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M AT É R I AU X

Ti100 - Plastiques et composites

Plastochimie et analyse
physico-chimique

Réf. Internet : 42139 | 3e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Plastiques et composites
(Réf. Internet ti100)
composé de  :

Propriétés générales des plastiques Réf. Internet : 42152

Plastochimie et analyse physico-chimique Réf. Internet : 42139

Adjuvants des plastiques Réf. Internet : 42138

Matières thermoplastiques : monographies Réf. Internet : 42147

Matières thermodurcissables : monographies Réf. Internet : 42146

Caoutchoucs Réf. Internet : 42615

Essais normalisés, développement et sécurité des plastiques Réf. Internet : 42145

Applications des plastiques Réf. Internet : 42141

Plastiques et environnement Réf. Internet : 42657

Plasturgie : procédés d'extrusion Réf. Internet : 42150

Procédés d'injection des thermoplastiques Réf. Internet : 42151

Plasturgie : fabrications de corps creux, de films et de fils Réf. Internet : 42149

Plasturgie : procédés spécifiques aux composites Réf. Internet : 42474

Finitions des plastiques, conceptions des pièces et recyclage Réf. Internet : 42475

Matériaux composites : présentation et renforts Réf. Internet : 42142

Caractérisation et propriétés d'usage des composites Réf. Internet : 42144

Applications des composites Réf. Internet : 42140

Bases de données : polymères Réf. Internet : 42603

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Plastiques et composites
(Réf. Internet ti100)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Jean-François AGASSANT
Professeur Mines-Paristech, Responsable Département « Mécanique et Matériaux »,
Délégué Mines-Paristech à Sophia-Antipolis

Christophe BINÉTRUY
Professeur à l'Institut de Recherche en Génie Civil et Mécanique (GeM), École Centrale de
Nantes

Pierre CHARRIER
Global Advanced Engineering , CAE Durability Prediction Director, Modyn,
TrelleborgVibracoustic Group

Claude JANIN
Conseiller scientifique du LRCCP

Patricia KRAWCZAK
Professeur à l'Ecole des Mines de Douai, Responsable du Département Technologie des
Polymères et Composites et Ingénierie Mécanique

Marie-France LACRAMPE
Responsable du Groupe Polymères, Professeur au Département Technologie des
Polymères et Composites et Ingénierie Mécanique de l'Ecole des Mines de Douai

Jean-Benoît LE CAM
Professeur des Universités, Institut de Physique de Rennes, CNRS/Université de Rennes 1

Francis PINSOLLE
Ingénieur ENSEM (École nationale supérieure d'électricité et de mécanique de Nancy),
IAE (Institut d'administration des entreprises d'Aix-en-Provence)

Gilbert VILLOUTREIX
Professeur au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers)

Redouane ZITOUNE
Maître de conférences-HdR à l'IUT-A de l'Université Paul Sabatier

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Pierre AUDEBERT Alexandre FLEURY Bruno MORTAIGNE


Pour l’article : AM3048 Pour l’article : AF6045 Pour l’article : A3273

Michel BIRON Michel FONTANILLE Cécile-Anne NAUDIN


Pour les articles : AM3272 – Pour les articles : AM3037 – Pour l’article : A3035
AM3275 – AM3269 AM3038 – AM3040
Daniel NESA
Alain BOUDET Jean-Luc GARDETTE Pour les articles : AM3290 –
Pour l’article : AM3284 Pour l’article : AM3271 AM3291 – AM3292

Xavier COLIN Yves GNANOU Patrick PERRIN


Pour l’article : AM3045 Pour les articles : AM3037 – Pour l’article : A3050
AM3038
Jean-Pierre COTTON Christopher John George
Pour l’article : AM3278 Thierry HAMAIDE PLUMMER
Pour les articles : J5830 – J5832 Pour l’article : AM3282
Stéphane COUDERC
Pour les articles : AM3290 – Sandrine HOPPE Rabih RACHET
AM3291 – AM3292 Pour l’article : AF6046 Pour l’article : AF6046

Ghislaine COULON Dominique HOURDET Sophie ROUIF


Pour l’article : AM3280 Pour l’article : A3050 Pour l’article : AM3039

Sébastien CROCHEMORE Henri JULLIEN Christophe SERRA


Pour les articles : AM3290 – Pour l’article : AM3046 Pour l’article : AF6046
AM3291 – AM3292
Colette LACABANNE Armand SOLDERA
Évelyne DARQUE-CERETTI Pour l’article : AM3274 Pour l’article : AF6045
Pour les articles : AM3279 –
AM3281 James LESEC Gilbert TEYSSEDRE
Pour l’article : A3060 Pour l’article : AM3274
Christian DECKER
Pour l’article : AM3044 Ernest MARÉCHAL Jean-Pierre VAIRON
Pour l’article : AM3041 Pour l’article : AM3040
Michel DELMOTTE
Pour l’article : AM3046 Dimitrios MEIMAROGLOU Jacques VERDU
Pour l’article : AF6046 Pour les articles : AM3043 –
Alain DURAND  (J) (AF) AM3045 – AM3270
Pour l’article : AF6046 Fabien MIOMANDRE
Pour l’article : AM3048 James WILSON
Éric FELDER Pour l’article : AF6046
Pour les articles : AM3279 – Bernard MONASSE
AM3281 Pour les articles : AM3279 –
AM3281

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VI
Plastochimie et analyse physico-chimique
(Réf. Internet 42139)

SOMMAIRE

1– Plastochimie Réf. Internet page

Nomenclature, classiication et formules chimiques des polymères A3035 11

Structure moléculaire des polymères AM3037 15

Structure morphologique des polymères AM3038 19

Modiications physico-chimiques des polymères par ionisation AM3039 23

Polymérisations en chaîne. Mécanismes J5830 27

Polymérisations en chaîne. Procédés J5832 33

Réacteurs homogènes de polymérisation radicalaire. Conception et fonctionnement AF6046 39

Polymérisation AM3040 47

Polycondensation et polyaddition AM3041 51

Polymérisation sous rayonnement. Principes AM3043 55

Polymérisation sous rayonnement UV AM3044 57

Structures macromoléculaires tridimensionnelles AM3045 61

Polymérisation sous micro-ondes et hautes fréquences AM3046 65

Procédé sol-gel de polymérisation AM3048 69

Simulation mésoscopique des polymères AF6045 73

Polymères en solution A3050 79

Masses molaires moyennes A3060 85

2– Analyse physico-chimique Réf. Internet page

Introduction à l'analyse physico-chimique des polymères AM3270 91

Préparation des matières plastiques pour la caractérisation et le contrôle AM3269 93

Caractérisation des polymères par spectrométrie optique AM3271 99

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VII
Caractérisation et contrôle des matières plastiques AM3272 103

Analyse structurale des polymères par couplage CG/SM A3273 111

Caractérisation des polymères par analyse thermique AM3274 115

Stratégie et économie du contrôle et de la caractérisation AM3275 117

Caractérisation des polymères. Difusion de neutrons aux petits angles AM3278 121

Étude et analyse des surfaces de polymères solides. Propriétés mécaniques et AM3279 123
tribologiques
Étude et analyse des surfaces de polymères solides. Propriétés physicochimiques AM3281 127

Imagerie de surface de polymères  : microscopie à force atomique AM3280 133

Caractérisation des polymères par microscopie électronique AM3282 137

Étude des thermoplastiques par MET en mode fond noir AM3284 141

Méthodes d'analyse sensorielle des matériaux plastiques AM3290 143

Analyse sensorielle des matériaux d'habitacle automobile  : olfaction AM3291 145

Analyse sensorielle des matériaux d'habitacle automobile  : toucher/vision AM3292 149

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Plastochimie et analyse physico-chimique
(Réf. Internet 42139)


1– Plastochimie Réf. Internet page

Nomenclature, classiication et formules chimiques des polymères A3035 11

Structure moléculaire des polymères AM3037 15

Structure morphologique des polymères AM3038 19

Modiications physico-chimiques des polymères par ionisation AM3039 23

Polymérisations en chaîne. Mécanismes J5830 27

Polymérisations en chaîne. Procédés J5832 33

Réacteurs homogènes de polymérisation radicalaire. Conception et fonctionnement AF6046 39

Polymérisation AM3040 47

Polycondensation et polyaddition AM3041 51

Polymérisation sous rayonnement. Principes AM3043 55

Polymérisation sous rayonnement UV AM3044 57

Structures macromoléculaires tridimensionnelles AM3045 61

Polymérisation sous micro-ondes et hautes fréquences AM3046 65

Procédé sol-gel de polymérisation AM3048 69

Simulation mésoscopique des polymères AF6045 73

Polymères en solution A3050 79

Masses molaires moyennes A3060 85

2– Analyse physico-chimique

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aSPSU

Nomenclature, classification et
formules chimiques des polymères

par Cécile-Anne NAUDIN
Ingénieur de l’École Supérieure de Chimie Industrielle de Lyon
Responsable de traités aux Techniques de l’Ingénieur

1. Nomenclature des polymères............................................................... A 3 035 - 2


1.1 Noms génériques des familles de polymères........................................... — 2
1.2 Nomenclature des polymères .................................................................... — 2
1.2.1 Homopolymères ................................................................................. — 2
1.2.2 Copolymères ....................................................................................... — 2
1.3 Abréviations normalisées ........................................................................... — 2
1.4 Remarque concernant la nomenclature .................................................... — 2
2. Classification............................................................................................. — 3
2.1 Polymères thermoplastiques...................................................................... — 3
2.2 Polymères thermorigides............................................................................ — 3
2.3 Élastomères entrant dans la composition de plastiques ......................... — 4
3. Familles chimiques .................................................................................. — 4
3.1 Thermoplastiques........................................................................................ — 4
3.2 Matières thermodurcissables ..................................................................... — 5
4. Formules chimiques ................................................................................ — 5
4.1 Remarques préliminaires............................................................................ — 5
4.2 Polymères thermoplastiques...................................................................... — 6
4.3 Polymères thermorigides............................................................................ — 12
4.4 Élastomères.................................................................................................. — 16

e terme PLASTIQUES désigne communément une famille, toujours plus


L nombreuse, de produits constitués de macromolécules (ou polymères)
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@QYYU@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPQY

caractérisées par la répétition, un très grand nombre de fois, du même groupe


d’atomes appelé motif constitutif. Ce dernier diffère d’un polymère à l’autre et
détermine en grande partie les propriétés physiques et thermomécaniques du
produit fini (après sa mise en œuvre).
Compte tenu de la grande variété de plastiques utilisés dans des domaines
de plus en plus vastes, il nous paraît utile :
— de présenter les règles d’établissement systématique des noms chimiques
permettant d’identifier de façon univoque les principaux polymères commer-
cialisés ;
— de classer ces derniers par « familles chimiques » de polymères dont la
structure, donc les propriétés, sont voisines ;
— de donner les formules chimiques correspondant à chacun d’entre eux.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites A 3 035 − 1

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aSPSU

NOMENCLATURE, CLASSIFICATION ET FORMULES CHIMIQUES DES POLYMÈRES ___________________________________________________________________

1. Nomenclature 1.2.2 Copolymères

des polymères Les noms des copolymères sont constitués du préfixe poly, suivi,
entre parenthèses, des noms chimiques des monomères donnés
dans l’ordre décroissant des fractions massiques ou molaires de
ces composants dans le copolymère, chaque monomère étant
L’IUPAC (International Union of Pure and Applied Chemistry),
séparé des autres par une barre oblique.
suivie par les différents organismes de normalisation à l’échelon


national (AFNOR) et international (ISO), a adopté pour les plasti- Exemple : poly (styrène/butadiène/acrylonitrile) ou ABS
ques une nomenclature reflétant la nature chimique :
— soit du monomère de départ dans le cas d’une polymérisa-
tion simple ; Remarque : on rencontre souvent dans la littérature
— soit du motif unitaire constitutif du polymère, lorsque ce der- technique et technico-commerciale les noms des poly-
nier résulte de la polyaddition ou de la polycondensation de deux mères sans les parenthèses ci-dessus, ou sans les bar-
produits de base distincts. res obliques indiquant qu’il s’agit de copolymères.
Des exemples sont donnés ci-après.
De même, certaines appellations consacrées par l’usage telles
que acéto-chlorure de polyvinyle pour poly (chlorure de vinyle/acé-
1.1 Noms génériques tate de vinyle) ou franco-anglaises telles que polyvinylchlorure
pour poly (chlorure de vinyle) sont appelées à disparaître avec
des familles de polymères l’application de la nomenclature adoptée par l’IUPAC et l’ISO.
Ils sont généralement constitués par le préfixe poly suivi du nom
chimique du groupement fonctionnel caractérisant :
— soit tous les polymères appartenant à la famille considérée :
1.3 Abréviations normalisées
par exemple : polyamides, polyesters, polyuréthanes... ;
La France a adopté intégralement en 1989 la norme NF ISO 1043
— soit tous les monomères de départ conduisant à la famille
dont la partie 1 présente la liste des symboles à utiliser pour dési-
considérée :
gner de façon abrégée les différents polymères de base, à l’excep-
par exemple : polyvinyliques, polyoléfines... tion des polyamides pour lesquels il existe quelques règles
Dans ce cas, la fonction chimique ainsi désignée est celle ayant particulières précisées dans la norme NF ISO 1874 Partie 1.
réagi lors de la polymérisation et on ne la retrouve évidemment Ces abréviations normalisées ont été indiquées à côté des noms
plus dans la formule chimique du polymère obtenu. chimiques des polymères correspondants dans les para-
Exceptions. graphes 3 et 4, car certaines d’entre elles sont de plus en plus uti-
lisées dans le langage parlé et dans les écrits techniques, à la place
Certains noms génériques consacrés par l’usage ne contiennent
du nom chimique plus long et plus compliqué. Ainsi, PE, PP et PS
pas le préfixe poly. Ce sont en général des adjectifs précédés du mot
tendent à remplacer respectivement polyéthylène, polypropylène
résines, de plus en plus employés de nos jours comme substantifs.
et polystyrène. De même, on rencontre de plus en plus souvent
Exemples : cellulosiques, acryliques, époxydes, phénoplastes, ami- PET, PBT, PTFE et surtout PVC. Cette tendance est encore plus mar-
noplastes, silicones... quée en ce qui concerne les copolymères : ABS, SAN, FEP, PEBA,
etc.
Notons au passage qu’il ne faudra pas s’étonner si l’ordre des
1.2 Nomenclature des polymères lettres retenu pour les abréviations ne correspond pas à celui que
laisse prévoir la terminologie française. C’est en effet la désigna-
tion anglo-saxonne qui a servi de base pour l’établissement des
1.2.1 Homopolymères symboles normalisés au niveau international.
Le nom d’un polymère est généralement constitué du préfixe Exemples :
poly suivi du nom chimique : PVC (et non pas PCV) pour poly (chlorure de vinyle)
— soit du monomère dans le cas où le polymère résulte PVAC (et non pas PACV) pour poly (acétate de vinyle)
d’une simple polymérisation
Nota : il existe par ailleurs quelques abréviations non normalisées (par exemple EVOH,
Exemples : polyéthylène, poly (chlorure de vinyle) ; EVA, PPO) qui sont à l’origine la désignation donnée par un producteur à son produit.

— soit du motif structural unitaire du polymère lorsque


ce dernier résulte de la polyaddition ou de la polycondensa- 1.4 Remarque concernant
tion de plusieurs monomères
la nomenclature
Exemples : poly (phénylène éther) ou PPE
poly (hexaméthylène adipamide) ou PA 6-6. Les noms courants des polymères sont de fait établis à partir de
l’une ou l’autre des nomenclatures suivantes :
La norme ISO 472 (1988) Plastiques. Vocabulaire préconise l’uti-
lisation des parenthèses lorsque le nom chimique placé après le – la nomenclature fondée sur le processus de formation du poly-
préfixe poly est composé de plus d’un mot. Cependant, ces paren- mère qui mentionne le nom du monomère, précédé du préfixe
thèses sont fréquemment omises dans les textes relatifs à la plas- poly non suivi de parenthèses (sauf si le nom du monomère est
turgie et dans les documents techniques et commerciaux courants. constitué de plusieurs mots).

Exceptions : certains noms de polymères ne commencent pas Exemple 1 : polyéthylène — (CH2 — CH2 — )n
par poly, en particulier : Exemple 2 : poly (chlorure de vinyle)
— tous les polymères cellulosiques (§ 3.1) ;
— toutes les résines à base de formaldéhyde (formol) : phéno- – la nomenclature fondée sur la structure du polymère, qui men-
plastes et aminoplastes (§ 3.2). tionne le nom chimique de son motif constitutif (c’est-à-dire la

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A 3 035 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites

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___________________________________________________________________ NOMENCLATURE, CLASSIFICATION ET FORMULES CHIMIQUES DES POLYMÈRES

plus petite unité chimique dont la répétition décrit le polymère Un chauffage progressif provoque la fusion du polymère ou sa
régulier), précédé du préfixe poly suivi de parenthèses. transformation en un fluide visqueux qu’il est possible d’injecter
dans un moule, ou bien de faire passer à travers une filière ou
Exemple 3 : poly (méthylène) — (CH2 — )2n entre les cylindres d’une calandre. Après refroidissement, le poly-
(il s’agit du même polymère que celui déjà nommé dans l’exemple 1) mère, à la forme voulue, retrouve son état solide initial, soit
Exemple 4 : poly (paraphénylène téréphtalamide) amorphe (PVC, PS, etc.), soit partiellement cristallin, la cristallinité
étant liée à la régularité de la structure ordonnée et aussi à la
mobilité des groupes d’atomes constituant les chaînes macromo-

plus connu sous le nom de « polymère aramide » (Kelvar de Dupont ou


léculaires.
Remarque : certains polymères fortement fluorés ou à structure
aromatique complexe ont un comportement thermique particulier

Twaron d’Akzo). n’autorisant pas toujours les méthodes de transformation clas-
siques des thermoplastiques. Ils sont quelquefois appelés thermo-
Exemple 5 : poly (hydroxyéthylène) stables.

2.2 Polymères thermorigides


improprement appelé poly (alcool de vinyle) ou PVAL puisqu"il n’est pas
obtenu par polymérisation d’alcool vinylique mais par hydrolyse d’acé-
tate de vinyle. Ce sont des composés macromoléculaires s’étendant dans les
trois directions de l’espace ; ils sont d’autant plus rigides que le
Précisons que l’IUPAC recommande d’utiliser systématiquement
réseau tridimensionnel qui les caractérise est plus dense.
dans les publications scientifiques la seconde nomenclature fon-
dée sur la structure, qui permet de désigner n’importe quel poly- Ils sont obtenus :
mère régulier, aussi complexe soit-il, dès l’instant où son motif — soit par polycondensation ou polymérisation de petites molé-
constitutif est identifié. cules dont tout ou partie possède plus de deux sites réactifs ;
Dans la pratique courante, la première nomenclature fondée sur Exemples :
le nom chimique du monomère de départ reste encore très utilisée,
● résines formophénoliques résultant de la polycondensation du for-
comme on pourra le constater dans le paragraphe 4.
mol et du phénol,
● poly (phtalate de diallyle) obtenu par polymérisation du phtalate de
diallyle.
2. Classification — soit par réticulation de macromolécules linéaires (ou pon-
tage) par des durcisseurs, généralement à l’aide d’un catalyseur.

Une classification des matières plastiques est rendue nécessaire Exemples :


par le nombre très important de composés macromoléculaires ● résines polyesters réticulées par du styrène ou du méthacrylate
actuellement commercialisés et par le développement extrême- de méthyle (par ouverture des doubles liaisons de la chaîne insaturée
ment rapide de leurs applications dans presque tous les secteurs de départ),
d’activité. ● résines époxydes réticulées par des amines ou des anhydrides
Cette classification est fondée sur la distinction entre thermo- d’acide (par rupture du cycle époxy du produit initial).
plastiques d’une part, et thermorigides d’autres part, qui corres- Dans les deux cas, la phase ultime de la polymérisation ou de la
pond bien aux réalités industrielles puisque les méthodes de mise réticulation, sous l’action conjuguée d’une élévation de tempéra-
en œuvre sont différentes suivant que le produit fini est un maté- ture et de catalyseurs, est opérée lors de la mise en œuvre finale.
riau thermoplastique (§ 2.1) ou thermorigide (§ 2.2).
En effet, chacune des deux classes citées ci-avant est caractéri-
sée par un ensemble de propriétés communes, mises à profit lors Le système thermodurcissable initial (poudre à mouler fusible
de la transformation du polymère en objet fini : et soluble, résine liquide ou en solution) se transforme chimi-
— thermoplasticité pour la première ; quement, de façon irréversible, en un objet fini, infusible et inso-
— durcissement chimique irréversible pour la seconde. luble, thermodurci.

La forme et la rigidité ainsi acquises par la matière pendant


la mise en œuvre ne peuvent plus être modifiées par la suite
2.1 Polymères thermoplastiques de façon réversible par chauffage, contrairement aux thermo-
plastiques (§ 2.1).
Les thermoplastiques sont, en première approximation, consti-
tués par des enchaînements unidimensionnels résultant de l’asso- Remarque : il est malencontreusement d’usage, dans l’indus-
ciation de molécules simples (monomère) en chaînes trie des plastiques, d’utiliser le terme unique matières thermo-
macromoléculaires linéaires (éventuellement ramifiées). durcissables pour désigner à la fois :
L’exemple type est celui des composés polyvinyliques : — le système réactif initial, fusible et soluble ;
— le produit final mis en forme, infusible et insoluble après
durcissement.

Par chauffages et refroidissements successifs, on peut modifier


l’état et la viscosité des matières thermoplastiques, de façon réver-
sible.

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites A 3 035 − 3

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NOMENCLATURE, CLASSIFICATION ET FORMULES CHIMIQUES DES POLYMÈRES ___________________________________________________________________

2.3 Élastomères entrant ■ Polystyréniques (résines et copolymères) :


dans la composition de plastiques polystyrène PS
poly (styrène/butadiène) PS/B
poly (styrène/butadiène/acrylonitrile) ABS
Les élastomères constituent une famille particulière de « hauts poly (styrène/acrylonitrile) SAN
polymères » et se distinguent des plastiques (quelquefois appelés poly (styrène/butadiène/méthacrylate de méthyle) SBMMA
plastomères) par des comportements différents du point de vue, poly (acrylonitrile/styrène/acrylate d’éthyle) ASA


en particulier, de leur rigidité, de leur déformabilité et de leur rési- poly (styrène/anhydride maléique) SMA
lience. poly (styrène/méthacrylate de méthyle) SMMA
poly α-méthylstyrène PMS
Contrairement aux plastiques, les élastomères ont une tempéra-
ture de transition vitreuse inférieure à la température ambiante. ■ Acryliques et méthacryliques (résines) :
Ils font l’objet de chapitres qui leur sont entièrement consacrés polyacrylonitrile PAN
dans l’article [A 2 550] Élastomères du présent traité. poly (acrylate de méthyle)
Quelques-uns d’entre eux néanmoins apparaissent dans poly (méthacrylate de méthyle) PMMA
le paragraphe 4.4 avec leurs formules chimiques car ils entrent copolymères
dans la composition de certains thermoplastiques pour en amélio- ■ Polyamides :
rer les propriétés de résistance au choc.
● homopolyamides aliphatiques :
Exemples : poly (butadiène/styrène) poly (caprolactame) PA 6
poly (butadiène/acrylonitrile) poly (hexaméthylène adipamide) PA 6-6
poly (hexaméthylène sébaçamide) PA 6-10
poly (lauroamide) PA 12
poly (undécanamide) PA 11
3. Familles chimiques poly (tétraméthylène adipamide) PA 4-6
poly (hexaméthylène azélaamide) ou poly (hexaméthylène nona-
nediamide) PA 6-9
Dans la classification qui suit, les principaux polymères sont clas- poly (hexaméthylène dodécanediamide) PA 6-12
sés par familles chimiques, suivant leur importance commerciale ● polyamides aliphatiques séquencés ou blocs :
décroissante (tonnage produit ou consommé), matières thermo- polyéther-bloc-amides PEBA
plastiques d’une part, matières thermodurcissables d’autre part.
● polyamides semi-aromatiques :
Chaque famille n’est représentée que par ses composants les
poly (métaxylylène adipamide) PA MXD-6
plus utilisés dans l’industrie. Cette liste n’est donc pas exhaustive,
poly (hexaméthylène isophtalamide) PA 6-I
néanmoins elle ne répertorie pas moins d’une centaine de poly-
mères différents (par leur structure donc par leurs propriétés), ce ● polyamides aromatiques ou aramides (méta et para) :
qui montre la grande diversité de ces produits communément dési- poly (métaphénylène isophtalamide) PA MPD-I
gnés par le terme unique PLASTIQUES. poly (paraphénylène téréphtalamide) PA PPD-T
● copolyamides

■ Polyesters linéaires :
3.1 Thermoplastiques ● polytéréphtalates :
poly (éthylène téréphtalate) PET
■ Polyoléfines : poly (butylène téréphtalate) PBT
Nota : ces noms chimiques, extraits de la norme ISO 472 (1988) Plastiques. Vocabu-
polyéthylène PE laire ne sont pas rigoureusement corrects.
polypropylène PP La nomenclature IUPAC préconise l’emploi de poly (téréphtalate d’éthylène) et poly
poly (éthylène/acétate de vinyle) ou EVA (téréphtalate de butylène).
poly (éthylène/alcool vinylique) ou EVOH ●polycarbonates :
poly (méthyl-4 pentène-1) PMP
— de bisphénol A ;
■ Polyvinyliques (résines) : — de tétraméthyl-3,3’, 5,5’-bisphénol A.
poly (chlorure de vinyle) PVC ■ Polyéthers :
poly (alcool vinylique) PVAL
poly (oxyméthylène) POM et copolymères
poly (acétate de vinyle) PVAC
poly (oxyéthylène) PEOX
poly (chlorure de vinyle) chloré PVC-C
poly (phénylène éther) PPE et copolymères
poly (pyrrolidone de vinyle) PVP
poly (oxypropylène) PPOX
poly (chlorure de vinyle/acétate de vinyle) VC/VAC
poly (acétal de vinyle) PVA ■ Polyfluoréthènes ou polyfluorés :
poly (butyral de vinyle) PVB polytétrafluoroéthylène PTFE
poly (formal de vinyle) PVFM polychlorotrifluoroéthylène PCTFE
poly (fluorure de vinyle) PVF poly (éthylène/propylène) perfluoré
poly (carbazole de vinyle) PVK poly (fluorure de vinylidène) PVDF (*) et copolymères
■ Polyvinylidéniques (résines) : poly (tétrafluoroéthylène/éthers vinyliques perfluorés) PFA (per-
fluoroalcoxy)
poly (chlorure de vinylidène) PVDC
poly (fluorure de vinyle) PVF (**)
poly (fluorure de vinylidène) PVDF
poly (éthylène/tétrafluoroéthylène)
copolymères PVDC/PVC
poly (éthylène/chlorotrifluoroéthylène)
(*) Déjà cité dans les polyvinylidéniques.
(**) Déjà cité dans les polyvinyliques.

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A 3 035 − 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites

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Structure moléculaire des polymères


par Michel FONTANILLE
Professeur émérite de l’Université Bordeaux 1


Yves GNANOU
Directeur de Recherche au CNRS – Université Bordeaux 1 – ENSCPB - CNRS. PESSAC

1. Matériaux polymères : caractères généraux ............................. AM 3 037 – 2


1.1 Liaisons covalentes ............................................................................ — 2
1.2 Énergie des liaisons covalentes et rupture sous contrainte ............. — 3
1.3 Interactions moléculaires et cohésion ............................................... — 3
1.3.1 Différents types d’interactions moléculaires .......................... — 3
1.3.2 Relation entre interactions et cohésion .................................. — 4
1.4 Différents types de polymères ........................................................... — 5
1.5 Distribution des masses molaires. Dispersité ................................... — 6
2. Polymères linéaires ........................................................................ — 7
2.1 Enchaı̂nement des motifs monomères .............................................. — 7
2.1.1 Homopolymères....................................................................... — 7
2.1.2 Copolymères ............................................................................ — 8
2.2 Configuration et stéréorégularité....................................................... — 8
2.2.1 Tacticité simple des chaı̂nes saturées ..................................... — 8
2.2.2 Étude de la tacticité des polymères ........................................ — 9
2.2.3 Stéréorégularité géométrique et isomérie
configurationnelle.................................................................... — 10
2.3 Conformations des macromolécules ................................................. — 10
2.3.1 Définitions ................................................................................ — 10
2.3.2 Conformations statistiques des chaı̂nes (pelotes
statistiques).............................................................................. — 11
2.3.3 Conformations régulières ........................................................ — 12
3. Bibliographie.................................................................................... — 14

es matériaux polymères sont généralement utilisés pour leurs propriétés


L mécaniques particulières et leur aptitude à être aisément mis en forme (pro-
cessabilité). Ces qualités sont étroitement liées à leur structure, laquelle se
décline à différents niveaux depuis celui correspondant à l’agencement des dif-
férents atomes et groupes d’atomes qui constituent la molécule de polymère
(macromolécule) jusqu’à celui du matériau constitutif de l’objet final. Ce pre-
mier dossier [AM 3 037] a pour objet une présentation des principales structu-
res moléculaires rencontrées parmi les polymères commerciaux ; dans un
deuxième dossier [AM 3 038], le lien sera établi entre ces structures et les
niveaux supérieurs, avec une discussion des relations qui existent entre ces dif-
férents niveaux et les principales caractéristiques thermiques et thermomécani-
ques des matériaux polymères.
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPPX

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STRUCTURE MOLÉCULAIRE DES POLYMÈRES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Matériaux polymères : 1.1 Liaisons covalentes


caractères généraux On peut considérer que les liaisons covalentes correspondent à
la fusion d’orbitales atomiques, ces dernières pouvant être assimi-
lées à des zones de grande densité électronique. Dans le cas de
l’atome d’hydrogène, l’orbitale atomique de l’unique électron est
Il est important de connaı̂tre les raisons qui sont à l’origine des
de symétrie sphérique. Dans le cas de l’atome de carbone (élément
propriétés mécaniques particulières dont font preuve les polymè-
constituant essentiel des polymères), la situation est plus complexe
res, notamment lorsqu’on les compare avec celles des molécules


car il se produit une hybridation des électrons périphériques que
organiques simples.
sont les électrons de liaison ; il en résulte trois types d’orbitales
Pour cela, on est amené à considérer la nature macromoléculaire atomiques dont la géométrie est essentiellement déterminée par
de ces composés, c’est-à-dire le fait qu’un même ensemble molé- la nature des liaisons (simple, double ou triple) que va développer
culaire rassemble un grand nombre de motifs constitutifs répéti- l’atome de carbone considéré.
tifs, appelés unités monomères. Dans le cas des homopolymères,
les unités monomères sont issues d’un seul type de molécules Le type d’hybridation des atomes (C, O, S, N, etc.) constitutifs du
monomères par un processus de polymérisation. Dans le cas des squelette d’une chaı̂ne macromoléculaire détermine la géométrie
copolymères, les molécules monomères originelles sont de la chaı̂ne polymère car les angles que font entre elles les liai-
différentes. sons, ainsi que les distances interatomiques, sont caractéristiques
de la géométrie des orbitales atomiques des atomes liés.
Alors que les molécules organiques simples sont généralement
constituées de quelques dizaines d’atomes au maximum – comme & Dans le polyéthylène par exemple, de formule (–CH2–CH2–)n, les
le sont aussi les unités monomères –, les polymères sont des
atomes de carbone qui constituent le squelette de la chaı̂ne sont
macromolécules qui en comptent un très grand nombre (depuis
dans l’état d’hybridation tétragonale sp3 (figure 1a), responsable
quelques milliers jusqu’à l’infini). La solidité de tels assemblages
d’un angle valentiel de 109 28’. Des liaisons simples (liaisons s,
est due à l’existence de liaisons interatomiques covalentes forte-
figure 1b) se développent :
ment énergétiques qui assurent la cohésion des chaı̂nes ainsi for-
mées. Chacune de ces unités monomères est liée à ses voisines – entre les atomes de carbone
par 1, 2, 3, 4… liaisons covalentes, déterminant ainsi la valence v
de cette entité. Les mélanges de molécules monomères dont on C C
veut réaliser la polymérisation ainsi que l’ensemble des unités
monomères résultantes sont caractérisées par une valence
moyenne  longueur : 0,154 nm,
Snv  énergie de liaison : 347 kJ/mol ;
v = i i i
ni
– entre atomes de carbone et atomes d’hydrogène
avec ni nombre de moles des espèces de valence vi.
C H
Des interactions moléculaires, de plus faible énergie lorsqu’elles
sont considérées individuellement, s’établissent en grand nombre
entre les différentes chaı̂nes polymères constitutives d’un échantil-  longueur : 0,109 nm,
lon donné et sont étroitement responsables des propriétés physi-  énergie de liaison : 426 kJ/mol.
ques et physico-chimiques du matériau polymère ainsi formé.
La symétrie des liaisons s est cylindrique, ce qui permet une
rotation des groupements moléculaires autour de l’axe de la
liaison.

& Dans le 1,4-polybutadiène, de formule ð - CH2 - CH = CH - CH2 - Þn ,


les atomes de carbone liés par une double liaison sont dans un état
d’hybridation trigonale sp2 (figure 2a) qui génère des angles valen-
109°28’ tiels de 120 environ. Il s’établit alors, entre les deux atomes de car-
bone concernés, une liaison de type s avec symétrie cylindrique et
une liaison p présentant un plan de symétrie (figure 2b).
La présence de la liaison p empêche la libre rotation des groupe-
ments moléculaires autour de la double liaison. Les autres atomes
de la chaı̂ne sont liés par des liaisons s.
a atome de cartone hybridé sp2
Les caractéristiques de la double liaison carbone-carbone

sont les suivantes :


s
C C C C
– longueur : 0,134 nm ;
H – énergie de liaison s : 351 kJ/mol ;
s
– énergie de liaison p : 259 kJ/mol ;
H
total : 610 kJ/mol.

b liaisons s : C C et C H & Les liaisons triples sont relativement rares dans les polymères ;
elles correspondent à l’hybridation sp des atomes de carbone
Figure 1 – Simple liaison (exemple) impliqués et conjuguent une liaison s et deux liaisons p.

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– STRUCTURE MOLÉCULAIRE DES POLYMÈRES

1.2 Énergie des liaisons covalentes


et rupture sous contrainte
L’énergie des liaisons covalentes est voisine de 400 kJ/mol, ce qui π/2
représente une résistance à la rupture environ 20 fois supérieure à
celle mesurée pour la plupart des matériaux polymères. La rupture
2π/3
d’une éprouvette d’un matériau organique n’est donc pas directe-
ment liée à la rupture des liaisons interatomiques, mais à celle des


interactions moléculaires (encore appelées liaisons secondaires) sur 2π/3
lesquelles nous reviendrons au paragraphe 1.3. En revanche, la
dégradation des composés macromoléculaires fait intervenir la rup-
ture des liaisons covalentes et, par exemple, les structures compor-
a atome de cartone hybridé sp2
tant des liaisons p, plus faiblement énergétiques que les liaisons s,
sont très sensibles à l’attaque des agents chimiques.
Il faut cependant mentionner qu’avec des polymères dont la H
structure moléculaire et/ou le traitement mécanique sont favora-
bles à un alignement des chaı̂nes dans une direction préférentielle H
(aramides, polyéthylène…), on peut atteindre des ténacités repré- σ
C C C C
sentant 30 % de la ténacité théorique maximale, à savoir celle
résultant de la rupture des liaisons covalentes. π

1.3 Interactions moléculaires et cohésion


b liaisons σ : C C
Les interactions moléculaires sont des forces qui interviennent liaisons σ et π : C C
entre les groupements moléculaires constitutifs de toute molécule,
indépendamment de sa masse molaire. Ces forces sont de faible
Figure 2 – Double liaison (exemple)
intensité mais, dans le cas des composés macromoléculaires, elles
se répètent autant de fois qu’il existe de groupements moléculaires
interactifs dans les chaı̂nes constituant l’échantillon. Ainsi, l’énergie
δ+ δ+
correspondant à la rupture de la totalité des forces qui lient deux R C O R’ O C R
chaı̂nes macromoléculaires peut atteindre des valeurs très supé- δ –
rieures à celles de l’énergie d’une liaison covalente (§ 1.1). O O
δ– δ–
O r O
1.3.1 Différents types d’interactions moléculaires R C O R’ O C R
δ+ δ+

1.3.1.1 Interactions de Van der Waals


Figure 3 – Force de Keesom pour des polyesters linéaires
Elles résultent d’attractions interdipolaires et sont de trois types.
Quel qu’en soit le type, l’énergie de ces liaisons est toujours pro-
Leur intensité dépend du moment dipolaire du groupement induc-
portionnelle à r–6, r représentant la distance interdipolaire. Il en res-
teur, de la polarisabilité du groupement induit et de la distance
sort que l’influence des distances intermacromoléculaires, qui
interdipolaire. L’énergie correspondant à ces interactions varie de
dépendent, entre autres, de l’arrangement des chaı̂nes les unes
par rapport aux autres, est prépondérante dans l’expression de 0,02 à 0,5 kJ/mol.
l’énergie de rupture. & Forces de London
& Forces de Keesom Elles ne sont pas dues à l’éxistence de dipôles permanents, mais
Elles correspondent à l’interaction de molécules possédant cha- à celle de dipôles résultant de la configuration électronique instan-
cune un moment dipolaire permanent. On rencontre les inter- tanée des différents groupements qui composent la molécule. Les
actions de ce type dans les composés macromoléculaires possé- interactions électrostatiques dipolaires existent dans tous les systè-
dant des groupements polaires tels que, par exemple, –NO2, –Cl, mes macromoléculaires et sont particulièrement importantes dans
–CO–O–R. les polymères qui ne comportent pas de groupement polaires, le
polyéthylène et le polypropylène par exemple. Leur énergie varie
L’intensité de ces forces dépend du moment dipolaire de chacun
0,5 à 2 kJ/mol.
des groupements considérés et de la distance interdipolaire à la
puissance –6.
1.3.1.2 Liaisons hydrogène
Si l’on prend l’exemple des polyesters linéaires, on peut schéma-
Ce sont, comme les précédentes, des interactions électrostati-
tiser les forces de Keesom comme sur la figure 3.
ques dipolaires. Elles se développent entre un atome d’hydrogène
d+ et d- sont les fractions de charge élémentaire portées par cha-
porté par un atome fortement électronégatif (O, N) formant ainsi un
cun des atomes du dipôle.
dipôle et un groupement polaire comportant un atome fortement
électronégatif (F, N, O). Ces liaisons sont plus énergétiques que les
L’énergie correspondant à la rupture de ces interactions varie de interactions de Van der Waals car elles font intervenir des moments
0,5 à 3 kJ/mol. dipolaires importants et surtout des distances interdipolaires fai-
bles en raison de la petite taille des atomes mis en jeu, l’hydrogène
& Forces de Debye
en particulier. L’énergie de liaison peut dépasser 40 kJ/mol. On ren-
Elles sont dues à l’interaction d’un dipôle permanent, porté par contre ces liaisons hydrogène dans la plupart des macromolécules
un groupement moléculaire, avec le dipôle qu’il induit sur un grou- d’origine biologique et dans des polymères de synthèse tels les
pement voisin. Ces interactions, qui nécessitent la présence de polyamides pour lesquels on a cherché à copier la nature en créant
groupements polaires, sont aussi appelées forces d’induction. une structure analogue à celle de la soie.

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Structure morphologique
des polymères

par Michel FONTANILLE
Professeur émérite de l’Université Bordeaux 1
et Yves GNANOU
Directeur de Recherche au CNRS
Université Bordeaux 1 – ENSCPB – CNRS. Pessac

1. Polymères à l’état amorphe : assemblage de pelotes


statistiques................................................................................................. AM 3 038 - 2
2. Polymères à l’état cristallin .................................................................. — 2
2.1 Assemblage de séquences de chaînes régulières : maille cristalline ...... — 2
2.2 Monocristaux et cristallites ......................................................................... — 3
2.3 Structures sphérolitiques ............................................................................ — 4
2.4 Vitesse de croissance des cristallites et cinétique de cristallisation ........ — 4
2.5 Caractérisation des polymères semi-cristallins ......................................... — 5
3. Polymères orientés .................................................................................. — 8
3.1 Polymères orientés par étirage monoaxial (films ou filaments) .............. — 8
3.2 Étirage biaxial de films ................................................................................ — 9
3.3 Représentation et quantification de l’orientation des chaînes ................. — 10
3.4 Mesure de l’orientation des chaînes .......................................................... — 10
3.5 Cristaux liquides polymères........................................................................ — 11
4. Mélanges de polymères .......................................................................... — 13
4.1 Thermodynamique des mélanges .............................................................. — 13
4.2 Équilibre entre phases. Diagramme de phases ......................................... — 14
4.3 Copolymères, agents compatibilisants des mélanges ............................. — 15
4.4 Techniques de mélangeage ........................................................................ — 16
4.5 Structure des mélanges............................................................................... — 17
4.6 Méthodes d’étude de la miscibilité............................................................. — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM 3 038

ans le dossier [AM 3 037], nous avons décrit les différents types de struc-
D tures qui gouvernent la géométrie de la macromolécule isolée :
assemblage des atomes, des unités monomères, tacticité et architectures
conformationnelles. Une relation étroite existe entre ce niveau structural et les
propriétés mécaniques et thermo-mécaniques du matériau final. Cependant,
nombre de ces propriétés ne peuvent être interprétées qu’au travers d’échelles
structurales intermédiaires qui impliquent l’assemblage d’un nombre plus ou
moins grand de chaînes macromoléculaires.
Le comportement des polymères à l’état solide – par opposition à l’état
caoutchouteux ou encore visqueux – résulte des deux formes d’organisations
que peuvent adopter les chaînes macromoléculaires, à savoir celles du cristal
et celle du verre. Dans un cristal, les chaînes de polymères sont organisées
selon un ordre tridimensionnel tandis que, dans un verre, les chaînes macro-
moléculaires sont par essence à l’état amorphe.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPPY

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STRUCTURE MORPHOLOGIQUE DES POLYMÈRES __________________________________________________________________________________________

1. Polymères à l’état 2. Polymères


amorphe : assemblage à l’état cristallin
de pelotes statistiques Tous les polymères ne se prêtent pas à la cristallisation : seules
les chaînes caractérisées par une structure conformationnelle
Qu’il s’agisse de polymères de structure régulière portés au- régulière et symétrique ou celles porteuses de groupes capables

Q dessus de leur température de ramollissement (ou bien trempés à


partir de cette température) ou de polymères irréguliers considérés
à toute température, l’assemblage de chaînes désordonnées (pelo-
d’interactions moléculaires fortes (liaisons hydrogène) sont
enclines à former des zones cristallines. Les chaînes macromolé-
culaires s’assemblent dans ces parties cristallines selon le principe
tes statistiques) donne lieu à des enchevêtrements qui participent de l’encombrement minimal et de l’état énergétiquement le plus
à la visco-élasticité du matériau massique. stable.
Le processus de cristallisation implique, en réalité, trois niveaux
Si, en première approximation, une chaîne isolée peut être
d’organisations :
représentée par une distribution statistique gaussienne des unités
monomères autour d’un barycentre (0) (figures 1a et 1b ), un – la maille cristalline, reflet de la conformation de la chaîne et de
ensemble de chaînes et les enchevêtrements qui en découlent sa position par rapport aux chaînes voisines ;
peuvent être représentés de la même manière (figures 1c et 1d ). Il – la lamelle cristalline, correspondant à l’état d’association supé-
en résulte un désordre complet qui n’est limité que par le lien rieur, formée de chaînes repliées en forme d’accordéon ; l’épais-
covalent entre unités monomères constitutives des chaînes. Les seur de ces lamelles est de l’ordre de 10 à 20 nm. Par ailleurs, pour
diagrammes 1b et 1d correspondent à la variation de la probabi- des polymères modérément réguliers, l’assemblage des mailles
lité de présence P de ces unités monomères pour un ensemble de cristallines se limite à donner des cristallites, eux-aussi de dimen-
chaînes, en fonction de leur distance r au point de référence (0). La sions nanométriques ;
largeur à mi-hauteur de chacune de ces gaussiennes est propor- – des structures à symétrie sphérique, les sphérolites, issues de
tionnelle à la masse molaire de la chaîne considérée. l’assemblage des lamelles, dont la taille est de l’ordre du milli-
mètre.
Au niveau macroscopique, un tel assemblage peut être
considéré comme homogène (verre), ainsi que le représente la Cet état ordonné peut être obtenu de diverses manières :
valeur constante de la probabilité P pour l’ensemble des chaînes ; – directement lors de la polymérisation ;
les seuls éléments de volume inoccupé sont du volume libre – par concentration de solutions de polymères ;
(cf. [A 3 110]) inhérent à la rigidité des chaînes et à l’encombre- – par refroidissement de polymères fondus.
ment stérique des groupements constitutifs. Au cours du changement d’état à la température T, la variation
d’enthalpie libre :

∆G = ∆H −T ∆S
doit être négative. La variation enthalpique ∆H correspond à l’éner-
gie thermique libérée par l’établissement des interactions molécu-
laires et donc ∆H est négatif. La variation entropique ∆S est, elle
aussi, négative car il y a passage d’un état désordonné liquide à un
état ordonné et donc – T∆S > 0. La condition pour qu’il y ait organi-
sation régulière de la structure est donc :

∆H > T ∆S

2.1 Assemblage de séquences de chaînes


a c régulières : maille cristalline
chaîne isolée ensemble de chaînes interpénétrées
À l’opposé de la situation décrite au § 1, les chaînes
s’assemblent en deçà de leur température de fusion – lorsque leur
régularité moléculaire le permet – de façon à permettre le dévelop-
pement optimal des liaisons intermoléculaires. Puisque l’énergie ε
P P de ces interactions est fortement dépendante de la distance r qui
sépare les groupes interactifs (ε fonction de r–6), l’architecture des
assemblages est étroitement liée à la structure conformationnelle
de la chaîne et à l’encombrement stérique de ses substituants. On
rencontre 3 situations différentes :
■ Dans le cas de chaînes polymères qui ne portent pas de substi-
tuants volumineux et qui ressemblent à des vis dont les filets sont
peu proéminents, on peut assimiler la séquence d’architecture
0 0 r régulière à un cylindre dont l’axe est constitué par le squelette de
la macromolécule. Dans ce cas, c’est l’assemblage de type hexago-
b d nal qui réunit le maximum de matière dans le minimum de
chaîne isolée ensemble de chaînes interpénétrées volume, de façon à minimiser les interdistances moléculaires
(figure 2).

Figure 1 – Représentation schématique de la distribution gaussienne C’est cette situation qui prévaut dans le cas du polytétrafluoroéthy-
des unités monomères autour d’un point de référence (0) lène (PTFE) et, à peu de choses près, dans celui du polyéthylène (PE).

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__________________________________________________________________________________________ STRUCTURE MORPHOLOGIQUE DES POLYMÈRES

R
r


Figure 2 – Assemblage de chaînes « cylindriques » selon une symétrie
hexagonale

■ Si les « filets » sont trop proéminents pour permettre cette assi-


milation ( r << R ), et si le nombre d’unités monomères par tour
d’hélice est fractionnaire, l’assemblage se fait selon une symétrie
quadratique, les hélices de pas à droite entourant les hélices de
pas à gauche (figure 3).

Dans cette catégorie, on trouve, par exemple, le poly(méthyl-4-


pentène-1) isotactique qui cristallise selon une hélice possédant
7 motifs pour 2 tours d’hélice.

■ Dans le cas où le nombre de motifs par tour d’hélice est entier,


la symétrie de l’hélice est préservée dans l’assemblage.
Le polystyrène isotactique donne des hélices de symétrie ternaire
qui cristallisent dans le système rhomboédrique avec conservation du
type de symétrie.
Figure 3 – Assemblage quadratique des chaînes hélicoïdales
Les irrégularités structurales liées à l’état macromoléculaire des
espèces considérées limitent soit la taille de ces arrangements
dans les trois dimensions, soit la perfection du réseau cristallin.

2.2 Monocristaux et cristallites


Les mailles cristallines unitaires, qui sont issues de l’assemblage
des chaînes, ont tendance à se regrouper dans des structures de
plus grande taille qui peuvent prendre des formes variées.

Le monocristal, entité théoriquement isolable mais toujours


de petite taille, est l’exemple d’un arrangement régulier de
mailles cristallines unitaires. Les cristallites sont aussi des
zones lamellaires ordonnées, mais elles impliquent un nombre
plus faible de mailles et sont insérées et liées de façon cova-
Face 110
lente à des régions amorphes qui leur servent de matrice.

Figure 4 – Monocristal résultant du pliage de chaînes linéaires


■ Les monocristaux peuvent être obtenus à partir de polymères
hautement réguliers – comme c’est le cas pour le polyéthylène
haute densité (PEHD) –, uniquement par évaporation lente de solu-
tions diluées de polymères. Les dimensions de ces monocristaux Les dimensions de ces cristallites sont de quelques dizaines de
sont de l’ordre de quelques micromètres et leur épaisseur peut nanomètres. Leur proportion volumique peut être très élevée pour
être estimée à quelques dizaines de nanomètres. Leur étude par des échantillons hautement réguliers, tel le polypropylène isotacti-
microscopie électronique a permis de montrer que ces monocris- que, et très faible – voire négligeable – pour des polymères ne pré-
taux résultent du repliement des chaînes, comme représenté sur la sentant pas une grande régularité configurationnelle.
figure 4. Plusieurs chaînes peuvent entrer dans la constitution d’un
même monocristal. Ainsi en est-il du PVC commercial, dont les enchaînements syndio-
tactiques, longs de 8 à 14 unités monomères, s’organisent en zones
■ Contrairement aux monocristaux, les cristallites sont des entités cristallines du type micelles frangées (figure 5).
qui se forment par refroidissement des polymères à l’état fondu. La
structure lamellaire est là encore la caractéristique qui prévaut, mais La proportion relative des motifs unitaires entrant dans la
ces cristallites sont de plus petites dimensions que les monocristaux constitution des cristallites est appelée taux de cristallinité de
et, surtout, ils jouxtent des régions amorphes. Cristallites et zones l’échantillon. Ce taux de cristallinité – qui peut être massique ou
amorphes ne constituent pas, en d’autres termes, des entités iso- volumique – est influencé non seulement par la structure molécu-
lables. On parle, dans ce cas, de polymères semi-cristallins. laire de l’échantillon, mais aussi par les traitements thermiques

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STRUCTURE MORPHOLOGIQUE DES POLYMÈRES __________________________________________________________________________________________

Q Figure 7 – Croissance torsadée des lamelles dans un sphérolite


de polyéthylène

Les cristallites sont cerclés en tiretés

Figure 5 – Cristallites de type micelles frangées. Caractéristiques


des polymères semi-cristallins à faible taux de cristallinité
Figure 8 – Boucles lâches dans les zones amorphes des sphérolites

Dans le sphérolite, l’axe cristallographique de la maille unitaire


est orienté selon une direction privilégiée par rapport aux rayons
du sphérolite. Les chaînes sont, quant à elles, repliées dans des
structures lamellaires orientées selon un axe perpendiculaire au
rayon du sphérolite. La variation de l’orientation des lamelles peut
se produire au moyen de dislocations, qui sont des défauts assu-
rant le lien entre lamelles d’orientation différente.
La croissance sphérolitique de la cristallisation permet d’expli-
quer les figures observées lors de l’examen microscopique entre
nicols croisés (figure 6). Au microscope électronique, les sphéro-
lites laissent apparaître une structure lamellaire.
Les lamelles peuvent aussi croître selon un mouvement hélicoïdal
et ne présentent donc pas nécessairement une face radiale plane.
Figure 6 – Sphérolites de poly(oxyde de propylène) isotactique
(cliché de J.-C. Wittmann, Institut Charles Sadron, CNRS) Exemple : le polyéthylène haute densité, qui a beaucoup été étu-
dié en raison de sa facilité à cristalliser, présente un axe b orienté
parallèlement à un rayon du sphérolite et des axes a et c variant de
qu’il a subis. Les méthodes qui permettent de le mesurer sont façon hélicoïdale (figure 7).
citées dans le paragraphe 2.5.2. L’influence du taux de cristallinité
sur les propriétés physiques et mécaniques des polymères orga- De nombreuses observations expérimentales ont permis de
niques est extrêmement importante et fait l’objet d’une analyse montrer que le taux de cristallinité au sein des sphérolites n’est
séparée dans ce traité (cf. [A 3 110]). pas égal à l’unité. Les zones amorphes peuvent résulter de boucles
lâches telles que celles représentées sur la figure 8, de défauts
dans les cristaux, de segments de chaîne reliant les cristallites
entre eux ou bien d’une zone interlamellaire amorphe.
2.3 Structures sphérolitiques
2.4 Vitesse de croissance des cristallites
Les composés macromoléculaires hautement cristallisables
peuvent donner lieu, par refroidissement à partir de l’état et cinétique de cristallisation
fondu, à un arrangement régulier des cristallites. Les structures
Il existe une température comprise entre les températures de
correspondantes sont appelées sphérolites. C’est le troisième
fusion (Tf) et de transition vitreuse (Tg) à laquelle la croissance des
niveau de l’organisation cristalline.
cristallites est maximale. Compromis entre une température (Tf)
qui empêche la germination et celle (Tg) à laquelle la viscosité du
Ces sphérolites sont formés de lamelles cristallines dont la crois- milieu fige les chaînes macromoléculaires, cette température opti-
sance s’effectue à partir d’un germe. Ces lamelles ont une épais- male de cristallisation dépend également de la mobilité des
seur constante déterminée par les conditions de la cristallisation. chaînes concernées et donc de leur masse molaire.
L’axe principal des chaînes est orienté perpendiculairement à la Indépendamment de l’influence exercée par la température sur
surface des lamelles, chaque chaîne pouvant donner lieu à plu- la vitesse de croissance des cristallites, un autre paramètre joue un
sieurs repliements, comme dans le monocristal représenté rôle considérable sur la morphologie des sphérolites formés : il
figure 4. Le diamètre des sphérolites est donc déterminé par le s’agit du nombre de germes présents ou de la vitesse de germina-
nombre de germes de cristallisation présents par unité de volume. tion à une température donnée. Paramètre ne variant pas de façon
Ainsi, leur diamètre peut varier de quelques micromètres à linéaire avec la température, le nombre de germes conditionne, en
quelques millimètres. effet, la taille et la structure fine des sphérolites.

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Modifications physico-chimiques
des polymères par ionisation
par Sophie ROUIF

Ingénieur de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Montpellier (ENSCM)
Doctorat en Matériaux polymères et composites
Responsable Recherche & Développement de IONISOS

1. Action des rayonnements ionisants sur les polymères .............. AM 3 039v2 - 3


1.1 Différents types de rayonnements ionisants ........................................... — 3
1.2 Mode d’action des rayonnements ionisants............................................ — 3
1.3 Modifications chimiques induites par les rayonnements
ionisants...................................................................................................... — 3
1.4 Facteurs influençant le comportement des polymères
sous rayonnements ionisants ................................................................... — 5
1.5 Rayonnements ionisants à l’échelle industrielle ..................................... — 6
2. Réticulation des polymères par les rayonnements
ionisants.................................................................................................... — 8
2.1 Polymères radioréticulables et co-agents de réticulation ...................... — 8
2.2 Modification des propriétés des polymères réticulés
par les rayonnements ionisants................................................................ — 8
2.3 Contrôle de la réticulation ......................................................................... — 10
2.4 Applications ................................................................................................ — 10
3. Greffage des polymères par les rayonnements
ionisants.................................................................................................... — 12
3.1 Monomères fonctionnels radiogreffables................................................ — 12
3.2 Principe du radiogreffage .......................................................................... — 12
3.3 Facteurs influençant le radiogreffage....................................................... — 12
3.4 Avantages du radiogreffage...................................................................... — 13
3.5 Mise en œuvre industrielle du radiogreffage .......................................... — 13
3.6 Applications du radiogreffage .................................................................. — 13
4. Conclusion................................................................................................ — 14
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. AM3039v2

es rayonnements ionisants (électrons accélérés et rayons gamma γ – émis


L par une source de 60Co ou de 137Cs) ont été développés industriellement
dès les années 1960 pour la stérilisation de matériel médico-chirurgical et la
conservation de produits agroalimentaires.
Ils ont parallèlement donné lieu au développement de la c himie sous rayon-
nement, de type radicalaire, appliquée principalement aux polyU res. En
déclenchant un processus chimique de formation de radicaux libres, les rayon-
nements ionisants peuvent ensuite amorcer un certain nombre de réactions
chimiques telles que des coupures de chaînes, des polyadditions, des polymé-
risations, etc., qui peuvent donner lieu à diverses applications, dont les
principales sont :
– la dégradation de plastiques (notamment pour améliorer leur
recyclabilité) ;
– la réticulation de plastiques, de bois imprégné de résine ;
– le gr+a?+ sur polymères.
Le traitement par rayonnement des matières plastiques était limité jusqu’ici à
quelques applications : la fabrication du caoutchouc, du câble et du tube réti-
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culés (tube pour le chauffage par le sol) ainsi que de la gaine


thermorétractable. Il était essentiellement mis en œuvre avec des accélérateurs
d’électrons de faibles énergies (0,1 MeV à 3 MeV), permettant uniquement des
traitements en surface (limités à quelques millimètres de profondeur).
Les accélérateurs d’électrons de haute énergie (10 MeV) et les installations
Gamma (fort pouvoir de pénétration du rayonnement) développés depuis, sont


adaptés pour des traitements sur des épaisseurs beaucoup plus importantes
allant de la taille d’un carton (plusieurs centimètres) à celle d’une palette (1 m),
permettant ainsi le traitement de produits directement dans leur emballage.
Ce sont les traitements industriels réalisés sur plastiques au moyen de tels
équipements qui sont décrits dans ce dossier, tant du point de vue de leurs
effets que de leur mise en œuvre industrielle et de leurs applications.
La réticulation des plastiques et le greffage par les rayonnements ionisants
(appelés encore respectivement radioréticulation et radiogreffage) sont plus
particulièrement approfondis ici. En effet, la radioréticulation est aujourd’hui la
plus appliquée et le radiogreffage, qui suscite de plus en plus d’intérêt par la
multiplicité de ses applications, donne lieu à de plus en plus de
développements.

Nomenclature et symboles de q
uelques polymères (1) Nomenclature et symboles de quelques polymères (1)

Abréviation Nom chimique Abréviation Nom chimique

ABS acrylonitrile butadiène styrène PI polyimide

DMGBAC diméthylèneglycol bis-allylcarbonate PLA polyactide (acide polyactique)

DVB divinylbenzène POE polyoxyéthylène


ECTFE copolymère d’éthylène et de chloro-, POM polyoxyméthylène
trifluoroéthylène
PP polypropylène
EPDM copolymère d’éthylène, propylène, diène
PPO polyphénylène oxyde
monomère
EPR élastomère d’éthylène et de propylène PPS poly(sulfure de phénylène)

ETFE copolymère d’éthylène et de trifluoroéthylène PSU polymère sulfonique

EVA copolymère d’éthylène et d’acétate de vinyle PSU polysulfone

HNBR élastomère nitrile-butadiène hydrogéné PTFE polytétrafluoroéthylène

LCP Liquid Crystal Polymer PVC poly(chlorure de vinyle)

NBR élastomère nitrile-butadiène PVDF poly(chlorure de vinylidène)

PA polyamide SBR élastomère styrène-butadiène

PBT poly(butylène téréphtalate) SBS styrène butadiène styrène

PC polycarbonate SEBS styrène éthylène butadiène styrène

PCL polymère à cristaux liquides TAC cellulose triacétylique (triallyl cyanurate)

PDMS poly(diméthylsiloxane) TMPTA triméthylol propane triacrylate

PE polyéthylène TAIC triallyl isocyanurate


PE-BD polyéthylène basse densité TMPTMA triméthylol propane triméthacrylate
PEEK polyéthyléther cétone TPE élastomère thermoplastique
PE-HD polyéthylène haute densité TPE-E élastomère thermoplastique de type éther
PEK polyéthercétone TPE-S élastomère thermoplastique de type styrénique
PET polyéthylène téréphtalate TPO élastomère thermoplastique de type oléfinique
PGBAC propylèneglycol bis-allylcarbonate TPU élastomère thermoplastique de type uréthane
(1) Se reporter à l’article [A 3 035], référence [19], pour les formules (1) Se reporter à l’article [A 3 035], référence [19], pour les formules
chimiques de ces composés. chimiques de ces composés.

