi les pays ligents. Un accent particulier est notamment porté sur l’importance
ayant réussi une intégration relativement importante des parcs de ces derniers quant à l’efficacité énergétique et les défis techno-
éoliens dans leurs réseaux électriques. À titre de comparaison, logiques soulevés par l’intégration des EnR dans le bilan énergé-
aux États-Unis, les objectifs en termes de part d’EnR dans le bilan tique global.
énergétique global sont chiffrés à 20 % d’ici 2030 [4].
L’énergie solaire connaı̂t également une intégration relativement
élevée dans les réseaux électriques. On estime à environ 50 % la
1.2 Topologie des réseaux électriques
traditionnels et intelligents
2
quantité de rayonnement solaire qui atteint la surface émergée de
la Terre. Soit environ 86 000 TW disponibles chaque jour et suscep-
& Le modèle traditionnel de production et de distribution d’électri-
tibles d’être convertis en énergie solaire (thermique et photovol-
cité consiste en un schéma centralisé, incorporant une part non
taı̈que). Recouvrir environ 0,22 % de la surface des continents par
négligeable de centrales à combustible fossile (centrales de pro-
des collecteurs de cette énergie (panneaux solaires, panneaux pho-
duction dont EDF est le garant). Ces réseaux électriques conven-
tovoltaı̈ques) avec un rendement de 8 % permettrait de satisfaire la
tionnels sont des systèmes de production-consommation macro-
consommation globale d’énergie au rythme actuel [4].
scopiques passifs et unidirectionnels. En France (et dans la grande
Pour incorporer de manière accrue les EnR, le paysage énergé- majorité des cas à travers le monde), le réseau électrique est divisé
tique doit donc évoluer vers une production diversifiée et en trois niveaux :
décentralisée. Des modèles économiques ont été développés pour – le réseau de transport (transport et interconnexions) utilisé
évaluer l’efficacité énergétique des EnR en fonction de leur pour acheminer de grandes quantités d’énergie depuis les installa-
emplacement, de l’influence des mécanismes réglementaires et de tions de production (centrales) vers les centres de consommation.
tarification [2], [5], [6]. Ce transport s’effectue sur de grandes distances par des lignes
En électricité, le caractère intermittent des productions d’EnR, aériennes ou des câblages souterrains en haute tension (HTB,
associé au fait que l’énergie électrique ne se stocke pas, impose 400 kV ou 225 kV en France). La configuration de ce réseau peut
de recourir à une structure de gestion capable d’aider à maintenir être soit radiale, ou maillée en fonction des régions (figure 1). RTE
l’équilibre du réseau. Les gestionnaires du réseau doivent être en est le garant de ce réseau en France ;
mesure de connaı̂tre en « temps réel » le profil de production/ – le réseau de répartition (HTA, 225 kV, 90 kV et 63 kV en France)
consommation ainsi que la stabilité du réseau et la qualité de pour le transport de l’énergie électrique à l’échelle régionale. Les
l’énergie fournie. Ceci passe par la mise en place d’un smart grid consommateurs industriels ainsi que les réseaux de distribution
pour surveiller et contrôler le réseau grâce à la gestion de flux sont raccordés à ce niveau (figure 1). La connaissance de la charge
importants de données. du réseau et de la disposition des infrastructures de production

Réseau de transmission

Jusqu’à
Réseau de distribution ~ 150 MW

Centrale de
Sous-stations Réseau production urbaine
Réseau rural ~ 5 MW urbain

HTA ~ 2 MW
(63 kV)

