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MÉCANIQUE

Ti574 - Frottement, usure et lubrification

Surfaces

Réf. Internet : 42463 | 4e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Frottement, usure et lubrification
(Réf. Internet ti574)
composé de  :

Surfaces Réf. Internet : 42463

Frottement et usure Réf. Internet : 42464

Lubrification Réf. Internet : 42465

Travail des matériaux, mise en forme et tribologie Réf. Internet : 42466

Matériaux et tribologie Réf. Internet : 42467

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Frottement, usure et lubrification
(Réf. Internet ti574)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Éric FELDER
Ingénieur civil des Mines de Paris, docteur ès sciences, maître de recherches
à l'École des Mines de Paris, responsable adjoint du groupe «Surfaces et
tribologie» au CEMEF (Centre de mise en forme des matériaux)

Pascal GUAY
Ingénieur INSA Lyon, Docteur ès Sciences, Expert en Tribologie chez Airbus
Defence and Space

Caroline RICHARD
Professeur des Universités

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Pascal AUBERT Éric FELDER Bernard MONASSE


Pour l’article : NM7200 Pour les articles : AM3279 – Pour les articles : AM3279 –
AM3281 – TRI5110 AM3281 – TRI5110
Gérard BÉRANGER
Pour l’article : M1425 Louis FLAMAND Muriel QUILLIEN
Pour l’article : BM5055 Pour les articles : TRI200 – TRI250
Guillaume BERTHOUT
Pour l’article : TRI150 Dominique FRANÇOIS Nicholas RANDALL
Pour l’article : M4160 Pour l’article : TRI150
Luiza BONIN
Pour l’article : M1571 Christian FRETIGNY Bernard RAPHET
Pour l’article : R1394 Pour les articles : R1230 – R1231
Patrick BOUCHAREINE
Pour l’article : R1390 René GRAS Caroline RICHARD
Pour l’article : TRI5100 Pour l’article : TRI5170
Pierre-François CARDEY
Pour l’article : TRI5130 Geneviève INGLEBERT Jean-Claude RIVOAL
Pour l’article : TRI200 Pour l’article : R1394
Yan-Ming CHEN
Pour l’article : TRI5170 Isabelle LEMAIRE-CARON François ROBBE-VALLOIRE
Pour l’article : TRI200 Pour l’article : TRI250
Tony DA SILVA BOTELHO
Pour l’article : TRI200 Ton LUBRECHT Philippe SAINSOT
Pour l’article : BM5055 Pour l’article : BM5055
Évelyne DARQUE-CERETTI
Pour les articles : AM3279 – Olek MACIEJAK Frank SALVAN
AM3281 – TRI5110 Pour l’article : NM7200 Pour l’article : P895

Fabienne DELAUNOIS Henri MAZILLE Franck THIBAUDAU


Pour l’article : M1571 Pour l’article : M1425 Pour l’article : P895

Pierre FAUCHAIS Véronique VITRY


Pour l’article : N4801 Pour l’article : M1571

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VI
Surfaces
(Réf. Internet 42463)

SOMMAIRE

1– Analyse des surfaces et du contact Réf. Internet page

Approche scientifique des surfaces. Caractérisation et propriétés M1425 11

Étude et analyse des surfaces de polymères solides. Propriétés mécaniques et AM3279 17


tribologiques
Étude et analyse des surfaces de polymères solides. Propriétés physicochimiques AM3281 21

Métrologie des surfaces R1390 27

États de surface. Caractérisation R1230 31

États de surface. Mesure R1231 37

Microscopie à sonde locale P895 41

Microscopie à force atomique (AFM) R1394 45

Fatigue des surfaces BM5055 49

Théorie du contact de Hertz. Contacts ponctuels ou linéiques TRI200 55

Modélisation des contacts rugueux par approche statistique TRI250 59

Mesure de dureté par nano-indentation NM7200 65

Essais mécaniques des métaux. Essais de dureté M4160 69

Tests de rayure TRI150 73

2– Traitements de surface Réf. Internet page

Traitements et revêtements de surface à usage tribologique TRI5100 79

Revêtements chimiques de nickel-bore M1571 85

Caractérisation physico-chimique de revêtements et films minces à applications TRI5110 89


tribologiques
Intérêts tribologiques des dépôts DLC (Diamond Like Carbon) TRI5130 93

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VII
Dépôts céramiques par PVD ou CVD assistées ou par projection plasma N4801 97

Texturation biomimétique des surfaces. Innovation pour une industrie agroalimentaire TRI5170 101
frugale

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Surfaces
(Réf. Internet 42463)

1
1– Analyse des surfaces et du contact Réf. Internet page

Approche scientifique des surfaces. Caractérisation et propriétés M1425 11

Étude et analyse des surfaces de polymères solides. Propriétés mécaniques et AM3279 17


tribologiques
Étude et analyse des surfaces de polymères solides. Propriétés physicochimiques AM3281 21

Métrologie des surfaces R1390 27

États de surface. Caractérisation R1230 31

États de surface. Mesure R1231 37

Microscopie à sonde locale P895 41

Microscopie à force atomique (AFM) R1394 45

Fatigue des surfaces BM5055 49

Théorie du contact de Hertz. Contacts ponctuels ou linéiques TRI200 55

Modélisation des contacts rugueux par approche statistique TRI250 59

Mesure de dureté par nano-indentation NM7200 65

Essais mécaniques des métaux. Essais de dureté M4160 69

Tests de rayure TRI150 73

2– Traitements de surface

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1

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Référence Internet
M1425

Approche scientifique des surfaces.


Caractérisation et propriétés
par Gérard BÉRANGER
1
Professeur à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC)
Membre de l’Académie des Technologies
et Henri MAZILLE
Professeur Émérite à l’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon (INSA)

1. Approche cristallographique et géométrique d’une surface ....... M 1 425 - 2


2. Approche physique d’une surface ....................................................... — 4
3. Approche thermodynamique et énergétique d’une surface ........ — 4
3.1 Énergie de surface et tension superficielle................................................ — 4
3.2 Mouillabilité et caractérisation ................................................................... — 5
3.2.1 Détermination de la mouillabilité...................................................... — 6
3.2.2 Application au mouillage des céramiques ....................................... — 7
3.3 Adsorption sur les surfaces ........................................................................ — 7
3.4 Les différentes surfaces .............................................................................. — 8
3.4.1 Surface propre .................................................................................... — 8
3.4.2 Surface conditionnée ......................................................................... — 8
3.4.3 Surface industrielle............................................................................. — 9
4. Surfaces industrielles et leur caractérisation pratique ................ — 10
4.1 Surfaces industrielles .................................................................................. — 10
4.1.1 Notion de surface à « l’usine à chaud » ............................................ — 10
4.1.2 Évolution de la surface à « l’usine à froid »...................................... — 10
4.2 Caractérisation pratique des surfaces industrielles.................................. — 12
4.2.1 Caractérisation analytique ................................................................. — 12
4.2.2 Caractérisation géométrique ............................................................. — 15
4.2.3 Caractérisation mécanique ................................................................ — 16
4.2.4 Caractérisation structurale et texturale............................................. — 19
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. M 1 424

l existe différentes façons d’appréhender les surfaces, par exemple en termes


I d’échelle ou de propreté. Mais on peut aussi distinguer les surfaces modèles
des surfaces industrielles, donc réelles. Les caractéristiques correspondantes ne
seront pas nécessairement les mêmes. Si le physicien du solide va s’intéresser
à la structure électronique des atomes de surface et observer celle-ci à l’échelle
nanométrique, l’ingénieur et le technicien vont regarder la surface comme une
empreinte de l’outil qui a permis de l’obtenir ou de la conditionner. L’échelle de
l’observation ne sera pas la même : de nanométrique voire microscopique dans
le premier cas, elle sera méso- et le plus souvent macroscopique dans le
second [9] [10].
Quelle que soit la discipline, la surface est communément définie comme la
partie ou la limite externe d’un solide. Compte tenu du fait que tout matériau
est généralement utilisé dans un environnement donné (air, gaz, milieu aqueux,
phase condensée, lubrifiant, etc.), la surface doit être considérée comme une
interface : solide – gaz, solide – liquide, voire solide – solide. Dans ce contexte,
compte tenu des profils de composition ou de caractéristiques dans la zone voi-
sine de la surface, on introduit même la notion d’interphase, ce qui permet
d’introduire celle de propriétés adaptatives (gradient d’indices de réfraction par
Parution : mars 2005

exemple).

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© Techniques de l’Ingénieur M 1 425 − 1

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Référence Internet
M1425

APPROCHE SCIENTIFIQUE DES SURFACES. CARACTÉRISATION ET PROPRIÉTÉS ____________________________________________________________________

1. Approche cristallographique
et géométrique
d’une surface
Si on considère un matériau cristallin, donc avec un arrange-

1
B
ment périodique des atomes, la surface introduit une discontinuité
dans celui-ci. Dans le cas d’une structure cubique centrée (celle
d’un acier ferritique par exemple), si on « coupe » le cristal par un A
A
plan {100} passant par le sommet commun à huit cubes adjacents,
on s’aperçoit que le nombre de coordinence N c (nombre de plus
proches voisins qui, dans notre cas, sont au centre de ces huit
cubes) passe de huit à quatre (figure 1). Pour rétablir l’équilibre des
champs de force auxquels ils sont soumis, les atomes de la surface Figure 1 – Coordinence (proches voisins) d’un atome
nouvellement créée, vont avoir tendance à modifier les liaisons dans la structure cubique centrée (cc) en volume (à gauche)
avec leurs plus proches voisins soit en surface, soit dans le volume et en surface (à droite)
sous-jacent, soit encore en échangeant de nouvelles liaisons avec
des atomes, des molécules ou des ions de l’environnement ; cela
explique la réactivité des atomes de surface, qui est donc fonction Cela s’accompagne d’un phénomène de dilatation ou de
de « l’orientation » de cette surface. Nous en donnerons quelques compression du paramètre en volume, selon le signe de l’expan-
exemples par la suite. sion de surface. On peut en déduire que la taille du cristal aura une
incidence marquée sur l’importance de l’effet précédent. Des effets
Si la surface est faiblement inclinée par rapport à une surface dite
similaires peuvent être identifiés au voisinage des marches.
« singulière » comme celle citée précédemment, elle sera constituée
de larges terrasses de surface singulière et de petites marches, Dans le cas des métaux et alliages, les atomes constitutifs sont
souvent monoatomiques. Lorsque la surface singulière est d’indice identiques ou de caractéristiques similaires. Pour d’autres maté-
simple et que les marches sont peu nombreuses, une telle surface riaux, les atomes sont au moins de deux types différents. Ainsi dans
est dite « vicinale ». La distance entre les marches d’une surface vici- les céramiques, dont les liaisons sont souvent ioniques, nous avons
nale diminue quand la différence d’orientation entre la surface vici- des ions chargés positivement (les cations) et des ions chargés
nale et la surface singulière augmente. Quand les marches négativement (les anions). On distingue alors quelques structures
deviennent très proches les unes des autres et que leur nombre est types (structures simples) dont l’une des plus classiques est celle
important, il devient difficile de parler de terrasses et on a une sur- du chlorure de sodium, NaCl. Cette structure, globalement cubique,
face générale ; suivant la position des atomes sur cette surface, leur est en fait constituée de deux sous-réseaux cfc imbriqués et décalés
nombre de proches voisins ne sera pas le même. Une approche plus de a /2, a étant le paramètre de la maille cfc. L’un des sous-réseaux
fine consiste à prendre aussi en considération les deuxièmes plus correspond aux cations Na+ et l’autre aux anions Cl–. Si on fait une
proches voisins : ainsi dans le cas de la figure 1, un atome d’un plan coupe du cristal par des plans simples, ceux-ci comprendront soit
de coupe {100} perdra non seulement quatre des huit plus proches des ions des deux signes, cas des plans {100} ou {110}, soit des ions
voisins, mais aussi un des six deuxièmes voisins, comme d’ailleurs d’un même signe, cas des plans {111}. Dans le cas de la structure
tout atome du plan situé juste en dessous de la surface. cc, type chlorure de césium, CsCl, on aboutira à une conclusion
identique, mais cette fois-ci, c’est la famille de plans {100} qui ne
Ce modèle est simpliste, mais il a le mérite de montrer aisément
contiendra que des ions de même signe. Dans le cas de la structure
qu’une surface « modèle » propre aura toujours une certaine rugo-
type de la sphalérite (ou blende, sulfure de zinc, ZnS) dont la struc-
sité à l’échelle atomique. On pourrait s’attendre, de ce qui précède,
ture cfc est identique à celle du diamant, ce sont les deux familles
que la structure cristalline soit fortement perturbée en surface ; en
de plans {100} et {111} qui ont la particularité de ne comporter qu’un
fait, s’il se produit bien une relaxation due à la création de toute
seul type d’ions Zn2+ ou S2–. Ce qui vient d’être exposé pour des
surface, celle-ci est faible et ne concerne que le tout dernier plan
composés ioniques AB, peut être étendu à des composés plus
atomique : le dernier plan atomique tel qu’on peut l’observer par
complexes comme A2B, AB2 , A2B3 , etc.
diffraction d’électrons lents est à une distance du plan suivant légè-
rement différente de celle observée en volume. Il y a : Sans développer plus en détail cette simple analyse, on conçoit
— expansion (ou relaxation positive) pour les solides ioniques, y aisément que la structure des matériaux a une incidence sur la
compris pour certaines céramiques ; nature et l’arrangement des atomes ou des ions dans un plan de
coupe donné ; cela prend toute son importance dans le cas de maté-
— contraction (ou relaxation négative) pour les métaux.
riaux polycristallins, cas le plus général en pratique. Certaines pro-
Cette différence peut s’expliquer par le compromis entre les priétés sont alors différentes de grain à grain. C’est le cas de la
forces d’attraction et de répulsion dues aux atomes chargés (ions), dureté, mais aussi de la réactivité (corrosion, catalyse), de l’énergie
quand il y a création d’une surface dans un cristal ionique, ce qui de surface et de l’adhésion (collage) par exemple, qui sont fonction
revient à dire que les interactions atomiques sont approximati- de l’orientation des grains en surface.
vement additives, alors que pour les métaux, les énergies de
Ainsi, lors de l’oxydation d’un métal par les gaz, pour de faibles
liaison ne le sont pas. Cette description pourrait être élargie en
durées d’exposition, l’épaisseur du film d’oxyde dépend de l’orien-
considérant les niveaux électroniques des électrons de valence et
tation des grains : on obtient des films épitaxiques dont la couleur,
l’énergie de cohésion d’un cristal métallique, afin de rendre
due à un phénomène d’interférences, varie selon cette orientation.
compte quantitativement (y compris en signe) de la relaxation.
De même, en corrosion électrochimique, la vitesse d’attaque ne sera
Ces perturbations peuvent se manifester aussi par des relaxations pas identique pour chaque grain ; cela s’exprime autrement en
tangentielles lorsqu’on considère un cristal de petite taille. Outre les disant que le potentiel électrochimique est lui aussi fonction de
relaxations indiquées précédemment, qui se produiront sur toutes l’orientation des grains.
les faces, on peut aussi observer un changement des angles entre
les arêtes de la maille cristalline : Ces différences de réactivité constituent un moyen fort utile pour
révéler la structure des métaux et alliages, lors d’une observation
— plus aigus en relaxation positive ; métallographique (figure 2). On procède, après un polissage méca-
— plus obtus en relaxation négative. nique soigné qui généralement ne permet pas, à lui seul, de

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M 1 425 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

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Référence Internet
M1425

____________________________________________________________________ APPROCHE SCIENTIFIQUE DES SURFACES. CARACTÉRISATION ET PROPRIÉTÉS

Adatome

Lacune

Cran

a lacune, cran, adatome


1
Marche Surface vicinale

Figure 2 – Structure d’un acier inoxydable révélée Terrasse


par attaque métallographique [11]

« révéler » les grains, à une attaque dite « métallographique » dans


un réactif chimique adapté à chaque métal ou alliage. Le potentiel
électrochimique, lié à l’énergie de surface, dépend, nous l’avons b terrasses correspondant aux plans d’indices simples
vu, de l’orientation des grains. Chaque grain, ayant son orientation
propre (sauf dans le cas de matériaux fortement texturés), aura
donc localement son propre potentiel, ce qui conduira à l’existence
de couples galvaniques entre des grains voisins. Cette notion de
cathode et d’anode dans un couple de grains reste cependant rela-
tive, car un même grain peut être à la fois anodique pour un grain
voisin et cathodique pour un autre grain en contact. La formation
de tels couples va entraîner un « gravage » différent des grains,
révélant ainsi la structure. Ce gravage peut être amplifié par une
attaque sélective au niveau des joints de grains. En effet, l’énergie
des joints est fonction du type de joint et de la désorientation
relative des deux grains adjacents : le joint n’est donc pas attaqué
de façon symétrique. Certains scientifiques mettent à profit les
données géométriques fournies par le sillon intergranulaire (lar-
geur, profondeur, angles caractéristiques), pour remonter à un
modèle énergétique du joint. Nous reviendrons sur cet aspect, de
c nombre de terrasses en fonction de la désorientation
façon un peu plus détaillée, lors de la caractérisation structurale par rapport à un plan de grande densité atomique
des surfaces (§ 4.2.4).
Retenons que cette attaque, localisée aux joints de grains, peut Figure 3 – Défauts d’une surface vicinale faiblement désorientée,
être aggravée par les ségrégations d’éléments résiduels, qui ont avec schématisation du modèle TLK, d’après G. Béranger, C. Richard,
diffusé du cœur vers les joints ; cette ségrégation, favorisée par C. Langlade-Bomba et B. Vannes [12]
l’existence de la zone désordonnée du joint, peut avoir une grande
importance dans les phénomènes de corrosion : selon les teneurs
en éléments résiduels, on peut par exemple passer d’un contexte En effet à fine échelle, la surface va presque toujours comporter
de corrosion généralisée ou uniforme à une attaque intergranulaire des défauts qui sont généralement décrits par le modèle dit TLK,
(localisée aux joints de grains). Certains aciers inoxydables peu- dont nous avons donné précédemment quelques brèves notions
vent être sensibles à ce type d’attaque, notamment si leur teneur (figure 3) [ce qui signifie : T : Terrace (terrasse) ; L : Ledge (lisière de
en silicium ou en phosphore est insuffisamment contrôlée. Ce phé- marche) ; K : Kink (cran ou décrochement)].
nomène est très différent de la corrosion intergranulaire plus clas- En d’autres termes, la surface présente une certaine rugosité,
sique des aciers inoxydables à l’état dit « sensibilisé », due à une totalement différente de la rugosité macroscopique résultant du
déchromisation au voisinage des joints, suite à la précipitation mode d’obtention (par usinage et par abrasion par exemple) et de
intergranulaire de carbures de chrome, Cr23C6 , et cela, quelle que préparation d’une surface réelle ou industrielle. Cette rugosité
soit la structure de base de l’acier considéré. macroscopique peut être appréhendée de façon simple et aisée
Sur le plan pratique, cet effet de l’orientation des grains est mis avec l’ongle d’un doigt : analyse sensorielle. Pendant longtemps,
en pratique dans le cas des tôles minces en aciers non alliés (aciers l’approche expérimentale, et donc la « vision » que l’on pouvait
ferritiques de structure cc), pour les boîtes de conserve ; même si avoir d’une surface, était réalisée par diffraction des électrons lents
ces tôles à usage alimentaire sont revêtues, on leur confère, par trai- (DEL ou LEED) et par microscopie à émission de champ, en opérant
tements thermomécaniques, une très forte texture afin de réduire sur des pointes, comme celles obtenues avec des métaux réfractai-
au maximum, les éventuels risques d’attaque des grains. res, tungstène par exemple. Les techniques de microscopie en
Notons cependant qu’il s’agit là essentiellement de simples carac- champ proche s’étant beaucoup développées, on obtient mainte-
téristiques géométriques et cristallographiques qui, en toute nant des images sur des surfaces planes et cela sur différents types
rigueur, ne sont valables qu’à basse température ; car à moyenne de matériaux. La microscopie à force atomique (AFM) est ainsi
ou haute température, la mobilité des atomes, régie par les lois de devenu un outil puissant et fort utile dans ce domaine.
la diffusion en surface ou dans le volume en subsurface, va Chaque marche et chaque cran constituent autant de sites à éner-
intervenir : comme la diffusion est activée théoriquement, ce phé- gie superficielle plus importante, ce qui leur confère une réactivité
nomène va produire des modifications et des réarrangements de la plus forte ; en d’autres termes, une surface est d’autant plus réac-
surface qui contribueront à l’ensemble des défauts de surface. tive, qu’elle est plus rugueuse à l’échelle atomique. Cela permet

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Référence Internet
M1425

APPROCHE SCIENTIFIQUE DES SURFACES. CARACTÉRISATION ET PROPRIÉTÉS ____________________________________________________________________

aussi d’expliquer pourquoi une surface courbe a une réactivité qui en catalyse qu’en corrosion, à l’aide de différentes techniques
dépend de son rayon de courbure ; en effet, quand celui-ci est faible, comme la photoémission X et ultraviolette (XPS et UPS) et la spec-
la densité de défauts de surface, et notamment de crans, est plus troscopie de pertes d’électrons. Des approches par simulation
grande que celle d’une surface à grand rayon. Ainsi, il a été montré, numérique et par dynamique moléculaire ont aussi contribué à ce
pour une surface présentant une pointe dont les rayons de courbure domaine, en particulier pour déterminer la forme des densités
principaux sont R1 et R2, que l’accroissement de potentiel chimique d’état. Ainsi, à titre d’exemple, on peut citer des travaux réalisés
∆U de cette surface, par rapport à une surface plane est : sur des plans (110) de dioxyde de titane TiO2-x , faiblement sous
stœchiométrique en oxygène, qui ont montré l’existence d’un état

1 ∆ U = Ω 冤冢 γ + d 2 γ /d θ 1 冣 1/ R 1 + 冢 γ + d 2 γ /d θ 2 冣 1/ R 2 冥
2 2
à 0,8 eV sous la bande de conduction ; cet état s’élargit avec l’aug-
mentation de l’écart à la stœchiométrie x, et peut même finir par
avec Ω volume atomique, chevaucher la bande de conduction [13] [14].
γ énergie (ou tension) superficielle, L’existence des liaisons coupées et des modifications des densi-
θi angle polaire décrivant une courbe tés électroniques associées prend toute son importance dans le cas
de rayon R i, des matériaux semi-conducteurs comme le silicium, le germanium
2 2 et l’arséniure de gallium. Dans ces matériaux pour lesquels les
d 2 γ /d θ 1 et d 2 γ /d θ 2 courbures du « γ-plot » dans les liaisons sont fortement covalentes donc dirigées, la création d’une
directions principales. surface ne peut pas modifier les longueurs de ces liaisons, et les
Toutes les informations récentes recueillies sur les surfaces propres angles d’hybridation des orbitales doivent être respectés. Les
confirment la présence de défauts : adatome, adlacune, marche, liaisons pendantes ainsi créées vont cependant entraîner des modi-
décrochement, etc. On constate aussi que, sur la dernière rangée ato- fications pour tenter de minimiser l’énergie superficielle : elles ne
mique d’une marche (lisière) comportant un décrochement ou cran, vont pas provoquer de relaxation accompagnée d’une augmenta-
le nombre de proches voisins n’est pas le même pour chaque atome. tion (dilatation) ou d’une diminution (compression) des distances
Si on élève la température d’un matériau comportant une telle surface interréticulaires, comme nous l’avons précisé ci-dessus, mais
avec défauts, les entropies de vibrations, plus fortes en surface qu’en s’accompagner d’une véritable reconstruction avec modification de
volume et les entropies de position (désordre) vont conduire à la la structure électronique en surface. Différents modèles, notam-
multiplication de défauts. ment pour le silicium, ont été proposés suivant les plans {111} ou
{100} par exemple. Tous ces modèles ont pour objectif de suppri-
mer le maximum de liaisons pendantes : ainsi dans un modèle
Les surfaces peuvent ainsi être classées de façon simple en récent appelé DAS (dimer adatom stacking fault ), le nombre de tel-
trois catégories : les liaisons n’est que de 19 au lieu des 49 de la maille 7 × 7 ; un tel
les surfaces singulières de grande densité atomique, dont modèle, comme son nom l’indique, fait intervenir des adatomes,
l’énergie de surface est minimale ; des dimères d’atomes et même des fautes d’empilement. Dans le
les surfaces vicinales, dont la désorientation est faible par même esprit, on a aussi étudié la reconstruction du plan {100} de
rapport aux plans de grande densité atomique ; ces surfaces métaux comme le platine, Pt, l’iridium, Ir, et l’or, Au [15].
peuvent être décrites par le modèle TLK, le nombre de marches
augmentant avec l’angle de désorientation ; Dans ces reconstructions, on peut aboutir à des transformations
les surfaces complexes qui vont présenter une rugosité structurales, d’où des transitions de phases. On imagine donc bien
importante, non décrite par le modèle précédent. que des méthodes permettant de localiser les atomes ou d’atteindre
les phases bidimensionnelles constituent des outils de choix pour
ce type d’étude. Nous renvoyons le lecteur à des ouvrages
spécialisés [16] à [20].

2. Approche physique
d’une surface 3. Approche thermodynamique
Ce que l’on vient de décrire pour les métaux, les céramiques et et énergétique d’une surface
plus généralement les composés ioniques, s’applique donc aussi
aux oxydes. Or, tout métal (sauf l’or) est recouvert au contact de
l’air d’un film d’oxyde (voire d’hydroxyde) dit naturel ; ce film est
très mince puisque son épaisseur, qui varie selon la nature du 3.1 Énergie de surface
substrat, est de quelques unités à une dizaine de nanomètres. Il en et tension superficielle
résulte que, suivant l’orientation de la surface, les premiers plans
présentent des caractéristiques électrostatiques variables.
À plusieurs reprises, dans ce qui précède, nous avons fait réfé-
La structure électronique des atomes est perturbée au voisinage rence à l’énergie de surface, aussi appelée énergie superficielle ou
d’une surface, en raison de la rupture des liaisons (liaisons pen- encore travail spécifique de surface. C’est une grandeur fort impor-
dantes) et des distorsions structurales. Même pour une surface tante, utilisée en thermodynamique des surfaces.
propre et idéale, ne comportant aucun défaut de structure ou de
composition (non stœchiométrie), la forme des bandes d’énergie
est perturbée par rapport à celle du volume ; ainsi, le partage des L’énergie de surface correspond à « l’excédent » d’énergie libre
électrons entre les anions et les cations est modifié et la bande qu’il faut fournir à l’aire A d’une surface donnée, pour l’augmenter
interdite (« gap ») est réduite. Ces changements sont d’autant plus d’un incrément (ou accroissement) dA, en tenant compte de la
marqués que le nombre de liaisons rompues est élevé. On peut en nécessité de rééquilibrer les liaisons atomiques superficielles et en
déduire que les surfaces idéalement planes sont peu réactives ; supposant que la température, le volume du solide et le nombre
quant aux marches, aux crans, voire aux lacunes (figure 3), tous de constituants (au sens de la règle des phases) restent constants.
ces défauts constituent des sites réactifs pour l’oxygène. L’étude
des défauts de surface présente donc un grand intérêt, non seule-
ment pour connaître l’état électronique, mais aussi pour en déduire Cette énergie est rapportée à l’unité d’aire de surface ; elle
la réactivité vis-à-vis du milieu environnant. C’est ce qui explique s’exprime en joules par mètre carré (J · m–2), mais des sous-multiples
que de nombreuses études expérimentales ont été réalisées, tant sont souvent utilisés.

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M 1 425 − 4 © Techniques de l’Ingénieur

14
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M1425

____________________________________________________________________ APPROCHE SCIENTIFIQUE DES SURFACES. CARACTÉRISATION ET PROPRIÉTÉS

Dans le cas des liquides, mais aussi des solides, on fait souvent Il peut être montré, en exploitant la relation exprimant l’énergie
appel à la notion de tension superficielle γ, grandeur caractéristique interne d’excès, que la variation de la tension superficielle est
de la surface et reliée au potentiel thermodynamique. L’unité de fonction des potentiels chimiques de tous les constituants du maté-
tension superficielle est le newton par mètre (N/m–1) ; comme pré- riau considéré sauf un et aussi de l’état réel de la surface. Cela rend
cédemment, il existe des sous-multiples. difficile les comparaisons des valeurs expérimentales, en raison des
différences dans les protocoles expérimentaux. Compte tenu de ce
qui précède, la tension superficielle va dépendre du plan cristallin
• Pour ces grandeurs, on trouve encore dans quelques
de la surface et plus précisément du caractère plus ou moins dense

1
ouvrages, des unités de l’ancien système CGS :
de celui-ci. La tension superficielle pour les métaux est voisine de
1 erg · cm–2 = 10–3 J · m–2 = 1 mJ · m–2
l’unité ; elle peut atteindre deux à trois joules par mètre carré pour
ou encore : 1 dyne · cm–1 = 10–3 N · m–1 = 1 mN · m–1
certains métaux comme le cuivre ou le tungstène. Il semblerait que
• Notons que pour beaucoup d’auteurs, l’énergie de surface
l’évolution de l’énergie superficielle avec le numéro atomique soit
et la tension superficielle sont confondues. Cela a pour consé-
assez semblable à celle de l’énergie de cohésion.
quence que cette dernière est aussi exprimée en joules par
mètre carré. Les considérations théoriques précédentes permettent de tirer
quelques conséquences en science et ingénierie des surfaces. Tout
Si on reprend les calculs présentés par A. Cornet et J.-P. d’abord, une surface idéalement propre est instable, cela résulte du
Deville [18], on peut écrire, pour la variation d’énergie interne, en fait que la tendance se fera en faveur d’une diminution du produit
séparant l’énergie de création d’une surface du travail mécanique γ A. En l’absence de toute espèce chimique dans le milieu envi-
résultant de l’action d’une pression P sur un volume V de matériau : ronnant (en ultravide), c’est le terme A qui va être modifié. En pré-
n sence de molécules étrangères, il y aura adsorption et/ou réaction.
d U = – P d V + T d S + γ d A + Σ i =1 µ i d N i (1) Toute surface fraîchement préparée se couvrira immédiatement
d’une couche de contamination (film d’oxyde, atomes chimisorbés,
avec T température thermodynamique (exprimée en Kelvin), molécules physisorbées) ; ainsi, l’adsorption de molécules orga-
S entropie, niques sera aisée. On peut aussi en déduire, ce qui est conforme
µ i potentiel chimique de l’espèce i, aux observations expérimentales, que le film d’oxyde naturel sera
toujours constitué dans sa partie externe, de l’oxyde correspondant
N i nombre de particules des espèces chimiques i. au degré d’oxydation le plus élevé du métal. De même, en pratique,
En introduisant dans l’expression générale précédente, la notion les surfaces carburées ou nitrurées seront très stables, ce qui est
de quantités d’excès définies dans le cadre de la thermodynamique mis en pratique industriellement. Les surfaces des matériaux poly-
de Gibbs, on aboutit à : mères sont aussi très stables, rendant délicate, voire difficile, toute
opération de dépôt métallique ; il faudra avoir recours à des modi-
n s
d U s = T d S s + γ d A + Σ i =2 µ i d N i (2) fications de surface par des méthodes adaptées, notamment par
plasma, pour traiter ces surfaces en vue de leur conférer d’autres
la création d’une surface étant par définition, une quantité d’excès. propriétés fonctionnelles.
Cette relation peut s’intégrer : Sur un plan concret, indiquons que la tension superficielle est à
l’origine de la rétention d’une goutte de liquide à l’extrémité d’un
n s
Us = TS s + γA + Σ i =2 µi N i (3) compte-gouttes et l’empêche de tomber. La notion de tension super-
ficielle gouverne aussi le phénomène de mouillabilité. Ce phéno-
En introduisant les différents potentiels thermodynamiques mène a beaucoup d’importance en élaboration des métaux et dans
d’excès associés aux quantités d’interface et/ou de surface, on leur mise en œuvre (brasage, soudage, galvanisation, traitements
obtient pour n composants : électrolytiques, fragilisation par les métaux liquides, adhésion
métal-polymère et conséquences en collage, etc.). Il permet aussi
n s
F s = γ A + Σ i =2 µ i N i (4) d’expliquer le rôle des liquides tensioactifs sur une surface et, de
n s
façon plus générale, d’expliquer l’effet Rehbinder.
Gs = Σ i =2 µi N i (5)
Ωs = γA (6)
avec Fs énergie libre de Helmholtz,
3.2 Mouillabilité et caractérisation
Gs enthalpie libre ou énergie libre de Gibbs, La tension superficielle concerne toutes les interfaces : liquide/gaz,
Ω s grand potentiel, solide/gaz et solide/liquide. Dans le domaine des surfaces des maté-
et dans le cas d’un seul composant (n = 1) : riaux, la dernière est particulièrement importante, puisqu’elle permet
de comprendre une partie du comportement des matériaux solides
F s = γ A et G s = 0 en présence d’un liquide. Quand une goutte d’un liquide donné est
déposée sur la surface d’un solide, elle s’étale et adopte une confi-
On constate que le terme γ est proportionnel à un potentiel ther- guration d’équilibre (figure 4). L’angle θ, dit de contact, résulte de
modynamique. L’évolution d’une surface non contrainte ne peut se l’équilibre des tensions des trois interfaces solide/liquide ( γ SL),
faire que par diminution du produit γ A. liquide vapeur (γ LV) et solide/vapeur (γ SV) ; ces grandeurs sont liées
Si l’aire de la surface est aussi modifiée, la solution est plus entre elles par la relation d’Young :
complexe, mais peut quand même être trouvée.
γ LV · cos θ = γ SV – γ SL (7)
En dérivant par rapport à A, la relation (4) exprimant F s pour n
constituants, on aboutit à :
n s
d F s /d A = γ + A d γ /d A + Σ i =2 µ i d N i
γLV
Cette relation montre que toute contrainte appliquée en surface γSL θ γSV
ou en son voisinage immédiat (zone de subsurface) va entraîner des
modifications de tension superficielle. Ces contraintes de surfaces
vont agir sur les modifications structurales évoquées ci-dessus
(relaxation et reconstruction). Figure 4 – État d’équilibre d’une goutte de liquide posée sur un solide

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AM3279

Étude et analyse des surfaces


de polymères solides
Propriétés mécaniques 1
et tribologiques
par Évelyne DARQUE-CERETTI
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis France
et Éric FELDER
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis France
et Bernard MONASSE
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis France

1. Propriétés mécaniques superficielles ....................................................... AM 3 279v2 - 3


1.1 Module d’élasticité et dureté...................................................................... — 3
1.1.1 Mise en œuvre des essais de nanoindentation ............................... — 3
1.1.2 Effet de taille....................................................................................... — 4
1.1.3 Étude des hétérogénéités de module d’élasticité ........................... — 5
1.2 Identification de la rhéologie des films minces
et des couches superficielles ..................................................................... — 5
1.3 Identification des propriétés viscoélastiques ........................................... — 6
2. Interactions normale et tangentielle avec un corps antagoniste........... — 7
2.1 Adhésion et adhérence............................................................................... — 7
2.1.1 Adhésion............................................................................................. — 7
2.1.2 Adhérence........................................................................................... — 9
2.1.3 Après traitement de surface.............................................................. — 9
2.2 Résistance à la rayure................................................................................. — 9
2.2.1 Formation de rayures ........................................................................ — 10
2.2.2 Influence du coefficient d’écrouissage............................................. — 10
3. Propriétés tribologiques des polymères................................................... — 11
3.1 Caractérisation du frottement et de l’usure .............................................. — 11
3.2 Mécanismes de frottement et effet de la force normale.......................... — 12
3.3 Influence du matériau................................................................................. — 12
3.4 Influence de la vitesse de glissement et de la température .................... — 13
3.5 Effet de la rugosité ...................................................................................... — 13
3.6 Effet de l’environnement ............................................................................ — 14
3.7 Effet de l’énergie dissipée (vitesse élevée) ............................................... — 14
3.8 Diagrammes de conditions d’utilisation tribologique ............................. — 15
4. Conclusion ................................................................................................... — 15
5. Glossaire ...................................................................................................... — 16
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AM 3 279v2

es propriétés de surface d’un matériau ont toujours une grande importance


L tant sur le plan scientifique que sur le plan des applications pratiques. Ces
propriétés sont extrêmement variées : thermodynamiques, physicochimiques,
Parution : mars 2016

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AM 3 279v2 – 1

17
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AM3279

ÉTUDE ET ANALYSE DES SURFACES DE POLYMÈRES SOLIDES _______________________________________________________________________________

optiques, géométriques (rugosité), mécaniques…. Elles découlent directement


de l’histoire (élaboration, mise en forme) du matériau et sont souvent diffé-
rentes de ses propriétés de volume. Cette problématique est particulièrement
importante dans le cas des polymères, matériaux moins denses, moins durs,
plus souples et plus sensibles à l’environnement que les alliages métalliques.
Par ailleurs, pour maîtriser l’aspect esthétique et les propriétés superficielles
des pièces, on utilise de plus en plus des revêtements polymères plus ou

1 moins épais dans les industries mécaniques, automobiles, optiques, agro-ali-


mentaires…. Leurs caractéristiques mécaniques conditionnent leur
comportement face aux agressions mécaniques (résistance aux chocs, à la for-
mation de rayures marquées, adhérence à un autre matériau) et lors de leur
glissement sur une pièce antagoniste : intensité du frottement, modes et
vitesse d’usure.
L’article [AM 3281] présente les propriétés physicochimiques superficielles
des polymères, leur modification et optimisation par un traitement de surface
physique ou chimique et leur évolution du fait du vieillissement du polymère.
Cet article présente les propriétés mécaniques et tribologiques.

Notations Notations

A m2 aire apparente de contact t s temps

Ac m2 aire de la surface de contact proje- T °C, K température


tée Tg, Tm °C, K température de transition viteuse,
e m épaisseur d’un film de fusion
E Pa module d’Young X – index d’indentation
E(t) Pa module de relaxation V m3 volume d’usure
E’ (ω), E” (ω) Pa module de conservation, de perte, v m.s–1 vitesse
composantes du module complexe
E(iω) w J.m–2 énergie d’adhésion

K Pa module hertzien du contact γ J.m–2 énergie superficielle

G J.m–2 taux de restitution de l’énergie χP, χh s–1 dérivée logarithmique de la force


P(t), de la pénétration h(t)
H Pa dureté
δS,P (J.m–3)1/2 paramètre de solubilité du milieu,
h m pénétration de l’indenteur du polymère
hc m hauteur de contact Δz m profondeur d’usure ou perte
hg – coefficient d’écrouissage de cote par usure

J(t) Pa–1 module de fluage – déformation généralisée

k Pa–1 vitesse d’usure s–1 vitesse de déformation généralisée

K Pa module hertzien de contact λ m longueur d’onde de l’onde incidente

K1c Pa.m1/2 ténacité σ m rugosité RMS

L m longueur de glissement σ0 Pa contrainte d’écoulement plastique


m – indice de viscosité τr Pa cission réelle de contact
p Pa pression de contact μ – coefficient de frottement (de Cou-
lomb)
P N force normale
υ – coefficient de Poisson
Pa N force d’adhésion
θ °, rad demi-angle au sommet d’un cône
r m distance radiale axisymétrique, angle de mouillage
R – réflectance
ω rad.s–1 pulsation d’une sollicitation sinusoï-
Ra m rugosité arithmétique dale
moyenne
r Indice réel (au niveau micro-
S N.m–1 raideur de contact scopique)

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AM 3 279v2 – 2

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AM3279

_______________________________________________________________________________ ÉTUDE ET ANALYSE DES SURFACES DE POLYMÈRES SOLIDES

Par contre, l’interprétation de l’essai sur les polymères, dont le


Acronymes comportement mécanique est généralement sensible à la vitesse
AFM microscope à force atomique de déformation (§ 1.2), nécessite quelques précautions opéra-
toires spécifiques (figure 1) [1].
DMTA Dynamic Mechanical Thermal Analysis (rhéologie – Il faut imposer un chargement à évolution exponentielle, tel
fréquentielle) que la dérivée logarithmique de la force (homogène à l’inverse
d’un temps) :
XPS spectroscopie de photoélectrons

ABS
HDPE
acrylonitrile-butadiène-styrène
polyéthylène de haute densité
(2)
1
soit constante, pour assurer une vitesse de déformation
moyenne constante au matériau. Cette vitesse est de l’ordre de
PC polycarbonate
0,1 χp ; la force et la pénétration sont alors des fonctions exponen-
PE polyéthylène tielles du temps, avec
χh = dh /(hdt) = χP /2
PES polyéthersulfone
la force prend alors la forme approchée :
PET polyéthylène téréphtalate
P = Ch2 (loi de Kick)
PMMA polyméthacrylate de méthyle avec C constante de Kick.
– Il faut imposer un temps de maintien à la force maximale, Δt,
PP polypropylène
de l’ordre de 30 à 300 s durant lequel se produit un fluage du
PS polystyrène matériau, puis décharger à la vitesse maximale, pour que le maté-
riau ne se déforme qu’élastiquement lors de la décharge et que la
PTFE polytétrafluoroéthylène mesure de la raideur de contact soit valide.

UHMWPE polyéthylène de très haute masse molaire Pour un matériau homogène et un indenteur parfaitement
conique sans défaut de pointe (conditions de la validité de la loi
de Kick), la raideur de contact S est proportionnelle à la pénétra-
tion. En pratique, on observe un écart à la linéarité pour les faibles
pénétrations, pour deux raisons :
1. Propriétés mécaniques – il est difficile sur les polymères, matériaux souples, de détecter
superficielles le point de début de pénétration effective dans le matériau ;
– l’indenteur présente un défaut de pointe ; son effet sur l’évolu-
tion de la force est analysé ci après.
1.1 Module d’élasticité et dureté L’extrapolation à 0 de la partie linéaire de l’évolution de S avec
h permet de définir une pénétration effective prenant en compte
ces effets :
1.1.1 Mise en œuvre des essais
de nanoindentation he = h + h0
La grandeur h0 est appelée correction de défaut de pointe (et
À l’échelle de la fraction de micromètre, de 0,05 à quelques μm, de zéro). On décale donc toutes les pénétrations de h 0. Pour sim-
les essais de nanoindentation permettent de mesurer le module plifier, par la suite la même notation pour hmax ainsi corrigée sera
d’Young E et la dureté H de la surface des matériaux. Ces essais, utilisée. Pour les polymères, la hauteur effective de contact hc et
dits d’indentation instrumentée, consistent à enfoncer dans le l’aire de la surface de contact projetée sur la surface initiale de
matériau un indenteur en diamant, généralement une pyramide
Berkovich à base triangulaire, équivalente au sens du volume
déplacé à une pyramide à base carrée Vickers [M4154] et sui-
vants, [M4160]. On mesure généralement la pénétration h de
l’indenteur pour des incréments successifs de force normale P,
jusqu’à une force maximale Pmax, qui produit l’enfoncement maxi- χP = dP /(Pdt ) = Cte Fluage de matériau
mal hmax, puis son retrait lors de décréments de la force normale. P = C h2 Ralentissement de l’indenteur
On en déduit la pente de décharge initiale : Pmax

Décharge
(1)
inélastique

La grandeur S, appelée raideur de contact, joue un rôle fonda- P


mental dans l’interprétation de l’essai.