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1. Action des rayonnements 1.2 Mode d’action des rayonnements


ionisants
ionisants sur les polymères
Lorsqu’un rayonnement pénètre un milieu cible (matière), il inte-
ragit avec les électrons et les noyaux des atomes. Les interactions
Un rayonnement ionisant se caractérise par le fait qu’il possède dépendent de la nature et de l’énergie du rayonnement, ainsi que
une énergie suffisante pour créer au sein du matériau ionisé des de la composition du matériau cible (atomes, densité...). Il y a alors


entités réactives, appelées ions, autorisant un traitement à tempé- transfert d’énergie du rayonnement incident vers le matériau. C’est
rature ambiante et à une profondeur maîtrisée [40]. une phase physique dont la durée est inférieure à 10–15s, et elle
provoque l’excitation et/ou l’ionisation de certains atomes ou
molécules du matériau cible, en émettant un rayonnement secon-
1.1 Différents types de rayonnements daire. En effet, l’énergie des électrons éjectés est trop importante
ionisants pour être absorbée directement. Ils vont éjecter à leur tour d’autres
électrons dits secondaires, qui vont engendrer d’autres réactions
d’ionisation, jusqu’à ce que l’énergie du dernier électron éjecté soit
Les rayonnements les plus usuels sont les rayons UV, les rayons
du même ordre de grandeur que celles des liaisons covalentes. On
infrarouge, les micro-ondes, les rayons X, les électrons accélérés
dit alors qu’il est thermolysé.
et le rayonnement gamma. Seuls les trois derniers sont des rayon-
nements ionisants. En effet, ils agissent pour absorption d’énergie Quel que soit le rayonnement incident, seuls deux types de
et leur énergie est suffisante pour arracher et expulser des élec- rayonnements secondaires sont générés après interaction avec la
trons du nuage électronique des atomes. matière :
En conséquence, ils peuvent provoquer des modifications chi- – des photons : retour à un état plus stable d’un atome excité ;
miques importantes, sans ajout d’initiateur, à l’opposé des rayons – des électrons secondaires (appelés également électrons delta).
UV nécessitant un photoamorceur [43]. Les électrons secondaires mis en mouvement sont principale-
De plus, ils sont très pénétrants et peuvent modifier une pièce ment responsables des modifications chimiques générées. Ils
volumique à cœur. perdent une partie de leur énergie cinétique à chaque collision,
mais ils peuvent avoir suffisamment d’énergie pour générer
Parmi ceux-ci, seuls les électrons accélérés et les rayons gamma d’autres réactions d’ionisation.
sont mis en œuvre industriellement. Les électrons accélérés
forment un rayonnement corpusculaire alors que les rayons Cette excitation déclenche un processus chimique de 8rmation
gamma sont de nature électromagnétique (photons). de radicaux libres, par éjection des électrons du nuage électro-
nique des atomes et transformation de ces derniers en ions posi-
tifs, encore appelés cations (réaction d’ionisation). Ceux-ci se
1.1.1 É trons accélérés
lec décomposent à leur tour en donnant des radicaux libres, porteurs
d’électrons célibataires.
Leur pouvoir de pénétration dépend de leur énergie : dans un
accélérateur (générateur d’électrons), l’énergie conférée aux élec-
trons peut être de plusieurs mégaélectronvolts (MeV). C’est le seul Réaction d’ionisation [1] [2]
rayonnement corpusculaire qui ait un pouvoir pénétrant suffisant
et des énergies acceptables pour être utilisé industriellement. Soit une molécule d’enchaînement AB.
Sous l’effet des rayonnements ionisants, AB se décompose
1 électronvolt (eV) est l’énergie communiquée à un électron en perdant un électron et en laissant un cation :
accéléré sous une différence de potentiel de 1 volt AB → AB+ + e−
(1 eV = 1,6 ·10–19 J (Joule)).
1 MeV (mégaélectronvolt) = 106 eV= 1,6· 10–13 J. Le cation AB+ est généralement instable et peut également
se décomposer à son tour en donnant un radical libre B• :

1.1.2 Rayons Gamma AB+ → A+ + B•

Au bilan, l’ionisation conduit à la formation d’un radical B• :


Il s’agit d’un rayonnement électromagnétique constitué de pho-
tons qui n’ont ni masse, ni charge et qui possèdent donc un
pouvoir de pénétration encore plus important que les électrons AB → A+ + B• + e−
accélérés.
B• peut ensuite amorcer un certain nombre de réactions
Les radiations γ peuvent être émises par une source radioactive chimiques : coupures de chaînes, polyadditions, polymérisa-
qui se désintègre (telle que le cobalt-60 ou le césium-137). tions, etc. [42].
Notons qu’en parallèle de la réaction d’ionisation, le rayon-
nement peut également produire une réaction liée à l’excita-
1.1.3 Unités de mesure des rayonnements tion de la molécule AB qui se désexcite alors en donnant
ionisants directement les deux radicaux A• et B• (on parle alors de la
cassure homolytique de la molécule AB).
Quel que soit le rayonnement (électrons accélérés ou rayons
gamma), on appelle dose la quantité de rayonnement reçue par
la matière. Cela correspond à une quantité d’énergie absorbée 1.3 Modifications chimiques induites
par unité de masse de la matière irradiée. Elle s’exprime en par les rayonnements ionisants
grays (symbole Gy, 1 Gy = 1 J/kg). Dans l’industrie, on utilise
principalement son multiple, le kGy (103 Gy) ou encore le
Les radicaux libres peuvent amorcer cinq types de réactions
mégarad (Mrd), une ancienne unité de dose (1 Mrd = 10 kGy).
chimiques, selon les matériaux soumis aux rayonnements.

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1.3.1 Réactions de dégradation 1.3.3 Réactions de greffage


L’action des rayonnements ionisants peut provoquer des ruptures Le greffage sous rayonnements ionisants consiste en la création
de chaînes macromoléculaires. Les polymères porteurs d’halogènes de sites actifs le long d’une chaîne polymère, capables de fixer en
(fluor, chlore), tels que le polychlorure de vinyle (PVC) ou le polyté- position latérale et de façon covalente des molécules réactives
trafluoroéthylène (PTFE), sont sensibles aux rayonnements. Il en est comportant au moins une liaison insaturée.
de même pour les polymères portant des atomes de carbones qua-
ternaires (substitués par 4 groupements différents), comme le

Q caoutchouc butyle ou le polypropylène.

Réaction de dégradation (coupure de chaîne) :


Réaction de greffage :
A A A A A A
B B B B B B

B B B B B B +C D+C D C C
+
A A A A A A A A D D

En présence d’oxygène et dans le temps, les radicaux libres


se recombinent en donnant des fonctions peroxydes : Un proton libéré en provenance de B se recombine sur D une fois la
double liaison C D ouverte et greffée sur B
2H+
B B B B
A A A A A OOH
Si le greffon comporte des fonctions chimiques à propriétés spé-
+ 2O2 + cifiques, il confère ses propriétés au support, donnant un produit
doté de nouvelles caractéristiques.
B B
HOOA A A
Exemples :
– films et supports plastiques à propriétés modifiées (pour l’adhé-
Une première application est la dégradation du PTFE (Teflon®) sion de peinture par exemple, des plaques plastiques de microtitra-
dans le but d’obtenir une poudre présentant de bonnes propriétés de tion sur lesquelles sont fixées des molécules réactives, prêtes à
lubrification ou de réduire sa masse moléculaire et faciliter ainsi sa l’emploi et utilisées dans les tests de laboratoire) ;
micronisation dans le cadre de son recyclage. – filtres à base de membranes échangeuses d’ions ;
Une autre application est la dégradation par irradiation de la – textiles antiseptiques, antibactériens, anti-algues, antistatiques...
cellulose pour améliorer les rendements de fabrication et réduire les
volumes de solvants nécessaires dans le cadre de sa transformation
en viscose (fibre, film, enveloppe). 1.3.4 Réactions de durcissement de résines

1.3.2 Réactions de polymérisation Les rayonnements ionisants peuvent amorcer en profondeur les
réactions de durcissement de résine lors de la fabrication de
Les rayonnements ionisants peuvent amorcer la polymérisation composites à base par exemple de résines uréthanes-acrylates ou
des monomères dans le cas de polyadditions [42]. Le monomère, époxy-acrylates, même en présence de charges telles que des
porteur de fonctions insaturées telles que les fonctions allyliques fibres de carbone.
ou acryliques, peut alors polymériser en l’absence d’amorceurs
classiques de polymérisation par voie chimique (peroxydes) ou
photochimique (photoamorceurs) [41]. Réaction de condensation :

A A A
Réaction de polymérisation : B B B A
+C D
A A A B
B B + B B D D A
nA B A n A A A C C B
+C D
B B B A
A A A B
La polymérisation sous rayonnement intervient dans un nombre A
important d’applications :
– la polymérisation de couches de surface appliquées sur des
supports, au moyen d’un faisceau d’électrons de basse énergie
(pour le traitement de faibles épaisseurs, inférieure au millimètre; Ces réactions trouvent des applications dans le domaine de
l’aéronautique et de l’aérospatiale, grand utilisateur de structures
composites.
Exemples : pour le séchage de l’encre en sortie des machines
d’impression ou encore le séchage de vernis sur des lames de
bois... ;
1.3.5 Réactions de réticulation
– la polymérisation en profondeur de bois imprégné de mono-
L’ionisation va produire dans ce cas des liaisons covalentes
mères (acrylates, généralement), au moyen d’un faisceau d’élec-
entre les chaînes macromoléculaires. On parle alors de radioréti-
trons de haute énergie ou de rayons gamma (pour le traitement
culation. Elle va transformer un réseau linéaire de chaînes poly-
d’épaisseur importante, supérieure au centimètre).
mères en un réseau tridimensionnel par pontage direct des
atomes de carbone entre eux, et provoquer une augmentation du
uets à base de bois tendre, de
Exemples : pour la fabrication de parq taux de ramification et donc de la masse moléculaire moyen du
montants de menuiserie, de manches de couteaux... polymère.

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Polymérisations en chaîne
Mécanismes
par Thierry HAMAIDE

Professeur
Université Claude Bernard Lyon 1
Ingénierie des matériaux polymères, Villeurbanne, France.

Cet article est la version actualisée de l’article [J 5 830] intitulé « Polymérisation », rédigé
par Alain GUYOT et publié en 2000.

1. Définitions et notions de base .......................................................... J 5 830v2 - 2


1.1 Polymères et macromolécules................................................................. — 2
1.2 Macromolécules linéaires et réseaux...................................................... — 3
1.3 Distribution des masses molaires ........................................................... — 4
1.4 Chimies macromoléculaires..................................................................... — 4
2. Polymérisations ioniques.................................................................... — 5
2.1 Polymérisations anioniques..................................................................... — 5
2.2 Polymérisations cationiques .................................................................... — 8
3. Polymérisations radicalaires.............................................................. — 10
3.1 Construction des chaînes par voie radicalaire........................................ — 10
3.2 Cinétique de polymérisation .................................................................... — 13
3.3 Distribution des masses molaires ........................................................... — 14
3.4 Polymérisations radicalaires contrôlées ................................................. — 14
4. Copolymérisations radicalaires......................................................... — 16
4.1 Construction des macromolécules .......................................................... — 16
4.2 Diagramme de composition et dérive de composition ......................... — 17
4.3 Probabilités et microstructure des chaînes............................................. — 18
5. Conclusion............................................................................................... — 19
6. Glossaire .................................................................................................. — 19
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 5 830v2

es polymères représentent une classe de matériaux incontournables qui


L concurrence celle des matériaux traditionnels, métaux et matériaux inorga-
niques, de par une faible densité alliée à des propriétés thermomécaniques de
plus en plus élaborées, à des propriétés particulières conduisant à des applica-
tions parfois très spécifiques (polymères fonctionnels) et à une aptitude au
recyclage, du moins en ce qui concerne les matières thermoplastiques, qui
progresse d’année en année. L’industrie a produit 322 millions de tonnes en
2015, dont 58 millions pour couvrir la demande européenne. Quelques
polymères, appelés polymères de commodité, représentent la moitié de la
production. Par ailleurs, le développement de nouvelles méthodes ou procédés
de synthèse conduit à des matériaux aux propriétés, et donc à des applica-
tions, totalement nouvelles à partir des mêmes monomères.
Cet article est consacré aux mécanismes des polymérisations en chaîne
radicalaires ou ioniques, les polymérisations en chaîne catalytiques étant
traitées dans l’article [J 1 260]. Les procédés de polymérisation en chaîne
(polymérisations en milieux homogène et dispersé) sont développés dans
l’article [J 5 832].
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQW

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 5 830v2 – 1

RW
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POLYMÉRISATIONS EN CHAÎNE _______________________________________________________________________________________________________

Symbole Usuelle Définion 1.1 Polymères et macromolécules


CT Constante de transfert
Un polymère est un assemblage de macromolécules de
Dispersité (encore souvent masse molaire élevée, qui peuvent être décrites par une suc-
Ð dénommé indice de cession d’unités monomère ou d’unités de répétition issues des
polymolécularité I) monomères mis en œuvre lors de leur synthèse.

Q fi

I
Fraction molaire de l’espèce i
Indice de polymolécularité. Il
La structure chimique des unités monomère, ainsi que leur
nombre et leur arrangement dans les macromolécules permettent
convient de le nommer dispersité Ð
de comprendre les différents états physiques et les propriétés des
Constante de vitesse de polymères qui en découlent. Les polymères sont principalement
K s–1 utilisés pour l’élaboration de matériaux de structure dont les pro-
polymérisation
priétés thermomécaniques spécifiques et l’aptitude à être mis en
Constante de vitesse de forme les différencient des autres matériaux inorganiques
kd s–1 décomposition d’un amorceur (métaux, verres, céramiques).
chimique (AIBN...)

kp L · mol–1 · s–1 Constante de vitesse de propagation Note : en pratique, le terme polymère présente une signifi-
cation ambiguë puisqu’il désigne aussi bien une substance
kt L· mol–1 · s–1 Constante de vitesse de terminaison
polymère qu’une macromolécule. Le terme macromolécule
Dans une copolymérisation, fait référence à une molécule individuelle constituée d’unités
constante de vitesse de propagation monomère et le terme polymère désigne une substance
kAB L · mol–1 · s–1 constituée de macromolécules.
de la chaîne en croissance (centre
actif) A sur le monomère B On notera que dans le guide pour les monomères et les
polymères, l’agence européenne des produits chimiques,
Concentration du monomère au conformément au règlement REACH (article 3, paragraphe 5),
[M(t)] mol · L–1
temps t définit une « molécule de polymère » (soit une macromolé-
cule) comme une molécule qui contient une séquence d’au
g · mol–1 Masse molaire moyenne en nombre
moins 3 unités monomère, liées de façon covalente à au
g · mol–1 Masse molaire moyenne en masse moins une unité monomère ou un autre réactif [1].
Le terme polymère peut être utilisé sans ambiguïté comme
Mi g· mol–1 Masse molaire de l’espèce i substantif et adjectif (mélange polymère, par exemple). Les
adjectifs polymérique et monomérique n’existent pas. Il est
mi g Masse de l’espèce i préconisé de ne pas accorder monomère dans l’expression
Ni Nombre de moles de l’espèce i unités monomère, car on fait référence à des unités de type
monomère (cf. liaisons hydrogène = liaisons de type hydro-
Dans un copolymère, probabilité gène).
conditionnelle pour qu’une unité
PAB
monomère A soit suivie d’une unité
monomère B Il est d’usage de représenter une réaction de polymérisation en
faisant apparaître le(s) monomère(s) et l’unité de répétition
Rapport de réactivité du monomère (figure 1). On ne précise pas les extrémités de chaîne.
rAB A dans la copolymérisation des
deux monomères A et B Les homopolymères sont formés à partir d’un seul monomère.

Degré de polymérisation moyen en Exemple : polyéthylène, polystyrène, poly(chlorure de vinyle)...


nombre

Degré de polymérisation moyen en Dans ce cas, l’unité monomère constitue à elle seule l’unité de
masse répétition (tableau 1). L’utilisation de plusieurs monomères
conduit à des copolymères.
wi Fraction massique de l’espèce i
Exemple : copolymères à base de butadiène et de styrène (BS),
isobutène et isoprène (caoutchouc butyle), éthylène et acétate de
vinyle.
1. Définitions et notions
de base Dans ce cas, les unités monomère peuvent se distribuer de diffé-
rentes manières dans les macromolécules selon le protocole opé-
ratoire et la réactivité des monomères.
Bien que l’objet de cet article soit la synthèse macromoléculaire
par polymérisation en chaîne, il est nécessaire de définir au préa- Exemple : la figure 2 illustre la répartition des unités monomère
lable un certain nombre de termes de chimie et de physico-chimie dans un fragment de chaîne d’un copolymère statistique à base de
macromoléculaires. Les définitions de l’IUPAC, traduites en fran- styrène et d’acrylonitrile.
çais par la Commission d’enseignement du groupe français des
polymères [1] [2] sont gardées dans cet article, même si l’usage et
le monde industriel utilisent assez souvent des termes différents Il est alors souvent impossible de définir une unité de répétition,
spécifiques à chaque domaine d’application des polymères, hérités sauf si les unités monomère sont parfaitement alternées
d’anciennes nomenclatures. (copolymères alternés). L’unité de répétition est alors constituée

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n
n


a synthèse du polystyrène à partir du styrène
O
O
O H
OH HO m
m HOOC COOH + m HO
+ (2 m – 1) H2O

O
La nature des extrémités de chaînes dépend des conditions expérimentales
b synthèse du poly(éthylène téréphtalate) à partir de l’acide téréphtalique et de l’éthylène glycol

Figure 1 – Représentation générale d’une réaction de polymérisation

Tableau 1 – Exemples d’homopolymères


CN CN CN
Unité +
CN
Formule du monomère Nom du
Nom usuel
monomère (entre polymère
parenthèses) Figure 2 – Représentation générale d’un copolymère statistique
poly(styrène – co - acrylonitrile)

CH2 CH2 Éthylène Polyéthylène


n par la succession de deux unités monomère différentes. Un grand
nombre de polyesters, tel que le poly(éthylène téréphtalate) et de
polyamides, tel que le PA 6-6, en sont des exemples.
CH3 Propylène Polypropylène
CH3 n
1.2 Macromolécules linéaires et réseaux
Chlorure Poly(chlorure
Cl de vinyle de vinyle) La structure macromoléculaire peut être décrite par l’arrange-
Cl n ment des unités monomère les unes par rapport aux autres. De par
les possibles rotations autour des liaisons C—C, une macromolé-
cule de polyéthylène adopte de multiples conformations au cours
du temps. De même, un polymère peut être décrit à un instant
Styrène Polystyrène donné par une collection de multiples macromolécules présentant
toutes des conformations différentes [AM 3 037].
n On parle de macromolécules linéaires lorsque les unités mono-
mère sont toujours placées les unes à la suite des autres, quelle que
soit la conformation envisagée. Les macromolécules peuvent aussi
Acrylonitrile Polyacrylonitrile présenter des points de ramification. Les chaînes (c’est-à-dire tout
CN CN n ou partie d’une macromolécule) issues de ces points de ramification
peuvent aussi être ramifiées. Dans ces deux cas, le polymère est
F formé de macromolécules individuelles qui peuvent éventuellement
F être séparées les unes des autres par solubilisation. Soumises à des
CF2 CF2 Tétrafluoro- Polytétrafluoro- sollicitations mécaniques, ces macromolécules peuvent changer de
éthylène F éthylène conformations et se déplacer les unes par rapport aux autres par rep-
F n tation, ce qui permet au matériau polymère d’être mis et remis en
forme (matériaux thermoplastiques).

La connexion de ces ramifications les unes aux autres peut


O CH3 Acétate de n Poly(acétate conduire à la formation de structures tridimensionnelles (réseau
O CH3
vinyle de vinyle) réticulé). Il n’y a plus de macromolécules individuelles et la solu-
O bilisation du polymère est impossible, de même que sa remise en
O
forme. Les propriétés thermomécaniques dépendent non seule-
ment de la structure chimique, mais aussi du nombre de points de
réticulation et de la masse molaire entre ces points de réticulation.
Acide Poly(acide Il est d’usage de distinguer les élastomères réticulés et les réseaux
n
acrylique acrylique) thermodurs. Les structures réticulées tridimensionnelles sont
O OH O OH
détaillées dans l’article [A 3 045].

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Par définition, le degré de polymérisation X d’une macromolé-


On utilise très souvent l’appellation thermodurcissable ou cule est le nombre d’unités monomère constituant cette macromo-
résine thermodurcissable en lieu et place de thermodur. On lécule (X est la notation IUPAC officielle, mais on rencontre très
met en œuvre une résine thermodurcissable qui conduit après souvent la notation DP ). Si l’on considère un homopolymère dont
réaction chimique à un produit thermodur. Les températures la masse molaire de l’unité monomère est m0 , la masse molaire
de transition vitreuse des thermodurs sont en général supé- moyenne en nombre de ce polymère s’écrit :
rieures à la température ambiante, contrairement aux élasto-
mères.


(5)

On parle de réseau covalent lorsque les connections sont for- étant le degré de polymérisation moyen en nombre qui
mées de liaisons chimiques covalentes. Des interactions faibles se définit aussi par le rapport du nombre d’unités monomère,
(liaisons hydrogène, forces de van der Waals) peuvent aussi mener autrement dit le nombre de monomères ayant polymérisé, sur le
à un assemblage macromoléculaire non covalent. Ces réseaux nombre de macromolécules :
physiques forment des gels viscoélastiques de faible module élas-
tique qui présentent un comportement de solide lorsqu’ils sont au
repos (liquides qui ne coulent pas à l’échelle de temps de leur uti- (6)
lisation). La suppression de ces interactions conduit à des macro-
molécules individuelles. Il existe un continuum de la solution
visqueuse au gel sans frontière bien définie et la transition sol-gel Cette relation générale est particulièrement utile en synthèse
apparaît lorsque la viscosité tend vers l’infini. macromoléculaire : le nombre de macromolécules formées est fixé
par la chimie de polymérisation utilisée (polymérisation en chaîne
radicalaire ou ionique) tandis que la conversion indique le nombre
1.3 Distribution des masses molaires d’unités monomère. On a donc facilement accès au degré de poly-
mérisation moyen en nombre.
En pratique, il est impossible d’obtenir un polymère dont toutes
les macromolécules présentent exactement le même nombre
d’unités monomère, et donc ayant la même masse molaire. On Il faut noter que les propriétés des polymères dépendent
définit une masse molaire moyenne en nombre par le rapport non seulement de leur structure moléculaire et des interac-
de la masse de polymère sur le nombre de moles de tions intra- et interchaînes qui en découlent, mais aussi de
macromolécules : leurs masses molaires, tant par leur valeur moyenne que par
leur distribution. On sait déterminer expérimentalement ces
valeurs moyennes par différentes techniques analytiques, par
(1) exemple par chromatographie liquide d’exclusion stérique
(SEC), viscosité en solution diluée... [A 3 060].
Si l’on fractionne le polymère en familles de macromolécules
ayant sensiblement la même masse molaire Mi , la masse molaire
moyenne en nombre peut être écrite sous la forme : 1.4 Chimies macromoléculaires
1.4.1 Grandes chimies de polymérisation
(2)
Selon la polymérisabilité des monomères, on distingue habituel-
lement deux grands modes de chimie macromoléculaire, à savoir
la polymérisation par étapes et la polymérisation en chaîne. Les
avec mi masse de la famille de masse molaire Mi , mécanismes et les intermédiaires réactionnels sont fondamentale-
Ni nombre de moles de macromolécules de masse molaire ment différents et il est essentiel d’en connaître les bases pour
Mi , comprendre la façon dont les macromolécules se construisent [3]
fi fraction molaire de la famille de masse molaire Mi . [4] [A 3 040].

Si la masse molaire moyenne en nombre est très souvent utili- La polymérisation par étapes fait appel à des monomères au
sée pour caractériser un polymère, certaines propriétés des maté- moins difonctionnels porteurs de fonctions chimiques réactives
riaux polymères, notamment les propriétés rhéologiques, sont telles qu’alcool, acide, amine, isocyanate, époxyde... Les réactions
sensibles, non pas à la fraction molaire, mais à la fraction mas- entre ces fonctions chimiques conduisent à des entités difonction-
sique wi des populations. Par exemple, l’ajout d’une faible fraction nelles qui assurent la croissance des macromolécules par
molaire de macromolécules de masse molaire élevée dans une couplages successifs de chaînes toujours plus grandes avec libéra-
solution de polymère peut suffire à augmenter notablement la vis- tion éventuelle de molécules de faible masse molaire (eau, éthy-
cosité du système. On est ainsi amené à considérer une masse lène glycol...) (figure 3a ) [J 5 831].
molaire moyenne en masse définie par :

(3) Mj + Mk Mj+k (+L)


a par étapes

Les moyennes en masse et en nombre sont reliées par la disper-


sité Ð (appellation IUPAC, encore très souvent appelée indice de AMj• + M AMj+1

polymolécularité I) définie par : b en chaînes

(4)
Figure 3 – Polymérisation par étapes et polymérisation en chaîne

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La polymérisation en chaîne concerne principalement les olé- l’extrémité active se transfère de la chaîne macromoléculaire en
fines, les diènes conjugués, les monomères vinyliques et plusieurs croissance à une autre molécule, dite agent de transfert, qui
hétérocycles oxygénés ou azotés. La croissance des chaînes se fait devient à son tour active.
par réactions successives des molécules de monomère sur un Certaines polymérisations en chaîne peuvent aussi avoir lieu
centre actif porté par la chaîne en croissance (figure 3b ). selon un mécanisme de coordination-insertion dans une liaison
métal-carbone ou métal-oxygène. La polymérisation des oléfines
Cet article est consacré aux polymérisations en chaîne par catalyse Ziegler-Natta et métallocène (formation des PEHD,
par voies ioniques et radicalaires avec un focus particulier


PELLD, PP notamment) met en œuvre les liaisons métal-carbone.
sur ces dernières car de loin les plus pratiquées industrielle- Cet article ne traite pas de la polymérisation catalytique des
ment. oléfines [J 1 260]. Un exemple de la polymérisation par coordina-
tion-insertion des lactones est développé dans le paragraphe 2.1.1.

Les polymérisations en chaîne sont encore souvent appelées 1.4.3 Ingénierie macromoléculaire
polyadditions car le mécanisme global peut aussi être vu
comme une succession d’additions de molécules de mono- L’ingénierie macromoléculaire, ou architecture macromolécu-
mère sur un centre actif. De même, toutes les polymérisations laire, a pour objet la préparation de polymères dont la structure est
par étapes sont appelées polycondensations. La nomenclature parfaitement contrôlée. Le contrôle peut porter sur n’importe quel
officielle IUPAC distingue les polymérisations en chaîne et les élément de la structure macromoléculaire :
polymérisations par étapes. – les masses molaires et leur distribution, en particulier pour cer-
taines applications une recherche de distribution des masses
molaires étroite ;
1.4.2 Généralités sur les polymérisations – la nature des extrémités de chaîne : oligomères et polymères
en chaîne fonctionnalisés ;
– les modes d’enchaînement des motifs : copolymères à blocs,
Que l’on soit en mode ionique ou radicalaire, la construction de statistiques ;
la chaîne commence toujours par une réaction d’amorçage qui – les ramifications : polymères et copolymères greffés,
consiste en la réaction d’un centre actif, le plus souvent issu d’un copolymères peignes, voire le taux de réticulation (élastomères et
amorceur, avec une première molécule de monomère. Le centre thermodurs) ;
actif peut être un ion (anion, cation) ou un radical et nécessite – le contrôle de la stéréochimie des enchaînements (polymère
l’apport d’un amorceur dans le milieu réactionnel. La nature du isotactique ou syndiotactique).
centre actif définit le type de polymérisation (anionique, catio- D’une manière générale, le contrôle de la distribution des masses
nique, radicalaire, complexe métallique). Cette réaction d’amor- molaires passe le plus souvent par le contrôle des réactions de ter-
çage conduit à une nouvelle molécule porteuse d’un centre actif minaison des chaînes de façon à obtenir un caractère « vivant »
capable de réagir avec une autre molécule de monomère. La nou- pour le type de mécanisme considéré (§ 2.1.1). Cet adjectif est sou-
velle molécule issue de cette réaction porte aussi à son extrémité vent accolé à la polymérisation anionique. Il est plus difficile de
un centre actif capable de réagir avec une autre molécule de contrôler les polymérisations cationiques et il a fallu attendre les
monomère, et ainsi de suite. La figure 4 explicite ces trois modes années 1990 pour trouver des systèmes efficaces pour la polyméri-
de polymérisation en chaîne anionique, cationique et radicalaire sation radicalaire contrôlée (PRC). Quelques exemples d’ingénierie
d’un monomère porteur d’une double liaison polymérisable macromoléculaire sont donnés au fur et à mesure de l’article.
(dérivé vinylique...).
La construction de la chaîne se poursuit par un grand nombre de
réactions de cette nature (réactions de propagation). On appelle
chaîne cinétique une chaîne macromoléculaire constituée d’un 2. Polymérisations ioniques
certain nombre d’unités monomère et porteuse d’un centre actif à
son extrémité (extrémité active). La croissance de la chaîne peut
s’arrêter par une réaction de terminaison bimoléculaire entre 2.1 Polymérisations anioniques
deux chaînes cinétiques provoquant la destruction de ces deux
centres actifs. La croissance de la chaîne cinétique peut aussi être 2.1.1 Amorceurs et construction
interrompue par une réaction de transfert, au cours de laquelle de la chaîne macromoléculaire
Le centre actif est un carbanion ou un oxanion associé à un
contre-ion le plus souvent métallique. La polymérisation peut se
R R faire par ouverture d’une double liaison vinylique (styrène,
A A diène, méthacrylate de méthyle...) ou d’un hétérocycle (oxirane,
A R R lactone, lactame, cyclosiloxane...). Les amorceurs sont des com-
posés organométalliques tels que le butyl lithium (BuLi), le
diphénylméthane potassium, le cumyl potassium, des alcoolates
R R alcalins (éthanolate de potassium...) ou des systèmes généra-
teurs d’ions radicaux (naphtalène sodium) qui agissent par
A A
A R R transfert d’électrons. Le choix de l’amorceur dépend non seule-
ment du monomère, mais aussi de l’architecture des macromolé-
cules recherchées. La polymérisation se fait en solution dans un
R R solvant inerte vis-à-vis du centre actif (solvant aprotique tel que
A cyclohexane, tétrahydrofurane, dioxane, DMSO...).
A
A R R
La figure 5 rappelle l’ensemble des réactions élémentaires mises
en œuvre lors de la polymérisation anionique du styrène
A = centre actif issu de l’amorceur amorcée par le BuLi. En l’absence de toute autre molécule pré-
sente sous forme d’impureté ou introduite volontairement suscep-
Figure 4 – Les trois modes de polymérisation en chaîne tible de réagir avec le centre actif, les réactions de propagation se

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Polymérisations en chaîne
Procédés

par Thierry HAMAIDE
Professeur
Université de Lyon
Université Claude Bernard Lyon 1
Ingénierie des Matériaux Polymères, Villeurbanne, France

1. Caractéristiques générales des procédés


de polymérisation en chaîne .............................................................. J 5 832 - 2
1.1 Spécificités des polymérisations en chaîne............................................ — 2
1.2 Milieux homogènes et dispersés............................................................. — 2
2. Polymérisation en masse .................................................................... — 4
2.1 Polystyrène cristal et polystyréne choc (HIPS) ....................................... — 4
2.2 Polyéthylène basse densité (PE-BD) et copolymères de l’éthylène ...... — 6
2.3 Poly(méthacrylate de méthyle) (PMMA) ................................................. — 7
2.4 Polyamide 6 ............................................................................................... — 7
2.5 Polyesters et copolymères greffés par extrusion réactive .................... — 8
3. Polymérisation en solution................................................................. — 9
3.1 Polymères superabsorbants .................................................................... — 9
3.2 Caoutchouc butyle .................................................................................... — 10
3.3 Élastomères à base de diènes.................................................................. — 10
4. Polymérisation en suspension........................................................... — 11
4.1 Polymérisation du polystyrène ................................................................ — 12
4.2 Polymérisation du poly(chlorure de vinyle)............................................ — 12
5. Polymérisation en émulsion............................................................... — 13
5.1 Mécanismes............................................................................................... — 13
5.2 Contrôle de la morphologie en polymérisation en émulsion ............... — 16
6. Polymérisation en mini-émulsion ..................................................... — 17
6.1 Principe de la polymérisation en mini-émulsion.................................... — 17
6.2 Stabilité et mécanismes de la polymérisation en mini-émulsion ......... — 17
6.3 Agents hydrophobes et encapsulation ................................................... — 17
7. Conclusion............................................................................................... — 18
8. Glossaire .................................................................................................. — 19
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 5 832

es polymères synthétiques occupent une part importante dans l’industrie


L chimique et trouvent leur place dans tous les secteurs économiques. Cet
article fait suite à l’article [J 5 830] traitant des chimies de polymérisations en
chaîne par voies radicalaire et ionique et aborde la mise en œuvre de ces réac-
tions dans les principaux procédés industriels de fabrication des polymères.
L’une des spécificités des réactions de polymérisation est inhérente à la syn-
thèse de macromolécules de haute masse molaire qui peut conduire à des
milieux réactionnels visqueux limitant les échanges diffusionnels et ther-
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPQW

miques. Les procédés de polymérisation doivent ainsi être conçus de manière


à répondre à ces contraintes spécifiques. Selon les propriétés et les applica-
tions recherchées, les polymérisations s’effectuent en milieu homogène ou

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hétérogène (milieu dispersé). La polymérisation peut aussi être effectuée de


façon continue ou discontinue (opération en continu ou en batch).
Les procédés de polymérisation de l’éthylène, du styrène et du chlorure de
vinyle, sont plus particulièrement décrits. Les procédés catalytiques de poly-
mérisation des oléfines sont traités par ailleurs [J 1 260]. La polymérisation de
l’ε-caprolactame et de lactones est aussi abordée.


Cet article est consacré aux procédés de polymérisation en
Acronymes Développé chaîne par voies ionique et radicalaire. Le principe même de
la construction des macromolécules par polymérisation en chaîne
DVB Divinylbenzène implique que les réactions de propagation (croissance des
chaînes) puissent avoir lieu en limitant au maximum les autres
HIPS High Impact PolyStyrene réactions possibles des centres actifs. L’obtention de hautes
masses molaires implique donc souvent des matières premières
PBd Polybutadiène présentant des degrés de pureté élevés. Ainsi, les impuretés,
notamment les sous-produits générés lors de la synthèse des
PCL Polycaprolactone monomères, les stabilisants ajoutés pour le transport et les pro-
duits de décomposition, qui pourraient réagir avec les centres
PE-BD Polyéthylène basse densité actifs et arrêter la croissance des chaînes, doivent être éliminés
avant la polymérisation. Il en est de même avec les impuretés
Poly(methyl methacrylate) ; éventuelles dans les solvants et les gaz. Toute trace d’humidité est
PMMA
Poly(méthacrylate de méthyle) rédhibitoire pour les polymérisations ioniques et l’oxygène est un
poison pour les polymérisations radicalaires.
PS Polystyrène
L’enthalpie de polymérisation ∆Hp est généralement com-
Poly(vinyl chloride) ; poly(chlorure de prise entre 0,50 et 1,6 kJ · g–1 pour les oléfines et monomères viny-
PVC
vinyle) liques et monte jusqu’à 3,6 kJ · g–1 pour l’éthylène (tableau 1) [3].
L’une des spécificités des réactions de polymérisation étant la syn-
SBS Copolymères à blocs PS-b-PBd-b-PS thèse de macromolécules de haute masse molaire qui peuvent
conduire à des milieux réactionnels visqueux, la gestion des
TPE Thermoplastiques élastomères échanges de chaleur constitue une difficulté supplémentaire qui
participe au choix des réacteurs et des agitateurs.
Les critères de choix des réacteurs (fermé (batch),
semi-continu ou continu, agité ou non) dépendent des contraintes
industrielles (volumes, nombre de produits d’une même famille
1. Caractéristiques générales présentant des caractéristiques spécifiques à produire, complexité
des procédés de de la réaction de polymérisation, viscosité finale...). La polymérisa-
tion en milieu dispersé permet dans certains cas de s’affranchir de
polymérisation en chaîne cette augmentation de viscosité. La figure 1 reprend quelques cri-
tères de choix spécifiques aux réactions de polymérisation. La des-
cription des réacteurs de polymérisation, ainsi que la discussion
détaillée de ces critères de choix, ne sont pas développés dans cet
1.1 Spécificités des polymérisations article. Dans tous les cas, le nombre d’opérations unitaires est
limité, à savoir la préparation des monomères, la polymérisation et
en chaîne la récupération du polymère. Les effluents sont récupérés, traités
ou éliminés selon leur nature. Les meilleures techniques de pré-
La synthèse des macromolécules qui constituent les polymères vention et de réduction de la pollution sont éditées dans un docu-
repose sur deux grands types de chimies selon la nature des ment de référence de la Commission Européenne [4] et dans les
monomères mis en œuvre : la polymérisation par étapes et la poly- directives environnementales, sanitaires et sécuritaires (directives
mérisation en chaîne. Les mécanismes réactionnels sont fonda- EHS) [5].
mentalement différents et il est important d’en connaître l’essentiel
pour comprendre les bases des différents procédés de polymérisa-
tion utilisés pour la fabrication des polymères. On rappelle simple-
ment que la polymérisation par étapes fait appel à des monomères 1.2 Milieux homogènes
au moins difonctionnels porteurs de fonctions chimiques (alcool, et dispersés
acide, amine, isocyanate, époxyde...) alors que la polymérisation
en chaîne concerne principalement les oléfines, les monomères Selon les contraintes inhérentes à la polymérisation, les proprié-
vinyliques, quelques hétérocycles et nécessite la mise en œuvre tés et les applications recherchées, les polymérisations en chaîne
d’un amorceur de polymérisation. s’effectuent en milieu homogène ou en milieu dispersé, selon le
nombre de phases en présence. Par exemple, on choisit la polymé-
risation en masse pour faire des plaques de PMMA, la polymérisa-
tion en suspension pour faire des résines échangeuses d’ions, la
Se reporter aux ouvrages d’enseignement de chimie des polymérisation en émulsion pour des applications peinture en
polymères [1] [2] et à l’article [J 5 830]. phase aqueuse.

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Tableau 1 – Chaleur de polymérisation de quelques oléfines et monomères vinyliques


Masse molaire
Monomère
(g · mol–1) (kJ · mol–1) (kJ · g–1)
Éthylène 28,05 102 3,62
Propylène 42,07 84 0,50
Isobutène
Butadiène
56,11
54,09
48
73
0,86
1,35

Styrène 104,15 70 0,67
Chlorure de vinyle 62,50 96 1,54
Acétate de vinyle 86,09 88 1,02
Méthacrylate de méthyle 100,12 56 0,56
Acrylamide 71,08 79 1,12
Oxyde d’éthylène 44,105 95 2,15

Propriétés physico-chimiques
Quel polymère ? Quel(s) monomère(s) ?
des monomères ; dangerosité

Quelle chimie ? Voie radicalaire, ionique ?


Quel amorceur ? Mise en œuvre de l’amorceur

Quelles applications ? Granulés, fils, feuilles


Sous quelle forme ? Résines, Latex, Poudre

Hétérogène
Précipitation du polymère ? Procédés Homogène
Milieu dispersé de polymérisation Masse, solution ?
Suspension, émulsion ?

Quelle quantité ?

Réacteur fermé (batch)


Type de réacteur Réacteur continu (piston, agité)
Semi-continu

Équipements
Transfert de chaleur Atmosphère inerte
Agitateurs
Transfert de masse Humidité
Réfrigérant
Transfert de fluides Lumière
chauffage

Récupération du polymère
Mise en forme pour
utilisation ultérieure

Figure 1 – Quelques critères de choix pour un procédé de polymérisation en chaîne

Certains polymères sont aussi fabriqués selon différents procé- ioniques, en fonction des contraintes inhérentes à la mise en
dés pour obtenir des produits ayant des applications différentes. œuvre d’une chimie ionique. Plusieurs exemples en seront donnés
Ainsi, le polystyrène peut être polymérisé en masse ou en milieu dans cet article.
dispersé.
■ Les procédés en milieu homogène font référence à un sys-
Même si les procédés de polymérisation sont souvent décrits tème monophasique parfaitement mélangé jusqu’à l’échelle molé-
dans le cadre de la polymérisation radicalaire, il est évident que culaire. On distingue habituellement les polymérisations en masse
ces mêmes procédés peuvent aussi s’adapter aux polymérisations et les polymérisations en solution.

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Pour les polymérisations en masse, le milieu réactionnel n’est mini-émulsion à l’échelle industrielle soit limité, en particulier par
constitué que des monomères et du polymère soluble dans les la nécessité de mettre en œuvre un procédé de dispersion beau-
monomères. Il n’y a pas de solvant et les amorceurs et autres addi- coup plus énergivore que pour la polymérisation en suspension,
tifs sont tous solubles dans le milieu réactionnel. La polymérisa- ses potentialités sont importantes et abordées dans cet article.
tion peut y être rapide, mais conduit à une augmentation notable
Enfin, quel que soit le procédé utilisé, celui-ci se doit aussi d’inté-
de la viscosité et rend difficile le contrôle de la chaleur de réaction.
grer les contraintes environnementales (limitation, voire absence
de solvants, limitation de la teneur résiduelle en monomère, rejets


Exemple : considérons la polymérisation homogène de 100 g de des effluents, comme souligné dans les directives environnemen-
styrène (∆Hp = 0,67 kJ · g–1) en solution dans 400 g de toluène tales, sanitaires de la Commission européenne [4] [5]).
menée à 80 % de conversion. Si l’on suppose que la réaction est
effectuée dans des conditions adiabatiques, la chaleur Q dégagée est
égale à 100 × 670 × 0,8 = 53 600 J. Si l’on suppose une capacité
thermique massique (chaleur spécifique) moyenne de l’ensemble (sol-
vant + polymère + monomère résiduel) c = 2 J · g−1 · K−1, l’élévation
2. Polymérisation en masse
de température ∆T est telle que Q = m c ∆T, soit ∆T = 53,6 °C. Cette
élévation de température augmente la vitesse de réaction, et donc la
chaleur dégagée. 2.1 Polystyrène cristal et polystyrène
choc (HIPS)
Dans le cas des polymérisations radicalaires, l’approximation de
l’état quasi-stationnaire est plus difficile à respecter dans la
mesure où la diffusion des macroradicaux nécessaire pour assurer Le polystyrène est un polymère de commodité que l’on
les réactions de terminaison bimoléculaires devient de plus en trouve sous plusieurs formes, notamment le polystyrène cristal
plus lente de par l’augmentation notable de la viscosité. L’énergie développé pour ses propriétés optiques, le polystyrène choc
d’activation de la réaction de décomposition de l’amorceur est qui incorpore du polybutadiène afin d’améliorer sa résistance
souvent la plus importante, d’où la plus grande sensibilité de cette au choc, le polystyrène expansé et les résines échangeuses
réaction à la température. Une variation de température entraîne d’ions.
l’élargissement de la distribution des masses molaires. Enfin, à
conversion élevée, il est nécessaire de maintenir une température
de réaction supérieure à la température de transition vitreuse ou Parmi toutes ces formes, seul le PS cristal est effectivement
de cristallisation du polymère. obtenu par polymérisation radicalaire en milieu homogène dans la
mesure où l’on observe un milieu monophasique tout au long de
Le PE-BD et ses copolymères, le PS, le PMMA, de même que la la réaction. Les points essentiels de l’élaboration du PS cristal sont
production du PA-6, sont élaborés par ce procédé. Le cas particulier rappelés ci-après.
des procédés de polymérisation en masse des lactones (lactide,
ε-caprolactone) par extrusion réactive est aussi abordé dans cet
article. Pour plus de détails, se reporter aux articles Polystyrène-
Polymérisation en continu [J 6 550] et Polystyrène [AM 3 340].
Les polymérisations en solution requièrent un solvant des
monomères et du polymère formé. La dilution permet de limiter
l’augmentation de viscosité et favorise d’autant l’échange ther- ■ Le styrène présente une enthalpie de polymérisation élevée
mique avec l’extérieur. Le système reste liquide même à haute (670 J · g–1). La polymérisation est effectuée en continu dans une
conversion dans la plupart des cas. Les cinétiques de polymérisa- série de réacteurs travaillant à températures croissantes de 120 à
tion suivent les mêmes lois que les polymérisations en masse, 180 °C (figure 2) [AM 3 340]. On peut aussi ajouter au milieu réac-
mais sont ralenties de par la dilution des espèces actives et des tionnel une petite quantité d’éthylbenzène (précurseur du styrène)
monomères. Les inconvénients résident dans la toxicité de certains de façon à abaisser la viscosité et favoriser les échanges ther-
solvants organiques, le coût de la séparation du solvant et la diffi- miques (procédé masse-solution). La polymérisation est effectuée
culté d’éliminer totalement celui-ci du polymère (contamination du en continu dans une série de réacteurs agités ou dans un réacteur
polymère par des traces de solvant). de type piston. La conversion dépasse les 80 % et le monomère
résiduel est éliminé sous vide à 230 °C, puis recyclé. Après dévola-
■ Dans les procédés hétérogènes (polymérisation en milieu dis- tilisation, le polymère est repris dans une extrudeuse pour être mis
persé), l’eau est le plus souvent le milieu continu ; les monomères sous forme de granulés. La masse molaire moyenne en nombre
et les polymères sont dispersés dans l’eau (dispersion « directe » est de l’ordre de 105 g/mol. Ce polystyrène, dit cristal car trans-
huile dans eau : H/E). Lorsque la phase continue est de nature parent, est amorphe (sans phase cristalline) avec une température
organique, on parle de dispersion « inverse » eau dans huile : E/H. de transition vitreuse de 100 °C. Les granulés de PS sont ensuite
Les procédés en milieu dispersé permettent de contrôler plus faci- mis en œuvre par moulage par injection ou extrusion.
lement la température du milieu réactionnel par échange de la cha-
leur de réaction avec la phase continue et de limiter fortement la
■ Le PS cristal reste un matériau fragile. Ses propriétés mécaniques
peuvent être adaptées aux besoins par addition de nodules élasto-
viscosité globale du milieu réactionnel. Ils permettent aussi de
mères à base de polybutadiène. Le PS choc HIPS (High Impact PS ),
récupérer en fin de réaction les produits sous une forme qui se
est obtenu par polymérisation en masse du styrène dans lequel des
prête davantage à leur application finale que ne l’autorisent les
particules de polybutadiène (environ 6 % en masse) ont été préala-
procédés en milieu homogène. Par exemple, les résines échan-
blement dissoutes ou gonflées. On peut ajouter un solvant pour
geuses d’ions et les liants polymères des peintures « à l’eau » sont
diminuer la viscosité et un agent de transfert pour limiter les masses
élaborés par polymérisation en milieu dispersé.
molaires si besoin. Le milieu est initialement homogène et le reste
Selon la taille des objets dispersés dans la phase continue, on jusqu’à environ 2 % de conversion. Le polystyrène formé et le poly-
classe les milieux dispersés de la suspension à la microémul- butadiène sont incompatibles : il se forme une émulsion de
sion, en passant par l’émulsion et la mini-émulsion. L’industrie polymères constituée d’une phase continue de PBd en solution dans
utilise essentiellement les deux procédés de polymérisation en le styrène et une phase dispersée de PS en solution dans le styrène.
suspension et en émulsion conventionnelle (macroémulsion). Bien Les domaines dispersés sont stabilisés par des copolymères greffés
que le développement du procédé de polymérisation en PBd-g-PS, formés en même temps que les macromolécules de PS,

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J 5 832 – 4

SV
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jUXSR

________________________________________________________________________________________________________ POLYMÉRISATIONS EN CHAÎNE

E4 Éthylbenzène + styrène à recycler


P10
P11
Eau
Eau


E3

Eau

R3

D1
P6 D2
R1
E2
B
E1 R2

H P7
P4 P5 P8

G F
P9
Polybutadiène

I Polystyrène
C
Air (vers stockage) Fluide
V caloporteur
A Styrène

P3 P2 P1

A bac de stockage de la dissolution E1 et E2 échangeurs de chaleur P1 pompe centrifuge


de polybutadiène dans le styrène E3 et E4 condenseurs P2 à P9 pompes à engrenages
B bac de recyclage et d'alimentation F fillière P10 et P11 pompes à vide
C cuve de dissolution du polybutadiène G granulateur R1, R2 et R3 réacteurs de polymérisation
dans le styrène H filtre V compresseur
D1 et D2 dévolatiliseurs I broyeur

Figure 2 – Procédé de polymérisation en masse du polystyrène [AM 3 340]

qui stabilisent les domaines dispersés en se plaçant aux interfaces donc influe directement sur les propriétés physico-chimiques du
et en diminuant les tensions interfaciales. matériau final.
Le styrène de la phase PS-styrène continue à polymériser et le
volume de la phase dispersée augmente jusqu’à une inversion de Il y a une différence majeure entre les émulsions conven-
phase qui apparaît entre 10 et 20 % de conversion : la phase tionnelles (type H/E) et les émulsions de solutions de
PBd-styrène devient la phase dispersée dans une phase styrène-PS polymères. Dans le premier cas, les deux phases en présence
continue. Le styrène de la phase dispersée PBd-S continue à poly- sont de polarités très différentes et l’immiscibilité résulte de
mériser et entraîne une nouvelle démixtion avec formation d’occlu- l’incompatibilité entre ces deux phases. Dans les émulsions de
sion PS-S dans cette phase. La polymérisation du styrène solutions de polymères, le solvant est le même dans les deux
augmente la taille de ces occlusions et fait apparaître d’autres phases et l’immiscibilité des liquides est la conséquence de
occlusions (lors de l’inversion de phase, le styrène solubilisant le l’incompatibilité des deux polymères en solution. Les molé-
PBd entraîne aussi un peu de PS). La figure 3 [6] [J 5 830] donne cules de solvant peuvent passer librement d’une phase à
une idée de l’évolution du système. l’autre. Dans le cas du PS choc, c’est la polymérisation du sol-
Tout au long de ce processus, la quantité de copolymère vant (le styrène) qui conduit in fine à un matériau ayant les
PBd-g-PS formé gère le nombre et la distribution de taille des propriétés mécaniques recherchées. On note aussi le rôle fon-
domaines dispersés, tant les nodules de PBd dans la phase conti- damental du copolymère greffé PBd-g-PS dans la structure
nue de PS que les occlusions de PS dans les nodules de PBd, et finale du matériau (structure en « salami »).

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J 5 832 – 5

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Réacteurs homogènes
de polymérisation radicalaire
Conception et fonctionnement Q
par Alain DURAND
Professeur à l’université de Lorraine
Laboratoire de chimie physique macromoléculaire, CNRS, Université de Lorraine, Nancy,
France
Sandrine HOPPE
Chargée de recherche au CNRS
Laboratoire réactions et génie des procédés, CNRS, Université de Lorraine, Nancy, France
Dimitrios MEIMAROGLOU
Maître de conférences à l’université de Lorraine
Laboratoire réactions et génie des procédés, CNRS, Université de Lorraine, Nancy, France
Christophe SERRA
Professeur à l’université de Strasbourg
Institut Charles Sadron, CNRS, Université de Strasbourg, Strasbourg, France
Rabih RACHET
Responsable de l’équipe procédés
Solvay, Lyon, France
et James WILSON
Responsable recherche et innovation Synthèse de polymères
Solvay, Aubervilliers, France

1. Les polymères en tant que « produits de procédés » ................... AF 6 046 - 2


1.1 Spécificités des polymères......................................................................... — 2
1.2 Description d’une installation de production de polymère
et de ses performances .............................................................................. — 3
1.3 Description des caractéristiques structurales des macromolécules....... — 3
1.4 Moments de la population de macromolécules et de macroradicaux....... — 4
2. Schéma cinétique. Distribution « instantanée » des degrés
de polymérisation.................................................................................... — 6
2.1 Schéma cinétique d’une polymérisation radicalaire en milieu
homogène.................................................................................................... — 6
2.2 Limitations diffusionnelles et viscosité du milieu réactionnel ................ — 12
2.3 Vitesse de polymérisation .......................................................................... — 13
2.4 Distribution « instantanée » ou « locale » des degrés
de polymérisation ....................................................................................... — 15
3. Réacteurs de polymérisation. Distribution « cumulée »
des longueurs de chaînes...................................................................... — 17
3.1 Réacteurs « idéaux »................................................................................... — 17
3.2 Réacteurs « réels » ...................................................................................... — 21
4. Analyse dimensionnelle d’un réacteur homogène et isotherme
de polymérisation.................................................................................... — 22
4.1 Réacteur continu ......................................................................................... — 23
4.2 Réacteur semi-fermé en entrée.................................................................. — 25
5. Conclusion sur la méthodologie générale........................................ — 27
6. Glossaire .................................................................................................... — 27
7. Sigles, notations et symboles.............................................................. — 28
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AF 6 046
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPRP

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SY
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RÉACTEURS HOMOGÈNES DE POLYMÉRISATION RADICALAIRE ______________________________________________________________________________

a polymérisation radicalaire est utilisée pour produire une très grande


L variété de polymères (de commodité, techniques ou de spécialité), tant à
l’échelle du laboratoire qu’à l’échelle industrielle. Dans un procédé de fabrica-
tion de polymère, le rôle du réacteur de polymérisation est essentiel puisque
c’est lui qui est responsable des caractéristiques structurales des macro-
molécules produites et qu’il est très difficile de les modifier ultérieurement. Les
polymères sont ainsi dénommés « produits de procédés » du fait du lien étroit

Q existant entre leurs propriétés d’application et les conditions dans lesquelles ils
sont produits. L’ingénieur doit donc aborder les questions habituelles du génie
de la réaction chimique (conception, transposition, extrapolation, optimisation
d’un réacteur de polymérisation) en intégrant toutes les conséquences de cette
spécificité.
L’objectif de cet article est de faire le point des connaissances nécessaires
tant en ce qui concerne la polymérisation radicalaire que la description des
réacteurs, en se concentrant sur les procédés impliquant un milieu réactionnel
monophasique (homogène). Il s’agit donc d’un état de l’art général. Les infor-
mations fournies doivent permettre au lecteur de développer une approche
quantitative pertinente adaptée à des cas particuliers de réacteurs et de mono-
mères. Les critères de performance d’un réacteur de polymérisation sont
définis tant en quantité qu’en qualité du polymère produit à partir d’une des-
cription des caractéristiques structurales des macromolécules. Le schéma
cinétique d’une polymérisation radicalaire en milieu monophasique est ensuite
décrit en détail ainsi que les expressions des vitesses des processus élémen-
taires. Les approximations usuelles sont présentées et leur validité est
discutée. La nécessité d’une connaissance précise des processus élémentaires
se déroulant dans le réacteur est soulignée. La prise en compte du choix de
réacteur sur le polymère produit est présentée en utilisant la méthode des
moments, les modèles classiques de réacteurs idéaux, les bilans de matière
(réactifs et macromolécules) et le bilan enthalpique sur le réacteur. L’extension
à des réacteurs non idéaux est abordée. Enfin, l’analyse dimensionnelle d’un
réacteur de polymérisation permet de dégager les paramètres importants pour
l’extrapolation et la transposition des résultats.

1. Les polymères en tant que comportement rhéologique de solutions de polymère… De ce fait, les
polymères sont dénommés « produits du procédé ». Ainsi l’obtention
« produits de procédés » d’un polymère avec des propriétés visées implique une certaine
conception du procédé de polymérisation et un choix des conditions
de fonctionnement. Inversement, pour un procédé de polymérisa-
tion donné, une modification (volontaire ou accidentelle) dans la
1.1 Spécificités des polymères technologie (type de réacteur, etc.) ou dans les conditions opéra-
toires (température, etc.) entraîne nécessairement une modification
Un polymère est constitué d’un ensemble de macromolécules qui des caractéristiques structurales du polymère fabriqué et donc de
comportent plusieurs milliers d’atomes liés entre eux via des liaisons ses propriétés.
covalentes. La structure des macromolécules peut être décrite comme
La méthodologie d’étude et de conception des réacteurs indus-
consistant en l’enchaînement (via des liaisons covalentes) de certains
triels de polymérisation se fonde sur les concepts du génie de la
groupes d’atomes (appelés unités de répétition) qui se répètent à de
réaction chimique, en y ajoutant des variables relatives aux carac-
très nombreuses reprises (entre quelques dizaines et quelques
téristiques structurales des macromolécules produites et en inté-
dizaines de milliers). Les macromolécules peuvent être linéaires,
grant les spécificités des réactions de polymérisation [2] [3] [4] [5]
ramifiées voire réticulées. Un polymère est donc assimilable à une
[6] [7] [8] [9].
population de macromolécules différant par leurs caractéristiques
chimiques (nature et nombre des unités de répétition, ramifications…) Dans ce qui suit, nous nous concentrerons sur les réacteurs de
et dont on peut considérer qu’elles couvrent des intervalles de polymérisation radicalaire dans lesquels le milieu réactionnel est
valeurs. En conséquence, les polymères sont des produits à caracté- monophasique et incompressible à l’échelle où se déroulent les
ristiques distribuées. Cette distribution de caractéristiques structurales processus chimiques. Les résultats s’appliqueront aux procédés
dépend des conditions dans lesquelles le polymère a été synthétisé à de polymérisation en masse, en solution et, sous certaines hypo-
savoir le mécanisme de la réaction de polymérisation, les variables thèses, en suspension. Nous envisagerons les réactions d’homo-
opératoires du réacteur (température, pression, concentrations des polymérisation (monomère unique) essentiellement avec un
réactifs…), le type de réacteur utilisé (continu ou discontinu, parfaite- amorceur produisant des radicaux par rupture homolytique d’une
ment agité ou à écoulement piston…) et les autres opérations uni- liaison covalente activée par la température. À l’aide de concepts
taires du procédé industriel (dévolatilisation, précipitation…). Tous du génie de la réaction chimique et de la chimie macromolécu-
ces aspects ont un impact sur les propriétés physico-chimiques du laire nous présenterons une méthodologie générale d’étude des
polymère [1] : comportement thermomécanique, stabilité thermique, réacteurs de polymérisation radicalaire en milieu homogène.

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1.2 Description d’une installation 1.3 Description des caractéristiques


de production de polymère structurales des macromolécules
et de ses performances La longueur, l’architecture et la nature chimique des chaînes sont
des variables au sein de la population de macromolécules. Pour un
Les installations de production de polymère sont assimilées à homopolymère (seul cas envisagé ici), les notions « d’unité mono-
un ou plusieurs réacteurs associés en série ou en parallèle. Nous mère » et « d’unité de répétition » sont confondues et nous utilise-
ne considérerons pas l’impact d’autres opérations industrielles rons ce dernier terme dans la suite [10]. Chaque macromolécule
sur les caractéristiques du polymère produit (dévolatilisation,
fractionnement…). Les modèles classiques de réacteurs idéaux
peuvent être utilisés pour les réacteurs de polymérisation
d’un homopolymère comporte un seul type d’unité de répétition et
est donc caractérisée par cinq grandeurs :
– le nombre d’unités de répétition qu’elle contient, noté x ;

(figure 1). – le nombre de branchements courts (moins d’une dizaine
d’atomes de carbone) rapporté au nombre d’unités de répétition,
Les performances d’une installation doivent être évaluées par
noté SCB ;
des critères définissant la quantité et la qualité du polymère pro-
– le nombre de branchements longs (plusieurs dizaines d’unités
duit :
de répétition) rapporté au nombre d’unités de répétition, noté
– la productivité, la masse de polymère produit par unité de LCB ;
temps et de volume de milieu réactionnel ; – les nombres de liaisons doubles terminales et internes rappor-
tés au nombre d’unités de répétition, notés TDB et IDB.
– la teneur résiduelle en monomère, définie par exemple comme
le rapport des quantités de monomère et de polymère dans le flux Le nombre de macromolécules comportant x unités de répéti-
de sortie (réacteurs ouverts) ou à la fin de l’opération de poly- tion est noté Nx. La fraction molaire (respectivement massique) de
mérisation (réacteurs fermés ou semi-fermés) ; macromolécules comportant x unités de répétition par rapport à
l’ensemble des macromolécules sera notée fx (respectivement wx)
– les caractéristiques structurales moyennes des macromolé- (équations (1) et (2)).
cules présentes dans le flux de sortie (réacteurs ouverts) ou à la
fin de l’opération de polymérisation (réacteurs fermés ou semi-
(1)
fermés).

Les deux premiers critères se déduisent du taux de conversion


du monomère atteint dans le réacteur. Le troisième critère néces- (2)
site de qualifier les macromolécules.

FM
FM FI
nM e
nP
FI Qe FTX
e
nS
nI nTX FTX FS
V e V
FS FP
e

a fermé b continu parfaitement agité

Qe FM
FM dV
e FI
FI FM
e Qe
e FTX
FTX nM FI
nP e
e FP
FS FTX
nS e
e nTX FS
nI V FS
e

c semi-fermé en entrée d continu à écoulement piston

En grisé sont indiqués les volumes réactionnels (V et dV) sur lesquels des bilans
(intégraux ou différentiels) sont effectués et qui sont supposés homogènes en
composition et température.
FM , FI , FTX et FS sont les débits molaires en entrée de monomère, amorceur,
e e e e
agent de transfert et solvant (respectivement).
FM, FI, FTX, FS et FP sont les débits molaires en sortie de monomère, amorceur,
agent de transfert, solvant et macromolécules (respectivement).
nM, nI, nTX, nS et nP sont les quantités de monomère, amorceur, agent de
transfert, solvant et macromolécules (respectivement).
Qe est le débit volumique en entrée.

Figure 1 – Modèles de réacteurs « idéaux » utilisés pour représenter les réacteurs de polymérisation

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Une description complète de la distribution des caractéristiques branchements longs, liaisons doubles terminales et internes par
structurales au sein de la population de macromolécules nécessite macromolécule peuvent être calculés en faisant le produit de
de connaître aussi précisément que possible la topologie des , , et avec (respectivement). Parfois ce sont
macromolécules ainsi que la variation (discrète ou continue) de x, des nombres moyens pour 1 000 atomes de carbone qui sont utili-
SCB, LCB, TDB et IDB avec Nx. Ceci nécessite de faire appel à des sés [15].
méthodes mathématiques qui se répartissent globalement en
deux catégories, les méthodes stochastiques et les méthodes Ces caractéristiques structurales sont en lien avec les propriétés
déterministes.[11] [12]. À défaut, des valeurs moyennes des carac- des polymères obtenus. Brièvement , , et ont un

Q téristiques structurales constituent des informations précieuses effet sur le volume hydrodynamique moyen des macromolécules
même si elles peuvent être insuffisantes pour interpréter certaines donc notamment sur les propriétés thermomécaniques des maté-
propriétés. Ces valeurs moyennes peuvent être obtenues en utili- riaux (cristallinité, comportement rhéologique…) alors que ,
sant des méthodes plus accessibles telles que la méthode des , et vont plutôt avoir un impact sur leur stabilité
moments (qui sera décrite dans ce qui suit). (thermique, chimique, photochimique…) [1] [16] [17] [18] [19].
Pour x, nous définirons le degré de polymérisation moyen en
nombre et le degré de polymérisation moyen en masse 1.4 Moments de la population
(équations (3) et (4)). de macromolécules
et de macroradicaux
(3)
Les moments sont des auxiliaires de calcul permettant d’accé-
der aux caractéristiques structurales moyennes des macromolé-
cules (tableau 1). La méthode des moments est une méthode
(4) déterministe qui ne conduit qu’à des grandeurs moyennes mais
qui présente l’avantage d’une mise en œuvre assez directe à partir
des bilans de matière et du bilan enthalpique sur le réacteur [20].
(5) Elle peut être considérée comme une première approche visant à
cerner des tendances. Ici nous utiliserons uniquement des
moments normés (μk et λk) dans un but de simplification des écri-
À partir de ces deux grandeurs moyennes, il est habituel de cal- tures. Dans la littérature certains auteurs utilisent d’autres défini-
culer la dispersité (Ð, équation (5)). La valeur de ne dépend tions des moments dans lesquelles ces derniers ont des unités de
que des nombres d’unités de répétition et de macromolécules concentrations molaires [15] [20] [21].
dans l’échantillon de polymère et n’apporte qu’une information
partielle sur la distribution des longueurs de chaînes du polymère.
La valeur de dépend directement de la répartition des unités 1.4.1 Définition
de répétition au sein des macromolécules. La connaissance de
et est donc l’information minimale requise pour avoir une pre- Le moment normé d’ordre k de la distribution en nombre des
mière idée de la distribution des longueurs de chaînes du degrés de polymérisation, noté μk, est défini à partir des effectifs
polymère. La valeur de Ð est une indication de l’amplitude de la de la population de macromolécules (équation (10)) :
variation du degré de polymérisation au sein de la population [10]
[13] [14].
Des valeurs moyennes peuvent aussi être calculées pour les (10)
autres caractéristiques structurales (équations (6), (7), (8) et (9)).
Les moments μk sont sans dimension, croissent avec k pour une
population donnée et sont tels que μ0 = 1.
(6) De façon similaire, il est possible de définir les moments nor-
més d’ordre k de la population des macroradicaux, notés λk (équa-
tion (11)) :
nbre de branchements longs contenus ds le polymère
nbre d’unités de répétition contenues ds le polymère (11)
(7)

Dans l’équation (11) Rx est la quantité de radicaux contenant un


nombre d’unités de répétition égal à x.
nbre de liaisons doubles terminales contenues ds le polymère
Les moments λk sont eux aussi sans dimension et tels que λ0 = 1.
nbre d’unités de répétition contenues ds le polymère Leur utilisation est nécessaire lorsque des macromolécules rami-
(8) fiées sont produites durant la polymérisation (cf. § 2.4) [20] [21].

