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ÉNERGIES

Ti202 - Ressources énergétiques et stockage

Énergies renouvelables

Réf. Internet : 42594 | 2nde édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Ressources énergétiques et stockage
(Réf. Internet ti202)
composé de :

Combustibles fossiles Réf. Internet : 42215

Énergies renouvelables Réf. Internet : 42594

Conversion et transport d'énergie Réf. Internet : 42206

Stockage de l'énergie Réf. Internet : 42638

Énergie : économie et environnement Réf. Internet : 42593

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Ressources énergétiques et stockage
(Réf. Internet ti202)

dont les exper ts scientifiques sont :

Christian NGÔ
Docteur Gérant d'EDMONIUM

Alexandre ROJEY
Enseignant IFP School, ex-Directeur du Développement durable à l'IFPEN,
Fondation Tuck, Fondateur et animateur du think tank IDées

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Aurélien BABARIT Jean-Philippe HÉRAUD Hakim MOUSLIM


Pour l’article : BE8570 Pour l’article : IN303 Pour l’article : BE8570

René BONNEFILLE Nachida KASBADJI MERZOUK Hervé NIFENECKER


Pour l’article : BE8572 Pour l’article : BE8400 Pour l’article : BE8584

Benoît BOULINGUIEZ Philippe LAPLAIGE Jean-Marc NOËL


Pour l’article : BE8560 Pour les articles : BE8590 – Pour l’article : BE8585
BE8591 – BE8592 – BE8593
Laurent BOURNAY Anne-Claire PIERRON
Pour l’article : IN303 Pierre LAVY Pour l’article : IN303
Pour les articles : D4008 – D4009
Olivier BOUTIN Marc RAPIN
Pour l’article : J7010 Pierre LE CLOIREC Pour l’article : BM4640
Pour l’article : BE8560
François BROUST Jacques RUER
Pour l’article : RE110 Philippe LECONTE Pour l’article : BE8571
Pour l’article : BM4640
Xavier DEGLISE Jean-Christophe RUIZ
Pour l’article : BE8535 Denis LEFEBVRE Pour l’article : J7010
Pour l’article : BE8585
André DONNOT Moamar
Pour l’article : BE8535 Jean LEMALE SAYED MOUCHAWEH
Pour les articles : BE8590 – Pour l’article : MT9286
Alain FERRIERE BE8591 – BE8592 – BE8593
Pour l’article : BE8903 Abdelilah SLAOUI
François LEMPÉRIÈRE Pour les articles : BE8578 –
Gilles FLAMANT Pour les articles : BE8573 – RE178 BE8579
Pour l’article : BE8849
Anne-Claire LUCQUIN Laurent VAN DE STEENE
Bruno GAGNEPAIN Pour l’article : IN303 Pour l’article : RE110
Pour l’article : BE8550
Nacer MESSEN Pierre-Louis VIOLLET
Philippe GIRARD Pour les articles : BE8400 – Pour l’article : BE8580
Pour l’article : RE110 BE8405

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VI
Énergies renouvelables
(Réf. Internet 42594)

SOMMAIRE

1– Biomasse Réf. Internet page

Bois énergie. Propriétés et voies de valorisation BE8535 11

Biocarburants BE8550 17

Biocarburants de seconde génération et biorainerie RE110 23

Production de biokérosène et de biogazole par la voie thermochimique IN303 27

Puriication de biogaz. Élimination des COV et des siloxanes BE8560 33

Gazéiication de biomasse en eau supercritique J7010 39

2– Hydroélectricité Réf. Internet page

Aménagements hydroélectriques BE8580 45

Production d'électricité par aménagements hydrauliques D4008 49

Production d'électricité par petites centrales hydroélectriques D4009 55

3– Éolien et énergies marines Réf. Internet page

Atlas du potentiel de l'énergie éolienne et mesures de vent BE8400 63

Énergie éolienne terrestre BE8405 67

Physiques des éoliennes BE8584 69

Centrales éoliennes couplées aux réseaux BE8585 73

Eolien ofshore. Techniques de base BE8571 79

Systèmes de surveillance de défauts pour l'aide à la maintenance prédictive de parcs MT9286 85


de turbines éoliennes
Éoliennes. Évolution, principes de base et potentiel de conversion BM4640 89

Récupération de l'énergie des vagues BE8570 95

Énergie des marées et des courants en france BE8572 99

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VII
Usines marémotrices pour le XXIe siècle BE8573 105

Utilisation innovante des hydroliennes : les maréliennes RE178 109

4– Énergie solaire Réf. Internet page

Électricité photovoltaïque. Principes BE8578 115

Électricité photovoltaïque. Matériaux et marchés BE8579 119

Fours solaires BE8849 123

Centrales solaires thermodynamiques BE8903 127

5– Géothermie Réf. Internet page

Géothermie BE8590 135

Géothermie de surface. Présentation et pompes à chaleur BE8591 141

Géothermie de surface. Puits canadiens, capteurs enterrés et géostructures BE8592 143

Géothermie de surface. Aquifères supericiels et stockage thermique souterrain BE8593 147

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Énergies renouvelables
(Réf. Internet 42594)


1– Biomasse Réf. Internet page

Bois énergie. Propriétés et voies de valorisation BE8535 11

Biocarburants BE8550 17

Biocarburants de seconde génération et biorainerie RE110 23

Production de biokérosène et de biogazole par la voie thermochimique IN303 27

Puriication de biogaz. Élimination des COV et des siloxanes BE8560 33

Gazéiication de biomasse en eau supercritique J7010 39

2– Hydroélectricité

3– Éolien et énergies marines

4– Énergie solaire

5– Géothermie

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Bois énergie
Propriétés et voies de valorisation

par Xavier DEGLISE
Professeur émérite
Université de Lorraine, Laboratoire LERMAB, Nancy, France
et André DONNOT
Enseignant-chercheur
Université de Lorraine, Laboratoire LERMAB, Nancy, France

Cet article est la réédition actualisée de l’article [BE 8 535] intitulé « Bois énergie » paru en
2004, rédigé par Xavier DEGLISE et André DONNOT.

1. Aperçu sur le bois énergie en Europe et en France ................... BE 8 535v2 - 2


1.1 Gestion durable et cycle de vie............................................................... — 2
1.2 Énergies renouvelables en Europe......................................................... — 4
1.3 Mobilisation du bois énergie en France................................................. — 6
2. Composition et propriétés du bois ................................................. — 10
2.1 Composition chimique du bois............................................................... — 10
2.2 Pouvoir calorifique du bois (PCI, PCS) ................................................... — 10
2.3 Capacité thermique massique à pression constante ............................ — 12
2.4 Conductivité thermique........................................................................... — 12
2.5 Masse volumique..................................................................................... — 12
3. Valorisation énergétique du bois .................................................... — 13
3.1 Voies sèches............................................................................................. — 13
3.2 Voies humides.......................................................................................... — 18
4. Application et utilisation des produits .......................................... — 18
4.1 Pyrolyse et carbonisation........................................................................ — 19
4.2 Combustion : chaleur, électricité, cogénération.................................... — 20
4.3 Gazéification............................................................................................. — 22
5. Conclusion ............................................................................................. — 26
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BE 8 535v2

’utilisation du bois par l’homme pour se chauffer est des plus anciennes et
L se trouve souvent réduite à la combustion et à la fabrication de
charbon de bois. Au cours du dernier siècle, d’autres techniques d’utilisation
ont vu le jour comme la gazéification. Le développement de nouvelles appli-
cations énergétiques du bois est souvent associé à des crises énergétiques, en
particulier les deux crises pétrolières, mais aujourd’hui l’intérêt se décale vers
les problèmes environnementaux en particulier l’épuisement des ressources
énergétiques fossiles et le réchauffement climatique.
À chaque problème, le bois énergie propose une solution : le charbon de
bois pour la conservation de l’énergie, la combustion pour maintenir un niveau
de confort thermique, la gazéification pour la propulsion des véhicules, etc.
Avoir une vision synthétique des possibilités qu’offre le bois en tant que
source d’énergie semble important à un moment où des choix stratégiques
d’avenir sont en train de se décider.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQW

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QQ
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BOIS ÉNERGIE _____________________________________________________________________________________________________________________

Les différents procédés de valorisation énergétique du bois sont en fait très


nombreux et pour la plupart opérationnels avec un minimum d’efforts et de
moyens financiers. Il est seulement dommage que les travaux réalisés dans les
années 80 n’aient pas été poursuivis, ce qui oblige à mettre en œuvre de tech-
nologies importées pour lutter contre l’effet de serre.
Il faut cependant être réaliste : le bois est une matière première délocalisée
qui va nécessiter des procédés de valorisation énergétique de taille raison-
Q nable, pour une production d’énergie de complément.

Notations et symboles Flux net annuel de carbone en t (de C) ha–1. an–1

Symbole Unité Définition


Respiration
capacité thermique massique à Assimilation brute aérienne + souterraine :
cp J · kg–1 · K–1 17,5 à 21,3 2,4 à 4,3 15,1 à 17
pression constante
d densité par rapport à l’eau
H % humidité
⬇ 40 %
enthalpie molaire standard de
Hφ J · mol–1 ⬇ 60 %
formation
enthalpie massique de
Lv J · kg–1
vaporisation de l’eau
Stock C biomasse aérienne
M g · mol–1 masse molaire
PCI J · kg–1 pouvoir calorifique inférieur
–1
PCS J · kg pouvoir calorifique supérieur
Stock C biomasse souterraine
T K température thermodynamique
Figure 1 – Cycle du carbone en forêt tempérée
Nm3 volume de gaz
X fraction massique France et en Europe. La majorité du bois provient de forêts dont le
cycle du carbone est décrit figure 1. En zone tempérée, on admet
λ W· m–1 ·K –1
conductivité thermique
que la forêt fixe en moyenne 3 t · ha–1 · an–1 de carbone [1]. Pour
ρ kg · m–3 masse volumique les forêts tropicales humides, on pourrait admettre 5 t · ha–1 · an–1,
1 t · ha–1 · an–1 pour les forêts tropicales sèches et 2 t · ha–1 · an–1
Liste des indices pour les forêts boréales [2].
b brut Nota : ha pour hectare.

C carbone Dans le monde, on distingue deux typologies très différentes de


forêts : les forêts primaires et les forêts secondaires exploitées.
H hydrogène Pour la seconde typologie, adoptée dans cet article, la notion de
H2O eau durable est associée à la neutralité carbone qui soutend elle-même
la conservation de la surface boisée même si l’exploitation fores-
O oxygène tière tend spontanément à diminuer la biodiversité.
s sec
Comme le CO2 émis lors de la combustion du bois est égal
à celui absorbé pendant sa croissance, il semble évident que
le bois énergie est zéro carbone, ou neutre en carbone. Sa
1. Aperçu sur le bois énergie combustion génère toujours des gaz autres que le CO2, ces
derniers pouvant alors participer à l’effet de serre (GES).
en Europe et en France
La Commission européenne [3] a engagé des travaux d’évaluation
comparative de l’émission des GES issus de différentes sources de
1.1 Gestion durable et cycle de vie bois énergie par rapport aux combustibles fossiles (tableau 1). Ils
mettent en évidence que la substitution d’énergie fossile par le bois
Le bois, produit naturel, composé en majeure partie de carbone, est d’autant plus efficace à long terme. À court terme, il faut plutôt
d’hydrogène et d’oxygène est potentiellement un combustible et privilégier l’utilisation des déchets d’industries ou de bois en fin de
donc une source d’énergie thermique. Par son origine végétale, le vie comme source de combustible ou augmenter en parallèle la sur-
bois fait partie des énergies renouvelables où il arrive en tête en face forestière par de nouvelles plantations.

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______________________________________________________________________________________________________________________ BOIS ÉNERGIE

Tableau 1 – Évaluation du délai de temps de retour carbone si la récolte de bois est destinée
à un usage énergétique
Efficacité de la réduction des émissions de CO2
Court terme Moyen terme Long terme
Origine du bois (10 ans) (50 ans) (siècles)
Charbon
(minéral)
Gaz naturel
Charbon
(minéral)
Gaz naturel
Charbon
(minéral)
Gaz naturel Q
Bois tige récolté pour l’énergie ––– ––– +/– – ++ +
Rémanents forestiers +/– +/– + + ++ ++

Déchets d’éclaircie +/– +/– + + ++ ++

Grumes de récupération d’exploitation


+/– +/– + + ++ ++
forestière

Nouvelles plantations sur jachères +++ +++ +++ +++ +++ +++
Remplacement de forêts par des
– – ++ + +++ +++
plantations à courte rotation
Déchets industries du bois ou bois en fin
+++ +++ +++ +++ +++ +++
de vie
+/– émissions de CO2 équivalents.
– ; – – ; – – – plus d’émissions de CO2 que les combustibles fossiles.
+ ; ++ ; +++ moins d’émissions de CO2 que les combustibles fossiles.

Tableau 2 – Comparaison des quantités de GES


émis par le bois et les combustibles fossiles
Réduction des émissions nettes accumulées

Masse CO2
Combustible
(t/tep) (t/tep)
0 (1)
Bois 2,3
4,25 (2) Temps

Charbon minéral 1,4 4


Fioul 0,97 3,1

Gaz 0,93 2,35


tep = tonne équivalent pétrole. Temps de retour carbone
(1) avec neutralité carbone postulée.
(2) sans neutralité carbone.

À partir de ces résultats, l’ADEME [4] a réalisé une étude de ten-


dance du bilan GES (gaz à effet de serre) (figure 2) à partir d’une
Manque de séquestration nette
augmentation théorique de la récolte forestière en France métro- accumulée par la forêt
politaine pour la production de bois d’œuvre (ou bois matériau,
de construction et d’ameublement) et de bois énergie, en le com- Séquestration accumulée par
parant à un scénario de référence « au fil de l’eau » c’est-à-dire à les produits bois
l’évolution prévue si rien ne change ni au niveau de la récolte Émissions nettes fossiles évitées
actuelle, ni au niveau de l’utilisation d’autres matériaux et énergies (accumulées) par le bois énergie
fossiles. L’avis [4] montre bien qu’il faut un temps appelé « temps Émissions nettes fossiles évitées
de retour carbone » avant que la substitution ne participe à la dimi- (accumulées) par le bois matériau
nution de l’effet de serre.
Bilan GES accumulé intensification
Notons par ailleurs que le bois émet plus de gaz à effets de serre des prélèvements
que les combustibles fossiles (tableau 2) où les valeurs indiquées
Augmentation de GES
correspondent à la production de 1 tep ou 11,6 MWh ou 41,8 Gj,
atmosphériques
1 m3 de bois correspondant à 0,9 t de CO2 . Dans le tableau 2, on
souligne que pour la même quantité d’énergie produite par com- Économie de GES
bustion, le bois libère plus de CO2 que les combustibles fossiles.
Cela est lié à sa composition chimique, où il y a moins de C, d’H et Figure 2 – Bilan des GES en vue de l’utilisation du développement
plus d’O que dans les combustibles fossiles. du bois énergie

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BOIS ÉNERGIE _____________________________________________________________________________________________________________________

1.2 Énergies renouvelables en Europe – pour l’électricité, augmentation de la contribution des énergies
renouvelables de 66,3 à 143,48 Mtep. La contribution de la seule
Par rapport aux énergies fossiles (qualifiées d’énergies de stock) biomasse solide serait de + 4,9 Mtep, soit 6,3 % de l’augmentation
comme le charbon, le pétrole, le gaz et l’uranium, les énergies globale ;
renouvelables (qualifiées d’énergies de flux) sont liées en principe – pour le chauffage-énergie, la contribution passerait de 83 à
à des sources inépuisables comme le soleil, le vent, la marée, 112 Mtep ; la contribution de la biomasse solide serait de 9,8 Mtep
l’énergie hydraulique, la géothermie, la biomasse, les déchets. soit 34 % de l’effort ;
Leur exploitation est accompagnée d’une émission minimale de – pour le transport, l’évolution va de 14,6 à 28,9 Mtep, la bio-

Q déchets et de polluants contrairement au cas des énergies fossiles.


Les énergies renouvelables peuvent être réparties en cinq
masse solide ne participe pas pour l’instant à cet effort.

grandes familles selon l’origine de la source, à savoir : 1.2.1 Bois énergie en Europe
– l’énergie solaire ;
– l’énergie éolienne ; On constate que la situation est très contrastée entre les pays de
– l’énergie hydraulique ; la communauté comme le montre le tableau 3. Il donne les sur-
faces boisées dans les 15 pays de l’Union européenne avec leur
– l’énergie géothermique ;
production respective de bois ronds estimée en 2012, d’énergie
– la biomasse, comprenant l’incinération des déchets.
primaire à partir de bois et le rapport entre ces deux quantités.
En fonction de la finalité et/ou de la nature de l’énergie obtenue
à partir de la source (chaleur, électricité, carburant liquide,
combustible gazeux), on distingue actuellement neuf types d’éner- Le bois rond, ou bois d’industrie, est le bois abattu et
gies renouvelables, à savoir : façonné avant la première transformation sous forme de
– le solaire photovoltaïque ; grûmes, billes, rondins ou bûches destinés à la papeterie.
– le solaire thermique ;
– l’hydraulique ;
Les trois pays produisant le plus de bois de chauffage sont la Suède,
– l’éolien ;
la France et l’Allemagne. À eux trois, ils produisent plus de 82 % du
– la géothermie ;
bois énergie pour seulement 57 % de la totalité du bois exploité. La
– le bois énergie ;
France fournit 20 % du bois énergie en Europe, loin derrière la Suède
– les biocarburants ; qui en fournit 54 %. Les pays ayant le meilleur ratio d’utilisation éner-
– le biogaz ; gétique sont par ordre décroissant : l’Irlande, la Suède puis la France.
– la valorisation énergétique des déchets. Si l’Europe désirait que la part d’utilisation de bois énergie représente
En Europe [5], la consommation d’énergie renouvelable est de 37 % de la production de bois rond, elle devrait disposer de 42,2 Mm3
192 Mtep hors déchets ; elle représente 8 % de la consommation de bois supplémentaire, soit environ 6,2 Mtep.
d’énergie brute. Sous l’impulsion des instances européennes, la pro-
duction d’énergie par ces voies, actuellement de 15 %, doit augmen-
ter à 20 % en 2020 (figure 3) [6] puis quasiment doubler en 2030. 1.2.2 Bois dans le bilan énergétique français
Les évolutions de la contribution des différentes énergies pré- Selon le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la
vues par l’UE jusqu’en 2020 demandent les efforts de contribution Mer [8], les énergies renouvelables représentaient en France
suivants (figure 4) : 24,1 Mtep en 2014. La part du bois énergie représentait 3,6 % de

25
Part d’énergie renouvelable RES (%)

20,6
20 20,0

15 0,3
0,5
1,1
1,0
0,6 0,8
10 0,4
0,2

14,1
13,0
10,9 11,5
5 9,3 9,7
8,5 8,8

0
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

RES : Renewable Energy Share RES des biocarburants certifiés RES supplémentaire des biocarburants non certifiés
NREAP : National Renewable Energy Action Plan comme production durable (exemple type : biogaz de Gussing)
RED : Renewable Energy Directive Trajectoire indicative RED Cible NREAP

Figure 3 – Évolution de l’importance des énergies renouvelables dans la production énergétique de l’Union européenne [6]

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QT
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______________________________________________________________________________________________________________________ BOIS ÉNERGIE

Mtep
250

Cible RED Annexe I (2011 à 2012 et 2020) [6]


Autres biocarburants
Biodiesel


200
Bioessence
Énergie obtenue par des pompes à chaleur
Solaire thermique
150
Bioliquides
Production

Biogaz
Biomasse solide
100
Éolien offshore
…………… Éolien onshore
Énergie marémotrice

50 Énergie solaire à concentration


Solaire photovoltaïque
Geothermie
Hydraulique
0
2005 2010 2015 2020

Figure 4 – Évolution de la production des différentes énergies renouvelables en Europe (doc. EC 2013 ; EurObserv’ER, 2014 ; Eurostat, 2014a et 2014b)

Tableau 3 – Comparaison des volumes forestiers, de la production annuelle de bois ronds et de bois énergie
de certains pays de l’Union européenne en 2012 [7]
Production de bois Production bois Ratio bois énergie/
Volume forêts
Pays ronds énergie bois rond
(Mm3) (Mm3) (Mm3) (%)

Allemagne 3 492 52,34 9,476 18

Autriche 1 107 18,02 5,19 29

Belgique et Luxembourg 460 5,39 0,911 17

Danemark 111,86 2,58 1,12 43

Espagne 783,9 16,93 3,9 23

Finlande 2 024 49,97 5,35 11

France 2 453 56,1 26,3 47

Grèce 170 4,51 1,2 27

Irlande 74,3 3,59 2,58 72

Italie 1 285 32,54 7,74 24

Pays-Bas 56 2,25 0,95 42

Portugal 154 19,1

Royaume-Uni 340 10,1 1,33 13

Suède 2 651 96,5 68,9 71

Total 15 098 342,54 127,38 36

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QU
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BOIS ÉNERGIE _____________________________________________________________________________________________________________________

Bois-énergie : 39,0 % Biogaz : 2,2 %


Hydraulique : 23,6 % Solaire photovoltaïque : 2,3 %
Biocarburants : 11,6 % Résidus de l’agriculture et des IAAS : 1,4 %
Pompes à chaleur : 6,8 % Géothermie : 1,0 %

Q Éolien : 6,6 %
Déchets renouvelables : 4,9 %
Solaire thermique : 0,4 %
Énergies marines : 0,2 %

IAA : industries agroalimentaires

Figure 5 – Répartition de la production des différentes sources d’énergie renouvelable en France métropolitaine (doc. SOeS)

Nombre

300 000

250 000

200 000

150 000

100 000

50 000

0
1985 1990 1995 2000 2005 2010

Poêles classiques Poêles de masse


Poêles contemporains Poêles à granulés
Poêles cheminées Total

Figure 6 – Évolution du parc d’installation de chauffage au bois (poêles à bois) en France

l’énergie totale consommée par la France. Cette part modeste reste un intérêt grandissant avec un taux d’évolution des achats expo-
toutefois quasiment constante dans le temps et cache une autre nentiel (figure 6).
réalité : au sein des énergies renouvelables, le bois représente [9]
(figure 5) à lui seul 39 % de la totalité de l’énergie produite par ces Le bois est utilisé en quantités égales comme énergie principale
sources. ou comme énergie d’appoint pour laquelle le taux d’autoapprovi-
sionnement est nécessaire.
L’utilisation principale du bois énergie est la production de
chaleur (95 % de l’énergie primaire du bois) et dans une moindre
mesure de l’électricité [8]. C’est la principale source d’énergie
renouvelable consommée pour le chauffage domestique. 1.3 Mobilisation du bois énergie
Selon [10], environ 94 % du bois énergie est consommé en bûches en France
dans des installations domestiques. Toujours d’après cette étude,
en 2014 la totalité des 580 000 appareils vendus se répartissaient Le bois en tant que source d’énergie a deux provenances
en 28 % d’inserts ou foyers fermés, 3 % de chaudières et 69 % de principales : le bois déchet issu d’une ressource industrielle ou le
poêles à bûches ou à granulés. Cette dernière technologie connaît bois provenant directement de la ressource forestière.

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Biocarburants
par Bruno GAGNEPAIN
Ingénieur biocarburants
ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), Service bioressources,
Direction production et énergies durables, Angers

Cet article est la réédition actualisée de l’article [BE 8 550] intitulé « Biocarburants » paru en
2009, rédigé par Étienne POITRAT

1. Matières premières utilisables .......................................................... BE 8 550v3 - 2


1.1 Ressources issues de la biomasse .......................................................... — 2
1.2 Aspects qualitatifs et quantitatifs ............................................................ — 2
1.3 Usages de la biomasse............................................................................. — 2
2. Production de biocarburants à partir de la biomasse ................ — 4
2.1 Alcools et éthers........................................................................................ — 4
2.2 Huiles végétales et leurs esters ............................................................... — 8
2.3 Biocarburants liquides ou gazeux de synthèse ...................................... — 8
2.4 Biométhane carburant .............................................................................. — 10
3. Caractéristiques des biocarburants liquides ................................. — 11
4. Utilisation des biocarburants ............................................................ — 12
4.1 Alcools et leurs éthers .............................................................................. — 12
4.2 Huiles végétales et leurs dérivés dans les moteurs Diesel.................... — 15
4.3 Biométhane carburant ou bioGNV .......................................................... — 20
4.4 Interactions entre bilans environnementaux des biocarburants et
changements d’affectation des sols ........................................................ — 22
5. Conclusion............................................................................................... — 22
6. Glossaire .................................................................................................. — 22
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BE 8 550v3

n appelle biocarburants, les carburants produits à partir de matières végé-


O tales ou animales non fossiles, encore appelées biomasse.
L’histoire des biocarburants a souvent été ponctuée par les crises énergé-
tiques telles que des chocs pétroliers ou des pénuries de carburants fossiles.
Les gazogènes qui produisent un gaz énergétiquement pauvre se sont ainsi
développés par exemple durant la dernière Guerre mondiale et la plupart des
productions actuelles en Europe, aux États-Unis et au Brésil ont eu comme
origine les crises pétrolières de 1973, 1979 et d’autres crises géopolitiques.
Mais les biocarburants peuvent aussi être valorisés, dans des situations où les
lieux de production ou de distribution des produits pétroliers sont éloignés des
lieux de consommation, conjuguées à l’existence de ressources locales à valo-
riser. Dans ces cas, ils ont une fonction purement énergétique de carburant de
substitution.
Aujourd’hui, d’autres fonctions des biocarburants ont été mises en évidence.
De par leur composition oxygénée, ils peuvent améliorer la combustion des
hydrocarbures et réduire certaines émissions, et aussi pour les dérivés des huiles
végétales, améliorer les capacités lubrifiantes des carburants. On peut parler
dans ces cas de cocarburants ou encore d’additifs selon les quantités utilisées.
Ces composants sont d’autant mieux valorisés que les produits pétroliers
évoluent vers des formulations différentes avec réduction voire suppression de
certains corps ou fractions comme par exemple le plomb, le soufre, les hydro-
carbures aromatiques dont le benzène, etc. Ces dispositions font l’objet d’une
directive européenne évolutive en permanence sur la qualité des carburants.
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BIOCARBURANTS __________________________________________________________________________________________________________________

Les biocarburants sont des énergies renouvelables et, contrairement aux


énergies fossiles, ne contribuent pas à aggraver certains impacts environne-
mentaux globaux, comme par exemple l’effet de serre, à condition que leur
production soit effectuée dans des conditions énergétiques performantes et
sobres en énergies fossiles et de durabilité.


Elle recouvre :
Sigles, notations et symboles
– la biomasse agricole avec les cultures annuelles, produisant
Sigle Développé les éléments de base utilisés tels les sucres, l’amidon, les acides
gras et leurs coproduits (paille, rafles, cannes, fanes, coques...) ;
DME Dimethyl Ether – la biomasse lignocellulosique d’origine agricole ou fores-
tière tels le bois, les déchets de bois, les cultures pérennes (taillis à
CAS Changement d’affection des sols courte rotation TCR, taillis à très courte rotation TTCR, miscanthus,
fétuque...), les cultures annuelles (triticale, sorgho...) et les copro-
FAP Filtre à particules duits ligneux des cultures ;
ETBE Ethyl Tertiobutyl Ether – les déchets organiques avec les effluents des élevages tel le
lisier, les boues des stations d’épuration, les déchets verts ou ani-
OP Oxyde de propylène maux... et les sous-produits organiques ou fermentescibles
des activités industrielles, agroalimentaires, papetières ou de
Huile végétale hydrogénée (Hydrotreated Vegetable transformation du bois ;
HVO
Oil)
– la biomasse issue des algues marines ou aquatiques et
HVP Huile végétale pure des micro-organismes.

BTL Biomass To Liquid


1.2 Aspects qualitatifs et quantitatifs
GNV Gaz naturel pour véhicules
Dans le cadre d’une réduction du contenu carbone de l’offre
EMHV Ester méthylique d’huile végétale énergétique française et pour atteindre l’objectif de 20 % d’éner-
EMAG Ester méthylique d’acide gras gies renouvelables en 2020, le Plan de développement des éner-
gies renouvelables [1] établi dans le cadre de la mise en œuvre de
IOM Indice d’octane moteur la directive 2009/28/CE, a proposé un scénario à 20 Mtep en 2020,
dont les éléments de mobilisation réaliste de la biomasse sont
GES Gaz à effet de serre résumés dans le tableau 1 en ktep.
TBHP Tertio Butyl Hydroperoxyde Les biocarburants représenteraient environ 10 % du potentiel
des ENR (énergies renouvelables) en 2020 (36 121 ktep) ou encore
TBA Tertio Butyl Alcool 16,7 % du potentiel de la biomasse en 2020 (21 950 ktep). Ils néces-
sitent le développement des biocarburants de deuxième géné-
MTBE Methyl Tertiobutyl Ether ration (obtenus à partir de lignocellulose) et des biocarburants
obtenus à partir de déchets et résidus d’origine biologique,
Pouvoir calorifique inférieur/supérieur (MJ/kg afin d’alléger la demande sur les produits agricoles.
PCI/PCS
ou kWh/Nm3)

COVNM Composés organiques non méthaniques


Le potentiel additionnel disponible des ressources bio-
masses françaises est évalué entre 15,7 et 20 Mtep/an,
réparti entre les résidus agricoles pour 4,3 Mtep les déchets
1. Matières premières organiques pour 5,2 à 5,5 Mtep et les ressources sylvicoles
(forestières et autres zones boisées) pour 6,2 à 10,2 Mtep [2].
utilisables
1.1 Ressources issues de la biomasse 1.3 Usages de la biomasse
Les bioénergies obtenues recouvrent :
– les biocarburants pour les moteurs ;
La définition de la biomasse est indiquée par la directive – les biocombustibles pour produire de la chaleur seule ou
européenne 2009/28/CE du 23 avril 2009 [Doc. BE 8 550] : combinée à une production de bioélectricité (cogénération).
« La biomasse est la fraction biodégradable des produits,
De plus, la biomasse peut aussi produire des bioproduits et des
déchets et résidus d’origine biologique provenant de l’agricul-
biomatériaux pour la chimie ou certains secteurs comme par
ture (y compris les substances végétales et animales), de la syl-
exemple, le bâtiment ou les transports (figure 1) [3]. Il est prévu
viculture et de leurs industries connexes y compris la pêche et
que tous ces usages soient en croissance dans les prochaines
l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets
années, compte tenu des conditions de développement durable à
industriels et municipaux ».
appliquer.

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Tableau 1 – Mobilisation de la biomasse (ktep) en 2020 selon le PNAER


(Plan national d’actions énergies renouvelables) [1]
Biomasse Situation 2006 Potentiel 2020 Supplément à réaliser
Bois individuel chaleur............................................................. 7 400 7 400 0
Biomasse chaleur ..................................................................... 1 400 5 200 3 800
Biomasse cogénération............................................................
Part ENR des UIOM et bois DIB ..............................................
0
400
2 400
900
2 400
500

Biogaz ........................................................................................ 55 555 500
Total chaleur .......................................................................... 9 255 16 455 7 200
Électricité : biomasse dont biogaz et part ENR des UIOM ..... 240 1 475 1 235
Biocarburants ............................................................................ 680 3 660 2 980
Total .......................................................................................... 10 175 21 590 11 415
ENR : énergies renouvelables.
UIOM : usines d’incinération d’ordures ménagères avec valorisation énergétique.
DIB : déchets industriels banals.
tep : tonne équivalent pétrole (= 4,186 × 1010 J).

AGRICULTURE Parcs et
FORÊT
jardins
Cultures
Cultures dédiées
alimentaires

Coproduits
Industries diffus (paille, Industries
agro-alimentaires BIOCARBURANTS rémanents) de transformation
et autres ; élevage de 1re génération du bois

BIOMATÉRIAUX
TRADITIONNELS
BIOPRODUITS (bois, fibres, papier,
cartons, panneaux)

BIOMATÉRIAUX
(polymères) Biocarburants Coproduits
de 2e fatals
génération
Déchets
Déchets verts
organiques
fatals
fatals
COMBUSTION,
CHAUFFAGE,
COGÉNÉRATION

PRODUCTION DE
BIOGAZ
(par fermentation)

Retour au sol :
ÉPANDAGE ET
COMPOSTAGE

Figure 1 – Principaux usages et provenances de la biomasse non alimentaire [3]

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BIOCARBURANTS __________________________________________________________________________________________________________________

Vu la situation décrite au paragraphe 1.2, il faut donc développer


la production ou la valorisation des ressources et éviter de les gas- L’enthalpie de changement d’état d’un corps correspond à
piller en améliorant l’efficacité énergétique lors de leur production l’énergie nécessaire ou fournie sous forme de chaleur pour
et de leur utilisation, ainsi qu’une valorisation optimale des que ce corps change d’état : elle est positive avec une réaction
déchets (graisses, huiles, fibres, matières organiques...). Des priori- endothermique et négative avec une réaction exothermique.
tés peuvent être fixées, compte tenu que certains vecteurs énergé-
tiques peuvent être obtenus avec certaines ressources et non avec Ces équations sont théoriques et leurs rendements sont appelés
d’autres. C’est notamment le sens de l’accent mis sur certaines rendements de Gay-Lussac. Du fait de la fabrication inévitable

Q matières à développer pour la production de biocarburants avan-


cés dans la directive 2015/1513 [Doc. BE 8 550]. Les biocarburants
constituent encore actuellement de très loin la principale alterna-
de sous-produits divers et de levures, le rendement de Pasteur,
égal à 94,7 % du rendement de Gay-Lussac, définit la production
d’éthanol.
tive, autre que la réduction de la consommation d’énergie et l’amé-
lioration des technologies, des bilans pétroliers, disponible
rapidement à grande échelle dans les transports. Exemple
100 kg de sucre produisent respectivement 48,4 et 50,95 kg
Des critères de durabilité pour la production des biocarburants d’éthanol à partir de glucose ou de saccharose.
ont été définis par la directive européenne 2009/28/CE et sont mis
Ces rendements restent théoriques, les résultats industriels
en œuvre depuis 2010 pour mesurer les impacts environnemen-
variables sont légèrement inférieurs.
taux de ces applications et les réduire au maximum.
Il convient également d’éviter les conflits d’usage avec les autres
filières (alimentaire, papier, bois, matériaux ou énergie...). 2.1.1.2 Matières premières des sucres
Les sucres sont présents à l’état plus ou moins polymérisé dans
le monde végétal.

2. Production de Les plantes dites sucrières ou saccharifères (betteraves à


sucre, canne à sucre) produisent directement du saccharose et
biocarburants dans ce cas, le sucre fermentescible est extrait par diffusion.
Les plantes amylacées telles les céréales produisent de l’amidon
à partir de la biomasse qu’il est nécessaire d’hydrolyser par des enzymes, les amylases. Les
sucres obtenus sont alors un mélange de glucose et de maltose.
Selon la directive européenne 2003/30/CE du 8 mai 2003, reprise L’éthanol produit actuellement en France pour un usage de bio-
par la directive 2009/28/CE, la définition des biocarburants est la carburants provient essentiellement de betteraves à sucre et de
suivante : blé. Ces filières génèrent aussi des coproduits tels :
« combustibles liquides ou gazeux utilisés pour le transport – les vinasses, fraction liquide de la distillation ; issues de la bet-
et produit à partir de la biomasse », donc obtenus à partir des terave, elles sont utilisées comme fertilisants de par leur richesse
matières organiques végétales et animales non fossiles. en matières minérales ; issues de céréales, elles sont recyclées
dans le procédé ou utilisées en alimentation animale ;
La même directive cite également 10 produits considérés
comme biocarburants : bioéthanol, biodiesel (esters d’huile – les pulpes de betteraves bien valorisées par les ruminants ;
végétale ou animale), biogaz, biométhanol, biodiméthyléther – les drèches de blé riches en protéines et utilisées en alimentation
(bio-DME), bio-ETBE, bio-MTBE, biocarburants synthétiques, animale.
biohydrogène, huiles végétales pures. Les vinasses peuvent être également méthanisées et valorisées
énergétiquement sous forme de biogaz ou être utilisées directement
comme combustibles après leur concentration. Pour ce dernier
La figure 2 [2] présente un aperçu des différents procédés de usage, des essais effectués en mélange avec du fioul lourd en ont
production de biocarburants à partir de différentes biomasses. démontré la faisabilité industrielle.
Les sucres issus de ressources lignocellulosiques (§ 2.1.1.3.1)
font partie des substrats visés pour élargir la production d’éthanol
2.1 Alcools et éthers au-delà des seules ressources d’origine agricole, ainsi que ceux
issus d’algues dans un horizon plus lointain.
2.1.1 Alcool éthylique ou éthanol
2.1.1.3 Technologie
2.1.1.1 Principes de base
Tous les sucres en C6 fermentescibles, principalement le 2.1.1.3.1 Hydrolyse
glucose, et aussi le saccharose, peuvent être convertis en éthanol
L’hydrolyse est appliquée industriellement à l’amidon des
et en dioxyde de carbone après fermentation. La réaction est anaé-
céréales avec deux procédés :
robie et catalysée par une enzyme produite par une levure, Saccha-
romyces Cerevisiae, qui est la plus couramment utilisée. – la voie humide : les grains sont trempés dans une solution
aqueuse contenant de l’acide sulfurique pour faciliter la séparation
Les équations des réactions de fermentation sont les des composants. Le grain est ensuite moulu et ses constituants
suivantes : (son, gluten, amidon...) sont séparés de façon classique pour le
son et en partie par lavage. Seul l’amidon est traité au cours de
l’hydrolyse enzymatique puis fermenté. Les coproduits (exemple :
huile ou gluten) sont vendus séparément sur des marchés spéci-
fiques (exemple : alimentation humaine ou animale) ;
– la voie sèche : le grain est également moulu et la totalité de
ses constituants subit l’hydrolyse enzymatique et la fermentation.
Le débouché du coproduit principal, les drèches DDGS (Dried
avec ΔH enthalpie massique. Distiller Grain and Solubles ) est très important.

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Digestion anaérobie Biométhane


de bioréactifs)

Biohydrogène
(utilisation
Biochimie

Séparation
Production autotrophe Biohydrogène
Épuration

Lipides

Récolte et Lipides Estérification



Biodiesel
Extraction Décarboxylation Biokérosène

Biomasse
terrestre Sucres Bioéthanol
Hydrolyse Fermentation Biobutanol
et
aquatique Lipides, hydrocarbures

Fermentation Bioéthanol
Bioalcools

Gazéification Syngaz
Fischer-Tropsch Biodiesel
et épuration Biokérosène
(haute température)
Thermochimie

Méthanol
Catalyse Éthanol
BioGNV

Pyrolyse, torréfaction, Biobruts Biokérosène


Raffinage Biohuiles
conversionhydrothermale Biohuiles
Biogazole

Figure 2 – Procédés de production de biocarburants à partir de différentes biomasses [2]

L’hydrolyse de la cellulose et des hémicelluloses est possible 2.1.1.3.3 Séparation de l’éthanol


et a fait l’objet d’importants travaux de recherches dans le monde Le fractionnement du vin obtenu après l’étape de fermentation
entier. Les rendements matières (par rapport à la matière sèche) conduit à séparer l’éthanol du reste des constituants. La technologie
prévus en 2020 sont de l’ordre de 12 à 16 % et l’efficacité énergé- appliquée comprend deux étapes : la distillation et la déshydratation.
tique entre 25 et 30 % [2]. Les procédés enzymatiques et/ou combi-
nés à des prétraitements physiques, thermiques et/ou chimiques La distillation usuelle permet d’obtenir une concentration en
ont fait ou continuent à faire l’objet de pilotes de démonstration. éthanol de 96 % en masse, voisine de l’azéotrope (97,1 %). Une
Depuis fin 2013, la transition vers le stade commercial de la pro- distillation des vins par une colonne à double effet nécessite
duction d’éthanol lignocellulosique s’est amorcée avec les toutes 114 kg de vapeur/hL d’alcool pur et une consommation d’électricité
premières inaugurations d’installations industrielles de taille de 2 kWh/hL d’alcool pur. Les variantes de combinaison avec la
commerciale en Amérique (États-Unis et Brésil) et en Europe concentration des vinasses non recyclées, l’existence de multiples
(Italie) [4]. En parallèle, les travaux de R&D se poursuivent dans effets et la distillation sous vide partiel permettent encore d’amé-
l’optique de continuer à réduire les coûts des réactifs (enzymes liorer ces consommations énergétiques.
notamment) et d’élargir leurs fonctionnalités vis-à-vis de panels de La déshydratation conduit à l’éthanol anhydre (99,7 % minimum
ressources biomasse plus étendus. en masse, spécification officielle et 99,9 % pour la synthèse de
l’ETBE). Plusieurs techniques sont utilisées à l’échelle industrielle :
2.1.1.3.2 Fermentation – la distillation azéotropique à pression atmosphérique, en
La fermentation traditionnelle des sucres en C6 (hexoses) par la présence de cyclohexane (en général) comme solvant d’entraîne-
levure citée dans le paragraphe 2.1.1.1 reste la voie industrielle ment, accompagnée de recompression mécanique de vapeurs.
principale de production de l’éthanol. De nombreux travaux de D’autres techniques sous vide partiel peuvent être appliquées,
recherche ont abordé des fermentations différentes avec des bac- elles sont à ce jour peu répandues dans les procédés industriels de
téries, d’autres levures, voire même des champignons et la fer- traitement de l’éthanol ;
mentation des sucres en C5 (pentoses). Quelques voies de – le tamisage moléculaire qui consiste à adsorber et désorber
fermentation conjointe de sucres en C5 et C6 semblent intéres- l’eau sur un support tel des zéolites synthétiques, ou des silico-
santes, débouchant sur des démonstrations de procédés [5], mais aluminates métalliques, à structure cristalline tridimensionnelle
elles n’ont pas encore trouvé de concrétisations industrielles per- poreuse. Actuellement, presque toutes les unités industrielles en
mettant de produire de l’éthanol dans des conditions suffisamment exploitation en France utilisent ce procédé pour traiter le bioéthanol.
performantes et compétitives.
Une troisième technique a été appliquée pendant quelque
Au plan industriel, la principale distinction est à opérer entre les temps, mais n’a pas été suffisamment adaptée à l’alcool de bette-
procédés discontinus et les procédés continus de fermentation. raves. Il s’agit de la pervaporation par membrane, très perfor-
Ces derniers (le procédé Speichim et le procédé Biostil) sont plus mante au plan énergétique et qui s’applique à d’autres alcools. Elle
productifs, avec un rendement supérieur de 1 à 6 % aux procédés est rarement utilisée seule, mais plutôt en complément de tamis
discontinus, mais ils sont aussi nettement plus sensibles aux moléculaire pour le prétraitement d’alcools riches en eau. Des
contaminations bactériennes. travaux de R&D se poursuivent pour améliorer ces techniques

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Tableau 2 – Ordres de grandeur de consommations énergétiques spécifiques de la déshydratation


de l’éthanol à 96 % vol. [6]
Membrane de
Consommation d’énergie Distillation azéotropique Tamis moléculaire
pervaporation

55 à 62
Vapeur (kg vapeur/hL d’alcool pur) 105 35 pour les unités les plus 11
performantes

Q Électricité (kWh/hL d’alcool pur) 0,4 0,41 2,9

Données observées sur des unités françaises de production d’éthanol.

Tableau 3 – Production et rendement du bioéthanol [7]

Quantité de matière première Rendement de matière première Rendement en éthanol


Matières premières
(t/t d’éthanol) (t/ha) (t d’éthanol/ha)

Blé 3,24 à 3,53 7,77 2,2 à 2,4

Maïs 2,59 à 2,93 8,8 3 à 3,4

Betterave (1) 11,7 à 12,8 79,4 6,2 à 6,8

Canne à sucre (2) 0,07 87 6,1

Lignocellulose (3) 6,25 10 1,6

(1) valeurs exprimées avec un taux moyen en sucre de 18 % en masse.


(2) valeurs exprimées avec un taux moyen en sucre de 14,5 % en masse.
(3) par prétraitements et hydrolyse enzymatique, la production dépend de la teneur en cellulose qui peut varier de 33 à 50 %.

membranaires (pervaporation, perméation) afin de favoriser leurs


applications industrielles. Tableau 4 – Bilan des flux de matières
et de consommables pour la production de l’ETBE
Le tableau 2 indique les performances énergétiques industrielles avec le procédé de l’IFP
indicatives de trois procédés.
Matières ou énergies Production 1 kg ETBE
utilisées (98,5 %)
2.1.1.3.4 Production et rendement du bioéthanol
Le tableau 3 présente, pour différentes matières premières, les Éthanol (99,7 %) .................. (kg) 0,47
rendements obtenus. Isobutène ............................. (kg) 0,53

Vapeur .................................. (kg) 0,69 à 0,7


2.1.2 Alcool méthylique ou méthanol
Électricité.......................... (kWh) 0,053 à 0,056
Cet alcool figure ici pour mémoire, il est traité au
paragraphe 2.3.3 comme biocarburant liquide de synthèse.
massique moyenne du produit obtenu est de 98,5 % d’ETBE et de
1,5 % d’éthanol.
2.1.3 ETBE (éthyl-tertiobutyl-éther)
Le bilan des flux est présenté dans le tableau 4 [9].
L’ETBE peut être produit industriellement avec différentes
matières premières et différents procédés à partir d’éthanol et La même réaction de production d’ETBE peut être mise en
d’isobutène selon la réaction suivante : œuvre par un procédé chimique (exemple de LyondellBasell à
Fos-sur-Mer) à partir d’isobutène obtenu par une transformation
chimique du butane, transformé en isobutane puis en TBA (ter-
tio-butyl-alcool) déshydraté, selon le schéma détaillé dans le
tableau 5.
L’isobutène est obtenu en raffinerie de pétrole (TOTAL) à partir
de la coupe en C4, par craquage catalytique du naphta ou par cra- 2.1.4 Alcool butylique ou butanol
quage à la vapeur après extraction du butadiène. Le procédé de
l’IFP (Institut français du Pétrole) [8] comprend des réacteurs à lit Le butanol est obtenu par une fermentation anaérobie de nom-
fixe ou à lit expansé et une distillation réactive et assure une breux sucres monomères, appelée acétonobutylique qui produit
conversion de la plupart de l’isobutène (figure 3). La composition du butanol, mais aussi de l’acétone et de l’éthanol en moindre

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RECHERCHE

Biocarburants de seconde
génération et bioraffinerie Q
par François BROUST
Dr, CIRAD PERSYST, Unité Biomasse Energie, Montpellier
Philippe GIRARD
Dr, CIRAD, Kasetsart University, Bangkok, Thaïlande
et Laurent VAN DE STEENE
Dr, CIRAD PERSYST, Unité Biomasse Énergie, Montpellier

Résumé : Le principal atout des biocarburants de seconde génération tient au fait


que leurs procédés d'obtention doivent permettre de convertir l’intégralité de la bio-
masse. La compétition entre usage alimentaire et non alimentaire des produits
agricoles est limitée. La plante complète est valorisée ; à terme, une valorisation de
nombreux résidus et déchets organiques peut même être envisagée y compris pour la
synthèse de nombreux produits chimiques et de molécules plateformes, précurseur de
nombreuses applications chimiques.
Abstract: The main interest to the second generation biofuels is due to the capability
of these technologies to convert the whole biomass into useful energy. This characte-
ristic will reduce the potential competition which may exist between food and non-food
applications of agri-based products. Depending on the technology used, all kind of bio-
mass, including residues and waste could be converted into biofuels as well as
chemicals and platform molecules.
Mots-clés : biomasse lignocellulosique ; biocarburants ; thermochimique ; biochimique ;
bioraffinerie.
Keywords: lignocellulosic biomass; transport biofuel; thermochemical; biochemical;
biorefinery.

Points clés
Domaine : Énergétique
Degré de diffusion de la technologie : Émergence I Croissance I Maturité
Technologies impliquées : gazéification, fermentation, hydrolyse, catalyse
Domaines d’application : carburants liquides et produits chimiques
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité : TENERDIS, DERBI, AXELERA, AGRIMIP, CAPENERGIES,
IAR pour les principaux.
Centres de compétence :
GAYA (AMI ADEME) : biométhane de seconde génération
BioTFuel (AMI ADEME) : production industrielle de biodiesel et biokérosène de
seconde génération par voie thermochimique
FUTUROL (OSEO/IAR) : plateforme de bioéthanol de seconde génération par voie
biologique
Xyloforest (EQUIPEX 2010) : Plateforme d’innovation « Forêt-Bois-Fibre-Bio-
masse du Futur »
GENEPI (EQUIPEX 2012) : Équipement de gazéification pour plateforme inno-
vante dédiée aux énergies nouvelles
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQS

Organismes de recherche : CIRAD, CNRS, CEA, FCBA, IFPEN, IFREMER, INRA,


IRSTEA, Universités, ONF

2-2013 © Editions T.I. RE 110v2 - 1

RS
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RECHERCHE

1. Intérêt des biocarburants Les biocarburants conventionnels comme les huiles


végétales brutes, l’éthanol et les esters d’huiles végétales,
de seconde génération sont dits de première génération dans la mesure où ils sont


déjà disponibles sur le marché et que les techniques de pro-
La demande mondiale en énergie est croissante et très lar- duction ont atteint un niveau de maturité technologique qui ne
gement dépendante des sources d’énergie fossiles. Il est laisse plus espérer que de faibles gains de rendement ou de
admis qu’une part significative de la progression de cette productivité. Ils n’utilisent qu’une fraction mineure de la
demande sur le court et moyen terme concernera le secteur plante : sucre et amidon pour l’éthanol, huiles végétales pour
des transports, notamment en provenance des pays émer- les esters.
gents [1]. Selon la même source, en 2030, ce secteur devrait Par opposition, les biocarburants de seconde génération
être responsable du tiers des émissions mondiales de CO2. ne sont, quant à eux, pas encore disponibles sur le marché et
Cette considération, conjuguée à l’augmentation importante et les technologies de conversion dont ils sont issus en sont
soutenue du prix du pétrole, explique l’intérêt croissant que encore au stade soit de la recherche, soit du pilote industriel.
portent tous les pays, et notamment les pays non producteurs Leur principal atout, qui justifie les programmes de recherche
de pétrole, aux biocarburants. mis en œuvre (encore bien timides au regard des enjeux),
Il existe un nombre important d’options de carburants alter- tient au fait que ces procédés doivent permettre de convertir
natifs pour les transports comme l’illustre la figure 1. Ces l’intégralité de la biomasse et notamment de ses constituants
solutions ont atteint des degrés de maturité divers et certai- lignocellulosiques. La biomasse en effet, dans sa grande majo-
nes d’entre elles font l’objet d’importantes recherches au rité, est constituée de lignine (15 à 20 %), de cellulose (35 à
50 %) et d’hémicellulose (20 à 30 %) plus ou moins intime-
niveau international comme c’est le cas des biocarburants
ment liés. La composition de quelques biomasses lignocellulo-
(aussi appelés agrocarburants dans la mesure où les biocarbu-
siques susceptibles d’être utilisées pour la production de
rants actuellement utilisés sont élaborés à partir de produits
biocarburants est donnée dans le tableau 1.
agricoles). L’objet de cet article est de dresser un rapide état
des lieux des filières technologiques de production des carbu- Si l’usage des biocarburants s’est considérablement accéléré
rants de seconde génération, dont nous préciserons plus loin ces dernières années, leur part relative au niveau de la
la définition, de présenter leurs avantages et les verrous tech- consommation mondiale reste somme toute limitée et ce, pour
nologiques existants afin de dégager les opportunités et les deux raisons essentielles, leur coût tout d’abord, mais surtout
besoins de recherches encore nécessaires pour amener ces pour ce qui constitue indiscutablement le principal inconvé-
nient des biocarburants actuels, une faible productivité rame-
technologies à maturité.
née à l’hectare cultivé. Ainsi, si le nombre de plantes
Les biocarburants sont des produits élaborés à partir de bio- oléagineuses répertoriées dans le monde est de plusieurs cen-
masse ou, plus généralement pour ceux qui sont actuellement taines, moins de dix d’entre elles sont utilisées dans la pro-
commercialisés, de produits agricoles. duction de biocarburant. Il s’agit principalement du colza, du

1 pour première génération, 2 pour seconde génération

Figure 1 – Large gamme de carburants alternatifs aux produits pétroliers (d’après [2])

RE 110v2 - 2 © Editions T.I. 2-2013

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RECHERCHE

Tableau 1 – Composition élémentaire de trois biomasses de référence (d’après [3] [4])


Biomasses Paille (blé) Bois (epicéa) Miscanthus
Carbone (%) 46,0 51,9 47,9
Hydrogène(%) 5,5 6,16 5,5
Oxygène (%) 41,4 41,7 41,0
Azote (%) 1,65 0,12 0,54
Soufre (%) 0,1 0,03 0,11
Chlore (%) 0,15 0,02 0,18
Cellulose (%) 33 41 45
Hémicellulose (%) 23 31 30
Lignine (%) 17 27 21
Matières minérales (%) 5 (5 à 12,8) 0,1 (0,1 à 0,4) 4,8 (1,5 à 4,8)
Pouvoir calorifique (MJ/kJ) 18 400 20 200 19 100

tournesol, du soja, du palme et du coton. Il en est de même 2. Voie biochimique : éthanol


pour la production d’éthanol qui ne concerne que la canne à
sucre, le maïs, le blé, la betterave, le manioc et de quelques cellulosique
autres céréales en complément du blé en Europe.
La voie biochimique désigne la filière de valorisation de la
Pour la majorité de ces plantes, de 50 à 70 % de leur masse biomasse lignocellulosique par hydrolyse puis fermentation. Le
totale n’est pas utilisée ou pas convertie en biocarburant ; produit final principal est l’éthanol dit « cellulosique », en réfé-
seule une fraction des sous-produits trouve une application rence à la fraction majoritairement valorisée de la biomasse. Il
alimentaire (tourteaux de pressage) ou énergétique (électri- est de même nature que le bioéthanol de première génération
cité pour la bagasse de canne à sucre). De plus, pour produit à partir de plantes sucrières ou céréalières telles que
atteindre des niveaux de productivité élevés compatibles le maïs et le blé. Néanmoins, si la filière bioéthanol de pre-
notamment avec la production de carburants, ces cultures mière génération est à un stade avancé de maturité technolo-
sont relativement exigeantes en termes d’intrants (engrais, gique, celle de seconde génération se heurte encore à des
pesticides…), de qualité de sol ou de disponibilité en eau, prin- difficultés techniques et économiques liées à la matière à valo-
cipale limite à leur forte expansion. riser [33] :
– la lignine ne peut pas être fermentée en éthanol. Seules
À l’horizon 2015-2020, deux grandes voies technologiques les fractions cellulosiques et hémicellulosiques sont des sour-
sont susceptibles de valoriser plus ou moins complètement ces ces potentielles de sucres fermentescibles (voir encadré 1),
polymères : la voie biochimique (hydrolyse et fermentation) respectivement d’hexoses (glucose) et de pentoses ;
qui permet la production d’éthanol et la voie thermochimi- – les trois polymères constitutifs de la matière lignocellulosi-
que (thermolyse et synthèse) qui permet la production de que forment une matrice rigide qu’il est nécessaire de prétrai-
méthanol, de biodiesel et de toute une gamme de produit de ter pour rendre cellulose et hémicellulose accessibles à
synthèse. l’hydrolyse.
Toute la biomasse étant potentiellement convertie en carbu- Afin de répondre à ces considérations, le schéma générique
rants, les rendements (GJ/ha) des biocarburants de seconde du procédé de production d’éthanol cellulosique (figure 2) est
génération sont bien supérieurs (de deux à quatre fois la pro- articulé autour de quatre étapes principales :
ductivité par hectare) aux biocarburants de première généra- – prétraitement de la matière première afin d’en libérer la
tion, à l’exception de la canne à sucre ou de l’ester d’huile de fraction hydrolysable ;
palme, s’ils sont produits dans des conditions pédoclimatiques – cassure par hydrolyse des molécules de cellulose et
favorables, comme l’illustre le tableau 2. d’hémicellulose en sucres, respectivement hexoses (glucose)
et pentoses ;
Les caractéristiques et les propriétés physico-chimiques des
– fermentation des sucres en éthanol ;
carburants de substitutions sont déterminantes pour les choix
– séparation de l’éthanol du moût de fermentation, distilla-
technologiques, notamment leur compatibilité pour une utilisa-
tion et séchage afin d’obtenir de l’éthanol anhydre, apte à un
tion en mélange avec les carburants conventionnels ou leur usage comme biocarburant.
compatibilité avec les infrastructures existantes de distribu-
tion. Ces aspects ont conduit au niveau de la filière thermochi- Il existe différentes variantes de ce schéma générique, en
mique à privilégier la synthèse Fischer-Tropsch au détriment fonction des options choisies pour chaque opération unitaire
du méthanol (plus toxique) ou du DME (volatil à température et des flux de chaque constituant. La distillation est une
opération unitaire déjà bien maîtrisée et ne sera pas abor-
ambiante), qui nécessiteraient des adaptations moteurs et des
dée ici.
investissements dans les systèmes de distribution plus impor-
tants. C’est pourquoi, dans les paragraphes qui vont suivre, En revanche, le prétraitement de la biomasse, l’hydrolyse et
nous nous limiterons, au niveau de la filière thermochimique à la fermentation des pentoses sont des étapes clés du procédé,
la seule production de biodiesel par synthèse Fischer-Tropsch. spécifiques à la filière de seconde génération.

2-2013 © Editions T.I. RE 110v2 - 3

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RECHERCHE

Tableau 2 – Productivités comparées des biocarburants de première et seconde générations


(d’après [5] [6] [7] [8])

Q Filière biocarburant
Rendement biomasse Rendement biocarburant
volumique énergétique
(t/ha)
(L/ha) (GJ/ha)
Biodiesel de tournesol 1,5 à 2,4 (gr.) 680 à 1 100 23,4 à 37,2
Biodiesel de soja 2,6 à 3,6 (gr.) 450 à 610 15,8 à 21,4
Biodiesel de colza 1,5 à 3,64 (gr.) 690 à 1 560 23,4 à 52,8
Biodiesel de graine de coton 1,3 à 1,7 (gr.) 260 à 340 9,0 à 11,8
Biodiesel de jatropha 0,8 à 2 (gr.) 240 à 600 8,2 à 20,4
1re Biodiesel de palme 7 à 15 (gr.) 3 500 à 7 500 121,8 à 261,0
Éthanol de blé 6,7 à 8,3 2 510 à 2 990 53,4 à 63,6
Éthanol de maïs 6 à 8,7 2 160 à 3 130 46,0 à 66,6
Éthanol de betterave 56,4 à 84 3 200 à 4 800 68,1 à 102,2
Éthanol de canne à sucre 50 à 85 3 500 à 6 500 74,5 à 138,3
Éthanol de sorgho 92 5 000 106,4
Éthanol de paille de blé 3,2 à 6,0 (ms) 1 200 à 2 270 25,6 à 48,3
Éthanol cultures pérennes 12,3 (ms) 4 060 86,4
2nde Biodiesel FT d’eucalyptus 20 (ms) 3 000 à 5 000 103,2 à 172,0
Méthanol d’eucalyptus 20 (ms) 9 000 à 11 000 140 à 172
DME d’eucalyptus 20 (ms) 10 000 188
gr. : graines ; ms : matières sèches par an ; pour la seconde génération, il s’agit de valeurs estimées.