Typiquement sur les polymères, tels que le polycarbonate


(PC), pour Pmax = 1 mN, hmax est de l’ordre de 0,5 μm et la rai-
S = dP /dh
deur de contact S de l’ordre de 0,01 mN/nm, valeur bien infé-
rieure à la raideur de la colonne de mesure des appareils
commercialisés (de l’ordre de 10 mN/nm). La déformation de hmax
h
l’indenteur (élastique) est également négligeable : la pratique
d’essais sur polymères est donc de ce point de vue plus
Figure 1 – Procédure d’essai d’indentation instrumentée sur un
simple que sur métaux ou sur céramiques. polymère homogène

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AM 3 279v2 – 3

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AM3279

ÉTUDE ET ANALYSE DES SURFACES DE POLYMÈRES SOLIDES _______________________________________________________________________________

80 nm
380 200

360 150
200 nm

εR (%)
Tg (K)

340 100

320 50

300 0
20 100
0 20 40 60 80 100
e (nm)
Teneur en caoutchouc
(% massique)
a effet de l’épaisseur e d’un film libre b effet de la taille des inclusions d’élastomères (80 ou 200 nm)
sur sa température de transition vitreuse Tg sur la déformation à la rupture εR

Figure 2 – Effets de taille dans le polystyrène (PS) [3]

l’échantillon Ac à la force maximale peuvent être estimées par les 1.1.2 Effet de taille
formules simples [2] :
Les polymères présentent des effets de taille, c’est-à-dire que
(3) leurs propriétés dépendent des dimensions du volume concerné.

avec S raideur de contact. La figure 2 [3] illustre deux effets de taille sur le polystyrène (PS).
On en déduit le module d’Young E et la dureté H du matériau :
La température de transition vitreuse Tg augmente avec l’épais-
(4) seur d’un film libre : son module et sa limite d’élasticité seraient
donc plus faibles que pour un matériau massif. Cet effet est cohé-
rent avec les mesures de décroissance de Tg quand l’épaisseur du
avec υ coefficient de Poisson du polymère (0,3 à 0,45). film libre diminue. Par ailleurs, la déformation à la rupture d’un
Pour l’indentation d’un matériau de module d’élasticité polystyrène est fortement augmentée par l’addition de nanoparti-
E* = E /(1 – υ 2) cules d’élastomère à partir d’une certaine concentration. L’effet à
forte concentration est d’autant plus marqué que les nanoparti-
et de contrainte d’écoulement plastique σ0 par un cône de révolu- cules ont un diamètre plus petit. L’addition de nanoparticules de
tion de demi-angle θ, on définit l’index d’indentation X : silice en forte teneur à un polymère réticulé augmente considéra-
blement ses capacités d’écrouissage (§ 2.2).
(5)
Sur le plan mécanique, on observe souvent une augmentation
Pour les pyramides Berkovich et Vickers, le cône axisymétrique de dureté quand la pénétration diminue [4]. Il semble que cet effet
équivalent au sens du volume de matière déplacé a un angle de taille en indentation ISE (Indentation Size Effect) dépend de la
θ = 70,3°. X représente le rapport entre l’ordre de grandeur de la structure des macromolécules.
déformation imposée par l’indenteur (cot θ) et la déformation élas-
tique du matériau en traction ou compression (σ0 /E*). H/σ0 est une Il est absent dans le polyéthylène à très haute densité (UHDPE) et
fonction croissante de X. Pour les polymères, dont la déformation le polytétrafluoroéthylène (PTFE), polymères à chaînes linéaires : leur
élastique est importante, l’index d’indentation pour une pyramide dureté est indépendante de la pénétration. Mais la dureté de l’époxy,
Berkovich ou Vickers est de l’ordre de 8 à 15, ce qui implique que du polyéthylène térephtalate (PET), du polycarbonate (PC) augmente
la dureté dépend du module d’élasticité et de la contrainte d’écou- significativement pour h < 2 µm (figure 3a) [4]. La dureté du nylon 6-6
lement plastique du matériau, avec H ≈ (2 à 2,4)σ 0. Ce point sera augmente pour des pénétrations plus faibles, pour h < 0,1 µm. Cet
précisé au § 1.2. À l’opposé, pour la plupart des matériaux métal- effet peut être très important sur des matériaux caoutchouteux
liques, l’index d’indentation dépasse 50 et la dureté H ≈ 3 σ0 . Si le (figure 3b) [4].
polymère a des propriétés mécaniques homogènes au voisinage
de sa surface, les valeurs de E et H mesurées, à χP imposée, sont
indépendantes de la valeur de la force normale appliquée, aux En première approximation, cet effet peut être décrit empirique-
incertitudes de mesure et à l’effet de taille près (§ 1.1.2). Dans le ment par une loi simple : la dureté est une fonction linéaire de
cas contraire, les grandeurs ainsi mesurées représentent la valeur l’inverse de la pénétration 1/h :
moyenne du module d’Young et de la dureté sur une profondeur
de l’ordre de 5 à 10 fois hmax. Néanmoins, la mesure des proprié- (6)
tés d’extrême surface est délicate compte tenu des remarques pré-
cédentes sur les phénomènes à faible pénétration.
avec H∞ dureté à forte pénétration ou dureté
macroscopique,
Les divers approfondissement possibles de cette technique ℓ longueur caractéristique de l’effet de taille.
de mesure et l’intérêt de la mesure de la dureté, évoqués ci- On observe également un effet de taille dans l’indentation des
après, permettent entre autres applications d’apprécier la métaux. Pour les métaux, cet effet serait dû au fait que la défor-
rhéologie du polymère et d’évaluer sa résistance à la rayure.
mation hétérogène de petits volumes nécessite des dislocations,

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AM 3 279v2 – 4

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AM3281

Étude et analyse des surfaces


de polymères solides
Propriétés physicochimiques 1
par Évelyne DARQUE-CERETTI
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis
Éric FELDER
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis
et Bernard MONASSE
Docteur ès sciences, Maître de recherches, MINES ParisTech, PSL – Research University,
CEMEF – Centre de mise en forme des matériaux, CNRS UMR 7635, Sophia Antipolis

1. Rappels sur les surfaces de polymères ............................................. AM 3 281 - 3


1.1 Notion de surface. Énergie et tension de surface .................................... — 3
1.2 Matériau polymère de volume et de surface............................................ — 3
2. Aspect dynamique des surfaces ......................................................... — 6
2.1 Températures et comportements caractéristiques .................................. — 6
2.2 Approche théorique .................................................................................... — 7
2.3 Approche expérimentale ............................................................................ — 8
2.4 Commentaires ............................................................................................. — 10
3. Propriétés de surface et d’interface .................................................. — 10
3.1 Propriétés physico-chimiques.................................................................... — 10
3.2 Propriétés optiques : brillance ................................................................... — 11
4. Modification des surfaces de polymères.......................................... — 12
4.1 Traitements chimiques ............................................................................... — 12
4.2 Traitements physiques ............................................................................... — 13
4.3 Modification par ségrégation..................................................................... — 15
4.4 Nouveaux traitements ................................................................................ — 17
5. Vieillissement des surfaces.................................................................. — 17
5.1 Photovieillissement..................................................................................... — 17
5.2 Vieillissement suite au traitement ............................................................. — 18
6. Conclusion................................................................................................. — 18
7. Glossaire .................................................................................................... — 19
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AM 3 281

es propriétés de surface d’un matériau ont toujours une grande importance


L tant sur le plan scientifique que sur le plan des applications pratiques. Sur
le plan thermodynamique, la surface possède une énergie libre en excès γ qui
conditionne sa réactivité chimique superficielle et le succès d’une opération
d’assemblage par collage par exemple. L’aspect esthétique du produit fini
influence souvent sa valeur marchande. La surface est le lieu de phénomènes
produisant des évolutions majeures du matériau et conditionnant sa durée de
Parution : mars 2016

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AM 3 281 – 1

21
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AM3281

ÉTUDE ET ANALYSE DES SURFACES DE POLYMÈRES SOLIDES _______________________________________________________________________________

vie : formation de fissures par fatigue thermomécanique, dégradation par cor-


rosion, interactions mécaniques avec un autre matériau solide responsable de
la formation de rayures, du décollement d’un film, du frottement et de son
usure... Les propriétés du matériau découlent de son histoire (élaboration et
mise en forme) et elles sont très souvent significativement différentes en
volume et en extrême surface. La mesure des propriétés d’extrême surface est
donc à la fois un problème important et difficile, nécessitant le plus souvent

1 des techniques spécifiques. Ces problèmes sont particulièrement notables


pour les polymères, matériaux peu denses et aux molécules relativement
mobiles à température ambiante, donc plus sensibles à l’environnement (tem-
pérature, gaz, humidité, liquide) que la plupart des alliages métalliques
courants. Par ailleurs, on utilise de plus en plus des revêtements polymères
pour maîtriser l’aspect esthétique des pièces dans les industries mécaniques,
automobiles, optiques, agro-alimentaires….
Cet article complète l’article [AM3279] consacré aux propriétés mécaniques
et tribologiques. Le procédé de mise en forme induit naturellement une hété-
rogénéité d’organisation moléculaire dans l’épaisseur des pièces. De ce fait,
les surfaces de polymère ont une organisation spécifique qui se conjugue
avec la présence d’une surface libre. L’aspect dynamique des surfaces de
polymères présentent une mobilité moléculaire différente de celle du volume.
L’organisation superficielle, dépendant du procédé de mise en forme, a des
conséquences sur les propriétés optiques ainsi que sur la réactivité au vieillis-
sement, aux traitements de surface et à l’adhérence des surfaces.

Principaux symboles Principaux sigles


A m2 aire apparente de contact AFM microscope à force atomique
D m2.s–1 coefficient de diffusion AES spectroscopie d’électrons Auger
e m épaisseur d’un film ATR Attenuated Total Reflection
G – brillance DSC analyse calorimétrique différentielle
n – indice de réfraction IR-TF spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier
LET énergie transférée linéairement par nm
Pa N force d’adhésion
SIMS spectrométrie d’ions secondaires induits
R – réflectance par bombardement ionique
Ra m rugosité arithmétique moyenne XPS spectrométrie de photoélectrons induits par
s N.m–1 tension de surface des rayons X
t s temps ABS acrylonitrile-butadiène-styrène
T °C, K température BOPP polypropylène bi-orienté
HEMA hydroxyéthylmétacrylate
Tg, Tm °C, K température de transition vitreuse,
de fusion HDPE polyéthylène de haute densité
w J.m–2 énergie d’adhésion PC polycarbonate
γ J.m –2 énergie superficielle PDMS polydiméthylsiloxane
δS, P (J.m–3)1/2 paramètre de solubilité du milieu, du PE polyéthylène
polymère PEO polyoxyéthylène
λ m longueur d’onde de l’onde incidente PES polyéthersulfone
σ m rugosité RMS PET polyéthylène téréphtalate
θ °, rad demi-angle au sommet d’un cône PMMA polyméthecrylate de méthyle
axisymétrique, angle de mouillage PP polypropylène
<r > valeur moyenne d’une grandeur r PS polystyrène
r indice réel (au niveau microscopique) PTFE polytétrafluoroéthylène
PVDF polyfluorure de vinylidène
UHDPE polyéthylène ultra-haute densité
UHMWPE polyéthylène de très haute masse molaire

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1. Rappels sur les surfaces l’orientation), donc (dγ /dΩ ) est différent de zéro. En général pour
un solide, l’énergie de surface n’est pas égale à la tension. Cet
de polymères aspect est particulièrement important, car souvent la différence est
négligée dans la littérature.
Les polymères, matériaux peu denses, ont une énergie de
On appelle polymère toute substance composée de macro- surface généralement faible ; entre 0,01 et 0,05 J.m–2 contre 0,5 à
molécules. Les plus connues sont les fibres naturelles (bois, 3 J.m–2 pour les métaux. Malgré sa faible valeur, elle peut jouer

1
papier, coton, cuir, soie, laine…), les matières plastiques, les un rôle important. En effet, sur le plan thermodynamique, tout
caoutchoucs, les colles, les peintures et les résines. transfert de matière à la surface par diffusion ou adsorption pro-
duisant une diminution significative de l’énergie de surface tend à
se produire, dans la mesure où la mobilité des espèces correspon-
Ils sont très utilisés pour les matrices des matériaux composites dantes est suffisante. La diminution de l’énergie de surface
et sont généralement souples (module d’Young < 3 GPa) et légers conduit souvent à une ségrégation de certains composants du
(densité < 1,5). polymère. Cela est souvent vrai pour les surfaces de mélanges de
polymères.

Dans cet article, on traite essentiellement des polymères Exemple


synthétiques et solides : les plastiques, les caoutchoucs et les Certains mélanges de PMMA [poly(méthacrylate de méthyle)] et
résines solides. de PVDF [poly(fluorure de vinylidène)] présentent un des très rares
exemples de miscibilité dans le volume, même à la température
ambiante, pour des concentrations de 0 à 35 % de PMMA. L’analyse
1.1 Notion de surface. Énergie et tension de l’extrême surface de ces mélanges, après un long temps de main-
tien à l’état fondu, montre un enrichissement de la surface solide en
de surface PVDF, le polymère qui a la plus basse énergie superficielle. Cela
conduit donc à un gradient de la concentration en PVDF dans les
couches sous-jacentes Le comportement de surface est différent de
Dans le langage usuel, la surface d’un matériau est sa fron- celui du volume.
tière avec l’atmosphère ou tout milieu gazeux ou liquide. C’est
la partie visible du matériau. En science des matériaux, la sur- La diminution de l’énergie de surface conduit donc à une migra-
face a une définition plus générale : c’est la frontière entre deux tion des matériaux, surtout de basses masses molaires vers la
milieux homogènes. surface. Ceux-ci sont composés à la fois du polymère de base et
des additifs ou plastifiants ajoutés. La diminution de l’énergie de
Une surface a une certaine épaisseur, qui correspond à un gra- surface conduit également à l’adsorption sur la surface de subs-
dient de propriétés. Pour un polymère, suivant les propriétés envi- tances provenant de l’environnement. Celles-ci peuvent être des
sagées, l’épaisseur peut varier du nanomètre, pour la molécules gazeuses, des solides. Elles peuvent être mobiles et
contamination chimique, à la dizaine de micromètres pour la mor- migrer de la surface vers l’intérieur du polymère, conduisant à des
phologie cristalline. Ces différentes échelles sont présentées dans gonflements et à la plastification des régions superficielles.
le paragraphe 1.2. Il en résulte que le choix de l’analyse d’une pro-
priété conditionne celui de la technique de caractérisation (§3).
1.2 Matériau polymère de volume
Les propriétés de surface diffèrent de celles du volume. Cela est
dû à la force thermodynamique qui tend à ce que l’énergie de sur- et de surface
face ait sa valeur la plus faible possible. La région de surface est
Au-delà d’une approche globale de type « milieux continus »,
sujette aux forces intermoléculaires provenant seulement de des-
commune à tous les matériaux, il est nécessaire de tenir compte
sous la surface.
de la spécificité du matériau polymère, qui peut être décrite à dif-
Cette inégalité d’interactions avec l’environnement moléculaire férentes échelles.
voisin conduit au concept d’énergie de surface γ. Cette dernière
est définie comme le travail dépensé pour créer de manière réver-
sible une surface d’aire unité. Elle doit être distinguée de la ten- 1.2.1 Classification des polymères
sion de surface σ qui est reliée au changement de l’énergie libre Les polymères sont, en effet, des macromolécules constituées
d’Helmholtz dF σ associé à une augmentation d’aire dΩ. La relation par la répétition d’une (cas des homopolymères) ou de plusieurs
entre γ et σ est établie comme suit : le travail pour augmenter (cas des copolymères) unités constitutives, groupes d’atomes liés
l’aire d’un solide isotrope de dΩ est σ dΩ et le travail requis doit par des liaisons covalentes. Ces enchaînements covalents peuvent
être égal à l’accroissement d’énergie de la surface totale Ω multi- se développer le long d’une chaîne linéaire ou dans les trois direc-
pliée par γ : tions de l’espace (cas des polymères réticulés) :
σ dΩ = dF σ = d(Ω γ ) – les polymères linéaires ou ramifiés contiennent couramment
soit de 1 000 à 100 000 unités constitutives. Cette classe correspond
aux thermoplastiques ;
(1) – les polymères réticulés recense les thermodurcissables (fort
– Pour un liquide, chaque extension ou contraction de la surface degré de réticulation) et les élastomères (faible degré de réticula-
se fait avec à un flux moléculaire entre les régions de volume tion).
sous-jacentes et la surface, et cela sans changement de composi- Du fait des possibilités de rotation autour des liaisons cova-
tion, ce qui entraîne que : lentes (ou segments), une macromolécule linéaire isolée peut
adopter, à haute température, un très grand nombre de positions
dγ /dΩ = 0 et σ = γ
dans l’espace : les conformations. En condition statique, à la suite
Ainsi, l’énergie de surface γ d’un liquide est égale à sa tension d’un très long temps qui permet d’atteindre l’équilibre thermody-
de surface σ. namique, la chaîne adopte la forme d’une pelote statistique dont
– Pour un solide, la surface est déformée par extension ou la conformation évolue continuellement, tout en conservant la
contraction, causant un changement dans la densité de surface (et même énergie. À basse température, localement la molécule peut

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1
a polyéthylène PE : zigzag planaire

b polypropylène PP : hélice

Figure 1 – Exemples de conformations régulières

adopter une conformation d’énergie potentielle minimale dépen- par les molécules voisines. Ces contraintes qui sont temporaires
dant de la structure moléculaire : hélice ou zig-zag planaire se renouvellent pour former un réseau à faible durée de vie. La
(figure 1). durée d’existence de ces enchevêtrements augmente fortement
quand la température diminue. Lorsque cet écoulement est couplé
à un refroidissement, dans un procédé de transformation, les
1.2.2 Domaines de température molécules s’orientent encore plus et cette orientation est figée à
À l’état solide, les polymères linéaires peuvent exister sous basse température, à l’état solide. Cet effet d’orientation est géné-
forme soit totalement amorphe, soit partiellement cristalline. À ralement important en surface des pièces polymère transformées,
l’état amorphe, les macromolécules sont imbriquées de façon ce qui confère une organisation de surface souvent différente de
complexe dans un état globalement « figé » en raison du blocage celle du cœur de la même pièce. Par contre, pour les polymères
des mouvements moléculaires responsables des changements de réticulés par réaction chimique in situ dans le procédé de mise en
conformation : c’est le phénomène de transition vitreuse, tradi- forme à partir de molécules monomères, il n’y a pas de rôle de
tionnellement caractérisé par une température Tg . La transition l’écoulement sur l’organisation moléculaire. Du fait du réseau per-
vitreuse se traduit par la variation rapide de nombreuses proprié- manent, on observe simplement deux types de comportements
tés du matériau : coefficient de dilatation thermique, chaleur spé- mécaniques : vitreux au-dessous de Tg, et caoutchoutique au-
cifique, module d’élasticité, viscosité, élongation à la rupture, dessus.
limite d’élasticité etc. Lorsque la température décroît encore, seuls
des mouvements et réorganisations de plus en plus locaux sont 1.2.4 Morphologie cristalline
possibles, qui, lorsqu’ils se bloquent, donnent lieu à des transi-
tions secondaires. On peut définir trois domaines de température Si certains polymères (polystyrène (PS), polycarbonate (PC),
principaux : polyméthacrylate de méthyle (PMMA), thermodurcissables) sont
– le domaine du recuit : Tg – ΔT < T < Tg , avec ΔT de l’ordre de totalement amorphes à l’état solide, de nombreux autres, en
quelques dizaines de degrés Celsius. La mobilité moléculaire est revanche, comme le polyéthylène (PE) ou le polytétrafluoroéthy-
suffisante pour que les molécules se réorganisent globalement lène (PTFE) ont la faculté de cristalliser du fait de la régularité de
pour atteindre l’équilibre thermodynamique après une longue leur structure moléculaire. Cette régularité chimique permet aux
durée ; chaînes d’adopter localement une conformation régulière – hélice
ou zig-zag – donnant une forme étendue à la chaîne. La structure
– le domaine du « vieillissement physique » : Tβ < T < Tg – ΔT,
cristalline est alors constituée par l’assemblage latéral périodique
avec Tβ la température d’une transition secondaire. Le matériau
de ces chaînes étendues. Elles sont liées latéralement par des
évolue localement, mais ne peut revenir à l’équilibre global, même
interactions de van der Waals ou des ponts hydrogène. Pour des
dans un temps historique ;
raisons cinétiques l’épaisseur de ces cristaux est limitée à 5-
– T < Tβ : le matériau est figé et n’évolue plus du tout. 15 nm, selon la température de cristallisation, la nature du
polymère et l’intensité de l’écoulement. Les lamelles cristallines,
1.2.3 Orientation des molécules de faible épaisseur, s’arrangent localement parallèlement entre
elles et sont séparées par de la phase amorphe du même
Dans un procédé de transformation, les molécules se déforment polymère. La notion de taux de cristallinité permet de quantifier,
sous écoulement à l’état fondu. Leur étirement résulte de en masse et en volume, le pourcentage de phase cristalline dans
contraintes topologiques, appelées enchevêtrements, imposées un échantillon.

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Les conditions thermiques, d’écoulement et de contact avec un même si le mécanisme de figeage des molécules est différent
moule modifient fortement la taille et l’épaisseur des cristaux, leur (transition vitreuse / cristallisation).
orientation par rapport à la surface du matériau et le taux de cris-
tallinité. On observe donc une grande diversité de morphologies,
dont les particularités peuvent avoir un effet sur les propriétés de Ces concepts de structures et de morphologies, aux diffé-
surface. rentes échelles, ont été largement utilisés pour interpréter les
En condition statique (sans écoulement), généralement dans le propriétés de volume des polymères. Ils interviennent bien
évidemment dans les propriétés de surface, du fait de l’orien-

1
volume se forment des sphérolites (figure 2a) qui sont constitués
d’un arrangement de lamelles cristallines radiales séparées par de tation lamellaire et de la phase amorphe par rapport à la sur-
la phase amorphe. La vitesse de croissance de ces lamelles, à par- face. Ainsi, par exemple, le coefficient de diffusion est
tir d’un germe, est la même quelle que soit l’orientation de la quasiment nul dans un cristal alors qu’il est important dans la
lamelle, ce qui produit une croissance sphérique (sphérolite) phase amorphe. La diffusion moléculaire à partir de la surface
jusqu’à la rencontre avec les sphérolites plus proches voisins. La va fortement dépendre de l’orientation des lamelles cristal-
vitesse de croissance radiale des sphérolites est la vitesse de lines en surface.
croissance des lamelles cristallines. Il faut noter dans les premiers
stades de la croissance que des gerbes se forment à partir du
germe et que leur développement donne ensuite lieu à la forma- 1.2.5 Au niveau des forces interatomiques
tion du sphérolite proprement dit (zone centrale de la figure 2a). et intermoléculaires
Sous écoulement, l’orientation moléculaire produit une ani-
sotropie de vitesse de croissance, modifie la forme à partir des Ce sont principalement les forces de van der Waals et les interac-
sphérolites et va figer partiellement l’orientation moléculaire dans tions acide-base, au sens de Lewis, qui interviennent à courte dis-
la phase amorphe. On peut observer pour des écoulements tance (< 1 nm) entre chaînes, et les forces électrostatiques à plus
d’intensité croissante : grande distance (> 10 nm). Il existe actuellement une littérature volu-
mineuse sur l’effet des interactions acide-base. Notons que la plu-
– des sphérolites aplatis dont la direction de croissance rapide
part des polymères synthétiques sont inertes à la surface, c’est-à-
est perpendiculaire à l’écoulement (figure 2b) ;
dire qu’ils ne permettent pas la création de liaisons covalentes avec
– des morphologies en gerbes se développant perpendiculaire-
l’environnement, par fonctionnalisation chimique. Il faut donc, dans
ment à l’écoulement (figure 2c). Leur croissance est bloquée et ne
certains cas, la créer artificiellement en surface (cf. § 4).
peut atteindre celle des sphérolites aplatis ;
– des cylindrites : empilements à symétrie cylindrique de fines Ainsi, une surface de polymère ayant des charges électrosta-
lamelles croissant perpendiculairement à l’écoulement formées à tiques, immergée dans l’eau ou dans un solvant ayant une permit-
partir d’une fibrille centrale orientée dans la direction de l’écoule- tivité relative (constante diélectrique) forte, peut accroître la
ment (figures 2d et 2e) ; charge sous l’effet de deux processus :
– des microfibrilles orientées dans la direction de l’écoulement et – l’ionisation d’un groupe qui requiert la dissociation de groupes
dépourvues de lamelles (figure 2f ). tels que les carboxyles, les sulfates ou les amines présents à la
L’intensité de l’écoulement augmente fortement la densité de surface, ou introduits intentionnellement ou par inadvertance ;
germes, amorce la croissance cristalline, ce qui réduit d’autant la – l’adsorption de molécules chargées contrôlées et de même
distance entre premiers voisins. La taille des morphologies décroît signe qui permet la construction de surfaces chargées.
fortement pour passer de quelques dizaines de micromètres, pour
les sphérolites, à quelques dizaines de nanomètres pour le dia-
mètre des microfibrilles. Ces microfibrilles se rapprochent de Adsorption de surfactants ioniques, naturels ou synthé-
celles observées dans les polymères naturels (cellulose, protéines) tiques
qui se forment par cristallisation en cours de polymérisation. Le L’action combinée des forces de van der Waals, à courte dis-
mécanisme est donc différent, mais donne des organisations simi- tance, et des forces électrostatiques, à grande distance, est
laires. décrite par la théorie de la stabilité DVLO (Derjaguin, Landau,
Par ailleurs, le gradient thermique, induit par le refroidissement Vervey et Ovabeck : scientifiques de l’école de physique russe
intense de la surface d’un polymère fondu, est susceptible de des années 1940)
modifier la forme des sphérolites qui tend à devenir parabolique
et deviennent des comètes (figure 2g). L’orientation est perpendi-
culaire à la surface et les cristaux se développent dans la direction 1.2.6 Au niveau des conformations accessibles
de l’épaisseur. Enfin, la présence de surfaces d’autres matériaux, et de la mobilité moléculaire
telles que les parois d’outillage, peut induire une intense germina-
tion de surface, ce qui limite fortement la croissance cristalline A priori, il est intuitif de penser qu’une molécule de la surface
dans les directions parallèles à la surface, du fait de la proximité est moins liée qu’une molécule du volume et a ainsi plus de mobi-
des germes premiers voisins. La croissance lamellaire ne peut se lité. Il devrait donc exister à la surface une légère diminution de la
produire que perpendiculairement à la surface. Un tel phénomène température de transition vitreuse Tg (cf. § 2 et figure 3).
a reçu le nom de transcristallinité (figure 2h).
La diffusion de petites molécules résultant soit de l’absorption
Les conditions thermiques et mécaniques (écoulement) sont de substances provenant de l’environnement, soit de la migration
couplées durant les procédés de transformation des polymères. de produits contenus dans le volume peut accroître la mobilité
Ces conditions qui varient très fortement dans l’épaisseur des moléculaire au sein d’une matrice amorphe et avoir un rôle plasti-
pièces sont à l’origine d’une très grande hétérogénéité d’organisa- fiant par abaissement de Tg .
tions semi-cristallines dans l’épaisseur. Si généralement les sphé-
rolites, plus ou moins déformés, sont observés au cœur des pièces
(zone de cœur), les autres organisations se retrouvent dans la zone 1.2.7 Au niveau des morphologies,
superficielle (zone de peau) et plus particulièrement en surface. dans les polymères semi-cristallins
C’est une cause fondamentale de différence entre la surface et le
volume des polymères transformés. Cet effet est important dans Plusieurs aspects peuvent être mentionnés :
les pièces injectées mais se retrouve également en filage et dans – l’orientation moléculaire de la phase amorphe peut augmenter
une moindre mesure en extrusion. De plus, les mêmes phéno- Tg et réduire le coefficient de diffusion. La diffusion, qui se produit
mènes d’orientation apparaissent dans les polymères amorphes dans la phase amorphe, va être tributaire non seulement de la

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Métrologie des surfaces

par Patrick BOUCHAREINE


1
Ancien élève de l’École normale supérieure
Professeur à l’École supérieure d’optique et à l’Université Paris-Sud

1. États de surface et écarts de forme ................................................... R 1 390 - 2


2. Fréquences spatiales à deux dimensions.......................................... — 3
3. Écarts de forme ........................................................................................ — 4
3.1 Contrôles de circularité ............................................................................... — 4
3.2 Contrôles de rectitude ................................................................................. — 4
3.2.1 Généralités .......................................................................................... — 4
3.2.2 Méthode optique par lunette autocollimatrice................................. — 5
3.2.3 Mesure de rectitude par interférométrie laser ................................. — 5
3.2.4 Fonction de transfert d’un palpeur en deux points ......................... — 6
3.2.5 Planéité et rectitude............................................................................ — 6
3.3 Contrôles de surfaces optiques par la lumière ......................................... — 7
3.4 Contrôle de surfaces optiques par interférométrie................................... — 7
3.5 Contrôle des plans optiques par l’interféromètre de Fizeau.................... — 8
3.5.1 Généralités .......................................................................................... — 8
3.5.2 Mesures de rectitude et de planéité indépendantes
de la référence ............................................................................................. — 9
4. Contrôle des défauts de courtes périodes spatiales.
Profilométrie par faisceau laser .......................................................... — 10
5. Rugosité...................................................................................................... — 11
5.1 Paramètres de rugosité ............................................................................... — 11
5.2 Méthodes mécaniques par palpeur ........................................................... — 11
5.2.1 Généralités .......................................................................................... — 11
5.2.2 Filtrage lié au palpeur mécanique..................................................... — 11
5.3 Étalonnage des palpeurs pour la mesure des rugosités .......................... — 12
5.4 Méthodes optiques...................................................................................... — 13
5.4.1 Généralités .......................................................................................... — 13
5.4.2 Palpeurs optiques différentiels.......................................................... — 14
6. Au-delà de la rugosité, les nouvelles microscopies,
sondes de surface .................................................................................... — 14
7. Conclusion ................................................................................................. — 15
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. R 1 390

L a surface d’un solide est un domaine à deux dimensions où se situent les


interactions du solide avec le monde extérieur. La physique des surfaces a
beaucoup progressé en cette deuxième moitié du vingtième siècle, et de nom-
breux domaines d’activités industrielles sont directement concernés par cette
discipline. C’est à la surface d’un solide que se produisent les réactions chimi-
ques qui la font évoluer et que se manifestent les phénomènes de frottements,
d’usure, des adsorptions de contaminants divers. Depuis la métrologie des mas-
ses jusqu’au fonctionnement des paliers, depuis les états rectifiés des surfaces
Parution : septembre 1999

mécaniques jusqu’au superpoli des surfaces optiques, la métrologie des surfa-


ces joue un rôle essentiel dans le contrôle de composants mécaniques, optiques
ou électroniques.

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MÉTROLOGIE DES SURFACES _____________________________________________________________________________________________________________

Les propriétés d'une surface sont extraordinairement nombreuses et


complexes. On cherche à les caractériser par des paramètres simples qui ne
donneront bien évidemment jamais une représentation complète de ces proprié-
tés. C'est pourquoi l'expérience est essentielle pour pouvoir déduire des obser-
vations la réponse à la question : la surface remplira-t-elle correctement ses
fonctions ?
Dans la plupart des normes qui traitent des surfaces, l'examen visuel et tactile
1 est souvent le premier cité. Quoique qualitatif, il représente souvent une syn-
thèse de paramètres difficilement quantifiables par d'autres moyens : texture,
teinte, aspects en lumières diverses, sensations mécaniques et thermiques.
Comme pour un médecin qui sait voir dans une radiographie ou un scanner les
éléments qui lui permettront de déterminer son diagnostic, l'expérience seule
permet à un ingénieur ou à un technicien de tirer des images directes ou indirec-
tes mises à notre disposition par l'instrumentation moderne, les conclusions sur
la conformité de la surface à un cahier des charges particulier.
Nous analyserons dans cet article diverses méthodes qui permettent de carac-
tériser les surfaces par leurs propriétés géométriques macroscopiques (forme :
rectitude, planéité ou circularité), et microscopiques (rugosité). Nous décrirons
quelques instruments permettant d'accéder à ces propriétés et nous en citerons
d'autres comme les microscopes en champ proche ou les microscopes à force
atomique.
Nota : nous ne parlerons pas de toute une catégorie d'analyses physico-chimiques des surfaces que l'on trouvera décrites
en particulier dans le volume « Analyse et Caractérisation » :
— Microscopie optique ;
— Microscopies électroniques ;
— Microscopie ionique à effet de champ ;
— Analyse par émission ionique secondaire (SIMS) ;
— Spectroscopie des électrons Auger ;
— Spectroscopie de photo électrons : XPS ou ESCA et UPS.
On trouvera ailleurs une description plus complète des microscopes à effet tunnel (Techniques de l'Ingénieur, [P 895]).

1. États de surface (en anglais « waviness ») qui rassemble les défauts dont les
périodes spatiales sont comprises entre quelques centaines de
et écarts de forme micromètres et quelques millimètres.
Rugosité et ondulation traduisent ce que l’on appelle l’état de
surface.
■ Pour caractériser la géométrie d’une surface, on s’intéres- ■ Ces notions sont illustrées sur les enregistrements de la
sera aux variations de la cote z (x, y ) localement normale à la sur- figure 1. Sur la figure 1a on trouve le profil de surface enregistré par
face moyenne en fonction des paramètres x et y de position sur la palpeur mécanique suivant une ligne droite. On y décèle bien des
surface, et ce, à différentes échelles. défauts de natures diverses, mais il n’est pas possible d’y définir
● À l’échelle de la globalité de la pièce, on s’intéresse aux écarts quantitativement et séparément rugosité, ondulation et écarts de
de la surface moyenne par rapport à une surface idéale de forme forme. On sent bien intuitivement que la rugosité se manifeste loca-
simple : plan, sphère, cylindre ou cône par exemple. Dans cette lement à courte échelle, qu’une tendance à des courbures se des-
étude des écarts de forme, on fera abstraction de la rugosité en défi- sine sur l’ensemble de la pièce, et que des courbures locales
nissant une surface moyenne locale. apparaissent indépendamment.
À une échelle microscopique (quelques micromètres ou quelques ● Les écarts de forme par rapport à une droite sont donnés par
dizaines de micromètres en x et y ), il s’agira de ce que l’on appelle l’enregistrement de la figure 1b. On y a supprimé toutes les fré-
la rugosité, que l’on n’étudiera généralement pas sur toute la quences spatiales supérieures à 0,5 mm–1, c’est-à-dire toutes les
surface, mais sur quelques échantillons judicieusement distribués. périodes spatiales inférieures à 2 mm.
Cela pourra être un élément de surface dont on donnera une image ● L’enregistrement de la figure 1d est au contraire celui d’où l’on
à deux dimensions ou une ligne analysée suivant une dimension. a éliminé toutes les variations dont la fréquence spatiale est infé-
On voit là une difficulté fondamentale dans l’étude des périodes rieure à 3 mm–1, c’est-à-dire toutes les périodes spatiales plus gran-
des défauts pris en compte. Les écarts à une surface simple idéale des que 333 µm. Il met en évidence la rugosité de la surface.
sont variables suivant que l’on prend ou non en compte des défauts ● L’ondulation est la courbe donnée par la figure 1c du profil de
de période spatiale particulière. On appellera écarts de forme les surface d’où sont éliminés par un filtre passe-bande entre 0,5 et
écarts de la surface réelle localement lissée, par rapport à la surface 2 mm–1 les écarts de forme et la rugosité.
idéale. On appellera rugosité les écarts par rapport à une surface Ces périodes et ces fréquences spatiales ont été choisies ici arbi-
lisse mais qui suit les écarts de forme de la surface réelle. Et entre trairement. Les valeurs limites des fréquences spatiales sont
les défauts de rugosité qui ne prennent en compte que les défauts susceptibles de changer en fonction des applications, mais le prin-
de courtes périodes spatiales, c’est-à-dire de grandes fréquences cipe de ces filtrages est fondamental pour comprendre et caracté-
spatiales, et les écarts de forme qui ne prennent en compte que les riser un profil de surface. Nous faisons dans le paragraphe suivant
défauts de grandes périodes spatiales, c’est-à-dire de petites quelques rappels sur ces notions, compliquées ici par le fait que
fréquences spatiales, on distingue ce que l’on appelle l’ondulation nous sommes dans un monde à deux dimensions.

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____________________________________________________________________________________________________________ MÉTROLOGIE DES SURFACES

z (nm)

20

10

–10

–20
1
–30

0 5 10 15 20
x (mm)
a profil de surface

z (nm)

–10
0 5 10 15 20
x (mm)

b écarts de forme
Figure 2 – Deux fréquences spatiales bidimensionnelles
de même période et de directions différentes. Toute fonction
z (nm) des paramètres x et y peut se décomposer en une superposition
de telles ondes qui est son spectre à deux dimensions
10

–10

0 5 10 15 20
représentation d’une fonction à deux dimensions par son spectre
x (mm) est moins intuitive que celle d’un signal temporel, mais le forma-
lisme mathématique de la transformation de Fourier est tout à fait
c ondulation comparable.
Les notions de fonction d’autocorrélation et de densité spectrale
de puissance, bien connues pour les signaux temporels à une
z (nm)
dimension, sont directement transposables à la caractérisation
10
géométrique d’une surface à deux dimensions. Une description
complète de la morphologie d’une surface passe donc par la densité
0 spectrale de puissance de ses écarts à la surface idéale, qui est
–10 donnée par la transformée de Fourier de sa fonction d’autocorréla-
tion. Nous verrons (§ 5.4) une méthode d’analyse des états de
0 5 10 15 20 surface par diffusion de la lumière qui, dans certaines conditions,
x (mm) donne directement la densité spectrale de puissance des rugosités
dans un domaine bien défini de fréquences spatiales.
d rugosité
Toute la difficulté dans l’évaluation des paramètres géométriques
d’une surface est de définir les domaines de fréquences spatiales
Figure 1 – Profil complet, écarts de forme, ondulation et rugosité attribués aux trois catégories de défauts que nous avons distin-
d’une surface enregistrés sur une ligne guées. Les exemples donnés sur la figure 1 sont obtenus par
filtrage numérique, c’est-à-dire que les fonctions de transfert sont
connues exactement (voir les valeurs données dans le paragraphe
précédent). Les signaux enregistrés dans la pratique sont traités par
des filtres analogiques, mécaniques ou électriques, dont les fonc-
tions de transfert ne sont pas bien connues, voire n’existent pas si le
2. Fréquences spatiales processus de lecture n’est pas linéaire. C’est, bien plus que l’étalon-
nage des capteurs utilisés pour mesurer les très petits écarts z (x,
à deux dimensions y ), la raison essentielle des désaccords dans les comparaisons sur
les états de surface et les écarts de forme.
Fonctions d’autocorrélation et transformations de Fourier à deux
dimensions sont tout à fait analogues à ce que l’on connaît à une
La notion de fréquences spatiales est très utile pour comprendre dimension. Lorsque la surface est isotrope, c’est-à-dire lorsque ses
la structure géométrique d’une surface. Cette notion est compliquée propriétés statistiques ne dépendent pas de la direction des
par le fait que nous sommes à deux dimensions, et deux fréquences fréquences spatiales, on peut ramener le problème à une dimension
de même période peuvent différer par leur direction (figure 2). La en analysant une ligne de la surface.

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29
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R1390

MÉTROLOGIE DES SURFACES _____________________________________________________________________________________________________________

3. Écarts de forme
Deux types de formes sont essentiellement contrôlés en optique Capteur submicrométrique
et en mécanique : les plans d’une part, les sphères et les cylindres
de révolution ou tampons et bagues d’autre part. Ces formes
donnent lieu à deux types de mesures : les mesures de rectitude et Échantillon

1
de planéité d’une part, les mesures de circularité d’autre part.
Les tampons et les bagues lisses utilisés comme références en
mécanique donnent lieu à des mesures de circularité autour de leur Table tournante sur coussin fluide
axe et à des mesures de rectitude le long de leurs génératrices.

3.1 Contrôles de circularité

Les contrôles de circularité sont indispensables pour les pièces


mécaniques à symétrie de révolution, en particulier pour les bagues
et les tampons étalons, dont on ne mesure que quelques diamètres.
La mesure de ces diamètres jointe à une étude des défauts de cir-
cularité donne une connaissance beaucoup plus complète de ces Figure 3 – Machine pour contrôle de circularité
étalons.
Dans une mesure de circularité, on fait tourner la pièce ou un
palpeur de grande sensibilité autour d’un de ses axes de révolution,
et on vérifie avec le palpeur que la cote étudiée reste constante
(figure 3). Les palpeurs ont une sensibilité de l’ordre de quelques
dizaines de nanomètres, mais une dynamique généralement
restreinte (quelques dizaines ou centaines de micromètres). Une
des difficultés de ce type de contrôle est d’assurer la coaxialité de
l’axe de rotation de la machine avec l’axe de révolution de la pièce.
Une des limitations à l’exactitude de ce type de mesure est la qualité
de la rotation de la machine de contrôle, laquelle peut être amenée
à supporter des pièces de grandes dimensions et de forte masse
(quelques centaines de millimètres de diamètre, plusieurs kilo-
grammes ou dizaines de kilogrammes). Les paliers à air ou à huile a les défauts de la pièce sont b enregistrement d’un cylindre
permettent d’excellentes performances. La stabilité de la rotation artificiellement augmentés méplaté pour l’étalonnage
est vérifiée grâce à des sphères de référence dont les défauts de par la soustraction du rayon du capteur
sphéricité peuvent descendre au-dessous de quelques centièmes de de la pièce
micromètre. La sphère est en effet la forme géométrique que l’on
sait le mieux approcher par usinage.
Figure 4 – Enregistrements sur une machine de contrôle
Nota : au début de ce siècle les physiciens ont réalisé des prouesses pour mesurer le
volume d’un cube de quartz afin de déterminer la masse du décimètre cube d’eau par la
des défauts de circularité
poussée d’Archimède. C’est maintenant sur des sphères de silicium que l’on espère amé-
liorer la connaissance de la masse volumique de ce matériau pour en déduire la masse
d’un atome de silicium, et donc améliorer la connaissance de la constante d’Avogadro. méplat de 0,25 µm. À cause de l’amplification d’échelle sur la
C’est une sphère de silice qui permet de déceler les défauts de mesure du défaut, l’allure du méplat n’a rien à voir avec son aspect
rotation des machines de contrôle. En faisant tourner la pièce par réel (figure 4b ). Sur les instruments actuels, l’enregistrement
rapport à la machine, ce contrôle permet de corriger ces défauts, graphique est accompagné d’un traitement numérique des données
avec une précision limitée par la répétabilité de la mise en place de qui permet de déterminer les cercles inscrits et exinscrits d’où
la pièce sur la machine et par les fluctuations des défauts de rotation seront extraits les paramètres caractérisant les écarts de circularité.
de la machine. Ceux-ci se combineront au hasard avec les défauts Il est à noter que dans cette mesure, le filtrage des défauts de courte
de circularité des pièces étudiées, tantôt en s’y ajoutant, tantôt en période spatiale comme les rayures ou les poussières pose les
s’en retranchant, ce qui se traduit en moyenne par une addition mêmes problèmes que pour distinguer la rugosité, les ondulations
quadratique des défauts de circularité de la pièce étudiée et des et les écarts de rectitude. C’est un filtrage exprimé ici en nombre
défauts de rotation de la machine de contrôle. d’ondulations par tour qui permettra de comparer différents
contrôles de circularité.
Prenant en compte les défauts des machines, ceux des sphères
étalons, et l’étalonnage des palpeurs, le contrôle des défauts de
circularité des pièces mécaniques s’effectue avec des incertitudes
de l’ordre de quelques dixièmes de micromètre sur des diamètres 3.2 Contrôles de rectitude
allant jusqu’à quelques centaines de millimètres.
Le résultat d’une mesure de circularité apparaît généralement sur
un enregistrement graphique qui n’est pas toujours facile à inter- 3.2.1 Généralités
préter (figure 4). En effet le rayon de la pièce est soustrait pour ne
faire apparaître que les variations de rayon avec une sensibilité Les défauts de rectitude sont également étudiés par palpeur avec
suffisante. Pour étalonner le capteur, on fait parfois usage d’un une machine qui définit elle-même une translation rectiligne pour le
cylindre à méplat, qui engendre un défaut d’amplitude connue. Sur palpeur. Mais ici nous allons voir que les défauts de la machine
la figure 4 on voit ainsi l’enregistrement d’une pièce avec ses peuvent être déterminés et corrigés, et cela sans même qu’il soit
défauts (figure 4a ) et celui d’un cylindre méplaté présentant un nécessaire de disposer d’une référence de rectitude.

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États de surface
Caractérisation
par Bernard RAPHET
1
Responsable Qualité et responsable Formation d’ANNECY MÉTROLOGIE
Ancien responsable du service métrologie du CTDEC
(Centre technique de l’industrie du décolletage)

1. Introduction............................................................................................... R 1 230 - 2
1.1 Pourquoi faut-il caractériser la microgéométrie des surfaces ? .............. — 2
1.2 Normalisation et GPS (spécification géométrique des produits) ............ — 2
1.3 Normes d’états de surface et GPS ............................................................. — 3
2. Différents écarts géométriques de l’état de surface..................... — 4
3. Spécifications des états de surface.................................................... — 6
3.1 Indications des exigences d’états de surface ............................................ — 6
3.2 Exemples ...................................................................................................... — 8
4. Paramètres d’états de surface ............................................................. — 10
4.1 Séparation des écarts géométriques ......................................................... — 10
4.2 Paramètres définis par rapport à la ligne moyenne ................................. — 10
4.3 Paramètres définis par rapport aux motifs................................................ — 12
4.4 Paramètres définis par rapport à la courbe de portance.......................... — 18
4.5 Synthèse....................................................................................................... — 21
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. R 1 232

es propriétés des solides et leur comportement dépendent, souvent, davan-


L tage des caractéristiques de leurs surfaces que de leurs propriétés massiques
ou volumiques. La surface d’un corps solide est la partie de ce solide qui le limite
dans l’espace et le sépare du milieu environnant. Elle est prépondérante pour
assurer des fonctions telles que l’aptitude aux frottements, la résistance à l’usure
ou la corrosion, conduction thermique et électrique, résistance aux contraintes
mécaniques, étanchéité statique ou dynamique, aspect, etc.
Les surfaces industrielles produites par des moyens techniques présentent
toujours des irrégularités par rapport à la surface idéale. Pour les décrire en
toute rigueur, il faudrait utiliser une fonction continue z (x, y) donnant l’altitude
de chaque point par rapport à la surface idéale.
Connaître l’influence de l’état d’une surface sur le fonctionnement d’une
pièce et son comportement dans le temps nécessite de pouvoir caractériser sa
géométrie, macro, micro, voire même nanogéométrie dans certains cas.
Seule la caractérisation des états de surface effectué sur un profil est
normalisée. Le développement des technologies et des équipements permet de
disposer d’une représentation tridimensionnelle de la surface (topographie). Si
cette approche est actuellement le moyen le plus fidèle pour caractériser une
surface, elle n’est pas encore reconnue et son application n’est pas envisageable
en production.
Les problèmes relatifs à la géométrie des surfaces se posent à trois niveaux :
— la conception : quel état de surface convient à la fonction à assurer et
comment doit-on le spécifier sur un dessin technique ?
— la réalisation de la surface : quels moyens mettre en œuvre pour obtenir
l’état de surface souhaité ?
Parution : décembre 2005

— la mesure de la surface : quels moyens et quelles conditions de mesure


pour vérifier que la surface correspond aux spécifications ? Cet aspect sera traité
dans le dossier [R 1 231].

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ÉTATS DE SURFACE ____________________________________________________________________________________________________________________

Ce dossier et le suivant [R 1 231] étudient essentiellement les aspects


industriels de la caractérisation et de la mesure d’états de surface, en fonction
de la normalisation en vigueur à ce jour et des travaux en cours.
Les éléments concernant les imperfections (retassures, rayures, pores...) et
l’aspect (couleur, brillance) des surfaces ne sont pas traitées dans ce dossier.
La caractérisation des états de surface sur un profil est actuellement la seule

1
méthode normalisée.
La normalisation actuelle est une réelle avancée, avec le concept GPS
(Spécification Géométrique des Produits) reconnu et repris par les principaux
pays industriels. Il convient donc de l’utiliser pour spécifier et mesurer les états
de surface, notamment lors d’échanges commerciaux.
Si ce système est très adapté à des surfaces obtenues avec des moyens
d’obtention donnant des profils pratiquement constants (tournage, fraisage,
rectification,...), il l’est beaucoup moins pour d’autres surfaces où les irré-
gularités sont inégalement réparties (électroérosion, surface revêtue,...) qui
nécessiteraient une caractérisation tridimensionnelle.
Pour les concepteurs de produits, l’amélioration des performances passe
généralement par la réduction des tolérances dimensionnelles et géomé-
triques, ce qui permet implicitement d’obtenir des états de surface plus fins.
Mais à quel prix ? S’il est évident que l’état de surface est un facteur important
dans la performance d’un produit, le choix du ou des paramètres à spécifier
reste toujours un problème délicat. Le manque de connaissance des relations
entre les fonctions d’une surface et les paramètres d’états de surface fait que
le concepteur spécifie ses produits avec un nombre très restreint de para-
mètres, souvent les mêmes, par habitude.