1.4.2 Équation de mélange de populations


nbre de liaisons doubles internes contenues ds le polymère de macromolécules
nbre d’unités de répétition contenues ds le polymère
(9) Considérons deux populations de macromolécules (A et B),
caractérisées par leurs effectifs NA et NB (quantités molaires) et
leurs moments d’ordre k, μkA et μkB. Ces populations sont mélan-
gées en système fermé (figure 2) pour former une population C
La connaissance de , , , , et permet, en avec son effectif NC (= NA + NB) et ses moments notés μkC. D’après
première approche, de décrire globalement la population de la définition précédente (équation (10)) il vient directement que,
macromolécules. Les nombres moyens de branchements courts, pour toutes les valeurs de k, les moments μkC se déduisent de ceux

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Tableau 1 – Relation entre les moments normés et les caractéristiques structurales moyennes
des macromolécules

Caractéristique
Équation
structurale Définition Réacteur
de calcul
moyenne

Degré de polymérisation moyen en nombre



Degré de polymérisation moyen en masse Quelconque

Ð Dispersité

Fermé ou semi-fermé
en entrée

Ouvert

Fermé ou semi-fermé
en entrée

Ouvert

Fermé ou semi-fermé
en entrée

Ouvert

Fermé ou semi-fermé
en entrée

Ouvert

des deux populations initiales via une combinaison linéaire pondé- admis suffisamment faibles pour que les conditions de réaction
rée par les effectifs de chacune (équation (12)). soient invariantes (distribution « instantanée » ou « locale »).

(12) (14)

Une expression équivalente (équation (13)) s’obtient si le mélange


est effectué en système ouvert (figure 2). (15)

(13)
(16)
Dans l’équation (13) FPA et FPB sont les débits molaires de macro-
molécules circulant dans les courants d’entrée. Il est facile
d’étendre les deux équations précédentes au mélange d’un nombre
(17)
quelconque de populations. De façon similaire, les équations (12) et
(13) sont facilement généralisées (équations (14), (15), (16) et (17))
au cas du mélange de populations de macromolécules produites Dans ces expressions, ri est la vitesse du processus i (en mol.m–3.s–1),
par p différents processus chimiques avec une population A initiale- νi est le coefficient stœchiométrique des macro-molécules dans ce
ment présente dans un système fermé (ou entrant dans un système processus, Δt est l’intervalle de temps (en s) et ΔV l’élément de
ouvert). L’intervalle de temps Δt et le volume élémentaire ΔV sont volume réactionnel considéré (en m3).

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2. Schéma cinétique.
NA
μ1A, μ2A
NB
μ1B, μ2B
Distribution « instantanée »
NC
des degrés de polymérisation
μ1C, μ2C


2.1 Schéma cinétique
a en réacteur discontinu d’une polymérisation radicalaire
en milieu homogène

FPA 2.1.1 Hypothèses et approximations usuelles


μ1A, μ2A FPC
Nous nous limiterons aux monomères possédant une seule liai-
FPB μ1C, μ2C
son double carbone-carbone réactive en polymérisation radicalaire.
μ1B, μ2B Le schéma cinétique type le plus général comporte sept types de
processus chimiques : amorçage, propagation, dépropagation, ter-
b en réacteur continu
minaison, transferts intermoléculaires, transfert intramoléculaire/
NA, NB et NC sont les nombres totaux de macromolécules dans les migration et β-scission (tableau 2). La présence d’oxygène, d’impu-
populations A, B et C (respectivement). retés contenues dans les réactifs ou encore d’inhibiteurs présents
FPA, FPB sont les débits molaires en entrée des macromolécules des dans les monomères commerciaux est à l’origine de réactions para-
populations A et B (respectivement). sites supplémentaires qui ne sont pas considérées ici mais qui
FPC est le débit molaire en sortie des macromolécules de la population C. peuvent, en pratique, causer des difficultés.
μ1A, μ1B, μ1C, μ2A, μ2B et μ2C sont les moments d’ordre 1 et 2 des distribu- Le déroulement de la polymérisation est sous « contrôle ciné-
tions en nombre des degrés de polymérisation des populations A, B et C tique », c’est-à-dire que ce sont les processus les plus rapides qui
(respectivement). impriment la tendance majoritaire aux caractéristiques structu-
rales des macromolécules produites (tableau 2). Tous les proces-
sus élémentaires se déroulent simultanément et sont, selon les
Figure 2 – Mélange de différentes populations de macromolécules cas, indépendants, consécutifs ou concurrents [22].
Les caractéristiques structurales (branchements courts ou
longs et liaisons doubles terminales ou en milieu de chaîne) sont
À retenir traitées formellement comme des espèces chimiques (notées res-
pectivement scb, lcb, tdb et idb) qui sont produites ou consom-
– Un polymère est une population de macromolécules aux mées par certains processus. Elles ne sont donc pas intégrées
caractéristiques structurales distribuées. dans une description détaillée de l’architecture des macromolé-
– Pour un homopolymère, chaque macromolécule est carac- cules. Ceci présente l’avantage de considérablement simplifier les
térisée par ses nombres d’unités de répétition, de branche- calculs mais au prix de n’avoir accès qu’à des grandeurs
ments courts/longs et de liaisons doubles terminales/internes. moyennes (cf. § 1.3). Enfin, du fait des simplifications opérées, il
– Les performances d’un réacteur de polymérisation s’éva- existe des indéterminations sur la nature de certaines caractéris-
luent en quantité et en qualité du polymère produit. tiques structurales formées ou consommées par des processus
– Les moments de la distribution des nombres d’unités de élémentaires. Des hypothèses simplificatrices devront être faites
répétition peuvent être évalués par une approche déterministe. au cas par cas.

Tableau 2 – Schéma cinétique détaillé d’une homopolymérisation


avec un amorçage « chimique » ou « thermique »
Vitesse
Processus élémentaire Équation
[mol de processus élémentaire. m–3.s–1]
Dissociation de l’amorceur I → 2 PR• rd = kd [I]
Dissociation de l’amorceur par réaction redox I + A → 2 PR• rd = kd [I][A]
Décomposition thermique du monomère 3 M → 2 PR• rth = kth [M]3
Formation des premiers radicaux
PR• + M → M• ou M1• ra = ka [PR•][M]
propageants

M1• + M → M – M• ou M2• rp1 = kp1 [M1•][M]


Propagation M2• + M → M3• rp2 = kp2 [M2•][M]
Mi• + M → Mi+1• rpi = kpi [Mi•][M] pour tous les i ≥ 3
Propagation avec un centre actif rp3i = kp3i [Mz• – Mi–z][M]
Mz• – Mi–z + M → Mi+1•
au sein de la chaîne pour tous les i et z ≤ i

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______________________________________________________________________________ RÉACTEURS HOMOGÈNES DE POLYMÉRISATION RADICALAIRE

Tableau 2 – Schéma cinétique détaillé d’une homopolymérisation


avec un amorçage « chimique » ou « thermique » (suite)
Vitesse
Processus élémentaire Équation
[mol de processus élémentaire. m–3.s–1]
Propagation avec une liaison double
terminale Mi• + M=j → Mj• – Mi rdbij = kdbij [Mi•][M =j] pour tous les i et j
(création d’un branchement long)
Propagation d’un centre actif au sein
de la chaîne avec une liaison double terminale Mz• – Mi–z + M=j → Mj• – Mi
rdb32ij = kdb32ij [Mz• – Mi–z][M =j]

pour tous les i, j et z ≤ i
(création d’un branchement long)
Propagation avec une liaison double interne
rdb23ij = kdb23ij [Mi•][M=z – Mj–z]
(création de deux branchements Mi• + M=z – Mj–z → Mi+z• – Mj–z
pour tous les i, j et z ≤ i
longs/courts)
Propagation d’un centre actif au sein
rdb33ij = kdb33ij [Mz• – Mi–z][M=q – Mj–q]
de la chaîne avec une liaison double interne Mz• – Mi–z + M=q – Mj–q → Mq• – Mi+j–q
pour tous les i, j, q ≤ j et z ≤ i
(création de deux branchements longs/courts)

Dépropagation Mi+1•→ Mi•+ M rdpi = kdpi [Mi+1•] pour tous les i

Terminaison par combinaison Mi• + Mj• → Mi+j rtcij = ktcij [Mi•][Mj•] pour tous les i et j
Terminaison par combinaison
rtc33ij = ktc33ij [Mz• – Mi–z][Mq• – Mj–q]
avec des centres actifs situés au sein Mz• – Mi–z + Mq• – Mj–q → Mi+j
pour tous les i, j, z et q
des chaînes
Terminaison par combinaison avec deux types rtc23ij = ktc23ij [Mz• – Mi–z][Mj•]
Mz• – Mi–z + Mj• → Mi+j
de centres actifs pour tous les i, j et z
Terminaison par dismutation
Mi• + Mj• → M=i + Mj rtdij = ktdij [Mi•][Mj•] pour tous les i et j
(création d’une liaison double terminale)
Terminaison par dismutation avec des centres
actifs au sein des chaînes (création d’une liaison
Mz• – Mi–z + Mq• – Mj–q → M=z – Mi–z + Mj rtd33ij = ktd33ij [Mi•][Mj•] pour tous les i, j, z et q
double interne et suppression de deux
branchements longs/courts)
Terminaison par dismutation avec deux types
de centres actifs (création d’une Mz• – Mi–z + Mj• → Mi + M=j rtd23ij = ktd23ij [Mz• – Mi–z][Mj•]
liaison double terminale/interne Mz• – Mi–z + Mj• → M=z – Mi–z + Mj pour tous les i, j et z
et suppression d’un branchement long/court)
Terminaison avec un des réactifs de l’amorçage Mi• + I → Mi+j rtIi = ktIi [Mi•][I] pour tous les i
redox (suppression d’un branchement
court/long pour chaque mcR• consommé) Mz• – Mi–z + I → Mi rtI3i = ktI3i [Mi•][I] pour tous les i

Terminaison avec un des réactifs de l’amorçage Mi• + A → Mi+j rtAi = ktAi [Mi•][A] pour tous les i
redox (suppression d’un branchement
court/long pour chaque mcR• consommé) Mz• – Mi–z + A → Mi rtA3i = ktA3i [Mi•][A] pour tous les i

Mi• + I → Mi + PR• rtrIi = ktrIi [Mi•][I] pour tout les i
Transfert à l’amorceur
Mi• + A → Mi + PR• rtrAi = ktrAi [Mi•][A] pour tout les i
Transfert à l’amorceur avec un centre actif Mz• – Mi–z + I → Mi + PR• rtrI3i = ktrI3i [Mz• – Mi–z][I] pour tout les i et z
au sein de la chaîne (suppression
d’un branchement long/court) Mz• – Mi–z + A → Mi + PR• rtrA3i = ktrA3i [Mz• – Mi–z][A] pour tout les i et z

Transfert au monomère (création d’une liaison


Mi• + M → M=i + M1• rtrMi = ktrMi [Mi•][M] pour tout les i
double terminale)
Transfert au monomère avec un centre actif
au sein de la chaîne (création d’une liaison rtrM3i = ktrM3i [Mz• – Mi–z][M]
Mz• – Mi–z + M → Mz= – Mi–z + M1•
double interne et suppression d’un branchement pour tout les i et z
long/court)
Transfert au solvant Mi• + S → Mi + PR• rtrSi = ktrSi [Mi•][S] pour tout les i
Transfert au solvant avec un centre actif au sein
de la chaîne (suppression d’un branchement Mz• – Mi–z + S → Mi + PR• rtrS3i = ktrS3i [Mz• – Mi–z][S] pour tout les i et z
long/court)
Transfert à la molécule TX Mi• + TX → Mi + PR• rtrTXi = ktrTXi [Mi•][TX] pour tout les i

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Polymérisation

par Michel FONTANILLE



Professeur émérite de l’Université Bordeaux I
et Jean-Pierre VAIRON
Professeur émérite de l’Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris VI

1. Différentes classes de polymères........................................................ AM 3 040 - 2


2. Classification des réactions de polymérisation .............................. — 2
3. Réactions de polymérisation par étapes (polycondensation...) .. — 2
3.1 Caractères généraux .................................................................................... — 2
3.2 Polymérisation de monomères divalents .................................................. — 3
3.3 Polymérisation par étapes de monomères de valence supérieure
à deux. Gélification ...................................................................................... — 4
3.4 Exemples de polymères issus de polymérisations par étapes ................ — 4
4. Réactions de polymérisation en chaîne ............................................. — 4
4.1 Caractères généraux .................................................................................... — 4
4.2 Polymérisation radicalaire........................................................................... — 5
4.3 Polymérisations ioniques ............................................................................ — 6
4.4 Polymérisations par coordination .............................................................. — 7
4.5 Copolymérisation ......................................................................................... — 8
4.6 Polymérisation en chaîne et polymérisation par étapes combinées ....... — 9
4.7 Tendances actuelles de la polymérisation ................................................. — 9
5. Techniques de polymérisation.............................................................. — 10
5.1 Polymérisation en masse ............................................................................ — 11
5.2 Polymérisation en solution ......................................................................... — 11
5.3 Polymérisations en milieu hétérogène ...................................................... — 11
5.4 Polymérisation en phase gazeuse .............................................................. — 12
5.5 Comparaison des différentes méthodes .................................................... — 12
6. Modification chimique des polymères ............................................... — 12
7. Greffage et réticulation .......................................................................... — 14
7.1 Méthodes chimiques ................................................................................... — 15
7.2 Méthodes photochimiques ......................................................................... — 15
7.3 Méthodes radiochimiques........................................................................... — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM 3 040

e dossier a pour objectif de présenter brièvement les bases théoriques


C des réactions de polymérisation. Les grandes classifications sont définies
et les notions simples sont exposées, tant en ce qui concerne les polyméri-
sations classiques et leurs développements que les nouvelles techniques.
Pour plus de détails sur la mise en œuvre des procédés industriels, les
conditions opératoires, la description des unités de polymérisation, le lecteur
se reportera aux dossiers spécialisés dont la liste est donnée au cours de ce
dossier et en [Doc. AM 3 040].
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPPY

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est strictement interdite. – © Editions T.I. A M 3 0 4 0 –1

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POLYMÉRISATION __________________________________________________________________________________________________________________

1. Différentes classes Les polymérisations par étapes interviennent dans la prépara-


tion des polyesters, polyamides, polyuréthanes, phénoplastes,
de polymères aminoplastes, résines époxyde, etc.
Les réactions de polymérisation en chaîne interviennent dans la
polymérisation des monomères éthyléniques (vinyliques, acry-
Plusieurs classifications des composés macromoléculaires liques, allyliques, diéniques, etc.) et celle des hétérocycles et assi-
peuvent être proposées selon que l’on choisit, comme base de la milés (oxiranes, lactames, lactones, siloxanes, aldéhydes, etc.).
classification, l’origine, le type d’architecture, la structure des

Q motifs monomères ou le type de polymérisation. La préparation de certains polymères tridimensionnels (thermo-


durs) peut faire intervenir successivement les deux types de
Selon leur origine, on peut classer les polymères en synthé- réactions.
tiques, naturels et artificiels ; ces derniers résultent de la modi-
fication chimique des polymères naturels, le squelette
macromoléculaire étant préservé lors de cette modification.
La valence du motif monomère – c’est-à-dire le nombre de 3. Réactions de polymérisation
liaisons covalentes qu’il peut établir avec les motifs voisins – nous
permet de classer les polymères en linéaires et tridimensionnels ;
par étapes
certaines structures intermédiaires (polymères ramifiés, polymères
lamellaires) ne peuvent que difficilement être assimilées à l’une ou
(polycondensation...)
l’autre catégorie.

La commission compétente de l’Union internationale de


Remarque : le terme valence est proposé en lieu et place de chimie pure et appliquée (IUPAC) donne une définition des
fonctionnalité, terme couramment utilisé mais qui désigne polycondensations et des polyadditions (consulter le site http://
pour la plupart des chimistes, le nombre de fonctions portées goldbook.iupac.org/index.html) mais ne mentionne pas les poly-
par une molécule. Une telle proposition permet de lever mérisations par étapes, ce qui est regrettable. En effet, ces der-
l’ambiguïté liée à certaines fonctions dont la valence est nières comprennent, outre les polycondensations et les
variable selon les réactions dans lesquelles elles sont impli- polyadditions, toutes les réactions de polymérisation autres que
quées. Ainsi, la fonction amine primaire, —NH2 , est monova- les polymérisations en chaîne (substitutions nucléophiles...) et
lente en polyamidification et bivalente dans les résines qui procèdent selon un même type de cinétique de réaction.
époxyde. De même, la fonction anhydride d’acide est bivalente
en polyestérification et monovalente en polyimidification.

3.1 Caractères généraux


La nature et l’arrangement des atomes constitutifs des motifs
monomères permet une classification des composés macromolé-
culaires en homopolymères et copolymères. Néanmoins, certains Dans ce type de polymérisation par étapes, les macromolécu-
copolymères à blocs ou greffés présentent des propriétés qui les les résultent de réactions successives entre les fonctions antago-
rapprochent plus des mélanges d’homopolymères que des copoly- nistes portées par des molécules plurivalentes (valence ⭓ 2 ). La
mères statistiques. réaction se produit dans les conditions où réagissent habituelle-
ment les fonctions organiques concernées, par simple chauffage
Enfin, le type de polymérisation n’est pas plus sélectif car cer- ou en présence d’un catalyseur convenable. Les condensations
tains polymères peuvent être obtenus aussi bien par polyméri- qui, généralement, éliminent à chaque étape un tiers
sation par étapes (§ 3) que par polymérisation en chaîne (§ 4). constituant comme l’eau, un alcool ou un hydracide, intervien-
Chaque classification montre rapidement une limite et c’est nent au départ entre molécules monomères puis, au fur et à
essentiellement en fonction des applications que telle classification mesure de l’avancement de la réaction, entre les molécules poly-
sera préférée à telle autre. mères formées, pour conduire (théoriquement) au stade ultime
de la macromolécule unique.

2. Classification des réactions 3.1.1 Polymérisation de molécules divalentes

de polymérisation a) Deux monomères possédant chacun un type de fonction


(X et Y) :
X—A—X + Y—B—Y ← →

 X—A—B—Y + XYր
Selon le comportement cinétique et le mécanisme de la réaction dimère
qui conduit à la formation du composé macromoléculaire, on dis-
diifonctionnel
tingue traditionnellement deux types principaux de réactions de
polymérisation : dim ère + monomère → trimère
dim ère + dim ère → tétramère, etc.
– les polymérisations par étapes, souvent appelées polyconden-
sations, pour lesquelles la formation de la macromolécule résulte soit n-mère + m-mère → (n + m)-mère.
de la réaction entre fonctions réactives portées par les molécules b) Un seul monomère possédant les deux fonctions réactives
monomères ou polymères ; (X et Y) :
– les polymérisations en chaîne pour lesquelles un centre actif →

2 X—A—Y ←  X—A—A—Y + XYր
initial unique (ion, radical ou complexe organométallique ) porté
par la chaîne en croissance, agit sur les molécules monomères et dimère
permet la formation d’une macromolécule. difoncttionnel
dimère + monomère→ trimère, etc.
Les premières se comportent comme de simples réactions équi-
librées entre groupements fonctionnels réactifs alors que les Dans les deux cas, le processus conduit à des macromolécules
secondes possèdent les caractéristiques des réactions en chaîne. linéaires.

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__________________________________________________________________________________________________________________ POLYMÉRISATION

A
B B A B


A A A
B A B B
A A A
Y
B B A B
3n X A X + 2n Y B
A
Y A A

B B
A A
A B A B B A B A

A A

Figure 1 – Polymérisation d’un mélange de monomères de valence 2 et 3

3.1.2 Polymérisation de molécules de valence Au départ (t = 0), n0 molécules sont en présence et, à l’instant t,
moyenne supérieure à deux le milieu comporte nt molécules de tous types (monomères,
dimères..., x-mères).
Le degré d’avancement p de la réaction, égal à la fraction de
Valence moyenne d’un mélange réactionnel : fonctions de type X ou de type Y ayant réagi, s’exprime par :

v=
∑i niv i p = 2 (n0 − n t) / 2n0 = 1 − (n t /n0 )
∑i ni
et, en remarquant qu’à l’instant t :
avec ni nombre de molécules monomères de valence vi .
X n = n0 /n t

La polymérisation d’un mélange de monomères de valence on a :


moyenne v > 2 conduit à un réseau tridimensionnel (figure 1) : la
3n × 2 + 2n × 3 X n = 1/ (1 − p )
valence moyenne v est égale à = 2, 4 , valeur corres-
3n + 2n
pondant à une densité de réticulation élevée. Le degré de polymérisation moyen en nombre X n est le nombre
moyen d’unités monomères des macromolécules :

3.2 Polymérisation de monomères X n = (Mn − a)/m


divalents
avec Mn masse molaire moyenne en nombre du polymère,
m masse molaire du motif monomère constitutif,
3.2.1 Évolution du degré de polymérisation (DP)
pour les mélanges stœchiométriques a masse molaire du constituant éventuellement éliminé.
On note que, pour calculer DP, il faut retirer à Mn la masse
La définition du degré de polymérisation en nombre X n est don-
molaire a du constituant éventuellement éliminable (H2O, HCl,
née dans le dossier Structure moléculaire des polymères
etc.), puisque chaque macromolécule possède à ses deux extrémi-
[AM 3 037]. La polycondensation d’un monomère porteur de deux
tés une fonction n’ayant pas réagi.
fonctions X et Y monovalentes antagonistes (X—A—Y) peut être
représentée par : L’unité de répétition se définit de façon simple lors de la
condensation d’un seul monomère de type X—A—Y.
n (X—A—Y) →

←
 X—A—(A)n −2—A—Y + (n − 1) XYր
Exemple
et celle d’un mélange 1/1 de deux monomères de type X—A—X et
Y—B—Y, par : L’acide 11-amino-undécanoïque H2N—(CH2)10—COOH conduit au
polyamide-11 (ou polyundécanamide) qui a pour unité de répétition :
n (X—A—X) + n (Y—B—Y)

[ NH—(CH2 )10 —CO—
]
→

←
 X—A—(BA)(n −1)—B—Y + (2n − 1) XYր unité monomère du polyundécanamide

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POLYMÉRISATION __________________________________________________________________________________________________________________

On définit par contre une unité moyenne, dans le cas de la poly- tions X ou Y. Ainsi, dans le cas des polyamides, on contrôle le X n
condensation d’un monomère X—A—X avec un monomère Y— en ajoutant un monoacide (acide acétique ou acide laurique).
B—Y.
Exemple : l’acide adipique HOOC—(CH2)4—COOH et l’hexaméthy-
lènediamine H2N—(CH2)6—NH2 donnent l’unité moyenne de répé-
3.3 Polymérisation par étapes
tition : de monomères de valence supérieure
à deux. Gélification


[ NH — (CH2 )6 — NH — CO — (CH2 )4 — CO—
]
Les résines « thermodurcies » sont en général des polyconden-
unité monomère du polyhexaméthylèneadipamide
sats tridimensionnels obtenus à partir de monomères de valence
moyenne supérieure à deux. Leur valence moyenne est donnée
La masse molaire de l’unité moyenne s’exprime, à partir des par :
masses molaires des précurseurs, par :
   
m = (m1 + m2 − 2a) / 2 v =  ∑ ni v i  /  ∑ ni 
 i   i 
avec m1 masse molaire du monomère X—A—X, avec ni nombre de moles des espèces de valence vi .
m2 masse molaire du monomère Y—B—Y, Toutefois, la réticulation ne doit être obtenue qu’au moment de
a masse molaire du constituant éventuellement éliminé. la mise en forme du matériau. Il est donc important, lors de la syn-
La cinétique des polymérisations par étapes est évidemment thèse de ces résines, d’arrêter la polymérisation avant que la géli-
dépendante de la présence ou non d’un catalyseur. Il faut noter, en f
 
, laquelle conduirait à un produit infusible et
outre, que la plupart des polycondensations sont des réactions insoluble. Les prépolymères commerciaux sont obtenus en arrê-
équilibrées et que le constituant formé dans la réaction doit être tant la réaction avant le degré d’avancement critique (pc) corres-
éliminé continuellement pour déplacer l’équilibre dans le sens de pondant au début de la gélification ou au voisinage de ce degré
la production du polymère. critique. Dans la pratique, ce stade est déterminé soit de façon
empirique (fluidité du milieu), soit à partir de calculs approchés
Cependant, certaines réactions, par exemple celles des alcools permettant de prévoir la valeur de pc (équation de Carothers, théo-
sur les isocyanates conduisant aux uréthanes, sont totalement rie statistique de Flory [1] [3]).
déplacées sans élimination d’un produit volatil ; il ne s’agit donc
pas, à proprement parler, de « polycondensations ».
3.4 Exemples de polymères issus
3.2.2 Évolution du degré de polymérisation de polymérisations par étapes
pour les mélanges non stœchiométrique
On peut citer notamment :
Les propriétés physiques du polycondensat sont étroitement
– les polyesters ;
liées à sa masse molaire. Il faut donc pouvoir préparer un produit
– les polyamides ;
de X n déterminé. Cela peut se faire en arrêtant la réaction au – les polyuréthanes ;
degré d’avancement voulu, par exemple en refroidissant le milieu – les aminoplastes ;
dans le cas de la polyestérification ou de la polyamidification. Tou- – les phénoplastes ;
tefois, les macromolécules portent à chaque extrémité une fonc- – les polyimides ; etc.
tion X ou Y susceptible de réagir à nouveau lors de la mise en Nota : dans ce traité, le lecteur pourra utilement se reporter aux dossiers :
forme du polymère, et de modifier alors sensiblement ses proprié- – [AM 3 360] Polyamides PA ;
tés. On préfère contrôler la masse molaire en utilisant un léger – [AM 3 376] Polyesters thermoplastiques PET et PBT pour injection ;
– [AM 3 381] Polycarbonates ;
excès de l’une des fonctions : la réaction se poursuit jusqu’à la – [AM 3 398] Polyimides linéaires (PI) ;
consommation totale de la fonction en défaut. Les macromolé- – [AM 3 415] Aminoplastes ;
cules possèdent alors, à leurs extrémités, deux groupes fonction- – [AM 3 425] Polyuréthanes ;
nels identiques et le polycondensat obtenu est stable. – [AM 3 435] Phénoplastes ou phénols-formols PF ;
– [AM 3 445] Polyesters insaturés UP ;
Considérons la polycondensation de deux monomères divalents – [AM 3 485] Polybismaléimides (BMI).
X—A—X et Y—B—Y, effectuée avec un excès de fonctions Y par
rapport aux fonctions X. Si NX et NY sont les nombres de fonctions
X et Y, le défaut relatif de X est exprimé par le rapport stœchiomé-
trique r : 4. Réactions de polymérisation
r = nX /n Y en chaîne
On montre que le degré de polymérisation moyen en nombre
s’exprime par : 4.1 Caractères généraux
X n = (1 + r ) / (1 + r − 2rp )
avec p degré d’avancement de la polycondensation (cf. § 3.2.1). Une réaction de polymérisation en chaîne est une réaction
En fin de réaction (p → 1), X n devient alors : durant laquelle une molécule M est additionnée sur un centre
actif porté par la chaîne macromoléculaire en cours de crois-
X n = (1 + r ) / (1 − r ) sance. Si l’on appelle —M *n une chaîne active pour laquelle
DP = n, la polymérisation en chaîne peut être schématisée par :
il ne dépend plus que du rapport initial r entre les deux types de
fonctions, donc de l’excès de l’une par rapport à l’autre. —M*n + M → —M*n +1
Le même contrôle du X n peut être obtenu en ajoutant dans un
mélange stœchiométrique (X—A—Y, Y—B—Y) une quantité déter- * désigne un centre actif de type radicalaire, cationique, ani-
minée d’un constituant monofonctionnel portant l’une des fonc- onique ou organométallique.

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Polycondensation et polyaddition

par Ernest MARÉCHAL



Agrégé de Sciences Physiques
Docteur ès Sciences
Professeur Émérite à l’Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris)

1. Définitions et exemples. Écriture des polycondensats.................. AM 3041−2


2. Nature et formation des sites réactionnels ...................................... — 2
3. Principales étapes des polycondensations et polyadditions ....... — 3
4. Réactions secondaires............................................................................. — 4
5. Contrôle des masses molaires .............................................................. — 5
6. Distribution molaire dans les polycondensats linéaires ............... — 6
7. Polycondensations équilibrées ............................................................. — 8
8. Cinétique des polycondensations et polyadditions........................ — 8
9. Systèmes à fonctionnalité supérieure à 2. Point de gel................ — 11
10. Les techniques de polycondensation.................................................. — 13
Références bibliographiques .......................................................................... — 15

et article a pour objectif de présenter les bases théoriques de la polyaddition


C et de la polycondensation, en particulier la définition de leurs principales
étapes, leur thermodynamique et leur cinétique ; la contribution des réactions
secondaires est analysée. Les relations permettant le contrôle et la distribution
des masses molaires ainsi que celles relatives au phénomène de gélification
sont données. Les principales techniques de polyaddition et de polycondensa-
tion sont décrites, en particulier celles qui ont été plus récemment développées.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@QYYX

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POLYCONDENSATION ET POLYADDITION ____________________________________________________________________________________________________

1. Définitions et exemples. car si elle réagissait avec une autre chaîne active (P*n) leurs groupes
actifs seraient détruits et il se formerait une ou deux chaînes incapa-
Écriture des bles de croître (chaîne morte).

polycondensats Les termes polycondensation et polyaddition sont les mêmes


en français et en anglais. Par contre, la littérature anglo-saxonne
utilise aussi, et très souvent, les termes : step-polymerization,

Q 1.1 Définitions officielles données step-growth polymerization et step-polyaddition qui sont totale-
ment bannis dans la nomenclature officielle et, qui plus est, sont
par l’IUPAC et autres dénominations équivoques.

Les réactions générales (1) et (2) décrivent à la fois les poly- Dans ce qui suit seul le mot polycondensation est utilisé quand il
condensations et les polyadditions : n’y a pas lieu de distinguer la polycondensation de la polyaddition.
(n + 1) ACXCA + (n + 1) BCYCB →
AC[XCA′B ′CYCB ′A′]nCXCA′B ′CYCB + C (1)
(n + 1) A CZCB → AC[ZCB ′CA′]nCZCB + C (2) 1.2 Exemples
En général C est un produit, ou un ensemble de produits, de faible
masse molaire ; sa présence est caractéristique des polycondensa- Les réactions (8) à (11) (voir encadré « Formation de polyamides,
tions mais il est absent dans les polyadditions. de polyester et de polyuréthane ») montrent à la fois la diversité des
Les monomères ACXCA, BCYCB et ACZCB renferment des produits et l’importance de la nature des extrémités de chaîne.
fonctions réactives A et B dont la condensation ou l’addition est à Même si les fonctions terminales sont difficiles à mettre en évi-
l’origine de la croissance des chaînes. A′ et B′ sont les groupes A dence, particulièrement quand la masse molaire est élevée, il est
et B après réaction (encadré). nécessaire d’avoir à l’esprit qu’elles peuvent jouer un rôle important
au moment de la mise en œuvre du polymère et dans ses diverses
utilisations. Enfin, les groupes terminaux sont essentiels dans les
Exemples de polycondensation avec élimination d’eau oligomères-α,ω-difonctionnels ou encore nommés oligomères télé-
chéliques bien qu’il s’agisse d’un abus de langage.
Dans la polycondensation (3) :
(n + 1) HOOC(CH2)4COOH + (n + 1) HO(CH2)6OH →
H[OOC(CH2)4COO(CH2)6]n + 1OH + (2n + 1)H2O (3)
Les groupes chimiques HO, COOH, O, COO, (CH2)4, (CH2)6 et
2. Nature et formation
H2O correspondent respectivement aux lettres A,B,A′,B ′,X,Y et
C de la réaction (1).
des sites réactionnels
Dans la polycondensation (4) :
(n + 1) HOC(CH2)6CCOOH → H[OOC(CH2)6]nOH + nH2O (4) Un polycondensat peut être obtenu à partir de réactions et
de monomères différents contrairement aux polymérisations en
Les groupes chimiques HO, COOH, (CH2)6 et H2O sont respec- chaîne qui le plus souvent ne mettent en jeu qu’un type de réac-
tivement A,B,Z et C de la réaction (2). tion et de monomère pour un polymère donné. Ainsi le polyester
~ R−COO−R ′−OOC ~ peut être formé à partir des systèmes réaction-
Dans la polycondensation (1), les fonctions réactives A et B sont nels suivants :
portées par deux monomères différents alors que, dans la
réaction (2), elles sont portées par le même monomère. Les poly- diacide + diol :
condensations (ou polyadditions) de type (1) sont dites AA + BB HOOC R COOH + HO R' OH
alors que celles de type (2) sont dites AB + AB.
dichlorure de diacide + diol :
La nomenclature officielle définit une polycondensation comme
Cl C R C Cl + HO R' OH
étant une polymérisation dans laquelle les chaînes polymères crois-
sent par des réactions de condensation se produisant entre des O O
molécules ayant des degrés de polymérisation différents. Cette défi- anhydride de diacide + diol :
nition peut être transposée directement à la polyaddition. Elle est O
illustrée par les deux réactions suivantes : C
R O + HO R' OH (12)
Pm + M → Pm+1 (5)
O
Pm + Pn → Pm+n (6)
O
Les deux macromolécules Pm et Pn peuvent réagir avec une molé- diester + diol :
cule de monomère M selon la réaction (5) ou réagir entre elles selon
la réaction (6). R" OOC R COOR" + HO R' OH
En cela les polycondensations et les polyadditions diffèrent fon- diacide + diester :
damentalement des polymérisations en chaîne [1, 2] : HOOC R COOH + R" COO R' OOCR"
P*m + M → P*m+1 (7)
Le site réel, responsable de la construction effective de la chaîne,
* indique que la chaîne croissante P*m porte un groupe réactif est très souvent créé in situ. On peut citer comme exemple la syn-
(radical libre, ion) qui peut réagir avec une molécule de monomère thèse du poly (1,4-diisopropylbenzène) préparé par chauffage du
[réaction (7)]. Par contre, la réaction (6) ne peut s’appliquer à P*m 1,4-isopropylbenzène avec un générateur de radicaux libres (R•) tel

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___________________________________________________________________________________________________ POLYCONDENSATION ET POLYADDITION

Formation de polyamides, de polyester et de polyuréthane

Formation d’un polyamide aliphatique à partir d’un diacide et d’une diamine :

(n + 1) HOOC R COOH + (n + 1)H2N R' NH2 HOOC R C NH R' NH C R C NH R' NH2


O O O n


(8)
+ (2n + 1)H2O

Formation d’un polyamide aromatique à partir d’un dichlorure d’acide aromatique et d’une diamine aromatique :

(n + 1)Cl C C Cl + (n + 1)H2N NH2 H2N NH C C NH NH C C Cl


O O O O O nO (9)

+ (2n + 1) HCl

Formation d’un polyester semi-aromatique à partir d’un diester et d’un diol :

(n + 1)H3C OC CO CH3 + (n + 1) HO(CH2)2OH HO(CH2)2 OC CO (CH2)2 OC CO CH3


O O O O O nO
(10)
+ (2n + 1) CH3OH

Formation d’un polyuréthane à partir d’un diisocyanate et d’un diol :

(n + 1)O C N R N C O + (n + 1) HO R' OH

O C N R NH C O R' O C NH R NH C O R' OH (11)


O O O n

qu’un peroxyde ou un dérivé azoïque. Les radicaux (R•) arrachent les


atomes d’hydrogène des carbones tertiaires : 3. Principales étapes
des polycondensations
CH3 CH3
[R ]
CH3 CH3
et polyadditions
H C C H H C C
CH3 CH3 CH3 CH3 (13)
3.1 Croissance de la chaîne
R1

Les radicaux ainsi formés se polyadditionnent selon le schéma La formation des sites réactionnels a été décrite dans le
réactionnel (14) : paragraphe 2. La croissance de la chaîne est l’étape essentielle qui,
avec la terminaison, a une influence déterminante sur la valeur des
masses molaires et leur distribution, sur la répartition des unités
Couplage des radicaux R1 constitutives dans la chaîne, lorsque plus de deux monomères sont
utilisés, et sur la formation des branchements.
2R1 R1 R1
Plusieurs caractéristiques importantes la distinguent de la phase
Attaque de R1 R1 par un radical (R ou R1 ) « propagation » des polymérisations en chaîne :
(R1 R1) (R1 R1)
— en polycondensation et polyaddition, il n’y a pas permanence
R2 (14) d’une espèce active portée par une extrémité de la chaîne ; chaque
Couplage des radicaux étape doit être activée ;
R1 + R2 R1 R2 — la croissance se fait par réaction de x-mère :
R2 + R2 R2 R2 monomère + monomère → dimère

Rm + Rn Rm Rn dimère + monomère → trimère


dimère + dimère → tétramère
L’étape cinétique (étape de la limitation de vitesse) est la forma- ou d’une façon plus générale :
tion des radicaux libres R1•, R2•, etc., à partir du monomère, de
R1CR1, etc. x-mère + y-mère → (x + y)-mère

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Polymérisation sous rayonnement


Principes
par Jacques VERDU

Professeur à l’École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers de Paris (ENSAM)
Laboratoire de Transformation et de Vieillissement des Polymères

1. Aspects cinétiques de la polymérisation .......................................... AM 3 043 - 3


1.1 Polymérisation radicalaire .......................................................................... — 3
1.2 Polycondensation ........................................................................................ — 5
2. Aspects physiques de la polymérisation ........................................... — 5
3. Polymérisation-dégradation.................................................................. — 7
4. Aspects spécifiques de la photopolymérisation
et de la radiopolymérisation ................................................................. — 7
5. Conclusion ................................................................................................. — 8
Références bibliographiques ......................................................................... — 8

ar abus de langage nous appellerons ici « polymérisation » toute opération


P chimique de conversion d’un ensemble de n petites molécules (mono-
mères) en n/N (N>>1) macromolécules.
■ On connaît en fait toute une variété de mécanismes, parmi lesquels on dis-
tingue en particulier :
— la polymérisation au sens strict du terme (figure A 1), qu’elle soit ionique
ou radicalaire ;
— la polycondensation (figure A 2), qu’elle implique ou non l’élimination de
petites molécules.
Selon la fonctionnalité des monomères, on réalise des polymères linéaires
(figures A 1 et A 2) ou tridimensionnels (figures A 3, A 4 et A 5). Notons que
l’on peut réaliser ces derniers à partir de monomères (figure A 3) ou de polymè-
res que l’on va « souder point par point » en utilisant des fonctions réactives dis-
tribuées le long de la chaîne (figure A 4) ou en extrémité de chaîne (figure A 5).
Ces différents procédés peuvent être combinés. De même, plusieurs types de
monomères peuvent être associés. On obtient alors des copolymères.
■ Sur le plan pratique, une opération de polymérisation pose une série de pro-
blèmes, parmi lesquels on citera les suivants.
● Le contrôle de la structure des macromolécules dont dépendent étroitement
les performances du matériau :
— longueur de chaîne et, éventuellement, stéréorégularité dans le cas des
polymères linéaires ;
— perfection du réseau, densité de réticulation dans le cas des polymères tri-
dimensionnels.
Cela implique un contrôle plus ou moins étroit de la composition initiale du
milieu réactionnel et des conditions de polymérisation.
● Le contrôle de la cinétique de réaction dont dépend en particulier la cadence
de production. Une réaction trop lente se traduit par une faible productivité. Une
réaction trop rapide peut poser des problèmes d’autoéchauffement rédhibitoire,
lié à l’exothermicité de la réaction, de développement de contraintes internes,
etc.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPPP

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POLYMÉRISATION SOUS RAYONNEMENT ___________________________________________________________________________________________________

5 4 3 2 1

Figure A – Différents types de polymérisation et polycondensation

● Le contrôle de la conversion finale dont dépend en partie la structure macro-


moléculaire. La présence de monomère résiduel se traduit notamment par des
problèmes de toxicité et d’évolution du matériau via un processus de post-poly-
mérisation...
● Les problèmes liés à la configuration particulière de l’objet en cours de
polymérisation :
— objets de grande taille (bateaux, corps de fusée...) ;
— profilés fabriqués en continu ;
— circuits imprimés réalisés en grande série ; etc.

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UV
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Polymérisation
sous rayonnement UV

par Christian DECKER
Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

1. Principes fondamentaux ........................................................................ AM 3 044 - 2


1.1 Formulation de résines photopolymérisables .......................................... — 2
1.2 Avantages du procédé photochimique ...................................................... — 2
2. Les photoamorceurs ............................................................................... — 2
2.1 Photoamorceurs radicalaires...................................................................... — 2
2.2 Photoamorceurs cationiques...................................................................... — 3
3. Les résines photopolymérisables ........................................................ — 3
3.1 Systèmes radicalaires ................................................................................. — 4
3.2 Systèmes cationiques ................................................................................. — 5
3.3 Systèmes hybrides ...................................................................................... — 6
3.4 Polymérisation à l’état solide ..................................................................... — 6
4. Cinétique des polymérisations photoamorcées .............................. — 7
4.1 Détermination des paramètres cinétiques ................................................ — 7
4.2 Influence de divers paramètres.................................................................. — 9
5. Propriétés des polymères photoréticulés ......................................... — 12
6. Applications des résines photopolymérisables............................... — 12
6.1 Arts graphiques ........................................................................................... — 13
6.2 Revêtements ................................................................................................ — 13
6.3 Adhésifs........................................................................................................ — 13
6.4 Microélectronique........................................................................................ — 14
6.5 Matériaux composites................................................................................. — 14
6.6 Autres applications...................................................................................... — 14
7. Perspectives .............................................................................................. — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM 3 044

et article a pour objectif de présenter brièvement les principes généraux des


C polymérisations photoamorcées et les différents types de systèmes photo-
polymérisables actuellement utilisés. On examinera également l’aspect cinéti-
que de ces processus ultrarapides qui transforment la molécule réactive en un
matériau ayant les propriétés requises pour l’application envisagée.

Pour plus de détails sur la mise en œuvre du procédé photochimique, les performances des
divers systèmes et les caractéristiques des photopolymères obtenus, le lecteur se reportera aux
monographies et articles de synthèse [1] à [12] publiés sur le sujet [Doc. AM 3 044].
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPPP

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POLYMÉRISATION SOUS RAYONNEMENT UV ________________________________________________________________________________________________

1. Principes fondamentaux seconde sous irradiation intense ; elle ne nécessite, de ce fait,


qu’une faible dépense énergétique ;
— la réticulation intervient uniquement dans des zones spatiale-
ment bien définies, celles qui sont exposées au rayonnement lumi-
L’activation photochimique est l’une des méthodes les plus effi-
neux, ce qui permet de réaliser des images en relief à haute
caces pour créer des espèces réactives et amorcer ainsi des réac-
résolution ;
tions chimiques pouvant conduire à la synthèse de nouveaux maté-
riaux. C’est dans le domaine des polymères que cette technologie a — la réaction peut être déclenchée à un instant précis et être arrê-


connu son développement industriel le plus important en raison des tée à tout moment, grâce à un contrôle temporel de l’irradiation ;
nombreux avantages liés à ce type d’amorçage, notamment la rapi- — l’intensité de la source lumineuse est modulable dans une très
dité du processus et sa sélectivité spatiotemporelle. La polymérisa- large gamme, ce qui permet de contrôler la vitesse d’amorçage ;
tion sous rayonnement UV, ou photopolymérisation de monomères — en agissant sur la longueur d’onde du rayonnement lumineux
multifonctionnels (UV-radiation curing), a trouvé ses principaux et/ou sur la concentration en photoamorceur, on peut régler la pro-
débouchés dans le domaine du traitement de surface de matériaux fondeur de pénétration de la lumière et, donc, l’épaisseur de la cou-
par des revêtements protecteurs, les arts graphiques et, en électro- che polymère formée, qui peut varier de quelques micromètres à
nique, pour la réalisation de microcircuits. Dans toutes ces applica- plusieurs millimètres ;
tions, l’objectif principal est d’obtenir rapidement des polymères — les polymérisations photoamorcées sont habituellement réali-
fortement réticulés présentant une grande résistance aux agents sées à température ambiante, avec des résines ne contenant pas de
chimiques et les propriétés mécaniques requises. solvant, ce qui réduit l’émission de vapeurs polluantes.

1.1 Formulation de résines


photopolymérisables 2. Les photoamorceurs
Comme la plupart des monomères ne produisent pas de radicaux Pour être efficace, un photoamorceur doit satisfaire un certain
amorceurs en quantité suffisante lorsqu’ils sont exposés au rayon- nombre de critères :
nement UV, il est nécessaire d’ajouter un composé photosensible — il doit présenter une forte absorption dans le domaine d’émis-
qui absorbe efficacement la lumière incidente et produise des espè- sion de la source lumineuse utilisée, en général une lampe à vapeur
ces radicalaires ou ioniques avec un rendement quantique élevé (le de mercure ;
rendement quantique d’une réaction photochimique est défini par le
— les états excités singulet et triplet doivent avoir une courte
rapport du nombre de molécules transformées au nombre de pho-
durée de vie (quelques nanosecondes) pour éviter leur désactiva-
tons absorbés). Une fois amorcée, la réaction en chaîne se déve-
tion (quenching) par l’oxygène moléculaire ou le monomère ;
loppe comme dans une polymérisation classique. L’ensemble du
processus peut être représenté schématiquement comme suit : — les ions ou radicaux issus des états excités doivent être pro-
duits avec un rendement quantique aussi élevé que possible et être
R adiation réactifs envers le groupement monomère.
Espèces réactives,
(radicaux, ions) Les divers processus photophysiques qui interviennent après
Photoamorceur Polymère absorption d’un photon par une molécule d’amorceur sont repré-
réticulé sentés schématiquement sur la figure 1. La vitesse d’amorçage est
Monomère
donnée par la relation :
multifonctionnel
Va = Φa I0 [1 − exp (−2,3 A)]
Une formulation de résine photoréticulable comprend trois com-
posants de base : avec Va vitesse d’amorçage,
— un photoamorceur, dont la photolyse libère des espèces réac-
I0 intensité de la lumière incidente,
tives envers le groupement fonctionnel du monomère ;
— un oligomère téléchélique, constitué d’une courte chaîne poly- Φa rendement quantique des espèces amor-
mère terminée, à chaque extrémité, par une fonction réactive qui, en ceuses,
polymérisant, donnera naissance à un réseau polymère tridimen- A = lg (I0 / It ) absorbance de l’échantillon,
sionnel ;
— un monomère possédant une ou plusieurs fonctions réactives, It intensité de la lumière transmise.
qui permet d’ajuster la viscosité de la résine et qui, après polyméri- L’absorbance dépend de la concentration en photoamorceur [PA]
sation, sera incorporé dans le réseau polymère. et de l’épaisseur , de l’échantillon irradié :
Selon le type d’application envisagé, il faut, en outre, introduire
dans la formulation divers additifs en vue d’améliorer les propriétés A = ε , [PA]
finales du matériau, tels que des stabilisants, des agents mouillants,
avec ε coefficient d’extinction molaire du photo-
des charges, des pigments, etc.
amorceur.
Il existe deux principaux types de photoamorceurs, selon que leur
photolyse libère des espèces radicalaires ou ioniques.
1.2 Avantages du procédé photochimique

La polymérisation photoamorcée présente plusieurs caractéristi- 2.1 Photoamorceurs radicalaires


ques qui la différencient des polymérisations amorcées par voie
thermique :
— la polymérisation est quasi instantanée, le passage de la molé- Pour de plus amples renseignements, on se reportera à la réfé-
cule au matériau polymère s’effectuant en quelques dixièmes de rence [13].

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________________________________________________________________________________________________ POLYMÉRISATION SOUS RAYONNEMENT UV

Énergie
Donneur d'hydrogène
Photoamorceurs radicalaires
Singulet*
OR
Radicaux
Triplet* ou ions Monomère Dicétal benzylique C C
Absorption Coupure
de lumière Conversion O OR'


interne Quenching
(O2, monomère) R
P olymère
Hydroxyalkylphénone C C R'
Photoamorceur - État fondamental Désactivation
O OH
Figure 1 – Diverses voies de désactivation d’une molécule R
CH3
de photoamorceur excitée
α-aminocétone O N C C N
CH3
O R'
Il s’agit en général de cétones aromatiques qui subissent une cou-
pure homolytique CC (type Norrish I) lors de l’exposition UV,
avec formation de deux fragments radicalaires : Oxyde d'acylphosphine C P

O O

C C X C + C X
Benzophénone C
O O
O
Le radical benzoyle est connu pour sa grande réactivité envers les
monomères vinyliques et acryliques, le second fragment radicalaire S
pouvant également participer à l’amorçage de la polymérisation. Thioxanthone
Les photoamorceurs les plus efficaces appartiennent à cette catégo- C
rie, notamment les cétals benzyliques, les benzoïnes, les cétones α-
amino aromatiques et les oxydes d’acylphosphines (figure 2). O

Certaines cétones aromatiques, telles que la benzophénone ou la Photoamorceurs cationiques


thioxanthone, ne subissent pas de fragmentation lorsqu’elles sont
promues dans leur état excité, mais elles arrachent facilement un
atome d’hydrogène d’une molécule donneur d’hydrogène, avec for-
+ PF6– S+ R
mation d’un radical cétyle et du radical alkyle du donneur : R I R BF4–

C C + R
RH Sels de diaryliodonium Sels de triarylsulfonium
O OH + monomère

Polymère Figure 2 – Différents types de photoamorceurs utilisés


dans les résines photopolymérisables
C’est le radical alkyle qui amorce la polymérisation, alors que le
radical cétyle inactif disparaît par réaction de couplage avec forma-
tion de pinacol. Ces photoamorceurs sont en général associés à des Ces acides protoniques sont capables d’amorcer la polymérisa-
amines tertiaires qui génèrent des radicaux α-amino alkyles très tion cationique de monomères qui ne polymérisent pas par voie
réactifs envers la double liaison du monomère. L’utilisation d’amine radicalaire, tels que les éthers vinyliques ou les monomères hétéro-
comme coamorceur présente en outre l’avantage de réduire l’effet cycliques (époxydes, lactones, éthers cycliques, époxysilicones). La
inhibiteur de l’oxygène sur ces polymérisations radicalaires. L’oxy- principale caractéristique de ce type de polymérisation est son
gène dissous dans le milieu est en effet rapidement consommé par insensibilité vis-à-vis de l’oxygène, ainsi que son caractère
réaction avec les radicaux α-amino alkyles, selon un processus de « vivant ». En effet, les carbocations ne réagissent pas entre eux, de
peroxydation en chaîne. sorte que la polymérisation, une fois amorcée, pourra se poursuivre
dans l’obscurité jusqu’à consommation complète du monomère.

2.2 Photoamorceurs cationiques

Pour de plus amples renseignements, on se reportera à la réfé-


3. Les résines
rence [14]. photopolymérisables
Des acides de Brönsted sont formés lors de la photolyse de sels
de diaryliodonium ou de triarylsulfonium (figure 2), en présence
d’une molécule donneur d’hydrogène :
La plupart des polymérisations photoamorcées sont des réactions
– hν en chaîne dans lesquelles un centre actif initial est à l’origine de la
Ar2I+ BF4 + RH ArI + Ar + R + HBF4 formation de la chaîne polymère. On distingue deux catégories de
réactions de photopolymérisation selon le mécanisme mis en jeu et
– hν la nature des espèces actives qui seront soit des radicaux, soit des
Ar3S+ PF6 + RH Ar2S + Ar + R + HPF6 cations.

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POLYMÉRISATION SOUS RAYONNEMENT UV ________________________________________________________________________________________________

S S
R R
R' CH2 CH2 S R C R S CH2 CH2 R' CH2 CH2 S R C R S


R R
S S

Figure 3 – Résine thiol-polyène photoréticulée

3.1 Systèmes radicalaires 3.1.3 Résines acrylates et méthacrylates

La polymérisation photoamorcée de monomères et d’oligomères


Il existe quatre principaux types de résines photosensibles poly- multiacrylates conduit à des réseaux polymères fortement réticulés.
mérisant par un mécanisme radicalaire [9]. Par suite de la très grande réactivité de la fonction acrylate, le chan-
gement de phase liquide-solide est quasi instantané (≈ 0,2 s) sous
illumination intense. Dans le cas de monomères méthacrylates, la
3.1.1 Résines polyester insaturé-styrène réaction en chaîne se développe plus lentement à cause de la valeur
beaucoup plus faible de la constante de vitesse de propagation.
Les premières résines photoréticulables utilisées pour des appli- C’est la raison pour laquelle la grande majorité des résines photo-
cations industrielles étaient constituées d’un polyester insaturé dis- polymérisables actuellement utilisées en « UV-radiation curing »
sous dans le styrène et de benzophénone. La réticulation se fait par sont à base de monomères acrylates (figure 4).
copolymérisation directe du monomère vinylique avec la double La polymérisation d’un diacrylate amorcée par des radicaux ben-
liaison (du type maléique ou fumarique) située sur la chaîne zoyles photogénérés est représentée schématiquement sur la
polymère : figure 5. Bien que ces réactions radicalaires soient fortement inhi-
R + O C CH CH C O + bées par l’oxygène moléculaire, il est possible de réaliser les poly-
mérisations en présence d’air, même pour les films minces (> 5 µm),
O O grâce aux très grandes vitesses d’amorçage atteintes en opérant à
Polymère des intensités lumineuses élevées (1 W · cm−2).
CH CH2 réticulé
Il existe à l’heure actuelle une très large gamme de monomères
La polymérisation relativement lente, le nombre limité de mono- acrylates multifonctionnels ainsi que des oligomères téléchéliques
mères disponibles, ainsi que la volatilité de la résine, ont limité le possédant des structures polyuréthane, polyester, polyéther ou
développement de ce système qui est principalement utilisé comme polysiloxane. En règle générale, des élastomères à bas module sont
vernis photodurcissable dans l’industrie de l’ameublement, en rai- obtenus avec les chaînes aliphatiques, alors que des polymères
son de son coût modique. durs et vitreux sont formés lorsque les segments pontés contien-
nent des structures aromatiques.

3.1.2 Résines thiol-polyènes


3.1.4 Couples de monomères donneur (D) /
L’addition de thiol (RSH) sur une double liaison oléfinique peut accepteur (A)
servir à créer un réseau polymère tridimensionnel, à condition d’uti-
liser des monomères multifonctionnels. La polymérisation thiol-ène Des copolymères alternés peuvent être rapidement synthétisés
procède selon un mécanisme d’addition par étape qui est propagé en exposant au rayonnement UV un mélange stœchiométrique de
par une réaction de transfert de chaîne impliquant le radical thiyl. deux monomères présentant l’un un caractère donneur d’électron
Elle se déroule rapidement sous l’action de la lumière lorsqu’on uti- (éther vinylique), l’autre un caractère accepteur d’électron (ester
 O ) comme photoamorceur :
lise la benzophénone ( Ar 2 C insaturé). On considère en général que la réaction en chaîne pro-
cède par homopolymérisation radicalaire du complexe [ AD ] :

Ar2C O + RSH Ar2 C OH + RS n [A D]
RS + CH2 CH R' RS CH2 CH R' R + [A D] R A D R (A D)n

RS CH2 CH R' + RSH RS CH2 CH2 R' + RS Des réseaux polymères tridimensionnels sont créés si les mono-
mères possèdent au moins deux fonctions réactives, par exemple le
En associant un thiol tétrafonctionnel C(RSH)4 à un diène di-vinyléther du triéthylèneglycol (DVE-3) et le dimaléate du diéthy-
CH 2 
CH  R′  CH 
CH 2 , on obtient ainsi un réseau polymère lène-glycol (DMA-2) (cf. figure 4).
dont les branches sont constituées d’un copolymère alterné Dans certains cas, il n’est même pas nécessaire d’ajouter un
(figure 3) : photoamorceur, l’absorption du rayonnement lumineux par le
Le développement de nouveaux prépolymères téléchéliques, tels complexe [ AD ] produisant les radicaux amorceurs. Ainsi l’irra-
que les vinylsilicones, a suscité un regain d’intérêt pour la photopo- diation UV d’un mélange de monomères tétrafonctionnels éther
lymérisation thiol-polyène qui, malgré son coût plus élevé, est utili- vinylique et maléimide N-substitué conduit à la formation d’un
sée dans un nombre croissant d’applications (revêtements, copolymère alterné tridimensionnel dont la structure est représen-
adhésifs, plaques d’impression, photorésists). tée schématiquement sur la figure 6.

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AM 3 044 − 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites

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Structures macromoléculaires
tridimensionnelles
par Jacques VERDU

Docteur ès sciences
Professeur à l’École nationale supérieure d’arts et métiers (ENSAM-Paris)
et Xavier COLIN
Docteur
Maître de conférences à l’École nationale supérieure d’arts et métiers (ENSAM-Paris)

1. Définitions................................................................................................. AM 3 045v2 – 2
1.1 Gel chimique ............................................................................................... – 2
1.2 Transitions, mise en œuvre et nomenclature technologique ................. – 2
1.3 Quelques termes courants ......................................................................... – 4
1.3.1 Thermodurcissable ............................................................................ – 4
1.3.2 Réticulation, vulcanisation ................................................................ – 4
1.3.3 Réticulat ou vulcanisat ...................................................................... – 4
1.3.4 Réseau ................................................................................................ – 4
1.3.5 Réseaux idéaux et non idéaux.......................................................... – 4
1.3.6 Taux de réticulation ........................................................................... – 7
1.3.7 Remarque ........................................................................................... – 7
2. Synthèse des réseaux : les grands principes .................................. – 7
2.1 Généralités .................................................................................................. – 7
2.2 Polymérisation, polycondensation de petites molécules ........................ – 7
2.2.1 Point de gel......................................................................................... – 7
2.2.2 Problèmes liés à la vitrification......................................................... – 8
2.3 Réticulation de macromolécules ............................................................... – 9
2.3.1 Chaînes à extrémités réactives ......................................................... – 9
2.3.2 Polymères à groupements latéraux réactifs.................................... – 9
2.4 Réseaux interpénétrés................................................................................ – 10
3. Représentation de la structure du réseau ........................................ – 10
3.1 Notion d’unité constitutive du réseau (UCR) ............................................ – 10
3.2 UCR de réseaux imparfaits ........................................................................ – 11
4. Caractéristiques du réseau................................................................... – 13
4.1 Caractéristiques prises en compte par l’UCR ........................................... – 13
4.1.1 Masse molaire et masse volumique ................................................ – 13
4.1.2 Densité de réticulation....................................................................... – 13
4.1.3 Autres caractéristiques...................................................................... – 13
4.2 Caractéristiques non prises en compte par l’UCR ................................... – 13
4.2.1 Architecture du réseau, cycles pendants ......................................... – 13
4.2.2 Morphologie....................................................................................... – 14
5. Méthodes de caractérisation de la densité de réticulation ........ – 14
5.1 À partir d’informations sur la structure chimique.................................... – 14
5.2 À partir des modules à l’état caoutchoutique .......................................... – 15
5.3 À partir de mesures du gonflement dans les solvants ............................ – 15
5.4 À partir de mesures de la température de transition vitreuse ................ – 16
5.5 À partir d’autres données physico-chimiques.......................................... – 16
5.5.1 Fraction soluble de polymère ........................................................... – 16
5.5.2 Propriétés physiques déterminées à l’état caoutchoutique ........... – 16
Références bibliographiques......................................................................... – 16
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPPX

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STRUCTURES MACROMOLÉCULAIRES TRIDIMENSIONNELLES _______________________________________________________________________________

ous nous proposons, après de brefs rappels sur la nature chimique des
N polymères à squelette covalent tridimensionnel, d’initier le lecteur :
• à la représentation des structures de réseau en fonction des données chi-
miques sur le système ;
• à la détermination théorique, à partir de ces représentations, des varia-
bles structurales définissant le réseau (comme celle que l’on appelle dans


la pratique – le plus souvent improprement – taux de réticulation) ;
• et, enfin, à la détermination expérimentale de ces variables.

1. Définitions
1.1 Gel chimique
Considérons par exemple le processus de réticulation schéma-
tisé sur la figure 1.
Lorsque l’on étudie l’évolution des propriétés rhéologiques du
milieu réactionnel, à une température supérieure à sa température a b c
de transition vitreuse, on observe une discontinuité appelée
« transition sol-gel », que l’on peut illustrer par la variation dans le
temps de la viscosité et du module d’Young ou de cisaillement
(figure 2).
Nota : le module de compressibilité ne varie pas au niveau de la transition.

On peut alors définir un point de gel, au temps tg (temps de gel)


correspondant à l’apparition de propriétés élastiques, alors que la
viscosité tend vers l’infini.
Des mesures de masse moléculaire montreraient qu’à tg la d e f
masse moléculaire moyenne en poids M p tend vers l’infini. On
observerait en même temps l’apparition d’une fraction insoluble.
Figure 1 – Étapes successives d’un processus de réticulation
Le point de gel correspond à un seuil de percolation [1] que l’on résultant de la polycondensation d’une molécule difonctionnelle (−)
a pu illustrer par une analogie électrique : si les liaisons covalentes avec une molécule trifonctionnelle (⊥)
étaient des conducteurs électriques, c’est l’état dans lequel le
milieu, initialement non conducteur, deviendrait conducteur. Sur la Notons qu’il existe des gels physiques dans lesquels les jonc-
figure 1, par exemple, cet état correspondrait grosso modo à tions responsables de la structure tridimensionnelle sont plus ou
moins instables. Tous les polymères linéaires industriels sont des
l’étape d . gels physiques dans l’intervalle de température correspondant au
Tout polymère dont l’avancement de la réticulation se situerait plateau caoutchoutique, la structure de réseau résultant de
au-delà du point de gel pourrait être appelé « gel chimique ». Sa l’enchevêtrement des chaînes.
principale caractéristique serait l’absence d’état liquide.

1.2 Transitions, mise en œuvre


E (ou G) et nomenclature technologique
■ Du point de vue du praticien confronté au problème de la mise
en œuvre des matériaux, trois domaines importants sont à
considérer.
• L’état solide (vitreux dans le cas d’un polymère amorphe), où
le module d’Young est typiquement supérieur à 1 GPa et où
aucune opération de mise en forme, à l’exclusion de l’usinage,
E (ou G) n’est envisageable. La cinétique d’éventuelles transformations chi-
miques serait gouvernée par la diffusion des espèces réactives.
• L’état caoutchoutique où le module d’Young est typiquement
de 1 à 10 MPa et où le matériau peut subir des fortes déformations
tg t permettant, par exemple, le thermoformage.
• L’état liquide où le polymère se comporte comme un fluide
aux propriétés un peu particulières (fluide non newtonien), mais
Figure 2 – Évolution dans le temps de la viscosité η et du module
d’Young E (ou de cisaillement G) au cours du processus capable de se prêter à des opérations de mise en forme telles que
de réticulation l’extrusion, l’injection, le calandrage, etc.