2.1 Prétraitement
Encadré 1 – Pourquoi la biomasse lignocellulosique
Les procédés de prétraitement visent à séparer les consti-
Par rapport aux produits agricoles, la biomasse cellulosi- tuants intimement liés de la matière lignocellulosique de façon
que est plus abondante et moins coûteuse parce qu’elle à rendre la cellulose accessible à son hydrolyse ultérieure, en
n’entre pas directement en compétition avec les usages diminuant sa cristallinité et en augmentant la surface spécifi-
alimentaires de ces derniers. Il y a donc de nombreux que du matériau. Par action thermique et/ou chimique, la
avantages à privilégier la production de biocarburants à structure de la lignine peut également être détruite et l’hémi-
partir de la biomasse cellulosique : cellulose plus ou moins hydrolysée. On retrouve ainsi la
lignine solubilisée et les produits d’hydrolyse de l’hémicellulose
– une compétition limitée entre usage alimentaire et
dans la phase liquide et la cellulose et les résidus de lignine et
non alimentaire des produits agricoles et sur les terres à
d’hémicellulose dans la phase solide. Les principales contrain-
usage agricole ;
tes de cette étape sont d’éviter la perte ou la dégradation des
– une augmentation potentielle du revenu de l’agriculture
sucres qui conduit à une baisse du rendement et de limiter la
par une valorisation complète de la plante, à la fois sur le
formation de produits inhibiteurs de la fermentation tels que le
grain pour l’alimentaire et le résidu pour le carburant ;
furfural (aldéhyde aromatique de la fermentation C5H4O2)
– un accroissement de la productivité potentielle à l’hec-
tare (valorisation de la plante entière) et donc une amé- ainsi que les rejets comme le glycérol.
lioration du bilan économique ; Il existe de nombreuses technologies de prétraitement qui
– une amélioration du bilan environnemental lié aux présentent chacune leurs avantages et inconvénients et sont à
aspects agronomiques (recours limités aux intrants) et à différents stades de développement [5] [9] [34]. Le choix de
la valorisation complète de la plante à partir de solutions la technologie dépend en général du substrat (paille, bois)
technologiques intégrées qui permettent l’autonomie éner- mais surtout des impacts qu’elle a sur les coûts et performan-
gétique mais aussi la revente d’excédents électriques. La ces des étapes ultérieures d’hydrolyse et de fermentation.
faible maturité des technologies de seconde génération et
Le prétraitement mécanique consiste en un broyage de la
les controverses actuelles sur les méthodologies d’évalua-
matière lignocellulosique en fragments de quelques millimè-
tion ne permettent cependant pas de prendre une position
tres. Il vise essentiellement à augmenter les surfaces accessi-
tranchée à ce niveau ;
bles. Bien que dépendante de la matière première (plus ou
– une opportunité pour l’utilisation de terres marginales
moins fibreuse), l’énergie nécessaire au broyage pour rompre
ou les jachères, avec des plantes moins exigeantes
la structure de la lignocellulose est trop importante pour envi-
(encore que ce dernier point mérite discussion) ;
sager une application industrielle. Le broyage est plutôt utilisé
– une valorisation à terme de nombreux résidus et
comme préparation préalable de la charge à l’étape de prétrai-
déchets organiques tels que les ordures ménagères.
tement proprement dite.

RE 110v2 - 4 © Editions T.I. 2-2013

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INNOVATION

Production de biokérosène
et de biogazole par la voie Q
thermochimique

par Laurent BOURNAY


Ingénieur de l’École nationale supérieure des arts et métiers (ENSAM) et de l’École
nationale supérieure du pétrole et des moteurs (ENSPM)
Chef de projet B-XTL – IFP Énergies nouvelles

Jean-Philippe HERAUD
Ingénieur de l’École supérieure de chimie organique et minérale (ESCOM) et de l’École
nationale supérieure du pétrole et des moteurs (ENSPM)
Chef de projet Fischer-Tropsch – IFP Énergies nouvelles

et Anne-Claire PIERRON
Ingénieur de l’École nationale supérieure des industries chimiques (ENSIC)
Ingénieur de recherche en génie des procédés – IFP Énergies nouvelles

Résumé : La voie thermochimique indirecte permet la transformation de la biomasse


lignocellulosique en biocarburants liquides dits de « deuxième génération ». Cette voie
consiste en une étape de prétraitement de la biomasse qui est ensuite transformée en
gaz de synthèse par oxydation partielle dans un procédé de gazéification. Ce gaz,
mélange de monoxyde de carbone (CO) et de dihydrogène (H2), doit ensuite être
conditionné et purifié afin de permettre la synthèse d’hydrocarbures par la réaction
Fischer-Tropsch. Cette synthèse peut être orientée vers la production de coupes kéro-
sène et gazole lorsqu’un catalyseur à base de cobalt est utilisé. Les effluents
hydrocarbonés sont enfin hydrotraités pour en ajuster les propriétés. Les biocarburants
de synthèse ainsi obtenus sont de très haute qualité. En particulier, ils sont exempts de
soufre et de composés aromatiques et peuvent être incorporés dans le pool de carbu-
rants conventionnels.

Mots-clés : biocarburant, thermochimie, gazéification, BTL, Fischer-Tropsch, gaz de


synthèse

Abstract : Thermochemical pathway is used for obtaining second generation biofuels


from lignocellulosic biomass. The indirect thermochemical route starts with a first stage
of pretreatment of the biomass which is then transformed into synthesis gas by partial
oxidation in a gasification unit. This synthesis gas, mixture of carbon monoxide (CO)
and hydrogen (H2) is then conditioned and cleaned up to reach the specifications for
the Fischer-Tropsch synthesis which leads to the production of liquid hydrocarbons. At
this stage, it is possible to maximize the production of medium distillates by using
cobalt-based catalyst. The last step of this process chain is the upgrading of the hydro-
carbon effluents to adjust the properties. At the end, main products are high quality
kerosene and diesel as these products do not contain sulphur nor aromatics, and are
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQV

readily able to supplement or replace fossil fuels.

Keywords : biofuel, thermochemical, gasification, BTL, Fischer-Tropsch, syngas

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INNOVATION

Points clés
Domaine : Transformation de la biomasse lignocellulosique en carburant de

Q synthèse (Chaîne Biomass To Liquids ou BTL)


Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : Torréfaction, gazéification, réaction du gaz à l’eau
(Water-Gas-Shift), désacidification des gaz, purification, synthèse Fischer-Tropsch
Domaines d’application : Production de biocarburants de deuxième génération
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité :
Centres de compétence : CEA2, IFP Énergies nouvelles
Industriels : Axens, Total, Avril, Air Liquide
Autres acteurs dans le monde : ThyssenKrupp Industrial Solutions, UPM, KIT
(Karlsruhe Institute for Technology) Lurgi, Siemens, Linde (Choren), Chemrec
Contact : www.ifpenergiesnouvelles.fr

1. Introduction et contexte l’essence ou au gazole. Ils se répartissent en deux grandes


familles : l’éthanol, incorporé à l’essence et produit par fer-
1.1 Contexte énergétique mondial mentation du sucre ou à partir d’amidon après hydrolyse, et le
biogazole, incorporé au gazole, qui est fabriqué à partir de
La demande en énergie dans le monde est appelée à croître différentes huiles végétales (colza, tournesol, soja).
de façon durable dans les prochaines décennies, mue par
l’augmentation de la population mondiale et par les besoins Chercheurs et industriels travaillent désormais à la produc-
toujours plus importants de pays en plein développement éco- tion de biocarburants dits de « deuxième génération ». Ces
nomique tels que l’Inde et la Chine. produits sont issus de la transformation de l’intégralité de la
Actuellement, les combustibles fossiles représentent environ plante, en particulier de la lignocellulose, principal consti-
80 % de la fourniture d’énergie primaire (figure 1). tuant de la paroi des végétaux. Cette ressource est disponible
sous diverses formes : bois, paille, résidus forestiers, cultures
Les analyses prospectives réalisées par des organismes spé-
dédiées. Les biocarburants de deuxième génération valorisent
cialisés et les compagnies pétrolières (AIE : Agence internatio-
donc les parties non comestibles de la plante et permettent
nale de l’énergie ; BP : British Petroleum) envisagent toutes à
ainsi de répondre aux besoins croissants en biocarburants
plus ou moins long terme un déficit potentiel au niveau mon-
sans entrer en concurrence directe avec les besoins alimen-
dial entre la demande en produits pétroliers et la production.
taires. La voie biochimique (utilisation d’enzymes) est préférée
L’exploitation récente des gaz de schiste (shale gas) et
pour la production d’éthanol alors que la voie thermochimique
l’augmentation de l’exploitation des huiles de schiste (light
indirecte est privilégiée pour la production de biokérosène et
tight oils) en Amérique du Nord qui devrait passer d’environ
de biogazole [3].
0,9 Mb/j en 2012 à 3,3 Mb/j en 2040 avec un pic de produc-
tion attendu à 5,1 Mb/j en 2020 selon l’AIE (source : World Les offres de biocarburants de première et deuxième géné-
Energy Outlook 2015 [2]) sont susceptibles de repousser les rations sont complémentaires et non concurrentes. En effet, la
échéances mais ne changent pas la tendance à terme. En effet première génération ne pourra satisfaire à elle seule les
selon l’AIE, la demande en produits liquides à l’horizon 2040 besoins dans le futur, particulièrement pour ce qui est des dis-
serait de 103,5 Mb/j, là où la capacité de production de liqui- tillats moyens. En Europe, au-delà d’un seuil d’incorporation
des fossiles serait de 100,4 Mb/j (source : New Policies Scena- de 6 %, les biocarburants de deuxième génération seront un
rio of the World Energy Outlook 2015 [2]). Si la baisse du prix complément avantageux ne nécessitant aucune modification ni
du pétrole observée en 2014 et 2015 a ralenti les projets de du parc automobile, ni des infrastructures de distribution.
conversion de biomasse en carburants de synthèse, les scéna-
rios développés par l’AIE envisagent une augmentation dans De plus les performances environnementales de ces bio-
les prochaines années pour atteindre un prix de 100 $/b en carburants semblent particulièrement intéressantes.
2025, date à laquelle les technologies de conversion de la bio-
masse seront mises sur le marché.
Il apparaît donc clairement qu’une offre complémentaire aux 1.3 Contexte réglementaire
produits pétroliers est nécessaire pour satisfaire la demande
croissante en énergie, tant pour les transports que pour C’est en Europe que les biocarburants de deuxième généra-
l’industrie et la production d’énergie, et ce dans un contexte tion devraient d’abord et logiquement prendre leur essor grâce
de réduction des émissions des gaz à effet de serre (GES). à la mise en place d’une politique incitative basée sur deux
Les biocarburants produits à partir de ressources renouvela- directives :
bles (biomasse) représentent une des réponses possibles à – la directive RED (Renewable Energy Directive) 2009/28/CE
ces défis. du 23 avril 2009 portant sur l’incorporation d’énergies d’origi-
nes renouvelables dans le mix énergétique des États
1.2 Biocarburants membres ;
Différentes générations de biocarburants peuvent être dis- – la directive FQD (Fuel Quality Directive) 2009/30/CE du 23
tinguées. Les biocarburants dits de « première génération » avril 2009 portant sur l’impact en termes d’émission de gaz à
sont d’ores et déjà disponibles à la pompe en mélange à effet de serre des carburants liquides.

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INNOVATION

Consommation mondiale
Million de tonnes équivalent pétrole

14 000 Q
13 000

12 000

11 000

10 000

9 000

8 000

7 000

6 000

5 000

4 000

3 000

2 000

1 000

89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 0

Charbon Hydroélectricité Gaz naturel


Renouvelables Énergie nucléaire Pétrole

Figure 1 – Évolution de la consommation énergétique mondiale (d’après BP Statistical Review of World Energy full report, juin 2015) [1]

La directive RED 2009/28/CE définit un cadre commun d’affectation des terres, le transport et la distribution, la
pour la promotion de la production d’énergie à partir de sour- transformation et la combustion, quel que soit le lieu où ces
ces renouvelables. Elle fixe des objectifs nationaux contrai- émissions sont produites.
gnants concernant la part de l’énergie produite à partir de
Dans le cas des biocarburants, le CO2 dont le carbone est
sources renouvelables dans la consommation finale brute
d’origine végétale et produit par oxydation lors de l’utilisation
d’énergie et la part de l’énergie produite à partir de sources
dans un moteur à combustion interne n’est pas comptabilisé
renouvelables dans la consommation d’énergie pour les trans-
en tant qu’émission de gaz à effet de serre. En effet, ce car-
ports. Ces objectifs sont de 20 % d’énergie produite à partir
bone dit « biogénique » a été au préalable capté par la plante
de sources renouvelables dans la consommation finale brute
lors de sa croissance.
d’énergie et de 10 % d’énergie produite à partir de sources
renouvelables dans la consommation de toutes les formes de La directive FQD 2009/30/CE fixe, pour tous types de
transport en 2020. Par ailleurs, cette directive définit des cri- véhicules routiers ou non, un objectif pour la réduction des
tères de durabilité notamment pour les biocarburants. gaz à effet de serre émis sur l’ensemble du cycle de vie. Les
fournisseurs devraient progressivement réduire, le 31 décem-
Le principal outil pour quantifier ces critères de durabilité
bre 2020 au plus tard, les émissions de gaz à effet de serre
sont les analyses de cycles de vie des produits dont les moda-
générées sur l’ensemble du cycle de vie, au moins de 6 % par
lités sont définies dans les textes réglementaires et font régu-
rapport à la moyenne communautaire des émissions de gaz à
lièrement l’objet de révisions pour en améliorer la pertinence.
effet de serre par unité d’énergie produite à partir de combus-
Les analyses de cycle de vie permettent de quantifier tibles fossiles en 2010, et ce grâce à l’utilisation de biocarbu-
l’impact environnemental des biocarburants en particulier en rants ou de carburants de substitution. Enfin, cette directive
termes d’émission de gaz à effet de serre. D’une façon géné- fixe des cibles pour la performance environnementale des bio-
rale, sont comptabilisées toutes les émissions nettes de CO2 , carburants en les comparant aux émissions de gaz à effet de
de CH4 et de N2O qui peuvent être imputées au carburant. serre de filières de référence produisant des carburants
Cette approche inclut les composants qui y sont mélangés et (essence, kérosène, gazole) à partir de ressources fossiles. La
l’énergie nécessaire à leur production. Le cycle de vie du pro- valeur des émissions de GES attribuée aux filières de
duit recouvre toutes les étapes nécessaires à son obtention, référence à partir de ressources fossiles dépend, notamment,
depuis l’extraction ou la culture, y compris le changement de la qualité du pétrole brut utilisé ainsi que des performances

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INNOVATION

et du rendement des procédés de transformation. Établis être réalisée à l’échelle industrielle. En effet, les composés
spécifiquement sur une zone géographique donnée, par exem- issus de la matière végétale ont une teneur en oxygène éle-
ple l’Europe, ces chiffres représentent une moyenne qui doit vée. Cet oxygène devra être éliminé pour que les produits de


faire l’objet de révisions pour suivre les tendances et évolu- la transformation soient incorporables dans les bases de pro-
tions des conditions de production des carburants : qualité des duits pétroliers. D’autre part, ces composés végétaux contien-
bruts traités, modifications de l’outil de raffinage, provenance nent de nombreux hétéro-éléments qui devront être aussi
et nature des produits pétroliers importés. éliminés du gaz de synthèse pour éviter l’empoisonnement du
La sévérité de ces cibles augmente progressivement dans le catalyseur utilisé pour la synthèse Fischer-Tropsch. La figure 4
temps. Cet échelonnement est également fixé dans la direc- représente un exemple d’enchaînement d’étapes de transfor-
tive. Ainsi, aujourd’hui, la réduction des émissions de gaz à mation constituant une chaîne BTL.
effet de serre résultant de l’utilisation de biocarburants est La figure 4 montre que la voie thermochimique indirecte
d’au moins 35 % par rapport à la référence fossile. À partir du comporte un grand nombre d’étapes unitaires de transforma-
1er janvier 2017, la réduction des émissions de gaz à effet de tion. La mise en œuvre à l’échelle industrielle se fera au tra-
serre résultant de l’utilisation de biocarburants devra être au vers d’une chaîne de procédés présentant des degrés de
moins de 50 % et à partir du 1er janvier 2018 de 60 %, pour complexité et de maturité très différents. En effet, tandis que
les biocarburants produits dans des installations ayant certaines étapes de cette chaîne sont maîtrisées à l’échelle
démarré après le 1er janvier 2017. industrielle sur d’autres types de charge et doivent donc être
La mise à jour de ces textes réglementaires se fait en con- simplement adaptées aux spécificités de la biomasse (gazéifi-
tinu au sein des institutions européennes afin d’encadrer au cation), d’autres étapes nécessitent le développement de
mieux un marché en pleine évolution et tenir compte des technologies (torréfaction).
avancées technologiques. Ainsi, les principaux défis technologiques de la voie thermo-
Ainsi la prise en compte du changement indirect d’affecta- chimique indirecte concernent les étapes de prétraitement de
tion des sols (iLUC indirect Land Use Change) est en cours de la biomasse, de la production de gaz de synthèse et de la
discussion. L’objectif est ici de considérer l’influence sur l’envi- purification de celui-ci.
ronnement du changement d’affectation des terres lié à la Le prétraitement a pour objectif de transformer la bio-
production de biocarburant non pas de façon locale à l’échelle masse brute de façon à permettre son injection dans l’étape
du champ (dLUC direct Land Use Change) mais de façon glo- de gazéification. Plusieurs options sont possibles, parmi elles,
bale en évaluant le déplacement des cultures d’une région les deux principales sont la voie dite « sèche » et l’autre dite
géographique à une autre. « en slurry ».
La préparation sèche de la biomasse comporte deux éta-
1.4 Performances environnementales pes, une étape de broyage et une étape de torréfaction.
L’enjeu de ce prétraitement est de produire une poudre de
La figure 2 compare les bilans gaz à effet de serre du puits particules lignocellulosiques adaptée à la fluidisation et au
à la roue des filières biocarburants de première et de transport pneumatique, tout en minimisant les pertes de
deuxième générations. matière liées au traitement thermique. Il n’existe pas, à ce
Les barres verticales positionnent les cibles réglementaires jour, de four de torréfaction industriel permettant de traiter
pour la performance environnementale des biocarburants. Par les débits de biomasse envisagés pour cette application. Cette
rapport aux carburants d’origine fossile, les émissions de CO2 technologie fait actuellement l’objet de nombreux efforts de
des biocarburants de deuxième génération du type de ceux recherche et développement.
produits par la voie thermochimique indirecte seront réduites La voie slurry implique une étape de pyrolyse produisant,
de l’ordre de 90 % selon la directive européenne 2009/30/CE en plus d’un gaz combustible, une fraction liquide et une frac-
respectant ainsi largement les objectifs réglementaires les tion solide qui sont ensuite envoyées à l’étape de gazéifica-
plus contraignants (60 % de réduction). tion. Le liquide obtenu a des propriétés (viscosité,
polymérisation, corrosivité) qui rendent sa mise en œuvre
délicate. Cette phase liquide qui contient de fines particules
2. Description de la technologie solides en suspension (slurry) se révèle particulièrement éro-
sive, entraînant une usure très rapide des conduites et des
Dans le contexte décrit précédemment de croissance de la buses d’injection dans les brûleurs. Ces difficultés représen-
demande en énergie couplée à des incitations fortes de réduc- tent autant de défis à résoudre pour une mise en œuvre
tion des émissions de gaz à effet de serre, des programmes industrielle économique et fiable. Ils font également l’objet de
de recherche sur la production de biocarburants à partir de nombreux efforts de recherche et développement.
matière renouvelable ont été initiés. Pour pallier les inconvé- Les principaux défis de l’étape de gazéification sont :
nients de la première génération (disponibilité limitée et com-
– la gazéification de la biomasse à l’aide d’oxygène pur pour
pétition avec la filière alimentaire), le développement de la
limiter la teneur en gaz inertes (notamment l’azote) dans le
deuxième génération de biocarburants est basé sur l’utilisation
gaz de synthèse et également faciliter le captage du dioxyde
de la fraction lignocellulosique de la plante. Parmi les deux
de carbone ;
principales voies de production actuellement étudiées
(figure 3), la transformation de biomasse en carburants, – l’alimentation en continu du réacteur de gazéification ;
notamment gazole, par la voie thermochimique indirecte – la réduction des goudrons formés au cours des réactions ;
(communément appelée « chaîne BTL ») se caractérise princi- – la disponibilité de l’unité pour maintenir une marche conti-
palement par la mise en œuvre d’une étape de gazéification nue de la chaîne de production de biocarburants.
puis d’une synthèse Fischer-Tropsch. La purification du gaz de synthèse est également une
Si cette voie est une réalité à l’échelle industrielle à partir étape clé de la production de biocarburants de deuxième
de charbon et de gaz naturel notamment en Afrique du Sud et génération. Les objectifs de cette étape de purification sont :
au Qatar, la mise en œuvre de biomasse nécessite néanmoins – d’éliminer les particules pour éviter le bouchage des sections
un programme de développement important avant de pouvoir situées en aval ;

IN 303 - 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés 7 - 2016

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INNOVATION

Bilan GES du puits à la roue des filières biocarburants existantes


Source : directive 2009/28/CE du 23.04.2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite
à partir de sources renouvelables (valeurs types détaillées)

Culture de la ressource Étapes de transport (ressource et carburant) Conversion



BIOGAZ - Fumier sec, utilisé comme GNC
Gain min Gain min Gain min
BIOGAZ - OM, utilisé comme GNC = 60 % * = 50 % * = 35 % *

HVO - Palme (piéageage du méthane)

EMHV - Huile végétale ou animale usagée

EMHV - Palme (piéageage du méthane)

EMHV - Soja

EMHV - Tournesol

EMHV - Colza

ÉTHANOL - Canne à sucre

ÉTHANOL - Maïs UE (GN et cogénération)

ÉTHANOL - Blé (GN et cogénération)

ÉTHANOL - Betterave

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55
gCO2eq/MJ de carburant
* Par rapport aux références fossiles essence et gazole
conventionnels pour lesquels le bilan GES est de 83,8 gCO2eq/MJ

Bilan GES du puits à la roue des filières biocarburants du futur


Source : directive 2009/28/CE du 23.04.2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite
à partir de sources renouvelables (valeurs types détaillées)
Culture de la ressource Étapes de transport (ressource et carburant) Conversion

Méthanol - Bois cultivé (TCR)


Gain min Gain min Gain min
= 60 % * = 50 % * = 35 % *
Méthanol - Déchets de bois

DME - Bois cultivé (TCR)

DME - Déchets de bois

Gazole FT - Bois cultivé (TCR)

Gazole FT - Déchets de bois

ÉTHANOL - Bois cultivé (TCR)

ÉTHANOL - Déchets de bois

ÉTHANOL - Paille de blé

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55
* Par rapport aux références fossiles essence et gazole gCO2eq/MJ de carburant
conventionnels pour lesquels le bilan GES est de 83,8 gCO2eq/M J

Figure 2 – Bilan des gaz à effet de serre du puits à la roue des filières de biocarburants actuelles et futures

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Purification de biogaz
Élimination des COV et des siloxanes

par Benoît BOULINGUIEZ
Docteur, Ingénieur de l’École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR)
Ingénieur Recherche en génie des procédés appliqués à l’environnement
et Pierre LE CLOIREC
Professeur, Directeur
École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR)

1. Biogaz – Éléments de contexte............................................................. BE 8 560 - 2


1.1 Définition ...................................................................................................... — 2
1.2 Production en Europe .................................................................................. — 3
1.3 Flux et qualité des biogaz ............................................................................ — 4
1.4 Filières de purification selon les voies d’applications .............................. — 7
2. Problématique des COV et siloxanes dans les biogaz ................... — 11
2.1 Concentrations et flux spécifiques ............................................................. — 11
2.2 Impacts et nuisances des COV et siloxanes sur les équipements ........... — 13
3. Procédés unitaires de purification de biogaz .................................. — 14
3.1 Procédés de séparation ............................................................................... — 15
3.2 Procédés de transferts : absorption et adsorption .................................... — 16
3.3 Procédés destructifs – Transferts puis oxydation ..................................... — 18
3.4 Critères de choix d’un procédé ................................................................... — 19
4. Conclusions – perspectives ................................................................... — 19
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 560

ans une période particulièrement propice au développement des énergies


D alternatives aux ressources fossiles, la perspective d’intégration des
biogaz dans le paysage énergétique français est d’un intérêt certain d’un point
de vue politique, économique et environnemental. En effet, la valorisation des
résidus organiques domestiques, industriels et agricoles ou le traitement des
eaux usées satisfont aux notions de développement durable et d’énergie
renouvelable, clairement explicitées dans les récents engagements et accords
internationaux. L’impact environnemental de la mise en œuvre de filières de
valorisation de biogaz résulte en une diminution conséquente des gaz à effet
de serre rejetés. L’impact sur l’effet de serre du méthane étant 20 à 25 fois plus
grand que celui du dioxyde de carbone, il est préférable de valoriser le premier
par combustion plutôt que de le rejeter à l’atmosphère. Les récentes fluctua-
tions des coûts liés à l’importation d’énergies fossiles ont également influencé
favorablement le regain d’intérêt économique pour la production d’énergie à
partir de biogaz, qu’elle soit directement sous la forme de gaz à haute pureté
en méthane ou sous forme d’électricité.
Néanmoins, l’intégration optimale de cette ressource dans les réseaux
d’énergie existants n’est pas sans défis techniques. La déshumidification du gaz
et l’abaissement de la teneur en sulfure d’hydrogène représentent deux étapes
clés de la filière de traitement de biogaz. Cependant, les recherches de ces dix
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQQ

dernières années sur le sujet ont mis en exergue la pression exercée par les
composés organiques volatils COV, présents dans les biogaz, sur la conduite des

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PURIFICATION DE BIOGAZ ____________________________________________________________________________________________________________

installations d’exploitation énergétique. En effet, quelle que soit la filière de


—valorisation retenue, la présence de ces composés à des concentrations de
l’ordre du ppm constitue un risque de dégradation prématurée des installations,
ainsi qu’une dépréciation des rendements de valorisation énergétique du biogaz.
Dans ce dossier, sont abordés successivement :
– les notions clés liées aux biogaz, en définissant une classification des

Q biogaz, leur qualité et les voies d’application qui en découlent ;


– les composés organiques volatils et les siloxanes présents dans les biogaz,
de leur présence à leur conséquence sur la filière ;
– les divers procédés de traitement de gaz pouvant être mis en œuvre afin
de répondre aux demandes spécifiques de l’épuration d’un biogaz brut, les
—critères technologiques de choix du procédé en fonction des caractéristiques
du biogaz et des voies de valorisation possibles ;
– une discussion sur les perspectives en matière de filière de traitement de
biogaz.

organiques volatils COV [2] [J 3 928] [G 1 835] qui, pour certains


Acronymes pénalisent lourdement sa valorisation, paradoxalement à de faibles
concentrations inférieures à 1 % de la composition totale [3] [4] [5]
AGRO substrats agricoles et agro-industriels [6] [7] [8] [9]. En vue d’une valorisation énergétique, il est donc pré-
COV composés organiques volatils férable d’épurer un biogaz, bien que celui-ci soit inflammable à des
taux de méthane supérieurs à 45 %. La comparaison, dans le
CSDU centre de stockage de déchets ultimes
tableau 1, des propriétés calorifiques d’un biogaz brut, c’est-à-dire
MS matières sèches non épuré, avec le gaz naturel souligne l’intérêt de l’épuration d’un
MVS matières volatiles sèches biogaz. De plus, tout ou partie des composés traces est néfaste pour
l’équipement ou incompatible avec la valorisation ciblée.
PSA Pressure Swing Adsorption
STEP station d’épuration d’eaux usées
tep tonne équivalent pétrole Les résultats de la composition d’un biogaz brut, présentés
dans le tableau 1, mettent en avant les disparités de composition
TSA Thermal Swing Adsorption
qui existent d’un biogaz à l’autre. Celles-ci sont dues en majeure
partie à la variabilité entre les substrats organiques.

1. Biogaz – éléments
de contexte Tableau 1 – Comparatif et compositions
moyennes du gaz naturel et d’un biogaz type
1.1 Définition
Gaz Biogaz
Caractéristiques
naturel brut
Le biogaz est produit par la réaction dite de méthanisation
ou digestion anaérobie, d’un substrat organique (déchets CH4 ....................................... (%vol.) 81 à 97 47 à 75
ménagers ou industriels, boues de traitement des eaux, pro-
CO2 ....................................... (%vol.) 1 20 à 55
duits agricoles).
N2 ......................................... (%vol.) <1 <5
Celui-ci, constitué de protéines, lipides et glucides, est O2 ......................................... (%vol.) <3 <2
décomposé par un processus biologique segmenté en quatre
étapes réactionnelles en chaîne : NH3 ....................................... (%vol.) – <1
– l’hydrolyse ;
– l’acidogénèse ; H2S ...............................(mg · Nm–3) 5 200 à 10 000
– l’acétogénèse ;
Soufre total..................(mg · Nm–3) 30 200 à 10 000
– la méthanogénèse.
La production de méthane se déroule durant la dernière étape. COV ..............................(mg · Nm–3) < 300 1 000 à 3 000
Chacune d’entre elles fait appel à des populations microbiennes diffé-
rentes, agissant en symbiose au sein d’un consortium bactérien [1]. Indice calorifique ........ (kWh · m–3) 11,7 5à8

Nota : pour de plus amples informations sur les aspects microbiologiques et Indice de Wobbe......... (kWh · m–3) 14 6,5 à 7,5
réactionnels de la digestion anaérobie, se reporter au dossier Méthanisation de la
biomasse [BIO 5 100]. Équivalent pétrole.......... (L · Nm–3) 1,08 0,6 à 0,65
Les deux constituants largement majoritaires des biogaz sont Densité/air........................................ 0,57 0,95
le méthane CH4 (entre 45 et 75 % en volume) et le dioxyde de
carbone CO2 (entre 20 et 55 % en volume). D’autres constituants Humidité relative ...................... (%) 60 100
prennent part à la composition d’un biogaz, tels que le sulfure
d’hydrogène, la vapeur d’eau, l’ammoniac ou encore l’hydrogène. Le type de substrat organique influe sur les quantités produites de
Cependant, les biogaz contiennent également des composés composés.

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EU(27)

FI


36,7
EE
4,2
SE
DK LV
27,2
LT
UK 2,5
97,9 5 901,2
IE
NL
33,5 DE PL

174,0
1 624,2 BE 62,6

LU
78,6 CZ
10 78,5 SK
FR 2 383,1 AT 8,6 HU

139,1
1 20,2 RO
IT SI
S
309,2 11,9

BG
ES 406,2

PT GR
15,4 329,9
47,8

CY
0,2
MT

biogaz de décharges – centres d’enfouissement techniques


biogaz de stations d’épuration
autre biogaz (unités décentralisées de biogaz agricole).
Les chiffres soulignés indiquent la production totale en ktep

Figure 1 – Production d’énergie primaire de biogaz de l’Union européenne en 2007

1.2 Production en Europe concis de trois modèles technico-économiques en Europe est


présenté.
Le bilan de la production de biogaz est relativement contrasté en
Europe comme le montre la figure 1. Elle représente la cartogra- 1.2.1 Modèle allemand : diversité des installations
phie de la production d’énergie primaire de biogaz dans l’Union
européenne [10]. Les bases de la stratégie germanique reposent sur l’augmen-
À travers l’Europe, différents modèles technico-économiques ou tation, dans les années 1980, des prix de rachat de l’électricité pro-
stratégiques de production de biogaz sont mis en œuvre, en duite par combustion du biogaz pour les faire correspondre aux
fonction de la source de matière organique principalement exploi- coûts de production. Par conséquent, un grand nombre d’installa-
tée, mais également en fonction du procédé de valorisation majo- tions de petites dimensions en zone rurale se sont développées
ritairement employé. Le classement de la production d’énergie afin de faire face aux difficultés économiques rencontrées par
primaire biogaz ramenée au nombre d’habitants met en avant la l’agriculture à cette période [13]. À la fin des années 1990, un
position dominante des pays d’Europe du nord [10] [11] [12]. second volet de cette stratégie a conduit les producteurs de biogaz
à augmenter leur production en additionnant à leurs substrats des
Selon le classement présenté dans le tableau 2, la France est en déchets agroalimentaires, bénéficiant alors de revenus supplémen-
14e position. L’Allemagne et le Royaume-Uni occupent les premiè- taires par la redevance du traitement, facturée aux producteurs de
res places du classement. Néanmoins, la France présente le poten- déchets. La dernière mesure prise en faveur du développement du
tiel le plus important d’Europe en termes de ressources. biogaz date de 2004, avec l’autorisation d’adjonction de cultures
dédiées (maïs, céréales, colza...) dans les substrats.
De 2008 à 2010, 82 projets d’exploitation de biogaz ont été promus De ces différentes étapes, il résulte un paysage allemand regrou-
dans le cadre du Plan de Performance Énergétique en France. pant un grand nombre de petites exploitations agricoles vieillis-
santes et un faible nombre d’exploitations à forte puissance
Afin de mieux appréhender les disparités qui existent en termes d’environ 30 MW, alimentées pour tout ou partie de cultures
de production d’énergie primaire à partir du biogaz, un descriptif dédiées.

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SU
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basé sur un quota minimum obligatoire d’énergie renouvelable


Tableau 2 – Production d’énergie primaire biogaz dans le parc d’approvisionnement d’un fournisseur national.
en 2007 par habitant
Production En 2009, les fournisseurs d’énergie devaient justifier une part
Pays d’énergie renouvelable à hauteur de 9,1 % dans leur portefeuille
(tep)
d’approvisionnement [12]. Si ce ratio n’était pas atteint, une pénalité
Allemagne 29 000 équivalente à 41 € pour chaque mégawatt-heure manquant était


appliquée.
Royaume-Uni 26 000
Luxembourg 21 000 Ce système répressif a induit une réponse prompte de la part
des fournisseurs d’énergie, qui se sont tournés vers la source et
Danemark 18 000 les installations susceptibles de fournir le plus rapidement possible
des quantités de biogaz conséquentes : les déchetteries. En 2010,
Autriche 16 800
les modifications apportées aux « Renewable Obligation
Pays-Bas 10 600 Certificates » indiquent la volonté de soutenir le développement du
biogaz à partir des sources agricoles et des stations d’épuration.
Irlande 7 800
République Tchèque 7 600 1.2.4 Situation française
Belgique 7 400 Dans les années 1980, la France suit le mouvement de dévelop-
pement du biogaz mais stoppe brutalement ses recherches après
Espagne 7 400 le contre-choc pétrolier. Dès lors, un retard conséquent s’accu-
mule, en dépit du plus grand potentiel de ressource en
Finlande 6 900
Europe [10].
Italie 6 900 En 2006, la révision à la hausse des tarifs de rachat de l’électri-
cité ne génère pas la relance espérée par les autorités. Néanmoins,
Slovénie 5 900
il apparaît que les projets de biogaz se développent à partir des
France 4 900 sources agricoles et agroalimentaires [11]. En 2008, environ 200
projets de méthanisation (en fonctionnement ou en étude) sont
Grèce 4 300 recensés en France [20]. Tous les sites ont opté pour la cogéné-
ration d’électricité et de chaleur, sauf deux unités qui envisagent
l’injection du biogaz sur le réseau de gaz naturel. L’étude appro-
fondie sur un panel de 50 sites met en avant l’influence prépondé-
Selon le Ministère de l’Environnement Allemand, en 2007, rante du prix de rachat de l’électricité sur la viabilité économique
1 143 × 106 t de CO2 ont été économisées grâce aux systèmes de des projets.
génération d’énergies à partir de biogaz, lesquels assurent une capa-
cité de 1 100 MW en 2010 [14]. Exemple : sur ces 50 sites étudiés, une augmentation de 30 % du
prix de rachat de l’électricité multiplierait par quatre le nombre de pro-
jets rentables. Le doublement de la redevance sur le traitement des
1.2.2 Modèle danois : centralisation déchets aurait la même conséquence. Pour de plus ample informa-
de la production tion, le lecteur est invité à se reporter au rapport économique complet
de l’ADEME de 2010 [20].
A contrario du modèle allemand, le modèle danois initié à la
même période est qualifié de centralisé [15]. Les producteurs agri- La filière de production de biogaz en France et en Europe est
coles s’associent et regroupent leurs rejets afin d’optimiser les res- amenée à croître dans les années futures, quelle que soit la res-
sources digestives [16]. De cette tendance va naître le principe de source ou la valorisation considérée ; la croissance actuelle n’étant
codigestion : mélange de substrats d’origines différentes. Soute- pas assez soutenue pour atteindre les objectifs du Livre Blanc de la
nus par les autorités dans les années 1980, les projets collectifs de Commission européenne fixés à 15 Mtep pour 2010 [10].
grandes dimensions se multiplient. Les économies d’échelles réali-
sées selon ce modèle contrebalancent les frais logistiques liés à la
collecte des substrats.
1.3 Flux et qualité des biogaz
La valorisation majoritairement employée ne se limite pas uni-
quement à l’électricité mais également à la chaleur produite par
cogénération. L’énergie générée sous forme de chaleur est directe-
1.3.1 Aspects théoriques sur la composition
ment distribuée dans les réseaux de chaleur municipaux, très den- d’un biogaz
ses au Danemark, 60 % des habitations individuelles y sont Selon l’équation de Buswell (1930), le rendement théorique de
connectées [17]. production de méthane peut être estimé à partir de la composition
élémentaire de base d’un substrat, en supposant la réaction totale,
sans formation de sous-produits :
1.2.3 Modèle britannique : pression et répression
Alors que les deux modèles présentés précédemment se diffé- CcHhOoNnSs + y H2O → x CH4 + z CO2 + nNH3 + s H2S
rencient par leur organisation, le développement du modèle bri-
tannique se distingue dans les années 1980 par l’utilisation x = 1/ 8 (4c + h − 2o − 3n − 2s)
massive d’une seule source de substrat : la partie organique des
déchets solides ménagers et industriels, non exploitée par les y = 1/4 (4c − h − 2o + 3n + 3s)
autres modèles à cette époque. Cette production de biogaz est
soutenue par le système des certificats verts britanniques 1
z = (4c + h − 2o − 3n − 2s)
« Renewable Obligation Certificates » [18] [19]. Ce système est 8

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Dans la pratique, cette équation est rarement utilisée en Tableau 3 – Composition de biogaz
raison de la complexité à définir élémentairement et pertinem- en fonction du type de substrat
ment un substrat réel et de l’instabilité du procédé de métha-
nisation dans sa globalité (dissolution du dioxyde de carbone, Caractéristiques CSDU STEP AGRO
inhibition due au pH, mise en œuvre...).
CH4 ................................... (%vol.) 65 à 75 45 à 75 40 à 55


La complexité et le nombre de réactions mises en jeu dans le CO2 ................................... (%vol.) 20 à 35 20 à 55 25 à 30
procédé biologique de production de biogaz rendent difficile une
approche globale et une modélisation des phénomènes et donc N2 ..................................... (%vol.) 0à5 0à5 10
des bioréacteurs. Cela favorise l’accumulation de données expéri-
mentales et empiriques en fonction des types de substrats utilisés O2 ..................................... (%vol.) <1 <1 1à5
et des conditions de mise en œuvre.
NH3................................... (%vol.) traces <1 traces
La maîtrise de la conduite du procédé biologique reste délicate
en raison de l’intégration des divers paramètres : type de substrat, H2S ........................... (mg · Nm–3) < 4 000 < 10 000 < 3 000
pH, température, mise en œuvre et charge organique entrante.
COV .......................... (mg · Nm–3) < 2 500 < 1 500 < 2 500
Nota : pour de plus amples informations, se reporter au dossier Méthanisation de la
biomasse [BIO 5 100]. Indice calorifique .....(kWh · m–3) 6,6 5,5 5,0
à 8,2 à 8,2 à 6,1

1.3.2 Aspects pratiques sur la composition Indice de Wobbe......(kWh · m–3) 7,3 6,8 6,7
d’un biogaz Équivalent pétrole ......(L · Nm–3) 0,6 0,6 0,6
à 0,65 à 0,65 à 0,65
Les constituants présents dans un biogaz dépendent essentiel-
lement de la composition du substrat et non du procédé de pro- Densité/air ................................... 0,9 0,9 1,1
duction appliqué [6] [21]. Dès lors, il devient pertinent afin
d’appréhender la composition des biogaz de segmenter les subs- Humidité relative ...................(%) 100 100 100
trats en fonction de leur origine.

La classification suivante est habituellement utilisée :


Tableau 4 – Caractéristiques de déchets ménagers
– déchets ménagers et industriels provenant des centres de
stockage de déchets ultimes (CSDU) ; Ratio MS MVS
– boues issues du traitement des eaux urbaines domestiques Composés
(%) (%) (%)
et industrielles dans les stations d’épuration des eaux usées
(STEP) ; Assimilables
– produits agricoles et de l’industrie agroalimentaire (AGRO). (production de biomasse)

putrescibles 33,0 44 77
Cette segmentation arbitraire est utilisée pour dégager les ten-
dances entre les biogaz provenant de ces substrats. Un comparatif papiers 11,7 68 80
de la composition des biogaz en fonction des principaux types de
substrats est présenté dans le tableau 3. La production de biogaz cartons 12,0 70 80
en fonction de cette segmentation est discutée dans les
paragraphes suivants. complexes (briques alimentaires) 8,5 70 60

textiles 4,2 74 92
1.3.2.1 Centre de stockage de déchets ultimes – CSDU
déchets verts 4,5 50 79
L’enfouissement contrôlé des déchets ménagers et industriels
Non assimilables
banaux dans des centres de stockage des déchets ultimes (CSDU)
est une des voies de production possible de biogaz. Parmi ces rési- plastiques 4,9 85 90
dus sont présents des déchets qualifiés d’assimilables : le papier,
le carton, les matières organiques d’origine animale ou végétale et combustibles divers 1,6 85 75
les déchets verts. Une caractérisation typique de la composition
des résidus déposés dans des CSDU est listée dans le verres 5,4 98 2
tableau 4 [21] [22].
métaux 3,7 90 1

La part des déchets assimilables fermentescibles représente incombustibles divers 9,5 90 1


seulement 30 à 45 % des déchets solides totaux, soit une
masse comprise entre 50 et 100 kg · an–1 · hab–1 [21]. Les déchets spéciaux 2,0 90 1
valeurs indicatives de rendement de production de biogaz
Les ratios sont exprimés en masses.
pour les déchets alimentaires oscillent entre 40 et 320 m3 · t–1 MS taux massique de matière sèche obtenue après séchage de la matière
de déchets traités. Dans le cas de déchets non traités, ces à 105 °C.
valeurs sont abaissées à 20 et 220 m3 · t–1 de déchets MVS taux massique de matière sèche volatile obtenue par évaporation de
bruts [23]. la matière sèche sous traitement thermique à 550 °C.

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Gazéification de biomasse en eau


supercritique
par Olivier BOUTIN

Ingénieur École nationale supérieure des Industries chimiques,
Docteur en Génie des procédés
Ingénieur-chercheur au Commissariat à l’Énergie Atomique
et aux Énergies Alternatives (CEA Marcoule)
Jean-Christophe RUIZ
Ingénieur-chercheur au Commissariat à l’Énergie Atomique
et aux Énergies Alternatives (CEA Marcoule)
Responsable du projet Eau supercritique au sein du laboratoire
des Procédés supercritiques et de Décontamination.

1. Procédés de valorisation thermochimique de la biomasse......... J 7 010 - 2


2. L’eau supercritique ................................................................................. — 2
2.1 Propriétés de l’eau supercritique.............................................................. — 2
2.2 Solubilité des liquides, des sels et des gaz dans l’eau supercritique ..... — 4
2.3 Contraintes imposées par les procédés en eau supercritique ................ — 5
3. Généralités sur la gazéification en eau supercritique .................. — 5
3.1 Les différentes biomasses concernées ..................................................... — 5
3.2 Principe de la gazéification en eau supercritique..................................... — 6
3.3 Premières réactions de décomposition..................................................... — 6
3.4 Réactions entre les gaz formés .................................................................. — 7
3.5 Influence des paramètres opératoires....................................................... — 7
3.6 Influence des catalyseurs ........................................................................... — 8
4. Technologies de gazéification en eau supercritique .................... — 8
4.1 Matériaux et problèmes de corrosion ....................................................... — 8
4.2 Spécificités des conditions de pression et de température..................... — 9
4.3 Exemples de réacteurs développés........................................................... — 10
4.4 Exemples d’applications............................................................................. — 12
5. Conclusion................................................................................................. — 13
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. J 7 010

a valorisation de la biomasse est au cœur des interrogations sur les res-


L sources énergétiques au cours du XXIe siècle. Elle en est un des enjeux
majeurs. Le terme biomasse regroupe des significations très diverses, depuis
une biomasse noble destinée à l’alimentation, comme les céréales, jusqu’à des
biomasses assimilables à des déchets comme les vinasses issues de la fabrica-
tion de betterave ou les boues biologiques de station d’épuration. Dans le cas
des biomasses humides un procédé de valorisation d’intérêt est la gazéifica-
tion en eau supercritique. Ce procédé permet d’éviter une étape de séchage et,
moyennant des conditions de pression et de température adéquates, la pro-
duction d’un gaz énergétique pouvant contenir de l’hydrogène, du méthane,
du monoxyde de carbone et/ou des hydrocarbures légers. L’intérêt suscité par
ce procédé est donc à situer dans la problématique globale de l’accès à une
énergie d’origine non fossile ainsi que dans la problématique des gaz à effet
de serre, l’utilisation de biomasse s’insérant dans un cycle court du carbone.
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GAZÉIFICATION DE BIOMASSE EN EAU SUPERCRITIQUE ____________________________________________________________________________________

La gazéification en eau supercritique s’adresse plus particulièrement à des bio-


masses très humides (plus de 70 % d’humidité) qu’il n’est donc pas nécessaire
de sécher au préalable. Les températures de réaction sont relativement basses
(maximum de 700 °C), comparées aux procédés de gazéification en voie clas-
sique ou sèche (typiquement 900 °C). Cela limite la production de gaz
polluants, type dioxines ou NOx. De même, le milieu aqueux de solvatation
permet de limiter la formation de solides et de goudrons. Les gaz visés sont

Q l’hydrogène principalement, mais également un mélange hydrogène et


monoxyde de carbone (mélange pour la synthèse Fisher Tropsch), ou la pro-
duction de méthane. L’influence des conditions opératoires principales sur la
nature et les rendements de conversion sera détaillée dans cet article (pression,
température, concentration initiale de la biomasse, présence ou non de cataly-
seurs). Le développement industriel de ce procédé n’étant pas réalisé à ce jour,
les pilotes de laboratoire les plus importants (jusqu’à 100 kg.h-1) seront
présentés.

1. Procédés de valorisation d’épuration. Dans ce dernier cas, la teneur en eau est supérieure à
90 %, voire 95 % en masse. Ainsi, dans le cadre du procédé de
thermochimique gazéification en eau supercritique, tous les types de biomasse peu-
vent être traités en théorie, il suffit de rajouter de l’eau pour obtenir
de la biomasse des concentrations en matière organique qui permettent le traite-
ment. En opposition, la gazéification classique peut nécessiter un
séchage qui a un cout énergétique important. Il serait cependant
La valorisation thermochimique de la biomasse consiste à porter hasardeux de donner une teneur en eau limite pour ségréger les
à de hautes températures une biomasse dans une atmosphère non différents procédés, même si des teneurs de 70 à 80 % sont souvent
oxydante (ou en sous stœchiométrie dans le cas d’une oxydation proposées dans la littérature. C’est en général une étude technico-
partielle). Schématiquement, trois types de procédé de valorisation économique de chaque procédé, voire plutôt de chaque filière plus
thermochimique de la biomasse sont développés à des pressions globalement, qui permet de déterminer la voie de valorisation la
proches de l’ambiante. Pour un chauffage lent, une pyrolyse lente plus intéressante. En termes d’objectifs, très souvent, la gazéifica-
est obtenue, qui conduit principalement à la formation de charbon. tion en eau supercritique vise la production d’hydrogène. Mais il est
Pour des vitesses de chauffage plus rapides, une pyrolyse rapide également possible de produire des mélanges de monoxyde de car-
est effectuée, qui conduit principalement à la formation d’une bone et d’hydrogène, ou du méthane. Cela dépend des conditions
biohuile [G1455] [BE8535]. Notons que dans tous les cas, trois pha- de pression, de température, et de la durée du traitement.
ses sont obtenues (solide, liquide et gaz), les phases solide et
liquide étant minoritaires. La pyrolyse est faite en atmosphère Cet article présente le procédé de gazéification en eau supercriti-
inerte, azote par exemple. Pour des températures plus élevées, au- que, à savoir les points clés nécessaires à la compréhension du
delà de 1 000 °C parfois, la dégradation se poursuit jusqu’à l’obten- fonctionnement de ce procédé, les différentes réactions mises en
tion de gaz. Ce procédé est une gazéification, qui peut se faire en jeu, des exemples de biomasses dont la potentialité a été testée et
présence d’un gaz oxydant doux comme le dioxyde de carbone ou les différents réacteurs en cours de développement.
la vapeur d’eau [BE8565] [BE8535] [RE110] [J5200] ou par oxyda-
tion partielle à l’oxygène [G1455].
Il est également possible de transposer ces procédés en milieux
aqueux hautes pressions, pour des températures en général infé- 2. L’eau supercritique
rieures aux procédés classiques. La limite qui est faite dans ces
procédés correspond à la température critique de l’eau pure qui
est de 374 °C. Ainsi, pour des températures inférieures à 350 °C et 2.1 Propriétés de l’eau supercritique
des pressions allant jusqu’à 20 MPa, dans de l’eau sans oxydant,
on s’intéresse à un procédé dit de liquéfaction de biomasse, qui Dans le diagramme (pression, température) d’un corps pur, la
produit principalement une biohuile et peu de solides et de gaz ligne de coexistence des phases gaz et liquide se termine par le
(principalement du CO2). Pour des températures supérieures à point critique du corps considéré. Pour des valeurs supérieures à
400 °C et des pressions de 30 à 40 MPa, on parle de procédés de cette pression et à cette température critiques, une seule phase
gazéification en eau supercritique. existe, appelée phase supercritique, pour laquelle il n’y a pas de dis-
Dans le cas de l’utilisation de l’eau supercritique, la biomasse continuité lors du passage à l’état liquide ou gazeux par variation de
cible est plutôt une biomasse humide, à distinguer de la biomasse pression ou de température. De façon générale, les fluides supercri-
sèche. Il est cependant important de nuancer la signification de ces tiques ont des propriétés particulières, communes et d’intérêt,
termes. On entend en général par biomasse sèche les divers comme une masse volumique assez élevée, parfois proche de celle
déchets et résidus de la transformation du bois, la paille, le des liquides, une faible viscosité proche des gaz et de bons coeffi-
papier… Il est couramment admis qu’une biomasse est dite sèche cients de transfert. Cela leur confère de bonnes propriétés de sol-
si elle comprend moins de 20 % en masse d’humidité. La biomasse vant et justifie l’intérêt pour la mise en œuvre de réactions
humide est définie comme une biomasse comportant au moins chimiques ou de diverses opérations unitaires. Les deux composés
50 % d’humidité, par exemple certains déchets verts, agricoles, rési- les plus utilisés dans leur domaine supercritique sont le CO2 (extrac-
dus de l’industrie agroalimentaire… Une dernière catégorie impor- tion, fractionnement, imprégnation, cristallisation…) [CHV4010] et
tante à rajouter pour cette application sont des biomasses dites l’eau (oxydation hydrothermale de déchets, synthèse matériaux…)
liquides, de type liqueurs noires de papeteries ou boues de station [J4950]. Les premières utilisations de l’eau supercritique sont décri-

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____________________________________________________________________________________ GAZÉIFICATION DE BIOMASSE EN EAU SUPERCRITIQUE

tes, par exemple, après la Seconde Guerre mondiale, dans des turbi-
nes pour des conditions de température et de pression de 550 °C et
25 MPa. Dans cet article, nous nous intéressons aux propriétés par-

Constante diélectrique
ticulières de l’eau supercritique en tant que solvant particulier d’une 30
réaction de gazéification de biomasse.
Dans les conditions ambiantes, l’eau est une molécule polaire 25
(moment dipolaire de 1,85 D), chaque liaison O-H formant un dipôle.


La dissymétrie de la molécule conduit à une polarisation négative
des atomes d’oxygène et positive des atomes d’hydrogène. Ainsi, 20
les molécules forment entre elles des liaisons hydrogène qui font la
particularité de l’eau dans les conditions ambiantes. Elles condui- 15
sent en particulier à une très bonne solvatation des ions. Le passage
du point critique de l’eau (TC = 374 °C et PC = 22,1 MPa) change
10 22,1 MPa
drastiquement la configuration des molécules d’eau. Les liaisons 30 MPa
hydrogène diminuent de façon très importante avec la température, 40 MPa
l’eau restant confinée par augmentation de pression (ce phénomène 5
a été observé par spectroscopie Raman sur de l’eau deutérée). Cela
se traduit en particulier par une chute de la constante diélectrique de
l’eau, qui passe de 80 environ dans les conditions ambiantes à des 0
valeurs proches de l’unité dans les conditions supercritiques. Ces 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700
évolutions sont représentées sur la figure 1, qui montre également Température (°C)
que la valeur de la constante diélectrique est à peu près invariante,
quelle que soit la pression, pour des températures supérieures à
500 °C. Ainsi, la diminution du nombre et de l’intensité des liaisons Figure 1 – Variations de la constante diélectrique de l’eau en fonc-
tion de la température pour des pressions entre 22,1 et 40 MPa
hydrogène fait de l’eau supercritique un solvant très peu polaire.
Cela implique également une diminution très importante de la solu-
bilité des sels, ce qui a des conséquences en terme de conduite des
procédés. Ces variations s’observent également sur le produit ioni-
que de l’eau Ke, retranscrites sur la figure 2 par l’intermédiaire du
Produit ionique pKe

pKe. Le produit ionique de l’eau est la constante liée à la dissociation


de l’eau, représentée par l’équation (1). 22 22,1 MPa

(1) 20
La figure 2 montre que le pKe augmente de façon très significative 30 MPa
au passage du point critique, indiquant une diminution de la concen- 18
tration en ions H3O+ et OH–. Au contraire de la constante diélectri-
que, la figure 2 indique également que la valeur de ce produit 40 MPa
16
dépend de façon significative des valeurs de la pression et de la
valeur de la température. Il est également intéressant de noter que
cette constante augmente, de façon identique quelle que soit la pres- 14
sion, pour des températures inférieures au point critique, avec un
maximum aux environs de 250 °C. Dans ces conditions, les concen-
12
trations en ions H3O+ et OH– sont plus importantes que dans les
conditions ambiantes. D’un point de vue procédé, une accélération
des phénomènes de corrosion au passage de ce point peut être ren- 10
contrée lors du chauffage en amont du réacteur ou lors du refroidis- 150 250 350 450 550 650
sement en aval du réacteur. Le phénomène est particulièrement Température (°C)
marqué en aval du réacteur, car l’effluent peut alors contenir par
exemple des acides à chaîne courte qui vont eux aussi contribuer Figure 2 – Variations du produit ionique de l’eau en fonction de la
aux phénomènes de corrosion. Au niveau moléculaire, le passage température pour des pressions entre 22,1 et 40 MPa
du point critique a également une influence très significative sur la
masse volumique. Les variations de celle-ci sont représentées sur la
figure 3. Une diminution de la masse volumique jusqu’à des valeurs
comprises entre 50 et 150 kg.m–3 dans les gammes de pression et de Le dernier facteur concernant les propriétés d’écoulement est la
température représentées peut être observée sur la figure 3. Notons
viscosité. Les variations de celle-ci sont représentées sur la
que cette valeur dépend assez peu de la température et un peu de la
figure 5. On observe une diminution importante de sa valeur,
pression. Même si la diminution est importante, les valeurs restent
jusqu’à 3.10–5 Pa.s–1 pour une température de 550 °C, quelle que
dans l’ordre de grandeur de la masse volumique d’un liquide et plus
soit la pression, celle-ci ayant une influence assez faible, excepté
importante que celles d’un gaz. Pour toutes ces raisons on appelle
autour de la température critique. Par contre, la valeur de la visco-
souvent l’eau supercritique un « gaz dense non polaire ».
sité augmente avec la température au delà de point critique. Les
On définit la compressibilité isotherme d’un corps pur selon viscosités dans le domaine supercritique sont ainsi de l’ordre de
l’équation (2). Ce coefficient permet de connaître la variation rela- celles des gaz (par exemple 1,85.10–5 Pa.s–1 pour l’air à 20 °C et
tive de volume sous l’effet d’une variation de pression, à tempéra- pression atmosphérique). Cette faible viscosité, combinée par
ture constante. exemple avec un bon pouvoir solvant, confère aux fluides super-
critiques en général et à l’eau en particulier de bonnes propriétés
de transport des espèces. Cela se traduit également par des
(2)
valeurs sigificatives de diffusivité, par exemple 6.10–8 m2.s–1 pour
l’eau à 30 MPa et 450 °C, contre 10–9 m2.s–1 pour l’eau à 0,1 MPa et
Les variations de ce terme sont indiquées sur la figure 4. 20 °C.

