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ENVIRONNEMENT - SÉCURITÉ

Ti800 - Environnement

Traitements de l'air

Réf. Internet : 42600 | 2nde édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Environnement
(Réf. Internet ti800)
composé de  :

ICPE : réglementation intégrée Réf. Internet : 42439

ICPE : répondre aux exigences réglementaires Réf. Internet : 22710

Gérer une installation classée Réf. Internet : 22711

Réglementation environnementale par secteur Réf. Internet : 42613

Système de management environnemental site Réf. Internet : 42442

Système de management environnemental produits et ACV Réf. Internet : 42627

Système de management du risque Réf. Internet : 42626

Développement durable Réf. Internet : 42597

Eaux industrielles Réf. Internet : 42438

Réglementation et analyse de l'air Réf. Internet : 42436

Traitements de l'air Réf. Internet : 42600

Gestion des odeurs et des nuisances olfactives Réf. Internet : 42601

Gestion et valorisation des déchets Réf. Internet : 42437

Gestion des sites et sols pollués Réf. Internet : 42440

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Environnement
(Réf. Internet ti800)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Xavier BONHOMMEAU
Hydrogéologue, spécialiste en sites et sols pollués (Ancien membre du service
Hygiène, Environnement et Prévention des Risques de RENAULT)

Ismahane EL BAHLOUL
Consultante QSE/Management du risque. Auditrice IRCA.

Pierre LE CLOIREC
Professeur, directeur de l'École Nationale Supérieure de Chimie de Rennes
(ENSCR)

Jacques MÉHU
Professeur à l'INSA de Lyon

Pascale NAQUIN
Codirectrice de POLDEN INSAVALOR et coordinatrice scientifique du
CEFREPADE

Lionel POURTIER
Environnement'Air sas

Jean-Louis ROUBATY
Professeur associé Université Paris-Diderot, Ancien directeur SGS
Environnemental services, Ingénieur conseil

Patrick ROUSSEAUX
Professeur à l'Université de Poitiers, Directeur de l'IRIAF (Institut des Risques
Industriels, Assuranciels et Financiers)

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Yves ANDRÈS Jean Michel GUILLOT Pascal PEU


Pour l’article : G1780 Pour l’article : G1920 Pour l’article : G1830

Aymen ASSADI Dominique HEITZ Christine PEYRELASSE


Pour l’article : G1745 Pour l’article : G1791 Pour l’article : G1818

Denis BÉMER Philippe HUMEAU Pascaline PRÉ


Pour l’article : J3402 Pour l’article : G1925 Pour les articles : G1780 – G1781

André BORIES Alain LAPLANCHE Association RECORD


Pour l’article : G1960 Pour l’article : G1820 Pour les articles : G1816 – G1814

Jacques BOURCIER Pierre LE CLOIREC Alexandre ROJEY


Pour l’article : G1905 Pour les articles : G1700 – Pour l’article : IN115
G1770 – G1780 – G1781 –
Abdelkrim BOUZAZA G1815 – G1820 – G1835 – Michel ROUSTAN
Pour l’article : G1745 G1836 – IN23 – G1920 – G1925 Pour l’article : G1750

Nicolas BRODU Laurence LE COQ Albert SUBRENAT


Pour l’article : J3945 Pour l’article : G1710 Pour l’article : IN23

Johan CARLIER Pierre MACAUDIÈRE Jean-Michel TATIBOUËT


Pour l’article : G1791 Pour les articles : BM2502 – Pour l’article : G1794
BM2503
Augustin CHARVET Diane THOMAS
Pour l’article : J3402 Marie-Hélène MANÉRO Pour les articles : G1800 – G1805
Pour l’article : J3945
Sandrine CHAZELET Dominique THOMAS
Pour l’article : J3402 Guillaume MARTINAGE Pour l’article : J3402
Pour l’article : G1817
Annabelle COUVERT Éric TOCQUÉ
Pour l’article : G1795 Nils MATTHESS Pour l’article : IN115
Pour les articles : BM2502 –
Laurent DUMERGUES BM2503 Jacques VANDERSCHUREN
Pour les articles : G1816 – Pour l’article : G1800
G1814 – G1818 Marina MOLETTA-DENAT
Pour l’article : G1988 Dominique WOLBERT
Daniel DUPREZ Pour l’article : G1745
Pour l’article : J1216 Pierre MONNEYRON
Pour l’article : J3945 Aurélie WOLFF
Lionel FIABANE Pour l’article : G1819
Pour l’article : G1791 Karine PAJOT
Pour les articles : BM2502 –
Claire GÉRENTE BM2503
Pour l’article : G1780

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VI
Traitements de l'air
(Réf. Internet 42600)

SOMMAIRE

1– Introduction Réf. Internet page

Introduction aux traitements de l'air G1700 11

2– Procédés généraux de traitement Réf. Internet page

Élimination des particules G1710 17

Filtration des nanoparticules J3402 21

Procédés d'oxydation totale. Dépollution automobile et traitements de l'air et de l'eau J1216 27

Photocatalyse dans le traitement de l'air G1745 33

Absorption en traitement d'air G1750 39

L'adsorption en traitement de l'air G1770 43

Bioprocédés en traitement de l'air. Mise en oeuvre G1780 47

Bioprocédés en traitement de l'air. Modélisation et simulation de bioréacteurs G1781 51

Protection localisée par flux d'air G1791 53

Plasma non thermique et traitement de l'air G1794 57

Masquants et neutralisants dans le traitement de l'air G1795 61

3– Traitement de composés Réf. Internet page

SO2 (oxydes de soufre) G1800 67

NOx (oxydes d'azote) G1805 73

CO2 (dioxyde de carbone) G1815 77

Valorisation du CO2. Partie 1 : voies directes et voies avec transformation biologique G1816 81

Valorisation du CO2. Partie 2 : voies par transformations chimiques G1814 87

Valorisation du coproduit CO2 issu de la méthanisation G1818 95

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VII
Captage et stockage géologique de CO2 CSC IN115 103

Bilan Carbone. Réglementations et outils G1817 107

Bilan Carbone(R) . Mise en oeuvre G1819 111

Dioxines, furannes et polychlorobiphényles. Sources, analyses, procédés de traitement G1820 115

N2O (protoxyde d'azote) G1830 121

COV (composés organiques volatils) G1835 123

Bilan massique des émissions de COV G1836 127

Traitement de l'air chargé en COV par adsorption-électrodésorption IN23 131

Traitement des COV par un procédé hybride adsorption-ozonation J3945 135

4– Traitements par secteur d'activité Réf. Internet page

Équarrissage  : traitement des émissions gazeuses G1905 141

Mesures et traitements de polluants de l'air en agroalimentaire G1920 145

Émissions gazeuses et traitement de l'air en compostage G1925 149

Qualité de l'air et automobile. Statut sur la qualité de l’air dans les grands centres BM2502 153
urbains
Qualité de l'air et automobile. Technologies pour limiter l'impact sur la qualité de l'air BM2503 161

Prévention et traitement des odeurs des effluents vinicoles G1960 167

Les aérosols microbiens dans l'air du temps : le point sur la microbiologie de l'air G1988 171
intérieur

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Traitements de l'air
(Réf. Internet 42600)

1
1– Introduction Réf. Internet page

Introduction aux traitements de l'air G1700 11

2– Procédés généraux de traitement

3– Traitement de composés

4– Traitements par secteur d'activité

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1

10
Référence Internet
G1700

Introduction aux traitements de l’air

par Pierre LE CLOIREC


1
Professeur
Directeur scientifique de l’École de chimie de Rennes (ENSCR)

1. Qualité de l’air et émissions polluantes à traiter ............................ G 1 700v2 - 2


1.1 Poussières – Aérosols .................................................................................. — 2
1.2 Métaux lourds et métalloïdes ..................................................................... — 3
1.3 Oxydes de soufre (SOx ) ............................................................................. — 4
1.4 Oxydes d’azote (NOx )................................................................................. — 4
1.5 Oxydes de carbone ...................................................................................... — 4
1.6 Dioxines et furannes .................................................................................... — 5
1.7 Composés organiques volatils (COV)......................................................... — 5
1.8 Molécules odorantes ................................................................................... — 6
2. Approche d’un traitement d’émissions polluées ............................ — 6
3. Notion de filière de traitement............................................................. — 7
4. Approche globale des traitements d’air ............................................ — 7
4.1 Classification des procédés de traitement d’air pollué ............................ — 7
4.2 Relations polluant-traitement ..................................................................... — 8
5. Quelques traitements .............................................................................. — 8
6. Conclusions. Perspectives ..................................................................... — 10
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. G 1 700v2

es médias ont relayé les diverses réunions et conclusions du Groupe


L d’experts intergouvernemental de l’évolution du climat (GIEC) sur le
réchauffement de la planète et les changements climatiques du fait de quan-
tités importantes de gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère. Il convient de
noter que le GIEC a reçu, en 2007, le prix Nobel de la paix pour ses travaux et
son action. L’évolution du trou de la couche d’ozone [1] dû aux rejets de
composés organiques volatils a été largement commentée par la presse, la
radio et la télévision. Les alertes sur les concentrations d’ozone en ville en
période estivale ont sensibilisé les populations aux pollutions dues aux trans-
ports. De manière générale, ces notions de « pollution atmosphérique »,
engendrée, la plupart du temps, par les transports, les activités industrielles,
agricoles ou domestiques, sont maintenant intégrées par le grand public. Dans
les ambiances de vie, ce sont le bruit et la qualité de l’air qui ont le plus fort
impact sur l’homme. En effet, poussières, odeurs... sont très mal appréciées et
considérées comme de réelles nuisances qu’il convient de combattre.
Cet ensemble de facteurs a ramené la communauté internationale à se mobi-
liser. Les hommes politiques se sont engagés lors des conférences à l’échelle
planétaire et des actions ont suivi au niveau national pour contrôler et réduire
les émissions polluantes. Ainsi, on peut noter le protocole de Genève en
novembre 1991, signé par 21 États. Dans la continuité, la lutte contre l’augmen-
tation des émissions de gaz à effet de serre a été formalisée au travers de la
convention de Rio en juin 1992. Même si des problèmes existent, comme nous
le rappellent les événements des conférences de New York et de Tokyo en
1997, la conférence de La Haye en novembre 2000 ou, plus récemment, les
réunions du GIEC, des directives européennes transcrites en droit français sous
Parution : avril 2008

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 700v2 – 1

11
Référence Internet
G1700

IN TRODUCTION AUX TRAITEM EN TS DE L’AIR _____________________________________________________________________________________________

la forme d’arrêtés ministériels, comme celui du 2 février 1998 modifié par


l’arrêté du 29 mai 2000, sont actuellement en application (voir la partie Régle-
mentation [Doc. G 1 700v2]). Afin de compléter cette liste de protocoles et de
conventions internationales, la figure 1 du Pour en savoir plus [Doc. G 1 700v2]
retrace quelques dates clés d’étapes sur le changement climatique et la qualité
de l’air. Ces obligations réglementaires liées à une prise de conscience collec-
tive sur la relation santé/bien-être et pollution atmosphérique ont impliqué la

1 mise en œuvre de technologies pour le traitement des émissions gazeuses.


Dans cet article est présenté, dans un premier temps, un large panel des dif-
férents composés polluants émis naturellement ou du fait des activités
humaines, avec leurs impacts à la fois sur la santé humaine ou sur l’environne-
ment. Ces constats amènent naturellement à envisager les possibilités de
traitement des émissions afin de réduire, conformément aux engagements
internationaux, les flux de pollution. Dans un second temps, une classification
des procédés de purification de l’air est donnée, puis les différentes technolo-
gies sont comparées selon leurs potentialités en traitement de l’air.
Cette introduction sur les traitements d’air ne donne qu’un panorama
général et condensé des divers polluants présents dans les rejets gazeux et ne
présente que les procédés majeurs de purification des émissions canalisées.
On pourra se référer pour plus de précisions aux articles spécifiques édités
dans cette collection. Cependant, afin d’affiner cette recherche et d’obtenir des
informations plus précises sur un sujet particulier, cette rubrique « Air » dans
le traité Environnement des Techniques de l’Ingénieur, est divisée en trois
grandes parties : les procédés génériques de traitement (filtration, absorption,
adsorption ou bioprocédés...) ; les traitements de certains composés particu-
liers (protoxyde d’azote, dioxines et furannes, composés organiques
volatils...) ; les procédés spécifiques à certains secteurs d’activité comme
l’énergie, les équarrissages, l’imprimerie, la peinture, les corps gras, les plasti-
ques, le dégraissage et nettoyage, la chimie et la pharmacie, les ordures
ménagères, les transports, l’industrie papetière...
Cette approche multi-entrées doit permettre au lecteur d’acquérir des infor-
mations pertinentes sur la pollution dues aux émissions gazeuses et sur les
procédés de traitement de l’air à mettre en œuvre et/ou aux décideurs
d’obtenir des éléments de choix d’une technologie la mieux adaptée à la
demande.

1. Qualité de l’air 1.1 Poussières – Aérosols


et émissions polluantes Les poussières et les aérosols comprennent à la fois les particu-
les solides minérales, les particules organiques, les bactéries géné-
à traiter ralement fixées mais aussi les gouttelettes liquides [38]. Leurs
tailles varient de 1 µm à 1 mm environ.
Le tableau 1 présente, pour la France, quelques données qualita- On classe les particules et les aérosols en trois grandes catégo-
tives et quantitatives globales concernant un certain nombre de ries suivant leur dimension : PM10, PM2,5 et PM1 pour les matières
rejets gazeux. Ces données sont remises à jour périodiquement particulaires (Particle Matter ) de diamètre inférieur respectivement
par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution à 10, 2,5 et 1 µm. Les particules de petites tailles représentent envi-
atmosphérique (CITEPA) [3]. ron 99 % des poussières rencontrées dans l’atmosphère, car leur
Ces données peuvent être affinées par une présentation des vitesse de sédimentation est pratiquement nulle (< 10–3 m · s–1).
valeurs des rejets polluants par secteur industriel ou domaine Les sources de poussières peuvent être naturelles (volcan, éro-
d’activités ainsi que par région française [3]. Pour approcher sion des sols, sables, micro-organismes...). Les sources anthropi-
l’ensemble des émissions gazeuses, les polluants ont été regrou- ques sont multiples [29]. On peut citer à titre d’exemple : les
pés arbitrairement en grandes familles telles que les poussières ; industries lourdes (la sidérurgie, les cokeries, la chimie et la pétro-
les métaux lourds, sous la forme particulaire ou à l’état gazeux ; chimie...), les activités liées au génie civil et aux bâtiments (les
les gaz acides et en particulier les oxydes de soufre (SOx ) dont le fibres d’amiante sont exemplaires, mais aussi la démolition
SO2 ; les oxydes d’azote (NOx ) ; les oxydes de carbone (CO et d’immeubles...), l’incinération d’ordures ménagères ou encore les
CO2) ; les dioxines et les furannes ; les composés organiques vola- émissions automobiles (particules de freins ou de combustion
tils (COV) ; les molécules odorantes. dans des moteurs Diesel). Les aérosols liquides sont générés par
Sur ce thème, le lecteur pourra consulter les références des pulvérisations d’eau ou de solutions, intentionnelles ou non.
bibliographiques [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14]. Les tours aéroréfrigérantes en sont un exemple particulier.