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_______________________________________________________________________________ STRUCTURES MACROMOLÉCULAIRES TRIDIMENSIONNELLES

t t t t

(D)

t (M) M M

(D)
T (U)
V L

T (M) T
V

T (U)
L

T (M) T

L V L
V a et b cas des polymères linéaires

T (M) T T (M) T
t t
a et b cas des polymères linéaires

t t

V V
(D)
t (M) M M T (U) T (M) T T (U) T (M) T
(D)
c et d cas des polymères tridimensionnels
V
V T (M) température de mise en œuvre
T (M) T T (M) T T (U) température d’utilisation

c et d cas des polymères tridimensionnels Figure 4 – Représentation schématique des conditions d’utilisation
et de mise en œuvre des différents polymères
M point représentatif de la mise en œuvre
(D) courbe correspondant à un taux d'avancement significatif
de la dégradation du polymère – lorsque le matériau devient caoutchoutique/liquide, ce qui ne se
produit qu’à des températures très élevées, proches du plafond de
Figure 3 – Représentation schématique des transitions dans dégradation (D) (cas de beaucoup de polymères thermostables).
l’espace temps-température
Nota : UHMW (Ultra High Molecular Weight)
PTFE (polytétrafluoroéthylène)
■ On peut définir deux frontières plus ou moins diffuses, V et L, PMMA (polyméthacrylate de méthyle)
séparant ces trois domaines dans l’espace temps-température (t, T) :
• Considérons maintenant les polymères tridimensionnels.
• V, entre le domaine vitreux et le domaine caoutchoutique, est
la transition vitreuse ; Dans le cas c , la mise en œuvre peut s’effectuer à l’état caout-
• L, entre le domaine caoutchoutique et le domaine liquide, est choutique sans dégradation.
la transition liquide-liquide dont l’existence en tant que tran- Dans le cas d , en revanche, la réaction est trop lente pour
sition thermodynamique est contestée, mais qui peut tou- qu’elle puisse s’accomplir complètement en deçà du plafond de
jours être définie de façon arbitraire (par exemple fin du dégradation (D). Il sera impossible de réticuler ce matériau sans lui
plateau caoutchoutique). faire subir un certain nombre de processus chimiques indésirables
La position de ces frontières peut être établie expérimentale- (réactions dites « secondaires » et dégradation). Cette dernière
ment par des mesures viscoélasticimétriques, rhéologiques et phy- situation est très fréquemment rencontrée dans le cas des thermo-
sico-chimiques. Les praticiens peuvent, de plus, définir le temps durcissables industriels à propriétés thermomécaniques élevées
caractéristique de la mise en forme t(M) ou temps de séjour mini- [T(V) élevée].
mal à la température la plus élevée T(M). Considérons maintenant les conditions d’utilisation en même
temps que les conditions de mise en œuvre ; elles vont nous per-
■ L’allure des diagrammes temps-température est donnée sur la mettre de définir les grandes familles technologiques de matériaux
figure 3 dans laquelle nous avons présenté quelques cas de figure (figure 4).
importants.
Les grandes familles de matériaux polymères correspondent à
• Considérons d’abord les polymères linéaires. Ils sont caracté- ces quatre cas :
risés par l’existence d’un état liquide, donc d’une transition L.
• a thermoplastiques vitreux T(U) < T(V)
Dans le cas a , le point M représentatif des conditions de mise
• b élastomères thermoplastiques T(U) > T(V)
en œuvre se trouve dans le domaine où le matériau est un liquide
stable ; la mise en œuvre est possible. • c thermorigides T(U) < T(V)
Dans le cas b , par contre, l’état liquide stable ne peut être • d élastomères vulcanisés T(U) > T(V).
atteint qu’à des temps trop courts pour que la mise en œuvre soit Dans la plupart des cas, on considère que T(U) est la tempéra-
possible. Ce cas est rencontré : ture ambiante. Les polymères semi-cristallins industriels relèvent
– lorsque la masse moléculaire est très élevée (PE-UHMW, PTFE, en général du cas a , où l’on remplace simplement T(V) par TF
PMMA coulé...), car T(L) est alors très élevée (L est très écartée de V) ; (température de fusion).

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STRUCTURES MACROMOLÉCULAIRES TRIDIMENSIONNELLES _______________________________________________________________________________

Ces classifications appellent les remarques suivantes.


• Tous les polymères linéaires industriels ont, entre V et L, un
caractère de gel physique, la structure de réseau étant déterminée N1 N1
par les enchevêtrements de chaînes ou les cristaux. N2
N2 N1 N2
• Certains thermoplastiques ont, en fait, une structure tridimen-
sionnelle, mais leur réticulation chimique est thermoréversible : les
ponts interchaînes se dissocient à température élevée de sorte que a b c

Q le polymère peut atteindre l’état liquide. Ils se reforment dès que le


polymère est refroidi, il s’agit, par exemple, des résines ionomères.
• Certains polymères linéaires, correspondant au cas b de la
Figure 6 – Exemples de cycles

figure 3, se comportent tout à fait comme des thermodurcissables : De simples considérations de probabilité suggèrent que :
on met en œuvre un prépolymère à extrémités de chaînes réactives.
Ces dernières réagissent entre elles lors de la cuisson finale des νb 1 − y ν1
objets moulés, pour former des chaînes plus longues qui ne pour- = =
νd y νb
ront plus être portées à l’état liquide sans dégradation, comme les
polyamides-imides du type Torlon d’Amoco Chemical France.
1− y
Ces exemples montrent qu’il faut utiliser ces classifications avec donc : νb = νd
y
un minimum de prudence, les frontières entre les différentes clas-
ses de matériaux devenant de plus en plus diffuses.
2
1− y ⎞
et : ν1 = νd ⎛⎜ (1)
⎝ y ⎟⎠
1.3 Quelques termes courants
D’autre part, on connaît la concentration totale en chaînes :
1.3.1 Thermodurcissable 1
ν t = νd + νb + ν1 = (2)
Système chimique qui deviendra thermodurci (ou thermorigide) Me
après réaction chimique. Un thermodurcissable est constitué d’un
ensemble de monomères et/ou prépolymères. Dans certains cas, Si l’on considère un taux d’avancement assez élevé de la réti-
l’agent chimique assurant le pontage des prépolymères est appelé culation, alors :
« durcisseur ». 1 − y << y
et
1.3.2 Réticulation, vulcanisation
2
Réaction chimique par laquelle se constitue la macromolécule ⎛ 1 − y ⎞ << 1
tridimensionnelle. Vulcanisation est un terme spécifique à l’indus- ⎜⎝ y ⎟⎠
trie des élastomères. On peut aussi rencontrer son synonyme
« rétification ». Dans ce cas, on peut négliger la fraction de chaînes libres et
considérer que l’échantillon ne contient que des chaînes mono ou
diréagies.
1.3.3 Réticulat ou vulcanisat
On appelle « réseau idéal » un réseau où toutes les chaînes sont
Matériau résultant de l’opération de réticulation ou de vulca- diréagies et où aucun cycle n’est présent ; on entend par « cycles »
nisation. les structures schématisées en figure 6.
Dans le cas a : deux chaînes liées aux mêmes deux nœuds,
1.3.4 Réseau une seule chaîne est élastiquement active (voir plus loin).
Dans le cas b : une seule chaîne élastiquement active doit être
Terme le plus souvent utilisé par les physiciens pour désigner la comptée entre N1 et N2.
structure tridimensionnelle. Considérons d’abord le cas simple de
chaînes de masse molaire Me réactives à leurs extrémités avec un Dans le cas c : il s’agit d’une molécule libre, non liée au réseau
donc élastiquement inactive.
durcisseur de fonctionnalité f et de masse molaire négligeable.
Soit y le taux de conversion de la réaction de réticulation, les fonc-
tions du durcisseur étant considérés équiréactives. À un stade 1.3.5 Réseaux idéaux et non idéaux
quelconque de la réticulation, on peut rencontrer trois types de
chaînes (figure 5). ■ Un réseau idéal est caractérisé par la masse molaire Me des
chaînes qui sont toutes élastiquement actives et par la fonctionna-
Au-dessus du point de gel, on a vu qu’il existait un réseau quasi
lité f des nœuds. La concentration en chaînes élastiquement acti-
infini, parcourant la totalité du volume de l’échantillon. ves ν (ici ν = νt) et la concentration x en nœuds du réseau sont
liées par :

Chaînes diréagies (concentration : ν d) 2 (3)


x= ν
f
Chaînes monoréagies (concentration : ν b)
■ Un réseau non idéal est un réseau qui contient des chaînes pen-
Chaînes non réagies (libres) (concentration : ν 1) dantes (νb) et/ou des cycles. Considérons le cas où la probabilité
de présence de cycles est très faible, on a alors :
Figure 5 – Schématisation des trois types de chaînes présentes dans
le réseau νd + νb = ν t (4)

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Polymérisation sous micro-ondes


et hautes fréquences

par Henri JULLIEN
Chargé de Recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique)
et Michel DELMOTTE
Directeur de Recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique)

1. Polymérisations par voie thermique................................................... AM 3 046 — 2


1.1 Comparaison des modes de polymérisation ............................................ — 2
1.2 Transfert de chaleur d’origine thermique ou par micro-ondes................ — 2
1.3 Échelles de temps........................................................................................ — 2
2. Bases des procédés de l’hystérésis diélectrique............................. — 3
2.1 Interaction onde électromagnétique-matière condensée ........................ — 3
2.2 Propagation électromagnétique en milieu guidé ..................................... — 3
2.3 Phénomènes thermiques liés aux procédés ............................................. — 3
3. Pratique des procédés électromagnétiques ..................................... — 4
3.1 Caractérisation diélectrique des matériaux............................................... — 4
3.1.1 Comportements généraux des matériaux polymères..................... — 4
3.1.2 Exemples de résultats obtenus sur des résines thermodurcissables.. — 5
3.2 Structure des applicateurs pour objets en matériau polymère............... — 7
3.2.1 Dimensions de l’objet et fréquence utilisable .................................. — 7
3.2.2 Systèmes multicouches ..................................................................... — 8
3.2.3 Applicateurs à alimentation alternée................................................ — 8
3.2.4 Applicateurs à compensation d’atténuation .................................... — 9
3.3 Mesure de la température .......................................................................... — 10
4. Exemples d’applications industrielles ............................................... — 10
5. Conclusion ................................................................................................. — 11
Références bibliographiques ......................................................................... — 11

e présent dossier, consacré à la polymérisation par micro-ondes, comprend


L quatre parties. La première et la seconde parties permettent de faire le point,
l’une sur la comparaison entre les modes de polymérisation et la particularité de
la polymérisation par micro-ondes et l’autre sur les bases physiques de ce mode
de polymérisation. La troisième partie est beaucoup plus développée et com-
prend deux points complémentaires. Le premier traite des caractéristiques dié-
lectriques des polymères, qui tiennent un rôle fondamental dans le transfert de
l’énergie électrique et dont les évolutions en fonction de la température et de
l’état de transformation des polymères sont particulièrement importantes ; le
second concerne la mise en œuvre des moyens physiques, appelés principale-
ment applicateurs, nécessaires à la bonne interaction entre les ondes électroma-
gnétiques et les matériaux polymères. Un développement sur la mesure de la
température sous champ électromagnétique complète cette troisième partie. La
quatrième et dernière partie présente quelques applications industrielles et sou-
ligne les questions posées par cette technologie particulière.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPPV

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POLYMÉRISATION SOUS MICRO-ONDES ET HAUTES FRÉQUENCES _______________________________________________________________________________

1. Polymérisations lite pas le transfert de chaleur jusqu’au cœur des pièces. L’apport de
chaleur par conduction, avec une élévation significative des tempé-
par voie thermique ratures de surface des parois du moule, par exemple, est très limitée
par la thermodégradabilité des matériaux organiques et la durée
des opérations de mise en œuvre est à optimiser en tenant compte
de ce paramètre.
1.1 Comparaison des modes L’utilisation de sources thermiques internes d’origine électromag-


nétique offre une alternative nouvelle [1]. Dans ce contexte, la distri-
de polymérisation bution spatiale de l’élévation de température résulte d’une part de la
densité volumique de puissance électromagnétique absorbée, dégra-
dée en chaleur, et d’autre part, des transferts de chaleur dus à la dis-
On qualifie de polymérisation toute opération chimique qui tribution spatiale spécifique de la densité volumique de puissance
permet d’obtenir une population de macromolécules à partir absorbée et aux échanges avec l’extérieur. Le caractère d’isolant
d’un ensemble de petites molécules constituant un ensemble électrique de la plupart des matériaux composites à matrice polymère
initial de monomères. conduit au phénomène d’hystérésis diélectrique. Ce dernier nécessite
deux conditions électriques particulières :
— l’énergie électrique doit être portée par des ondes électromag-
L’activation de l’opération chimique est due à de nombreux phé- nétiques qui réalisent une structuration de l’espace sans matériali-
nomènes résultant de la présence de catalyseurs ioniques ou radica- sation d’un courant électrique traversant un générateur et le
laires, de la présence de radicaux libres obtenus à partir des matériau diélectrique ;
monomères, de l’absorption de photons de forte énergie ou, enfin, — la fréquence des ondes doit être élevée, de l’ordre du méga-
de l’élévation de la température due à l’existence d’une source hertz et du gigahertz. Plus précisément, quelques fréquences permi-
chaude qui peut résulter de l’exothermicité des réactions chimiques ses se situent, pour les hautes fréquences entre 3 et 30 MHz
entre les monomères. Le terme polymérisation a toute sa significa- (désignation internationale HF, High Frequency) et pour les micro-
tion dans le dossier [AM 3 043], réf. [12] concernant les principes de ondes industrielles entre 300 MHz et 3 GHz (désignation internationale
la polymérisation sous rayonnements de forte énergie photonique UHF, Ultra High Frequency). Le terme « hyperfréquences » est sou-
(au minimum l’énergie des photons UV). En ce qui concerne le pré- vent synonyme de « micro-ondes » et, en télécommunication, le
sent dossier, les polymères sont principalement thermodurcissa- domaine de fréquence concerné comprend également le domaine
bles, tels que les polyuréthannes, les polyesters, les époxydes, etc. SHF (Super High Frequency de 3 à 30 GHz) et le domaine EHF (Extre-
et les réactions chimiques s’établissent avec des monomères bi, tri mely High Frequency de 30 à 300 GHz).
ou tétrafonctionnels ; ces réactions qui sont des réactions de poly-
condensation ou de polyaddition conduisent au phénomène de réti-
culation, c’est-à-dire à la formation d’un réseau tridimensionnel. En
conséquence, ce dossier est à rapprocher du dossier [A 3 710],
1.3 Échelles de temps
réf. [13] qui concerne la mise en œuvre des thermodurcissables,
quelle que soit la structure du matériau composite mis en œuvre
Les conditions de la maîtrise de la cinétique de polymérisation
pour lequel le polymère tient le rôle de matrice liant les charges.
sont donc fondées sur la comparaison de deux temps
C’est donc dans le cadre des polymérisations dont les cinétiques
caractéristiques :
sont particulièrement dépendantes de la température que se pose
l’analyse des spécificités des polymérisations obtenues par un — le temps caractéristique de la diffusion de la chaleur qui s’écrit,
apport de chaleur dû à une source chaude et celles des polymérisa- si le nombre de Fourier est égal à 1 :
tions obtenues sous l’effet des micro-ondes.
L2
τ = ------ (1)
a
avec L (m) caractéristique dimensionnelle de l’objet,
1.2 Transfert de chaleur d’origine
a (m2/s)diffusivité thermique du matériau constitutif de
thermique ou par micro-ondes l’objet [2],
— le temps caractéristique ∆t de création de chaleur, déduit
d’une densité volumique de puissance p (en W/m3).
L’élaboration des matériaux à matrice polymère est fondée sur la
transformation par voie thermique et physico-chimique des consti- Si les termes de transferts de chaleur et de masse sont négligés,
tuants de cette matrice. Si cette dernière est thermodurcissable, il l’élévation de température par rapport au temps s’écrit :
s’agit d’une transformation par réaction chimique et réticulation de
dT p
ses constituants. Si elle est thermoplastique, l’élaboration, obtenue ------- = --------- (2)
par solidification au refroidissement, est fondée sur ses change- dt ρ cp
ments d’état physique résultant de la distribution spatiale de la tem-
pérature et des cinétiques thermiques imposées. avec ρ (kg/m3) masse volumique,
cp (J/kg ⋅ K) capacité thermique massique,
La diffusion et l’utilisation de ces composites à matrice polymère
pour les pièces industrielles de moyenne et de grande série se trou- T température.
vent souvent limitées par la durée des opérations d’élaboration ; Le temps ∆t = tf – ti (s) nécessaire pour atteindre l’élévation de
cette durée doit son explication dans le rôle fondamental tenu par la température Tf – Ti, à partir de la température initiale Ti (Tf étant la
température. Ainsi, pour augmenter la vitesse de transformation température finale) s’exprime par la relation :
des polymères, il convient parfois d’élever leur température, mais
deux de leurs caractéristiques, à savoir leur faible conductivité ther- ρ cp V
mique et leur forte thermodégradabilité, limitent fortement l’éléva- t f – t i = -------------- ( T f – T i ) (3)
P
tion souhaitée de la température. En effet, dans les conditions
habituelles d’un apport de chaleur à partir de la paroi chaude des dépendant de la puissance calorifique totale P (W) que l’on peut
moules ou à partir d’un fluide assurant un transfert de chaleur par créer par des sources électromagnétiques dans le volume V de
convection, la faible conductivité thermique des polymères ne faci- l’objet à réaliser.

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______________________________________________________________________________ POLYMÉRISATION SOUS MICRO-ONDES ET HAUTES FRÉQUENCES

2. Bases des procédés 2.2 Propagation électromagnétique


en milieu guidé
de l’hystérésis diélectrique
La mise en œuvre de cette technologie électrothermique repose
sur l’utilisation de systèmes appelés fours ou applicateurs permet-
2.1 Interaction onde tant le confinement des ondes et tenant le rôle de cage de Faraday.
électromagnétique-matière

Nous devons donc rappeler très brièvement comment se réalise la
propagation des ondes à l’intérieur d’une surface métallique électri-
condensée quement conductrice, susceptible de contenir l’objet à transformer.
Dans le cas de l’utilisation des hautes fréquences, la structure de
l’espace confiné s’apparente à celle d’un condensateur plan tandis
La dégradation directe de l’énergie électromagnétique en chaleur que, dans le domaine des micro-ondes, la structure de l’espace
au sein d’un matériau diélectrique est possible dès l’instant où l’on confiné est celle d’un guide d’ondes, de section circulaire ou
applique au matériau un champ électrique dépendant du temps. rectangulaire.
Elle est classiquement dénommée en électrothermie « chauffage
par hystérésis diélectrique ». Cette hystérésis est strictement la Les deux premières équations de Maxwell, résultante l’une de
cause électrique de la dégradation de l’énergie car, lorsque la l’expérience de Faraday et l’autre du théorème d’Ampère conduisent
contrainte électrique cesse, c’est-à-dire lorsque le champ électrique aux deux équations d’ondes (ou encore équations de propagation)

E appliqué cesse ou décroît, la polarisation diélectrique de la en E et H qui s’écrivent sous la forme :


matière ne s’annule pas instantanément ou ne suit pas immédiate- 2
ment la décroissance du champ électrique. Ce retard est dû au phé- ∂ E
∆E – µε --------- = 0 (6)
nomène de relaxation diélectrique ; ce retard est l’hystérésis ∂ t2
diélectrique. En conséquence, lorsque la sollicitation électrique est
du type alternatif et périodique de pulsation ω (en s–1) et d’ampli- ∂H
2
∆H – µε ---------
- = 0 (7)
tude E0 (en V/m), le vecteur excitation électrique D (x, y, z) (en C/m2) ∂t
2

présente toujours un déphasage arrière δ (retard), par rapport au


avec ∆ vecteur Laplacien [3],
vecteur E (x, y, z) tel que :
H vecteur champ électrique,
D = ε 0 ε r E 0 cos ( ωτ – δ ) (4) µ perméabilité magnétique.
Les conditions aux limites réalisées par la surface métallique de
La densité volumique de puissance électrique p (W/m3)
convertie confinement des ondes sont essentielles dans les conditions d’exis-
en chaleur par unité de temps est proportionnelle au sinus de ce tence des différentes distributions possibles des champs électroma-
déphasage gnétiques dans l’objet diélectrique limité par des parois métalliques.
Il existe ainsi une fréquence de coupure fc associée à une longueur
ω 2 d’onde de coupure λc définie par la forme et les dimensions de la
p = ---- ε 0 ε r sin δ E 0 (5)
2 section transversale de la structure métallique de confinement des
ondes. Il n’y aura propagation d’une onde électromagnétique dans
avec ε0 permittivité du vide, égale à (36π)–1 ⋅ 10–9 F/m, l’applicateur que si la fréquence du rayonnement hyperfréquence
utilisé est supérieure à la fréquence de coupure fc. De plus, les diffé-
εr permittivité relative du matériau auquel est appliqué
rentes distributions possibles des champs électromagnétiques sont
le champ électrique alternatif.
classées, en première analyse, en mode TE (Transverse électrique)
εr est bien évidemment une grandeur sans dimension. Le produit si le champ électrique est seul transverse à la direction de propaga-
n tion principale ou en mode TM (Transverse magnétique) si le champ
εr sin δ est habituellement désigné par ␧ r et représente la caractéris-
tique diélectrique d’absorption (au sens de l’énergie électrique magnétique est seul transverse à la direction de propagation princi-
absorbée par la matière). Le produit εr cos δ est habituellement dési- pale. Chacun des modes de propagation conduit à une longueur
gné par ␧ rⴕ et continue de représenter la caractéristique diélectrique d’onde résultante dans la direction de propagation principale qui est
de permittivité. L’évolution en fonction de la température de ces appelée longueur d’onde guidée et qui est toujours différente de la
deux grandeurs diélectriques est une donnée fondamentale pour la longueur d’onde naturelle. Ces aspects de propagation guidée sont
maîtrise de la technologie puisque l’on recherchera toujours une élé- largement développés dans le dossier [E 1 020], réf. [14].
vation de la température et parce que ces deux grandeurs sont
représentatives des interactions intermoléculaires et éventuelle-
ment intramoléculaires pour les macromolécules. Cette remarque
sera concrétisée au paragraphe 3.1.1. concernant la diversité des 2.3 Phénomènes thermiques liés
comportements des matériaux polymères. aux procédés

Pour bien différencier la réponse diélectrique de la matière La création de chaleur par le phénomène d’hystérésis diélectrique
des phénomènes de résonance moléculaire, dans le domaine est rarement seule dans le développement d’un procédé de polymé-
des hautes fréquences et des micro-ondes et pour les milieux risation. En effet, les réactions de réticulation des polymères ther-
condensés, l’expression « conversion de l’énergie électrique par modurcissables sont exothermiques, mais le transfert de chaleur
relaxation diélectrique » est souvent utilisée en lieu et place de résultant de ces sources de chaleur chimiques est souvent peu visi-
« chauffage par hystérésis diélectrique ». La constante de temps ble et seuls des moyens de thermométrie puissants (analyses ther-
de la relaxation diélectrique sera également représentative des mique ou enthalpique différentielles) permettent de mettre en
interactions intermoléculaires ou intramoléculaires pour les œuvre l’élévation de température due à l’exothermie des réactions
macromolécules. de réticulation.

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Procédé sol-gel de polymérisation

par Pierre AUDEBERT



Professeur
et Fabien MIOMANDRE
Maître de conférences
Laboratoire photochimie et photophysique supra et macromoléculaires, UMR CNRS 8531,
École normale supérieure de Cachan

1. Caractéristiques d’un gel....................................................................... AM 3 048 – 2


2. Aspects chimiques de la polymérisation sol-gel............................. — 2
2.1 Procédé hydrolytique .................................................................................. — 2
2.1.1 Cas des alcoxydes de silicium ........................................................... — 3
2.1.2 Cas des alcoxydes de métaux de transition ..................................... — 4
2.1.3 Systèmes divers et multicomposants............................................... — 5
2.2 Sol-gels non hydrolytiques ......................................................................... — 5
3. Aspects physico-chimiques de la polymérisation sol-gel ............. — 5
3.1 Gélification et structure du gel ................................................................... — 5
3.1.1 Généralités .......................................................................................... — 5
3.1.2 Considérations théoriques................................................................. — 6
3.2 Vieillissement des gels................................................................................ — 6
3.3 Séchage des gels ......................................................................................... — 6
4. Gels hybrides, structures diverses et applications ........................ — 7
4.1 Gels hybrides ............................................................................................... — 7
4.1.1 Hybrides de classe I............................................................................ — 7
4.1.2 Hybrides de classe II........................................................................... — 7
4.1.3 Hybrides multimétalliques................................................................. — 8
4.2 Xérogels mésostructurés ............................................................................ — 8
4.3 Hybrides et xérogels à précurseurs superstructurés................................ — 9
5. Applications des matériaux sols-gels ................................................ — 9
5.1 Fibres et couches minces ............................................................................ — 10
5.2 Films protecteurs ......................................................................................... — 10
5.3 Décoration à l’aide de films hybrides ........................................................ — 10
5.4 Divers............................................................................................................ — 10
6. Conclusion ................................................................................................. — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM 3 048

a première polymérisation sol-gel a été réalisée par Ebelmen, qui décrivit


L dès 1845 « la conversion en verre solide de l’acide silicique exposé à l’air
humide » [1]. Cependant, le commencement de la polymérisation sol-gel date
des années 1930 avec l’utilisation pour la première fois, par la firme allemande
Schott, d’un procédé sol-gel pour fabriquer des récipients en verre.
Le principe du procédé sol-gel, autrefois appelé « chimie douce », repose sur
l’utilisation d’une succession de réactions d’hydrolyse-condensation, à tempéra-
ture modérée, pour préparer des réseaux d’oxydes, qui peuvent être à leur tour
traités thermiquement. La formation du réseau d’oxyde a lieu en solution à une
température proche de l’ambiante. Il s’agit d’un processus de conversion en
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPPU

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PROCÉDÉ SOL-GEL DE POLYMÉRISATION ___________________________________________________________________________________________________

solution d’alcoxydes métalliques, tels que les alcoxydes de silicium, zirconium,


aluminium, titane... Même s’il est possible d’utiliser d’autres dérivés que les
alcoxydes (chlorures par exemple), ceux-ci sont de loin les plus employés du fait
de leur réactivité modérée et de leur grande modularité. En effet, le choix du
groupement alkyle permet de moduler la réactivité de l’alcoxyde en fonction des
propriétés finales envisagées pour le matériau.


Comme nous le verrons dans cet article, la réactivité de l’alcoxyde dépend éga-
lement beaucoup de la nature du métal (ou métalloïde), et il peut être nécessaire
d’utiliser des additifs pour diminuer ou augmenter cette réactivité selon les cas.
Nous allons notamment détailler les différents modes de catalyse et d’inhibition
rencontrés dans les procédés sol-gel.

1. Caractéristiques d’un gel Hydrolyse


Al(OR)3 Al(OH)3

■ Bien que le terme « gel » ait reçu de nombreuses définitions dans 300 210 120 030
la littérature, il est généralement admis, notamment dans la
« communauté sol-gel », que :

Condensation
201 111 021

le gel est constitué d’un réseau d’oxyde gonflé par le solvant,


avec des liaisons chimiques assurant la cohésion mécanique du 102 012
matériau en lui donnant un caractère rigide, non déformable (un
gel peut présenter un caractère élastique, mais pas de viscosité
macroscopique). 003

(Al-O-Al)3
Nous nous conformerons à cette définition dans la suite. Dans la
plupart des cas, ce sont les liaisons chimiques covalentes qui sont à
la base du réseau du gel (comme dans les gels de silice) [39], mais il Figure 1 – Schéma réactionnel de la formation de gel dans le cas
arrive que ce réseau repose sur des liaisons chimiques plus faibles, de l’aluminium
comme des liaisons de coordination ou des liaisons hydrogène. La
structure du gel peut changer avec le temps (c’est d’ailleurs généra-
lement le cas), grâce à la création de nouvelles liaisons ou, au d’halogénures), étant donné que ceux-ci font l’objet de 95 % des tra-
contraire, la destruction de liaisons, ou les deux à la fois : cepen- vaux décrits dans la littérature, nous nous limiterons ici à leur étude.
dant, un certain nombre de liaisons est nécessaire pour maintenir le La polymérisation sol-gel peut être « hydrolytique », c’est-à-dire
caractère « gel ». nécessiter l’ajout d’eau et donc inclure une ou plusieurs étapes
d’hydrolyse ou, au contraire, être « non hydrolytique » lorsqu’elle
■ Avant que l’état de gel ne soit atteint, le système est dans l’état est réalisée sans eau. Le cas des gels hydrolytiques est de loin le
liquide : il est constitué d’un mélange d’oligomères colloïdaux et de plus important et le plus répandu [2].
petites macromolécules ainsi que, selon le degré d’avancement de
la réaction de polymérisation, de différents monomères partielle-
ment hydrolysés. Cette solution liquide est appelée « sol ».
2.1 Procédé hydrolytique
Le temps nécessaire au « sol » pour se transformer en « gel »
est appelé temps de gel (ou point de gel), et noté tg. Dans ce cas, le procédé sol-gel inclut au moins une étape d’hydro-
lyse avant la polymérisation. On peut ainsi décrire la réaction en
deux étapes : hydrolyse de l’alcoxyde (équation (1)), suivie de la
■ Lorsque le gel vieillit, le phénomène de réticulation conduit au
condensation (équation (2)) :
rétrécissement du matériau avec expulsion du solvant : on parle
alors de « synérèse ». Indépendamment de la synérèse, il est possi- M ( OR ) n + m H 2 O → M ( OH ) m ( OR ) n – m + m ROH (1)
ble de sécher le gel, soit en conditions atmosphériques, soit en
conditions supercritiques. Dans les deux cas, on obtient un réseau
2 M ( OX ) n → ( OX ) n – 1 M  O  M ( OX ) n – 1 + X 2 O avec X = R ou H (2)
plus ou moins dense sans solvant, appelé « xérogel » lorsque le
séchage a lieu en conditions atmosphériques, et « aérogel » [40] [41]
en conditions supercritiques. Les xérogels sont généralement plus Les équations ci-dessus décrivent le schéma global du processus
denses que les aérogels, mais ce point sera discuté plus loin. sol-gel, lequel peut faire intervenir plusieurs chemins réactionnels
possibles, qui seront détaillés dans le cas où M est le silicium.
Pour obtenir une vitesse de réaction acceptable, il peut être néces-
saire d’ajouter un catalyseur ou, au contraire, un inhibiteur. De plus,
2. Aspects chimiques de les métaux étant le plus souvent multivalents, de nombreuses espè-
ces différentes sont susceptibles d’intervenir dans le schéma
la polymérisation sol-gel réactionnel conduisant à la formation du gel.
La figure 1 montre, dans le cas de l’aluminium, un exemple de ces
différentes espèces : les 3 chiffres dans chaque case symbolisent
Bien qu’il soit possible de réaliser la polymérisation sol-gel à par- successivement, de gauche à droite, le nombre de substituants
tir d’autres précurseurs que les alcoxydes (par exemple, à partir alcoxy, hydroxy et d’ordre supérieur (c’est-à-dire reliés à d’autres

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___________________________________________________________________________________________________ PROCÉDÉ SOL-GEL DE POLYMÉRISATION

+ +
RO
RO ORH ORH RO OR
H2O
Si(OR)4 + H+ Si H2O Si Si + ROH + H+
Figure 2 – Mécanisme réactionnel de
RO OR OR OR HO OR la catalyse acide dans le cas des alcoxydes
de silicium

espèces O  M ) sur le métal. Chacune des flèches est associée à


une réaction possible, qui peut être effective ou non selon le type
■ Tous ces mécanismes dépendent fortement de la concentration
en catalyseur, ainsi que des contraintes stériques inhérentes à la

d’alcoxyde et les conditions opératoires. L’étape d’hydrolyse repré- nature de l’alcoxyde. En particulier, même si les mécanismes sont
sente la conversion de fonctions alcoxy en fonctions hydroxy, alors similaires, les vitesses peuvent changer notablement entre l’hydro-
que l’étape de condensation représente la conversion de fonctions lyse et la condensation selon le type de catalyse, avec des
hydroxy (ou plus rarement alcoxy) en espèces M  O  M . répercussions importantes sur la morphologie et le temps de gel.

À ce stade, il est nécessaire d’examiner le cas des différents 2.1.1.2 Influence du pH


métaux : nous traiterons successivement les exemples du silicium
(qui est de loin le plus important), des métaux de transition (que l’on Comme indiqué précédemment, le temps de gel dépend forte-
peut inclure dans une même classe) et enfin les autres métaux. ment du type de catalyse. Le tableau 1 donne la dépendance du
temps de gel en fonction du pH et du catalyseur utilisé. Les résultats
montrent que le contre-ion a peu d’importance dans le cas des aci-
des forts, tandis que le pH semble être le seul paramètre influent
2.1.1 Cas des alcoxydes de silicium dans les autres cas. Certains auteurs ont étudié la cinétique de gélifi-
cation en fonction du pH pour différents types d’acides [3]. Les résul-
tats montrent qu’il existe un pH optimal, inférieur à 1 ou compris
Les alcoxydes de silicium réagissent très lentement avec l’eau, et entre 3 et 6, correspondant probablement à un compromis entre la
sont d’ailleurs indéfiniment stables en l’absence d’eau. C’est pour- protonation du groupe partant et celle, indésirable, du nucléophile.
quoi, la synthèse de gels de silice requiert une étape d’hydrolyse. (0)

Les précurseurs commerciaux les plus répandus sont les


tétraméthoxy- et tétraéthoxysilanes (en abrégé TMOS et TEOS res- Tableau 1 – Influence du catalyseur et du pH sur le temps
pectivement). Les alcoxydes de silicium étant non miscibles à l’eau, de gel
on utilise un cosolvant (généralement l’alcool parent) pour effectuer
la réaction. L’étape d’hydrolyse étant très lente avec l’eau pure, on Temps de gel
ajoute toujours un catalyseur, qui peut être un acide ou une base. Catalyseur pH de la solution
(h)
Ces deux types de catalyseurs conduisent à deux types de gels très
différents. Aucun 5 1 000
HF 1,9 12
2.1.1.1 Mécanismes catalytiques HCl 0 92
HNO3 0 100
■ Les étapes d’hydrolyse et de condensation en catalyse acide se
produisent selon un mécanisme de substitution nucléophile SN2, H2SO4 0 106
après protonation de l’alcoxyde. La figure 2 représente le CH3COOH 3,7 72
mécanisme réactionnel de la catalyse acide, valable pour les deux
étapes (il suffit de remplacer H2O par SiOH pour passer de l’hydro- NH4OH 10 107
lyse à la condensation).
2.1.1.3 Influence des substituants
■ Le mécanisme en catalyse basique se produit suivant un schéma Les effets électrodonneurs ou électroattracteurs des substituants
réactionnel légèrement différent selon qu’on utilise une base con- sur l’atome de silicium ont, comme prévu, une influence importante
ventionnelle ou l’ion fluorure. Dans le premier cas, il y a attaque de sur les vitesses d’hydrolyse et de condensation. La densité électro-
l’alcoxyde par l’ion hydroxyle selon un mécanisme SN2 (figure 3), nique sur l’atome de silicium décroît dans l’ordre suivant des
alors que, dans le second cas, on forme un adduit hypervalent du substituants :
silicium à l’issue de la première étape, suivie d’une addition d’eau R > OR > OH > O  Si
(resp. SiOH) dans une deuxième étape, avec élimination d’une
molécule d’eau et d’un ion fluorure. Logiquement, les états de transition chargés positivement en
catalyse acide sont favorisés par des substituants électrodonneurs,
alors que ceux chargés négativement en catalyse basique sont favo-
risés par les substituants électroattracteurs.
– Ces observations ont des conséquences importantes : ainsi, en cas
OR
OR RO OR d’hydrolyse acide, la vitesse d’hydrolyse diminue avec le nombre de
substituants OH sur l’atome de silicium, car ceux-ci sont moins élec-
Si(OR)4 + OH– OH Si Si + RO– trodonneurs que les groupements OR. De même, les réactions de
condensation seront beaucoup plus lentes que les réactions d’hydro-
OR OR HO OR
lyse, les effets électroattracteurs des substituants O  Si s’ajoutant
aux effets stériques globalement croissants. En conséquence,
l’hydrolyse en milieu acide sera généralement terminée dès le début
RO– + H2O ROH + OH– de la condensation, bien avant le point de gel, conduisant à un
polymère faiblement réticulé. Suivant cette même tendance, la gélifi-
Figure 3 – Attaque de l’alcoxyde par l’ion hydroxyle selon cation et la cogélification de siloxanes substitués par des groupe-
un mécanisme SN2 ments alkyle seront nettement facilitées en milieu acide.

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Simulation mésoscopique
des polymères
par Armand SOLDERA

Professeur
Laboratoire de physico-chimie moléculaire, Département de chimie
Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec), Canada
et Alexandre FLEURY
Doctorant
Laboratoire de physico-chimie moléculaire, Département de chimie
Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec), Canada
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article AF 6 045 intitulé « Modélisation méso-
scopique des polymères » paru en 2008, rédigé par Armand Soldera.

1. Nécessité des méthodes mésoscopiques ......................................... AF 6 045v2 - 2


1.1 Aperçu général ............................................................................................ — 2
1.2 Simulations des polymères........................................................................ — 3
1.3 Méthodes de simulation............................................................................. — 5
2. Fondements des méthodes mésoscopiques .................................... — 7
2.1 Thermodynamique statistique................................................................... — 7
2.2 Thermodynamique des mélanges : théorie de Flory-Huggins................ — 8
2.3 Équation de Langevin ................................................................................. — 9
2.4 Approximation de la phase aléatoire ........................................................ — 9
3. Méthodes mésoscopiques..................................................................... — 10
3.1 Introduction ................................................................................................. — 10
3.2 Aperçu des méthodes mésoscopiques ..................................................... — 10
3.3 Méthodes dites gros grains........................................................................ — 10
3.4 DPD............................................................................................................... — 13
3.5 Méthodes DFT ............................................................................................. — 16
4. Perspectives.............................................................................................. — 20
5. Autres méthodes ..................................................................................... — 20
5.1 Quelle méthode choisir ?............................................................................ — 20
5.2 Approche multi-échelle .............................................................................. — 21
5.3 Vers le macroscopique ............................................................................... — 21
6. Conclusion................................................................................................. — 21
7. Glossaire – définitions ........................................................................... — 22
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AF 6 045v2

es polymères représentent une classe de matériaux de grand intérêt pour


L les industries chimiques et celles des matériaux. Ils comptent en effet
parmi les fabrications des industries chimiques ayant le plus large volume de
production et les matériaux engendrant les plus grands profits. Peu de nou-
veaux polymères industriels voient toutefois le jour ; les nouveaux polymères
restent principalement l’apanage de recherches académiques. Le coût associé
à leur mise sur le marché est en effet un facteur limitant. Ce qui est plutôt
recherché dans l’industrie est l’obtention de propriétés spécifiques en effec-
tuant des mélanges de polymères, ou la synthèse de copolymères. Il suffit de
penser à l’ABS, terpolymère intervenant dans la fabrication des premiers
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPRP

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés AF 6 045v2 – 1

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SIMULATION MÉSOSCOPIQUE DES POLYMÈRES __________________________________________________________________________________________

pneus. Ce copolymère associe la rigidité, la dureté et la résistance à la chaleur,


grâce à une juste combinaison des trois monomères. Il n’en demeure pas
moins qu’une forte composante expérimentale est mise à contribution pour
trouver le meilleur compromis, c’est-à-dire la composition des différents
polymères ou chaînons du copolymère, offrant la propriété optimale (tout en
préservant les autres propriétés). Afin de pallier les problèmes de temps et de
coût associés à la recherche du meilleur candidat, la simulation moléculaire se

Q révèle parfaitement appropriée.


Le choix de la méthode de simulation la plus adéquate à la demande d’un
industriel dépend principalement du niveau de détails qu’il est nécessaire de
connaître. Dans le cas de l’étude de mélanges, à cause d’une entropie de
mélange beaucoup plus faible lorsque l’un des constituants est un polymère,
comparativement aux mélanges de molécules de faible masse molaire, des
démixtions interviennent. Le matériau va donc présenter des domaines
riches en l’un ou l’autre des composés. En modulant la tension d’interface
entre les deux composants, on modifie la morphologie du matériau, ce qui va
permettre d’obtenir les propriétés désirées. La connaissance de la morpho-
logie du système polymérique est donc primordiale pour ajuster au mieux
les propriétés d’importance pour des applications pratiques. Le niveau de
détails associé à la morphologie correspond à l’échelle dite mésoscopique.
L’approche traitée dans cet article va du microscopique vers le macro-
scopique : en anglais, les termes « bottom-up » sont employés, que l’on peut
traduire par « ascendant ». Il ne sera pas question de l’inverse, soit le « des-
cendant », qui en anglais se dit « top-down ».

1. Nécessité des méthodes gros grains, DPD et MesoDyn sont ensuite discutées, avec pour
chacune des exemples d’application. Dans une dernière partie, il
mésoscopiques sera fait état de l’approche multi-échelle, qui suscite actuellement
un très fort engouement, en présentant le projet OCTA (terme
japonais signifiant « développement pour le futur »). Ce projet rend
Au niveau microscopique, les méthodes quantiques et atomis- accessible à tout un chacun des simulations des polymères à diffé-
tiques sont utilisées. Nous invitons le lecteur intéressé à se reporter à rentes échelles.
l’article portant sur la simulation atomistique des polymères
Il est à préciser que bien qu’intéressantes les premières méthodes
[AF 6 042]. La résolution de l’équation de Schrödinger indépendante
mésoscopiques telles que LatticeAutomata, par exemple, ne sont
du temps permet d’obtenir des propriétés statiques, tandis que les
pas exposées. Le lecteur intéressé pourra se reporter aux références
propriétés dynamiques sont calculées à partir de la résolution de
présentées dans le Pour en savoir plus.
l’équation de Newton. À l’échelle macroscopique, ce sont les équa-
tions de Langevin ou Navier-Stokes qui permettent de rendre compte Le paragraphe suivant précise le contexte scientifique associé
de la mécanique des milieux continus. Entre les deux niveaux de aux méthodes mésoscopiques, afin de mieux appréhender le fonc-
représentation, se trouvent les méthodes mésoscopiques, situées tionnement de telles méthodes.
habituellement entre 10 nm (10–8 m) et 0,1 μm (10–7 m).
Pour atteindre des temps de simulation plus longs, et ainsi fran-
chir le palier du microscopique, des degrés de liberté représentant 1.1 Aperçu général
les mouvements intramoléculaires les plus rapides doivent être
éliminés. Cette perte doit toutefois être compensée par l’introduc- Dès l’Antiquité, l’être humain s’est intéressé à comprendre ce qui
tion de paramètres supplémentaires. De plus, les méthodes méso- se passait à d’autres échelles que celle où il évolue. Démocrite a tenté
scopiques doivent répondre à la physique du grand nombre de de rendre compte de la matière en introduisant les unités indivisibles
particules, c’est-à-dire aux lois régissant le macroscopique. La que sont les atomes. Il était toutefois difficile d’observer ces atomes
complexité de tels systèmes va alors s’exprimer selon différentes en ayant comme seul moyen d’étude, à cette époque, son propre œil.
approches, résultant en autant de modèles dont certains vont être La résolution de l’œil ne dépasse pas quelques dizaines de micro-
présentés dans cet article. mètres. Pour pousser l’investigation à une prochaine étape, il est
nécessaire de se procurer un microscope optique. Mais pour accéder
La liste des techniques faisant l’objet de ce texte est loin d’être à encore plus de détails, les longueurs d’onde du visible deviennent
exhaustive. Parmi les nombreux choix de codes mésoscopiques, trop grandes pour l’objet d’étude : la résolution maximale d’un
trois ont été délibérément choisis car ils sont représentatifs des microscope optique est de 200 nm. Il faut alors utiliser une source
trois approches les plus communément utilisées dans ce domaine. d’électrons dont la longueur caractéristique permet d’augmenter la
De plus, ils sont commerciaux et ne nécessitent pas de connais- résolution, telle que le microscope électronique à transmission qui
sances approfondies en informatique. Il est à remarquer que deux peut fournir une visualisation de détails de l’ordre de 0,2 nm. Un
de ces codes ont été développés dans le cadre de recherches appareil AFM, microscope à force atomique, permet d’augmenter
industrielles. davantage la résolution ; les atomes deviennent alors « observables ».
Ainsi, après avoir précisé le contexte scientifique associé aux Toutefois, l’observation qui en est faite considère les atomes fixes. De
méthodes mésoscopiques, les fondements directement liés à ces la même manière, si l’on utilise la diffraction des rayons X, le cliché
techniques vont être plus spécifiquement examinés. Les méthodes obtenu donne une observation moyenne de la position des atomes.

AF 6 045v2 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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__________________________________________________________________________________________ SIMULATION MÉSOSCOPIQUE DES POLYMÈRES

Afin d’accéder au temps relatif du mouvement des atomes, des tech- méthodes mésoscopiques se fondent sur cette technique. En fait, il
niques de spectroscopie laser doivent être utilisées. De ce fait, si l’on pourrait être pertinent d’augmenter le nombre d’atomes et le temps
veut connaître la description exacte d’un matériau, il faut avoir accès de simulation pour s’approcher des conditions macroscopiques per-
autant aux longueurs caractéristiques, qu’aux temps de relaxation mettant le calcul d’une propriété physique, d’autant plus que la puis-
des particules, c’est-à-dire à leur dynamique. sance des ordinateurs ne cesse de croître. Il faut toutefois y mettre
un bémol, car cela peut générer certaines complications. Dans le cas
Plus on accède aux détails microscopiques, plus les temps asso- des polymères, pour des chaînes plus courtes, c’est-à-dire dont la
ciés deviennent courts. Considérons le cas des polymères, objet de masse M se trouve inférieure à la masse entre enchevêtrements,


cet article. Dans le tableau 1, les différents temps associés aux Me, le temps de relaxation est proportionnel à M2, puis il devient
mouvements au sein des polymères, ainsi que les longueurs carac- proportionnel à M3,4. Le concept d’enchevêtrement est propre aux
téristiques associées à ces mouvements sont indiqués. Le domaine polymères, et correspond au moment où le mouvement d’une
d’exploration est très étendu. Il est difficile qu’une technique chaîne est lié à celui des autres chaînes. Ce serait alors une utilisa-
puisse à elle seule rendre compte de tous ces mouvements. Il faut tion abusive de la capacité des ordinateurs de rendre le système
donc connaître les limites de détection tant spatiales que tempo- compatible aux temps de relaxation si élevés. De même, la morpho-
relles pour chaque instrument. Cette notion se retrouve au sein de logie de copolymères, la formation des émulsions restent difficiles à
la simulation moléculaire. Ainsi, on peut résumer le lien entre les prendre en compte selon une approche atomistique. Si à présent, au
deux échelles, spatiale et temporelle, en séparant les différentes lieu de la discrétisation, propre aux simulations moléculaires, nous
techniques de simulation moléculaire selon leurs critères de détec- considérions l’approche continue telle que l’utilisation des équations
tion. La figure 1 précise ces niveaux. de Navier-Stokes. Cette approche est d’autant plus intéressante
La partie atomistique est traitée dans un autre article des tech- qu’elles sont applicables à des échelles de longueur très basses.
niques de l’Ingénieur [AF 6 042]. Des rappels sur la dynamique Cependant, la pertinence d’une discrétisation moléculaire ne se
moléculaire sont présentés au paragraphe 1.3.2 car de nombreuses révèle qu’à des échelles de longueur de 101 à 1010 nm, et de temps
de 100 à 106 ns. Ces domaines sont ceux dont il va être question
dans cet article, soit l’échelle mésoscopique. Quelle est alors la meil-
leure stratégie à employer pour exprimer au mieux les phénomènes
Tableau 1 – Différentes échelles de temps se produisant à ces échelles ? Trois méthodes vont pour cela être
et de longueurs caractéristiques introduites dans le présent article.
au sein des polymères Il est un point qu’il faut souligner dans ce préambule dont il ne
sera plus question dans le reste de ce texte mais qui demeure
Temps caractéristiques Longueurs
important : quel est le degré de recouvrement entre les différentes
techniques telles que reportées à la figure 1 ? En ce sens, considé-
Vibrations Longueur des 1 Å
rons une puissance accrue des ordinateurs, la résolution directe de
des liaisons liaisons
l’équation de Schrödinger par méthodes ab initio peut-elle recou-
Transitions entre Longueur de Kuhn 10 Å vrir tous les domaines ? On rentre alors dans la problématique des
états rotamériques propriétés émergentes. Le lecteur intéressé se reportera aux deux
points de vue opposés de Laughlin [1] [2] et de Whitesides [3].
Temps Rayon de giration 100 Å Dans le cas de Laughlin, certaines propriétés apparaissent (émer-
de relaxation gent) à une certaine échelle de longueur, précisant que le tout est
plus voire différent de la somme des parties. Pour Whitesides, et en
Séparation Taille des domaines 1 μm fait également pour Lehn [4], l’information est inscrite dans la
de phases (démixtion) molécule. Le débat sur l’émergence reste ouvert.

Vieillissement
physique 1.2 Simulations des polymères
1 Å = 10–10 m
1.2.1 Surface d’énergie potentielle
L’approximation adiabatique, ou de Born-Oppenheimer, est prin-
cipalement basée sur le fait que le proton est 1 852 fois plus lourd
que l’électron. Les mouvements des noyaux et des électrons sont
donc généralement découplés. Quand un noyau bouge, l’environ-
nement électronique se réajuste automatiquement. L’atome est
donc réduit à une entité propre dont le mouvement est décrit par
une surface d’énergie potentielle (SEP), surface qu’il faut considé-
rer comme étant multidimensionnelle. Un minimum sur cette sur-
face correspond en fait à une structure d’équilibre.
Avant de généraliser le concept de la SEP à N atomes, considé-
rons le mouvement de deux atomes liés par une liaison covalente.
Ce mouvement peut être décrit par une loi de Hooke, approxima-
tion aux faibles mouvements de l’équation de Morse. La SEP
décrite par cette loi est représentée figure 2a où le système est
symbolisé par une particule dont la masse est égale à la masse
réduite des deux atomes. Pour décrire le mouvement des deux
atomes, il faut utiliser la deuxième loi de Newton (cf. § 2.1.1 décri-
vant l’espace des phases). Dans ce cas simple, il est facile d’inté-
grer de manière continue les forces mises en jeu. Toutefois, un
système polymérique contient de nombreux atomes, et plusieurs
types de forces. Une résolution analytique de l’équation de
Figure 1 – Approche multi-échelle de la modélisation des polymères Newton ne peut donc plus être proposée. Afin de faire évoluer les

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SIMULATION MÉSOSCOPIQUE DES POLYMÈRES __________________________________________________________________________________________

atomes sur la SEP à N dimensions, schématisée sur la figure 2b, des polymères porte sur une très grande gamme de longueurs et
l’intégration des équations du mouvement va se faire en utilisant de temps (tableau 1) : par exemple, la diffraction des rayons X
un intégrateur tel que l’intégrateur de Verlet [5]. Cette résolution détermine en moyenne la distance entre atomes au sein de la
numérique implique a fortiori l’utilisation d’un pas d’intégration, phase cristalline (de l’ordre de l’angström, soit 10–10 m), tandis que
désigné communément par temps d’intégration. la diffusion de neutrons aux petits angles va permettre de
Quelle est la durée du temps d’intégration pour que l’énergie soit connaître le rayon de giration des polymères (quelques dizaines de
conservée, et donc que les atomes demeurent sur la SEP ? Elle nanomètres, soit 10–8 m) [6] [A 3 042].
dépend en fait de la SEP à considérer, c’est-à-dire du type de simu-

Q lation qui va être généré. Dans le cas de la liaison entre deux


atomes, la vibration la plus rapide est celle de la liaison entre
les atomes de carbone et d’hydrogène, de l’ordre de 1014 s–1, soit un
1.2.2.1 Longueurs caractéristiques
Les calculs électroniques (calculs des hyperpolarisabilités, de la
conduction électronique…) se focalisent principalement à l’échelle
temps caractéristique de 10–14 s ou 10 fs. Pour décrire ce mouve- la plus basse du spectre présentée en figure 1, niveau pour lequel
ment, et donc rester sur la SEP, il faut au plus que le pas d’intégra- nous reviendrons dans le bref paragraphe 1.3.1 consacré aux
tion soit de 0,5 fs ou pour certains intégrateurs tel que l’intégrateur méthodes ab initio. Outre ce type de calculs, des approximations
de Verlet, de 1 fs. La connaissance du mouvement de la vibration de doivent être utilisées pour rendre compte des phénomènes phy-
la liaison C–H n’est toutefois pas nécessaire lors de l’étude de la siques au sein des polymères. L’échelle à considérer débute habi-
rotation de liaison entre deux atomes, par exemple (tableau 1) [6]. tuellement au niveau de l’atome.
Dans ce dernier cas, une autre SEP est à considérer. Celle-ci va pour
ce faire s’affranchir des degrés de liberté superfétatoires. La simulation atomistique, objet de l’article [AF 6 042], permet
d’effectuer de nombreux calculs de propriétés physiques telles que le
La connaissance des temps caractéristiques expérimentaux a module de Young, la température de transition vitreuse, la diffusion…
donc pour but de pouvoir par la suite simuler de manière opti- Les longueurs caractéristiques que l’on considère à ces échelles vont
male les propriétés associées à ces temps. Et, comme le repré- de 0,1 nm pour la distance entre les atomes, à environ 5 nm pour la
sente schématiquement la figure 1, des longueurs caractéristiques largeur des cellules de simulation. De telles longueurs ne permettent
des systèmes d’étude à l’échelle de temps envisagée doivent être pas toutefois d’avoir accès à la morphologie des polymères. La
également considérées. À titre d’exemple, il n’est pas du tout connaissance de cette morphologie résultant de l’assemblage des dif-
opportun de résoudre l’équation de Schrödinger pour étudier la férents constituants est importante pour la fabrication de pièces de
transition vitreuse. polymère résistantes : les propriétés mécaniques de mélanges de
polymères ou de copolymères dépendent fortement de leur compati-
bilité. Cette échelle de longueur supérieure (figure 1) est celle dont il
1.2.2 Longueurs et temps caractéristiques
est question dans cet article.
La considération des différentes échelles de temps et de lon- D’un point de vue conceptuel, les chaînes de polymères se
gueur découle de la définition du domaine d’application des diffé- comportent toutes de la même façon ; tout dépend du degré de dis-
rentes méthodes tant de simulation qu’expérimentales. L’étude tinction qu’il est nécessaire de considérer. Les études physiques
et physico-chimiques se basent sur cet aspect universel des
polymères. La dépendance des propriétés en fonction de la consti-
tution chimique des polymères disparaît donc à une résolution plus
basse que celle utilisée dans le cas des simulations atomistiques.
À un tel niveau, la longueur caractéristique se trouve être de l’ordre
de quelques nanomètres, tel que l’indique la figure 1. Certains
degrés de liberté qui sont associés à la constitution chimique de la
chaîne de polymère ont disparu, c’est alors la flexibilité qui devient
la propriété d’intérêt. D’un autre point de vue, le palier de résolu-
tion auquel il faut se positionner pour que le polymère d’étude se
comporte comme un polymère parfait diffère selon le composé. Il
est à préciser que la mobilité d’une chaîne de polymère, indépen-
damment de son environnement, découle de la forme du potentiel
d’interaction entre deux groupements autour d’une liaison du sque-
lette de la chaîne (figure 3). Le potentiel est déterminé à partir des
calculs effectués à l’échelle atomistique ou quantique.
La mesure de la mobilité d’une chaîne s’effectue à partir de la
connaissance de la longueur de corrélation. Celle-ci est obtenue à
partir de la fonction d’autocorrélation entre deux directions au
représentation en une dimension sein de la chaîne [7]. On parle encore de fonction d’orientation :

(1)

avec vecteur unitaire se trouvant sur la chaîne à la


coordonnée curviligne ℓ,
λ distance de séparation entre deux vecteurs se
référant au même type d’entité le long de la
chaîne.
Les crochets indiquent que la moyenne s’effectue dans
l’espace des configurations.
Quand λ tend vers l’infini, il n’existe plus de corrélation entre
représentation symbolique deux éléments de la chaîne, car ils se trouvent séparés par une
distance infinie, et de ce fait Kor tend vers 0. Cette convergence
permet de calculer, à partir de l’intégrale de la fonction Kor, la
Figure 2 – Surface d’énergie potentielle (SEP) longueur de persistance ℓP, caractéristique d’un polymère. Plus la

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__________________________________________________________________________________________ SIMULATION MÉSOSCOPIQUE DES POLYMÈRES

corrélation entre deux chaînons du même polymère est étendue, connaissance des interactions entre les différents constituants pré-
plus la valeur de ℓP va être importante, et moins la chaîne sera sents dans le système d’étude est impérative. Les méthodes
flexible. La figure 3 montre comment elle découle de la forme du mésoscopiques exposées dans cet article tiennent expressément
potentiel d’interaction autour d’une liaison (liaison entre deux compte de ce paramètre pour décrire la morphologie des diffé-
atomes de carbone dans ce cas précis ; les atomes de chlore sym- rentes phases dans un polymère semicristallin, de mélanges de
bolisent le restant de la chaîne) [8]. polymères immiscibles ou de copolymères.
La longueur de persistance peut être assimilée à la longueur de
Kuhn ℓK [7]. Cette dernière longueur est déterminée en considérant 1.2.2.2 Temps caractéristiques
la chaîne de polymère comme une chaîne parfaitement flexible
(chaîne parfaite), équivalente en deux dimensions à la marche au
hasard. Elle donne accès à la longueur, ou le nombre d’unités de
Il a déjà été question au paragraphe 1.2.1 des vibrations au sein
des molécules dont les périodes les plus rapides sont de l’ordre
de 10–14 s (vibration d’élongation de la liaison C–H). À une échelle

répétition, pour que la nouvelle chaîne ainsi formée se comporte de temps supérieure, se trouvent les temps associés à la rotation
comme une chaîne parfaite. La chaîne obéit alors à une statistique autour d’une liaison (tableau 1). Ces temps de rotation corres-
gaussienne, révélatrice du caractère aléatoire. Cette longueur ℓK pondent à la transition entre des états de plus basse énergie que
est de l’ordre de 1 nm pour un polymère synthétique classique, l’on désigne généralement par états rotamériques [9].
plusieurs dizaines de nanomètres dans le cas de la cellulose.
La forme dite de pelote statistique (randomcoil) découle directe- Exemple
ment de la statistique gaussienne décrite par les chaînes de Dans le cas du polyéthylène, PE, on trouve trois états rotamé-
polymère. Le rayon de giration associé se mesure expérimentale-
ment par la technique SANS (Small Angle Neutron Scattering) ; riques : trans (t), gauche + (g), et gauche – , respectivement aux
il est de l’ordre de 10 nm pour les masses moléculaires classiques. angles de torsion (ou angle dièdre) de 0, 120 et –120° (figure 3).
Sa connaissance permet ainsi d’accéder à une échelle de longueur
supérieure. Toutefois, pour atteindre l’échelle des morphologies, la Les temps de transition entre les états rotamériques sont de
l’ordre de 10–11 s, pour des polymères se trouvant dans l’état fondu.
Ils sont responsables de la diffusion des chaînes, à une échelle de
temps supérieure. Toutefois, le temps caractéristique associé à ce
niveau supérieur dépend du degré de polymérisation N. Ainsi, pour
de faibles masses moléculaires, le temps de diffusion des chaînes
augmente selon N2 (régime de Rouse), alors que pour des chaînes
plus longues, l’effet d’enchevêtrement intervient et ce temps de dif-
fusion croît selon N3,4 [10]. Ce temps atteint une limite quasi infinie
(107 s) à la transition vitreuse. À ce temps de corrélation est associée
une longueur, dite longueur de coopérativité, devenant également
infinie (théorie du couplage de modes). Les temps caractéristiques
peuvent alors atteindre quelques années : c’est le domaine du vieil-
lissement des polymères, de très grande importance dans tous les
domaines d’application des polymères [11] [36].
Les différents niveaux d’échelle de temps et de longueurs couvrant
le domaine allant de l’atome aux systèmes macroscopiques vont à
présent être discutés en fonction des méthodes de simulation qui s’y
rapportent, telles que présentées à la figure 1. Cette progression a
pour but d’introduire les méthodes mésoscopiques.

1.3 Méthodes de simulation

ε 1.3.1 Méthodes ab initio


L’échelle la plus basse qui est envisagée durant les simulations
moléculaires correspond à la prise en compte de l’effet électro-
nique. En raison du principe d’incertitude d’Heisenberg, le mouve-
ment d’un électron ne peut être observé, et les interactions entre
τ τ électrons sont impossibles à déterminer analytiquement, seule la
moyenne est à considérer. Ce concept est d’ailleurs à la base
même de la chimie quantique, car les orbitales atomiques rendent
compte d’une distribution moyenne de la présence des électrons.
Les calculs effectués à ces échelles en utilisant les méthodes dites
τ ab initio, ou la théorie de la fonctionnelle de la densité DFT (den-
τ sity functional theory) sur laquelle nous reviendrons de manière
plus générale au paragraphe 2.5.2), décrivent le comportement
des atomes en prenant en considération tous les aspects électro-
niques. Ces calculs concernent généralement des propriétés sta-
tiques. Toutefois, les simulations utilisant les méthodes Car-
Parinello ou de dynamique quantique permettent d’effectuer des
dynamiques pour des systèmes contenant peu d’atomes, et qui
peuvent atteindre des durées de l’ordre de quelques dizaines de
Figure 3 – Énergie potentielle autour de la liaison carbone-carbone picosecondes (1 ps = 10–12 s). Certains effets d’interactions élec-
dans le dichloro-1,2 éthane, molécule visant à symboliser troniques entre atomes peuvent ainsi être examinés. Il est à noter
le comportement du polyéthylène que d’un point de vue expérimental, des mesures impliquant la

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Polymères en solution

par Patrick PERRIN



et Dominique HOURDET
Maîtres de conférences à l’Université Paris-VI

1. Thermodynamique des solutions de polymère................................ A 3 050 - 2


1.1 Solutions concentrées................................................................................. — 2
1.1.1 Réseau de Flory-Huggins ................................................................... — 2
1.1.2 Théorie de volume libre ..................................................................... — 4
1.1.3 Remarques complémentaires............................................................ — 7
1.2 Thermodynamique des solutions diluées : théorie de Flory ................... — 7
1.3 Application des paramètres de solubilité .................................................. — 8
2. Statistique conformationnelle ............................................................. — 10
2.1 Conformation des chaînes macromoléculaires non perturbées ............. — 10
2.1.1 Chaîne à articulations libres .............................................................. — 10
2.1.2 Chaîne à rotations libres .................................................................... — 12
2.1.3 Chaîne à rotations symétriquement perturbées .............................. — 13
2.1.4 Chaîne équivalente de Kuhn.............................................................. — 14
2.1.5 Chaînes semi-rigides .......................................................................... — 14
2.1.6 Chaînes ramifiées ............................................................................... — 14
2.2 Interactions à longue distance.................................................................... — 15
2.2.1 Effets de volume exclu ....................................................................... — 15
2.2.2 Interactions électrostatiques.............................................................. — 16
2.3 Influence de la concentration en polymère sur les dimensions
de la chaîne .................................................................................................. — 16
2.3.1 Notion de concentration critique de recouvrement......................... — 16
2.3.2 Longueur de corrélation ξ .................................................................. — 17
2.3.3 Conformation de la chaîne en milieu semi-dilué ............................. — 17
2.3.4 Viscosité des solutions de polymère dans les différents régimes
de concentration ................................................................................ — 18
3. Conclusion ................................................................................................. — 19
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc A 3 050

es solutions de polymère couvrent un très large spectre d’utilisation, tout


L d’abord parce qu’elles constituent souvent une étape nécessaire au cours
de la synthèse, de la purification (fractionnement précipitation), de la caracté-
risation, voire même de la mise en œuvre, mais également parce qu’elles pos-
sèdent des propriétés macroscopiques originales exploitées dans de nombreux
domaines d’application (revêtement, cosmétologie, agroalimentaire, fluides
pétroliers...).
La description de tels systèmes repose sur deux thèmes essentiels : solubilité
et conformation, qui sont intimement liés à la notion d’enchaînement. En effet,
la connection entre éléments adjacents constitutifs de la chaîne macro-
moléculaire va provoquer une diminution du degré de liberté de ces éléments
et induire l’existence d’interactions à plus ou moins longue distance qui vont
conférer aux solutions de polymères des propriétés tout à fait particulières,
comparées à celles des petites molécules.
L’objectif de cet article est d’aborder la solubilité des polymères et leur confor-
mation en solution par une approche thermodynamique et statistique conforma-
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@QYYW

tionnelle afin de donner au lecteur une vision globale des effets mis en jeu et de
lui permettre d’évaluer les potentialités des systèmes polymère/solvant vis-à-vis
des applications recherchées.