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TQ

TR
Énergies renouvelables
(Réf. Internet 42594)

1– Biomasse R
2– Hydroélectricité Réf. Internet page

Aménagements hydroélectriques BE8580 45

Production d'électricité par aménagements hydrauliques D4008 49

Production d'électricité par petites centrales hydroélectriques D4009 55

3– Éolien et énergies marines

4– Énergie solaire

5– Géothermie

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Aménagements hydroélectriques

par Pierre-Louis VIOLLET


Directeur Coordination et Partenariats d’EDF R&D


Professeur Honoraire à l’École nationale des ponts et chaussées
Président du Comité scientifique et technique de la Société hydrotechnique de France

1. Principe des aménagements hydroélectriques ................................ BE 8 580 - 3


1.1 Principe de conversion de l’énergie hydraulique ...................................... — 3
1.2 Types d’aménagements .............................................................................. — 3
1.2.1 Hautes chutes, chutes moyennes, basses chutes ............................ — 3
1.2.2 Ouvrages à accumulation/ouvrages au fil de l’eau .......................... — 6
1.3 Services rendus et problèmes posés par les aménagements.................. — 6
1.3.1 Services rendus................................................................................... — 6
1.3.2 Aspects environnementaux ............................................................... — 6
1.3.3 Sécurité ................................................................................................ — 7
2. Composants d’un aménagement hydroélectrique .......................... — 7
2.1 Ouvrages de prise d’eau, barrages............................................................. — 7
2.1.1 Prises d’eau ......................................................................................... — 7
2.1.2 Barrages............................................................................................... — 7
2.2 Galeries, canaux et conduites ..................................................................... — 9
2.2.1 Canal et chambre de mise en charge ................................................ — 9
2.2.2 Conduites forcées ............................................................................... — 9
2.2.3 Cheminées d’équilibre........................................................................ — 9
2.3 Usine ............................................................................................................. — 9
2.3.1 Types d’usine ...................................................................................... — 9
2.3.2 Turbines et pompes ............................................................................ — 10
2.4 Ouvrages annexes ....................................................................................... — 11
2.4.1 Passes à poissons ............................................................................... — 11
2.4.2 Évacuateurs de crues.......................................................................... — 12
2.4.3 Écluses ................................................................................................. — 12
3. Aménagements hydroélectriques complexes .................................. — 12
3.1 Aménagements en série sur une rivière .................................................... — 12
3.2 Aménagements complexes sur plusieurs vallées ..................................... — 12
4. Énergie des marées .................................................................................. — 13
4.1 Usines marémotrices ................................................................................... — 13
4.2 Hydroliennes ................................................................................................ — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 580

’énergie potentielle renouvelée chaque année en altitude dans les eaux


L intérieures (cours d’eau, neige et glaciers) est évaluée au niveau mondial à
environ 40 000 TWh par an, dont un gros tiers (environ 14 000 TWh) est
exploitable avec les techniques qui sont actuellement disponibles. Dans les
conditions économiques du début du XXIe siècle, 8 700 TWh sont considérés
comme exploitables de façon rentable, au regard des autres énergies. Ce sont
3 000 TWh d’énergie hydroélectrique qui sont effectivement produits chaque
année, ce qui représente quelque 16 % de la production totale d’électricité
dans le Monde. En Europe, les aménagements hydroélectriques pourvoient à
99 % des besoins en électricité de la Norvège, à 12 % de ceux de la France. En
France, le troisième quart du XXe siècle a vu l’aménagement de la quasi-tota-
lité des ressources hydroélectriques économiquement exploitables. Mais au
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niveau mondial, il y a encore un gisement annuel d’hydroélectricité de l’ordre


de 5 700 TWh qu’il est rentable d’aménager, surtout en Afrique, en Asie, et en

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AMÉNAGEMENTS HYDROÉLECTRIQUES _________________________________________________________________________________________________

Amérique Latine. Ce gisement peut même se révéler beaucoup plus grand si


l’on se projette dans un futur où les tensions sur les ressources d’énergie pri-
maire seront plus grandes, où les prix des combustibles fossiles seront plus
élevés et où il faudra limiter encore plus les rejets de CO2 . De plus, l’énergie
hydraulique représente une énergie renouvelable qui est non seulement régu-
lière et prévisible, mais qui peut permettre d’adapter heure par heure la
production au besoin, ou de compenser l’intermittence des autres énergies
renouvelables, pour peu que l’on dispose de réservoirs suffisants en altitude.
Son développement nécessite de prendre en compte les aspects environ-
nementaux, la sûreté des personnes et des biens. Les aménagements
hydroélectriques sont des ensembles parfois très complexes qui intègrent de

R nombreuses techniques.

Dates clés pour l’histoire de l’hydroélectricité [2] [3] Dates clés pour l’histoire de l’hydroélectricité [2] [3] (suite)
Évènement marquant pour l’énergie Évènement marquant pour l’énergie
Date Date
hydraulique et l’hydroélectricité hydraulique et l’hydroélectricité

Antiquité Apparition du moulin à eau, au Proche-Orient 1890 Usines électrochimiques en Savoie : Calypso
(Ier siècle av. J.C.), suivi de son extension (1891), Chedde (1896)
parallèle en Chine et dans l’empire romain Turbines de puissance unitaire supérieure
(Ier siècle au Ve siècle) à 1 MW (1895)
Usines hydroélectriques de plus de 4 MW :
Xe-XIIIe siècles Très nombreux moulins à eau en Occident – des chutes du Niagara (1895)
comme en Orient, pour moudre le grain – Chèvres sur le Rhône pour Genève (1896)
et pour de nombreux usages industriels : – Paderno pour Milan (1898)
pilons pour la fabrication du papier, marteaux, – Champ sur Drac pour Grenoble (1898)
soufflets de forge, scieries – Cusset pour Lyon (1899)
Apparition du moulin à marée en Occident – Rheinfelden sur le Rhin (1899)

XVIIe siècle Développement des forges intégrées 1900 – Shawinigan pour Montréal (1901)
(jusqu’à 8 roues hydrauliques) – Avignonet pour Grenoble (1902)
Pompes hydrauliques (la Samaritaine, Usines électrochimiques, en Norvège (1906-1916)
au London Bridge, la Machine de Marly...) Barrage Roosevelt aux États-Unis (1909)
1910 Victor Kaplan brevette la « roue Kaplan » (1912)
XVIIIe siècle Première machine « à réaction » : Loi sur la Houille Blanche en France (1919)
la roue d’Euler (1754)
Développement de grandes minoteries 1920 Aménagement du Rhin germano-suisse
hydrauliques (1912-1933)
Filatures hydrauliques en Angleterre (1769),
aux États-Unis (1790) et en France (1791) 1930-1940 Dixence en Suisse, chute de 1748 m (1931),
puis Grande Dixence (1936-1852)
vers 1830 Grandes filatures hydrauliques à Lowell, Aménagement de Kembs sur le Rhin (1933)
États-Unis (1826-1847) Grands barrages aux États-Unis : Hoover (1935),
Benoît Fourneyron met au point la première Grand Coulee (1942)
turbine à réaction opérationnelle (1827)
Première hautes chutes (110 m) équipées 1950 Turbines Francis sur des chutes de plus de
par Fourneyron dans la Forêt Noire (1838) 400 m en Norvège (1949-1959)
France : barrages de Génissiat (1948), Tignes
(1952), Serre-Ponçon (1959)
1850 James B. Francis met au point à Lowell
Centrales avec pompage aux chutes du Niagara
la première « turbine Francis » (1855)
(1955-1961)
Moulins à papier dans les Alpes : Domène
Kariba sur le Zambèze (1959)
(1865), Rioupéroux (1869), Lancey (1869,
chute de 200 m) 1960 Aménagement du Rhin franco-allemand
(1952-1977)
1870 Lester A. Pelton brevette la « roue Pelton » Aménagement du Rhône (1949-1970)
(1878) Usine marémotrice de la Rance (1966)

1880 Naissance de l’hydroélectricité : Cragside 1970 Haut barrage d’Assouan sur le Nil (1970)
(1880) ; Niagara, Ottawa, Lausanne (1881), Chutes Churchill au Canada (1971)
Appleton, (1882)
1980 Barrages d’Itaïpu sur le Parana (1983)
Transport d’électricité hydraulique
et de Guri/Raul Leoni sur le Parana (1983)
sur 14 km de Vizille à Grenoble (1883)
Premières usines électrochimiques : 1990 Complexe de La Grande au Canada (1982-1995)
Day, Vallorbe (1889) Barrage des Trois Gorges sur le Yangzi (1993-2009)

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_________________________________________________________________________________________________ AMÉNAGEMENTS HYDROÉLECTRIQUES

1. Principe des aménagements En réalité, il faut déduire de cette puissance brute toutes les
pertes par frottement :
hydroélectriques – frottements dans les conduits d’amenée de l’eau aux turbines
(appelés en hydraulique : pertes de charge ), qui conduisent à ce
que l’on appelle une hauteur de chute nette H un peu inférieure à
1.1 Principe de conversion la hauteur de chute brute Hb ;
de l’énergie hydraulique – frottements dans les turbines et alternateurs, traduits par le
rendement η (< 1) de l’ensemble turbine-alternateur.
Le cycle naturel de l’évaporation et des précipitations a pour effet La puissance électrique effectivement récupérée est donc :
l’apparition d’eau à une certaine altitude ; cette ressource peut être
sous forme d’eau courante dans les torrents, les rivières ou leurs P = η ρ gQH (3)
bassins-versants, d’eau souterraine dans les nappes ; elle peut être


aussi sous forme de neige sur les hauts reliefs, ou de glace dans les
glaciers. Un volume d’eau V existant à une certaine altitude h 1.2 Types d’aménagements
au-dessus de la mer correspond à une énergie potentielle :
Les types d’aménagements hydroélectriques sont directement
E = ρ gV h (1) liés aux types de chutes aménagées ou à aménager [1].

avec ρ masse volumique de l’eau, 1.2.1 Hautes chutes, chutes moyennes,


g accélération de la pesanteur. basses chutes
L’objet des aménagements d’énergie hydraulique est de transfor- Les formules (2) ou (3) montrent tout l’intérêt d’aménager, à
mer une partie de cette énergie potentielle en énergie utilisable. débit égal, une chute la plus haute possible.
Depuis le premier siècle avant notre ère, et jusqu’au milieu du
XVIIIe siècle, il s’agissait de produire de l’énergie mécanique pour 1.2.1.1 Hautes chutes
des usages artisanaux ou industriels : l’énergie potentielle d’une
chute, ou l’énergie cinétique d’un cours d’eau étaient utilisés pour On parle de hautes chutes lorsque la hauteur de chute brute Hb
faire tourner une roue ou une turbine, comme dans tous les anciens est supérieure à 150 ou 200 m (Hb > 200 m). Ces hautes chutes
moulins que l’on voit encore ici ou là. L’hydroélectricité est produite sont constituées d’un lac ou d’une prise d’eau en altitude, d’où est
lorsque l’on convertit cette énergie mécanique (rotation de l’arbre issue une longue conduite forcée qui amène l’eau jusqu’à l’usine
de la roue ou de la turbine) en énergie électrique, grâce à une en fond de vallée.
dynamo (courant continu) ou à un alternateur (courant alternatif).
Exemples
Certaines installations hydroélectriques de petite puissance uti- La chute comprise entre le barrage de Ponviel et l’usine de Brassac
lisent directement l’énergie cinétique d’un courant d’eau pour faire (figure 1), qui, bien que sa hauteur brute Hb ne soit que 142 m est
tourner une turbine. Mais la grande majorité des aménagements caractéristique des aménagements de haute chute.
hydroélectriques captent une part de l’énergie potentielle de l’eau
en altitude en aménageant une chute. Un aménagement de haute chute particulièrement puissant est
celui des chutes Churchill au Canada (Hb = 312 m ; P = 5 429 MW
Si nous considérons un débit-volume d’eau Q qui passe d’une (figure 5 et tableau 3).
altitude h + Hb à une altitude h, et qui chute donc de la hauteur Hb ,
appelée hauteur de chute brute, la puissance récupérable brute Pb Des très hautes chutes de hauteur brute Hb supérieures à 1 000 m
dans cette chute s’exprime comme : sont fréquemment rencontrées, en France au lac de Portillon dans les
Pyrénées (Hb = 1 420 m), ou en Suisse où l’aménagement de la
Grande Dixence (figure 7) comporte quatre très hautes chutes
Pb = ρ g QH b (2) (Hb = 874 à 1 883 m).

Profil en long

Départements TARN HÉRAULT


RIVE
DROITE Communes BRASSAC CASTELNAU LAMONTELARIE LA SALVETAT SUR AGOUT
DE BRASSAC
D'ÉQUILIBRE
NIVEAU MOYEN DE LA RESTITUTION : 457,50 m

CHEMINÉE

680 ADDUCTION
Brassac Cheminée d’équilibre DU FALCOU R.N. 662,00
Agrès

660
Centrale de Brassac 640,00
640 ADDUCTION
u

629,00
lco

DES AGRÈS
Fa

BARRAGE USINE DE LA RAVIÈGE

Conduite Galerie d’amenée 620


forcée Longueur galerie : 7 235 m
BARRAGE DE PONVIEL
NIVEAU (m)

Fenêtre de Prise des Agrès 600


Vieux pont de Brassac

La Ricardié 580
Prise du Falcou
560

Agout 540

520

0 1 2 km
Barrage de Ponviel 500
N USINE DE BRASSAC
480
Barrage – Centrale
Distances
de La Raviège au Tarn (km)
135 140 145 150 155 160

Communes BRASSAC ANGLES LA SALVETAT SUR AGOUT


RIVE
GAUCHE Départements TARN HÉRAULT

Figure 1 – Aménagement de Brassac (doc. EDF-Direction de la production et de l’ingénierie hydraulique)

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. BE 8 580 – 3

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AMÉNAGEMENTS HYDROÉLECTRIQUES _________________________________________________________________________________________________

guay), le barrage des Trois Gorges sur le Yangzi (Chine), et les


Aménagement hydroélectrique de Brassac, autres exemples répertoriés dans les tableaux 1 et 2.
sur le bassin du Tarn, en France (figure 1)
1.2.1.3 Basses chutes
Il comprend deux chutes assez caractéristiques des Les basses chutes (Hb < 40 m) sont le plus souvent aménagées
ouvrages de moyenne et de haute chute : grâce à des barrages mobiles sur les cours inférieurs des rivières,
– une première chute avec le barrage de La Raviège, son par exemple : le Rhin (figure 2), le Rhône, le Danube (cf. § 3.1).
réservoir et son usine ; L’usine est alors le plus souvent intégrée au barrage.
– une seconde chute issue du barrage de Ponviel ; une prise Ces rivières sont généralement navigables ; l’aménagement doit
d’eau dans la retenue de ce barrage, ainsi que des prises donc être muni d’écluses pour permettre le passage des navires.
d’eau annexes sur l’Agrès et le Falcou, alimentent une galerie Les vallées sont larges et de pente faible, exposées aux
qui se termine par une chambre de mise en charge, une che- inondations : le barrage doit donc être muni de larges vannes


minée d’équilibre et une conduite forcée qui amène l’eau à mobiles qui puissent être ouvertes en période de crue, de façon à
l’usine de Brassac, plus bas. « effacer » le barrage.

1.2.1.4 Très basses chutes


1.2.1.2 Chutes moyennes Nota : voir le dossier [BM 4 166] Petites centrales hydrauliques.
Ces chutes (200 m > Hb > 40 m) sont le plus souvent aménagées,
sur le cours moyen des rivières. Elles sont le plus souvent 1.2.1.5 Aménagements sans barrages
constituées d’un barrage qui barre la rivière créant un réservoir Des technologies actuellement en développement ou en phase
dans le lit de cette dernière ; l’usine qui contient les turbines et les d’expérimentation, appelées hydroliennes, pourront à l’avenir pro-
alternateurs est située soit immédiatement en aval du barrage, soit duire de l’énergie au fil de l’eau sans barrages. Il s’agit d’hélices à
un peu plus loin en aval. C’est dans cette catégorie que l’on axe vertical ou horizontal immergées qui reposent sur le fond et qui
rencontre les aménagements hydroélectriques les plus puissants, utilisent simplement l’énergie cinétique du courant. Leur plus grand
car si la hauteur de chute est moindre que dans le cas des hautes développement se situera dans le domaine de l’énergie des marées,
chutes, le débit turbiné Q peut être très important : c’est le cas des avec des grandes machines de puissances unitaires de plus de
barrages hydroélectriques qui barrent les grands fleuves, comme 1 MW, immergées dans les eaux continentales où il y a de forts coû-
Serre-Ponçon sur la Durance, le barrage Hoover sur le Colorado tants de marée, mais ce type de technologie pourra trouver aussi
(USA), le barrage d’Itaïpu sur le Parana (entre le Brésil et le Para- une certaine application dans le domaine des eaux intérieures.

Dégrilleur
Portique à batardeau

11,60 140,00
23,74 Portiques roulants
137,60 (1 100 – 200 – 50 kN)

RETENUE NORMAL
Axe de l’usine
135,00
132,00
Hall de montage
131,78

128,00

127,40 Transfo 50 MVA


TURBO

0,50 10,26
123,30
133,6
Grilles
Alternateur 25 MVA

120,00
Aspirateur
∅ 540
10,00

Axe d'un groupe 110,16


9,40

113,31
21,40
111,48
110,34 111,00
0

Galerie de drainage
100,00
107,28 Galerie de drainage
8,03 4,00 18,00 6,00 2,10 16,00

Cotes en mètres

Figure 2 – Aménagement de basse chute au fil de l’eau : coupe au travers du barrage-usine de Gambsheim qui fait partie de la chaîne des
ouvrages du Rhin (cf. figure 6) (doc. EDF-DPIH)

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Production d’électricité
par aménagements hydrauliques

par Pierre LAVY


Ingénieur de l’École nationale supérieure d’ingénieurs électriciens de Grenoble (IEG)
Ancien directeur technique de l’hydraulique d’EDF

1. Ressources naturelles............................................................................. D 4 008 – 3
1.1 Topographie et géologie ............................................................................. — 3
1.2 Hydrologie.................................................................................................... — 3
1.3 Étude des crues............................................................................................ — 4
1.4 Qualité de l’eau ............................................................................................ — 4
2. Impact environnemental ........................................................................ — 4
2.1 Effets des barrages ...................................................................................... — 4
2.2 Effets sur l’aval des barrages...................................................................... — 4
2.3 Impact économique local............................................................................ — 4
3. Aménagements......................................................................................... — 5
3.1 Caractéristiques d’une chute ...................................................................... — 5
3.2 Types de production .................................................................................... — 5
3.3 Valeur économique d’un aménagement ................................................... — 5
3.4 Types d’aménagements .............................................................................. — 5
4. Ouvrages..................................................................................................... — 7
4.1 Barrages ....................................................................................................... — 7
4.2 Ouvrages annexes ....................................................................................... — 9
4.3 Ouvrages de dérivation............................................................................... — 11
4.4 Centrales....................................................................................................... — 14
5. Matériels..................................................................................................... — 15
5.1 Matériels des prises..................................................................................... — 15
5.2 Vannes .......................................................................................................... — 15
5.3 Turbines ........................................................................................................ — 17
5.4 Paliers, butées et pivots .............................................................................. — 17
5.5 Matériels électriques ................................................................................... — 18
5.6 Services auxiliaires...................................................................................... — 18
6. Automatismes........................................................................................... — 19
6.1 Automates de groupe.................................................................................. — 19
6.2 Automate de centrale .................................................................................. — 19
6.3 Télésurveillance ........................................................................................... — 19
7. Exploitation ............................................................................................... — 20
7.1 Principes ....................................................................................................... — 20
7.2 Maintenance courante................................................................................. — 20
7.3 Maintenance programmée ......................................................................... — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. D 4 008

’hydroélectricité a permis, avec l’électricité des centrales thermiques à com-


L bustibles puis nucléaires, de mettre à disposition de l’industrie et des parti-
culiers l’énergie nécessaire à leur développement. Dans les pays développés, la
quasi-totalité des ressources hydrauliques rentables est équipée et la demande
augmentant, l’hydroélectricité perd sa primauté, sauf dans les pays nordiques.
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@RPPT

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PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ PAR AMÉNAGEMENTS HYDRAULIQUES ____________________________________________________________________________

En revanche, de grandes réserves sont en voie d’équipement dans les pays en


voie de développement et les pays asiatiques.
Les systèmes électriques des pays développés étaient très liés aux organisa-
tions nationales jusqu’à la fin du XXe siècle. Mais la libération de l’organisation
menant à l’ouverture des marchés de l’électricité conduira à modifier les critères
d’investissement dans l’hydraulique (voir l’article [D 4 007] « Le secteur
électrique : du monopole à la concurrence »).
Les qualités de l’hydroélectricité pour l’équilibre permanent entre la produc-
tion et la consommation sont un atout de pérennité :
— une énergie renouvelable et propre ;


— un coût combustible nul et une énergie nationale ;
— une excellente disponibilité sur l’année (~ 90 %) ;
— une fiabilité des réponses aux sollicitations (~ 99 %) ;
— des temps de réponse très courts (de l’arrêt à la pleine puissance en quel-
ques minutes).
L’augmentation de la consommation globale d’énergie des pays développés,
et ses conséquences sur la détérioration de l’environnement, a conduit à repen-
ser au développement des énergies renouvelables, l’hydroélectricité restant de
loin la plus importante en terme de production. Les grandes retenues d’eau
avaient principalement pour but de fournir une réserve d’électricité, elles ont de
plus en plus des buts multiples : irrigation, soutien d’étiage, écrêtement de
crues, alimentation en eau industrielle ou potable, tourisme, etc.
Les études doivent préciser les coûts d’investissement nécessaires, leur étale-
ment, les coûts d’exploitation et les actifs apportés par la production capitalisée.
Elles doivent déterminer le meilleur investissement pour utiliser le gisement
hydraulique et limiter les impacts sur l’environnement.
Un aménagement hydroélectrique comprend un barrage créant une retenue
d’eau plus ou moins importante, une prise d’eau dans cette retenue, des ouvra-
ges d’amenée, une usine de production, une restitution au cours d’eau, une
ligne d’évacuation d’énergie et des accès aux sites.
Le lecteur est invité à consulter les articles suivants :
— sur l’évaluation des risques naturels [C 3 295] ;
— sur les barrages [C 5 555] ;
— sur les aménagements hydroélectriques [B 4 405] ;
— sur les turbines hydrauliques [B 4 402] et [B 4 407] ;
— sur les alternateurs [D 3 550], [D 3 551], [D 3 552] et [D 3 775] ;
— sur les petites centrales hydrauliques [D 3 930].

Notations et symboles Notations et symboles


Symbole Unité Désignation Symbole Unité Désignation

Ce kWh/m3 Coefficient énergétique Qe m3/s Débit d’équipement


de l’équipement
Qj m3/s Débit moyen journalier
h m Hauteur brute de chute
qm L · s−1 · km−2 Débit spécifique
hn m Hauteur de chute nette (ou m/s)

Ip Indice de productibilité S m2 Surface

k Coefficient V m3 Volume

L m Longueur Waa kWh Production réelle annuelle


M m3/s Module, débit moyen Wap kWh Productible moyen annuel
interannuel
Wpm kWh Productibilité annuelle
P W Puissance installée
Wt W Puissance de turbine
Pg W Puissance garantie
νt Rendement de turbine
Q m3/s Débit de turbine
Qc m3/s Débit de pointe

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____________________________________________________________________________ PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ PAR AMÉNAGEMENTS HYDRAULIQUES

1. Ressources naturelles Les électriciens ont contribué à bien connaître l’hydrologie des
bassins qui est répertoriée dans des annuaires à disposition de tous
les utilisateurs de l’eau. Les valeurs des débits journaliers sont
connues de façon précise au niveau d’une centrale car le débit tur-
La puissance hydraulique utilisable est proportionnelle au débit
b               
d’eau et à la hauteur de chute d’eau. L’utilisation des ressources ques de la turbine. En site vierge, les débits ont été établis par une
nécessite donc une connaissance de l’environnement du cours station de jaugeage, ou limnimétrique, au plus près des sites envisa-
d’eau. gés. En effet, les précipitations ne se transforment pas en totalité en
écoulement, une partie non négligeable retourne dans l’atmosphère
par évaporation et transpiration et une autre dans les nappes sou-
1.1 Topographie et géologie terraines par infiltration. En France, ces pertes représentent près des
deux tiers des précipitations. En montagne, le stock neigeux est utile
à connaître pour estimer l’équivalence en écoulement, les pertes


La topographie permet de connaître précisément la surface du pouvant être importantes par sublimation (15 à 20 %).
bassin versant qui alimente la rivière, son altitude, ce qui condi- Les chroniques de débits journaliers sur la plus grande période
tionne le régime des écoulements. Le profil en long de la rivière per- connue permettent de définir les valeurs qui permettront le dimen-
met de situer le barrage et les ouvrages de dérivation pour sionnement économique des ouvrages :
optimiser le ratio entre la longueur des ouvrages de dérivation et la
hauteur de chute (L/h) (voir l’article [C 5 555] sur les barrages). — le débit moyen journalier (Qj en m3/s), moyenne des débits de
chaque jour ;
La topologie des versants permet de situer les ouvrages impor- — le module ou débit moyen interannuel (M en m3/s), moyenne
tants. Un barrage se situe au verrou roch    tie d’une des 365 débits journaliers ;
cuvette, la centrale se situe dans une cuvette utilisant au mieux la — le débit de pointe de la plus grande crue connue Qc ;
chute avec des longueurs d’ouvrages d’amenée réduites. — le débit spécifique moyen annuel qm = M/S, S étant la surface
La géologie permet de préciser la faisabilité des ouvrages. La du bassin versant.
cuvette du barrage doit être étanche sans grands travaux d’étan- Le débit spécifique qm permet de comparer les bassins versants
chéité complémentaire. La géologie du verrou détermine la faisabi- et de calculer les débits moyens par interpolation entre stations de
lité du barrage et son type. Les propriétés mécaniques du verrou jaugeage. En Europe, leur valeur varie de 20 L · s−1 · km−2 en monta-
doivent permettre de reprendre les forces appliquées au barrage. gne à 6 L · s−1 · km−2 en plaine.
Les données sismologiques de la région permettent de déter- La courbe chronologique des débits moyens journaliers et, si les chro-
miner la tenue aux séismes du projet. Elles servent pour les calculs niques sont suffisantes, les courbes d’occurrence à différents pourcenta-
des structures. ges de Qj permettent de calculer les productions potentielles brutes.
Les glissements de terrain éventuels sont répertoriés et leurs évo- La courbe des débits Qj classés par ordre décroissant permet de
lutions prises en compte pour évaluer leur dangerosité par rapport définir le nombre de jours dépassant une valeur déterminée (figure 1).
à la retenue.
La courbe des débits cumulés sur une année tracée pour des années
moyennes et extrêmes permet de préciser le volume de la retenue.

1.2 Hydrologie 10
Q (m3/s)

Elle précise les apports d’eau, leur évolution selon les saisons, 9
leur régularité et les phénomènes extrêmes, mais aussi les trans-
ports solides du cours d’eau. On classe les régimes de débit de la
8
façon suivante :
— régime glaciaire avec des débits importants en été jusqu’en
août ; 7
— régime nival lors de la fonte de la neige au printemps ;
— régime pluvial océanique ou tropical selon les latitudes ; 6
— régime complexe pour les grands fleuves qui ont des bassins
versants très diversifiés ;
5
— régime particulier comme les régimes cévenols ou méditerra-
néens.
4
Rappel historique Débit moyen M : 3 m3/s
3
Depuis l’Antiquité, la force de l’eau a été utilisée pour des uti-
lisations mécaniques (moulins, forges, scieries...). Au 2
XIXe siècle, de grandes évolutions conduisent au concept des
centrales hydroélectriques d’aujourd’hui. Dès 1827, les turbines
font leur apparition, améliorant l’efficacité et la puissance cap- 1
tée par les roues à aubes. En 1869, la première conduite forcée
permet d’utiliser une chute de 200 m et 700 kW, portée à 500 m 0
et 1 800 kW en 1882. Parallèlement, la découverte des lois de J F M A M J J A S O N D
l’électromagnétisme permettant de transformer l’énergie méca-
nique en énergie électrique conduit à la mise au point de l’alter-
nateur. Enfin, les premières lignes de transport (1883) 0 100 200 300 365
Jours
permettent d’utiliser l’électricité loin des sites de production et
conduiront à la création des réseaux de transport et de distribu-
Figure 1 – Courbe des débits classés et répartition des débits
tion de l’électricité chez les consommateurs.
moyens mensuels

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PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ PAR AMÉNAGEMENTS HYDRAULIQUES ____________________________________________________________________________

1.3 Étude des crues sources et peut influer sur les glissements de terrain des versants. Et
enfin, la masse d’eau des retenues importantes peut provoquer des
microséismes locaux au premier remplissage.
L’aménagement ne doit en aucun cas aggraver les conséquences ■ Risques de rupture : un barrage stocke une énergie potentielle
des crues et si possible les atténuer. La connaissance des crues est énorme. Bien que l’amélioration des techniques de construction, la
nécessaire pour dimensionner les évacuateurs et la déviation provi- surveillance et l’auscultation des barrages, l’amélioration des
soire pendant la construction du barrage. connaissances hydrométéorologiques et géologiques, réduisent le
Dans les bassins versants de montagne, les crues sont produites risque de rupture, il ne peut être considéré comme nul. Les principa-
par la fonte rapide des neiges due en général à un vent chaud (le les causes de rupture sont l’insuffisance des évacuateurs de crues
fœhn) suivi de pluies chaudes. En plaine, elles sont surtout dues à (sur les barrages en terre ou en enrochements) et le mauvais com-
des épisodes pluvieux importants et longs. portement des fondations (en général au premier remplissage).
La connaissance des épisodes de crues enregistrés dans les chro-


■ Obstacle sur les transports solides : les corps flottants sont arrê-
niques et les connaissances des précipitations et du bassin permet- tés, ce qui peut constituer un moyen de nettoyer la rivière. Les trans-
tent de déterminer par des méthodes statistiques les probabilités ports solides sont stockés dans le réservoir. En se déposant dans la
d’ordre 10−n, n = 1 à 4, des crues extrêmes et leurs hydrogrammes. retenue, les limons en diminuent la capacité ; un amoncellement
Ces méthodes reconnues internationalement par la Commission trop important contre le barrage peut conduire à obstruer les vidan-
internationale des grands barrages (CIGB) sont le GRADEX (gra- ges de fond. Des chasses doivent être pratiquées lors des crues pour
dient de valeur extrême de précipitation) ou la PMP (pluie maximum diminuer cet impact.
probable). Bien que les bases de calcul soient enrichies avec chaque
épisode de crue importante, ces méthodes statistiques sont basées ■ Conséquences du stockage de l’eau : le stockage de l’eau conduit
sur des chroniques restreintes à quelques décennies. Des rensei- à une stratification thermique et chimique dans les retenues. En pro-
gnements complémentaires, administratifs ou témoignages oraux, fondeur, la température reste voisine de 4 ˚C et, en surface, l’eau
sur les phénomènes extrêmes sont à rechercher auprès des rive- subit les influences de l’air (température, vent). Le ralentissement
rains et des responsables locaux pour compléter la connaissance du du courant amène une évolution de la flore (plancton, algues). Si les
cours d’eau. sédiments sont chargés en nitrates ou phosphates, cette évolution
peut aller jusqu’à l’eutrophisation qui conduit à une réduction de
l’oxygène dissous et à la modification de la faune.
Les grandes retenues peuvent apporter des modifications locales
1.4 Qualité de l’eau de climat en augmentant l’évaporation de l’eau et en favorisant
l’apparition de brouillards. Dans les pays tropicaux, le développe-
ment des maladies parasitaires est favorisé.
L’eau des cours est toujours chargée des matières solides
d’érosion qu’elle engendre et l’aménagement modifie les dépôts
habituels de ceux-ci. En montagne, ce sont surtout des rochers, des
cailloux, des graviers ; en plaine plutôt des sables et limons. Les 2.2 Effets sur l’aval des barrages
conséquences sont :
— l’envasement des retenues qui en diminue la capacité et sur-
tout risque de gêner le fonctionnement des organes de vidange ; ■ Érosion : l’absence des limons stockés dans la retenue conduit, à
— l’envasement des canaux qui augmente les pertes de charge et l’aval, à une érosion du lit de la rivière. Il est parfois nécessaire de
diminue les gabarits sur les canaux navigables ; construire des seuils pour y remédier. Sur les grands fleuves qui irri-
— l’usure des matériels, principalement des turbines. guent des vallées alluvionnaires, le défaut de limons peut être
La grosseur des éléments solides et la vitesse de l’eau condi- néfaste à l’agriculture.
tionne le dépôt, le roulage sur le fond ou le maintien en suspension.
■ Conséquences des canalisations : les galeries d’amenée consti-
Les études théoriques confortées par des essais sur modèles dans tuent un drainage des massifs traversés si elles sont à écoulement
des laboratoires spécialisés permettent de préciser le dimensionne- libre ou, au contraire, font une mise en pression du massif si elles sont
ment des ouvrages de dégravement, des organes de chasse sur les en charge. L’hydrogéologie des versants doit donc être très étudiée
prises en rivière, et les fréquences de dragage dans les canaux. avant les travaux, en particulier les sources et glissements de terrain.
Nota : ces laboratoires spécialisés sont le Laboratoire national d’hydraulique (LNH) à
Chatou, la Société grenobloise d’études et d’applications hydrauliques (Sogreah), l’Institut ■ Suppression des crues moyennes : les grands barrages permet-
hydraulique de Grenoble, l’Institut hydraulique de Toulouse, le Laboratoire des machines tent en général d’encaisser les crues petites ou moyennes. Les
hydrauliques de l’École polytechnique fédérale de Lausanne.
conséquences peuvent être néfastes à la reproduction des poissons
Les qualités chimiques des eaux, en particulier le pH et la dureté, qui profitaient des crues pour rejoindre les frayères. L’absence de
sont à connaître pour déterminer les qualités des bétons à utiliser et crues favorise aussi l’envahissement des berges par la végétation,
les protections des matériels. réduisant ainsi le passage d’une crue exceptionnelle.
En revanche, les crues exceptionnelles ne sont pas néces-
sairement atténuées par les barrages (sauf s’ils sont construits pour
cela) et leurs dégâts sont toujours possibles.
L’endiguement des rivières de plaine peut accélérer les propaga-
2. Impact environnemental tions de crues. Les consignes de gestion des crues doivent en tenir
compte.

2.1 Effets des barrages


2.3 Impact économique local
■ Submersion des terrains : la construction d’un barrage et sa mise
en eau ont un impact foncier et social par l’inondation des terrains Outre l’intérêt économique de la production d’électricité, l’amé-
agricoles ou forestiers et l’éventuel déplacement de population. La nagement a des incidences sur le développement local avec la
retenue influe sur les niveaux des nappes phréatiques et sur les construction d’équipements, de voies d’accès et de communication

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D 4 008 − 4 © Techniques de l’Ingénieur

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____________________________________________________________________________ PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ PAR AMÉNAGEMENTS HYDRAULIQUES

(ponts, route sur le barrage). Les équipements hydroélectriques Exemple : centrales de Herdecke (1930) et Waldeck (1933) en Alle-
sont très capitalistiques et les incidences sur les taxes locales sont magne, du Lac-Noir (1939) dans les Vosges.
importantes. La création d’emplois directs d’exploitation n’est pas
très importante, mais elle se fait souvent dans des zones à faible On distingue :
densité de population. La présence de plan d’eau permet de créer un — le pompage journalier (temps de remplissage du bassin supé-
attrait touristique important (Serre-Ponçon, Vassivière). Certaines rieur < 8 h) ;
retenues ont des intérêts multiples outre la production d’électricité, — le pompage hebdomadaire (temps de remplissage < 50 h en
comme l’irrigation, la navigation, l’alimentation domestique, la fin de semaine) ;
régulation des débits (écrêtage des crues, soutien d’étiage). La navi- — le pompage saisonnier ou mixte : pompage et gravitaire.
gation est développée par l’adjonction d’écluses sur les ouvrages
(Rhin, Rhône).
Un cas particulier de pompage existe avec la centrale maré-
motrice de la Rance. Cette centrale équipée de 24 groupes bul-


bes réversibles peut turbiner en direct de la rivière vers la mer à
3. Aménagements marée basse, en inverse de la mer vers la rivière à marée haute,
et selon le coût de l’électricité pomper de la mer vers la rivière
pour produire plus à une heure de pointe.

3.1 Caractéristiques d’une chute


3.3 Valeur économique
Le débit d’équipement et la hauteur de chute sont les paramètres
principaux définissant le projet. La puissance installée P (exprimée d’un aménagement
en kilowatts) se calcule par la formule :
P = k · Qe · h Avant l’ouverture des marchés de l’électricité dans les réseaux
intégrés, l’actif d’un aménagement hydraulique se faisait par com-
avec k un coefficient dépendant du rendement global de paraison de son coût à celui d’une centrale à combustible produi-
l’installation et tenant compte des pertes de sant les mêmes services en production et en réglage. À l’avenir, les
charge le long du circuit hydraulique et des décisions dépendront de l’évolution des besoins en hydroélectricité
rendements globaux de la centrale (k ≈ 8), mais les valeurs à prendre en compte sont toujours les suivantes.
Qe le débit d’équipement (m3/s),
■ Coût de l’énergie hydroélectrique : il se décompose ainsi :
h la hauteur brute (m). — coût d’amortissement de l’équipement, important car les
La productibilité annuelle Wpm (kWh) d’un site est la production investissements sont lourds mais, les ouvrages étant robustes, la
qui serait faite à partir des débits moyens journaliers utilisables (Qj durée d’amortissement peut être très longue (50 ans) ;
diminués des débits réservés à la prise) dans des conditions idéales — charges financières selon le financement du projet ;
d’exploitation (pas de perte d’énergie, disponibilité totale). — charges d’exploitation comprenant la conduite, la mainte-
Le productible moyen d’une année Wap (kWh) correspond à la nance, les taxes (souvent lourdes) ;
production d’une année calculée avec les débits journaliers utilisa- — provisions pour renouvellement des composants dont la durée
bles. L’indice de productibilité Ip = Wap/Wpm dépend des apports de de vie est plus courte que celle du titre administratif, et pour le main-
l’année. tien du potentiel de production ;
— coûts du transport jusqu’au client.
La production réelle d’une année Waa (kWh) est l’énergie réelle-
ment produite compte tenu des éventuels déversements en crues ■ Valeur de la production
ou des pertes liées aux indisponibilités des équipements. ● La valeur de l’énergie produite est très différente dans le
La puissance garantie Pg (W) est la puissance disponible à coup temps :
sûr à une période déterminée. Elle a une valeur importante pour la — dans la journée, selon les heures : creuses de nuit, pleines de
conduite des réseaux. jour, de pointe (matin et soir) ;
Le coefficient énergétique de l’équipement Ce est la valeur en kilo- — dans la semaine (creux de samedi et dimanche) ;
wattheures d’un mètre cube turbiné. — selon les saisons : heures d’hiver, d’été, de demi-saison.
● La valeur des services rendus au réseau de transport
comprend :
3.2 Types de production — la puissance mobilisable rapidement : puissance garantie,
puissance de pointe ; à noter qu’un groupe hydraulique étant capa-
ble d’être rapidement couplé au réseau et à pleine puissance, il est
Selon la hauteur de chute, la capacité du réservoir et le débit uti- considéré comme « réserve tournante » quand il est disponible à
lisé, les aménagements sont dits : l’arrêt ;
— au fil de l’eau sur les basses chutes et gros débits ; — la régulation de fréquence et de tension rapide et
performante ;
— d’éclusée avec un réservoir permettant une modulation de la
production journalière ou hebdomadaire ; — la possibilité de renvoi de tension sur un réseau inerte, après
écroulement de tension (black-start), permettant de reconstruire le
— de lac avec un réservoir permettant un stockage saisonnier ou
réseau.
pluriannuel ;
— de transfert d’énergie entre deux retenues.
Le principe des aménagements de transfert d’énergie permet de 3.4 Types d’aménagements
remplir le réservoir supérieur par pompage pendant les heures de
faible coût d’énergie et de turbiner dans le réservoir inférieur pour
produire quand l’énergie est plus chère. Leur nécessité est apparue Ils se classent suivant les hauteurs de chute : basse chute
pour lisser les courbes de charge dès 1930 et actuellement en ( h  40 m ) , moyenne chute ( 40 m < h  200 m ) et haute chute
complément du parc nucléaire. (h > 200 m).

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur D 4 008 − 5

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Production d’électricité par petites


centrales hydroélectriques
par Pierre LAVY
Ingénieur École Nationale Supérieure d’Ingénieurs en Électrotechnique de Grenoble


Ancien Directeur de filiale de petites centrales
Ancien Directeur Technique de l’Hydraulique d’EDF, Saint Denis, France
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article D4009 intitulé « Production d’électricité par
petites centrales hydroélectriques » paru en 2004, rédigé par Pierre Lavy.

1. Études et définition de l’équipement........................................................ D 4 009v2 - 2


1.1 Études préliminaires ................................................................................... — 2
1.2 Études de faisabilité.................................................................................... — 3
1.3 Avant-projet détaillé ................................................................................... — 4
2. Déroulement du projet ............................................................................... — 4
2.1 Démarches administratives........................................................................ — 4
2.2 Avancement du projet ................................................................................ — 4
3. Génie civil et infrastructures...................................................................... — 5
3.1 Type d’aménagement................................................................................. — 5
3.2 Ouvrages de retenue .................................................................................. — 5
3.3 Ouvrages annexes ...................................................................................... — 6
3.4 Ouvrages de dérivation .............................................................................. — 6
3.5 Usine de production .................................................................................. — 8
3.6 Ligne de livraison d’énergie....................................................................... — 10
3.7 Accès aux sites ............................................................................................ — 10
4. Matériels hydrauliques............................................................................... — 10
4.1 Turbines ....................................................................................................... — 10
4.2 Vannes ......................................................................................................... — 12
4.3 Grilles et évacuation des corps flottants................................................... — 14
5. Matériels et services auxiliaires, matériels électriques........................... — 15
5.1 Matériels et services auxiliaires................................................................. — 15
5.2 Matériels électriques................................................................................... — 15
6. Automatismes et conduite. Exploitation.................................................. — 17
6.1 Régulation de vitesse (RV) ......................................................................... — 17
6.2 Régulation de tension (RU) ........................................................................ — 17
6.3 Automatismes de conduite et protection.................................................. — 17
6.4 Exploitation.................................................................................................. — 18
7. Conclusion ................................................................................................... — 18
8. Glossaire ...................................................................................................... — 18
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. D 4 009v2

’énergie hydroélectrique est une composante essentielle des énergies


L renouvelables et de la réduction de l’effet de serre.
En France comme en Europe, les aménagements importants ont été
construits dans les décennies passées. Leur exigence de forte capitalisation et
leur longue durée de vie font que la « grande » hydraulique n’a plus de déve-
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PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ PAR PETITES CENTRALES HYDROÉLECTRIQUES ___________________________________________________________________

loppement important en Europe. Cependant, elle demeure un élément


fondamental pour la régulation et la stabilité des grands réseaux inter-
connectés, du fait de sa souplesse d’utilisation, de sa rapidité de réponse et de
sa disponibilité. Ces qualités sont de plus en plus indispensables pour com-
penser l’irrégularité des productions éolienne et solaire.
Les réglementations nationales et européennes, favorisant le développement
des énergies renouvelables, ont été mises en place pour diminuer les produc-
tions d’énergies polluantes ou accentuant l’effet de serre. La transition
énergétique voulue par la COP 21 a fixé des objectifs ambitieux. Des politiques
de prix ont été proposées aux industriels pour développer les énergies renou-
velables, et la petite hydraulique reste la meilleure réponse aux enjeux de

R production écologique.
Dans les pays en développement, le rôle des petites centrales hydrauliques
est plus important, dans la mesure où les réseaux sont moins puissants et la
diversité des solutions hydrauliques permet des solutions locales et décentrali-
sées de production.
Le lecteur intéressé sur le sujet pourra trouver des informations complémen-
taires en particulier sur les machines dans [D 3930], [D 4008] et [B 4407].

La définition d’un équipement hydraulique se fait après une


Terminologie succession d’études visant à déterminer le meilleur investisse-
ment pour utiliser le gisement hydraulique. Le coût des études,
Les instances européennes appellent « petits aménagements s’il doit rester modeste (10 à 15 % du projet), doit conduire à mini-
hydroélectriques » ceux dont la puissance n’excède pas miser les risques économiques.
12 MW (loi de février 2002).
En France, ce parc représente plus de 1 800 centrales, totali-
sant une puissance de 2 000 MW et un productible de 1.1 Études préliminaires
8 500 GWh.
Ces petits aménagements hydroélectriques, dont la plupart Les études doivent prendre en compte l’ensemble des para-
sont au fil de l’eau, ne jouent aucun rôle dans la gestion d’un mètres physiques et administratifs de l’environnement du projet.
grand réseau et, de ce fait, peuvent admettre des simplifica- Trop de projets, dans le passé, ont manqué d’études approfondies
tions, tant au niveau de la conception (standardisation, simpli- et ont conduit à des résultats économiques décevants.
fication des circuits) que de l’exploitation, tout en assurant
Ces études ciblent deux objectifs :
une sécurité publique maximale par rapport aux personnes et
aux biens. – la sûreté pour être irréprochable relativement aux conditions
La conception des ouvrages et des matériels ne doit pas se environnementales et exemplaire pour le public ;
limiter à une simple réduction homothétique de ceux des – la rentabilité pour assurer l’économie du projet et le dévelop-
grosses centrales, mais doit répondre à des objectifs de : pement de l’hydraulique.
– simplicité ; Elles doivent débuter par la recherche de la meilleure utilisation
– grande fiabilité ; du gisement de la rivière, pour préserver l’avenir d’autres projets.
– durée de vie égale à celle du titre administratif, en général Pour cela, il faut rassembler les renseignements géographiques,
de 30 ans. géologiques, climatiques, hydrologiques, hydrogéologiques, et
La conception doit intégrer la nécessité d’une maintenance rechercher les divers documents sur la région. Les situations les
minimale et d’une périodicité rare. L’exploitation doit être plus propices seront recherchées pour la prise d’eau et la restitu-
simple et pouvoir être assurée par du personnel non spécia- tion.
lisé. Pour cela, la conduite et le fonctionnement sont entière-
Les études hydrologiques doivent être poussées pour optimiser
ment automatiques avec des équipements fiables et sûrs, et
le débit d’équipement et assurer la meilleure rentabilité du projet.
des réglages optimisant la production.
Le module (la moyenne interannuelle calculée sur le plus grand
nombre d’années possible), les valeurs moyennes mensuelles et
les valeurs extrêmes (figure 1), en crue et en étiage, doivent être
recherchés pour estimer les recettes en année normale, en année
1. Études et définition extrêmement sèche et aussi pour prévoir les équipements en
de l’équipement rivière qui permettront de passer les crues extrêmes, sans dom-
mage pour l’installation et l’environnement.
Beaucoup de données sur des chutes et débits des rivières fran-
Un aménagement hydroélectrique comprend : çaises sont recensées dans les annuaires hydrologiques des ser-
– une prise d’eau en rivière ou dans une retenue ; vices hydrologiques de l’administration, des agences de bassins
– des ouvrages d’amenée ; ou autres utilisateurs des rivières. Les renseignements oraux sur
– une usine de production ; les phénomènes extrêmes sont à rechercher auprès des riverains
– une restitution au cours d’eau ; et des responsables locaux pour compléter la connaissance de la
– une ligne d’évacuation d’énergie ; rivière. Les laisses de crues seront repérées pour corroborer les
– des accès aux sites. dires.

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1.2.2 Définition de l’équipement


Répartition des débits moyens mensuels
Courbe de débits classés Le débit d’équipement est le paramètre principal définissant le
projet. Plusieurs variantes sont étudiées pour comparer leurs
10 10 coûts et les recettes correspondantes.
9 9 Il s’agit d’abord d’établir le productible. Le productible moyen
Wpm correspond à la production d’une année calculée avec des
8 8
débits journaliers, qui sont la moyenne des débits de ce jour,
7 7 observés sur la plus grande période possible et en utilisant tous
Débits en m3/sec

Débits en m3/sec
6 6
les débits.
L’énergie produite dépendra du débit d’équipement. La puis-
5 5
sance installée P (kW) se calcule par la formule :
4
3
Débit moyen 3 m3/sec
4
3 R
2 2 avec k coefficient dépendant du rendement global de
l’installation, tenant compte des pertes de
1 1 charge le long du circuit hydraulique et des
0 0 rendements de chaque machine, turbine,
J F M A M J J A S O N D multiplicateur, alternateur, transformateur,
auxiliaire. Pour les machines importantes et en
0 100 200 300 365
première approximation, on peut prendre k = 8,
entre 6 et 8 pour les machines plus faibles,
Figure 1 – Courbe des débits classés (nombre de jours atteignant
cette valeur de débit) et débits moyens mensuels Qe débit d’équipement (m3/s),
h hauteur brute (m).

Sur certains cours d’eau, et en cas d’incertitude, il peut s’avérer Le productible théorique Wt se calcule à partir de cette puis-
nécessaire d’installer un limnigraphe près du site prévu de la prise sance et des données hydrologiques limitées au débit Qe d’équi-
d’eau. Ces appareils s’installent au plus tôt, dans un endroit pement. Pour cela on utilise la courbe des débits classés qui trace
calme, pour avoir le plus possible de mesures significatives. Il est le nombre de jours où le débit est supérieur à un débit donné
conseillé de faire installer et suivre les mesures par le cabinet qui (cf. § 1.3 de [D 4008]).
fera l’étude d’impact du projet. Ses hydrologues doivent être à La puissance des micro-ordinateurs actuels permet de calculer
même d’étalonner et d’assurer des données de qualité. la production sur la durée des chroniques de débit et de préciser
La qualité de l’eau (pH, dureté, pureté) est à mesurer à divers la production moyenne possible. Pour les installations avec réser-
moments de l’année et sera à fournir pour les consultations des voir, ces simulations de fonctionnement sont impératives.
entreprises. Les transports solides et les corps flottants seront sui- La recette annuelle théorique découlera des négociations sur les
vis dans les situations de crues et d’étiages pour estimer les tarifs avec l’acheteur sur les bases des productibles théoriques sur
risques de sédimentation et d’abrasion. les différentes périodes tarifaires.

1.2 Études de faisabilité 1.2.3 Dimensionnement des ouvrages


et des matériels
1.2.1 Définition du schéma d’aménagement Les ouvrages du circuit d’eau sont dimensionnés pour le débit
d’équipement retenu. Si l’équipement comporte un réservoir, les
À partir des éléments permettant de situer les ouvrages du pro- dimensions du barrage sont déterminées par le volume à stocker
jet, il est nécessaire de préciser les éléments du projet. Une carto- et les courbes de capacité déduites des levés topographiques. Il
graphie des lieux, au 1/50 000 ou 1/25 000, est utilisée pour
faut aussi prévoir la gestion des transports solides et les équipe-
déterminer les accès et le passage de lignes électriques, et les
ments nécessaires aux chasses, dégravages ou curages.
relevés cadastraux pour connaître les propriétaires des terrains
concernés. Les levés de terrain sont indispensables pour préciser Les ouvrages de prise et d’amenée sont dimensionnés pour
la dénivellation et, pour les centrales qui ne sont pas au fil de obtenir un compromis économique entre pertes de charges et
l’eau, le passage possible des ouvrages de dérivation. coût. En effet, les pertes de charge aux grilles de prise, dans le
Si une retenue est projetée, le calcul de sa capacité nécessite un canal ou la conduite d’amenée, diminuent quand leur section aug-
relevé topographique (1/1 000) au sol pour être précis. Pour les mente. Leur coût, calculé sur les bases du contrat espéré de vente
retenues importantes (ce qui est rare pour de petites centrales), de l’énergie, est à comparer au surcoût de l’augmentation de sec-
des relevés très précis des lignes d’eau seraient nécessaires pour tion de passage (cf. § 4.3.2 de [D 4008]).
vérifier les points singuliers (affluents, col…). Dans le cas de production en réseau séparé (village isolé), le
Une première esquisse des ouvrages de prise, de dérivation calcul se fait sur le coût comparé d’une production par d’autres
(canal, conduite…), de l’usine et de la restitution est tracée. moyens (thermique, éolien, solaire…).
Si la géologie locale est incertaine ou variée, il sera utile de Le nombre de groupes de production dépend de l’amplitude
demander l’avis d’un géologue sur le tracé des ouvrages. Des des variations de débit et des possibilités de fonctionnement à dif-
sondages doivent être faits, de toute façon, au niveau des férentes charges du type de groupe, si l’intérêt économique le jus-
ouvrages importants pour en préciser l’importance ou, au moins, tifie. Le type de turbine dépendant du débit turbiné et de la
faire des tranchées de reconnaissance. La situation des nappes hauteur de chute, le choix se fait à partir d’abaques qu’utilisent les
phréatiques et des sources environnantes devra être connue. constructeurs.

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– définition des procédés de montage et d’entretien définissant


les dispositifs de manutention, les charges à supporter, les plages
Dépenses annuelles c coût de construction de montage et stockage ;
e coût d’exploitation capitalisé – définition des services et appareils auxiliaires et de leur empla-
cement, des transformateurs du poste électrique et des auto-
mates ;
a=c+e – définition des conditions de raccordement au réseau d’électri-
cité et conditions du contrat de vente ;
– définition des asservissements et régulations de vitesse et ten-
c
sion, des principes de conduite, des automatismes de protection et
(c + e)min des télécommunications ;
– établissement du programme des travaux et des échéances
administratives et financières.

R e

O De D (m)
2. Déroulement du projet
Figure 2 – Détermination de l’optimum économique
2.1 Démarches administratives
Elles sont liées à la réglementation du pays pour obtenir :
Le choix de la solution retenue correspondra à l’optimum entre – le titre administratif (autorisation préfectorale si la puissance
le coût de la construction et la valorisation de la quantité d’éner- est inférieure à 4 500 kW, ou concession au-delà) ;
gie produite (figure 2). – le cahier des charges ou règlement d’eau ;
Le coût du génie civil se fait à partir des « prix d’ordre » des tra- – les autorisations locales (permis de construire, de passage,
vaux majorés pour tenir compte des aléas techniques. Cette majo- contrat de vente…).
ration peut varier de 10 à 50 % par poste, en fonction des Un dossier d’impact est nécessaire pour déposer la demande de
incertitudes laissées par les études préliminaires. Le coût des titre. L’étude pour établir ce dossier pouvant demander une année
matériels se fait à partir des propositions estimatives faites par les d’observations, il faut la lancer auprès d’une société spécialisée
constructeurs. dès que la décision de réaliser est prise.
Les devis doivent tenir compte de tous les postes : La réalisation du projet peut s’effectuer selon les capacités du
– dossier d’impact et mesures compensatoires ; maître d’ouvrage, selon les modalités suivantes ou toute solution
intermédiaire :
– accès ;
– ouvrages de génie civil ; – un contrat unique est passé à un entrepreneur général, qui
prend la responsabilité de la coordination du chantier, entre sa
– matériels et équipements hydrauliques et électriques ;
propre intervention et ses sous-traitants fournisseurs de travaux
– évacuation de l’énergie ; ou matériels, qui ne sont pas de sa compétence ;
– ingénierie et intérêts intercalaires éventuels. – des contrats distincts sont confiés à des entreprises et fournis-
Le choix entre plusieurs variantes se fera par une étude écono- seurs spécialisés.
mique et financière pour déterminer la plus rentable. Dans tous les cas, les règles d’appel d’offres en vigueur sont à
respecter, et les responsabilités du maître d’ouvrage à bien cer-
ner. En général, pour les petites centrales, trois lots principaux
1.3 Avant-projet détaillé sont envisageables.
1. Le génie civil et les études d’exécution (par un bureau spé-
Il permet une mise au point du projet pour rédiger les pièces cialisé ou par l’entrepreneur) ;
définitives des appels d’offres aux différents corps de métiers.
Pour confirmer les données des études précédentes et pour éviter 2. L’électromécanique pour les groupes turbine-alternateur et
les contestations éventuelles des entreprises et fournisseurs, les les matériels du circuit hydraulique : grilles de prise, dégrilleur,
plans et les exigences techniques doivent être précisés : vannes et accessoires…
– dimensionnement des ouvrages de prise, canaux, galerie, che- 3. Équipements électriques : circuits de haute et basse tension,
minée d’équilibre, conduite forcée, canal de fuite ; transformateurs, armoires de poste, automatismes, télésurveil-
lance, services généraux.
– définition de l’agencement de la centrale avec le circuit
d’eau, l’emplacement des groupes et des matériels auxiliaires, Les spécifications des ouvrages ou matériels doivent porter
les facilités de maintenance, les circuits de ventilation, les dis- sur les fonctions principales attendues du projet et laisser le
positions d’hygiène et de sécurité du personnel. Le plan de prestataire libre de rechercher les solutions économiques et
masse précisera les charges statiques et dynamiques des fiables qui respectent les fonctions et garanties à attendre du
machines et permettra à l’architecte de proposer un projet de projet.
permis de construire ; Les garanties demandées doivent assurer l’économie du projet
– définition des groupes : type et puissance de la turbine, vitesse dans la durée du titre et la sûreté des ouvrages et de l’exploita-
nominale, type et puissance du générateur ; tion. Outre les contrôles réglementaires ou normalisés, les garan-
– implantation des groupes : axe (vertical, horizontal, oblique), ties exigées doivent pouvoir être contrôlées.
calage par rapport aux niveaux amont et aval, niveaux des plan-
chers ;
– caractéristiques des machines en marche normale et transi- 2.2 Avancement du projet
toire, inertie des parties tournantes et tenue à l’emballement,
conditions de survitesse et surpression, intensité de court-circuit et L’analyse des offres peut amener à des négociations sur des
conditions de surtension ; précisions de réalisation ou réserve du soumissionnaire, à l’exa-

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men de variantes ou programme des travaux, aux conditions de


paiements. Après accord, les contrats peuvent être signés et les
travaux peuvent démarrer.
Durant les travaux, sur le site comme dans l’usine, les
contrôles prévus sont exécutés et, à la fin de chaque lot, leur
réception sera faite conformément aux règles commerciales en
vigueur.
La mise en service se fait sous la responsabilité des presta-
taires, après vérification de fonctionnement des sous-
ensembles :
– mise sous tension des auxiliaires ;
– mise en eau des circuits hydrauliques ;
– rotation du groupe à vide puis couplage ;
– essais électriques ;
– essais en phases transitoires (déclenchements en charge, sur-

vitesse…).
Le transfert de propriété des fournitures se fait selon les
conditions des contrats et doit être associé à la fourniture des
dossiers de maintenance avec les comptes rendus de mise en
service.