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G 1 700v2 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

12
Référence Internet
G1700

_____________________________________________________________________________________________ IN TRODUCTION AUX TRAITEM EN TS DE L’AIR

Tableau 1 – Quelques données d’émissions Tableau 1 – Quelques données d’émissions


de polluants totaux dans l’atmosphère en France de polluants totaux dans l’atmosphère en France
métropolitaine métropolitaine (suite)
(sources partielles du CITEPA, 2007) (sources partielles du CITEPA, 2007)

Années Années

Composés
2000 2005
2006
(estima-
tion)
Composés
2000 2005
2006
(estima-
tion)
1
Particules en suspension (kt/an) Nickel (Ni) 205 176 175

TSP (1) 1 288 1 214 1 208 Plomb (Pb) 250 134 136

PM10 (2) 589 508 504 Sélénium (Se) 15,1 14,4 14,6

PM2,5 (2) 400 329 325 Zinc (Zn) 725 253 243

PM1,0 (2) 268 204 201 Produits organiques persistants

Substances impliquées dans les phénomènes d’acidification, Dioxines et furannes


524 220 137
d’eutrophisation et de photochimie (kt/an) (g ITEQ) (3)

SO2 (dioxydes de soufre) 612 465 438 HAP (Hydrocarbures


aromatiques polycycliques) 31,7 24,6 24,7
NOx (oxydes d’azote) 1 407 1 207 1 160 (t/an)

NH3 (ammoniac) 789 735 735 PCB


29,3 27,2 26,1
(Polychlorobiphényles) (kg/an)
COV non méthaniques 1 936 1 439 1 395
Hexachlorobenzène (kg/an) 50 18 13
CO (monoxyde de carbone) 7 189 5 677 5 567
(1) TSP : particules en suspension totale (Total Suspended Particles ).
Substances impliquées dans les phénomènes d’accroissement (2) PMx : matière particulaire (Particule Matter ) de diamètre inférieur à x
de l’effet de serre (kt/an) (µm).
(3) ITEQ : indice de toxicité équivalente.
CO2 (dioxyde de carbone) 359 000 341 000 336 000

CH4 (méthane) 3 019 2 664 2 630 Les poussières provoquent des irritations des voies respiratoires.
Dans des ambiances fortement polluées, des maladies profession-
N2O (protoxyde d’azote) 263 231 229 nelles ont été répertoriées, notamment l’asbestose et la silicose.
Adsorbés sur les solides en suspension, on rencontre des métaux
HFC (hydrofluorocarbures) lourds, des dioxines et furannes, du benzopyrène dans les émis-
7 236 10 689 11 283
(équivalent kt CO2) sions de moteurs Diesel. Les particules sont aussi un vecteur pri-
mordial pour la diffusion des micro-organismes (bactéries, virus...)
PCF (perfluorocarbures) sur lesquelles ils sont fixés. Les poussières et aérosols ont sur l’envi-
2 487 1 801 1 810
(équivalent kt CO2) ronnement un impact direct (respiration, visuel) et un impact indi-
rect, du fait de l’association particules-polluants ou bactéries.
SF6 (hexafluorure de soufre)
1 833 1 338 1 347
(équivalent kt CO2)
1.2 Métaux lourds et métalloïdes
Métaux lourds (t/an)
On rencontre les métaux lourds (cuivre, nickel, zinc, plomb, mer-
Arsenic (As) 12,9 10,4 10,5 cure, cadmium...) et les métalloïdes (arsenic, béryllium, sélé-
nium...) seuls ou associés à des degrés d’oxydation variables ou
sous forme organométallique. Leurs sources sont d’origine natu-
Cadmium (Cd) 12,9 5,9 6,0
relle (érosion des sols, éruptions volcaniques, feux de forêts...) ou
anthropogéniques (production d’énergie par combustion, pyromé-
Chrome (Cr) 103 40 41
tallurgie, incinération des déchets...). On observe une baisse
continue de ce type de rejets, le plus spectaculaire étant une
Cuivre (Cu) 164 162 161 décroissance drastique des rejets de plomb qui passe de 4 283 t/an
en 1990 à 134 t/an en 2005, du fait de l’interdiction réglementaire
Mercure (Hg) 13,0 8,6 8,4 de l’utilisation des essences au plomb pour les automobiles.
Chaque métal génère des effets différents sur la santé
(1) TSP : particules en suspension totale (Total Suspended Particles ).
(2) PMx : matière particulaire (Particule Matter ) de diamètre inférieur à x
humaine [8]. Le tableau 2 donne quelques informations générales
(µm). concernant l’effet des métaux sur la santé humaine ainsi que son
(3) ITEQ : indice de toxicité équivalente. impact sur l’environnement ; on considère à la fois le risque direct
et le risque après transfert de phases (air/eau ou air/matières

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est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 700v2 – 3

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1

14
Traitements de l'air
(Réf. Internet 42600)

1– Introduction 2
2– Procédés généraux de traitement Réf. Internet page

Élimination des particules G1710 17

Filtration des nanoparticules J3402 21

Procédés d'oxydation totale. Dépollution automobile et traitements de l'air et de l'eau J1216 27

Photocatalyse dans le traitement de l'air G1745 33

Absorption en traitement d'air G1750 39

L'adsorption en traitement de l'air G1770 43

Bioprocédés en traitement de l'air. Mise en oeuvre G1780 47

Bioprocédés en traitement de l'air. Modélisation et simulation de bioréacteurs G1781 51

Protection localisée par flux d'air G1791 53

Plasma non thermique et traitement de l'air G1794 57

Masquants et neutralisants dans le traitement de l'air G1795 61

3– Traitement de composés

4– Traitements par secteur d'activité

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15
2

16
Référence Internet
G1710

Élimination des particules

par Laurence LE COQ


Maître de conférences

2
École des mines de Nantes, département Systèmes énergétiques et environnement

1. Particules ................................................................................................... G 1 710 – 2


1.1 Origines des particules de l’air ................................................................... — 2
1.2 Propriétés physico-chimiques et structurales ........................................... — 4
1.3 Effets sur la santé et impacts sur l’environnement .................................. — 4
2. Mesure de concentration et répartition granulométrique
associée ...................................................................................................... — 5
2.1 Normalisation .............................................................................................. — 5
2.2 Méthodes de mesure .................................................................................. — 5
3. Réglementation ........................................................................................ — 6
3.1 En terme d’émission ................................................................................... — 6
3.2 En terme d’exposition sur le lieu de travail............................................... — 6
3.3 En termes de risques................................................................................... — 7
4. Mouvement des particules dans un fluide : rappel théorique .... — 7
4.1 Vitesse de chute d’une particule................................................................. — 7
4.2 Forces agissant sur les particules dans un fluide en mouvement .......... — 7
4.3 Correction de sphéricité .............................................................................. — 8
4.4 Influence du voisinage des particules........................................................ — 8
5. Systèmes d’épuration ............................................................................. — 8
5.1 Médias filtrants ............................................................................................ — 8
5.2 Cyclones ....................................................................................................... — 12
5.3 Électrofiltres ................................................................................................. — 13
5.4 Laveurs ......................................................................................................... — 13
5.5 Comparatif ................................................................................................... — 13
6. Quelques applications ............................................................................ — 13
6.1 Traitement des ambiances et des rejets industriels ................................. — 14
6.2 Traitement d’air intérieur ............................................................................ — 14

Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. G 1 710

a pollution de l’air peut être définie comme la présence de gaz et/ou de par-
L ticules dans une atmosphère extérieure ou intérieure et dans des concentra-
tions telles que les effets sur la santé et les impacts sur l’environnement soient
avérés. Parmi ces polluants, les particules sont issues d’une grande variété de
sources qui peuvent être d’origine anthropique ou naturelle. Selon leur origine
et leur mode de formation (particules primaires ou secondaires), les particules
polluantes présentent des caractéristiques physico-chimiques et structurales dif-
férentes. Suivant les secteurs d’activité et les applications visées, différents sys-
tèmes d’élimination des particules peuvent être utilisés et dimensionnés en
fonction de ces caractéristiques, de la concentration en particules dans l’air et
des conditions de température, pression et humidité de l’air porteur. Ces
systèmes d’épuration doivent permettre d’assurer le respect des réglementa-
Parution : janvier 2006

tions en vigueur en terme d’émission, d’exposition et de risque d’explosion.

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ÉLIMINATION DES PARTICULES ___________________________________________________________________________________________________________

1. Particules ■ Les aérosols représentent une suspension dans un gaz de parti-


cules solides et/ou liquides dont la vitesse de chute est négligeable.
La notion d’aérosol est équivalente à celle de particules totales en
suspension dans l’air ambiant pour des conditions de vent faible.
Le mot « particule » a plusieurs significations selon le domaine Les aérosols englobent les poussières, les brumes et brouillards, et
concerné (chimie, physique, thermique…). Ainsi, dans le domaine les aérosols microbiens.
de la protection de l’environnement, une particule désigne une
petite partie de matière solide ou liquide en suspension dans l’air ou
déposée sur une surface et susceptible de se mettre en suspension.
Les particules en suspension ne forment pas un seul et unique pol- 1.1 Origines des particules de l’air
luant de l’air, mais représentent plutôt une classe de polluants
constituée de plusieurs sous-classes variant dans une gamme de
granulométrie de 0,005 µm à environ 100 µm. Chaque sous-classe

2 de particules peut être constituée de ou contenir différentes espèces L’origine des particules présentes dans l’air influe sur leur granu-
chimiques. Ainsi, selon leur origine, les particules ont une gamme lométrie [1] [2], comme indiqué sur la figure 1.
de taille et une composition physico-chimique très variables, c’est
pourquoi différentes terminologies existent pour classifier, définir Les particules fines PM2,5 sont formées principalement par
ou nommer une classe de particules polluantes. condensation de gaz et de vapeurs. Elles sont essentiellement émi-
ses par des combustions incomplètes telles que trafic automobile,
■ Les particules totales en suspension, ou total suspended parti- feux de bois, activités industrielles, fumée de tabac, appareils de
culates (TSP), représentent « toutes les particules en suspension chauffage, cuisson des aliments…
dans un volume d’air » d’après les normes NF EN 12341 et NF EN
Les particules fines plus volumineuses telles que les PM10 pro-
481. Aux États-Unis, les TSP sont définies comme les particules de
viennent essentiellement de phénomènes mécaniques tels que
diamètre aérodynamique inférieur à 40 à 50 µm, alors qu’en Europe,
l’érosion. À l’intérieur des locaux, les grosses particules sont issues
elles désignent toutes les particules en suspension inférieures à
de la mise en suspension de la poussière du sol, de l’abrasion des
environ 100 µm. Les TSP sont représentatifs de la fraction inhalable
surfaces et de toutes les activités humaines (déplacement, frotte-
des particules de l’air, c’est-à-dire des particules pénétrant le corps
ment des textiles, nettoyage…). La plupart de ces grosses particules
humain par le nez ou la bouche. Cependant, une partie des TSP est
sédimentent rapidement et sont donc peu présentes dans l’air.
constituée de particules trop larges pour pénétrer le système respi-
ratoire humain, cet indicateur n’est de ce fait pas bien adapté pour En milieu urbain, les particules proviennent surtout du trafic auto-
caractériser l’impact potentiel sur la santé. mobile, en particulier des véhicules Diesel et injection et sont majo-
ritairement dans la gamme des PM2,5.
■ Les PM10 sont des particules, ou particulate matter (PM), de dia-
mètre aérodynamique équivalent inférieur à 10 µm. Cette classe de Concernant les particules d’origine industrielle, deux types sont
particules peut pénétrer le système respiratoire humain, et pour distingués [2] :
cette raison, la US Environmental Protection Agency (EPA) a défini
en 1987 les PM10 comme mesure standard de la qualité de l’air. La — les poussières d’origine mécanique, ou particules primaires,
Communauté européenne a également mis en place la directive générées par les opérations de broyage, concassage, éclatement
1999/30/CE du 22 avril 1999 pour la mesure des PM10 en remplace- d’un solide ainsi que les poussières issues de l’attrition (usure par
ment des TSP. Il n’existe pas de méthode universelle de conversion frottement) de solides divisés lors de leur transport ou de leur utili-
entre PM10 et TSP, mais l’EPA considère que les PM10 représentent sation. Ces particules sont en général de taille supérieure à 2,5 µm
40 à 70 % en masse des TSP, alors que la directive européenne pro- et contiennent une proportion très faible de particules
pose une relation simple entre les deux indicateurs : TSP = 1,2 PM10. submicroniques ;
— les particules d’origine chimique et thermique, ou particules
■ Les PM2,5 représentent les particules de diamètre aérodynamique
secondaires, sont formées lors d’un changement d’état de la
équivalent inférieur à 2,5 µm. Cette classe de particules qui pénètre
matière, lors d’une réaction chimique ou lors d’étapes de condensa-
les alvéoles pulmonaires représente un facteur pertinent pour quali-
tion de gaz ou solidification de liquides. Ces particules sont majori-
fier la qualité de l’air d’un point de vue sanitaire. Ainsi, afin de déga-
tairement de taille submicronique (PM1), mais s’agglomèrent entre
ger des tendances entre impact sur la santé et taille de particules,
elles et sur d’autres poussières pour former des particules de taille
certaines études épidémiologiques définissent une sous-classe
PM10-2,5, ou coarse particules (CP), qui représente les particules de plus importante (PM2,5).
taille inférieure à 10 µm et supérieure à 2,5 µm.