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POLYMÈRES EN SOLUTION _______________________________________________________________________________________________________________

L’étude thermodynamique des solutions a été développée dans le but de


l’étendre aux mélanges de polymères et d’expliquer les phénomènes de
mixtion-démixtion conduisant à des produits biphasiques ou à des « alliages ».

Q 1. Thermodynamique
des solutions de polymère

1.1 Solutions concentrées

1.1.1 Réseau de Flory-Huggins

1.1.1.1 Concept
Contrairement aux mélanges de petites molécules, les solutions
de polymère présentent une nette déviation par rapport à l’idéalité
(loi de Raoult), d’autant plus importante que la masse molaire du
polymère est élevée. Ce comportement inhabituel constituait un
premier défi que les polyméristes relevèrent avec succès au début
des années 40 [1] [2] [3]. L’énergie de Gibbs de mélange d’une solu-
tion idéale est totalement déterminée par le gain d’entropie des
composants dû au procédé même de mélange. Le calcul est basé
sur le fait que les molécules, de tailles identiques, n’interagissent
pas. Ces hypothèses ne sont évidemment pas adaptées au cas des Figure 1 – Schéma de l’arrangement des molécules solvant-solvant
solutions de polymère. Flory et Huggins ont alors développé la (a ) et solvant-polymère (b ) suivant le modèle de réseau
théorie de réseau : le système est représenté par un réseau divisé de Flory-Huggins ; formation d’une solution polymère
en N1 + r N2 cellules identiques (avec N i = nombre de molécules à partir d’un solvant et d’un polymère de volumes libres semblables
d’espèce i, les indices 1 et 2 désignant respectivement le solvant et (b ) et de volumes libres différents (c ) (d’après [4])
le polymère) dont le nombre de coordination est z (par exemple,
z = 6 dans un réseau cubique). Les chaînes de polymère ont toutes
la même masse molaire et une cellule peut contenir soit une molé-
cule de solvant, soit un segment de la chaîne de polymère. En établir un contact solvant-segment et que la probabilité pour
conséquence, la chaîne est découpée en r segments définis par le qu’une de ces cellules soit effectivement occupées par une molé-
rapport des volumes molaires du polymère et du solvant. L’entropie cule de solvant est Φ 1 , ∆H M s’écrit alors simplement :
de mélange est évaluée en dénombrant le nombre possible de ∆H M = ∆w (z – 2) r N 2 Φ1 = kTχ r N 2 Φ 1 = kTχ N 1 Φ 2 (3)
conformations prises par une première chaîne (séquence de r
segments linéairement reliés) dans le réseau vide. Les macromolé- ∆w correspond au changement d’énergie par hétérocontact créé et
cules sont ajoutées une à une au réseau et le nombre de χ est le paramètre d’interaction solvant-polymère de Flory-Huggins
conformations accessibles par chacune d’elles est calculé en tenant qui traduit le bilan énergétique des interactions. En conséquence,
compte de la perte d’entropie provenant d’un choix de plus en plus l’enthalpie libre de mélange s’écrit donc :
restreint de cellules non occupées. Le solvant complète le réseau
donnant ainsi une représentation très schématique d’une solution ∆G M = kT [N 1 In (1 – Φ 2) + N 2 In Φ 2 + χ N 1 Φ 2] (4)
de polymère (figure 1b ) [4] dont l’entropie de mélange, ∆S M , d’ori- Une expression analogue permet de décrire le cas de mélange à
gine purement combinatoire, est donnée par l’expression : plusieurs composants, et en particulier les mélanges ternaires [5] [6].
∆S M = – k (N1 In Φ1 + N2 In Φ2) (1) La variation du potentiel chimique du solvant s’obtient en déri-
vant l’équation (4) par rapport à N 1 , T et P étant constants :
N1
où : Φ 1 = ------------------------- et Φ2 = 1 – Φ1 (2) 2
N1 + r N2 ∆µ 1 = RT [ In ( 1 – Φ 2 ) + ( 1 – 1 ⁄ r ) Φ 2 + χΦ 2 ] (5)
sont respectivement les fractions volumiques du solvant et du poly- En prenant r = 1, l’équation (4) redonne l’expression de l’enthal-
mère et k la constante de Bolzmann. pie libre de mélange des solutions régulières de petites molécules,
concept initialement introduit par Hildebrand et Scott [7]. La
L’enthalpie libre de mélange : ∆G M = – T ∆S M , avec T tempéra- figure 1 utilise le concept du réseau de Flory-Huggins pour décrire
ture absolue (en kelvin), redonne le résultat classique des solutions le mélange de petites molécules (figure 1a ) et la solution de poly-
idéales de petites molécules en prenant r = 1. mère (figure 1b ) [4]. Il apparaît très clairement que la théorie sup-
Cette nouvelle expression de l’entropie de mélange n’explique pose que le mélange s’effectue sans variation de volume (le réseau
que partiellement l’écart à l’idéalité. Flory et Huggins complètent est indéformable) :
leur traitement en exprimant que le mélange a pour effet de créer ∆v M = 0 (6)
des contacts solvant-polymère au détriment de contacts
solvant-solvant et polymère-polymère. L’enthalpie de mélange,
∆H M , provient de la formation de la totalité des hétérocontacts
dans la solution puisqu’un segment bénéficie de z – 2 cellules pour

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______________________________________________________________________________________________________________ POLYMÈRES EN SOLUTION

Tableau 1 – Valeurs de χ et des contributions enthalpique (χ H) et entropique (χS) pour le poly(méthacrylate


de méthyle) dans différents solvants d’après [16]
CHCI3 Benzène Dioxanne THF Toluène Acétone Xylène
χ ........................ 0,365 0,429 0,43 0,446 0,452 0,481 0,506
χ H...................... – 0,075 – 0,017 0,040 0,026 0,028 0,028 0,194
χ S ...................... 0,44 0,45 0,39 0,42 0,42 0,45 0,31

La dérivation de ∆G M traduit une théorie de champ moyen en
supposant que les solutions soient suffisamment concentrées pour
que la probabilité d’occupation par un segment soit la même pour
tous les sites du réseau. Ainsi, les concentrations locales des
segments doivent être égales à leur concentration moyenne cal-
culée sur tout le volume de la solution. L’arrangement aléatoire des
chaînes dans le réseau impose également que l’enthalpie de
mélange soit faible devant l’agitation thermique, ce qui n’est réalisé
que pour des couples polymère-solvant à interactions faibles.
La validité de la théorie est cependant mise en défaut puisque
les valeurs de χ, respectivement déterminées par des mesures de
la pression de vapeur (χ ) et de la chaleur de dilution (χ H) ne sont
pas en accord (tableau 1) [8] [9] [16]a. Guggenheim propose alors
une réinterprétation empirique de la théorie en considérant un
paramètre d’interaction d’enthalpie libre [10] :
χ = χH + χS et ∆w = ∆wH – T ∆wS (7)
où χ S est la contribution entropique non combinatoire du para-
mètre d’interaction, ∆wH et ∆wS étant respectivement les contribu-
tions enthalpique et entropique des contacts solvant-segment.
∆w devient donc un paramètre d’enthalpie libre. Ces définitions
conduisent immédiatement aux relations suivantes :

1 d (χT ) z ∆ wS
--- – Ψ = χ S = ----------------- = – --------------- (8)
2 dT k

Tdχ z∆w
κ = χ H = – ----------- = --------------H- (9)
dT kT

1 Θ
--- – χ = Ψ  1 – ----- = Ψ – κ (10) Figure 2 – Diagramme de phases χ = f (Φ2) pour des polymères
2  T de degrés de polymérisation croissants (d’après [11])
en introduisant les paramètres d’interactions de nature entropique
Ψ et enthalpique κ, ce formalisme courant étant dû à Flory. Notons qui peuvent dépasser la température d’ébullition du solvant et
que les relations (8), (9) et (10) sont applicables au cas de solutions provoquer également la dégradation du polymère. La figure 3 pré-
présentant une démixtion ayant une température critique supé- sente les courbes de démixtion UCST et LCST pour le système
rieure (UCST pour Upper Critical Solution Temperature ) ou infé- poly(styrène)/acétone [13]. L’expression de ∆GM [équation (4)] ainsi
rieure (LCST pour Lower Critical Solution Temperature ) de telle que la variation décroissante monotone de χ avec T [ χ = (a/T ) + b]
sorte que les indices L et U accompagnent les grandeurs thermo- [équations (7) (8) (9) et (10)] ne prédisent donc pas, dans son inté-
dynamiques Θ, Ψ et κ. Ainsi ΘU est la température la plus basse à gralité, le comportement en température des solutions de polymère.
laquelle un polymère de masse infinie est encore soluble dans un Les limites de la théorie du réseau de Flory-Huggins sont alors
solvant donné sur toute la gamme de composition des mélanges atteintes. Malgré ces limitations, un grand nombre d’études utilisent
polymère/solvant (figure 2) [11]. Les valeurs de χ S (tableau 1) sont l’expression de l’enthalpie libre de mélange donnée par la
positives et élevées par rapport à χ H impliquant l’inégalité relation (4) pour interpréter le comportement des solutions de poly-
0,35 < χ < 0,50 indépendamment (ou presque) de la valeur de χ H . mère et notamment le phénomène de séparation de phases.
Ces remarques ne concernent pas uniquement le comportement
du poly(méthacrylate de méthyle) dans les différents solvants 1.1.1.2 Séparation de phases
présentés dans le tableau 1. Il s’agit en effet d’un phénomène
général caractéristique des solutions de polymère. Le signe de χ S Un mélange polymère-solvant défini par les fractions volumiques
qui correspond à une augmentation importante de l’ordre du Φ 2 et Φ 1 peut conduire à la formation d’une seule phase (solution
système (diminution de l’entropie) lorsque des contacts miscible) où de deux phases en équilibre thermodynamique
polymère-solvant sont formés reste inexpliqué dans le cadre de la (séparation de phases). La condition nécessaire de miscibilité
théorie de réseau rigide que nous avons jusqu’alors considérée. s’exprime à l’aide de la relation :
Par ailleurs, Freeman et Rowlinson mettent et évidence des solu- ∆G M < 0 (11)
tions de polymère présentant une séparation de phases à la fois par
abaissement (UCST) et par élévation (LCST) de la température [12]. De plus, à température T et pression P constantes, un système
Ce phénomène, également de caractère général, est difficile à isolé est en équilibre thermodynamique si son enthalpie libre est
étudier expérimentalement puisqu’il intervient à des températures minimale. Ainsi, un diagramme de phases à UCST (prédit par

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POLYMÈRES EN SOLUTION _______________________________________________________________________________________________________________

Un réarrangement immédiat avec l’équation (10) permet d’expri-


mer la température critique supérieure :
1 1 1 1
 ---------- 1
------------ = -------- + ------------------- - + ------- (16)
T C,U ΘU ΨU ΘU  1 ⁄ 2 2r 
r
Cette équation montre que la température Θ U est la limite de T C,U
lorsque la masse molaire du polymère devient infinie. L’influence de


la variation de la masse molaire est observée sur la figure 2 ainsi
que sur la figure 4 dans le cas du système polystyrènecyclohexane
[14]. En augmentant la valeur de r , le point critique se déplace vers
des températures plus élevées (χ C,U plus faible) et des compositions
plus faibles en polymère imprimant au diagramme de phases une
asymétrie de plus en plus marquée. La courbe limite est obtenue
lorsque T C,U = Θ U à dilution et masse molaire infinies (χ C,U = 1/2).
La courbe binodale sépare les mélanges métastables des mélanges
stables thermodynamiquement. Cette courbe est définie par les
compositions (Φ 1 , Φ 2) qui vérifient :
(∆ µi )Φ ’ = (∆ µi )Φ ’’ (i = 1,2) (17)
sur l’ensemble des courbes ∆ G M = f (T ). Φ ’ et Φ ’’ désignent les
deux phases en équilibre thermodynamique. Pour un échantillon
polymoléculaire, il existe, pour chaque degré de polymérisation,
une courbe de démixtion différente sur les diagrammes de compo-
sition T = f (Φ 2) (figure 4). Ainsi, pour un couple polymère-solvant
à une température fixée, certaines macromolécules de faible degré
de polymérisation seront totalement dissoutes tandis que celles de
degré de polymérisation plus élevé se répartiront dans deux
phases de composition fixée par r (une des phases est concentrée,
Φ ’’, l’autre contient essentiellement le solvant, Φ ’). Pour un
mélange métastable, la plus petite fluctuation en composition pro-
duit une augmentation d’énergie qui s’oppose au phénomène de
démixtion. Seuls les mécanismes de germination et de croissance
permettent de franchir cette barrière énergétique et expliquent la
séparation de phases. En revanche, dans le domaine d’instabilité,
les fluctuations en concentration sont stables et le mécanisme de
démixtion spinodal se produit spontanément.
Pour les systèmes ternaires, par exemple du type polymère/sol-
vant/non-solvant, on utilise un diagramme triangulaire dans lequel
les zones de miscibilité et de démixtion sont, pour chaque espèce
de macromolécule de degré de polymérisation r, séparées par une
Figure 3 – Diagramme de phases poly(styrène)/acétone présentant courbe binodale (figure 5) [15]. On remarque qu’il existe un faisceau
simultanément les démixtions de type UCST et LCST (d’après [13]) de droites passant par le sommet polymère du triangle et corres-
pondant chacune à un rapport solvant/non-solvant déterminé. La
droite tangente à la courbe binodale d’une espèce i de macro-
molécules de degré de polymérisation ri définit le seuil de précipi-
Flory-Huggins) peut être construit en étudiant les variations de ∆G M tation, rapport solvant/non-solvant du début de précipitation de
avec la température [A 3 042]. La courbe spinodale du diagramme cette espèce i. Le calcul des courbes binodales et spinodales et des
de phases qui sépare les mélanges thermodynamiquement grandeurs critiques peut être fait à partir de l’expression de ∆G M .
instables des mélanges métastables est décrite par l’équation : La solubilité décroissante que présentent les polymères avec l’aug-
mentation de la masse molaire est à l’origine des techniques stan-
∂∆ µ 1
 -------------
- = 0 (12) dard de fractionnement basées sur l’ajustement de la température
 ∂ Φ 2  T, P ou de la quantité de non-solvant à ajouter [A 3 060].
soit en utilisant simultanément les relations (5) et (12) :
1 1 1 1.1.2 Théorie de volume libre
χ sp = ---  ------------- + ---------------- (13)
2 Φ 1sp r Φ 2sp
1.1.2.1 Aspect qualitatif
où χ sp est la valeur du paramètre χ pour une composition Une présentation et une comparaison des différentes approches
(Φ 1sp , Φ2sp) de la courbe spinodale. Les conditions critiques sont dépassent largement le cadre de cet article. Nous nous limiterons
obtenues en écrivant la condition supplémentaire suivante : ici à l’approche qualitative présentée par Patterson et coll. [16] [17]
2
suivi d’un exposé quantitatif de la théorie de Flory et coll. [18] [19]
 ∂ ( ∆ µ 1 ) Cette démarche permet d’aborder les contributions les plus impor-
 ----------------------
- = 0 (14) tantes réalisées dans ce domaine.
 ∂ Φ 22  T,P
L’idée de base de toutes ces théories est de considérer la non-simi-
soit en développant : larité (en anglais : dissimilarity ) entre les volumes libres du polymère
et du solvant qui traduit l’expansion plus grande du solvant par
1 1 1 2
Φ 2C,U = --------------------
1⁄2
- et χ C,U = ---  1 + ----------
-
1 ⁄ 2
(15) rapport au polymère. Cette non-similarité est évidemment due à
1+r 2 r l’inévitable différence de taille entre une macromolécule et une molé-
cule de solvant [20]. Bien que le volume libre d’une solution soit

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______________________________________________________________________________________________________________ POLYMÈRES EN SOLUTION

Figure 5 – Diagramme de composition des phases pour un système


ternaire polymère/solvant/non-solvant (d’après [15])

Figure 4 – Température de précipitation T p en fonction


de la fraction volumique Φ 2 pour quatre fractions de poly(styrène)
dans le cyclohexane (d’après [14])

compris entre celui du polymère et celui du solvant, la variation de


volume lors du mélange est globalement négative (∆v M < 0), ce qui
signifie que la contraction du solvant prédomine, donnant à la solu-
tion un volume libre comparable à celui du polymère pur. La
figure 1c donne une image très descriptive de la solution, démon-
trant que le concept de réseau rigide ne pouvait donner une représen-
tation satisfaisante d’une solution de polymère. Cette contraction de
volume, qui augmente avec la température, a pour effet de
rapprocher les molécules et injecte donc une contribution négative
dans les termes d’enthalpie et d’entropie de mélange que l’on peut
donc réécrire sous la forme :

∆H M = ∆H M ( contacts 1-2 ) + ∆H M ( volume libre ) 


 (18)
∆S M = ∆S M ( combinatoire ) + ∆S M ( volume libre ) 

Il est possible d’exprimer l’ensemble des deux contributions


enthalpiques à l’aide d’un paramètre interactionnel χ H et de choisir
χ S pour traduire l’effet du volume libre sur l’entropie de mélange,
l’entropie combinatoire n’étant pas incluse, par définition, dans le
paramètre d’interaction. La somme des contributions enthalpique
et entropique de volume libre n’est pas nulle. Dans tous les cas,
l’effet global est défavorable à la formation du mélange, donc :
χ = χ H (contact 1-2) + χ S (volume libre ou non combinatoire) (19)
Le premier terme est semblable au χ original de Flory-Huggins Figure 6 – Observation des températures critiques minimale (LCST)
et décroît avec T tandis que la non-similarité du volume libre entre et maximale (UCST) d’une solution de polymère (cas de forces
les deux composants du mélange s’accroît avec la température de dispersion) et variation du paramètre d’interaction χ
impliquant une augmentation de χ S avec T. On comprend alors avec la température dans le cadre de la théorie de volume libre
l’origine des valeurs de χ S (tableau 1). De plus, la variation de χ (d’après [21])
avec T permet d’expliquer à la fois les courbes de type UCST et
LCST (figure 6) [21].

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Masses molaires moyennes

par James LESEC



Ingénieur de l’École nationale supérieure de chimie de Paris
Docteur ès sciences
Directeur de recherche au centre national de la recherche scientifique (CNRS)

1. Masses molaires moyennes et distribution...................................... A 3 060 - 3


1.1 Définition des grandeurs moyennes.......................................................... — 3
1.1.1 Moyenne en nombre .......................................................................... — 3
1.1.2 Moyenne en poids .............................................................................. — 3
1.1.3 Moyenne viscosimétrique.................................................................. — 3
1.1.4 Moyenne en z, z + 1... ......................................................................... — 4
1.2 Polymolécularité et courbes de distribution des masses......................... — 4
1.2.1 Polymolécularité ................................................................................. — 4
1.2.2 Courbes de distribution des masses................................................. — 4
2. Fractionnement des échantillons macromoléculaires .................. — 5
2.1 Fractionnement fondé sur les différences de solubilité ........................... — 5
2.1.1 Précipitation fractionnée .................................................................... — 5
2.1.2 Dissolution fractionnée ...................................................................... — 5
2.1.3 Fractionnement chromatographique (avec gradient d’élution et
de température) .................................................................................. — 5
2.2 Fractionnement par chromatographie d’exclusion .................................. — 5
3. Détermination des masses molaires moyennes.............................. — 6
3.1 Masses molaires moyennes en nombre.................................................... — 6
3.1.1 Dosage des groupements terminaux................................................ — 6
3.1.2 Cryométrie. Ébulliométrie.................................................................. — 6
3.1.3 Tonométrie .......................................................................................... — 7
3.1.4 Osmométrie ........................................................................................ — 8
3.2 Masses molaires moyennes en poids........................................................ — 8
3.2.1 Diffusion de la lumière classique ...................................................... — 8
3.2.2 Diffusion de la lumière aux petits angles ......................................... — 9
3.2.3 Ultracentrifugation ............................................................................. — 11
3.3 Masses molaires moyennes viscosimétriques ......................................... — 11
3.3.1 Définitions ........................................................................................... — 11
3.3.2 Relation masse molaire-viscosité...................................................... — 12
3.3.3 Détermination expérimentale de Mv ................................................ — 12
3.3.4 Méthode expérimentale ..................................................................... — 13
4. Mesures par chromatographie par perméation de gel (exclusion
stérique)...................................................................................................... — 13
4.1 Chromatographie par perméation de gel classique ................................. — 13
4.1.1 Calcul des masses molaires............................................................... — 13
4.1.2 Calcul de la courbe de distribution ................................................... — 14
4.1.3 Étalonnage universel.......................................................................... — 15
4.2 Chromatographie par perméation de gel en multidétection ................... — 15
4.2.1 Importance de la concentration......................................................... — 15
4.2.2 Couplage avec la diffusion de la lumière ......................................... — 16
4.2.3 Couplage avec la viscosimétrie ......................................................... — 16
4.2.4 Multidétection ..................................................................................... — 18
5. Spectrométrie de masse ........................................................................ — 18
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. A 3 060
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@QYYV

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MASSES MOLAIRES MOYENNES __________________________________________________________________________________________________________

es substances macromoléculaires présentent, à de rares exceptions près,


L une hétérogénéité considérable de taille et de masse. On n’est plus en
présence d’espèces moléculaires bien définies comme en chimie classique,
mais de macromolécules qui se distinguent par leur degré de polymérisation,
nombre de motifs élémentaires enchaînés entre eux. L’échantillon de polymère
est polymoléculaire. Dans le cas le plus simple d’un homopolymère synthé-
tique linéaire ou ramifié, la diversité de taille des macromolécules s’explique

Q par le comportement cinétique de la réaction de polymérisation et, en particu-


lier, par l’importance des réactions de transfert de chaîne, de terminaison, de
greffage, et éventuellement de dégradation. Si la ramification conduit à un
réseau tridimensionnel (réticulation), le concept de degré de polymérisation et
de masse molaire devient indéfini.
Cette polymolécularité intervient en partie dans les différences de propriétés
physiques et mécaniques observables sur des échantillons de la même subs-
tance macromoléculaire, mais préparés différemment. La caractérisation d’un
échantillon polymère nécessite donc, outre la connaissance des valeurs
moyennes du degré de polymérisation et de la masse molaire, l’évaluation de
l’homogénéité de la substance considérée, c’est-à-dire la détermination de la
courbe de distribution des masses molaires des différentes macromolécules
constitutives. L’obtention de cette courbe nécessite :
— la séparation de l’échantillon en fractions successives de masses molaires
voisines (fractionnement) ;
— la détermination de la masse molaire de chaque fraction.
Les principales méthodes de mesure des masses molaires des polymères
n’ont pas fondamentalement changé durant les deux dernières décennies.
D’autre part, aucune notion nouvelle n’est apparue dans le domaine de la carac-
térisation des polymères pour définir d’autres manières de visualiser la distribu-
tion des masses. C’est seulement, les progrès de la technologie qui, à titres
divers, ont affecté plus ou moins les méthodes de caractérisation existantes et
les ont rendues plus ou moins efficaces et populaires.
Une technique plus récente et beaucoup plus efficace permet, en plus du calcul
de toutes les masses molaires moyennes, la détermination de la courbe de
distribution des masses molaires. C’est la technique de chromatographie par
perméation de gel (GPC) ou chromatographie d’exclusion stérique (SEC) (§ 4).
Cette technique a subi d’énormes améliorations et un développement très
important dans les dernières années, tant au niveau de la précision qu’à celui
de l’automatisation et de la rapidité des mesures. Les développements les plus
récents concernent l’utilisation de détecteurs de masse (viscosimètre, diffusion
de la lumière) couplés au détecteur de concentration habituel. La présence de
ces détecteurs permet des analyses des données GPC beaucoup plus précises
et puissantes comme la distribution des ramifications longues. Cette améliora-
tion a été rendue possible par la formidable expansion de la micro-informatique
et les appareils de GPC sont, à l’heure actuelle, généralement équipés d’une
station informatique à laquelle les détecteurs sont reliés et qui permet, à l’aide
de logiciels appropriés, l’acquisition et un traitement mathématique très élaboré
des données GPC donnant toutes les masses molaires moyennes ainsi que la
courbe de distribution des masses molaires.
Enfin, il faut noter l’apparition très récente (dans les années 1990) de la
spectrométrie de masse en tant que méthode de mesure des masses molaires
des polymères rendue possible par l’utilisation de techniques spéciales telles
que l’électrospray et la mesure en temps de vol. La spectrométrie de masse est
cependant limitée dans son domaine d’investigation. Elle semble s’appliquer
principalement aux polymères hydrosolubles et, selon la technique utilisée,
peut aller seulement jusqu’à quelques dizaines de milliers ou à quelques cen-
taines de milliers d’unités de masse molaire. Il existe maintenant plusieurs
appareils commerciaux mais peu de résultats ont été publiés, ce qui ne permet
pas d’avoir, pour le moment, une vision critique de cette technique qui est
certainement prometteuse.

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XV
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_________________________________________________________________________________________________________ MASSES MOLAIRES MOYENNES

1. Masses molaires moyennes de polymérisation de chaque espèce i, affectés d’un coefficient


égal au rapport du poids de l’espèce i au poids total du polymère :
et distribution
poids de motifs i
∑ pi DPi
i
DP w = ------------------------------------------------------------------------- = ---------------------
- (4)
1.1 Définition des grandeurs moyennes
poids de macromolécules
∑ pi
i

1.1.1 Moyenne en nombre


La masse molaire moyenne en poids est également la moyenne
en poids des masses M i de chaque espèce i et se déduit du Q
DP w par :
La masse molaire M d’une macromolécule est égale au produit
∑ Ni Mi
2
de la masse M0 du motif élémentaire par le degré de polymérisa-  p 
∑ Mi  -----------
tion DP : i  i
M W = M 0 DP w = - = ---------------------
- (5)

M = M0 DP i  ∑ p i ∑ Ni Mi
i i
Lorsque l’échantillon polymère est polymoléculaire, on le carac-
On peut également définir la masse molaire moyenne en poids
térise par son degré de polymérisation moyen en nombre DP n ,
à partir des fractions massiques wi de chaque espèce i présente
égal au rapport du nombre de motifs élémentaires au nombre total dans le polymère :
de macromolécules de toutes tailles, contenues dans cet échan-
tillon. S’il existe i espèces de macromolécules, chacune est Mw = ∑ wi Mi (6)
i
caractérisée par :
— son degré de polymérisation DPi ;
— sa masse molaire M0 DPi ;
— le nombre Ni de macromolécules qui le constituent. 1.1.3 Moyenne viscosimétrique
Le degré de polymérisation moyen en nombre est défini comme
la moyenne en nombre des degrés de polymérisation de chaque La viscosité intrinsèque d’un polymère isomoléculaire peut être
espèce i : reliée à la masse molaire par une relation du type Mark-Houwink :

nombre de motifs
∑ Ni DPi [η ] = K M a
i
DP n = ------------------------------------------------------------------------------- = ----------------------
- (1) avec K et a constantes caractéristiques du couple polymère-solvant.
nombre de macromolécules
∑ Ni Dans le cas d’un échantillon polymoléculaire, cette relation
i
s’applique à chaque espèce i de macromolécules :
La masse molaire moyenne en nombre est également la a
moyenne en nombre des masses Mi de chaque espèce i et se [ η ]i = K Mi
déduit du DP n par : et la valeur globale est la sommation, affectée des poids
statistiques :
∑ Ni DPi M0 ∑ Ni Mi  p  ∑ Ni M i
a+1
i i
M n = M 0 DP n = -------------------------------
- = -------------------
- (2)
[ η ] = ∑ [ η ] i ⋅  ------------- = K -----------------------------
i i
∑ Ni ∑ Ni  p 
-
i i i ∑ i  ∑ Ni Mi
i i
On peut également définir la masse molaire moyenne en nombre
à partir des fractions massiques wi de chaque espèce i présente Si l’on assimile l’échantillon polymoléculaire à une substance
dans le polymère : isomoléculaire de masse Mv , on peut écrire :
1
∑ Ni M i
a+1
M n = ------------------------- (3)
∑ i ⁄ Mi
w
[η] =
a
KM v i
= K -----------------------------
- (7)
∑ Ni Mi
i

Dans le cas des copolymères, le degré de polymérisation reste i


défini, mais la différence de masse des motifs structuraux ne permet
et :
pas de relier de façon simple le degré de polymérisation et la masse
a+1 1⁄a
moyenne du polymère. Dans ce cas, seule la masse demeure acces-
sible à l’expérience.
∑ Ni M i
i
M v = -------------------------------
∑ Ni Mi
i
1.1.2 Moyenne en poids
où M V est la masse molaire moyenne viscosimétrique qui peut
aussi s’exprimer avec les fractions massiques wi :
Un raisonnement analogue peut s’appliquer non plus au nombre
Ni, mais au poids pi de l’espèce i. Le degré de polymérisation a 1⁄a
moyen en poids DP w se définit alors comme la somme des degrés
Mv = ∑ wi M i (8)
i

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MASSES MOLAIRES MOYENNES __________________________________________________________________________________________________________

1.1.4 Moyenne en z, z + 1... Il existe deux façons de représenter la fonction de


distribution :
On peut également définir des moyennes d’ordre supérieur appe- — la distribution différentielle wi = f (Mi ) représentée sur la
figure 1 ;
lées masse molaire moyenne en z, z + 1 ... M z , M z + 1 ... : Mi ∞
— la distribution intégrale 冕 w i dM i avec 冕 w i dM i = 1
∑ Ni Mi
3
∑ wi M i
2 (figure 2). 0 0


i i
M z = ----------------------
- ou M z = ---------------------
- 
∑ Ni M i ∑ wi Mi
2

i i 
et  (9)
∑ i i 
3
∑ Ni Mi
4
w M
i i
M z + 1 = ---------------------
-3 ou Mz + 1 -2 
= ---------------------
∑ Ni M i ∑ wi M i 
i i

1.2 Polymolécularité et courbes


de distribution des masses

1.2.1 Polymolécularité

Les masses molaires moyennes définies au paragraphe 1.1


égales dans le cas d’une substance isomoléculaire, s’écartent
d’autant plus que l’hétérogénéité du polymère est grande tout en
restant dans l’ordre suivant :
Mn < Mv < Mw < Mz < Mz + 1

La valeur de M n est très influencée par les faibles masses Mi


tandis que M w et, a fortiori M z et M z + 1 sont dépendantes de la
quantité relative de fortes masses Mi . On évalue l’hétérogénéité du Figure 1 – Courbes de distribution pondérale
polymère par l’indice de polymolécularité I p , rapport de deux
valeurs moyennes,
Mw
le plus courant : I w = ---------- ,
Mn
Mz
mais aussi : I z = ----------
-
Mw

Ces indices, égaux à l’unité pour un polymère théorique iso-


moléculaire, varie de 1,01 pour des polymères de distribution très
étroite (polymérisation anionique vivante ) à 2 pour des polymères
classiques (polymérisations cationique et radicalaire, polyconden-
sation) et jusqu’à 30 ou 50 pour des polymères dont la polyméri-
sation a lieu avec beaucoup de réactions de transfert.
Figure 2 – Courbe intégrale de distribution pondérale

1.2.2 Courbes de distribution des masses


En pratique, les espèces i obtenues par fractionnement sont
En fait, les masses molaires moyennes sont simplement les diffé- elles-mêmes polymoléculaires et la représentation de la distribu-
rents moments mathématiques de la fonction de distribution des tion (figure 1) n’est qu’approximative.
masses molaires. On peut définir deux fonctions de distribution,
numérale et pondérale, si l’on porte en fonction de la masse de La méthode qui consiste à séparer l’échantillon en plusieurs
l’espèce i : fractions étroites et à en mesurer les masses molaires, par les
méthodes traditionnelles, est longue et fastidieuse. On préfère
— la fraction en nombre N i ⁄ ∑ N i (distribution numérale) ; maintenant utiliser la technique de chromatographie par perméa-
i tion de gel (§ 4), beaucoup plus rapide, qui permet de déterminer
— la fraction en poids w i = p i ⁄ ∑ p i (distribution pondérale), la directement la courbe expérimentale de distribution. Dans ce cas,
plus utilisée. i comme cela sera expliqué plus loin, on utilise encore un autre type
de représentation de la fonction de distribution, cette fois sur une
échelle logarithmique.

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A 3 060 − 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites

XX
Plastochimie et analyse physico-chimique
(Réf. Internet 42139)

1– Plastochimie R
2– Analyse physico-chimique Réf. Internet page

Introduction à l'analyse physico-chimique des polymères AM3270 91

Préparation des matières plastiques pour la caractérisation et le contrôle AM3269 93

Caractérisation des polymères par spectrométrie optique AM3271 99

Caractérisation et contrôle des matières plastiques AM3272 103

Analyse structurale des polymères par couplage CG/SM A3273 111

Caractérisation des polymères par analyse thermique AM3274 115

Stratégie et économie du contrôle et de la caractérisation AM3275 117

Caractérisation des polymères. Difusion de neutrons aux petits angles AM3278 121

Étude et analyse des surfaces de polymères solides. Propriétés mécaniques et AM3279 123
tribologiques
Étude et analyse des surfaces de polymères solides. Propriétés physicochimiques AM3281 127

Imagerie de surface de polymères  : microscopie à force atomique AM3280 133

Caractérisation des polymères par microscopie électronique AM3282 137

Étude des thermoplastiques par MET en mode fond noir AM3284 141

Méthodes d'analyse sensorielle des matériaux plastiques AM3290 143

Analyse sensorielle des matériaux d'habitacle automobile  : olfaction AM3291 145

Analyse sensorielle des matériaux d'habitacle automobile  : toucher/vision AM3292 149

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Introduction à l’analyse physico-


chimique des polymères

par Jacques VERDU


Docteur ès Sciences
Professeur à l’École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers de Paris

1. Principales méthodes d’analyse et de caractérisation .................. AM 3 270 - 2


2. Cas particuliers des méthodes destructives..................................... — 4
3. Problèmes posés par les adjuvants et les charges ......................... — 4
4. Approche empirique ou semi-empirique............................................ — 4
5. Conclusion .................................................................................................. — 5
Références bibliographiques .......................................................................... — 5

L es matières plastiques industrielles sont généralement des mélanges com-


plexes de macromolécules (elles-mêmes hétérogènes sur le plan structural),
avec des adjuvants et éventuellement des charges. Il est facile de prévoir que,
dans la pratique, les problèmes d’analyse pourront se poser à des degrés de dif-
ficulté très différents, allant de l’identification sommaire à l’étude d’un détail par-
ticulier de la microstructure du polymère, ou au dosage d’une impureté à l’état
de trace.
Les différentes méthodes physico-chimiques permettant l’analyse des poly-
mères évoluent rapidement dans le sens d’une simplicité croissante, les mettant
à la portée des non-spécialistes. Leur facilité de mise en œuvre, la rapidité avec
laquelle on peut obtenir un grand nombre d’informations et la possibilité de leur
utilisation empirique font que l’ingénieur ne peut plus ignorer un certain nombre
de ces méthodes. L’objet du présent article introductif est d’en faire une liste
(non exhaustive) et de présenter leurs différents domaines d’application en don-
nant quelques critères de choix. Les principales méthodes font l’objet d’articles
spécialisés dans le présent traité, auxquels il conviendra de se reporter pour
toute information complémentaire.
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Préparation des matières plastiques


pour la caractérisation et le contrôle

par Michel BIRON


Ingénieur de I’Institut National Supérieur de Chimie Industrielle de Rouen (INSCIR) et
de I’Institut Français du Caoutchouc (IFC), consultant R
1. Nécessité de la préparation des matériaux AM 3 269 - 3
avant caractérisation ...........................................................................
2. Dispersion des propriétés : une réalité incontournable............. — 4
2.1 Influence de la nature de la caractéristique mesurée ............................ — 4
2.2 Exemple de l’essai au choc Izod .............................................................. — 6
3. Préparation des éprouvettes : respecter les spécificités
des polymères à tester ........................................................................ — 6
3.1 Les plastiques se différencient des métaux............................................ — 7
3.2 Structure organique macromoléculaire.................................................. — 7
3.3 Dégradation thermique ............................................................................ — 7
3.4 Sensibilité à l’eau et l’humidité ............................................................... — 8
3.5 Dégradation à la lumière et aux UV ........................................................ — 8
3.6 Vieillissement chimique ........................................................................... — 8
3.7 Vieillissement physique : fluage, déformation rémanente ................... — 8
3.8 Imperfections chimiques et physiques initient des dégradations ........ — 8
3.9 Anisotropie ................................................................................................ — 9
3.10 Contraintes résiduelles............................................................................. — 9
3.11 Lignes de soudure .................................................................................... — 9
3.12 Profil de diffusion de l’agent de dégradation ......................................... — 10
4. Fabrication de plaques ou d’éprouvettes : choisir la bonne
méthode de transformation ............................................................... — 10
4.1 Exemple de l’injection des thermoplastiques : influence de différents
paramètres de transformation................................................................. — 10
4.2 Matériel de transformation spécifique aux besoins de laboratoire...... — 15
4.3 Moulage d’éprouvettes ............................................................................ — 16
4.4 Pour résumer............................................................................................. — 16
5. Préparation d’éprouvettes à partir de plaques ou de pièces.... — 16
5.1 Découpage et usinage .............................................................................. — 16
5.2 Choix des sites de prélèvement............................................................... — 17
5.3 Cas particulier de la préparation pour analyses physico-chimiques.... — 17
5.4 Cas particulier des éprouvettes utilisées pour tester des adhésifs ...... — 18
5.5 Matériel de laboratoire spécifique pour la préparation d’éprouvettes — 18
6. Conditionnement avant essais .......................................................... — 20
7. Conclusion .............................................................................................. — 20
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. AM 3 269

a valeur et l’intérêt de la caractérisation reposent en premier lieu sur la


L représentativité, la qualité et la validité des éprouvettes utilisées pour réa-
liser les mesures mécaniques, physiques et chimiques.
Il arrive que les intervenants de la chaîne aboutissant aux mesures oublient
que les polymères sont sensibles aux paramètres environnementaux comme la
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température ou la lumière. Le manque de précautions pendant le délai entre


prélèvement et caractérisation peut donc être dommageable.

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PRÉPARATION DES MATIÈRES PLASTIQUES POUR LA CARACTÉRISATION ET LE CONTRÔLE _______________________________________________________

Les nombreux paramètres intervenant au cours de l’élaboration des poly-


mères, de la transformation, de l’utilisation des pièces entraînent une
distribution statistique des propriétés. Il est impératif de préparer aussi soi-
gneusement que possible les éprouvettes pour ne pas élargir encore plus cette
distribution.
Mise à part la caractérisation directement sur pièce, l’obtention des éprou-
vettes peut résulter d’une préparation assez simple mais il faut être conscient
qu’elle peut changer l’état physique et chimique des polymères. La pulvérisa-
tion d’un échantillon de matière renforcée de fibres de verre provoque la
rupture des fibres. L’échauffement, par usinage ou autre, fait évoluer la cristal-
linité, provoque le détensionnement des contraintes, éventuellement dégrade

R les polymères et modifie l’état de réticulation pour les thermodurcissables.


L’attaque chimique dégrade et altère les polymères, les fibres et les additifs.
Cet article développe les spécificités des matières plastiques que les respon-
sables et opérateurs de la caractérisation doivent toujours garder à l’esprit
pour éviter les multiples pièges :
– sensibilité à des températures inférieures à celles supportées par les
métaux ;
– structure organique macromoléculaire conduisant à un comportement
viscoélastique ;
– dégradations thermiques possibles à partir de températures de quelques
dizaines de degrés pour certains polymères ;
– sensibilité à l’humidité, à la lumière et aux UV ;
– sensibilité à l’action des fluides ;
– fluage et déformation sous contrainte ;
– rôle initiateur des imperfections chimiques et physiques dans les
dégradations ;
– risques d’induction de tensions internes résiduelles, lignes de soudure
pendant l’injection.
Le stockage avant caractérisation, la préparation des éprouvettes et plus
généralement toutes les opérations entre prélèvement des échantillons et
caractérisation devront tenir compte des observations précédentes.
Lorsque la préparation des éprouvettes nécessite une transformation des
matières plastiques, il faut confier ce travail à des spécialistes ayant les
connaissances, l’expérience et le matériel nécessaire.
Les constructeurs de matériel développent des presses pour le moulage
d’éprouvettes et de petites pièces depuis des presses à compression,
manuelles et très simples, jusqu’à des mini-presses à injection très
perfectionnées.
Divers combinés de laboratoire assurant les fonctions de mélangeage, de
moulage, et d’extrusion permettent de travailler avec des quantités de matière
minimales.
Nombre de normes ou des spécifications particulières prévoient les
conditions de moulage d’éprouvettes ou le moulage d’objets-types.
Le découpage et usinage d’éprouvettes à partir de plaques ou de pièces
peuvent faire appel à la plupart des méthodes d’usinage des métaux ou du
bois, après une plus ou moins grande adaptation des outils et des procédés.
La faible conductivité thermique des matières plastiques, l’affaiblissement
des caractéristiques mécaniques à chaud et les risques de dégradation ther-
mique font qu’il ne faudra pas dépasser une température limite propre à
chaque matériau.
L’outillage et le mode opératoire doivent être parfaitement appropriés de
façon à ne pas provoquer de défauts physiques tels que des amorces de
rupture pour les plus courants ou une dégradation thermique même localisée.
Les fabricants de matériel de laboratoire proposent une gamme complète de
presses à découper, de fraiseuses et d’entailleuses. L’automatisation améliore
la productivité et réduit les coûts de préparation.

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________________________________________________________ PRÉPARATION DES MATIÈRES PLASTIQUES POUR LA CARACTÉRISATION ET LE CONTRÔLE

Les étapes précédentes étant définies, il reste à choisir les sites de prélève-
ment, ce qui nécessite la connaissance et le respect de certaines règles
générales concernant par exemple :
– les écoulements ;
– l’anisotropie ;
– les propriétés particulières des interfaces soudées ou collées ;
– les gradients de pollution et de dégradations.
Les conditionnements avant essai prévoient souvent la mise en équilibre
avec une atmosphère à température et hygrométrie déterminées. Cependant
d’autres conditions peuvent être choisies.


Dans des cas particuliers, le conditionnement peut prévoir également un trai-
tement thermique pour libérer les contraintes résiduelles du matériau ou pour
modifier sa cristallinité.
L’objectif de l’article est de sensibiliser les non plasticiens aux particularités
des matières plastiques en leur fournissant des éléments de base pour une
caractérisation bien comprise aboutissant à un équilibre judicieux entre impé-
ratifs techniques et économiques.
Un glossaire est présenté en fin d’article.

L’analyse chimique des compounds complexes peut demander la


1. Nécessité séparation des polymères et des autres ingrédients pour éviter des
de la préparation interférences dommageables pour les conclusions des analyses.
Les études de multicouches peuvent nécessiter la séparation de
des matériaux avant chaque couche pour en faciliter une étude approfondie ;
– concentrer l’espèce chimique à caractériser de façon à amélio-
caractérisation rer l’exactitude des résultats en obtenant des concentrations opti-
males pour la méthode d’analyse sélectionnée. Par exemple,
chaque méthode de dosage a un domaine de concentration opti-
Faut-il, oui ou non, préparer des éprouvettes ? Bien sûr, il faut
male qui peut n’être atteint que par concentration des extraits.
nuancer la réponse suivant le but à atteindre et la méthode de
mesure à utiliser : Dans la mesure où elle est possible, la caractérisation directe-
– Oui, il faut préparer les éprouvettes s’il faut se rapprocher le ment sur pièce apporte des avantages techniques et économiques
plus possible des propriétés originales du matériau. La préparation mais, dans le cas contraire, il faut d’abord procéder à :
doit alors être particulièrement prudente pour aboutir à des échan- – une transformation, par exemple moulage ou extrusion, pour
tillons de la meilleure qualité géométrique, structurelle, physique, fabriquer directement les éprouvettes ou des feuilles et plaques
mécanique, etc. ; nécessaires à la découpe d’éprouvettes ;
– Non, il ne faut pas préparer des éprouvettes s’il faut mesurer – une préparation physique par usinage, découpage dans des
les propriétés de la pièce en l’état. Il faut alors conserver la mor- plaques, pièces, ou films, broyage ou pulvérisation, dissolution
phologie, la cristallinité, les défauts physiques, l’état chimique, etc. dans un solvant inerte, extraction sélective pour séparer et
Toutefois, une préparation minimum pourra être admise en évitant concentrer l’ingrédient intéressant, etc. ;
soigneusement d’affecter directement les zones d’examen, par – une préparation chimique par pyrolyse, combustion, dissolu-
exemple un découpage sans échauffement, ni abrasion, ni pollu- tion et minéralisation par attaque chimique...
tion, etc. de la zone d’observation.
Il faut être conscient que la préparation de l’échantillon peut
Les pièces en matières plastiques peuvent parfois être caractéri- changer l’état physique et chimique des polymères et des additifs.
sées en l’état par des méthodes de contrôle ou d’essai non des-
tructif (CND ou END) mais une préparation d’éprouvettes est
souvent nécessaire. Les raisons en sont multiples : Exemple : pour prendre un cas caractéristique, la pulvérisation d’un
échantillon de matière plastique renforcée de fibres de verre provo-
– présenter le matériau sous une forme adaptée aux méthodes
que la rupture des fibres. L’échauffement, par usinage ou autre,
de mesure envisagées. À titre d’exemple, les granulés de matières
change la cristallinité, provoque le détensionnement des contraintes
plastiques se prêtent mal à la mesure des propriétés mécaniques,
internes, éventuellement dégrade les polymères et les additifs, et
électriques etc. Ils demandent d’abord un moulage ou une autre
modifie l’état de réticulation pour les thermodurcissables. L’attaque
transformation ;
chimique dégrade et modifie les polymères, les fibres et les additifs.
– permettre l’utilisation des appareils et des méthodes de carac-
térisation et d’analyse dans de bonnes conditions de conformité
aux normes ou aux spécifications. Les résistances en traction Comme nous pouvons le voir sur la figure 1, plusieurs routes
demandent des éprouvettes d’une forme bien déterminée pour sont possibles pour la préparation des matériaux :
supporter les contraintes dans les mors des dynamomètres, répar- – la technique directe utilisant le prélèvement, pièce ou produit,
tir les efforts et offrir une section précise pour les mesures ; sans aucun traitement et, corrélativement, garantissant la
– isoler des entités ou obtenir des fractions enrichies et plus meilleure représentativité du matériau réel. En plus, les coûts et
pures permettant des caractérisations plus fines et plus précises. les durées d’essai sont sérieusement réduits ;

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PRÉPARATION DES MATIÈRES PLASTIQUES POUR LA CARACTÉRISATION ET LE CONTRÔLE _______________________________________________________

Voie directe Voie semi-directe Préparation

reconstructive destructive

Découpage simple Moulage Broyage

Usinage simple Formation de film Pyrolyse

R Extraction

Séparation

CND-END Toutes méthodes

Propriétés sensorielles, physiques, mécaniques, électriques ...


Reconstitution de la conception
Analyse chimique

Figure 1 – Méthodes de préparation utilisées pour la majorité des tests

– les techniques semi-directes nécessitant seulement des décou- entraînent une distribution statistique des propriétés d’autant plus
pages ou des usinages simples n’altérant pas significativement importante que le matériau est complexe.
l’état du matériau ; Le tableau 1 compare les distributions statistiques des résis-
– les techniques préparatives lourdes facilitant les essais mais tances à la rupture d’un acier et de deux thermoplastiques :
entraînant des risques d’évolution des matériaux, des dommages
et des dégradations éventuels. – moyenne µ ;
– écart-type σ ;
Au cours de cette préparation, il faut veiller à la représentativité – coefficient de variation Cv défini comme le rapport entre
des échantillons qui doivent correspondre aussi exactement que l’écart-type (σ) et la moyenne µ : Cv = σ/µ ;
possible à ce que l’on veut caractériser, ce qui n’est pas forcément – intervalle de confiance à 95 %, soit deux écart-types de part et
évident. Par exemple, pour une simple plaque injectée, on peut d’autre de la valeur moyenne.
poursuivre trois buts différents :
Nous pouvons remarquer que les valeurs du coefficient de varia-
– caractériser les propriétés intrinsèques en prélevant les éprou-
tion des matières plastiques sont de 2,7 à 17 fois plus élevés que
vettes hors des zones d’injection perturbées ;
pour l’acier conduisant évidemment à des intervalles de confiance
– caractériser l’anisotropie, en prélevant des éprouvettes dans le à 95 % plus étendus.
sens du flux et perpendiculairement en évitant les lignes de
soudure ; Pour des laboratoires entraînés à la caractérisation des matières
– caractériser les lignes de soudure. Il faudra alors prélever sys- plastiques, la distribution statistique des résultats dépend entre
tématiquement dans les lignes de soudure. autres de la nature de la caractéristique mesurée et de la qualité de
la préparation des éprouvettes.

2. Dispersion des propriétés : 2.1 Influence de la nature


une réalité incontournable de la caractéristique mesurée
Le tableau 2 et la figure 2 illustrent l’importance de l’effet de la
Les nombreux paramètres intervenant au cours de l’élaboration caractéristique mesurée sur le coefficient de variation. Les résis-
des polymères et additifs, du mélangeage, de la transformation tances ont les Cv les plus faibles alors que les modules et, plus
des matières plastiques, de l’utilisation des pièces et produits encore, les déformations ont des Cv élevés.

Tableau 1 – Résistance à la rupture de divers matériaux


Matériau Moyenne q Écart-type j Coefficient de variation Cv Intervalle de confiance
(MPa) (MPa) (%) à 95 %
Acier 527,9 1,161 0,2 525,578 à 530,222
Polycarbonate 59,18 0,3217 0,54 58,5366 à 59,8234
PMMA 77,62 2,60 3,4 72,408 à 82,832

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________________________________________________________ PRÉPARATION DES MATIÈRES PLASTIQUES POUR LA CARACTÉRISATION ET LE CONTRÔLE

Tableau 2 – Distributions des résultats pour différents essais mécaniques


Moyenne Écart-type Coefficient Intervalle de confiance
(MPa) (MPa) de variation Cv à 95 %
(%)
Résistances (MPa)
En traction
Échantillon A 23,8 0,4 1,7 23 24,6
Échantillon B 26,9 0,8 3 25,3 28,5
Échantillon C
Échantillon D
59,2
77,6
0,32
2,6
0,54
3,4
58,5
72,4
59,8
82,8 R
Échantillon E 288 30 10,4 228 348
Échantillon F 266 24 9 218 314
En compression
Échantillon G 155 18 11,6 119 191
Échantillon H 150 14 9,3 122 178
En cisaillement
Échantillon I 19 1,5 7,9 16 22
Échantillon J 18 0,7 3,9 16,6 19,4
Échantillon K 14 1 7,1 12 16
Échantillon L 12 1 8,3 10 14
Modules (GPa)
En traction
Échantillon M 0,274 0,017 6,2 0,240 0,308
Échantillon N 0,295 0,021 7,1 0,253 0,337
Échantillon O 14 0,1 0,7 13,8 14,2
Échantillon P 13 0,7 5,4 11,6 14,4
En compression
Échantillon Q 16 1 6,2 14 18
Échantillon R 15 0,5 3,3 14 16
En cisaillement
Échantillon S 1,7 0,2 11,8 1,3 2,1
Échantillon T 1,6 0,2 12,5 1,2 2
Échantillon U 1,8 0,1 5,6 1,6 2
Coefficient de Poisson
Échantillon V 0,10 0,01 10 0,08 0,12
Déformations (%)
Au seuil viscoélastique
Échantillon W 26,5 3,4 12,8 19,7 33,3
Échantillon X 34,3 5,7 16,6 22,9 45,7
À la rupture
Échantillon Y 409 39 9,5 331 487
Échantillon Z 311 57 18,3 197 425

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Caractérisation des polymères


par spectrométrie optique

par Jean-Luc GARDETTE


Docteur ès sciences
Directeur de recherche au CNRS

Laboratoire de photochimie moléculaire et macromoléculaire UMR CNRS 6505
Université Blaise-Pascal, ENS de chimie de Clermont-Ferrand

1. Spectrométrie infrarouge ...................................................................... AM 3 271 - 2


1.1 Instrumentation ........................................................................................... — 2
1.2 Exemples d’applications de la spectrophotométrie infrarouge
à l’échelle macroscopique .......................................................................... — 6
1.3 Exemples d’applications de la spectrophotométrie infrarouge
à l’étude de systèmes hétérogènes............................................................ — 9
1.4 Autres applications...................................................................................... — 11
2. Spectrométrie Raman ............................................................................. — 11
2.1 Instrumentation ........................................................................................... — 11
2.2 Avantages et difficultés de la méthode ..................................................... — 12
2.3 Quelques exemples d’application aux polymères.................................... — 12
3. Spectrométrie d’absorption UV-visible ............................................. — 14
3.1 Instrumentation ........................................................................................... — 14
3.2 Exemples d’applications de la spectrométrie d’absorption UV-visible
à l’étude des polymères .............................................................................. — 16
4. Conclusion ................................................................................................. — 17
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. AM 3 271

a littérature consacrée aux applications des spectrométries vibrationnelles


L dans le domaine des polymères est extrêmement abondante. La spectromé-
trie infrarouge est devenue une technique d’analyse de routine dans de très
nombreux laboratoires industriels. Ses possibilités d’applications se sont en
effet largement développées depuis l’apparition sur le marché des spectropho-
tomètres à transformée de Fourier. Les appareils actuels ont un coût relative-
ment faible et une facilité d’utilisation croissante.
La spectrométrie Raman apparaît, dans de nombreux cas, comme une techni-
que très performante d’analyse qualitative ou quantitative complémentaire de la
spectrométrie infrarouge.
La spectrométrie d’absorption UV-visible est couramment appliquée en ana-
lyse organique. C’est une technique d’utilisation relativement simple qui permet
une analyse efficace de nombreux adjuvants dans les polymères, et qui trouve
de multiples applications auprès des colorimétristes.
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CARACTÉRISATION DES POLYMÈRES PAR SPECTROMÉTRIE OPTIQUE ____________________________________________________________________________

1. Spectrométrie infrarouge Sélection


Source de radiations par monochromateur
d'une longueur λ 0 , λ0
Après avoir vu sa position privilégiée menacée par d’autres électromagnétiques Échantillon
émettant un spectre plus dispositif
méthodes comme la RMN ou la spectrométrie de masse, la spectro- de balayage
continu λ0
métrie infrarouge a connu, grâce au développement de l’infrarouge
à transformée de Fourier (IRTF), un nouvel essor qui lui permet
d’occuper une place de choix, en particulier dans le domaine de τ Détection des photons
l’analyse et de la caractérisation des matériaux polymères. Les pos- non absorbés
sibilités offertes par la spectrométrie infrarouge dans le domaine
des matériaux sont en effet multiples et donnent lieu à de nom-
breuses applications. La spectrométrie infrarouge permet ainsi


d’obtenir des informations détaillées sur :
— la structure chimique des macromolécules et la composition
λ0
du polymère : identification de l’unité de base, des ramifications,
analyse des extrémités de chaînes, détermination de la nature et de Figure 1 – Schéma simplifié d’un spectromètre infrarouge
la concentration des additifs, des défauts de structure, des impu-
retés ;
— les interactions intra- ou intermoléculaires, la conformation
des chaînes, la cristallinité du polymère, l’orientation des macromo- à analyser peut être placé avant ou après le système dispersif, selon
lécules. le type de spectrophotomètre. Le schéma correspondant à ce mon-
tage est donné en figure 1.
La spectrométrie infrarouge est également un outil efficace pour
étudier les modifications de structure des polymères résultant de Le rapport T de la puissance radiante P, mesurée en présence de
traitements chimiques, de dégradations ou de vieillissements de l’échantillon à la puissance radiante P0 mesurée sans substance à
diverses origines. analyser, est le facteur de transmission (transmittance) de l’échan-
tillon. Le spectre infrarouge de l’échantillon est donc constitué par la
La spectrométrie infrarouge est devenue une méthode d’analyse
variation de la transmittance en fonction de la fréquence du rayon-
de routine des polymères dans de très nombreux laboratoires uni-
nement incident.
versitaires et industriels.
Le domaine infrarouge moyen s’étend de 2,5 à 25 µm, ce qui
■ Des limitations à l’utilisation de la spectrométrie infrarouge correspond en nombre d’ondes σ au domaine 4 000-400 cm−1. Le
existent : cependant, elles sont essentiellement liées à la faible proche infrarouge correspond au domaine 12 500-4 000 cm−1 et
sensibilité de la technique, à la nécessité de mise en forme des l’infrarouge lointain au domaine des nombres d’onde compris entre
échantillons et aux difficultés d’analyse des échantillons de faibles 400 cm−1 et quelques cm−1.
dimensions.
L’apparition des premiers spectrophotomètres IRTF à la fin des La loi la plus simple d’absorption de l’intensité lumineuse par une
années 70 et leur développement depuis le milieu des années 1980 substance dans un quelconque domaine spectroscopique est la loi
ont élargi de façon notable le domaine d’utilisation de la spectromé- de Beer-Lambert. Cette loi relie l’absorption de la lumière à la
trie infrarouge. L’introduction des spectromètres IRTF a en effet per- concentration de la substance à analyser, par la relation :
mis, grâce au gain important en sensibilité, d’augmenter notable-
ment les possibilités d’analyse, et de valoriser de nombreuses tech- D = log 1/T = κ .C.e
niques de couplage dont l’utilisation était jusqu’alors extrêmement
avec D absorbance (densité optique),
réduite. Dans le domaine des polymères, ces couplages, dont le
détail sera précisé ultérieurement dans ce paragraphe, facilitent κ coefficient d’absorption molaire,
l’analyse d’échantillons qu’il était auparavant difficile, voire quel-
quefois impossible, de réaliser en mode d’analyse « classique ». C concentration,
e épaisseur de la couche traversée.
Le schéma présenté en figure 1 correspond à un appareil mono-
1.1 Instrumentation faisceau. Avec ce type d’appareil, il convient d’effectuer deux
mesures consécutives : l’une correspond à l’enregistrement du
spectre d’émission de la source, en l’absence de l’échantillon,
Le lecteur consultera les articles Spectrométrie d’absorption dans l’autre est réalisée en intercalant la substance à analyser dans le tra-
l’infrarouge : appareils et méthodes, dans le traité Analyse et carac- jet du faisceau incident. La variation du rapport P/P0 est alors déter-
térisation. Toutefois, on effectuera quelques brefs rappels sur la minée en deux temps pour chaque longueur d’onde.
spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier mettant l’accent
sur les principales méthodes de couplage utilisées actuellement Les appareils à double faisceau sont munis d’un dispositif qui
dans le domaine des polymères. permet de diviser le faisceau optique en deux faisceaux identiques
qui traversent en même temps l’échantillon à analyser et le témoin.
Un dispositif de modulation est alors utilisé pour mesurer alternati-
1.1.1 Spectrométrie infrarouge en mode dispersif vement faisceau de mesure (ayant traversé l’échantillon) et faisceau
de référence. La comparaison des deux faisceaux est réalisée à
1.1.1.1 Principe l’aide d’un système à compensation optique ou à compensation
électronique. L’un des avantages liés à l’utilisation d’un spectropho-
Le principe d’un spectrophotomètre classique peut être décrit par tomètre à double faisceau est de pouvoir obtenir un spectre où
le montage optique suivant : un corps solide incandescent émet un échantillon et référence sont analysés dans les mêmes conditions.
spectre continu de radiations infrarouges qui sont alors séparées Ainsi, les variations liées à la puissance d’émission de la source ou
par un système dispersif (prisme ou réseau) et détectées par un à la composition de l’atmosphère à l’intérieur du spectrophotomètre
récepteur thermique. Le signal est, après amplification, enregistré (présence de vapeur d’eau ou de dioxyde de carbone) sont direc-
en fonction de la fréquence du rayonnement incident. L’échantillon tement prises en compte.