3. Génie civil et
infrastructures
3.1 Type d’aménagement
Figure 4 – Chute avec dérivation
Un aménagement hydroélectrique est adapté au site et toutes
les fonctions hydrauliques citées au paragraphe 1 ne sont pas tou-
jours nécessaires. Le classement habituel se fait d’après la hauteur
de chute utilisée.
3.2 Ouvrages de retenue
Les basses chutes sont des chutes sur les seuils et barrages des
cours d’eau ou canaux, généralement sans longue dérivation
(figure 3). Un seuil est un barrage de faible hauteur dont la fonction est
Les chutes moyennes et hautes chutes peuvent être sans déri- de maintenir un plan d’eau pour dériver une partie du débit
vation si elles sont incluses dans un barrage, avec un ouvrage dans un canal ou dans l’admission d’une turbine.
d’amenée (galerie, canal ou conduite) et un ouvrage en charge Un barrage est un ouvrage créant une surélévation significa-
(conduite forcée), une cheminée d’équilibre peut alors s’avérer tive du plan d’eau et permettant un stockage plus ou moins
nécessaire entre ces deux derniers ouvrages (figure 4). important des débits.

Les technologies utilisées dépendent beaucoup de la géologie


locale pour définir l’étanchéité et fournir les matériaux de
construction.

3.2.1 Seuils et petits barrages


Les techniques anciennes rencontrées sont, selon le terrain, en
maçonnerie, en bois associé à des enrochements, à aiguilles de
bois sur des radiers en maçonnerie. Actuellement, on utilise les
gabions, les palplanches, les structures gonflables sur seuil en
béton (figure 5), plusieurs techniques pouvant être utilisées sur le
même site (figure 6a).
Les barrages gonflables sont constitués d’un boudin en caout-
chouc gonflé à l’eau. Ils permettent de modifier la cote de retenue
et peuvent ainsi réaliser aussi un évacuateur de crue (figure 6b).

3.2.2 Grands barrages


Les différentes technologies utilisées sont explicitées dans
[D 4008]. Elles dépendent des matériaux utilisables proches du
site. Il s’agit principalement des barrages en terre, en enroche-
ments, en béton poids ou voûte et des barrages mobiles consti-
Figure 3 – Basse chute au fil de l’eau avec groupe bulbe tués de vannes en rivière.

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Énergies renouvelables
(Réf. Internet 42594)

1– Biomasse

2– Hydroélectricité

3– Éolien et énergies marines Réf. Internet page

Atlas du potentiel de l'énergie éolienne et mesures de vent BE8400 63

Énergie éolienne terrestre BE8405 67

Physiques des éoliennes BE8584 69

Centrales éoliennes couplées aux réseaux BE8585 73

Eolien ofshore. Techniques de base BE8571 79

Systèmes de surveillance de défauts pour l'aide à la maintenance prédictive de parcs MT9286 85


de turbines éoliennes
Éoliennes. Évolution, principes de base et potentiel de conversion BM4640 89

Récupération de l'énergie des vagues BE8570 95

Énergie des marées et des courants en france BE8572 99

Usines marémotrices pour le XXIe siècle BE8573 105

Utilisation innovante des hydroliennes : les maréliennes RE178 109

4– Énergie solaire

5– Géothermie

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Atlas du potentiel de l’énergie éolienne


et mesures de vent
par Nacer MESSEN
Chercheur Sénior au Centre de Recherche Nucléaire de Birine (CRNB) – Algérie
Chercheur associé au Programme National de Recherche du Centre de Recherche
Scientifique et Technique des Régions Arides (CRSTRA)

et Nachida KASBADJI MERZOUK


Chercheur Sénior à l’Unité de Développement des Équipements Solaires UDES
Centre de Développement des Energies Renouvelables CDER, 42415, W. Tipaza, Algérie
Enseignante associée au Département Energies Renouvelables de l’Université de Blida 1,
Algérie


1. Traitement et modélisation des mesures du vent .................... BE 8 400 – 3
2. Extrapolation de la vitesse du vent à la hauteur de la nacelle — 4
3. Potentiel énergétique éolien ........................................................ — 5
4. Mesures du vent .............................................................................. — 7
4.1 Mât de mesures .................................................................................. — 7
4.2 Instruments de mesures .................................................................... — 7
4.2.1 Anémomètres et girouettes ..................................................... — 7
4.2.2 Ballon captif météorologique .................................................. — 7
4.2.3 SODAR ..................................................................................... — 7
4.2.4 LIDAR ....................................................................................... — 8
4.3 Rose des vents ................................................................................... — 8
4.4 Vents locaux ....................................................................................... — 8
5. Atlas éolien ...................................................................................... — 9
5.1 Méthode d’interpolation spatiale ...................................................... — 9
5.2 Atlas éolien à grande échelle ............................................................. — 9
5.3 Atlas microclimatiques ...................................................................... — 10
6. Conclusion........................................................................................ — 11
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. BE 8 400

’énergie éolienne est une des plus anciennes puissances naturelles domesti-
L quées sous forme mécanique, principalement pour la traction des navires et
l’entraı̂nement des meules des moulins et des pompes. Les moulins à vent ont dis-
paru. Cependant, les pompes mues par les éoliennes continuent à tourner, sans
oublier la marine à voile qui a de tout temps utilisé l’énergie cinétique du vent.
On trouve de nos jours des éoliennes pour assurer :
– le pompage de l’eau : cette utilisation se trouve surtout dans des régions
isolées ou des pays en voie de développement ; dans un passé récent, toute
l’eau utilisée pour le pâturage dans les hauts plateaux algériens provenait du
pompage mécanique éolien ;
– la production de l’électricité ; en couplant une génératrice à une éolienne, on
peut obtenir de l’électricité avec ce qu’on appelle l’aérogénérateur dont l’utilisation
s’est répandue dans le monde à des faibles, moyennes et grandes puissances ;
– le chauffage dans l’habitat ; cette idée est restée au stade expérimental pour
devenir dans l’avenir une option intéressante pour certaines contrées.
Pour toutes ces applications, l’élaboration et l’utilisation d’un atlas du poten-
tiel éolien, c’est-à-dire de l’histoire des vents de la région, depuis au moins une
décennie, est fondamentale.
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ATLAS DU POTENTIEL DE L’ÉNERGIE ÉOLIENNE ET MESURES DE VENT ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Pour avoir une idée des variations durant l’année, une étude de la répartition
du vent doit être réalisée [1].

Symboles Défintion Unité

A surface du disque m2

C, C1, C2 facteur d’échelle de Weibull m.s-1

Cp coefficient de puissance nombre

F force N

F(V) distribution cumulée de Weibull nombre

HT hauteur à laquelle le ballon captif doit voler m

N nombre de points de mesure nombre

S Pmoy
puissance énergétique éolienne
moyenne disponible
W

puissance maximale récupérable par la


Pmax W
roue

(Pu)moy densité de puissance éolienne utile W.m-2

densité de puissance éolienne réellement


(Pe)moy W.m-2
utilisable

Pn puissance nominale W

Vmoy vitesse moyenne du vent m.s-1

V, Vx vitesse du vent m.s-1

Vam, Vav vitesse du vent en amont et en aval m.s-1

vitesses de démarrage, nominale et


Vd, Vn, Vs m.s-1
d’arrêt de l’éolienne

V1 vitesse du vent au niveau z1 m.s-1

V2 vitesse du vent au niveau z2 m.s-1

(Vu)moy vitesse moyenne utile m.s-1

ff0 fréquence (ratio) de vents calmes (V = 0 %

fi fréquence (ratio) du vent de vitesse Vi %

f(V) fonction de distribution de Weibull (m.s-1)-1

k, k1, k2 facteur de forme de Weibull nombre

KA élévation du ballon m

HA hauteur de la colline m

u* vitesse de frottement m.s-1

zg moyenne géométrique de l’altitude m

z, z1, z2 altitude m

zo rugosité du sol m

produit du rendement mécanique et


h nombre
électrique

r masse volumique de l’air kg.m-3

s, s (x) écart type de la distribution de la vitesse m/s

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beXTPP

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– ATLAS DU POTENTIEL DE L’ÉNERGIE ÉOLIENNE ET MESURES DE VENT

1. Traitement et modélisation La distribution de Rayleigh est un cas particulier de la distribu-


tion de Weibull pour le cas où le facteur de forme k est égal à 2.
des mesures du vent Sa densité de probabilité est donnée par :

V ⎛ ⎛V ⎞ 2 ⎞
f (V ) = 2 exp ⎜ − ⎜ ⎟ ⎟ (6)
⎝ ⎝C ⎠ ⎠
C 2
La puissance énergique éolienne moyenne disponible, associée à
une circulation d’une masse d’air à une vitesse Vmoy et agissant sur
une surface A du rotor d’une éolienne, s’écrit :
Toutefois, la distribution de Weibull classique (fonction de deux
paramètres) est la plus indiquée. L’utilisation de ces deux paramè-
Pmoy =
1
2
ρA V 3( )moy (1)
tres permet l’évaluation d’un nombre important de propriétés de la
distribution, d’où une meilleure caractérisation des sites.
avec r masse volumique, paramètre variant avec l’alti- Les lois de modélisation permettent la détermination des fac-
tude et la température. teurs éoliens caractérisant un site, à savoir :
L’expression précédente montre que la puissance disponible – la vitesse moyenne du vent ;
varie avec la vitesse cubique moyenne du vent. Cette dernière est – la vitesse cubique moyenne du vent ;


déterminée à partir d’un traitement statistique des données vent – la variance de la distribution des vitesses.
brutes et le calcul des fréquences à un seuil donné de vitesse.
Partant des mesures vent (vitesse et direction), la vitesse
De par la forme des nuages des points obtenus, les études de
moyenne pondérée s’écrit :
modélisation de la distribution des vitesses du vent ont été
orientées vers des modèles associant puissance et exponentielle. ∞
Les modèles usuels sont : Vmoy = ∫ V f (V )dV (7)
– la distribution de Weibull [3] ; 0
– la distribution hybride de Weibull [2] ;
– la distribution de Rayleigh [31].
Alors que la vitesse cubique moyenne se détermine par :
Le modèle le plus utilisé pour traduire la variation des vitesses de
vent est la loi de distribution de Weibull. Sa densité de probabilité ∞
se présente sous la forme : (V 3 )moy = ∫ V 3 f (V ) dV (8)
0
k −1 ⎛ ⎛V ⎞ k ⎞
⎛ k ⎞ ⎛V ⎞
f (V ) = ⎜ ⎟ ⎜ ⎟ exp ⎜ − ⎜ ⎟ ⎟ (2)
⎝C ⎠ ⎝C ⎠ ⎝ ⎝C ⎠ ⎠ La variance est donnée par :

∫ (V − Vmoy ) f (V ) dV
Elle peut être ramenée à la fréquence (ratio) de la vitesse 2
σ2 = (9)
mesurée.
0
k et C sont des paramètres appelés communément paramètres
de Weibull. Le facteur de forme k est sans dimension et caractérise
la forme de la distribution de fréquences alors que le facteur Les expressions relatives aux différents modèles sont por-
d’échelle C détermine la qualité du vent. Ce dernier a la dimension tées dans le tableau 1 [4] où la fonction statistique tabulée G est
d’une vitesse. La détermination de ces paramètres permet la donnée par :
connaissance de la distribution des vents pour un site donné.

Le traitement peut se faire directement ou en passant par les fré-
quences par classes en considérant les moyennes. La fonction de Γ ( x ) = ∫ exp ( − t )t x −1dt (10)
répartition est donnée par : 0

Vx ⎛ ⎛V ⎞ k ⎞
F (V ≤ Vx ) = ∫ f (V ) dV = 1− exp ⎜⎝ − ⎜⎝ Cx ⎟⎠ ⎟ (3) avec x paramètre dépendant de k (cf. valeurs dans tableau 1).
0 ⎠
Plusieurs méthodes sont utilisées pour l’ajustement des don-
nées statistiques (détermination des coefficients k et C de Weibull).
∞ Les plus fréquemment utilisées sont la méthode des moindres car-
⎛ ⎛V ⎞ k ⎞
F (V > Vx ) = ∫ f (V ) dV = exp ⎜⎝ − ⎝⎜ Cx ⎠⎟
⎟ (4) rés et la méthode du maximum de vraisemblance [4] [5].
Vx ⎠ Ainsi, le facteur de forme k suggère la forme de la courbe.
Une valeur élevée de k implique une distribution étroite avec
La distribution hybride de Weibull est utilisée lorsque la fré- des vents concentrés autour d’une valeur, alors qu’une faible
quence des vents calmes enregistrée, sur un site donné, est supé- valeur de k implique des vents largement dispersés. L’effet du fac-
rieure ou égale à 15 %, [2]. En effet, cette proportion ne peut pas teur de forme k sur l’allure de la distribution est mis en évidence
être négligée et doit être prise en compte lors de la caractérisation à travers la figure 1. On remarque que pour k > 1, le maximum de
d’un site du point de vue éolien. Cette distribution s’écrit : la fonction s’éloigne de l’axe des fréquences, alors que pour
k = 1, la distribution prend la forme d’une loi exponentielle.
k −1 ⎛ ⎛V ⎞ k ⎞
⎛ k ⎞ ⎛V ⎞ Lorsque k = 2, on retrouve la distribution de Rayleigh, alors que
f (V ) = (1 − ff0 ) ⎜ ⎟ ⎜ ⎟ exp ⎜ − ⎜ ⎟ ⎟ pour V > 0
⎝C ⎠ ⎝C ⎠ ⎝ ⎝C ⎠ ⎠ (5) pour k > 3 la fonction se rapproche d’une loi binomiale. De même
l’effet du facteur d’échelle C sur l’allure de la distribution est mis
f (V ) = ff0 pour V = 0 en évidence grâce à la figure 2. Le facteur d’échelle C indique de
la position du mode de la courbe. Sa valeur est élevée pour des
avec ffo fréquence des vents calmes. sites ventés et faibles pour les sites peu ventés.

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Énergie éolienne terrestre

par Nacer MESSEN


Chercheur Sénior au Centre de Recherche Nucléaire de Birine (CRNB) – Algérie
Chercheur associé au Programme National de Recherche du Centre de Recherche
Scientifique et Technique des Régions Arides (CRSTRA)

et Nachida KASBADJI MERZOUK


Chercheur Sénior à l’Unité de Développement des Équipements solaires UDES


Centre de Développement des Énergies Renouvelables (CDER), 42415 W. Tipaza, Algérie
Enseignante associée au Département Énergies Renouvelables de l’Université de Blida 1,
Algérie

1. Contraintes de fonctionnement de l’éolienne .......................... BE 8 405 – 2


2. Influence locale sur le vent........................................................... — 3
2.1 Influence du terrain ............................................................................ — 3
2.2 Influence de la topographie ............................................................... — 3
2.3 Influence du changement de rugosité ............................................... — 3
2.4 Influence des obstacles ...................................................................... — 4
2.5 Extrapolation verticale de la vitesse du vent .................................... — 5
3. Évaluation de site retenu .............................................................. — 6
4. Conclusion........................................................................................ — 7
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. BE 8 405

e taux de croissance moyenne à l’échelle mondiale de l’énergie éolienne a


L été de 34 % par an au cours des cinq dernières années. Par conséquent,
le vent est non seulement la technologie d’énergie renouvelable qui présente
la plus forte croissance, mais aussi la source d’énergie électrique à la plus
forte croissance.
Le coût de l’énergie éolienne a considérablement diminué au cours des der-
nières décennies. Selon une étude réalisée par Eurobserv’ER en février 2017, la
puissance éolienne installée dans le monde à la fin de l’année 2016 est de
486,7 GW ; elle est pour l’union européenne de 12,1 GW.
Les deux principaux obstacles à la mise en œuvre à grande échelle de l’éner-
gie éolienne sont :
– l’intermittence perçue des vents ;
– la difficulté à identifier les endroits de bon vent, en particulier dans les pays
en développement.
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQX

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ÉNERGIE ÉOLIENNE TERRESTRE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Symboles Définition Unité

I intensité de la turbulence nombre

su écart type de la vitesse du vent m/s

um vitesse moyenne du vent m/s

u* vitesse de frottement m/s

z hauteur de mesure m

z0 hauteur de rugosité m

S Ds coefficient de survitesse nombre

hauteur à laquelle, il n’y a plus de


h m
changement dans l’écoulement

dimension caractéristique de la colline


L m
(demi-largeur à sa demi-hauteur)

hauteur à laquelle la survitesse est


ℓ m
maximale

u vitesse du vent m/s

P porosité nombre

1. Contraintes z
z0
hauteur de mesure,
hauteur de rugosité.
de fonctionnement
Contraintes météorologiques. Le fonctionnement de l’éolienne
de l’éolienne doit être le moins possible perturbé par des phénomènes météo-
rologiques tels que la neige, le givre, la tempête de sable, les ora-
ges, la grêle, etc.
La turbulence affecte le rendement de l’éolienne à cause du chan- Contraintes aérologiques. Pour que le projet soit économique-
gement très fréquent de son régime. L’intensité de la turbulence ment rentable, une éolienne nécessite un vent fort et régulier.
du vent peut s’exprimer par le rapport entre l’écart type de la La vitesse du vent doit être comprise en général entre 4 et 25 m/s.
vitesse du vent et sa vitesse moyenne sur un intervalle de temps Pour des vitesses inférieures à 4 m/s, les vents sont insuffisants
donné [20] : pour faire démarrer l’éolienne. Ceux qui atteignent des vitesses
supérieures à 25 m/s sont trop violents et peuvent causer des
I = σu /um (1) dégâts à l’installation. À noter que certains constructeurs indiquent
que la puissance nominale d’une éolienne correspond à une vitesse
Cette intensité peut aussi être exprimée par la hauteur caractéris- aux environs de 15 m/s.
tique de la mesure de la vitesse du vent et la hauteur de rugosité Contraintes physiques. La composition de l’atmosphère, qui est
caractéristique du terrain [3] influencée par la pollution, la brume, le brouillard et, d’une façon
générale, tout ce qui peut faire varier la densité de l’air, affecte le
u* rendement de l’éolienne.
I= où k = 0, 4
 z  (2) Contraintes liées à la corrosion due à la concentration de sel ou
k ln   de sable. Les problèmes de corrosion sont bien connus de tous
 z0 
ceux qui vivent à proximité de la mer ou dans les zones sableuses.
À proximité de la mer, une combinaison d’humidité élevée, de
avec I intensité de la turbulence, haute température, de teneur élevée en sel et de pluies peu fré-
su écart type de la vitesse du vent, quentes produit des conditions propices à la corrosion qui peuvent
détruire une structure métallique en quelques mois s’il n’y a pas eu
um vitesse moyenne du vent,
de protection préventive [4]. Sans maintenance, les performances
u* vitesse de frottement (en m/s), de l’installation sont rapidement réduites.

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Physique des éoliennes

par Hervé NIFENECKER


Professeur à l’université inter-âge du Dauphiné
Physicien nucléaire
Président d’honneur de l’association « Sauvons le climat »

1. Puissance du vent ................................................................................. BE 8 584 - 2


1.1 Puissance maximale récupérable. Loi de Betz ....................................... — 2
2. Physique des pales................................................................................ — 3
2.1 Définition des forces agissant sur les pales............................................ — 3
2.2 Cas de la pale en mouvement.................................................................. — 4
2.3 Condition d’équilibre ................................................................................ — 5
2.4 Rendement maximal de pale ................................................................... — 5
2.5 Rendement de production........................................................................ — 6
2.6 Forme optimale des pales ........................................................................ — 6
3. Éolienne.................................................................................................... — 6
3.1 De la pale à l’éolienne............................................................................... — 6
3.2 Choix des caractéristiques d’une éolienne ............................................. — 7
3.3 Puissances instantanée, nominale et moyenne ..................................... — 8
3.4 De la puissance du vent à la puissance électrique ................................. — 9
3.4.1 Couplage du rotor ............................................................................ — 9
3.4.2 Génératrices asynchrones............................................................... — 9
4. Parc d’éoliennes .................................................................................... — 9
4.1 Disposition des éoliennes ........................................................................ — 10
4.2 Localisation du parc .................................................................................. — 10
5. Gestion des parcs d’éoliennes ........................................................... — 10
5.1 Distributions des vitesses de vent ........................................................... — 10
5.2 Distribution des puissances ..................................................................... — 12
6. Problème de l’intermittence .............................................................. — 13
6.1 Caractéristiques exigées du stockage ..................................................... — 14
6.2 Stockage par batterie ................................................................................ — 14
6.3 Stockage par station de transfert d’énergie par pompage (STEP) ....... — 15
7. Conclusion............................................................................................... — 16
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQT@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQX

Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BE 8 584

es éoliennes font désormais partie du paysage français et européen. Elles


L sont devenues les prototypes des énergies renouvelables seulement
concurrencées par les panneaux photovoltaïques, au point qu’on semble avoir
oublié les massifs ouvrages de l’hydroélectricité. Certes, les réacteurs nucléaires
sont présents tous les jours dans les médias, mais rarement de façon positive.
Les Français au fait de la technique ont une idée sur les principes de fonctionne-
ment des réacteurs, des barrages hydroélectriques et des cellules
photovoltaïques. Paradoxalement, alors que les moulins à vent sont parmi les
plus anciens dispositifs de production d’énergie mécanique, les principes de
fonctionnement des éoliennes sont largement ignorés. La loi de Betz [1] qui relie
la puissance de l’éolienne à la vitesse du vent et à la surface balayée par les
pales, qui est donc une approche globale de l’éolienne, est assez bien connue
par les initiés. À l’autre extrême, on trouve des livres de référence, tel celui de
Cunty (physique très proche de celle de la propulsion à voile), qui expliquent

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PHYSIQUE DES ÉOLIENNES ___________________________________________________________________________________________________________

comment une pale isolée réagit aux forces exercées par le vent sur sa surface .
Mais il est difficile de trouver comment réconcilier ces deux approches apparem-
ment contradictoires [2] [3]. Bien plus étonnant, si les forces du vent sont
correctement traitées, celles dues à la résistance de l’air ne le sont pas. C’est
l’ambition de cet article de donner une présentation unifiée et analytique de
l’ensemble de phénomènes intervenant dans la transformation de l’énergie du
vent en électricité. La dérivation de la loi de Betz donne une valeur maximale du
rendement d’une éolienne. La présentation classique de l’interaction entre le
vent et une pale d’éolienne [2] [3] permet de définir les forces de traînée et de
portance, ainsi que les coefficients correspondants. Cette approche permet
d’optimiser l’angle d’attaque mais reste statique et ne permet pas de calculer le
rendement de l’éolienne, ni sa vitesse de rotation. Il faut donc, dans une pre-
mière étape, traiter des effets de la résistance de l’air qui conduit à une vitesse
limite de rotation dépendant essentiellement de l’angle d’attaque du vent. Dans
la deuxième étape, il y a lieu d’introduire le freinage induit par le couplage à la


génératrice électrique. La force de ce couplage est elle-même optimisée par
rapport à la puissance électrique produite. Ajoutons qu’il est utile d’optimiser la
forme des pales en faisant varier l’angle d’attaque selon la position radiale de
l’action du vent, ce qui explique leurs formes complexes.
En tournant, les pales créent un sillage. Pour qu’une approche globale à la
« Betz » ait un sens, il faut que la vitesse de rotation de la pale soit supérieure
à une valeur limite qu’on trouve égale à environ 1 tr/min, ce qui est pratique-
ment toujours le cas.
La vitesse de rotation maximale des éoliennes est déterminée par la vitesse
en bout de pale au-delà de laquelle des turbulences de l’air apparaissent.
Les éoliennes sont généralement regroupées en parc. Chaque éolienne
extrayant une part de l’énergie du vent, la géométrie du parc doit être telle que
la présence d’une éolienne ne réduise pas significativement la puissance du
vent incident sur ses voisines. Cette condition commande la densité
d’éoliennes du parc. L’emplacement des parcs doit également être optimisé eu
égard au régime des vents.
Enfin, il existe des possibilités de pallier au moins partiellement l’intermit-
tence de l’électricité éolienne soit par un effet de foisonnement, soit par des
dispositifs de stockage de l’électricité.

1. Puissance du vent tissement de l’air de la vitesse initiale V1 à une vitesse finale V2 .


Remarquons que, pour assurer la conservation du flux de masse et
dans la mesure où la masse spécifique de l’air varie peu, il est
On considère une masse d’air animée d’une vitesse V. Un nécessaire que la colonne d’air se dilate latéralement en traversant
volume d’air de longueur L parallèle à la direction du vent et de l’éolienne. Cette dilatation commence d’ailleurs au vent de
surface S est caractérisé par : l’éolienne. La figure 1 montre comment la colonne d’air est défor-
mée par la présence de l’éolienne.
– une quantité de mouvement SLρV ;
– une énergie cinétique 1/2SLρV 2 avec ρ masse volumique de
l’air.
Pour calculer la puissance passant par une surface S perpendi-
culaire à la direction du vent il suffit de poser L = V. Et donc la
puissance du vent passant par la surface S s’écrit :

1 Vent
P0 = S ρV 3 V1
2 V2

1.1 Puissance maximale récupérable.


Loi de Betz
On peut schématiser une éolienne comme un dispositif de
surface S perpendiculaire à la direction du vent transformant une
partie de l’énergie du vent en mouvement perpendiculaire à la Figure 1 – Déformation de la colonne d’air par la présence
direction du vent. La puissance enlevée au vent implique un ralen- d’une éolienne

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___________________________________________________________________________________________________________ PHYSIQUE DES ÉOLIENNES

Par le passage à travers l’éolienne, la colonne d’air perd donc


1 
une énergie  ρ (V12 − V22 ) .
2 
En supposant qu’au niveau du rotor de surface S, la vitesse de la
colonne soit (V1 + V2)/2, la puissance maximale rendue disponible
pour l’éolienne vaut donc : +++ −−−
Vent
+++ −−−
1 1  V  V2 +++ −−−
Pdisp = ρ S (V1 + V2 )(V12 − V22 ) = ρSV13  1+ 2   1− 22 
4 4  V1   V1 

Pdisp est maximal pour :


V2 1 + zones de surpression
= (1) − zones de dépression
V1 3

et vaut :


Figure 2 – Distribution des lignes de courant pour un obstacle
16 perpendiculaire à la direction du vent
Pmax = P0 (2)
27
Cette relation a été démontrée par Albert BETZ [1] dès 1919,
16
d’où son nom. La valeur ≈ 0,6 est une limite maximale du z
27
rendement des éoliennes qui est, en général, loin d’être atteinte.

2. Physique des pales


Vent

2.1 Définition des forces agissant 0


sur les pales x

On suppose que le vent, dirigé selon la direction Ox est incident


sur un obstacle. Ainsi qu’on peut le voir sur la figure 2, les lignes
de courant sont déformées pour contourner l’obstacle. En même
temps une zone de surpression se crée au vent de l’obstacle,
surpression qui repousse les lignes de courant vers l’extérieur.
Derrière l’obstacle, au contraire, une dépression est créée qui est
responsable de la reconvergence des lignes. La différence de Figure 3 – Distribution des lignes de courant pour un obstacle
pression entre les faces au vent et sous le vent entraîne l’existence incliné par rapport à la direction du vent

d’une force de pression R qui s’exerce perpendiculairement à la
surface de l’obstacle.
La figure 2 représente la situation où le vent arrive perpendicu-
lairement à la surface de la pale de l’éolienne. Dans ce cas, la pale
ne peut se mettre en mouvement. La figure 3 montre un cas où le
vent arrive à un angle oblique par rapport à la surface. Une force
s’exerce alors, dans ce cas pour mettre en mouvement la pale vers
le haut, dans le cas d’espèce. →
La figure 4 permet de définir les notations dans ce cas, en P

supposant, dans une première approche, que la vitesse du R
mouvement de la pale est faible devant celle du vent.

La composante de R le long de la direction du vent est appelée →
la traînée T et, dans le cas des éoliennes et pour les faibles vites- T
ses, est inefficiente, puisque l’on s’arrange toujours pour que les
pales tournent dans un plan perpendiculaire à la direction du vent.
La composante perpendiculaire à la direction du vent est la por-
tance P. i
Le module de la force de pression est proportionnel à la surface ρ
T = kx S sin2(i)V2
de la pale offerte au vent, S sin (i ), où i est l’angle d’incidence du 2
ρ
vent par rapport à la surface de la pale et S la surface de la pale. La P = kz S sin(i)cos(i)V2
2
force de pression est également proportionnelle au carré de la
avec S surface de la pale
vitesse du vent V. On peut donc écrire :

ρ
R =k S sin(i )V 2
2 Figure 4 – Définition de la portance et de la traînée

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PHYSIQUE DES ÉOLIENNES ___________________________________________________________________________________________________________

Cz/Cx
Cz
0,5 5

0,4
4
0,3
3
0,2

0,1 2

0,0
1
– 0,1
0
– 0,2
0 5 10 15 20 25 30


0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 i(°)
Cx

Figure 6 – Allure de l’évolution du rendement de la pale


Figure 5 – Variation de Cz en fonction de Cx en fonction de l’angle d’incidence du vent

On mesure expérimentalement la traînée et la portance qu’on


peut écrire :

R
ρ
T = kx S ((t 0 + sin2 (i )) V 2
2 (3) →
ρ P
P = kz S sin(i )cos(i ) V 2
2
→ i
T
Le terme t0 dans la définition de T correspond au fait que la pale
ayant une épaisseur finie, un terme de traînée existe même pour α
une incidence rasante. On définit aussi les coefficients de portance
et de traînée :

C x = k x (t 0 + sin2 (i ))
(4)
C z = k z sin(i )cos(i )

Vréel →
En principe, kz et kx varient lentement avec i. La figure 5 montre Vrel
comment Cz varie en fonction de Cx pour des angles d’incidence
compris entre – 8 et 20o, dans le cas où kz = kx = 1. Pour les
incidences négatives la portance ramène la pale vers le bas. Pour
l’incidence nulle la portance s’annule. Elle s’annule aussi pour →
l’incidence normale. Vapp

Le rapport de la portance à la traînée reflète le rendement de la


pale. Un exemple de la variation de ce rapport avec l’angle Figure 7 – Définition des angles et forces dans le cas d’une pale
d’incidence est montré sur la figure 6. On y voit que le rendement en mouvement
passe par un maximum pour un angle d’incidence assez faible.
La vitesse apparente dépend à la fois de la vitesse angulaire ω
de rotation de la pale et de la distance r à l’axe de rotation. En
2.2 Cas de la pale en mouvement module, on a :

Dans ce qui précède, nous avons supposé que la vitesse de Vapp = 2πωr (5)
déplacement de la pale était négligeable devant celle du vent. En
réalité, la force de portance P met en rotation la pale de l’éolienne
et crée de ce fait un vent apparent en sens inverse de la rotation. La figure 7 définit les angles et forces mises en jeu dans ce cas.
Ce vent s’ajoute au vent réel pour créer un vent relatif. Soit i La pale fait un angle α avec son plan de rotation. Le vent relatif fait
l’angle d’incidence fait entre la surface de la pale et le vent relatif. l’angle d’incidence i avec la pale. L’angle i est donné par :
Soit α l’angle fait entre le plan de la pale et le plan perpendiculaire

à la direction du vent réel (angle de calage). La vitesse relative Vrel Vréel
arctan (i + α ) =
 Vapp
s’exprime comme la somme du vent apparent Vapp et du vent réel

(physique) Vréel : π
   avec la limite pour |Vapp| = 0, i + α = .
Vrel = Vapp + Vréel 2

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Centrales éoliennes couplées


aux réseaux
par Denis LEFEBVRE
Ingénieur SUPÉLEC
Directeur prospective et réseau de Quadran
et Jean-Marc NOËL
Ingénieur de l’École navale

1. Contexte actuel .................................................................................... BE 8 585v2 - 2 S


2. Ressource : gisements éoliens ......................................................... — 3
2.1 Caractérisation du gisement ................................................................... — 3
2.2 Variations locales..................................................................................... — 5
2.3 Atlas éoliens ............................................................................................. — 6
3. Étude du gisement éolien d’un projet ............................................ — 7
3.1 Objectifs.................................................................................................... — 7
3.2 Méthodologie ........................................................................................... — 7
3.3 Codes numériques de calcul................................................................... — 10
3.4 Calcul du productible............................................................................... — 10
4. Aérogénérateurs................................................................................... — 10
4.1 Principes de conception .......................................................................... — 10
4.2 Nacelle ...................................................................................................... — 13
4.3 Support ..................................................................................................... — 14
4.4 Performances des aérogénérateurs ....................................................... — 15
5. Centrales éoliennes ............................................................................. — 16
5.1 Développement des projets .................................................................... — 16
5.2 Environnement......................................................................................... — 16
5.3 Choix des aérogénérateurs onshore (terrestres) .................................. — 17
5.4 Aérogénérateurs offshore ....................................................................... — 18
5.5 Économie des projets .............................................................................. — 19
6. Insertion de l’électricité éolienne dans les réseaux................... — 19
6.1 Raccordement au réseau public ............................................................. — 19
6.2 Codes de couplage .................................................................................. — 20
6.3 Développement des réseaux pour accueillir la production éolienne .. — 22
6.4 Vente de l’énergie .................................................................................... — 22
6.5 Compétitivité de l’énergie éolienne ....................................................... — 22
6.6 Part de l’énergie éolienne dans la production d’électricité .................. — 22
7. Gestion de l’énergie éolienne ........................................................... — 23
7.1 Organisation............................................................................................. — 23
7.2 Réglementation........................................................................................ — 24
8. Conclusion ............................................................................................. — 24
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BE 8 585v2

ès la première crise pétrolière de 1973, les pays de l’OCDE (Organisation


D de coopération et de développement économique, pays riches et déve-
loppés) se sont intéressés à l’énergie éolienne pour l’injection d’électricité dans
les réseaux de distribution. Les crises pétrolières se succédant, cet intérêt a
perduré et augmenté, permettant à la filière éolienne de se développer. Ce
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQW

développement dans les pays riches a été rendu possible par l’obligation faite
aux distributeurs d’électricité d’acheter l’électricité éolienne à des prix rémuné-

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CENTRALES ÉOLIENNES COUPLÉES AUX RÉSEAUX ________________________________________________________________________________________

rateurs pour les développeurs, très supérieurs aux prix moyens constatés sur
les marchés. Le différentiel entre le prix d’achat aux développeurs et le prix
moyen du marché est au final supporté par le consommateur.
Depuis quelques années, les prémisses d‘une crise climatique conséquence
de la diffusion des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, gaz produits en
partie par la génération d’électricité à partir de combustibles fossiles, ont
majoré l’intérêt pour l’électricité éolienne, électricité décarbonée.
De plus, la baisse du coût de l’énergie éolienne a conduit au décollage de
cette technologie dans les pays du Sud, où les coûts de production d’électricité
sont souvent élevés.
La puissance éolienne installée dans le monde est passée de 10 GW en 1998
à 432 GW, dont 12 GW offshore fin 2015. Depuis plusieurs années, la techno-
logie éolienne est celle qui connaît la plus forte croissance dans le monde,
talonnée par le solaire. 43,7 % des capacités installées en Europe en 2014 sont


éoliennes (source EWEA).
Ce développement foudroyant a totalement occulté le maintien d’activités
annexes dans le domaine du pompage éolien mécanique ou dans le domaine
des alimentations électriques éoliennes autonomes (maisons isolées, bateaux).
Le présent article ne traite que de la mise en œuvre actuelle de l’électricité
éolienne pour son injection dans les réseaux de distribution.
Il ne s’agit donc pas d’un examen exhaustif des applications et des technolo-
gies de l’énergie éolienne, mais d’une analyse centrée sur les technologies
mises en œuvre pour :
– construire les aérogénérateurs fournissant de l’électricité aux réseaux ;
– préparer l’installation de ces aérogénérateurs en centrales éoliennes ;
– rendre compatible la fourniture discontinue et très variable de l’électricité
éolienne avec le fonctionnement normal des réseaux.

1. Contexte actuel Il est difficile de fixer une limite technique à la taille des
éoliennes. Les contraintes logistiques, mais aussi l’impact
visuel dans les pays riches, sont les principaux freins à l’aug-
L’énergie éolienne s’est développée d’abord au Danemark dans
mentation de la taille des éoliennes, mais de nouvelles solu-
les années 1980, puis aux États-Unis, en Allemagne et en Inde
tions permettront probablement de repousser les limites
dans les années 1990. L’Europe et dans une moindre mesure les
actuelles.
États-Unis ont dominé longtemps l’industrie éolienne, mais la
Chine est aujourd’hui le pays qui compte les premiers construc-
teurs d’éoliennes et la plus forte capacité éolienne installée avec
145 GW fin 2015. Le développement contrasté de l’énergie éolienne est bien
entendu lié à une répartition inégale du gisement éolien. Mais
En Europe, l’énergie éolienne fournit 10 % de la consommation
2015 montre aussi l’impact négatif d’un cadre réglementaire et
électrique.
politique fluctuant : le développement de l’énergie éolienne s’est
Un phénomène marquant est l’augmentation très nette du effondré au Danemark, en Espagne et en Italie, qui représentaient
nombre de pays qui ont mis en place des politiques permettant le de grands marchés pour cette forme d’énergie.
développement de l’énergie éolienne. Alors qu’en 2000, il n’y avait
encore que 5 pays qui possédaient plus de 500 MW d’éolien, ils Le marché offshore a mis du temps à démarrer à cause de prix
étaient 35 en 2014. élevés. La capacité éolienne offshore mondiale a augmenté de
Cette croissance très forte s’est accompagnée d’une augmenta- 1,5 GW/an environ depuis 2012, exclusivement en Europe et en
tion rapide du diamètre des rotors d’éolienne, passé en moyenne Chine. Quelques prototypes d’éolienne offshore flottante ont été
de 30 m (pour 0,3 MW) au début des années 1990, à 80 m (pour installés, en particulier au Japon, mais les prix de cette technologie
1,5 MW) en 2000, et 110 m (pour 3 MW) actuellement (2016). Les sont encore beaucoup trop élevés pour un développement à
constructeurs travaillent sur des prototypes de 8 à 10 MW, 170 m, grande échelle.
pour le marché offshore.
À noter également que le marché du repowering, qui consiste à
Exemples remplacer d’anciens aérogénérateurs par de nouveaux sur le
même site, prend une place significative dans les pays pionniers.
L’éolienne E126 d’Enercon a un rotor de 127 m pour une puissance
de 7,58 MW.
L’éolienne offshore V164-8 de MHI-Vestas a un rotor de 164 m Exemple
pour une puissance de 8 MW. L’agence danoise de l’énergie prévoit le remplacement de 1,3 GW
L’éolienne AD8-180 a un rotor de 180 m pour une puissance de d’éoliennes d’ici 2020. En Allemagne en 2014, plus de 500 aérogéné-
8 MW. rateurs ont été remplacés par 1,1 GW de capacité nouvelle.

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Cette tendance est favorisée par la difficulté de plus en plus


grande à équiper de nouveaux sites qui disposent d’un gisement
éolien favorable.

La durée de vie d’une centrale éolienne étant assez courte


(20 ans), la maîtrise foncière sur la durée de terrains bien ven-
tés et pouvant accepter plusieurs générations d’aérogénéra-
teurs devient un objectif prioritaire des développeurs.

2. Ressource : gisements
éoliens


Le vent est la conséquence du déplacement de l’air depuis les
zones de haute pression vers les zones de basse pression.
En un point donné de l’atmosphère, le vent est caractérisé à un
instant donné par sa vitesse mesurée en m/s et sa direction, mesu-
rée en degrés par rapport au Nord géographique.

2.1 Caractérisation du gisement Figure 1 – Centrale éolienne de La Motelle, équipée de V112,


en pleine production

2.1.1 Vitesse moyenne annuelle de vent


Les paramètres de la loi de Weibull peuvent également
En première approximation, les gisements éoliens sont caractéri- s’exprimer par A facteur d’échelle, qui a la dimension d’une vitesse
sés par la vitesse moyenne annuelle du vent, exprimée en m/s. de vent (m/s) et k (c chez les Anglo-Saxons), pour le facteur de
C’est la moyenne arithmétique d’une série d’observations effec- forme (figure 2).
tuées à intervalles réguliers.
2.1.2.2 Rose des vents

Dans les stations météorologiques synoptiques, compte La rose des vents la plus simple consiste à noter les occur-
tenu de la complexité du spectre des vitesses de vent, la rences de direction du vent dans un diagramme circulaire, en
vitesse et la direction notées lors des observations sont les nombre par direction azimutale, par exemple de 0 à 360°, par
moyennes de ces grandeurs sur 600 s enregistrées toutes les secteurs de 10°.
10 min.
Les stations météorologiques synoptiques sont des stations
du réseau mondial météorologique pour mesurer les condi- Exemples de roses des vents (figure 3)
tions locales et les intégrer dans le système de prévision.
Il est clair que dans le cas de la figure 3b, on peut installer les aéro-
générateurs de la centrale éolienne selon une ligne 50 à 230°, perpen-
Les vitesses moyennes annuelles de vent observées dans le diculaire à la direction dominante, sans craindre les interactions entre
monde à 10 m de hauteur au-dessus du sol, hauteur de référence sillages.
des stations météorologiques standard, occupent la plage de 1 à Il faut effectuer une étude plus poussée dans un cas analogue à
11 m/s. celui de Longvic-les-Dijon.
La centrale éolienne de la Motelle, équipée de V112, en pleine
production est donnée sur la figure 1. 2.1.3 Puissance éolienne et exploitation

2.1.2 Distribution des vitesses de vent


Les aérogénérateurs sont les machines qui transforment la
Pour une analyse plus fine des possibilités énergétiques d’un puissance cinétique du vent en électricité.
gisement éolien, il est nécessaire de connaître le spectre de répar-
tition des vitesses et des directions du vent, c’est-à-dire la réparti-
tion de l’occurrence des vitesses de vent classées par tranches de La puissance cinétique Pc du vent de vitesse V, qui traverse une
1 m/s. Il est en effet nécessaire d’établir la rose des vents d’un pro- surface A perpendiculaire à sa direction est donnée par :
jet de centrale éolienne pour limiter les pertes par sillage.
(1)
2.1.2.1 Spectre des vitesses de vent. Loi de Weibull
avec ρ masse volumique de l’air (1,225 kg/m3 dans les conditions
standard, au niveau de la mer).
La puissance théorique maximale qu’une machine éolienne peut
Se reporter à l’article [D 3 960] Aérogénérateurs électriques extraire du vent est donnée par la relation de Betz [D 3 960] :
pour toutes les indications nécessaires et utiles sur l’utilisation
de la distribution de Weibull pour caractériser les sites éoliens. (2)

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2 000

1 500
Site [B] Vitesse moyenne annuelle Va = 8 m/s
Distribution (h/an)

Facteur de forme, k = 4
Paramètre d'échelle, A = 8,826 m/s

1 000

500
Site [A] Vitesse moyenne annuelle Va = 8 m/s
Facteur de forme, k = 2


Paramètre d’échelle, A = 9,027 m/s

0
0 5 10 15 20 25 30 35

Vitesse du vent Vi (moyennes sur 10 min) (m/s)

Figure 2 – Distribution annuelle des vitesses de vent pour deux sites théoriques de même vitesse moyenne annuelle du type alizé (site B)
et du type Côte Atlantique Ouest (site A)

320
Par exemple, dans la direction Sud, « ROSE DES VENTS »
il y a : Données observées à la base aérienne de Longvic
≈ 6 % de vent à 2-4 m/s ;
≈ 1 % de vent à 5-8 m/s ;
≈ 0,1 % de vent > 8 m/s.
La fréquence moyenne d’une Vitesses maximales remarquées 4 jours/an
direction est le pourcentage du en moyenne pour des vents de 80 km/h et
temps annuel pendant lequel le vent 1 jour/an pour des vents de 100 km/lh
vient de cette direction.

360 40

280 80
2-4 m/s 11,9
5-8 m/s Vitesse des vents
expl. 1 m/s = 3,6 km/h 240 120
160
> 8 m/s Vitesses des vents : 200
Cercle central : V ⭐ 1,5 m/s
0% 10 % Fréquence moyenne des Bleu : 2 < V ⭐ 4 m/s
directions du vent en % Vert : 5 < V ⭐ 8 m/s
Orange : 8 m/s < V

a aérodrome de Longvic les Dijon. Directions b direction des vents quasiment monotone.
dominantes N-NW et S-SW Dominance des vents du 320°

Figure 3 – Exemples de roses des vents

En pratique : 2.1.4 Énergie éolienne annuelle

L’énergie éolienne disponible sur un site est le résultat de l’inté-


gration, sur une période à définir, en général, le cycle météorolo-
gique de base – l’année –, de la puissance cinétique du vent
La plupart des sites produisent une puissance moyenne de (figure 4).
200 à 300 kW par MW de puissance installée. La puissance
d’un aérogénérateur variant beaucoup avec la vitesse du vent Cette énergie s’exprime couramment sur une période annuelle
V, il est essentiel de bien connaître cette vitesse sur le site en kWh/m2.
d’une centrale. Des projets éoliens ont connu des déboires
Pour les sites normalement exploitables pour la fourniture
pour avoir sous-estimé la complexité de l’exercice, et les
d’électricité éolienne au réseau, les vitesses moyennes annuelles
études de gisement peuvent aujourd’hui demander un gros
correspondantes sont dans la plage de 6 à 11 m/s, soit des éner-
travail.
gies cinétiques du vent de 2 250 à 13 250 kWh/m2 par an.

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450

400 Site [B] Vitesse moyenne annuelle Va = 8 m/s


Facteur de forme, k = 4
350 Paramètre d'échelle, A = 8,826 m/s
Énergie annuelle ∑E = 2 048 kWh/m2
300
Ec (kWh/m2)

250
Site [A] Vitesse moyenne annuelle Va = 8 m/s
200
Facteur de forme, k = 2
Paramètre d’échelle, A = 9,027 m/s
150
Énergie annuelle ∑E = 3 170 kWh/m2
100

50


0
0 5 10 15 20 25 30 35
Vitesse du vent Vi (moyennes sur 10 min) (m/s)
Il vient que la différence de facteurs de forme se traduit par une capacité énergétique théorique
de 50 % plus élevée pour le site de type atlantique.

Figure 4 – Distribution annuelle des énergies surfaciques du vent pour les deux sites théoriques de la figure 2 du type alizé et du type Côte
Atlantique Ouest

Tableau 1 – Classement des paysages terrestres selon leur rugosité météorologique


Terrain Classe de rugosité Coefficient
Plans d’eau (lacs, fjords, mer), sol lisse et nu, sable ou neige lisse 0 0,07
Pistes et taxiways d’aéroport, zone aéroportuaire ou agricole avec peu de bâtiments et
1 0,15
d’arbres, terrain agricole d’allure ouverte
Terrain agricole d’allure fermée, beaucoup d’arbres et de buissons 2 0,22
Lignes d’arbres brise-vent, banlieue 3 0,30
Forêt, ville 4 0,40

Le potentiel éolien des projets onshore est souvent de 5 à 2.2.2 Gradient vertical de la vitesse du vent
7,5 m/s, alors qu’il est facilement de 8 à 10 m/s pour les projets
offshore à 100 m asl (above sea level ), ce qui permet d’absorber L’expression la plus usitée pour calculer la variation de la vitesse
en partie les surcoûts de l’offshore. moyenne du vent avec la hauteur au-dessus du sol, le gradient ver-
tical de la vitesse du vent, est une loi exponentielle qui s’exprime
de la façon suivante :
2.2 Variations locales
(3)
Le vent est un fluide qui s’écoule à la surface d’un solide, la avec α coefficient de rugosité sélectionné dans le tableau 1,
terre, et son écoulement est modifié à proximité de cette surface,
le sol. Vx vitesse du vent à la hauteur hx ,
Vref vitesse du vent à la hauteur de référence href .
2.2.1 Rugosité météorologique Le graphique de la figure 5 représente, en fonction du coefficient
de rugosité, la vitesse du vent entre 0 et 250 m au-dessus du sol
L’écoulement du vent à proximité du sol (ou de la mer) terrestre
pour une vitesse de vent géostrophique (1 000 m de hauteur) de
est influencé et modifié par les caractéristiques locales de celui-ci,
20 m/s. Ce graphique souligne l’aberration de vouloir installer des
caractéristiques que l’on décrit sous le vocable de rugosité
machines éoliennes dans les villes, ainsi que l’intérêt de monter
météorologique.
l’axe du rotor suffisamment haut (80 à 100 m) (figure 6). En mer, la
Plus cette rugosité est élevée, plus la vitesse moyenne du vent rugosité est faible, et il n’est pas utile de monter au-dessus de
est ralentie au voisinage du sol. Le tableau 1 présente le classe- 100 m.
ment des paysages terrestres en fonction de leur rugosité.
Cette rugosité peut s’exprimer au moins de deux façons :
2.2.3 Effets du relief
– un coefficient de rugosité, de 1 à 5, utilisé dans les premières
applications du code de calcul WAsP ; Dans un paysage de collines, encore plus dans un paysage de
– un coefficient de rugosité α utilisé dans l’équation du gradient montagnes, le relief entraîne de fortes modulations du gisement
vertical de vitesse de vent. éolien.

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CENTRALES ÉOLIENNES COUPLÉES AUX RÉSEAUX ________________________________________________________________________________________

250

200 α = 0,07
Surfaces de sable lisses
Hauteur au-dessus du sol (m)

α = 0,15
Plaine agricole, Beauce
α = 0,22
150 Terrain agricole ouvert

α = 0,30
Haies denses
α = 0,40
100 Forêts, villes

S 50

0
0 5 10 15 20

Vitesse du vent (m/s)

Figure 5 – Vitesses du vent entre 0 et 250 m de hauteur en fonction de la rugosité météorologique de l’environnement

2.3 Atlas éoliens

2.3.1 Établissement des premiers atlas


de l’énergie éolienne
Les données brutes de vitesses de vent avaient déjà permis
d’établir des cartes portant les isohypses des vitesses de vent à
10 m de hauteur en prenant en compte les enregistrements des
stations météorologiques synoptiques et celles des aérodromes.
LՎtablissement de recherche danois de RISΠNational Labora-
tory, maintenant DTU Wind Energy, impliqué dès l’origine dans le
développement des applications de l’énergie éolienne, a mis au
point dans les années 1980 le code de calcul dénommé WAsP pour
visualiser la disponibilité de l’énergie éolienne à l’échelon de
régions.

2.3.1.1 Code de calcul WAsP


Le principe de fonctionnement de ce code est le suivant.
– Tout d’abord, on transforme les données de vent enregistrées
dans les stations météorologiques ou assimilées en vitesses et
directions de vent géostrophiques. Pour cela, on étudie la rugosité
météorologique par secteurs azimutaux de 30° autour de la station
Figure 6 – Montage d’un aérogénérateur (vue du haut de la flèche traitée pour obtenir un coefficient de rugosité intégré par secteur
de la grue) azimutal.
– On calcule les vitesses du vent géostrophique (vent d’altitude
Les lignes de crête sont en général favorables du fait des survi- peu influencé par le relief terrestre) correspondantes à chacun des
tesses qui y apparaissent. Il faut cependant faire attention à la pré- secteurs à partir de l’équation 3.
sence de pentes trop abruptes, encore davantage à la présence de – On obtient alors pour chaque station météorologique une rose
falaises. Leurs sillages peuvent créer des gradients verticaux de des vents géostrophiques.
vitesse de vent et des turbulences dommageables aux aérogénéra-
teurs du fait des contraintes dissymétriques élevées et des effets – En procédant de même pour toutes les stations météorolo-
de fatigue subséquents. giques d’une région, on obtient un réseau de points avec chacun
une rose des vents géostrophiques, d’où la possibilité d’y tracer,
Les codes de calcul les plus puissants (résolution des équations
après interpolations, les isohypses des vitesses de vent.
de Navier-Stokes) permettent d’obtenir une représentation précise
des gradients verticaux induits par les variations du relief et de – En superposant un quadrillage régulier à cette surface, on peut
déterminer les zones dangereuses (fatigue) pour l’installation des interpoler les roses des vents géostrophiques en n’importe quel
aérogénérateurs. point de la région.

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Éolien offshore
Techniques de base
par Jacques RUER
Ingénieur ECP
Directeur adjoint – développement des technologies, Saipem SA

1.
1.1
Particularités de l’éolien offshore .............................................
Conditions atmosphériques........................................................................
BE 8 571 - 2
— 2 S
2. Conditions de site .................................................................................... — 4
2.1 Marée – niveaux de la surface .................................................................... — 4
2.2 Vagues .......................................................................................................... — 4
2.3 Conditions de sol ......................................................................................... — 6
2.4 Salissures marines....................................................................................... — 6
3. Conception des équipements et infrastructures ............................ — 6
3.1 Fermes éoliennes offshore.......................................................................... — 6
3.2 Conception des éoliennes ........................................................................... — 7
3.3 Structures support et fondations des éoliennes offshore ........................ — 7
3.4 Équipement électrique ................................................................................ — 13
4. Construction en mer ............................................................................... — 15
4.1 Moyens navals pour la construction .......................................................... — 15
4.2 Installation des structures support et fondations ..................................... — 16
4.3 Installation des éoliennes............................................................................ — 18
4.4 Installation des câbles ................................................................................. — 19
4.5 Installation de la plate-forme ...................................................................... — 19
5. Maintenance .............................................................................................. — 20
5.1 Généralités ................................................................................................... — 20
5.2 Fiabilité des équipements ........................................................................... — 20
5.3 Télésurveillance ........................................................................................... — 20
5.4 Maintenabilité des équipements ................................................................ — 20
5.5 Maintenance préventive, conditionnelle, corrective................................. — 20
5.6 Accès aux éoliennes offshore ..................................................................... — 20
5.7 Aléas météorologiques ............................................................................... — 21
6. Éoliennes flottantes ................................................................................ — 21
6.1 Généralités ................................................................................................... — 21
6.2 Principales configurations d’éoliennes flottantes ..................................... — 21
6.3 Nouvelles éoliennes flottantes ................................................................... — 22
7. Impacts environnementaux et sociétaux .......................................... — 22
7.1 Impact biologique de la présence de la ferme .......................................... — 23
7.2 Impacts durant la construction ................................................................... — 23
7.3 Impacts pour les autres usagers de la mer................................................ — 23
7.4 Impact sur le paysage.................................................................................. — 23
8. Conclusion ................................................................................................. — 24
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 571

a volonté de développement de l’énergie éolienne dans certains pays


L entraîne la nécessité d’implanter des éoliennes en mer (offshore) afin de
profiter de larges espaces sur lesquels le vent est abondant.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQS

L’installation et l’exploitation d’éoliennes en mer sont foncièrement diffé-


rentes de ce qui peut se faire à terre. Les éoliennes sont fermement ancrées

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. BE 8 571 – 1

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ÉOLIEN OFFSHORE __________________________________________________________________________________________________________________

sur le fond, ce qui conduit à la nécessité de concevoir et construire des struc-


tures support sous-marines capables de transférer les efforts du vent jusqu’au
sol et de résister aux assauts des vagues. Le câblage utilise des câbles
sous-marins spéciaux.
A contrario, il est possible de transporter par voie maritime des équipements
de grande taille sans être gêné par les limites de transport routier. L’installation
des éoliennes et des câbles doit faire appel à des moyens navals adaptés. Les
navires de travail sont conçus pour lever des masses de plusieurs centaines de
tonnes à la hauteur requise, souvent plus d’une centaine de mètres. Ils sont
construits spécialement pour les besoins de l’éolien offshore et représentent
chacun un investissement de plusieurs centaines de millions d’euros.
Toutes ces particularités font qu’une éolienne offshore est plus chère qu’une
éolienne à terre. Dans le but de diminuer les coûts, les développeurs cherchent
à rentabiliser au mieux les investissements avec les principes suivants :


– la puissance de la ferme éolienne doit être aussi grande que possible,
limitée physiquement seulement par la capacité du réseau électrique à évacuer
l’énergie ou l’espace accessible. On vise des puissances de plusieurs centaines
de mégawatts ;
– en utilisant des machines de grande taille, le coût consenti pour les struc-
tures support devient relativement moins important (pour une profondeur
d’eau donnée) ;
– pour une ferme de puissance donnée, plus les éoliennes sont puissantes,
plus le nombre de machines à installer et à maintenir est réduit ;
– plus la taille des projets est grande, plus les investissements spécifiques,
tels que les navires d’installation, sont justifiés.
On comprend ainsi que les projets éoliens offshore sont des projets indus-
triels majeurs qui représentent chacun des investissements et des risques
financiers de plusieurs centaines de millions d’euros.
Il convient d’ajouter que la maintenance des éoliennes en mer est beaucoup
plus difficile qu’à terre, ne serait-ce que par les difficultés d’accéder aux
machines et de réaliser la manutention des équipements de rechange.
Il faut enfin souligner que les problèmes de sécurité sont particulièrement
aigus, puisque l’on conjugue les problèmes de travail en hauteur, de manuten-
tion de charges lourdes aux aspects de travail en mer qui doivent tenir compte
des limitations imposées par la météo et l’état de la mer.
Cet article ne prétend pas traiter l’ensemble du sujet de façon exhaustive.
L’état de l’art évolue très rapidement dans ce domaine et toute description de
ce qui a été réalisé récemment serait vite obsolète. C’est pourquoi, on se
contente de présenter les principales notions nécessaires au lecteur qui
s’éveille au sujet. Les notions abordées sont très variées, si bien que le lecteur
doit se reporter à des ouvrages spécifiques pour approfondir les points qui
l’intéressent plus particulièrement.

1. Particularités de l’éolien Le vent étant plus fréquent et plus fort qu’à terre, la ressource
d’énergie éolienne est meilleure en offshore [1]. La figure 1 montre
offshore la carte de la puissance éolienne au large de la Bretagne [2]. On
constate que la puissance moyenne augmente au large, avec une
différence entre la côte nord et la côte sud de la péninsule.
1.1 Conditions atmosphériques L’abondance de la ressource est favorable à l’exploitation. Alors
que le taux de fonctionnement des éoliennes terrestres est de
1.1.1 Vent en mer l’ordre de 20 % à 25 %, on peut atteindre en mer des taux voisins
de 40 %.
Au-dessus d’une surface terrestre, la rugosité du terrain
engendre un gradient de vitesse en fonction de l’alti- D’un autre côté, le vent atteint des vitesses considérables lors
tude [BM 4 640]. A contrario, les étendues marines sont dépour- des tempêtes. Les éoliennes offshore sont construites pour résister
vues d’obstacles et présentent une faible rugosité. La vitesse à des rafales de 50 m/s [3] [4] [5].
moyenne du vent en mer est nettement plus forte qu’à terre. Comme il n’y a pas d’obstacles capables de dévier le vent, il n’y
En plus du vent créé par les mouvements des masses d’air, les a guère de tourbillons, le vent est peu turbulent, ce qui diminue
phénomènes de brise apportent un vent supplémentaire. une des sources de fatigue des pales des éoliennes.