1. Introduction Le développement de la sous-traitance, la multiplication des


échanges et la mise en place de systèmes d’assurance qualité, ont
mis en évidence la nécessité d’un langage commun, univoque et
reconnu de tous les partenaires pour définir les spécifications d’un
1.1 Pourquoi faut-il caractériser produit. Ainsi est né le concept GPS, Geometrical Products Speci-
la microgéométrie des surfaces ? fication (Spécification Géométrique des Produits).
La spécification géométrique des produits consiste, à définir au
Tous les objets, et notamment les pièces constitutives des travers d’un dessin de définition, la forme, les dimensions et les
produits industriels, présentent des surfaces diverses avec pour caractéristiques de surfaces d’une pièce qui en assurent un fonc-
chacune d’elles une fonction associée qui va de la simple limitation tionnement optimal, ainsi que la dispersion autour de cet optimal
de la matière à la réalisation d’une étanchéité dynamique en pour laquelle la fonction est toujours satisfaite.
passant par la tenue d’un revêtement ou la biocompatibilité pour La fabrication produira des pièces présentant des écarts par
une prothèse médicale par exemple. (0)
rapport à l’optimal, d’une part, et d’une pièce à l’autre, d’autre part.
La microgéométrie de la surface intervient souvent de façon Ces pièces seront mesurées afin de les comparer à la spécification.
déterminante dans son aptitude à satisfaire la fonction attendue. Il est donc nécessaire de pouvoir relier :
Par exemple au niveau des interfaces entre les pièces d’un — la pièce imaginée par le concepteur ;
assemblage avec mouvement relatif, les divers phénomènes de — la pièce réelle fabriquée ;
contraintes et de frottements évoluent continuellement jusqu’à la — la connaissance de la pièce obtenue par mesurage.
perte de performance qui va entraîner la déficience du mécanisme.
■ Le concept GPS
La maîtrise de l’état de surface par le choix d’un ou plusieurs ● Il couvre plusieurs types de normes :
paramètres adaptés permettra de garantir la qualité du fonction-
— de base : règles et procédures de base pour la cotation et le
nement tout au long de la durée de vie du produit.
tolérancement des pièces et produits (exemple : principe de tolé-
rancement de base) ;
— globales : règles pour tout ou partie des normes générales
1.2 Normalisation et GPS (spécification (exemple : température de référence, vocabulaire international de
géométrique des produits) métrologie, guide pour l’expression de l’incertitude, etc.) ;
— générales et complémentaires : règles pour l’indication sur
les dessins, les définitions et principes de vérification (exemple :
Pendant de nombreuses années, chaque pays a développé sa cales étalons, système ISO de tolérances et d’ajustement, etc.).
normalisation. Les principaux donneurs d’ordres, en particulier
« automobiles », ne trouvant pas dans leurs normes nationales, les ● Il couvre plusieurs types de caractéristiques géométriques :
éléments correspondant à leur besoin, ont étudié puis défini — taille, distance ;
d’autres paramètres dans des normes internes (cahier des char- — angle ;
ges). Cette situation a généré au niveau international des normes — forme, position, orientation ;
sans convergence de vue voire contradictoires. — rugosité, ondulation, etc.

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____________________________________________________________________________________________________________________ ÉTATS DE SURFACE

Tableau 1 – Extrait de la matrice GPS


Normes GPS globales

Normes GPS générales

1
No du maillon 1 2 3 4 5 6

Caractéristique Indication dans la Définition des tolé- Définition des des écarts – Exigences pour Exigences d’éta-
documentation rances – Définitions caractéristiques Évaluation
géométrique de du produit – théoriques et
Comparaison avec les
ou paramètres de limites de la tolérance
l’équipement de lonnage – Étalons
l’élément Codification valeurs l’élément extrait
mesure d’étalonnage

● Maillon 1 : Indication dans la documentation du produit – Codification.


Ce maillon regroupe les normes traitant la façon d’indiquer, sur le dessin, les caractéristiques de la pièce.
● Maillon 2 : Définition des tolérances – Définition théorique et valeurs.
Ces normes fixent les règles permettant de traduire le code en valeurs exprimées en unités SI. Ce maillon traite aussi de la façon de déter-
miner la caractéristique à partir de la géométrie.
● Maillon 3 : Définitions des caractéristiques ou paramètres de l’élément extrait.
Ce maillon définit les caractéristiques de l’élément extrait ; celui-ci est obtenu à partir d’un ensemble de points prélevés sur la surface de
la pièce.
● Maillon 4 : Évaluation des écarts de la pièce – Comparaison avec les limites de la tolérance.
Ces normes spécifient la méthode pour comparer les résultats de mesure aux limites de tolérance, pour décider de la conformité ou non
de la pièce aux spécifications du dessin, en tenant compte de l’incertitude de mesure.
● Maillon 5 : Exigences pour l’équipement de mesure.
Ces normes décrivent les équipements de mesure. Elles définissent les caractéristiques qui influencent l’incertitude de mesure. Elles
peuvent fixer les erreurs maximales pour les caractéristiques définies.
● Maillon 6 : Exigences d’étalonnage – Étalons d’étalonnage.
Ces normes décrivent les étalons d’étalonnage et les procédures d’étalonnage à utiliser pour vérifier les exigences fonctionnelles d’équi-
pement de mesure du maillon 5, et d’assurer la traçabilité à la définition de l’unité SI concernée.

● Il traite des caractéristiques des pièces résultant de différents pro- — NF EN ISO XXXX en France, XXXX étant le numéro de la
cédés de fabrication et des caractéristiques de produits spécifiques. norme ISO ;
● Il intervient aux différentes étapes de développement d’un — DIN EN ISO XXXX en Allemagne, XXXX étant le numéro de la
produit. norme ISO ;
— etc. (0)
■ La normalisation internationale (normes ISO) a créé un comité Les normes ISO ont été toutes révisées ou créées entre 1996 et
technique ISO/ TC 213 « Spécification et vérification dimension- 2002. Leur adoption par les pays européens date de 1997 à 2003.
nelles et géométriques des produits » qui a mis au point, en 1995, Les principales évolutions de la normalisation concernent :
un outil d’analyse et de programmation de la normalisation : la
matrice GPS. Elle permet de visualiser pour chaque caractéristique — les instruments :
dimensionnelle et géométrique les normes existantes, les manques, • les palpeurs à patin ne sont plus normalisés,
les contradictions, les doublons. Chaque étude doit trouver sa place • la valeur vraie d’un paramètre d’état de surface est définie par
dans cette matrice (tableau 1). un instrument de mesure absolue,
• obligation de retirer la forme nominale avant l’application des
■ Les anciennes normes sont donc révisées dans le triple but : systèmes de séparation des écarts géométriques,
— les rendre compatibles avec les définitions GPS ; • le filtre gaussien à phase correcte numérique, défini par la nor-
— prendre en compte les évolutions technologiques ; malisation allemande DIN, remplace le filtre analogique 2 RC.
— uniformiser l’ensemble des normes nationales, à l’heure de la Dans la plupart des cas, le changement de filtre entraîne des diffé-
mondialisation des échanges. rences de l’ordre de – 5 à – 10 % ;
— les paramètres :
• la normalisation du système de séparation par motifs et des
1.3 Normes d’états de surface et GPS paramètres associés R et W (défini par la normalisation française
NF après travaux et définitions des constructeurs automobiles
Les états de surface ont été l’un des premiers sujets à être traité français),
suivant le concept GPS avec l’utilisation de la matrice. Le tableau 2
• le changement de noms pour certains critères,
positionne les différentes normes ISO concernant les états de sur-
face dans la matrice GPS. Cette classification sert également de • la définition de deux nouveaux profils d’état de surface (profil
support à ce dossier. W et profil P ),
• la normalisation ISO d’un système de caractérisation de surfa-
Il existe aujourd’hui une collection de normes ISO (normes inter- ces particulières obtenues par des procédés d’usinage différents
nationales) reconnues par le CEN (normes européennes) et donc par utilisés successivement, surfaces « multiprocess » (défini par la
les comités nationaux des États membres de l’Union européenne. normalisation allemande DIN),
Leur identification, basée sur la normalisation ISO, est la suivante : • la modification de la manière de spécifier les états de surface
— ISO XXXX pour la normalisation internationale ; sur un dessin technique ;

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ÉTATS DE SURFACE ____________________________________________________________________________________________________________________

Tableau 2 – Normes d’états de surface dans la matrice GPS


Normes GPS générales

No du maillon 1 2 3 4 5 6

Indication Définition Évaluation


Définition des Exigences Exigences

1
Caractéristique dans la des tolérances – caractéristiques des écarts – pour d’étalonnage –
géométrique documentation Définitions ou paramètres de Comparaison l’équipement Étalons
de l’élément du produit – théoriques l’élément extrait
avec les limites
de mesure d’étalonnage
Codification et valeurs de la tolérance

NF EN ISO 4287
NF EN ISO 11562 NF EN ISO 4288
NF EN ISO 5436-1
NF EN ISO 12085 NF EN ISO 11562 NF EN ISO 4288 NF EN ISO 3274
Profil de rugosité NF EN ISO 1302 NF EN ISO 5436-2
NF EN ISO 13565-1 NF EN ISO 12085 NF EN ISO 12085 NF EN ISO 11562
NF EN ISO 12179
NF EN ISO 13565-2 NF EN ISO 13565-2
NF EN ISO 13565-3

NF EN ISO 4287 NF EN ISO 5436-1


NF EN ISO 11562 NF EN ISO 4288 NF EN ISO 3274
Profil d’ondulation NF EN ISO 1302 NF EN ISO 11562 NF EN ISO 5436-2
NF EN ISO 12085 NF EN ISO 12085 NF EN ISO 11562
NF EN ISO 12085 NF EN ISO 12179

NF EN ISO 4287 NF EN ISO 3274


Profil primaire NF EN ISO 1302 NF EN ISO 4288
NF EN ISO 11562 NF EN ISO 11562

Imperfections NF EN ISO 8785 NF EN ISO 8785


de surface

— les conditions de mesures :


• l’augmentation des définitions par défaut,
Tableau 3 – Les écarts géométriques, leurs profils
• l’état de surface (trois profils R, W et P ) est défini par une
et la fréquence des défauts
bande de transmission (filtre passe-bas et passe-haut). Ce chan- Écarts Fréquence
gement entraîne une petite réduction de la valeur mesurée et Ordres Profils
géométriques des défauts
réduit l’incertitude de mesure ainsi que les différences entre les
mesures effectuées sur des appareils de marques différentes. Ordre 1 Écart de forme / Basse
Ordre 2 Ondulation Profil W Profil P Moyenne
Ordres 3 et 4 Rugosité Profil R Haute
2. Différents écarts
géométriques Tableau 4 – Classement « pratique »
de l’état de surface des différents écarts géométriques

Un profil de surface est la courbe résultant de l’intersection de la Écart


Distance entre les pics (en µm) comprise entre
surface réelle et d’un plan spécifié. Ce plan est perpendiculaire à la géométrique
surface de l’échantillon et orienté généralement perpendiculaire- Rugosité 2 et 250 à 800
ment au sens des stries d’usinage. Un profil de surface, outre la
forme nominale de la pièce, est composé de différents écarts géo- Ondulation 250 à 800 et 2 500 à 8 000
métriques (figure 1), auxquels correspondent différents profils Écart de forme 2 500 à 8 000 et longueur de l’élément
(tableau 3) :
— profil P, profil primaire (ordre 1 + 2 + 3 + 4), sur lequel sont très rarement. Pourtant la spécification des écarts d’ondulation est
définis les paramètres de structure, désignés par un symbole très importante pour assurer certaines fonctions, comme l’étan-
commençant par la lettre P, par exemple Pt, Pa, etc. ; chéité, le déplacement entre deux surfaces, etc. Des écarts d’ondu-
— profil W, profil d’ondulation (ordre 2), sur lequel sont définis lation conséquents peuvent entraîner des dysfonctionnements tels
les paramètres d’ondulation, désignés par un symbole commen- que fuites, bruits, usure prématurée, etc.
çant par la lettre W, par exemple Wt, Wa, etc. ;
— profil R, profil de rugosité (ordre 3 + 4), sur lequel sont définis La frontière entre la rugosité et l’ondulation est arbitraire,
les paramètres de rugosité, désignés par un symbole commençant aucune définition absolue n’existe. En pratique, le classement
par la lettre R, par exemple Rt, Ra, etc. s’effectue à partir de la distance entre les pics (tableau 4). (0)
La représentation graphique de l’état de surface est toujours La caractérisation de l’état de surface nécessite :
anamorphosée. L’amplification verticale est généralement beau- — une prise de données très fine sur la surface, avec une très
coup plus importante que l’amplification horizontale. Cette ana- grande amplification des données ;
morphose a comme effet de compresser le profil réel et d’en — la séparation des écarts géométriques ;
donner une image très différente de la réalité. (0) — la caractérisation de chaque écart par des paramètres.
Sur les dessins techniques, les écarts de forme et les paramètres Le tableau 5 précise les effets et les origines possibles des
de rugosité sont souvent spécifiés. Mais l’ondulation ne l’est que différents écarts. (0)

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____________________________________________________________________________________________________________________ ÉTATS DE SURFACE

Hauteur des irrégularités Hauteur des irrégularités


(µm) (µm)
17,5
400
13,5
0

1
– 400 9,5
– 800
5,5
0 2 4 6 8 10 12 14 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Longueur d'évaluation (mm) Longueur d'évaluation (mm)

a écart de forme b écart d’ondulation

Hauteur des irrégularités Hauteur des irrégularités


(µm) (µm)
0,8 4
2
0,4
0
0 –2
–4
– 0,4 –6
–8
– 0,8 – 10
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Longueur d'évaluation (mm) Longueur d'évaluation (mm)
c écart de rugosité périodique d écart de rugosité apériodique

Figure 1 – Les écarts géométriques d’un profil

Tableau 5 – Effets et origines possibles des différents écarts


Écarts Signification Origine
géométriques par rapport à la fonction des écarts
Influent sur : Procédé d’usinage :
— frottement de glissement et roulement ; — déformation de la pièce.
— résistance au matage ; Matériau :
— libération des contraintes internes.
— étanchéité statique et dynamique. Machine :
Écart de forme Créent :
— défaut de bridage ;
— usure ; — flexion des éléments ;
— grippage.
— qualité des guidages ;
— usure des organes.
Diminuent : Procédé d’usinage :
— durée de vie des organes. — mauvais affûtage.
Ondulation Machine :
— vibrations basses fréquences de l’outil ;
— vibrations basses fréquences de la pièce.
Rugosité Influent sur : Procédé d’usinage :
— écoulement des fluides ; — avance de l’arête coupante ;
— étanchéité statique et dynamique ; — avance de la pièce ;
— revêtement ; — géométrie des outils ;
— adhésivité ; — qualité de la meule (rectification) ;
— dépôt électrolytique ; — qualité d’affûtage des outils.
— résistance aux efforts alternés. Matériau :
— hétérogénéité ;
— plasticité.
Machine :
— vibrations hautes fréquences de l’outil ;
— vibrations hautes fréquences de la pièce ;
— qualité du lubrifiant ;
— mode de lubrification ;
— filtrage du lubrifiant.

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Ancien responsable du service métrologie du CTDEC
(Centre technique de l’industrie du décolletage)

1. Mesures des états de surface............................................................... R 1 231 - 2


1.1 Estimation des paramètres ......................................................................... — 2
1.2 Règles et procédures de vérification.......................................................... — 2
1.3 Comparaison des valeurs mesurées des paramètres aux limites
de tolérance.................................................................................................. — 3
1.4 Expression du résultat................................................................................. — 4
2. Équipements de mesure d’états de surface ..................................... — 5
2.1 Appareils à palpeur ..................................................................................... — 5
2.2 Évaluation par comparaison viso-tactile ................................................... — 7
3. Raccordement des résultats de mesure d’états de surface......... — 8
3.1 Étalons .......................................................................................................... — 8
3.2 Étalonnage de l’équipement....................................................................... — 8
4. Topographie ............................................................................................... — 11
4.1 Introduction.................................................................................................. — 11
4.2 Paramètres de surface................................................................................. — 12
4.3 Méthodes de mesure................................................................................... — 13
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. R 1 232

C e document est à lire à la suite du dossier [R 1 230].


Les dossiers [R 1 230] et [R 1 231] présentent, d’une manière non exhaustive,
les connaissances actuellement admises dans le domaine de la caractérisation
de surface à partir essentiellement d’une étude bibliographique et de l’expé-
rience de l’auteur.
Dans le monde industriel, on retrouve aujourd’hui, la présence :
— de plans avec des paramètres correspondants aux anciennes normes
(définitions différentes suivant les pays d’origine) ;
— de matériels d’ancienne génération (paramètres suivants anciennes
normes avec un traitement du signal plus normalisé) ;
— de plans et équipements conformes à la normalisation en vigueur, mais que
peu de gens utilisent correctement ;
— d’équipements permettant la caractérisation tridimensionnelle de l’état de
surface, avec des méthodes de traitement différentes ;
— de documents prénormatifs des paramètres de surface.
Cette situation est due à la récente évolution de la normalisation, et au déve-
loppement des équipements, à l’augmentation des performances du matériel
informatique et des logiciels.
La mesure tridimensionnelle de la microgéométrie est actuellement le moyen
le plus fidèle pour caractériser une surface. Elle permet l’observation,
l’identification et la quantification des irrégularités. Elle permet également la
réalisation d’études sur les corrélations entre la microgéométrie et la fonction
ou le comportement d’une surface. Ces études devraient permettre notamment
de préciser ou redéfinir les limites entre les différents écarts géométriques
(forme, ondulation et rugosité), que ce soit sur un profil ou sur une surface.
Parution : juin 2006

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R1231

ÉTATS DE SURFACE ____________________________________________________________________________________________________________________

En effet, si certaines fonctions nécessite la prise en compte de ces écarts


géométriques séparément, d’autres nécessitent de les caractériser plus globa-
lement (par exemple : forme + ondulation ou ondulation + rugosité ou
forme + ondulation + rugosité).
Historiquement, l’état de surface a été évalué visuellement et/ou tactilement,
puis mesuré sur un profil à l’aide de capteurs avec un traitement du signal plus

1
ou moins performants (profilométrie), et enfin mesuré sur une partie de la sur-
face (topographie). Les techniques tridimensionnelles ne sont plus réservées
aux laboratoires de recherche. Les prototypes sont devenus des équipements
industriels que l’on retrouve dans des laboratoires d’entreprises ou de sociétés
de services. On peut imaginer qu’au niveau des équipements, les prochaines
étapes seront la mesure tridimensionnelle d’état de surface en production et la
mesure intégrale d’une surface entière (macro, microgéométrie, soit de façon
séparée soit de façon globale).

1. Mesures des états Tableau 1 – Estimation du paramètre


de surface Paramètre
Calcul Calcul
intermédiaire du paramètre
1.1 Estimation des paramètres Moyenne
Calcul du paramètre,
arithmétique des
L’élément à mesurer présente : Paramètre défini avec les données de estimateurs du
par la longueur mesurage obtenues
— des zones homogènes : les valeurs déterminées sur la surface paramètre obtenus
de base sur chaque longueur
entière doivent être utilisées pour la comparaison avec les de base sur toutes les
exigences ; longueurs de base
— des zones non homogènes : les valeurs des paramètres déter- Calcul du paramètre,
minées sur chacune de ces zones doivent être utilisées séparément Paramètre défini avec les données de
pour la comparaison avec les exigences. par la longueur mesurage obtenues
d’évaluation sur la longueur
Lorsque les exigences sont spécifiés par la limite supérieure du d’évaluation
paramètre, il faut utiliser la ou les zones de la surface qui semblent
présenter la valeur maximale du paramètre.
Si la direction n’est pas spécifiée, la pièce doit être positionnée
de sorte que la direction de la section corresponde aux valeurs
maximales des paramètres de hauteurs de rugosité de surface. Tableau 2 – Valeurs par défaut de la longueur d’évaluation
Les paramètres sont estimés sur une longueur d’évaluation. Ils Longueur d’évaluation
sont définis (tableau 1) : Paramètres
par défaut
— soit sur une longueur de base ;
— soit sur la longueur d’évaluation. Il est donc nécessaire pour Paramètres définis par rapport à la ligne moyenne
effectuer une mesure de connaître la longueur d’évaluation. Elle
peut être imposée : Profil de rugosité R longueur
d’évaluation = 5 × longueur de base
— par la spécification (longueur d’évaluation ou longueur de
base) ; Profil d’ondulation W aucune
— par la longueur de l’élément à mesurer ; Profil primaire P longueur totale de l’élément
— ou par défaut.
Les valeurs par défaut, en fonction des familles de paramètres, Paramètres définis par rapport aux motifs
sont précisées dans le tableau 2. (0) Profil de rugosité R 16 mm
Profil d’ondulation W 16 mm
1.2 Règles et procédures de vérification Paramètres définis par rapport à la courbe de portance

1.2.1 Paramètres de rugosité définis longueur


Profil de rugosité R d’évaluation = 5 × longueur de base
par rapport à la ligne moyenne
Profil de rugosité R lié
Afin d’isoler le profil de rugosité, il est important de choisir la aux motifs 16 mm
longueur de base qui correspond le mieux au profil d’état de
surface à mesurer. Le mauvais choix de la longueur d’onde de Profil primaire P longueur totale de l’élément
coupure pour la mesure peut :
— soit ne pas séparer correctement les écarts et donc laisser
dans le profil des éléments de l’ondulation, la valeur des para- — soit trop filtrer le profil et réduire la hauteur des éléments du
mètres de rugosité sera surestimée ; profil, la valeur des paramètres de rugosité sera sous-estimée.

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____________________________________________________________________________________________________________________ ÉTATS DE SURFACE

(0)

Tableau 3 – Choix de la longueur de base en fonction du profil de rugosité


Profil de rugosité
Nature
du paramètre
non périodique périodique
Conditions de mesure à appliquer
Paramètre Ra – Rq – Rsk Rz – Rp – Rv tous

1
RSm
spécifié – Rku – Rdq – Rc – Rt les paramètres

Paramètre Ra Rz RSm RSm Longueur de base rc Longueur d’évaluation L n


à estimer (µm) (µm) (mm) (mm) (mm) (mm)
0 < Ra < 0,02 0 < Rz < 0,1 0,013 < RSm < 0,04 0,08 0,4
0,02 < Ra < 0,1 0,1 < Rz < 0,5 0,04 < RSm < 0,13 0,25 1,25
Estimation 0,1 < Ra < 2 0,5 < Rz < 10 0,13 < RSm < 0,4 0,8 4
2 < Ra < 10 10 < Rz < 50 0,4 < RSm < 1,3 2,5 12,5
10 < Ra < 80 50 < Rz < 200 1,3 < RSm < 4 8 40

(0)

Tableau 4 – Conditions de mesure recommandées pour les paramètres liés aux motifs
Rayon maximal
A B Longueur d’exploration Longueur d’évaluation rs
de la pointe du palpeur
(mm) (mm) (mm) (mm) (mm) (µm)
0,02 0,1 0,64 0,64 0,002 5 2 ± 0,5
0,1 0,5 3,2 3,2 0,002 5 2 ± 0,5
0,5 2,5 16 16 0,008 5±1
2,5 12,5 80 80 0,025 10 ± 2
Sauf spécifications particulières, les valeurs par défauts sont : A = 0,5 mm et B = 2,5 mm (en gras).

Si la longueur de base est spécifiée comme exigence, la


longueur d’onde de coupure, λc, doit être choisie égale à cette Tableau 5 – Choix de la longueur d’onde de coupure
longueur de base. pour séparer les écarts géométriques
Lorsque la spécification de rugosité ne précise pas la longueur
de base : Longueur d’onde de coupure rc Longueur d’évaluation L n
(mm) (mm)
— choisir la longueur de base, à partir du tableau 3, en fonction
du type de profil de rugosité, du paramètre spécifié sur le plan et 0,8 4
de l’estimation du paramètre Ra ou Rz ou RSm ;
— effectuer une mesure du paramètre Ra ou Rz ou RSm dans les 2,5 12,5
conditions de mesure déterminée ; En gras : conditions recommandées.
— comparer ce résultat à la plage de valeurs données dans le
tableau 3 ;
— si la valeur mesurée est en dehors de la plage des valeurs 1.2.3 Paramètres définis par rapport
correspondants à la longueur de base estimée, régler l’instrument à la courbe de portance
sur la valeur de la longueur de base correspondant au paramètre
mesuré. Faire un nouveau mesurage dans ces nouvelles conditions Pour mesurer les paramètres définis par rapport à la courbe de
et comparer le nouveau résultat aux valeurs du tableau 3. Les portance, l’utilisation d’un équipement avec référence de guidage
valeurs devraient se situer dans la plage ; est recommandée.
— effectuer la mesure du paramètre spécifié. La longueur d’onde de coupure utilisée pour séparer les écarts
géométriques est à choisir dans le tableau 5.
1.2.2 Paramètres définis
par rapport aux motifs 1.3 Comparaison des valeurs mesurées des
Alors que la longueur d’onde de coupure permet de séparer les paramètres aux limites de tolérance
écarts de rugosité et d’ondulation pour les paramètres liés à la
ligne moyenne, ce sont les opérateurs A et B qui sont utilisés pour Il existe deux façons différentes d’interpréter la limite des spéci-
effectuer cette séparation pour les paramètres liés aux motifs. Les fications d’état de surface. (0)

conditions de mesure, et notamment les opérateurs A et B, recom-


mandées sont précisées dans le tableau 4. 1.3.1 Règle des 16 %
Pour calculer les paramètres d’ondulation, le profil primaire doit Lorsque les exigences sont spécifiées par la limite supérieure du
être mesuré par rapport à une référence de guidage. (0) paramètre, la surface est considérée comme étant acceptable si au

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ÉTATS DE SURFACE ____________________________________________________________________________________________________________________

Pour les paramètres R, si la longueur d’évaluation ne comporte


Tableau 6 – Règles applicables pour les différentes familles pas 5 longueurs de base, leurs limites supérieure et inférieure
de paramètres doivent être recalculées et ramenées à une longueur d’évaluation
égale à 5 longueurs de base, en appliquant la formule suivante :
Paramètres Règle Règle de la valeur
définis par rapport des 16 % maximale σ5 = σn n / 5
à la ligne moyenne X X avec n le nombre de longueurs de base utilisées (inférieur à 5).

1 aux motifs
à la courbe de portance
X
X X
Exemple :
— valeur spécifiée sur le plan : Ra 1,6 µm ;
— longueur de l’élément spécifié : 3,5 mm ;
— longueur de base sélectionnée : 0,8 mm ;
maximum 16 % de toutes les valeurs mesurées du paramètre — longueur d’évaluation, par défaut : 4 mm (5 × 0,8 mm).
considéré, obtenues sur une longueur d’évaluation, dépassent la Il est donc impossible d’effectuer la mesure.
valeur spécifiée. La règle à appliquer est alors la suivante.
Lorsque les exigences sont spécifiées par la limite inférieure du • Prendre le nombre maximal de longueur de base possible pour
paramètre, la surface est considérée comme étant acceptable si au effectuer la mesure.
maximum 16 % de toutes les valeurs mesurées du paramètre
Dans notre cas, le nombre de longueur de base est
considéré obtenues sur une longueur d’évaluation sont dépassées
3 (3 × 0,8 = 2,4 mm). La longueur de palpage sera égale à 3,2 mm
par la valeur spécifiée.
(2,4 mm + 0,8 mm), 1 longueur de base étant nécessaire pour le
16 % correspond à une valeur mesurée sur 6, hors de la limite fonctionnement correct de l’appareil.
spécifiée, ou 2 valeurs sur 12, etc. La solution la plus utilisée dans l’industrie est le choix d’une longueur
de base plus petite (0,25 mm par exemple), qui réduit ainsi la longueur
1.3.2 Règle de la valeur maximale de palpage à 1,5 mm. Ce choix n’est pas conseillé, une longueur
d’onde de coupure trop petite risque de réduire l’amplitude du signal
Lorsque les exigences sont spécifiées par la valeur maximale du caractérisant l’amplitude des stries de rugosité de façon importante,
paramètre, aucune des valeurs mesurées du paramètre de rugosité réduisant ainsi la valeur du paramètre spécifié.
sur l’ensemble de la surface à contrôler ne doit dépasser la valeur • Recalculer la limite en appliquant la formule suivante :
spécifiée.
Pour désigner la valeur maximale admissible du paramètre, le 3
Ra = ------ × 1,6 = 1,24 µm
suffixe « max. » doit être ajouté au symbole du paramètre. 5

Exemple : Rzmax 10. avec 1,6 la valeur du paramètre spécifié sur le plan (1,6 µm),
1,24 µm la valeur recalculée en fonction des conditions de
palpage utilisées.
1.3.3 Règles applicables pour chaque famille
de paramètres
La règle à appliquer par défaut est la règle des 16 %. L’appli-
1.4 Expression du résultat
cation de ces règles pour les différentes familles de paramètres est La mesure est un résultat de mesure et une incertitude de mesure.
précisée dans le tableau 6. Le compte-rendu de la mesure devrait indiquer au minimum :
— le type d’instrument utilisé ;
1.3.4 Évaluation du paramètre — le type de palpeur et la valeur du rayon ;
Les paramètres d’état de surface ne servent pas à la description — le type de filtre ;
des défauts de surface. Les défauts de surface tels que rayures et — la longueur de base ;
pores ne doivent pas être pris en considération lors de la véri- — la longueur d’évaluation ou le nombre de longueur de base ;
fication de l’état de surface. — l’incertitude de mesure.
Pour décider si une surface est conforme ou non à la spécification, Dans le domaine de l’état de surface l’incertitude est exprimée
une série de valeurs du paramètre d’état de surface doit être utilisée, en pour-cent. Elle est évaluée à partir des composantes suivantes :
chacune déterminée à partir d’une longueur d’évaluation. — écart-type de répétabilité, obtenu sur une série de mesures ;
La fiabilité de la décision de conformité et la précision de la valeur — incertitude-type sur la valeur des étalons de référence, cal-
moyenne obtenue dépendent du nombre de longueurs de base, à culée à partir de l’incertitude donnée sur le certificat d’étalonnage ;
l’intérieur de la longueur d’évaluation sur lesquelles la valeur du — erreur de justesse, écart entre la valeur de l’étalon et la
paramètre d’état de surface est obtenue et aussi du nombre de moyenne d’une série de mesures de l’étalon sur l’appareil.
longueurs d’évaluation, c’est-à-dire du nombre de mesurages le Des exemples d’incertitude de mesure sont donnés dans le
long de la surface. tableau 7. (0)

Tableau 7 – Exemples d’incertitude de mesure


Incertitude de mesure
Type de mesure Ra (en µm) Rz (en µm) Rt (en µm) R (en µm)
< 0,2 > 0,2 <1 >1 <2 >2 < 0,8 > 0,8
Étalon étalonné dans un laboratoire de référence ±4% ±2% ± 10 % ±3% ± 18 % ±5% ±3% ±1%
Étalon étalonné dans un laboratoire industriel ± 15 % ±5% ± 15 % ±5% ± 20 % ± 10 % ± 10 % ±5%
Pièce mesurée en entreprise ± 20 % ± 10 % ± 20 % ± 10 % ± 25 % ± 20 % ± 15 % ± 10 %

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Référence Internet
P895

Microscopie à sonde locale

parFrank SALVAN
1
et Franck THIBAUDAU
Groupe de Physique des États Condensés (GPEC)
Faculté des sciences de Luminy
Université de la Méditerranée

1. Principe du microscope en champ proche......................................... P 895 - 3


2. Le microscope à effet tunnel................................................................. — 4
2.1 Introduction................................................................................................... — 4
2.2 Effet tunnel entre deux électrodes métalliques planes ............................. — 4
2.3 Fonctionnement en mode courant tunnel constant .................................. — 5
2.4 Théorie et interprétation des images.......................................................... — 6
2.5 Spectroscopie locale par effet tunnel ......................................................... — 7
2.6 Émission de photons dans la microscopie par effet tunnel...................... — 7
2.7 Domaines d’application ............................................................................... — 9
3. Le microscope à force atomique et les microscopies de force ... — 9
3.1 Principes........................................................................................................ — 9
3.2 Mode contact ................................................................................................ — 10
3.3 Mode de contact intermittent (tapping mode TM) ..................................... — 11
3.4 Mode non-contact vibrant ........................................................................... — 11
3.5 Mode lift TM ................................................................................................... — 12
3.6 Récapitulatif .................................................................................................. — 13
3.7 Applications .................................................................................................. — 13
4. Microscopie optique en champ proche et effet tunnel
de photons .................................................................................................. — 14
4.1 Généralités .................................................................................................... — 14
4.2 Champ proche optique (SNOM).................................................................. — 14
4.3 Effet tunnel de photons (PSTM ou STOM) ................................................. — 14
4.4 Applications .................................................................................................. — 15
5. Instrumentation......................................................................................... — 15
5.1 Problèmes généraux .................................................................................... — 16
5.1.1 Système de déplacement fin .............................................................. — 16
5.1.2 Vibrations ............................................................................................. — 16
5.1.3 Approche de la sonde ......................................................................... — 16
5.1.4 Contrôle et régulation du microscope ............................................... — 17
5.2 Sonde et levier.............................................................................................. — 17
5.2.1 Microscopie par effet tunnel............................................................... — 17
5.2.2 AFM ...................................................................................................... — 17
6. Conclusion .................................................................................................. — 17
Pour en savoir plus............................................................................................ Doc. P 895
Parution : septembre 1999

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41
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P895

MICROSCOPIE À SONDE LOCALE __________________________________________________________________________________________________________

L’ apparition en 1982 du microscope à effet tunnel a constitué une révolution


dans le domaine des microscopies en introduisant le concept de micro-
scopie de champ proche qui est à la base des microscopes à sonde locale. Dif-
férentes dans leur principe des microscopies traditionnelles, les microscopies à
sonde locale (ou de champ proche) se développent en effet à partir des avancées
scientifiques et techniques de la microscopie par effet tunnel. Utilisant toutes le
balayage d’une pointe sonde à proximité d’un échantillon, elles fournissent des

1 images qui sont des cartographies à très haute résolution de propriétés spécifi-
ques de la surface de l’échantillon selon le type de sonde utilisé. Diverses pro-
priétés (structurales, électroniques, chimiques, optiques...) et leurs variations
locales à l’échelle nanométrique ou subnanométrique peuvent être ainsi ima-
gées et étudiées. Grâce à leur grand pouvoir de résolution, les microscopies à
sonde locale prennent le relais des microscopies classiques pour étudier la
matière jusqu’à l’échelle atomique.
À l’heure actuelle, après quelques années de développement, de nombreux
laboratoires de recherche et de l’industrie utilisent ces instruments d’observa-
tion et d’analyse. Ils permettent d’étudier les propriétés locales de surfaces (ou
d’interfaces) dans des conditions très variées selon les applications : ultravide
pour la physico-chimie des surfaces, milieu liquide pour la biologie et l’électro-
chimie, atmosphère contrôlée pour toutes sortes de matériaux et pour la métro-
logie en ligne de certaines applications du domaine recherche et déve-
loppement. Le tableau A montre comment par la mesure locale et le contrôle de
grandeurs ou quantités physiques (un courant, une force, une capacité, une
intensité de rayonnement...), on peut accéder à des propriétés locales caractéris-
tiques d’un échantillon.
Certains microscopes (cf. tableau A) permettent aussi de modifier de façon
contrôlée la surface de l’échantillon en particulier en manipulant les atomes de
surface ou en créant une réaction chimique locale sous la pointe. Ceci permet la
fabrication de structures de taille nanométrique, ou la gravure de motifs. On a
donc à la fois des instruments de caractérisation des surfaces de matériaux et
des outils de gravure à l’échelle nanométrique.
Il existe une abondante littérature et de nombreux ouvrages de revue sur les
microscopies à sonde locale. Dans cet article, nous dégagerons seulement les
principales caractéristiques des nouveaux instruments et illustrerons les nom-
breux champs d’application dans différents domaines de la physique, de la bio-
logie, de la métrologie et des nanotechnologies. Après la description du principe
général d’un microscope à sonde locale et de son fonctionnement, nous nous
attacherons à étudier de façon plus détaillée les premiers microscopes (STM et
AFM ou leurs dérivés). Pour chaque instrument nous montrerons les impacts en
recherche fondamentale (physique, chimie et biologie), métrologie et technolo-
gie. Nous traiterons ainsi de la microscopie par effet tunnel et de ses applica-
tions. Un paragraphe sera consacré au microscope à force atomique et à la
microscopie de force et un autre abordera la microscopie de champ proche opti-
que et ses applications. Les problèmes généraux de l’instrumentation seront
traités à la fin de l’article.

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P895

__________________________________________________________________________________________________________ MICROSCOPIE À SONDE LOCALE

Tableau A – Caractéristiques des différents microscopes à sonde locale


Résolution
Nom Grandeur mesurée Échantillon latérale Informations
(nm)
Microscope à effet Courant Conducteur 0,1 • Caractérisations

1
tunnel structurales
et électroniques
• Manipulation
d’atomes
• Nanogravure
Microscope à force Force Tout type 0,1 • Topographie
atomique • Mesure de forces
(cf. tableau 1)
Microscope à force Force magnétique Magnétique 10 • Magnétisation
magnétique locale
Microscope tunnel Courant Électrode en 0,1 • Suivi d’attaques
électrochimique solution ou de dépôts
électrochimiques
Microscope Capacité Isolant 10 • Capacité locale
capacitif • Profil de dopants
Microscope à effet Ondes évanescen- Tous types 10 • Caractérisation
tunnel optique tes à la réflexion de films optique locale
totale minces
Microscope optique Champ proche Transparent 10 • Caractérisation
en champ proche optique ou réfléchis- optique locale
sant • Spectroscopie
Microscope Courant Interface 1 • Topographie
à électrons métal/semi- • Caractéristiques
balistiques conducteur locales de diodes
(M/S) M/S
Microscope à force Force électrique Tout type 10 • Cartographie
électrostatique de répartition
de charges
Microscope Tension 1 000 •Cartographie
acoustique et fréquence d’impédance acousti-
en champ d’oscillation que
proche
Microscope Tension Tout type 100 • Cartographie
thermique d’un couple de température
en champ thermoélectrique de surface
proche

1. Principe du microscope La plus petite distance pouvant être perçue dans le plan de
l’image (inverse du pouvoir de résolution latérale) est de l’ordre
en champ proche de λ ; cette limite théorique est inhérente au phénomène de propa-
gation du rayonnement au travers des systèmes optiques d’agran-
dissement (et en particulier au phénomène de diffraction).

Pour apprécier l’originalité de ces nouveaux instruments, et cer- La grande originalité de la microscopie en champ proche est de
ner l’origine de leur excellent pouvoir de résolution, il nous faut s’affranchir du régime de propagation, et donc des limites de résolu-
revenir brièvement sur le principe de fonctionnement d’un micro- tion qu’il impose, en plaçant la sonde à proximité immédiate de
l’échantillon. Dans ces conditions, la résolution latérale de l’image
scope traditionnel.
dépend principalement de la forme de la sonde et de la distance
Dans les microscopes traditionnels (optique ou électronique), une pointe-échantillon.
source d’ondes (ou corpuscules) « éclaire » l’objet. Le rayonnement
Les premiers microscopes à sonde locale furent d’abord le
diffracté par l’objet véhicule au travers d’« optiques » des informa- microscope à effet tunnel (1982) souvent désigné sous le sigle
tions caractéristiques de l’objet vers un détecteur (CCD...) qui donne anglo-saxon STM (Scanning Tunneling electron Microscope) [1]
une image agrandie de cet objet. Les distances source-échantillon et bientôt suivi par le microscope à force atomique ou AFM (Atomic
échantillon-détecteur sont bien supérieures à la longueur d’onde λ Force Microscope) en 1985. Leurs inventeurs, G. Binnig et H. Rohrer,
du rayonnement utilisé. obtinrent le prix Nobel de physique en 1986.

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P895

MICROSCOPIE À SONDE LOCALE __________________________________________________________________________________________________________

tions latérales typiques mentionnées dans l’avant-dernière colonne


illustrent les performances obtenues en régime de champ proche.
Système
de visualisation Nous détaillons dans le paragraphe suivant les spécificités du
microscope à effet tunnel.

Système

1 2. Le microscope
de contrôle

à effet tunnel
Électronique
de régulation

z 2.1 Introduction
y x

Tubes Conséquence de la dualité onde-corpuscule, l’effet tunnel se


piézoélectriques manifeste lorsqu’une particule doit traverser une région de l’espace
où son énergie totale est inférieure à son énergie potentielle. Une
telle région constitue une barrière de potentiel que la particule ne
Signal d'interaction Sonde peut traverser. Cependant, si l’onde associée à la particule s’étend
sur des dimensions comparables à l’extension de cette barrière, la
d mécanique quantique prévoit que la particule peut traverser par
effet tunnel cette barrière de potentiel, interdite au sens de la méca-
nique classique. Depuis les prédictions de la mécanique quantique,
de nombreuses manifestations de l’effet tunnel ont été observées en
physique atomique et nucléaire.
Échantillon C’est à la fin des années 20 qu’est prévu l’effet tunnel d’électrons
au travers de la barrière de potentiel constituée par l’espace vide
Figure 1 – Schéma de principe d’un microscope à sonde locale entre deux solides [2] ; ce n’est cependant que trente ans plus tard
que l’on en voit la première réalisation expérimentale avec une bar-
rière solide [3], et seulement en 1982 qu’une expérience fondamen-
Dans un microscope en champ proche (figure 1), la sonde détecte tale pour le développement de la microscopie par effet tunnel est
une grandeur physique (courant tunnel électronique, force interato- mise au point par un groupe de chercheurs des laboratoires IBM de
mique, intensité de rayonnement, température, courant ionique...) Zurich [4]. Ceux-ci mettent en évidence l’effet tunnel d’électrons
caractéristique de son interaction avec l’échantillon. Cette sonde est dans le vide en mesurant un courant d’électrons qui franchissent par
placée à une distance d de l’ordre de quelques nanomètres de la sur- effet tunnel l’espace vide entre une pointe métallique et un échan-
face de l’échantillon. Elle est solidaire d’un dispositif qui guide son tillon métallique. La distance interélectrodes est contrôlée par un
déplacement. Grâce à un système de transducteurs piézoélectri- transducteur piézoélectrique. Conformément aux prédictions théori-
ques, elle peut être finement déplacée par rapport à l’échantillon ques, ce courant tunnel dépend exponentiellement de la distance
dans les trois dimensions de l’espace : Ox, Oy dans le plan de la sur- interélectrodes et, ce, dans un rapport de 1 à 104 variations de son
face et Oz normalement à celle-ci. En balayant la sonde parallèle- intensité. Un modèle unidimensionnel d’effet tunnel entre deux
ment à la surface de l’échantillon, il est alors possible de détecter les électrodes métalliques planes (figure 2) permet d’appréhender les
variations de la grandeur physique sondée et d’en dresser ainsi une ordres de grandeur caractéristiques justifiant les performances d’un
microscope à balayage basé sur la mesure et le contrôle de ce
cartographie. Ceci est à la base de toute microscopie en champ pro-
courant.
che. Toutefois, dans ces conditions de fonctionnement, en l’absence
de contrôle, la sonde, qui est très proche de l’échantillon, pourrait
heurter de façon dommageable la surface étudiée. C’est pour remé-
dier à cet inconvénient que dans un tel microscope un système 2.2 Effet tunnel entre deux électrodes
d’asservissement ajuste en permanence la position de la sonde per-
pendiculairement à la surface, le plus souvent dans le but de main- métalliques planes
tenir constante la grandeur mesurée au cours du balayage et
d’éviter un contact direct avec l’échantillon. En enregistrant le mou-
vement z(x,y) de réponse du système d’asservissement au cours La figure 2 présente un diagramme énergétique de la barrière de
d’un balayage, on visualise alors des nappes tridimensionnelles iso- potentiel constituée par deux électrodes planes métalliques sépa-
mesures de la grandeur physique sondée sous forme d’images rées par une distance d’isolant s et entre lesquelles on a appliqué
numérisées. L’emploi de sondes en forme de pointe permet d’obte- une tension V. Dans ce modèle, le courant tunnel I résulte de toutes
nir une bonne résolution spatiale : en effet, en raison de la très forte les transitions électroniques depuis les états électroniques occupés
décroissance des interactions en fonction de la distance à l’échan- d’une électrode vers les états électroniques inoccupés de même
énergie de l’électrode en regard. Pour des faibles tensions et à tem-
tillon, seule l’ultime extrémité de la pointe sonde interagit notable-
pérature nulle, le calcul du courant I conduit à l’expression
ment avec les atomes de la surface.
suivante :
Selon la sonde utilisée (tableau A), on peut mesurer des proprié- I = aV exp (− k · s)
tés locales diverses, ainsi que leurs variations pour en dresser des
cartographies. La dernière colonne du tableau indique les condi- avec a constante,
tions d’utilisation et le type d’informations accessibles ; les caracté-
m masse de l’électron,
risations concernent des systèmes dans des environnements très
variés (ultravide, atmosphère contrôlée, milieu liquide). Les résolu- h constante de Planck,

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44
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R1394

Microscopie à force atomique (AFM)

par Jean-Claude RIVOAL


1
Professeur émérite à l’université Pierre-et-Marie-Curie
Laboratoire d’optique physique (CNRS UPR A0005)
et Christian FRÉTIGNY
Directeur de recherche CNRS, laboratoire de physico-chimie des polymères et milieux
dispersés (CNRS UMR 7615)

1. Instrumentation et modes de fonctionnement ............................... R 1 394 – 2


1.1 Microscope................................................................................................... — 2
1.2 Modes de fonctionnement.......................................................................... — 4
1.3 Analyse des modes de fonctionnement .................................................... — 6
2. Applications .............................................................................................. — 10
2.1 Propriétés locales ........................................................................................ — 10
2.2 Nanotechnologies........................................................................................ — 15
3. Conclusion ................................................................................................. — 17

Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. R 1 394

a microscopie à force atomique (AFM : « atomic force microscopy ») a été


L introduite en 1986 par G. Binnig, C.F. Quate et C. Gerber [1], comme une
application du concept de microscope à effet tunnel (STM : « scanning tunneling
microscope ») [R 6 714] permettant l’étude de surfaces de matériaux isolants à
l’échelle atomique. En combinant les principes du microscope à effet tunnel et
du stylet profilométrique, les auteurs démontraient la possibilité d’imager, à l’air
libre, la surface d’échantillons conducteurs ou non, avec une résolution latérale
de 30 Å et une résolution verticale inférieure à 1 Å. La technique a, depuis lors,
été adaptée à différents environnements tels que le vide, le milieu liquide, les
basses températures, les champs magnétiques et aussi pour des applications en
chimie ou en biologie.
L’AFM est basée sur la mesure des forces entre un fin stylet et la surface étu-
diée. Le capteur de force est un ressort-lame (stylet) encastré à une extrémité et
muni d’une pointe à l’autre extrémité, il est encore appelé « cantilever ». Les for-
ces d’interaction modifient la déflection ou la torsion statique ou oscillante du
stylet. La mesure des déformations du « cantilever » dans les microscopes de
force actuels s’effectue, le plus souvent, grâce à la déviation d’un faisceau lumi-
neux (« diode laser ») réfléchi par l’extrémité du stylet, méthode proposée dès
1988 par G. Meyer et N. Amer [2].
Le développement de cette méthode de sonde locale a été rapide aussi bien
dans les laboratoires universitaires qu’en milieu industriel. Des tâches de
contrôle sur des lignes de production sont couramment effectuées à l’aide de ce
dispositif relativement simple à mettre en œuvre. La majorité des utilisateurs
cherche à obtenir des formes ou des tailles caractéristiques de la surface ; en
balayant l’échantillon sous le « cantilever », on obtient l’image AFM recherchée.
Mais on s’est très vite aperçu qu’il était possible avec le même instrument de
proposer des situations originales de « physique au nanomètre ».
Parution : juin 2005

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45
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R1394

MICROSCOPIE À FORCE ATOMIQUE (AFM) __________________________________________________________________________________________________

Dans une première partie, l’instrumentation est décrite et les différents modes
de fonctionnement (contact, résonnant, « tapping », frottement…) sont présen-
tés de façon générale. En insistant sur les potentialités de l’instrument, on expli-
cite les fondements des principales méthodes utilisées, sans être exhaustif. Dans
une seconde partie, des applications physiques dans divers domaines sont
présentées.