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____________________________________________________________________________ CARACTÉRISATION DES POLYMÈRES PAR SPECTROMÉTRIE OPTIQUE

1.1.1.2 Appareillage
Miroir fixe
La source de radiations est constituée par un filament porté à
incandescence. L’une des sources souvent utilisées dans les
domaines infrarouges moyen et proche est la lampe de Nernst
(oxyde de zirconium essentiellement). Elle se présente sous la
forme d’un cylindre d’environ 3 cm de hauteur et 3 mm de diamètre. Miroir mobile
Le filament de Nernst présente une certaine fragilité, mais la faible
puissance mise en jeu (30 W) n’impose pas de dispositif de refroidis- Séparatrice
sement. La température du filament peut atteindre 2 000 K. Source
de rayonnement
La source Globar est une baguette de carbure de silicium attei- infrarouge
gnant une température d’environ 1 500 K pour une puissance relati-
vement élevée (200 W ou plus), ce qui nécessite un système de


refroidissement. Les dimensions sont plus importantes que celles
du filament de Nernst (environ 5 à 8 cm de longueur pour 5 mm de
diamètre) et sa résistance mécanique est meilleure.
Les lampes à vapeur de mercure sont utilisées pour des mesures
dans le domaine infrarouge lointain (en dessous de 250 cm−1).
–L 0 +L
Le système dispersif est constitué d’un prisme ou d’un réseau.
Les prismes sont moins répandus en raison de leur coût élevé et de Échantillon
la sensibilité à l’humidité présentée par les matériaux utilisés (NaCl
ou KBr). Les réseaux présentent une résolution bien meilleure, mais
doivent être associés à un jeu de filtres afin d’éliminer les radiations
Détecteur
correspondant aux ordres successifs de diffraction.
Les détecteurs classiquement utilisés dans le domaine infrarouge Figure 2 – Schéma d’un interféromètre de Michelson
sont des détecteurs thermiques. Ils produisent un signal électrique
proportionnel à l’intensité de la radiation, avec un rendement indé-
pendant de la longueur d’onde, sur toute la gamme spectrale uti- situés dans des plans perpendiculaires, l’un des deux miroirs étant
lisée. Les détecteurs doivent pouvoir produire un rapport signal/ fixe et l’autre se déplaçant à une vitesse constante. Une séparatrice
bruit élevé. Thermocouple, détecteur de Golay et bolomètre sont les est placée entre ces deux miroirs. Ce miroir semi-transparent
récepteurs thermiques les plus répandus. réfléchit 50 % de la lumière incidente vers le miroir fixe et transmet
■ Le thermocouple est constitué par la soudure de deux conduc- 50 % vers le miroir mobile. Les faisceaux réfléchis par ces deux
teurs métalliques différents, placée sous vide au point de focali- miroirs se recombinent alors sur la séparatrice et sont réfléchis
sation du rayonnement infrarouge. L’absorption de ce rayonnement (50 %) vers le détecteur. En se recombinant, les deux faisceaux
provoque une élévation de la température qui se traduit par l’appa- créent des interférences, dont les caractéristiques dépendent de leur
rition d’un courant électrique entre le point de soudure et les extré- différence de marche. L’intensité I du signal reçu par le détecteur et
mités non soudées des conducteurs. L’effet peut être augmenté en mesurée en fonction de la différence de chemin optique x, constitue
réunissant plusieurs couples branchés en série (thermopile). l’interférogramme I(x) de la source (figure 3). La transformée de
Fourier de l’interférogramme donne le spectre I(σ) :
■ Le détecteur de Golay est constitué d’une chambre métallique
1 +∞
renfermant un gaz qui se dilate sous l’effet de l’absorption des
radiations. La variation de pression entraîne alors la déformation ∫
I ( x ) = ---
2 Ð∞
I ( σ ) cos 2π σx . dx
Dans la pratique, il faut tenir compte du fait que le déplacement
d’une membrane qui réfléchit un faisceau de lumière visible prove-
nant d’une source auxiliaire. Une cellule photoélectrique reçoit le du miroir mobile ne peut s’effectuer que sur une distance finie ±L, ce
faisceau réfléchi et le transforme en impulsions électriques. L’intérêt qui a pour effet de limiter la résolution ∆σ à une valeur ∆σ = 1/L.
de ce type de détecteur est sa sensibilité élevée (quelques dixièmes
La spectrométrie IRTF présente plusieurs avantages par rapport à
de V.µW−1).
la spectrométrie classique :
■ Le bolomètre est constitué d’un ruban de platine noirci qui
— le rapport signal/bruit est amélioré d’un rapport égal à la racine
s’échauffe sous l’effet du rayonnement infrarouge. La variation de
carrée du nombre d’éléments spectraux mesurés (avantage de
résistance qui en résulte est détectée à l’aide d’un pont de Wheas-
Fellget, ou multiplex);
tone.
— le gain de luminosité par rapport aux monochromateurs est
important (avantage de Jacquinot);
1.1.2 Spectrométrie infrarouge — la précision en fréquences est extrêmement bonne en raison
à transformée de Fourier de la présence d’un laser He-Ne nécessaire à l’échantillonnage des
données (avantage de Connes).
1.1.2.1 Principe
La spectrométrie IRTF est une spectrométrie multiplex. Le rayon- 1.1.2.2 Appareillage
nement infrarouge transmis par l’échantillon est reçu globalement
par le détecteur après avoir été « codé » par un interféromètre, qui Les sources infrarouges utilisées en spectrométrie IRTF sont iden-
se substitue au classique monochromateur des spectromètres tiques pour la plupart à celles utilisées en spectrométrie classique.
dispersifs. Le signal enregistré, ou interférogramme, s’exprime en
fonction de la différence de marche entre les deux ondes de l’inter- Les interféromètres peuvent être de plusieurs types : interféro-
féromètre. Le spectre infrarouge est calculé par transformation de mètre de Michelson déjà décrit plus haut, interféromètre de Genzel,
Fourier à partir de l’interférogramme. interféromètre « Transept », paires de miroirs.
Le composant central de la plupart des spectrophotomètres IRTF La séparatrice est le cœur de l’interféromètre. Le tableau 1 montre
est un interféromètre de Michelson, dont le schéma est donné en les domaines d’utilisation de quelques types de séparatrices selon
figure 2. Ce type d’interféromètre est constitué de deux miroirs la nature du matériau employé pour leur réalisation.

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CARACTÉRISATION DES POLYMÈRES PAR SPECTROMÉTRIE OPTIQUE ____________________________________________________________________________

Signal (V/scan) 1.1.3 Méthodes expérimentales

Si l’on peut a priori admettre que tous les matériaux organiques


peuvent être analysés par spectrométrie infrarouge, il subsiste tou-
tefois la difficulté essentielle liée à la mise en forme des échantillons
afin d’obtenir des spectres exploitables, donc présentant des ban-
des d’absorption dont l’intensité se trouve dans une gamme acces-
sible aux appareils, voire dans une gamme permettant des appli-
cations analytiques quantitatives.

1.1.3.1 Analyse par transmission en mode « macro »


La technique la plus facilement accessible à l’expérimentateur
consiste à enregistrer le spectre du matériau polymère en mesurant
Nombre de points directement la transmission de la lumière infrarouge au travers de
a interférogramme d'une source polychromatique l’échantillon. La surface minimale d’échantillon requise varie selon
la superficie de la section droite du faisceau infrarouge, donc selon
le type de spectrophotomètre utilisé. Elle est généralement voisine
Intensité de 1 cm2 (1 cm x 1 cm). En ce qui concerne l’épaisseur de l’échan-
tillon, donc le trajet optique, il faut la choisir en respectant les limites
rappelées précédemment. Différentes techniques permettent
d’adapter l’épaisseur de l’échantillon aux besoins de l’analyse.
■ Dans le cas d’échantillons fusibles (thermoplastiques), on utilise
la compression à chaud du matériau pour fabriquer un film dont
l’épaisseur permettra de réaliser un spectre exploitable. L’épaisseur
généralement requise varie selon les caractéristiques du matériau
polymère (structure chimique du polymère, présence de charges ou
pigments...), de quelques micromètres à quelques centaines de
micromètres. Cette méthode doit être réservée aux matériaux ther-
miquement stables dans les conditions de compression à chaud (on
ne doit pas provoquer l’oxydation de la matrice polymère, de ses
4 000 3 600 3 200 2 800 2 400 2 000 1 600 1 200 800 400 additifs, ni la migration des adjuvants...).
Nombre d'onde (cm–1)
■ Dans le cas d’échantillons solubles, on peut utiliser une méthode
b spectre de la source particulièrement simple qui consiste à dissoudre le polymère dans
un solvant approprié et à étaler sur un support la solution de poly-
Figure 3 – Analyse par spectrométrie IRTF
mère dans un solvant approprié et à étaler sur un support la solution
de polymère alors obtenue. Après évaporation complète du solvant,
on obtient un film dont l’épaisseur est contrôlée par la concentration
de la solution de polymère et par le volume de solution déposé sur
le support. Le choix du support est fonction des caractéristiques de
l’échantillon. Si l’on doit limiter l’épaisseur du film de polymère à
Tableau 1 – Caractéristiques de quelques séparatrices quelques micromètres, on choisira un support transparent au
rayonnement infrarouge (NaCl, KBr, CaF2, Ge...) et on analysera par
Séparatrice Domaine d’utilisation transmission le complexe support-échantillon. Si l’épaisseur
requise est suffisamment importante pour permettre la manipula-
Si/quartz 20 000 à 3 000 cm−1 (proche IR)
tion du film de polymère après l’avoir décollé du support, le choix
Si/CaF2 10 000 à 2 000 cm−1 (proche IR) est plus large. Ainsi, tout support présentant une surface plane et
permettant de décoller l’échantillon après évaporation du solvant
Ge/CsI 5 000 à 300 cm−1 (moyen IR) conviendra (verre, nappe de mercure...). Il faut veiller, lors de l’utili-
Ge/KBr 5 000 à 400 cm−1 (moyen IR) sation de cette méthode de mise en forme de l’échantillon, à ne pas
provoquer la dissolution et l’extraction d’éventuels additifs. On pré-
Mylar 700 à 10 cm−1 selon l’épaisseur cisera enfin que certains accessoires commercialisés permettent
(quelques micromètres à quelques dizaines d’obtenir facilement des films d’épaisseur calibrée.
de micromètres)
■ Par découpe microtomique, on peut obtenir des échantillons
sous forme de films d’épaisseur choisie. Selon le type de matériau
et les caractéristiques techniques du microtome, l’épaisseur de
Le mouvement du miroir mobile (ou de son équivalent) permet de l’échantillon obtenu pourra varier de quelques micromètres à
créer la différence de trajet optique entre les faisceaux. Il existe quelques centaines de micromètres. Dans le cas d’échantillons
plusieurs types de montages permettant le déplacement du miroir particulièrement déformables à température ambiante, il faut
(glissières assistées par coussin d’air, système pendulaire...). effectuer la découpe en refroidissant l’échantillon de polymère ainsi
Le type de détecteur utilisé dépend des applications envisagées. que la lame du microtome, ce qui est réalisé directement si l’on uti-
Le choix est guidé par un ensemble de critères : domaine spectral lise un microtome cryogénique.
d’utilisation, sensibilité, domaine de linéarité, temps de réponse, ● Les techniques de préparation des échantillons utilisées classi-
contraintes de refroidissement... Les détecteurs qui, classiquement, quement en spectrométrie infrarouge pour l’analyse de poudres
équipent les appareils commerciaux travaillant dans le domaine de (inclusion dans KBr, suspension dans une huile de paraffine, ana-
l’infrarouge moyen sont de type pyroélectrique (DTGS : sulfate de lyse d’une solution du produit dans une cellule infrarouge) peuvent
triglycine deutériée) ou de type photoconducteur (MCT : tellure de être également mises en œuvre, mais elles ne seront pas décrites ici
mercure-cadmium). car non spécifiques de l’analyse des matériaux polymères.

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Caractérisation et contrôle
des matières plastiques
par Michel BIRON
Ingénieur de l’Institut national supérieur de chimie industrielle de Rouen (INSCIR)


et de l’Institut français du caoutchouc (IFC)
Consultant

1. Spécificités des matières plastiques ................................................. AM 3 272 - 2


1.1 Structure organique macromoléculaire .................................................... — 2
1.2 Les plastiques se différencient des métaux.............................................. — 3
1.3 Comportement thermomécanique des matières plastiques................... — 4
1.4 Sensibilité à l’eau et l’humidité.................................................................. — 4
1.5 Durabilité ..................................................................................................... — 4
1.5.1 Vieillissement thermique................................................................... — 4
1.5.2 Résistance aux intempéries, à la lumière et aux UV....................... — 5
1.5.3 Vieillissement chimique .................................................................... — 5
1.5.4 Vieillissement physique..................................................................... — 5
1.5.5 Rôle des imperfections chimiques et physiques dans la durée
de vie des pièces et produits...................................................................... — 6
2. Buts de la caractérisation et du contrôle .................................. — 7
2.1 Acquisition de données pour l’alimentation des codes de calcul
et autres logiciels dédiés aux matières plastiques................................... — 7
2.2 Prévision de la durabilité à long terme des matières plastiques ............ — 7
2.2.1 Principes généraux de la prévision de la durabilité ........................ — 8
2.2.2 Méthodes conventionnelles .............................................................. — 8
2.3 Amélioration de la productivité : contrôles en ligne,
contrôles non destructifs............................................................................ — 9
2.3.1 Contrôle en ligne et pilotage en temps réel..................................... — 9
2.3.2 Contrôle non destructif CND ou essai non destructif END............. — 10
2.4 Détermination des causes de défaillances................................................ — 11
3. Adaptation des mesures aux polymères
et fonctionnalités des pièces............................................................... — 11
3.1 Prise en compte des spécificités des matières plastiques....................... — 11
3.2 Adaptation des méthodes aux durées de service importantes :
modélisation des vieillissements............................................................... — 14
3.2.1 Modélisation du vieillissement thermique : modèle d’Arrhenius.. — 14
3.2.2 Modélisation de l’évolution de phénomènes mécaniques :
équivalence temps/température. Loi de WLF ........................................... — 15
3.2.3 Modélisation du fluage : lois simples............................................... — 16
3.2.4 Modélisation de cinétiques hétérogènes du fluage : prévision
de durées de vie de l’ordre de 50 ans et plus ........................................... — 16
4. Conclusion................................................................................................. — 16
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AM 3 272

es matières plastiques sont devenues des matériaux incontournables aussi


L bien pour les utilisations courantes que pour des applications aussi perfor-
mantes que l’aéronautique ou l’électronique pour n’en citer que deux
exemples. Les tonnages utilisés sont impressionnants (270 millions de tonnes
en 2012), intermédiaires entre ceux des aciers et de l’aluminium, avec un taux
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQS

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CARACTÉRISATION ET CONTRÔLE DES MATIÈRES PLASTIQUES ______________________________________________________________________________

de croissance supérieur à celui des matériaux traditionnels. L’industrie des


plastiques est encore jeune et nécessite de nombreuses caractérisations
sophistiquées en plus des besoins courants concernant le contrôle. La caracté-
risation et le contrôle des matières plastiques sont des étapes primordiales
pour la qualité des pièces produites par les transformateurs ou achetées par
les utilisateurs. Les implications économiques sont de plus en plus impor-
tantes d’autant que les sources d’approvisionnement se diversifient et incluent
désormais de nombreux pays en plein développement industriel.
Le contrôle traditionnel a évolué vers des techniques plus sophistiquées,
plus diversifiées et plus rapides permettant de tester les produits fabriqués
directement sur les lignes de production. Par exemple, la conduite automatisée

R des presses et extrudeuses nécessite des résultats en temps réel permettant


aux logiciels de conduite de réagir quasi immédiatement pour optimiser la
qualité et les coûts de fabrication malgré la sévérisation des spécifications.
Pour la conception des pièces et systèmes, les besoins sont énormes pour le
recueil des paramètres nécessaires au fonctionnement des logiciels de concep-
tion, modélisation et simulation ainsi que pour l’évaluation des durabilités à
plus ou moins long terme (jusqu’à 50 ans et plus) dans des conditions plus ou
moins difficiles.
Les implications sont à la fois techniques, économiques, commerciales et
environnementales pour répondre aux besoins variés des différents acteurs,
producteurs, transformateurs, concepteurs, prescripteurs, moulistes, recy-
cleurs, acheteurs et utilisateurs de pièces plastiques.
La caractérisation et le contrôle, comme toutes les autres opérations indus-
trielles, doivent poursuivre des buts définis pour que leur coût ne grève pas
inutilement les prix de revient.
Techniquement, les essais réalisés découlent des spécificités des matières
plastiques et des résultats pratiques que l’on en attend. La recherche scienti-
fique n’entre pas dans le cadre de cet article.

1. Spécificités des matières d’éléments chimiques comprenant le plus souvent du carbone


et de l’hydrogène mais aussi de l’oxygène, du soufre, des
plastiques halogènes etc.
Ce bref panorama devrait être complété de considérations sur
l’aspect morphologique, amorphe ou semi-cristallin, sur les allia-
Des macromolécules organiques face aux métaux ges de plusieurs familles, par exemple l’ABS pour le plus connu,
les possibilités de formulation et de modification etc.
Les matières plastiques constituent une classe particulière et Nota : ABS acrylonitrine butadiène styrène.
jeune de matériaux qui concurrencent, entre autres, les métaux
dans la conception des pièces et produits en s’en distinguant net- La structure organique induit dans des proportions variables une
tement par la versatilité des propriétés. La culture technique certaine sensibilité à la chaleur, à l’oxydation, aux agressions chi-
profondément imprégnée des matériaux métalliques doit soigneu- miques alors que la structure macromoléculaire favorise, particu-
sement garder en mémoire ces différences de comportement et les lièrement pour les thermoplastiques, un glissement des chaînes
spécificités des matières plastiques lors de l’élaboration des plans les unes par rapport aux autres ainsi qu’une flexibilité des squelet-
de caractérisation, contrôle et évaluation. tes favorables au fluage, à l’amortissement et à la relaxation des
contraintes. L’utilisation de renforts fibreux, fibres de verre et
fibres de carbone, ainsi que les taux élevés de réticulation et une
1.1 Structure organique formulation optimisée peuvent modifier drastiquement ces pro-
priétés générales.
macromoléculaire
Enfin il faut noter que les matières plastiques dans la totalité de
Les figures 1 et 2 montrent de façon schématique la structure leur cycle de vie, peuvent se présenter sous forme solide,
en chaînes macromoléculaires indépendantes pour les thermo- compacte ou cellulaire, ou sous forme pâteuse ou liquide, ce qui
plastiques ou liées entre elles pour les thermodurcissables. étend considérablement le champ des propriétés physiques ou chi-
Les macromolécules sont formées de longs enchaînements miques à caractériser.

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______________________________________________________________________________ CARACTÉRISATION ET CONTRÔLE DES MATIÈRES PLASTIQUES

Diamant

Métaux

Plastiques

Mousses

Figure 3 – Ordres de grandeur des duretés de différents matériaux



a thermoplastique chaînes linéaires structure linéaire croissantes du bas vers le haut

Tableau 1 – Exemples de caractéristiques


mécaniques à température ambiante

Résistance Module
en traction d’élasticité
Matériau
(MPa) (GPa)

Mousses et cellulaires 0,05 à 15 < 0,5


b thermodurcissable chaînes pontées
structure tridimensionnelle réticulée Plastiques vierges 5 à 90 1à5

Plastiques renforcés fibres coupées 50 à 200 10 à 20


Figure 1 – Structure des matières plastiques
Composites grande diffusion 50 à 800 20 à 30

Composites hautes performances 1 000 à 3 000 90 à 260

Acier 300-1 800 210

CH3 CH3 CH3 Métaux légers 75 45 à 75

-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-

CH3 CH3 CH3 CH3


opposition, les métaux courants ont des plages de températures
a coiguration atactique de fusion de l’ordre de 400 °C à plus de 1 000 °C.
Les plages de propriétés thermomécaniques sont généralement
-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH-CH2-CH- de niveaux inférieurs à celles des métaux courants à l’exception de
certains composites. La figure 3 schématise les ordres de grandeur
CH3 CH3 CH3 CH3 CH3 CH3 CH3 CH3 des duretés de différents matériaux.
Le tableau 1 indique quelques exemples de caractéristiques
b coiguration isotactique mécaniques de matières plastiques et de métaux permettant un
classement très arbitraire des matériaux. Ces chiffres, très arron-
dis, ne reflètent pas l’ensemble des propriétés mécaniques possi-
Figure 2 – Structures de polypropylènes bles et ne peuvent être utilisés à des fins de conception ou de
sélection. On peut remarquer les énormes différences entre les
composites unidirectionnels hautes performances dont les proprié-
tés dans le sens des renforts sont du même ordre que celles des
métaux et, à l’opposé les mousses et autres cellulaires à très fai-
bles caractéristiques mécaniques mais qui sont irremplaçables
1.2 Les plastiques se différencient pour leurs propriétés isolantes et amortissantes.
des métaux S’il est vrai que les polymères ne rouillent pas, il est tout aussi
vrai qu’ils vieillissent.
Les thermoplastiques de commodité comme le polyéthylène
fondent aux alentours de 120 °C alors que des thermoplastiques Les polymères sont sujets à la thermo-oxydation et, pour cer-
hautes performances comme le PEEK atteignent les 350 °C. Par tains, à la dégradation en milieu humide.

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CARACTÉRISATION ET CONTRÔLE DES MATIÈRES PLASTIQUES ______________________________________________________________________________

La lumière et les rayonnements UV, les cycles d’exposition


combinée à la lumière ou aux UV et à la chaleur sèche ou chaleur Tableau 2 – Exemples de variations
humide peuvent provoquer une dégradation plus ou moins rapide de caractéristiques en fonction de l’état
et intense. hygrométrique
Les polymères comme les autres matériaux sont sensibles à la
PA66 renforcé
fatigue statique, fluage, relaxation de contraintes et à la fatigue Caractéristique PA66 vierge
minéral
dynamique.
Enfin les matières plastiques de par leur composition organique Atmosphère de conditionne- 0 HR 50 HR 0 HR 50 HR
sont sensibles au feu et brûlent facilement à l’état brut pour nom- ment
bre d’entre eux.
Résistance à la rupture .. (MPa) 85 50 90 56
Les polymères, sauf exceptions très spécifiques, sont de bons


isolants électriques.
Allongement à la rupture (%) 30 > 50 12 40

Le formulateur peut pratiquement formuler par adjonction Module élastique (GPa) 3,2 1,6 6,5 2,5
d’additifs le polymère adapté à une application donnée, défi- 2
nie par un cahier des charges. Résistance au choc (kJ/m ) 5 90 5 17

1.3 Comportement thermomécanique


des matières plastiques 1.4 Sensibilité à l’eau et l’humidité
La figure 4 indique de façon schématique les évolutions du Certains polymères sont plastifiés par l’eau et l’humidité nécessi-
tant le conditionnement dans une atmosphère à hygrométrie défi-
module d’élasticité de deux thermoplastiques, l’un amorphe et
nie avant caractérisation. Les polyamides courants sont bien
l’autre semi-cristallin, montrant plusieurs étapes lorsque la tempé-
connus pour ce phénomène dont le tableau 2 donne quelques
rature augmente : exemples.
– un plateau initial avec de hauts modules et un comportement À plus long terme, certaines familles de matières plastiques sont
fragile ; sensibles à l’hydrolyse qui provoque une dégradation chimique
– une première diminution du module dépendant de la morpho- des macromolécules avec perte définitive de propriétés mécani-
logie du matériau conduisant à : ques.
• un écoulement pour le matériau amorphe
• un deuxième pseudo-plateau pour le matériau semi-cristallin
puis un écoulement final.
1.5 Durabilité
Les thermodurcissables, du fait de la formation d’un réseau tridi- La durabilité dépend de la résistance à la thermo-oxydation, de
mensionnel, se décomposent sans passer par le stade de la fusion. la dégradation en milieu humide, à la lumière et aux UV, de la
tenue à la fatigue statique (fluage et relaxation de contraintes) et à
Cette sensibilité à la température exige que les essais et mesu- la fatigue dynamique.
res soient effectués dans des conditions précises de température
et, par ailleurs, empêche les comparaisons de résultats obtenus à Les cycles successifs d’exposition à la lumière ou aux UV, à la
des températures différentes. chaleur sèche ou chaleur humide peuvent provoquer une dégrada-
tion plus ou moins rapide et intense.
Les combinaisons simultanées de contraintes peuvent avoir des
effets synergiques.
Module d’élasticité

Semi-cristallin 1.5.1 Vieillissement thermique


Les polymères sont doublement sensibles à la chaleur qui agit
d’abord physiquement comme nous l’avons déjà vu (§ 1.3 et 1.5),
entraînant un comportement plus ou moins plastique avec une
Amorphe diminution immédiate des modules et des résistances pouvant
entraîner des défaillances rapides.
Le deuxième mode d’action est de nature chimique conduisant à
des modifications structurales avec ruptures et/ou cyclisations ou
réticulations sous l’action de la chaleur seule ou par thermo-oxy-
dation en présence de l’oxygène de l’air.

La température de résistance continue (TRC) en l’absence de


contraintes est définie subjectivement comme la température
– 40 300 entraînant une diminution importante mais supportable des
Température (°C) propriétés de la matière étudiée après application de cette tem-
pérature pendant une « longue durée ». Cette valeur mal défi-
Figure 4 – Évolutions du module de deux thermoplastiques, l’un nie résulte, en fait, de l’expérience générale et des informations
amorphe et l’autre semi-cristallin, en fonction de la température recueillies dans diverses publications.

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______________________________________________________________________________ CARACTÉRISATION ET CONTRÔLE DES MATIÈRES PLASTIQUES

Le tableau 3 et la figure 5 présentent les résultats traités statisti- et peut réduire le gonflement de la pièce ou même conduire à une
quement pour un panel de 66 grades de différents polymères. rétraction ;
Les résultats montrent que les grades les plus sensibles ne sont – une pollution du fluide par le polymère : relargage de particu-
utilisables durablement qu’à une température de 45 °C. La distribu- les et d’ingrédients.
tion est dissymétrique avec une médiane à 125 °C et un seul grade La cinétique et le taux de dégradation sont des phénomènes
utilisable en continu à 425 °C. thermo-accélérés.
La résistance chimique peut être considérablement réduite en
1.5.2 Résistance aux intempéries, à la lumière cas d’application simultanée de contraintes mécaniques condui-
et aux UV sant à la fissuration sous contrainte – FSC ou ESC (environnemen-
tal stress cracking).
Les dégradations sont influencées par le climat, les contraintes
mécaniques additionnelles et la pollution industrielle ou domesti-
que en utilisation réelle. Les effets du vieillissement se manifestent
principalement de trois manières :
– détérioration des propriétés mécaniques ;
1.5.4 Vieillissement physique
Les polymères ont un comportement viscoélastique d’autant

plus marqué que la température est élevée et que leurs propriétés
– modifications d’aspect et de coloration, d’autant que le maté-
riau a une teinte claire ; sont fonction du temps d’application des efforts. Le vieillissement
physique se traduit par du fluage, de la relaxation de contrainte, de
– apparition de craquelures.
la sensibilité à la fatigue dynamique.
Toutes les propriétés ne se dégradent pas avec la même cinétique.
Le f luage est un phénomène physique caractérisant l’évolution
de la déformation d’un matériau soumis à contrainte constante au
1.5.3 Vieillissement chimique cours du temps. Pour un matériau donné, la déformation est fonc-
tion du niveau de contrainte, de la durée d’application, de la tem-
L’action d’un fluide sur un polymère peut se traduire par trois
pérature et de l’hygrométrie.
phénomènes concomitants :
– une absorption du fluide, ce qui conduit à un gonflement de la La figure 6 montre un exemple théorique de courbe d’évolution
pièce et éventuellement une plastification ; de la déformation en fonction du temps.
– une extraction, par le fluide, de certains des constituants du
mélange (plastifiants en particulier), ce qui modifie ses propriétés La relaxation peut être définie comme « Disparition progressive
spontanée de l’état de contrainte d’un corps auquel on a imposé et
maintenu une déformation limitée ».
La figure 7 montre un exemple théorique de courbe d’évolution
Tableau 3 – Traitement statistique des TRC (en °C) de la contrainte en fonction du temps avec trois phases :
de 66 grades de matières plastiques
– une augmentation rapide pendant la mise en déformation ;
Caractéristique Valeur – un passage très court par un maximum ;
– une décroissance d’abord rapide puis de plus en plus lente cor-
Moyenne 143 respondant à la relaxation. La contrainte engendrée décroît expo-
nentiellement en fonction du temps pour tendre vers une limite qui
Médiane 125 dépend de la matière elle-même, de la géométrie de la pièce, des
conditions d’environnement et d’application de la déformation ini-
Écart type 80 tiale.
L’endurance à la fatigue dynamique dépend du type de sollici-
Plage 380 tation, du mode d’application (à contrainte ou à déformation
maximale donnée), de la fréquence, de la température
Minimum 45 ambiante, de la géométrie de l’échantillon. Il faut noter que la
température de la matière s’élève sous les sollicitations dynami-
Maximum 425 ques avec les conséquences habituelles dont la diminution du
module.
Nombre d’échantillons 66
Déformation
Fréquence

0 100 200 300 400 500


Temps
TRC (°C)

Figure 5 – Courbe de répartition des TRC de 66 grades de matières Figure 6 – Exemple théorique de courbe d’évolution de la déforma-
plastiques tion en fonction du temps

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CARACTÉRISATION ET CONTRÔLE DES MATIÈRES PLASTIQUES ______________________________________________________________________________

Insatisfaction Espace de satisfaction


Contrainte

Fréquence
Initial
Vieilli


0 100 200 300 400
Temps Caractéristique

Figure 7 – Exemple théorique de relaxation de contrainte d’un poly- Figure 8 – Exemple de distribution d’une propriété
mère

1.5.5 Rôle des imperfections chimiques valeurs individuelles on constate qu’il n’y a pratiquement pas de
et physiques dans la durée de vie des pièces risque de défaillance avec une pièce neuve mais qu’après vieillis-
et produits sement, les probabilités de défaillance locale sont loin d’être négli-
geables.
La durabilité dépend évidemment du respect de la formulation
incluant le(s) grade(s) de(s) polymère(s) et de(s) additif(s) initiale- Les défauts physiques ponctuels peuvent provenir :
ment prévus correctement dispersés et distribués. – de la fabrication : vides, bulles, microcraquelures, rayures (fré-
Cela étant posé, les défaillances, la rupture en particulier, ne quentes en extrusion)... ;
sont pas, en général, d’origine massique mais ponctuelle : – de l’utilisation : coups d’outils et autres blessures au montage
ou à l’utilisation ;
– propriété localement faible due à la distribution statistique des
propriétés ; – des interfaces polymère/renfort ou polymère/polymère,
– défaut physique ponctuel ; Les défauts physiques constituent des amorces de rupture, des
– anomalie chimique ; sources de concentration de contraintes, des points faibles par
– concentration locale de contraintes provoquant le démarrage manque de matière ou par défaut de cohésion, des points d’atta-
de la rupture dans un endroit sain de la pièce dont les propriétés que privilégiés entre un renfort rigide et une matrice plus souple
moyennes ne sont pas prévues pour résister à cette concentration etc.
de contraintes ; Les anomalies chimiques peuvent être des doubles liaisons
– anisotropie des propriétés faisant que les caractéristiques peu- d’extrémité de chaînes, des irrégularités structurelles venant de la
vent être insuffisantes dans certaines directions alors qu’elles sont polymérisation, des conséquences de réactions indésirables provo-
plus que suffisantes dans d’autres directions. quées par la mise en œuvre. Elles constituent des risques de
La distribution statistique des propriétés est due aux nombreux points faibles pour les attaques chimiques, notamment l’oxydation
paramètres intervenant au cours de l’élaboration des polymères et et l’hydrolyse, lors de la transformation et de l’utilisation.
additifs, de la transformation des matières plastiques, de l’utilisa- Les concentrations de contraintes peuvent être dues au dessin
tion des pièces et produits. Si l’on raisonne sur les propriétés des pièces comprenant des angles vifs, des variations brutales
moyennes, les propriétés situées à l’extrémité défavorable de la d’épaisseur... ou à la mise en œuvre. Les contraintes résiduelles
courbe de distribution des résultats peuvent ne pas satisfaire aux peuvent provenir des conditions de transformation, notamment
exigences de service et initier la défaillance d’une pièce alors que des conditions de refroidissement en fin de mise en forme. Les
la majorité des autres pièces du même lot donnent satisfaction. concentrations de contraintes sous effort et les contraintes rési-
Le vieillissement est le résultat du cumul des dégradations au duelles peuvent initier des craquelures qui se propageront ultérieu-
cours de la durée de vie, stockage et utilisation inclus. La dégrada- rement.
tion affecte la valeur moyenne de la propriété, ce qui est bien L’anisotropie involontaire des propriétés est due aux conditions
connu mais provoque aussi un élargissement de la distribution des de transformation par extrusion, moulage, calandrage etc. Par
valeurs de la propriété autour de cette moyenne, ce qui est assez opposition, dans certains cas l’anisotropie est volontairement pro-
souvent négligé. La situation s’aggrave donc particulièrement pour voquée par étirage ou par disposition d’un renforcement dans une
les pièces déjà faibles à l’origine. Pour être sûr de rester dans le direction privilégiée.
domaine de satisfaction, il est nécessaire que la valeur de la pro-
priété située à l’extrémité défavorable de la plage de distribution L’anisotropie involontaire peut être due :
après vieillissement reste supérieure à l’exigence minimale de ser- – aux conditions de transformation, par exemple sens d’extru-
vice. sion et sens transversal ; à la disposition des seuils d’injection et
L’exemple théorique de la figure 8 illustre ces propos. Pour un aux lignes de soudure qui en découlent ; à l’orientation des macro-
lot de pièces, la courbe de Gauss représente la distribution d’une molécules pendant l’injection, l’extrusion ou le calandrage ; aux
propriété à l’état initial juste après fabrication et l’autre courbe obstacles à l’écoulement du polymère ;
représente la même propriété après vieillissement. Les espaces de – aux charges qui se répartissent mal ou s’orientent pendant la
satisfaction et d’insatisfaction sont délimités, dans cet exemple, mise en œuvre ;
par la valeur 60 de la propriété. Aussi bien à l’état initial qu’après – aux conditions de refroidissement : effet de peau (taux de cris-
vieillissement les valeurs moyennes de la propriété sont nettement tallinité plus élevé à cœur) ;
supérieures au seuil de satisfaction mais si l’on s’intéresse aux – au dessin des pièces : inserts, angles vifs...

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______________________________________________________________________________ CARACTÉRISATION ET CONTRÔLE DES MATIÈRES PLASTIQUES

2. Buts de la caractérisation – simulation de l’injection : écoulements, remplissage et mise en


température des moules, refroidissement ;
et du contrôle – simulation de procédés dérivés et spécifiques, co-injection,
injection assistée gaz, injection des thermodurcissables, RIM, SRIM ;
– orientation et rupture des fibres courtes et longues pendant la
La caractérisation et le contrôle, comme toutes les autres opéra-
mise en œuvre ;
tions industrielles, doivent poursuivre des buts définis et leurs
coûts doivent être en rapport avec le bénéfice attendu. – réduction ou suppression des contraintes résiduelles ;
– minimisation et maîtrise du retrait, gauchissement et autres
Techniquement, les essais réalisés vont découler des spécificités déformations ;
des matières plastiques examinées dans le paragraphe 1 et des – analyse des défaillances.
résultats pratiques que l’on en attend. La recherche scientifique
n’entre pas dans le cadre de cet article. Tous les calculs nécessaires, simulations, prévisions ne peuvent
être valides que si les propriétés physiques, rhéologiques, mécani-


La stratégie doit évoluer entre les essais réalisés en interne et la
ques, thermiques, technologiques, sensorielles… des matériaux
sous-traitance suivant les impératifs techniques, commerciaux,
utilisés sont connues précisément aux températures, taux de
réglementaires et économiques. La panoplie des essais physico-chi-
cisaillement, pressions… correspondant à chaque étape de la
miques, physiques et chimiques est presque inépuisable et les coûts
chaîne de vie.
peuvent augmenter très vite, d’autant que l’on recherche des hautes
précisions et des traces d’entités chimiques plus ou moins exoti-
Pour prendre un exemple concret, les caractéristiques d’un maté-
ques. Il faut donc veiller à rester raisonnable et ne pas se laisser
riau destiné à l’injection de parechocs pour l’automobile doivent, sui-
aller à des recherches certes intéressantes mais non indispensables.
vant les étapes, être connues aux températures élevées de
Le contrôle et l’amélioration de la qualité sont vraisemblable- transformation pour la rhéologie et aussi aux températures ambiantes
ment les plus anciennes fonctions avec en tout premier le contrôle et négatives pour les propriétés mécaniques.
dimensionnel et l’aspect des pièces et produits. Les méthodes de
contrôle divergent souvent suivant que le problème se pose chez Les caractéristiques matières peuvent être recherchées dans les
le transformateur ou l’utilisateur. Pour le transformateur, il s’agit bases de connaissance pour les compounds répertoriés ou doivent
de trouver les valeurs utiles à mesurer et d’adapter la fréquence faire l’objet de mesures dans des conditions représentatives sur
des contrôles pour assurer la qualité convenable dans les meilleu- des éprouvettes également représentatives car les formulations sont
res conditions économiques. Les contrôles sont généralement faits nombreuses et souvent spécifiques. On peut imaginer l’ampleur des
en interne avec du personnel formé à cet effet. Par contre, les mesures de caractérisation nécessaire pour 10 000 grades et des
essais plus spécifiques devant répondre à un besoin ponctuel peu- dizaines de propriétés par grade.
vent être sous traités. Pour le client utilisateur de pièces plasti-
ques, les essais doivent vérifier la conformité des produits livrés et Les caractérisations de qualité étant réalisées, les logiciels et
leur aptitude à la fonction. Certains essais répétitifs peuvent être codes de calcul contribuent à :
faits en interne et les essais particuliers en sous-traitance. Dans le – réduire les délais de mise sur le marché ;
cadre de programmes d’assurance de la qualité, la charge des – faciliter les échanges de données entre partenaires impliqués
essais peut être reportée vers le fournisseur. dans le projet ;
Pour l’accession aux marchés réglementés, les essais sont déter- – fournir très tôt des prototypes virtuels au service commercial
minés par le donneur d’ordres en fonction de la réglementation et et aux clients potentiels ;
la stratégie est souvent imposée, certains essais devant être réali- – optimiser le choix des matériaux ;
sés par des laboratoires agréés. – améliorer la conception ;
Parmi les buts particuliers, certains méritent un examen plus – éviter les défaillances en service ;
approfondi, par exemple : – réduire le nombre de prototypes physiques toujours onéreux ;
– l’acquisition de données pertinentes pour le meilleur fonction- – réduire le nombre d’itérations prototypes/calculs et simulations ;
nement des codes de calcul et autres logiciels de modélisation et – concevoir des outillages prêts à produire ;
simulation ; – optimiser la conception du système d’alimentation : canaux,
– la prévision de la durabilité à long terme ; carottes, seuils… ;
– l’amélioration de la productivité ; – éviter les rectifications et reprises d’outillages ;
– l’analyse des défauts et défaillances. – optimiser le choix des presses ;
– prévoir le nombre de cycles jusqu’à stabilisation de la produc-
tion ;
2.1 Acquisition de données – estimer les temps de cycle et par suite les coûts de transforma-
pour l’alimentation des codes tion…
de calcul et autres logiciels dédiés
aux matières plastiques
2.2 Prévision de la durabilité à long
Les codes de calcul et autres logiciels dédiés aux matières plas- terme des matières plastiques
tiques sont en plein essor pour guider les concepteurs, les fabri-
cants de moules, les transformateurs et utilisateurs d’un bout à Du point de vue industriel qui nous préoccupe ici, les méthodes
l’autre de la chaîne de vie des produits, par exemple, sans préten- sont de natures très diverses et poursuivent des buts limités à
tion d’exhaustivité : l’évaluation de l’aptitude à l’emploi, c’est-à-dire la prévision du
– conception de pièces en plastiques, composites et hybrides ; comportement à long terme dans des conditions d’utilisation plus
– analyse et optimisation des performances des propriétés ou moins complexes et connues. Les quelques méthodes normali-
mécaniques suivant des modélisations linéaires ou non, en stati- sées ont l’avantage d’être éprouvées et consensuelles mais se limi-
que et dynamique ; tent à des cas précis comme les applications électriques ou les
– prévision de caractéristiques plus particulières telles que per- tubes et tuyaux. D’autres méthodes doivent être utilisées ou tes-
formances NVH (Noise Vibration Harshness) ; tées pour répondre à des situations spécifiques.
– développement de prototypes virtuels et physiques ; Dans tous les cas, il faut veiller à la représentativité des propriétés
– conception des moules d’injection ; étudiées et à la représentativité de la méthode de vieillissement.

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Analyse structurale des polymères


par couplage CG/SM

par Bruno MORTAIGNE


Docteur en matériaux et structures de l’École nationale supérieure d’arts et métiers
(ENSAM)

Ingénieur responsable du service Structure et durabilité des polymères
Délégation générale pour l’armement
Centre de recherches et d’études d’Arcueil (DGA/CREA)

1. Couplage CG/SM ...................................................................................... A 3 273 - 2


1.1 Chromatographie en phase gazeuse (CG)................................................. — 2
1.1.1 Principe................................................................................................ — 2
1.1.2 Appareillage ........................................................................................ — 3
1.2 Spectrométrie de masse (SM) .................................................................... — 3
1.2.1 Principe................................................................................................ — 4
1.2.2 Appareillage ........................................................................................ — 4
1.3 Couplage chromatographie/ spectrométrie de masse............................. — 5
2. Techniques d’introduction des polymères........................................ — 6
2.1 Pyrolyse ........................................................................................................ — 6
2.2 Thermogravimétrie...................................................................................... — 7
2.3 Dégradation dans un four tubulaire........................................................... — 7
3. Identification des constituants d’un plastique................................ — 7
3.1 Thermoplastiques........................................................................................ — 7
3.2 Thermodurcissables .................................................................................... — 8
4. Analyse des polymères après mise en œuvre.................................. — 8
4.1 Élastomères et thermoplastiques............................................................... — 9
4.2 Thermodurcissables .................................................................................... — 9
5. Étude des mécanismes de polymérisation ....................................... — 11
6. Vieillissement des polymères............................................................... — 11
6.1 Analyse des produits d’hydrolyse.............................................................. — 11
6.2 Produits de dégradation thermique ........................................................... — 11
7. Conclusion ................................................................................................. — 12
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. A 3 273

a chromatographie en phase gazeuse (CG) sur colonne capillaire est une


L méthode de séparation des composés susceptibles d’être vaporisés par
chauffage sans décomposition. Elle consiste à faire migrer les composants d’un
mélange à travers une colonne, en modifiant thermiquement le rapport d’affi-
nité des produits à séparer entre la phase stationnaire de la colonne et le gaz
vecteur.
La spectrométrie de masse (SM) est un outil employé pour l’analyse d’un
grand nombre de types d’échantillons. Sa sensibilité élevée, associée à la fois
à sa grande sélectivité et à sa bonne spécificité, en a fait, au cours des trente
dernières années, une technique d’analyse extrêmement puissante pour la
caractérisation structurale des molécules organiques.
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@QYYW

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ANALYSE STRUCTURALE DES POLYMÈRES PAR COUPLAGE CG/SM ______________________________________________________________________________

L’association d’une méthode de séparation (CG) avec un détecteur très sen-


sible (SM) a conduit à une technique d’analyse performante pour l’identifica-
tion des molécules organiques.
Les composés analysés par SM vont des petites molécules organiques
jusqu’aux macromolécules. La difficulté, dans le cas de ces derniers échan-
tillons, réside dans le choix des techniques à employer pour leur introduction
dans le spectromètre de masse, qui seront largement décrites dans cet article.
Dans la plupart des cas, la SM nécessite une vaporisation des molécules
dans leur forme initiale pour l’acquisition d’un spectre de masse représentatif
de la molécule à analyser. Cela pose un problème crucial, les polymères se
dégradant thermiquement avant leur vaporisation. Malgré cette limitation et la
R complexité des spectres de masse obtenus, la SM joue un rôle important pour
l’analyse structurale des polymères. À partir de techniques d’introduction spé-
cifiques bien contrôlées comme l’analyse thermogravimétrique (ATG), la pyro-
lyse (PY)..., la structure des polymères peut être correctement identifiée par
cette méthode.
Actuellement, même si d’autres techniques comme la SM couplée à des tech-
niques de séparation par chromatographie en phase liquide se développent,
d’autres problèmes se posent quant à l’utilisation de ces techniques, comme
l’interfaçage entre les différents appareillages par exemple, et nécessitent de
développer de nouvelles bases de données pour la détermination des structures
des molécules organiques. Ces nouvelles techniques d’analyse seront surtout
employées pour l’analyse des biopolymères qui sont très sensibles à une éléva-
tion de température. L’analyse de ces biopolymères ne sera pas abordée dans
cet article, où l’on se limitera à l’analyse des polymères élastomériques, thermo-
plastiques ou thermodurcissables.
Dans ce qui suit, après une présentation succincte des principes de fonction-
nement des appareils utilisés, nous décrirons les avantages retirés de l’asso-
ciation de la chromatographie en phase gazeuse (CG) et de la détection par
spectrométrie de masse dans l’analyse et la caractérisation des polymères, en
détaillant les techniques d’introduction des polymères dans un spectromètre de
masse. Ensuite, nous aborderons les différentes méthodologies utilisables pour
caractériser les constituants de base des polymères, puis celles utilisables pour
identifier leur structure après mise en œuvre en essayant de remonter aux
mécanismes de polymérisation qui ont pu intervenir. Enfin, dans une dernière
partie, nous nous intéresserons aux possibilités offertes par cette technique
pour caractériser le vieillissement des matériaux et pour identifier les produits
formés au cours de leur dégradation, de manière à pouvoir déterminer les points
faibles de la structure moléculaire.

1. Couplage CG/SM 1.1 Chromatographie en phase gazeuse (CG)


1.1.1 Principe
La chromatographie en phase gazeuse (CG) sur colonne capillaire
est une puissante méthode de séparation. En comparaison avec la La CG est une méthode de séparation des composés gazeux ou
chromatographie en phase liquide, la CG permet d’atteindre de susceptibles d’être vaporisés par chauffage sans décomposition. Elle
grandes efficacités (plusieurs centaines de milliers de plateaux théo-
est basée sur la migration différentielle des constituants du mélange
riques) avec des durées d’analyse raisonnables, grâce essentielle- à analyser à travers un substrat choisi et permet l’analyse de
ment aux valeurs élevées des coefficients de diffusion des solutés
mélanges très complexes dont les constituants peuvent avoir des
dans les gaz (environ 100 000 fois plus grands que dans les liquides). natures et des volatilités très différentes les unes des autres.
L’association de cette technique de séparation avec une technique
de détection très sensible comme la spectrométrie de masse (SM) La chromatographie consiste à séparer les produits à analyser en
permet une identification moléculaire avec des seuils de détection les déposant sur une phase stationnaire (plus ou moins polaire)
très faibles, de l’ordre de quelques nanogrammes pour chacun des contenue dans une colonne (capillaire ou remplie) et en les éluant
constituants à identifier, quantités suffisantes pour obtenir des avec une phase mobile gazeuse (gaz vecteur : azote, hélium, hydro-
spectres de masse sur une plage de masses étendue. gène). Si la phase stationnaire a été correctement choisie, les consti-
tuants du mélange sont plus ou moins retenus en fonction de leur
La CG et la CG/SM font l’objet d’articles spécialisés dans le traité affinité avec cette phase, et la phase mobile les extrait successive-
Analyse et Caractérisation, auxquels le lecteur pourra se reporter
ment et plus ou moins rapidement, ce qui conduit à leur séparation.
pour plus d’informations [1] [2].

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______________________________________________________________________________ ANALYSE STRUCTURALE DES POLYMÈRES PAR COUPLAGE CG/SM

Celle-ci dépend de l’équilibre qui s’établit entre la phase gazeuse et Avec ces types de détection, les informations obtenues pour iden-
la surface du solide où ils s’adsorbent. Cet équilibre est modifié tifier les produits après leur séparation sont faibles puisqu’elles se
lorsque l’on augmente la température de la colonne contenue dans limitent à un temps de rétention dans des conditions données, sans
le four du chromatographe. Le choix des types de colonne se fait identification plus précise des produits séparés.
en fonction de la polarité des produits susceptibles de se former et L’intérêt d’utiliser comme détecteur un spectromètre de masse
qui dépendent de la structure initiale du polymère [1] [3]. Le temps (SM), bien qu’il soit beaucoup plus onéreux que les autres types de
de sortie de chaque pic du mélange est appelé « temps de rétention » détecteur, est de pouvoir associer à chaque pic du chromatogramme
qui est caractéristique de la substance analysée. un ou plusieurs spectres de masse, ce qui permet une identification
La CG permet de séparer des quantités de produit comprises entre immédiate de la structure chimique du produit à analyser.
un milligramme (10 –3 g) et un nanogramme (10 –9 g). Plus le détec-
teur sera sensible, plus la quantité de produit à séparer pourra être ■ À ces trois éléments du chromatographe, il faut ajouter le circuit
réduite et plus la séparation sera facile. Dans le cas de la CG/SM, du gaz vecteur (phase mobile), gaz qui est choisi principalement en
fonction du type de détecteur. Ce gaz doit être pur et inerte, avec


les colonnes utilisées sont des colonnes capillaires et la phase sta-
tionnaire est un solide poreux. des teneurs en eau et en oxygène minimales de manière à ne pas
modifier la polarité de la phase stationnaire par adsorption (eau)
ou en la décomposant lors de la montée en température (O2) dans
1.1.2 Appareillage le four du chromatographe. Dans le cas d’un détecteur de type SM,
on utilisera de l’hélium comme gaz vecteur.
Un chromatographe est composé de trois éléments principaux : Le gaz vecteur est introduit au niveau de l’injecteur et ressort au
un injecteur, une colonne dans une enceinte régulée en tempéra- niveau du détecteur. Il ne devra pas y avoir de fuite tout au long
ture, un détecteur. du circuit et le débit gazeux doit être régulé précisément
(régulateur de débit massique) de manière à avoir des temps de
■ L’injecteur permettra de déposer les produits à analyser en tête rétention reproductibles et des résultats quantitatifs constants.
de colonne chromatographique dans le circuit gazeux sans introduire Une fuite sur le circuit du chromatographe, très souvent située
de fuite, et de contrôler la quantité de produit injecté. Il en existe au niveau des raccords injecteur/colonne ou au niveau du septum
différents types, avec ou sans division de flux. Cet injecteur pourra d’injection, se traduit par des pics qui traînent, une ligne de base
être chauffé de manière à volatiliser tous les produits au moment instable, des temps de rétention non reproductibles.
de leur injection et à les recondenser en tête de la colonne de sépa-
ration avant le début de l’analyse. Dans le cas où les produits à ana- Sur la figure 1 est représenté le schéma de principe d’un chro-
lyser sont thermolabiles, on utilise des techniques d’injection comme matographe.
le procédé « on-column » qui permet de déposer les composés à
séparer directement sur la phase stationnaire de la colonne, à l’aide
d’une aiguille et d’une seringue, sans avoir à les chauffer.
1.2 Spectrométrie de masse (SM)
■ La colonne positionnée dans un four sera régulée très préci-
sément en température (± 0,2 oC), le temps de rétention d’un produit
dépendant considérablement de la température à laquelle il se La chromatographie permet de séparer les constituants d’un
trouve. La colonne est l’élément le plus important du chromato- mélange, mais si l’on souhaite obtenir une identification structurale,
graphe. Il en existe différents types qui diffèrent par leur longueur et il est nécessaire d’avoir recours à des techniques de caractérisation
par la nature de la phase stationnaire qu’ils contiennent. Les phases comme la spectrométrie de masse.
non polaires sont classiquement des diméthylsiloxanes. Les polari- Le problème majeur rencontré dans le cas d’un couplage CG/SM
tés de la phase stationnaire sont augmentées par greffage, sur ces résulte des différences de pression qui existent entre la colonne
colonnes, de phénylsiloxanes, avec des vinylsiloxanes ou des cyano- chromatographique et la source d’ionisation du spectromètre de
propylsiloxanes en faible concentration ; les phases polaires sont masse.
constituées par des phases à base de polyglycols modifiés. Plus la
phase stationnaire contenue dans la colonne sera polaire, moins
celle-ci sera thermostable et moins il sera possible de la chauffer pour
éluer les produits à séparer. Une colonne polaire a une température
d’utilisation maximale de 250 oC alors que les colonnes apolaires
actuelles peuvent être chauffées jusqu’à 350 oC. Il faut noter que,
depuis quelques années, des industriels spécialistes de la chromato-
graphie développent des colonnes capillaires pouvant supporter des
températures plus élevées (450 oC), ce qui nécessite que les colonnes
et les phases stationnaires pour ces colonnes soient thermostables.
L’épaisseur du film de phase stationnaire est de l’ordre du micro-
mètre, ce qui permet des échanges instantanés entre phase station-
naire et phase mobile et l’obtention de pics chromatographiques très
fins. Pour les séparations de produits de structures chimiques diffé-
rentes, on emploie des colonnes capillaires de 25 m de longueur,
alors que, si l’on doit séparer des produits de structure chimique très
voisine, on a recours à des colonnes de 50 m de longueur.
■ Le système de détection. Les produits séparés dans la colonne
chromatographique doivent être détectés, donc le rôle du détecteur
en sortie de colonne sera d’émettre un signal enregistrable et quan-
tifiable. Le détecteur est choisi spécifiquement en fonction des pro-
duits à analyser. Les plus classiques sont :
— les détecteurs à ionisation de flamme (FID) ;
— les catharomètres (détecteurs de conductivité thermique) ; Figure 1 – Schéma de principe d’un chromatographe
— les détecteurs à capture d’électrons... en phase gazeuse

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Caractérisation des polymères


par analyse thermique

par Gilbert TEYSSÈDRE


Ingénieur INSAT (Institut national des sciences appliquées de Toulouse)
Chercheur au CNRS (Centre national de la recherche scientifique)

et Colette LACABANNE
Professeur à l’Université Paul-Sabatier (Toulouse)

1. Analyse thermique différentielle


et analyse enthalpique différentielle ................................................ AM 3 274 - 2
1.1 Généralités .................................................................................................. — 2
1.2 Caractérisation des polymères amorphes ................................................ — 3
1.3 Caractérisation des polymères semi-cristallins ........................................ — 4
1.4 Vieillissement physique ............................................................................. — 4
1.5 Adjuvants .................................................................................................... — 4
2. Analyse thermomécanique................................................................... — 5
2.1 Généralités .................................................................................................. — 5
2.2 Caractérisation des polymères .................................................................. — 5
3. Analyse dynamique mécanique (ADM) ............................................. — 5
3.1 Généralités .................................................................................................. — 5
3.2 Caractérisation des polymères amorphes ................................................ — 6
3.3 Caractérisation des polymères semi-cristallins ........................................ — 6
4. Analyse dynamique électrique (ADE) ................................................ — 7
4.1 Généralités .................................................................................................. — 7
4.2 Caractérisation des polymères amorphes ................................................ — 7
4.3 Caractérisation des polymères semi-cristallins ........................................ — 7
5. Analyse des courants thermostimulés (CTS) ................................... — 7
5.1 Généralités .................................................................................................. — 7
5.2 Caractérisation des polymères amorphes ................................................ — 8
5.3 Caractérisation des polymères semi-cristallins ........................................ — 8
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. AM 3 274

L ’analyse thermique englobe toute une série de techniques de caractérisation


des matériaux fondées sur l’étude de la variation d’une propriété physique
en fonction de la température.
Il s’agit donc essentiellement d’approches macroscopiques du comportement
des matériaux, qui font intervenir des considérations de thermodynamique des
états d’équilibre et des processus irréversibles, et de cinétique, associées aux
changements d’états (phénomènes de transition) et aux phénomènes de relaxa-
tion qui peuvent les accompagner.
Dans le cas spécifique des matériaux macromoléculaires, ou polymères, l’ana-
lyse de la réponse thermique permet de mettre en évidence et de donner une
interprétation microscopique de phénomènes tels que la transition vitreuse, la
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fusion/cristallisation, le vieillissement physique et chimique, la ségrégation de


phases... selon les cas.

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CARACTÉRISATION DES POLYMÈRES PAR ANALYSE THERMIQUE ________________________________________________________________________________

Dans cet article, les principales techniques d’analyse thermique basées sur
l’étude d’un paramètre thermodynamique extensif, tel que l’enthalpie ou le
volume, ou d’une susceptibilité dynamique telle que le module mécanique en
élongation ou en cisaillement ou la permittivité diélectrique sont abordées.
De nombreux laboratoires en France sont équipés d’une ou plusieurs de ces
techniques et sont donc susceptibles de prêter leur concours dans les domaines
concernés.

Abréviations

R ADE : analyse dynamique électrique


ADM : analyse dynamique mécanique
ATD : analyse thermique différentielle
ATM : analyse thermomécanique
AED : analyse enthalpique différentielle CTS : courant thermostimulé

1. Analyse thermique 1.1.2 Appareillage

différentielle et analyse Les dispositifs de mesure d’ATD et d’AED sont réalisés sur la base
enthalpique différentielle de deux enceintes identiques, régulées en température, contenant
l’échantillon à analyser et le témoin. En AED, les dispositifs dits à
compensation de puissance sont constitués de deux fours identi-
ques ; la mesure effectuée est celle du gradient de puissance fournie
aux deux fours pour maintenir leurs températures égales. Cepen-
1.1 Généralités dant, dans la plupart des cas, le dispositif de chauffage des encein-
tes est unique. On mesure alors le gradient de température entre les
deux enceintes. Cette mesure est le résultat recherché pour l’ATD.
Pour l’AED, elle est convertie en gradient de puissance électrique en
1.1.1 Principe utilisant les équations de la chaleur. Cette procédure est bien évi-
demment transparente pour l’utilisateur.
Le principe des techniques calorimétriques différentielles [1] Une des contraintes liées à l’utilisation de l’ensemble de ces tech-
repose sur la mesure des variations de l’énergie thermique fournie niques est la nécessité d’un étalonnage rigoureux de l’appareillage,
à l’échantillon à analyser, par rapport à celle apportée à un corps dont découle la précision sur les mesures à la fois de température et
inerte appelé témoin, pour imposer un programme de température d’énergie. Cette opération est réalisée à partir de corps étalons dont
contrôlé. la température et l’enthalpie de transition sont connues (la fusion de
l’indium, par exemple).
En analyse thermique différentielle (ATD), la grandeur mesu-
rée est le gradient de température entre l’échantillon et le témoin. Au plan technique, une bonne résistance aux attaques chimiques
Dans ce cas, les flux de chaleur transmis à l’échantillon et au témoin des matériaux susceptibles d’être en contact avec les produits de
sont identiques. Cette technique est plutôt réservée aux études à décomposition du polymère à analyser garantit la longétivité de
hautes températures sur les matériaux (jusqu’à 1 600 °C). l’appareillage. La conception du matériel doit, en outre, être orien-
De fait, la technique la plus courante pour la caractérisation des tée vers des géométries et des choix de matériaux permettant de
polymères est l’analyse enthalpique différentielle (AED) : elle minimiser l’inertie thermique et d’optimiser la précision de mesure.
permet une analyse quantitative des transitions en terme énergéti- Ce sont ces éléments clefs qui déterminent la résolution de l’appa-
que. On mesure alors, en principe, le gradient de puissance électri- reil. Le choix du matériel le plus approprié aux applications auxquel-
que nécessaire pour maintenir l’échantillon et le témoin à une les on est confronté doit prendre en compte plusieurs autres
température identique, soit dans les conditions isothermes, soit en considérations :
imposant une montée en température. Parmi les applications classi- — le domaine de température accessible : celui-ci varie générale-
ques de cette technique, on peut citer : ment de – 160 °C (avec apport d’azote liquide) à 700 °C, et couvre
— la détermination de la température de transition vitreuse ; donc la gamme utilisable avec les polymères et les composites ;
— les mesures de taux de cristallinité ; — la masse d’échantillon nécessaire : pour des produits synthéti-
— la détermination de la température de fusion ; sés en faible quantité, mais aussi pour améliorer la précision en
— l’étude de la ségrégation de phases ; température, on préfèrera un modèle exigeant de faibles masses (de
l’ordre de quelques milligrammes). En revanche, pour des composi-
— l’analyse de la pureté de produits (pharmacologie) ;
tes et des matériaux hétérogènes, de façon plus générale, on doit
— les mesures de taux de polymérisation des résines ; veiller à utiliser des volumes d’échantillons suffisants pour être
— le suivi de la dégradation des polymères. représentatifs de la composition du produit ;
Les faibles masses d’échantillon nécessaires (quelques milligram- — la résolution (en mW) ramenée à l’unité de masse utile
mes), la rapidité des mesures (les vitesses de variation en tempéra- d’échantillon ;
ture sont de l’ordre de 10 °C/min), la large diffusion des dispositifs — la précision en température ;
commerciaux, ainsi que leur application très répandue dans les
— la gamme de vitesses de variation en température.
laboratoires, font de ces techniques un outil de première impor-
tance pour l’étude des propriétés thermiques des polymères et com- Une liste non exhaustive des principaux fournisseurs de matériel
posites. est donnée en Doc. AM 3 274.

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Stratégie et économie du contrôle


et de la caractérisation
par Michel BIRON
Ingénieur de l’Institut national supérieur de chimie industrielle de Rouen (INSCIR)


et de l’Institut français du caoutchouc (IFC)
Consultant

1. Stratégies de caractérisation et de contrôle................................... AM 3 275 - 2


1.1 Stratégie temporelle : essais en temps réel ou essais différés, essais
en ligne ou hors ligne ................................................................................. — 2
1.2 Stratégie organisationnelle ........................................................................ — 2
1.3 Sous-traitance imposée : organismes agréés .......................................... — 3
2. Aspects économiques de la caractérisation et du contrôle ....... — 3
2.1 Coût des essais............................................................................................ — 3
2.2 Rentabilisation des analyses et de la caractérisation .............................. — 4
2.2.1 Contrôle en ligne et pilotage en temps réel..................................... — 6
2.2.2 Contrôle non destructif CND ou essai non destructif END............. — 6
2.2.3 Recyclage : tri automatisé grâce à l’utilisation de méthodes
de contrôle sophistiquées .......................................................................... — 8
2.3 Réduction du coût des essais..................................................................... — 8
2.3.1 Suppression de la préparation des échantillons ............................. — 9
2.3.2 Automatisation des essais ................................................................ — 9
2.3.3 Exécution en ligne des essais ........................................................... — 10
2.3.4 Étendre le champ d’investigation : caractérisation combinatoire
et à haut débit.............................................................................................. — 10
2.3.5 Détecter plus largement les évolutions et dégradations ................ — 10
2.3.6 Utilisation des outils statistiques et mathématiques ...................... — 10
2.3.7 Amélioration des prévisions à long terme....................................... — 11
2.3.8 Essais virtuels..................................................................................... — 11
3. Conclusion................................................................................................. — 13
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AM 3 275

’industrie des plastiques est encore jeune et nécessite de nombreuses


L caractérisations sophistiquées en plus des besoins courants concernant le
contrôle. La caractérisation et le contrôle des matières plastiques sont des
étapes primordiales pour la qualité des pièces produites par les transforma-
teurs ou achetées par les utilisateurs mais ont un coût comme toutes les
opérations industrielles. Les implications économiques sont de plus en plus
importantes d’autant que les sources d’approvisionnement se diversifient et
incluent désormais de nombreux pays en plein développement industriel.
Le contrôle traditionnel a évolué vers des techniques plus sophistiquées,
plus diversifiées et plus rapides permettant de tester les produits fabriqués très
tôt, directement sur les lignes de production dans les cas les plus favorables.
Les investissements peuvent être plus importants mais les coûts de main-
d’œuvre peuvent aussi être réduits en compensation. Un des objectifs des res-
ponsables de la caractérisation et du contrôle doit être sa rentabilisation par
les avantages collatéraux que l’on peut en tirer. Par exemple, la conduite auto-
matisée des presses et extrudeuses exploite des résultats en temps réel
permettant aux logiciels de conduite de réagir quasi immédiatement pour opti-
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQT

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STRATÉGIE ET ÉCONOMIE DU CONTRÔLE ET DE LA CARACTÉRISATION ________________________________________________________________________

miser la qualité, réduire les déchets et les coûts de fabrication malgré les
exigences accrues des spécifications. Pour la conception des pièces et sys-
tèmes, les besoins sont énormes pour le recueil des paramètres nécessaires au
fonctionnement des logiciels de conception, modélisation et simulation ainsi
que pour l’évaluation des durabilités à plus ou moins long terme (jusqu’à
50 ans et plus) dans des conditions plus ou moins difficiles. En contrepartie il
est possible d’amortir les frais de mesures de grande qualité par l’optimisation
de la conception, la réduction ou la suppression des défaillances pendant le
service normal des pièces dont la durée de vie pourra être allongée constituant
un atout commercial important.
La stratégie du contrôle et de la caractérisation doit évoluer entre les essais

R réalisés en interne et la sous-traitance suivant les impératifs réglementaires,


techniques, commerciaux et économiques. La panoplie des essais physico-chi-
miques, physiques et chimiques est presque inépuisable et les coûts peuvent
augmenter très vite, d’autant que l’on recherche des hautes précisions et des
traces d’entités chimiques plus ou moins exotiques. Il faut donc veiller à rester
raisonnable et ne pas se laisser aller à des recherches certes intéressantes mais
non indispensables qui grèveraient inutilement le budget de la production.