Consommateurs
Ferme industriels
~ 400 kW

HTB Ferme d’éoliennes


HTA
Ferme solaire
BTB, BTA

Figure 1 – Réseau électrique dans une approche unidirectionnelle centralisée

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connectées permet de mieux répartir l’énergie disponible et contrô- sont caractérisées par de multiples programmes à petite échelle
ler le réseau. Ce réseau dépend également de RTE ; intégrant des EnR.
– le réseau de distribution, utilisé pour acheminer l’énergie élec- & Les smart grids sont ainsi des systèmes actifs consistant en de
trique des postes de transformation (HTB/HTA) vers les utilisateurs
multiples réseaux d’énergie bidirectionnels autonomes, intercon-
particuliers et les PME et PMI. Ce réseau est à la fois exploité en nectés et fonctionnant en parallèle. Ce qui implique des mécanis-
haute tension (HTA, entre 15 kV et 20 kV en France) et basse tension mes de surveillance, de stockage d’énergie, de contrôle et d’autoci-
(BTB à 400 V en régime triphasé et BTA à 230 V en régime mono- catrisation de chacun de ces sous-réseaux.
phasé). C’est à ce niveau que sont généralement introduites les
EnR. La figure 2 présente un exemple de topologie d’un sous-réseau
de distribution intelligent [7] [8] [9]. Les fonctionnalités de stockage
Cependant la topologie des réseaux basse tension est plutôt d’énergie et d’intégration d’EnR sont implémentées de manière à
arborescente et mal connue, du fait de l’évolution perpétuelle à la rendre le réseau électrique bidirectionnel. De plus, les réseaux
fois du nombre et du type d’équipements présents. L’autre raison sont ici utilisés aussi bien en courant continu qu’en courant alterna-
est liée à l’absence de dispositifs de surveillance et de contrôle de tif. Suivant les conditions climatiques notamment, ces sous-

2
l’état du réseau. En France, le réseau de distribution appartient, réseaux pourront soit être perçus comme des centres de consom-
dans la grande majorité des cas, aux collectivités locales qui en mation, ou comme des centres de production.
confient la gestion à ERDF. Enfin le réseau est surveillé et contrôlé en temps réel grâce à des
Des changements radicaux doivent donc être appliqués aux données récoltées en divers endroits par des instruments de
réseaux électriques traditionnels pour garantir la sécurité de mesure. La connaissance de la topologie du réseau fournit des
l’approvisionnement, l’intégration accrue des EnR et par consé- informations indispensables pour l’optimisation de la répartition
quent la réduction du rejet dans l’atmosphère des gaz à effet de de l’énergie électrique.
serre.
En outre, de nouveaux usages de l’électricité tels que le véhicule 1.3 Efficacité des réseaux électriques
électrique (VE) doivent être pris en considération comme charge intelligents
supplémentaire sur le réseau et comme moyen de stockage de
l’électricité. Ce qui conduit à envisager une nouvelle topologie des Par opposition aux moyens de production traditionnels de l’éner-
réseaux électriques dans laquelle les sources d’approvisionnement gie électrique (centralisés et pilotables), les EnR sont à la fois

Infrastructure
réseau

Réseau de transport Protection et contrôle Gestionnaire du


(transmission) : sur réseau de transport réseau de
225 kV - 400 kV (WAMPACS) transmission (TSO)

Réseau de transport Réseau de Gestionnaire du


(répartition) : Surveillance et contrôle réseau de distribution
communication du réseau de
63 kV - 225 kV (DSO)
distribution (ADM)

Réseau de Sous- Sous- Sous- Sous-


distribution : station station station station
15 kV - 20 kV

Sous- Sous- Sous- Sous- Génération


station station station station

Compteur
intelligent
Réseau de (Smart Meter)
VE
distribution : EnR
230 V - 400 V
St

Figure 2 – Topologie d’un réseau de distribution intelligent : cette approche montre l’évolution d’un réseau traditionnel vers un smart grid