1
1. Instrumentation et modes environnements physiques tels que le vide, les fluides, les basses
températures et les champs magnétiques mais aussi aux applica-
de fonctionnement tions chimiques, optiques, biologiques et métrologiques.
Une illustration de ces différents modes, appliqués à la détection
mécanique, physico-chimique, magnétique, etc., est représentée sur
la figure 3.
1.1 Microscope

Un schéma typique des microscopes de force est présenté sur la 1.1.1 Cantilever et pointe
figure 1. Une pointe miniature, fixée à l’extrémité d’un cantilever,
est proche de la surface d’un échantillon placé sur une platine de Le cantilever et la pointe constituent une partie essentielle de
déplacement (balayage XYZ ). Le déplacement relatif de la pointe l’instrument. En raison de la complexité de leur fabrication, les can-
par rapport à l’échantillon donne soit une cartographie de la gran- tilevers sont en général achetés auprès de sociétés commerciales,
deur mesurée, soit une surface d’« isograndeur », si une boucle bien que quelques équipes utilisent avec succès des fils de tungs-
d’asservissement ajuste la hauteur de l’échantillon pour maintenir tène recourbés et dont l’extrémité a subi une attaque chimique.
constante la grandeur mesurée.
Nota : le terme anglais cantilever désigne une pointe suspendue en porte à faux.

La déflection ou la torsion du ressort sous l’effet de la force d’inte-


raction est mesurée par la déviation d’un faisceau laser réfléchi par
l’extrémité du cantilever et collecté sur une diode photoélectrique Laser
segmentée (deux ou quatre cadrans).
Une pointe AFM peut être statique ou mise en mode oscillant. Diode
Dans ce dernier cas, on peut faire vibrer le cantilever grâce à une photoélectrique
pastille piézo-électrique en contact avec son support. Un exemple segmentée
particulier de fixation de cantilever est présenté sur la figure 2. Par
ailleurs, une cale piézo-électrique permet d’ajuster finement la dis-
tance pointe-échantillon et est utilisée pour asservir l’amplitude de
vibration du cantilever.
Cantilever
Sensible aux gradients de température, la pointe peut aussi être et pointe
utilisée comme calorimètre.
Suivant la configuration adoptée, on distingue trois modes de Échantillon
fonctionnement principaux pour l’AFM : statique (continu), dynami-
que (oscillant) ou thermique. La force d’interaction peut être due
aux forces répulsives entre les atomes de la pointe AFM et ceux de
la surface, à des forces de Van der Waals à courte portée, à des Balayage XYZ
forces capillaires, au frottement, à des processus magnétiques ou
électrostatiques si la pointe est conductrice ou recouverte de maté- Figure 1 – Principe du microscope de force
riau magnétique, à des processus catalytiques, etc. Une modifica-
tion chimique de la pointe AFM permet ainsi de mesurer diverses
propriétés de la surface d’un échantillon.
Grâce à une boucle d’asservissement, on peut obtenir des images z
de « hauteur », qui correspondent à une interaction mécanique y
constante. Donnant, en première approximation, des résultats
Pastille Lame ressort Porte- Cale
fidèles à la topographie de l’échantillon étudié, cette méthode four- x piézo-électrique en chrysocale pointe piézo-électrique
nit donc des informations difficiles à obtenir par d’autres techniques
de microscopie. Elle permet, de plus, de : ∆e
— sonder le module viscoélastique d’une surface ou ses proprié- Pointe
Échantillon Ressort ∆e
tés tribologiques (frottement) et/ou adhésives ;
— caractériser les forces d’interaction hors contact entre la pointe Platine
de translation
et l’échantillon. xy
Bien que l’AFM ait été destinée au départ, grâce à son excellente Collage au salol Levier
résolution latérale et transversale, à l’imagerie des surfaces de
matériaux non conducteurs, la technique a été adaptée à divers Figure 2 – Exemple particulier de fixation de cantilever (d’après [3])

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46
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R1394

__________________________________________________________________________________________________ MICROSCOPIE À FORCE ATOMIQUE (AFM)

Mode statique Mode dynamique Mode thermique


(contrainte de surface) (microbalance) (température)

A B 1
Diffusion dans Thermogravimétrie Réaction catalytique
les polymères
a Budget Sensors™ b Advanced TEC de NanoSensors™

Figure 4 – Cantilevers usuels microfabriqués commerciaux

Reconnaissance Biochimie Calorimètre


biomoléculaire

Figure 3 – Modes de fonctionnement de l’AFM et applications


(d’après IBM)

Plusieurs caractéristiques sont recherchées :


— extrémité de pointe très fine (quelques nanomètres) pour une
bonne résolution latérale ;
— fréquence de résonance (quelques dizaines de kilohertz)
grande devant les fréquences caractéristiques d’acquisition ;
— raideur déterminée : faible (~ 0,01 N.m–1 pour une bonne
sensibilité en force ou pour éviter d’endommager la surface en
mode contact) ou forte (~ 100 N.m–1 pour des expériences de nano-
indentation).
Ces contraintes imposent une miniaturisation du cantilever.
Figure 5 – Pointe en tungstène
1.1.1.1 Réalisation pratique
Pour obtenir de tels objets, on utilise en général des techniques de
fabrication issues de la microélectronique (gravure, attaque chimi- 1.1.1.2 Pointes spéciales
que…). Les dispositifs ainsi réalisés sont donc, le plus souvent, en
silicium ou en nitrure de silicium, matériaux couramment mis en Les propriétés électriques des surfaces sont obtenues à l’aide de
œuvre par ces techniques. Pour des expériences d’indentation, de pointes rendues conductrices par le dépôt d’une couche métallique,
rayure ou des mesures de résistance de contact, on utilise parfois et les propriétés magnétiques à l’aide de pointes aimantées ou bien
des pointes de diamant de profil particulier. à l’extrémité desquelles est fixée une particule magnétique. Des
techniques chimiques autorisent la modification de la physico-chimie
■ Réalisations commerciales : la figure 4 présente des cantilevers de la pointe (greffage, couches autoassemblées…).
usuels microfabriqués et deux images en microscopie électronique
Pour résoudre les problèmes liés à l’encombrement stérique de la
à balayage (MEB) de la pointe associée. La figure 4a montre un
pointe dans l’étude d’échantillons présentant des structures profondes
exemple de cantilever de chez Budget SensorsTM, partant de la et de faible largeur, un nanotube de carbone peut être attaché à
matrice de cantilevers (4e quadrant) ; dans les quadrants 1 et 2, le l’extrémité d’une pointe (figure 6). Ce nanotube se présente comme
stylet muni de sa pointe, puis un détail de la pointe (3e quadrant), et une pointe de rayon constant et petit (quelques nanomètres) mais
enfin au centre une image MEB de l’extrémité de la pointe. La de longueur élevée (de l’ordre du micromètre). Il possède de plus
figure 4b montre une nouvelle pointe AdvancedTEC de une durée de vie plus élevée que les pointes conventionnelles [5]
NanoSensorsTM dont l’extrémité tétraédrique dépasse l’extrémité [6]. La résolution latérale peut être notablement améliorée [7].
du levier pour permettre un réglage plus aisé.
La longueur des cantilevers est de 100 ou 200 µm, leur épaisseur 1.1.2 Acquisition des signaux
est d’une fraction de micromètre. Leur forme est soit rectangulaire,
soit en forme de V. Les raideurs sont, suivant les géométries, com-
prises entre 0,01 et quelque 100 N.m–1. Les pointes ont en général 1.1.2.1 Conditions de fonctionnement
un rayon de courbure typique dans la gamme de 2 à 50 nm.
Simple et d’encombrement réduit, l’AFM peut être utilisé sous
■ Réalisations de laboratoires de recherche : la figure 5 montre une vide, sous atmosphère contrôlée ou en milieu liquide. Il est cepen-
image MEB de l’extrémité d’une pointe en tungstène couramment dant nécessaire de prévoir une bonne isolation du son et des vibra-
utilisée dans les laboratoires de recherche pour effectuer des tions. Suivant les situations et les performances recherchées, un
mesures AFM couplées à des mesures de microscopie optique en caisson acoustique, une table de balance ou une table optique sont
champ proche [4] [P 862] [R 6 714]. La tige de tungstène a un diamè- nécessaires. Des tables suspendues sont parfois utilisées. Pour le
tre voisin de 1,3 µm, elle est affinée à son extrémité par attaque chi- travail en milieu liquide, l’échantillon et le cantilever baignent dans
mique et ensuite courbée pour être utilisée. le milieu. Des cellules spéciales pour liquides sont proposées par la

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R1394

MICROSCOPIE À FORCE ATOMIQUE (AFM) __________________________________________________________________________________________________

C, C ’

1 Van der Waals


A, A ’
J D’

B Zéch

Adhérence
Figure 6 – Nanotube de carbone à l’extrémité d’une pointe
S’

plupart des fabricants. Elles sont plus ou moins faciles d’emploi sui- Aller Retour
vant les cas. Des difficultés peuvent apparaître pour des milieux
agressifs ou d’indice de réfraction élevé. Figure 7 – Courbe de force

1.1.2.2 Influence du bruit thermique 1.2.1 Modes contact et frottement


Une bonne stabilité thermique et hygrométrique est nécessaire
pour éviter les dérives : certains cantilevers sont recouverts d’une 1.2.1.1 Courbes de force
couche réfléchissante métallique, ce sont donc des bilames très Les courbes de force peuvent être obtenues expérimentalement
sensibles aux variations des conditions ambiantes. Cette propriété avec l’instrument présenté sur la figure 1. Sans faire vibrer le
est utilisée dans certaines situations pour détecter des réactions cantilever, on fait varier la position verticale (z) de l’échantillon et on
catalytiques. enregistre les déflections du cantilever.
De la même façon, les dilatations des pièces qui forment la tête Une courbe schématique est montrée sur la figure 7 : on y a porté
AFM peuvent être gênantes. Il n’est en général pas nécessaire de la déflection du stylet (α) en fonction de la hauteur de l’échantillon
travailler dans une enceinte régulée, mais quelques précautions élé- (Zéch). On remarque que les trajets aller vers le contact (de droite à
mentaires sont souvent utiles. gauche) et rupture du contact (de gauche à droite) sont différents.

■ À l’aller : loin de la surface, les forces d’interaction sont très


1.1.2.3 Taille des données relatives à l’acquisition faibles, la déflection du cantilever est quasi nulle, c’est la partie hori-
des images zontale à droite (aller AJ et retour D’A’). Dans le vide, dans l’air et
dans certains liquides, l’interaction pointe-surface est attractive et
Il convient de rappeler la taille des données recueillies quand on conduit à une légère déflection du cantilever (vers le bas, ou néga-
acquiert des images. L’AFM a une résolution latérale typique de tive) à l’approche de la surface. L’instabilité correspondante se tra-
l’ordre de quelques nanomètres. Si on désire enregistrer une image duit par le saut vertical JB visible sur la courbe aller.
AFM, de topographie de surface, par exemple de 100 µm × 100 µm, Si l’on continue de rapprocher de la pointe l’échantillon supposé
avec un pas de déplacement (en x ou y) de la platine porte- très rigide, la déflection croît linéairement avec la hauteur de
échantillon de 10 nm, la dimension de l’image est de 108 pixels. l’échantillon sur le trajet BC. (La flèche à l’extrémité d’une poutre encas-
Comme chaque pixel est codé sur deux octets, pour traduire la ten- trée et la déflection au même point sont en effet proportionnelles.)
sion enregistrée sur la photodiode à quatre quadrants et restituer la Cette partie permet l’étalonnage des forces appliquées :
topographie, l’image obtenue représente 200 Mo, soit typiquement déflection → flèche → force appliquée par l’intermédiaire de la raideur.
un quart de la capacité d’un CD actuel ! Un compromis doit donc
être trouvé entre le pas de déplacement, qui fixe la résolution de ■ Au retour : la courbe de force, sur le trajet C’S’, commence par
l’image, et la taille de la zone imagée. Des images de suivre le même chemin qu’à l’aller, mais dépasse la position de
512 pixels × 512 pixels, codées sur deux octets, occupent plus de force nulle ou même celle de la limite du saut au contact à cause de
0,5 Mo. Sur des images de ce type représentant un champ de l’adhésion. Il faut en effet tirer sur le contact pour le rompre. Tant
que le point de rupture n’est pas atteint, la trajectoire est dans le pro-
100 µm, la taille du pixel est d’environ 200 nm.
longement de la droite caractéristique du contact. Quand le point de
rupture S’ est atteint, le cantilever reprend la position très faible-
ment défléchie en D’ à cause des forces interfaciales hors contact.

1.2 Modes de fonctionnement L’adhésion se manifeste ici par une hystérésis sur la courbe de
force. Elle provient de nombreux facteurs : forces de Van der Waals,
bien sûr, mais aussi forces capillaires, électriques dans les liquides.
Elles sont alors affectées par le pH, la force ionique… La courbe de
Selon que la pointe est en contact avec la surface ou non, qu’elle force peut être considérée comme une mesure de l’adhérence. Il
travaille à la résonance du cantilever ou à fréquence nulle, ou bien s’agit de la manifestation de l’adhésion dans un cadre expérimental
que l’échantillon vibre ou non, on obtient des modes opératoires et donné. D’après ces remarques, on conçoit que l’AFM soit sensible
d’imagerie différents. aux propriétés physico-chimiques des surfaces.

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48
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BM5055

Fatigue des surfaces

par Louis FLAMAND


1
Professeur à l’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon,
Laboratoire de Mécanique des Contacts et des Structures – UMR CNRS 5259
Philippe SAINSOT
Maître de conférences à l’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon,
Laboratoire de Mécanique des Contacts et des Structures – UMR CNRS 5259
Ton LUBRECHT
Professeur à l’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon,
Laboratoire de Mécanique des Contacts et des Structures – UMR CNRS 5259

1. Avaries de surface dans les contacts élastohydrodynamiques . BM 5 055 - 3


1.1 Familles d’avaries ....................................................................................... — 3
1.2 Effets normaux ............................................................................................ — 4
1.2.1 Déformations plastiques ................................................................... — 4
1.2.2 Fatigues superficielles ....................................................................... — 4
1.3 Effets normaux et tangentiels .................................................................... — 5
1.3.1 Usures (wear) ..................................................................................... — 5
1.3.2 Usures et fissurations par petits débattements (fretting wear,
fretting fatigue)............................................................................................ — 5
1.4 Effets normaux, tangentiels et thermiques............................................... — 5
1.5 Effets physiques et chimiques ................................................................... — 5
2. Modélisation mécanique du fonctionnement du contact............ — 6
2.1 Position du problème ................................................................................. — 6
2.2 Approches globale et locale....................................................................... — 7
2.2.1 Séparation élastohydrodynamique .................................................. — 7
2.2.2 Pressions et champs de contraintes................................................. — 10
2.2.3 Températures ..................................................................................... — 15
2.3 Récapitulatif des paramètres significatifs ................................................. — 15
2.3.1 Paramètres de l’état mécanique ....................................................... — 15
2.3.2 Paramètres fonctionnels du contact................................................. — 15
2.4 Exemple d’un contact entre deux dents d’engrenage ............................. — 15
2.5 Autre exemple ............................................................................................. — 16
3. Relations paramètres-avaries de surface ......................................... — 17
3.1 Fatigues superficielles ................................................................................ — 17
3.2 Usures .......................................................................................................... — 18
3.3 Grippage ...................................................................................................... — 18
3.4 Exemple d’un contact entre deux dents d’engrenage ............................. — 18
3.4.1 Nature de la dégradation éventuelle ................................................ — 18
3.4.2 Risques de dégradations ................................................................... — 18
4. Conclusion................................................................................................. — 18
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. BM 5 055

es mécanismes industriels utilisent des pièces en mouvement relatif dont


L les liaisons sont généralement des paliers hydrostatiques ou hydrodynami-
Parution : septembre 2013

ques, des roulements à billes ou à rouleaux, des engrenages ou encore des

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est strictement interdite. – © Editions T.I. BM 5 055 – 1

49
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BM5055

FATIGUE DES SURFACES _____________________________________________________________________________________________________________

cames et des poussoirs. Alors que la performance de ces mécanismes dépend


de concepts globaux, par exemple la dynamique, l’élasticité, leur fonctionne-
ment et leur fiabilité sont tributaires de concepts locaux de tribologie ou de
mécanique des contacts. En effet, les sollicitations provoquées par le contact
entre les éléments en mouvement relatif induisent des champs de contraintes
et de températures dans la « peau » de ces éléments qui, comparés aux limites
admissibles pour les matériaux, peuvent être à l’origine d’avaries. Cet article a

1 pour objectif de définir les critères qui permettent d’analyser la sévérité du


fonctionnement du contact et les risques d’avaries de surface. C’est un pro-
blème important, à la fois du point de vue industriel et du point de vue
scientifique. En effet, la plupart des mécanismes utilisent des contacts dans
leurs liaisons, dont les dégradations constituent encore aujourd’hui un han-
dicap important pour leur fiabilité. Par ailleurs, la modélisation de leur
fonctionnement et de leurs dégradations constitue un domaine récent dont les
aspects pluridisciplinaires en font un secteur très ouvert.
Le domaine de cette étude est limité à celui des contacts élastohydrodynami-
ques, c’est-à-dire ceux dans lesquels la pression de contact est élevée, de
l’ordre de grandeur des limites de comportement élastiques des matériaux. Il
s’agit notamment des roulements, des engrenages et des cames, à l’exclusion
des paliers.
Dans un premier temps, les familles d’avaries seront présentées puis, à partir
de concepts mécaniques, les paramètres du fonctionnement de ces contacts
seront définis et enfin certaines limites seront établies.

Notations et symboles Notations et symboles

Symbole Unité Désignation Symbole Unité Désignation

a m Demi-axe de l’ellipse de contact hm m Épaisseur minimale du film EHD


selon Ox et demi-longueur de l’aire pour des surfaces lisses
de contact
H0 — Épaisseur adimensionnée du film EHD
A m Amplitude d’une aspérité sinusoïdale pour des surfaces lisses, au centre du
contact (x = z = 0) : H0 = h0/Rx
c m Demi-axe de l’ellipse de contact
selon Oz Hm — Épaisseur minimale adimensionnée
du film EHD, pour des surfaces
Ci J /(kg·°C) Capacité thermique massique lisses : Hm = hm/Rx
du massif i
HV 107 Pa Dureté Vickers
Ei Pa Module d’élasticité du massif i
i — Indice repérant un massif (i = 1,2,...)
Module d’élasticité réduit :
kf W/(m·°C) Conductivité thermique du lubrifiant
E’ Pa
ki W/(m·°C) Conductivité thermique du massif i

K — Paramètre adimensionné de forme :


f — Coefficient de frottement K = 1,03 (Rz /Rx)0,64

G* — Paramètre adimensionné de L m Longueur du contact cylindrique ou


matériau : G* = αE ’ linéaire selon Oz

h0 m Épaisseur du film EHD pour des M — Abscisse d’entrée adimensionnée,


surfaces lisses, au centre du contact m = x e /a

(x = z = 0) p Pa Pression

p0 Pa Pression hertzienne maximale


m Épaisseur pondérée du film EHD
pmax Pa Pression maximale

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50
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BM5055

______________________________________________________________________________________________________________ FATIGUE DES SURFACES

Notations et symboles Notations et symboles

Symbole Unité Désignation Symbole Unité Désignation

Req m Rayon de courbure équivalent : µ0 Pa·s Viscosité dynamique du lubrifiant


à la température et à la pression
Rayon de courbure réduit : de référence (T0, p0)

Rj
j = x ou z
m νi — Coefficient de Poisson du massif i 1
3
ρi kg /m Masse volumique du massif i

σi Pa Contraintes principales
µm Écart-type des hauteurs de rugosité
(i = 1,2,3)
du massif i
σx, σy, τxy Pa Contraintes orthogonales
Écart-type composite de la hauteur
des rugosités des deux massifs :
µm τxz, τyz Pa Contraintes tangentielles

τmax Pa Contrainte de cisaillement maximal :

Rayon de courbure principal selon


m
Ox de la surface i
— Coefficients correcteurs
m Rayon de courbure principal selon
Oz de la surface i

T, T0 °C Température, température de réfé-


rence 1. Avaries de surface
Tmax °C Température maximale : Tmax = T0 + Tf dans les contacts
Tf °C Augmentation de température élastohydrodynamiques
Ui m /s Vitesse linéaire de la surface i Les avaries de surface dans les contacts, et en particulier dans
du massif selon Ox les contacts élastohydrodynamiques (EHD), ont fait l’objet de nom-
breuses études standards de l’AFBMA (Anti Friction Bearing Manu-
U* — Paramètre adimensionné de facturer’s Association), de l’ARE (American Railway Engineering
vitesse : U* = µ0(U1+U2)/(E’Rx) Association), de l’ASTM (American Society for Testing and Mate-
rials), de la SAE (Society of Automative Engineers) et de l’ASME
W N Charge normale transmise par le (American Society of Mechanical Engineers) [1]. Citons aussi les
contact travaux de certains chercheurs, Dyson [2], Ku [3], Berthe [4] et de
Mac Pherson et Cameron [5]. Citons enfin les travaux de certains
W* — Paramètre adimensionné de charge : fabricants, par exemple SKF [6] et SNR [7].
W* = W/(E’RxL) (contact linéaire),
Cependant, les mécanismes qui gouvernent ces dégradations ne
(contact elliptique) sont pas encore parfaitement connus. C’est ainsi que certains para-
mètres, par exemple la dureté du matériau ou la charge normale
xe m Abscisse d’entrée transmise, peuvent être à l’origine d’endommagements différents
[8]. Tout classement est donc arbitraire.
α Pa–1 Coefficient de piézoviscosité tel que :
µ(p) = µ(p0) exp [α(p – p0)]
1.1 Familles d’avaries
αi °C–1 Coefficient de dilatation du massif i
Ce classement est établi à partir de la nature des sollicitations
β K Coefficient de thermoviscosité du mécaniques imposées au contact. Il distingue :
lubrifiant tel que : – les déformations plastiques ;
– les fatigues superficielles ;
– les usures ;
– le grippage.
Pour mémoire, il convient de citer également la corrosion de
contact et les corrosions chimiques.
δ m Rapprochement élastique du solide
Dans le contact, ces avaries ont pour origine (tableau 1) :
λ m Longueur d’onde d’une aspérité – les effets normaux, dus à la charge normale transmise et ses
sinusoïdale effets locaux, par exemple les pressions sur les aspérités des sur-
faces associées au temps ou au nombre de cycles de sollicitation ;
µ Pa·s Viscosité dynamique du lubrifiant c’est le cas pour les déformations plastiques et les fatigues
superficielles ;

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51
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BM5055

FATIGUE DES SURFACES _____________________________________________________________________________________________________________

Tableau 1 – Classement des avaries de surface


dans un contact très chargé (EHD ou sec)
Effets normaux + tangentiels + thermiques

Glissement
spécifique 0 ≤5% >5%

1
|U1 – U2|/(U1 + U2)

Nature des ava- Déformations


ries de surface plastiques
Fatigues
superficielles

Usure, fatigue-scoring
Usure et fatigue par
petits débattements
10 µm
Grippage

Figure 1 – Déformations plastiques


– les effets tangentiels superposés aux effets normaux, dus à la
cinématique relative des surfaces ; c’est le cas pour les usures et le
« fretting-corrosion » de contact ;
– les effets thermiques superposés aux précédents, dus à l’éner-
gie dissipée dans l’interface ; c’est le cas du grippage ;
– les effets chimiques et physiques dus à l’environnement du
contact ; c’est le cas, par exemple, des corrosions chimiques, des
effets du passage du courant électrique et des effets du vide.
De plus, il ne faut pas négliger les conséquences d’une concep-
tion imprécise du mécanisme ou d’un mauvais montage, par
exemple des effets de bords, des ovalisations de bague ou des
coupures de joints. En effet, ces négligences sont des facteurs
aggravants pour les effets ci-avant.

1.2 Effets normaux


100 µm
Les effets normaux sont les conséquences des pressions géné-
rées par la transmission de la charge normale entre les deux mas-
sifs, par exemple la charge transmise entre les dents d’un
engrenage. Très fréquemment, l’épaisseur insuffisante de la sépa- Figure 2 – Écailles
ration élastohydrodynamique comparée à la hauteur des aspérités
des surfaces accentue localement ces pressions au droit des aspé- de millimètre de profondeur (figure 2). Elles sont à l’échelle du
rités. Ces effets normaux sont à l’origine des déformations plasti- contact hertzien classique. Elles surviennent généralement dans
ques et des fatigues superficielles. des contacts très chargés. Elles résultent de la répétition cyclique
des contraintes dans la sous-couche du massif. Elles apparaissent
1.2.1 Déformations plastiques après une période d’incubation importante, de l’ordre de plusieurs
dizaines de millions de cycles. Elles sont précédées et associées à
Les déformations plastiques résultent des surcharges extérieu- un réseau de fissures à la même profondeur et, fréquemment, à la
res globales sur les massifs ou locales dans l’interface (microgéo- prolifération des microécailles. Ce sont des dégradations classi-
métrie, indentation) (figure 1). Elles sont fréquemment associées à ques dans les roulements et dans les engrenages. Elles sont bien
une dureté insuffisante du massif et précèdent les fatigues superfi- décrites en [9] [10].
cielles.
■ Microécailles (micropits, pits)
Elles ne sont pas fonction du nombre de cycles de fonctionne-
ment. Elles sont à l’origine d’amorçage de fissures ou peuvent Ce sont des cavités beaucoup plus petites que les précédentes
simplement perturber le champ de pressions élastohydrodynami- (figure 3). Elles ont des dimensions dix à vingt fois plus faibles que
ques. la largeur du contact, quelques dixièmes de millimètre d’envergure
et quelques centièmes de millimètre de profondeur. Ces dimen-
sions sont à l’échelle des aspérités des surfaces.
1.2.2 Fatigues superficielles
Ces avaries surviennent même dans des contacts peu chargés.
Les fatigues superficielles apparaissent dans les zones de faible Elles sont dues à la répétition cyclique des contraintes dans la
glissement. En fonction de leurs dimensions par rapport à celles peau des massifs, notamment aux sollicitations des aspérités des
du contact, on distingue les écailles et les microécailles. surfaces auxquelles elles sont directement associées. À l’échelle
globale du mécanisme leur période d’incubation est plus courte
■ Écailles (spalls, large pits) que pour les écailles, de l’ordre de quelques millions de cycles.
Ce sont des cavités de dimensions à l’échelle de la largeur de la Elles sont dangereuses, car elles détruisent la microgéométrie des
zone de contact et dont les bords sont abrupts. Typiquement, elles surfaces, accélèrent la formation des écailles et peuvent être à
ont quelques millimètres carrés de surface et quelques dixièmes l’origine de fissuration en volume [11].

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52
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BM5055

______________________________________________________________________________________________________________ FATIGUE DES SURFACES

1
100 µm

Figure 5 – Usure induite par petits débattements

100 µm

1.3.2 Usures et fissurations par petits


Figure 3 – Microécailles débattements (fretting wear, fretting
fatigue)
Ces dégradations apparaissent plus particulièrement dans les
contacts secs. En l’absence de lubrification, l’adhérence entre les
deux surfaces des massifs crée, dans les peaux de ces massifs, des
contraintes importantes à l’origine de l’amorçage et de la propaga-
tion de fissures. Si, par contre, un matelas de particules sépare ces
1,4 mm surfaces, tout en transmettant les efforts normaux, ce troisième
corps accommodera les vitesses relatives. L’usure sera alors gou-
vernée par trois phénomènes : le piégeage, l’élimination et le
comportement abrasif des particules. Ce n’est qu’ultérieurement
que les surfaces fraîches des particules seront sensibles à la corro-
sion. La figure 5 représente un cas d’usure induite par des petits
débattements [13].

1.4 Effets normaux, tangentiels


et thermiques
Les effets normaux, tangentiels et thermiques sont aussi les
conséquences des contraintes tangentielles existant sur les surfa-
ces des massifs, mais qui, associées à des vitesses de glissement,
dissipent de l’énergie. Si le film lubrifiant est perturbé, ces sources
de chaleur ont des effets physiques importants dans la peau des
Figure 4 – Usure à faible glissement spécifique massifs, appelés grippages.
■ Grippage (scoring, scuffing)
C’est un enlèvement ou un déplacement brutal de matière pro-
voqué par la rupture de jonctions locales entre les peaux des mas-
sifs, soudées par les effets thermiques. Une surface grippée est
1.3 Effets normaux et tangentiels caractérisée par des rayures, des sillons dans la direction de la
vitesse de glissement (figure 6). Des transferts de matière d’un
Les effets normaux et tangentiels sont les conséquences des
massif à l’autre sont fréquents [14].
contraintes tangentielles qui s’ajoutent aux pressions sur la surface
des massifs. Elles sont dues aux déplacements relatifs de ces sur- Les grippages se produisent brutalement. Ils sont associés à des
faces, même en présence d’un film lubrifiant. Elles provoquent des vibrations, à une augmentation importante de l’énergie dissipée
usures et initient des corrosions de contact. dans le contact et de la température superficielle des massifs. La
physico-chimie du lubrifiant et de la peau des massifs est un fac-
teur important. La dégradation de la microgéométrie des surfaces
1.3.1 Usures (wear) qui découle du grippage est à l’origine d’usure sévère.

Ce sont des enlèvements ou déplacements de matière d’origines


très variées (figure 4). Les déformations plastiques, les écailles et 1.5 Effets physiques et chimiques
les grippages sont considérés comme des usures particulières [12].
Cependant, certains effets locaux peuvent être spécifiques, par Les effets physiques et chimiques sont rappelés ici pour
exemple des abrasions, des corrosions chimiques. Lorsqu’elle est mémoire seulement. Ce sont des corrosions chimiques, électri-
modérée, l’usure n’affecte pas brutalement la performance du ques, bactériennes, électrochimiques, etc. Ce ne sont pas à propre-
contact. C’est un événement tout à fait habituel dans les contacts. ment parler des avaries de contact. Toutefois, étant à l’origine de
Toutefois, une augmentation du taux d’usure est un signe de modifications de la microgéométrie des surfaces et de certaines de
défaillance [1]. leurs propriétés, ces effets sont générateurs de fissures et de parti-

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1

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TRI200

Théorie du contact de Hertz


Contacts ponctuels ou linéiques
1
par Tony DA SILVA BOTELHO
Professeur des universités
Institut Supérieur de Mécanique de Paris (ISAE-Supméca), Paris, France

Muriel QUILLIEN
Maı̂tre de conférences
Institut Supérieur de Mécanique de Paris (ISAE-Supméca), Paris, France

Isabelle LEMAIRE CARON


Maı̂tre de conférences
Institut Supérieur de Mécanique de Paris (ISAE-Supméca), Paris, France

et Geneviève INGLEBERT
Retraitée, ancienne Professeur des universités
Institut Supérieur de Mécanique de Paris (ISAE-Supméca), Paris, France

1. Surface et pressions de contact .................................................. TRI 200v2 – 2


1.1 Hypothèses de calcul ......................................................................... — 2
1.1.1 Hypothèses géométriques ....................................................... — 2
1.1.2 Hypothèses sur les matériaux ................................................. — 3
1.1.3 Hypothèses sur le chargement ................................................ — 4
1.2 Recherche de la surface et des pressions de contact : la démarche — 4
1.2.1 Fonctions géométriques .......................................................... — 4
1.2.2 Rapprochement élastique ........................................................ — 4
1.3 Solution de Hertz ................................................................................ — 5
1.3.1 Cas général du contact ponctuel ............................................ — 5
1.3.2 Cas particulier : contact sphère/plan ...................................... — 7
1.3.3 Contact linéique suivant la direction x ................................... — 7
2. Étude des contraintes .................................................................... — 8
2.1 Définition du point de Hertz ............................................................... — 8
2.2 Évaluation des contraintes sur l’axe ................................................. — 9
2.2.1 Contact linéique suivant la direction x ................................... — 9
2.2.2 Contact sphère sur plan .......................................................... — 10
2.2.3 Cas général du contact ponctuel ............................................ — 11
2.3 Répartition des contraintes en surface .............................................. — 11
2.4 Répartition en profondeur ................................................................. — 12
2.4.1 Cas général .............................................................................. — 12
2.4.2 Contact sphère sur plan .......................................................... — 14
2.4.3 Contact linéique ....................................................................... — 15
3. Effets qualitatifs d’une composante tangentielle.................... — 15
4. Conclusion........................................................................................ — 16
5. Glossaire ........................................................................................... — 16
6. Sigles, notations et symboles ...................................................... — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. TRI 200v2
Parution : mars 2023

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THÉORIE DU CONTACT DE HERTZ –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

orsque deux solides aux frontières courbes entrent en contact, ils définissent
L un plan tangent commun appelé plan de contact. La famille des contacts
hertziens correspond à des contacts dont le premier contact dans ce plan est,
soit un point (contact ponctuel), soit une ligne (contact linéique). Heinrich Rudolf
Hertz en a proposé les premiers éléments de solution entre 1881 et 1895.
Sous l’effet d’une force normale au plan tangent commun aux deux pièces,

1
une surface de contact se crée à travers laquelle les efforts sont transmis d’une
pièce à l’autre. Il s’agit d’une ellipse pour la famille des contacts ponctuels et
d’un rectangle allongé pour la famille des contacts linéiques. Ces efforts locali-
sés génèrent une répartition spécifique de contraintes dans la région du contact
qui peut entraı̂ner des déformations permanentes ou des endommagements ; il
est important de pouvoir les prévoir.
L’application de la théorie de Hertz [1] à ce contact permet de prévoir la forme
et les dimensions de la surface de contact, la répartition des contraintes en sur-
face et en sous-couche au voisinage du contact ; on peut ainsi déterminer dans
chacun des solides la zone la plus sollicitée et choisir le matériau ou les traite-
ments de surface ou revêtements adaptés.
Pour mener à bien une étude, il est nécessaire de connaı̂tre les informations
suivantes :
– les géométries des deux pièces au voisinage du contact (courbures) ;
– leur positionnement relatif ;
– l’effort de contact normal au plan tangent commun ;
– les propriétés d’élasticité des deux solides (module de Young et coefficient
de Poisson) des matériaux en contact.
Pour le dimensionnement, les limites d’élasticité, de rupture ou de fatigue
pourront être nécessaires.
Dans cet article, on abordera dans un premier temps les hypothèses des
contacts hertziens et la définition des grandeurs géométriques et mécaniques
décrivant ces contacts. On présentera ensuite la solution du cas général du
contact ponctuel et son application au contact particulier sphère/plan, puis la
solution du cas général du contact linéique cylindre/cylindre à axes parallèles.
Dans une seconde partie, l’état de contraintes en surface et en profondeur est
décrit à l’aide de formules analytiques. Les principes de dimensionnement/choix
des matériaux en sont déduits. Enfin, on abordera qualitativement l’effet d’un
effort tangentiel ajouté au chargement normal.

1. Surface et pressions 1.1 Hypothèses de calcul


de contact Les hypothèses de calcul portent sur la géométrie, les matériaux
et la résultante des efforts transmis entre les solides orthogonale-
ment au plan tangent (effort normal de contact). Les paragraphes
suivants décrivent également les conventions d’écriture permettant
On étudie le contact entre deux solides dans le cas où le contact une meilleure compréhension des résultats. Le contact est supposé
(à la suite d’un rapprochement sans déformation) se fait initiale- sans frottement ni mouvement relatif, et les surfaces sont considé-
ment en un point ou suivant une ligne. L’objectif est la détermina- rées comme lisses (pas de prise en compte des états de surface).
tion des contraintes générées par ce contact en vue d’un choix
adapté de matériau ou de la détermination de l’effort maximal sup-
portable pour éviter l’apparition de déformations permanentes ou 1.1.1 Hypothèses géométriques
d’endommagement de fatigue. Comme les contacts ponctuels et
& Géométrie de chaque solide
linéiques nécessitent des calculs différents, les résultats seront pré-
sentés dans des paragraphes séparés. Les résultats du cas général Pour chacun des deux solides, on choisit un repère ayant pour
du contact ponctuel sont présentés dans le paragraphe 1.3.1, avec origine le point de contact initial, avec pour axe zi la normale au
les résultats du cas particulier sphère sur plan au paragraphe 1.3.2. plan tangent au solide en ce point, orientée vers l’intérieur du
Les résultats du cas général du contact linéique sont présentés au solide, et des axes xi et yi tels que les plans (xi zi) et (yi zi) soient les
paragraphe 1.3.3. plans principaux de courbure du solide i. Les deux courbures

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– THÉORIE DU CONTACT DE HERTZ

z1
z1

Courbures > 0 Courbures > 0

Courbures < 0 Courbures > 0


1
z2
z2

Figure 1 – Contact conformel à gauche et contraformel à droite

principales (inverses des rayons de courbure), ri et ρi′ , d’une sur-


face sont les courbures de cette surface selon deux directions per- P1
pendiculaires appelées directions principales. Ce sont les courbu- Y
res minimale et maximale rencontrées en faisant tourner le plan
P2‘
de coupe. On notera Pi et Pi ′ les plans correspondants.
Du fait de l’orientation des axes zi, les rayons de courbure sont
positifs lorsque le centre de courbure est du côté de la matière (sur- P2
face convexe) par rapport au plan tangent au contact et négatifs ω
dans le cas contraire (surface concave). On définit ainsi deux types X
de conformité (figure 1). Dans le cas d’un contact entre deux surfa- α
ces convexes, on parle de contact contraformel (par exemple P1‘
contact entre deux dents d’un engrènement). Dans le cas d’une sur-
face convexe en contact avec une surface concave, on parle d’un
contact conformel (par exemple contact entre la bague intérieure
et la bague extérieure d’une rotule).
Chaque solide est assimilé, au voisinage du contact, à une sur-
face du second degré donnant la distance des points de cette sur-
face par rapport au plan tangent. Cette distance est fonction des Figure 2 – Positionnement des solides dans le plan tangent commun
courbures principales du solide concerné :
& Positionnement relatif des deux solides
1 1
ρi = ρi′ = (1) La figure 2 est une vue de dessus avec l’aire de contact, suppo-
Ri Ri′
sée être une ellipse, représentée en pointillés (cas général).
On repère Pi et Pi ′ les traces des plans de courbure principaux
des deux solides.
ρi ≥ ρi′ ⇔ Ri ≤ Ri′ (2)
On positionne ensuite les deux solides l’un par rapport à l’autre,
en repérant l’angle w, angle aigu entre les deux plans principaux
Cette hypothèse de surfaces du second degré, qui peut sembler des solides 1 et 2 (resp. P1′ et P2′ ) associés aux plus grands
restrictive car peu de pièces en construction mécanique ont des for- rayons de courbure (plus petites courbures).
mes de parabole, est en réalité toujours satisfaite pour les surfaces
Nota : lorsque les deux rayons de courbure d’au moins un des solides sont identiques,
de classe C1 (c’est-à-dire continues et dont la dérivée est continue), alors l’angle w ne peut être défini de manière unique. Dans ce cas, le solide avec les
au voisinage de leurs sommets. Cela exclut donc les contacts au rayons de courbure identiques sera le solide 2 (d’après (1), (2) et (4)). Or le terme en w
voisinage de singularités géométriques (surfaces anguleuses, n’intervient, dans les différentes expressions où il est utilisé, que comme facteur
bords de pièces ou d’alésages, etc.) et demandera une attention de ρ2 − ρ2 ′ qui est nul. Ainsi les résultats seront indépendants de la valeur de w choisie.
particulière pour les situations présentant une large étendue de Enfin, on associe un repère (X, Y) à l’ellipse de contact, avec X
contact comme par exemple les contacts fortement conformels. orienté par convention selon le grand axe de l’ellipse. Ce repère
Dans leurs repères principaux respectifs (associés aux plans de forme un angle aigu a orienté de P1′ vers X.
courbure principaux), la distance d’un point du solide au plan Avec les conventions d’orientation adoptées, la distance initiale
moyen commun est exprimée par : entre deux points situés sur une même parallèle à la direction z
(normale au plan tangent commun) est la somme z = z1 + z2 qui
1 1 reste une surface du second degré.
zi = ρi′ x i2 + ρi y i2 (3)
2 2 Dans ce repère particulier, le problème est équivalent au contact
d’un solide avec un plan et la distance verticale entre eux est expri-
Les deux solides sont numérotés en fonction des courbures locales mée par : z = AX 2 + BY 2. Les expressions de A et B sont données
des deux solides ; le solide 1 est celui qui a la plus grande diffé- dans le paragraphe 1.2.1.
rence de courbures :
1.1.2 Hypothèses sur les matériaux
ρ1 − ρ1′ ≥ ρ2 − ρ2′ (4)
Le comportement des matériaux des deux solides dans la zone
Nota : lorsque les différences de courbures des deux solides sont identiques, la numé- de contact est supposé linéaire élastique et isotrope. Il est défini à
rotation des solides est libre. partir des modules de Young E1 et E2 des matériaux et de leurs

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TRI200

THÉORIE DU CONTACT DE HERTZ –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

facteurs ou coefficients de Poisson n1 et n2. Les calculs feront inter- 1.2 Recherche de la surface
venir des modules réduits, ki, de chacun des matériaux et un
module équivalent E* :
et des pressions de contact :
la démarche
1 − νi2 L’étape suivante est la détermination de la surface et des pres-
ki = (5)
Ei sions de contact.

1.2.1 Fonctions géométriques

1
1
= k1 + k 2 (6) On décrit la géométrie des solides dans des repères (X, Y, zi)
E* pour le solide i présentant des directions X et Y communes dans
le plan tangent. Avec l’utilisation de ces deux repères, la distance
Nota : dans la littérature, on trouve plusieurs variantes de ces coefficients, certaines incluant
z entre les deux solides s’écrit :
1 − νi2
un coefficient p ou un coefficient
1
, par exemple, ki = ou
1
=
1
E* 2 1 2
( )
k +k .
2 π Ei z = z1 + z 2
Ces variantes conduisent à des expressions différentes des dimensions a et b détaillées au
paragraphe 1.3.1. Le lecteur doit être particulièrement attentif aux définitions retenues pour
ki et E* car aucune ne fait consensus. Bien entendu, toutes ces variantes produisent les
Soit
mêmes valeurs numériques lors de l’application des formules.

Pour le choix des matériaux, on doit vérifier que les contraintes ( )


⎛ + X 2 ρ1′ cos2 α + ρ1 sin2 α + ρ2′ cos2 (ω − α ) + ρ2 sin2 (ω − α ) ⎞
z = ⎜⎜ + 2 XY ( ρ1 − ρ1′ ) cos α sin α − ( ρ2 − ρ2′ ) cos (ω − α ) sin (ω − α ) ⎟⎟ = AX 2 + BY 2 (9)
1
générées dans les massifs restent dans le domaine d’élasticité.
De par la géométrie du contact, l’état de contraintes est triaxial ; il
2⎜ 2
(
⎝ + Y ρ1′ sin α + ρ1 cos α + ρ2′ sin (ω − α ) + ρ2 cos (ω − α ) ⎟⎠
2 2 2 2
)
faut donc nécessairement utiliser pour cela un critère d’élasticité tel
que celui de von Mises (M) ou de Tresca (T) par exemple : Si le repère choisi est celui dans lequel z = AX 2 + BY 2 alors le
terme en XY doit s’annuler, ce qui définit l’angle a positionnant
3 (7) le repère commun d’étude (X, Y, z1). Cet angle dépend unique-
M= Sij Sij ≤ Re
2 ment des courbures principales des deux solides et de leur posi-
tionnement relatif w :

T = σ p max − σ p min ≤ Re (8)


tan (2 α ) =
( ρ2 − ρ2′ ) sin 2 ω (10)
( ρ1 − ρ1′ ) + ( ρ2 − ρ2′ ) cos 2 ω
1
avec Sij = σij − σkk (convention de sommation d’Einstein) ; s p max Cette tangente est positive ou nulle avec les choix qui ont été faits
3
et s p min respectivement la plus grande et la plus petite contrainte (angle w aigu et choix du solide 1 avec la plus grande différence de
principale. courbures). Les paramètres A et B (cf. § 1.1.1) sont alors définis à
l’aide des fonctions géométriques suivantes :
Dans la suite de l’article, on mettra en évidence que l’endroit le
plus sollicité dans le contact n’est pas en surface, mais en sous- Σρ = ρ1 + ρ1′ + ρ2 + ρ2′ (11)
couche.
Par ailleurs, pour le choix des matériaux, on doit également véri-
fier systématiquement que la plus grande contrainte principale
reste inférieure à la limite de rupture Rm du matériau (critère de F ( ρ) = ( ρ1 − ρ1′ )2 + ( ρ2 − ρ2′ )2 + 2 ( ρ1 − ρ1′ ) ( ρ2 − ρ2′ ) cos 2 ω (12)
Rankine, en particulier pour les matériaux fragiles pour lesquels la
limite à rupture est atteinte presque simultanément à la limite On pourra vérifier que Sr est toujours positif, ce qui est une condi-
d’élasticité Re). tion d’existence géométrique du contact. Par ailleurs, F(r) est tou-
jours inférieur à Sr. On peut donc poser :
Pour le dimensionnement à la fatigue, la contrainte équivalente
sera à définir à partir d’un critère de fatigue multiaxial [BM 5 042] :
F ( ρ)
les contraintes de contact sont en effet fortement non linéaires au cos τ = (13)
cours d’un chargement (variation des directions principales et Σρ
variations non proportionnelles des contraintes principales). Une
expression détaillée de l’ensemble des contraintes sous la surface ainsi
est alors nécessaire.
1 1 τ
A= Σρ (1 − cos τ ) = Σρ sin2
1.1.3 Hypothèses sur le chargement 4 2 2
1 1 τ
Compte tenu des dimensions du contact (supposées faibles B = Σρ (1 + cos τ ) = Σρ cos2
4 2 2
devant les dimensions des pièces), nous supposerons que le char-
gement local est réductible à une force normale F associée au cen- Nota : t est un paramètre de calcul qui n’a pas de sens physique particulier, mais
tre du contact (absence de moment transmis). Les calculs seront qui sert d’intermédiaire pour la détermination des dimensions de l’ellipse de contact
valables tant que l’aire de contact, qui est dans la réalité proche (cf. § 1.3.1).

d’une surface du second degré, restera suffisamment petite pour


que l’on puisse l’assimiler à une surface plane. Ce sera le cas pour 1.2.2 Rapprochement élastique
le contact ponctuel car une des hypothèses du calcul est que les
dimensions de l’ellipse de contact soient petites devant les rayons Sous l’effet de la force normale F, les deux solides se rappro-
de courbure des pièces au voisinage du contact. chent de d. Deux points situés sur une même parallèle à z se rap-
prochent élastiquement de w1 + w2 (figure 3). La distance entre
Une conséquence de cette hypothèse est que le champ de pres- ces deux points devient :
sion de contact pourra être considéré comme toujours orienté
selon la normale au plan de contact (pas de variation de son distance (N1, N 2 ) = z1 + z 2 − δ + w 1 + w 2 = z − δ + w 1 + w 2
orientation).