1. Stratégies Déf a i lla nc e en servi c e


de caractérisation
et de contrôle Pi èc ef i ni e

Produi t tra nsf ormé


La caractérisation et le contrôle doivent satisfaire aux contraintes
techniques imposées à la fois par le produit et par les matériels et
méthodes d’essais qui doivent être choisis en adéquation pour Compound
mesurer les paramètres nécessaires et suffisants avec la précision
adéquate. Ma ti ère premi ère
Les contraintes économiques sont les mêmes que pour toute
autre opération industrielle, les frais de caractérisation et contrôle
étant directement imputables sur les budgets des pièces et pro- Figure 1 – Augmentation des coûts de défaillance en fonction
duits à transformer. du stade d’avancement

La rapidité des réponses et réactions est une exigence apparue


dans une seconde étape au cours du développement du contrôle pour conséquence la réduction des déchets et hors spécification et
pour répondre à une meilleure efficacité industrielle et économi- l’amélioration des coûts de production. Évidemment, seuls les
que en diminuant les taux de déchets ou de pièces hors spécifica- essais autorisant des temps de réalisation courts sont éligibles. La
tion et en autorisant un raccourcissement des délais de réaction en pleine exploitation des avantages des essais en ligne trouve son
cas de déviation des fabrications. Enfin, l’accélération universelle plein épanouissement dans le pilotage automatisé des lignes de
des délais de conception, de fabrication et de réponse au client a production dont le principe fait l’objet du paragraphe 2.3.3 Exécu-
confirmé cette nécessité de rapidité qui a favorisé le développe- tion en ligne des essais.
ment de nouvelles méthodes de mesure mettant en jeu l’automati-
sation, comme la vision artificielle assistée par ordinateur, la
robotisation, la cartographie, le contrôle en ligne avec pilotage de 1.2 Stratégie organisationnelle
la fabrication, le contrôle non destructif.
Plus un défaut ou une défaillance est constaté tardivement, plus Deux grandes voies sont à explorer :
il coûte cher pouvant entraîner par exemple l’explosion en vol – la possibilité de reporter les essais vers les fournisseurs ;
d’une fusée spatiale ou le rappel de dizaines de milliers de véhicu- – le choix entre essais effectués en interne et en sous-traitance.
les. La figure 1 illustre très schématiquement l’augmentation des
Le report des essais vers les fournisseurs devrait continuer à se
coûts qui dépendent en fait de la technicité des produits et de l’uti-
développer car il apporte deux avantages concernant la précocité
lisation des pièces.
de la détection des non-conformités. Plus le stade est situé en
amont plus la valeur ajoutée des déchets et rebuts est faible. De
plus, il est inutile, par exemple, de transporter des matières pour
1.1 Stratégie temporelle : essais les retourner ensuite au fournisseur si elles ne sont pas utilisables.
en temps réel ou essais différés, Par ailleurs, la charge des essais est également reportée sur le
essais en ligne ou hors ligne fournisseur, ce qui est intéressant même si le financement est
répercuté sur les prix.
Les essais en temps réel ont l’avantage majeur de renseigner Le choix entre essais effectués en interne et en sous-traitance
immédiatement les responsables de production de façon à corriger reste ouvert car évolutif en fonction du contexte. Les essais très
très rapidement les déviations du processus de production avec pointus restent souvent du domaine de la sous-traitance pour des

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________________________________________________________________________ STRATÉGIE ET ÉCONOMIE DU CONTRÔLE ET DE LA CARACTÉRISATION

raisons économiques mais les progrès dans la démocratisation de D’autres coûts, inférieurs ou supérieurs, peuvent être notés
certaines techniques font que des essais actuellement difficilement selon la méthode de mesure, la température, etc.
exploitables en interne deviennent ou sont déjà réalisables sans Comme pour les autres étapes de production, la fréquence
connaissances particulières comme pour la spectroscopie XRF annuelle a un effet très significatif sur le coût d’essai comme nous
dédiée, utilisable par des personnels sans spécialisation en phy- pouvons le voir sur la figure 3 concernant l’évolution du prix d’un
sico-chimie. essai simple exécuté à des fréquences allant du cas exceptionnel
jusqu’à des contrôles de routine effectués automatiquement en
ligne.
XRF (X-ray fluorescence) : la spectrométrie de fluorescence
X utilise la fluorescence de rayons X comme méthode d’ana- ■ Pour les essais effectués en sous-traitance sur matériau, le
lyse chimique. Certains appareils sont dédiés à la détection tableau 1 indique quelques ordres de grandeur sans aucune garan-
d’éléments visés par des normes ou directives particulières. tie. Le nombre d’éprouvettes testées, le mode de présentation du


matériau, les remises pour quantités, la facturation de frais fixes
etc. diffèrent suivant les laboratoires entraînant des distorsions qui
peuvent être importantes.
1.3 Sous-traitance imposée : organismes
L’analyse statistique des résultats (tableau 2) indique une
agréés moyenne de 259 € avec un écart type important et une distribution
asymétrique comme on peut le constater sur la figure 4. Encore
Pour diverses raisons, certaines normes ou spécifications émises faut-il noter que le panel des essais ne comporte que des essais
par des organismes nationaux, internationaux, professionnels ou courants et courts. Les vieillissements, analyses rhéométriques
par des sociétés privées imposent le recours à des organismes cer- plus ou moins poussées par exemple conduiraient à élargir la
tifiés pour des essais déterminés. gamme des prix vers le haut.

■ Pour les essais sur pièces et produits finis en sous-traitance


Exemples
(tableau 3), l’analyse statistique de quelques exemples concernant
Le comportement au feu, les pièces pour l’aéronautique, le bâtiment, des essais partiels montre une moyenne nettement plus élevée
la SNCF etc. avec un écart type également plus élevé et une distribution forte-
ment asymétrique comme on peut le voir sur le tableau 4 et la
figure 5.

2. Aspects économiques
de la caractérisation
et du contrôle
Coût relatif

9 00

Le coût des essais d’analyse et de caractérisation effectués en 700


interne dépend :
500
– des investissements ;
– des coûts opérationnels, du temps passé et du niveau de spé-
300
cialisation du personnel impliqué ;
– du nombre d’échantillons utilisés pour le test considéré, par
100
exemple 3, 5 ou plus pour un essai dynamométrique ;
0 20 40 60 80 100 120 140
– de la fréquence annuelle des essais…
Température (°C)

2.1 Coût des essais Figure 2 – Variation du coût d’un essai de fluage de longue durée
en fonction de la température
Les frais opératoires dépendent de la technicité de l’essai mais
également de paramètres tels que la température, la durée ou la
fréquence des essais. La figure 2 montre un exemple d’augmenta-
tion du prix avec la température pour un essai de longue durée en
fluage. Les résultats sont exprimés en coût relatif pris ici comme le
rapport du coût de l’essai à une température considérée divisé par
Coût relatif

le coût de l’essai à la température ambiante. Il faut remarquer que


le même essai effectué à une température inférieure à 20 °C coûte-
rait également plus cher.
Prenant comme base 1, le coût d’un essai très simple, les four-
chettes des coûts approximatifs d’autres essais peuvent être dans
les plages suivantes :
– analyse chimique de 1 jusqu’à 10 et plus ;
– propriétés thermiques de 1 jusqu’à 15 ;
– propriétés mécaniques de 1 jusqu’à 15 ; Fréquence annuelle
– propriétés rhéologiques de 1 jusqu’à 15 ;
– propriétés électriques de 2 jusqu’à 20 ;
– fluage à la température ambiante de 5 jusqu’à 100 ; Figure 3 – Évolution du coût d’un essai en fonction de la fréquence
annuelle de réalisation
– fluage à 6 températures (20 jusqu’à 120 °C) : 25 jusqu’à 500.

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Caractérisation des polymères


Diffusion de neutrons aux petits angles
par Jean-Pierre COTTON
Docteur ès sciences


Physicien au laboratoire Léon Brillouin (CEA-CNRS)
Commissariat à l’énergie atomique (Saclay)

1. Apport de la diffusion de neutrons ..................................................... AM 3 278 − 2


1.1 Forme de l’intensité diffusée ....................................................................... — 2
1.2 Caractéristiques des neutrons..................................................................... — 2
2. Instrumentation......................................................................................... — 3
2.1 Principe.......................................................................................................... — 3
2.2 Description du spectromètre ....................................................................... — 3
3. Conformation d’une chaîne dans un fondu de polymères............ — 4
3.1 Théorème 50-50............................................................................................ — 4
3.2 Du facteur de forme à la conformation ...................................................... — 4
3.2.1 Chaîne à longueur de persistance...................................................... — 4
3.2.2 Cylindre orienté ................................................................................... — 4
3.3 Exemples....................................................................................................... — 5
3.3.1 Polystyrène .......................................................................................... — 5
3.3.2 Polyester nématique ........................................................................... — 5
3.4 Difficultés de la substitution isotopique ..................................................... — 6
4. Systèmes complexes en solution. Méthode de variation
de contraste ............................................................................................... — 7
4.1 Facteur de forme d’un polymère en solution concentrée......................... — 7
4.2 Polymères aux interfaces............................................................................. — 7
4.2.1 Détermination du profil de concentration ......................................... — 8
4.2.2 Exemple de détermination du profil d’une brosse de polymères... — 8
5. Conclusion .................................................................................................. — 8
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM 3278

À vec une longueur d’onde d’environ 1 nm (10 Å), la diffusion de neutrons


aux petits angles est une excellente technique pour déterminer la structure
moyenne (conformation) des polymères dans différents environnements.
Les paramètres mesurés sont la masse moléculaire, le rayon de giration, la
longueur de persistance ou, plus complètement, la forme du polymère, comme
les déterminent la diffusion de lumière et, quelquefois, la diffusion de rayons X
aux petits angles.
Comme les sources de neutrons sont rares, bien qu’ouvertes à tous, cette tech-
nique est réservée en priorité aux expériences où elle est indispensable. Ce sont
donc les expériences qui font intervenir la substitution isotopique comme
méthode de marquage qui seront privilégiées. Par exemple, la détermination de
la conformation d’un polymère dans son solide en utilisant des chaînes deuté-
riées est une possibilité unique. La méthode de variation de contraste permet-
tant d’obtenir les facteurs de structure partiels de solutions complexes, en
faisant varier le pouvoir diffusant du solvant, est une autre possibilité. Elle est
appliquée à la détermination de la structure d’une interface de polymères gref-
fés.
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@QYYX

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CARACTÉRISATION DES POLYMÈRES ______________________________________________________________________________________________________

Notations et symboles

Symbole Définition Symbole Définition

b longueur de diffusion N nombre de monomères par chaîne

B longueur de contraste 1 nombre d’Avogadro

I intensité P (q) facteur de forme

, longueur d’un maillon q module du vecteur de diffusion

R ,p

M
longueur de persistance

masse moléculaire
Rg

s (q)
rayon de giration

fonction de diffusion par unité de volume

Mn masse moléculaire moyenne en nombre S2 (q) fonction de diffusion interchaînes

Mw masse moléculaire moyenne en poids V, v volume

n nombre de chaînes de polymères ρ densité

Indices : H : hydrogène ; D : deutérium ; m : monomère ; s : solvant ; g : grain

1. Apport de la diffusion vm et vs volumes molaires partiels des motifs mono-


mères et des molécules de solvant
de neutrons est la longueur de contraste des motifs monomères dans le solvant

Pour une meilleure compréhension du texte, le lecteur se repor-


tera aux références [1] [19] pour la partie théorique. 1.2 Caractéristiques des neutrons

1.1 Forme de l’intensité diffusée L’équation (1) est quasi identique [2] pour une expérience de dif-
fusion de lumière, de rayons X ou de neutrons. La fonction de diffu-
sion s (q) ne dépend que de la structure de l’échantillon et la
Afin d’introduire les caractéristiques de la diffusion de neutrons, technique n’intervient dans cette fonction que par le domaine de
le plus simple est d’écrire l’intensité diffusée par une solution de n valeurs de q qu’elle délivre :
chaînes de polymères comportant chacun N motifs monomères
10 Ð4 à 4 × 10 Ð2 nm Ð1 pour la lumière ;
dans un volume V. Soit I (q) cette intensité diffusée par unité de
volume en fonction du module vecteur de diffusion exprimé par : 10 Ð2 à 5 nm Ð1 pour la diffusion de rayons X et de neutrons aux
petits angles.
q = ( 4π ⁄ λ ) sin θ ⁄ 2
La diffusion de neutrons permet ainsi d’analyser les corrélations
avec λ longueur d’onde du faisceau de neutrons, entre monomères à une échelle de 50 à 0,1 nm, donc tout à fait
adaptée à l’échelle des longueurs caractéristiques des polymères.
θ angle de diffusion
La caractéristique essentielle de la diffusion de neutrons provient
C’est la somme de deux fonctions.
des longueurs de contraste (équation (2)) dont le carré amplifie
L’une comprend le facteur de forme P (q) du polymère (P (0) = 1) l’intensité du signal diffusé.
qui correspond aux corrélations de positions entre motifs monomè-
res appartenant à la même chaîne. En effet, dans le domaine du vecteur de diffusion considéré ici, la
longueur de diffusion du motif monomère ou d’une molécule de sol-
L’autre est proportionnelle à S2 (q), fonction qui traduit les corré- vant est la somme des longueurs de diffusion cohérente des atomes
lations entre motifs monomères appartenant à des chaînes diffé- qui composent ces molécules. Celles-ci caractérisent l’interaction
rentes : neutron/atome. Elles ne dépendent que des noyaux de ces atomes
I ( q ) = ( kB 2 ⁄ V ) [ nN 2 P ( q ) + n 2 S 2 ( q ) ] = kB 2 s ( q ) (1) et peuvent varier fortement d’un isotope à l’autre [19].
Exemple : la longueur de diffusion d’un proton
k est une fonction d’appareil que l’on détermine en faisant des
mesures absolues [2]. b H = Ð 0,374 × 10 Ð14 m est négative, alors que celle de son premier
isotope, le deuton, b D = + 0,667 × 10 Ð14 m est positive. Cette diffé-
B = bm Ð bs ( vm ⁄ vs ) (2) rence se retrouve entre la valeur de b pour une molécule d’eau légère
b H2 O = Ð 0,168 × 10 Ð14 m et celle d’une molécule d’eau lourde
avec bm et bs longueurs de diffusion cohérentes des
monomères et des molécules de solvant, b D2 O = + 1,92 × 10 Ð14 m.

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Étude et analyse des surfaces


de polymères solides
Propriétés mécaniques
et tribologiques
par Évelyne DARQUE-CERETTI R
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis France
et Éric FELDER
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis France
et Bernard MONASSE
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis France

1. Propriétés mécaniques superficielles ....................................................... AM 3 279v2 - 3


1.1 Module d’élasticité et dureté...................................................................... — 3
1.1.1 Mise en œuvre des essais de nanoindentation ............................... — 3
1.1.2 Effet de taille....................................................................................... — 4
1.1.3 Étude des hétérogénéités de module d’élasticité ........................... — 5
1.2 Identification de la rhéologie des films minces
et des couches superficielles ..................................................................... — 5
1.3 Identification des propriétés viscoélastiques ........................................... — 6
2. Interactions normale et tangentielle avec un corps antagoniste........... — 7
2.1 Adhésion et adhérence............................................................................... — 7
2.1.1 Adhésion............................................................................................. — 7
2.1.2 Adhérence........................................................................................... — 9
2.1.3 Après traitement de surface.............................................................. — 9
2.2 Résistance à la rayure................................................................................. — 9
2.2.1 Formation de rayures ........................................................................ — 10
2.2.2 Influence du coefficient d’écrouissage............................................. — 10
3. Propriétés tribologiques des polymères................................................... — 11
3.1 Caractérisation du frottement et de l’usure .............................................. — 11
3.2 Mécanismes de frottement et effet de la force normale.......................... — 12
3.3 Influence du matériau................................................................................. — 12
3.4 Influence de la vitesse de glissement et de la température .................... — 13
3.5 Effet de la rugosité ...................................................................................... — 13
3.6 Effet de l’environnement ............................................................................ — 14
3.7 Effet de l’énergie dissipée (vitesse élevée) ............................................... — 14
3.8 Diagrammes de conditions d’utilisation tribologique ............................. — 15
4. Conclusion ................................................................................................... — 15
5. Glossaire ...................................................................................................... — 16
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AM 3 279v2

es propriétés de surface d’un matériau ont toujours une grande importance


L tant sur le plan scientifique que sur le plan des applications pratiques. Ces
propriétés sont extrêmement variées : thermodynamiques, physicochimiques,
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQV

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AM 3 279v2 – 1

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ÉTUDE ET ANALYSE DES SURFACES DE POLYMÈRES SOLIDES _______________________________________________________________________________

optiques, géométriques (rugosité), mécaniques…. Elles découlent directement


de l’histoire (élaboration, mise en forme) du matériau et sont souvent diffé-
rentes de ses propriétés de volume. Cette problématique est particulièrement
importante dans le cas des polymères, matériaux moins denses, moins durs,
plus souples et plus sensibles à l’environnement que les alliages métalliques.
Par ailleurs, pour maîtriser l’aspect esthétique et les propriétés superficielles
des pièces, on utilise de plus en plus des revêtements polymères plus ou
moins épais dans les industries mécaniques, automobiles, optiques, agro-ali-
mentaires…. Leurs caractéristiques mécaniques conditionnent leur
comportement face aux agressions mécaniques (résistance aux chocs, à la for-
mation de rayures marquées, adhérence à un autre matériau) et lors de leur

R glissement sur une pièce antagoniste : intensité du frottement, modes et


vitesse d’usure.
L’article [AM 3281] présente les propriétés physicochimiques superficielles
des polymères, leur modification et optimisation par un traitement de surface
physique ou chimique et leur évolution du fait du vieillissement du polymère.
Cet article présente les propriétés mécaniques et tribologiques.

Notations Notations

A m2 aire apparente de contact t s temps

Ac m2 aire de la surface de contact proje- T °C, K température


tée Tg, Tm °C, K température de transition viteuse,
e m épaisseur d’un film de fusion
E Pa module d’Young X – index d’indentation
E(t) Pa module de relaxation V m3 volume d’usure
E’ (ω), E” (ω) Pa module de conservation, de perte, v m.s–1 vitesse
composantes du module complexe
E(iω) w J.m–2 énergie d’adhésion

K Pa module hertzien du contact γ J.m–2 énergie superficielle

G J.m–2 taux de restitution de l’énergie χP, χh s–1 dérivée logarithmique de la force


P(t), de la pénétration h(t)
H Pa dureté
δS,P (J.m–3)1/2 paramètre de solubilité du milieu,
h m pénétration de l’indenteur du polymère
hc m hauteur de contact Δz m profondeur d’usure ou perte
hg – coefficient d’écrouissage de cote par usure

J(t) Pa–1 module de fluage – déformation généralisée

k Pa–1 vitesse d’usure s–1 vitesse de déformation généralisée

K Pa module hertzien de contact λ m longueur d’onde de l’onde incidente

K1c Pa.m1/2 ténacité σ m rugosité RMS

L m longueur de glissement σ0 Pa contrainte d’écoulement plastique


m – indice de viscosité τr Pa cission réelle de contact
p Pa pression de contact μ – coefficient de frottement (de Cou-
lomb)
P N force normale
υ – coefficient de Poisson
Pa N force d’adhésion
θ °, rad demi-angle au sommet d’un cône
r m distance radiale axisymétrique, angle de mouillage
R – réflectance
ω rad.s–1 pulsation d’une sollicitation sinusoï-
Ra m rugosité arithmétique dale
moyenne
r Indice réel (au niveau micro-
S N.m–1 raideur de contact scopique)

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AM 3 279v2 – 2

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Par contre, l’interprétation de l’essai sur les polymères, dont le


Acronymes comportement mécanique est généralement sensible à la vitesse
AFM microscope à force atomique de déformation (§ 1.2), nécessite quelques précautions opéra-
toires spécifiques (figure 1) [1].
DMTA Dynamic Mechanical Thermal Analysis (rhéologie – Il faut imposer un chargement à évolution exponentielle, tel
fréquentielle) que la dérivée logarithmique de la force (homogène à l’inverse
d’un temps) :
XPS spectroscopie de photoélectrons

ABS acrylonitrile-butadiène-styrène (2)

HDPE polyéthylène de haute densité soit constante, pour assurer une vitesse de déformation
moyenne constante au matériau. Cette vitesse est de l’ordre de


PC polycarbonate
0,1 χp ; la force et la pénétration sont alors des fonctions exponen-
PE polyéthylène tielles du temps, avec
χh = dh /(hdt) = χP /2
PES polyéthersulfone
la force prend alors la forme approchée :
PET polyéthylène téréphtalate
P = Ch2 (loi de Kick)
PMMA polyméthacrylate de méthyle avec C constante de Kick.
– Il faut imposer un temps de maintien à la force maximale, Δt,
PP polypropylène
de l’ordre de 30 à 300 s durant lequel se produit un fluage du
PS polystyrène matériau, puis décharger à la vitesse maximale, pour que le maté-
riau ne se déforme qu’élastiquement lors de la décharge et que la
PTFE polytétrafluoroéthylène mesure de la raideur de contact soit valide.

UHMWPE polyéthylène de très haute masse molaire Pour un matériau homogène et un indenteur parfaitement
conique sans défaut de pointe (conditions de la validité de la loi
de Kick), la raideur de contact S est proportionnelle à la pénétra-
tion. En pratique, on observe un écart à la linéarité pour les faibles
pénétrations, pour deux raisons :
1. Propriétés mécaniques – il est difficile sur les polymères, matériaux souples, de détecter
superficielles le point de début de pénétration effective dans le matériau ;
– l’indenteur présente un défaut de pointe ; son effet sur l’évolu-
tion de la force est analysé ci après.
1.1 Module d’élasticité et dureté L’extrapolation à 0 de la partie linéaire de l’évolution de S avec
h permet de définir une pénétration effective prenant en compte
ces effets :
1.1.1 Mise en œuvre des essais
de nanoindentation he = h + h0
La grandeur h0 est appelée correction de défaut de pointe (et
À l’échelle de la fraction de micromètre, de 0,05 à quelques μm, de zéro). On décale donc toutes les pénétrations de h 0. Pour sim-
les essais de nanoindentation permettent de mesurer le module plifier, par la suite la même notation pour hmax ainsi corrigée sera
d’Young E et la dureté H de la surface des matériaux. Ces essais, utilisée. Pour les polymères, la hauteur effective de contact hc et
dits d’indentation instrumentée, consistent à enfoncer dans le l’aire de la surface de contact projetée sur la surface initiale de
matériau un indenteur en diamant, généralement une pyramide
Berkovich à base triangulaire, équivalente au sens du volume
déplacé à une pyramide à base carrée Vickers [M4154] et sui-
vants, [M4160]. On mesure généralement la pénétration h de
l’indenteur pour des incréments successifs de force normale P,
jusqu’à une force maximale Pmax, qui produit l’enfoncement maxi- χP = dP /(Pdt ) = Cte Fluage de matériau
mal hmax, puis son retrait lors de décréments de la force normale. P = C h2 Ralentissement de l’indenteur
On en déduit la pente de décharge initiale : Pmax

Décharge
(1)
inélastique

La grandeur S, appelée raideur de contact, joue un rôle fonda- P


mental dans l’interprétation de l’essai.

Typiquement sur les polymères, tels que le polycarbonate


(PC), pour Pmax = 1 mN, hmax est de l’ordre de 0,5 μm et la rai-
S = dP /dh
deur de contact S de l’ordre de 0,01 mN/nm, valeur bien infé-
rieure à la raideur de la colonne de mesure des appareils
commercialisés (de l’ordre de 10 mN/nm). La déformation de hmax
h
l’indenteur (élastique) est également négligeable : la pratique
d’essais sur polymères est donc de ce point de vue plus
Figure 1 – Procédure d’essai d’indentation instrumentée sur un
simple que sur métaux ou sur céramiques. polymère homogène

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AM 3 279v2 – 3

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80 nm
380 200

360 150
200 nm

εR (%)
Tg (K)

340 100

320 50

R 300
20 100
0
0 20 40 60 80 100
e (nm)
Teneur en caoutchouc
(% massique)
a effet de l’épaisseur e d’un film libre b effet de la taille des inclusions d’élastomères (80 ou 200 nm)
sur sa température de transition vitreuse Tg sur la déformation à la rupture εR

Figure 2 – Effets de taille dans le polystyrène (PS) [3]

l’échantillon Ac à la force maximale peuvent être estimées par les 1.1.2 Effet de taille
formules simples [2] :
Les polymères présentent des effets de taille, c’est-à-dire que
(3) leurs propriétés dépendent des dimensions du volume concerné.

avec S raideur de contact. La figure 2 [3] illustre deux effets de taille sur le polystyrène (PS).
On en déduit le module d’Young E et la dureté H du matériau :
La température de transition vitreuse Tg augmente avec l’épais-
(4) seur d’un film libre : son module et sa limite d’élasticité seraient
donc plus faibles que pour un matériau massif. Cet effet est cohé-
rent avec les mesures de décroissance de Tg quand l’épaisseur du
avec υ coefficient de Poisson du polymère (0,3 à 0,45). film libre diminue. Par ailleurs, la déformation à la rupture d’un
Pour l’indentation d’un matériau de module d’élasticité polystyrène est fortement augmentée par l’addition de nanoparti-
E* = E /(1 – υ 2) cules d’élastomère à partir d’une certaine concentration. L’effet à
forte concentration est d’autant plus marqué que les nanoparti-
et de contrainte d’écoulement plastique σ0 par un cône de révolu- cules ont un diamètre plus petit. L’addition de nanoparticules de
tion de demi-angle θ, on définit l’index d’indentation X : silice en forte teneur à un polymère réticulé augmente considéra-
blement ses capacités d’écrouissage (§ 2.2).
(5)
Sur le plan mécanique, on observe souvent une augmentation
Pour les pyramides Berkovich et Vickers, le cône axisymétrique de dureté quand la pénétration diminue [4]. Il semble que cet effet
équivalent au sens du volume de matière déplacé a un angle de taille en indentation ISE (Indentation Size Effect) dépend de la
θ = 70,3°. X représente le rapport entre l’ordre de grandeur de la structure des macromolécules.
déformation imposée par l’indenteur (cot θ) et la déformation élas-
tique du matériau en traction ou compression (σ0 /E*). H/σ0 est une Il est absent dans le polyéthylène à très haute densité (UHDPE) et
fonction croissante de X. Pour les polymères, dont la déformation le polytétrafluoroéthylène (PTFE), polymères à chaînes linéaires : leur
élastique est importante, l’index d’indentation pour une pyramide dureté est indépendante de la pénétration. Mais la dureté de l’époxy,
Berkovich ou Vickers est de l’ordre de 8 à 15, ce qui implique que du polyéthylène térephtalate (PET), du polycarbonate (PC) augmente
la dureté dépend du module d’élasticité et de la contrainte d’écou- significativement pour h < 2 µm (figure 3a) [4]. La dureté du nylon 6-6
lement plastique du matériau, avec H ≈ (2 à 2,4)σ 0. Ce point sera augmente pour des pénétrations plus faibles, pour h < 0,1 µm. Cet
précisé au § 1.2. À l’opposé, pour la plupart des matériaux métal- effet peut être très important sur des matériaux caoutchouteux
liques, l’index d’indentation dépasse 50 et la dureté H ≈ 3 σ0 . Si le (figure 3b) [4].
polymère a des propriétés mécaniques homogènes au voisinage
de sa surface, les valeurs de E et H mesurées, à χP imposée, sont
indépendantes de la valeur de la force normale appliquée, aux En première approximation, cet effet peut être décrit empirique-
incertitudes de mesure et à l’effet de taille près (§ 1.1.2). Dans le ment par une loi simple : la dureté est une fonction linéaire de
cas contraire, les grandeurs ainsi mesurées représentent la valeur l’inverse de la pénétration 1/h :
moyenne du module d’Young et de la dureté sur une profondeur
de l’ordre de 5 à 10 fois hmax. Néanmoins, la mesure des proprié- (6)
tés d’extrême surface est délicate compte tenu des remarques pré-
cédentes sur les phénomènes à faible pénétration.
avec H∞ dureté à forte pénétration ou dureté
macroscopique,
Les divers approfondissement possibles de cette technique ℓ longueur caractéristique de l’effet de taille.
de mesure et l’intérêt de la mesure de la dureté, évoqués ci- On observe également un effet de taille dans l’indentation des
après, permettent entre autres applications d’apprécier la métaux. Pour les métaux, cet effet serait dû au fait que la défor-
rhéologie du polymère et d’évaluer sa résistance à la rayure.
mation hétérogène de petits volumes nécessite des dislocations,

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Étude et analyse des surfaces


de polymères solides
Propriétés physicochimiques

par Évelyne DARQUE-CERETTI


Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,

CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis
Éric FELDER
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis
et Bernard MONASSE
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis

1. Rappels sur les surfaces de polymères ............................................. AM 3 281 - 3


1.1 Notion de surface. Énergie et tension de surface .................................... — 3
1.2 Matériau polymère de volume et de surface............................................ — 3
2. Aspect dynamique des surfaces ......................................................... — 6
2.1 Températures et comportements caractéristiques .................................. — 6
2.2 Approche théorique .................................................................................... — 7
2.3 Approche expérimentale ............................................................................ — 8
2.4 Commentaires ............................................................................................. — 10
3. Propriétés de surface et d’interface .................................................. — 10
3.1 Propriétés physico-chimiques.................................................................... — 10
3.2 Propriétés optiques : brillance ................................................................... — 11
4. Modification des surfaces de polymères.......................................... — 12
4.1 Traitements chimiques ............................................................................... — 12
4.2 Traitements physiques ............................................................................... — 13
4.3 Modification par ségrégation..................................................................... — 15
4.4 Nouveaux traitements ................................................................................ — 17
5. Vieillissement des surfaces.................................................................. — 17
5.1 Photovieillissement..................................................................................... — 17
5.2 Vieillissement suite au traitement ............................................................. — 18
6. Conclusion................................................................................................. — 18
7. Glossaire .................................................................................................... — 19
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AM 3 281

es propriétés de surface d’un matériau ont toujours une grande importance


L tant sur le plan scientifique que sur le plan des applications pratiques. Sur
le plan thermodynamique, la surface possède une énergie libre en excès γ qui
conditionne sa réactivité chimique superficielle et le succès d’une opération
d’assemblage par collage par exemple. L’aspect esthétique du produit fini
influence souvent sa valeur marchande. La surface est le lieu de phénomènes
produisant des évolutions majeures du matériau et conditionnant sa durée de
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQV

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ÉTUDE ET ANALYSE DES SURFACES DE POLYMÈRES SOLIDES _______________________________________________________________________________

vie : formation de fissures par fatigue thermomécanique, dégradation par cor-


rosion, interactions mécaniques avec un autre matériau solide responsable de
la formation de rayures, du décollement d’un film, du frottement et de son
usure... Les propriétés du matériau découlent de son histoire (élaboration et
mise en forme) et elles sont très souvent significativement différentes en
volume et en extrême surface. La mesure des propriétés d’extrême surface est
donc à la fois un problème important et difficile, nécessitant le plus souvent
des techniques spécifiques. Ces problèmes sont particulièrement notables
pour les polymères, matériaux peu denses et aux molécules relativement
mobiles à température ambiante, donc plus sensibles à l’environnement (tem-
pérature, gaz, humidité, liquide) que la plupart des alliages métalliques

R courants. Par ailleurs, on utilise de plus en plus des revêtements polymères


pour maîtriser l’aspect esthétique des pièces dans les industries mécaniques,
automobiles, optiques, agro-alimentaires….
Cet article complète l’article [AM3279] consacré aux propriétés mécaniques
et tribologiques. Le procédé de mise en forme induit naturellement une hété-
rogénéité d’organisation moléculaire dans l’épaisseur des pièces. De ce fait,
les surfaces de polymère ont une organisation spécifique qui se conjugue
avec la présence d’une surface libre. L’aspect dynamique des surfaces de
polymères présentent une mobilité moléculaire différente de celle du volume.
L’organisation superficielle, dépendant du procédé de mise en forme, a des
conséquences sur les propriétés optiques ainsi que sur la réactivité au vieillis-
sement, aux traitements de surface et à l’adhérence des surfaces.

Principaux symboles Principaux sigles


A m2 aire apparente de contact AFM microscope à force atomique
D m2.s–1 coefficient de diffusion AES spectroscopie d’électrons Auger
e m épaisseur d’un film ATR Attenuated Total Reflection
G – brillance DSC analyse calorimétrique différentielle
n – indice de réfraction IR-TF spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier
LET énergie transférée linéairement par nm
Pa N force d’adhésion
SIMS spectrométrie d’ions secondaires induits
R – réflectance par bombardement ionique
Ra m rugosité arithmétique moyenne XPS spectrométrie de photoélectrons induits par
s N.m–1 tension de surface des rayons X
t s temps ABS acrylonitrile-butadiène-styrène
T °C, K température BOPP polypropylène bi-orienté
HEMA hydroxyéthylmétacrylate
Tg, Tm °C, K température de transition vitreuse,
de fusion HDPE polyéthylène de haute densité
w J.m–2 énergie d’adhésion PC polycarbonate
γ J.m –2 énergie superficielle PDMS polydiméthylsiloxane
δS, P (J.m–3)1/2 paramètre de solubilité du milieu, du PE polyéthylène
polymère PEO polyoxyéthylène
λ m longueur d’onde de l’onde incidente PES polyéthersulfone
σ m rugosité RMS PET polyéthylène téréphtalate
θ °, rad demi-angle au sommet d’un cône PMMA polyméthecrylate de méthyle
axisymétrique, angle de mouillage PP polypropylène
<r > valeur moyenne d’une grandeur r PS polystyrène
r indice réel (au niveau microscopique) PTFE polytétrafluoroéthylène
PVDF polyfluorure de vinylidène
UHDPE polyéthylène ultra-haute densité
UHMWPE polyéthylène de très haute masse molaire

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1. Rappels sur les surfaces l’orientation), donc (dγ /dΩ ) est différent de zéro. En général pour
un solide, l’énergie de surface n’est pas égale à la tension. Cet
de polymères aspect est particulièrement important, car souvent la différence est
négligée dans la littérature.
Les polymères, matériaux peu denses, ont une énergie de
On appelle polymère toute substance composée de macro- surface généralement faible ; entre 0,01 et 0,05 J.m–2 contre 0,5 à
molécules. Les plus connues sont les fibres naturelles (bois, 3 J.m–2 pour les métaux. Malgré sa faible valeur, elle peut jouer
papier, coton, cuir, soie, laine…), les matières plastiques, les un rôle important. En effet, sur le plan thermodynamique, tout
caoutchoucs, les colles, les peintures et les résines. transfert de matière à la surface par diffusion ou adsorption pro-
duisant une diminution significative de l’énergie de surface tend à
se produire, dans la mesure où la mobilité des espèces correspon-
Ils sont très utilisés pour les matrices des matériaux composites dantes est suffisante. La diminution de l’énergie de surface


et sont généralement souples (module d’Young < 3 GPa) et légers conduit souvent à une ségrégation de certains composants du
(densité < 1,5). polymère. Cela est souvent vrai pour les surfaces de mélanges de
polymères.

Dans cet article, on traite essentiellement des polymères Exemple


synthétiques et solides : les plastiques, les caoutchoucs et les Certains mélanges de PMMA [poly(méthacrylate de méthyle)] et
résines solides. de PVDF [poly(fluorure de vinylidène)] présentent un des très rares
exemples de miscibilité dans le volume, même à la température
ambiante, pour des concentrations de 0 à 35 % de PMMA. L’analyse
1.1 Notion de surface. Énergie et tension de l’extrême surface de ces mélanges, après un long temps de main-
tien à l’état fondu, montre un enrichissement de la surface solide en
de surface PVDF, le polymère qui a la plus basse énergie superficielle. Cela
conduit donc à un gradient de la concentration en PVDF dans les
couches sous-jacentes Le comportement de surface est différent de
Dans le langage usuel, la surface d’un matériau est sa fron- celui du volume.
tière avec l’atmosphère ou tout milieu gazeux ou liquide. C’est
la partie visible du matériau. En science des matériaux, la sur- La diminution de l’énergie de surface conduit donc à une migra-
face a une définition plus générale : c’est la frontière entre deux tion des matériaux, surtout de basses masses molaires vers la
milieux homogènes. surface. Ceux-ci sont composés à la fois du polymère de base et
des additifs ou plastifiants ajoutés. La diminution de l’énergie de
Une surface a une certaine épaisseur, qui correspond à un gra- surface conduit également à l’adsorption sur la surface de subs-
dient de propriétés. Pour un polymère, suivant les propriétés envi- tances provenant de l’environnement. Celles-ci peuvent être des
sagées, l’épaisseur peut varier du nanomètre, pour la molécules gazeuses, des solides. Elles peuvent être mobiles et
contamination chimique, à la dizaine de micromètres pour la mor- migrer de la surface vers l’intérieur du polymère, conduisant à des
phologie cristalline. Ces différentes échelles sont présentées dans gonflements et à la plastification des régions superficielles.
le paragraphe 1.2. Il en résulte que le choix de l’analyse d’une pro-
priété conditionne celui de la technique de caractérisation (§3).
1.2 Matériau polymère de volume
Les propriétés de surface diffèrent de celles du volume. Cela est
dû à la force thermodynamique qui tend à ce que l’énergie de sur- et de surface
face ait sa valeur la plus faible possible. La région de surface est
Au-delà d’une approche globale de type « milieux continus »,
sujette aux forces intermoléculaires provenant seulement de des-
commune à tous les matériaux, il est nécessaire de tenir compte
sous la surface.
de la spécificité du matériau polymère, qui peut être décrite à dif-
Cette inégalité d’interactions avec l’environnement moléculaire férentes échelles.
voisin conduit au concept d’énergie de surface γ. Cette dernière
est définie comme le travail dépensé pour créer de manière réver-
sible une surface d’aire unité. Elle doit être distinguée de la ten- 1.2.1 Classification des polymères
sion de surface σ qui est reliée au changement de l’énergie libre Les polymères sont, en effet, des macromolécules constituées
d’Helmholtz dF σ associé à une augmentation d’aire dΩ. La relation par la répétition d’une (cas des homopolymères) ou de plusieurs
entre γ et σ est établie comme suit : le travail pour augmenter (cas des copolymères) unités constitutives, groupes d’atomes liés
l’aire d’un solide isotrope de dΩ est σ dΩ et le travail requis doit par des liaisons covalentes. Ces enchaînements covalents peuvent
être égal à l’accroissement d’énergie de la surface totale Ω multi- se développer le long d’une chaîne linéaire ou dans les trois direc-
pliée par γ : tions de l’espace (cas des polymères réticulés) :
σ dΩ = dF σ = d(Ω γ ) – les polymères linéaires ou ramifiés contiennent couramment
soit de 1 000 à 100 000 unités constitutives. Cette classe correspond
aux thermoplastiques ;
(1) – les polymères réticulés recense les thermodurcissables (fort
– Pour un liquide, chaque extension ou contraction de la surface degré de réticulation) et les élastomères (faible degré de réticula-
se fait avec à un flux moléculaire entre les régions de volume tion).
sous-jacentes et la surface, et cela sans changement de composi- Du fait des possibilités de rotation autour des liaisons cova-
tion, ce qui entraîne que : lentes (ou segments), une macromolécule linéaire isolée peut
adopter, à haute température, un très grand nombre de positions
dγ /dΩ = 0 et σ = γ
dans l’espace : les conformations. En condition statique, à la suite
Ainsi, l’énergie de surface γ d’un liquide est égale à sa tension d’un très long temps qui permet d’atteindre l’équilibre thermody-
de surface σ. namique, la chaîne adopte la forme d’une pelote statistique dont
– Pour un solide, la surface est déformée par extension ou la conformation évolue continuellement, tout en conservant la
contraction, causant un changement dans la densité de surface (et même énergie. À basse température, localement la molécule peut

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a polyéthylène PE : zigzag planaire

b polypropylène PP : hélice

Figure 1 – Exemples de conformations régulières

adopter une conformation d’énergie potentielle minimale dépen- par les molécules voisines. Ces contraintes qui sont temporaires
dant de la structure moléculaire : hélice ou zig-zag planaire se renouvellent pour former un réseau à faible durée de vie. La
(figure 1). durée d’existence de ces enchevêtrements augmente fortement
quand la température diminue. Lorsque cet écoulement est couplé
à un refroidissement, dans un procédé de transformation, les
1.2.2 Domaines de température molécules s’orientent encore plus et cette orientation est figée à
À l’état solide, les polymères linéaires peuvent exister sous basse température, à l’état solide. Cet effet d’orientation est géné-
forme soit totalement amorphe, soit partiellement cristalline. À ralement important en surface des pièces polymère transformées,
l’état amorphe, les macromolécules sont imbriquées de façon ce qui confère une organisation de surface souvent différente de
complexe dans un état globalement « figé » en raison du blocage celle du cœur de la même pièce. Par contre, pour les polymères
des mouvements moléculaires responsables des changements de réticulés par réaction chimique in situ dans le procédé de mise en
conformation : c’est le phénomène de transition vitreuse, tradi- forme à partir de molécules monomères, il n’y a pas de rôle de
tionnellement caractérisé par une température Tg . La transition l’écoulement sur l’organisation moléculaire. Du fait du réseau per-
vitreuse se traduit par la variation rapide de nombreuses proprié- manent, on observe simplement deux types de comportements
tés du matériau : coefficient de dilatation thermique, chaleur spé- mécaniques : vitreux au-dessous de Tg, et caoutchoutique au-
cifique, module d’élasticité, viscosité, élongation à la rupture, dessus.
limite d’élasticité etc. Lorsque la température décroît encore, seuls
des mouvements et réorganisations de plus en plus locaux sont 1.2.4 Morphologie cristalline
possibles, qui, lorsqu’ils se bloquent, donnent lieu à des transi-
tions secondaires. On peut définir trois domaines de température Si certains polymères (polystyrène (PS), polycarbonate (PC),
principaux : polyméthacrylate de méthyle (PMMA), thermodurcissables) sont
– le domaine du recuit : Tg – ΔT < T < Tg , avec ΔT de l’ordre de totalement amorphes à l’état solide, de nombreux autres, en
quelques dizaines de degrés Celsius. La mobilité moléculaire est revanche, comme le polyéthylène (PE) ou le polytétrafluoroéthy-
suffisante pour que les molécules se réorganisent globalement lène (PTFE) ont la faculté de cristalliser du fait de la régularité de
pour atteindre l’équilibre thermodynamique après une longue leur structure moléculaire. Cette régularité chimique permet aux
durée ; chaînes d’adopter localement une conformation régulière – hélice
ou zig-zag – donnant une forme étendue à la chaîne. La structure
– le domaine du « vieillissement physique » : Tβ < T < Tg – ΔT,
cristalline est alors constituée par l’assemblage latéral périodique
avec Tβ la température d’une transition secondaire. Le matériau
de ces chaînes étendues. Elles sont liées latéralement par des
évolue localement, mais ne peut revenir à l’équilibre global, même
interactions de van der Waals ou des ponts hydrogène. Pour des
dans un temps historique ;
raisons cinétiques l’épaisseur de ces cristaux est limitée à 5-
– T < Tβ : le matériau est figé et n’évolue plus du tout. 15 nm, selon la température de cristallisation, la nature du
polymère et l’intensité de l’écoulement. Les lamelles cristallines,
1.2.3 Orientation des molécules de faible épaisseur, s’arrangent localement parallèlement entre
elles et sont séparées par de la phase amorphe du même
Dans un procédé de transformation, les molécules se déforment polymère. La notion de taux de cristallinité permet de quantifier,
sous écoulement à l’état fondu. Leur étirement résulte de en masse et en volume, le pourcentage de phase cristalline dans
contraintes topologiques, appelées enchevêtrements, imposées un échantillon.

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_______________________________________________________________________________ ÉTUDE ET ANALYSE DES SURFACES DE POLYMÈRES SOLIDES

Les conditions thermiques, d’écoulement et de contact avec un même si le mécanisme de figeage des molécules est différent
moule modifient fortement la taille et l’épaisseur des cristaux, leur (transition vitreuse / cristallisation).
orientation par rapport à la surface du matériau et le taux de cris-
tallinité. On observe donc une grande diversité de morphologies,
dont les particularités peuvent avoir un effet sur les propriétés de Ces concepts de structures et de morphologies, aux diffé-
surface. rentes échelles, ont été largement utilisés pour interpréter les
En condition statique (sans écoulement), généralement dans le propriétés de volume des polymères. Ils interviennent bien
volume se forment des sphérolites (figure 2a) qui sont constitués évidemment dans les propriétés de surface, du fait de l’orien-
d’un arrangement de lamelles cristallines radiales séparées par de tation lamellaire et de la phase amorphe par rapport à la sur-
la phase amorphe. La vitesse de croissance de ces lamelles, à par- face. Ainsi, par exemple, le coefficient de diffusion est
tir d’un germe, est la même quelle que soit l’orientation de la quasiment nul dans un cristal alors qu’il est important dans la
lamelle, ce qui produit une croissance sphérique (sphérolite) phase amorphe. La diffusion moléculaire à partir de la surface
va fortement dépendre de l’orientation des lamelles cristal-


jusqu’à la rencontre avec les sphérolites plus proches voisins. La
vitesse de croissance radiale des sphérolites est la vitesse de lines en surface.
croissance des lamelles cristallines. Il faut noter dans les premiers
stades de la croissance que des gerbes se forment à partir du
germe et que leur développement donne ensuite lieu à la forma- 1.2.5 Au niveau des forces interatomiques
tion du sphérolite proprement dit (zone centrale de la figure 2a). et intermoléculaires
Sous écoulement, l’orientation moléculaire produit une ani-
sotropie de vitesse de croissance, modifie la forme à partir des Ce sont principalement les forces de van der Waals et les interac-
sphérolites et va figer partiellement l’orientation moléculaire dans tions acide-base, au sens de Lewis, qui interviennent à courte dis-
la phase amorphe. On peut observer pour des écoulements tance (< 1 nm) entre chaînes, et les forces électrostatiques à plus
d’intensité croissante : grande distance (> 10 nm). Il existe actuellement une littérature volu-
mineuse sur l’effet des interactions acide-base. Notons que la plu-
– des sphérolites aplatis dont la direction de croissance rapide
part des polymères synthétiques sont inertes à la surface, c’est-à-
est perpendiculaire à l’écoulement (figure 2b) ;
dire qu’ils ne permettent pas la création de liaisons covalentes avec
– des morphologies en gerbes se développant perpendiculaire-
l’environnement, par fonctionnalisation chimique. Il faut donc, dans
ment à l’écoulement (figure 2c). Leur croissance est bloquée et ne
certains cas, la créer artificiellement en surface (cf. § 4).
peut atteindre celle des sphérolites aplatis ;
– des cylindrites : empilements à symétrie cylindrique de fines Ainsi, une surface de polymère ayant des charges électrosta-
lamelles croissant perpendiculairement à l’écoulement formées à tiques, immergée dans l’eau ou dans un solvant ayant une permit-
partir d’une fibrille centrale orientée dans la direction de l’écoule- tivité relative (constante diélectrique) forte, peut accroître la
ment (figures 2d et 2e) ; charge sous l’effet de deux processus :
– des microfibrilles orientées dans la direction de l’écoulement et – l’ionisation d’un groupe qui requiert la dissociation de groupes
dépourvues de lamelles (figure 2f ). tels que les carboxyles, les sulfates ou les amines présents à la
L’intensité de l’écoulement augmente fortement la densité de surface, ou introduits intentionnellement ou par inadvertance ;
germes, amorce la croissance cristalline, ce qui réduit d’autant la – l’adsorption de molécules chargées contrôlées et de même
distance entre premiers voisins. La taille des morphologies décroît signe qui permet la construction de surfaces chargées.
fortement pour passer de quelques dizaines de micromètres, pour
les sphérolites, à quelques dizaines de nanomètres pour le dia-
mètre des microfibrilles. Ces microfibrilles se rapprochent de Adsorption de surfactants ioniques, naturels ou synthé-
celles observées dans les polymères naturels (cellulose, protéines) tiques
qui se forment par cristallisation en cours de polymérisation. Le L’action combinée des forces de van der Waals, à courte dis-
mécanisme est donc différent, mais donne des organisations simi- tance, et des forces électrostatiques, à grande distance, est
laires. décrite par la théorie de la stabilité DVLO (Derjaguin, Landau,
Par ailleurs, le gradient thermique, induit par le refroidissement Vervey et Ovabeck : scientifiques de l’école de physique russe
intense de la surface d’un polymère fondu, est susceptible de des années 1940)
modifier la forme des sphérolites qui tend à devenir parabolique
et deviennent des comètes (figure 2g). L’orientation est perpendi-
culaire à la surface et les cristaux se développent dans la direction 1.2.6 Au niveau des conformations accessibles
de l’épaisseur. Enfin, la présence de surfaces d’autres matériaux, et de la mobilité moléculaire
telles que les parois d’outillage, peut induire une intense germina-
tion de surface, ce qui limite fortement la croissance cristalline A priori, il est intuitif de penser qu’une molécule de la surface
dans les directions parallèles à la surface, du fait de la proximité est moins liée qu’une molécule du volume et a ainsi plus de mobi-
des germes premiers voisins. La croissance lamellaire ne peut se lité. Il devrait donc exister à la surface une légère diminution de la
produire que perpendiculairement à la surface. Un tel phénomène température de transition vitreuse Tg (cf. § 2 et figure 3).
a reçu le nom de transcristallinité (figure 2h).
La diffusion de petites molécules résultant soit de l’absorption
Les conditions thermiques et mécaniques (écoulement) sont de substances provenant de l’environnement, soit de la migration
couplées durant les procédés de transformation des polymères. de produits contenus dans le volume peut accroître la mobilité
Ces conditions qui varient très fortement dans l’épaisseur des moléculaire au sein d’une matrice amorphe et avoir un rôle plasti-
pièces sont à l’origine d’une très grande hétérogénéité d’organisa- fiant par abaissement de Tg .
tions semi-cristallines dans l’épaisseur. Si généralement les sphé-
rolites, plus ou moins déformés, sont observés au cœur des pièces
(zone de cœur), les autres organisations se retrouvent dans la zone 1.2.7 Au niveau des morphologies,
superficielle (zone de peau) et plus particulièrement en surface. dans les polymères semi-cristallins
C’est une cause fondamentale de différence entre la surface et le
volume des polymères transformés. Cet effet est important dans Plusieurs aspects peuvent être mentionnés :
les pièces injectées mais se retrouve également en filage et dans – l’orientation moléculaire de la phase amorphe peut augmenter
une moindre mesure en extrusion. De plus, les mêmes phéno- Tg et réduire le coefficient de diffusion. La diffusion, qui se produit
mènes d’orientation apparaissent dans les polymères amorphes dans la phase amorphe, va être tributaire non seulement de la

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Imagerie de surface de polymères :


microscopie à force atomique

par Ghislaine COULON


Professeur à l’Université des Sciences et Technologies de Lille
Docteur ès sciences

1. Détection de la force d’interaction pointe-surface........................ AM 3 280 - 2


2. Microscopie en mode contact « classique » (AFM) ....................... — 2
3. Autres microscopies en mode contact.............................................. — 4
3.1 Microscope à force latérale (LFM).............................................................. — 4
3.2 Microscope à modulation de force (FMM) ................................................ — 5
4. Microscopie en mode non-contact (ou résonnant)......................... — 7
5. Microscopie en mode intermittent (TM)............................................ — 7
5.1 Images amplitude et hauteur...................................................................... — 7
5.2 Image phase................................................................................................. — 8
6. Conclusion ................................................................................................. — 9
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. AM 3 280

L a microscopie à force atomique fait partie de la famille des microscopies à


sonde locale.
Un des buts essentiels des microscopies à champ proche est d’imager la sur-
face d’un matériau dans l’espace direct réel avec une résolution spatiale allant
de quelques dizaines de micromètres au dixième de nanomètre. Leur principe
est simple : une sonde de petite taille est placée à proximité de la surface ; en
balayant la sonde au-dessus de la surface, on obtient une image tridimension-
nelle de celle-ci qui est le reflet de l’interaction sonde-surface.
Pour le microscope à force atomique, la sonde est une pointe métallique et
l’image est obtenue par détection des forces d’interaction entre les atomes de la
pointe et ceux de la surface.
Actuellement, il existe plusieurs types de microscopie à force atomique que
l’on peut regrouper en trois familles :
— la microscopie en mode contact : la pointe est placée au contact de la sur-
face étudiée ;
— la microscopie en mode non-contact ou résonnant : la pointe est placée à
quelques dizaines de nanomètres de la surface ;
— la microscopie en mode intermittent : la pointe vient au contact de la sur-
face de manière intermittente.
Dans cet article, nous étudierons l’application de ce type de microscopie à
l’imagerie de surface de polymères.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPPP

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IMAGERIE DE SURFACE DE POLYMÈRES : MICROSCOPIE À FORCE ATOMIQUE ______________________________________________________________________

1. Détection Ressort
de la force d’interaction
pointe-surface a approche Échantillon

La détection de la force d’interaction interatomique se fait par


l’intermédiaire d’un ressort à l’extrémité duquel se trouve la pointe. b saut
L’influence des interactions pointe-surface sur la déflexion du res-
sort est représentée (figure 1).


Dans la position A, l’échantillon se trouve à grande distance de la
pointe : le ressort ne subit aucune déflexion car la force d’interaction c répulsion
est nulle. Quand on approche l’échantillon à une distance de l’ordre
de 10-100 nm de la pointe, le ressort est alors soumis aux forces de
longue portée telles que les forces de Van der Waals, les forces élec-
trostatiques ou magnétiques. Sous l’effet des forces attractives de
Van der Waals par exemple, le ressort va se courber vers la surface. d adhésion
Si on continue de déplacer verticalement l’échantillon vers la pointe,
on observe un saut brusque de la pointe vers la surface (position B)
quand l’ensemble pointe-surface se trouve dans l’air, ce qui est
généralement le cas. Dans l’air, la surface est recouverte d’un mince
e retrait
film d’eau (d’épaisseur comprise entre 2,5 et 50 nm suivant le taux
d’humidité ambiant) et la pointe est soumise aux forces attractives
de capillarité (d’intensité égale à 10–8 N). Une fois la pointe au Figure 1 – Déflexion du ressort
contact de la surface, si on continue de déplacer l’échantillon vers le
haut, la courbure du ressort va progressivement changer de signe ;
dans la position C, l’interaction interatomique pointe-surface est
répulsive et le ressort se courbe vers le haut. Si, maintenant, on éloi-
Force d'interaction

gne l’échantillon de la pointe, on constate que la pointe adhère à la


surface (position D) et que le ressort est courbé vers la surface. Cette
adhésion a deux origines : la force adhésive entre la pointe et la sur- Attraction
face et la force de capillarité. Si on continue d’éloigner l’échantillon,
la pointe va alors quitter brusquement la surface et la déflexion du C
ressort devient nulle (position E). Le scénario précédent montre clai-
F=0 B A
rement que la nature attractive ou répulsive de la force exercée sur
la pointe influe sur le sens de déflexion du ressort : en mesurant la E
déflexion du ressort, on peut donc atteindre la valeur de la force qui Répulsion D
agit sur la pointe. La variation de la force d’interaction en fonction Pic d'adhésion
de la distance pointe-surface est représentée figure 2. Distance pointe-surface
L’hystérésis prononcé sur la figure 2 est caractéristique de la
courbe de force AFM dans l’air. Si l’ensemble pointe-surface se Figure 2 – Force d’interaction en fonction de la distance
trouve en atmosphère sèche ou est immergé dans un liquide, les pointe-surface
forces de capillarité sont quasiment nulles et la courbe de force pré-
sente un pic d’adhésion d’amplitude nettement plus faible, qui
reflète alors l’existence des seules forces d’adhésion entre la pointe Dans la plupart des microscopes à force atomique, la déflexion du
et la surface du matériau [2]. ressort est enregistrée grâce à une méthode optique : un faisceau
laser est envoyé sur la surface supérieure du ressort ; après
réflexion sur celle-ci, il est dirigé par l’intermédiaire d’un miroir sur
un photodétecteur 2 ou 4 quadrants (§ 2). La déflexion du ressort est
Historique mesurée pendant que l’échantillon, placé sur une cale piézoélectri-
que, est déplacé à proximité de la pointe dans les trois directions de
Binnig et Rohrer (IBM, Zurich) ont mis au point en 1982 le pre- l’espace x, y et z [3].
mier microscope à sonde locale : le microscope à effet tunnel.
Ils ont obtenu le prix Nobel de Physique pour cette invention en
1986. Dans un microscope à effet tunnel, la sonde est une pointe
conductrice placée à quelques dixièmes de nanomètres de la
surface ; l’échantillon doit être conducteur et l’image de la sur- 2. Microscopie en mode
face est obtenue par détection du courant d’électrons qui s’éta-
blit entre la pointe et la surface par effet tunnel. Ce microscope
contact « classique »
présente un inconvénient majeur : il ne peut pas imager la sur-
face de matériaux non conducteurs tels que la plupart des maté-
(AFM)
riaux organiques.
Par souci de clarté, le principe de fonctionnement du microscope
En 1986, Binnig, Quate et Gerber [1] ont inventé le microscope à force atomique sera développé ici dans le cas du microscope à
à force atomique pour combler cette lacune : dans ce cas, la force atomique en mode contact, mis au point par Binnig, Quate et
sonde est une pointe métallique, l’échantillon peut être isolant Gerber en 1986. Les versions ultérieures du microscope à force ato-
ou conducteur, l’image est obtenue par détection des forces mique seront décrites ensuite plus rapidement avec des exemples
d’interaction entre les atomes de la pointe et ceux de la surface. d’application.

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_____________________________________________________________________ IMAGERIE DE SURFACE DE POLYMÈRES : MICROSCOPIE À FORCE ATOMIQUE

FN Faisceau laser
A
Ressort Miroir
B
Photodétecteur
2 quadrants θ

Ressort
Échantillon

Surface
Figure 3 – Mesure de la force normale à la surface en AFM

Dans le cas de l’AFM (Atomic Force Microscopy ), la pointe est


Sens de balayage

a angle de déflexion θ

maintenue au contact de la surface et l’image topographique est
obtenue par mesure de la composante normale à la surface de
la force répulsive entre les atomes de la pointe et de la surface
(figure 3).
La valeur de la force normale est déduite de la mesure de la
déflexion du ressort qui est solidaire de la pointe.
α
L’intensité de la force normale varie entre 10–7et 10–11
N suivant
que les observations sont faites dans l’air ou dans un milieu liquide
[4]. Lorsque la surface du polymère est fragile, il est donc préférable
de travailler en milieu liquide afin de minimiser la force appliquée.
Différents types de cales piézoélectriques sont maintenant disponi-
bles, permettant des tailles maximales, de balayage de l’échantillon
dans le plan horizontal (x, y ) allant de 10 × 10 à 200 × 200 µm2. Les b angle de déflexion α > θ et déflexion variable
ressorts utilisés sont en général en nitrure de silicium, en silice ou
en silicium. Leur taille (longueur : 100 à 500 µm, épaisseur : 0,5 à
5 µm, masse : 10–5 à 10–7 g) est choisie de façon à ce que leur
constante de raideur k soit de l’ordre de 0,1 à 1 N/m et leur fré-
quence de résonance de l’ordre de 10 à 100 kHz. Dans ces condi-
tions, la pointe pourra mesurer des variations de hauteur (∆z ) de
θ
l’ordre du nanomètre sans perturber l’arrangement atomique de la
surface (la fréquence propre de vibration des atomes est supérieure
ou égale à 1013 Hz) et en s’affranchissant des basses fréquences
parasites extérieures. Les pointes ont souvent une forme pyrami-
dale et leur rayon de courbure à l’apex est de l’ordre de 20 nm. ∆z
L’AFM se caractérise par une excellente résolution : la résolution
verticale en z est de l’ordre de 0,02 nm et la résolution latérale de
l’ordre de 0,01 nm.
c angle de déflexion θ constant et boucle de rétroaction
La figure 4 montre le principe d’obtention d’une image tridimen-
sionnelle de la surface. Dans la situation a , on règle le « zéro » de
l’appareil pour une position quelconque de la pointe : en d’autres Figure 4 – Obtention de la topographie de la surface
termes, on positionne le photodétecteur 2 quadrants de façon à ce
que le faisceau laser, réfléchi par le miroir, vienne frapper le photo-
détecteur en position milieu. Dans la situation b , au cours du
balayage dans le plan (x, y ), l’échantillon a été translaté par la cale fonctionnement, la déflexion du ressort est maintenue constante
piézoélectrique de sorte que, par exemple, la pointe se trouve main- tandis que l’échantillon est déplacé verticalement : ce mode de fonc-
tenant dans un trou de la surface ; la déflexion du ressort varie et le tionnement est couramment appelé mode « hauteur ». Ce dernier
faisceau laser réfléchi par le miroir va se déplacer vers le haut et mode de fonctionnement est le plus utilisé, en particulier, quand on
aller frapper le quadrant supérieur du photodétecteur. La profon- image la surface à grande échelle (> 1 × 1 µm2). Il présente un avan-
deur ∆z du trou se déduit directement du déplacement du faisceau tage non négligeable lorsque l’on étudie des surfaces molles ou
laser sur le photodétecteur ; cette mesure est faite en chaque point fragiles : la force est contrôlée par l’expérimentateur. Celui-ci peut
de la surface balayée et on obtient ainsi une image tridimension- ainsi minimiser la force appliquée par la pointe en un point de la sur-
nelle du relief de la surface. Au cours de la mesure, la cale piézoélec- face de façon à ne pas détériorer la surface et garder ce réglage au
trique n’a pas été déplacée verticalement, l’échantillon est resté à cours du balayage. En revanche, en mode « force », la force varie en
hauteur constante et la déflexion du ressort est variable : ce mode tout point et n’est pas contrôlable, ce qui peut conduire à une dété-
de fonctionnement est couramment appelé mode « force ». rioration de la surface du polymère. Toutefois, quand on image à
Il est possible d’obtenir une image tridimensionnelle du relief de très petite échelle (< 5 × 5 nm2, pour visualiser des atomes par
la surface en utilisant un autre mode de fonctionnement. Dans la exemple), la dérive thermique de la cale piézoélectrique, bien que
situation c , une boucle de rétroaction permet d’agir sur le faible, est très gênante dans la mesure où les images successives ne
déplacement vertical de la cale piézoélectrique de façon à ramener se superposent pas du fait de cette dérive. Un moyen de s’affranchir
le faisceau laser réfléchi par le miroir en position milieu : dans de cette dérive est d’utiliser des fréquences de balayage rapides
l’exemple représenté sur la figure 4, la cale déplace l’échantillon (60 Hz) : dans ce cas, il n’est pas possible d’utiliser la boucle de
vers le haut d’une quantité ∆z, profondeur du trou. Dans ce mode de rétroaction.