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intermittentes et réparties de manière diffuse sur l’ensemble d’une nouvelles normes doivent être rédigées, et de nouveaux cadres
région. Ces caractéristiques impactent considérablement la gestion réglementaires fixés pour faciliter l’interopérabilité à tous les
des réseaux électriques. niveaux.
En effet, du fait que l’énergie électrique ne peut être stockée sous Le but n’est pas de complètement remplacer le réseau électrique
sa forme utile (le stockage est plutôt réalisé sous forme chimique traditionnel, mais de le faire évoluer graduellement vers un réseau
avec les batteries, cinétique avec les volants d’inertie, hydraulique intelligent en incorporant des outils tels que les compteurs intelli-
avec les barrages hydroélectriques…), il est primordial qu’elle soit gents, des capteurs et autres synchrophaseurs (voir sec-
injectée sur le réseau sitôt produite afin de minimiser les coûts dus tion § 2.1.1.2). Ces dispositifs fournissent une information sur l’état
à sa transformation sous une forme facilement stockable. du réseau en quasi-temps réel à des fréquences élevées (de l’ordre
Par ailleurs, la gestion des pics de consommation implique de de, voire supérieures à trente fois par seconde), alors que les dispo-
recourir à des réserves de puissance en partie constituées de cen- sitifs classiques ne renvoient des informations pertinentes qu’une
trales thermiques dont le combustible provient des énergies fossi- fois toutes les deux à quatre secondes.
les. Ce qui va à l’encontre de la politique de réduction des rejets D’autre part, dans un schéma d’interconnexion de systèmes
dans l’atmosphère de gaz à effet de serre. De plus, du fait d’une
utilisation ponctuelle, ces centrales ont un coût marginal de fonc-
tionnement élevé. Ce qui les rend moins rentables.
complexes et asynchrones, la construction de lignes à haute ten-
sion en courant continu (HVDC, High Voltage Direct Courant) appa-
raı̂t comme la solution pour à la fois limiter les pertes en lignes et
2
L’intégration massive d’EnR sur le réseau électrique permet de transporter une puissance plus importante et de manière plus effi-
s’affranchir de ce recours. Les EnR sont en effet en grande majorité cace. En effet, environ deux tiers de la puissance utile disponible en
introduites sur les réseaux de distribution, au plus près des lieux de sortie des centrales de production sont perdus suite à des proces-
consommation. Ce qui requiert la restructuration d’un réseau au sus de conversion de puissance et des pertes en ligne.
départ unidirectionnel pour fonctionner en réseau bidirectionnel. Par ailleurs, dans le schéma traditionnel de production et de dis-
Le smart grid – grâce à une architecture plus complexe et maillée tribution de l’énergie électrique, les centres de production sont
plus localement – est un réseau capable d’intégrer les actions de généralement éloignés des lieux de consommation. Un autre défi
tous ses utilisateurs (producteurs et consommateurs). technologique adressé par le smart grid consiste donc à réduire
Grâce à un réseau de capteurs disséminés sur son ensemble, le considérablement la distance séparant ces deux groupes d’acteurs.
smart grid permet de mieux gérer l’afflux important d’EnR, localiser Ce faisant, les pertes en lignes dues au transport sur de grandes
plus efficacement les défauts et suivre la propagation de phénomè- distances seront également réduites.
nes perturbateurs [10] [11]. En effet, dans leur configuration actuelle, les réseaux électriques
Du point de vue du consommateur, une directive européenne de traditionnels sont peu enclins à intégrer de manière accrue les EnR,
septembre 2010 impose le déploiement de compteurs « communi- du fait du caractère intermittent de ces dernières. Poursuivre leur