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TRI250

Modélisation des contacts rugueux


par approche statistique
par François ROBBE-VALLOIRE
1
Professeur des Universités
Laboratoire QUARTZ EA7393, Supméca, Saint-Ouen, France
et Muriel QUILLIEN
Maître de Conférences
Laboratoire QUARTZ EA7393, Supméca, Saint-Ouen, France

1. Domaine d’application ............................................................................... TRI 250 - 2


2. Le modèle de Greenwood et Williamson ................................................. — 3
2.1 Hypothèses et limitations........................................................................... — 4
2.2 Démarche..................................................................................................... — 6
2.3 Analyse des résultats sur le contact normal............................................. — 8
2.4 Plasticité....................................................................................................... — 9
3. Détermination des paramètres microgéométriques
du modèle.................................................................................................... — 10
3.1 Passage d’une géométrie rugueux sur rugueux à une géométrie
équivalente lisse sur rugueux .................................................................... — 10
3.2 Équivalence de forces élémentaires au niveau de chaque contact ........ — 11
3.3 Détermination des paramètres statistiques.............................................. — 11
4. Cas de la résistance thermique de contact .............................................. — 12
4.1 Principe de la modélisation........................................................................ — 13
4.2 Utilisation de l’approche statistique.......................................................... — 14
4.3 Analyse des résultats.................................................................................. — 14
5. Le modèle de lubrification mixte............................................................... — 14
5.1 Comportement tribologique en présence de lubrification mixte............ — 14
5.2 Modélisation de la lubrification mixte par approche statistique ............ — 15
6. Extension du modèle de contact de Greenwood
et Williamson .............................................................................................. — 15
6.1 Le contact rugueux sur rugueux................................................................ — 16
6.2 Mode de déformation des aspérités.......................................................... — 18
6.3 Interaction entre aspérités.......................................................................... — 20
6.4 Autres lois de distribution de l’altitude de sommets ............................... — 21
6.5 Distribution des rayons de courbure......................................................... — 21
7. Conclusions ................................................................................................. — 22
Parution : juin 2017 - Dernière validation : juin 2021

8. Glossaire ...................................................................................................... — 23
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. TRI 250

a fabrication de toute pièce mécanique génère à sa surface un (micro)relief,


L nommé rugosité ou microgéométrie, qui est la signature de la gamme de
fabrication utilisée (combinaison entre le procédé de fabrication utilisé et les
paramètres qui ont été appliqués à ce procédé). Le (micro)relief se matérialise
par des variations locales de hauteur à différentes échelles dont la description
et la caractérisation sont particulièrement bien détaillées dans différents

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articles des Techniques de L’Ingénieur. Ces articles soulignent deux caractéris-


tiques essentielles de la microgéométrie, à savoir la variabilité statistique du
relief et son caractère multi-échelle :
– bien que les procédés d’usinage utilisent des outils de forme maîtrisée et
des conditions de coupe reproductibles, les procédés d’élaboration des sur-
faces font intervenir des mécanismes d’arrachements ou de coupe qui

1
induisent des dispersions de forme importantes, d’autant plus importantes que
l’on tend vers les microgéométries les plus fines. La prise en compte de la
microgéométrie nécessite de traduire cet aspect statistique aléatoire ce qui
impose le recours à des techniques spécifiques qui intègrent ces variabilités
dimensionnelles ;
– les microgéométries de surface présentent des variations à différentes
échelles, car il n’existe pas moins de trois ordres de grandeur de défauts ou
échelle allant de la forme à la rugosité en passant par l’ondulation. La dernière
échelle se situe à une dimension submicrométrique qui nécessite une grande
finesse de description pour une discrétisation de la forme tandis que les pre-
mières échelles imposent des domaines dépassant les échelles millimétriques.
La présence de ce relief va être particulièrement importante au plan visuel en
affectant la surface de la pièce, et au plan mécanique en intervenant lorsque
les pièces sont en contact. Effectivement les variations de hauteur, même si
elles se produisent à une échelle fine, sont suffisantes pour morceler le contact
réel entre les deux pièces, et le rendre qualitativement très différent de celui
qui existerait entre des surfaces idéales. Ainsi la connaissance du contact entre
surfaces rugueuses va s’avérer relativement pertinente pour la prévision du
comportement en service, car deux éléments vont la rendre relativement
déterminante :
– l’amplitude de la microgéométrie qui est susceptible de varier significati-
vement par modification des conditions de fabrication des pièces. Ainsi, par
exemple, des procédés de réalisation de surface comme le tournage peuvent
permettre d’atteindre des rugosités sur trois décades (Ra entre 0,1 et 10 μm), ce
qui laisse une grande latitude pour ajuster ce paramètre à la valeur désirée ;
– la microgéométrie qui a un rôle quantitatif important sur le comportement
du contact.
Enfin, compte tenu de la petite taille des défauts microgéométriques à la
surface de la pièce et de leur espacement de quelques dizaines de micro-
mètres, une aire de contact supérieure au millimètre carré va comporter un
grand nombre de spots de contact. La base du calcul statistique consiste à dire
que ce grand nombre de contacts, même s’il est composé de morphologies dif-
férentes (et par voie de conséquence de comportements très différents), va
être équivalent à un comportement moyen affecté à chaque aspérité. L’objectif
de cet article est d’expliciter la démarche permettant d’obtenir de manière
générale ce comportement moyen et d’en fournir l’expression pour certaines
des applications les plus courantes.

microgéométrie des deux surfaces considérées [BM7010]. Parmi


1. Domaine d’application ces phénomènes, on peut notamment citer :
– l’aire de contact réelle qui n’est qu’une faible fraction de l’aire
Comme on peut le remarquer sur la figure 1, qui simule le de contact nominale. Ainsi tous les phénomènes physiques basés
contact sans chargement entre deux portions de surfaces sur un transfert par les phases solides vont se trouver perturbés
rugueuses, la présence de microgéométries à la surface des par la réduction de matière dans l’interface. C’est le cas de la trans-
pièces peut rendre le contact discontinu, et ce d’autant plus que mission des efforts. La pression réelle dans le contact va être très
les microgéométries sont importantes et peu déformables. Bien supérieure à la pression apparente obtenue en divisant la force
que les microgéométries soient caractérisées par de faibles varia- normale par la surface macroscopique du contact, ce qui nécessite
tions de hauteurs (fraction de micron voire quelques microns), on de limiter la pression apparente de contact à une fraction de la
sait maintenant que les conditions de contact usuelles ne per- résistance du matériau [BM5055]. C’est le cas également des trans-
mettent pas de les comprimer complètement. Cela a pour consé- missions de chaleur [BE8200] ou de courant électrique par les
quence l’existence de nombreux phénomènes à l’origine d’une contacts entre pièces qui vont constituer des éléments relative-
forte dépendance du comportement du contact vis-à-vis de la ment résistifs vis-à-vis des pièces elles-mêmes ;

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être plus ou moins prédisposé à une technique plutôt qu’une


(μm) autre. Dans cet article, nous allons présenter dans un premier
Surface 1 temps l’approche statistique de modélisation du contact. Nous
Surface 2 détaillerons ensuite trois domaines pour lesquels la prise en
20
compte de l’influence de la microgéométrie s’adapte particulière-
15 ment bien à cette approche statistique de modélisation du contact
rugueux :

1
10 – l’analyse mécanique du contact statique qui va consister à ana-
lyser le champ de contrainte induit par les microgéométries dans
5
un assemblage surfacique de type plan sur plan. La prévision de la
déformée de l’interface rugueuse sera également abordée ;
0
– le mécanisme de lubrification mixte qui se caractérise par de
0 1 000 2 000 3 000 4 000 (μm) plus faibles épaisseurs de lubrifiant entre les pièces. Ce méca-
nisme est donc fortement influencé par la microgéométrie et se
Figure 1 – Contact sans chargement entre deux profils rugueux prête également à l’approche statistique lorsqu’il est induit par des
contacts surfaciques entre surfaces parallèles. Dans ce cas, il est
– l’interface qui présente des zones de non-contact direct entre possible d’obtenir une prévision du coefficient de frottement du
les deux pièces qui vont pouvoir constituer des sites de chemine- contact et du coefficient d’usure de chacune des pièces en contact ;
ments privilégiés pour d’éventuels éléments qu’ils soient solides, – le cas où une interface est traversée par un flux thermique, le
liquides ou gazeux. C’est en particulier une des raisons pour les- caractère discontinu de la surface crée une résistance additionnelle
quelles la notion de rugosité est indissociable des techniques à celle occasionnée par les deux pièces en contact. L’approche sta-
d’étanchéité, que celle-ci soit statique [B5420] ou dynamique tistique permet alors une prévision de cette résistance addition-
[BM5422]. Par ailleurs, en tribologie, c’est par le biais du contrôle nelle que l’on nomme résistance de contact.
des rugosités que l’on arrive à maîtriser la circulation des débris
d’usure [BM5065] ;
– l’espace entre deux pièces qui présente une variabilité à
l’échelle du cumul des rugosités sur chaque pièce. En présence d’un
régime de lubrification liquide assuré par une épaisseur de lubrifiant
2. Le modèle de Greenwood
de l’ordre de grandeur de la rugosité (régime de lubrification mixte et Williamson
détaillé dans [TRI1520]), le contact va présenter localement des
variations relatives d’épaisseur de film lubrifiant relativement impor-
tantes. Sachant que le comportement local du film liquide est très Un peu d’histoire
fortement influencé par son épaisseur, le comportement du contact
lubrifié va présenter une sensibilité accrue à la rugosité des pièces. Le modèle de Greenwood et Williamson [5], détaillé dans un
On perçoit ainsi un besoin fort de disposer d’une modélisation des plus célèbres articles du domaine de la tribologie, a été
de la microgéométrie et de son impact sur le comportement étudié proposé voilà près de 50 ans. Il compte maintenant près de
pour ces nombreux domaines des sciences de l’ingénieur concer- cinq milliers de citations et a été à l’origine de plusieurs cen-
nés par une influence de la microgéométrie. Les modélisations taines d’articles décrivant d’éventuelles extensions, voire com-
intégrant les microgéométries ne reposent pas sur une stratégie pléments à ce travail originel.
unique, mais vont s’organiser en trois grandes familles [1] [2] [3] : Malgré la présence de ces nombreux perfectionnements, il
– l’approche discrétisée qui consiste à décrire la microgéométrie est important de souligner le bien fondé des choix initiaux
par une cartographie de points (sur un maillage donné) puis à bâtir proposés, car les hypothèses de ce modèle, à de très rares
le comportement du contact à partir de ce nombre discret de points, exceptions près, se sont révélées être pertinentes au fur et à
si possible pas trop grand sous réserve d’avoir des temps de calcul mesure de l’avènement de validations expérimentales ou de
divergents. Couplée à une méthode de résolution par éléments finis, calculs théoriques plus fins.
avec ou sans passage dans l’espace de Fourrier, cette approche est La reconnaissance est telle qu’il est devenu un standard de
notamment couramment utilisée pour l’analyse des surcontraintes la description du contact entre surfaces rugueuses, largement
mécaniques, dans les contacts localisés hertziens de type linéiques connu et utilisé dans le monde de la tribologie.
ou ponctuels [3]. C’est également une technique qui peut être déve-
loppée dans le domaine de la lubrification hydrodynamique ;
– l’approche fractale qui repose sur l’existence d’un principe Le modèle de Greenwood et Williamson est caractérisé par le
d’autosimilarité (self-similarity) du caractère multi-échelle des contact statique, sous un effort purement normal, entre un solide
défauts microgéométriques et ce, avec une dimension fractale de surface plane, lisse et rigide et un solide présentant un modèle
connue sur l’ensemble des échelles de défaut. Si le phénomène de surface rugueuse et déformable (figure 2).
étudié accepte le principe de superposition des effets de chaque
échelle, il est alors possible de cumuler la contribution de chaque Le modèle de surface rugueuse est une surface nominalement
échelle et d’obtenir le comportement résultant [4] ; plane couverte par un très grand nombre d’aspérités qui obéit aux
– la dernière famille d’approche, qui va être développée dans cet hypothèses suivantes :
article se base sur la possibilité d’établir le comportement du – la surface rugueuse est isotrope ;
contact par association du comportement induit par chacun des – les aspérités, au moins près de leur sommet, sont sphériques ;
défauts microgéométriques. Si, de plus, le contact comporte un – la surface comporte N0 aspérités dont les sommets ont même
très grand nombre de défauts microgéométriques, comme c’est le rayon Ray et des altitudes variant aléatoirement suivant une loi
cas pour les contacts surfaciques, alors le comportement est iden- normale ;
tique à celui occasionné par le défaut moyen. – les aspérités sont suffisamment éloignées pour qu’il n’y ait pas
Comme on peut le constater, ces différentes approches pré- d’interaction entre elles ;
sentent chacune leurs avantages et inconvénients spécifiques – il n’y a pas de déformation globale de la surface, seules les
dont nous avons donné les grandes lignes. Chaque domaine va aspérités se déforment pendant le contact.

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Sommets
Sommets en contact zs

ligne moyenne
Ligne moyenne des sommets
des points du profil
0

1
Φ (zs)

a profil b densité de probabilité


des sommets

Figure 2 – Modèle de contact de Greenwood et Williamson (d’après [5])

La fonction de densité des altitudes des sommets Φ (z)s a pour déformations volumiques (hors déformation des microgéomé-
expression : tries) mais dans ce cas, la méthodologie s’alourdit considérable-
ment et perd donc de sa pertinence.
Les situations de contact surfacique plan restent suffisamment
Φ
nombreuses pour permettre une large diffusion du modèle, sans
évoquer l’extension aux deux autres familles de contact. Pour les
zs représente l’altitude des sommets, contacts surfaciques statiques, on peut citer les assemblages et,
ms la moyenne des altitudes des sommets pour les contacts glissants, on trouve les glissières, les
embrayages et les freins.
σs l’écart type des altitudes des sommets.
Cependant, la typologie de contact entre une surface rugueuse
Nous allons dans un premier temps revenir au paragraphe 2.1 et une surface lisse et indéformable est plus surprenante, car elle
sur ces différentes hypothèses concernant la surface rugueuse, est extrêmement peu répandue dans les applications industrielles
puis détailler au paragraphe 2.2 le principe du calcul statistique, et qui utilisent généralement des contacts rugueux sur rugueux (les
enfin présenter, à partir du paragraphe 2.3, les principaux résul- deux surfaces étant déformables). Le paragraphe 6.1 montre que
tats. la situation réelle rugueux déformable sur rugueux déformable
peut se ramener avec plus ou moins de fidélité au contact pro-
posé par Greenwood et Williamson : rugueux sur lisse et rigide,
2.1 Hypothèses et limitations plus facile à utiliser dans les calculs.

Au premier abord, ces hypothèses semblent très limitatives vis-


à-vis de problèmes concrets qui pourraient se présenter. Nous 2.1.2 Rugosité isotrope
nous proposons de détailler ces hypothèses, puis d’apporter un
Les microgéométries isotropes font référence à des topogra-
commentaire sur la manière de les appréhender lorsque l’on est
phies pour lesquelles il n’y a pas de direction préférentielle. Le
confronté à une situation réelle.
relief reste identique dans les différentes directions. Même si la
plupart des procédés de fabrication impose une texturation de la
Remarque préliminaire surface des pièces, il existe tout de même des procédés qui
induisent une texture isotrope (figure 3), et ce sur l’éventail
On distingue classiquement les pics (points proéminents d’amplitude de relief que l’on peut trouver en construction méca-
d’un profil), des sommets (points proéminents de la surface) : nique :
un sommet est un pic, mais la réciproque n’est pas vraie. Le
modèle de Greenwood et Williamson est basé sur les caracté- – le polissage mécanique qui permet d’atteindre probablement
ristiques des sommets de la surface rugueuse. Par commodité, les plus faibles valeurs de rugosité (Ra de l’ordre de 0,05 μm), seuil
nous avons choisi d’illustrer les notions présentées dans cet de détection visuel des rayures (poli miroir) ;
article aux moyens de profils en confondant les notions de – le grenaillage qui introduit des contraintes internes de com-
maxima locaux du profil (pics) et de maxima sur la surface pression, ce qui améliore la durée de vie en fatigue de contact (Ra
(sommets). Une telle équivalence entre pics et sommets n’est de l’ordre de 0,5 μm) ;
uniquement valable que pour les microgéométries fortement – le sablage qui est retenu pour créer une rugosité très impor-
texturées (§ 2.1.2). Des relations relient distribution des pics et tante (Ra de l’ordre de 5 μm).
distribution des sommets pour certaines surfaces particulières. Les rugosités non isotropes sortent en principe du cadre du
modèle, elles ne seront pas traitées dans cet article.
2.1.1 Principe de la modélisation : contact entre
une surface plane rugueuse et une surface 2.1.3 Aspérités sphériques de même rayon
lisse rigide
En s’intéressant à une surface isotrope et en analysant la forme
Le modèle aborde uniquement les contacts entre surfaces pla- des aspérités, on observe que la mesure directe donne un profil
nes qui ne sont qu’une partie des contacts potentiels. L’article très accidenté dû à l’anamorphose du profil (figure 4). Une telle
[BM5065] présente trois familles de contacts : ponctuel, linéique et observation est probablement à l’origine de modélisations propo-
surfacique. Le modèle statistique ne permet a priori que la prise sant des formes d’aspérités pointues et notamment coniques [7].
en compte des seuls contacts surfaciques et plans. Cette En fait, si l’on utilise des échelles voisines en abscisse et en
contrainte peut être relâchée, et certains auteurs ont d’ailleurs ordonnée (détail de la figure 4), on constate que les aspérités ont
rapidement proposé des formulations pour des contacts linéiques une forme arrondie avec des rayons assez voisins ce qui explique
[6]. Il suffit dans ce cas de prendre en compte la variabilité des que le modèle avec rayon identique donne de bons résultats [8].

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(μm)
(μm)

15
10
1 500

0,5

5
0,0

1
0
1 000

–5
–0,5
500

–10 –1,0
0 500 1 000 1 500 2 000 (μm)
–15
0

0 500 1 000 1 500 (μm) (μm) (μm)


a sablage 2,0 R8 = 731,25 μm
(μm)

R6 = 993,70 μm R7 = 1230,06 μm
1,5
2
1 500

1,0
1
0
1 000

0,5
–1

1 600 1 700 1 800 1 900 (μm)


–2
500

–3

Figure 4 – Profil anamorphosé d’une surface grenaillée et détail


–4
0

0 500 1 000 1 500 (μm) (μm)


b grenaillage de précontrainte (μm)
Amplitude
0,5
des altitudes
(μm)

0,0 de sommets :
0,75 μm
1 500

0,05

–0,5

–1,0
0 500 1 000 1 500 2 000 (μm)
1 000

–0,05

Figure 5 – Variation des altitudes de sommets sur une surface gre-


naillée
–0,15
500

va devoir intégrer cet aspect statistique et il est alors légitime de


–0,25

songer à une loi normale comme modèle de description.


0

0 500 1 000 1 500 (μm) (μm) Attention, il est fondamental de bien distinguer dispersion des
c polissage
points d’altitude z du profil et dispersion des altitudes des som-
mets zs (figure 6).
Les points du profil ont des altitudes z qui suivent une loi nor-
Figure 3 – Exemples de microgéométries isotropes male centrée, car la ligne moyenne du profil est choisie comme
origine des altitudes [R1230] [R1231] [R1246] (figure 6a). Son écart
type constitue un des nombreux paramètres de rugosité acces-
Des modèles proposant la prise en compte de variabilité des
sibles sur les appareillages de métrologie. Sa dénomination Rq et
rayons existent et sont présentés au paragraphe 6.5.
son processus de calcul sont parfaitement normalisés. Le modèle
nécessite de connaître la dispersion des altitudes zs des sommets
2.1.4 Altitudes du sommet des aspérités suivant (figure 6c) et non pas la dispersion de tous les points du profil, ce
une loi normale qui est plus délicat à obtenir pour diverses raisons :
– premièrement, la forme des aspérités est loin d’être franche et
Les mesures réelles (figure 5) montrent que les microgéomé- rend toujours discutable l’identification des sommets à retenir
tries ne sont pas rigoureusement périodiques et ce même si elles pour le calcul statistique. Le simple calcul avec un maximum local
sont obtenues avec des procédés de fabrication faisant intervenir échoue et la détermination des sommets doit faire appel à une
la coupe au moyen d’un outil unique (comme le tournage). Un technique de reconnaissance de forme (« ISO 12085 ») ;
aspect aléatoire, lié à la dispersion soit de paramètres d’usinage, – deuxièmement, les deux distributions (tous les points et uni-
soit du comportement des matériaux, intervient à ces faibles quement les sommets) sont nettement différentes. Le fait de se
échelles, et ce de manière d’autant plus nette que la microgéomé- limiter aux sommets (maxima locaux) modifie la dispersion (forcé-
trie est faible. En conséquence, l’altitude des sommets d’aspérités ment plus faible que la dispersion de l’ensemble des points) et

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Amplitude du profil Amplitude des sommets


z zs

(μm)
3
2

1 0
1
0
0
Φ (z) –1 Φ(zs)
–2
–3
–4
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 (mm)

a distribution des altitudes z du profil b profil c distribution des altitudes zs


des sommets des aspérités

Figure 6 – Différences entre distributions des points et des sommets du profil

décale la moyenne (forcément vers les altitudes positives car les


sommets sont plutôt sur les parties hautes du profil). En consé-
quence, il n’est pas possible de se contenter de la distribution des
points pour approcher les distributions des sommets.
Ceci dit, les techniques d’analyse de rugosité proposent des
méthodologies consolidées pour accéder à ces informations
(détermination abordée au § 3.1). a déformation élastique b déformation plastique

2.1.5 Absence d’interaction entre aspérités Figure 7 – Modifications géométriques induites sur une aspérité par
voisines ses voisines

Le calcul s’appuie sur une association des efforts sur chaque


aspérité calculée comme si chacune des aspérités était isolée. Il
ne prend pas en compte une éventuelle modification de compor- Sommets
tement des aspérités lorsqu’elles sont associées, ce que l’on Fi(zs) en contact
zs
nomme interdépendance entre aspérités voisines. zs
L’interdépendance entre aspérités existe en fait et se matérialise
de manière différente suivant le mode de déformation en pré-
sence (figure 7). 0
d Φ(zs)
Une aspérité comprimée avec un mode de déformation élas-
tique (figure 7a) entraîne les points de la surface, au voisinage de
cette aspérité, dans le même sens (les altitudes diminuent). L’effet a profil b distribution des altitudes
s’estompe avec l’éloignement et l’intensité du déplacement varie des sommets
comme l’inverse de la distance dans le cas d’une force ponctuelle.
Si la déformation plastique est généralisée (figure 7b), la Figure 8 – Principe de calcul par position imposée
conservation de volume, qui est une hypothèse forte du mode de
déformation plastique, induit une remontée de matière dont
l’intensité diminue avec la distance. faudra faire un calcul par dichotomie pour accéder au chargement
visé.
En présence de déformations élastique ou plastique, la non-
prise en compte de l’interaction entre aspérités suppose des aspé- La position relative est paramétrée par la distance moyenne d
rités en contact fortement espacées et donc des chargements entre les surfaces (figure 8), comptée entre la surface lisse et la
faibles dans l’interface. ligne moyenne de la surface rugueuse (ligne ayant pour niveau
l’altitude moyenne des points du profil).
Compte tenu de l’information sur la position à l’altitude d de la
2.2 Démarche surface lisse et rigide et en l’absence d’interaction entre aspérités
(§ 2.1.5), les aspérités du profil en contact seront celles situées à
La principale spécificité du calcul statistique est de faire un une altitude supérieure à d, et ce indépendamment de leurs posi-
calcul à position imposée d pour en déterminer la force normale tions spatiales. Chacune de ces aspérités exerce une force Fi dont
correspondante. Si le problème à traiter est à force imposée, il l’intensité est directement liée à son altitude zs.

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TRI 250 – 6

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Mesure de dureté
par nano-indentation
par Olek MACIEJAK et Pascal AUBERT
1
La nano-indentation est une technique simple pour mesurer les propriétés
mécaniques de couches minces et de matériaux traités en surface. Elle
nécessite néanmoins un appareillage très précis et quelques précautions
d’utilisation.

Olek MACIEJAK est Ingénieur d’étude – Notations et symboles


Université d’Évry-Val-d’Essonne, laboratoire Symbole Unité Définition
d’étude des milieux nanométriques.
P Pa pression
Pascal AUBERT est Docteur en physique,
Maître de conférences, Université d’Évry-Val- R m rayon de courbure de
d’Essonne, laboratoire d’étude des milieux nano- l’indenteur sphérique
métriques. S N/m rigidité
Si N/m rigidité de l’indenteur
Sm N/m rigidité de l’appareil
Notations et symboles
U V différence de potentiel
Symbole Unité Définition
A m2 aire des électrodes V m3 volume de matière déplacée
α rad demi-angle du cône de même
a m arête d’un indenteur pyramidal
rapport A p /h 2 que la pyramide
à quatre faces
Ap m2 aire de contact projetée β facteur de correction
géométrique
A p(h c max) m2 aire de contact à profondeur et
∆ m dimension de l’empreinte
charge maximales
(diamètre ou longueur)
Ar m2 aire de contact réelle
ε facteur d’interception
b m diagonale d’un indenteur pyra-
midal à quatre faces
ε0 F/m permittivité du vide
(ε 0 = 8,854 187 pF/m)
Parution : octobre 2007 - Dernière validation : octobre 2017

C F capacité
εr permittivité relative
C m/N complaisance
ν coefficient de Poisson
d m distance entre la plaque
θ rad angle d’un indenteur pyramidal
centrale et les autres plaques
ω rad angle d’un indenteur pyramidal
E Pa module d’Young ou d’élasticité
Ef constante
Er Pa Module d’élasticité réduit 1. Introduction
Fz N force normale, charge
appliquée La mesure de dureté préoccupe depuis long-
temps les métallurgistes. Ainsi, de nombreuses
h m déplacement normal, méthodes ont été développées pour mesurer cette
profondeur de pénétration propriété. On peut les classer en deux grandes
H Pa dureté catégories de tests : les tests de dureté dynami-
que et les tests de dureté d’indentation quasi
hc m profondeur de contact statique. Dans le cas de la dureté dynamique, une
hf m profondeur de l’empreinte charge est lancée d’une hauteur donnée sur la sur-
après déchargement face. La dureté est exprimée en termes d’énergie
d’impact et de taille de l’empreinte. La méthode
hs m déplacement de la surface au
d’indentation quasi statique, qui demeure la plus
périmètre du contact
utilisée, consiste à presser un objet de grande

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. - © Editions T.I.
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dureté et de géométrie connue contre la surface du nano-indentation fait le lien entre la micro-inden-
matériau à tester. Suivant la charge mise en jeu, on tation et les microscopies de champ proche. Aucun
peut distinguer trois techniques : la macro-indenta- capteur ne permet de couvrir de manière résolue
tion (charge supérieure à 10 N), la micro-indenta- l’ensemble de ces gammes de forces et de dépla-

1 tion (charge comprise entre 0,1 et 10 N) et la nano-


indentation (charge inférieure au newton).
Dans l’indentation conventionnelle (macro et
cements. Le choix du nano-indenteur, et donc de la
technologie des capteurs, est dicté par le type de
mesure désirée : charge appliquée, profondeur
micro), on mesure l’empreinte résiduelle après le souhaitée, dureté de l’échantillon.
retrait de l’indenteur. L’interprétation de ces essais
s’avère difficile. En effet, ils ne permettent pas de 2.1.1 Capteur capacitif
prendre en compte une relaxation éventuelle du Dans un capteur de force électrostatique ou capa-
matériau et on ne mesure que la déformation plas- citif (figure 1), la force désirée est obtenue en
tique. En nano-indentation, la mesure continue de appliquant une différence de potentiel U entre les
la charge et du déplacement a remplacé la mesure électrodes. Ce capteur de force est généralement
optique de l’empreinte résiduelle, compte tenu des couplé à un capteur de position. Trois plaques
forces appliquées et des tailles d’empreintes très métalliques, dont deux fixes et une mobile au
réduites. Cette technique permet en particulier de centre maintenue par des ressorts, constituent le
mesurer les propriétés mécaniques de couches système.
minces et de matériaux traités en surface. L’application d’une tension U génère une force
La mesure par nano-indentation nécessite un normale Fz :
appareillage très précis. Il doit être en mesure
Fz = Ef × U 2 (1)
d’appliquer et de contrôler des gammes de forces
aussi faibles que quelques dizaines de micronew- E f est une constante qui dépend de l’aire des
tons et pouvant aller jusqu’à quelques centaines de électrodes A et de la distance d entre la plaque
millinewtons, avec une précision de l’ordre du centrale et les autres plaques :
micronewton. Par ailleurs, il doit être capable de
mesurer des profondeurs de pénétration, de l’ordre A
de quelques dizaines de nanomètres avec une réso- Ef ∝ (2)
lution inférieure au nanomètre. d2
E f doit être régulièrement calibrée en effectuant
une indentation dans l’air.
2. Appareillage La distance d est obtenue par mesure différentielle
de la capacité.
Afin de ne tester que la surface des matériaux
(quelques dizaines de nanomètres), les capteurs Les avantages d’un tel capteur sont une réduction
utilisés en nano-indentation doivent répondre à des de la taille du système et une très bonne stabilité en
critères très précis, notamment en termes de réso- température. En revanche, ce type de capteur est
lution et de dérive en température. limité en force (quelques dizaines de millinewtons)
et en déplacement (quelques dizaines de micro-
La pointe d’indentation est montée sur ces mètres). En effet, la rigidité électrique de l’air entre
capteurs par l’intermédiaire d’une tige métallique à deux plaques limite la tension maximale applicable.
faible coefficient de dilatation thermique. Cette
pointe est réalisée en matériau dur et possède une
2.1.2 Capteur électromagnétique
géométrie bien définie. L’usure de cette pointe au
cours du temps ou ses défauts de façonnage Lorsqu’un conducteur parcouru par un courant
doivent être évalués avec précision. électrique est placé dans un champ magnétique, il
est soumis à une force mécanique perpendiculaire à
la fois au champ magnétique et au conducteur, et
2.1 Mesure et application d’amplitude proportionnelle à ce courant (figure 2).
de la force normale
L’aimant ferrite crée un champ magnétique très
Les forces appliquées en nano-indentation, typi- intense. Une bobine mobile est suspendue de telle
quement de l’ordre du millinewton, varient entre sorte qu’elle soit centrée dans l’entrefer, sans le
quelques dizaines de micronewtons et 1 N. Ainsi, la toucher.

Champ électrique
(électrodes externes)
Électrodes
externes
Ressorts
Plaque centrale

Figure 1 – Capteur capacitif (d’après [5])

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NM7200

C’est ce type de capteur qui est le plus souvent


Aimant utilisé en nano-indentation. Les deux plaques exté-
permanent rieures sont fixes. La pointe est fixée à la plaque
centrale mobile.

2.3 Géométrie des indenteurs 1


I Les pointes d’indentation sont façonnées à partir
de matériaux très durs, de manière à limiter au
Bobine maximum la complaisance du système d’inden-
tation. Il s’agit généralement de pointes en diamant
dont le module d’Young et le coefficient de Poisson
sont respectivement E d = 1 141 GPa et ν d = 0,07.
Figure 2 – Capteur électromagnétique (d’après [5])
Certaines pointes, comme les pointes sphériques,
peuvent être en saphir.
On définit dans un premier temps A r comme étant
d d
l’aire de contact réelle entre la pointe et l’échan-
tillon. L’aire de contact projetée A p est la projection
de A r sur la surface initiale de l’échantillon.
Afin d’estimer l’aire de contact projetée A p indis-
C1 C2 pensable au calcul des propriétés mécaniques (§ 2),
il faut connaître sa relation en fonction de la pro-
fondeur de pénétration. Cette dernière est notée
simplement h dans ce paragraphe ; en effet, on
estime ici être dans le cas idéal (pointe parfaite et
matériau non élastique). La relation entre A p et h

ainsi qu’entre A r et h dépend de la géométrie de la
pointe.
Figure 3 – Capteur de position capacitif (d’après [5])
On distingue :
– les pointes de symétrie axiale : pointes
Le courant électrique traverse la bobine mobile coniques de révolution et sphériques (§ 2.3.1) ;
et, sous l’action du champ magnétique intense de – les pointes de type « cône pyramidal » :
l’entrefer, déplace le support de pointe en avant ou • pyramides à trois faces : Berkovich
en arrière suivant la polarité. (§ 2.3.2.1.1), Coin-cube (§ 2.3.2.1.2),
Les avantages principaux de ce système sont un • pyramides à quatre faces : Vickers (§ 2.3.2.2.1)
grand déplacement possible (quelques millimètres) et Knoop (§ 2.3.2.2.2).
ainsi que de fortes charges (quelques newtons). Les
inconvénients sont un encombrement important et Les pointes pyramidales sont caractérisées par
une dérive thermique provoquée par le courant tra- leur demi-angle de cône équivalent α, ce qui sim-
versant la bobine. plifie les calculs en théorie du contact de Hertz [1].
On définit α comme le demi-angle du cône qui
aurait le même rapport A p/h 2 que la pyramide.
2.2 Mesure du déplacement normal
Dans les paragraphes qui suivent, nous déter-
Les capteurs capacitifs sont les systèmes de minerons dans le cas de pointes parfaites A r , A p , α
métrologie de choix pour déterminer la profondeur et V, le volume de matière déplacée. Ces indica-
de pénétration ou de retrait d’une pointe dans un teurs doivent s’exprimer en fonction de la variable
matériau, notée h. pertinente en nano-indentation, c’est-à-dire la pro-
Un capteur capacitif simple est constitué de deux fondeur de pénétration h.
plaques dont une fixe et l’autre mobile. La distance En réalité, ces calculs ne sont valables qu’en pre-
entre les plaques est inversement proportionnelle à mière approximation. Il faudra prendre en considé-
la capacité (F), à partir de laquelle est calculé le ration le rayon de courbure des pointes ainsi que
déplacement : les défauts de fabrication et d’usure (§ 3.1.5).
ε 0 εr A Tous les indenteurs coniques, c’est-à-dire aussi
C = (3) bien les cônes pyramidaux (Berkovich, Coin-cube,
d Vickers et Knoop) que les cônes de révolution, sont
avec ε 0 permittivité du vide (8,854 187 pF/m), commercialisés avec un rayon de courbure donné,
allant de quelques dizaines de nanomètres jusqu’à
εr permittivité relative du milieu (ε air ≈ 1), plusieurs dizaines de microns.
A aire des électrodes (m2),
d distance entre les électrodes (m). 2.3.1 Indenteurs à symétrie axiale
Des capteurs à deux plaques atteignent sur de Parmi les indenteurs à symétrie axiale, on dis-
courtes distances une résolution de l’ordre de tingue le cône de révolution et la sphère qui laissent
0,1 nm. Pour plus de précision, trois plaques tous les deux une empreinte en forme de disque.
peuvent être utilisées. On mesure alors C 1 , C 2 et Les pointes coniques possèdent une partie infé-
leur différence (figure 3). rieure que l’on considère sphérique. De même, les

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1

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M4160

Essais mécaniques des métaux


Essais de dureté
par Dominique FRANÇOIS
1
Professeur honoraire de l’École Centrale de Paris

1. Essais de dureté par rayage .................................................................. M 4160 – 2


1.1 Échelle de Mohs........................................................................................... — 2
1.2 Scléromètre à rayures ................................................................................. — 2
2. Essais de dureté par rebondissement ................................................ — 2
2.1 Pénétration dynamique............................................................................... — 2
2.2 Rebondissement Shore............................................................................... — 2
3. Essais pendulaires de dureté................................................................ — 3
4. Essais de dureté par pénétration ........................................................ — 3
4.1 Principe et relations générales ................................................................... — 3
4.2 Essais de dureté superficielle ou hertzienne ............................................. — 3
4.3 Dureté Meyer. Dureté Brinell ...................................................................... — 4
4.4 Dureté Rockwell ........................................................................................... — 6
4.5 Dureté Vickers .............................................................................................. — 8
4.6 Comparaison des méthodes....................................................................... — 9
4.7 Essais de dureté sous la charge réduite. Essais de microdureté............. — 9
4.8 Essai de pénétration instrumenté .............................................................. — 10
4.9 Méthode du bourrelet ................................................................................. — 13
5. Essais de dureté à chaud ....................................................................... — 13
6. Essais de dureté sur matériaux fragiles ............................................ — 13
7. Correspondance entre les différentes échelles de dureté ........... — 14
8. Vérification des machines et des blocs-étalons de dureté .......... — 16
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. M 4160

ans cette rubrique Essais mécaniques des métaux, le lecteur pourra égale-
D ment se reporter aux articles spécialisés suivants :
— « Détermination des lois de comportement » [M 120] ;
— « Essais d’aptitude à la mise en forme » [M 125] ;
— « Essais de rupture » [M 126].
Si la notion de dureté est l’une des plus intuitives, sa mesure correspond en
pratique à celle de la résistance à la pénétration locale du matériau considéré. La
dureté est alors une propriété physique complexe et difficile à interpréter, qui
dépend non seulement des caractéristiques de ce matériau, mais aussi de la
nature et de la forme du pénétrateur et du mode de pénétration. C’est ainsi que
le cuivre écroui offre une plus grande résistance à la pénétration que l’acier
doux, mais il est rayé par lui.
Les essais habituels de dureté sont simples, rapides, et généralement non des-
tructifs sauf très localement ; ils offrent donc un moyen très commode, et très
utilisé dans les ateliers, pour vérifier l’évolution des propriétés d’une pièce
métallique, notamment lors des traitements thermiques et mécaniques, ou pour
contrôler la conformité des fournitures. De plus, la dureté permet d’apprécier,
dans une certaine mesure, la résistance mécanique, la résistance à l’abrasion, la
Parution : mars 2005

conservation du poli, la difficulté d’usinage, etc. Elle permet d’apprécier la résis-

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© Techniques de l’Ingénieur M 4 160 − 1

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M4160

ESSAIS MÉCANIQUES DES MÉTAUX _______________________________________________________________________________________________________

tance des corps fragiles (carbures, composés intermétalliques, etc.). Enfin, la


mise au point des méthodes de mesure de la microdureté permet de résoudre de
nombreux problèmes : évaluation de la dureté des couches minces ou superfi-
cielles, exploration d’alliages à phases multiples, évaluation de l’écrouissage
local, etc. Depuis quelques années, la mise au point des techniques de mesure à
l’échelle nanométrique ouvre, grâce à la nanodureté, des possibilités encore
plus grandes dans ces domaines.

1 De très nombreuses méthodes d’évaluation de la dureté ont été proposées.


Les plus courantes et les plus familières consistent à mesurer la résistance à la
pénétration, mais les essais par rayage, par rebondissement ou par oscillations
de pendules peuvent dans certains cas offrir des possibilités intéressantes.
Les sigles et symboles sont explicités en p. 16.

1. Essais de dureté par rayage La dureté par rayage, plus délicate à mettre en œuvre et moins
précise que les méthodes par pénétration sous faible charge, n’est
utilisée aujourd’hui dans des cas très particuliers.

1.1 Échelle de Mohs


2. Essais de dureté
Historiquement, c’est la plus ancienne méthode de mesure de la par rebondissement
dureté : un corps est plus dur qu’un autre s’il peut le rayer. Elle fut
utilisée par Réaumur, puis par Mohs qui proposa la première échelle
de dureté des minéraux (tableau 1) : chaque minéral raye ceux qui
sont au-dessous de lui. Les minéraux indiqués ont été sélectionnés 2.1 Pénétration dynamique
pour conduire à des intervalles de dureté comparables entre deux
éléments consécutifs.
Martel conçut, dès 1895, un essai de pénétration dynamique par la
chute d’un pénétrateur sur la surface du matériau et la mesure de
l’empreinte laissée après rebondissement. Le nombre de dureté
1.2 Scléromètre à rayures était, par définition, égal au rapport de l’énergie du pénétrateur au
volume de l’empreinte.

Pour préciser la notion de dureté dans le cas des métaux, on a été


amené à concevoir des appareils plus sensibles, les scléromètres à 2.2 Rebondissement Shore
rayures. Avec ces appareils, on mesure la charge nécessaire pour
produire une rayure de largeur donnée ou, au contraire, on mesure
la largeur de la rayure faite sous charge déterminée par une pointe La mesure de la hauteur de rebondissement a également été pro-
de diamant. Dans ce dernier cas, la dureté H, ou nombre de posée pour mesurer la dureté du matériau. Elle a été reprise par
Bierbaum, est définie par : Shore sous la forme d’une petite masse d’acier terminée par un dia-
mant arrondi qui tombe dans un tube lisse, d’une hauteur fixe, et
H = 10 4 / λ 2 (1) rebondit d’autant plus haut que la pénétration est plus faible, donc
que le métal est plus dur.
avec λ (m) largeur de la rayure produite par une charge d’envi- L’observateur doit apprécier la hauteur de rebondissement soit
ron 0,03 N pour les métaux tendres et d’environ 0,09 N par lecture directe à la volée, le long d’une graduation, soit par
pour les métaux durs. Cette largeur est mesurée à l’aide déplacement d’un index devant un cadran. La graduation est établie
d’un microscope à fort grandissement (500). de telle sorte que la dureté 100 soit atteinte pour l’acier à 0,9 % de
La résolution est de l’ordre du micromètre. L’essai à la lime n’est carbone trempé à l’eau.
qu’une application assez grossière et qualitative de ce principe. Exemple : elle est de 35 environ pour les aciers doux.
(0)

Le rebondissement dépend essentiellement de la verticalité de


Tableau 1 – Duretés Mohs(1) l’appareil par rapport à la surface de la pièce, elle-même bien hori-
zontale, un manque de verticalité pouvant entraîner des frottements
Élément Coefficient Élément Coefficient du marteau dans le tube de guidage. L’état de surface de la pièce
Diamant 10 Apatite 5 joue également un rôle, les irrégularités pouvant faire dévier le
rebondissement et entraîner ainsi des pertes par frottement.
Corindon 9 Fluorite 4
Topaze 8 Calcite 3 Exemple : un poli spéculaire produit, par exemple, un rebondisse-
Quartz 7 Gypse 2 ment de 100 unités alors qu’une rectification ne donne que 95 unités.
Feldspath 6 Talc 1 Enfin, la masse de la pièce à essayer intervient : celle-ci doit être
(1) L’acier rapide trempé aurait comme coefficient 8,5 ; le fer Armco 3,5 ; au moins mille fois supérieure à celle du marteau pour que les réac-
le cuivre 2,5 tions élastiques ne concernent que lui.

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_______________________________________________________________________________________________________ ESSAIS MÉCANIQUES DES MÉTAUX

Malgré ses défauts, cette méthode reste utilisée pour le contrôle avec ν1, ν2, E1 et E2 coefficients de Poisson et modules de Young de
des pièces massives (cylindres de laminoirs, portées de vilebrequins), la bille (indice 1) et du bloc testé (indice 2).
les indications obtenues n’ayant qu’une valeur de comparaison.
La contrainte moyenne sur l’aire de contact vaut

2
σ moy = – 4 F /π d
3. Essais pendulaires et la contrainte maximale au centre de cette aire est telle que
de dureté σ max = 1,5 σ moy 1
Ces contraintes sont donc proportionnelles à (F /D Le contact 2)1/3.
Divers auteurs ont remarqué que la définition de la dureté par la
mesure de l’empreinte du pénétrateur, effectuée après rebondisse- cesse d’être élastique quand σmax atteint 1,613 Rp (Rp est la limite
ment ou après enlèvement de la charge, peut prêter à confusion. d’élasticité).

Par exemple, l’essai de dureté sous faible charge du caoutchouc On suppose (cf. article Détermination des lois de comportement
donnerait une dureté infinie puisque l’empreinte est nulle. Dans ce [M 120] que le comportement plastique obéit à la loi empirique :
cas, la déformation produite est purement élastique.
e n
L’avantage de la méthode pendulaire est qu’elle permet de définir σ = R m ---  ε n
(3)
n
ce type de dureté, grâce à une mesure faite pendant l’action de la
bille. Elle permet également de définir la dureté d’ensemble (élasti-
que et plastique) si la charge appliquée dépasse la limite d’élasticité. avec σ et ε respectivement contrainte et déformation
rationnelles équivalentes (celles que l’on aurait
Cette méthode est très peu employée et n’est mentionnée ici que dans un essai de traction uniaxiale),
pour susciter éventuellement des applications. Elle consiste à déter-
miner la durée d’oscillation d’un pendule reposant par l’intermé- e base des logarithmes népériens,
diaire d’une bille sur la surface à étudier, durée d’autant plus faible n exposant d’écrouissage,
que l’enfoncement de la bille est plus important.
Rm résistance à la traction.
La théorie de la plasticité montre alors que

4. Essais de dureté σmoy ≈ 3Rp

par pénétration pour un matériau sans écrouissage (pour lequel n = 0).


À l’autre extrême, un matériau à écrouissage linéaire, ayant un
exposant d’écrouissage n = 1, se comporterait comme un matériau
Sauf précision contraire, dans les formules donnant la dureté, élastique et alors, en négligeant 1/E1 de la bille devant 1/E2 du bloc
les forces sont en newtons (N), les longueurs en millimètres testé et en prenant ν2 = 1/2 dans l’équation (2), on a :
(mm) et donc les contraintes ou résistances en newtons par
millimètre carré (N/mm2). d
σ moy = 1,54 R m ---- (4)
D

Plus généralement, on s’attend à ce que la contrainte équivalente


sous le pénétrateur soit proportionnelle à σ moy et que la déforma-
4.1 Principe et relations générales tion équivalente soit proportionnelle à d/D. Si la loi de consolidation
correspond à la forme (3), la formule précédente (4) se généralise
sous la forme :
C’est à cette catégorie d’essais qu’appartiennent la plupart des
appareils employés industriellement. n n
e d
σ moy = Cte R m  ---   ----  (5)
n D
Un pénétrateur suffisamment dur pour ne pas être déformé
par le matériau à essayer, et de forme variable (tableau 2), est résultat effectivement trouvé expérimentalement par Tabor.
enfoncé dans le métal par l’action d’une force constante appli-
D’une façon générale, la dureté H sera définie par un nombre relié
quée dans des conditions bien définies ; on mesure soit les
à σmoy.
dimensions transversales, soit la profondeur de l’empreinte.

Les tentatives faites pour opérer à dimensions d’empreinte


constantes, et à charge variable, n’ont pas conduit à des méthodes 4.2 Essais de dureté superficielle
utilisables industriellement. ou hertzienne
Au contact d’une bille sur un bloc plan, la répartition des
contraintes et des déformations, si la limite d’élasticité n’est pas
dépassée, est donnée par Hertz. Si la bille a un diamètre D et que la Hertz a proposé de définir une dureté absolue H pour une défor-
charge qui lui est appliquée vaut F, le diamètre d de l’aire de contact mation à la limite d’élasticité (indice p) :
vaut :
4F
H = σ moy =  ---------2-  (6)
2 2 1/3 p  π d p
1 – ν1 1– ν2  1/3
d = --------------- + ---------------  ( 3 FD ) (2)
 E1 E2 
avec des unités arbitraires.