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Caractérisation des polymères


par microscopie électronique

par Christopher John George PLUMMER


Laboratoire de Polymères École polytechnique fédérale de Lausanne
Docteur ès sciences R
1. Interactions entre matière organique et faisceau d’électrons .. AM 3 282 - 2
2. Mécanismes de contraste..................................................................... — 3
3. Préparation d’échantillons ................................................................... — 4
3.1 Couches minces.......................................................................................... — 5
3.2 Ultramicrotomie.......................................................................................... — 6
3.3 Coloration.................................................................................................... — 6
3.4 Méthode des répliques, décapage, décoration ........................................ — 7
3.5 Dispersions.................................................................................................. — 7
4. Techniques d’observation particulières ........................................... — 8
4.1 Techniques de faible dose.......................................................................... — 8
4.2 MET à haute résolution des polymères .................................................... — 8
4.3 Diffraction électronique et détermination de structures au MET ........... — 10
4.4 MEB à haute résolution « environnemental », cryogénique................... — 11
5. Conclusion ................................................................................................ — 11
Pour en savoir plus.......................................................................................... Doc. AM 3 282

D ès l’apparition des premiers microscopes électroniques à transmission


(MET), la microscopie électronique a commencé à jouer un rôle clé dans
l’étude de la morphologie et de la microdéformation des polymères de synthèse.
La microscopie électronique à transmission des polymères s’appuie, pour beau-
coup, sur les techniques d’observation de la matière organique développées dans
les sciences de la vie (biologie, médecine), domaine où travaillent actuellement
la majorité des microscopistes. Préparation spécifique des échantillons et diffi-
cultés liées à l’endommagement engendré par le faisceau électronique la
caractérise par rapport à celle des autres matériaux (métaux, céramiques). Au
contraire, les méthodes utilisées en microscopie électronique à balayage (MEB)
sont plus classiques si, comme c’est souvent le cas, son utilisation se limite à
l’observation topographique d’une surface. Toutefois, les développements
récents comme la microscopie électronique à balayage à haute résolution ou
sous pression partielle de vapeur s’annoncent très prometteurs pour certains
types d’études spécifiques aux polymères.
Seront présentés dans l’ordre :
— les interactions entre faisceau électronique et polymère et l’endommage-
ment qui en résulte ;
— les techniques de préparation d’échantillon les plus courantes ;
— des modes d’observation particuliers.
Les aspects purement techniques de la microscopie électronique ne seront pas
abordés ici pour autant qu’ils n’aient pas de rapport direct avec les polymères
de synthèse.
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPPQ

Nous remercions Christelle Grein pour la relecture de cet article.

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CARACTÉRISATION DES POLYMÈRES PAR MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE _________________________________________________________________________

1. Interactions entre matière Dans le MEB, l’image est formée en balayant un faisceau d’élec-
trons accéléré par une tension relativement faible (< 1 à 30 kV) et
organique et faisceau focalisé sur la surface de l’échantillon (figure 1b ). On se sert habi-
tuellement du signal associé soit aux électrons rétrodiffusés
d’électrons (contraste topographique et/ou chimique), soit aux électrons
secondaires émis à la surface (contraste essentiellement topogra-
phique). Si elle est difficile à appliquer aux éléments légers que
contiennent les polymères de synthèse, l’analyse par RX au MEB
Les deux principaux types de microscopes dont il sera question est aussi largement exploitée pour l’analyse chimique de charges
sont le microscope électronique à transmission (MET) et le micro- ou d’impuretés inorganiques.
scope électronique à balayage (MEB).
Bien que la manière de former une image soit différente dans le
Dans le MET, l’image est formée par les interactions entre MET et le MEB, les échantillons peuvent subir un endommage-
l’échantillon et un large faisceau d’électrons qui le traverse


ment important dû au faisceau électronique avec chacune de ces
(figure 1a ). Elle est ensuite agrandie par un système de lentilles techniques [1] [2]. Cet endommagement dépend de l’énergie
électromagnétiques. Le pouvoir séparateur maximal est de l’ordre dissipée par unité de volume, qui est proportionnelle à la dose
de 0,2 à 0,3 nm pour les MET modernes à moyenne tension (200 à d’électrons q (en C · cm–2) :
400 kV). Certains MET fonctionnent également en mode balayage q = jt
(scanning electron transmission microscopy ou STEM) avec une
sonde très fine, ce qui est utile, par exemple, si l’on veut associer avec j densité de courant incidente,
la morphologie à l’analyse spectroscopique des rayons X (RX) t temps d’irradiation.
émis durant l’irradiation.
La dissipation provoquée par la densité de courant nécessaire
pour former une image de grossissement 200 000 × sur l’écran
fluorescent du MET, avec une intensité adaptée à l’œil, atteint faci-
lement 104 eV · nm–3 · s–1. Dans ces conditions, le taux de rupture
de liaisons dans une polyoléfine est de l’ordre de 102 nm–3 · s–1,
conduisant à sa destruction quasi instantanée. Cela impose de tra-
Électrons vailler à faibles grossissements lors de l’étude de ce type d’objets,
c’est-à-dire lors de l’étude de la plupart des polymères.
Rayons X Les modes d’endommagement primaires sont une conséquence
de la diffusion inélastique des électrons, qui provoque principale-
Polymère ment des excitations moléculaires ou des ionisations dans la
matière organique. L’énergie dissipée est convertie en chaleur ou
Diffusion consommée lors de la scission de liaisons covalentes, comme les
inélastique liaisons C-H (dont l’énergie vaut approximativement 4 eV). Le taux
Diffusion
élastique Faisceau de scissions primaires n’est pas affecté par la température, mais
direct elles se produisent plus facilement dans les molécules saturées
a MET
que dans les systèmes contenant des groupes conjugués, comme
les noyaux benzéniques, en raison de la délocalisation de la dissi-
pation d’énergie dans les orbitales π.
Électrons Les processus secondaires, comme la diffusion de H•, la forma-
Sonde Électrons tion de radicaux libres ou l’émission de produits volatils, provo-
Auger quent les dégâts les plus importants. Contrairement aux processus
(~1 nm)
primaires, ils dépendent sensiblement de la mobilité moléculaire et
Électrons sont donc ralentis par une baisse de la température d’observation.
Résolution secondaires L’irradiation peut aussi provoquer un échauffement important d’un
en profondeur (5 à 50 nm)
échantillon organique, qui peut soit le rendre structurellement
(électrons instable soit accélérer l’endommagement dû au faisceau.
rétrodiffusés) Électrons
rétrodiffusés
Exemple : film de formvar (formal polyvinylique) observé au MET à
100 kV.
Rayons X Une densité incidente de courant j = 10–2 A · cm–2 sur 800 µm2
caractéristiques donne une hausse de température estimée à 50 K, alors que
Rayons X j = 1 A · cm–2 sur 0,8 µm2 donne 5 K seulement [2] (dans le vide du
fond continu MET, la chaleur doit être évacuée par le film lui-même, ce qui est plus
efficace pour une surface irradiée réduite).
Il est donc judicieux de réduire la taille des cases de grilles
porte-échantillon (généralement en cuivre) le plus possible et d’utiliser
Résolution latérale un substrat qui conduise bien la chaleur. Les grilles sont souvent, à cet
(électrons rétrodiffusés) effet, recouvertes d’une couche fine de carbone.
b
La résistance à l’irradiation au MET d’une substance est généra-
Dans le polymère, la hauteur et la largeur de "la poire" peuvent
lement caractérisée par la dose nécessaire pour l’altération totale
atteindre quelques micromètres aux tensions d'accélération de sa structure, appelée « total end point dose » (TEPD). Les critè-
les plus élevées res sont plutôt arbitraires, allant de la disparition de la figure de
diffraction à la stabilisation de l’échantillon par rapport aux pertes
de masse. Pour un polymère et une tension d’accélération donnés,
les résultats sont pourtant cohérents. D’ailleurs, si on désire étu-
Figure 1 – Signaux principaux dans le MET et le MEB, dier un polymère à l’état intact, il est important de travailler avec
avec une indication schématique de leur provenance une dose bien en deçà de la TEPD, en tout cas de ne pas excéder

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________________________________________________________________________ CARACTÉRISATION DES POLYMÈRES PAR MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE

TEPD/3. Dans le MEB, l’analyse est rendue difficile par l’inhomogé-


néité de la zone d’interaction entre les électrons et l’échantillon
d σ ( θ)
(cf. figure 1b ). On constate néanmoins les mêmes tendances qu’en = uf ( θ)u2
MET : les polymères avec les TEPD les plus faibles sont les plus dΩ
sensibles à l’irradiation. π
Le tableau 1 montre les TEPD de quelques polymères représen- #β
σ (β) = 2π uf ( θ)u2dθ < A (β, λ) Z 4/3
tatifs. À titre de comparaison, une dose de 10–9 à 10–10 C · cm–2
suffit pour provoquer la mort des cellules reproductrices d’un n0 électrons
mammifère. Les effets d’une forte dose sur les polymères varient.
Le PS a tendance à se réticuler et reste donc mécaniquement sta- Nρ
diffuseurs/volume
ble. Par contre, le PMMA et le POM subissent une perte de masse M
de plus de 50 %. Il ne subsiste alors qu’un résidu riche en carbone


hautement réticulé. De telles pertes de masse sont accompagnées t
par une émission importante de composés volatils, qui peuvent dn Nρ
=– σ ( β, λ , Z ) d x
provoquer une contamination importante, ainsi que la spallation n M
de la couche conductrice souvent déposée sur la surface de
l’échantillon pour minimiser les effets de charge électrostatique
lors de leur observation au MEB.

Ces changements sont associés à une perte de contraste et de n = n0 exp 3M 4
σ ( β, λ , Z ) t
détail. Cependant, dans un échantillon contenant deux compo-
sants, une perte de masse différentielle permet de les distinguer
avec N nombre d'Avogadro
plus facilement au MET. Dans les films semi-cristallins aussi, on a
parfois l’impression d’une amélioration du contraste à faible M masse atomique des diffuseurs
grossissement après une irradiation sévère. Cet effet facilite, ρ masse volumique de l'échantillon
certes, l’observation de la texture grossière de l’échantillon (la Z nombre atomique des diffuseurs
taille et la distribution d’éventuels sphérolites, par exemple), mais λ longueur d'onde
il est le résultat de changements de masse-épaisseur très impor- Ω angle solide
tants (cf. § 2), toute information sur la structure locale de l’échan-
A ( β, λ) fonction de β et λ
tillon étant déjà effacée.
σ section différentielle d'un diffuseur

Tableau 1 – TEPD pour différents polymères, illustrant


l’augmentation de la stabilité au faisceau avec la teneur
en groupes aromatiques
TEPD à 100 ou 200 kV Objet
Polymère
(C · cm–2)
β
Poly (oxyméthylène) (POM) 7 à 8 × 10–3 (100 kV) θ
Lentille objectif
Polyéthylène (PE) 0,7 à 1 × 10–2 (100 kV),
2 × 10–2 (200 kV) Diaphragme objectif

Poly (méthacrylate de méthyle) 10–2 (100 kV)


(PMMA)
Polyamide 6 (PA 6) 1,2 × 10–2 (100 kV)
Polystyrène (PS) 0,064 (200 kV)
Image
Poly (éther éther cétone) (PEEK) 0,1 (200 kV)
Poly (paraphénylène) (PPP) 1,0 (200 kV) Le nombre d'électrons n transmis par le diaphragme objectif décroît
exponentiellement avec l'épaisseur t de l'objet et avec σ ( β, λ, Z ) ;
Poly (phénylène benzobisthiazole) 2,3 (200 kV) σ ( β, λ, Z ) augmente fortement avec Z
(PBZT)

Figure 2 – Origines du contraste masse-épaisseur dans le MET

2. Mécanismes de contraste
Néanmoins, cette gamme de tensions représente le plus souvent le
meilleur compromis entre le TEPD et le contraste.
La TEPD des polymères augmente sensiblement en fonction de
la tension d’observation, typiquement d’un facteur 2 entre 100 et Le contraste obtenu lors de l’observation en champ clair d’un
200 kV (tableau 1), en raison d’une diminution des interactions échantillon organique amorphe au MET est de type masse-épais-
entre les électrons et l’échantillon (les gains sont plus modestes seur. Comme le montre la figure 2, on observe une décroissance
au-delà de 200 kV). Cependant, cette même diminution des interac- exponentielle du nombre d’électrons transmis avec la masse-épais-
tions engendre une perte de contraste indésirable, sachant que des seur locale, c’est-à-dire la masse volumique multipliée par l’épais-
variations d’intensité d’au moins 10 % sont nécessaires pour for- seur de l’échantillon, qui a pour origine les pertes d’intensité dues
mer une bonne image. De nombreux microscopistes, intéressés à la diffusion élastique des électrons en dehors du diaphragme
principalement par l’observation à faible grossissement de la objectif. Elle permet d’estimer l’épaisseur d’un échantillon de
matière organique, où le contraste est intrinsèquement faible, composition et de masse volumique connues, même si son appli-
regrettent donc la tendance actuelle à remplacer les anciens MET cation quantitative est limitée aux échantillons relativement minces
à 100 kV par des machines à moyenne tension (200 à 400 kV). et de nombre atomique Z globalement faible, où la diffusion mul-

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Étude des thermoplastiques


par MET en mode fond noir

par Alain BOUDET


Chargé de recherche au Centre d’élaboration de matériaux
et d’études structurales (CEMES)

CNRS Toulouse

1. Observer la structure cristalline dans les polymères .................... AM 3 284 - 2


2. Technique du fond noir .......................................................................... — 2
2.1 Mise en évidence des zones cristallines .................................................... — 2
2.2 Limites de la technique dues à l’irradiation .............................................. — 3
3. Composites thermoplastiques renforcés de fibres ........................ — 3
3.1 Composite à matrice polyétheréthercétone (PEEK) renforcée
de fibres de carbone.................................................................................... — 4
3.1.1 Morphologie cristalline dans la matrice.
Influence du cycle de température.................................................... — 4
3.1.2 Interface entre matrice et fibre. Influence de la surface
des fibres ............................................................................................. — 5
3.2 Composite à matrice polyéthylènetéréphtalate (PET) renforcée
de fibres de verre......................................................................................... — 6
4. Fibres et films orientés à haut module d’élasticité........................ — 7
5. Polymères mésomorphes....................................................................... — 8
6. Comparaison avec la méthode de décapage chimique................. — 9
Références bibliographiques ......................................................................... — 10

lors que les polymères thermodurcissables sont amorphes, les structures


A des polymères thermoplastiques varient de l’amorphe au semi-cristallin en
fonction de la nature de la molécule et du traitement qu’ils ont subi pour leur
mise en forme [1]. Dans certains cas, d’autres types d’ordre peuvent se mani-
fester, tels que la structure de fibre orientée ou les ordres mésomorphes. Du
fait de l’échelle nanométrique des domaines ordonnés, la microscopie électro-
nique en transmission (MET) est l’outil de choix pour étudier les caractéris-
tiques morphologiques de ces structures [2]. L’un des grands avantages du
microscope électronique en transmission est de pouvoir fonctionner dans dif-
férents modes d’images et de diffraction en passant facilement de l’un à l’autre.
Il fournit ainsi des informations diverses et complémentaires sur une même
zone microscopique de l’échantillon.
L’un de ces modes, appelé mode en fond noir, est particulièrement attractif
dans le cas des thermoplastiques semi-cristallins pour visualiser les figures
cristallines et analyser leurs caractéristiques (formes, tailles, distribution). Ce
mode résulte de la diffraction des électrons dans les structures périodiques
(cristaux, fibres et cristaux liquides). Cependant, à cause de l’altération de la
structure par le faisceau électronique, il ne peut être utilisé que si le polymère
est suffisamment résistant, et à condition de se satisfaire de résolutions
modestes. Moyennant ces conditions, on peut former et enregistrer des images
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en fond noir des domaines ordonnés dans le polymère.

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ÉTUDE DES THERMOPLASTIQUES PAR MET EN MODE FOND NOIR _______________________________________________________________________________

Nous présentons ici plusieurs cas expérimentaux dans lesquels la MET en


fond noir a apporté une contribution très appréciable à la détermination de la
structure ordonnée. Dans les composites à matrice polymère thermoplastique,
nous avons pu mettre en évidence la morphologie semi-cristalline de la matrice
et examiner comment les fibres modifient les morphologies initiales à l’inter-
face, en fonction des paramètres de mise en forme. Les autres cas concernent
la structure d’un film de polyéthylène orienté et celle d’un polymère cristal
liquide.

Pour une étude approfondie de la structure des polymères ainsi que leur caractérisation par
microscopie électronique, le lecteur se reportera aux références [1] et [2] parues dans ce


traité.

1. Observer la structure dimensions, appelées quelquefois entités cristallines, dispersées


dans de la substance amorphe. Le faisceau d’électrons du micro-
cristalline dans les polymères scope est diffracté par les entités cristallines, et le mode fond noir
met à profit ce phénomène en utilisant les faisceaux diffractés pour
former des images de ces entités. Sur ces images, on peut étudier
De nouveaux polymères apparaissent sans cesse sur le marché directement leurs caractéristiques : tailles, positions, distribution,
ou dans les laboratoires de recherche, grâce à l’invention de etc. Malheureusement, elles ne sont visibles que de façon très fugi-
nouveaux procédés de synthèse chimique et à l’amélioration des tive à cause de l’effet d’irradiation (cf. § 2.2).
procédés de fabrication. Ils visent à réduire les coûts, la
consommation énergétique ou l’impact sur l’environnement, mais
également à mieux contrôler la microstructure des polymères, car
leurs propriétés mécaniques, optiques et électriques, ainsi que
celles des matériaux en général, sont fortement dépendantes de
2. Technique du fond noir
leur structure [4].
Exemple : en général, la transparence d’un polymère ne s’observe Afin de comprendre la nature des images en fond noir et le type
que s’il a une structure amorphe ; par ailleurs, le polypropylène iso- d’information qu’elles peuvent délivrer, nous allons donner quel-
tactique cristallin a des performances supérieures à celles du polypro- ques explications simples sur le principe de formation de ces ima-
pylène atactique amorphe. ges.

Les qualités d’un polymère (rigidité ou souplesse, résistance


mécanique ou fragilité, opacité ou transparence) sont étroitement
liées à sa structure donc aussi à son taux de cristallinité. 2.1 Mise en évidence des zones cristallines
Inversement, si l’on veut obtenir un comportement spécifique, Dans l’examen microscopique d’échantillons cristallins, quelle
on cherche à contrôler la microstructure par l’intermédiaire du pro- que soit leur nature, polymère ou autre, le faisceau électronique
cédé de fabrication. C’est pourquoi l’examen de la morphologie incident est diffracté en plusieurs faisceaux par les plans cristallins
cristalline des polymères revêt une grande importance pour la qui se trouvent dans une orientation convenable par rapport au
compréhension de leurs propriétés. faisceau incident appelée angle de Bragg. Cette orientation corres-
La cristallinité des polymères est couramment évaluée par la pond à une résonance entre la périodicité cristalline et la longueur
technique de diffraction des rayons X. Elle permet, en particulier, d’onde des électrons. Les faisceaux diffractés sont éliminés de
de calculer le taux de cristallinité qui indique la proportion de l’image par un diaphragme de contraste, de sorte que les parties
matière cristalline et de matière amorphe. Mais cette méthode ne du cristal qui sont orientées sous l’angle de Bragg apparaissent
permet pas de visualiser cette cristallinité ni sa répartition dans sombres dans l’image, tandis que les parties vides, c’est-à-dire le
l’échantillon. Les images obtenues en microscopie électronique en fond de l’image, sont claires (figure 1a ). Ce mode est appelé mode
fond noir peuvent fournir ces renseignements. en fond clair [10] [11] [12] [13].
Rappelons que les polymères en masse peuvent adopter deux Si l’on déplace le diaphragme de contraste (figure 1b ) ou, ce qui
types de structures caractéristiques, la structure amorphe et la revient au même, si l’on incline le faisceau incident (c’est ce que
structure semi-cristalline [5] [6] [7] [8] [9], mais la recherche de pro- l’on fait en pratique), de manière qu’un ou plusieurs faisceaux dif-
priétés spécifiques conduit à les produire sous forme d’autres fractés soient sélectionnés par le diaphragme, seuls ceux-ci contri-
structures organisées telles que la structure de fibre, illustrée au buent à la formation de l’image sur l’écran ou sur le film
paragraphe 4, et les structures mésomorphes dont nous verrons photographique. Alors n’apparaissent en clair que les parties de
un exemple dans le paragraphe 5. l’échantillon qui contribuent à ces faisceaux, celles qui, par leur
orientation sous l’angle de Bragg, diffractent fortement. Le fond
Dans la structure amorphe, les molécules sont entremêlées au
vide ne diffractant pas, il apparaît en noir, d’où le nom d’image en
hasard, sans règle de positionnement, et ne donnent pas lieu à la
fond noir. En pratique, dans les polymères semi-cristallins, les par-
diffraction des faisceaux électroniques, mais seulement à une dif-
ties du cristal qui ne sont pas orientées sous l’angle de Bragg sont
fusion.
également visibles par leur apparence grise, donc plus sombre que
La structure semi-cristalline est particulièrement concernée par les parties orientées strictement sous l’angle de Bragg. Le support
la technique des fonds noirs et sera examinée au paragraphe 3. de l’échantillon étant inclinable dans le microscope pendant l’obser-
Elle consiste le plus souvent en figures cristallines de petites vation, l’inclinaison peut être ajustée pour amener ces parties sous

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Méthodes d’analyse sensorielle


des matériaux plastiques

par Sébastien CROCHEMORE


Ingénieur de l’École nationale supérieure des industries agroalimentaires
Ingénieur en analyse sensorielle

Chargé de recherche, Renault
Direction de l’ingénierie des matériaux
et Daniel NESA
Ingénieur de l’Institut des sciences de l’ingénieur de Nancy
Docteur de l’École des mines de Paris en science et génie des matériaux
UET Analyse sensorielle, Renault
Direction de l’ingénierie des matériaux
avec la collaboration de Stéphane COUDERC
Chargé de recherche en analyse sensorielle olfactive, Renault
Direction de l’ingénierie des matériaux

1. Introduction à l’analyse sensorielle.................................................... AM 3 290 – 2


2. Rappels méthodologiques ..................................................................... — 2
2.1 Étude descriptive ......................................................................................... — 2
2.1.1 Profil classique ou QDA®................................................................... — 3
2.1.2 Méthode Spectrum™ ......................................................................... — 3
2.1.3 Profil par libre choix ........................................................................... — 3
2.1.4 Profil flash ........................................................................................... — 4
2.1.5 Synthèse des profils sensoriels ......................................................... — 4
2.2 Tests discriminatifs ...................................................................................... — 4
2.3 Étude hédonique.......................................................................................... — 4
2.4 Cartographie des préférences .................................................................... — 5
Références bibliographiques ......................................................................... — 6

’analyse sensorielle est déjà utilisée depuis plusieurs dizaines d’années dans
L le domaine agroalimentaire. Elle trouve son origine dans la nécessité de
méthodes de contrôle de la qualité, notamment gustative, de produits alimen-
taires, en l’absence de méthodes de mesures instrumentales appropriées [8].
Son champ d’application s’est ensuite élargi à l’industrie des cosmétiques et
des parfums avant de gagner par la suite le domaine automobile.
L’analyse sensorielle est relative à la perception des produits par les utilisa-
teurs. Elle consiste à saisir et exploiter les informations issues de nos cinq sens
(vue, ouïe, odorat, toucher, goût) et elle utilise comme instrument de mesure
« l’homme ».
Le développement parallèle des techniques et des besoins en marketing l’ont
amenée à devenir un des outils importants du développement de nouveaux pro-
duits.

Cet article [AM 3 290] sert d’introduction à l’étude par analyse sensorielle des matériaux pour
habitacle automobile traitée dans les fascicules [AM 3 291] et [AM 3 292].
Pour plus de détails sur les méthodes d’analyse sensorielle, le lecteur pourra consulter, dans
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPPT

les Techniques de l’Ingénieur, la référence [1].

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MÉTHODES D’ANALYSE SENSORIELLE DES MATÉRIAUX PLASTIQUES ____________________________________________________________________________

1. Introduction à l’analyse
Cartographie des préférences
sensorielle
Profils sensoriels Étude consommateurs
L’analyse sensorielle se présente aujourd’hui sous deux points de
vue ou axes principaux [22] : Classique Interprétation des préférences
— un axe « sensations » ; Libre choix Test de préférence
— un axe « préférences ». Flash Test de différence
Ces deux axes sont complémentaires et leur utilisation conjointe,
aboutissant à une « cartographie des préférences », offre un grand
intérêt pour la mise sur le marché de nouveaux produits.


Spécialistes Clients
■ L’axe « sensations » fait intervenir essentiellement des spécialis-
Axe « sensations » Axe « préférences »
tes ou experts. Il exclut par définition toute expression de préfé-
rence et a trait à la description analytique des produits.
Cette dernière s’obtient grâce à la capacité d’expression verbale Figure 1 – Analyse sensorielle. Axes « préférences »
et de dissociation analytique des sujets, par l’utilisation de descrip- et « sensations »
teurs et de leurs modes opératoires de caractérisation, avec un
entraînement et une formation des sujets plus ou moins importants
selon la méthode de description retenue (profils QDA (Quantitative
e
Descriptive Analysis) ou conventionnel, par libre choix et flash [4] gi de Ana
lo
[10] [12] [9]). Certaines de ces méthodes sont présentées avec plus s io do lys
hy nn e
de détails en [12] et en [9] et rappelées brièvement au paragraphe 2. op ée
ur s
Cette description analytique est nécessaire pour toute grandeur sen- Ne
e sensorie
sorielle complexe et inaccessible à la mesure instrumentale. Mesures
instrumentales nalys ll Mesures
instrumentales
Il s’agit ici de métrologie sensorielle à proprement parler. Or, il n’y A Ca

e
(physiques) s e ra (chimie)
himie)
a pas identité des sensations d’un individu sain à un autre. L’instru- nc (« ct
re s ex éri
ment de mesure est donc ici un jury ou panel de sujets entraînés car fé ent pe sa
é
Pr cli rt tio
le nombre permet de se rapprocher des caractéristiques de l’ensem- ») n
ble de la population et l’entraînement accroît la justesse et l’exacti-
tude des réponses du panel.
Le résultat d’une caractérisation d’un produit selon cet axe
« sensations » est un profil sensoriel, en quelque sorte « signature »
Un produit pour le client
caractéristique du produit et qui lui est propre. Si le produit caracté-
risé ne s’altère pas avec le temps, cette « signature » ne varie pas
une fois acquise. Dans le domaine agroalimentaire, l’œnologie illus- Figure 2 – Analyse sensorielle et domaines connexes
tre un exemple relativement familier pour chacun de telles caracté-
risations.
■ L’axe « préférences » fait intervenir, pour sa part, l’expression des
consommateurs, sans faire appel à une description analytique. Seul
2. Rappels méthodologiques
intervient ici l’aspect hédonique, plus ou moins plaisant, des pro-
duits, sans oublier toutes les références aussi bien culturelles
qu’individuelles (mode, mémoire et expériences personnelles...) La traduction objective des caractéristiques perçues nécessite un
auxquelles il renvoie. Des réponses libres, mais quantifiées, à des recours aux méthodes d’analyse sensorielle. L’analyse sensorielle
questions posées précisément permettent d’obtenir l’expression de est une technique initiée dans les domaines agroalimentaires utili-
ces préférences. Situer des caractéristiques de différents produits sant l’homme comme instrument de mesure.
sur une échelle de préférence de 0 à 10 ou différencier des produits Deux types d’études sont menées :
font partie des méthodes qui peuvent être utilisées pour le recueil
des préférences des consommateurs. — une étude descriptive visant à caractériser objectivement les
produits selon des attributs sensoriels (axe « sensations », cf. § 1) ;
■ La « cartographie des préférences », réalisée en croisant les résul- — une étude subjective recueillant le ressenti des consomma-
tats obtenus sur les deux axes « préférences » et « sensations » per- teurs (axe « préférences », cf. § 1).
met alors de déterminer les caractéristiques du produit convenant
aux consommateurs ou à une partie d’entre eux, d’atténuer celles ne
leur convenant pas ou bien de concevoir des produits qui n’existent
pas encore mais dont les caractéristiques répondront à leurs atten- 2.1 Étude descriptive
tes. Si une étude bien menée sur l’axe « sensations » permet d’obte-
nir une caractérisation d’un produit indépendante du temps, en
revanche il n’en est pas de même selon l’axe « préférences ». La L’étude descriptive repose sur des méthodologies basées sur la
« cartographie des préférences » a donc une durée de vie limitée recherche et la quantification de descripteurs sensoriels appropriés
dans le temps, en fonction du domaine considéré. caractérisant les produits. Le principe du profil sensoriel est d’utili-
La figure 1 reprend de manière synthétique cette introduction à ser les capacités d’un sujet à verbaliser ses perceptions. Le nombre
l’analyse sensorielle et la figure 2 permet de situer de manière très de sujets est restreint. Ces participants présentent un fort pouvoir
générale l’analyse sensorielle par rapport à d’autres domaines con- analytique, c’est-à-dire qu’ils sont capables de dissocier un stimulus
nexes, qui interviennent directement ou indirectement lors de sa complexe en informations simples et d’exprimer verbalement ces
mise en œuvre (analyse de données, neurophysiologie) ou qui pour- perceptions. Les profils impliquent le développement puis l’usage
raient apporter un complément à la caractérisation selon l’axe d’un langage sensoriel et l’évaluation des produits en épreuves
« sensations » (mesures instrumentales en physique et en chimie). répétées pour obtenir une description quantitative complète.

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Analyse sensorielle des matériaux


d’habitacle automobile : olfaction

par Daniel NESA


Ingénieur de l’Institut des sciences de l’ingénieur de Nancy,
Docteur de l’École des mines de Paris en science et génie des matériaux,

UET Analyse sensorielle, Renault,
Direction de l’ingénierie des matériaux
et Sébastien CROCHEMORE
Ingénieur de l’École nationale supérieure des industries agroalimentaires
Ingénieur en analyse sensorielle,
Chargé de recherche, Renault,
Direction de l’ingénierie des matériaux
avec la collaboration de Stéphane COUDERC
Chargé de recherche en analyse sensorielle olfactive, Renault,
Direction de l’ingénierie des matériaux

1. Analyse sensorielle et automobile ...................................................... AM 3 291 - 2


1.1 Intérêt de l’analyse sensorielle pour l’automobile.................................... — 2
1.2 Difficultés d’application de l’analyse sensorielle à l’automobile............. — 2
2. Application aux polymères. Exemple des matériaux
d’habitacle automobile........................................................................... — 3
3. Polymères, matériaux d’habitacle et olfaction ............................... — 3
3.1 Rappels sur la neurophysiologie de l’olfaction ......................................... — 3
3.2 Olfaction et analyse sensorielle.................................................................. — 3
3.2.1 Caractérisation sensorielle des odeurs............................................. — 3
3.2.2 Gestion de panel................................................................................. — 5
3.3 Olfaction et méthodes instrumentales....................................................... — 6
3.3.1 Chromatographie en phase gazeuse et olfaction............................. — 7
3.3.2 « Nez électronique » et olfaction ....................................................... — 8
3.4 Consommateurs et odeurs : importance et préoccupations.................... — 10
3.5 Odeurs et matériaux dans le développement d’un projet automobile ... — 11
3.6 Quelques exemples de mesure et d’applications à des matériaux
et pièces d’habitacle .................................................................................... — 12
3.7 Liaison entre résultats sensoriels et instrumentaux................................. — 12
4. Conclusion ................................................................................................. — 13
Références bibliographiques ......................................................................... — 13

’industrie automobile est passée d’un modèle de production de masse, des-


L tiné d’abord à satisfaire les besoins d’un nombre toujours croissant de
consommateurs et où prévalaient les performances et les capacités d’une
automobile à remplir sa fonction, à un marché plus concurrentiel. Ce marché se
caractérise aujourd’hui par une plus grande segmentation et un besoin accru de
personnalisation des véhicules.
Parallèlement à cette évolution, les matériaux polymères et composites ont vu
croître leur utilisation pour représenter l’essentiel des pièces et matériaux
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPPT

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ANALYSE SENSORIELLE DES MATÉRIAUX D’HABITACLE AUTOMOBILE : OLFACTION _________________________________________________________________

d’habillage de l’habitacle automobile. Leur apport au confort, notamment vibra-


toire et acoustique d’un véhicule, est indiscutable.
Ils jouent également, une fois le client installé à l’intérieur, le rôle d’interface
entre ce dernier et son véhicule. Quels que soient les progrès actuels en électro-
nique, le contact d’un volant, le toucher d’un levier de vitesses ou d’une poignée
de porte sont encore, entre autres, parmi les seules interfaces directement per-
ceptibles par le consommateur.
Ces sensations sont d’autant plus importantes pour la différenciation des mar-
ques qu’elles peuvent jouer un rôle de séduction du consommateur au moment
du choix de son véhicule, avant même toute appréciation de son confort


d’usage.
Cette étude propose de montrer :
— l’intérêt et la nécessité de l’application de l’analyse sensorielle à des maté-
riaux d’habitacle automobile ;
— les possibilités d’application de l’analyse sensorielle, avec ses éventuelles
difficultés ;
— l’intérêt d’une telle approche pour d’autres secteurs que l’automobile.

Cette étude se compose de deux articles :


[AM 3 291] – Analyse sensorielle des matériaux d’habitacle automobile : olfaction ;
[AM 3 292] – Analyse sensorielle des matériaux d’habitacle automobile : toucher/vision.
Le lecteur désirant plus de détails concernant l’analyse sensorielle pourra consulter, des
mêmes auteurs, l’article :
[AM 3 290] – Méthodes d’analyse sensorielle des matériaux plastiques,
ainsi que les références [21] et [23] parues dans les Techniques de l’Ingénieur.

1. Analyse sensorielle 1.2 Difficultés d’application de l’analyse


sensorielle à l’automobile
et automobile
Ces difficultés potentielles se révèlent surtout pour des applica-
tions à l’ensemble du véhicule, vu sous l’aspect synthèse automo-
1.1 Intérêt de l’analyse sensorielle bile. Elles ont été mises en évidence et évaluées dans un travail
pour l’automobile récent [1].

Elles tiennent surtout à deux points :


Cet intérêt est d’abord lié à l’axe « préférences », évoqué dans — l’impossibilité de rendre un véhicule véritablement anonyme,
l’article [AM 3 290], puisqu’il doit permettre d’aboutir à des produits ce qui introduit un biais lors de l’évaluation par des consomma-
convenant aux consommateurs et donc d’obtenir un avantage teurs, dû à l’effet de la marque, même si des spécialistes formés à
concurrentiel. l’analyse sensorielle sont capables d’en faire abstraction. Ce type de
biais ne se rencontre pratiquement pas en revanche pour l’évalua-
Mais il ne saurait se limiter à cet aspect car le seul jugement tion de produits alimentaires, historiquement le premier domaine
hédonique ne permet pas de progresser sur la conception du pro- d’application de l’analyse sensorielle ;
duit, qui peut être une simple pièce ou un véhicule. Il n’apporte en
effet aucune information sur l’axe « sensations » qui caractérise — la complexité du véhicule qu’on ne peut relier simplement aux
sensoriellement le produit en tant que tel. résultats obtenus avec un grand nombre de ses sous-ensembles,
difficulté inconnue pour des produits alimentaires.
Cette caractérisation du produit aide à le situer objectivement face
à des produits concurrents et, moyennant un minimum de forma- En revanche, en évitant les difficultés précédentes, on peut envi-
tion des interlocuteurs autres que ceux du panel d’experts, permet sager, avec quelques adaptations mineures (tailles de cabines diffé-
d’initier la traduction d’une signature sensorielle du produit en ter- rentes des cabines normalisées utilisées en agroalimentaire),
mes habituels de conception technique. Cette traduction sous forme l’évaluation de pièces ou sous-ensembles comme des sièges ou des
technique est alors la première étape vers la réalisation de produits planches de bord. Elle offre l’avantage de réduire le nombre de diffi-
susceptibles de mieux répondre à l’attente des consommateurs. Elle cultés potentielles qui ne pourraient être mises en évidence que lors
peut également, avec d’autres critères (coût, fiabilité...) servir de fil de l’assemblage des premiers prototypes représentatifs du
directeur pour les choix à effectuer dans le processus de conception. véhicule.

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_________________________________________________________________ ANALYSE SENSORIELLE DES MATÉRIAUX D’HABITACLE AUTOMOBILE : OLFACTION

2. Application aux polymères. 3. Polymères, matériaux


Exemple des matériaux d’habitacle et olfaction
d’habitacle automobile
3.1 Rappels sur la neurophysiologie
Au cours des trente-cinq dernières années, la part des de l’olfaction
« plastiques » (c’est-à-dire des matériaux de synthèse hors caout-
chouc et peinture) n’a cessé de croître dans l’automobile, passant
Ce paragraphe se limitera à un bref aperçu de quelques connais-
d’environ 3 % en masse du véhicule pour la R6 (1968) à 14 % pour la
sances de base, dans un domaine où tout n’est pas encore connu, et
Laguna (1994) [15].


provenant pour l’essentiel des références [3] et [4].
Les pièces utilisées dans l’habitacle pour l’habillage intérieur du Les stimulus olfactifs véhiculés par l’air peuvent mettre en jeu
v     !" #$ % &$ % des quantités chez l’homme deux systèmes perceptifs :
ci-dessus [15]. La planche de bord et le poste de conduite, les ébé- — le nerf trigéminal, responsable des sensations d’irritation ocu-
nisteries (habillages de montants) et les habillages de portes, les laire et intranasale, grâce à des fibres trigéminales capables de
commandes d’ouvrants (poignées de portières), la garniture de détecter les stimulus chimiques irritants se dissolvant dans le
pavillon (toit), les sièges, la tablette arrière, les tapis de sol et les tex- mucus aqueux. Les seuils de détection chimique de ce système sont
tiles sont des applications communes aujourd’hui à tous les véhi- supérieurs à ceux du système olfactif, avec lequel il peut interagir et
cules pour les matériaux de synthèse. dont il innerve également la muqueuse olfactive ;
— le système olfactif proprement dit, stimulé également par des
De nombreuses familles de matériaux avec des procédés de fabri- molécules chimiques et illustré figure 1. C’est lui qui permet d’iden-
cation différents sont mises en jeu pour réaliser ces pièces [2]. Ainsi tifier les odeurs et leur intensité.
la mousse de polyuréthane (PUR) joue un rôle important pour tout L’épithélium olfactif, tissu sensible aux odeurs dans le nez, est
ce qui est confort des sièges où elle constitue les coussins, mais situé des deux côtés de la partie supérieure de la cavité nasale et
aussi très souvent pour les insonorisants acoustiques situés sous occupe une surface d’environ 2 cm2. Les cellules réceptrices sont
les tapis de sol. Quand la coiffe (haut) de planche de bord n’est pas des neurones bipolaires spécialisés, dont les axones sont directe-
constituée d’un seul matériau, comme assez souvent du polypropy- ment connectés au système nerveux central. Leur corps cellulaire se
lène (PP) injecté pour les petits véhicules, elle peut faire appel à un termine à l’autre extrémité par un dendrite qui porte une touffe de
multimatériau complexe qui comporte aussi, sous une feuille cils baignant dans le mucus aqueux, et qui sont les organes initiaux
d’habillage grainée, du PUR et est obtenu par rotomoulage (slush- de la perception olfactive. L’épaisseur du mucus est de l’ordre de
60 µm et la longueur de ces cils varie de 30 à 200 µm. La membrane
moulding) [22].
de ces cils contient des protéines réceptrices. Les axones sont
connectés au bulbe olfactif, situé dans le cerveau antérieur. Des neu-
Ces matériaux et pièces d’habitacles font aujourd’hui l’objet de
rones relais internes au bulbe olfactif transmettent alors le message
cahiers des charges et de méthodes instrumentales de caractérisa-
électrique généré par le stimulus à des zones centrales du cerveau.
tion (tenue en température, au choc, au vieillissement, absorption
acoustique, colorimétrie...) qui leur permettent de remplir leur fonc- Il existe plusieurs millions de neurones récepteurs, dont les
tion technique fondamentale. réponses sont reproductibles. Il est aujourd’hui établi que la plupart
de ces neurones sont peu sélectifs car susceptibles de répondre à
Leurs propriétés techniques et leurs caractéristiques économi- plusieurs molécules ou types d’odeurs différents, sans que toutes
ques sont ainsi quantifiées et orientent fortement les choix à réa- les régions de l’épithélium olfactif présentent pour autant une égale
liser. En revanche, même si certaines de leurs propriétés physico- sensibilité à tous les types d’odorants.
chimiques (acoustique, couleur...) sont liées à la perception Il n’y a pas aujourd’hui de modèle simple permettant de prévoir
d’ensemble du confort du véhicule par le consommateur, il est mal- l’effet odorant d’une seule molécule à partir de ses propriétés. On
heureusement impossible aujourd’hui de relier simplement ces pro- peut simplement citer quelques propriétés physico-chimiques qui
priétés à une analyse sensorielle des pièces ou fonctions de jouent certainement un rôle très important, sans être
l’habitacle. nécessairement accessibles à la mesure :
— la tension de vapeur ou pression de vapeur saturante,
Pourtant, leur perception par le consommateur peut jouer un rôle dépendante de la température et de la masse molaire. Il n’existe pas
à la fois dans la décision d’achat du véhicule et dans son utilisation ainsi de molécule odorante de masse molaire supérieure à 300 ;
quotidienne. Les sens mis en jeu sont l’odorat, le toucher et la — la solubilité dans le mucus ;
vision. — la répartition des charges électriques dans les molécules (pré-
sence de dipôles).
Exemple : une odeur de véhicule neuf trop marquée, liée aux maté-
riaux d’habitacle, ou un toucher poisseux de volant ou de commandes A fortiori, la prévision des caractéristiques olfactives de mélanges
peuvent devenir rédhibitoires au moment de l’achat et de l’utilisation est aujourd’hui impossible.
du véhicule.

Il s’agit ici de situations qui peuvent être aggravées parce qu’on 3.2 Olfaction et analyse sensorielle
les rencontre dans l’espace confiné de l’habitacle avec des actions
obligatoires à accomplir pour conduire, mais qui ne sont pas spéci-
fiques à l’automobile. L’ameublement, l’électroménager ou le petit 3.2.1 Caractérisation sensorielle des odeurs
outillage manuel (tournevis, pinces...), où sont utilisés souvent des
matériaux et des procédés communs à ceux utilisés pour des pièces La connaissance actuelle partielle des mécanismes de l’olfaction
d’habitacle, sont des exemples de situations courantes comparables et l’impossibilité de disposer d’instruments représentatifs de la per-
dans d’autres domaines où peut également s’avérer intéressante ception sensorielle humaine nécessitent d’utiliser des jurys (ou
l’utilisation de l’analyse sensorielle. panels) olfactifs. Une telle utilisation d’un ensemble de « capteurs »

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ANALYSE SENSORIELLE DES MATÉRIAUX D’HABITACLE AUTOMOBILE : OLFACTION _________________________________________________________________

Adaptation Récupération

Concentration
Cortex frontal Tractus olfactif latéral

S2

Bulbe olfactif Cerveau


S1

Sinus
Lame criblée Hypophyse
de l'éthmoide


Filets du Muqueuse
T1 T2 Temps
nerf olfactif olfactive
Sinus Exemples schématiques des courbes d'adaptation et de récupération
pour deux stimulus adaptants de concentration différente (S1 et S2). Les
Fosses nasales
points indiquent les moments (T1 et T2) où le seuil dépasse le stimulus
d'adaptation (adaptation complète).
Cornet moyen

Figure 2 – Adaptation olfactive. Variation avec le temps


Cornet supérieur
de la sensibilité du système olfactif à un stimulus continu (d’après [4])
Cornet inférieur

La constitution de panels olfactifs, ou jurys de nez, peut permettre


a système global de caractériser, à l’exclusion de tout aspect hédonique ou de gêne :

— le niveau ou concentration d’odeur ;


Récepteur
— l’intensité (ou force) d’une odeur ;
— la qualité de l’odeur, c’est-à-dire sa description.

■ Caractérisation des odeurs

Les deux premiers points, utilisés pour des mesures des odeurs
Lame dans l’environnement, sont déjà présentés en détail dans les
osseuse Techniques de l’Ingénieur [16] [17]. Seul l’essentiel sera rappelé ici.
Filets
du nerfs ● Concentration d’odeur
olfactif

Glomérules La concentration (ou niveau) d’une odeur, pour un gaz pur ou


un mélange odorant, est liée à sa concentration au seuil de per-
Cellules ception, qui vaut par définition :
mitrales
1 uo · m−3 (uo = unité olfactive).
Cette concentration au seuil de perception se caractérise par
l’absence de perception par 50 % des individus, et par la percep-
Fibres tion de 50 % des autres individus d’un groupe d’experts.
nerveuses Cortex
centrifuges olfactif

b d étail du système olfactif La mesure d’une concentration d’odeur consiste à déterminer


(document CNRS - Université Claude Bernard, dessin A. Holley) le facteur de dilution au seuil de perception K50, qui correspond
au taux de dilution de l’odeur avec un gaz inodore, réalisée afin
de ramener la concentration d’odeur existante à la concentra-
Figure 1 – Système olfactif humain (d’après [3]) tion d’odeur au seuil de perception avec :
C odeur = C odeurseuil × K 50 = 1 × K 50
humains en olfaction, travaillant sur l’axe « sensations » (cf.
article [AM 3 290]), ne peut se faire en négligeant deux difficultés :
Cette méthode est décrite en détail dans la norme NF X 43-101
— l’existence de seuils de détection des odeurs variables selon (référence [24]). Elle nécessite l’utilisation d’un olfactomètre (dont
les sujets ; les caractéristiques techniques sont également décrites par cette
norme) qui a pour fonction d’opérer la dilution du mélange gazeux
— l’adaptation olfactive qui se traduit notamment par la varia- odorant.
tion, avec le temps, de la sensibilité du système olfactif à un stimu-
lus continu et par la décroissance de la sensibilité avec l’intensité du Cette méthode peut sembler d’une mise en œuvre moins immé-
stimulus. Ce point est illustré figure 2 et nécessite, en pratique, des diate, ou plus coûteuse, qu’une mesure d’intensité, en grande partie
intervalles de l’ordre de 2 min ou plus entre deux évaluations olfac- à cause de l’investissement matériel qu’elle nécessite en plus de
tives consécutives. l’existence d’un panel.

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Analyse sensorielle des matériaux


d’habitacle automobile : toucher/vision

par Sébastien CROCHEMORE


Ingénieur de l’École nationale supérieure des industries agroalimentaires
Ingénieur en analyse sensorielle

Chargé de recherche, Renault,
Direction de l’ingénierie des matériaux
et Daniel NESA
Ingénieur de l’Institut des sciences de l’ingénieur de Nancy,
Docteur de l’École des mines de Paris en science et génie des matériaux
UET Analyse sensorielle, Renault
Direction de l’ingénierie des matériaux
avec la collaboration de Stéphane COUDERC
Chargé de recherche en analyse sensorielle olfactive, Renault,
Direction de l’ingénierie des matériaux

1. Neurophysiologie du toucher ............................................................... AM 3 292 - 2


2. Le sensoriel................................................................................................ — 2
2.1 Espace tactile ............................................................................................... — 2
2.2 Caractérisation et gestion de panel............................................................ — 5
2.3 Vision et toucher : interaction mutuelle..................................................... — 5
3. L’instrumental............................................................................................ — 6
3.1 Recherche de corrélations sensorielles par Kawabata ............................. — 7
3.2 Recherche de corrélations en toucher orthogonal .................................... — 8
3.2.1 Caractérisation de la perception de « dureté » ................................ — 8
3.2.2 Caractérisation de la perception « collante » ................................... — 8
3.3 Recherche de corrélations en toucher tangentiel...................................... — 9
3.3.1 Caractérisation de la perception du « relief »................................... — 9
3.3.2 Caractérisation de la perception « glissante » ................................. — 9
3.4 Recherche de corrélations en toucher thermique ..................................... — 11
4. Les consommateurs et le visio-tactile ............................................... — 12
5. Quelques exemples de mesures et applications ............................. — 13
6. Polymères et toucher dans le développement d’un projet........... — 14
7. Conclusion ................................................................................................. — 15
Références bibliographiques ......................................................................... — 15

i la satisfaction des attentes fonctionnelles apparaît de plus en plus maîtri-


S sée, il n’en est pas de même des attentes émotionnelles. La différenciation
des marques par les sens via la création d’ambiance impose une détection des
attentes de la clientèle puis sa traduction en mesures objectives en vue d’une
intégration aux cahiers des charges. Le toucher, second sens le plus important
après la vision, participe pleinement à l’identité du véhicule.
Différentes approches sont envisageables pour garantir le suivi et la pérennité
des souhaits du client au cœur de la conception du produit, de la définition à la
validation :
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPPT

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ANALYSE SENSORIELLE DES MATÉRIAUX D’HABITACLE AUTOMOBILE : TOUCHER/VISION ____________________________________________________________

— une standardisation des pratiques sensorielles. Cette voie apparaît la plus


rapide à mettre en œuvre, mais induit un investissement humain minimal
(nommé panel d’experts) ;
— la mise en place de procédures instrumentales susceptibles de se substi-
tuer complètement ou partiellement à un groupe d’experts.
Après un rappel des bases physiologiques inhérentes au toucher, il est dressé
un inventaire des méthodologies sensorielles appliquées aux perceptions tacti-
les ainsi qu’un état de l’art des technologies instrumentales associées.
Cette étude se compose de deux articles :
[AM 3 291] – Analyse sensorielle des matériaux d’habitacle automobile : olfaction ;

R [AM 3 292] – Analyse sensorielle des matériaux d’habitacle automobile : toucher/vision.


Le lecteur désirant plus de détails concernant l’analyse sensorielle pourra consulter, des
mêmes auteurs, l’article :
[AM 3 290] – Méthodes d’analyse sensorielle des matériaux plastiques, ainsi que la référence
[21] parue dans les Techniques de l’Ingénieur.

1. Neurophysiologie ■ Les nocirécepteurs, terminaisons libres ou fibres périvasculaires,


enregistrent les stimulations douloureuses suite à des excitations
du toucher mécaniques ou thermiques. Un message de douleur est émis pour
des forces appliquées de l’ordre de 40 à 60 N [4]. Les terminaisons
libres répondant aux stimulations froides, localisées superficielle-
ment au niveau de l’épiderme, émettraient un signal de douleur
L’homme prend conscience de l’environnement extérieur par les
pour une température inférieure à 14 ˚C, tandis que les récepteurs
informations ou signaux transmis via des fibres nerveuses. Ces der-
répondant aux stimulations chaudes généreraient un signal de dou-
nières prennent leur origine au niveau de l’épiderme et du derme : soit
leur pour des températures supérieures à 43 ˚C.
par des organes spécialisés (récepteurs ou corpuscules sensibles),
soit par un simple renflement de l’extrémité de la fibre nerveuse. ■ Les mécanorécepteurs réagissent aux stimulations mécaniques
La sensibilité tactile (ou somatique) comprend deux catégories : (tangentielles, orthogonales). Ces mécanorécepteurs regroupent
— la sensibilité active (ou proprioceptive) liée aux récepteurs une grande diversité de corpuscules parmi lesquels les cellules de
musculaires et articulaires ; Merkel excitées par un pression constante, les corpuscules de
Meissner et de Pacini sensibles aux mouvements (tangentiels), aux
— la sensibilité passive ou cutanée (extéroceptive) intégrant les
vibrations, et les récepteurs de Ruffini sensibles à la vitesse de
sensibilités mécaniques et thermiques.
déplacement du doigt (tableau 1).
À l’exception du singe anthropoïde, aucun animal ne dispose
d’une sensibilité tactile équivalente à la main humaine dont l’acuité Deux voies ascendantes majeures transmettent, au système cen-
maximale est atteinte au niveau digital. La sensibilité dépend étroi- tral, les informations codées par les mécanorécepteurs cutanés et
tement de la densité en récepteurs tactiles de la surface concernée. proprioceptifs :
Il est ainsi dénombré entre 500 à 2 300 récepteurs par cm2 aux — le système antérolatéral (ou extralemniscal) véhicule lente-
extrémités des doigts pour une acuité tactile comprise entre 3 à ment (8 à 40 m/s) les signaux ayant trait aux sensibilités thermique,
8 mm alors que la face palmaire, ne disposant que de 100 à douloureuse et tactile grossière ;
200 récepteurs au cm2, offre une acuité de 14 mm environ. Le nom- — le système lemniscal (ou colonnes dorsales) véhicule rapide-
bre de capteurs sollicités dépend de l’aire de contact entre la partie ment (30 à 110 m/s) les signaux ayant trait aux sensibilités tactiles
du corps sollicitée et le produit [1]. Sous une pression de quelques fines et proprioceptives.
newtons, la surface de contact moyenne d’un doigt serait de l’ordre
de 1 à 2 cm2. L’être humain est alors capable de différencier des pla- Outre les aires associatives et le cortex moteur [7] les informa-
ques rainurées dont les périodes spatiales diffèrent de 45 µm [2]. tions sont principalement conduites aux aires somesthésiques pri-
maires.

L’acuité tactile est évaluée par un compas de Weber. Elle cons-


titue la distance minimale nécessaire (exprimée en mm) pour
une sensation distincte de deux contacts ponctuels [3].
2. Le sensoriel
Les récepteurs ne sont pas dédiés à un seul type de stimulation
(thermique ou mécanique), mais présentent un seuil particuliè-
rement bas pour un stimulus donné. 2.1 Espace tactile
La figure 1 représente une répartition des différents récepteurs.
Trois groupes sont identifiés en fonction des modalités sensitives.
Dans le domaine des matériaux, le toucher se distingue des autres
■ Les thermorécepteurs réagissent aux stimulations thermiques. Ils sens (acoustique, vision, olfaction) par le fait qu’il résulte d’une
consistent en des terminaisons libres. Il semble en être de même démarche volontaire de la part de l’observateur. L’exploration tactile
pour les récepteurs du froid et du chaud (dont les organes de Krause impose la réalisation de gestes répétés, lents (différentes manipula-
et Ruffini). La sensibilité thermique ne prendrait pas en compte une tions de l’objet peuvent s’avérer nécessaires) et aux champs
température mais les variations de la température autour d’un d’exploration réduits (palmaire ou digital lors d’une perception
niveau moyen. manuelle) [7].

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Corpuscule Terminaison Disque tactile


de Meissner nerveuse libre de Merkel
Tact. Douleur aiguë Tact.
Déformation Contact léger

Épiderme

Merkel


Terminaison
Meissner
nerveuse libre

Derme

Anneau
Fibre Ruffini externe
périvasculaire du poil

Golgi-Mazzoni
Golgi-Mazz Pacini

Hypoderme

Fibre Organe Anneau externe


périvasculaire de Ruffini du poil
Douleur sourde Chaleur Tact
Déformation
Corpuscule de traction Corpuscule
de Golgi-Mazzoni de Pacini Figure 1 – Coupe schématique de la peau ;
Pression légère Pression forte récepteurs de la sensibilité superficielle
d’après [6]
(0)

Tableau 1 – Récapitulatif des propriétés de quatre mécanorécepteurs de la peau glabre d’après [5]
Récepteur Meissner Pacini Merkel Ruffini
Adaptation Rapide Rapide Lente Lente
Localisation Derme Hypoderme Épiderme Derme
Nombre de récepteurs par fibre 12 à 17 1 4à7 1
Nombre de récepteurs ..............................................(cm−2) 140 21 70 49
Taille des champs récepteurs................................... (mm2) 12,6 101 11 59
Fréquence ...................................................................... (Hz) 3 à 300 30 à 1 000
Sensibilité maximale..................................................... (Hz) 20 à 40 100 à 300 <8 <8

S. Lederman [8] a recensé huit démarches exploratoires systéma- tions texturales des matériaux. Ces dernières peuvent être de trois
tiques (figure 2), lors de la découverte tactile et en aveugle, par la ordres : tangentiel, orthogonal et thermique.
main, d’un objet ou d’une surface rigide, les liquides ou les crèmes
étant susceptibles de présenter des caractéristiques particulières Remarque. Toutefois, de multiples zones tactiles peuvent aussi
supplémentaires. À chaque geste correspond une propriété perçue. être impliquées dans un contact tactile.

Exemple : des mouvements tangentiels rendent compte de l’état Exemple : les membres inférieurs, les cuisses, le dos, les lèvres...
de surface d’une plaque grainée par la perception du relief et du frotte-
ment. L’action d’une pression orthogonale est utilisée pour appréhen- Différentes méthodes ont été utilisées jusqu’à aujourd’hui pour
der la dureté d’une mousse. L’application de la paume de la main sur un décrire objectivement un toucher :
acier traduit une perception de froid. — recherche de différence, de similitude ;
Dans le cadre de cet exposé, nous négligerons les procédures — utilisation de descripteurs pour une caractérisation objective
d’exploration liées aux propriétés spatiales de l’objet (poids, qualitative et/ou quantitative pour laquelle toutes les techniques de
volume, contours de forme...), pour nous concentrer sur les percep- profils sont applicables (cf. article [AM 3 290], § 2.1).

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Mouvement tangentiel Pression


État de surface Dureté Orthogonal Tangentiel Thermique
4 descripteurs 4 descripteurs 1 descripteur

Dureté Fibreux Thermique

Nervosité Relief

Contact statique Soupèsement Effet mémoire Râpeux


Température Poids

R Collant Bloquant

Glissant

Figure 3 – Descripteurs du référentiel Renault Sensotact®

Prise en main Contournement — de références de notation : échantillons références constituant


Volume Contour
Forme
les jalons de l’échelle de notation. L’échelle de notation comprend
100 unités.

Développé à l’origine pour le secteur automobile, ce réfé-


rentiel s’avère applicable à l’ensemble des secteurs d’activités
(automobile, emballage, cosmétique, grande consommation...)
ayant trait au toucher des matériaux.
Introduction d'un objet

Volume interne Pour illustration, nous proposons en encadré, trois exemples de


disponible
« descripteurs » tactiles ayant trait aux perceptions tangentielles,
orthogonales et thermiques. Des références extrêmes sont repor-
tées à titre indicatif.

Exemple de descripteurs tactiles Sensotact®

Descripteur DURETÉ - Toucher orthogonal

Figure 2 – Procédures exploratrices d’après [8]


Définition : décrit l’effort nécessaire à l’enfoncement de l’index dans le
produit.
La méthode Spectrum™ propose une liste préétablie de référen- Protocole : pression orthogonale de l’index, évaluer la force exercée
pour pénétrer légèrement (quelques millimètres) l’échantillon avec la
ces en fonction de la nature du produit. pulpe du doigt (sans l’ongle).
Plus l’effort exercé est important, plus l’intensité de la force est élevée.
Exemple : lors de l’évaluation de la rigidité d’un textile, les référen- Références de l’échelle de notation à 100 unités :
ces suivantes seraient susceptibles d’être employées : 0 : Mousse Illpren T28® ; Contreplaqué okoumé : 100.
« Stiffness for fabric feel
1,3 : Polyester/cotton 50/50 single knit tubular Descripteur GLISSANT - Toucher tangentiel
4,7 : Mercerized cotton print cloth
Définition : décrit la facilité à continuer le déplacement des doigts,
8,5 : Mercerized combed cotton poplin sans tenir compte de la force nécessaire pour amorcer le mouvement.
Protocole : déplacement tangentiel de l’index en amenant le doigt vers
14,0 : Cotton organdy » [9]. soi avec une vitesse lente (quelques centimètres par seconde) sous une
pression d’appui d’environ 0,4 N. L’angle entre le doigt et l’index doit être
Différentes illustrations de descripteurs tactiles sont présentées de 45 ˚. Ne pas tenir compte de la force requise au démarrage du mouve-
au sein du référentiel de bonnes pratiques AFNOR [57]. ment.
Plus le déplacement est facile, plus l’intensité du glissant est élevée.
Références de l’échelle de notation à 100 unités :
À l’origine d’un partenariat entre des fournisseurs, chimistes, et un 0 : Yasaka ; Téflon : 100.
constructeur, Renault a finalisé et déployé un référentiel tactile Sen-
sotact® (figure 3). Sa mise au point repose sur la méthodologie du Descripteur THERMIQUE - Toucher thermique
profil classique. Le toucher complexe est décomposé en dix percep-
tions simples. Les descripteurs utilisés sont pertinents, précis, discri- Définition : décrit le flux perçu de chaleur. L’échelle varie du froid (la
minants et, dans la mesure du possible, exhaustifs et indépendants. main cède de la chaleur au produit) au chaud (la main paraît recevoir de
la chaleur du produit).
Chaque terme traduit une dimension sensorielle. Le descripteur Protocole : réguler la main sur le contreplaqué durant 10 s. Établir un
est accompagné : contact maximal en posant la main à plat sur le matériau à tester.
Évaluer le transfert de chaleur en laissant la main posée pendant 3 s.
— d’une définition assurant une verbalisation de la perception Attendre 10 s pour recommencer une nouvelle évaluation.
Plus la main semble recevoir de la chaleur du produit, plus l’intensité
sans équivoque ; thermique est élevée.
— d’un protocole d’évaluation : ensemble de gestes qu’il con- Références de l’échelle de notation à 100 unités :
0 : plaque aluminium ; 50 : contreplaqué ; polystyrène : 100.
vient de respecter pour garantir une stimulation « standard » ;

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