cants » (voir section § 4.4). Il s’agit de dispositifs permettant des intégration requiert de redessiner l’architecture de contrôle des
opérations à distance telles que la lecture de la consommation réseaux électriques, de mettre en place de nouveaux scénarii de
réelle ou encore un changement de puissance entre autres. planification et de stockage pour mieux adresser la demande en
énergie.
La mesure des flux d’énergie au moyen de ces compteurs donne
un aperçu de la demande. Le prototype français de compteur intel- Enfin, l’autre défi majeur concerne la question de la sécurité
ligent (Linky) a ainsi été expérimenté entre 2010 et 2012 dans d’accès aux données personnelles prélevées. En effet, il n’est pas
l’agglomération lyonnaise (environnement urbain) et en Indre-et- inenvisageable qu’un individu quelconque puisse reconstituer
Loire (environnement rural). l’emploi du temps (au jour le jour) d’une tierce personne en se réfé-
rant à son profil de consommation. Implémenter le smart grid
Le déploiement des compteurs incite les consommateurs à limi-
exige donc également de disposer d’outils efficaces en matière de
ter leur consommation pendant les périodes pleines (où le prix de
cybersécurité.
l’électricité est élevé). Ce qui permet de lisser la courbe de charge
(effacement) par recours aux EnR. Le smart grid prévient les pertes
d’énergie et offre une meilleure efficacité globale et durable en
décentralisant certaines fonctions de gestion du réseau électrique.
2. Réseaux électriques
1.4 Défis technologiques intelligents (smart grids)
La consommation mondiale d’énergie est prévue connaı̂tre une
augmentation de 44 % entre son niveau de 2006 et celui attendu
pour 2030 [12]. Et, du fait d’une grande dépendance de nos sociétés Le smart grid est une évolution des réseaux d’électricité tradi-
vis-à-vis des technologies électroniques, une rupture de la fourni- tionnels vers une plus grande dépendance à l’égard des technolo-
ture en électricité revêt aujourd’hui un caractère dramatique. gies de communication, de calcul et de contrôle à distance afin
d’exploiter efficacement les EnR. Cela conduit à réduire de manière
Le réseau électrique doit faire face à la fois à une demande gran-
significative l’impact de notre consommation d’énergie sur
dissante de la fourniture en énergie électrique et à la nécessité de
l’environnement.
révolutionner le schéma production-transport-distribution de l’élec-
tricité. D’une approche au départ unidirectionnelle et centralisée, le Le smart grid intègre un réseau de capteurs (compteurs intelli-
réseau électrique de distribution se voit proposer de nouveaux gents et synchrophaseurs ou PMU (voir section § 2.1.1)) disséminés
défis, avec l’intégration accrue des EnR et l’incorporation des VE à la fois sur les réseaux de transport et de distribution. Ces disposi-
dans le paysage énergétique. La réponse à ces défis passe par un tifs renseignent en quasi-temps réel sur l’état du réseau selon le
schéma de distribution bidirectionnel dans lequel les consomma- schéma représenté sur la figure 3. De fait, ils permettent d’amélio-
teurs d’antan deviennent également fournisseurs d’énergie. rer la fiabilité des systèmes de fourniture de l’énergie électrique
ainsi que la qualité et la sécurité de l’approvisionnement en
Le succès du smart grid dépend par ailleurs grandement du
énergie.
développement d’outils (instruments de mesure, méthodes d’ana-
lyse et de traitement des données…) de surveillance et de contrôle Ce type de réseau permet également aux consommateurs d’avoir
permettant d’assurer à tout moment la qualité de la fourniture de une meilleure compréhension et un meilleur contrôle de leur profil
l’énergie électrique, la stabilité et la sécurité du réseau. De de consommation et des coûts de l’énergie.