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Puissance
kW/m2
0,8

0,5

0,2
12 milles


24 milles

1 mille marin = 1 852 m

La puissance moyenne annuelle est donnée en kW par mètre carré de


surface balayée par le rotor. On remarque que la puissance moyenne
augmente lorsque l’on s’éloigne de la côte.

Figure 1 – Ressource éolienne offshore à 80 m d’altitude


au large des côtes de Bretagne calculée par un modèle
de circulation atmosphérique [2] (doc. Météo France)

Le faible gradient de vitesse autorise le positionnement de l’axe


du rotor des éoliennes offshore à une altitude relativement plus
basse qu’à terre (cf. § 3.3.2.1).
A contrario, le faible niveau de turbulence permet au sillage d’un
rotor de se propager très loin dans le lit du vent car le brassage
des masses d’air est lent. Or, le sillage d’un rotor crée des
conditions de vent très perturbantes pour un second rotor exposé
à celui-ci. La vitesse du vent est réduite, donc la puissance dispo-
nible est affectée, et la turbulence du sillage accentue la fatigue
des pales. Pour limiter le problème, on dispose les éoliennes au
mieux :
– lorsque le vent présente une direction dominante marquée, la
distance entre les éoliennes dans le sens du vent dominant est Figure 2 – Mât de mesure météorologique offshore (doc. RWE)
égale à 7 à 8 fois le diamètre du rotor. On peut par contre prévoir
une distance plus faible dans la direction perpendiculaire (5 à
6 diamètres) ; On mesure à plusieurs altitudes depuis le niveau de la mer
– lorsqu’il n’existe pas de direction dominante, la distance entre jusqu’à celle des futures nacelles, voire de la pale en position
les éoliennes est typiquement égale à 6 fois le diamètre du rotor. haute :
– la vitesse et la direction du vent ;
– les variations rapides du vent (turbulence) ;
Il s’ensuit que la densité de puissance d’une ferme offshore – la température ;
est de l’ordre de 6 à 7 MW par km2 de superficie. – l’humidité.
Les mesures suivantes sont également relevées :
1.1.2 Mesure de la ressource locale – les précipitations ;
– la pression atmosphérique ;
La rentabilité économique d’un projet ne peut être appréciée que – la hauteur des vagues ;
si la ressource éolienne locale est évaluée correctement avant – la vitesse du courant à diverses profondeurs grâce à un profi-
l’engagement des investissements. leur acoustique ;
– la température de l’eau.
1.1.2.1 Mât de mesure météorologique Les anémomètres et girouettes sont montés aux extrémités de
Pour ce faire, on implante sur le site un mât de mesure météo bras transversaux écartés du mât. On oriente ces bras en fonction
durant au moins une année avant le lancement réel du projet du vent dominant de manière à éviter au mieux l’influence du
(figure 2). sillage du mât sur les capteurs.
Le mât météorologique comprend une structure support ancrée Les informations sont recueillies par un ordinateur logé dans un
dans le sol grâce à une fondation adaptée aux conditions de sol abri sur la plate-forme. Elles sont envoyées à terre par radio, ce qui
locales, un treillis métallique de la hauteur voulue, une plate-forme évite d’avoir à installer un câble sous-marin à ce stade précoce du
intermédiaire à la base du mât. On y accède grâce à une échelle projet.
fixée sur la structure support, à laquelle les bateaux transférant le L’alimentation en énergie est fournie par des panneaux solaires
personnel peuvent accoster. ou des aérogénérateurs installés sur la structure.

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2. Conditions de site
Les conditions environnementales varient considérablement
d’un site à l’autre.
– Profondeur d’eau : les fermes offshore s’étendant sur de larges
superficies, la bathymétrie varie d’un point à l’autre d’une même
ferme. Souvent, il est nécessaire d’adapter les fondations pour
chaque éolienne.
– Marée : l’amplitude moyenne de la marée dépend du site. Elle
est faible en Méditerranée, atteint 5 m sur la façade Atlantique et
dépasse 10 m devant Saint-Malo.
– Vagues : le climat local de vagues est foncièrement différent
entre une zone abritée par des terres émergées et la mer ouverte.
Les vagues provoquent des efforts hydrodynamiques
considérables, qui dictent le dimensionnement des structures.


– Courants : les courants induits par la marée renforcent les
Figure 3 – Bouée de mesure météorologique par LIDAR efforts hydrodynamiques sur les structures.
(doc. 3E & Geosea)
– Sol : tous les efforts subis par l’éolienne sont repris par le sol.
Celui-ci présente donc une importance considérable lors du déve-
Toutes ces données sont nécessaires pour finaliser le dessin des loppement d’un projet. Il constitue même le principal risque tech-
structures support. Elles sont aussi utiles pour prédire les nique qui peut gréver le budget prévu initialement de manière
conditions de mer qui seront probablement rencontrées lors de la rédhibitoire. Les types de fondation utilisables sur un sol vaseux,
construction ou lors des futures opérations de maintenance. un sol sableux ou un fond rocheux sont différents et les caractéris-
Les mesures sur site sont confrontées aux mesures de stations tiques mécaniques à mesurer dans le sol ne sont pas les mêmes.
météorologiques terrestres voisines pour lesquelles on dispose
d’enregistrements historiques sur une longue période. Cela permet
d’extrapoler les mesures réalisées durant une année aux
2.1 Marée – niveaux de la surface
conditions qui prévaudront durant toute la vie de la ferme éolienne On distingue [2] [3] :
(typiquement une vingtaine d’années).
– le niveau moyen de l’eau sur le site MSL (Mean Sea Level) qui
L’implantation d’un mât de mesure constitue déjà un projet correspond au zéro des cartes terrestres ;
compliqué : – le niveau des plus basses marées astronomiques LAT (Lowest
– les autorisations nécessaires doivent être obtenues ; Astronomical Tide) ;
– les caractéristiques mécaniques du sol doivent être – le niveau des plus basses mers possible qui correspond au
déterminées ; zéro des cartes marines (Chart Datum) et est souvent confondu
– l’implantation en mer fait appel à des navires spécialisés. avec le niveau précédent ;
– le niveau des plus hautes marées astronomiques HAT (Highest
Astronomical Tide) ;
1.1.2.2 Bouée LIDAR
– le niveau de l’eau résultant d’une baisse de la pression atmos-
Une alternative intéressante proposée par certaines compagnies phérique lors d’une tempête HSWL (Highest Still Water Level). La
est d’utiliser une bouée de mesure (figure 3). Cette bouée porte un hauteur supplémentaire par rapport à HAT est dénommée surélé-
système de mesure de la vitesse du vent en altitude par LIDAR vation de tempête (Positive Storm Surge).
Light Detection And Ranging) [E 4 311] [6]. Les vagues créent des fluctuations de part et d’autre de ces
La bouée comporte plusieurs faisceaux laser dirigés vers le haut niveaux (figure 4 et § 2.2).
qui permettent de connaître la vitesse et la direction instantanée
du vent à plusieurs altitudes. Les mouvements de la bouée qui
pourraient fausser les mesures sont détectés par une centrale iner- 2.2 Vagues
tielle pour apporter les corrections nécessaires. Cette technique
Les vagues exercent sur les structures des efforts
simplifie grandement la réalisation des mesures sur site. Elle sera
considérables [1].
de plus en plus acceptée par les financiers qui ont besoin de l’éva-
luation de la ressource. Les vagues résultent de l’action du vent [7]. Le vent qui souffle
localement donne des vagues qui sont irrégulières avec une
1.1.2.3 Modélisation période relativement faible. La force des vagues augmente avec
celle du vent, la durée de celui-ci et la distance sur laquelle le vent
Une technique complémentaire d’évaluation de la ressource agit sur la mer (fetch). Elles peuvent provenir d’une autre zone par-
éolienne consiste à construire un modèle numérique de la circu- fois fort lointaine, auquel cas on observe une houle assez régulière
lation atmosphérique locale. Un maillage fin (par exemple 3 km de de grande période.
côté) permet de tenir compte de l’influence des conditions géogra- Sur une zone marine, le spectre de vagues peut inclure des
phiques du site et de la proximité de la côte. Le modèle est couplé composantes ayant plusieurs origines avec des hauteurs, des
à d’autres modèles représentant (avec un maillage moins dense, périodes et des directions variées.
par exemple 6 à 18 km de côté) la circulation atmosphérique d’une
zone beaucoup plus large (par exemple, l’Atlantique Nord-Est). La Lorsque l’on observe l’état de la mer durant une période donnée
carte présentée sur la figure 1 a été obtenue avec un modèle de ce (généralement 3 h), on constate que les vagues ne sont pas
genre. Cet outil numérique autorisera durant toute la vie de la régulières ; leur hauteur varie constamment, ainsi que l’intervalle
ferme une prédiction convenable du vent local plusieurs heures à de temps entre deux vagues successives. On caractérise alors cet
l’avance, ce qui est un outil précieux pour l’exploitant. Le modèle état de mer par trois valeurs :
est mis au point en comparant ses prédictions aux mesures sur – la hauteur significative des vagues Hs, égale à la hauteur
site. dépassée par le tiers des vagues les plus grandes ;

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Surélévation
Vagues

de tempête
Niveau

Marées
moyen Partie de structure
de la jamais immergée
Hmax
mer
Hs

HSWL

Partie de structure
HAT parfois immergée
(Splash Zone)
MSL

LAT

Partie de structure

toujours immergée

La partie jamais immergée peut être soumise à des aspersions d’eau et aux embruns.

Figure 4 – Représentation schématique des diverses hauteurs d’eau

6
Déferlement
5
d’occurence (%)

Hauteur de
vague
Fréquence

4 Profondeur
d’eau
3
2
1

2,5 Les efforts hydrodynamiques sur les structures support du site peuvent
Hauteur 15 16 17 18 être maximaux lorsque la profondeur d’eau diminue (par exemple avec
4,5 12 13 14 la marée) si un déferlement intervient.
des vagues 9 10 11
4 5 6 7 8
(m) 1 2 3
Période des vagues (s) Figure 6 – Schéma montrant l’incidence du déferlement
On remarque la superposition de vagues courtes dues au vent local, et
de houle longue de provenance lointaine – Il n’y a pas de grosses
vagues avec une courte période, car elle sont instables et déferlent comparant ses prévisions aux observations durant une campagne
suffisamment longue (typiquement une année).
Comme on recherche la hauteur maximale des crêtes des
Figure 5 – Corrélogramme Hs-T0 calculé par modélisation
pour un point en Baie de St-Brieuc (2o37,92’W – 48o47,82’N – vagues, on doit tenir compte des points suivants :
profondeur d’eau : 28,80 m) pour la période hivernale [8] – la hauteur maximale d’une vague (Hmax) est statistiquement
proche de 1,8 fois la hauteur Hs ;
– lorsque la hauteur des vagues est faible, la hauteur de la crête
– la période moyenne de passage par zéro T0 ; au-dessus du niveau moyen est voisine de la profondeur du creux.
– la direction de la provenance des vagues. Par contre, lorsque les vagues sont fortes, la hauteur de la crête est
Pour un site donné, les statistiques donnent généralement les plus forte que le creux. À la limite du déferlement, la hauteur de la
fréquences d’occurrence des couples de valeurs (Hs, T0) crête peut être 3 fois plus grande que le creux de la vague. La déter-
(figure 5) [8]. mination de la valeur extrême de Hmax doit ainsi tenir compte de la
cambrure des vagues, qui est influencée par la forme du fond.
Le site internet ANEMOC donne des exemples issus de modéli-
sation. Lorsque les vagues arrivent à proximité d’une côte et que la
hauteur des vagues dépasse environ 0,78 fois la profondeur d’eau,
Dans le cas du dimensionnement des structures d’éoliennes elles se cambrent, deviennent instables, se brisent et déferlent [4].
offshore, la difficulté vient du fait qu’on a besoin des valeurs Un fond en pente favorise le phénomène.
extrêmes susceptibles d’être rencontrées tous les 50 ans. Ce sont
des événements rares, quasiment jamais observés lors des Les vagues déferlent également si leur hauteur est trop impor-
campagnes de mesure. Il convient alors d’extrapoler les valeurs tante compte tenu de leur période (figure 6).
obtenues pour évaluer les valeurs extrêmes. La modélisation cou- Le déferlement accélère vers l’avant de grandes masses d’eau,
plée aux mesures est un outil précieux [8]. Le modèle est calé en et si le déferlement se produit juste au niveau d’une structure fixe,

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la pression d’impact peut localement dépasser plusieurs dizaines


de tonnes par mètre carré. Selon la hauteur des vagues et la hau-
teur de la marée, le déferlement se produit à des endroits diffé-
rents et l’un des premiers soucis des concepteurs de fermes
offshore est de déterminer la possibilité de rencontrer des
conditions de déferlement sur la zone et d’en évaluer l’importance.

2.3 Conditions de sol

2.3.1 Tenue mécanique du sol


Les efforts subis par la structure sont reportés dans le sol. Selon
les sites, les caractéristiques mécaniques du sol et du sous-sol a
peuvent varier considérablement.
Fréquemment, le fond marin est recouvert d’une couche de
sédiment meuble (argile molle, vase, etc.) incapable de résister à

S des sollicitations mécaniques. Pour les fondations profondes (par


exemple, les monopieux), on doit connaître l’épaisseur de cette
couche, et on tient compte de celle-ci en considérant que la pro-
fondeur d’eau est augmentée d’une valeur liée à l’épaisseur et à la
qualité du sédiment. Dans le cas des fondations superficielles,
telles que les embases gravitaires en béton, il peut être nécessaire
d’enlever cette couche par dragage. Si cela n’est pas économi-
quement viable, il faut renoncer à ce type de fondation.
La détermination précise des caractéristiques mécaniques du sol
passe par le prélèvement de carottes analysées en laboratoire. La
campagne de mesure correspondante est onéreuse et n’est géné- b
ralement entreprise que lorsqu’on a acquis une certitude raison-
nable que le projet pourra être réalisé. Lors de la phase d’étude On supprime le phénomène en disposant une couche de matériaux
préliminaire, des relevés sismiques donnent une première suffisamment lourds pour ne pas être mis en mouvement
approche de la configuration du sous-sol [9]. À ce stade, une étude
géologique de la zone apporte un éclairage sur les caractéristiques Figure 7 – Courants créés sur le fond des tourbillons en fer
probables du sous-sol. Il reste malgré tout un risque dans l’inter- à cheval autour de la structure qui provoque un affouillement
prétation des résultats qui subsiste jusqu’aux carottages.

aussi pour la stabilité des câbles électriques qui peuvent se trouver


2.3.2 Affouillement découverts au bout de quelques années malgré l’ensouillage de
Les sols meubles, tels que les fonds sableux, sont sensibles à ceux-ci lors de l’installation.
l’action des vagues et des courants. Les mouvements d’eau induits
par la houle et les courants donnent lieu à la formation de vortex
dits « en fer à cheval » qui s’enroulent autour de la structure plan- 2.4 Salissures marines
tée dans le sol et sont capables de soulever les sédiments pour les
déposer plus loin. Un affouillement se développe autour de la Les surfaces immergées sont progressivement recouvertes
structure qui est en partie déchaussée [1] [3] [4] (figure 7). Dans le d’organismes marins fixés. Ceux-ci diffèrent selon la profondeur.
cas de monopieux, on a reporté des affouillements dont la profon- Le dimensionnement des structures doit prendre en compte un
deur est voisine du diamètre du tube. encombrement accru lors des calculs des efforts hydrodyna-
Face à ce phénomène, on peut choisir deux options : miques. Les standards indiquent les augmentations de diamètre à
– accepter l’affouillement et dimensionner l’ensemble en tenant supposer [3].
compte d’une profondeur d’eau supérieure à la profondeur d’eau
initiale ;
– déposer autour de la structure une protection anti-affouil-
lement, par exemple une couche de pierres suffisamment grosses
pour que les tourbillons ne puissent pas les soulever.
3. Conception
des équipements
2.3.3 Mouvements du fond et infrastructures
Lorsque le sol est sableux, le fond présente des successions de
hauts-fonds et de fosses. On peut profiter d’un haut-fond pour
implanter les éoliennes dans des profondeurs d’eau réduites. Tou- 3.1 Fermes éoliennes offshore
tefois, il convient de s’assurer que le relief du fond restera suffi-
samment stable durant toute la durée de vie de la ferme, au risque
Une éolienne offshore n’est jamais isolée. On en regroupe un
de voir des structures support déchaussées prématurément. On
grand nombre dans la même zone ; leur production électrique est
s’appuie pour cela sur les relevés historiques des mesures bathy-
collectée, mise en forme et envoyée à terre. L’ensemble est
métriques lorsqu’elles existent sur une période passée suffisante.
dénommé ferme éolienne offshore. Elle inclut les équipements
Le problème est aggravé par la présence des éoliennes et de
suivants :
l’affouillement autour de celles-ci qui peut initier ou accélérer une
migration du haut-fond. Notons que ces considérations valent – les éoliennes implantées sur leurs structures support ;

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Systèmes de surveillance de défauts


pour la maintenance prévisionnelle
de parcs de turbines éoliennes
par Moamar SAYED MOUCHAWEH
Professeur de l’Institut Mines-Télécom
IMT Lille Douai, Douai, France


1. Systèmes de production d’énergie éolienne............................................ MT 9 286 - 2
1.1 Description d’une éolienne ........................................................................ — 3
1.2 Surveillance de défauts des éoliennes à partir de données SCADA ...... — 4
1.3 Défauts des éoliennes : nature et criticité ................................................. — 4
1.4 Aide à la maintenance des éoliennes........................................................ — 5
2. Diagnostic de défauts des éoliennes ........................................................ — 5
2.1 Principe général des méthodes de diagnostic des éoliennes ................. — 6
2.2 Classification générale des méthodes de diagnostic des éoliennes ...... — 6
3. Méthodes de diagnostic de défauts des éoliennes ................................. — 7
3.1 Diagnostic à partir de la surveillance/analyse de la puissance ............... — 8
3.2 Diagnostic à partir de la surveillance/analyse de la température ........... — 9
3.3 Diagnostic à partir de la surveillance/analyse de la vibration................. — 10
4. Bilan des méthodes présentées et discussion ......................................... — 11
5. Conclusion ................................................................................................... — 12
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. MT 9 286

es États membres de la Commission européenne ont pris l’engagement de


L réduire d’ici à 2020 la consommation d’énergie primaire de 20 %. Afin
d’atteindre cet objectif, il est devenu indispensable de développer et d’intégrer
des sources d’énergie renouvelable (SER), en particulier les sources éoliennes,
dans les réseaux de production usuels en veillant à garantir deux objectifs :
• accroître la production des SER, en particulier les parcs éoliens, en aug-
mentant leur disponibilité et leur fiabilité ;
• diminuer les coûts de production en réduisant les coûts de maintenance et
limitant les conséquences de défauts affectant le fonctionnement normal
des composants des SER.
Afin de pouvoir atteindre ces deux objectifs, il est indispensable d’équiper les
éoliennes d’outils de surveillance efficaces permettant de détecter de manière
précoce et fiable l’apparition de défauts et d’estimer leur criticité et durée de
vie restante afin de réaliser des ajustements ou des réparations au plus tôt et à
moindre coût.
Le diagnostic de défauts des éoliennes est une tâche très difficile à réaliser,
notamment à cause de la forte variabilité de la vitesse du vent et des tur-
bulences autour du plan du rotor, la non-linéarité de la dynamique des
éoliennes, l’apparition de certains défauts (par exemple, les défauts des action-
neurs de pivotement de l’angle de calage des pales) dans des conditions de
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQX

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SYSTÈMES DE SURVEILLANCE DE DÉFAUTS POUR LA MAINTENANCE PRÉVISIONNELLE DE PARCS DE TURBINES ÉOLIENNES ____________________________

fonctionnement (région d’optimisation de la puissance) où les conséquences


de ces défauts sont cachées, les actions de la commande qui compensent les
effets de défauts et le faible volume de données décrivant les défauts par
rapport aux données de fonctionnement normal.
Il existe de nombreuses méthodes de diagnostic de défauts des éoliennes
dans la littérature. Ces méthodes sont fondées sur l’utilisation d’un modèle
caractérisant les modes ou les comportements, de fonctionnement normal et/
ou défaillant. En général, ces méthodes peuvent être classées en deux catégo-
ries principales : les méthodes à base de modèle analytique et les méthodes à
base de traitement du signal et d’intelligence artificielle. Dans la première
classe, un modèle mathématique ou analytique (quantitatif et/ou qualitatif) est
construit en utilisant une connaissance a priori sur la dynamique et/ou la struc-
ture du système. Dans la deuxième classe, le modèle est construit par
apprentissage en utilisant un ensemble de données sur le comportement du
système. Les approches appartenant à ces deux catégories ont leurs avantages
S et inconvénients selon la connaissance disponible sur le comportement du sys-
tème, sa complexité, le mécanisme d’apparition des défauts et leur dynamique
de développement.
Dans cet article, le principe général des méthodes de diagnostic de défauts
des éoliennes sera présenté. Ensuite, les méthodes de diagnostic de défauts
des éoliennes les plus connues de la littérature seront étudiées et comparées
en utilisant plusieurs exemples. L’objectif est de montrer leur capacité à
répondre aux défis liés au développement et à l’implémentation d’un système
d’aide à la maintenance prévisionnelle de parcs éoliens.

1. Systèmes de production Le rendement effectif d’une éolienne (capacity factor) est


l’énergie effective produite par an divisée par l’énergie maxi-
d’énergie éolienne male que cette éolienne peut produire par an.

L’énergie éolienne est l’énergie en provenance du vent captée par À titre d’exemple, une éolienne en mer de 5 MW de puissance
des éoliennes et transformée en énergie électrique. La production maximale peut fournir 5*8760 heures = 15 GigaWattsheure (GWh/an)
d’énergie éolienne se développe rapidement grâce aux progrès tech- par an. L’énergie effectivement produite par an (8760 h) est égale à
nologiques et aux réglementations incitant à réduire les émissions 6 GWh/an avec un rendement effectif de 6/15 = 40 %. Cela signifie
de gaz à effet de serre et l’utilisation des sources d’énergie fossile. que la puissance moyenne de cette éolienne est égale à 6 000 MWh/
Les éoliennes sont le plus souvent rassemblées dans un « parc 8760 h ≈ 0,7 MW.
éolien » ou une « ferme éolienne » terrestre (onshore) ou en mer
Il y a deux mesures qui sont utilisées pour évaluer le retour
(offshore). L’éolienne terrestre est fixée dans le sol tandis que
d’investissement d’un parc éolien ; ces mesures sont les coûts
l’éolienne en mer est ancrée au fond de la mer dans des zones où la
d’investissement (CAPEX : Capital Expenditure) et les coûts opéra-
profondeur ne dépasse pas 40 m. Cependant, les éoliennes en mer tionnels (OPEX : Operational Expenditure).
peuvent être installées loin des côtes (farshore) sur des bases flot-
tantes. Ces éoliennes flottantes sont encore en phase de développe-
ment. Elles peuvent avoir deux modes d’exploitation : mode Les coûts d’investissement (CAPEX) sont les investissements
d’exploitation industrielle et mode d’exploitation domestique. Le (charges, immobilisations) nécessaires pour la mise au point
mode d’exploitation industrielle correspond à l’utilisation des (installation) d’un parc éolien.
éoliennes de puissance importante (supérieure à 2 MW pour Les coûts opérationnels (OPEX) sont les charges, ou
l’éolienne terrestre et supérieure à 5 MW pour l’éolienne en mer) et dépenses, courantes nécessaires pour faire fonctionner un parc
de grande hauteur de mât (supérieure à 120 m) reliée au réseau éolien.
électrique. Le mode d’exploitation domestique, quant à lui, corres-
pond à l’utilisation des éoliennes de faible puissance (jusqu’à 50 kW)
et hauteur du mât inférieure à 35 m. Les éoliennes domestiques (ins- Les CAPEX moyens pour les parcs éoliens français en 2016 se
tallées sur les toits d’immeubles) peuvent alimenter des bâtiments situent autour de 1,4 €/MW installés. Ces coûts correspondent princi-
isolés non reliés au réseau afin de diminuer la dépendance des palement à l’achat et au montage des éoliennes, le génie civil et les
autres infrastructures, et le raccordement au réseau électrique. Les
consommateurs à ce réseau ou bien être raccordées au réseau afin
OPEX moyens pour un parc éolien français en 2016 se situent autour
de revendre la production.
de 21 €/MWh. Ces coûts couvrent la maintenance des éoliennes, les
Les éoliennes en mer se développent beaucoup plus vite que assurances et les frais de gestion.
les éoliennes terrestres parce qu’elles permettent d’obtenir une
production plus régulière et plus importante. Cela est dû au fait Afin d’augmenter la part de l’électricité produite par les fermes
que les vents sont beaucoup plus puissants au large des côtes éoliennes, il faut, d’une part, diminuer les CAPEX et les OPEX, et
que sur les côtes. C’est pourquoi le rendement effectif des parcs d’autre part, améliorer la pénétration de l’énergie éolienne dans la
en mer est bien supérieur (environ deux fois supérieur) à celui des production électrique. La dernière est définie comme la fraction de
parcs terrestres. l’énergie produite par les éoliennes par rapport à l’énergie électrique

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MT 9 286 – 2

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____________________________ SYSTÈMES DE SURVEILLANCE DE DÉFAUTS POUR LA MAINTENANCE PRÉVISIONNELLE DE PARCS DE TURBINES ÉOLIENNES

totale produite par an. La production éolienne est fortement variable à tion. L’arbre principal tourne à des vitesses lentes, de l’ordre de 10 à
cause de la variation du vent. Cette variabilité affecte la pénétration de 20 tr/min. La vitesse de rotation de l’arbre principal ou lent est adap-
l’énergie électrique dans la production/consommation électrique. Afin tée aux vitesses de fonctionnement des génératrices par l’intermé-
de diminuer l’effet négatif de cette variabilité, il faut avoir recours à diaire de la boîte de vitesses à engrenages appelée multiplicatrice
des moyens de stockage (par exemple, l’air comprimé, le stockage (Figure 1). La boîte de vitesses augmente la vitesse de rotation d’un
thermique, stockage hydraulique, etc.) de cette énergie afin de la stoc- facteur proche de 100. La génératrice produit de l’électricité triphasée
ker quand la production est importante et la demande est faible, et qui est ensuite envoyée dans le transformateur pour l’adapter au
l’utiliser quand la production est faible et la demande est forte. Cela réseau inter-éolien puis au réseau électrique. La nacelle peut pivoter
permettrait d’améliorer l’équilibre ou l’ajustement production/ sur elle-même pour suivre la direction du vent. La direction, la vitesse
consommation et par conséquent d’améliorer la stabilité du réseau
du vent et la température extérieure sont mesurées par la station
électrique en cas de forte demande ou de coupure (outages). Dimi-
météorologique installée à l’arrière de la nacelle.
nuer les CAPEX et les OPEX nécessite d’une part d’améliorer la tech-
nologie des éoliennes (la durée de vie, le rendement et l’efficacité des Une éolienne est caractérisée par la relation qui lie la vitesse du
composants éoliens comme la génératrice, la boîte de vitesse ou les vent et la puissance délivrée. La courbe qui représente cette rela-
pales, leur prix, etc.) et de réduire les couts de maintenance. Cet tion est appelée la courbe de puissance (Figure 2). Une vitesse
article se concentre sur les méthodes de diagnostic de défauts per- minimale est nécessaire pour produire de l’énergie. Une fois cette
mettant de réduire les coûts de maintenance des éoliennes par une valeur atteinte, la production d’énergie augmente avec la vitesse
détection précoce et fiable de défauts et une isolation précise de ses


de vent, jusqu’à atteindre une puissance maximale qui sera main-
sources. tenue si la vitesse du vent reste dans une certaine gamme. Si le
vent devient trop fort, la machine est arrêtée pour des raisons de
Le meilleur taux de pénétration de l’énergie éolienne en 2015 est sécurité afin qu’elle ne soit pas endommagée. En se basant sur
attribué au Danemark avec 39,1 % [1]. Cela signifie que parmi les cette courbe de puissance, le fonctionnement d’une éolienne est
8 760 heures de l’année 2015, l’énergie éolienne a été utilisée pour représenté par quatre modes principaux (Figure 2) :
répondre à la demande de consommation électrique pendant
1 460 heures. • mode 1 (vitesse de vent inférieure à une certaine valeur,
généralement 5 m/s) ; dans ce mode, la machine est en
attente d’une vitesse de vent suffisante pour démarrer ; les
1.1 Description d’une éolienne pales de l’éolienne ont une prise au vent maximale, et le rotor
tourne de manière libre ;
La forme la plus courante d’éolienne, surtout terrestre, est • mode 2 ; une fois la vitesse minimale atteinte, la génératrice
l’éolienne à axe horizontal (Figure 1). Elle se compose généralement est couplée au réseau et commence à produire ; la puissance
de 3 pales orientables en matière d’angle (pitch angle) de 0° à 90°. produite augmente en fonction de la vitesse de vent ; dans
L’angle de chaque pale peut varier en fonction de la vitesse et l’orien- cette phase, l’angle des pales est constant ;
tation du vent afin de maximiser la production d’énergie et assurer sa
sécurité. L’angle de chaque pale est changé par un moteur de pivote- • mode 3 ; la puissance produite est à sa valeur maximale tandis
ment. Les pales sont liées à un rotor fixé sur une nacelle qui abrite que la vitesse de vent augmente mais reste en dessous de sa
une génératrice électrique. Les pales entraînent le retour en rotation valeur maximale autorisée (généralement autour de 25 m/s) ;
qui va à son tour entraîner l’arbre principal de la génératrice en rota- afin de conserver la puissance produite à sa valeur maximale,

Station météorologique

Réseau
Boîte de vitesse
Vent Arbre rapide électrique
ou multiplicatrice Génératrice Transformateur
triphasée

Rotor

Pales

Nacelle

Mât Arbre lent


ou principal

Figure 1 – Composants d’une éolienne

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MT 9 286 – 3

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Éoliennes
Évolution, principes de base et potentiel
de conversion

par Marc RAPIN


Délégué général
CEVEO Cluster (Centre Expertise et Valorisation de l’ÉOlien), Énergies Normandie, France
et Philippe LECONTE
Chef du service Bureaux d’Études Centraux
Direction des Grands moyens techniques de l’Onera, The French Aerospace Lab, Châtillon,
France

Note de l’éditeur : Cet article est la réédition actualisée de l’article [BM 4 640] intitulé
« Éoliennes » paru en 2009 et rédigé par Marc RAPIN et Philippe LECONTE

1. Contexte actuel .................................................................................... BM 4 640v3 - 2


2. Caractérisation des différents types d’éoliennes
et de leurs utilisations ........................................................................ — 4
3. Principe de fonctionnement ............................................................. — 11
4. Conception du rotor ............................................................................ — 18
5. Pales......................................................................................................... — 20
6. Implantation sur site ........................................................................... — 22
7. Conclusion ............................................................................................. — 26
8. Glossaire ................................................................................................. — 27
9. Symboles principaux........................................................................... — 27
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BM 4 640v3

es éoliennes représentent une forme très ancienne d’exploitation du vent.


L Toutefois, leurs principes de fonctionnement ne seront établis qu’au début
du XXe siècle, et il faudra attendre en particulier les années 1970-2000 pour
voir le développement des éoliennes actuelles, avec une importante évolution
à la fois de leur utilisation de par le monde, de leurs taille et puissance, et de
leur conception. On est ainsi passé de la petite machine isolée pour le
pompage de l’eau aux grands parcs d’aérogénérateurs multimégawatts
connectés sur le réseau.
Les progrès technologiques et scientifiques réalisés dans différents
domaines de l’ingénieur, dont l’aérodynamique, les structures, les matériaux,
l’électrotechnique, la météorologie et le contrôle, ont permis d’améliorer l’effi-
cacité et la fiabilité de ces machines. Les éoliennes tripales à axe horizontal se
sont progressivement imposées et représentent la quasi-totalité du marché
actuel. Ces progrès ont aussi mené à une réduction très importante du coût du
kilowattheure éolien, ce qui conduit à une capacité installée très importante et
toujours en croissance en Europe, Amérique et Asie.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQW

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ÉOLIENNES ________________________________________________________________________________________________________________________

Cet article permet de donner une vision globale des aspects liés à l’éolien,
d’appréhender, sans être exhaustif, les thématiques impliquées et ses spécifi-
cités. Il s’attache en particulier à décrire le potentiel de conversion d’énergie
que l’on peut obtenir grâce au rotor d’une éolienne, dont les principes s’appa-
rentent ou sont issus de ceux des hélices et rotors d’hélicoptère.

1. Contexte actuel

Du moulin à l’éolien

S L’utilisation de la force du vent pour suppléer l’énergie


humaine ou animale n’est pas nouvelle. On peut ainsi trouver
la trace d’ancêtres des éoliennes modernes jusque dans la
Perse ancienne. Plus près de nous, certains pays ont, depuis le
Moyen Âge, largement fait usage de ce type d’énergie par le
biais des moulins à vent traditionnels. Au cours des siècles,
leur technologie a évolué avec l’apparition d’un toit orientable
ou de moulins complets montés sur pivot, permettant une
orientation au vent plus facile, puis avec l’adoption de sys-
tèmes de pale plus performants.
Cette forme d’exploitation de l’énergie du vent tomba
cependant en désuétude avec l’avènement de l’ère industrielle
du XIXe siècle. On vit par la suite apparaître de petits sys-
tèmes destinés principalement au pompage de l’eau en
Europe (figure 1) et beaucoup plus massivement aux
États-Unis, d’où leur surnom de moulins américains. Avec le
développement des sciences et techniques du début du
XXe siècle, en particulier en aéronautique, ces machines se
perfectionnèrent en réduisant par exemple le nombre de pales
et en adoptant des profils semblables à ceux des hélices, et
évoluèrent vers la production d’électricité (aérogénérateurs)
pendant l’entre-deux guerres.
Le véritable essor de l’éolien moderne coïncide avec le pre-
mier choc pétrolier de 1973, date à laquelle certains pays tels
que le Danemark, les Pays-Bas et les États-Unis ont pris
conscience de l’utilité de diversifier leurs sources d’approvi-
sionnement électrique. Le développement du marché améri-
cain (avec ce que l’on a appelé le « rush californien » et ses Figure 1 – Éolienne Bollée, machine multipale de conception
immenses fermes éoliennes) a permis de lancer et structurer française de la fin du XIXe siècle (source : St Martin d’Ocre, crédit :
une filière industrielle. Suite à l’arrêt des subventions en 1986, M. Rapin)
une profonde réorganisation du monde éolien a lieu. Les
entreprises danoises, qui avaient fourni la moitié des
machines pour le marché américain, possédaient une gamme
d’éoliennes prêtes à investir les marchés européens qui
prirent alors le relais : c’est l’émergence du concept danois,
caractéristique des éoliennes tripales (figure 2). Jusqu’à la fin
du XXe, le retour d’expériences, les efforts, le travail effectué
autour de la compréhension globale des phénomènes impli-
qués dans le fonctionnement et l’expérience acquise ont per-
mis de fiabiliser les machines. Parallèlement, les progrès
technologiques réalisés, tant dans les domaines de l’électro-
technique, de l’aérodynamique que dans celui des matériaux
et des structures, font que l’on dispose désormais de
machines aux performances étonnantes tout en limitant les
impacts sur l’environnement.

Bien que ne pouvant remplacer totalement les sources tradition-


nelles de production électrique, l’énergie éolienne propose toutefois
une alternative intéressante aux productions fossiles (gaz, Figure 2 – Éolienne Vestas V25, premier « grand » aérogénérateur
charbon, pétrole) et surtout renouvelable. Soutenue par un cadre connecté au réseau EDF en 1991 à Port-La-Nouvelle dans l’Aude
législatif et des objectifs européens ou mondiaux favorables (source : ADEME 1991, crédit : Olivier Sébart)

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(accords de Kyoto à l’horizon 2020, de Paris avec la COP21), elle


s’inscrit donc parfaitement dans l’effort global de réduction des Asie
émissions de CO2 et de diversification du bouquet d’approvisionne- 1 300 MW Autres
ment électrique. Hors hydroélectricité, et même si le prix des cel-
lules photovoltaïques décroît fortement, elle est, de plus, toujours la
Amérique du Nord
seule technologie renouvelable suffisamment mature et d’un
2 650 MW
coût abordable pour être déployée à grande échelle. (19,6 %)
■ Plusieurs pays d’Europe se sont engagés dans cette voie
dès les années 1980, en particulier le Danemark, les Pays-Bas,
l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Le développement de l’éolien
s’est fortement accéléré après 1995 avec une progression
moyenne de plus de 20 % par an, portée seulement par quelques Europe
pays européens. Qu’il soit question de puissance installée ou de 9 300 MW
production de machines, l’Europe est alors le leader mondial : (69 %)
entre 1999 et 2006, la puissance totale a été multipliée par plus de
5 (figure 3). L’Allemagne représente à elle seule pratiquement Total fin 1999 : 13 500 MW
40 % de la part européenne. En 2007 [1], ce sont environ 20 GW
qui ont été installés, soit 32 % de plus qu’en 2006 et la barre sym-
bolique des 100 GW a été franchie début 2008 au niveau mondial,
en 2012 par l’Europe... et en 2014 par la Chine.
Asie
9 200 MW
(12,4 %)
Autres

En effet, le paysage mondial se modifie sensiblement : les pays
pionniers ont saturé leurs marchés respectifs et se sont tournés
vers l’exportation. En Europe, l’Espagne, le Portugal, et plus Amérique du Nord
récemment la France et la Grande-Bretagne (qui occupent les deux 13 200 MW
premiers rangs en matière de potentiel éolien) ont mis en place (18 %)
une politique volontariste d’aide et ont donc pris le relais de la pro-
gression en Europe. De nouveaux marchés, immenses, vont
ensuite peu à peu réduire la part européenne (de 65 % en 2006, à Europe
55 % en 2008 et 35 % en 2015 (tableau 1 en partie documentation 48 500 MW
de l’article). Les États-Unis ont repris leur politique d’investisse- (65 %)
ments dans l’éolien en 2006. En Asie, l’Inde et la Chine profitent de
l’augmentation importante de leur demande intérieure pour se Total fin 2006 : 74 000 MW
positionner sur toutes les formes de production d’énergie et en
particulier sur le renouvelable. Au-delà de leurs parts respectives Figure 3 – Évolution de la puissance installée dans le monde en
qui vont croissantes (les États-Unis sont devenus le n° 1 mondial 1999 et 2006
fin 2008... puis la Chine depuis 2009), ce sont de nouveaux acteurs
qui se créent ou investissent dans la chaîne industrielle de l’éolien
leur approvisionnement énergétique, en réduisant leur dépen-
et qui concurrencent progressivement les acteurs européens. Le
dance aux énergies fossiles, et de combattre le réchauffement cli-
fabricant chinois Goldwind deviendra ainsi le n° 1 mondial en
matique annoncé va cependant dans le sens d’un déploiement,
2015, devant Vestas, leader danois historique.
pour l’ensemble de la planète, de ces énergies et en particulier de
Les pays européens pionniers de l’éolien, Allemagne et Dane- l’éolien ;
mark en tête, se sont aussi tournés vers le développement des – la capacité de chaque pays à développer un cadre législatif et
implantations offshore, nouvel eldorado de l’éolien attendu administratif adapté à ses contraintes propres et à son territoire
depuis le début des années 2000. Au-delà des conditions de vent (degré d’acceptation et densité de la population, répartition du
favorables et d’un potentiel énorme, l’offshore est une nouvelle potentiel éolien, etc.) ;
perspective de marché qui s’affranchit de nombreuses contraintes – la capacité de chaque pays à prendre en compte l’arrivée de
rencontrées en terrestre, notamment concernant l’impact sur les cette production non constante sur leurs réseaux électriques res-
populations, mais qui possède aussi des spécificités propres assez pectifs ou en interconnexion avec les pays voisins. Différentes pos-
contraignantes [BE 8 571]. sibilités sont en outre à l’étude, en test ou en exploitation pour
développer des dispositifs de stockage couplés à l’éolien (batteries,
■ Avec une progression aussi spectaculaire de la puissance installée
STEP...), afin de lisser ce mode de production ;
au niveau mondial, il est toujours difficile de faire des projec-
tions sur le long terme, les perspectives devant être réactualisées – la capacité des constructeurs à poursuivre l’évolution de leurs
régulièrement. Suivant les projections du GWEC (Global Wind machines, en particulier pour les conditions offshore, où les instal-
Energy Council) de début 2008 [1], ce sont 240 GW d’éolien qui lateurs doivent par ailleurs abaisser le coût d’installation encore
devaient être disponibles en 2012 et qui fourniraient alors environ trop élevé [BE 8 571] ;
3 % de la consommation électrique globale. Ce sont finalement plus – l’évolution des coûts liés à l’éolien. En terrestre, les coûts
de 282 GW qui furent installés à cette échéance et les 790 GW sont d’investissements ou CAPEX (liés aux coûts des machines et de
attendus en 2020, dont plus de 200 pour l’Europe. Les prévisions leurs matières premières, du raccordement...) se sont stabilisés dans
pour la France [2] se situaient autour de 7 GW en 2012, ce qui s’est la fourchette des 1 000 à 1 500 €/kW installés. En offshore, où les
avéré conforme, et entre 20 et 25 GW en 2020 (dont 6 en offshore), implantations de grands parcs n’ont commencé qu’en 2002, le
pour que la France produise à cette échéance, selon le RTE (Réseau CAPEX a été plus fluctuant, entre 1 500 et 5 000 €/kW, suivant les
de Transport d’Électricité [3]), environ 9 % de sa consommation inté- progrès et échecs de la filière. Par contre, le coût actualisé de l’éner-
rieure d’électricité (sur une base de 535 TWh). gie ou LCOE, regroupant les coûts de d’investissement et d’exploita-
tion (dont la maintenance), ont régulièrement baissé pour se situer
Ces objectifs nationaux ne seront cependant pas atteints, entre 30 et 100 €/MWh en terrestre. Comparé au charbon ou au gaz
car les conditions de leur réalisation sont très intimement liées à (dont le prix n’a cessé d’augmenter), il est déjà compétitif sur
différentes facteurs : certains sites terrestres bien ventés. Pour l’offshore, le LCOE se
– le maintien sur la durée de soutiens politiques et économiques situe dans la fourchette des 100 à 200 €/MWh, l’objectif étant de
pour les énergies renouvelables. La volonté des États de sécuriser passer sous la barre des 100 à l’horizon 2020.

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2. Caractérisation
des différents types
d’éoliennes et de leurs
utilisations
On peut aisément classer les éoliennes en deux grandes
familles : celles à axe vertical et celles à axe horizontal.
D’autres configurations plus anecdotiques (profils oscillants, aubes
mobiles, profils en translation) ont vu le jour, mais n’ont jamais
débouché sur une quelconque industrialisation.

2.1 Évolution des éoliennes

S L’intérêt premier d’une éolienne se justifie par la possibilité


qu’elle apporte de récupérer l’énergie cinétique inépuisable pré-
sente dans le vent. Cette énergie est transformée en énergie méca-
nique de rotation qui peut être exploitée principalement de deux
manières :
– soit directement pour entraîner par exemple une pompe de Figure 4 – Petite éolienne Rutland sur bateau (crédit : M. Rapin)
relevage d’eau (figure 1) ;
– soit pour entraîner une génératrice électrique.
Dans le cas de production d’énergie électrique, on peut distin-
guer deux types de configuration :
– l’énergie sert à recharger des batteries (typiquement les
éoliennes de bateaux, figure 4) ou est stockée dans des accumula-
teurs en vue de son utilisation ultérieure ;
– l’énergie est utilisée directement par injection sur un réseau
de distribution, ce qui représente la quasi-totalité de la puis-
sance éolienne installée dans le monde.
On constate ainsi que les applications électriques de l’énergie
éolienne permettent, d’une part la complémentarité avec les
moyens traditionnels de production (centrales thermiques clas-
siques ou nucléaires) pour des régions disposant d’une infrastruc-
ture existante, d’autre part, la possibilité de production sur des sites
non raccordés à un réseau de distribution traditionnel.
Il est particulièrement intéressant de souligner les possibilités
offertes par l’énergie éolienne en ce qui concerne le désenclave-
ment de régions peu urbanisées et ses applications dans les pays
en voie de développement : alimentation d’unités de désalinisa-
tion, cogénération avec des groupes Diesel, panneaux photovol-
taïques (figure 5), etc.
On peut par ailleurs noter le développement de nouvelles petites
machines destinées à une implantation urbaine (principalement
sur les toits). Si l’intention est louable, il reste à démontrer l’intérêt
économique de telles installations, fonctionnant qui plus est dans
un environnement fortement perturbé pénalisant leur fiabilité et
leur efficacité [4].
■ Les plus gros efforts de recherche et développement se sont
donc portés vers les machines de moyenne et grande puis-
sances connectées au réseau. La progression de l’éolien
n’aurait pu avoir lieu sans une évolution importante des machines
elles-mêmes (tableau 2 en partie documentation de l’article) et en
particulier de leur fiabilité.
Au cours du « rush californien » des années 1980, la moitié des
éoliennes installées étaient d’origine danoise (Bonus, Vestas,
Nordtank...), le reste étant en partie fourni par des entreprises
américaines (Kenetech, Enertech, Flowind...). Au regard de leur
concept de pale et nacelle (figure 6), ces dernières offraient des
produits avec une masse spécifique assez faible comparée aux
machines danoises. Mais, leurs problèmes de fonctionnement et Figure 5 – Centrale éolienne et photovoltaïque, équipée depuis 1993
de tenue dans le temps ont rapidement mis fin à leur prétention d’une éolienne Vergnet 10 kW (∅ 7m), de 234 modules
photovoltaïques de 40 Wc (watts crêtes) et d’un groupe Diesel
commerciale : ces entreprises ont disparu peu après la fin du de 40 kVA, assurant une totale autonomie à l’île Saint-Nicolas de
« rush californien ». Les Danois, quant à eux, ont su partir de Glénan (source : ADEME 2000, crédit : Olivier Sébart)

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Figure 6 – Alignement d’éoliennes Enertech 44, machine aval de



25 kW (source : Altamont Pass, Californie, crédit : M. Rapin)

machines de quelques kilowatts, moins optimisées mais plus


robustes, qu’ils ont longuement testées et su faire évoluer. La
machine Vestas de la figure 2 (200 kW pour 25 m de diamètre)
représente une machine typique de cette époque. Les éoliennes
n’ont depuis pas arrêté de monter en puissance pour atteindre la
classe des 8 MW en 2014. L’objectif est triple : produire plus pour
répondre à la demande, tout en abaissant le coût du kilowattheure Figure 7 – Éolienne Jeumont 750 kW (site de Widehem, 1999, crédit :
éolien et en optimisant l’implantation et l’emprise au sol de telles M. Rapin)
machines.
■ Cette progression, soumise à de nombreuses influences, s’est
accompagnée d’une évolution et d’une rationalisation de leur
principe de base. Pendant plus de 20 ans (§ 4), de nombreux
concepts, mono-, bi- ou tripales, amont ou aval, régulées ou non
par décrochage, ont tenté de s’imposer sur le marché de l’éolien.
Mais, c’est bien le concept danois de machine tripale amont avec
une régulation du pas des pales, associée à l’utilisation d’une
génératrice asynchrone simple, fiable et de faible coût [D 3 960] [5],
qui s’est finalement dégagé. L’utilisation d’une vitesse de rotation
variable s’est par la suite progressivement imposée pour offrir un
paramètre de contrôle supplémentaire du fonctionnement et du
productible de la machine. Par la suite (tableau 2 de la partie docu-
mentation de l’article), d’autres fabricants, tels que le précurseur
allemand Enercon (figure 23), ont profondément modifié la chaîne
de conversion électromécanique en supprimant partiellement
(concept dit hybride) ou totalement (concept à attaque directe
comme sur la machine Jeumont, figure 7) les étages de la boîte de
vitesses, organe intermédiaire très lourd et fortement sollicité se
trouvant dans la nacelle entre le rotor (à vitesse de rotation lente)
et la génératrice (à vitesse de rotation rapide). Dans cette configu-
ration, la génératrice doit tourner à la même vitesse que le rotor Figure 8 – Premier prototype de l’Haliade 150 (site du Carnet, 2012,
d’où l’utilisation de machines synchrones à aimants permanents. crédit : GE-Alstom)

■ Une autre conséquence de la montée en puissance des machines


est bien sûr l’augmentation de leur taille, pour capter une plus Outre les limites évoquées, en attente de nouvelles ruptures
grande énergie, mais surtout de leur poids. Dans le tableau 2 de la technologiques, c’est l’application offshore, pour laquelle ces pro-
partie documentation de l’article, on peut cependant noter à travers totypes ont été spécialement conçus, qui pose de nouveaux pro-
l’évolution des machines Vestas que la masse spécifique de blèmes. La question de la fiabilité revient en effet au tout premier
l’ensemble nacelle/rotor a eu cependant tendance à diminuer : c’est plan, toute intervention en mer étant potentiellement difficile et
là le résultat d’une amélioration continue de la conception et des coûteuse. Ces éoliennes géantes, avec des masses spécifiques de
processus de fabrication. Sans ces progrès significatifs, les premiers nouveau importantes, sont donc testées plusieurs années en bord
prototypes multimégawatts auraient rapidement atteint des masses de mer pour vérifier leur fonctionnement... étape pragmatique
de 400 t en tête de mât. Ce chiffre symbolique, représentatif des enseignée par l’historique de développement des éoliennes ter-
limites alors atteintes dans la conception, la fabrication, le transport restres et des premiers grands parcs offshore. Avec les progrès
et le montage des sous-systèmes de l’éolienne, est caractéristique accomplis, une nouvelle génération de machines à attaque directe
des premiers prototypes Enercon E112 (4,5 MW en 2002) et et génératrice à aimants permanents de 6 MW (Siemens,
REpower 5M (5 MW en 2004), la course au gigantisme s’est depuis GE-Alstom (figure 8) est ainsi apparue en 2012, avec une masse en
momentanément stoppée. tête de mât limitée autour des 350 t.

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En répondant étroitement aux besoins des marchés, des progrès


importants sont continuellement accomplis pour le développement
et l’amélioration continue des futures éoliennes.

Force (0,34)
2.2 Machines à axe vertical
■ Principes Axe vertical
Vent
Les principes de ces machines à axe vertical, regroupées sous la
terminologie VAWT (Vertical Axis Wind Turbine), sont connus
depuis très longtemps, puisque utilisés sur les premières formes Force (1,33)
de moulin connues. Leur principal avantage est de fonctionner
quelle que soit la direction du vent, et donc de s’affranchir d’un
dispositif d’orientation. Cependant, si ce n’est la production de
plus de 500 unités de 300 kW par l’entreprise américaine FloWind
pendant le « rush californien », la plupart des développements ne
sont jamais arrivés à un stade industriel important du fait d’un ren- Rotation


dement faible (§ 2.4) et des nombreux problèmes de fonctionne- Forces en valeurs relatives
ment rencontrés.
En effet, si la plupart ont l’avantage d’avoir leur dispositif de
génération électrique au sol, le fait qu’une éolienne soit érigée Figure 9 – Effet du vent sur un corps creux
près du sol signifie que le capteur d’énergie se situe dans une zone
peu favorable (gradient de vent, turbulence due aux accidents du
terrain ou aux bâtiments en amont de la machine), ce qui réduit
significativement leur efficacité. En offshore, cette problématique
est moindre et la possibilité de pouvoir abaisser le centre de gra-
vité a conduit à de nouveaux projets de machine, tels que le
concept français Vertiwind, porté par la PME Nenuphar.
Par ailleurs, toutes ces machines utilisent l’un (ou parfois une
combinaison) des deux principes caractéristiques des VAWT : la
traînée différentielle ou la variation cyclique d’incidence.
Leur principe même de fonctionnement, basé sur des variations
incessantes de charge aérodynamique sur les pales, fait que ces
éoliennes sont très sujettes aux problèmes d’aéroélasticité. En par- Vent
ticulier, tout problème de vibration de ce système en rotation peut
conduire à la rupture de pale ou se reporte sur le mât vertical et
provoque une fatigue du palier au sol.

Toutefois, avec l’engouement pour l’éolien urbain, de nou-


velles réalisations de petite puissance sont réapparues sur le
Figure 10 – Rotor de Savonius
marché en essayant de pallier leurs défauts de fonctionne-
ment intrinsèques.

■ Traînée différentielle
La mise en mouvement est identique à celle d’un anémomètre.
Les efforts exercés par le vent sur chacune des faces d’un corps
creux sont d’intensités différentes (figure 9) : il en résulte ainsi un
couple moteur.
L’illustration la plus courante de ce type d’éolienne est le rotor
de Savonius (figure 10), du nom de son inventeur, un ingénieur
finlandais qui l’a breveté au début des années 1920. Le fonctionne-
ment est ici amélioré par rapport à l’anémomètre par la circulation
de l’air rendue possible entre les deux demi-cylindres, ce qui aug-
mente le couple moteur. On peut aisément imaginer que, lors du
démarrage de ce type de machine (phase d’établissement du vent),
les cylindres soient orientés par rapport au vent de telle manière
que le couple résultant soit nul. L’éolienne ne pourra donc pas
démarrer spontanément. La superposition de plusieurs rotors iden-
tiques, mais décalés d’un certain angle l’un par rapport à l’autre,
permet de remédier à ce problème, rendant ainsi la machine tota-
lement autonome (figure 11).

Il est intéressant de noter que ce type de rotor peut être


construit à partir de fûts industriels découpés, ce qui rend son
implantation aisée dans les pays en voie de développement. Figure 11 – Exemple de combinaison de rotor pour l’éclairage
publique (crédit : A. Placzek)

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Récupération de l’énergie
des vagues

par Aurélien BABARIT


Ingénieur de recherche au laboratoire LHEEA (CNRS UMR6598) de l’École centrale de Nan-
tes
et Hakim MOUSLIM
Ingénieur de recherche au laboratoire LHEEA (CNRS UMR6598) de l’École centrale de Nan-


tes

1. Ressource ................................................................................................... BE 8 570 - 2


2. Technologie houlomotrice ..................................................................... — 3
2.1 Principes de fonctionnement ...................................................................... — 3
2.2 Nouvelles tendances.................................................................................... — 7
3. Éléments de rendements et d’analyse technico-économique ..... — 8
3.1 Largeur de capture et rendements typiques des houlomoteurs.............. — 8
3.2 Comparaison technico-économique d’une sélection
de houlomoteurs .......................................................................................... — 8
4. Moyens d’essai .......................................................................................... — 9
4.1 Essais en bassin ........................................................................................... — 9
4.2 Expérimentation en mer .............................................................................. — 11
5. Conclusion.................................................................................................. — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 570

es océans du globe recèlent maintes sources d’énergie renouvelable,


L aujourd’hui quasiment inexploitées. Ce sont :
– l’énergie marémotrice, bien connue en France avec l’exemple de l’usine
marémotrice de la Rance ;
– l’énergie des courants avec les hydroliennes ;
– l’éolien offshore (énergie du vent en mer) en grande profondeur, où il est
nécessaire de concevoir des fondations flottantes innovantes ;
– l’énergie thermique des mers, dans les zones tropicales, où on exploite la
différence de température entre les eaux chaudes de surface, et les eaux
froides des grandes profondeurs (1 000 à 2 000 m) ;
– l’énergie des gradients de salinité, à l’embouchure des fleuves où on
exploite la différence de salinité entre l’eau douce et l’eau de mer grâce à la
pression osmotique ;
– et enfin l’énergie des vagues, ces vagues qui animent la surface des
océans. C’est la récupération de cette dernière forme d’énergie marine qui fait
l’objet de cet article.
À l’échelle du globe, l’estimation du potentiel techniquement exploitable
pour la ressource « énergie des vagues » est d’environ 30 000 TWh/an
(1 TWh = 1 milliard de kWh). En rapprochant ce chiffre de la consommation
énergétique mondiale en 2008, de l’ordre de 100 000 TWh, on se rend compte
que l’énergie des vagues n’est pas l’unique solution définitive à la crise éner-
gétique, mais qu’elle peut représenter une contribution non négligeable.
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RÉCUPÉRATION DE L’ÉNERGIE DES VAGUES _____________________________________________________________________________________________

Puissance
des vagues (kW/m)
<5
5 -- 10
10 -- 15
15 -- 20
20 -- 30
30 -- 40
40 -- 60
> 60

(doc. WorldWaves data/OCEANOR/ECMWF)

Figure 1 – Répartition mondiale de la ressource « énergie des vagues » en moyenne annuelle (doc. WorldWaves data/OCEANOR/ECMWF)

1. Ressource
Latitude (°)

51

Localement, la ressource énergie des vagues se caractérise par


son flux d’énergie moyen, exprimée en kilowatt par mètre de front 50
20
d’onde (kW/m), où le front d’onde correspond à la ligne de crête 30
40
des vagues. Il s’agit donc de la puissance transportée par unité de 49 50 Puissance des vagues
largeur de vague. (kW/m)
60,0
La figure 1 présente la répartition mondiale de la ressource en 48 55,0
moyenne annuelle. On voit que son ordre de grandeur est typi-
50,0
quement de quelques dizaines de kW/m. Dans l’hémisphère Nord, 40 45,0
le littoral atlantique européen et la côte ouest du Canada et des 47
40,0
États-Unis sont les régions les mieux exposées, avec une res-
35,0
source supérieure à 40 kW/m. Dans l’hémisphère sud, ce sont le
46 30,0
sud du Chili, l’Afrique du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et
25,0
les îles du Pacifique qui bénéficient de la meilleure ressource, 20,0
jusqu’à plus de 60 kW/m. 15,0
45
Intéressons-nous au gisement disponible sur la façade 10,0
atlantique de la France métropolitaine. La figure 2 présente une 5,0
44 0,0
carte de la ressource disponible. En mer, on peut voir qu’elle est
de l’ordre de 40 kW/m. La longueur de côte exposée étant de
l’ordre de 1 000 km, la puissance moyenne disponible est de -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2
l’ordre de 40 GW. Longitude (°)
On note la diminution de la ressource à mesure que l’on se rapproche
Nota : 40 kW/m × 1 000 km = 40 000 MW = 40 GW. du rivage, à cause d’effets de dissipation liée à la remontée des fonds

Supposons que 10 % de cette ressource soit effectivement Figure 2 – Carte de la ressource « énergie des vagues »
convertie en électricité (on se limite à 10 % afin de prendre en sur le littoral atlantique en France métropolitaine (doc. ANEMOC)
compte qu’il n’est ni souhaitable ni possible de couvrir la façade
atlantique de convertisseurs d’énergie des vagues, et que le
Là encore, on voit que l’énergie des vagues n’est pas La solution
rendement de ces technologies n’est pas de 100 %). La
d’approvisionnement énergétique renouvelable. Elle peut cependant
contribution de l’énergie des vagues à la production électrique
représenter une contribution non négligeable. En terme de marché,
française serait alors de l’ordre de 4 GW. C’est l’équivalent de
en supposant un prix de vente de l’électricité de 0,15 c€/kWh, le chif-
4 réacteurs nucléaires de nouvelle génération EPR (en se basant
fre d’affaires annuel serait de l’ordre de 5 250 M€.
sur les 1 650 MW de puissance installée à Flamanville et en suppo-
sant un facteur de charge de 75 %). C’est également 7,1 % de la Nota : 0,15 c€/kWh est le tarif de rachat actuel de l’électricité produite à partir de
consommation électrique de l’année 2010 (488 TWh). l’énergie des vagues en France métropolitaine.