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ESSAIS MÉCANIQUES DES MÉTAUX _______________________________________________________________________________________________________

(0)

Tableau 2 – Pénétrateurs Brinell, Rockwell, Vickers, Knoop et Berkovich


Pénétrateur Brinell Rockwell Vickers Knoop Berkovich
Acier trempé ou Diamant
Nature carbure Diamant Acier trempé Diamant Diamant ou carbure
de tungstène

1 Forme Sphère Cône Sphère Pyramide à base


carrée
Pyramide à base
losange
Pyramide à base
triangulaire

Dimensions θ θ
D D
θ

D = 10 mm ; θ = 120° D = 1/16’’ (1,587 mm) θ = 136° α = 130° Berkovich α = 65°


5 mm ; 2,5 mm ; D = 1/8’’ (3,175 mm) θ = 172 ° 30’ Berkovich modifié
1 mm α = 65,27°

La formule (2) montre que le diamètre d de l’empreinte doit varier 4.3 Dureté Meyer. Dureté Brinell
comme F 1/3 tant que les déformations restent élastiques, puis, d’après
(5) et (6), la variation serait en F 1/(n + 2) dans le domaine plastique.
Toujours est-il que, sur un graphe (lgF, lgd), la pente change au Ces essais sont décrits dans la norme NF EN ISO 6506-1
passage de la limite d’élasticité Rp, ce qui permet de déterminer la (octobre 1999).
dureté absolue de Hertz H. D’après la formule (2), en considérant
que les modules d’élasticité de la bille et du bloc à tester sont voisins
et égaux à E et que ν1 ≈ ν2 ≈ ν ≈ 0,3, on trouve :
4.3.1 Dureté Meyer
Fp E 2  1 ⁄ 3
H = 0,417 ------------- (7)
 D2 
Meyer a étudié la résistance à l’enfoncement d’une bille dans un
D’après la relation entre σmoy et σmax et la valeur de σmax quand métal et a montré que :
on atteint la limite d’élasticité (cf. § 4.1), on aurait
F d m
H = 1,075 Rp ≈ Rp ------ = k  ----  (8)
d2 D
L’idée fut reprise par Pomey et Voulet qui utilisèrent la mesure de
la résistance de contact entre une bille et la surface plane de la pièce
On peut noter que cette relation est bien de la forme de la relation
à étudier pour déterminer la charge correspondant à la première
(5). On définit alors la dureté Meyer comme :
déformation permanente. Le microscléromètre construit par eux
était équipé d’un mandrin léger ne pesant que 400 g avec sa bille de
1,5 à 4 mm de diamètre et son plateau. Un pont double de Thomson 4F
HME = σ moy = 0,102 ---------2- (9)
permettait de mesurer la résistance de contact. On opérait par char- πd
ges discontinues croissantes avec, à chaque fois, retour à la charge
initiale sous laquelle on mesurait la résistance de contact. La limite L’exposant m et le coefficient k de la loi de Meyer varient avec la
d’élasticité était définie par la charge après laquelle la résistance nature du métal et son état. Dans les métaux durs ou écrouis, on
cessait de revenir à sa valeur initiale pour prendre des valeurs de observe autour de l’empreinte la formation d’un bourrelet. Dans les
plus en plus faibles. métaux mous ou recuits, au contraire, on observe un enfoncement
La méthode était rapide et sensible ; elle permettait une mesure général de la surface de l’empreinte. Dans le premier cas m vaut 0 à
de la dureté superficielle. 0,15 environ et dans le second 0,3 à 0,6. En comparant la loi de
Meyer [formule (8)] et celle de Tabor [formule (5)], on voit que l’on
Une modification de cet appareil utilisait un comparateur électro-
doit avoir sensiblement m = n, ce qui est assez bien vérifié.
nique de haute sensibilité pour repérer la position de la bille par rap-
port au plan tangent initial. Le zéro du comparateur était fait avec la La formule (8) peut être transformée en :
charge initiale. La limite d’élasticité était définie par la charge à partir
de laquelle le comparateur montrait une déformation résiduelle per-
F d m+2
manente qui croissait avec la charge. ------- = k  ----  (10)
D2 D 
Le principal intérêt de cette technique de mesure de la dureté hert-
zienne résidait surtout dans sa grande sensibilité aux contraintes
existant dans le solide au point de mesure, ce qui en faisait une Cela montre que si F /D2 est maintenu constant, d /D ainsi que la
méthode non destructive d’évaluation des contraintes internes. dureté Meyer HME gardent la même valeur.

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M 4 160 − 4 © Techniques de l’Ingénieur

72
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TRI150

Tests de rayure

par Guillaume BERTHOUT


1
Chef produits
Anton Paar France, Courtaboeuf, France
et Nicholas X. RANDALL
Lead Scientist et Product Manager
Anton Paar TriTec, Peseux, Suisse

1. Premiers développements ......................................................................... TRI 150 - 2


2. Moyens expérimentaux d’interprétation de l’essai de rayure................ — 3
2.1 Microscopie optique ................................................................................... — 3
2.2 Image panoramique.................................................................................... — 3
2.3 Émission acoustique................................................................................... — 3
2.4 Force tangentielle........................................................................................ — 6
2.5 Mesures de profondeur .............................................................................. — 7
2.6 Microscopie acoustique.............................................................................. — 7
2.7 Microscopie confocale................................................................................ — 8
2.8 Analyses in situ ........................................................................................... — 8
3. Mise en œuvre et interprétation de l’essai de rayure ............................. — 9
3.1 Paramètres de rayure ................................................................................. — 9
3.2 Modélisation................................................................................................ — 11
4. Résultats de tests scratch sur différents matériaux................................ — 11
4.1 Revêtements céramiques durs .................................................................. — 12
4.2 Revêtements optiques durs ....................................................................... — 12
4.3 Revêtements mous ..................................................................................... — 12
4.4 Couches de primaire sur support en verre ............................................... — 12
5. Conclusions et perspectives ...................................................................... — 15
6. Glossaire ...................................................................................................... — 15
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. TRI 150
Parution : septembre 2017 - Dernière validation : mai 2021

et article délivre une analyse précise sur les techniques de rayages instru-
C mentés (en anglais communément appelées « scratch testing »). Ces
dispositifs permettent de manière générale de caractériser de façon qualitative
des revêtements et des couches minces. L’interprétation des données délivrées
par ces instruments a été facilitée suite à l’avènement d’outils performants,
telle que l’imagerie panoramique, le suivi du profil du test scratch et la syn-
chronisation spatiale lors de l’observation optique d’une rayure. En outre la
possibilité de modéliser la déformation d’un revêtement et de son substrat en
fonction de la charge appliquée permet d’ajuster les paramètres de test pour
favoriser un positionnement du maximum du champ de contrainte non loin de
l’interface. Cela a conduit notamment à développer un large panel d’indenteurs
avec des conditions et des pressions de contact appropriées.
Des progrès importants ont également été réalisés dans l’utilisation de la
technique scratch pour mesurer des propriétés mécaniques connexes à l’adhé-
rence telles que la ténacité, la dureté, la viscoélasticité. De même l’utilisation

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés


TRI 150 – 1

73
Référence Internet
TRI150

TESTS DE RAYURE __________________________________________________________________________________________________________________

combinée de l’essai de rayure avec d’autres techniques comme la microscopie


acoustique, la spectroscopie Raman, la microscopie in situ, etc. a fourni des
informations complémentaires sur les endommagements induits (craquelures,
fatigue, rupture) qui n’étaient pas systématiquement accessibles ou exploi-
tables auparavant. L’article fait donc état de ces divers développements et
présente ce que seront les défis de demain.

1
1. Premiers développements Le test de rayure automatisé s’est généralisé dans les années 1980
grâce à Laeng [3], Steinmann [4], Valli [5], Burnett et Rickerby [6] et
d’autres [7] [8] [9] [10] [11]. Ils ont ainsi développé des instruments
La première évocation de l’essai de rayure en tant que méthode pouvant générer des rayures sous force contrôlée sur une surface en
qualitative de la mesure de l’adhérence d’un revêtement date des utilisant généralement une pointe en diamant de type Rockwell C
années 1950 par Heavens [1] qui, appliquant une charge constante (pointe conique de 120° présentant une terminaison sphérique) ayant
à la surface d’un revêtement par le biais d’un pénétrateur, a typiquement 200 μm pour rayon de courbure. La force normale pou-
observé des endommagements en surface qui ont provoqué une vait ainsi être appliquée de manière constante ou croissante.
délamination du film. Les charges appliquées qui ont créé ces La figure 1 présente le principe de base de l’essai de rayure
endommagements spécifiques (fissurations, délaminations), sont classiquement utilisé en chargement progressif pour générer une
définies comme charges « critiques ». Des travaux ultérieurs réali- contrainte croissante dans le matériau, jusqu’à ce que des endom-
sés par Benjamin et Weaver [2] dans les années 1960 ont conduit magements spécifiques se produisent à la surface (charges cri-
à un modèle reliant cette notion de charge critique à la fragilisa- tiques), ces endommagements étant observés de façon post
tion du système couche-substrat. mortem à l’aide d’un microscope optique. Des signaux émis par
Les origines de l’essai de rayure automatisé sont donc une évo- des capteurs de force tangentielle, acoustique et d’enfoncement
lution logique de multiples méthodes d’essais industriels relative- viennent compléter ce diagnostic optique.
ment basiques tels que le test du couteau (ASTM D6677), le test Tous les endommagements produits en surface ne sont pas systé-
de pelage au ruban adhésif (ASTM D3359), le test au crayon de matiquement liés à une décohésion du revêtement à l’interface.
dureté (ASTM D3363), le test d’adhérence par arrachement (ASTM Seuls certains sont donc exploitables pour l’analyse de l’adhérence.
D4541) et le test d’adhérence par grattage (ASTM D2197). De Des endommagements indiquent clairement par exemple une rup-
telles approches sont généralement très subjectives et dépendent ture cohésive, interne à la couche. Pour grand nombre de cas,
étroitement des capacités d’interprétation de l’opérateur, mais ont l’essai de rayure est ainsi considéré comme un moyen polyvalent
également tendance à simplifier à outrance la réponse parfois pour évaluer l’intégrité mécanique d’une surface, qu’elle soit revê-
complexe que peut présenter un système film-substrat face à ce tue ou non, et a trouvé sa place dans de nombreux domaines de
type de sollicitations. recherche sur les matériaux et dans les développements industriels.

Force normale
Constante
Progressive
Incrémentale

Force tangentielle
Coefficient de frottement Indenteur
diamant
sphérique
Rockwell

Déplacement
réciproque
linéaire

a b

Figure 1 – Principe de l’essai de rayure et dernière génération commerciale d’un scratch testeur disposant d’un indenteur associé à une tourelle
de microscopie optique et d’un jeu de tables X-Y assurant le déploiement de l’échantillon entre ces deux composantes

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TRI 150 – 2

74
Référence Internet
TRI150

__________________________________________________________________________________________________________________ TESTS DE RAYURE

En général, le test est plus pertinent si le substrat ne se déforme classiquement un indenteur avec un microscope optique via une
pas plastiquement. Dans ce cas une déformation concentrée plus platine motorisée XY permettant le déplacement de l’échantillon.
spécifiquement au sein du revêtement ou sur l’interface fournit Il suffit en effet de connaître le vecteur XY nécessaire à cette navi-
bien une information sur son adhérence. gation entre les deux composantes pour visualiser, certes de
Il est par ailleurs possible de détecter un changement dans la façon post mortem, une position ciblée de la surface.
force de frottement lorsque l’indenteur vient à transpercer le revê-
tement et entre en contact avec le substrat. Bull et al. [17] ont
2.1 Microscopie optique
1
émis l’hypothèse que la mesure expérimentale de la force de frot-
tement fournissait une réelle information sur les contraintes géné-
rées dans le matériau. La force de frottement mesurée F réunira Des microscopes avec des grossissements optiques appropriés
alors l’ensemble des composantes de force d’adhérence Fa, de sont couramment utilisés pour l’analyse locale du sillon de rayure.
contrainte interne Fi et de cisaillement Fl : La distance de travail de ces objectifs peut être une limitation si
l’échantillon est fortement incliné. La profondeur de champ peut
a i l (1) également être réduite lors d’une observation à fort grossisse-
ment.
Par substitution, il a donc été démontré que la charge critique de
L’exemple illustré sur la figure 2 porte sur l’évaluation d’un
rupture Lc est une fonction de l’aire transversale de contact A, du
revêtement de cobalt chrome molybdène (CoCrMo) déposé sur un
coefficient de Poisson ν, du coefficient de frottement au niveau de
acier.
la charge critique μc du module d’élasticité E, du travail d’adhé-
rence W et de l’épaisseur du revêtement selon l’équation sui- Les trois charges critiques sont clairement visibles sur les pho-
vante : tographies de la figure 2. Nous pouvons constater une limitation
sur la profondeur de champ sur la charge critique , où seul le
fond de la rayure est au focus alors que le reste de l’image est un
(2) peu flou. Cela met en évidence une certaine limitation de l’analyse
optique simple, exacerbée sur les surfaces ayant une certaine
transparence où il est difficile notamment de savoir si des fissures
Les forces conduisant à la dégradation du système couche-subs- sont initiées dans le revêtement ou dans le substrat (ou dans les
trat sont de ce fait une combinaison de contraintes diverses : deux). Cette problématique devient d’autant plus prononcée que
contraintes élastoplastiques d’indentation, contraintes de cisaille- le grossissement est important.
ment, contraintes internes résiduelles (principalement présentes
dans le revêtement suite à l’opération de dépôt). Lors de la réali-
sation d’une rayure à charge progressivement croissante, il est
coutumier d’observer une succession d’endommagements, 2.2 Image panoramique
l’endommagement ultime étant généralement la perforation et la
délamination complète du revêtement sur toute la largeur du sil- Cette technique brevetée [26] combine un microscope optique
lon de rayage. La charge critique dépendra donc de l’adhérence avec des platines de translation motorisées XYZ de façon à pou-
du revêtement, mais également d’autres paramètres, qui peuvent voir aisément déplacer l’échantillon entre l’indenteur et le micros-
être intrinsèques au test lui-même ou au système couche-substrat. cope optique.
Cela confère plusieurs avantages :
Quelques enquêtes récentes menées auprès de groupes indus-
triels en Grande-Bretagne [12] et aux États-Unis [13] ont montré (i) La totalité de la rayure peut être imagée en prenant des
que seules quelques méthodes quantitatives étaient régulière- images séquentielles qui se chevauchent légèrement. Un logiciel
ment employées pour assurer un contrôle qualité, face à une mul- de traitement d’images est alors utilisé pour fusionner les parties
titude de tests qualitatifs existant. superposées, produisant ainsi une seule image (image panora-
mique) ;
La recherche d’une meilleure compréhension de la façon dont
les charges critiques sont corrélées à l’adhérence a suscité (ii) Chaque image constituant in fine le panorama est faite elle-
diverses études, comme les travaux originaux de Benjamin et même de plusieurs images à différents points focaux en transla-
Weaver qui ont consisté à lier la charge critique à la contrainte de tant l’échantillon de bas en haut. Le nombre de clichés dépendra
cisaillement interfaciale en utilisant la théorie de la plasticité [2], de la profondeur de champ de l’objectif utilisé ainsi que de la pro-
ou l’approche élastoplastique de Burnett et Rickerby [6] [14] qui a fondeur résiduelle du sillon de rayure, englobant les éventuels
transposé un modèle existant pour l’indentation à la rayure. Lau- bourrelets. Ces images sont ensuite fusionnées pour ne restituer
gier [15] [16] a quant à lui modélisé le phénomène de rayage en qu’un cliché au focus, fournissant ainsi une image de qualité où
faisant l’hypothèse d’un phénomène purement élastique, mais l’ensemble des détails de l’image est net. Ceci est présenté en
cette approche est malheureusement loin d’exprimer une réalité figure 3 ;
physique où des mécanismes de dégradation et d’abrasion du (iii) L’image panoramique résultant de ce traitement est syn-
revêtement impliquent une déformation élastoplastique. chronisée en position aux données du scratch comme présenté à
la figure 4. Cela permet ainsi de définir les charges critiques tout
aussi bien sur l’image panoramique que sur les signaux émis par
les capteurs ;
2. Moyens expérimentaux (iv) Ces données sont sauvegardées dans un fichier unique, ce
d’interprétation de l’essai qui permet à l’utilisateur de réaliser un dépouillement ultérieur, et
de modifier le cas échéant la position des charges critiques. Ainsi
de rayure une comparaison aisée entre l’ensemble des données est rendue
possible, chose qui était difficile auparavant.

Les premiers travaux d’interprétation des sillons de rayures ont


naturellement été réalisés en utilisant la microscopie optique [18] 2.3 Émission acoustique
[19] ou la microscopie électronique à balayage [20] [21], afin de
pouvoir analyser les endommagements. L’intérêt étant de corréler L’utilisation de l’émission acoustique pour le contrôle de procédés
la position spatiale d’un endommagement avec les signaux enre- industriels s’est largement répandue. Des études antérieures [23]
gistrés en ce point spatial précis, les outils modernes associent [24] [25] [26] ont montré qu’il est possible de corréler le processus

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TRI 150 – 3

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Référence Internet
TRI150

TESTS DE RAYURE __________________________________________________________________________________________________________________

Lc : premières fissures cracks Lc : écaillage cohésif Lc : délamination totale


1 2 3

Lc Lc Rd Lc
1 2 3
Pd
AE
Ft

Figure 2 – Rayure à charge progressive appliquée à un revêtement CoCrMo d’épaisseur 2,5 μm déposé sur un acier avec l’observation optique
de 3 charges critiques

de rayage au signal d’émission acoustique et dans certains cas acoustique sont conçus pour être très sensible à une certaine fré-
démontrent qu’il est possible d’exploiter ce signal pour confirmer un quence ou à l’inverse réagir sur une large bande de fréquences.
mode d’endommagement spécifique. Le signal acoustique est Cependant la plupart des scratch testeurs fonctionnent mieux
constitué d’ondes élastiques générées par le champ de contrainte avec des capteurs réagissant à une certaine fréquence de réso-
interne induit lors de l’application d’une force normale. Le phéno- nance car ils permettent d’analyser plus finement le signal (en
mène survient lors de l’initiation de fissures, ou lors de la crois- terme d’amplitude, de temps de montée, de durée de l’évène-
sance, la fermeture ou le mouvement de certaines dislocations ou ment, de l’énergie dissipée, du nombre de pics, etc.). Le position-
ruptures interfaciales. Ces ondes acoustiques se propagent à travers nement du capteur à proximité du pénétrateur est idéal. Il peut
le matériau et se manifestent sous forme de petits déplacements également être rattaché à la face inférieure de l’échantillon, mais
transitoires en surface, de faible amplitude, généralement à haute dans ce cas le signal est généralement plus faible et moins fiable.
fréquence dans la plage des ultrasons. La détection se fait générale- La signature acoustique suite à la formation de fissures contient
ment via un transducteur piézoélectrique placé à proximité de généralement :
l’indenteur de sorte que les ondes puissent être collectées large- (i) Un front montant extrêmement raide ;
ment. À titre d’exemple, le capteur acoustique équipant le modèle
commercial présenté en figure 1 est un capteur DECI SE150-M pré- (ii) Une décroissance exponentielle s’étendant sur près de 1 ms ;
sentant une bande passante aux alentours de 150 kHz, une plage (iii) Une certaine modulation de la décroissance pouvant inclure
dynamique de 65 dB et une amplification de 200 000 [27]. des effets d’écho.
Le capteur convertit le mouvement de la surface provoqué par Le spectre fréquentiel de la forme d’onde acoustique arrivant
l’onde élastique en un signal électrique. Les capteurs d’émission au niveau du capteur dépend à la fois de l’indenteur en diamant

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TRI 150 – 4

76
Surfaces
(Réf. Internet 42463)

1– Analyse des surfaces et du contact 2


2– Traitements de surface Réf. Internet page

Traitements et revêtements de surface à usage tribologique TRI5100 79

Revêtements chimiques de nickel-bore M1571 85

Caractérisation physico-chimique de revêtements et films minces à applications TRI5110 89


tribologiques
Intérêts tribologiques des dépôts DLC (Diamond Like Carbon) TRI5130 93

Dépôts céramiques par PVD ou CVD assistées ou par projection plasma N4801 97

Texturation biomimétique des surfaces. Innovation pour une industrie agroalimentaire TRI5170 101
frugale

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2

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Référence Internet
TRI5100

Traitements et revêtements
de surface à usage tribologique

par René GRAS


Professeur Emérite SUPMECA
2
1. Sollicitations tribologiques ................................................................... TRI 5 100 - 2
1.1 Contact tribologique – Approche systémique ........................................... — 2
1.2 Endommagements tribologiques ............................................................... — 4
2. Propriétés des surfaces .......................................................................... — 4
3. Choix d’un traitement ou d’un revêtement de surface ................. — 7
3.1 Endommagement par adhésion ................................................................. — 7
3.2 Endommagement par abrasion .................................................................. — 7
3.3 Endommagement par érosion .................................................................... — 7
3.4 Endommagement par fatigue de contact .................................................. — 7
3.5 Endommagement par fretting .................................................................... — 9
4. Traitements de surface ........................................................................... — 9
4.1 Traitements de conversion.......................................................................... — 9
4.2 Traitements par transformations structurales ........................................... — 10
4.3 Traitements de diffusion ou par durcissement interstitiels...................... — 10
5. Revêtements de surface ......................................................................... — 12
5.1 Revêtements de polymères – Plastication ................................................. — 12
5.2 Vernis de glissement ................................................................................... — 12
5.3 Revêtements métalliques ............................................................................ — 16
5.4 Revêtements électrochimiques................................................................... — 21
6. Traitements mixtes .................................................................................. — 23
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. TRI 5 100

n cours de fonctionnement, les surfaces des composants mécaniques sont


E soumises à des sollicitations de type mécanique, thermiques et/ou
physicochimique.
Les efforts mécaniques se traduisent par des contraintes qui deviennent
maximales près des surfaces ; c’est le cas en sollicitations de flexion ou de
torsion. De plus, les irrégularités de surface, forme et rugosité, peuvent
Parution : mars 2011 - Dernière validation : mai 2019

entraîner des concentrations de contraintes qui induisent des zones de fragilité


supplémentaires.
Les sollicitations thermiques peuvent avoir pour origine l’environnement
général ou la chaleur générée par le frottement dans le contact.
Les sollicitations physicochimiques sont le fait des agressions environne-
mentales du milieu extérieur pouvant se traduire par des phénomènes de
corrosion ou d’oxydation ou dans certaines circonstances par des phénomènes
de fragilisation.
Pour les composants à fonctions tribologiques, à ces sollicitations s’ajoutent
celles générées par les actions de contact et qui peuvent être d’origines méca-
niques, thermiques, électriques et physicochimiques.
Il importe donc que les propriétés des couches superficielles soient supé-
rieures à celles requises pour les matériaux en volume. Réaliser des propriétés
de haut niveau sur tout le volume des composants, exigerait, en effet, des

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est strictement interdite. – © Editions T.I. TRI 5 100 – 1

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Référence Internet
TRI5100

TRAITEMENTS ET REVÊTEMENTS DE SURFACE À USAGE TRIBOLOGIQUE ______________________________________________________________________

matériaux d’un coût trop élevé et de mise en œuvre difficile ou pourrait même
entraîner des inconvénients tels qu’une fragilisation ou un manque de sou-
plesse du composant.
Ces difficultés peuvent être résolues par les traitements ou revêtements des
surfaces qui permettent de donner aux surfaces des propriétés leur assurant
une résistance satisfaisante aux différents types de sollicitation qu’elles subis-
sent, tout en gardant à cœur des matériaux aux propriétés moins élevées,
moins onéreux ou de mise en œuvre plus facile.
Les traitements et revêtements de surfaces ont fait l’objet, au cours des der-
nières décennies, de développements et modifications qui ont permis d’offrir

2
un choix important de possibilités pour améliorer les propriétés mécaniques
des composants, leurs propriétés de résistance aux agressions physicochimi-
ques, ou leurs propriétés pour remplir des fonctions tribologiques. On se
propose dans ce dossier de regrouper des éléments permettant de réaliser ce
dernier point.

1. Sollicitations tribologiques FN
MP VN ΩP
FT
1.1 Contact tribologique – Approche
2
systémique 3
MR
VT
ΩR
4

1.1.1 Description d’un contact


1
Les sollicitations tribologiques les plus courantes, sont définies à
partir de l’analyse systémique d’un contact. Sous sa forme la plus
générale, un contact tribologique, est composé de quatre éléments
principaux (figure 1) [1] : 1 solide 1 F et M force et moment du torseur dynamique
– les deux corps ou solides 1 et 2 soumis aux torseurs ciné- 2 solide 2 V et Ω vitesses du torseur cinématique
matique (regroupant les composantes de vitesses) et dynamique
3 milieu interfacial Indices :
(regroupant les composantes des forces F et des moments M
appliqués au contact). Ces solides sont limités par des couches T tangentiel P pivotement
4 environnement
superficielles dont les caractéristiques spécifiques macro et micro- N normal R roulement
géométriques, physicochimiques, mécaniques ou structurales sont Figure 1 – Représentation schématique d’un contact tribologique [1]
souvent mal connues. Ils sont reliés aux solides environnants par
des raideurs et des amortissements de liaisons ;
– le milieu interfacial 3 ou 3e corps est soumis à des sollici-
tations mécaniques, thermiques, physicochimiques. Il participe à
l’accommodation du gradient de vitesse entre les deux premiers Tableau 1 – Éléments de description
solides. Sa présence, ses propriétés et son évolution au cours du d’une situation tribologique et de son évolution
temps sont déterminantes pour le fonctionnement du contact. Il en cours de fonctionnement [1]
peut être solide, fluide, introduit intentionnellement dans le
contact (lubrifiant par exemple) ou généré dans le contact lors du Variables Phénomènes Processus
fonctionnement (films transférés) ; opérationnelles résultants de l’usure
– l’environnement 4 dont le rôle est déterminant dans le Mode de Résistance Adhésion
comportement en service du contact, par ses capacités lubrifian- contact-Liaisons au déplacement
tes, par sa contribution à la dispersion de l’énergie dissipée dans
le contact, par sa réactivité chimique avec les surfaces des solides États de surface Vibrations Abrasion
en contact. (géométrique,
physicochimique)
Partant de cette représentation du contact, on peut décrire une
situation tribologique (tribosystème) et son évolution en Torseur Phénomènes Érosion cavitation
s’appuyant sur les paramètres présentés dans le tableau 1 [1] : dynamique thermiques
– la première colonne indique les paramètres ou variables opé-
Torseur Transformations Déformation
rationnelles qui définissent la situation tribologique initiale ;
cinématique superficielles
– la deuxième colonne regroupe les phénomènes les plus
communément observés au cours du fonctionnement du contact. Ambiance (avec Transformations Fatigue de contact
Ils peuvent éventuellement modifier les conditions initiales ; lubrification) structurales (Fretting )
– la troisième colonne présente les processus mécaniques ou
physicochimiques les plus couramment admis qui entraînent Matériaux Pertes de matière Corrosion
l’endommagement des surfaces. Ils sont regroupés en six familles (tribocorrosion)

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TRI 5 100 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

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TRI5100

_______________________________________________________________________ TRAITEMENTS ET REVÊTEMENTS DE SURFACE À USAGE TRIBOLOGIQUE

fondamentales, chacune pouvant être reliée à un mécanisme de Cette distinction entre les deux surfaces permet de prendre en
base qui est à l’origine de l’endommagement. compte les dissymétries mécaniques et thermiques qui
apparaissent entre les deux solides et qui vont piloter le choix des
Pour caractériser une situation tribologique, il importe dans un
matériaux qui constitueront ces surfaces. Du point de vue méca-
premier temps, d’identifier les différents contacts qui sont mis en
nique, la grande surface cinématique doit être dure et lisse alors
jeu et d’extraire les variables opérationnelles qui définissent la
que la petite surface cinématique peut être plus molle et peut
nature et le fonctionnement de chaque contact.
éventuellement comporter des rainures ou stries pour la lubrifi-
cation par exemple, ou l’évacuation des débris d’usure.
1.1.2 Modes de contact
1.1.3 Torseur dynamique
Il s’agit de définir la nature (solide/solide, liquide/solide,
liquide + particules/solide, liquide + vapeur/solide...) et la géomé-

2
trie du contact. Ces informations participent à l’évaluation du
champ de contraintes imposé au contact. Le torseur dynamique définit l’ensemble des forces et
moments auquel est soumis le contact.
La géométrie du contact caractérise la forme générale des
surfaces qui limitent les solides au voisinage de la zone de contact.
Les contacts rencontrés en génie mécanique se regroupent en trois La charge et la manière dont elle est appliquée permettent
grandes familles : d’évaluer la nature et le niveau des contraintes auxquelles les
– les contacts de type ponctuel, (par exemples, sphère/plan, couches superficielles sont soumises. Même si le torseur dyna-
roues/rails, roulements à billes, cames/poussoirs...) ; mique se réduit à une force uniaxiale normale à la surface de
contact, le champ de contraintes qui se développe dans les
– les contacts linéiques (par exemples, cylindre/plan, roulements
couches superficielles des solides est toujours triaxial et comporte
à rouleaux...) ;
des contraintes de différentes natures, tensions, compressions,
– les contacts surfaciques (par exemples, parallélépipède/plan, contraintes de cisaillement ou cissions.
emmanchements serrés, étanchéités faciales, contacts garni-
tures/disque de freins...). Ce champ de contraintes permet de déterminer la limite en
charge que peut supporter le contact. Cette limite est imposée par
Ces familles sont schématisées (figure 2). la résistance mécanique des matériaux. Au-delà de cette limite, il
Les deux premières familles constituent les contacts hertziens se produit suivant la nature des matériaux mis en jeu, des défor-
ou contacts concentrés. Leur déformation, dans le domaine de mations irréversibles (dites plastiques) dans les matériaux à carac-
comportement élastique des matériaux, a été modélisée par Hertz tère ductile, des possibilités de rupture dans les matériaux à
d’une manière très fidèle, ce qui permet d’évaluer l’aire de contact caractère fragile.
et suite aux travaux de Huber, d’en déduire le champ de contrainte Une limite acceptable pour les matériaux ductiles correspond,
induit par les efforts appliqués. en appliquant un critère de plasticité de type Tresca, à une pres-
sion moyenne de contact de l’ordre de HB/3 ou à une cission maxi-
Dans les contacts surfaciques, on peut citer le contact entre tou-
male de l’ordre de HB/6 avec HB la dureté Brinell du matériau.
rillon et coussinet de certains paliers dans le cas où le jeu est
faible, les emmanchements serrés, les joints d’étanchéités faciaux,
les contacts curseurs/glissières, le contact garniture/disque de frein 1.1.4 Vitesse ou cinématique du contact
ou d’embrayage...
Ce paramètre consiste à préciser les différents éléments du tor-
La géométrie des surfaces permet d’introduire la notion de sur- seur cinématique (ensemble des vitesses et moments cinétiques)
face cinématique dans laquelle, on différencie : appliqué au contact, c’est-à-dire la nature et la cinématique du
– la « petite surface cinématique » (PSC), surface dont les points mouvement. Suivant les composantes de ce torseur mises en jeu
sont sollicités en permanence au cours du mouvement (surface de au niveau du contact, le déplacement peut s’effectuer en
contact du solide 2 dans la figure 3) [2] ; glissement, roulement, pivotement, impact, ou par une
– la « grande surface cinématique » (GSC) dont les points ne combinaison de ces quatre mouvements relatifs de base.
sont sollicités que lorsque l’antagoniste passe au-dessus d’eux
[surface de contact du solide 1 ]. 1.1.5 États de surface
Le paramètre état de surface recouvre deux aspects fondamen-
taux de la description du contact :
– l’état de surface microgéométrique ;
– l’état de surface physicochimique.
La microgéométrie est l’un des éléments d’appréciation de l’aire
réelle de contact, des raideurs normales et tangentielles du
contact, des résistances mécanique, électrique et thermique de
Contact ponctuel Contact linéique Contact surfacique l’interface, de l’aptitude à l’adhésion et de la perméabilité du
contact dans le cas de l’étanchéité. Son rôle est capital en ce qui
Figure 2 – Schématisation des trois familles de contacts concerne le facteur de frottement. Les paramètres à prendre en
compte sont accessibles par la topographie des surfaces.

1.1.6 Environnement
2 Petite surface cinématique
Il identifie le milieu dans lequel évolue le contact qui intervient
1 Grande surface cinématique sur le comportement tribologique du système par sa nature
(liquide ou gaz), sa composition chimique, sa température, son
débit éventuel, ses propriétés mécaniques et physiques, ses pro-
Figure 3 – Définition cinématique des surfaces [2] priétés chimiques.

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TRI5100

TRAITEMENTS ET REVÊTEMENTS DE SURFACE À USAGE TRIBOLOGIQUE ______________________________________________________________________

1.1.7 Matériaux L’érosion est provoquée par l’action de particules solides,


liquides ou de vapeur animées par un fluide et qui viennent sollici-
Bien que les caractéristiques de frottement ne soient pas une ter les surfaces solides avec une grande énergie cinétique. Les
propriété intrinsèque des matériaux mais une propriété d’usage, contraintes développées lors de l’impact peuvent extraire des par-
ceux-ci peuvent intervenir d’une manière décisive dans le ticules de matière de la surface. La cavitation, usure générée par
comportement général du système tant par leurs propriétés méca- l’implosion de bulles de vapeur au voisinage d’une surface, peut
niques que métallurgiques, structurales et physicochimiques. être considérée comme un cas particulier de l’usure érosive.
L’érosion électrique qui est due à l’action de micro-arcs élec-
triques qui s’amorcent entre les aspérités des surfaces antago-
L’une des fonctions principales des traitements et revê- nistes, est ainsi désignée car à la fois le mode de dégradation et
tements de surface sera d’agir sur ces différents paramètres. l’aspect des surfaces sont analogues à ceux de l’érosion
mécanique.

2
Les surcontraintes locales peuvent suivant le comportement des
1.2 Endommagements tribologiques matériaux entraîner des fissurations pour les matériaux à caractère
fragile si la résistance à la rupture est dépassée, ou des défor-
mations irréversibles plastiques dans le cas des matériaux à carac-
1.2.1 Manifestations physiques du frottement tère ductile si les contraintes excèdent la limite d’élasticité.
L’endommagement des surfaces par fatigue de contact se mani-
Le fonctionnement d’un système tribologique se caractérise par feste lorsque les couches superficielles des composants sont sou-
plusieurs phénomènes physiques caractéristiques. mises à des contraintes répétées ou alternées qui conduisent à
Le plus évident est la résistance au déplacement que l’on l’amorçage de fissures après un certain nombre de cycles de fonc-
exprime par le facteur de frottement µ rapport entre la force tan- tionnement. Suivant l’intensité des contraintes, on retrouve en
gentielle nécessaire au déplacement relatif d’un des solides par matière de fatigue de contact la distinction de fatigue olygocy-
rapport à l’autre et la force normale au plan de contact qui clique ou de fatigue à grand nombre de cycles. Les sollicitations
applique les solides l’un contre l’autre. peuvent être d’origine mécanique ou thermique. Les dégradations
apparaissent sous forme de piqûres, de fissures, d’écaillage et
L’énergie mise en jeu dans le contact par le travail de la force de s’accompagnent de modifications structurales. En fonction du
frottement va en très grande partie, plus de 95 %, se transformer champ de contraintes appliqué aux couches superficielles, ces
en énergie thermique. Celle-ci se dissipe dans le milieu ambiant et amorçages peuvent apparaître en surface ou en sous-couche. Sui-
dans chacun des deux solides, provoquant leur échauffement. Ces vant la localisation de ces amorçages, on distingue l’usure par
phénomènes thermiques ont un rôle déterminant dans les diffé- délamination qui à son origine en surface qui apparaît lorsque des
rentes transformations qui vont apparaître en service. contraintes tangentielles agissent en surface, frottement avec glis-
Sous l’action simultanée des contraintes et des échauffements, sement, ou l’écaillage (pitting ) dont l’origine se situe préférentiel-
les matériaux constituant le contact vont être soumis à des modifi- lement en sous-couche, frottement sans glissement.
cations géométriques, à des transformations superficielles et L’usure induite par des phénomènes thermiques (choc
même dans certains cas à des évolutions structurales auxquelles thermique ou fatigue thermique) a pour origine les contraintes
s’ajoutent le plus souvent des pertes de matière : l’usure. Cette mécaniques générées par une ou des dilatations/contractions suc-
perte de matière peut se réaliser de différentes manières qui sont cessives de la surface et se traduit généralement par des fissures
décrites dans les paragraphes suivants. On imagine assez faci- dues aux contraintes de tension.
lement que suivant la manière dont elle va se produire, émission
L’usure tribochimique ou tribocorrosion intervient dans des
ou piégeage des débris, films transférés, évolution de la surface...,
situations où le contact fonctionne en environnement corrosif.
elle peut influer directement sur les paramètres initiaux. On doit
L’énergie dissipée dans le contact peut alors activer les phéno-
donc envisager de tenir compte de cette interaction entre les effets
mènes de corrosion et accélérer la dégradation des surfaces. Ce
et les conditions initiales.
type d’usure peut s’intensifier si un potentiel électrique est appli-
qué au contact.
1.2.2 Mécanismes d’endommagement Les avaries par fatigue ou usure par petits débattements (fret-
des surfaces ting-fatigue, fretting-usure, fretting-corrosion ) si le contact se pro-
duit dans un environnement corrosif se rattachent suivant le cas à
Les effets décrits précédemment peuvent être attribués à diffé- un ou plusieurs des mécanismes d’usure décrits ci-avant.
rents processus mécaniques ou physicochimiques qui vont inter-
La figure 4 résume les sollicitations de contact les plus fré-
venir isolément ou simultanément et avec plus ou moins
quentes et propose les orientations générales offertes pour limiter
d’intensité suivant les circonstances.
leurs conséquences.
Le mécanisme d’adhésion se caractérise par l’établissement de
liaisons interfaciales entre les surfaces en contact. La rupture de
ces liaisons nécessite non seulement des efforts qui peuvent être
importants pouvant générer des frottements intenses, mais peut
aussi produire des déplacements de matière. Ce phénomène est
2. Propriétés des surfaces
désigné par les termes d’usure adhésive. L’adhésion se manifeste
généralement par des transferts de matière d’une surface à l’autre Le choix d’un traitement ou d’un revêtement de surface doit être
et peut en se généralisant produire le grippage épidermique voire orienté prioritairement par les aspects fonctionnels issus de l’ana-
la soudure des composants. Les matériaux ont un rôle décisif sur lyse des systèmes.
ce type d’endommagement. La première préoccupation consiste à ce que le contact soit
L’abrasion est due à l’action de particules dures dites libres si capable de supporter les efforts mécaniques qui lui sont imposés.
elles sont introduites entre les surfaces ou liées si elles appar- Cette préoccupation repose, pour une grande part, sur la cohésion
tiennent à l’une des surfaces (aspérités par exemple), qui viennent et les propriétés mécaniques des couches superficielles que l’on
agresser les surfaces par action de coupe ou de déformation et peut caractériser par leur dureté.
arracher ainsi de la matière. Dans le premier cas, on parle Il s’agit donc de déterminer la dureté minimale de ces couches
d’abrasion à trois corps, dans le second, d’abrasion à deux corps. et l’épaisseur minimale à traiter pour éviter des déformations

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TRI5100

_______________________________________________________________________ TRAITEMENTS ET REVÊTEMENTS DE SURFACE À USAGE TRIBOLOGIQUE

Adhésion – Déformation Fatigue Abrasion – Érosion Corrosion

0 x
Déformation

z
Phénomène

x 0
τ

2
σx
σz Coupe

τ cission de Tresca
σx, σz contraintes suivant 0x (radiales)
et 0y

1 – Éviter les liaisons (matériaux) – Éviter la création et la propagation – Éviter les déformations – Éviter la réaction avec
de fissures (affiner le grain) l'ambiance
2 – Avoir des liaisons faciles – Durcissement – Accroître la cohésion du métal
à rompre (film)

3 – Durcir la sous–couche
0 x
Solutions

– Matériaux insolubles entre eux – Étalement des contraintes – Durcissement – Isolation du substrat
Remèdes

– Création d'un film protecteur – Contraintes de compression – Contraintes de compression – Limitation de la réactivité

– Durcissement avec structures – Fibrage parallèle aux surfaces – Revêtement protecteur


• fines
• polyphasées – Homogénéisation de la structure

Figure 4 – Représentation schématique des principales sollicitations induisant des phénomènes d’usure

élastiques trop importantes et en tout état de cause limiter au aux contraintes appliquées : HB > τMax . Si l’on s’appuie sur le
maximum les déformations plastiques qui entraînent d’une part critère de Tresca, la dureté minimale, exprimée en MPa, doit être
une perte de forme du composant, donc généralement sa mise supérieure à 3 fois la pression moyenne de contact ou 6 fois la
hors service et, d’autre part, accroissent notablement le risque cission maximale atteinte en sous-couche (figure 5b). La profon-
d’usure adhésive intense en favorisant les liaisons par déplace- deur de cette zone peut se fixer à partir de la courbe représentant
ment des atomes le long des courts-circuits de diffusion que la dureté en fonction de la profondeur en s’assurant que celle-ci
constituent les dislocations. est suffisante pour contenir la zone de cission maximale.
Dans le cas des contacts concentrés de type hertzien, les
■ Matériaux à comportement fragile ou contacts avec frottement
champs de contraintes sont relativement bien connus et l’on peut
s’appuyer sur les résultats issus de ces modèles. Deux cas princi- important (facteur de frottement ␮ > 0,25 )
paux sont à considérer. La contrainte de tension en limite du contact et les cisaillements
élémentaires ou de Tresca en surface dans le contact peuvent
■ Matériaux à comportement ductile et contacts sous force nor- devenir critiques. Il s’agit alors de limiter leur effet en s’orientant
male ou avec une faible incidence, (facteur de frottement faible,
vers des traitements ou revêtements de surface susceptibles de
␮ ⭐ 0,1) limiter ces différentes contraintes et abaissant le frottement. Des
La cission générée par les contraintes est maximale à une cer- épaisseurs de zones traitées pour différents traitements et revê-
taine profondeur dans la matière (figure 5a ). La dureté Brinell tements de surface sont proposées sur la figure 6 et dans le
dans la zone située au-dessus de z1 doit être largement supérieure tableau 2.

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2

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M1571

Revêtements chimiques de nickel-bore

par Luiza BONIN


Assistante de recherche
Service de Métallurgie, Université de Mons, Mons, Belgique

Fabienne DELAUNOIS

2
Professeur, chef de service
Service de Métallurgie, Université de Mons, Mons, Belgique

et Véronique VITRY
Chef de travaux
Service de Métallurgie, Université de Mons, Mons, Belgique

1. Principe des dépôts chimiques electroless ............................... M 1 571 – 2


1.1 Conditions thermodynamiques ......................................................... — 2
1.2 Conditions cinétiques ........................................................................ — 3
2. Bains de nickel-bore chimique ..................................................... — 3
2.1 Composants d’un bain de nickel-bore chimique ............................... — 3
2.2 Stabilité des bains .............................................................................. — 4
2.3 Composition de divers bains ............................................................. — 4
3. Paramètres qui influencent le procédé de revêtement
de nickel-bore et les dépôts obtenus .......................................... — 4
3.1 Paramètres opératoires ...................................................................... — 4
3.2 Effet des paramètres sur le procédé de dépôt de nickel-bore .......... — 4
3.2.1 Température ............................................................................. — 4
3.2.2 pH ............................................................................................. — 5
3.2.3 Concentrations en réducteur, en sels de nickel
et en complexant ..................................................................... — 7
3.2.4 Concentration en stabilisant ................................................... — 7
3.2.5 Influence de la charge du bain ................................................ — 7
3.2.6 Influence de l’agitation ............................................................ — 7
3.2.7 Régénération ............................................................................ — 7
3.2.8 Vieillissement du bain ............................................................. — 7
3.3 Revêtements de nickel-bore assistés par ultrasons .......................... — 7
4. Propriétés des revêtements de nickel-bore chimique ............. — 8
4.1 Composition chimique, morphologie et structure des dépôts ......... — 8
4.2 Dureté, rugosité et résistance à l’usure des revêtements ................ — 8
4.3 Résistance à l’essai de rayure ............................................................ — 9
4.4 Résistance à la corrosion ................................................................... — 9
5. Effet des traitements thermiques sur les revêtements
de nickel-bore chimique ................................................................ — 10
5.1 Morphologie et structure des dépôts ................................................ — 10
5.2 Dureté, résistance à l’usure et à l’essai de rayure ............................ — 10
5.3 Résistance à la corrosion ................................................................... — 11
6. Comparaison avec les revêtements de nickel-phosphore....... — 12
7. Développements futurs des revêtements de nickel-bore ....... — 13
7.1 Nouvelles applications des dépôts .................................................... — 13
7.2 Bains de nickel-bore chimique écologiques ...................................... — 13
8. Conclusion........................................................................................ — 14
9. Glossaire ........................................................................................... — 14
10. Symboles .......................................................................................... — 14
Parution : décembre 2018

Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. M 1 571

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M1571

REVÊTEMENTS CHIMIQUES DE NICKEL-BORE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

es dépôts chimiques de nickel-bore, appelés en anglais Ni-B electroless coa-


L tings, sont de proches parents des dépôts chimiques de nickel-phosphore et
des dépôts électrolytiques de nickel. Ils résultent de la réduction en phase
aqueuse de sels de nickel mais, à la différence des dépôts électrolytiques, ne
nécessitent pas l’utilisation d’une source extérieure de courant. Comme leur
nom l’indique, ils contiennent une teneur non négligeable en bore qui leur
confère de nombreuses propriétés intéressantes. Outre les propriétés usuelles
des revêtements chimiques (electroless), à savoir conformité dimensionnelle et
homogénéité d’épaisseur, revêtement de pièces complexes et de trous borgnes,
revêtement de substrats non conducteurs, les dépôts de nickel-bore présentent
une dureté élevée pouvant dépasser celle des revêtements de chrome dur après

2 traitement thermique, une excellente résistance à l’usure abrasive et à l’usure


en glissement, ainsi qu’une résistance à la corrosion acceptable. Ils sont égale-
ment de bons conducteurs électriques et possèdent des propriétés catalytiques
dues à la présence de bore.
L’ensemble de ces propriétés ouvre aux revêtements chimiques de nickel-
bore un champ d’applications important dans divers domaines industriels.
Cet article présente d’une part, la théorie des dépôts chimiques de nickel et
d’autres part, les moyens de les synthétiser, y compris les paramètres de régu-
lation des bains de dépôt. Les diverses propriétés des revêtements obtenus
sont également discutées et mises en relation avec les propriétés des revête-
ments de nickel-phosphore, qui sont plus largement connus. Des développe-
ments récents et futurs sont également discutés.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire et un tableau des symboles
utilisés.