■ Les PM1,0 constituent la classe des particules de diamètre aérody-


namique équivalent inférieur à 1 µm. Cette classe de particules fait Cendres
l’objet d’études spécifiques en terme d’échantillonnage et d’impact Fum
umées
Fumées
sur la santé, elle n’est toutefois pas préconisée par les normes et Poussi
oussières
res de charbo
Poussières harbon
charbon
décrets existants.
Brouillard
■ Les poussières définissent l’ensemble des particules solides en Poussières
Poussi
oussières métallurgiques
res m
métallurgique
tallurgiques
suspension dans l’air. Le terme poussière regroupe en fait les parti-
cules solides totales en suspension (TSP solide). Le terme anglais Moteur diesel
Diesel et
et injection
injection
Poussi
oussières
res de cimen
Poussières ciment
dust désigne les particules de dimension inférieure à 75 µm issues
de processus mécaniques. Viru
Virus
irus Bactéries
Bact ries

■ Les brouillards et brumes sont formés par une suspension de Argile Limon Sable fi Sable
able fin able gro
gros
gouttelettes dans l’air. La brume est formée par une suspension de
gouttelettes liquides de taille supérieure à 1 µm dans l’air et corres- 0,001 0,01 0,1 1 10 100 1 000
pond à des conditions de visibilité de 1 à 2 km. Selon les conven- Diamètre (µm)
tions internationales, lorsque les conditions de visibilité sont
inférieures à 1 000 m, le terme de brouillard est utilisé. Figure 1 – Granulométrie des particules suivant leur origine

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__________________________________________________________________________________________________________ ÉLIMINATION DES PARTICULES

La dimension des particules détermine notamment le transfert


extérieur-intérieur des locaux. Ainsi, les particules fines (PM10) et les PM1,0 (195 kt)
PM2,5 possèdent des durées de vie et des distances de transport PM2,5 (275 kt)
dans l’air très différentes. Les PM2,5 peuvent être transportées sur PM10 (518 kt)
des distances de 100 à 1 000 km et ont une durée de vie dans l’air
TSP (1 475 kt)
pouvant atteindre plusieurs mois alors que les PM10 restent en sus-
pension quelques heures seulement. Ces particules fines se dépla- 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
cent avec les courants d’air et pénètrent à l’intérieur des locaux par %
les systèmes de ventilation. La dispersion des grosses particules est
bien plus réduite du fait de leur vitesse de déposition élevée. Transformation d’énergie Industrie manufacturière
Contrairement aux fines particules, les grosses particules extérieures Résidentiel/tertiaire Agriculture/sylviculture
pénètrent peu dans les environnements intérieurs. Transport routier Autres transports

1.1.1 Cas de l’air extérieur


Figure 2 – Distribution sectorielle des émissions de particules
en France métropolitaine en 2002 (d’après [2]) 2
La pollution de l’air extérieur par les particules anthropiques en
suspension concerne principalement les villes et les zones indus-
trielles. Phénomène d’inversion de température
En milieu urbain, la concentration en particules est généralement
la plus élevée au niveau des axes de grande circulation, notamment La nuit, le sol, qui n’est plus éclairé par le soleil, n’émet plus
lorsque la fréquentation de ces axes par des véhicules Diesel y est d’IR. Les basses couches de l’atmosphère ne sont plus
importante. En effet, il est communément admis qu’un véhicule Die- réchauffées ; elles ne s’élèvent plus par convection, et stagnent
sel émet en moyenne 60 mg de poussières par kilomètre parcouru, dans les zones basses. On a alors ce qu’on appelle une inversion
alors qu’un véhicule à essence n’émet que 3 mg/km. Il est important (temporaire) de température : il fait plus froid en bas qu’en alti-
de noter la forte influence des conditions météorologiques sur le tude.
taux de particules en suspension. Ces couches basses et froides contiennent alors souvent des
nappes de brume ou brouillard. Quelques heures après le lever
Ainsi, un pic de concentration est souvent observé en automne et du soleil, le sol, réchauffé, émet des IR qui réchauffent les cou-
en hiver, saisons pour lesquelles les chauffages domestiques et ches inférieures de l’atmosphère. Celles-ci se remettent à convecter,
urbains à base de combustibles fossiles participent aux rejets de s’élèvent, et le brouillard disparaît.
poussières. Ce phénomène est souvent amplifié par des conditions Ce régime d’inversion de température peut durer plus long-
météorologiques (absence de vent, brume, inversion de tempéra- temps que le simple matin, surtout si le régime météorologique
ture…) peu favorables à la dispersion atmosphérique des particules. est anticyclonique (pas de vent), et si un couvert de brume réflé-
À l’échelle de la journée, les heures de pointe du matin et du soir chit le rayonnement solaire. Cette réflexion empêche le réchauf-
pour lesquelles le trafic routier est le plus important entraînent une fement du sol, donc empêche le retour à un régime convectif
augmentation des concentrations en particules. Enfin, le dernier fac- normal. Une telle inversion de température peut alors durer plu-
teur à prendre en considération en ville est dû à la typologie de sieurs jours. Cette situation météorologique est assez fréquente
l’habitat urbain qui conduit à des rues « canyon » bordées d’immeu- en montagne, l’hiver.
bles. La ventilation naturelle de ces rues peut être fortement dimi- De ce fait, l’absence de régime convectif est peu favorable à la
nuée par cet effet, notamment lorsque la direction des vents dispersion atmosphérique des particules.
dominants est perpendiculaire au canyon.
Dans les zones industrielles, la cartographie des concentrations
Les PM2,5, qui représentent 275 kt de particules émises pour
en particules dépend des activités des industries mais également de
la direction et de la force des vents porteurs. Certains procédés l’année 2002, enregistrent une baisse de ses émissions d’environ
industriels sont plus polluants du point de vue des particules. Ainsi, 24 % sur les 12 ans considérés. Le principal émetteur de PM2,5 est le
les usines d’incinération, les centrales thermiques, les cimenteries, résidentiel/tertiaire, l’agriculture, le transport et l’industrie manufac-
la métallurgie ainsi que toutes les activités de manutention et trans- turière arrivant à égalité en deuxième position.
port de matériaux pulvérulents sont des producteurs de particules. Il
est important de noter cependant que depuis les années 1990, les Les émissions de PM1,0 en 2002 représentent 195 kt, soit une
émissions industrielles de particules ont été notablement réduites, baisse de 28 % entre 1990 et 2002. Ces émissions sont engendrées
essentiellement grâce à la mise en place de dispositifs de dépous- en grande partie par le résidentiel/tertiaire avec 48 % des émissions
siérage des rejets industriels. totales en 2002 à cause de la combustion de combustible. Puis le
transport routier se situe en deuxième position avec 23 % des émis-
Le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution
sions totales, du fait de la combustion du gazole.
atmosphérique (CITEPA) réalise depuis 1990 un inventaire annuel
par secteur d’activité des émissions de poussières dans l’air en
France métropolitaine suivant quatre grandeurs caractéristiques :
TSP, PM10, PM2,5, PM1,0 [2]. La figure 2 présente la répartition secto- 1.1.2 Cas spécifique de l’air intérieur
rielle des émissions de particules pour l’année 2002.
Ainsi, les émissions de particules totales (TSP) sont pour l’année
2002 de 1 475 kt tous secteurs d’activité confondus et présentent Jusqu’aux années 2000, il existait peu d’études portant sur la pol-
une diminution d’environ 9 % depuis 1990. Les deux secteurs qui lution particulaire à l’intérieur des locaux. Les premiers travaux
contribuent majoritairement aux émissions de ce polluant sont recensés en France remontent au début des années 1990, dans cer-
l’industrie manufacturière et l’agriculture. tains établissements publics sensibles comme les écoles. Un rap-
port sur la qualité de l’air intérieur datant de 2001 [3] relate une
Les émissions de PM10 s’élèvent à 518 kt en 2002 et ont enregistré
une baisse de 17 % environ entre 1990 et 2002. Comme indiqué sur quinzaine d’études réalisées dans des bâtiments français. Ces tra-
la figure 2, de nombreux secteurs participent aux émissions de vaux ont confirmé l’existence de sources intérieures de particules
PM10, tels que l’industrie manufacturière (en particulier chantiers et comme le tabagisme par exemple. Cependant, l’influence d’autres
BTP), l’agriculture (en particulier les labours) et le résidentiel/ter- facteurs comme les activités de cuisine ou de nettoyage et la pré-
tiaire (en particulier la combustion du bois, du charbon et du fioul). sence de mobilier reste difficile à quantifier.

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ÉLIMINATION DES PARTICULES ___________________________________________________________________________________________________________

Les teneurs en poussières à l’intérieur des bâtiments semblent refroidissement des gaz de combustion, les particules constituant
également fortement influencées par les échanges d’air entre l’exté- cet aérosol vont coaguler entre elles ou avec des poussières pour
rieur et l’intérieur. Les concentrations intérieures issues des pol- former des agglomérats de taille moyenne 1 à 2 µm.
luants extérieurs augmentent lorsque la taille des particules Les particules présentes dans les espaces intérieurs sont des
diminue. Ainsi, pour les particules fines volumineuses (PM10), on mélanges hétérogènes de solides organiques ou inorganiques et de
observe très souvent des ratios entre les concentrations intérieures et composés chimiques. La composition de ces particules dépend d’un
extérieures proches de 1. Les teneurs en PM2,5 dans les habitations grand nombre de facteurs allant de la localisation du bâtiment, l’uti-
varient autour d’une valeur moyenne de 25 ± 14 µg/m3 suivant lisation des pièces, leur décoration et finition aux systèmes de chauf-
l’environnement extérieur (zone urbaine, résidentielle ou rurale), le fage et ventilation. Enfin, les particules d’origine naturelle sont
bâti, le type de chauffage et la présence de fumeurs. Ces teneurs riches en oxydes de métaux (alumine, fer, titane, silice…), pollens et
moyennes sont plus élevées dans les bureaux : 34,5 ± 38,6 µg/m3. composés marins.
D’une manière générale, les teneurs en particules des lieux occupés
par des fumeurs sont environ 1,5 à 5 fois plus élevées que dans les

2 lieux non fumeurs [3]. Ce ratio intérieur/extérieur peut atteindre une


valeur de 6 pour les concentrations en PM10 dans le réseau RATP/
RER aux heures de pointe, en comparaison à l’air extérieur franci-
1.2.3 Influence de la résistivité électrique
et des charges de surface
lien. Des concentrations de 1 000 à 1 500 µg/m3 peuvent être ainsi
atteintes dans certaines stations. Ces valeurs sont largement supé- La charge électrostatique des particules joue un rôle important
rieures au seuil plafond de 377 µg/m3 fixé par le Conseil supérieur dans les mécanismes d’agrégation des particules entre elles ainsi que
d’hygiène publique de France (CSHPF) dans l’avis du 5 mai 2001. pour la capture des particules sous l’action de forces électrostatiques [6].
Cette valeur seuil est calculée sur la base de la concentration limite De la même manière, la résistivité électrique des particules est un
journalière en PM10 fixée par la directive européenne 1999/30/CE du paramètre essentiel pour la capture des particules par les électrofil-
22 avril 1999 (70 µg/m3) et en considérant une durée de deux heures tres puisque cette grandeur représente la résistance électrique de la
passée dans les stations souterraines [4]. particule divisée par sa dimension caractéristique. En effet, les élec-
Finalement, les teneurs en particules dans les locaux dépendent trofiltres sont utilisés pour des gammes de résitivité électrique de
fortement des systèmes de ventilation et de la pollution de fond poussières variant approximativement de 104 à 1011 Ω ⋅ cm [6].
extérieure. La résistivité électrique et la charge de la particule sont des pro-
priétés qui dépendent de la composition chimique de la particule, de
sa température et de sa teneur en eau.
Ainsi, la résistivité électrique de poussières de cimenterie varie de
1.2 Propriétés physico-chimiques 1011 à 1013 Ω ⋅ cm suivant la technologie du four [7].
et structurales

Les particules sont classées suivant différents paramètres structu- 1.3 Effets sur la santé et impacts
raux et physico-chimiques qui influencent à la fois leur durée de vie sur l’environnement
dans l’air, leur impact sur la santé et l’environnement et le choix des
procédés de traitement adaptés.
L’évaluation des émissions de particules revêt un grand intérêt
compte tenu de leurs actions nocives sur la santé humaine et sur
1.2.1 Taille, forme et densité l’environnement.