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Gestionnaires
Service public
de l’énergie

PMU PMU
PMU

Centrales Réseaux de Réseaux de Compteurs


PMU PMU PMU Consommateur
conventionnelles transmission distribution intelligents

2
PMU

Énergies
renouvelables (EnR) PMU

Véhicules électriques Appareils Bâtiments intelligents


(VE) intelligents (Domotique)

Figure 3 – Représentation schématique d’un smart grid incorporant les différents acteurs majeurs

2.1 Systèmes de surveillance À ces paramètres sont associées, d’un point de vue métrolo-
gique, les erreurs (définies dans la norme IEEE C37.118 [13], [14])
et de contrôle correspondant aux processus de leur mesure. Ces erreurs sont :
L’atteinte des objectifs affichés par le smart grid est fortement – l’erreur sur la mesure de phaseur (Total Vector Error, TVE) ;
conditionnée par les systèmes de surveillance et de contrôle implé- – l’erreur associée à la mesure de fréquence (Frequency Error,
mentés. Ces systèmes consistent, dans la majorité des cas, en des FE) ;
réseaux de PMU judicieusement positionnés (figure 3) sur le – l’erreur associée à la vitesse de variation de la fréquence
réseau électrique, de manière à fournir des informations sur la qua- (ROCOF Error, RFE).
lité et la stabilité de ce dernier (voir section 2.1.1).
Les PMU sont les outils de prédilection des opérateurs de
Cependant, la configuration actuelle des réseaux électriques ne réseaux pour la surveillance, la protection et le contrôle de réseaux
permet pas un déploiement rapide de ces dispositifs pour plusieurs électriques intelligents étendus [15], [16]. Il existe de nombreux
raisons : modèles actuellement disponibles sur le marché. Cependant, du
– la nécessité d’accommoder les instruments de mesure actuelle- fait du retard pris en termes de normalisation sur les fonctions rem-
ment en phase de développement aux services implémentés sur plies par un PMU, différentes technologies de mesure (impliquant
les smart grids. De nouvelles normes sont en cours de rédaction différents degrés de précision et incertitudes de mesure) leur sont
pour répondre à ce besoin ; associées. Une infrastructure métrologique est actuellement déve-
– l’absence d’interopérabilité entre les différents modèles déve- loppée autour de ces questions (technologies de mesure et outils
loppés par différents fabricants ; d’analyse de données) [17] à [21].
– l’incapacité de l’infrastructure centralisée à accueillir un flux Les PMU peuvent soit être des dispositifs indépendants ou
important de données en temps réel. consister en de fonctions PMU implémentées à l’intérieur de dispo-
sitifs dits « intelligents ». Les données fournies par les PMU sont
2.1.1 Mesures référencées par rapport au temps collectées et répertoriées au niveau de concentrateurs de phaseurs
GPS (vecteur-mètre) (PDC, Phasor Data Concentrator). Les PDC comparent les informa-
Connaı̂tre en temps réel l’état du réseau électrique est une étape tions issues de plusieurs PMU pour connaı̂tre l’état du réseau en
cruciale pour l’intégration réussie d’EnR dans le réseau électrique. temps réel.
Pour réaliser cette fonctionnalité, le vecteur-mètre réseau ou syn-
chrophaseur (ou encore PMU, Phasor Measurement Unit) mesure 2.1.1.1 Fondamentaux sur les mesures de phaseurs
de manière synchrone avec le temps UTC (voir section 2.1.1.2), Les réseaux de transport sont en général peu sujets à des pertur-
dont le GPS (Global Positioning System, il est actuellement le meil- bations de grande ampleur. Il n’est donc pas nécessairement utile
leur moyen de dissémination du temps UTC), les signaux de cou- de sonder en permanence l’état des réseaux de transmission. Un
rant et/ou de tension sur le réseau (aux points de connexion, recours toutes les deux à trois secondes aux données fournies par
figure 4), afin d’en déduire les paramètres pertinents suivants des systèmes de type SCADA (Supervisory Control And Data
quant à la gestion du réseau : Acquisition) est souvent suffisant pour connaı̂tre l’état du réseau
– la fréquence (f) ; de transport et maı̂triser les transits importants de puissance sur
– la vitesse de variation de la fréquence par rapport au temps des réseaux étendus.
(Rate of Change of Frequency, ROCOF) ; Cependant, le déploiement de plus en plus marqué des solutions
– les phaseurs du courant ( X I ) et de la tension ( X V ) (sous- smart grids (EnR distribuées, VE…) implique de connaı̂tre en per-
section 2.1.1.1) ; manence l’état du réseau. Ce qui est possible avec l’utilisation des
– les phases du courant (fI (t)) et de la tension (fV (t)). PMU. L’une des différences majeures entre PMU et systèmes

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