Classiquement, dans le cas du nickel, cinq réducteurs répondent à


1. Principe des dépôts cette condition dans les solutions aqueuses : l’hydrazine (NH2NH2),
chimiques electroless le formaldéhyde (HCHO), les sels d’hypophosphite (NaH2PO2 pour
l’hypophosphite de sodium), les sels de borohydrure (par exemple
le borohydrure de sodium NaBH4), ainsi que les composés alkyla-
mine borane (principalement la diméthylamine borane DMAB,
Le principe de base des dépôts chimiques electroless est relative- C2H10BN) [1] [2] (figure 2).
ment simple : un (ou des) sel(s) métallique(s) est(sont) mis en solu-
tion et réduit(s) par un agent chimique approprié. Le nickel est le
métal le plus fréquemment déposé par ce type de procédé et plu-
sieurs réducteurs peuvent être utilisés, ce qui donne lieu à la clas-
sification généralement acceptée des dépôts chimiques de nickel :
les dépôts de nickel pur, les dépôts au phosphore et les dépôts au
bore [1]. Dépôts chimiques : Dépôts électrolytiques :
Le principe des dépôts chimiques peut apparaı̂tre comme relati- – Sur tous les substrats, – Seulement sur substrats
vement simple, comparé à celui des électrolytiques, avec lequel il – Pas d’effets de bord, conducteurs,
partage de nombreux points communs, mais également des diffé- – Appropriés pour revêtir des – Effets de bord dus à la
rences telles que la possibilité de revêtir des substrats non conduc-
pièces de forme complexe et distribution du courant,
teurs, l’absence d’effets de bords, une couverture adéquate dans
des trous borgnes, – Inapproprié pour revêtir des
les trous borgnes… (figure 1). Néanmoins, la nature spontanée du
processus de formation du dépôt impose des conditions, thermo- – Nickel pur et alliages de nickel, pièces de forme complexe,
dynamiques et cinétiques, qui doivent être respectées pour permet- – Réactions spontanées et – Nickel pur et alliages de nickel,
tre soit la formation du dépôt, soit l’obtention d’un dépôt de qualité catalytiques (nécessité d’une – Procédés non catalytiques.
adéquate. manipulation prudente).

1.1 Conditions thermodynamiques


La première condition devant être respectée pour la réalisation
d’un dépôt chimique de nickel est une condition thermodynamique
assez simple. Il s’agit de sélectionner un agent réducteur capable Figure 1 – Points communs et différences entre dépôts
de réduire (donc moins noble que) le métal qui doit être déposé. électrolytiques et chimiques

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– REVÊTEMENTS CHIMIQUES DE NICKEL-BORE

substrat initial soit catalytique pour permettre l’initiation de la réac-


tion (bien que cette condition puisse être contournée par des traite-
ments de catalyse spécifiques), mais également que le métal
UOx/Red Pt Cu déposé le soit afin d’éviter l’arrêt de la réaction une fois le subs-
Au Ni Pd Co H2
trat revêtu d’une monocouche atomique. Ce sont les propriétés
a NaH2PO2
catalytiques du métal déposé qui fixeront la vitesse de réaction en
UOx/Red H2 Cu Au Ag Pt Pd Ni Co régime.
b HCHO Parmi les cinq réducteurs cités au paragraphe précédent, seuls
UOx/Red Ni Co Pd H2 Pt Au Ag Cu Ni/Ni2+ quatre permettent de réaliser des dépôts de nickel. En effet, la sur-
tension anodique d’oxydation du formaldéhyde sur le nickel est
c NaBH4
trop élevée pour permettre la formation d’un dépôt épais (le pro-
Ni Co Pd H2 Au Pt Ag cédé est limité à l’établissement d’une couche de quelques atomes
et la réaction s’arrête dès que le substrat est entièrement recouvert)
d DMAB

2
(figure 2).
UOx/Red H2 Co Ni Pt Pd Cu Ag Au Les équations-bilan (réduction des ions nickel et oxydation de
e NH2NH2 deux réducteurs à base de bore), permettant l’élaboration d’alliages
–1,5 –1,0 –0,5 –0,2 0,5 nickel-bore, sont indiquées dans l’équation (1) pour le borohydrure
de sodium et dans l’équation (2) pour les composés amine borane :
Potentiel U (V/ECS)
2 Ni2+ + NaBH4 + 4 H2O → 2 Ni + NaBO2 + 2 H2O + 2 H2 ↑ + 4 H+ (1)
Activité catalytique de divers métaux pour l’oxydation anodique des
réducteurs choisis (courant de 10–4 A.cm–2) :
UOx/Red = potentiel redox des divers réducteurs, autres valeurs = surtension 6 Ni2+ + R2NH BH3 + 3 H2O → 6 Ni + R2NH2+ + H3BO3 + 5H+ (2)

a bain contenant (par litre) 0,2 mol NaH2POz ; 0,2 mol de citrate de
sodium et 0,5 mol H3BO3 à pH 9 et 343 K 2. Bains de nickel-bore
b bain contenant (par litre) 0,1 mol HCHO ; 0,175 mol EDTA.2Na à
pH 12,5 et 298 K
chimique
c bain contenant (par litre) 0,03 mol NaBH4 ; 0,175 mol EDTA.2Na à
pH 12,5 et 298 K
D’après le principe même des dépôts chimiques, deux composés
d bain contenant (par litre) 2 g DMAB, 0,2 mol de citrate de sodium ; chimiques sont indispensables pour le fonctionnement d’un bain
0,5 mol H3BO3 à pH 7 et 298 K chimique de nickel-bore : des sels de nickel et un réducteur adapté.
e bain contenant (par litre) 1 mol N2H4, 0,175 mol EDTA.2Na à pH 12
Néanmoins, d’autres produits sont également nécessaires au bon
fonctionnement du bain et pour la qualité des revêtements.
et 298 K

Figure 2 – Agents réducteurs potentiellement utilisables dans les 2.1 Composants d’un bain de nickel-bore
bains de dépôts chimiques de nickel chimique
Les dépôts de nickel-bore contiennent, en plus du nickel, une La nature catalytique et spontanée des réactions de dépôt de nic-
quantité non négligeable de bore issue de la décomposition ou de kel chimique implique une composition des bains plus complexe
l’auto-réduction de l’agent réducteur. Deux classes de réducteurs que celle de leurs homologues électrolytiques. En effet, il est indis-
sont donc disponibles pour réaliser de tels dépôts : les sels de pensable de travailler dans des conditions proches de l’instabilité
borohydrure et les composés amine borane [3]. des bains, afin de maintenir des vitesses de dépôt suffisantes tout
en restant assez stable pour permettre leur utilisation prolon-
gée [4] [5]. Ceci est assuré d’une part, par la présence de consti-
1.2 Conditions cinétiques tuants supplémentaires dans les bains et d’autre part, par un
contrôle généralement très étroit des concentrations lors de la pré-
Les dépôts chimiques résultant de réactions électrochimiques paration des bains. Ce contrôle est également réalisé en cours de
spontanées sont réalisés au potentiel mixte, c’est-à-dire à un dépôt, principalement pour des bains régénérés.
potentiel électrochimique pour lequel la somme des courants de Les constituants indispensables d’un bain de nickel chimique
réduction et d’oxydation est nulle. L’établissement de ce potentiel sont [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] :
et la valeur absolue des courants d’oxydation et de réduction asso-
– une source de cations métalliques : tous les sels de nickel peu-
ciés sont des facteurs importants, la densité de courant condition-
vent être théoriquement utilisés pour les dépôts de nickel chi-
nant la vitesse de dépôt. Il est donc nécessaire, en plus de la condi-
mique, mais le chlorure de nickel est particulièrement populaire
tion thermodynamique, d’examiner et de respecter des conditions
pour les revêtements de nickel-bore [3] ;
cinétiques pour obtenir des dépôts de bonne qualité dans des
– un agent réducteur : qui fournira les électrons nécessaires à la
conditions économiquement viables.
réduction du nickel, ainsi que le bore incorporé dans les dépôts.
Les conditions cinétiques correspondent à la nécessité d’obtenir Les deux agents concernés sont les sels de borohydrure et les
une vitesse de dépôt la plus élevée possible. Le dépôt s’effectuant composés amine borane (éthyl, diméthyl et triméthyl amine
au potentiel mixte, les valeurs des courants anodique et cathodique borane) [2] [17] [18] [19] ;
sont égales en valeur absolue et imposées par les conditions de – un agent complexant : qui n’a pas de rôle direct dans la réac-
travail. Il est donc nécessaire de minimiser les surtensions d’oxyda- tion de dépôt du nickel chimique, mais qui est indispensable au
tion des réducteurs sur le métal concerné. Dans le cas contraire, les maintien du bain. Le complexant permet en effet d’augmenter
valeurs de courant obtenues au potentiel mixte seront très faibles significativement la concentration totale en ions nickel de la solu-
et la vitesse de dépôt sera également très limitée, voire nulle. tion, tout en stabilisant la concentration en ions nickel libres et
La limitation de la surtension d’oxydation du réducteur est obtenue donc le potentiel de réaction. Dans le cas particulier des dépôts éla-
par des effets catalytiques qui sont à l’origine de la complexité de borés en milieux alcalins, ce complexant permet d’éviter la forma-
la mise au point de la méthode. En effet, il est nécessaire que le tion d’hydroxydes insolubles de nickel. L’éthylène diamine est un

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REVÊTEMENTS CHIMIQUES DE NICKEL-BORE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

complexant très populaire pour les bains de nickel-bore, mais La nature du stabilisant utilisé est en général la différence
d’autres composés sont parfois utilisés dans les bains à base majeure entre les diverses formulations, principalement en ce qui
d’amine borane [1] [2] ; concerne les bains réduits par des sels de borohydrure. En milieu
– un autre produit : qui ne participe pas directement à la réaction acide, les stabilisants les plus efficaces sont la thiourée, les sels de
de réduction du nickel, mais qui est essentiel au bon fonctionne- plomb et de thallium, et l’acétate de sodium. En milieu basique, les
ment, est le régulateur de pH ; en effet, la plupart des réactions de sels de plomb et de thallium sont les stabilisants les plus efficaces,
dépôt chimique sont accompagnées d’une diminution de pH qui mais la thiourée peut également être utilisée.
entraı̂ne une modification du potentiel d’oxydo-réduction néfaste
pour la bonne conduite du procédé. L’acidification du bain peut
être évitée par l’utilisation de tampons de pH ou par ajout de com- 2.3 Composition de divers bains
posés alcalins de manière régulière ;
Il n’existe pas de composition type de bains de nickel-bore.
– le dernier constituant du bains est le stabilisant : qui est géné- En effet, la disponibilité de deux réducteurs, de plusieurs comple-
ralement présent à l’état de traces ; il permet de réguler la vitesse xants, d’une série non négligeable de sels permettant la stabilisa-

2
réactionnelle par inhibition des réactions dans la solution et sur les tion… offre plusieurs possibilités de formulations. Le tableau 1 [5]
surfaces en contact avec celle-ci, à l’exception du substrat (ce qui [20] [21] [22] [23] [24] [25] [26] [27] [28] [29] [30] [31] [32] regroupe
renforce la nécessité d’une activité catalytique du substrat). quelques exemples de compositions issues de la littérature. Il est à
Outre ces cinq composants indispensables, de nombreux additifs noter que les formulations commercialisées sont protégées par le
peuvent être ajoutés aux bains de nickel chimique : (i) des accéléra- secret industriel et donc inaccessibles.
teurs utilisés pour compenser en partie la perte de vitesse de dépôt
liée à la présence de stabilisant ; (ii) des brillanteurs permettant, de
la même façon que certains surfactants utilisés en électrodéposi-
tion, d’obtenir des revêtements plus lisses et brillants. 3. Paramètres qui influencent
Enfin, les bains en fonctionnement contiennent les co-produits
de réactions (tels que la forme oxydée du réducteur) qui peuvent
le procédé de revêtement
perturber leur fonctionnement dès lors que leur concentration
dépasse un seuil critique, et qui doivent donc être éliminés de
de nickel-bore et les dépôts
manière périodique dans les bains industriels fonctionnant de obtenus
manière semi-continue.

Outre la composition chimique, les procédés de dépôt de nickel


2.2 Stabilité des bains chimique sont influencés par de nombreux paramètres opératoires
Les stabilisants sont ajoutés à la solution de dépôt pour éviter la qui modifient tant la productivité (vitesse de dépôt) que la qualité
germination homogène de particules de nickel qui peuvent provo- et les propriétés des revêtements.
quer une décomposition spontanée du bain lors des opérations de
dépôt [11]. Ils sont donc indispensables au contrôle de la réaction
et un bain exempt de stabilisant court un risque permanent de
3.1 Paramètres opératoires
décomposition. Trois phénomènes principaux peuvent être à l’ori- La vitesse de dépôt des revêtements de nickel-bore est en géné-
gine de cette décomposition : ral considérée comme une fonction complexe des divers paramè-
1 – on peut trouver dans la solution des atomes de nickel réduits tres opératoires, qui doivent être ajustés finement pour garantir
par réaction catalytique à la surface de la pièce à revêtir et détachés l’obtention de dépôts de qualité optimale et reproductible, et une
ensuite de cette surface. Ces atomes forment des particules colloı̈- bonne stabilité du bain [1] [3] [33] [34] [35] [36] :
dales de nickel, possédant une surface réactionnelle très impor-
tante. Ils sont dès lors très réactifs et peuvent jouer le rôle de subs- (
Vitesse de dépôt = f T , pH , CNi2+ , Créducteur , CForme oxydée du réducteur ,
trat pour un dépôt ultérieur, ce qui entraı̂ne la décomposition du S /V , C complexant , C accélérateurs , C contaminants , âge du bain, conditions
bain et la formation d’une poudre de nickel que l’on peut retrouver (3)
en fond de cuve de déposition ; hydrodynamiques …) µm.h−1 ( )
2 – des borures insolubles de nickel peuvent se former dans la
solution. Ils proviennent de la réduction locale en phase aqueuse avec S/V = surface traitée/volume du bain.
des ions nickel par les ions hydroxyles, et peuvent également servir
Ces paramètres influencent également les propriétés du re-
de substrat à la réduction du nickel ;
vêtement.
3 – finalement, toutes les particules solides en suspension dans
le bain, introduites volontairement ou non, peuvent également
jouer ce rôle de substrat et mener à la formation de poudre de nic- 3.2 Effet des paramètres sur le procédé
kel en suspension dans la solution. de dépôt de nickel-bore
Malgré leur faible concentration, les stabilisants ont une
influence très grande sur la dynamique réactionnelle. Leur teneur 3.2.1 Température
est donc cruciale pour observer des effets bénéfiques. Ils peuvent
en effet agir comme accélérateurs ou inhibiteurs de réaction, car Il s’agit d’un des paramètres majeurs, car aucune autre source
leur absence est généralement accompagnée d’une déstabilisation extérieure d’énergie n’est fournie au système. Pour un bain
du bain, tandis qu’une teneur élevée en stabilisant s’accompagne donné, la vitesse de dépôt est donc entièrement dépendante de la
en général d’une inhibition totale de la réaction. Le choix du type température (et dans une moindre mesure de l’agitation), raison
de stabilisant utilisé dans un bain de nickel chimique peut égale- pour laquelle la plupart des bains de nickel chimique opèrent à
ment affecter la composition chimique et les propriétés des dépôts : des températures supérieures à celles de leurs homologues électro-
certains stabilisants influencent la teneur en bore des dépôts ; lytiques. Néanmoins, la température ne peut dépasser 95  C sans
d’autres (principalement les stabilisants à base de sels métalliques) risquer une instabilité importante du bain.
peuvent être co-déposés dans le revêtement et mener dans certains Quelle que soit la composition chimique du bain, une augmenta-
cas à une augmentation des contraintes résiduelles. tion de la température s’accompagne d’une augmentation de la

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Caractérisation physico-chimique
de revêtements et films minces
à applications tribologiques
Evelyne DARQUE-CERETTI
2
par
Docteur d’état
Maître de recherche de l’école des Mines de Paris,
Eric FELDER
Docteur d’état
Maître de recherche de l’école des Mines de Paris,
Bernard MONASSE
Docteur d’état
Maître de recherche de l’école des Mines de Paris,

1. Adhésion et adhérence des films ...................................................... TRI 5 110 - 2


2. Maîtriser le frottement ......................................................................... — 2
2.1 Frottement fort ........................................................................................... — 2
2.1.1 Revêtements de sols (couche de surface composée
d’élastomères réticulés) ............................................................................. — 2
2.1.2 Papiers abrasifs ................................................................................. — 3
2.2 Frottement faible ........................................................................................ — 3
2.2.1 Structure et usure des polymères (téflon) ...................................... — 3
2.2.2 Fartage des skis ................................................................................. — 4
2.2.3 Films de solides lamellaires additionnés de métal ........................ — 5
2.2.4 Couches minces de métaux mous ................................................... — 6
2.2.5 Propriétés des couches de quasi-cristaux ....................................... — 7
2.2.6 Frottement très faible « suprafriction » ........................................... — 8
3. Limiter l’usure et l’endommagement ............................................... — 8
3.1 Outils de mise en forme des matériaux ................................................... — 8
3.1.1 Outils de coupe et additifs d’usinabilité .......................................... — 8
3.1.2 Outils de mise en forme des polymères ......................................... — 9
3.1.3 Lubrifiants solides en forgeage à froid et tréfilage ........................ — 10
3.1.4 Pièce émaillée filée ou forgée à chaud ............................................ — 11
3.2 Produits manufacturés .............................................................................. — 12
Parution : mars 2012 - Dernière validation : septembre 2021

3.2.1 Revêtements de tubes de canon ...................................................... — 12


3.2.2 Métallisation à l’or pour la connectique .......................................... — 12
3.2.3 Dépôt de DLC hydrogénés sur PE (pour prothèse articulaire) ...... — 13
3.2.4 Vernis sur peinture ............................................................................ — 13
3.2.5 Vernis anti-rayure sur verre organique ........................................... — 13
3.2.6 Cicatrisation des polymères ............................................................. — 14
4. Évolutions futures induites par le règlement REACH .................. — 15
5. Conclusions ............................................................................................. — 15
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. TRI 5 110

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CARACTÉRISATION PHYSICO-CHIMIQUE DE REVÊTEMENTS ET FILMS MINCES À APPLICATIONS TRIBOLOGIQUES _____________________________________

orsque deux corps solides sont en contact, il faut exercer une force ou un
L couple pour vaincre la résistance au mouvement relatif : c’est le frottement
et, plus précisément, le frottement dit statique qui s’oppose à ce mouvement
relatif. Au fur et à mesure que se poursuit le mouvement relatif des deux
corps, le frottement évolue (frottement dynamique) et il se produit un endom-
magement de leur surface : formation de rayures, changement d’aspect, perte
ou gain de matière (usure ou transfert), transformation physico-chimique. Pour
maîtriser le frottement, limiter l’usure, le transfert et la dégradation superfi-
cielle, on peut lubrifier le contact, c’est-à-dire interposer un corps fluide ou
solide aisément cisaillable, et/ou revêtir les corps d’un film d’épaisseur submi-
cronique ou micronique. La tribologie est l’étude de ces phénomènes de

2
frottement, lubrification et usure qui concernent aussi bien les éléments de
machine que les contacts roue-rail et pneumatique/revêtements routiers, le
freinage, la mise en forme des matériaux. Dans cet article des exemples sont
traités, ils servent d’illustration aux modes de fonctionnement. Ils concernent
des solutions classiques ou des solutions futures qui sont actuellement l’objet
de recherches. Mais il faut noter que pour une application décrite les objectifs
peuvent être multiples : en effet il est parfois nécessaire de maîtriser le frotte-
ment et en même temps de limiter l’usure et l’endommagement. Les exemples
seront donc traités en conséquence. Le but est de comprendre le lien entre la
tribologie, qui est généralement une approche mécanique des matériaux, et la
physico-chimie. On notera que l’épaisseur des revêtements est adaptée à
l’application. On montrera l’intérêt de la solution revêtue par rapport au subs-
trat nu. Ceci nécessite au premier chef que le revêtement adhère bien au
substrat. En préambule, on discute donc le problème de son adhésion sur le
substrat.

1. Adhésion et adhérence conducteur. De même, le faible frottement de la semelle des


chaussures sur une plaque de verglas peut entraîner la chute du
des films marcheur. À l’inverse, dans les paliers hydrodynamiques, il
importe de limiter le frottement de l’arbre sur le coussinet lors des
phases de démarrage ou d’arrêt où la vitesse n’est pas suffisante
Tous les revêtements doivent tenir au substrat, d’où l’étude de pour engendrer un film lubrifiant continu séparant les pièces anta-
l’adhésion et la réalisation d’essais d’adhérence sous différentes gonistes. De manière générale, on s’attachera à minimiser tout
sollicitations (thermiques, environnementales) et l’étude du vieillis- frottement résistant qui n’a que des conséquences négatives : dis-
sement du matériau revêtu et, plus spécifiquement, de l’interface. sipation d’énergie, usure, dégradation des surfaces… Enfin, en
L’adhésion du film au substrat est assurée par les forces de liaison laminage de tôles, le frottement tôle/cylindres doit être suffisant
entre les deux matériaux le long de l’interface et, dans certains cas, pour que les cylindres entraînent la tôle dans l’emprise où ils
par l’ancrage mécanique assuré par la rugosité de l’interface [1]. réduisent son épaisseur, mais il importe de le limiter à un niveau
L’adhésion est donc fortement tributaire, entre autres paramètres, raisonnable pour minimiser les couples, la force et l’énergie de
de la préparation de surface du substrat. laminage. Le dépôt d’un film mince est souvent la solution adop-
L’adhérence correspond aux conditions mécaniques (force, cou- tée pour contrôler le frottement.
ple, énergie de rupture) produisant la rupture de l’interface : elle
augmente donc avec l’adhésion mais, comme les sollicitations
mécaniques déforment film et substrat, elle dépend aussi du 2.1 Frottement fort
comportement mécanique (rhéologie) des matériaux du film et du
substrat. L’adhérence est donc évaluée à l’aide d’un essai mécani-
que. Plusieurs types d’essais sont utilisés en pratique : essais de 2.1.1 Revêtements de sols (couche de surface
pelage, traction, flexion, arrachement, gonflement, indentation, composée d’élastomères réticulés)
rayure… Cette variété d’essais s’explique par la diversité des situa-
tions rencontrées. Nous renvoyons le lecteur à [1] pour une pré- Les revêtements de sols, pour des raisons de sécurité, ne doi-
sentation détaillée de ces essais. vent pas glisser. Ils peuvent être massifs (épaisseur de l’ordre du
millimètre), tels que les peintures ou revêtements de sols plasti-
ques (PVC essentiellement), ou revêtus d’une couche de finition
antidérapante. Cette couche fine (4-8 µm) est généralement en
2. Maîtriser le frottement polyuréthane, matériau transparent présentant un fort coefficient
de frottement en condition statique (personne arrêtée) ou se dépla-
çant rapidement. Les polyuréthanes sont des polymères réticulés
Selon les situations, on souhaite soit augmenter le frottement, [AM3524]), dont le taux de réticulation agit sur le comportement
soit le diminuer, soit le maintenir dans un intervalle de valeurs viscoélastique et le coefficient de frottement. Un fort taux de réti-
donné. Ainsi, par exemple, l’adhésion des pneumatiques au revê- culation augmente le module d’élasticité mais diminue le coeffi-
tement routier doit être suffisante pour éviter le dérapage lors du cient de frottement (µ < 0,2) et l’usure. Un faible taux de
freinage et la perte de contrôle de la conduite du véhicule par le réticulation donne, en contact avec un polymère, un comporte-

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ment d’élastomère avec un fort coefficient de frottement (µ > 2) • la dureté de l’abrasif doit être supérieure d’au moins 20 % à
(voir la rubrique Sites Internet du Pour en savoir plus). Le frotte- celle de la pièce ;
ment est plus faible pour un contact sur un métal. Ce comporte- • les grains doivent conserver malgré leur usure leur capacité
ment explique l’intérêt de revêtements minces de polyuréthane de coupe : les grains abrasifs doivent donc plutôt se fragmen-
pour obtenir un fort coefficient de frottement avec des chaussures, ter, en créant des arêtes vives, que s’émousser ;
et il dépend peu de la vitesse de glissement. Une faible réticulation
• il faut faciliter la circulation des particules ôtées pour limiter
est privilégiée pour augmenter le coefficient de frottement, mais le
le transfert de matière au papier abrasif et son obstruction.
module élastique est alors trop faible et doit être augmenté par
On utilise à cet effet de l’eau comme lubrifiant ce qui permet
l’addition de charges, telles que l’alumine globulaire.
également de diminuer l’échauffement. Dans certains
La forte réactivité des monomères, qui formeront le polyuréthane, papiers, les grains sont imprégnés de stéarate qui joue le rôle
permet de créer une interface résistante, d’une part, entre le film et de lubrifiant.
le substrat et, d’autre part, avec les charges. Ces fortes liaisons assu- L’action du papier abrasif dépend directement de la taille de ses

2
rent la durabilité du revêtement de sol. Ces polyuréthanes présen- grains. L’enlèvement de matière est d’autant plus rapide que la
tent deux températures de transition vitreuse dont la valeur dépend taille des grains est plus grosse ; la rugosité finale est d’autant plus
du taux de réticulation : entre – 75 °C et – 27 °C pour les segments faible que les grains sont plus petits. En outre la microstructure de
souples de la molécule et entre 75 °C et 125 °C, pour les segments la pièce est affectée par l’action du papier abrasif sur une profon-
rigides de la molécule [2]. L’épaisseur micronique des revêtements deur de l’ordre de la taille des grains abrasifs. Considérons par
n’influe pas sur la température de transition vitreuse Tg. exemple une application courante : le polissage d’échantillons
Des résultats contradictoires sur la mesure de Tg ont été obtenus pour examen de leur microstructure en microscopie optique ou
lorsque l’épaisseur du film polymère devient inférieure à 100 nm électronique. Après tronçonnage de la pièce, on réalise la prépara-
(0,1 µm) [3]. Certains auteurs notent une diminution progressive de tion de l’échantillon en trois étapes :
Tg quand l’épaisseur diminue alors que d’autres auteurs trouvent • surfaçage pour réaliser une surface plane ;
une valeur de Tg indépendante de l’épaisseur. La variation de Tg • puis une série d’abrasions de la surface de l’échantillon par
est interprétée par une augmentation de la mobilité moléculaire en des papiers dont la taille des grains décroît, chaque papier
surface. Il semble que ces différents résultats puissent résulter « effaçant » l’action du papier précédent ;
d’une différence de protocole de mesure. Les variations de Tg ont
surtout été mesurées sur des films minces non supportés alors • le stade final du polissage réalisé soit par attaque électrolyti-
que les valeurs constantes de Tg ont surtout été mesurées sur des que pour des matériaux conducteurs (métaux), soit par abra-
sion trois corps avec de la poudre diamantée.
revêtements minces supportés par un substrat. Ce sujet est encore
en cours d’étude pour conclure sur l’existence et l’interprétation
physique du phénomène. En l’état, nous admettrons, comme
hypothèse la plus probable, que la température de transition 2.2 Frottement faible
vitreuse de revêtements supportés est indépendante de l’épaisseur
jusqu’à des épaisseurs nanométriques. 2.2.1 Structure et usure des polymères (téflon)
Les fluoropolymères ont une excellente inertie chimique et sont
2.1.2 Papiers abrasifs souvent utilisés comme lubrifiants à sec. Le polytétrafluoroéthy-
lène est le plus connu, mais il cotoie le copolymère fluoré d’éthy-
Les papiers abrasifs, encore appelés « papiers de verre » en fran- lène-propylène (FEP), le copolymère alterné d’éthylène et de
çais courant, peuvent être considérés comme un exemple très térafluoroéthylène (ETFE), le copolymère d’éthylène et de chlorotri-
spécial de film discontinu assujetti par un liant à un substrat sup- fluoroéthylène (ECTFE) et le copolymère séquencé perfluoroalkoxy
port. Le film est constitué de grains acérés d’un matériau de (PFA). Le polytétrafluoro-éthylène (PTFE connu sous le nom de
grande dureté, car il est destiné par application contre une pièce marque Teflon de Dupont de Nemours®) présente le plus faible
antagoniste et glissement à sa surface à ôter de la matière pour coefficient de frottement connu de tous les polymères solides. Ceci
modifier ses dimensions (opération d’usinage) et/ou diminuer sa est dû, d’une part, aux fluors donnant des charges électrostatiques
rugosité (opération de polissage). Comme les grains abrasifs sont partielles importantes (le fluor est l’atome le plus fortement élec-
solidaires d’un support, ils réalisent une abrasion dite « abrasion tronégatif χ = 3,98) qui agissent sous la force coulombienne pour
deux corps », par opposition à « l’abrasion trois corps » où l’enlè- repousser les électrons des atomes en contact. D’autre part, l’élec-
vement de matière est assuré par des grains libres pris en sand- tronégativité et le grand diamètre de l’atome de fluor confèrent
wich entre la pièce à travailler et une contre-pièce. Il existe une à la molécule une structure hélicoïdale, hélice 13/1 ou 15/1
grande variété de papiers abrasifs selon la nature des grains abra- (13 motifs CF2 par tour d’hélice) rigide. Celle-ci explique sa très
sifs (émeri, carbure de silicium appelé également carborundum ou haute température de fusion (320 °C) supérieure à sa température
silendum, alumine…), du liant (résines synthétiques) et du support de décomposition thermique (300 °C), son très faible coefficient de
(papier, tissu, film polymère, composite papier-fibres). En outre, la frottement (µ < 0,05) et sa forte vitesse d’usure 7,4 10-4 mm3N-1m-1.
taille des grains abrasifs s’étend dans une large plage, allant du La faible interaction moléculaire, résultant de la présence des ato-
millimètre pour les grains très grossiers à une dizaine de microns mes de fluor, réduit le frottement entre les chaînes, ce qui provo-
pour les grains les plus fins. Plusieurs échelles de cotation de la que un déplacement relatif important et une forte usure par
taille des grains abrasifs existent ; la plus courante en Europe est la cisaillement interne et le faible frottement d’une chaîne avec le
graduation FEPA (Fédération européenne des producteurs d’abra- milieu extérieur. Il est ainsi possible de déposer des molécules de
sifs). Ainsi un diamètre moyen de 1 300 µm correspond à 12 dans PTFE sur la surface frottante en vis-à-vis sous la forme d’un film de
l’échelle FEPA, un diamètre moyen de 100 µm correspond à 120 transfert. Celui-ci a une épaisseur de quelques dizaines de
dans cette même échelle. La nature du papier abrasif doit être en nanomètres ; les molécules de PTFE y sont orientées dans la direc-
effet adaptée à celle du matériau à travailler (métal, bois, pierre, tion de frottement et parallèlement à la surface frottante [4]. Cette
céramique), à l’objectif visé (usinage, polissage) et à la forme de la couche nanométrique très organisée permet de protéger la surface
surface travaillée (plane, cylindrique…). Dans tous les cas l’action frottante. Elle est si orientée qu’elle permet d’y effectuer des
du papier abrasif implique une forte interaction avec la pièce anta- dépôts épitaxiques.
goniste qui se manifeste par un frottement important. L’abrasif Le très faible frottement du PTFE est mis à profit pour réaliser
devant ôter de la matière à la pièce travaillée, plusieurs conditions des ustensiles ménagers, poêles Tefal® par exemple [7], ou sous
sont nécessaires : forme d’additifs pour limiter le frottement dans les moteurs [5].

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Dans le cas des ustensiles, il faut assurer la longévité de la fonc- C50H102), des cires synthétiques (de C50H102 à C60H122), des cires
tion. Il faut donc assurer l’adhérence du PTFE sur la surface métal- fluorées (polytétrafluoroéthylène PTFE ou des copolymères à blocs
lique (aluminium ou acier). Ceci était initialement obtenu par un (CH2)nCF2)m, des silicones (SiOH2)n, le graphite et le disulfure de
traitement à l’acide chlorhydrique de l’aluminium pour créer des molybdène (MoS2). Ces composants connus pour leur faible coeffi-
microcavités et assurer un accrochage mécanique. Du fait de sa cient de frottement peuvent être associés pour optimiser les pro-
très haute température de fusion il ne peut être transformé par les priétés. L’augmentation de masse molaire augmente la rigidité des
procédés conventionnels, extrusion ou injection. Le PTFE est donc matériaux et réduit leur usure. Les molécules fluorées ont un plus
déposé à l’état solide par déformation plastique du matériau sous faible coefficient de frottement que les chaînes hydrocarbonées. La
la forme de couches unitaires d’une dizaine de microns d’épais- température de fusion de ces molécules est comprise entre 35 et
seur. Plusieurs couches peuvent être déposées avec un liant pour 85 °C.
assurer une couverture et une protection suffisante à l’usure. Une L’imprégnation du fart dans la couche superficielle de polyéthy-
alternative consiste à réaliser des mélanges de polymères dans lène est obtenue par chauffage à 100 – 150 °C. Le fart est fondu
lesquels la phase minoritaire est constituée par le PTFE. Les pro-

2
ainsi qu’une partie superficielle du polyéthylène. La profondeur de
priétés de fluage sont améliorées par rapport au PTFE tout en amé- pénétration dépend de la température et du temps de contact de la
liorant les propriétés de frottement. Les nodules de PTFE servent plaque. L’excès de fart reste en surface. Il est éliminé par grattage
de réservoirs. Ceux affleurant la surface de frottement alimentent de la semelle et par lustrage vigoureux à l’aide d’une brosse qui
la surface de contact et s’interposent, avec une orientation qui per- élimine le surplus et fait réapparaître les rugosités de la semelle de
met de réduire le coefficient de frottement. Ce mécanisme se rap- polyéthylène. La séquence d’incorporation fait d’abord pénétrer les
proche de celui évoqué dans le fartage des skis paraffines de faible masse molaire pour terminer avec les mélan-
Un exemple courant d’utilisation du téflon est donné par les ges comportant le plus de molécules fluorées. Par conséquent ce
bandelettes déposées sous la souris d’ordinateur. En effet, actuel- procédé fait pénétrer un mélange de molécules dont la masse et la
lement certains joueurs passent de nombreuses heures devant leur composition fluorée croît lorsque l’on s’approche de la surface. Le
ordinateur. Il faut que la souris soit ergonomique, conçue dans des processus d’imprégnation, ou dépôt, implique qu’une couche
matières résistantes et anti-transpirant permettant d’accroître ainsi superficielle de polymère est imprégnée de fart et que la surface
la qualité de contrôle même dans les séquences de jeu les plus présente une couche adhérente de fart d’épaisseur de quelques
intenses ! nanomètres. La couche imprégnée semble servir de réservoir pour
Des études sont faites cliniquement pour étudier l’influence du alimenter la surface de contact.
frottement sur les interactions musculaires de la main, du bras [6]. Ces skis fartés ont de très faibles coefficients de frottement à
La souris doit donc présenter un très faible coefficient de frotte- grande vitesse (µ < 0,05). Ce coefficient de frottement est plus
ment avec le tapis, ou la surface de contact utilisée quelle que soit élevé à basse température de neige (– 30 °C) et pour un skieur
sa nature ou sa topographie. Une des solutions est l’utilisation de léger. Par contre, quand la température augmente jusqu’à – 3 °C le
ce polymère. coefficient de frottement décroît jusqu’à atteindre µ = 0,03 et ce
quel que soit le poids du skieur. Lorsque la température approche
de 0 °C alors le frottement augmente.
2.2.2 Fartage des skis
Ce comportement a été partiellement expliqué par la formation
Le fartage des skis (ski wax) est un procédé de dépôt d’une cou- d’un film d’eau liquide créé par la dissipation thermique issue du
che de cire sur un ski. Il permet, d’une part, d’augmenter la vitesse frottement. Cette couche d’eau a été observée expérimentalement
du skieur (ski alpin et ski nordique) par une diminution du coeffi- et prédite par modélisation par la méthode des éléments finis [8].
cient de frottement et, d’autre part, d’augmenter le frottement en La couche d’eau est comprise entre 1 et 8 microns et le skieur
phase d’appui (ski nordique). Ces deux propriétés a priori antago- glisse partiellement sur cette couche d’eau. C’est ce qui explique la
nistes sont obtenues sans provoquer d’adhérence de la neige sur faible valeur du coefficient de frottement à – 3 °C et l’augmentation
le ski farté. du coefficient à température plus élevée. Cela explique également
Les semelles de ski sont réalisées avec du polyéthylène haute que le frottement ne dépende que peu du poids du skieur (force
densité (PEHD) et plus récemment avec du polyéthylène de très normale à la surface). Le contrôle de l’épaisseur de la couche d’eau
haute masse molaire (UHMWPE). Ces polymères sont constitués dépend fortement du coefficient de frottement à l’avant du ski, où
d’une chaîne aliphatique -(CH2) n-, dont le nombre de monomè- se déclenche la formation de cette couche et donc de la composi-
res n permet de définir la masse molaire de la chaîne. Ces poly- tion superficielle de la semelle et du fart. Certains auteurs propo-
mères semi-cristallins sont retenus, car ils sont très sent une explication complémentaire de la forte valeur du
hydrophobes et leurs propriétés mécanique et thermique sont frottement à basse température (– 30 °C) [9]. Ils remarquent que la
bien adaptées à cette utilisation. La température de transition conductivité électrique de la glace est très faible et croît fortement
vitreuse est basse (Tg ~ – 80 °C) ce qui assure que la phase avec la température. À basse température, le ski, en polyéthylène
amorphe est caoutchoutique (matériau peu fragile) dans le isolant, glisse sur une surface isolante et crée des charges électros-
domaine de température d’utilisation et la température de tatiques négatives. Celles-ci provoqueraient une augmentation du
fusion (125 °C < Tf < 135 °C) est suffisamment élevée. Ces maté- coefficient de frottement. L’utilisation de molécules fluorées avec
riaux ont un faible coefficient de frottement (µ ~ 0,05 – 0,1) et un un fluor très électronégatif permettrait de réduire les charges inter-
faible coefficient d’usure (plus particulièrement pour le UHM- faciales entre la neige et la semelle et ainsi de réduire la valeur du
WPE). Ces propriétés suffisantes pour une utilisation courante coefficient de frottement.
doivent être améliorées en premier lieu en supprimant l’adhé- Durant les phases d’appuis en ski nordique, la valeur du coeffi-
rence de la neige ou de la glace sur le patin du ski. Celle-ci est a cient de frottement est beaucoup plus élevée (0,7 < µ < 1,3). Elle
priori surprenante, car les polyéthylènes ont une surface très dépend fortement du type de fart, de la température de la neige et
hydrophobe, mais les farts la rendent encore plus hydrophobe. du poids du skieur. De plus la valeur du coefficient croît avec le
Le ski farté correspond à une couche de faible épaisseur (5 – temps d’application de la charge suivant une loi en racine carré du
30 microns) de polymère imprégné par du fart [7]. Un fart est temps [10]. L’effet semble être plus directement lié au fluage de la
généralement un mélange de molécules aliphatiques linéaires de neige dans la rugosité de la surface du ski. Il n’y a toujours pas
faible masse molaire, i.e. faible nombre de carbones. Sa composi- d’adhérence de la neige sur le ski. C’est l’effet premier recherché
tion est adaptée au domaine d’utilisation (ski alpin ou nordique), à par l’utilisateur de fart.
la température de la neige et à la vitesse atteinte. Les principaux Donc le fartage du ski correspond à une couche superficielle ser-
constituants sont : des paraffines naturelles (de C20H42 à C35H72), vant de réservoir pour alimenter la surface en molécules essentiel-
des cires microcristallines (chaînes branchées, de C25H52 à lement hydrophobes. La surface est évolutive en cours de

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Intérêts tribologiques des dépôts


DLC (Diamond Like Carbon)
par Pierre-François CARDEY
Ingénieur tribologue

2
Pôle Matériaux Métalliques et Surfaces. Laboratoire Frottement – Usure
Centre Technique des Industries Mécaniques (CETIM)

1. Les couches minces à base carbone.................................................. TRI 5 130 - 2


1.1 Les structures carbonées............................................................................ — 2
1.2 Élaboration des couches minces DLC ....................................................... — 4
1.3 Caractéristiques des DLC............................................................................ — 6
2. Éléments de tribologie........................................................................... — 7
2.1 Système tribologique ................................................................................. — 7
2.2 Endommagements de surface ................................................................... — 8
2.3 Éléments de lubrification............................................................................ — 9
3. Comportement tribologique des dépôts DLC ................................. — 10
3.1 Aspects physico-chimiques du frottement des DLC ................................ — 10
3.2 Interactions avec les lubrifiants ................................................................. — 11
3.3 Paramètres d’influence sur le frottement et l’usure des DLC.................. — 12
3.4 Exemples industriels d’application des DLC pour fonctions
tribologiques ............................................................................................... — 13
4. Conclusion................................................................................................. — 13
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. TRI 5 130

a découverte des matériaux DLC est due aux tentatives de synthèse du


L diamant en couche mince, ce qui explique leur dénomination inadéquate
de « Diamond Like Carbon » ou « Carbone Adamantin ». En effet, leur structure
et leurs propriétés sont assez éloignées de celles du diamant. Il n’en reste pas
moins un matériau aux propriétés très intéressantes, notamment du point de
vue de l’usure et du frottement. En quelques dizaines d’années, la compréhen-
sion et la maîtrise des couches minces de DLC ont progressé de façon
fulgurante et elles sont devenues des matériaux de référence en tribologie,
quasiment incontournables pour certaines applications.
Cependant, les carbones amorphes sont des matériaux complexes et l’utilisa-
Parution : juin 2014 - Dernière validation : août 2021

tion de dépôts de DLC nécessite une bonne connaissance des phénomènes


tribologiques et des nombreux facteurs d’influence (conditions de sollicitation,
environnement, atmosphère, température…). Sans ces précautions, l’utilisa-
teur peu averti sera surpris, comme c’est souvent le cas en tribologie, par des
comportements inattendus et, potentiellement, indésirables.
Pour preuve, la littérature concernant les essais de frottement sur DLC fournit
des valeurs de coefficients de frottement allant de 0,001 à 0,7. Ce simple
constat montre, d’une part, toute la diversité des matériaux regroupés sous la
dénomination DLC et, d’autre part, l’extrême sensibilité de ces matériaux aux
conditions de frottement.
De ce fait, il est impossible de présenter de façon exhaustive tous les méca-
nismes mis en jeu lors du frottement et de l’usure des DLC (film de transfert,

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INTÉRÊTS TRIBOLOGIQUES DES DÉPÔTS DLC (DIAMOND LIKE CARBON) _______________________________________________________________________

graphitisation, rôle des couches adsorbées…). D’autant que ces mécanismes


ne sont pas tous bien compris et font toujours l’objet de travaux de recherche.
Longtemps considérés comme des dépôts coûteux et réservés à des secteurs
de niche comme le sport automobile, les DLC sont de plus en plus accessibles.
Ils sont, par exemple, devenus des solutions technologiques courantes pour
réduire les frottements dans les moteurs de voiture de grande série (came /
poussoir, axe de piston…).
Cet article a été écrit pour aider les industriels attirés par cette solution tribolo-
gique. Il fournit les connaissances de base sur les couches minces de carbone
amorphe et leurs techniques de mise en œuvre. Il permet également d’avoir une
vue d’ensemble des divers phénomènes tribologiques intervenant lors du frotte-
2 ment des nombreuses variétés de DLC et de sensibiliser les utilisateurs
potentiels de ces dépôts à l’influence des paramètres du système tribologique.

Glossaire 1. Les couches minces


Terme Définiton à base carbone
Phénomène par lequel des atomes ou molé-
Adsorption cules se fixent sur une surface solide –
À ne pas confondre avec l’absorption. 1.1 Les structures carbonées
Rapport entre l’effort nécessaire au glissement
Coefficient 1.1.1 Liaisons chimiques et structures du carbone
entre deux surfaces en contact et l’effort
de frottement
de contact entre ces deux surfaces. Le carbone possède six électrons répartis, à l’état fondamental,
selon la configuration électronique 1s2 2s2 2p2. Les quatre électrons
Couche Couche intermédiaire permettant d’améliorer
des couches supérieures 2s et 2p participent aux liaisons chimiques
d’accroche l’adhérence du dépôt sur le substrat.
en se réorganisant sur des orbitales atomiques hybrides, appelées
CVD (Chemical Technique de dépôt sous vide utilisant « sp ». Trois configurations de liaisons chimiques sont possibles
Vapor Deposition) la décomposition d’un mélange gazeux. pour l’atome de carbone, on parle d’hybridation (figure 1) :
– hybridation sp3 : chacun des quatre électrons de valence est
Technologie d’élaboration de revêtement affecté sur des orbitales hybrides identiques sp3 orientées vers les
Dépôt sous vide
mince à très basse pression. sommets d’un tétraèdre. Chaque électron de valence établi une
liaison σ (liaison forte) ;
Phénomène par lequel des atomes ou molé-
– hybridation sp2 : trois des électrons de valence sont affectés
Désorption cules adsorbées sur une surface solide se
sur des orbitales hybrides sp2 orientées vers les sommets d’un
séparent d’elle.
triangle rectangle, ces électrons établissent des liaisons σ. Le der-
Familles de matériaux amorphes à base nier électron de valence est sur une orbitale non hybridée pz, il
DLC (Diamond forme une liaison π (liaison faible) ;
de carbone et d’hydrogène synthétisables
Like Carbon) – hybridation sp : deux électrons de valence sont affectés sur
sous forme de couche mince.
des orbitales hybrides sp diamétralement opposées et forment des
Technique de dépôt sous vide par voie liaisons σ. Les deux autres électrons de valence sont sur des orbi-
PACVD (Plasma gazeuse utilisant l’énergie des ions tales non hybrides py et pz (orthogonales aux orbitales hybridées)
Assisted CVD) et des électrons d’un plasma pour activer et forment des liaisons π.
les réactions chimiques.
À l’état solide, le carbone est présent naturellement sur terre
PVD (Physical Technique de dépôt sous vide utilisant l’évapo- sous trois formes cristallisées :
Vapor Deposition) ration ou la pulvérisation d’une cible solide. – le graphite. Stable à température et pression ambiante, il est com-
posé d’atomes de carbone hybridés sp2 répartis en hexagone sur des
Technique de dépôt sous vide par voie plans parallèles solidarisés par les liaisons faibles des orbitales pz
RPECDV (Remote
gazeuse assistée par plasma pour laquelle (voir figure 2a). L’organisation du graphite, dite « en feuillet », lui pro-
Plasma Enhanced
le substrat n’est pas dans la région cure une forte anisotropie. En particulier, la résistance au cisaillement
CVD)
de décharge du plasma. dans la direction parallèle aux feuillets est relativement faible ;
– le diamant. Métastable à température et pression ambiante, il
Tribologie Science du frottement.
est composé d’atomes de carbone hybridés sp3 organisés selon le
Éléments séparant les deux surfaces d’un réseau cristallin CFC (cubique à faces centrées, figure 2b). Tous les
Troisième corps / contact tribologique. Il est constitué des débris atomes sont liés par des liaisons fortes, ce qui explique, avec son
Tribofilm des deux premiers corps et des éléments importante densité atomique, la grande dureté et le haut module
constituant l’environnement tribologique. de Young de ce matériau ;
– la lonsdaléite. Métastable à température et pression ambiante
Van Der Waals Interaction de faible intensité entre atomes (extrêmement rare), elle est composée d’atomes de carbone hybri-
(force de) ou molécules. dés sp2 organisés selon une structure cristalline HC (hexagonal
compact). C’est un allotrope hexagonal du diamant.