La dimension caractéristique de la particule est le plus souvent


définie par son diamètre aérodynamique équivalent. Le diamètre 1.3.1 Effets sur la santé
aérodynamique d’une particule est le diamètre de la sphère de
masse volumique 103 kg/m3 dont la vitesse limite de chute en air Les particules posent des problèmes spécifiques par rapport aux
calme est identique à celle de la particule dans les mêmes condi- polluants gazeux, principalement en raison de la sélectivité de
tions de pression, température et humidité relative. Le diamètre l’inhalation et du dépôt dans les voies respiratoires [5].
aérodynamique dépend notablement de la forme de la particule et Les particules ont un double effet sur la santé [2] [8] :
de sa densité [5].
— un effet lié à leur taille (figure 3) [3] :
• les particules de plus de 10 µm sont retenues dans les voies
1.2.2 Influence de la composition respiratoires supérieures et rapidement rejetées,
• les particules de diamètre compris entre 3 et 10 µm atteignent
le segment trachéo-bronchique,
La composition des particules est très variable suivant leur source • les particules de 0,01 à 3 µm atteignent les alvéoles pulmonaires.
d’émission ou de formation. Ainsi, les PM2,5 d’origine urbaine (pro- Il se dégage un consensus pour considérer que l’essentiel des
duction d’énergie et trafic routier) sont majoritairement constituées effets sanitaires liés à la pollution atmosphérique particulaire est
2–
de sulfates ( SO 4 ), nitrates (NO3–), composés organiques et carbone le fait de ces particules fines,
• les particules de taille inférieure à 0,001 µm se comportent
élémentaire. Les particules d’origine industrielle et plus particulière- comme une molécule et peuvent ressortir après inhalation ;
ment celles issues de la combustion du charbon sont essentielle- — un effet lié à leurs caractéristiques toxicologiques, physico-
ment constituées de trois familles de composants : chimiques [8] et microbiologiques [9] :
— les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) provenant • les particules contiennent des produits nocifs pour la santé
du carbone organique imbrûlé lors de la combustion (de 1 à 90 % de tels que les métaux lourds et les hydrocarbures aromatiques poly-
la masse de particules suivant les conditions de combustion) ; cycliques,
— les matières minérales contenues dans le charbon peuvent • la nocivité dépend également de l’état cristallographique, de la
s’échapper avec les particules (Si, Al, Ca, Fe, …) ; surface des composés et de leur solubilité,
— les métaux lourds contenus dans le charbon peuvent être • les particules peuvent transporter des micro-organismes
vaporisés au niveau du brûleur. La vapeur métallique résultante vivants tels que moisissures, bactéries ou virus, ainsi que des
forme un aérosol ultrafin (10 à 30 nm) par nucléation. Lors du fragments microbiens, voire des composés organiques volatiles

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J3402

Filtration des nanoparticules

par Dominique THOMAS


Professeur
Laboratoire Réactions et Génie des Procédés, CNRS, Université de Lorraine, Nancy,

2
France

Augustin CHARVET
Maı̂tre de conférences
Laboratoire Réactions et Génie des Procédés, CNRS, Université de Lorraine, Nancy,
France

Denis BEMER
Responsable d’études
Département Ingénierie des Procédés, INRS, Vandoeuvre, France

et Sandrine CHAZELET
Responsable d’études
Département Ingénierie des Procédés, INRS, Vandoeuvre, France

1. Caractérisation des nanoparticules ............................................ J 3 402 – 3


1.1 Définitions .......................................................................................... — 3
1.2 Structure d’une particule nanostructurée ......................................... — 3
1.3 Détermination de la distribution granulométrique ........................... — 3
1.4 Adhésion d’une couche de nanoparticules sur une surface ............. — 4
2. Séparation par filtres à fibres ...................................................... — 4
2.1 Efficacité ............................................................................................. — 5
2.1.1 Diverses expressions de l’efficacité unitaire de collecte
par diffusion............................................................................. — 6
2.1.2 Rebond thermique ................................................................... — 8
2.1.3 Incidence des fuites sur l’efficacité de collecte ...................... — 8
2.2 Perte de charge d’un média filtrant ................................................... — 8
2.3 Évolution des performances au cours du colmatage ....................... — 9
2.4 Protection individuelle ....................................................................... — 10
2.4.1 Grandes familles d’appareils de protection respiratoire
(APR) ........................................................................................ — 10
2.4.2 Fonctionnement des APR filtrants .......................................... — 11
2.4.3 Choix de l’APR .........................................................................
Parution : octobre 2019 - Dernière validation : octobre 2020

— 12
2.5 Protection collective ........................................................................... — 12
2.5.1 Cas des filtres non régénérables ............................................ — 12
2.5.2 Cas des dépoussiéreurs .......................................................... — 13
3. Des voies alternatives aux médias filtrants .............................. — 15
3.1 Électrofiltres ....................................................................................... — 15
3.2 Lits granulaires ................................................................................... — 16
3.3 Laveurs ............................................................................................... — 18
3.4 Comparatif des différentes voies ....................................................... — 20
4. Conclusion........................................................................................ — 20
5. Glossaire ........................................................................................... — 21
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 3 402

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 402 – 1

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FILTRATION DES NANOPARTICULES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

e développement des nanoparticules manufacturées en forte activité a


L conduit à s’interroger sur le risque potentiel qu’elles peuvent présenter
pour la santé des personnes et l’environnement du fait de leurs propriétés spé-
cifiques (citons leur surface spécifique, leur forme, leur charge, leur potentiel
oxydant, etc.).
Un certain nombre d’études sont ou ont été consacrées aux effets sanitaires
ou environnementaux de telles ou telles particules nanométriques mais la
nature de ces dernières est si variée qu’une évaluation exhaustive semble illu-
soire. En conclusion, compte tenu de l’absence d’information sur le caractère
nocif ou non de telle ou telle nanoparticule, le principe de précaution prévaut.

2
Des mesures efficaces de prévention des risques doivent, en conséquence, être
mises en œuvre.
Dans le domaine de la protection des personnes, de l’environnement, la filtra-
tion de l’air à travers un milieu fibreux reste un procédé incontournable. Cette
technique d’épuration est abordée, en s’intéressant plus particulièrement aux
mécanismes de collecte des nanoparticules et à l’évaluation de la perte de
charge et de l’efficacité au cours du colmatage. La protection individuelle et
collective avec et sans régénération des médias filtrants est ensuite présentée.
Les études bibliographiques et les retours d’expérience mettent en exergue le
pouvoir très colmatant des nanoparticules, ce qui limite très fortement la durée
de vie des filtres à fibres utilisés dans le domaine de la ventilation ou nécessite
une régénération fréquente des dépoussiéreurs industriels qui s’avère souvent
inefficace. Des solutions sont, par conséquent, proposées pour répondre à cette
problématique. Enfin, des solutions alternatives aux filtres à fibres en cours de
développement sont exposées.
En fin d’article, un glossaire donne des termes et expressions importants de
l’article.

Principaux sigles Principaux symboles (suite)

APR Appareil de Protection Respiratoire Symbole Description Unité

EPI Équipements de Protection Individuelle B Perméabilité du dépôt m2

FPA Facteur de Protection Assigné C Concentration quantité/m3 ou kg/m3

FPN Facteur de Protection Nominal CE Coefficient d’épuration –

High Efficiency Particulate Air Co Facteur de recouvrement –


HEPA
(filtre à air à très haute efficacité)
Cu Coefficient de Cunningham –
Most penetrating particule size
MPPS
(diamètre de la particule la plus pénétrante) Coefficient de Cunningham
Cudpp (défini par rapport à la particule –
PTFE polytétrafluoroéthylène primaire)

Particules Ultrafines, particules dont DP Perte de charge Pa


PUF
la taille est inférieure à 100 nm.
DPM Perte de charge du média Pa
THE Très haute efficacité
DPD Perte de charge du dépôt Pa
VLEP Valeur Limite d’Exposition Professionnelle
DPo Perte de charge du filtre vierge Pa

db Diamètre des bulles m


Principaux symboles
df Diamètre des fibres m
Symbole Description Unité
Coefficient de diffusion de la
a Compacité du filtre –
Ᏸ m2/s
particule

aD Compacité du dépôt – dp Diamètre des particules m

J 3 402 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– FILTRATION DES NANOPARTICULES

Principaux symboles (suite) 1. Caractérisation


Symbole Description Unité
des nanoparticules
Diamètre de la particule
dpp m
primaire 1.1 Définitions
E Efficacité – Un aérosol est défini comme une suspension dans un gaz (géné-
ralement de l’air) de particules solides ou liquides présentant une
Fc Facteur de correction – vitesse de chute négligeable. Dans l’air et dans les conditions pro-
ches des conditions ambiantes (20  C et 101 kPa), cela correspond à
h Hauteur de fluide m des particules de taille inférieure à environ 100 mm.

2
Certains aérosols peuvent être composés de particules ultrafines
Facteur hydrodynamique de (PUF) ou nanoparticules caractérisées par les trois dimensions
HFan –
Fan : externes inférieures à 100 nm. De par leur faible taille associée à
des concentrations élevées, les nanoparticules présentent une
Facteur hydrodynamique de forte propension à s’agglomérer formant ainsi des agglomérats ou
HKu –
Kuwabara des agrégats de particules nanométriques, à l’image des particules
de suies ou des fumées de soudage [1]. Bien que souvent
Facteur hydrodynamique de employés indifféremment, les termes agglomérat et agrégat défi-
HLa –
Lamb nissent des objets distincts. Ainsi selon la norme ISO/TS 27687 :
h Efficacité unitaire – – un agrégat est un ensemble de particules fortement liées ou
fusionnées entre elles dont la surface externe peut être significati-
k Résistance spécifique du dépôt m/kg vement plus petite que la somme des surfaces de chacun de ses
composants ;
kb Constante de Boltzmann 1,381 x 10- 23
J/K – un agglomérat est un ensemble de particules, d’agrégats ou de
mélange des deux, faiblement liés dont la surface externe résul-
Kn Nombre de Knudsen (2 l/dp) – tante est similaire à la somme des surfaces de chacun de ses
composants.
Nombre de Knudsen de fibres Puisque la taille de tels objets peut sensiblement dépasser
Knf –
(2 l/df) 100 nm, il est difficile de parler de nanoparticules. C’est la raison
pour laquelle, il est d’usage d’utiliser le terme générique de parti-
Libre parcours moyen des cules nanostructurées pour désigner ces agglomérats ou ces
l m agrégats.
molécules de gaz

m Viscosité dynamique Pa.s


1.2 Structure d’une particule
MS Masse surfacique du dépôt kg/m 2 nanostructurée
W Surface de filtration m2 La conformation des particules nanostructurées est complexe et
est souvent assimilée à une morphologie quasi-fractale
P Perméance – (figure 1) [2]. La dimension fractale Df [AF 4 500] qui varie de 1 à 3
permet de caractériser la forme et la compacité des particules
Pe Nombre de Péclet – nanostructurées.
La morphologie des agrégats ou agglomérats et la taille des par-
Q Débit de filtration m3/s ticules constitutives de ces structures également appelées particu-
les primaires vont influer fortement la surface spécifique des parti-
Débit massique de la source de cules (surface développée par les particules sur leur volume ou leur
qp kg/s masse) et par conséquent la résistance aéraulique d’un dépôt de
particules
particules nanostructurées obtenues par filtration (§ 2.3).
T Température K
Exemples : quelques valeurs de surface spécifique de particules
Ref Nombre de Reynolds de fibres – nanostructurées mesurée par BET (théorie de Brunauer, Emmett et
Teller) [3] sont listées tableau 1.
r Masse volumique du gaz kg/m3
1.3 Détermination de la distribution
rp Masse volumique des particules kg/m3
granulométrique
Vitesse ascensionnelle de la Compte tenu des dimensions des nanoparticules, la détermina-
Ub m/s tion de la distribution granulométrique de telles particules n’est
bulle de gaz
pas chose aisée. Par ailleurs, en raison de leur morphologie singu-
Uf Vitesse de filtration m/s lière, les particules nanostructurées ne peuvent être caractérisées
par un diamètre géométrique comme les particules sphériques. Il
Z Épaisseur du média filtrant m est donc fait appel à des techniques de mesure très spécifiques
pour déterminer un diamètre équivalent à partir de la mesure
ZD Épaisseur du dépôt m d’une propriété particulière.
Citons les principaux diamètres équivalents suivants.

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FILTRATION DES NANOPARTICULES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

D1 = 1,5 D1 = 1,75 D1 = 2,00 D1 = 2,25 D1 = 2,50 D1 = 3,00

Figure 1 – Exemples de structure d’agglomérats de différentes dimensions fractales [2]

2 Tableau 1 – Valeurs de surface spécifique de quelques particules nanostructurées mesurée par BET
Nature SiO2 ZrO2 Fe3O4 Fe2O3

Type agrégat agrégat agrégat agglomérat

Diamètre moyen des particules primaires (nm) 7±3 19 ± 7 22 ± 5 22 ± 16


2
Surface BET (m /g) 198,3 39,1 40,3 39,2

Diamètre de Stokes : diamètre de la sphère de même masse exemple, les revêtements de surface à base de polytétrafluoroéthy-
volumique et de même vitesse limite de chute que la particule lène (PTFE) [9].
considérée. De nombreuses corrélations de ces forces sont proposées dans
Diamètre aérodynamique : diamètre de la sphère de densité la littérature [10] [11]. Toutes les expressions de la force d’adhésion
égale à 1 ayant la même vitesse limite de chute dans un gaz que particule-surface montrent une proportionnalité entre cette force et
la particule considérée. le diamètre des particules (dp) [6]. Cependant, dans le cadre d’un
Diamètre thermodynamique (ou diffusionnel) : diamètre de la dépôt de particules, le nombre de contacts par unité de surface de
sphère ayant le même coefficient de diffusion brownienne que la la couche de particules avec la surface est inversement proportion-
particule considérée. nel à la taille des particules (dp) au carré, la force d’adhésion de
la couche est alors inversement proportionnelle à dp [12] [10]. En
Diamètre de mobilité électrique : diamètre de la sphère portant conséquence, la force adhésion d’un dépôt de nanoparticules sur
une charge électrique élémentaire et de même mobilité électrique une surface augmente avec la diminution de la taille des particules.
que la particule considérée. Ce constat, qui a pu être vérifié expérimentalement, notamment
Pour rappel, la vitesse limite de chute ou vitesse terminale d’une par Aguiar [10] est à l’origine de la régénération difficile des médias
particule est la vitesse atteinte lorsque la résistance du fluide dans filtrants des dépoussiéreurs (§ 2.5.2).
lequel elle sédimente (air dans notre cas) compense son poids. Son
accélération est alors nulle et par conséquent sa vitesse reste
constante.
L’impacteur basse pression ou le SMPS (Scanning Mobility Parti- 2. Séparation par filtres
cle Sizer) sont les granulomètres les plus utilisés dans ce domaine.
Ils donnent une distribution granulométrique respectivement en
à fibres
fonction du diamètre aérodynamique ou du diamètre en mobilité
électrique. Ces appareils délivrent une distribution en nombre à
partir de laquelle la distribution en masse peut être calculée La filtration par filtres à fibres reste, à l’heure actuelle, le procédé
connaissant la densité effective des particules, définie par le rap- le plus utilisé pour purifier l’air des particules en suspension car il
port entre la masse de la particule nanostructurée et son volume présente généralement un bon compromis entre une efficacité éle-
déterminé à partir de son diamètre de mobilité électrique [4] [5]. vée et une dépense énergétique acceptable.