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______________________________________________________________________________________________ RÉCUPÉRATION DE L’ÉNERGIE DES VAGUES

2. Technologie houlomotrice – les systèmes à colonne d’eau oscillante (oscillating water


column OWC) ;
– les systèmes à flotteurs actionnés par la houle (wave activated
bodies ou oscillating bodies).
2.1 Principes de fonctionnement Sur cette base, il est alors possible de bâtir une classification des
systèmes, dont la plus couramment admise est celle établie par
À l’heure actuelle, plus d’un millier de brevets de dispositifs des- Falcão [1]. Elle est présentée sur la figure 3, dans une version légè-
tinés à récupérer l’énergie des vagues ont été déposés, et plus rement modifiée pour mieux rendre compte des différentes caté-
d’une centaine de ces dispositifs houlomoteurs sont en cours de gories de systèmes à flotteurs actionnés par la houle. En gras sont
développement de par le monde. indiqués des exemples de technologies.

Il serait fastidieux de détailler toutes ces technologies. Heureu- Cette classification recouvre l’immense majorité des systèmes
sement, elles reposent, dans leur immense majorité, sur l’un des houlomoteurs qui ont été proposés jusqu’alors. Notons cependant
trois principes de fonctionnement suivants : qu’elle n’est pas complètement exhaustive (quelques systèmes de
turbine à houle, basés sur l’utilisation de profils portants, ont ainsi
– les systèmes à déferlement (overtopping devices) ; été imaginés au Danemark, Pays-bas et aux États-Unis).


Isolé : Pico, LIMPET

Fixe

Sur ouvrage portuaire : Sakata, Mutriku


Colonne d’eau
oscillante

Flottant : Mighty Whale, OEbuoy, Oceanlinx

Référencé au fond de la mer :


Seabased, Ceto, Wavestar
Mouvement
principalement
vertical Flottant : Wavebob, Bilboquet, OPT
Powerbuoy, FO3

Référencé au fond de la mer : Oyster,


Rotation ou Waveroller, Biowave
mouvement
principalement
Flotteurs horizontal
actionnés Flottant : Langlee, PS Frog, AWS MkIII
par la houle

Référencé au fond de la mer : Salter’s duck,


IPS Sloped Buoy
Combinaison de
mouvements
Flottant : Searev, Poseidon, Pelamis

Mouvement pulsatoire : Anaconda, S3

Isolé : Pico, LIMPET

Fixe

Sur ouvrage portuaire : Sakata, Mutriku


Déferlement

Flottant : Mighty Whale, OEbuoy, Oceanlinx

Figure 3 – Classification usuelle des systèmes houlomoteurs

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Déferlement
Trappe d’accès à la turbine

Grille Groupe turbine/


génératrice électrique
Turbinage

Figure 4 – Principe de fonctionnement des systèmes à déferlement Figure 6 – Projet SSG (Norvège) : intégration d’une centrale
à déferlement dans une digue

Figure 7 – Centrale à déferlement flottante Wavedragon (Danemark)

Flux d’air

Figure 5 – Centrale à déferlement TAPCHAN (Norvège)

2.1.1 Systèmes à déferlement


Vagues
Le principe de ces systèmes (figure 4) consiste à faire déferler
les vagues sur une rampe inclinée afin de remplir un réservoir. En
moyenne, la hauteur d’eau obtenue dans ce réservoir est légère- Cavité
ment supérieure au niveau moyen de la mer. Il existe alors une dif-
férence de hauteur d’eau, que l’on peut transformer en énergie
électrique par l’intermédiaire de turbines basse chute.

Figure 8 – Principe de fonctionnement de la colonne d’eau


Un exemple de réalisation est présenté sur la figure 5. Il s’agit du oscillante
TAPCHAN qui fut installé en Norvège dans les années 1980. On peut
voir sur l’image la longue rampe le long de laquelle les vagues
déferlent. En fait de réservoir, le système exploitait une anfractuosité
de la côte, ce qui a permis de s’affranchir des coûteux ouvrages de C’est le cas du Wavedragon qui fut inventé au Danemark à la fin
génie civil que ces systèmes requièrent usuellement. des années 1990 (figure 7). Le système présente deux bras parabo-
liques destinés à focaliser la houle sur la rampe de déferlement, aug-
mentant ainsi les performances de la machine. Sur la figure, on peut
Afin de s’affranchir en partie de cette difficulté, il a été proposé voir une image du prototype à échelle réduite qui fut testé au début
plus récemment d’intégrer ces systèmes à déferlement dans des des années 2000. Sa largeur totale est 57 m. À pleine échelle, l’engin
ouvrages portuaires ou de défense côtière (digues). ferait 300 m d’envergure pour un déplacement total de 33 000 t. La
puissance nominale annoncée par le développeur est 7 MW.
Un exemple est le système Norvégien SSG (figure 6). Une particu-
larité de ce système est qu’il présente plusieurs hauteurs de réser- 2.1.2 Systèmes à colonne d’eau oscillante (OWC)
voir, afin d’exploiter au mieux les vagues les plus hautes, qui sont
aussi les plus énergétiques. Le principe de fonctionnement (figure 8) des houlomoteurs à
colonne d’eau oscillante est similaire à celui des « trous de
souffleur » que l’on peut rencontrer sur les côtes rocheuses. Une
Enfin, ces systèmes peuvent également être conçus flottants. cavité est aménagée telle que l’une de ses parois soit en contact

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Énergie des marées et des courants


en France
par René BONNEFILLE
Ingénieur conseil – Docteur ès sciences
Ingénieur de l’École nationale supérieure d’électrotechnique et d’hydraulique de Toulouse
Ancien professeur d’hydraulique maritime à l’École nationale supérieure des techniques
avancées et à l’École nationale des ponts et chaussées


1. Notions sur l’énergie des marées ........................................................ BE 8 572 - 3
2. Contraintes pour la sélection des sites marémoteurs potentiels — 4
2.1 Contraintes hydrauliques et géographiques ............................................. — 4
2.2 Contraintes environnementales.................................................................. — 5
3. Sites potentiels d’exploitation de l’énergie marémotrice
dans le Monde ........................................................................................... — 5
4. Usine marémotrice de la Rance ........................................................... — 5
4.1 Histoire de la construction .......................................................................... — 6
4.2 Aspects énergétiques .................................................................................. — 10
4.3 Aspects environnementaux et sociaux-économiques .............................. — 10
4.4 Conclusions sur la Rance ............................................................................ — 10
5. Projets des îles Chausey ........................................................................ — 13
5.1 Projet EDF de 1958 ....................................................................................... — 13
5.2 Trois projets d’Albert Caquot : 1972, 1975 et 1976.................................... — 17
5.3 Perspectives.................................................................................................. — 17
6. Énergie hydrolienne en France ............................................................. — 18
6.1 Potentiel de l’énergie hydrolienne.............................................................. — 18
6.2 Caractéristiques des hydroliennes ............................................................. — 19
6.3 Parc hydrolien de Paimpol-Bréhat .............................................................. — 19
6.4 Perspectives sur les hydroliennes .............................................................. — 19
7. Commentaires sur les différentes sources d’énergie
en France .................................................................................................... — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 572

omparons les différentes sources d’énergie que peut utiliser l’humanité


C sur le globe terrestre. Il existe essentiellement deux sources qui semblent
différentes, mais qui en réalité ont la même origine, la constitution de la
matière :
– d’une part, les énergies de nature physique : la gravité, liée à la
configuration du système solaire et les énergies hydrauliques et éoliennes qui
ne détruisent pas la matière ;
– d’autre part, les énergies de nature chimique : les énergies thermiques et
nucléaires qui détruisent la matière.
Au cours de l’histoire les hommes ont utilisé dès l’origine l’énergie chimique
du feu, en créant de la chaleur par oxydation de la matière ; ensuite ils ont
utilisé les énergies éoliennes et hydrauliques dues aux mouvements des
fluides à la surface de la Terre. Les marées, les vagues et les courants marins
constituent un autre réel potentiel énergétique.
En particulier, l’énergie marémotrice est due à la somme de deux formes
d’énergie :
– d’une part, la gravité, qui régit les positions relatives et les interactions
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des astres (ici le Soleil, la Terre et la Lune) et engendre les marées ;

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ÉNERGIE DES MARÉES ET DES COURANTS EN FRANCE _____________________________________________________________________________________

– d’autre part, l’énergie chimique de l’intérieur de la Terre, qui façonne, par


la dérive des continents, les contours non pérennes des mers et des océans,
favorables ou non à la naissance des forts marnages et/ou des forts courants
marins.
La transformation de l’énergie des marées en énergie mécanique ou élec-
trique peut être obtenue :
– soit, à partir de l’énergie potentielle des hauteurs de chute, dues au
marnage des marées. Ce procédé consiste à transformer en énergie électrique,
l’énergie potentielle due aux variations des niveaux de la mer produites par la
marée, par des turbines classiques, comme le fait l’usine marémotrice de la
Rance ;
– soit, à partir de l’énergie cinétique des courants de marée. Ce procédé
consiste à utiliser l’énergie cinétique des courants de marées, en immergeant
des groupes turbines-alternateurs, appelés « hydroliennes », par analogie avec


les « éoliennes », comme devrait le faire le projet d’hydroliennes de l’Île de
Bréhat [20]. L’avantage par rapport aux éoliennes est que les courants de
marées sont par nature « déterministes », tandis que les vitesses du vent sont
« aléatoires ».
La production de l’énergie d’origine marémotrice peut être programmée,
sans aléas atmosphériques et climatiques, puisque le rythme des marées peut
être connu à l’échelle des temps géologiques. Les seuls aléas sont d’origine
sismique, très faibles en Bretagne, et terroristes. Ajoutons qu’à l’époque du
développement de l’énergie marémotrice en France, la Bretagne était mal ali-
mentée en énergie électrique et que le nucléaire n’en était qu’à ses prémisses.
Nous exposons les deux procédés cités ci-dessus ; celui utilisant les hauteurs
des marées est le plus ancien ; celui utilisant les courants des marées est le
plus récent. Dans cet article, nous décrivons les développements en France de
ces énergies dites renouvelables. Un deuxième article est consacré à leurs
développements dans le reste du Monde.

Aperçu historique

Robert Gibrat (1904-1980) racontait qu’il découvrit au Ministère Ces machines permirent d’envisager le développement des usines
de l’Industrie, le Traité sur l’énergie des marées de l’Abbé Bernard marémotrices.
Forest de Bélidor (1698-1761) sur « l’Architecture hydraulique ou Dès 1943, un groupe d’industriels français créa la Société d’étu-
l’Art de conduire, élever et aménager les eaux pour les différents des pour l’utilisation des marées (SEUM), reprise par Électricité de
besoins de la vie » (1737), décrivant l’art de concevoir et utiliser les France (EDF) après la nationalisation le 3 avril 1946, sous la forme
moulins à marée. Il s’agissait de remplir à pleine mer un bassin d’un service, le SEUM.
séparé de la mer par un barrage, et d’utiliser la différence de niveau
entre la haute et la basse mer, pour entraîner une roue à aubes à Rappelons que d’après la loi de nationalisation, EDF avait pour
axe horizontal classique de moulin au fil de l’eau [1]. Intéressé par mission de développer toutes les formes d’énergie susceptibles de
le sujet, Robert Gibrat publia en 1953 [2] un premier ouvrage sur produire de l’électricité.
l’énergie des marées, dont il reprit l’essentiel dans sa conférence Le SEUM, dirigé par Louis Vantroys, fut chargé de dégager les
du 20 avril 1955 [3]. lignes principales des problèmes de génie civil et des machines,
La notion d’usine marémotrice était au départ très simple. Il en vue de la réalisation de l’Usine de la Rance, cela en liaison avec
s’agissait de transformer l’énergie potentielle des variations du la Région d’Équipement Hydraulique no 8 désignée pour la réalisa-
niveau de la mer au cours des marées, en énergie mécanique, puis tion des travaux. L’estuaire de la Rance paru d’abord le plus inté-
électrique. Pour cela, il suffisait d’accumuler de l’eau de mer à ressant parmi les autres sites potentiels, tel que l’estuaire de
marée montante dans un bassin de retenue, pour obtenir à marée l’Aber Wrac’h [15].
descendante une hauteur de chute pour turbiner dans le sens bas- Fermer par un barrage la baie du Mont-Saint-Michel au fond du
sin-mer. On utilisait alors des turbines classiques à axe vertical, ce Golfe de Saint-Malo, où les marnages sont très importants,
qui exigeait d’avoir des hauteurs de chute assez importantes. Heu- jusqu’à 13 m en grande vive-eau, et où un bassin de retenue
reusement pour les marémotrices, les ensembles turbine-alterna- de grande surface est à un état d’étude très avancé.
teurs à axe horizontal furent mis au point par le réseau électrifié du
Chemin de fer du Midi, pour utiliser les chutes d’eau de faibles
hauteurs des Pyrénées.

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_____________________________________________________________________________________ ÉNERGIE DES MARÉES ET DES COURANTS EN FRANCE

1. Notions sur l’énergie Le Soleil attire aussi l’eau des océans, avec une période d’une
demi-rotation de 12 h. Du fait de la grande distance entre la Terre
des marées et le Soleil, son attraction est moins forte que celle de la Lune. Les
deux attractions de la Lune et du Soleil sur l’eau des océans
s’ajoutent directement lors de la pleine et de la nouvelle Lune,
Notre but n’est pas de reprendre la théorie des marées, ni créant les fortes marées dites de vive-eau. Les marées sont plus
d’expliquer leur extrême variété. Pour cela, nous conseillons de petites lorsque ces deux attractions de la Lune et du Soleil
lire la conférence sur l’énergie des marées de Robert Gibrat agissent dans des directions différentes, lors du premier et du
prononcée à la Société astronomique de France le 20 avril 1955 [3] dernier quartier de la Lune ; leur résultante est alors plus faible
dont nous reprenons ci-après les conclusions. que lors des pleines et nouvelles lunes ; ce sont les marées dites
On sait que la marée est due aux attractions de la Lune et du de morte-eau.
Soleil sur la masse fluide des océans. Ce qui est moins évident,
c’est la raison de la grande diversité des marées le long de côtes Cela n’est valable que pour les grands océans, principalement
du Monde. La Lune, plus proche de la Terre que le Soleil, exerce l’océan Antarctique Sud qui est le seul à faire le tour de la Terre, et
une attraction prépondérante. Quand la Lune passe au zénith d’un donc auquel s’appliquent directement les phénomènes physiques
lieu, elle attire l’eau de la partie des océans face à la Lune. Or, la exposés ci-dessus. L’océan Atlantique n’est qu’un canal tortueux
Terre est un corps solide sur lequel l’attraction lunaire est où se propage une onde-marée, issue de l’océan Antarctique sud.
appliquée à son centre de gravité. Si la Terre ne tournait pas, il


Cette onde-marée met environ un jour et demi pour atteindre
résulterait de ces deux attractions une élévation de la mer par Saint-Malo. La longueur de l’onde-marée, c’est-à-dire la distance
rapport au sol de seulement quelques décimètres à marée haute ; qui sépare deux pleine-mers successives, s’exprime en milliers de
Henri Poincaré l’appela « la marée du baccalauréat ». kilomètres dans les océans ; elle se réduit à des centaines de kilo-
En même temps, aux antipodes de ce lieu, le même phénomène mètres dans les mers littorales moins profondes, où la célérité de
se produit en sens inverse. L’attraction de la Lune sur le centre de l’onde-marée est réduite.
gravité de la Terre est plus forte que celle exercée par la Lune sur
l’eau des océans aux antipodes, plus éloignée de la Lune que le À l’approche des plateaux continentaux, l’onde-marée se
centre de la Terre. Tout se passe alors, comme si les eaux des propage dans des profondeurs plus petites. La conservation de
océans aux antipodes étaient moins attirées vers le ciel par rapport l’énergie de la marée conduit alors à augmenter le « marnage »,
à la Terre. Il en résulte que, l’attraction vers le ciel d’un astre sur c’est-à-dire l’amplitude de la marée entre les cotes des pleines
l’eau des océans, se manifeste deux fois pendant la période de mers et des basses mers. Le marnage augmente aussi dans les
rotation apparente de l’astre autour de la Terre. Si la Lune agissait mers littorales peu profondes. La figure 1 indique les sites où les
seule, la principale période de la marée serait celle d’une marnages sont importants et où il peut être envisagé de construire
demi-rotation lunaire, soit environ 12,5 h. des usines marémotrices.

Cook Gulf of
Inlec Mezeh
Lumbov Bay

Solway Firth.

Ungava Bay Kislaya


Severn Guba
La Rance
Penzhinskay
Gulf of Kachchh
Observatory Inlec Bay of Guba
(Prince Rupert) Fundy
Garolim Bay

Cambay

Secure
Bay

San José

Figure 1 – Sites marémoteurs dans le monde

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ÉNERGIE DES MARÉES ET DES COURANTS EN FRANCE _____________________________________________________________________________________

Pour certaines configurations des bassins maritimes, le marnage


est modifié par la combinaison de plusieurs onde-marées, par 2. Contraintes
exemple en mer du Nord. pour la sélection des sites
Exemple : en mer du Nord, l’onde-marée entrée dans la Manche
marémoteurs potentiels
par l’ouest, rencontre l’onde-marée venue du nord, qui a fait le tour
des îles Britanniques. Du fait de la rotation de la Terre, il se produit 2.1 Contraintes hydrauliques
alors des zones à marnage très faibles, quasi-nuls appelés « points
amphidromiques », autour desquels l’onde-marée tourne. et géographiques

La figure 2 représente les lignes d’égal marnage et les lignes Les sites où le marnage est assez important pour justifier
cotidales, le long desquelles la pleine mer a lieu à la même heure, l’exploitation de l’énergie marémotrice, sont plutôt rares. Pour
indiquées en chiffres romains. La Manche est un canal pas assez que la construction d’une installation marémotrice soit économi-
large, pour qu’il existe un réel point amphidromique ; néanmoins quement viable, le site doit offrir des amplitudes d’au moins 5 m,
on le devine, quand on observe les différences de marnage entre comporter un bassin naturel (golfes, baies, estuaires, etc.) pou-
les côtes anglaises et françaises. De même, lorsque l’onde-marée vant retenir une quantité importante d’eau à marée haute, ou

S vient frapper une côte, comme la presqu’île du Cotentin ou le fond


du golfe de Saint-Malo, elle se réfléchit ; la combinaison locale des
ondes incidentes et réfléchies crée alors les grands marnages et
générer des courants importants utilisables par les hydroliennes.

les forts courants de marées tels que ceux observés au fond du Pour choisir un site marémoteur, un grand marnage n’est pas un
golfe de Saint-Malo. Ce phénomène a lieu dans beaucoup d’autres critère suffisant. Car les grands marnages sont souvent associés à
sites du globe terrestre, les rendant propices à l’utilisation de des courants de marée faibles, lorsqu’ils se produisent au fond des
l’énergie marémotrice. golfes. L’énergie marémotrice disponible d’un bassin maritime est
l’énergie naturelle du site, dont l’ordre de grandeur est donné par la
relation :
E (GWh/an) = 2S (km2 ) A2 (m)
avec S surface du bassin de retenue à la cote de la mi-marée,
A marnage moyen.
Pour démontrer cette relation, considérons un bassin maritime
de surface S, rempli à chaque marée. Quelle énergie peut-on tirer
XII de ce volume d’eau en le vidant de la hauteur A, représentant le
marnage entre les côtes de la pleine et la basse mer de la marée.
I
Supposons que le déplacement de ce volume d’eau de hauteur
II
A et de surface S quelconque, soit transformé en énergie. En
vidant ce volume d’eau, de masse volumique ρ, son centre de
III
0,5
gravité chute de A ; son poids est ρgSA. Lorsqu’il se déplace
III 1 verticalement de A, l’énergie potentielle libérée à chaque vidange
IV 2 A II de cette eau est :
V IV
VI 4
3 I E = ρ gS A2
XI
X V XII
2 Soit, pour chacune des 700 marées annuelles de marnage
3 2
4 5 VI XI moyen A, avec g = 10 m/s2, ρ = 1 000 kg/m3 :
1 X 3
6 7
VII VIII IX 4
VII E (J/marée) = 7 000 000 S (m2 ) A2 (m)
65
V
A VI E (GWh/marée) = 7S (km2 ) A2 (m)
V
2 3 VIII
4
VIII
IX IV
VII X 1 Mer Désignons par H2 la somme des carrés des 700 marnages
III

XI
Manche VI 3 2II du Nord annuels A :
4 I
et mer
5 5 10 A 5
6 7 XII H 2 = ∑ A2
d’Irlande 2 1
3 XI 7 8
9
4 Comme 1 kWh = 3 600 000 J, l’énergie annuelle récupérable en
VI 5 VII 6
V 6 vidant le volume d’eau considéré, est :
7
IV 8
9 1012
13 E (GWh/an) ≈ 2S (km2 )H 2 (m)

Exemple : l’usine de la Rance a une surface de retenue S de


sur les lignes cotidales, en traits pleins, est indiquée l’heure en chiffres 22 km2 et produit en moyenne 540 GWh/an. On peut en déduire un
romains marnage moyen utile de 3,5 m. Comme le marnage moyen à l’empla-
les lignes d’égal marnage en mètres sont en tiretés cement de l’Usine est de 8,6 m, on peut en déduire que l’Usine maré-
les points amphidromiques sont repérés par la lettre A motrice de la Rance est assez performante compte tenu de ses
contraintes d’exploitation.

Mais cette formule n’a qu’une valeur indicative, elle n’est valable
que dans le cas des bassins de faible surface et à condition que la
Figure 2 – Lignes cotidales, lignes d’égal marnage et points
amphidromiques de la marée de vive-eau moyenne en Manche marée ne soit pas modifiée par le fonctionnement de l’usine, ce
et mer d’Irlande qu’on appelle le remous extérieur de l’usine.

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_____________________________________________________________________________________ ÉNERGIE DES MARÉES ET DES COURANTS EN FRANCE

Exemple : 25 GWh sont consommés, au cours d’une marée, par Modifier ce transfert naturel d’énergie, en installant une usine
les frottements sur les fonds marins à l’Est de la ligne Bréhat-Guerne- marémotrice, conduit à une nouvelle répartition de l’énergie
sey-Aurigny-Cap de la Hague. Cela ne serait pas modifié de façon transmise par la marée, ce qui se traduit par une modification des
sensible par le supplément d’énergie de la marée absorbée par la marnages et des courants de marée.
Rance, soit 0,77 GWh par marée. En revanche, la marée serait bien
modifiée dans le cas du projet des îles Chausey qui absorberait Exemple : dans le cas du projet de l’usine marémotrice des îles
12 GWh par marée. Chausey, une puissance extraite de 10 GW réduirait déjà le marnage
utilisable d’environ 1 m. Augmenter cette puissance, en voulant la
L’installation marémotrice doit se situer de telle façon que son doubler par exemple, n’aurait pas d’intérêt du fait de la réduction
fonctionnement ne modifie pas trop les conditions géographiques importante du marnage local qui en résulterait.
favorables à la naissance des résonances des ondes-marées [2]. Il
faut aussi une configuration géographique qui permette soit de
fermer un grand bassin de retenue par une digue de faible 2.2 Contraintes environnementales
longueur, soit de créer de forts courants de marée [3].
Les contraintes environnementales sont les mêmes que pour les
La nécessité d’importants travaux maritimes et l’utilisation de
installations hydroélectriques. Les usines marémotrices modifient
matériaux résistant à la corrosion marine renchérissent le coût des
les variations du niveau de l’eau le long des côtes marines ou des
investissements marémoteurs. Cependant, la faisabilité technique


estuaires, lesquelles sont beaucoup plus fréquentées par les
et économique des usines marémotrices a été prouvée, notam-
touristes que les rives des cours d’eau ou des barrages en
ment par l’aménagement de l’estuaire de la Rance. Mais, l’exis-
montagne. En revanche, les variations des niveaux de la mer dans
tence d’un grand marnage, résultant d’une réflexion locale de
les retenues des usines marémotrices sont programmables, en
l’onde-marée sur une côte, peut être un critère trompeur. Il ne faut
tenant éventuellement compte des intérêts touristiques.
pas que l’énergie active prise à l’onde-marée, pour la transformer
en énergie électrique ou mécanique à usage des humains soit trop
importante [4].

Exemple : la figure 3 [4] représente la répartition des énergies de


3. Sites potentiels
la marée actuellement transmises et consommées, lors de la propa- d’exploitation
gation d’une marée de marnage moyen dans le golfe de Saint-Malo.
de l’énergie marémotrice
dans le Monde
295
La puissance du potentiel mondial en énergie marémotrice est
estimée à environ 250 GW, dont 15 GW en France et 18 GW au
Aurigny Cap de la Hague Royaume-Uni. La principale contrainte provient de la nature
45

221 cyclique des hauteurs des marées qui limite à 25 % la durée de


fonctionnement de l’usine à pleine puissance pendant l’année, au
lieu de 50 % ou plus pour l’hydroélectricité classique. Cela limite le
potentiel de la production mondiale à environ 500 TWh/an, de
Guernesey l’ordre de grandeur de la production de l’hydroélectricité des
unités de moins de 10 MW.
37
6 Des études très détaillées ont été entreprises concernant les
aménagements suivants [13] :
– les îles Chausey (15 GW, 30 TWh/an) ;
95
Havre de – l’estuaire de la Severn (8,6 GW, 17 TWh/an) ;
7
50

Jersey
10 St Germain – l’estuaire de la Mersey (700 MW, 1,4 TWh/an).
Ces projets ont été abandonnés pour des raisons économi-
ques [22].
27

Il existe beaucoup de sites marémoteurs potentiels sur la Terre


(figure 1). Le potentiel en énergie marémotrice a suscité quelques
les Minquiers
réalisations, énumérées dans le tableau 1. Il s’agit cependant d’ins-
55
7 23 tallations modestes, sauf en France et en Corée du Sud.
Bréhat
Chausey
97

24

Cap Fréhel 18 1
4. Usine marémotrice
Port Mer
St Malo de la Rance
Un exemple de réalisation industrielle d’envergure est l’usine
marémotrice de la Rance (Ille-et-Vilaine, France). Depuis plus de 40
ans, cette installation d’EDF produit chaque année l’équivalent de la
507 Énergie transmise en GWh consommation en électricité d’une ville comme Rennes. Elle repré-
7
Énergie consommée en GWh sente 90 % de l’électricité produite en Bretagne, et 3,5 % de l’électri-
cité consommée dans les quatre départements de la région [5].
Figure 3 – Circulation de l’énergie d’une marée moyenne En dehors de quelques petits abers bretons, la France dispose
dans le golfe de Saint-Malo [4] de deux sites marémoteurs potentiels dans le golfe de Saint-Malo :

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Usines marémotrices
pour le XXIe siècle

par François LEMPÉRIÈRE


Président HydroCoop


1. Besoins et potentiel ................................................................................. BE 8 573 - 2
2. Usines marémotrices : disposition des bassins
et modes de fonctionnement ................................................................ — 2
2.1 Bassin simple ............................................................................................... — 3
2.2 Bassins associés électriquement ................................................................ — 3
2.3 Bassins associés hydrauliquement ............................................................ — 3
2.4 Choix de la solution ..................................................................................... — 4
3. Turbines ...................................................................................................... — 4
4. Génie civil des usines.............................................................................. — 4
5. Digues .......................................................................................................... — 5
6. Éléments de coûts et délais .................................................................. — 5
7. Impacts ........................................................................................................ — 5
7.1 Impact psychologique ................................................................................. — 6
7.2 Impact sur l’environnement ........................................................................ — 6
7.3 Impact socio-économique ........................................................................... — 6
8. Aménagements en France ..................................................................... — 7
8.1 Aménagement de Chausey ......................................................................... — 7
8.2 Aménagement de Saint-Brieuc ................................................................... — 8
8.3 Aménagement de la Baie de Somme......................................................... — 8
8.4 Stockage d’énergie ...................................................................................... — 9
8.5 Évaluation de coût ....................................................................................... — 9
9. Aménagements de première phase ..................................................... — 9
10. Potentiel mondial ..................................................................................... — 10
11. Hydroliennes .............................................................................................. — 10
12. Conclusion.................................................................................................. — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 573

’énergie marémotrice peut être une des meilleures énergies renouvelables


L grâce à son coût et à son impact favorable sur le réseau électrique et sur
l’économie locale. Le choix des solutions peut conduire à un impact très favo-
rable sur l’environnement.
Le potentiel mondial global est probablement proche de 1 000 TWh/an. Ce
potentiel est concentré sur une dizaine de pays où la part marémotrice de
l’électricité peut être importante. C’est le cas de la France, pays le mieux placé
par son potentiel de fortes marées et la proximité des utilisateurs. Trois grands
sites, réalisés entre 2030 et 2050, pourraient produire près de 100 TWh/an à
moins de 100 €/MWh. Deux ou trois sites préliminaires totalisant 5 à 10 TWh à
un coût inférieur à celui des éoliennes offshore pourraient être développés
avant 2030 pour préciser les impacts et les coûts afin d’optimiser les ouvrages
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQS

principaux et pour exporter la technique.

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USINES MARÉMOTRICES POUR LE XXIE SIÈCLE ___________________________________________________________________________________________

Il est surprenant que la France, leader autrefois avec la Rance, ait négligé
ensuite totalement cette option et se trouve maintenant dépassée en études et
recherches par la Russie et en réalisations par la Corée.

1. Besoins et potentiel – les turbines peuvent aussi être totalement différentes en


conception, fabrication et montage avec un grand nombre de
groupes standardisés de faible chute de quelques MW construits
La production mondiale d’électricité approche 25 000 TWh/an en série et de montage aisé au lieu de quelques groupes spéci-
dont 3 500 d’hydroélectricité. Le coût moyen de production est fiques de centaines de MW assemblés dans un espace restreint ;
proche de 50 €/MWh. – les impacts environnementaux sont totalement différents
Il est vraisemblable que, vers le milieu du siècle, la production et paraissent globalement plus favorables pour l’énergie maré-
motrice ;


mondiale de biens aura triplé ; l’efficacité énergétique sera
meilleure et l’énergie utilisée doublera seulement mais avec une – les modes d’exploitation sont très différents.
part beaucoup plus importante sous forme électrique : la
consommation électrique devrait environ tripler et approcher
probablement 80 000 TWh/an vers le milieu du siècle à un coût
voisin de 100 €/MWh avec dans la plupart des pays une grande
part d’énergies renouvelables. 2. Usines marémotrices :
L’avenir de l’énergie marémotrice est donc lié à un coût de
l’ordre de 100 €/MWh. Une part importante du potentiel maré-
disposition des bassins
moteur est éloignée des points de consommation, mais le coût du
transport électrique à longue distance peut être réduit à 10 €/MWh
et modes
pour 1 000 km et on peut donc aussi envisager l’équipement de
grands sites excentrés.
de fonctionnement
Comme l’éolien et le photovoltaïque qui seront probablement
les énergies renouvelables principales après 2050, l’énergie maré- Les sites envisageables et présentés dans cet article
motrice a besoin de stockage ; il est à l’échelle d’une demi-marée correspondent le plus souvent à des marées d’amplitude moyenne
mais on doit tenir compte aussi d’une production journalière très H comprise entre 5 et 8 m, avec les marées successives d’ampli-
réduite pendant deux ou trois jours de morte eau par quinzaine. tude voisine et d’une durée de 12 h 15. Le potentiel théorique par
demi-marée pour une surface de bassin S de 1 km2 est l’énergie
d’un volume S H sous une charge moyenne 0,5 H, soit en kWh :
L’énergie marémotrice a un double avantage de réglage de
fréquence et de production régulière sur l’année. Elle est plus 106 H 0, 5H g
prévisible que l’énergie éolienne. Les impacts environnemen- ≅ 1 375H 2
taux et économiques peuvent être meilleurs que ceux des 3 600
autres énergies renouvelables. L’énergie marémotrice peut
donc être compétitive avec beaucoup de solutions à coût de et le potentiel théorique annuel pour 706 marées est proche, en
production voisin si on évite ou réduit les impacts négatifs. GWh/km2, de :

1 375 2
Le potentiel théorique mondial d’énergie marémotrice est supé- 2 × 706 H ≅ 2H 2
106
rieur à 20 000 TWh/an mais en beaucoup d’endroits avec une
amplitude moyenne de marée inférieure à 4 ou 5 m, trop faible
pour une production compétitive. Par ailleurs, on ne peut exploiter En pratique, une usine ne produit que 25 à 40 % de cette
sur un site qu’une part minoritaire de l’énergie potentielle énergie.
théorique de la zone. Et l’examen des sites mondiaux potentiels
semble d’ailleurs limiter à 1 000 TWh/an le total des sites rentables
pour des usines marémotrices. Le potentiel des hydroliennes Pour H moyen entre 5 et 8 m et suivant la solution et l’équi-
semble nettement plus faible. L’étude ci-dessous est donc essen- pement, la production annuelle par km2 de bassin est
tiellement consacrée aux usines marémotrices. comprise entre 15 et 50 GWh, du même ordre que par km2 de
Deux caractéristiques importantes des zones favorables aux ferme éolienne et supérieure à la production hydroélectrique
usines marémotrices, c’est-à-dire avec une amplitude moyenne de moyenne par km2 de lac qui est voisine de 10 GWh.
marée supérieure à 5 m doivent être soulignées : la profondeur est
généralement assez faible, 10 à 25 m sous les basses mers, et le
terrain est généralement rocheux ou sablo-graveleux. Les Les rendements et le coût au kWh peuvent varier beaucoup
conditions de fondation sont donc favorables et souvent similaires suivant le type de turbine et le mode d’exploitation. Et le choix
et les projets mondiaux sont beaucoup plus standardisés que ceux entre les solutions n’est pas lié seulement à la production
de l’hydroélectricité classique. d’énergie et au coût au kWh mais aussi à la qualité du courant
fourni (garantie de production, flexibilité, sécurité du réseau,
Enfin, les problèmes techniques et les solutions diffèrent de
réglage de fréquence) et à l’impact sur l’environnement.
ceux de l’hydroélectricité classique :
– le génie civil est totalement différent en conception et en De nombreux modes d’exploitation sont envisageables en trois
exécution, le problème des vagues remplaçant les problèmes de conceptions différentes : bassins simples, bassins associés électri-
rivière ; quement, bassins associés hydrauliquement.

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___________________________________________________________________________________________ USINES MARÉMOTRICES POUR LE XXIE SIÈCLE

Niveau
Niveau

12 h 15

12,25 h
Niveau Niveau
Bassin haut
de la mer du bassin

h Pompage

Production
de courant
Temps Mer Production
H de courant

Production du courant

Figure 1 – Opération dans un sens. Solution S1


Pompage
Bassin bas


Niveau

Niveau 12 h 15 Temps
de la mer

Niveau Figure 3 – Solution VHALS


du bassin
Niveau
de la mer
2.2 Bassins associés électriquement
Temps Ils peuvent être voisins ou distants.
Production Production Une solution est d’associer électriquement un bassin haut S1 et
du courant du courant
un bassin bas S2, l’ensemble produisant deux tiers du temps. Le
coût au kWh est un peu plus élevé que pour S1 seul mais l’utilisa-
Figure 2 – Opération dans les deux sens. Solution S3 tion est mieux répartie.
Une solution plus séduisante a été étudiée récemment sous le
nom de VHALS (Very High And Low Schemes ). Un premier bassin
2.1 Bassin simple très haut est rempli par pompage à marée haute sous une charge
moyenne assez faible et alimente à marée basse des turbines sous
La solution S1 consiste (figure 1) à remplir par des vannes le
une charge beaucoup plus forte (figure 3). Les mêmes groupes
bassin à marée haute et à turbiner pendant environ 4 h à mi-marée
bulbes peuvent être utilisés pour turbiner et pomper. Leur
ou marée basse. Les turbines sont simples et opèrent sous une
puissance unitaire peut approcher 50 MW. Ces groupes peuvent
charge en moyenne proche de 0,5 H soit 2,5 à 4 m. On peut
opérer près de 4 000 h par an en turbines et autant en pompes. La
compléter le remplissage en pompant ce qui peut augmenter le
production annuelle nette peut correspondre à 2 000 h de la capa-
productible net de 10 ou 20 % mais avec un surcoût des turbines.
cité installée en turbines. Associer un tel bassin à un bassin très
On peut opérer aussi en vidant le bassin à marée basse et en bas vidé par pompage à marée basse et rempli par turbinage à
turbinant à marée haute de la mer vers le bassin (solution S2). Le marée haute permet de fournir du courant adapté à la demande et
productible est plus faible que ci-dessus et le coût au kWh sensi- une grande souplesse et sécurité du réseau. L’inconvénient de la
blement plus élevé parce que le volume d’eau stockée utile est solution est une évolution et une valeur des niveaux d’eau dans
plus faible et la forme de l’onde de marée moins favorable ; cette les bassins très différentes des conditions naturelles ; elle semble
solution a été préférée à Shiwa (Corée) pour 250 MW afin de peu acceptable le long d’une côte peuplée.
dépolluer la région industrielle du bassin.
Pour les deux solutions S1 et S2, le coût des usines est modéré
mais elles n’opèrent qu’un tiers du temps, et le productible annuel 2.3 Bassins associés hydrauliquement
ne correspond qu’à environ 2 000 h de la puissance installée. Ces
deux solutions nécessitent aussi une surface importante de vannes. De nombreuses solutions ont été imaginées (figure 4), basées
Une autre option S3 opère dans les deux sens, mais sous plus en fait sur deux principes différents :
faible charge (figure 2). La durée de production est nettement – accoler un bassin haut du type S1 et un bassin bas du type S2
augmentée et le productible peut dépasser 3 500 h de la puissance et placer des turbines entre les bassins et entre chaque bassin et la
installée. On peut se passer de vannes ou en utiliser peu. Un autre mer permettant une production continue et flexible. La production
avantage essentiel est que l’évolution des niveaux dans le bassin annuelle est de l’ordre de 2 000 h de la puissance totale installée ;
est proche de celle des niveaux naturels décalée de 2 ou 3 h ;
– grâce à un système de nombreuses vannes, utiliser une même
l’impact sur l’environnement est donc minimisé et peut être bien
usine pour les différentes opérations entre mer et bassins. L’usine
perçu par les riverains à cause de la suppression des tempêtes et
est beaucoup mieux utilisée mais il y a une très forte concentration
des hautes mers exceptionnelles. Cette solution est donc attractive
des débits.
mais son intérêt dépend du coût et du rendement de turbines
opérant dans les deux sens sous une charge faible et variable, Dans ces différentes associations de bassins, le coût au kWh
donc plus coûteuses que dans les solutions précédentes ; il y a des reste du même ordre que pour une solution S1 avec une meilleure
progrès sur ce point (turbines orthogonales, vitesse variable) et souplesse d’utilisation mais l’implantation de tels bassins n’est pas
cette solution paraît au total nettement plus prometteuse que les toujours facile et les marées le long de la côte sont très différentes
solutions précédentes. des conditions naturelles.

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est strictement interdite. – © Editions T.I. BE 8 573 – 3

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RECHERCHE

Utilisation innovante
des hydroliennes : les maréliennes

par François LEMPÉRIÈRE


Président HydroCoop, Association internationale pour l’échange d’informations
sur les barrages S
Résumé : Le principe des hydroliennes est économique mais peu de sites naturels
marins ou fluviaux présentent des conditions favorables à leur utilisation et notamment
une vitesse de courant suffisante. On peut créer pour cela de grands bassins à marée
adossés au littoral dont la digue de clôture est ouverte localement sur la mer par de
larges chenaux de 1 ou 2 km de longueur perpendiculaires à la digue ; ces chenaux
sont équipés de 10 à 20 rangées d’hydroliennes opérant dans des conditions optimales
notamment de vitesse du courant. La production électrique peut atteindre, à un coût
compétitif, 10 % des besoins mondiaux et 20 % des besoins français. Ces aména-
gements, rentabilisés par la production électrique, permettent aussi une protection
essentielle du littoral contre les niveaux extrêmes défavorables, les tempêtes ou les
typhons. Une partie de la surface des bassins peut être utilisée pour un stockage
d’énergie très important. Un nom spécifique : les « maréliennes » peut s’appliquer à
cette utilisation spécifique.

Abstract : The principle of in-stream turbine is interesting but few world places have
the water speed and conditions necessary for cost efficiency. It is possible to create
along shore very large basins storing tidal flows. Their closing dyke is open locally to
sea by wide channels 1 or 2 km long in which are placed 10 or 20 in-stream turbines
lines. This solution may be cost effective for 10 % of world electric needs and 20% of
French needs. These basins, paid for by electric supply, may have a key role for
protecting shore against harmful high water levels or against high waves or typhoons.
A part of the basin area may be used for very important energy storage (PSP).

Mots-clés : Énergies renouvelables, Maréliennes, Usines marémotrices, Stockage


d’énergie, STEP

Keywords : Renewable energies, Tidal plants, Tidal energy, Energy storage, PSP, STEP

Points clés
Domaine : Production et stockage d’énergie
Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : hydroliennes, turbines, bassin marémoteur
Domaines d’application : énergie électrique renouvelable, stockage d’énergie
électrique
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité : Énergie
Centres de compétence : HYDROCOOP
Industriels : EDF – Alstom
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQT

Autres acteurs dans le monde :


Contact : http://www.hydrocoop.org, forms92@wanadoo.fr

4 – 2014 © Editions T.I. RE 178 - 1

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RECHERCHE

1. Contexte dénivelée ainsi créée (hauteur de chute) par des usines


c’est-à-dire des turbines dans une structure en béton
(centrales marémotrices) ;
L’Hydroélectricité produit mondialement 3 500 TWh/an.
L’énergie des marées a un potentiel équivalent et ne produit – le principe des éoliennes : on place des turbines (hydro-
que 1 TWh/an. Cette différence s’explique mal a priori car liennes) dans les courants de marée de vitesse importante.
l’énergie des marées a des atouts majeurs : Cela évite tout génie civil.
– l’énergie disponible est concentrée et on peut produire 10 Ces deux modes d’utilisation sont analysés ci-dessous.
à 40 GWh/an/km2 de réservoir alors que l’hydroélectricité
produit 3 500 TWh/an sur plus de 350 000 km2 de réservoirs,
soit moins de 10 GWh/an/km2. Le coût au MWh pour créer 3. Centrales marémotrices
des grands réservoirs marémoteurs est inférieur au coût
moyen des réservoirs de barrage ;
Elles comprennent deux parties, les réservoirs créés par les


– on peut utiliser des turbines de l’hydroélectricité, ou des
hydroliennes, d’un coût de fabrication par kW voisin de celui digues et les usines reliant les réservoirs à la mer.
des éoliennes terrestres ;
– à énergie égale, les impacts sur l’environnement peuvent 3.1 Réservoirs (ou bassins)
être beaucoup plus favorables que ceux de l’hydroélectricité
ou d’autres énergies renouvelables ; Diverses solutions associant hydrauliquement deux
– il n’y a aucun déplacement de population ; réservoirs à niveaux différents ont été étudiées, améliorant la
– les productions mensuelles et annuelles sont constantes et production des turbines. Mais ces solutions modifient
prévisibles. fortement le régime et les niveaux des marées à la côte et
Mais l’analyse des spécificités de l’énergie des marées peut sont généralement refusées à cause de cette modification
expliquer l’échec des solutions utilisées jusqu’à maintenant et importante de l’environnement.
conduit à une solution mieux adaptée non seulement à la Les réservoirs que l’on peut envisager sont donc essentiel-
production mais aussi au stockage de l’énergie électrique. lement des réservoirs simples. Ils peuvent être créés :
– en barrant un estuaire (usine de la Rance en France :
1965). On économise les digues mais les problèmes d’environ-
2. Spécificités de l’énergie nement sont plus difficiles (notamment par variation de
marémotrice salinité) et il existe peu de sites mondiaux importants limités
aux estuaires et très peu en France ;
Le potentiel disponible le long des côtes mondiales est très – en créant des îles, ce qui évite les impacts à la côte mais
variable, l’amplitude moyenne de la marée (marnage) le coût de digues très longues ne permet guère de sites
pouvant varier de quelques décimètres à 8 m. Les projets rentables ;
étudiés s’appliquaient en général à des marnages de plus de – en créant des bassins adossés à la côte, de préférence sur
6 m mais le potentiel total correspondant est assez faible et la un golfe ou avec une topographie réduisant la longueur de
majorité du potentiel mondial correspond à des marées de 3 à digue. On peut aussi envisager de grands bassins le long
5 m ; il est réparti sur 20 000 km de littoral. d’une côte rectiligne en recherchant trois conditions :
Les marées les plus courantes mondialement servent de • une surface de plus de 50 à 100 km2 pour réduire le
base à notre analyse : ce sont des marées semi-diurnes, coût des digues par kW,
d’une durée un peu supérieure à 12 h. L’amplitude est voisine • une profondeur modérée jusqu’à 10 ou 20 km de la côte,
pour les deux marées d’une même journée, mais cette ampli-
tude (la hauteur de marnage H ) varie beaucoup en 14 j : pen- • un mode d’exploitation qui ne modifie pas dans le bassin
dant quelques jours de vives eaux, le marnage dépasse de le régime et l’amplitude des marées.
30 % (et parfois de 50 %) le marnage moyen Hm et pendant Ces trois conditions peuvent être remplies mondialement
quelques jours de morte-eau le marnage est inférieur à Hm de sur plus de 100 000 km2 et pour des milliers de TWh/an.
35 % (parfois 50 %).
Les courants de marée peuvent atteindre localement 4 à
5 m/s mais sont le plus souvent de l’ordre de 1 m/s. 3.2 Usines
Pendant une demi-marée, le niveau dans un bassin est
3.2.1 Groupes bulbes
généralement très voisin pendant quelque temps du niveau de
la mer ; il est donc difficile de produire beaucoup pendant une Une turbine à axe horizontal dont l’alternateur est
heure ou deux sur six. immergé, le groupe bulbe, a été mise au point en 1960
Les problèmes liés aux vagues peuvent être très importants. pour l’usine de la Rance. Elle a depuis été utilisée avec succès
pour de nombreux barrages en rivière, sous une chute de 5 à
À charge égale, la hauteur d’une usine marémotrice est très 10 m. Les turbines de la Rance, qui peuvent turbiner et
supérieure à celle d’une usine en rivière car on doit ajouter au pomper dans les deux sens, produisent à pleine puissance
niveau minimal d’exploitation la hauteur des vagues et la sous une chute de 5 à 6 m mais ne produisent que 30 % de la
hauteur du marnage de vives eaux. Le coût au kW du génie puissance installée sous une chute de 3 m, et très peu sous
civil est donc beaucoup plus important. une chute de 2 m. On utilise donc à la Rance un mode de
Les impacts sur l’environnement sont très différents de ceux gestion permettant d’obtenir une chute de l’ordre de 5 m. Le
des barrages hydroélectriques : ils peuvent être beaucoup même objectif est recherché à l’usine coréenne de Shiwah,
plus favorables. mise en service en 2012, d’une puissance de 250 MW un peu
Deux principes d’exploitation ont été utilisés : supérieure à celle de la Rance.
– le principe de base de l’hydroélectricité : créer des L’utilisation d’un bassin peut se faire dans les deux sens ou
réservoirs par des barrages ou des digues et utiliser la un seul sens :

RE 178 - 2 © Editions T.I. 4 – 2014

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RECHERCHE

Niveau
12 h 15

Mer
Bassin
2h

Production Production Production Temps


a opération dans les 2 sens

Niveau
12 h 15

Mer Bassin

Temps

Production du courant

b opération dans un sens

Figure 1 – Utilisation d’un bassin


Figure 2 – Turbine à axe vertical

– l’utilisation dans les deux sens (figure 1a) peut produire


plus et fournir du courant 8 h/12 ; la hauteur de chute n’est Cette solution paraît donc prometteuse mais reste
d’environ qu’un tiers du marnage moyen, c’est-à-dire 2,5 m relativement coûteuse en génie civil surtout pour les
pour les meilleurs sites, 1 à 2 m en moyenne pour le potentiel marnages inférieurs à 5 m, c’est-à-dire pour la majorité
mondial. On peut faire des groupes bulbes pour produire sous du potentiel.
2 m de charge mais avec un coût très élevé du génie civil par
kWh ;
– l’utilisation dans un seul sens turbine un volume d’eau
inférieur de plus de moitié mais sous une hauteur de chute
4. Utilisation actuelle
proche des deux tiers du marnage moyen. C’est donc cette des hydroliennes
solution qui est privilégiée généralement dans les études à
cause des caractéristiques des turbines. Et on concentre la Les éoliennes ont un grand succès car la vitesse du vent est
production sur les heures où la chute est la plus importante, suffisante sur de nombreux sites pour justifier des éoliennes
soit 4 h/12 (figure 1b). Cette solution modifie beaucoup le compétitives de 1 à 5 MW à terre, de 2 à 10 MW en mer. Ce
régime des marées à la côte, ce qui peut être souhaitable succès a encouragé une production d’énergie en mer avec des
dans certains cas (Shiwah en Corée) mais est généralement équipements similaires (hydroliennes) en utilisant les courants
peu acceptable. C’est le cas de la Severn en Grande-Bretagne. marins là où ils sont les plus importants, c’est-à-dire près des
zones à fort marnage.
Le potentiel mondial à un coût acceptable des groupes La puissance fournie par une hydrolienne est à peu près
bulbes est donc réduit. égale (en kW) à 0,2 sV3, s (m2) étant la surface des turbines
et V (m/s) la vitesse du courant. Le diamètre de turbine peut
être de 10 à 20 m.
3.2.2 Turbines orthogonales
Pour 16 m de diamètre, la puissance (kW) est proche de
Une turbine à axe vertical (figure 2) a été développée et 40 V3. Avec 3 m/s, on produit donc 1 MW, avec 2 m/s
testée en Russie pour l’énergie marémotrice et paraît intéres- 300 kW, avec 1 m/s 40 kW.
sante car elle peut opérer efficacement dans les 2 sens sous
une charge de 2 m, donc pour des marnages de 5 à 6 m, avec Même avec 3 m/s, une rangée d’hydroliennes ne prélève
un rendement de 0,75. Elle nécessite encore des vérifications qu’une faible partie de l’énergie du courant, correspondant à
à l’échelle 1. une chute de l’ordre de 0,1 m. Et il existe assez peu de sites
La fabrication de ces turbines est simple. Le coût du génie mondiaux importants où la vitesse du courant dépasse 3 m/s
civil est important car la structure est très haute et la 1 000h/an et 2 m/s 2 000 h/an d’où la puissance unitaire
puissance par m de largeur d’usine inférieure à 500 kW pour voisine de 0,5 à 1 MW. Le coût d’installation, de raccordement
les meilleurs sites et de l’ordre de 200 kW pour un site électrique et d’entretien est généralement élevé dans ces
moyen. zones et la production annuelle proche de 2 000 h de la

4 – 2014 © Editions T.I. RE 178 - 3

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RECHERCHE

puissance installée. La production est très faible une semaine Les chenaux d’hydroliennes ont le grand avantage d’être
sur deux. très efficaces avec des hauteurs de chutes de 1 à 3 m,
c’est-à-dire dans les meilleures conditions d’utilisation des
Le potentiel serait comparable à celui des éoliennes
bassins à double sens dans toutes les zones de marées
terrestres avec des vents favorables uniquement sur des
naturelles de plus de 2 à 3 m de marnage.
reliefs à plus de 3 000 m.
Il est possible économiquement d’opérer huit heures sur
Les hydroliennes sur des sites naturels ont donc un potentiel douze et de conserver le long de la côte le régime et les
théorique important mais le potentiel mondial utilisable à un niveaux naturels des marées (figure 1a).
coût acceptable n’est probablement que de l’ordre de
100 TWh/an.
Exemple : une hydrolienne de 16 m de diamètre (surface
de 200 m2), placée dans un courant de 4 m/s, produit
0,2 × 200 × 43 # 2 500 kW consommant une énergie un peu

S Les hydroliennes sont donc un outil de fabrication


économique dont les conditions naturelles d’utilisation
supérieure de l’ordre de 3 000 kW. Une rangée d’hydro-
liennes espacées de 25 m entre axes dans un chenal de
25 m de profondeur consomme par m de largeur de chenal
sont très coûteuses. Elles pourraient être très rentables si une énergie de 3 000/25 = 120 kW pour un débit de
elles pouvaient opérer la majeure partie du temps à une 25 × 4 = 100 m3/s. La puissance consommée correspond à
vitesse de 3 ou 4 m/s dans des conditions marines une chute de 120/100 g # 0,12 m (avec g accélération due à
favorables. Il n’y a pas de tels sites naturels. Une solution la pesanteur).
consisterait à créer de grands sites favorables à l’emploi Si la dénivelée entre mer et bassin est de 2,40 m, elle
des hydroliennes. peut être utilisée par 20 rangées d’hydroliennes espacées
par exemple de 5 diamètres soit 80 m, la longueur du chenal
étant de 20 × 80 = 1 600 m. Lorsque la dénivelée se réduit à
1,20 m, on peut conserver la même vitesse optimale de
5. Nouvelle solution : 4 m/s en n’utilisant que 10 rangées d’hydroliennes.
les maréliennes
On peut donc associer cette vitesse optimale avec la gestion
Les hydroliennes s’adaptant mal aux sites naturels, on peut optimale des bassins et adapter le nombre de rangées
chercher à créer des sites permettant leur utilisation dans les d’hydroliennes et donc la longueur des chenaux au marnage
meilleures conditions. Le but essentiel est d’opérer dans un naturel du site.
courant de vitesse à peu près constante de 3,5 à 4 m/s, pour
de fortes ou faibles marées et pour les différents niveaux de la
mer. Cette solution a l’avantage capital de pouvoir s’adapter
à des marnages naturels faibles et donc à une très grande
partie du potentiel mondial pour un coût au kWh voisin de
La meilleure solution semble la création le long du littoral celui des sites exceptionnels de marnage supérieur à 6 m.
de grands bassins clôturés par une digue sur laquelle
de larges ouvertures alimentent des chenaux perpen-
diculaires dans lesquels sont placées des rangées d’hydro- On peut utiliser trois variables pour optimiser vitesse de
liennes (figures 3). courant et production :
– la durée d’ouverture pendant une demi-marée de six
Ces chenaux d’une longueur de 1 à 2 km sont bordés par heures peut varier notamment en fonction de la hauteur de
des digues à faible charge et peuvent être fermés côté mer marée. Le volume d’eau à écouler étant deux fois plus impor-
par des vannes semblables aux vannes de barrages sur les tant en vives eaux qu’en morte-eau, on peut ouvrir 2 ou 3 h
grands fleuves. Le fond du chenal peut être bétonné sur en morte-eau et 4 ou 5 h en vives eaux avec un débit moyen
0,50 m. voisin ;

Chenaux
Mer
Poste de commande
Mer Digue et sous-station Bassin

500 m
Bassin Hydroliennes
Digue latérale du
chenal
Mer
Bassin
Digue d’encloture
du bassin
Littoral

a digue b chenal d’hydroliennes de 1 GW (# 500 hydroliennes)

Figure 3 – Configuration de bassin marémoteur

RE 178 - 4 © Editions T.I. 4 – 2014

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Énergies renouvelables
(Réf. Internet 42594)

1– Biomasse

2– Hydroélectricité

3– Éolien et énergies marines



4– Énergie solaire Réf. Internet page

Électricité photovoltaïque. Principes BE8578 115

Électricité photovoltaïque. Matériaux et marchés BE8579 119

Fours solaires BE8849 123

Centrales solaires thermodynamiques BE8903 127

5– Géothermie

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Électricité photovoltaïque
Principes

par Abdelilah SLAOUI


Directeur de recherche
Laboratoire des Sciences de l’ingénieur, de l’informatique et de l’imagerie (ICUBE),
CNRS et Université de Strasbourg

1. Physique du rayonnement solaire ...................................................... BE 8 578v2 - 2


1.1 Rayonnement du corps noir : soleil hors atmosphère,
constante solaire ......................................................................................... — 2
1.2
2.
2.1
Rayonnement perçu au sol : rôle de l’atmosphère ..................................
Physique du composant photovoltaïque ..........................................
Électrons dans un potentiel périodique, schéma de bandes ..................
— 2


3
3

2.2 Semi-conducteurs intrinsèques et dopés ................................................. — 5
2.3 Effet photovoltaïque ................................................................................... — 6
3. Caractéristiques et réponse spectrale .............................................. — 8
3.1 Paramètres caractéristiques et rendement de conversion
d’une cellule ................................................................................................ — 8
3.2 Rendement quantique d’une cellule.......................................................... — 9
4. Convertisseur photovoltaïque ............................................................. — 10
4.1 La cellule, un élément générateur de courant .......................................... — 10
4.2 Module photovoltaïque .............................................................................. — 10
4.3 Problème du stockage de l’énergie photovoltaïque ................................ — 11
4.4 Effet de la température d’utilisation sur le module photovoltaïque ....... — 11
4.5 Modules hybrides photovoltaïque-thermique.......................................... — 12
4.6 Champs de modules et cellules sous concentration................................ — 12
4.7 Dimensionnement d’une installation photovoltaïque ............................. — 12
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. BE 8 578v2

a production d’électricité d’origine photovoltaïque, basée sur la conversion


L de la lumière du soleil, est en pleine expansion depuis deux décennies. Sa
part dans le bouquet énergétique mondial de 2050 sera certainement impor-
tante compte tenu de la pénurie et/ou de la pollution des autres ressources.
Ce premier dossier [BE 8 578v2], consacré à la production d’électricité par
conversion de la lumière du soleil à l’aide de cellules solaires, permet de donner
au lecteur un minimum de connaissances des principes de la conversion photo-
voltaïque, incluant des notions relatives à l’énergie transmise par le soleil, ainsi
que quelques éléments de physique des semi-conducteurs et des principaux
mécanismes de transport des charges électriques. La connaissance des caracté-
ristiques électriques fondamentales (tension, courant et rendement de
conversion) du dispositif photovoltaïque et son usage en tant que générateur de
courant (convertisseur lumière-électricité) sont nécessaires pour une évaluation
rapide du dimensionnement d’une installation photovoltaïque.
Dans le dossier suivant [BE 8 579v2] les différentes filières d’élaboration du
dispositif photovoltaïque de la cellule classique (à base de silicium massif) aux
couches minces sont abordées ainsi que les potentialités d’autres matériaux
semi-conducteurs binaires ou ternaires et organiques.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQS

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés BE 8 578v2 – 1

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ÉLECTRICITÉ PHOTOVOLTAÏQUE _______________________________________________________________________________________________________

Abréviations

µc-Si Silicium microcristallin

a-Si Silicium amorphe

CIS Chalcogénures

Cz Tirage Czochralski

EMC Croissance électromagnétique

FZ Tirage par zone flottante

HIT Hétérostructure

mc-Si Silicium multicristallin

pc-Si Silicium polycristallin

p-i-n Structure à zone intrinsèque


Figure 1 – Rayonnement du corps noir en fonction de sa température
pm-Si Silicium polymorphe


p-n Structure à jonction plane Le soleil a une température de surface estimée à 5 760 K.
Le flux énergétique, en provenance de cet astre, intercepté dans
RCC Cellule à contacts arrières
l’angle solide représenté par la terre vaut :
Sc-Si Silicium monocristallin

Il est connu sous la dénomination : « constante solaire » hors


atmosphère, c’est-à-dire pour une masse atmosphérique nulle
1. Physique du rayonnement (AM0, Air Mass 0).

solaire
1.2 Rayonnement perçu au sol :
Pour plus de détails sur l’intensité et l’énergie transmise par le rôle de l’atmosphère
soleil (considéré comme un corps noir), hors atmosphère et au
niveau du sol, se référer au dossier [BE 8 210] Rayonnement ther- Pour la fabrication de cellules photovoltaïques à usage terrestre, il
mique des matériaux opaques, ainsi qu’à l’ouvrage d’Alain est nécessaire de connaître le spectre du rayonnement solaire
Ricaud [1]. reçu au niveau du sol (figure 2). L’atmosphère terrestre modifie le
spectre énergétique du rayonnement solaire par l’action de trois
mécanismes principaux :
1.1 Rayonnement du corps noir : soleil – l’absorption par les gaz : chaque gaz possède des raies
hors atmosphère, constante solaire caractéristiques. Les plus marquantes sont, dans l’ordre des lon-
gueurs d’ondes croissantes : l’ozone (O3), l’oxygène (O2), toute une
On peut considérer, en première approximation, que l’énergie du série de raies d’absorption, dues à la vapeur d’eau (H2O), et dans
rayonnement du soleil hors de l’atmosphère suit la loi du rayonne- l’infrarouge lointain au gaz carbonique CO2 ;
ment du corps noir (figure 1). En effet, pour de grandes longueurs – la diffusion moléculaire de Rayleigh est causée par les
d’ondes, c’est-à-dire pour des photons peu énergétiques, la loi don- molécules d’air, dont la taille est très inférieure à la longueur
nant l’énergie moyenne rayonnée [E (λ, T )] par unité de volume des d’onde de la lumière. La diffusion de Rayleigh varie en λ–4 et
photons dans un intervalle de longueur d’onde dλ se réduit à la loi explique la couleur bleue du ciel clair et le passage de la couleur
classique de Rayleigh-Jeans (1) : du soleil à l’orange et au rouge lorsqu’il est bas sur l’horizon
(lorsque le soleil est bas, le trajet optique augmente et contribue à
l’atténuation des UV et des longueurs d’onde du bleu) ;
(1)
– la diffusion par les aérosols (de taille semblable à la lon-
avec k constante de Boltzmann. gueur d’onde de la lumière), par les poussières et les fumées
(dont la taille des particules varie de 0,5 à 10 µm) provoque égale-
Ainsi, plus le corps noir émet à une température élevée, plus son ment une variation spectrale en λ–n, avec n compris entre 0 et 4.
rayonnement est énergétique, et la longueur d’onde du maximum Par contre, pour les gouttelettes d’eau des nuages, dont la taille est
énergétique diminue : c’est la loi de déplacement de Wien. Le rayon- nettement supérieure à la longueur d’onde, la diffusion est sans
nement devient visible par l’œil humain pour des couleurs allant du variation de spectre. Elle provient de l’ensemble des phénomènes
rouge au violet. de réflexion, réfraction et de diffraction.
En intégrant la densité moyenne d’énergie totale par unité de Le rayonnement diffus des jours à forte nébulosité peut représen-
volume des photons sur toutes les fréquences (ou longueurs d’onde ter 10 à 15 % du rayonnement solaire arrivant au sol en provenance
λ), nous obtenons la célèbre loi de Stefan-Boltzmann : de toute la voûte céleste. Il est sans orientation particulière, et il est
donc impossible de le concentrer au moyen de lentilles optiques.
(2) Ainsi le rayonnement qui arrive au sol possède au moins deux
composantes : une composante diffuse D et la composante
avec E (W/m2) flux énergétique par unité de surface, directe I qui peut être collectée par des systèmes optiques à
σ constante de Stefan (σ = 5,7 × 10–8 W · m–2 · K–4). concentration. Le tout forme le rayonnement global G qui est le

BE 8 578v2 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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________________________________________________________________________________________________________ ÉLECTRICITÉ PHOTOVOLTAÏQUE

Éclairement spectral (kW/m2 ·†m)

Ultraviolet Visible Infrarouge


Éclairement solaire hors atmosphère (AM0)

Courbe relative au corps noir à 5760 K

Éclairement solaire au niveau de la mer (AM1)

O3

H2O

O2, H2O
Composante diffuse (légère brume)
H2O
H2O
H2O Composante diffuse (ciel clair)

H2O

H2O, CO2
H2O, CO2
H2O, CO2

Longueur d’onde (m)

Figure 2 – Spectre de rayonnement du soleil et raies d’absorption par l’atmosphère

2. Physique du composant
photovoltaïque
L’objectif de cette section est de présenter en termes simples
quelques éléments du modèle physique du schéma de bandes dans
les semi-conducteurs cristallins et de donner les formules de base
Module
qui régissent la répartition des électrons à l’équilibre thermodyna-
photovoltaïque
mique et les mécanismes de la conduction électrique. Pour plus de
détails sur cette partie, qui relève de la physique quantique des
Albédo solides, on se référera à l’ouvrage d’Alain Ricaud [1] Photopiles
solaires, ainsi que l’ouvrage Physique de l’état solide de Kittel [2].
Figure 3 – Trois composantes du rayonnement solaire global

2.1 Électrons dans un potentiel


rayonnement pris en compte pour la détermination du rendement périodique, schéma de bandes
des cellules solaires.
2.1.1 Bandes d’énergie
Dans les régions nordiques, où le ciel est souvent couvert, le
rayonnement diffus peut représenter jusqu’à 80 % du rayonnement Dans un cristal où les atomes sont liés à leurs proches voisins, il
global, de sorte que l’on peut poser directement les modules photo- faut faire appel à la solution de l’équation de Schrödinger, proposée
voltaïques au sol. Par contre, dans ce cas, on ne bénéficie plus de par Bloch en 1928, pour expliquer l’existence de bandes d’éner-
l’albédo (figure 3), c’est-à-dire de la fraction du rayonnement gies permises séparées par une bande d’énergie interdite.
réfléchi par un sol blanc (albedo en latin). Pour ne pas rentrer dans des détails qui relèvent de la physique
quantique des solides, il est suffisant de retenir qu’il existe une
Par convention, le rayonnement global G perçu au niveau du sol bande supérieure permise pour les électrons d’énergie E en fonction
est donné en fonction de l’épaisseur atmosphérique effective- du vecteur d’onde (k ) de l’onde électromagnétique associée au
ment traversée (Air Mass x, AMx) par rapport à l’épaisseur norma- photon :
lisée à 1 (x = 1) pour un soleil au zénith (Air Mass one, AM1).
(3)

On a un soleil sous AM1,5 lorsque le soleil fait un angle α avec La bande permise pour les électrons d’énergie E est appelée
l’horizon, tel que l’épaisseur d’atmosphère effectivement traversée bande de conduction Ec avec des minimums d’énergie permise.
est égale à une fois et demie l’épaisseur pour un soleil au zénith. La bande inférieure est appelée bande de valence Ev (figure 4)

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Électricité photovoltaïque
Matériaux et marchés

par Abdelilah SLAOUI


Directeur de recherche CNRS
Laboratoire des sciences de l’ingénieur, de l’informatique et de l’imagerie, ICUBE, CNRS et
Université de Strasbourg

Cet article est la version actualisée de l’article [BE 8 579v3] intitulé « Électricité – photovol-
taïque Matériaux et marchés » rédigé par Abdelilah SLAOUI et paru en 2016.