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z z z

y y y

x x x

sp3 sp2 sp 2
180°
109,5°
120°

A
A A

Figure 1 – Hybridation de l’atome de carbone

C sp3
Diamant

ta-C:H
ta-C

a-C:H
Polymères

a-C Hydrocarbures

a graphite
Graphite

C sp2 H

Figure 3 – Diagramme ternaire carbone sp2 / carbone sp3 / hydrogène


(d’après [1])

D’autres formes allotropiques cristallisées ont été synthétisées :


les fullerènes et les nanotubes de carbone. Il s’agit de plans de
carbone « recourbés » sur eux-mêmes formant des molécules
d’aspect sphérique (fullerènes) ou tubulaire (nanotubes).

1.1.2 Structures à base de carbone


et d’hydrogène
L’hydrogène forme, avec le carbone, des liaisons covalentes, ce
b diamant qui constitue la base des composés dits « organiques ». La diver-
sité des matériaux hydrocarbonés peut être représentée sur un
Figure 2 – Structure cristalline du graphite et du diamant diagramme ternaire (voir figure 3).

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. TRI 5 130 – 3

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2

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N4801

Dépôts céramiques par PVD ou CVD


assistées ou par projection plasma

par Pierre FAUCHAIS


Professeur émérite
Centre européen de la céramique, SPCTS UMR CNRS 7315, université de Limoges 2
1. Problématique générale des dépôts céramiques ......................... N 4 801 - 2
1.1 Dépôts épais .............................................................................................. — 3
1.2 Dépôts minces ........................................................................................... — 4
2. Traitements de surface des substrats ............................................. — 6
2.1 Décapage, usinage.................................................................................... — 6
2.2 Nettoyage .................................................................................................. — 6
2.3 Masquage .................................................................................................. — 6
2.4 Préparation finale ...................................................................................... — 6
3. Dépôts minces de céramiques........................................................... — 6
3.1 Production des dépôts .............................................................................. — 6
3.2 Dépôts obtenus ......................................................................................... — 11
4. Dépôts épais par projection thermique .......................................... — 12
4.1 Principe ...................................................................................................... — 12
4.2 Procédés de projection des céramiques ................................................. — 13
4.3 Quelques exemples de dépôts projetés .................................................. — 15
5. Coûts ......................................................................................................... — 15
6. Conclusions et perspectives .............................................................. — 16
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. N 4 801

n général un dépôt sur la surface d’une pièce est utilisé pour lui conférer
E une fonctionnalité particulière qu’elle n’a pas sans celui-ci. Les dépôts
céramiques sont utilisés pour donner : une plus grande dureté, des propriétés
isolantes tant du point de vue électrique que thermique, une meilleure résis-
tance à l’usure, une résistance chimique supérieure, en particulier à la
corrosion, une imperméabilité aux liquides ou aux gaz, un effet décoratif...
Naturellement le choix du dépôt et de sa méthode de déposition dépendent de
nombreux paramètres tels que : l’épaisseur, le matériau dont est constitué le
substrat et ses propriétés, en particulier son coefficient de dilatation, la géomé-
trie de l’aire à couvrir. La fonction que doit remplir le dépôt est également
importante dans le choix (par exemple contre l’usure un dépôt épais est de loin
préférable à un dépôt mince). Il en va de même des conditions d’utilisation du
composant, notamment l’atmosphère et la température de service... tout cela
bien entendu en prenant en considération les coûts de déposition par rapport
au gain apporté par le dépôt. De plus il est possible, sous certaines conditions,
de rendre étanches les dépôts céramiques épais qui ont souvent des porosités
ouvertes débouchantes, c’est-à-dire des sortes de canaux traversant toute
l’épaisseur du dépôt.
Si les céramiques existent depuis le Paléolithique (≈ 29 000 av. J.-C.), les
Parution : novembre 2013

céramiques techniques se sont développées au XXe siècle. Les dépôts cérami-


ques ne sont apparus qu’au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, même
si les techniques de dépôts des métaux ont vu le jour à la fin du XIXe pour les

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N4801

DÉPÔTS CÉRAMIQUES PAR PVD OU CVD ASSISTÉES OU PAR PROJECTION PLASMA _____________________________________________________________

dépôts métalliques par PVD (Physical Vapor Deposition) et CVD (Chemical


Vapor Deposition). Au début du XXe est apparue la projection flamme et dans
les années 1950 les dépôts plasma. Les techniques d’évaporation de PVD et de
CVD ainsi que de projection thermique ont vraiment été industrialisées dans
les années 1960-1970.
Les dépôts céramiques dont il sera question dans ce qui suit sont soit des
dépôts épais (de 50 µm à quelques mm) déposés par projection thermique
(plasma ou flamme), soit des dépôts minces (quelques dixièmes à quelques
dizaines de µm) obtenus :
– par vapeur chimique CVD (Chemical Vapor Deposition), éventuellement

2 assistée par plasma (Plasma Enhanced CVD), aussi appelé « PACVD » (Plasma
Assisted CVD). Par ces méthodes, des dépôts de plusieurs mm ont été réalisés,
mais en routine ils sont limités à 50 µm ;
– par vapeur physique PVD (dépôt physique en phase vapeur : Physical
Vapor Deposition), PVD assisté par un faisceau d’électrons (EB-PVD : Electron
Beam PVD), par laser (PLD : Pulsed Laser Deposition). Les dépôts physiques
sont en général limités à 5 µm.
Quelle que soit leur application dans les secteurs de l’aéronautique, de
l’automobile, de la métallurgie, de la mécanique, de la chimie, de l’électro-
nique et de l’optique..., les matériaux céramiques les plus déposés sont les
oxydes, les nitrures, les carbonitrures, et les borures.
Nous présenterons donc successivement les principales propriétés des cérami-
ques les plus utilisées dans les dépôts minces puis dans les dépôts épais avec à
chaque fois les techniques de dépôts. Enfin, la préparation des substrats et les
différents usages des dépôts et enfin quelques notions de coûts seront discutées.

1. Problématique générale requises pour l’application envisagée que de fabriquer toute la


pièce avec un matériau nettement plus cher. Cela est d’autant plus
des dépôts céramiques vrai pour les matériaux céramiques qui sont difficiles à densifier et
à usiner. Sous forme de dépôts, les céramiques sont principa-
lement destinées à protéger des pièces métalliques et le problème
Une céramique est un matériau inorganique, non métallique, majeur est l’effet de température tant lors de la réalisation du
généralement sous forme cristalline : oxyde, nitrure, carbure, dépôt que lors des conditions d’utilisation. En effet, le coefficient
borure. À ces matériaux on peut ajouter le carbone dur, que de dilatation des céramiques est le plus souvent inférieur à
certains considèrent comme une céramique. Toutefois, il convient 10 × 10–6 K–1 alors que celui des métaux est supérieur à
de souligner que les propriétés des céramiques techniques 12 × 10–6 K–1. Il en résulte que la dilatation d’un matériau céra-
dépendent fortement de la méthode de réalisation, en particulier mique entre la température ambiante et une température proche
de sa température et de l’évolution temporelle de celle-ci. Il en va de sa fusion est généralement inférieure à 2 % alors que pour les
de même des dépôts céramiques dont les propriétés sont fonction métaux et alliages elle est nettement supérieure. Les contraintes
du procédé de réalisation choisi, et du contrôle de la température thermomécaniques importantes entre substrats et dépôts qui en
pendant le dépôt. résultent sont générées lors du refroidissement après déposition
Les matériaux céramiques fabriqués soit par des moyens ou lors du chauffage-refroidissement en condition d’utilisation. Les
conventionnels (frittage par exemple), soit par dépôt ont un dépôts céramiques ayant une mauvaise résistance en traction et
comportement fragile (à température ambiante, on peut considérer aucune ductilité relaxent alors les contraintes par fissuration. Cette
que leur comportement est élastique jusqu’à la rupture). Ils fissuration peut entraîner la ruine des pièces recouvertes, voire la
présentent un module d’élasticité très élevé et des déformations séparation dépôt-substrat.
élastiques très restreintes. Ils sont très résistants en compression, Les méthodes de caractérisation des dépôts céramiques sont pra-
mais faibles en tension ou en cisaillement. Ils sont bien moins tiquement celles des matériaux massifs et dépendent de leur
sensibles à l’érosion chimique que la plupart des autres matériaux épaisseur [2] [3]. Les méthodes utilisées doivent tenir compte
soumis à des environnements caustiques ou acides. De plus, ils toutefois du fait que leurs propriétés sont anisotropes (différentes
résistent à des températures élevées, typiquement 1 000 à en surface et en épaisseur). Les principales méthodes sont la métal-
1 600 oC, températures limitées pour certains par les phénomènes lographie et l’analyse d’image par microscopie (optique, électroni-
d’oxydation. Le tableau 1 résume les propriétés relatives que à balayage, voire électronique à transmission), la
métaux-céramiques-polymères. caractérisation par rayons X, infrarouge, neutrons, Auger... l’ana-
La réalisation de céramiques sous forme de dépôts présente de lyse des porosités, les propriétés mécaniques et thermiques, la
nombreux avantages par rapport aux procédés conventionnels. En résistance aux différents types d’usure et de corrosion et enfin les
effet, il est très souvent plus économique d’appliquer sur un subs- mesures spécifiques d’adhésion et de cohésion par tests en tension,
trat relativement moins cher un dépôt ayant les propriétés en cisaillement, en flexion, par indentation, par choc laser...

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N4801

_____________________________________________________________ DÉPÔTS CÉRAMIQUES PAR PVD OU CVD ASSISTÉES OU PAR PROJECTION PLASMA

Tableau 1 – Métaux, céramiques et polymères [1]


Propriétés Métaux Céramiques Polymères
Masse spécifique (kg · m–3/1 000) 2 à 22 moyenne 8 2 à 19 moyenne 4 1à2
Faible :
Hg : – 39 oC Températures maximales
Élevée =>
Température de fusion ou de décomposition Ga : 30 oC utilisation
4 000 oC
Élevée 45 à 300 oC
W : 3 410 oC
Dureté (valeurs moyennes, en GPa) 1 10 0,1
Usinabilité
Résistance en traction (MPa)
Bonne
Jusqu’à 2 500
Faible
Jusqu’à 400
Bonne
Jusqu’à 140
2
Résistance en compression (MPa) Jusqu’à 2 000 Jusqu’à 5 000 Jusqu’à 350
Module d’Young (GPa) 15 à 400 150 à 450 0,001 à 10
Coefficient de dilatation (2) Moyen à élevé Faible à moyen Très élevé
Conductivité thermique (2) Moyenne, souvent décroît
Moyenne à élevée (100) Très faible (0,1)
exemples de valeurs typiques, en W · m–1 · K–1) avec T (10)
Résistance au choc thermique Bonne Généralement faible (1)
Caractéristiques électriques
(exemples de valeurs typiques de la résistivité, Conducteurs (10–7) Isolants (1017) Isolants (1020)
en Ω · m)
Résistance chimique Faible à moyen Excellent Bon
Résistance à l’oxydation à température élevée Oxydes : excellent
Généralement faible (1)
(> 1 000 oC) SiC et Si3N4 : bons
(1) Avec une température maximale d’utilisation de 300 oC pour les meilleurs polymères ces rubriques ne les concernent pas.
(2) Les valeurs dépendent de la température.

1.1 Dépôts épais évolue avec la température : lors de son refroidissement après tir,
entre 1 000 et 1 100 oC, la phase quadratique devient monoclinique,
Les dépôts épais (compris entre 50 µm et quelques mm) sont avec une variation volumique de 3 à 5 %. C’est pourquoi la zircone
réalisés par projection thermique (plasma ou flamme) de parti- doit être stabilisée ou partiellement stabilisée avec des dopants
cules de quelques dizaines de µm et on utilise essentiellement des (MgO, CaO, Y2O3, CeO2...) qui stabilisent sa forme cubique ou
oxydes. Leur fusion doit se produire à des températures nettement quadratique à température ambiante. Les principales différences
inférieures (différence d’au moins 300 K) à leur vaporisation ou entre ces dopants sont la température maximale à laquelle la sta-
décomposition, ce qui permet de les fondre sans pertes importan- bilisation est effective et le coût.
tes en phase gazeuse, au cours de leur projection. Cependant les Quelques caractéristiques des matériaux fréquemment déposés
rendements de projection ne sont que de l’ordre de 50 %, car, par voie plasma sous forme de revêtements épais sont fournies
étant donné la dispersion des trajectoires dans la flamme ou le jet dans le tableau 2 pour quelques oxydes et dans le tableau 3 pour
de plasma, toutes les particules injectées ne sont pas chauffées quelques nitrures. Il convient de souligner que les valeurs données
suffisamment pour atteindre l’état de fusion. Le rendement est à titre d’exemple ne sont qu’indicatives et correspondent à des
défini comme le rapport du poids de dépôt à celui des particules matériaux denses dans leur état cristallin à température ambiante.
injectées. Cependant lors de l’utilisation de tiges ou de cordes Les valeurs pour les dépôts dépendent fortement de leurs
(§ 4.2.1) dans les pistolets flamme, l’extrémité de celles-ci est conditions de réalisation qui, par exemple, vont jouer de façon
nécessairement fondue puis atomisée et les rendements de dépôt drastique sur leur masse spécifique apparente via la porosité et
peuvent atteindre, voire dépasser 90 %. Les oxydes n’étant pas sur la conductivité thermique en fonction des phases et des
sensibles à l’oxydation, ils peuvent être projetés à l’air, sauf pour contacts entre lamelles pour les dépôts thermiques. En effet, ces
des problèmes de toxicité (oxyde de béryllium, BeO, par exemple). derniers ont une structure lamellaire (figure 1) et leurs propriétés
Quelques carbures, borures peuvent être projetés en atmosphère sont anisotropes. Le dépôt est réalisé en « ligne de visée » et les
contrôlée pour éviter leur oxydation mais à des coûts beaucoup particules à l’impact couvrent au maximum un angle de 10 à 20o à
plus élevés (le coût d’amortissement d’équipements étant très partir de l’axe de la tuyère à sa sortie (§ 4.2.2). Il convient donc de
onéreux) et leur utilisation est essentiellement dans les domaines déplacer la torche et/ou la pièce pour réaliser un dépôt homogène,
aérospatiaux, militaires, nucléaires... Un autre problème est celui ce qui nécessite, si la forme de la pièce est complexe, l’utilisation
des phases obtenues lors de la projection. Par exemple la poudre d’un robot pour la torche et éventuellement un système de dépla-
d’alumine projetée est en phase α, mais après projection, du fait cement de la pièce à revêtir, pour obtenir un dépôt d’épaisseur
des vitesses de refroidissement supérieures à 106 K · s–1, le dépôt uniforme. De même, il est impossible de faire des dépôts dans des
est en phase γ. En service, lors d’un réchauffage, cette dernière trous, sauf si l’on peut y déplacer une minitorche maintenue
redevient α autour de 900 oC avec un changement de taille de perpendiculairement à la surface à revêtir, ce qui implique des
maille de quelques pour-cent entraînant la fissuration puis le déta- trous de 50-60 mm de diamètre au minimum (par exemple des
chement du dépôt. Il en va de même avec la zircone dont la phase cylindres de moteurs).

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DÉPÔTS CÉRAMIQUES PAR PVD OU CVD ASSISTÉES OU PAR PROJECTION PLASMA _____________________________________________________________

Tableau 2 – Caractéristiques des principaux oxydes déposés par voie plasma ou flamme
Coefficient
Température Masse volumique Module Conductivité
de dilatation moyen (1)
Matériau+ de fusion apparente d’Young (2) thermique (2)
(100-1 500 oC)
(oC) (kg · m–3) (GPa) (W · m–1 · K–1)
( × 10–6 K–1)
Al2O3 2 072 7,2 à 8,6 3 500 à 3 900 390 27
BeO 25 30 4 à 9# 3 010 345 330
Cr2O3 2 266 7,5 5 210 > 103 10 à 33
TiO2 3 840 9,4 1830 à 1850 283 8,8

2 ZrO2 2 715
(1) Valeurs entre l’ambiante et 1 500 oC environ.
(2) Mesurés à température ambiante.
7,6 à 10,5 5 600 97 à 207 0,9 à 2,4

# Suivant la composition.
+ Valeurs fonctions des différentes phases.

Tableau 3 – Caractéristiques des principaux nitrures déposés par PVD, CVD


Température
de sublimation (s) Coefficient de dilatation Masse volumique Module Conductivité Température
Matériau de fusion (f) moyen (100-1 500oC) apparente (1) d’Young (1) thermique (1) maximale utilisation
de décomposition (d) ( × 10– 6 K–1) (kg · m–3) (GPa) (W · m–1 · K–1) (oC)
(oC)
AlN > 2 200 (s) 3,9 3 260 345 180 700
CrN 1 050 (d => Cr2N) 2,3 5 900 300 700 à 800
c-BN 1 800 (d) 3,1 2 250 47 33 > 1 000
TiN 2 930 (f) 8 5 220 251 24 > 600
(1) Mesurés à température ambiante.

Porosités

Contacts
interlamellaires

Particule
non fondue

a coupe polie b dépôt fracturé

Figure 1 – Structure lamellaire d’un dépôt de zircone yttriée projeté par plasma

Les dépôts épais projetés par plasma et flamme peuvent l’être sur épais projetés [4]. Leurs principaux avantages sont que les procédés
de très grandes pièces (10 m de long et plus), comme les rouleaux et les conditions de dépôt permettent de contrôler la stœchiométrie,
de machines à papier (figure 2), ou de plus petites comme les pro- la morphologie et même l’orientation du dépôt [5] [6]. La phase de
thèses de hanche (figure 3), voire des pièces de quelques mm. nucléation du dépôt s’arrête à une épaisseur d’environ 100 nm et sa
phase de croissance commence alors. Le dépôt peut avoir une struc-
ture colonnaire ou granulaire, en fonction notamment de sa tempé-
1.2 Dépôts minces rature de réalisation par rapport à sa température de fusion Tf (ou de
Les dépôts minces (épaisseur inférieure à quelques µm) sont décomposition) [7]. Les analyses structurales des dépôts ont permis
essentiellement réalisés par CVD ou PVD éventuellement assistés de créer un modèle de structure, comme indiqué sur la figure 4.
par plasma, laser... Leur structure est différente de celle des dépôts Naturellement, les changements de zones aux températures T1 et T2

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TRI5170

Texturation biomimétique
des surfaces
Innovation pour une industrie
agroalimentaire frugale
2
par Caroline RICHARD
Professeur des universités
GREMAN CNRS UMR 7347
Université de Tours, CNRS, INSA Centre Val de Loire,Tours, France

et Yan-Ming CHEN
Ingénieur, expert référent en tribologie, usure et frottement
Laboratoire de tribologie du CETIM, Senlis, France

1. Aciers inoxydables dans les industries agroalimentaires ...... TRI 5 170 – 3


1.1 Nuances employées ........................................................................... — 3
1.2 États de surface préconisés ............................................................... — 3
2. Contamination, nettoyage, surface hydrophobe ...................... — 4
2.1 Biofilms bactériens dans l’industrie de la viande ............................. — 5
2.2 Nettoyage et désinfection .................................................................. — 6
2.3 Hydrophobie et mouillabilité ............................................................. — 7
3. Texturation inspirée du monde végétal ...................................... — 8
3.1 Effet lotus ou effet fakir : superhydrophobie .................................... — 8
3.2 Effet salvinia ....................................................................................... — 9
3.3 Feuilles de Nepenthes ........................................................................ — 9
3.4 Graines et pétales .............................................................................. — 12
4. Texturation inspirée du monde animal ....................................... — 14
4.1 Surfaces hydrophobes chez les insectes : carapace, ailes et pattes — 14
Parution : septembre 2021 - Dernière validation : septembre 2021

4.2 Surfaces superhydrophobes chez les oiseaux .................................. — 17


4.3 Surfaces texturées chez les poissons ................................................ — 17
4.4 Surfaces texturées chez les mammifères à carapace ....................... — 17
5. Procédés de texturation pour surface biomimétique.............. — 20
5.1 Procédé par réplique de surface fraı̂che ............................................ — 20
5.2 Procédé laser ...................................................................................... — 22
5.3 Technique de greffage et autres procédés ........................................ — 26
6. Conclusion........................................................................................ — 30
7. Glossaire ........................................................................................... — 31
8. Sigles, notations et symboles ...................................................... — 35
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. TRI 5 170

’industrie agroalimentaire (IAA) en France est un secteur économique de


L première importance représentant environ 10 000 entreprises avec un chif-
fre d’affaires avoisinant les 140 milliards d’euros. Elle se place directement der-
rière l’industrie automobile (avant la crise de la Covid-19). Son premier sous-

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TEXTURATION BIOMIMÉTIQUE DES SURFACES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

secteur est celui des industries de la viande avec 2 600 entreprises majoritaire-
ment localisées en régions Bretagne-Normandie et Rhône-Alpes-Auvergne avec
environ 100 000 emplois à la clé et 33 milliards de chiffre d’affaire (source
INSEE 2016) soit un quart des IAA. Il recouvre toutes les activités d’abattage,
de découpe, stockage des viandes de boucherie et de volailles, et tout ce qui
concerne la préparation industrielle de produits à base de viande (meatpac-
king). Cette industrie spécifique est une grosse consommatrice en eau, en par-
ticulier pour le nettoyage et l’assainissement des outils et équipements de pro-
duction (bandes transporteuses, lames de découpe, etc.). En effet, les risques de
contamination bactérienne dans les ateliers sont plus grands à cause du nom-
bre plus important d’opérations souvent plus complexes nécessaires pour la
production de la viande préemballée et/ou hachée. À titre d’exemple, il faut

2 compter en moyenne une consommation de 375 litres d’eau pour une carcasse
de porc selon l’IFIP. On parle même d’eau virtuelle consommée (calcul global,
parfois contesté et controversé) ou empreinte eau (Water Foot Print) des pro-
duits de consommation avec par exemple 15 000 litres d’eau par kilogramme de
bœuf.
Il est dorénavant crucial, en particulier avec les différentes crises sanitaires
traversées ou en cours, de pouvoir maı̂triser et contrôler la gestion de l’eau de
manière à la fois quantitative et qualitative, non seulement pour des raisons
environnementale et économique mais aussi pour des raisons de sécurité ali-
mentaire, et ainsi réduire les risques d’incidents systémiques dans cette indus-
trie de transformation. La plupart de ces entreprises sont soumises à des obli-
gations et réglementation européennes et/ou françaises avec des démarches
environnementales certifiées ISO. Cependant, ceci passe aussi par une optimi-
sation des procédés. En matière de nettoyage, la stratégie habituelle de réduc-
tion de la consommation en eau s’effectue souvent par des prénettoyages à sec
(désincrustation des déchets solides), l’utilisation de petits rinçages avec des
jets à moyenne pression plutôt que de grands rinçages à haute pression. Il
s’agit également de réduire la quantité de produit nettoyant dilué dans l’eau
afin de limiter les effluents et le traitement de leur rejet. Des changements
dans les procédés de transformation, dans les outils eux-mêmes, sont encore
possibles afin d’économiser l’eau. On peut en effet réagencer certaines étapes
et éviter ainsi des lavages et/ou des refroidissements. Mais il s’agit également
de prévenir et limiter, voire éliminer, l’encrassement, les salissures (biofouling)
et l’installation en particulier de biofilms bactériens sur les surfaces des outils et
équipements qui ont un impact sur la sécurité alimentaire soit la durée de vie
des produits transformés et peut même générer de la corrosion (corrosion
induite par micro-organismes, CIM) engageant ainsi la durabilité des outils et
équipements de production. Les aciers inoxydables sont particulièrement utili-
sés depuis les années 1930 dans les IAA. On parle d’ailleurs d’acier inoxydable
de qualité alimentaire. Une possibilité consiste à modifier leurs propriétés de
surface. Une des approches classiques est d’agir sur leur énergie de surface
(composants polaires), sur leur topographie de surface (microgéométrie, rugo-
sité). Dans cette perspective, le biomimétisme ou bioinspiration peut offrir des
voies d’innovation en vue de la mise en place de procédés frugaux. À partir de
l’ingéniosité des mécanismes et des propriétés de certains organismes vivants,
de nombreuses solutions ont déjà été explorées telles des brosses polymères
hydrophiles, des hydrogels et des revêtements zwitterioniques. Un des exem-
ples réussis les plus connus est celui de la feuille de lotus autonettoyante (pro-
priétés de superhydrophobie) et exploité par la société Saint-Gobain avec ses
vitrages BioClean‚.
L’article commence par résumer les pratiques en termes de matériaux et
d’état de surface habituellement usités en IAA. Il répertorie ensuite un certain
nombre de procédés plus ou moins matures permettant de concevoir de nou-
velles surfaces fonctionnelles s’inspirant de la nature afin que l’IAA, et plus spé-
cifiquement l’industrie de la viande, puisse répondre aux différents défis actuels
auxquels elle doit faire face.

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TEXTURATION BIOMIMÉTIQUE DES SURFACES

1. Aciers inoxydables Chaque secteur des IAA fait son choix propre de nuance en fonc-
tion de la compatibilité nécessaire avec l’agressivité des milieux
dans les industries rencontrés.
Les nuances des aciers inoxydables employés dans l’industrie de
agroalimentaires la viande sont très variées. Elles peuvent être austénitiques ou fer-
rito-austénitiques. Les nuances AISI 304 [AMS-SAEJ1086-201210]
(X5CrNi 18-10 [EN 10027]) /1.4301 [EN 10088]) et AISI 316 (et sa
Cette partie fait l’état des lieux des aciers utilisés dans les indus- variante AISI 316L) (X5CrNiMo17-12-2/1.4401) sont les nuances pha-
tries agroalimentaires (IAA) et indique les choix concernant leurs res des IAA. Elles portent également des dénominations anciennes
états de surface. encore usitées dans ce milieu : V2A et V4A (désignation alle-
mande). Les aciers spéciaux martensitiques sont plus particulière-
ment choisis pour la coutellerie et l’ensemble des appareils de
1.1 Nuances employées découpe. En effet, les grades d’aciers contenant 0,2 % à 0,5 % mas-

2
sique de carbone possèdent un bon pouvoir tranchant qui favorise
L’utilisation des aciers inoxydables est très largement répandue la bonne découpe (l’élévation de la teneur en carbone augmente le
dans les IAA depuis les années 1930. Ceci est dû aux propriétés de pouvoir tranchant des lames mais peut les fragiliser). Les teneurs
ces matériaux telles que : en chrome de 13 à 15 % sont considérées ayant une bonne résis-
– leur résistance à la corrosion et au vieillissement dans la plu- tance à la corrosion (Uginox ou Aperam MA2 et MA3 (AISI 420),
part des milieux rencontrés souvent acides avec présence de MA4 et MA5MV).
chlorures ;
– leur neutralité chimique qui évite des modifications organolep-
tiques des aliments ; 1.2 États de surface préconisés
– leur aptitude au nettoyage et à la désinfection, qui leur confère
un coût de maintenance bas ; De la même manière que la composition chimique des aciers,
– leur résistance aux chocs ; l’état de surface de ces aciers est spécifique. C’est même un critère
– leur esthétisme. de choix prioritaire. Il s’agit d’avoir des surfaces lisses car cela
limite l’accrochage des souillures ou salissures, facilite le nettoyage
Les IAA doivent employer des aciers inoxydables de qualité dite
(et donc diminue les frais de maintenance et d’entretien). Il est spé-
alimentaire. Selon le Journal officiel du 13 janvier 1976 (page 794),
cifié, par exemple dans l’industrie du vin, une rugosité moyenne Ra
rectifiant une loi d’août 1905 sur les matériaux et objets au contact
inférieure ou égale à 0,8 mm. La tenue à la corrosion des aciers ino-
avec les denrées, produits et boissons destinés à l’alimentation de
xydables est conditionnée par la qualité de leur état de surface. En
l’homme, les aciers inoxydables doivent titrer au moins 13 % mas-
effet, la dégradation par détérioration de la topographie de surface,
sique de chrome. Les aciers peuvent contenir du nickel et du man-
pollution, constitution de biofilms, rétentions de produits repré-
ganèse (article 2). L’article 3 indique les éléments dont l’addition est
sente 23 % des cas rencontrés.
autorisée comme : le tantale, le niobium et le zirconium jusqu’à
moins de 1 % massique, le molybdène, le titane, l’aluminium et le Dans les IAA, les appareils sont la plupart du temps fabriqués en
cuivre jusqu’à moins de 4 % massique. Beaucoup d’aciers inoxyda- tôle d’acier inoxydable laminé à froid. Le tableau 1 répertorie un
bles peuvent ainsi être qualifiés d’acier inoxydable alimentaire. certain nombre de finitions les plus rencontrées en IAA.

Tableau 1 – États de surface généralement utilisés pour les aciers inoxydables dans les industries
agroalimentaires (d’après [1] et [2])

Nomenclature Type de gamme Finition de surface Remarques

Écroui pour obtenir un


2H Écroui Brillant
niveau de résistance plus élevé

Finition procurant une bonne


Laminage à froid final + ductilité, moins lisse que 2B ou 2R
2D traitement thermique de Lisse, mat, réflectivité faible Sensible aux empreintes digitales,
recuit et un décapage utilisé quand l’aspect de surface
n’est pas critique

Finition courante pour la plupart des


Même traitement que le 2D + faible
Plus lisse que 2D aciers, assure une bonne résistance
2B écrouissage Ra ≤ 0,4 µm à la corrosion
superficiel par skin-pass
Sensible aux empreintes digitales

Finition de surface plus lisse que 2B


Laminé à froid, recuit final sous Lisse, brillant et Surface permettant de réduire la
2R ou RB ou encore 2RB atmosphère contrôlée, brillance réfléchissant rétention de contaminants
obtenue par skin-pass Ra ≤ 0,1 µm atmosphériques et l’humidité
Nettoyabilité plus grande

Désignation des états de surface par le type du procédé permettant de les obtenir :
– si laminé à froid : chiffre 2 ;
– si laminé à chaud, chiffre 1.

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Des procédés par polissage par abrasifs ou par électro-polissage Dans la filière de la viande, il est estimé que plus de 60 % des
sont parfois employés pour parachever la finition et obtenir des couteaux coupent mal [3]. Il existe plusieurs raisons :
surfaces poli miroir ( Ra ≤ 0,05 µm et Ra ≤ 0,03 µm respectivement) [2]. – l’affûtage et l’affilage ne sont pas toujours réalisés de manière
Concernant les lames des couteaux, leur qualité ou pouvoir tran- efficace ;
chant est primordiale pour le travail de découpe pour les industries – les protocoles de nettoyage et de désinfection ne sont pas for-
de la viande (et du poisson). En effet, si les fils de lame sont cément respectés ;
endommagés, cela peut aller jusqu’à induire des troubles mus- – la détérioration peut provenir du petit matériel d’entretien et
culo-squelettiques liés au travail (TMSLT) [3]. lors de chocs pendant les transports ;
– des utilisations non adaptées.
La qualité du fil des lames doit en principe être irréprochable.
Les figures 1 et 2 montrent schématiquement les différentes for-
mes de lame et la différence entre un taillant d’une lame neuve
idéal et un taillant défectueux.

2 Les figures 3 présentent des observations au microscope électro-


nique à balayage (MEB) de lames de couteaux : poli miroir
(figure 3a) et micro-rayés (figure 3b). On note néanmoins des rayu-
res et des ébréchures.
Roscioli et al. [4] ont défini la séquence d’endommagement
d’une lame de rasoir coupant un cheveu. La dureté d’un cheveu
humain est 50 fois moins élevée que celle d’un acier martensitique.
Dès l’apparition d’une microfissure initiale, la lame devient sensible
à l’amorçage d’autres défauts et à l’arrachement d’éclats ; ce qui
Figure 1 – Représentation schématique de lames de couteau – même peut provoquer in fine l’émoussement du fil du rasoir (figure 4).
rayon de courbure mais forme différente (d’après [3]) Par analogie, les lames de couteaux peuvent subir le même type
de dommages.
Les biofilms bactériens profitent en règle générale non seule-
ment de la physico-chimie des surfaces mais aussi de leur topogra-
phie de surface, microfissures et rayures des surfaces, pour établir
leur colonisation (figure 5). Il est donc impératif d’obtenir les états
de surface les plus adéquates possibles et de pouvoir les conserver
dans le temps.

2. Contamination, nettoyage,
surface hydrophobe

Même si la présence et le risque de biofilms dans l’industrie


Figure 2 – Représentation schématique du fil de lame idéal et réel agroalimentaire est connue de longue date, peu d’études se sont
(d’après [3]) intéressées à la composition de ces réservoirs en micro-

1 μm 1 μm

1 μm

a finition parfaite b avec défauts plus ou moins prononcés

Figure 3 – Observation au microscope électronique à balayage de fil de lame (d’après https://www.tf.unif.kiel.de)

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Lame
111

001 101
C-1

2
Temps / déformation
C-2

C-3

5 µm 20 µm

a exemple de la texture cristallographique de l’acier b séquence de déformation d’une lame de rasoir des conditions initiales
martensitique par EBSD. L’encart à gauche montre (C-1) apparition de la fissure initiale avec nucléation à l’arête vive et
la distribution des carbures (en bleu) flexion localisée (C-2) jusqu’à la rupture ductile finale (C-3)

Figure 4 – Observation microscopique d’une lame de rasoir (d’après [4])

10 μm

Figure 5 – Colonisation d’une surface par des bactéries (d’après [5])

organismes et aux surfaces des équipements. Cette méconnais- et en particulier par des flores bactériennes spécifiques et com-
sance représente un frein à la prévention et aux mesures correcti- plexes à la filière viande. Leur mode de vie est ubiquitaire : on les
ves nécessaires. retrouve aussi bien dans les circuits fermés de fabrication, de net-
toyage que sur les outils, éponges, torchons ou les aliments ainsi
que dans l’ensemble d’un atelier de production (équipements,
2.1 Biofilms bactériens dans l’industrie murs, sols, circuits d’eau, aération). La figure 6 donne des exem-
ples de biofilms sur une planche de découpe.
de la viande
Quelques travaux sur le sujet ont montré la présence de Brocho-
Toutes les surfaces des environnements de fabrication, depuis thrix thermosphacta, Pseudomonas fragi, Pseudomonas lundensis,
l’abattoir jusqu’au poste d’emballage des portions consommateurs Lactobacillus sakei, Lactobacillus curyatus, Leuconostoc gelidum,
de l’atelier de découpe, sont colonisées par des micro-organismes L. carnosum [6]. Les Listeria monocytogenes sont pathogènes et

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peuvent s’adapter au froid. Elles peuvent se rencontrer sur les tapis La production à grande échelle dans les industries a conduit à la
convoyeurs, les bacs de saumurage. D’autres bactéries pathogènes mise en place de systèmes de nettoyage en place (NEP) et dans la
peuvent aussi être présentes telles les Salmonella spp., E. coli (en mesure du possible sans démontage. Auparavant, les équipements
particulier sur les couteaux), Staphylococcus aureus, Clostridium utilisés pour la transformation des aliments étaient ouverts et net-
perfringens, Clostridium botulinum, Campylobacter jejuni, Yersinia toyés individuellement. Les systèmes NEP permettent le nettoyage
enterocolitica, Aeromonas hydrophila, Bacillus cereus (en spores et des équipements i) par la circulation de fluides nettoyants, ii) par
cellules végétatives, dans des conduites, des tanks, des remplisseu- un nettoyage chimique et mécanique, ou iii) par l’utilisation de jets
ses), Shigella, Vibrio parahaemolyticus. Il faut noter qu’il existe des (par exemple dans le cas des cuves). Leur efficacité va dépendre de
bactéries et ferments à effet positif (salaisons, etc.) et que l’équili- certains facteurs qui reposent sur le choix de l’action mécanique, le
bre à atteindre est parfois délicat pour la maturation des produits choix du produit de nettoyage (action chimique), la température et le
sans compter les produits fermiers. temps de contact. Ces quatre éléments forment le cercle de Sinner
ou TACT (température, action mécanique, chimie, temps d’action)
La chaı̂ne de transformation des aliments joue un rôle majeur (figure 7) qui définit et structure la base d’un nettoyage « parfait ».
dans la contamination (par contact, par aérosols) des produits. Les Un nettoyage parfait nécessite l’emploi de produits adaptés non seu-

2 contaminations d’aliments résultant de la présence de biofilms en


IAA ont un impact socioéconomique important. Une étude réalisée
de 1996 à 1998 a établi que 40 % des toxi-infections alimentaires
lement à l’action recherchée (dégraissage, détartrage…), mais aussi
aux types de surfaces ou matériau à nettoyer. Si l’un des facteurs
est diminué, il doit être compensé par les autres facteurs.
collectives (TIAC) sont la conséquence d’une contamination des Le nettoyage comporte généralement plusieurs étapes ou
équipements [6] [7]. Plus récemment, on considère qu’environ séquences par cycle de nettoyage, voici un exemple :
25 % des infections par les aliments sont dues à une contamination
– récupération des produits alimentaires encore présents dans
durant le procédé de transformation. On peut citer la contamina- les installations afin de les éliminer des surfaces (pousse à l’eau
tion de plus de 14 000 personnes malades au Japon en 2000 ou à l’air) ;
ayant consommé du lait contaminé par le Staphylococcus aureus – prérinçage ou prélavage à l’eau chaude ou à l’eau froide pour
à cause de vannes encrassées. éliminer la plus grande partie des salissures ;
– nettoyage avec une solution détergente acide ou basique pour
décoller les salissures résiduelles ;
2.2 Nettoyage et désinfection – post-rinçage (on parle aussi de rinçage final ou de rinçage inter-
médiaire) pour éliminer les résidus solides et le détergent par la cir-
Ainsi, la colonisation bactérienne avec établissement de biofilms culation d’eau avant la désinfection ;
est susceptible d’intervenir sur toute installation industrielle qui – désinfection pour réduire la présence de bactéries (et virus) ;
fabrique des produits ayant un certain taux d’humidité. Cette colo- – rinçage final avec élimination du désinfectant par circulation
nisation peut s’amorcer en seulement quelques heures, notam- d’eau avant une nouvelle transformation des produits ;
ment entre deux procédures de nettoyage-désinfection, sur toute – séchage.
surface d’équipement non stérilisé. Le tableau 2 donne les condi-
tions identifiées permettant l’établissement de ces biofilms.
TEMPÉRATURE ACTION
CHIMIQUE

NETTOYAGE
EFFICACE

TEMPS ACTION
DE CONTACT MÉCANIQUE

Figure 6 – Surfaces d’acier colonisées – biofilms sur planche Figure 7 – Cercle de Sinner ou TACT (Température/Action mécanique/
de découpe (d’après [5]) Chimie/Temps d’action) (1959 Herbert Sinner – société Henkel)

Tableau 2 – Facteurs conditionnant la formation d’un biofilm (d’après [7])


Propriétés de la surface/substrat Propriétés du milieu Propriétés de la cellule

Texture de la surface Vitesse du flux Hydrophobie de la surface des cellules

Rugosité de la surface pH Présence d’appendices (fimbriae, flagelles)

Hydrophobie de la surface Température Molécules de la surface

Cations présents dans le milieu


Concentration en fer et en nutriments
Présence d’un film conditionnant la
Source de carbone disponible
surface
Disponibilité en oxygène dans le milieu
Présence d’agents antimicrobiens

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L’eau utilisée doit être potable. Elle représente 95 % de la solution surface hydrophile et hydrophobe. Plus précisément, on considère
de nettoyage. Le détergent doit être adapté à la dureté de l’eau. Les qu’une surface est hydrophile avec un angle de contact inférieur à
recommandations préconisent une température entre 40 et 45  C. Si 40 , hydrophobe entre 110 et 150 et superhydrophobe au-delà de
la température de l’eau est au-delà de 65  C, les protéines de la 150 . On utilise également l’angle de contact pour déterminer les
viande peuvent coaguler en formant une pellicule difficile à éliminer énergies de surface selon la relation de Young-Dupré (figure 8).
par la suite. Pour la désinfection, d’une dizaine de secondes, l’eau est
à 70-82  C. Le chlore et ses dérivés (hypochlorite, chloramine) sont
cos θ =
(γ SV − γ SL ) (1)
souvent utilisés. Les inconvénients majeurs résident dans l’augmen- γ LV
tation de la corrosivité de l’eau avec la température et la mauvaise
pénétration des produits chlorés au sein des biofilms. En cas d’arrêt avec g SV, g LV et g SL tensions superficielles des interfaces, solide/
d’injection, la recolonisation du circuit par les bactéries peut être très vapeur (SV), liquide/vapeur (LV) et solide/liquide (SL).
rapide. De ce fait, l’ionisation est également une technologie large-
Pour les surfaces texturées (soit avec une rugosité), différents
ment plébiscitée pour désinfecter. Elle consiste à enrichir l’eau en
ions cuivrique (Cu2+) et/ou d’argent (Ag+) qui vont se lier aux cellules régimes peuvent s’installer tels (figure 9) :
négativement chargées et entraı̂ner leur destruction. On peut utiliser
ainsi l’effet oligodynamique (antibactérien) des éléments cuivre et
argent. Pour les couteaux, l’utilisation de douchettes est interdite
– le régime de Cassie-Baxter (années 1940) : mouillage nul avec
piégeage d’air, régime propre aux surfaces hydrophobes ;
– le régime de Wenzel (1936) : mouillage complet. Wenzel définit
2
afin de ne pas endommager le fil du tranchant [3]. un paramètre de rugosité r :
surface réelle
r= ≥1 (2)
2.3 Hydrophobie et mouillabilité surface apparente

Afin de limiter l’utilisation de grands volumes d’eau et de gagner La surface apparente étant la surface créée par la projection de la
également du temps, une des solutions est d’agir au niveau de la sur- surface réelle sur un plan. La relation de Wenzel est donnée par :
face des matériaux en maı̂trisant son hydrophobie et donc sa mouil-
labilité. Pour caractériser la mouillabilité d’une surface, ou son affinité cos θ∗ = r cos θ (3)
envers un liquide, il suffit de mesurer l’angle de contact θ d’une
goutte du liquide posée sur une surface. Plus l’angle de contact est avec θ∗ l’angle de contact apparent sur la surface rugueuse.
faible, plus le mouillage est important. Ainsi, si l’angle θ = 0, le mouil- Comme r ≥ 1, la rugosité ou la texturation amplifie le caractère
lage est total, le liquide s’étalant sous forme de film sans obtention hydrophobe ou hydrophile du solide ;
de goutte. Si θ = 180 , le mouillage est nul. Si l’angle de contact est – des régimes mixtes ou composites : les régimes de mouillage
compris entre 0 et 180 , le mouillage est dit partiel : on considère que mixtes sont plus fréquemment rencontrés compte tenu du carac-
lorsque l’angle est inférieur à 90 (angle aigu), la surface est dite tère aléatoire des topographies de surface. Des régimes de Cassie
mouillante et si l’angle est au-delà de 90 (angle obtus), elle est qua- et des régimes de Wenzel peuvent coexister localement ;
lifiée de non mouillante. Si le liquide est de l’eau, on parle alors de
– le régime Cassie imprégné ou hemi-wicking : souvent observé
sur des surfaces texturées avec formation d’un film remplissant les
Vue de dessus micro/nanostructures au-delà de la zone de dépôt de la goutte.
Vapeur
La figure 10 montre qu’il peut y avoir également des transitions
entre les différents régimes possibles.

Liquide La prévention de l’adhésion bactérienne et du développement du


γ
biofilm peut être obtenue via des surfaces micro- ou nanostructu-
γSL θY γSV rées. Ceci peut entrer en conjonction avec la limitation de l’utilisa-
Solide Ligne triple tion de trop grosses quantités d’eau. Ces surfaces sont très souvent
bioinspirées (ou biomimétiques). Divers exemples dans les règnes
Figure 8 – Schéma explicatif de la relation de Young–Dupré (vue animal et végétal sont présentés ainsi que les procédés permettant
de côté) et vue de dessus (d’après [9]) de reproduire ces états de surface.

Air Liquide Air Liquide Air Liquide


θ*

Solide Solide Solide

Liquide

θY

Air
Solide

a Wenzel b Cassie-Baxter c hemi-wicking

Figure 9 – Schéma des différents états de mouillage d’une surface texturée (d’après [9] et [M 1 690])

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3. Texturation inspirée
Composite
du monde végétal
Air Liquide
Cassie-Baxter
La fonction première des feuilles des végétaux est la photosyn-
Air Solide thèse chlorophyllienne. Leurs limbes constituent une surface récep-
Liquide
trice, véritable capteur solaire, qui permet les échanges gazeux ainsi
Wenzel que les transports des sèves brutes et élaborée. Cette surface doit
Solide Transition être dénuée de toutes salissures pouvant encrasser l’épiderme et la
de l’état Air Liquide cuticule. Pour ce faire, plusieurs stratégies peuvent être observées
de mouillage avec des nervations différentes (pennée, palmatinervée, paralléliner-
Composite vée…) selon les espèces. Ceci facilite en particulier l’évacuation de

2
Solide l’eau tout en entraı̂nant si possible des corps étrangers. De nombreu-
Air Liquide ses espèces ont également de fines excroissances (trichomes)
Hemi-wicking (figure 11), formant un véritable duvet ou tapis dont la fonction est
de protéger la plante de la sécheresse (évaporation de l’eau) et/ou
Solide Air Liquide d’éviter l’obstruction des stomates.

Solide 3.1 Effet lotus ou effet fakir :


superhydrophobie
Figure 10 – Différentes transitions de régime de mouillage possibles Les feuilles de lotus (de type Nelumbo, figure 12a), plante aqua-
(d’après [9] et [M 1 690]) tique, doivent être plates et flotter sur l’eau pour assurer la photosyn-
thèse. En conséquence, les feuilles doivent être superhydrophobes.

a exemple de feuilles tomenteuses de l’oreille d’ours


(Stachys byzantina) présentant de nombreux trichomes

Trichome

Faisceau
cribro-
vasculaire
Sclérenchyme
Xylème
Pholème
Cuticule
Épiderme supérieur Cellule de garde
Parenchyme palissadique Stomate
Parenchyme lacuneux
Épiderme inférieur
Cuticule

b schéma anatomique d’une feuille

Figure 11 – Surfaces de feuilles de végetaux

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