Pour plus d’informations sur la caractérisation des aérosols,


consulter les ouvrages suivants [6] [7] [8] ou les arti- Les systèmes de protections collectives ou individuelles (fil-
cles [AF 3 612] et [AF 3 613]. tres de ventilation, appareil de protection respiratoire) ou les
dépoussiéreurs industriels (filtres à manches ou à cartouches fil-
trantes) sont composés de médias fibreux non tissés, c’est-à-
1.4 Adhésion d’une couche dire « un produit manufacturé fait d’un voile ou d’une nappe
de fibres individuelles, orientées directement ou au hasard,
de nanoparticules sur une surface liées par friction, cohésion ou adhésion » selon l’European Dis-
posal and Nonwovens Association.
La taille, la morphologie et la charge électrique des particules
vont avoir une influence sur l’adhésion de la couche établie à la sur-
face du filtre. Les principales forces régissant l’adhésion particule –
Ces médias sont caractérisés par le grammage (G) (masse sur-
surface sont les forces de Van der Waals, capillaire et électrosta-
facique du média fibreux), l’épaisseur (Z) qui varie typique-
tique. Généralement, les forces de Van der Waals et capillaire sont
ment entre 20 et 5 000 mm, la compacité (a) rapport du volume
supérieures à la force électrostatique. Mais dans le cas de particu-
des fibres sur le volume du média fibreux (généralement infé-
les fortement chargées, la force électrostatique peut être dominante
rieure à 20 %) et le diamètre moyen des fibres (df).
en particulier lors de l’emploi de certains matériaux comme, par

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– FILTRATION DES NANOPARTICULES

La filtration repose sur l’écoulement d’une phase continue (gaz)


et d’une phase dispersée (particules) initialement mélangées (i.e. Trajectoire Ligne de courant
l’aérosol) au travers d’un milieu poreux (le média filtrant) afin de
collecter les particules par le média. Compte tenu de ce principe
de séparation, il est facile de comprendre que la structure du Diffusion
média filtrant va conditionner sa perte de charge et son efficacité
initiales vis-à-vis des particules à filtrer et que ses performances Impaction
Fibre
vont évoluer au fur et à mesure que la masse de particules collec- Interception
tées augmente.

2.1 Efficacité Particule

L’efficacité de collecte d’un filtre à fibres peut facilement être

2
Figure 2 – Collection des particules par diffusion, impaction
déterminée à partir de mesures de concentration particulaire effec- et interception
tuées en amont et aval du filtre. Si la perte de charge du filtre est
peu importante, les débits volumiques en amont et en aval du filtre
peuvent être assimilés. L’efficacité globale du séparateur est alors

Efficacité
donnée par :
Caval
E = 1− (1)
Camont

Pour un filtre très efficace, il est d’usage d’exprimer son efficacité


par la perméance (P) ou le coefficient d’épuration (CE), appelé par-
fois facteur de protection (FP) :

Caval 1 Capture par Capture par


P= = 1− E = (2) diffusion Impaction, interception
Camont CE

Il est possible, pour un média fibreux homogène dans sa struc-


ture et sa composition, d’évaluer son efficacité initiale :

⎛ α Z ⎞
E = 1 − exp ⎜ − 4η (3)
⎝ 1 − α πdf ⎟⎠
MPPS
Diamètre des particules
avec a compacité du filtre (= 1 - porosité),
h efficacité unitaire de collecte d’une fibre, Figure 3 – Évolution type de l’efficacité fractionnelle de collecte d’un
filtre à fibres
Z (m) épaisseur du filtre,
df (m) diamètre des fibres supposées toutes de la mécanismes de capture en les supposant indépendants les uns
même taille. des autres. Soit

L’efficacité unitaire de collecte d’une fibre (h) peut être considé- n


rée comme la probabilité de capture de la particule de taille donnée η = ∑ ηi (4)
par la fibre. Une erreur très répandue consiste à supposer que seul 1
un effet tamis est responsable de la capture des aérosols par un
La figure 3 illustre l’influence de la taille des particules sur trois
milieu fibreux. En réalité, plusieurs mécanismes concourent à la
des mécanismes décrits précédemment et sur l’efficacité fraction-
capture des particules par les fibres [6] [7] [13]. Parmi les principaux
nelle du filtre (i.e. l’efficacité en fonction de la taille des particules).
(figure 2) citons :
– l’impaction inertielle : sous l’effet de son inertie, une particule Pour des filtres performants, l’efficacité fractionnelle présente
quitte sa ligne de courant pour s’impacter à la surface de la fibre. une évolution similaire à celle donnée figure 3 avec une valeur
Ce mécanisme est surtout prépondérant pour les particules micro- minimale pour une taille de particules située généralement entre
niques (dp > 1 mm) ; 100 et 500 nm, appelée taille de la particule la plus pénétrante
– la diffusion brownienne : ce mécanisme est significatif pour MPPS (Most Penetrating Particle Size). Ce domaine de taille corres-
une particule de faible taille (dp < 0,1 mm) qui, sous l’action de l’agi- pond à des particules trop grosses pour que le mécanisme de diffu-
tation brownienne, quitte sa ligne de courant pour venir au contact sion brownienne soit efficace et trop petites pour que les mécanis-
de la fibre ; mes d’impaction ou d’interception directe jouent un rôle important.
– l’interception directe : une particule de taille supérieure à C’est dans ce domaine de dimension, que sont testés les filtres à air
0,1 mm peut être interceptée par la fibre si sa ligne de courant à très haute efficacité (HEPA) ou à très faible pénétration (ULPA)
l’approche à une distance inférieure à son rayon ; (norme NF EN 1822) ou les appareils de protection respiratoire
– les effets électrostatiques : si la particule et/ou la fibre sont (norme NF EN 149 pour les demi-masques filtrants par exemple).
chargées électriquement, la force électrostatique (force image,
force de polarisation ou force coulombienne) ainsi générée peut Exemple : les filtres à très haute efficacité type H13 ou H14, selon
modifier la trajectoire de la particule et favoriser sa capture par la la norme NF EN 1822, présentent respectivement une efficacité mini-
fibre. male à la MPPS supérieure ou égale à 99,95 et 99,995 %. L’efficacité
de ces filtres vis-à-vis des nanoparticules est donc supérieure à ces
La plupart des auteurs considèrent l’efficacité unitaire de collecte valeurs dans les mêmes conditions opératoires.
d’une fibre comme étant la somme des efficacités de chacun des

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Procédés d’oxydation totale


Dépollution automobile
et traitements de l’air et de l’eau
2
par Daniel DUPREZ
Directeur de recherche CNRS
IC2MP Institut de chimie, des milieux et matériaux de Poitiers – Université de Poitiers

1. Définitions et symboles.......................................................................... J 1 216 - 2


2. Dépollution des gaz d’échappement automobile............................ — 3
2.1 Contexte........................................................................................................ — 3
2.2 Dépollution des moteurs à essence ........................................................... — 4
2.2.1 Pot catalytique « trois-voies » ............................................................ — 4
2.2.2 Principales réactions mises en jeu .................................................... — 4
2.2.3 Oxydation du monoxyde de carbone ................................................ — 5
2.2.4 Oxydation des alcanes........................................................................ — 6
2.2.5 Autres hydrocarbures et composés oxygénés ................................. — 8
2.2.6 Réduction des oxydes d’azote ........................................................... — 8
2.3 Dépollution des moteurs Diesel ou à essence pauvre .............................. — 10
2.3.1 Contexte............................................................................................... — 10
2.3.2 Élimination des oxydes d’azote des moteurs Diesel........................ — 10
2.4 Conclusions sur la dépollution des véhicules automobiles ..................... — 12
3. Dépollution de l’air et de l’eau en station fixe ................................ — 12
3.1 Dépollution de l’air par oxydation des composés organiques volatils
(COV) ............................................................................................................. — 13
3.1.1 Oxydation des hydrocarbures et des composés oxygénés............. — 13
3.1.2 Oxydation des composés chlorés...................................................... — 15
3.2 Dépollution de l’eau par oxydation des polluants organiques ................ — 17
3.2.1 Généralités sur le traitement de l’eau par voie catalytique ............. — 17
3.2.2 Différents procédés d’oxydation catalytique .................................... — 17
3.3 Conclusions sur les procédés catalytiques de dépollution de l’air
et de l’eau en station fixe ............................................................................ — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 1 216

a catalyse d’oxydation occupe une place de choix dans les procédés de


L dépollution. Elle permet de travailler dans des conditions plus douces de
température et de pression pour atteindre des niveaux élevés de conversion
des polluants.
Les pots catalytiques automobiles (ou convertisseurs) sont un exemple très
démonstratif de ce qu’il est possible de faire dans ce domaine. La mise en
œuvre de ces pots a tout d’abord été réalisée dans la ligne d’échappement des
moteurs à essence. Le procédé « trois-voies » permet sur un seul catalyseur
d’abaisser les teneurs des trois polluants majeurs (CO, HC, NOx) au-dessous
des teneurs fixées par les normes de l’Union Européenne. Ce procédé est
mature et les progrès attendus viendront de la durabilité des matériaux
employés dans le convertisseur, les constructeurs visant une longévité égale
ou supérieure à 240 000 km. La situation est très différente pour les moteurs
Parution : juin 2013

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est strictement interdite. – © Editions T.I. J 1 216 – 1

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PROCÉDÉS D’OXYDATION TOTALE _____________________________________________________________________________________________________

fonctionnant en mélange pauvre (c’est-à-dire en excès d’air) : moteur Diesel ou


moteur à essence « pauvre ». Le gaz d’échappement étant très oxydant, la
réduction des oxydes d’azote y est complexe et représente un défi pour la
chimie. Les solutions envisagées sont la réduction par l’ammoniac (issue de
l’hydrolyse de l’urée) ou des systèmes de pièges à NOx fonctionnant en régime
transitoire. Dans tous les cas, si on inclut le filtre à particules, pas moins de
trois pots en série sont nécessaires, ce qui rend la dépollution de ces moteurs
à la fois coûteuse et complexe. Les progrès attendus viendront de la compacité
de ces systèmes en cherchant à placer plusieurs catalyseurs dans le même pot
de façon à se rapprocher du système « idéal » rencontré dans les moteurs à
essence (un seul pot). En parallèle, les progrès sur la durabilité des matériaux

2 sont d’actualité puisque la même exigence existe pour ces systèmes implantés
dans l’échappement Diesel (240 000 km).
La catalyse d’oxydation est également présente dans les procédés de traite-
ment de l’air et de l’eau en station fixe. Néanmoins, les procédés catalytiques
ne sont pas aussi développés que dans le secteur automobile probablement
parce qu’il existe des procédés alternatifs plus simples et réputés moins coû-
teux. L’élimination des COV de l’air est certainement le procédé qui se prête le
mieux à un traitement catalytique. Les matériaux utilisés sont très semblables
à ceux que l’on rencontre dans les pots catalytiques avec une prédominance
des catalyseurs à base de métaux nobles (Pt, Pd). Les progrès attendus dans ce
domaine sont du même ordre qu’en catalyse automobile avec une durabilité
accrue des matériaux et surtout l’abaissement du coût du catalyseur en substi-
tuant les métaux nobles par des oxydes meilleur marché. Dans ce domaine, les
pérovskites de type LaMnO3 ou LaCoO3 (ou les combinaisons ternaires et qua-
ternaires des différents cations) occupent une place de choix. La catalyse est
encore peu présente dans les procédés d’oxydation des polluants de l’eau
(oxydation « voie humide » ou OVH). Les procédés classiques (adsorption, oxy-
dation biologique, oxydation chimique non catalysée, incinération...) sont
toujours très largement utilisés. Les procédés OVH catalysés sont actuellement
réservés au traitement d’effluents industriels à pollution bien ciblée. Une des
raisons à cet état de fait est la faible stabilité des catalyseurs en milieu aqueux.
Les progrès attendus viendront là également de l’amélioration de la tenue des
matériaux dans l’eau lors des traitements.
Comme il est d’usage dans ce milieu professionnel, les pourcentages ou teneurs
de composé indiqués dans ce texte, sont sauf précision contraire, massiques.

1. Définitions et symboles COV-NM (COV non méthanique) : c’est l’ensemble des COV
hors méthane.
DBO (demande biologique en oxygène) : caractérise la bio-
dégradabilité des polluants dans l’eau.
Catalyseur « trois-voies » : catalyseur fonctionnant à la
stœchiométrie et assurant simultanément l’oxydation de CO et DCO (demande chimique en oxygène) : mesure la quantité
des HC et la réduction des NOx . Il équipe les véhicules à d’oxygène nécessaire pour oxyder totalement les polluants
essence. dans l’eau.
Cérine : oxyde de cérium CeO2 largement utilisé dans les Enduit ou wash-coat : couche d’oxyde que l’on dépose sur
catalyseurs automobiles pour stocker l’oxygène grâce aux les parois du monolithe. L’enduit supporte lui-même les
propriétés redox du couple Ce4+/Ce3+. Cette propriété permet métaux précieux.
au catalyseur de continuer à travailler pendant les phases
riches (déficitaire en O2). GC-MS : méthode d’analyse des effluents couplant la chro-
COT (carbone organique total) : mesure la quantité de carbone matographie en phase gazeuse (GC) et la spectrométrie de
inclus dans l’ensemble des polluants organiques d’une eau. masse (MS), voir un exemple sur la figure 13. La même tech-
nique existe avec la chromatographie liquide (LC-MS). La
COV (composé organique volatil) : en droit français, le mot spectrométrie de masse apporte sa haute résolution pour
COV s’applique à tout composé organique de pression de l’identification des composés éluant dans chaque pic chroma-
vapeur supérieure à 10 Pa à 20 oC et à la pression atmosphé- tographique.
rique. La notion de toxicité n’est pas incluse dans la définition
des COV. HAP (hydrocarbure aromatique polycyclique).