1.
2.
Options et perspectives......................................................................
Filières technologiques.......................................................................
BE 8 579v4 - 2
— 3

2.1 Première génération : filière silicium en plaquettes ............................. — 3
2.1.1 Matière première de silicium ......................................................... — 3
2.1.2 Silicium monocristallin (mono c-Si) .............................................. — 4
2.1.3 Silicium multicristallin (mc-Si) ....................................................... — 4
2.1.4 Silicium en ruban (ribbon) autosupporté...................................... — 5
2.2 Deuxième génération : filière silicium en couches minces .................. — 6
2.2.1 Silicium amorphe et nanocristallin................................................ — 6
2.2.2 Mariage de l’amorphe et du cristallin............................................ — 7
2.3 Autres filières en couches minces .......................................................... — 8
2.3.1 Cellules à base de tellurure de cadmium CdTe ............................ — 8
2.3.2 Matériaux à base de séléniure de cuivre indium gallium............ — 8
2.4 Autres filières en émergence .................................................................. — 8
2.4.1 Cellules à colorants ......................................................................... — 8
2.4.2 Cellules organiques ........................................................................ — 9
2.4.3 Cellules pérovskites ........................................................................ — 9
2.4.4 Cellules à très haut rendement ...................................................... — 10
3. Marché du photovoltaïque................................................................. — 11
3.1 Types de marché photovoltaïque ........................................................... — 11
3.2 Évolution de la puissance cumulée ........................................................ — 13
3.3 Coût de l’énergie photovoltaïque ........................................................... — 13
4. Perspectives d’avenir du photovoltaïque ...................................... — 14
5. Conclusion.............................................................................................. — 15
6. Glossaire ................................................................................................. — 15
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. BE 8 579v4

a croissance constante de la demande en énergie et les limitations des res-


L sources d’énergie fossiles, associées au réchauffement climatique
annoncé, ont été depuis longtemps des facteurs très motivants pour le déve-
loppement des cellules photovoltaïques les plus performantes et pour trouver
des procédés innovants permettant de réduire drastiquement les coûts de
fabrication.
Cet article fait suite à l’article [BE 8 578] sur les principes de la conversion
photovoltaïque.
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQY

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ÉLECTRICITÉ PHOTOVOLTAÏQUE _______________________________________________________________________________________________________

Abréviations 0,1 €/W 0,2 €/W


100 0,5 €/W
a-Si silicium amorphe
pm-Si silicium polymorphe Limite
80 thermo-
µc-Si silicium microcristallin

Rendement de conversion (%)


dynamique
pc-Si silicium amorphe et cristallin
60
mc-Si silicium multicristallin
1 €/W
sc-Si ou c-Si silicium monocristallin III Limite
40
CIS composé Cu-In-S Shockley-
Queisser
CIGS composé Cu-In-Ga-S
20 I
3,5 €/W
CZTS,Se composé Cu-Zn-Sn-S, sélénium
II
DSSC Dye Synthesized Solar Cell (cellule à
colorants) 0
0 100 200 300 400 500
Cz tirage Czochralski
Coût (€/m2)
EMC croissance électromagnétique


Figure 1 – Corrélation entre le rendement de conversion et le coût
FZ tirage par zone flottante du module photovoltaïque pour les trois générations de technologie

pin structure à zone intrinséque


p-n structure à jonction plane nécessaire pour que ces technologies débouchent commerciale-
ment.
HIT hétérostructure En augmentant drastiquement le rendement, la troisième
RCC Rear Contact Cell (cellule à contacts arrières) génération (III) de cellules photovoltaïques, associée éventuelle-
ment à la deuxième, vise à réduire le coût par un facteur 2 à 3.
PV photovoltaïque Pour atteindre ces très hauts rendements de conversion (THR), le
composant photovoltaïque doit réduire fortement les pertes
MWc mégawatt crête, puissance mesurée à midi optiques et électriques, et contourner la limite Shockley-Queisser
THR très haut rendement de conversion des composants à simple bande interdite (limite simple jonction)
qui limite le rendement à 31 %. De nouveaux matériaux, notam-
ment nanostructurés, sont potentiellement intéressants et
doivent encore être développés. La cellule tandem tirant avantage
1. Options et perspectives sur les plans optique et électrique de chacune de ses composantes
est une alternative qui suscite un fort intérêt.
Pour compléter cette vue globale, sont représentées sur la
La figure 1 [12] illustre bien la stratégie globale des recherches figure 2 les évolutions des rendements de conversion des meil-
et développement sur le photovoltaïque. Elle fait apparaître les dif- leures cellules de laboratoire pour les différentes filières d’élabora-
férentes options et les perspectives à moyen et long terme en don- tion de dispositifs photovoltaïques. La plus ancienne est la filière
nant le rendement de conversion en fonction du coût par m2. du silicium cristallin avec des premières cellules réalisées par
Bel Lab. (États-Unis) en 1954, en même temps que la réalisation
Ainsi, la première génération (I) de cellules solaires utilisant des premières diodes et transistors. Elle reste toujours la voie la
des plaquettes en silicium montées en module est actuelle- plus avancée sur le plan technologique et industriel. Pour les cel-
ment mature, et les progrès concernent essentiellement la réduc- lules à base de plaquettes en silicium cristallin, les rendements en
tion des pertes optiques et électriques, l’amélioration des effets de laboratoire ont dépassé 26,1 %, s’approchant fortement de la limite
passivation, la diminution du nombre d’étapes de leur fabrication théorique du silicium de 29 %. La concentration de la lumière per-
(via l’automatisation par exemple) et la réduction du coût de la met de dépasser le rendement de 27 %. Pour les rendements sur
matière première (silicium charge et/ou épaisseur des plaquettes). de grandes surfaces et sans concentration, l’avenir passe par une
En dépit du coût du Watt-crête qui a certes bien baissé mais qui réduction drastique des coûts et une constante augmentation des
reste élevé, plus de 95 % des modules installés sur les champs et rendements moyens industriels au-delà des 22 % actuels pour les
les toits utilisent des cellules solaires en silicium cristallin. plus performants. Les couches minces à base de silicium
amorphe (a-Si), de cuivre-indium-gallium-sélénium (CIGSe)
Une deuxième génération (II) de capteurs est basée sur les ou de tellurure de cadmium (CdTe) ont commencé à être étu-
couches minces de matériaux semi-conducteurs simples diées dans les années 1970, avec une industrialisation rapide mais
(silicium amorphe a-Si et polycristallin pc-Si) ou composé décevante pour la première, et a contrario une progression du ren-
(cuivre-indium-gallium-sélénium CIGS), tellure de cadmium CdTe, dement de conversion plus prometteuse pour les deux dernières.
organiques à base de polymères ou de petites molécules, hybrides Pour ces filières, les rendements de modules industriels stagnent
à colorants DSSC ou à base de perovskite). Des progrès importants autour de 14 % pour le silicium amorphe mais atteignent 22,9 et
ont été observés ces dernières années tant sur le plan du rende- 22,1 % pour le CIGS (CuInGaS) et CdTe, respectivement. L’objectif
ment de conversion que sur la fiabilité, accompagnés par le déve- majeur reste l’augmentation des rendements de conversion pour
loppement d’équipements appropriés à cette filière. Compte tenu le silicium (amorphe, polymorphe, micro- et polycristallin) ainsi
du peu de matière utilisée et des technologies associées, le coût que pour les matériaux composés à base de chalcogénures CdTe,
rendement/puissance généré est fortement orienté vers la baisse CIGS, CZTS (Copper Zinc Tin Sulphide ). Les filières à base de
(< 0,4 €/W) par rapport à la filière dominante mais une recherche matériaux organiques ou hybrides (DSSC) sont pour beaucoup
innovante associée à un développement industriel est encore encore au stade du laboratoire mais progressent assez rapidement.

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________________________________________________________________________________________________________ ÉLECTRICITÉ PHOTOVOLTAÏQUE

30,0

26,1 %
25,0
23,3 %
22,9 %
22,1 %

20,0
Rendement de conversion (%)

Silicium
cristallin

Perovskites
15,0 14,0 %
13,4 %
12,6 %
12,6 %
11,9 %


10,0 CdTe CZTS

CIGS DSSC

5,0 Cellules
Silicium organiques
amorphe Plots
quantiques

0,0
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020

Figure 2 – Progression des rendements record (cellules) en laboratoire de l’ensemble des filières photovoltaïques (données NREL, 2018)

En effet, pour les cellules organiques à base de petites molécules,


le rendement de conversion a dépassé 12,6 % en début de vie. Une
encapsulation efficace de ces cellules est une clé essentielle pour
un succès commercial. Depuis plus récemment (2012) ont émergé
les cellules hybrides à base de pérovskite (CH3NH3PbI3 , CH3N-
H3PbBr3) qui contre toute attente ont fait tomber tous les records
de rendement : 10 % en 2012 à 23,3 % en 2018, avec encore une
marge importante de progrès. Mono c-Si

Les cellules du futur, à base de matériaux nanostructurés, restent Multi c-Si


au niveau du concept, et une recherche fondamentale de base est
encore nécessaire. À noter un très bon rendement autour de 13,4 % CdTe
pour l’utilisation de nanoplots quantiques en matériau CdS.
CIGS

a-Si

2. Filières technologiques
2.1 Première génération : filière silicium
en plaquettes
Figure 3 – Prépondérance des matériaux à base de silicium cristallin
Près de 90 % des cellules sont à base de silicium cristallin, mono dans la production de cellules en 2014 (doc. Paula Mints)
et multi (figure 3).
Le silicium est l’un des éléments les plus abondants sur terre,
parfaitement stable thermiquement et chimiquement, en plus de 2.1.1 Matière première de silicium
ne pas être toxique. À l’avenir d’autres matériaux contribueront à
l’augmentation de la gamme des produits photovoltaïque dispo- À la base de toute l’industrie électronique moderne, le silicium est
nibles et stimuleront ce marché très prometteur. Aujourd’hui, plu- obtenu par réduction de la silice dans un four électrique à arc à plus
sieurs sont au stade préindustriel, au niveau de la recherche ou de 200 °C. On obtient ainsi un matériau dit « métallurgique », dont la
encore à la validation du concept. pureté est d’environ 98 %. Ce produit est purifié par chlorination à

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés BE 8 579v4 – 3

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ÉLECTRICITÉ PHOTOVOLTAÏQUE _______________________________________________________________________________________________________

300 °C, ce qui donne du silicium sous forme gazeuse (trichlorosilane


ou silane). Après pyrolyse et réduction par de l’hydrogène à Pyramides
1 100 °C, le matériau obtenu est sous la forme d’une poudre de Doigt inversées
haute pureté ; les traces d’impuretés résiduelles dans cette poudre
Double
sont inférieures au ppm masse. Il sert alors de produit de départ
couche n
pour la croissance de lingots, qui sont utilisés dans les industries antireflets
de la microélectronique et photovoltaïque et dans lesquels sont
découpées les plaquettes. Cette matière première coûte de plus en
plus cher en raison de la forte augmentation de la demande. De ce
fait, de grands groupes chimiques se sont préoccupés assez tôt de
développer un matériau de qualité solaire avec des techniques de
purification simplifiées. n+
Silicium de type p
p+
2.1.2 Silicium monocristallin (mono c-Si)
p+ p+
Il est possible d’obtenir des monocristaux par la méthode Czo-
chralski (Cz), qui consiste à tirer un cristal parfaitement cristallin Contact Oxyde Oxyde mince
de 30 cm de diamètre, long de plus de 1 m, à partir d’un germe arrière (20 nm)
plongé dans un bac de silicium fondu. Cependant, en partant de
1 kg de minerai de silice, on n’obtient pas plus de 100 g de silicium Figure 4 – Structure de la cellule à homojonction de laboratoire la
monocristallin pour une dépense énergétique considérable, de plus performante (doc. Photovoltaic Special Research Center UNSW)
l’ordre du MWh. Le reste est perdu dans les différentes phases de


purification. De plus, la moitié du cristal part en poussière au cours
de la découpe en tranches de 250 à 300 µm d’épaisseur. Le silicium Cependant, le matériau Si multicristallin est d’une part contraint
le plus produit est de type p, c’est-à-dire dopé avec du bore, par et disloqué, et d’autre part contaminé par des impuretés rési-
apport de poudre contenant le bore. La concentration de bore dans duelles de la matière première de silicium. Cette dernière est en
le silicium est comprise entre 1016 et 1017 atomes · cm–3, de façon partie constituée par des rebuts de l’industrie de la microélectro-
à présenter une résistivité de l’ordre de 0,1 à 1 Ω · cm. Ce choix nique, c’est-à-dire du silicium monocristallin Cz ou FZ. La présence
résulte d’un compromis entre une résistivité la plus faible possible de joints de grains, associés à d’éventuelles contaminations par
et un dopage modéré afin d’éviter la réduction de la longueur de des impuretés métalliques, du carbone et de l’oxygène, introduit
diffusion des porteurs photogénérés. des défauts importants qui pénalisent le rendement (< 19 %).
Par la suite, on crée une barrière de potentiel nécessaire à la col- Par ailleurs, des recherches importantes sont menées sur les
lecte des charges, c’est-à-dire la structure émettrice des cellules procédés de purification du silicium à partir du silicium
photovoltaïques. Cette étape est détaillée dans la figure 6 métallurgique, obtenu par carboréduction de la silice et dont la
de [BE 8 578]. pureté de 99 % est incompatible avec l’obtention de propriétés
Il existe une seconde méthode pour produire du silicium de qua- électroniques suffisantes. Il faut pour cela réduire la concentration
lité électronique : on chauffe jusqu’à la fusion une zone que l’on des impuretés, métalliques en particulier, à quelques parties par
déplace le long d’un lingot. Du fait de la ségrégation des impuretés million (ppm), par distillation et condensation par l’intermédiaire
métalliques dans les zones fondues, on récupère un lingot de sili- de chlorosilane dans le cas de l’électronique et de la filière mono-
cium purifié (mais plus cher), que l’on nomme FZ (zone flot- cristalline (exemple du procédé Siemens). Dans le cas de la
tante). filière mc-Si, on part d’un silicium moins pur que pour le mono c-
Si, déchets de silicium électronique et silicium métallurgique, que
Avec les matériaux Cz et FZ, dits de la microélectronique, il est l’on fond dans un creuset en quartz recouvert d’une couche de
possible d’obtenir un rendement de conversion record en nitrure de silicium (pour faciliter le démoulage). Ensuite, grâce à
laboratoire : 24,7 % (Université de New South Walles, Australie) et un gradient de température contrôlé entre le haut et le bas du
récemment à 26,1 %, soit supérieur de 5 à 7 points à ceux de creuset, le silicium liquide se solidifie donnant naissance à un lin-
l’industrie. got avec des grains de silicium de plusieurs centimètres.
L’architecture de la cellule à homojonction la plus performante Les rendements de conversion industriels des cellules à
au monde est représentée sur la figure 4. base de mc-Si, qui étaient de l’ordre de 8 à 10 % avant 1980, sont
actuellement supérieurs à 18 % pour de grandes plaquettes de
2.1.3 Silicium multicristallin (mc-Si) 15,6 × 15,6 cm2. Ces progrès s’expliquent par l’amélioration
constante de la qualité des matériaux et par l’accroissement des
La figure 3 montre que la majorité des modules photovoltaïques connaissances de neutralisation des défauts et des impuretés rési-
sont à base de silicium polycristallin (poly c-Si), plus souvent duelles.
appelé en Europe silicium multicristallin (mc-Si). L’intérêt du Actuellement, on sait parfaitement passiver les effets néfastes de
silicium multicristallin provient de coûts de production plus faibles, la plupart des défauts cristallographiques.
du fait de l’utilisation de procédés de coulage des lingots en
blocs, beaucoup plus rapides et moins coûteux en énergie que
dans le cas de la synthèse de monocristaux Cz ou FZ (24 à 48 h Exemple : le dépôt par plasma d’une couche de 70 nm de nitrure
contre quelques semaines pour ces derniers). de silicium très riche en hydrogène (SiN:H) neutralise les défauts de
surface de silicium et de volume par l’hydrogène et en même temps
Une variante de la technologie de croissance par coulage de mc- assure une diminution des pertes par réflexion (effet antireflet). Les
Si, le procédé Polix de EDF-PW, est représentée figures 5 et 6. atomes d’hydrogène se fixent sur les liaisons pendantes (ou brisées)
Des blocs de plus de 450 kg sont ainsi obtenus par refroidissement du silicium et jouent le rôle de ponts assurant en quelque sorte la
contrôlé du silicium en fusion dans un moule de nature appropriée continuité électronique.
(souvent en quartz).
Afin de diminuer le bilan énergétique de la croissance de lingots On peut également débarrasser partiellement les plaquettes de
de silicium, des matériaux mc-Si produits par coulée continue silicium de leurs impuretés métalliques résiduelles lors d’un
en creuset électromagnétique (EMG) ont été développés au traitement thermique à haute température. En effet, par un effet de
Japon et en France (société EMIX). migration assuré par la température, le temps et des catalyseurs,

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Fours solaires

par Gilles FLAMANT


Ingénieur ENSCP, directeur de recherches au CNRS
Directeur du laboratoire Procédés, matériaux et énergie solaire Promes-CNRS/VPR 8521

1. Principe et technologies ........................................................................... BE 8849 – 2


1.1 Systèmes à concentration .............................................................................. – 2
1.2 Facteurs de concentration .............................................................................. – 2
1.3 Concentration maximale théorique............................................................... – 3
1.4 Systèmes non imageants ............................................................................... – 3
1.5
1.6
1.7
Causes d’élargissement de la tache focale ...................................................
Distribution de l’éclairement au foyer...........................................................
Fours solaires en Europe................................................................................



4
4
4

2. Métrologie au foyer .................................................................................... – 5
3. Applications dans le domaine des matériaux
à haute température ................................................................................... – 7
3.1 Élaboration de matériaux ............................................................................... – 7
3.2 Test et qualification de matériaux ................................................................. – 9
4. Applications dans le domaine de la production de vecteurs
énergétiques ................................................................................................. – 10
4.1 Composants pour la conversion thermodynamique ................................... – 10
4.2 Production hydrogène par voies thermochimiques .................................... – 11
Références bibliographiques............................................................................. – 12

es fours solaires sont des outils uniques de recherche dans le domaine des
L hautes températures (matériaux et procédés).
Ce dossier présente les éléments d’optique définissant les caractéristiques
du flux solaire concentré au foyer d’un four solaire. Il définit aussi la probléma-
tique de la mesure des températures, en présence de perturbations liées au
rayonnement réfléchi. Y seront ensuite détaillées les caractéristiques des fours
solaires européens.
La dernière partie est consacrée à une revue de leurs applications dans les
divers domaines scientifiques et technologiques, allant de l’élaboration des
matériaux à la production d’hydrogène.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPPX

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FOURS SOLAIRES ___________________________________________________________________________________________________________________

Nomenclature des symboles Ra


yo
nn
em
Symbole Désignation Unités en
t in
cid
en
t
C Facteur de concentration
H
E Éclairement énergétique ou W · m−2 C
densité de flux H
F
f distance focale m H

h paramètre dans les équations H


(10) et (11)
Figure 1 – Schéma de principe d’un four solaire
L luminance W · m−2 · sr−1
■ On peut distinguer quatre grands types de systèmes à concen-
L0 luminance dans la direction W · m−2 · sr−1 tration par réflexion :
normale
– deux mettent en œuvre des réflecteurs et des récepteurs mobiles ;
L0 luminance du corps noir W · m−2 · sr−1 – deux autres utilisent des réflecteurs mobiles et des récepteurs fixes.
• Les concentrateurs cylindro-paraboliques et paraboloïdaux
n indice de réfraction constituent la première famille. Ils se distinguent par le mode de


suivi du soleil et le facteur de concentration :
r distance dans le plan focal m
– un axe pour le cylindro-parabolique (concentration inférieure à
R facteur de réflexion du parabo- 100) ;
loïde – deux axes pour le concentrateur paraboloïdal (concentration
pouvant dépasser 10 000).
α rapport de températures • Les centrales à tour et les fours solaires constituent la
deuxième famille. Une centrale à tour est un système à simple
β angle entre les directions obser- réflexion constitué d’un champ d’héliostats et d’une tour en haut
vateur/centre du soleil et obser- de laquelle est placé le récepteur solaire.
vateur/point sur le disque solaire
(β0, diamètre apparent du soleil) Les héliostats sont mobiles autour de deux axes de rotation de
manière à renvoyer constamment le rayonnement solaire dans
ε facteur d’émission une direction fixe, celle du récepteur. Ils sont, généralement, légè-
rement focalisants afin d’assurer un meilleure concentration (assu-
γ rapport dans l’égalité (17) rée par le facteur de concentration individuel des héliostats et la
superposition de leurs images, elle peut atteindre un facteur de
η efficacité ou rendement 3 000 environ).
• Les fours solaires reposent sur le principe de la double réflexion
λ longueur d’onde µm (voir figure 1). Ils se composent d’un ou plusieurs héliostats plans
qui renvoient le rayonnement dans une direction commune, celle de
θ angle entre l’axe focal et la rad l’axe du système de concentration. Celui-ci est fixe et assure la foca-
direction définie par un point du lisation en une zone appelée « foyer ». Le concentrateur est générale-
concentrateur et le foyer ment constitué d’un ensemble de facettes réflectrices disposées sur
un paraboloïde de révolution, ou une sphère.
ρ facteur de réflexion d’un corps
placé au foyer du concentrateur
1.2 Facteurs de concentration
σ constante de Stefan-Boltzmann 5,67 · 10−8 W·m−2 ·K−4
On peut définir le facteur de concentration géométrique et le
τ facteur de transmission facteur de concentration local.
Ω angle solide sr ■ Le facteur de concentration géométrique (ou concentration
moyenne) Cg d’un système collecteur d’énergie solaire est défini
[1] comme le rapport de la surface d’entrée S du système à une
surface image S ′, située dans le plan focal, et satisfaisant à la con-
1. Principe et technologies dition suivante : S ′ contient tous les rayons solaires collectés par
la surface S et réfléchis par le système.
De nombreux éléments de ce paragraphe sont empruntés à la Il vient :
référence [31]. Cg = S / S ′ (1)
Dans le cas d’un instrument d’optique, le diamètre apparent du
soleil n’étant pas nul, S ′ est au moins égale à la surface de l’image
1.1 Systèmes à concentration de Gauss et Cg ne peut donc pas devenir infini.
La concentration du rayonnement solaire peut être réalisée par ■ Le facteur de concentration local (ou ponctuel) CM est défini
réfraction (lentille), ou par réflexion (miroir). Les fours solaires comme le rapport de l’éclairement solaire, concentré en un point
appartiennent à cette dernière catégorie. M de foyer noté EM à l’éclairement solaire direct, ou constante
Un système à concentration permet d’augmenter la densité de solaire E0. E0 est l’éclairement énergétique reçu par une surface
flux arrivant sur un dispositif chargé d’absorber le rayonnement et normale aux rayons solaires en provenance exclusive du disque
dénommé « récepteur ». solaire.

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___________________________________________________________________________________________________________________ FOURS SOLAIRES

Hors atmosphère, la valeur de E0 est 1 351 W/m2 ; sur terre cette


valeur est inférieure, elle dépend de la position du soleil dans le Température °C
ciel, de l’altitude du lieu et des conditions atmosphériques. Par
temps clair, à midi solaire, E0 peut dépasser 1 000 W/m2 ; cette
valeur est souvent prise comme référence.
4 000
Finalement, le facteur de concentration local s’exprime par :
CM = EM/E0 (2)

1.3 Concentration maximale théorique 3 000

La concentration maximale théorique en un point est notée Cmax.


Nécessite
Exemple une construction
soignée Difficile
Supposons, en première approximation, que le soleil est un dis- Facile à obtenir
2 000
que de luminance uniforme Ls de diamètre apparent β0, avec 2 000 10 000 20 000 30 000
β0 = 4,654 mrad = 16′ . Le point M est situé sur l’axe d’un concen- Concentration
trateur de révolution dont l’ouverture maximale est θm (voir
figure 2). Figure 3 – Relation concentration/température maximale et techno-
La contribution à l’éclairement en M d’une couronne élémentaire logie du concentrateur (d’après [2])
de largeur dθ s’écrit :
Ce résultat peut être généralisé au cas de milieu objet et image

avec dω
dEM = Ls cosθ dω
angle solide sous lequel est vue la couronne du
(3) d’indice de réfraction n et n ′ respectivement [1] :

Cmax = (n ′ / nβ0 )
2
(8)

point M et dω = 2π sinθ dθ.
En intégrant sur θ entre 0 et θm, il vient : La valeur limite de 46 200 correspond à une température du
corps noir égale à celle du soleil, valeur irréaliste pour plusieurs
EM = πLs sin2 θm (4)
raisons : l’absorption atmosphérique, les pertes par réflexion, les
La relation (4) indique que le rayonnement uniforme est reçu de masques inévitables entre réflecteurs (héliostat et concentrateur)
toutes les directions contenues dans le cône d’angle au sommet et récepteur, les imperfections des surfaces réfléchissantes ; sans
θm. Le paraboloïde de révolution satisfait cette condition, c’est pour- évoquer le coût.
quoi la majorité des fours solaires existants utilisent un concentra-
Trombe [2] a proposé des limites de concentration idéales prati-
teur parabolique.
ques pour les systèmes à double réflexion :
Le même raisonnement que précédemment appliqué, sans – jusqu’à 10 000, facile à obtenir ;
concentrateur, au disque solaire permet d’écrire : – 10 000 - 20 000, technologie très soignée ;
– 20 000 - 30 000, difficile (figure 3).
E0 = πLs sin2 β0 ≈ πLsβ20
(5) Dans le cas d’un paraboloïde de révolution (système optique
non aplanétique) [3], on montre qu’il est théoriquement possible
Compte tenu de la relation (2), la concentration en M s’écrit :
d’obtenir, sur tous les points appartenant à l’image de Gauss, le
CM = sin2 θm / β20 (6) même éclairement qu’au foyer. En effet les rayons solaires
réfléchis en tout point P du paraboloïde forment, dans le plan
La valeur de θm étant limitée à π/2 (pour la valeur π/2, le rayon focal, des ellipses qui, toutes, contiennent l’image de Gauss. En
est tangent au plan foyer, en conséquence sa contribution énergé- conséquence un point M′ de cette image est éclairé par toute la
tique dans le plan s’annule), Cmax est définie par :
surface du miroir.
Cmax = 1 / β20 ≈ 46 200 (7)
La conclusion pratique de ces considérations est qu’un bon
système concentrateur d’énergie solaire n’est pas nécessairement
un bon système optique, et réciproquement.

1.4 Systèmes non imageants

θm Une formulation, différente des conclusions du paragraphe


Axe précédent, est que, pour bien concentrer le rayonnement
M solaire, l’important n’est pas de former une image parfaite du
θ soleil, mais d’en superposer un grand nombre afin de pro-
duire une concentration locale d’énergie.

La référence [4] recense différentes surfaces supports pour sys-


tèmes de concentration. Les deux systèmes les plus utilisés sont
les paraboloïdaux et les sphériques. Dans ce dernier cas, une sur-
face support de rayon 2f (f étant la focale du concentrateur) permet
Figure 2 – Schéma de principe pour le calcul de l’éclairement d’utiliser un seul type de facettes sphériques de même rayon 2f.
au point M du foyer Cette configuration a été particulièrement étudiée par [5].

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Centrales solaires thermodynamiques

par Alain FERRIÈRE


Ingénieur ESE (École Supérieure d’Électricité)
Chargé de recherche au CNRS
Laboratoire Procédés Matériaux Énergie Solaire (PROMES)

1. Technologies solaires à concentration .............................................. BE8903 – 3


1.1 Intérêt de la concentration .......................................................................... – 3
1.2 Systèmes concentrateurs............................................................................ – 3
1.2.1 Concentrateur parabolique ................................................................ – 3


1.2.2 Concentrateur à tour........................................................................... – 5
1.2.3 Concentrateur cylindro-parabolique ................................................. – 6
1.2.4 Conclusion........................................................................................... – 7
1.3 Composants pour la production de chaleur et la conversion
en électricité ................................................................................................. – 7
1.3.1 Récepteur solaire ................................................................................ – 7
1.3.2 Fluide de transfert............................................................................... – 9
1.4 Stockage et hybridation .............................................................................. – 11
2. État de l’art des centrales solaires thermodynamiques................ – 12
2.1 Centrales solaires de première génération et travaux exploratoires ...... – 12
2.2 Centrales solaires de deuxième génération : des prototypes
précommerciaux .......................................................................................... – 15
2.3 Tours solaires............................................................................................... – 17
3. Perspectives .............................................................................................. – 17
3.1 Stratégie de pénétration du marché .......................................................... – 17
3.2 Centrales du futur et efforts de recherche ................................................. – 17
4. Conclusion ................................................................................................. – 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 903

es centrales solaires thermodynamiques recouvrent l’ensemble des techniques


L qui visent à transformer l’énergie rayonnée par le soleil en chaleur à tempéra-
ture élevée, puis à convertir cette chaleur en énergie mécanique et électrique au
moyen d’un cycle thermodynamique moteur couplé à une génératrice électrique.
La première étape, la captation du rayonnement solaire, fait appel à des systèmes
optiques. Les systèmes sans concentration captent les composantes directe et
diffuse du rayonnement et produisent la chaleur à un niveau de température infé-
rieur à 250 ˚C, pour une utilisation en chauffage et climatisation de bâtiments ou
sous forme de chaleur industrielle pour alimenter des procédés thermiques. Il faut
inscrire dans cette catégorie les tours (ou cheminées) solaires qui sont des cen-
trales thermodynamiques sans concentration. À cette dernière exception près, les
centrales solaires thermodynamiques mettent en œuvre des systèmes concentra-
teurs, qui permettent de produire la chaleur à une température supérieure à 250 ˚C
avec d’excellents rendements thermiques, supérieurs à 70 %. Notons toutefois que
ces systèmes ne captent que la composante directe du rayonnement solaire. La
chaleur solaire transférée dans l’absorbeur au fluide caloporteur peut être stockée
de manière fugitive pour s’affranchir des passages nuageux, ou sur des périodes
de quelques heures pour décaler l’utilisation en dehors des plages ensoleillées de
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CENTRALES SOLAIRES THERMODYNAMIQUES ___________________________________________________________________________________________

la journée. L’hybridation avec une source de chaleur fossile ou biomasse permet


d’accroître la disponibilité des installations et de produire la chaleur de manière
garantie. Cette chaleur est convertie en électricité par des cycles thermodynami-
ques, bien maîtrisés par l’industrie de la production électrique. Selon les machines
utilisées et les cycles mis en œuvre, les rendements de conversion varient de 23 %
à plus de 50 % pour les cycles combinés. Au final, le rendement instantané de con-
version solaire-électricité est compris entre 20 % et 30 % selon la taille du groupe et
le cycle utilisé. En moyenne annuelle, le rendement net de production d’énergie
électrique se situe entre 10 % et 20 % selon la technologie mise en œuvre. Selon
les estimations du GEF (Global Environment Facility [16]), le coût d’investissement
est évalué entre 2 800 €/kWe (centrale de 20 – 80 MWe à collecteurs cylindro-para-
boliques et cycle de Rankine) et 4 000 €/kWe (centrale à tour de 40 à 200 MWe avec
cycle combiné), et il atteint 14 000 €/kWe pour une unité décentralisée de type para-
bole-Stirling de 10 à 25 kWe. Selon les mêmes sources, le coût de l’électricité
produite dans des conditions favorables – c’est-à-dire sous un ensoleillement supé-
rieur à 2 000 kWh/(m2.an) – se situe dans la fourchette 0,16 à 0,24 €/kWhe pour une
grosse centrale et de l’ordre de 0,30 €/kWhe pour une parabole-Stirling (on citera à
titre comparatif ≈ 0,04 €/kWe pour les centrales nucléaires).
L’impact environnemental constitue aujourd’hui un critère de choix important

T dans la sélection de technologies concurrentes. Avec un taux d’émission estimé


inférieur à 20 kg CO2/MWhe, l’électricité solaire thermodynamique se situe de ce
point de vue au même niveau que l’électricité d’origine hydraulique (4 kg CO2/
MWhe) ou nucléaire (6 kg CO2/MWhe), et sans commune mesure avec l’électricité
photovoltaïque (100 kg CO2/MWhe) ou encore l’électricité issue de la combustion
du charbon (900 kg CO2/MWhe). Les chiffres indiqués ici tiennent compte des
émissions liées à la construction des centrales et le cas échéant à l’extraction des
combustibles. Comparé aux technologies conventionnelles de production de
chaleur (hors nucléaire), chaque mètre carré de collecteur installé sous un enso-
leillement de 2 000 kWh/(m2.an) évite l’émission de 250 à 400 kg de CO2 par an.
Le temps de retour énergétique (durée d’exploitation d’une installation néces-
saire pour produire l’énergie nécessaire à sa fabrication) des installations solaires
à concentration n’est que de 5 mois [17]. Leur durée de vie est estimée à 25 –
30 ans, et une partie des composants en fin de vie est réutilisable (acier, verre).
Dans ce dossier, nous dressons l’état des lieux des technologies mises en
œuvre dans les centrales solaires. Nous détaillons leurs composants essentiels
en discutant leurs critères de sélection et de dimensionnement.

Notations et symboles Notations et symboles

Trec K température du récepteur solaire hcv W.m−2.K−1 coefficient d’échange par conduction
et convection
Tamb K température ambiante
Tfl K température du fluide caloporteur Putile W puissance utile, ou puissance
transférée au fluide caloporteur
σ W.m−2.K−4 constante de Stefan-Boltzmann
ηopt efficacité optique d’un concentrateur
Smir m2 surface du collecteur, ou surface
de miroirs ηrec rendement du récepteur (rapport de la
Sabs m2 surface de l’absorbeur puissance utile sur la puissance reçue)

Cg concentration géométrique (rapport ηex rendement de conversion


de la surface de miroirs sur la surface d’une installation
de l’absorbeur)
Isol W.m−2 ensoleillement instantané
ηCarnot rendement de Carnot d’une installation

αsol absorptivité solaire Indices


ε émissivité totale hémisphérique th grandeur thermique (exemple : Wth ou kWhth)
hxc W.m−2.K−1 coefficient de transfert thermique
entre fluide et paroi e grandeur électrique (exemple : We ou kWhe)

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____________________________________________________________________________________________ CENTRALES SOLAIRES THERMODYNAMIQUES

1. Technologies solaires 1

Rendement
à concentration 0,9

0,8

1.1 Intérêt de la concentration 0,7

0,6
Le flux solaire intercepté par le disque terrestre considéré
comme un corps noir est d’environ 1 350 W/m 2 en dehors de 0,5

Con
l’atmosphère (constante solaire). Le rayonnement solaire subit une
0,4
atténuation lors de la traversée de l’atmosphère, par absorption et

cen
diffusion. Le flux solaire incident à la surface de la Terre dans les 0,3

trat
régions désertiques est d’environ 1 000 W/m2.

i
on
0,2
La concentration du rayonnement solaire permet d’élever la

10 0
1 50

50
température de l’absorbeur de plusieurs centaines de degrés par 0,1

80 0
10 0

00

00
10

0
rapport à la température d’équilibre obtenue sans concentration. 0
En supposant que le récepteur solaire se comporte idéalement 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000
comme un corps noir et qu’il n’échange que par rayonnement avec
Température de récepteur (K)
l’extérieur, le rendement du récepteur solaire porté à la tempéra-
ture Trec est exprimée en fonction de la concentration géométrique Figure 1 – Rendement de conversion d’un système concentrateur
Cg du système et de l’ensoleillement instantané Isol par :
2 000

Température (K) T
σTrec
4
η rec = 1 − (1) 1 800
Cg Isol
1 600
avec σ (W.m−2.K−4) constante de Stefan-Boltzmann. 1 400
Le rendement de Carnot de la transformation de l’énergie dispo- 1 200
nible à la température Trec est donné par : 1 000
T 800
ηCarnot = 1 − amb (2)
Trec 600
400
Le rendement de conversion idéal d’un système solaire à concen-
tration est donc le produit des deux rendements précédents, soit : 1 10 100 1 000 10 000 100 000
Concentration
⎛ σTrec
4 ⎞
⎛ Tamb ⎞
η ex = ⎜1 − ⎟ ⎜1 − (3) Figure 2 – Rendement de conversion maximal d’un système solaire
⎝ Cg Isol ⎠ ⎝ Trec ⎟⎠ à concentration

Les courbes de la figure 1 présentent les variations de ce rende- Les dispositifs concentrateurs associés sont schématisés sur la
ment avec la température pour plusieurs niveaux de concentration. figure 3. Ces dispositifs se distinguent par leurs dimensions élé-
On observe que le rendement s’annule aux températures supérieu- mentaires, donc leur puissance, leurs performances optiques et
res à la température d’équilibre du corps noir, et qu’il présente un thermiques et leur coût. Ces caractéristiques principales sont indi-
maximum prononcé à une température inférieure. On observe quées dans le tableau 1.
aussi que pour une température récepteur donnée, le rendement
augmente avec la concentration. 1.2.1 Concentrateur parabolique
La température correspondant au rendement maximal est expri-
Le concentrateur parabolique met en œuvre la surface
mée sur la figure 2 en fonction de la concentration Cg. Cette
réfléchissante idéale pour concentrer au mieux les rayons lumineux,
courbe permet par exemple de situer le niveau optimal de concen-
à savoir la parabole de révolution. La contrainte est d’orienter en per-
tration pour produire la chaleur solaire à une température voulue.
manence l’axe de la parabole dans la direction du soleil. Les rayons
On constate qu’une concentration de l’ordre de 100 est optimale solaires réfléchis par la parabole convergent alors vers une zone de
pour une température de récepteur de 700 K, tandis qu’une concen- concentration maximale, le foyer. La nécessité de mobiliser la para-
tration voisine de 1 000 permet de produire la chaleur à 1 100 K avec bole selon deux axes de rotation pour assurer la poursuite de la
la meilleure performance. course diurne du soleil entraîne une limitation de la dimension uni-
taire de ce type d’installation. Le plus grand prototype réalisé à ce
jour atteint 400 m2. La plupart des paraboles mobiles se situe dans la
1.2 Systèmes concentrateurs fourchette 50 à 100 m2. Outre le système de déplacement, qui doit
Parmi les très nombreux dispositifs optiques permettant de être à la fois précis et robuste, une difficulté majeure au plan techno-
dévier les rayons du soleil pour les concentrer, nous ne considé- logique est de fabriquer un miroir parabolique. Des miroirs paraboli-
rons ici que ceux qui se prêtent à une mise en œuvre industrielle ques unitaires en verre poli et argenté sont utilisés pour des
pour des puissances moyennes ou fortes et qui conduisent à la diamètres inférieurs à 2 m. Pour de plus grands diamètres, d’autres
production de chaleur à une température supérieure à 250 ˚C. Ces solutions sont adoptées, moins coûteuses et surtout plus légères. Un
dispositifs optiques mettent en œuvre des surfaces réfléchissantes film métallique tendu sur un tambour dans lequel est maintenu un
constituées de miroirs. La nature géométrique des surfaces mises vide partiel prend une forme concave proche de la parabole. Cette
en œuvres et la complexité des structures supportant les miroirs solution a été testée, mais abandonnée en raison de sa trop grande
définissent les systèmes concentrateurs. fragilité et de sa médiocre longévité. On lui préfère aujourd’hui la
solution de la coque en matière plastique ou en matériau composite
On distingue trois familles de centrales solaires à concentration : de type fibres de verre et résine polymère, sur laquelle sont collés
– les centrales à collecteurs cylindro-paraboliques ; des miroirs élémentaires déformables en verre mince, d’épaisseur
– les centrales à tour à récepteur central ; inférieure au millimètre. La coque peut fort bien être constituée de
– les systèmes parabole-moteurs. plusieurs segments identiques assemblés à la façon d’une corolle.

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CENTRALES SOLAIRES THERMODYNAMIQUES ___________________________________________________________________________________________

Récepteur

Récepteur
Concentrateur Héliostats

Récepteur

Concentrateur

a concentrateur cylindro-parabolique b concentrateur à tour c concentrateur parabolique

Figure 3 – Schéma de principe des principales filières solaires à concentration

Tableau 1 – Caractéristiques actuelles des dispositifs à concentration

T Technologie Cylindro-parabolique Tour Parabole

Rendement thermique nominal (1) 70 % 73 % 75 %

Puissance des installations 80 à 300 MWth 10 à 100 MWth 1 à 100 kWth

Température de travail 270 à 450 ˚C 450 à 1 000 ˚C 600 à 1 200 ˚C

Prix du champ solaire (2) 210 à 250 €/m2 (3) 140 à 220 €/m2 ≈ 150 €/m2

Coût total d’investissement 2,8 à 3,5 €/We 3 à 4 €/We 10 à 14 €/We

(1) Ce rendement est la fraction de l’énergie solaire incidente disponible en sortie de récepteur sous forme d’énergie thermique, au régime nominal
de fonctionnement.
(2) Source : Solar Thermal Power Plants, EUREC-Agency, 2000.
(3) Ce prix comprend le coût du récepteur tubulaire.

Le facteur de concentration moyen obtenu au foyer d’une para- américain SES (Stirling Energy Systems)), ce qui est excellent. Le
bole dépasse le millier, ce qui permet de produire de la chaleur à coût spécifique d’investissement encore élevé (14 €/W pour le
très haute température, typiquement 700 ˚C et plus (voir figure 2). module Eurodish) sera réduit au moins de moitié lorsqu’un mar-
La conversion en électricité est réalisée par un cycle thermodyna- ché existera pour ce type d’installation et qu’une fabrication de
mique à très haut rendement du fait de la température élevée de la série pourra être lancée. Ces machines subissent de nombreux
source chaude. Dans la gamme de puissance concernée, c’est le cycles de démarrage/arrêt et les composants du récepteur sont
cycle Stirling, qui recueille les faveurs des concepteurs des systè- soumis à des chocs thermiques violents. Le coût d’exploitation et
mes parabole-moteur. Le gaz de travail du cycle est aussi le fluide de maintenance est élevé. Les systèmes parabole-moteur sont des-
de transfert qui collecte les calories dans le récepteur solaire. On tinés en premier lieu à la production décentralisée d’électricité. La
utilise couramment de l’hélium ou de l’hydrogène. Ce dernier est recherche de solutions hybrides dans lesquelles une source de
plus performant au plan thermique mais plus délicat à mettre en chaleur non intermittente (fossile ou biomasse, par exemple)
œuvre en raison de sa propension à fuir et du niveau de risque lié prend le relais de la source solaire lorsque l’ensoleillement dispa-
à son utilisation. Le moteur est placé au foyer de la parabole, de raît est un enjeu capital pour conquérir des parts de marché. La
même que la génératrice électrique. Un circuit d’eau refroidit le cogénération décentralisée électricité/chaleur ou froid, tout à fait
cycle et évacue vers l’air ambiant les calories à basse température envisageable avec ce type de machine, ouvre également des pers-
au moyen d’un radiateur-convecteur. Le module parabole-moteur pectives de pénétration de marché ciblé. Toutefois, la production
ainsi constitué est un convertisseur énergie solaire-électricité qui centralisée d’électricité n’est pas totalement exclue du champ
d’application. La modularité de ces systèmes permet d’envisager
opère au fil du soleil. Le seuil minimal d’ensoleillement exploitable
une montée en puissance progressive de la capacité installée sur
est d’environ 300 W/m2 pour le module Eurodish de 10 kW du
un même site, en étalant les investissements sur une longue durée
constructeur allemand SBP-SOLO.
ce qui facilite le financement.
La société Schlaich Bergermann und Partner (SBP) est associée au
Ce point de vue semble partagé par le constructeur américain SES,
constructeur de moteurs Stirling SOLO pour produire le module
qui a annoncé en 2006 des projets très audacieux d’installation de
Eurodish.
milliers de modules de 25 kW pour réaliser en Californie des centrales
On tient là une solution séduisante et très efficace : le rende- solaires de 300 MW et plus.
ment instantané de conversion énergie solaire-électricité est supé- Concernant le cycle de Stirling, le lecteur se reportera au dossier [BE 8 051] Convertis-
rieur à 22 % (29 % pour le module de 25 kW du constructeur seurs thermomécaniques, cycles moteurs à gaz : Stirling et Joule.

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____________________________________________________________________________________________ CENTRALES SOLAIRES THERMODYNAMIQUES

1.2.2 Concentrateur à tour


Pour échapper aux limitations de taille, donc de puissance, ren-
contrées avec la parabole sans trop céder aux performances en
terme de concentration, on développe la surface collectrice 1 000
réfléchissante en disposant au sol des miroirs élémentaires mobi-
les appelés héliostats. Ces héliostats sont animés d’un mouve- (m)
ment selon deux axes. Ils poursuivent la course du soleil et
dirigent le rayonnement solaire vers un point unique qui est le 800
foyer de l’installation, placé au sommet d’une tour. On parle alors
de tour à récepteur central CRS. Les héliostats ont une surface
située entre 50 m2 et 120 m2. Ils sont légèrement focalisant ; leur 600
focale est voisine de leur distance au récepteur solaire.
Aux latitudes moyennes la tour est placée en bordure du champ
d’héliostats (au Nord ou au Sud selon l’hémisphère terrestre). Aux
faibles latitudes (< 35˚), elle occupe une position plus centrale. Les 400
schémas de la figure 4 illustrent ces deux configurations. L’ombre
portée de la tour sur le champ de miroirs affecte directement
l’efficacité du concentrateur. Les réalisations pratiques sont des
constructions en béton ou en poutres métalliques. 200

L’optimisation de la distribution des héliostats et de la hauteur


de tour résulte de calculs optiques qui prennent en compte


l’ensemble des causes de pertes. Les pertes optiques sont dues 0
aux effets d’ombre et de blocage, à l’effet cosinus et, bien entendu, – 600 – 400 – 200 0 200 400 600
à la réflectivité des miroirs. Il faut y ajouter la perte liée à la dispo- (m)
nibilité des héliostats, à l’absorption atmosphérique, et enfin au
débordement de la tache focale à l’entrée du récepteur. L’efficacité a configuration latérale (Nord)
optique d’un champ d’héliostats dépend de la position au soleil. En
pratique, les valeurs extrêmes varient de 40 % aux grands angles à
800
plus de 80 % aux équinoxes à midi. On peut situer une valeur
moyenne représentative des installations actuelles autour de 70 %. (m)
Les pertes thermiques du récepteur sont issues de la réflexion du 600
rayonnement solaire, du rayonnement émis par la surface chaude
de l’absorbeur à Trec et des pertes par conduction et convection vers
l’air libre. On exprime sous forme simple le bilan de puissance par : 400

(
αsol Smir ηopt Isol = Putile + Sabs εσ Trec
4 −T 4
)
amb + hcv Sabs (Trec − Tamb )
(4)
200
avec αsol absorptivité solaire,
Smir (m2) surface de miroirs,
0
ηopt efficacité optique d’un concentrateur,
Sabs (m2) surface de l’absorbeur,
ε émissivité totale hémisphérique, – 200
hcv (W.m−2.K−1) coefficient d’échange par conduction et
convection. – 400
La puissance transférée au fluide caloporteur, ou puissance utile
Putile, est proportionnelle à la surface de l’absorbeur Sabs, au coef-
ficient d’échange avec le fluide hxc, et à l’écart de température – 600
entre le récepteur à Trec et le fluide à Tfl :
Putile = hxcSabs(Trec − Tfl) (5) – 800
Exemple d’application : – 800 – 600 – 400 – 200 0 200 400 600 800
αsol = 0,92 ηopt = 0,75 (m)
ε = 0,40 Isol = 950 W.m−2 b configuration circulaire
hxc = 800 W.m−2.K−1 Tamb = 20 ˚C
Smir = 75 000 m2 Tfl = 500 ˚C La tour est placée à l’origine des repères (position 0, 0)
On néglige les pertes par conduction et convection. Les courbes de
la figure 5 illustrent dans ce cas l’influence de la surface de l’absor-
beur sur les performances du récepteur. Dans la gamme de concen-
tration inférieure à 500, correspondant ici à une surface d’absorbeur Figure 4 – Exemples de configurations de champ d’héliostat
supérieure à 150 m2, le rendement du récepteur varie très peu autour pour les concentrateurs à tour
de son maximum. Pour des concentrations supérieures, le rendement
chute rapidement. La température du récepteur augmente avec la La technologie de l’absorbeur, la nature et l’écoulement du
concentration. Dans la pratique, on choisit la surface d’absorbeur qui fluide caloporteur utilisé conditionnent le coefficient d’échange à la
permet de ne pas dépasser la température critique admissible pour le paroi hxc. Un coefficient plus élevé permet de réduire la surface de
récepteur, et qui demeure assez bon marché. Cette limite de tempéra- l’absorbeur.
ture dépend en premier lieu de la nature des matériaux utilisés.
Les bonnes performances des centrales à tour dans une gamme
Dans les conditions illustrées ici et dans le cas d’un récepteur de puissance élevée les destinent à la production centralisée
métallique limité à 750 ˚C, on dimensionne l’absorbeur à 250 m2. d’électricité.

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QSR
Énergies renouvelables
(Réf. Internet 42594)

1– Biomasse

2– Hydroélectricité

3– Éolien et énergies marines

4– Énergie solaire

5– Géothermie Réf. Internet page

Géothermie BE8590 135

Géothermie de surface. Présentation et pompes à chaleur BE8591 141

Géothermie de surface. Puits canadiens, capteurs enterrés et géostructures BE8592 143

Géothermie de surface. Aquifères supericiels et stockage thermique souterrain BE8593 147

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
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Géothermie

par Philippe LAPLAIGE


Docteur en énergétique
Ingénieur expert en charge des programmes de géothermie
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME),
département Énergies renouvelables
et Jean LEMALE
Ingénieur de l’École nationale supérieure des arts et métiers (ENSAM)
Ancien expert à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

1. La Terre, source de chaleur ................................................................ BE 8 590v2 - 2


1.1 Structure du globe .................................................................................... — 2
1.2 Modèle géodynamique et tectonique des plaques ................................ — 3
1.3 Origine de la chaleur................................................................................. — 4
1.4 Gradient géothermal et flux de chaleur terrestre ................................... — 4
2.
2.1
Gisements et ressources géothermales ..........................................
Gisement géothermal ...............................................................................