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______________________________________________________________________________________________________ PROCÉDÉS D’OXYDATION TOTALE

d’échappements : étaient visés le monoxyde de carbone CO et les


HC : hydrocarbures imbrûlés à l’échappement automobile. hydrocarbures imbrûlés HC. Une norme sur les rejets d’oxydes
Cette dénomination comprend également les composés orga- d’azote NO + NO2 (NOx) puis sur les particules de suies est venue
niques oxygénés. compléter l’arsenal réglementaire. Les travaux menés en un temps
K : Constante d’équilibre d’adsorption (équation de record (quelques années) aboutirent à la mise en œuvre des pots
Langmuir et cinétique des réactions, équations (14) à (16). catalytiques. Au début, le catalyseur était sous forme de billes puis
k : constante de vitesse. très vite vinrent les pots sous forme de monolithes en nid d’abeille,
abaissant de façon substantielle la perte de charge dans le
Monolithe : matériau multicanaux supportant le catalyseur. convertisseur, et donc la surconsommation de carburant. L’Australie
Il peut être en cordiérite (silico-aluminate de magnésium), en et le Japon suivirent très vite l’exemple américain. En Europe, les
métal ou en carbure de silicium SiC pour certaines appli- premières réglementations communautaires datent de 1989. En
cations. 1993, tous les véhicules neufs devaient être équipés. La réglemen-
Moteur pauvre : moteur fonctionnant en excès d’air. C’est le tation est revue environ tous les 5 ans en se sévérisant (site web de
cas du moteur Diesel. Le moteur à essence fonctionne norma-
lement à la stœchiométrie (rapport massique air/carburant de
14,7). Certains moteurs à essence sont dits « pauvre » car ils
l’AECC). En 2014, tous les véhicules neufs devront être conformes à
la norme Euro 6. L’évolution de cette réglementation depuis 2000
pour les véhicules à essence est rappelée dans le tableau 1. Pour les
2
sont volontairement réglés pour travailler en excès d’air. véhicules Diesel, les normes portent sur le CO, les NOx , la somme
NOx : oxydes d’azote soumis à réglementation. Il s’agit de HC + NOx et les particules. Les normes sont maintenant très proches
NO et de NO2. Le protoxyde d’azote N2O est un gaz à effet de de celles des véhicules à essence, ce qui complique la tâche des
serre mais il n’est pas toxique, donc non soumis à réglemen- constructeurs, les moteurs Diesel émettant plus de particules que
tation. les moteurs à essence et fonctionnant en régime très excédentaire
en oxygène peu propice à la réduction des NOx (voir encadré pour
OVH (oxydation voie humide) ou WAO (Wet Air Oxidation ) terminologie).
désigne l’ensemble des procédés d’oxydation des polluants
organiques de l’eau par l’oxygène de l’air, voir le tableau 10 Même si les normes sur les moteurs à essence et les moteurs
pour les terminologies spécifiques avec d’autres oxydants fonctionnant en régime pauvre (Diesel, moteur à essence pauvre)
(H2O2 ou ozone). sont désormais très proches, les technologies de dépollution
OVHC : procédé d’OVH catalysé. demeurent extrêmement différentes et certainement plus
complexes pour les moteurs Diesel. Nous commençons donc à
P : pression des réactifs.
décrire les technologies « essence » plus matures avant d’exami-
PCB (polychlorobenzène). ner le cas du Diesel.
PCDD (polychlorodibenzodioxines) ou simplement
« dioxines ».
PCDF (polychlorodibenzofuranes) ou simplement « furanes ». Terminologie de la combustion moteur
Pérovskite : classe d’oxyde de formule générale ABO3 , uti-
lisé en catalyse en substitution des métaux nobles. Les princi- Il faut en principe 14,7 kg d’air pour obtenir la combustion
paux représentants de cette classe sont LaMnO3 et LaCoO3 complète de 1 kg de carburant (moyen). Si ce rapport est
(voir § 3.1.1). respecté, on dit que le moteur fonctionne à la stœchiométrie.
Réaction de déplacement du gaz à l’eau (Water Gas Shift) : Le rapport λ mesure l’écart à cette stœchiométrie. Il est égal
réaction entre CO et l’eau produisant du CO2 et de au rapport massique (air/carburant) réel divisé par 14,7 :
l’hydrogène. La réaction est exothermique [équation (7)]. – si λ > 1 le mélange est dit « pauvre » en carburant
SCR (réduction catalytique sélective ou Selective Catalytic c’est-à-dire excédentaire en oxygène ;
Reduction) : désigne les procédés de réduction sélective des – si λ < 1 le mélange est dit « riche » en carburant
NOx . Le mot sélectif signifie que le réducteur réagit sélecti- c’est-à-dire déficitaire en oxygène.
vement avec les NOx et non avec O2 . Le réducteur peut être Les moteurs à essence conventionnels fonctionnent à la
un hydrocarbure (HC-SCR) ou l’ammoniaque (NH3-SCR). stœchiométrie avec une régulation d’injection par sonde
TOF (fréquence de rotation ou Turnover Frequency ) : acti- lambda. Les moteurs Diesel fonctionnent en mélange pauvre
vité d’un catalyseur rapportée à l’unité de site actif (par et émettent de ce fait à l’échappement un gaz très oxydant.
exemple pour un catalyseur métallique, mole de réactif trans-
formé par mole d’atomes de métal accessible par seconde, ou
simplement seconde–1).
Vaporeformage : réaction entre un hydrocarbure et de l’eau Tableau 1 – Réglementation européenne
produisant des oxydes de carbone et de l’hydrogène. Cette en matière d’émissions automobiles
réaction peut se produire lorsque le gaz est réducteur (défaut pour les véhicules à essence légers
d’oxygène). Elle est endothermique. (en g/km)
Euro 3 Euro 4 Euro 5 Euro 6
Polluant
2000 2005 2009 2014
2. Dépollution des gaz CO 2,3 1,0 1,0 1,0
d’échappement automobile HC 0,2 0,1 0,1 0,1

NOx 0,15 0,08 0,06 0,06


2.1 Contexte
Particules – – 0,005 0,005 (1)
À la fin des années 1960, devant l’ampleur de la pollution auto-
mobile, l’État de Californie suivi par le gouvernement fédéral des (1) Cette norme en g/km se double d’une norme en nombre de particules :
États-Unis imposa une législation en matière de rejet des gaz 6,0 × 1011 par km.

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PROCÉDÉS D’OXYDATION TOTALE _____________________________________________________________________________________________________

2.2 Dépollution des moteurs à essence 2.2.2 Principales réactions mises en jeu
Les émissions des moteurs à essence à allumage commandé Il s’agit tout d’abord des réactions d’oxydation de CO
contiennent des polluants à éliminer (CO : 0,5 à 1 %, NO : 0,03 à [réaction (1)] et des hydrocarbures [réaction (2) écrite dans le cas
0,1 %, hydrocarbures et autres composés organiques : 0,2 à 0,7 % du propane] et des réactions de réduction des oxydes d’azote par
équivalent C1) dilués dans un gaz de fond composé d’azote (70 à le CO ou l’hydrogène [réactions (3) et (4)]. Dans ce qui suit, les
75 %), d’oxygène (0,2 à 2 %), d’hydrogène (0,1 à 0,4 %) et de quan- enthalpies de réaction sont calculées pour des réactifs et produits
tités importantes de dioxyde de carbone (11 à 13 %) et de vapeur gazeux.
d’eau (10 à 12 %). Il convient de noter qu’il s’agit de compositions CO + 1 O 2 → CO 2 ∆H 298
0 = − 283 kJ ⋅ mol−1 (1)
2
volumiques et que les fourchettes indiquées pour les polluants
peuvent, dans certains cas, être beaucoup plus larges. Ce mélange
gazeux, soumis à l’action d’un catalyseur métallique à haute tem- C 3H8 + 5 O 2 → 3CO 2 + 4H2O 0 = − 2 044 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (2)
pérature (généralement 400 à 500 oC, mais celle-ci est susceptible

2 de fluctuer dans de larges proportions), subit un grand nombre de


réactions au cours desquelles les polluants sont éliminés [2] [3].
Après une présentation succincte de la solution technique (cataly-
Nous verrons que les métaux nobles sont tous efficaces dans
l’élimination de CO alors que Pt et Pd sont les plus actifs en oxy-
dation des hydrocarbures (surtout des alcanes légers).
seur trois-voies), nous examinons les propriétés intrinsèques des
métaux utilisés (Pt, Rh, Pd), ainsi que la cinétique et le mécanisme NO + CO → 1
2 N2 + CO 2 0 = − 374 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (3)
des principales réactions mises en jeu.
NO + H2 → 1
2 N2 + H2O 0 = − 332 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (4)
2.2.1 Pot catalytique « trois-voies »
Des réactions parasites peuvent avoir lieu comme la formation
Le pot catalytique (ou convertisseur catalytique) est inséré dans de N2O [réduction incomplète, réaction (5)] ou de NH3 [réduction
la ligne d’échappement entre le moteur et le silencieux. Le cata- profonde, réaction (6)]. Le rhodium qui combine une bonne activité
lyseur est constitué d’un ou deux pains de monolithes en et une bonne sélectivité en N2 est le composant-clé des
céramique : la cordiérite (silico-aluminate de magnésium) pouvant catalyseurs dans l’élimination des NOx.
résister jusqu’à 1 350 oC environ. Le monolithe est alvéolé, en
forme de « nid d’abeille » avec 50 à 200 canaux par cm2. La paroi
NO + 1
2 CO → 1
2 N2O + 1
2 CO 2 0 = − 191 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (5)
de ces canaux (épaisseur moyenne 0,1 à 0,2 mm) est d’abord
enduite d’un oxyde poreux de haute surface (100 m2/g) constitué
d’alumine stabilisée (par Ba, La...), contenant en outre un oxyde de NO + 5 2 H2 → NH3 + H2 O 0 = − 378 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (6)
terre rare (à base de cérine CeO2) capable de stocker des quantités
importantes d’oxygène. Enfin, on dépose à la surface de la couche Lors des passages en milieu riche (déficitaire en oxygène), la
d’enduction la phase active constituée de métaux nobles (Pt, Rh, vapeur d’eau présente en abondance dans le gaz peut prendre le
Pd) très finement divisés (nanoparticules de 1 à 2 nm dans le cata- relais de l’oxygène pour la conversion du CO [réaction (7) de
lyseur neuf, de 20 à 40 nm dans le catalyseur usé). La figure 1 conversion du gaz à l’eau] ou des HC [réaction (8) de vapore-
représente le schéma en coupe d’un des canaux du monolithe. formage, écrite avec le propane] :

CO + H2 O → CO 2 + H2 0 = − 42 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (7)
Le catalyseur est dit « trois-voies » car il doit assurer à la fois
les oxydations de CO et des HC ainsi que la réduction des NOx.
C 3H8 + 6H2 O → 3CO 2 + 10H2 ∆H 298
0 = + 374 kJ ⋅ mol−1 (8)

Les réactions (1) à (7) sont exothermiques. Elles sont favorisées à


Pour mener à bien ces réactions, il faut une régulation électroni-
basse température. Néanmoins, les conversions à l’équilibre des
que de l’injection (l’antique carburateur est rangé aux
réactions (1) à (6) restent très proches de 100 % dans une large
accessoires !) car les gaz d’échappements doivent être toujours
gamme de température (ambiante-1 000 oC au moins) : pour ces réac-
très près de la stœchiométrie. Cette fonction est assurée par une
tions, il n’y a pas de limitation thermodynamique. En revanche, la
sonde à oxygène dite sonde lambda qui mesure en permanence la
réaction (7) de déplacement du gaz à l’eau est équilibrée avec une
stœchiométrie et agit, au moyen d’un calculateur, sur le rapport
conversion à l’équilibre qui décroît dans le domaine allant de
massique air/essence à l’injection.
l’ambiante à 1 000 oC. La réaction (8) de vaporeformage est
endothermique : elle est donc favorisée à haute température. La
conversion à l’équilibre ne devient notable qu’au-delà de 200 à 250 oC.
Cordiérite Les réactions (1) à (8) ont toutes été étudiées dans des
conditions proches de celles des convertisseurs catalytiques avec
des mélanges complexes de gaz. À la place du rapport λ (voir
Enduit
encadré Terminologie de la combustion moteur ), on utilise de
CeO2-AI2O3
préférence le facteur de Schlatter S qui ne prend en compte que
les gaz oxydants et réducteurs [4] :
Sens du flux
2O 2 + NO + 2NO 2
S= (9)
CO + H2 + 3n Cn H2n + (3n + 1) Cn H2n +1

Le facteur S est le rapport entre le nombre d’atomes d’oxygène


Particules de disponibles dans les oxydants (numérateur) et le nombre d’atomes
métaux nobles
d’oxygène nécessaires pour l’oxydation totale du réducteur (déno-
Pt, Rh, Pd
minateur). L’équation (9) est écrite pour quatre types de réducteurs :
CO, H2 , alcanes et alcènes. Elle peut être adaptée à d’autres formes
Figure 1 – Schéma en coupe d’un canal de monolithe. Les échelles
ne sont pas respectées, la taille des particules de métaux étant d’HC (aromatiques, oxygénés...). Contrairement au rapport λ qui
de l’ordre de quelques nm. varie dans une plage très étroite (1 ± 0,01), le facteur S, qui ne prend

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J1216

______________________________________________________________________________________________________ PROCÉDÉS D’OXYDATION TOTALE

pas en compte les gaz neutres, peut varier dans de larges propor- 2.2.3.1 Activités des métaux (Pt, Pd, Rh)
tions (de 0,1 à 5).
Une étude systématique a été réalisée par Yu Yao en 1984 [7]
[55]. Cette étude sert de référence et les nombreux travaux
Pour comparer les métaux, nous prenons en compte les exécutés depuis ont confirmé dans l’ensemble les résultats de Yu
fréquences de rotations plutôt que les activités par gramme de Yao tout en affinant les mécanismes grâce à des techniques de
catalyseur. La fréquence de rotation représente le nombre de caractérisation in situ et operando de plus en plus sophistiquées.
molécules ayant réagi par atome de métal de surface et par La figure 2 montre la variation des fréquences de rotation (TOF
seconde. Comme les nombres de molécules et d’atomes Turnover Frequency) en fonction de la dispersion du métal. Les
représentent tous les deux des grandeurs molaires, la valeurs de vitesses obtenues par Yu Yao ont été ramenées à la
fréquence de rotation peut s’exprimer simplement en s–1. température de 250 oC (en utilisant les énergies d’activation repor-
tées par l’auteur) pour permettre les comparaisons directes.

2
C’est une donnée essentielle en catalyse dans la mesure où La réaction n’est pas extrêmement sensible à la nature du
seuls les atomes de surface interviennent en réaction. Au métal : avec des TOF compris entre 0,1 et 10 s–1, l’oxydation de CO
contraire, les activités par gramme sont des données pratiques (on est rapide sur tous les métaux. La réaction est légèrement sensible
pèse facilement une certaine masse de catalyseur mais pas les à la taille de particule surtout sur Rh. Ce métal apparaît comme le
atomes de surface !) qui dépendent de nombreux facteurs : la plus actif, ce qui n’est pas forcément vérifié en conditions réelles.
charge en métaux des catalyseurs, leur dispersion... (voir encadré En effet, le rhodium est beaucoup plus sensible que le platine à la
Structure des catalyseurs métalliques). présence d’autres gaz. En présence de NO et d’hydrocarbures,
l’activité en oxydation de CO diminue de sorte que le rhodium est
alors moins actif que le platine.
Structure des catalyseurs métalliques

Les catalyseurs métalliques sont généralement définis par La cérine a un effet promoteur sur la réaction, d’autant plus
leur charge en métal (xm (%) exprimée en gramme de métal important que l’on se rapproche de la stœchiométrie (S = 1).
pour 100 g de catalyseur) et par leur dispersion D (%). La dis- En milieu réducteur, la réaction est fortement ralentie sur tous
persion d’un catalyseur métallique est définie par le rapport les métaux déposés sur alumine alors qu’elle a lieu avec une
entre le nombre d’atomes en surface (donc accessible aux vitesse non négligeable quand le support contient de la cérine.
réactifs) NS et le nombre d’atomes totaux NT . On démontre C’est un effet remarquable du stockage d’oxygène sur cérine.
que la taille moyenne de particule d n’est fonction que de la
dispersion selon une relation inverse du type :
d (nm) = α /D (%)
TOF (s–1) à 250 oC

Pour la plupart des métaux α est compris entre 70 et 90.


Pour une dispersion de 100 %, la taille moyenne est donc
comprise entre 0,7 et 0,9 nm. Elle serait de 7 à 9 nm pour une
dispersion de 10 %, etc. Un point essentiel concerne la struc- 10 Rh
ture de ces particules qui, sauf cas exceptionnel, ne sont pas
« plates ». Elles ont généralement une forme de cubo-octaèdre
plus ou moins régulier, ce qui fait qu’elles sont constituées de
faces (100), (110), (111) et d’atomes de coins et d’arêtes à la
jonction de ces faces. Ces atomes ayant des environnements Pd
différents (coordinence variable, géométrie locale variable...),
ils ont généralement des réactivités propres différentes. Lors- 1
que la taille de particules diminue, la proportion d’atomes de
faible coordinence (coins, arêtes, défauts locaux) augmente.
De ce fait, la fréquence de rotation varie (elle peut augmenter
ou diminuer selon le type de réaction) : on dit que la réaction Pt
est sensible à la structure du catalyseur. On verra que c’est le
cas général en catalyse d’oxydation. Pour certaines réactions
au contraire, l’activité propre de chaque atome varie peu en
0,1
fonction de son état électronique. La fréquence de rotation est
alors quasi-indépendante de la taille de particules. On dit que
la réaction est insensible à la structure du catalyseur. C’est le
cas de certaines réactions d’hydrogénation.

2.2.3 Oxydation du monoxyde de carbone 0,01


La réaction d’oxydation du monoxyde de carbone peut être cata- 0,5 6 7 16 57 65 87 D (%)
lysée par les métaux présents dans les pots catalytiques. Pour
Les catalyseurs sont supportés sur alumine.
cette réaction, de nombreux autres catalyseurs pourraient être uti-
La réaction est effectuée en excès d’oxygène (0,5 % CO + 0,5 % O2
lisés, notamment à base d’oxydes mixtes (pérovskites, hexa-
soit S = 2).
aluminates, spinelles...) [5]. Parmi ces oxydes, ceux à base de L’échelle en abscisse n’est pas linéaire et correspond aux valeurs de
cobalt, de cuivre et de manganèse sont les plus actifs. Plus dispersion réelles.
récemment, les catalyseurs à base d’or ont montré leur efficacité à Pour la dispersion de 0,5 %, les vitesses ont été mesurées sur film
basse température pourvu que l’or soit déposé sur le support en métallique.
très petites particules (1 à 5 nm) [6]. Nous examinons ici l’activité
des trois métaux, Pd, Pt, Rh présents dans les pots catalytiques et Figure 2 – Fréquences de rotation de la réaction d’oxydation de CO
le mécanisme de réaction. sur Pt, Pd et Rh

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2

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G1745

Photocatalyse dans le traitement


de l’air

par Aymen Amin ASSADI

2
Maître de conférences HDR
Université Rennes, École nationale supérieure de chimie de Rennes, France
Abdelkrim BOUZAZA
Maître de conférences
Université Rennes, École nationale supérieure de chimie de Rennes, France
et Dominique WOLBERT
Professeur
Université Rennes, École nationale supérieure de chimie de Rennes, France

1. Principes, mécanismes et modélisation de la photocatalyse.... G 1 745 - 2


2. Photocatalyseurs et supports catalytiques .................................. — 6
3. Effet des paramètres clés sur le processus photocatalytique .. — 9
4. Technologies et réacteurs ................................................................. — 11
5. Vers des applications industrielles et commerciales ................ — 14
6. Avantages et inconvénients (ou approche critique)
de la photocatalyse.............................................................................. — 16
7. Couplages de la photocatalyse avec d’autres procédés ......... — 16
8. Conclusion – Tendances ..................................................................... — 18
9. Sigles, notations et symboles........................................................... — 18
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. G 1 745

’émission de composés organiques volatils (COV) dans l’air ambiant est


L devenue depuis plusieurs années un fort enjeu de santé publique. De nom-
breuses études ont en effet montré que les COV peuvent être toxiques, voire
cancérigènes, mutagènes ou tératogènes. Outre leurs effets directs sur la
santé, de nombreux composés ont des seuils olfactifs très bas et occasionnent
une nuisance importante, tant pour les employés du site que pour le voisinage.
Leurs impacts sur le milieu naturel ainsi que sur la santé humaine sont donc
conséquents [1] [2]. De plus, la croissance de la population humaine et la créa-
tion de grandes villes ont créé de nouveaux modes de vie urbains et plus
sédentaires qui obligent l’homme à s’exposer à un nouveau type de pollution
atmosphérique, celle liée à l’air intérieur. En effet, en fonction des conditions
climatiques, l’air extérieur est quotidiennement dispersé et lavé par la pluie,
alors que ce n’est pas le cas pour l’air intérieur. Cela explique pourquoi la
plupart des recherches scientifiques montrent que le nombre et les concentra-
tions de polluants sont beaucoup plus élevés dans l’air intérieur que dans l’air
extérieur.
La problématique de l’élimination de la nuisance olfactive est un sujet com-
plexe car le principe réside souvent dans le traitement d’un effluent de grand
débit et faiblement chargé mais constitué d’un mélange complexe de com-
posés participant chacun à la « teinte » odorante [3].
Parution : juillet 2022

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G1745

PHOTOCATALYSE DANS LE TRAITEMENT DE L’AIR ________________________________________________________________________________________

Les principales familles incriminées sont les dérivés soufrés (hydrogène sul-
furé, mercaptans, sulfures), azotés (ammoniac, amines) et oxygénés (acides
gras volatils, alcools, aldéhydes, esters). Cette diversité implique l’utilisation,
de préférence, de techniques de dépollution peu sélectives, telles que la photo-
catalyse. Parmi les différents procédés envisageables, elle présente l’avantage
de ne pas nécessiter de réactifs et de ne générer comme résidu que les sous-
produits de la dégradation des polluants, dégradation qui peut être poussée
jusqu’à la minéralisation (formation de CO2 et H2O) [4].
Ce procédé de destruction des polluants organiques et minéraux met en jeu
un catalyseur à base de dioxyde de titane activé par un rayonnement ultra-
violet. Il est à ce jour relativement bien décrit sur le plan fondamental,
2 notamment en ce qui concerne les mécanismes de dégradation. Les premières
unités de traitement ont commencé à apparaître sur le marché il y a une
dizaine d’années pour des débits limités et pour les atmosphères confinées [4].
Ce procédé est également utilisé en traitement d’eau et dans la mise au point
de matériaux autonettoyants [4] [5] [6].

1. Principes, mécanismes ment de chaleur. Pour une photocatalyse efficace, la recombinai-


son doit être limitée au maximum, ce qui est rendu possible par la
et modélisation migration des charges libres vers la surface de la structure et leur
piégeage à des niveaux d’énergie intermédiaires (irrégularités de
de la photocatalyse structure ou molécules adsorbées).

■ Réactions d’oxydation et de réduction avec les adsorbats


1.1 Principe Les électrons sont ainsi captés par des atomes de titane de sur-
face ou par les molécules adsorbées à caractère électrophile
(figure 1) telles que le dioxygène [9]. Toutefois en atmosphère
inerte, les réductions de l’eau en dihydrogène, du monoxyde
Le terme « catalyse » désigne un processus dans lequel une
d’azote en protoxyde d’azote, et de nombreux composés orga-
substance, appelée « catalyseur », accélère une réaction ther-
niques en alcanes et dioxyde de carbone notamment ont pu être
modynamiquement possible tout en étant régénérée en fin de
démontrées [9] :
cycle. On distingue la catalyse homogène dans laquelle le
catalyseur, les réactifs et les produits forment une seule phase (2)
et la catalyse hétérogène qui a lieu à l’interface entre un
catalyseur solide et une phase fluide contenant les réactifs et
les produits [5]. (3)
La photocatalyse désigne une forme de catalyse hétéro-
gène activée par un rayonnement photonique. La plus connue En présence de protons adsorbés, le radical superoxyde
et la plus utilisée en dépollution reste la photocatalyse TiO2/UV peut amener à la formation de peroxyde d’hydrogène, qui réagit
alliant le dioxyde de titane (catalyseur) et l’irradiation ultravio- alors en tant qu’oxydant ou se décompose en deux radicaux
lette (excitation) [6] [7]. hydroxyles par simple scission homolytique [10] :

Le processus électronique mis en œuvre lors d’une réaction pho- (4)


tocatalytique peut être décomposé en trois étapes principales [8] :
■ Production de paires électron-lacune électronique (5)
Tout semi-conducteur possède une suite d’états énergétiques
distincts et en particulier une bande interdite. S’il est soumis à un Les lacunes positives sont piégées au niveau des atomes d’oxy-
rayonnement de photons d’énergie au moins égale à celle de la gène proches de la surface et des molécules adsorbées à caractère
bande interdite (Ebi), un électron peut passer de la bande de nucléophile telles que l’eau moléculaire, les ions hydroxyles ou
valence (bv) à une orbitale vacante de la bande de conduction (bc). certains composés organiques [11] :
Il y a alors création d’une lacune électronique ou trou (h+) au
niveau de la bande de valence, et libération d’un électron (e–) dans (6)
la bande de conduction (figure 1) :

(1) (7)

■ Séparation des paires (e–/h+) grâce au piégeage des (8)


charges
La durée de vie des paires électron-trou (e–/h+) est de quelques
nanosecondes et leur recombinaison s’accompagne d’un dégage- (9)

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O2

hν Bande de conduction Réduction


e– O2−• HO• Adsorption

Recombinaison
Polluant
CO2 + H2O + acides minéraux

HO•, R•

2
h+
Bande de valence
Oxydation

H2O, HO–, RCOO–

Figure 1 – Formation des paires électrons-trous et leur piégeage

À leur tour, les radicaux générés sont très réactifs Ces processus peuvent être classés en deux groupes : ceux qui
et peuvent oxyder d’autres molécules adsorbées à la surface du relèvent de la cinétique chimique hétérogène (3, 4 et 5) et ceux
semi-conducteur, jusqu’à les minéraliser. qui relèvent de la cinétique physique de transfert de matière
(1, 2, 6 et 7). Les étapes se déroulant en série, leur cinétique glo-
bale en régime permanent est imposée par la ou les plus lentes.
1.2 Mécanismes et étapes du processus On parle alors d’« étape cinétiquement limitante ».
(transfert, adsorption et réaction)
Toute réaction de catalyse hétérogène se décompose en une
1.3 Cinétique et modélisation
série d’étapes s’enchaînant de la façon suivante [8] [9] (figure 2) : La modélisation des cinétiques de dégradation repose par
– étape 1 : diffusion des réactifs de la phase fluide vers la surface conséquent sur la séparation des deux catégories d’étapes de la
du catalyseur à travers la couche limite (transfert de matière photocatalyse. La série d’étapes liée à la cinétique de réaction
externe) ; chimique (adsorption, réaction et désorption) et la série liée au
– étape 2 : diffusion des réactifs au sein de la structure poreuse transfert de matière de la phase gaz à la surface du catalyseur
(transfert de matière interne) ; (transfert de masse externe et interne).
– étape 3 : adsorption des réactifs à la surface du catalyseur ; La majorité des études portant sur la photocatalyse depuis 20
– étape 4 : réaction chimique entre les réactifs adsorbés à la sur- ans ont considéré la réaction chimique comme l’étape limitante de
face du catalyseur ; la réaction globale de dégradation d’un polluant. Par conséquent,
– étape 5 : désorption des produits de réaction ; de nombreux modèles sont disponibles, mais reposent pour la plu-
– étape 6 : diffusion des produits au sein de la structure poreuse part sur le modèle de Langmuir-Hinshelwood (L-H) [9].
(transfert de matière interne) ;
– étape 7 : diffusion des produits à travers la couche limite Les hypothèses du modèle sont les suivantes :
(transfert de matière externe).
– la surface du matériau est considérée comme homogène ;
– l’adsorption est supposée monocouche ;
– les interactions entre adsorbats sont négligeables ;
– les étapes d’adsorption et de désorption sont cinétique-
Pores
ment négligeables vis-à-vis de la réaction chimique.
Couche
limite Dans le cas d’une limitation par la réaction chimique, deux cas
de figure sont envisagés :
■ Modèle pour la dégradation d’un seul composé
Le schéma général envisagé est donc [12] :

Phase gaz
homogène
3
2 4
1 5
A
6

7
Les vitesses de réaction respectives s’écrivent :
B
(10)

Figure 2 – Étapes physiques et chimiques de la transformation de A


en B sur un grain de catalyseur poreux [9] (11)

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Pour une réaction irréversible, ce qui est vraisemblablement le