5
5

2.2 Types de gisements géothermaux — 5
3. Mise en œuvre des ressources géothermales ............................... — 7
3.1 Exploration ................................................................................................ — 7
3.2 Principaux paramètres caractérisant la ressource géothermale........... — 8
3.3 Exploitation de la ressource : cas des ressources géothermales
de basse énergie ....................................................................................... — 8
4. Utilisations des ressources géothermales ..................................... — 12
4.1 Production d’électricité ............................................................................. — 12
4.2 Usages thermiques ................................................................................... — 14
4.3 Utilisation de pompes à chaleur pour le chauffage
et/ou la climatisation de locaux ............................................................... — 15
4.4 Chauffage urbain géothermique : cas des installations
géothermiques du Bassin parisien .......................................................... — 15
4.5 Adjonction de pompes à chaleur ............................................................. — 17
5. Aspects économiques .......................................................................... — 17
5.1 Production d’électricité ............................................................................. — 17
5.2 Production de chaleur : cas des réseaux de chaleur urbains
géothermiques .......................................................................................... — 18
6. Aspects environnementaux ................................................................ — 21
6.1 Conditions de mise en œuvre .................................................................. — 21
6.2 Impact de la géothermie en tant qu’énergie de substitution
aux énergies fossiles ................................................................................ — 21
7. Géothermie en France .......................................................................... — 21
7.1 Ressources géothermales françaises ...................................................... — 21
7.2 Organisation .............................................................................................. — 23
8. Conclusion............................................................................................... — 24
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BE 8 590v2

a géothermie a pour origine la chaleur de la Terre. Cette chaleur provient


L pour l’essentiel de la désintégration des éléments radioactifs constitutifs de
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPPX

la croûte terrestre et la dissipation de l’énergie primitive. Ses manifestations


les plus visibles sont bien connues (volcans, geysers, sources chaudes...).

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GÉOTHERMIE ______________________________________________________________________________________________________________________

Moins connue que la majorité des autres énergies renouvelables (solaire,


éolien...), la géothermie présente néanmoins certaines caractéristiques qui lui
confèrent des avantages spécifiques appréciables : indépendance vis-à-vis des
éléments extérieurs, présence en tous lieux, respect de l’environnement, per-
formances énergétique et économique. Utilisée bien avant les énergies
traditionnelles, son potentiel, selon les techniques développées au fil du
temps, est quasiment illimité.
Sous le terme géothermie se cache en effet une diversité de techniques et
d’applications. Pour les techniques, l’éventail va de la chaleur puisée à grandes
profondeurs jusqu’à l’utilisation des propriétés du sous-sol à faible profondeur
en passant par l’exploitation de la chaleur de zones volcaniques. En ce qui
concerne les applications, on distingue deux grandes applications : la pro-
duction d’électricité et la fourniture de chaleur. La production d’électricité
nécessite une ressource à une température supérieure à 90 oC que l’on trouve
notamment dans les zones volcaniques en bordure de plaques lithosphériques.
Pour la fourniture de chaleur, les applications vont du chauffage d’une maison
individuelle à la création d’un réseau de chaleur susceptible d’alimenter des
ensembles urbains de quelques milliers de logements, mais elles concernent
également le chauffage des cultures sous serres ou des bassins de pisciculture.
La géothermie a atteint une maturité technique qui permet sa mise en œuvre
pour produire de l’électricité à des coûts comparables à ceux d’autres énergies
renouvelables (hydraulique et éolien) et de la chaleur à des coûts compétitifs
par rapport à ceux des énergies fossiles (gaz, fioul).

U De nouvelles formes de géothermie et notamment celles qui permettent de


s’affranchir de la présence d’aquifères – comme la géothermie des « roches
chaudes profondes et fracturées » – ouvrent des perspectives vers la géné-
ralisation de la géothermie en tout lieu.
Comme la plupart des filières d’énergie renouvelable, la géothermie est une
filière de type capitalistique, c’est-à-dire qui induit des coûts d’investissement
élevés. Son développement suppose :
– une certaine stabilité des prix des énergies fossiles concurrentes. La
perspective actuelle d’un maintien du prix des énergies fossiles à un niveau
élevé constitue certes un atout mais la référence aux difficultés rencontrées
lors du contre-choc pétrolier de 1985 est aussi pour certains un frein ;
– des mesures d’accompagnement financier et de garantie des investis-
sements pour lesquelles les pouvoirs publics ont élaboré les outils d’incitation
nécessaires ;
– la mise en place de structures spécifiques à la filière : maîtrise d’ouvrage,
financement, maîtrise d’œuvre, gestion technique, recherche...
Cet article traite de l’ensemble des aspects relatifs à cette filière pleine
d’avenir.

sances acquises reposent surtout sur l’étude des phénomènes de


1. La Terre, source de chaleur propagation (réfraction et réflexion) des ondes sismiques natu-
relles issues des tremblements de terre, ou provoquées lors des
L’histoire de la géothermie est étroitement liée à celle de la explorations géophysiques.
création du globe terrestre, puis de ses changements progressifs.
On distingue généralement trois « enveloppes » principales
Notre planète a ainsi connu d’extraordinaires métamorphoses,
constitutives de la structure du globe terrestre (figure 1) : au cen-
surtout dans la première partie de sa formation. C’est à cette
tre, le noyau qui forme 17 % du volume terrestre et qui se divise
période que la Terre s’est structurée progressivement en dif-
en un noyau interne solide et en un noyau externe liquide ;
férentes couches sphériques concentriques.
entouré d’un manteau qui constitue 81 % du volume terrestre ;
enfin à la surface, la croûte ou écorce, solide, et qui compte pour
2 % du volume.
1.1 Structure du globe
Le noyau a un rayon de l’ordre de 3 470 km et sa température
Les observations directes de la structure interne du globe ter- dépasse 4 000 oC. Autour du noyau, sur une épaisseur de 2 900 km,
restre ne concernent que les premiers kilomètres. Les connais- le manteau a une température qui varie de 1 000 à 3 000 oC.

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_______________________________________________________________________________________________________________________ GÉOTHERMIE

De l’Antiquité à nos jours : histoire de la géothermie Croûte Croûte


océanique continentale
Toutes les manifestations évidentes de l’énergie thermique de
0
notre planète (volcans, fumerolles, sources chaudes, etc.) Lithosphère

Manteau
étaient connues de nos lointains ancêtres et les premières

km
100
formes d’utilisation de la géothermie se perdent dans la nuit des
Asthénosphère
temps : sources chaudes pour leurs vertus curatives, cuisson et 200
séchage des aliments grâce aux fumerolles, extraction minière
de sources thermales pour récupérer l’acide borique et extrac-
tion du soufre et du sel.
Cependant, toutes ces applications restèrent à une échelle
extrêmement modeste et il faut attendre le début du XXe siècle
pour que la géothermie passe du stade artisanal au stade
industriel.
La géothermie a deux grands domaines d’application : la pro-
duction d’électricité et les usages thermiques. Noyau interne
(alliage fer nickel)
Les premiers développements de la géothermie comme
source de production d’électricité ont été réalisés en Italie, à Lar-
Noyau externe
derello en Toscane, au début du XXe siècle. Tout commence en
1904 lorsque des essais furent entrepris avec succès pour éclai-
rer cinq lampes de quelques dizaines de watts à l’aide d’une Écorce
dynamo actionnée par un moteur alternatif alimenté par de la
vapeur géothermale. L’année suivante, une première centrale
expérimentale de 20 kW était construite sur le site pour fournir
en électricité les habitations du village de Larderello à l’aide d’un Manteau
(silicates riches en fer
petit réseau de distribution. En 1913, entrait en service la pre- et magnésium)
mière vraie centrale géothermique avec un premier groupe à


turbine d’une puissance électrique de 250 kW. En 1944, la puis-
sance électrique installée sur le site d’exploitation atteignait Figure 1 – Schéma de la structure interne du globe terrestre
127 MW.
Ce n’est qu’à partir de 1960 que la production d’électricité
d’origine géothérmale commencera à prendre son essor au plan L’écorce (ou croûte) est l’enveloppe la plus superficielle. Son
mondial. Elle devient alors une véritable industrie dont le déve- épaisseur et sa densité varient selon qu’il s’agit de zones
loppement s’accélère surtout après le premier choc pétrolier de continentales ou océaniques :
1973. Aujourd’hui, on dénombre plusieurs centaines d’installa- – zone continentale : densité moyenne 2,7 et épaisseur de 30
tions dans le monde : les puissances électriques unitaires instal- à 70 km ;
lées varient de quelques mégawatts à plusieurs dizaines de
mégawatts. Ces unités se répartissent dans une vingtaine de – zone océanique : densité moyenne 3,3 et épaisseur de 5 à 20 km.
pays (États-Unis, Japon, Italie, Islande, Nouvelle-Zélande, Indo- L’écorce est la seule partie qui a pu être explorée directement
nésie, Philippines, Mexique...), dont un tiers de pays en émer- par forage ; toutefois, les plus profonds n’excèdent pas 12 km.
gence pour lesquels la contribution de la géothermie peut
atteindre 30 % de la production nationale d’électricité. En 2005,
la puissance électrique mondiale installée était de l’ordre de
8 900 MW et la production annuelle d’électricité par géothermie, 1.2 Modèle géodynamique
d’environ 57 TWh – soit 0,4 % de la production mondiale. La et tectonique des plaques
géothermie se situait au quatrième rang des sources de produc-
tion d’électricité par énergie renouvelable après l’hydraulique L’écorce et la partie supérieure du manteau constituent la lithos-
(2 630 TWh), la biomasse (220 TWh) et l’éolien (~ 62 TWh). phère (figure 1). Cet ensemble rigide repose sur une couche plus
La géothermie, source de production de chaleur, a d’abord fluide située entre les parties supérieures et inférieures du man-
été utilisée pour le chauffage d’habitations. Après le très ancien teau appelée asthénosphère, et dotée de mouvements de
et rudimentaire réseau de chaleur de Chaudes-Aigues (Auver- convection lents et réguliers. La lithosphère solide est fragmentée
gne), construit au XIVe siècle, et alimenté par une source d’eau en plusieurs plaques mobilisées par les mouvements au sein de
chaude à 82 oC, des expériences ponctuelles eurent lieu aux l’asthénosphère. Des dégagements importants de chaleur se pro-
États-Unis à Boise (Idaho) et Klamath Falls (Oregon) dès la fin
du XIXe siècle.
duisent aux frontières de ces plaques. Ils se manifestent par une
activité volcanique importante et des intrusions magmatiques. Cer-
Le premier vrai réseau de chauffage urbain alimenté grâce à taines plaques s’éloignent les unes des autres dans des zones
la géothermie a été celui de Reykjavik (Islande) ; il date de 1930
dites d’accrétion. Lorsqu’une plaque s’enfonce sous une autre, on
et permettait de chauffer une centaine d’habitations, deux pisci-
nes, un hôpital et une école. Il chauffe aujourd’hui la quasi-tota- parle de zone de subduction.
lité de la capitale islandaise. Des réseaux de chaleur urbains L’une des régions les plus caractéristiques de ces phénomènes
importants utilisant l’énergie géothermale se développeront de tectonique de plaques est la zone qui circonscrit l’océan
plus tard en France, Italie, Roumanie, Russie, Turquie, Géorgie, Pacifique, et appelée « Ceinture de feu » (figure 2). Cette zone se
Chine, États-Unis, etc. caractérise par une activité volcanique importante présente en Nou-
Avec environ 27 800 MW installés et 72,6 TWh produits velle-Zélande, en Indonésie, aux Philippines, au Japon, au Kamtcha-
annuellement, la géothermie des usages thermiques est tka, dans l’arc des îles Aléoutiennes, en Alaska, en Californie, au
exploitée dans plus d’une soixantaine de pays (Japon, Chine, Mexique, en Amérique centrale et enfin dans la cordillère des
Russie, États-Unis, France, Islande...). Elle constitue, grâce à la Andes. D’autres zones existent, comme l’arc des Petites Antilles ou
variété de ses usages (chauffage d’habitations, production de la dorsale Nord Atlantique avec l’Islande et les Açores ou l’arc médi-
froid, chauffage de serres, de bassins de pisciculture, balnéo- terranéen avec les pays du Maghreb, l’Italie, l’ex-Y ougoslavie, la
logie...), la deuxième source de chaleur renouvelable exploitée Grèce, la Turquie et son prolongement vers l’Asie, visible notam-
au niveau mondial après la biomasse. ment en Arménie et au Nord de l’Inde, ou encore le grand rift afri-
cain avec Djibouti, le Kenya, la Tanzanie, etc.

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GÉOTHERMIE ______________________________________________________________________________________________________________________

Plaque Plaque
nord-américaine
nord-amé
nord-américaine Eurasie

Plaque
Farallon Plaque
Caraïbes
Plaque Plaque
Plaque arabe
Cocos philippine
Plaque
Plaque Pacifique
Plaque africaine
Pacifique
Plaque
Nazca Plaque
sud-américaine

Plaque
indo-australienne

Plaque
Plaque Scotia
Antarctique Plaque


Antarctique
volcan

sens du mouvement des plaques

Figure 2 – Carte des frontières actives de plaques lithosphériques

1.3 Origine de la c
haleur 1.3.2 Dissipation de l’énergie primitive
La formation de la Terre résulte d’une phase, dite d’accrétion,
Contrairement à une idée largement répandue, l’essentiel de la
correspondant à l’agrégation de gaz, de poussières et de divers
chaleur dégagée par la Terre ne provient pas du refroidissement
corps célestes. C’est durant cette phase qu’une énergie considé-
du noyau. Les zones intermédiaires entre le noyau et la croûte sont
rable s’est accumulée dans la masse constituant la planète.
en effet de très mauvaises conductrices de chaleur.
La chaleur créée à l’intérieur du globe se dissipe vers la surface
Deux phénomènes principaux expliquent l’origine de la chaleur par conduction à travers les masses solides et par convection au
rencontrée dans la croûte terrestre : travers des milieux chauds et visqueux (magma). La zone supé-
– la désintégration des éléments radioactifs contenus dans les rieure de la lithosphère joue le rôle de barrière isolante d’où
roches constituant la croûte ; s’échappent cependant par certains points de fuite de la lave, et
– la dissipation de l’énergie dite « primitive ». très localement un flux élevé de chaleur.

1.3.1 Désintégration des éléments radioactifs 1.4 Gradient géothermal et flux


La désintégration des éléments radioactifs contenus dans la de chaleur terrestre
croûte représenterait à elle seule plus de 90 % de l’énergie dissipée.
Cette théorie s’appuie sur le pourcentage présumé d’éléments Le gradient géothermal G (K · m–1) mesure l’augmentation de la
radioactifs contenus dans les structures terrestres. L’uranium, le température en fonction de la profondeur (figure 3). La densité de
thorium et le potassium sont, parmi les éléments radioactifs encore flux de chaleur terrestre est la quantité de chaleur transmise par
présents aujourd’hui, ceux présentant une production de chaleur conduction puis dissipée par unité de surface et de temps (W · m–2).
significative. En revanche, certains éléments à courte période ont La chaleur produite et accumulée dans les profondeurs de la
pu exister au moment de la formation de notre planète et ainsi Terre se transmet donc vers la surface mais sous une forme et
contribuer à l’importante émission de chaleur primitive, mais ils ont avec des intensités très différentes qui dépendent notamment de
disparu depuis longtemps. la localisation du point considéré.
Étant donné leur désintégration, le nombre d’éléments radioactifs Dans les régions géologiquement calmes, c’est-à-dire en général
est en constante décroissance depuis le début de la formation du en dehors des frontières de plaques, l’énergie est essentiellement
globe (4,5 milliards d’années) produisant ainsi un dégagement de transmise par conduction, avec un gradient géothermal de valeur
chaleur en régulière diminution. On estime que le flux total de moyenne (3 K/100 m) et assez régulièrement réparti.
chaleur a été divisé par deux depuis l’origine, passant de 42 TW
Nota : bien que dans certaines régions, comme en France métropolitaine par exemple,
à 20 TW. Ce phénomène naturel très lent signifie que globalement, on puisse observer des variations relativement importantes (2 K/100 m au pied des
notre planète se refroidit progressivement. Pyrénées, 10 K/100 m au nord de l’Alsace).

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_______________________________________________________________________________________________________________________ GÉOTHERMIE

Température (K) 1 km Capacité thermique massique : 1 000 J · kg–1 · K–1


273 373 473 Densité : 2,5
0
Énergie libérée par degré
de refroidissement
10 km pour 1 °C : 0,6 Mtep
pour 20 °C : 12 Mtep
1 000
pour 40 °C : 24 Mtep

1 600 Superficie de la France : 550 000 km2


2 000
1 km
Profondeur (m)

G = 10 K/100 m

G = 3 K/100 m Figure 4 – Illustration du potentiel géothermique théoriquement


3 000 exploitable
G = 2 K/100 m

Si l'on considère que la température moyenne en surface est de 15 °C être capté au moyen de forages. On véhicule ainsi la chaleur
(288 K), la température à 1 600 m de profondeur sera respectivement emmagasinée des profondeurs vers la surface pour ensuite
de 63 °C (336 K) (15 °C +16 × 3 °C) si le gradient géothermal moyen l’exploiter. C’est la raison pour laquelle on parle de ressources
est de 3 K/100 m et de 175 °C (448 K) si le gradient est de 10 K/100 m géothermales ou de gisement géothermal.

Figure 3 – Profils de température en fonction de la profondeur


selon plusieurs valeurs du gradient géothermal
2.1 Gisement géothermal
Un gisement géothermal est constitué de trois éléments
principaux :


À ce gradient correspond, pour l’ensemble de la planète (océans – une source de chaleur ;
compris), une densité de flux de chaleur terrestre moyenne de – une roche réservoir ;
0,060 W · m–2. En France, la densité de flux de chaleur terrestre – un fluide.
varie de 0,040 W · m–2 à 0,140 W · m–2 avec une moyenne proche
de 0,100 W · m–2, valeur supérieure à la moyenne européenne qui La source de chaleur peut être soit simplement le flux thermique
est de 0,062 W · m–2. terrestre local, soit une intrusion magmatique à très haute
température (> 600 oC), relativement proche de la surface (quelques
Dans les régions géologiquement actives, telles que les frontières kilomètres seulement).
de plaques, les roches en fusion se rapprochent ou atteignent la
surface. Le transfert d’énergie s’effectue alors par convection et les Le réservoir est une formation rocheuse perméable, appelée
quantités de chaleur mises en jeu sont très importantes, ce qui se aussi aquifère, et dans laquelle doit circuler un fluide. La per-
traduit localement par des valeurs de gradient géothermal et de méabilité est soit :
densité de flux de chaleur terrestre bien plus élevées que celles – une perméabilité de pores (le fluide géothermal imprègne les
rencontrées dans des zones géologiquement stables. Ainsi, dans les pores de la roche dans lesquels il circule : cas du calcaire, du
zones volcaniques, le gradient maximal observé est de l’ordre de grès...) ;
50 K par 100 m et la densité de flux de chaleur terrestre peut – une perméabilité de fractures ou de fissures (le fluide géo-
atteindre des valeurs de 0,5 à 1 W · m–2. thermal circule dans la roche fracturée ou fissurée : cas du granite
Malgré ces valeurs parfois atteintes, on peut noter toutefois, à par exemple).
titre de comparaison, que la densité moyenne du flux de chaleur Le fluide se présente, selon la température et la pression dans le
terrestre est 7 000 fois moins importante que celle du flux de réservoir, soit sous forme de vapeur, soit sous forme de liquide ou
chaleur due au rayonnement solaire. soit sous la forme d’un mélange des deux. Les fluides géothermaux
Le potentiel géothermique théoriquement exploitable (figure 4) sont le plus souvent des eaux « météoriques » (eau de pluie, géné-
reste néanmoins considérable. À titre d’image, une colonne de ralement) qui ont pénétré et circulé dans la croûte terrestre parfois
1 km2 de section et d’une profondeur de 10 km libère 7 TWh de cha- pendant des milliers d’années et se sont réchauffées au contact des
leur (soit l’équivalent de 0,6 Mtep – million de tonnes équivalent roches. Ils contiennent des éléments chimiques dissous (sels
pétrole) par degré de refroidissement. Le refroidissement de 20 oC minéraux, gaz) acquis au cours de la circulation du fluide au contact
de cette masse rocheuse libérerait donc 12 Mtep, soit l’équivalent de la roche réservoir.
de la production annuelle de chaleur par énergie renouvelable en
France en 2007.
2.2 Types de gisements géothermaux
Nota : la tep (tonne d’équivalent pétrole) est l’unité d’énergie utilisée dans cet article.
Rappelons que 1 tep = 4,186 · 1010 J. Les gisements géothermaux peuvent être classés selon leur typo-
logie géologique, leur niveau de température, l’utilisation du fluide
géothermal en surface. Cependant, température et utilisation sont
très liées car le niveau de température du fluide extractible d’un
2. Gisements et ressources gisement géothermal conditionne le type d’utilisation possible.

géothermales 2.2.1 Gisements en zones géologiquement


stables ou calmes
La chaleur terrestre n’est en principe exploitable que lorsque les
formations géologiques qui constituent le sous-sol renferment des ■Dans les grands bassins sédimentaires, la succession des terrains
aquifères dans lesquels circule un fluide géothermal. Le fluide montre la présence fréquente de couches poreuses et perméables
présent – et qui s’est réchauffé au contact des roches – peut alors (calcaires, grès, conglomérats, sables...) contenant des aquifères.

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GÉOTHERMIE ______________________________________________________________________________________________________________________

La densité de flux thermique est en général faible (0,060 W · m–2) En l’absence de fluide naturel, deux voies restent toutefois
et la température du fluide géothermal peut être comprise entre 50 possibles pour permettre cette extraction :
et 100 oC pour des profondeurs de l’ordre de 1 000 à 2 000 m. Ces – installer dans le sol à faible profondeur des capteurs enterrés
gisements sont de grande extension. Ils offrent généralement une (réseaux de tubes) dans lequel va circuler, en circuit fermé, un
grande continuité horizontale, ce qui permet d’extrapoler les fluide caloporteur. La chaleur captée est alors transférée par le
données connues en un site à d’autres sites voisins. Leur exploi- biais d’une pompe à chaleur au milieu à chauffer. C’est le domaine
tation est essentiellement à usages thermiques (chauffage d’habi- de la géothermie de surface ou de la géothermie des pompes à
tations, de serres agricoles, pisciculture, utilisation dans des chaleur dites « à capteurs enterrés » ;
processus industriels...) ; on parle alors de géothermie basse
énergie ou basse enthalpie. – recréer les conditions d’existence de réservoirs géothermiques
naturels (par fracturation hydraulique de formations rocheuses
L’exemple type est l’aquifère du Dogger dans le Bassin parisien. peu perméables, afin d’en augmenter la perméabilité) dans
Situé entre 1 500 et 2 000 m de profondeur, cet aquifère renferme lesquels serait injectée depuis la surface de l’eau qui serait ensuite
une eau chargée en minéraux, d’une température moyenne de récupérée chaude après son passage dans le réservoir créé. C’est
70 oC. Son exploitation permet d’alimenter en chaleur des réseaux le domaine de la géothermie profonde des roches fracturées.
de chauffage. Les débits exploités peuvent atteindre jusqu’à
300 m3/h par puits. En théorie, ce concept est assez simple à mettre en œuvre. Il s’agit
dans un premier temps d’accroître la perméabilité de formations
■ Plus près de la surface, des nappes aquifères peu profondes (de rocheuses peu ou pas perméables – situées à une profondeur suf-
quelques mètres à moins d’une centaine de mètres de profondeur) fisante pour obtenir des températures intéressantes – en fracturant
dont la température est comprise entre 10 et 20 oC peuvent être la roche par injection d’eau sous très forte pression, dans un ou
également exploitées au moyen de pompes à chaleur, géné- plusieurs forages. Un réseau de fractures suffisamment dense et
ralement pour le chauffage et/ou la climatisation d’immeubles. étendu étant ainsi créé, il suffit alors dans un second temps d’y faire
C’est le domaine de la géothermie très basse énergie. circuler de l’eau depuis la surface pour qu’elle se réchauffe au
contact des roches et de récupérer ensuite cette eau réchauffée pour
l’utiliser à des fins de production d’électricité ou de chauffage.
Les gisements de basse et très basse énergie sont largement
répandus à la surface du globe terrestre. C’est ce type de La faisabilité technique d’un tel concept (EGS : enhanced geo-
gisements que l’on trouve majoritairement en France. thermal system, système géothermique assisté) n’est pas encore


acquise. Plusieurs programmes de recherche sont en cours de par
le monde. Le plus avancé est celui conduit au niveau européen sur
2.2.2 Gisements en zones géologiquement actives le site de Soultz-sous-Forêts en Alsace (encadré 1).

■ Dans les régions à volcanisme récent ou actuel, le gradient


géothermal peut être élevé (par exemple, 20 K par 100 m) en
raison d’intrusions magmatiques pénétrant la croûte terrestre Encadré 1 – Pilote d’expérimentation scientifique
jusqu’à des profondeurs proches de la surface (moins de 5 km). de Soultz-sous-Forêts
C’est dans ces régions que l’on peut trouver, à des profondeurs
comprises entre 500 et 1 500 m, des gisements dits de haute
énergie (ou haute enthalpie) ou gisements hyperthermiques. La France est engagée depuis 1987 aux côtés de l’Allemagne
et de l’Union européenne dans le domaine de la géothermie
Les fluides géothermaux qu’ils renferment atteignent des tempé- des roches profondes et fracturées.
ratures de l’ordre de 220 oC à 350 oC. Ils se présentent sous forme
de vapeur sèche ou de vapeur humide (mélange d’eau et de Les travaux de recherche menés sur le site de Soultz-sous-
vapeur) et leur valorisation s’effectue par production d’électricité : Forêts, en Alsace au nord d’Haguenau, et les résultats très
la vapeur géothermale extraite est détendue directement dans une encourageants obtenus ont conduit en 1999 à proposer la réa-
turbine. lisation d’un pilote scientifique d’expérimentation destiné à
montrer la pertinence du concept étudié.
■ Les mêmes terrains volcaniques, mais un peu moins chauds L’architecture du pilote proposé (figure 5) repose sur la
(gradients de 5 à 10 K par 100 m) peuvent donner lieu à des réalisation de trois forages profonds de 5 000 m, avec un puits
gisements dits de moyenne énergie. Les ressources géothermales central d’injection et deux puits d’extraction déviés situés de
se présentent alors sous forme d’eau chaude dont la température part et d’autre du puits d’injection. Les deux puits périphériques
est comprise entre 90 oC et 180 oC. Elles peuvent être exploitées récupèrent le fluide injecté qui, lors de sa circulation dans le
pour des usages thermiques, mais elles le sont plus généralement milieu rocheux et fracturé s’est réchauffé. Après épuisement du
pour de la production d’électricité. contenu calorifique du fluide en surface, celui-ci est réinjecté
par le puits d’injection.
Les gisements de haute et moyenne énergie sont limités à Le pilote a été conçu pour une capacité thermique de 30
des secteurs géographiques restreints, en général situés aux à 50 MW (à 200 oC, c’est-à-dire à la température atteinte sur le
zones frontières des plaques (figure 2). site à 5 000 m de profondeur) et dans l’optique de produire de
l’électricité (puissance électrique installée de 4 à 6 MW).
En France, ce type de ressources se rencontre dans les DOM.
Un gisement haute énergie est en exploitation à Bouillante en La période 1999-2004 a été consacrée à la préparation et à la
Guadeloupe. D’autres zones sont à l’étude en Martinique et à la construction du pilote.
Réunion. La période 2005-2008 est destinée aux travaux d’expérimen-
tation proprement dits avec la réalisation d’essais de circulation
de longue durée entre puits. L’objectif principal est de déter-
2.2.3 Roches peu ou pas perméables miner la productivité hydraulique du réservoir créé en pro-
fondeur, d’évaluer sa productivité thermique et de travailler sur
La plupart des formations rocheuses qui constituent la croûte sa gestion à long terme.
terrestre sont peu ou pas perméables, c’est-à-dire qu’elles ne
renferment pas d’eau en quantité suffisante pour permettre, par le Si les travaux sont concluants, ceux-ci devraient conduire à
biais de forages, l’extraction de la chaleur contenue dans le sous- l’horizon 2010-2015 à la réalisation d’un prototype industriel
sol. d’une puissance électrique de 25 MW.

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Géothermie de surface
Présentation et pompes à chaleur

par Philippe LAPLAIGE


Docteur en énergétique
Ingénieur expert en charge des programmes de géothermie
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME),
Département Énergies renouvelables
et Jean LEMALE
Ingénieur de l’École nationale supérieure des arts et métiers (ENSAM)
Ancien expert à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

1. Techniques mises en œuvre .................................................................. BE 8 591 - 2


2. Pompes à chaleur ..................................................................................... — 3
2.1 Principe ......................................................................................................... — 3
2.2 Description et fonctionnement ................................................................... — 3
2.3 Performances ............................................................................................... — 4
3. Conclusion.................................................................................................. — 4
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 591

es pompes à chaleur permettent de valoriser des sources de chaleur à


L « basse température », comme l’air ambiant, l’eau des nappes souter-
raines, le sol... pour couvrir des besoins de chauffage et/ou de climatisation.
Ces systèmes de chauffage ont connu un développement important au début
des années 1980, après le second choc pétrolier, en raison du coût élevé des
énergies fossiles. Pendant quelques années, le nombre de pompes à chaleur
vendues fut très important. Utilisant principalement l’air ambiant comme
source de chaleur à valoriser, elles étaient généralement installées pour
chauffer des maisons d’habitation en complément de chaudières au fioul
existantes.
L’intérêt de cette technique énergétique originale, comme d’autres dévelop-
pées à la même époque (solaire thermique, géothermie, méthanisation...), s’est
ensuite estompé avec l’effondrement du coût de l’énergie au milieu des
années 1980. De plus, l’engouement suscité par les pompes à chaleur avait
rapidement conduit aussi, à cette époque, à des effets pervers avec la mise sur
le marché de certains produits mal installés, peu fiables et aux performances
médiocres qui ont fini par porter atteinte à l’image de l’ensemble de la filière.
Il faudra attendre le début des années 1990 pour voir renaître le marché des
pompes à chaleur dans le secteur de l’habitat dans des pays comme la Suisse
ou la Suède où sont mises en place des politiques publiques volontaristes avec
la promotion de démarches de qualité sur les produits et leurs installations
portées par les professionnels. C’est ainsi que, grâce aux efforts techniques
déployés, de nouveaux produits mieux conçus, plus fiables, plus performants
prennent progressivement place. Mieux dimensionnés par rapport aux
besoins, mieux installés, ils permettront au marché de se pérenniser. Dans le
secteur des bâtiments tertiaires, l’essor de la climatisation au début des années
1990 favorise également le développement des pompes à chaleur réversibles.
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQP

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Géothermie de surface
Puits canadiens, capteurs enterrés
et géostructures
par Philippe LAPLAIGE
Docteur en énergétique
Ingénieur expert en charge des programmes de géothermie
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME),
Département Énergies renouvelables
et Jean LEMALE
Ingénieur de l’École nationale supérieure des arts et métiers (ENSAM)
Ancien expert à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

1. Puits canadien ........................................................................................... BE 8 592 - 2


1.1 Principe de fonctionnement ........................................................................ — 2


1.2 Paramètres à prendre en compte ............................................................... — 2
1.3 Conseils de mise en œuvre ......................................................................... — 4
2. Géothermie des pompes à chaleur à capteurs enterrés ............ — 4
2.1 Techniques avec capteurs horizontaux ...................................................... — 5
2.2 Techniques avec capteurs verticaux .......................................................... — 7
2.3 Champs de sondes géothermiques ............................................................ — 8
3. Géostructures ou fondations thermoactives ................................... — 10
3.1 Description.................................................................................................... — 10
3.2 Intégration des fondations thermoactives dans le bâtiment.................... — 11
3.3 Chauffage et refroidissement du bâtiment ................................................ — 13
3.4 Limites d’utilisation des fondations thermoactives et mesures
préventives à prendre en compte ............................................................... — 14
3.5 Exemple de réalisation : immeuble de la société PAGO Sa à Grabs
(Suisse) ......................................................................................................... — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 591

e puits canadien est une technique géothermique utilisant l’inertie du


L proche sous-sol et la faible variation de sa température tout au long de
l’année, pour, selon les saisons, préchauffer ou rafraîchir l’air neuf de renou-
vellement des bâtiments. En mode rafraîchissement, on parle aussi de puits
provençal. Cette technique relativement ancienne a été redécouverte depuis
peu avec la construction de bâtiments HQE (haute qualité environnementale)
où elle est désormais privilégiée pour son faible coût. Elle permet de réduire
les charges de chauffage l’hiver (jusqu’à 40 % du poste de renouvellement
d’air) et d’apporter un confort d’été de façon tout à fait naturelle. Les puits
canadiens ou provençaux peuvent équiper tous les types de bâtiments (neufs,
en priorité), de la maison individuelle aux bâtiments tertiaires.
Depuis la fin des années 1990, les pompes à chaleur utilisées pour le chauf-
fage des maisons individuelles connaissent un net regain d’intérêt et plus
particulièrement les pompes à chaleur à capteurs enterrés. Par rapport aux
pompes à chaleur sur air ambiant, les pompes à chaleur à capteurs enterrés
offrent principalement l’avantage d’utiliser une source de chaleur externe (le
sol) dont la température reste quasiment stable tout au long de l’année. De
plus, cette température est généralement plus élevée en hiver que la tempéra-
ture de l’air ambiant et plus faible en été ; les coefficients de performance
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQP

atteints sont donc meilleurs. Le renchérissement du coût des énergies fossiles

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GÉOTHERMIE DE SURFACE ___________________________________________________________________________________________________________

et la prise de conscience accrue des populations vis-à-vis des effets du réchauf-


fement climatique devraient favoriser le développement de ces techniques de
chauffage que l’on peut considérer aujourd’hui comme parmi les moins oné-
reuses en coût de fonctionnement et les moins émettrices de gaz à effet de
serre. On estime ainsi, qu’à l’horizon 2020, un tiers des maisons individuelles
neuves construites en France pourrait être équipé de tels systèmes (source
ADEME).
Certains bâtiments doivent être construits, pour des raisons de portance, sur
des fondations. Les fondations, qui peuvent être des pieux, des parois ou des
dalles en béton, sont des ouvrages souterrains destinés à assurer la stabilité
statique du bâtiment en reportant son poids dans les profondeurs du sol. Le
principe des fondations thermoactives ou géostructures consiste, pour les
pieux par exemple, à y intégrer lors de leur fabrication un système de captage
de l’énergie constitué d’un réseau de tubes en polyéthylène noyé dans le pieu,
renforcé par une armature en fer, et dans lequel il est possible de faire circuler
en circuit fermé un fluide caloporteur (de l’eau additionnée de glycol). Le
système de captage de l’énergie est connecté à une pompe à chaleur. La mise
en œuvre de ce concept est assez récente (les premières réalisations datent
du début des années 2000). Il participe pleinement à la démarche engagée
depuis quelques années visant à réduire les besoins énergétiques dans les
bâtiments avec pour corollaire la diminution des impacts sur l’environnement
(limitation des émissions de gaz à effet de serre). On recense aujourd’hui en
Europe plusieurs centaines de réalisations mettant en œuvre des fondations

U thermoactives. En France, quelques projets ont été initiés au début des années 2000.

1. Puits canadien ■ Débit d’air dans les canalisations


Un compromis est à rechercher pour assurer un préchauffage
permanent de l’air neuf sans accroître toutefois les débits
1.1 Principe de fonctionnement d’hygiène. Le débit doit donc avant tout correspondre – au moins
en partie – aux besoins de renouvellement d’air du bâtiment.
Le principe de fonctionnement du puits canadien consiste à faire
circuler à vitesse faible dans des canalisations étanches enterrées,
Les débits d’hygiène sont les débits fixés par la réglementa-
en PVC ou en polyéthylène, l’air destiné au renouvellement de
tion pour assurer la bonne hygiène d’une habitation. Du fait
l’ambiance intérieure des locaux (figure 1).
de l’occupation de l’habitation et des activités qui y sont prati-
En hiver, l’air extérieur aspiré dans le puits par le ventilateur se quées à l’intérieur, on doit en permanence y renouveler l’air,
réchauffe au contact du sol avant de pénétrer dans le bâtiment. en faisant entrer de l’air extérieur (dit neuf) et en rejetant à
Les besoins de chauffage liés au renouvellement d’air des locaux l’extérieur l’air « vicié » de l’habitation. Pour assurer une
sont ainsi réduits et le maintien hors-gel du bâtiment peut être hygiène correcte, le débit d’air que l’on renouvelle doit être au
naturellement assuré. En été, l’air extérieur profite de la fraîcheur minimum égal à une valeur appelée débit d’hygiène.
du sol pour se refroidir d’une dizaine de degrés et arriver dans le
bâtiment durant la journée à une température de l’ordre de 15 à
■ Vitesse d’écoulement de l’air
20 oC, ce qui suffit pour en assurer le rafraîchissement. Pendant
l’intersaison, un by-pass vient court-circuiter le puits lorsque les Les fonctions rafraîchissement et préchauffage ne nécessitent
températures de confort sont atteintes. pas les mêmes conditions de fonctionnement. En hiver, il est
important de privilégier au maximum l’échange thermique, et
Une fois réchauffé ou rafraîchi, l’air peut être diffusé par une
donc une faible vitesse d’écoulement de l’air (on recommande une
grille en un seul point du bâtiment ou bien en plusieurs endroits
vitesse de l’ordre du mètre par seconde). En été, l’objectif étant de
grâce à un réseau de gaines isolées.
rafraîchir le bâtiment, une plus grande efficacité est obtenue avec
La figure 2 est un enregistrement sur une période de trois mois une vitesse d’écoulement de l’air plus importante (de l’ordre de
des évolutions de la température extérieure et de la température de 3 m/s au maximum pour éviter une trop grande augmentation des
l’air à la sortie d’un puits canadien équipant un bâtiment de la rési- pertes de charge). Il est donc intéressant de disposer d’un ventila-
dence ARPAD à PRESLES (Val d’Oise). Cet enregistrement montre, teur à double vitesse pour pouvoir assurer les deux fonctions de
malgré la variation de la température ambiante, la quasi-constance façon optimale.
de la température de l’air à la sortie du puits canadien, ce qui illus-
tre l’intérêt d’un tel dispositif. ■ Longueur des canalisations
La longueur optimale du puits dépend du débit dans les canali-
sations. En effet, on montre que pour les faibles débits, la tempé-
1.2 Paramètres à prendre en compte rature minimale est atteinte assez rapidement, et qu’à partir d’une
certaine longueur, l’échange avec le puits ne tempère plus l’air,
Un puits canadien est plutôt simple à mettre en œuvre. Toute- ayant atteint sa limite d’efficacité. Par contre, plus le débit aug-
fois, pour en garantir le bon fonctionnement, plusieurs critères mente et plus cette longueur limite croît, mais plus les pertes de
sont à prendre en compte [20][21][22]. charge augmentent aussi. Dans la littérature, on recommande, une

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VMC simple flux


Ou double flux

Entrée d’air
Distribution
Filtre dans la maison
Entrée d'air
By-pass
Sol naturel
Cave

Regard de visite
Clapet

2,2 m
1,6 m φ 200 m
Pente 2 % à 5 %
φ 100 mm
70 m Ventilateur
Pente > 2 %
Évacuation
des condensats


VMC ventilation mécanique contrôlée

Figure 1 – Schéma de principe d’un puits canadien en maison individuelle (doc. Site spécialisé pour la maison climatique et le puits canadien)

20
Sortie canalisation

15
Température (oC)

10

Entrée puits
–5

–10
06.01.2006 19.01.2006 31.01.2006 13.02.2006 25.02.2006 10.03.2006 22.03.2006 04.04.2006

Figure 2 – Préchauffage de l’air de renouvellement d’un bâtiment de la résidence ARPAD à PRESLES (Val d’Oise)
(doc. Site Climatisation par puits canadiens)

longueur de puits comprise entre 25 et 40 m. Si le linéaire de mètre optimal. En règle générale, pour les débits utilisés, cet opti-
conduits doit être plus important, alors il convient de réaliser un mum conduit à un diamètre de l’ordre d’une vingtaine de
réseau en augmentant le nombre de conduits. centimètres.
■ Diamètre des canalisations Exemple
Une augmentation du diamètre des tubes entraîne une augmen- Indications de longueur totale pour un débit d’air de 100 m3/h
tation de la surface d’échange, mais n’augmente pas nécessaire- (source Minergie : Aération dans l’habitat) :
ment l’échange thermique du fait d’une diminution de la vitesse – ∅ 160 mm : longueur totale de 25 m à 80 m ;
pour un débit donné. Au-delà d’une certaine valeur optimale, – ∅ 200 mm : longueur totale de 20 m à 60 m.
dépendant de la vitesse d’écoulement, le coefficient d’échange
convectif chute. Cela est dû au fait que l’augmentation de la vitesse ■ Distance entre canalisations
d’écoulement diminue l’épaisseur de la couche limite où va être Il est important d’assurer une distance suffisante entre deux
échangée la chaleur. L’air circulant au cœur de la canalisation ne va canalisations pour éviter des interférences thermiques et per-
plus être en contact avec le tube et sa température est peu influen- mettre le bon échange de chaque canalisation avec le sol. On
cée par la température du sol. Cet optimum est indépendant de la recommande de les espacer d’une distance d’environ cinq fois leur
longueur du tube, d’où une relation directe entre débit d’air et dia- diamètre.

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GÉOTHERMIE DE SURFACE ___________________________________________________________________________________________________________

Tableau 1 – Propriétés thermiques des principaux 1.3 Conseils de mise en œuvre


constituants du sol [21] [22]
Outre la nécessité de passer par des professionnels (architecte,
Capacité ingénieur de bureaux d’études thermiques) pour dimensionner
Conductivité
thermique correctement un puits ou un réseau de puits, il est conseillé de
Constituant du sol thermique
massique respecter un certain nombre de précautions d’usage afin de main-
(W/K · m)
(kJ/K · kg) tenir le dispositif en bon état et d’assurer une bonne qualité de l’air
Minéraux (moyenne) 0,80 2,90 insufflé.

Sable, gravier 0,91 à 1,18 2,00 ■ Qualité de l’air


Argile, limons 1,67 à 2,50 1,50 L’entrée d’air doit être située loin des sources possibles de
pollution (parking, local à poubelles...) et à une hauteur suffisante
Matière organique 1,90 0,25 pour éviter l’aspiration de poussières. Elle doit être protégée des
vents dominants qui pourraient venir perturber le fonctionnement
Eau 4,20 0,585
du puits et fermée par une grille à faibles mailles pour empêcher
Air 1,00 0,023 l’intrusion de petits animaux ou de corps étrangers.

■ Gestion des condensats


■ Profondeur d’enfouissement des canalisations En raison des variations de température de l’air entre l’intérieur
Le sol joue un rôle de tampon thermique entre l’extérieur et la des canalisations et l’extérieur, de l’eau peut se condenser dans le
canalisation enterrée. C’est lui qui isole celle-ci de l’influence des puits. Pour éviter que cette eau qui se forme, stagne, il est néces-
conditions atmosphériques. La profondeur d’enfouissement est saire de donner au puits une légère pente (de 1 à 3 %) dans le sens
donc un paramètre important qui joue un rôle sur la qualité de cette de l’écoulement de l’air. Un siphon, installé au point bas, permet
isolation. Elle doit être déterminée en fonction de la nature du sol et de recueillir et d’évacuer les condensats.
de l’objectif recherché (chauffage ou rafraîchissement). Dans le cas


d’un puits qui chercherait à utiliser le déphasage journalier (la fonc- ■ Conduits
tion rafraîchissement est alors recherchée), une profondeur de
40 cm est a priori suffisante. Pour un déphasage saisonnier (on pri- Le dispositif est généralement constitué d’une nappe de tubes
vilégie dans ce cas la fonction préchauffage), une profondeur mini- placés parallèlement et regroupés en entrée et en sortie par des
male de 1,50 m est requise. Au-delà, l’efficacité du puits augmente collecteurs. Les coudes et les bifurcations induisent des pertes de
encore, mais des contraintes réglementaires et économiques ne charge supplémentaires qu’il faut éviter. Par ailleurs, les conduits
permettent pas généralement d’installer le puits à de telles profon- doivent être résistants à la pression de la terre, étanches à l’air et à
deurs. En effet, l’augmentation de la profondeur et les obligations l’eau. Pour l’étanchéité, on recommande de privilégier les joints à
de sécurisation des travaux font croître les coûts de réalisation bien lèvre au niveau des raccordements.
plus vite que l’économie d’énergie réalisée grâce au puits.
■ Qualité du sol et taux d’humidité
La capacité calorifique et la conductivité du terrain ont un impact
important sur l’efficacité du procédé. Ces caractéristiques
2. Géothermie des pompes
dépendent de la composition du sol, de son degré d’humidité et
des circulations d’eau l’affectant. L’eau possédant une capacité
à chaleur à capteurs
thermique plus grande que celle des autres constituants du sol, enterrés
plus le sol est humide, mieux il garde sa fraîcheur ou sa chaleur et
meilleur est l’échange thermique avec les canalisations du puits.
On donne dans le tableau 1 les caractéristiques thermiques de Les capteurs enterrés peuvent être verticaux (on parle alors de
l’eau, de l’air et de quelques matériaux constituant le sol. sondes géothermiques) ou horizontaux (figure 3).

Radiateurs Rad
diateurs
Générateur Géné
érateur

Plancher chauffant
Radiateurs
Capteur Plancher cchauffant
vertical
Sonde géothermique
Capteur enterré

a captage vertical b captage horizontal

Figure 3 – Pompe à chaleur sur capteurs enterrés avec captage vertical et captage horizontal [3]

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Géothermie de surface
Aquifères superficiels
et stockage thermique souterrain

par Philippe LAPLAIGE


Docteur en énergétique
Ingénieur expert en charge des programmes de géothermie
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME),
Département Énergies renouvelables
et Jean LEMALE
Ingénieur de l’École nationale supérieure des arts et métiers (ENSAM)
Ancien expert à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

1. Géothermie des aquifères superficiels .............................................. BE 8 593 - 2


1.1 Présentation de la filière .............................................................................. — 2
1.2 Principe de fonctionnement d’une opération ............................................ — 2
1.3 Volet « sous-sol » d’une opération de pompe à chaleur
sur eau de nappe.......................................................................................... — 3
1.4 Dimensionnement d'une installation ......................................................... — 9
1.5 Exploitation – maintenance ......................................................................... — 11
1.6 Aspects réglementaires ............................................................................... — 11
1.7 Champs d’application .................................................................................. — 11
2. Stockage thermique souterrain ........................................................... — 12
2.1 Types de stockage classés selon leur niveau de température ................. — 12
2.2 Différents systèmes de stockage thermique souterrain ........................... — 13
2.3 Application particulière : concept de serre fermée ................................... — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 591

a géothermie des aquifères superficiels concerne l’exploitation thermique


L des aquifères situés jusqu’à une centaine de mètres de profondeur.
Jusqu’à ces profondeurs, la température moyenne de l’eau reste de l’ordre
d’une dizaine de degrés Celsius ; la chaleur prélevée nécessite donc, pour être
valorisée, que son niveau de température soit relevé, d’où l’emploi de pompes
à chaleur (PAC). Pour caractériser « la filière géothermie des aquifères
superficiels », on utilise plus généralement l’expression « filière des pompes à
chaleur sur eau de nappe ». Les pompes à chaleur sur eau de nappe permet-
tent de couvrir des besoins de chauffage, de refroidissement et/ou d’eau
chaude sanitaire. Tous les secteurs d’application sont concernés : de l’habitat
individuel au secteur industriel. Compte tenu du coût des ouvrages sous-sol à
réaliser et à mettre en œuvre (forage(s) de production, forage(s) de rejet, équi-
pements de pompage), cette technique est plutôt réservée à des immeubles de
taille importante (d’une surface allant de 5 000 à 25 000 m2, voire éventuelle-
ment plus) nécessitant à la fois des besoins de froid et de chaud, soit de
manière alternée (été – hiver), soit simultanée. Elle s’adresse donc principale-
ment aux immeubles du grand ou moyen tertiaire (immeubles de bureau,
bâtiments de santé, hôtellerie, grandes surfaces commerciales).
Le stockage d’énergie thermique dans le sous-sol consiste à mettre à profit
les propriétés des formations géologiques pour emmagasiner une énergie dis-
ponible et excédentaire à un instant donné – c’est-à-dire sans utilisation
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQP

immédiate – et pour l’exploiter ultérieurement en période de demande. On

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GÉOTHERMIE DE SURFACE ___________________________________________________________________________________________________________

peut retenir comme exemple celui d’une usine d’incinération d’ordures ména-
gères raccordée à un réseau de chaleur desservant des bâtiments. L’été, la
chaleur produite est inutilisée faute de besoins à satisfaire. Injectée et stockée
dans le sous-sol, cette chaleur peut être utilisée plus tard dans l’année en
période de chauffage, limitant ainsi le recours à une énergie d’appoint à base
de combustibles fossiles. Le domaine d’application le plus courant du stockage
thermique souterrain est celui du chauffage des bâtiments, mais d’autres
applications existent comme celle du chauffage des serres maraîchères ou hor-
ticoles. Dans les années 1980, de nombreux travaux de recherche et des
expériences tout à fait intéressantes ont été menés, notamment en France.
Mais c’est surtout dans des pays, comme la Suisse, les Pays-Bas, la Suède ou
l’Allemagne, que les travaux se sont poursuivis depuis. Aujourd’hui, les
retours d’expérience sont nombreux et prometteurs. Les enseignements tirés
devraient faciliter une diffusion plus large des techniques mises en œuvre qui
s’inscrivent bien dans une démarche plus globale de réduction des besoins
énergétiques, de limitation de l’usage des énergies fossiles et de valorisation
des énergies renouvelables ou fatales et donc de réduction des émissions de
gaz à effet de serre.

1. Géothermie des aquifères


U superficiels Basse température

1.1 Présentation de la filière


Pompe à chaleur
La figure 1 montre les principaux éléments constitutifs d’une
opération de PAC sur eau de nappe, avec :
– un aquifère (ou nappe) dans lequel de l’eau est puisée au
moyen d’un forage (équipé d’une pompe, et en fond du puits,
d’une crépine avec un massif de graviers pour faciliter le prélève-
ment de l’eau) ;
– une pompe à chaleur qui récupère la chaleur de l’eau de nappe
(par un échangeur de chaleur intermédiaire – non représenté sur la Couche
figure), élève le niveau de température de la chaleur prélevée, et la imperméable
transfère au bâtiment à chauffer ;
e
– un bâtiment équipé d’un circuit de distribution de chaleur, étriqu
up iézom
comme un plancher basse température par exemple ; Nivea Pompe
– un deuxième forage par lequel l’eau de nappe refroidie est
Quelques dizaines
rejetée dans l’aquifère à une distance suffisante du premier forage de mètres Aquifère Forage de reje
et
(pour éviter les interférences thermiques). Forage de productio
on
Les techniques mises en œuvre sont éprouvées et les opérations
Crépine et massif de gravier
réalisées présentent généralement des temps de retour sur inves-
tissement plutôt attractifs surtout lorsque des besoins de chaud et
de froid sont à satisfaire.

Exemple Figure 1 – Vue artistique d’une opération de pompe à chaleur sur


eau de nappe (doc. ADEME/BRGM)
Parmi les opérations emblématiques de cette filière, on peut citer
le bâtiment abritant le Parlement européen à Strasbourg, l’immeuble
du siège de la société Aventis-Pasteur à Lyon, plusieurs tours du leur de l’eau souterraine vers la pompe à chaleur, tout en isolant
quartier de La Défense à Paris. celle-ci du contact de l’eau souterraine ;
– une pompe à chaleur et le circuit de distribution de chauffage.
1.2 Principe de fonctionnement L’eau de puisage de la nappe phréatique – dont la température
d’une opération se situe en moyenne aux alentours de 15 oC – est refroidie d’envi-
ron 3 à 5 K en transmettant son énergie, via un échangeur de
Une installation standard est constituée de trois ensembles chaleur, au circuit intermédiaire alimentant la pompe à chaleur. La
(figure 2) : pompe à chaleur permet de transférer cette énergie à l’eau de
– les ouvrages sous-sol (avec les puits de production et de circuit de distribution à un niveau de température suffisant pour
rejet) ; l’utilisation souhaitée (en pratique 35 à 45 oC). L’eau puisée dans la
– un circuit intermédiaire (avec principalement un échangeur de nappe est généralement rejetée dans la même nappe par un
chaleur) dont le rôle est à la fois de prélever et de transférer la cha- forage de rejet.

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Échangeur Circulateur
de chaleur

Circuit de
distribution

Circulateur
Filtre
Pompe à chaleur

Pompe

Puits de rejet Puits de


production

Équipements Circuit Production et


sous-sol intermédiaire distribution de chaleur

Figure 2 – Schéma de principe d’une pompe à chaleur fonctionnant sur nappe phréatique. Principaux circuits

Remarque : certaines pompes à chaleur sont conçues pour
être réversibles et fonctionner en « mode froid », en cas de Aire d’alimentation
besoin d’eau froide dans le circuit de distribution. Dans ce cas, (affleurement)
Surface piézométrique
l’énergie est « pompée » dans l’eau du circuit de distribution
(qui sera ainsi refroidie) et transférée dans l’eau de la nappe, virtuelle réelle
qui sera ainsi réchauffée avant d’être rejetée.

Les opérations de pompe à chaleur sur eau de nappe présentent


la particularité d’associer deux domaines de compétence assez 1
étrangers l’un de l’autre : les sciences de la terre et la thermique
du bâtiment. L’association de ces deux domaines n’est pas Couverture ou « toit »
toujours évidente, ce qui constitue probablement un frein à une (imperméable) 2
diffusion plus importante des opérations de PAC sur eau de nappe.
Aquifère
Le montage d’une opération suppose donc de traiter à la fois ces 3
deux volets (sous-sol et surface) et de trouver la meilleure adéqua- Substratum ou « mur »
tion possible. (imperméable)
Les éléments de connaissance nécessaires pour réaliser une
opération sont exposés ci-après. En 1 la nappe est libre, en 2 elle est captive,
en 3, elle est captive et artésienne.

1.3 Volet « sous-sol » d’une opération


de pompe à chaleur sur eau de nappe Figure 3 – Nappes d’eau souterraines [10]

Nota : le lecteur se référera à la bibliographie [9].


Selon la morphologie et la géologie des terrains, une nappe
peut être libre, captive ou artésienne (figure 3).
1.3.1 Définitions
Dans le cas d’une nappe libre (1), le niveau piézométrique
Une nappe désigne toute accumulation d’eau liquide. Quand il
correspond à la limite entre la zone non saturée en eau et la zone
s’agit d’eau accumulée dans une formation rocheuse poreuse, on
saturée en eau. Ce niveau varie essentiellement en fonction des
parle de nappe d’eau souterraine ou nappe souterraine.
fluctuations climatiques, notamment saisonnières.
Un aquifère peut être défini comme un « corps (couche, massif)
de roches perméables à l’eau, délimité en partie inférieure par une Lorsqu’un forage atteint une nappe captive (2) – c’est-à-dire sans
couche géologique peu perméable et parfois en partie supérieure surface libre et donc sous pression – l’eau remonte dans le forage.
par une couverture de roches également peu perméables, Le niveau de l’eau stabilisé dans le forage représente le niveau
comportant une zone saturée et conduisant suffisamment l’eau piézométrique. Si le niveau piézométrique se situe au-dessus de la
pour permettre l’écoulement significatif d’une nappe souterraine et surface du sol, l’eau jaillit naturellement. On dit que le forage est
le captage de quantités d’eau appréciables ». artésien.

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1.3.2 Caractéristiques de la ressource


Encadré 1 – Les ressources en eau souterraine en eau souterraine
en France (figure 4)
1.3.2.1 Paramètres liés à l’aquifère

Les nappes souterraines sont présentes dans la plus grande La nature des terrains conditionne les caractéristiques des aqui-
partie du territoire français et sont, par conséquent, dispo- fères (porosité, perméabilité, transmissivité, pression).
nibles pour de nombreuses applications. Toutefois, leur diver- ■ Porosité
sité est très grande d’un point à un autre, ce qui peut
constituer une limitation quant à leur exploitation. Suivant le type de porosité des formations rocheuses qui
constituent l’aquifère, on distingue classiquement :
Il existe par exemple : – les aquifères à porosité d’interstices. Dans ces formations
– les nappes peu profondes et puissantes des alluvions des (sables, grès, calcaires, craie), l’eau circule principalement entre les
grands fleuves dans les parties bien alimentées : Rhin, Rhône, grains (sables, certains grès), mais aussi dans les fissures qui ont
Seine, etc. ; pu se développer dans la « masse ». La porosité correspond à la
proportion de vide présent entre les grains qui forment la roche et
– les nappes alluviales des vallées, aux productions ponc- contenant de l’eau. Elle est très variable : de 1 à 50 % (tableau 1) ;
tuelles très variables selon la nature des alluvions (argiles, – les aquifères fissurés/fracturés. Les roches qui les constituent
limons, sables ou graviers) ; (granites, roches métamorphiques) sont très peu poreuses mais le
– les nappes des petits bassins tertiaires des massifs pri- réseau de fractures parfois bien développé qui les affecte peut en
maires (massif armoricain), très localisées et de débits très faire des aquifères intéressants.
variables ;
■ Perméabilité
– etc. La perméabilité est une notion dynamique qui implique la
présence d’eau. Elle représente l’aptitude que possède un milieu à

U Calais

Lille

Amiens

Le Havre
Rouen
Reims
Metz
Paris
Nancy Strasbourg
Brest

Rennes
Le Mans
Orléans Mulhouse

Angers
Tours Dijon
Nantes Besançon
Bourges
Types de masses d’eau
Poitiers
alluvial

dominante sédimentaire
e
Limoges Clermont-Ferrand Lyon
imperméable localemen
nt aquifère Saint-Étienne

socle Grenoble

Bordeaux
édifice volcanique

domaine intensément plissé

Nimes Nice
Toulouse Montpellier Aix-en-Provence
Pau Marseille
Toulon

Perpignan

Figure 4 – Principales masses d’eau souterraine en France (doc. BRGM)

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