(12)
cas en photocatalyse, k–2 → 0, d’où :
avec r vitesses de réaction (en M · s–1 · m–2 de catalyseur,
où M représente une unité de masse ou de quantité
(17)
de matière (mole par exemple)),
θR et θP fractions de surface de photocatalyseur respective-
ment couvertes par R et P, Cette dernière expression tient compte de l’adsorption compéti-
tive du produit de la réaction sur le site de la réaction. En général,
KR et KP constantes d’équilibre d’adsorption respective- les sous-produits ont une durée de vie limitée et sont dégradés. La
ment de R et P (m3 · M–1), concentration en produit peut être négligée en considérant
Kréac constante d’équilibre de la réaction, :
CR et CP concentrations respectivement de R et P (M · m–3),

2
(18)
k1 et k–3 constantes de vitesses d’adsorption respective-
ment de R et P (m3 · s–1 · m–2 de catalyseur),
k–1 et k3 constantes de vitesses de désorption respective- Cette loi est bien évidemment valable dans la mesure où l’affi-
ment de R et P (M · s–1 · m–2 de catalyseur), nité du produit de réaction pour la surface du catalyseur n’est pas
nettement supérieure à celle du réactif (c’est-à-dire, KP n’est pas
k2 et k–2 constantes de vitesses de réaction (M · s–1 · m–2 de nettement supérieure à KR) ou en se plaçant en cinétique
catalyseur). initiale [4].
D’après les hypothèses du modèle, rads = rdes = 0 (équilibres
instantanés) : ■ Modèles relatifs à la dégradation de plusieurs composés
Dans le cas d’un mélange de deux molécules (notées A et B),
soit les deux composés ou leurs sous-produits réagissent l’un avec
(13) l’autre, soit ils ne réagissent pas ensemble. Selon l’affinité des
composés pour des sites identiques ou non, plusieurs modèles
peuvent alors être proposés [4] [12]. Les modèles cinétiques en
mélange bimoléculaire lorsque les réactifs réagissent chimique-
ment ensemble sont détaillés dans le tableau 1. Les modèles 1 à 3
(14) (tableau 1) correspondent aux modèles de Langmuir-Hinshelwood
bimoléculaires.
Le modèle 1 exprime la cinétique de dégradation de deux réac-
Le rapport des deux équations donne : tifs avec adsorption duale des composés sur les mêmes sites [14].
Les réactifs s’adsorbent sur des sites identiques voisins puis réa-
(15) gissent ensemble. Le terme au dénominateur tient compte de
l’adsorption compétitive des deux produits.
En remplaçant θR et θP à l’aide de la relation (15) dans les Le modèle 2 correspond à la forme de Langmuir-Hinshelwood
équations (10) et (12) : bimoléculaire généralisée. Contrairement au modèle 1, les deux
réactifs ne réagissent pas directement ensemble. Il est principale-
ment utilisé pour caractériser la cinétique de dégradation d’un pol-
luant en présence d’eau. Chaque rapport représente l’adsorption
compétitive du polluant et de l’eau pour le même site
d’adsorption [14]. En général, l’eau n’apparaît pas directement en
La vitesse de réaction globale s’exprime donc : tant que réactif dans les équations bilans de photocatalyse mais
plutôt en tant que produit conjointement avec le CO2. Cependant,
elle joue un rôle dans le mécanisme d’oxydation des polluants en
(16) tant que précurseur des radicaux hydroxyles, ce qui explique la
forme de ce modèle [15].

Tableau 1 – Modèles cinétiques en mélange bimoléculaire


lorsque les réactifs réagissent l’un avec l’autre
Modèle Hypothèses Équations de vitesse Références

Adsorption duale de A et B sur des sites


1 [13]
identiques

Adsorption compétitive de A et B sur des sites


2 [14]
identiques

Adsorption de A et B sur des sites différents


3 [14]
(notés 1 et 2)

4 A adsorbé et B en phase gazeuse [15]

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Tableau 2 – Modèles cinétiques en mélange bimoléculaire


lorsque les réactifs ne réagissent pas l’un avec l’autre
Modèle Hypothèses Équations de vitesse Références

Adsorption compétitive de A et B sur sites


5 [14]
identiques

6 Adsorption de A et B sur sites différents [14]

Le modèle 3 traduit la dégradation de deux réactifs s’adsorbant


sur des sites différents. Cette forme a été envisagée dans le cadre
Le flux de matière dans le cas d’une interface gaz-solide suit
l’équation suivante :
2
de la dégradation du trichlorométhane en présence d’eau sans
(20)
succès [14].
Le modèle 4 correspond à un mécanisme d’Eley-Rideal. Il repré- où km est la constante de transfert de matière externe.
sente la réaction entre une molécule adsorbée et une molécule en L’évaluation des constantes (km) de transfert de masse est réali-
phase gazeuse. Peral et al. relatent une étude ayant utilisé ce type sée à l’aide des nombres adimensionnels suivants (Sherwood (Sh),
de modèle pour la dégradation de l’acétone [14]. Reynolds (Re), Schmidt (Sc)) :
Dans le cadre d’un mélange bimoléculaire, les deux réactifs
peuvent être inertes l’un vis-à-vis de l’autre. Cependant, leur (21)
adsorption compétitive sur des sites actifs identiques peut être
observée. Cette configuration est modélisée par le modèle 5
(tableau 2). Turchi et al. utilisent ce type de modèle afin de repré-
senter la cinétique de dégradation d’un mélange de plusieurs COV. avec
Chaque COV n’intervient pas dans le mécanisme de dégradation
de l’autre. Cependant, ils sont dégradés sur les mêmes types de où u est la vitesse en fût vide, Dm la diffusivité moléculaire du
sites actifs. La dégradation de chaque COV est inhibée par réactif, ρ et µ la masse volumique et la viscosité dynamique du
l’adsorption compétitive des autres COV [16]. fluide. d est le diamètre équivalent du grain (noté dg dans un réac-
teur à lit fixe ou fluidisé) ou bien le diamètre hydraulique dh dans
Le modèle 6 correspond à la forme simple du modèle de Lang- un réacteur à film déposé.
muir-Hinshelwood. Les deux réactifs ne sont pas impliqués dans
les mêmes mécanismes de dégradation et ne s’adsorbent pas sur Des relations empiriques sont disponibles dans la littérature
des sites actifs identiques [17]. pour corréler la géométrie du réacteur et les conditions hydrau-
liques afin d’évaluer les nombres de Reynolds, Schmidt et
Dans la réalité, les mélanges sont bien souvent plus complexes Sherwood [20]. La résistance liée à ce transfert de masse externe
que des mélanges bimoléculaires. Certains auteurs ont tenté dépend donc de la géométrie du réacteur, des conditions aérau-
d’extrapoler des modèles à partir de ceux présentés dans les liques appliquées et de la diffusion du polluant dans le gaz.
tableaux 1 et 2. Ainsi, le modèle 5 peut être généralisé à un
mélange dans lequel n composés s’adsorbent compétitivement sur L’influence de la diffusion externe peut être quantifiée si l’on dis-
des sites identiques mais ne réagissent pas l’un sur l’autre [14]. pose d’une mesure de la vitesse apparente de la réaction et si
l’on connaît les conditions aérodynamiques du réacteur, en esti-
La vitesse de dégradation d’un composé i peut donc s’écrire : mant la fraction de résistance externe fext :

(22)
(19)

où LC est définie par le rapport du volume sur la surface externe


du catalyseur en contact avec le fluide. Les cas les plus courants
■ Aspect cinétique lié au transfert de masse sont présentés dans le tableau 3.
Le passage d’un composé de la phase gaz vers un site présent à Si fext < 0,01, le transfert de masse externe n’est pas limitant et
la surface du catalyseur suit les phénomènes liés au transfert de c’est la diffusion interne ou la cinétique intrinsèque de la réaction
matière de la phase gaz sur un support solide. Ces phénomènes qui détermine la vitesse apparente.
sont divisés en deux composantes appelées le « transfert de
masse externe » et le « transfert de masse interne » [18]. Si fext ≈ 1, la diffusion externe à travers la couche limite est
l’étape déterminante. Dans ce cas, la cinétique globale de la réac-
Différentes théories existent afin d’expliquer et de modéliser la tion peut être améliorée en augmentant la vitesse du fluide à la
résistance que peut constituer le passage d’un composé de la surface du catalyseur (et donc le nombre de Reynolds Re), ce qui
phase gaz vers la phase solide. Dans le cas d’une résistance impor- implique de favoriser les turbulences ou d’accroître le débit dans le
tante au transfert, l’étape liée au transfert d’un composé devient réacteur.
non négligeable vis-à-vis de sa cinétique de réaction à la surface
du catalyseur. Il devient alors nécessaire de tenir compte de cette
cinétique de transfert dans le modèle global décrivant la dégrada-
tion d’un polluant en phase gaz par photocatalyse [19]. Tableau 3 – Valeur de la longueur caractéristique
selon la géométrie du catalyseur
Cette partie du transfert de masse est liée au passage du
composé de la phase gaz à la surface du matériau poreux. La Film Cylindre Sphère
théorie de Whitman, de diffusion du réactif à travers une couche d’épaisseur E de rayon R de rayon R
limite à la surface du catalyseur, est la plus usitée pour expliquer
ce transfert. LC = E LC = R / 2 LC = R / 3

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2

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G1750

Absorption en traitement d’air

par Michel ROUSTAN

2
Ingénieur INSA, Docteur ès sciences
Professeur de génie des procédés
Laboratoire d’ingénierie des procédés de l’environnement à l’INSA de Toulouse

1. Différents types de contacteur gaz-liquide ...................................... G 1 750 – 2


1.1 Colonnes à garnissage ................................................................................ — 3
1.1.1 Garnissages......................................................................................... — 3
1.1.2 Diamètre de la colonne ...................................................................... — 3
1.2 Réacteurs à pulvérisation ........................................................................... — 3
2. Solubilité des gaz dans les liquides.................................................... — 3
3. Modélisation du transfert de matière ................................................ — 5
3.1 Absorption physique (sans réaction) ......................................................... — 5
3.1.1 Paramètres de choix d’un contacteur gaz-liquide ............................ — 5
3.1.2 Remarque ............................................................................................ — 5
3.2 Absorption avec réaction chimique .......................................................... — 6
3.2.1 Identification des divers régimes.
Choix des contacteurs gaz-liquide .................................................... — 6
3.2.2 Exemples d’absorption avec réaction chimique .............................. — 6
4. Caractéristiques des échangeurs gaz-liquide .................................. — 8
5. Absorption physique : dimensionnement du contacteur ............. — 9
5.1 Phases en écoulement « piston » à contre-courant.................................. — 9
5.2 Relations de dimensionnement pour les autres types d’écoulement..... — 11
6. Absorption avec réaction chimique :
dimensionnement du contacteur ........................................................ — 11
6.1 Réaction instantanée de surface, phase gaz « piston » à contre-courant — 12
6.2 Réaction rapide, écoulement piston
pour les deux phases, contre-courant ....................................................... — 12
7. Exemples d’applications ........................................................................ — 12
7.1 Absorption d’acétone par de l’eau en colonne à garnissage................... — 13
Parution : octobre 2004 - Dernière validation : février 2016

7.2 Absorption d’ammoniac NH3 ..................................................................... — 13


7.3 Absorption de CO2 par une solution de monoéthanolamine (MEA)....... — 14
7.4 Absorption de SO2 dans une colonne à pulvérisation type pluie ........... — 14
7.5 Traitement des odeurs par absorption
dans des colonnes à garnissage placées en série .................................... — 15
Références bibliographiques ......................................................................... — 15

armi les procédés de traitement de l’air chargé en polluants, l’opération


P unitaire – absorption – réalisée au sein de contacteurs gaz-liquide, entre
dans la catégorie des procédés basés sur un transfert avec récupération directe
et est comparable à l’adsorption gaz-solide ou à la condensation [11]. Il s’agit
en effet de proposer des solutions pour le traitement d’effluents gazeux
contaminés tels que :
— des atmosphères contenant des composés organiques volatils (COV) de
type composés oxygénés : acides gras volatils, alcools, cétones, dérivés chlorés.

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ABSORPTION EN TRAITEMENT D’AIR ______________________________________________________________________________________________________

Les émetteurs de COV sont essentiellement les transports et les industries utili-
satrices de solvants [12] ;
— les fumées de combustion issues des incinérateurs contenant NOx , SO2 , HCl ;
— les gaz acides à base de HCl, HF, H2 S et CO2 ;
— des effluents contenant des composés odorants de type soufrés (H2 S,
CH3 SH), azotés (NH3 , CH3 NH2 ) ou oxygénés (acétone, acide acétique). Les
principales sources sont les stations d’épuration d’eaux usées, les industries
agroalimentaires (conserveries, équarrissages), les papeteries et les industries
chimiques.
Au sens où nous l’entendons dans cet article, l’absorption est l’opération uni-
taire dont le principe est basé sur le passage d’un ou de plusieurs constituants

2 d’une phase gazeuse dans une phase liquide. Il s’opère des échanges (ou trans-
ferts) de matière entre une phase gazeuse et une phase liquide dont les
compositions chimiques sont différentes. Ce transfert de matière mis en jeu
s’effectue au sein de contacteurs (ou réacteurs) gaz-liquide dans lesquels les
deux phases sont mises en contact pour favoriser les échanges de matière.
Le dimensionnement de ces appareils repose sur un certain nombre de
concepts fondamentaux qu’il est indispensable de rappeler ici, sans toutefois
entrer dans les détails de certaines démonstrations qui ont fait par ailleurs
l’objet de nombreuses publications.
Les points suivants seront ainsi abordés :
— les différents types de contacteurs gaz-liquide ;
— les concepts de base du transfert de matière gaz-liquide ;
— les principes du dimensionnement des absorbeurs ;
— la mise en œuvre des absorbeurs à travers des études de cas.
Nous supposerons que :
— les concentrations des constituants présents dans la phase gazeuse et sus-
ceptibles d’être absorbés au sein de la phase liquide sont relativement faibles ;
— les phases se comportent comme des solutions diluées ;
— le liquide est non volatil ;
— le gaz vecteur est insoluble dans le liquide et se comporte comme un inerte ;
— l’absorption se déroule de façon isotherme ;
— les débits des phases gazeuse et liquide peuvent être considérés comme
constants entre l’entrée et la sortie de l’absorbeur.

1. Différents types Tableau 1 – Liste des principaux contacteurs gaz-liquide


de contacteur gaz-liquide Dispersion sous forme Dispersion sous forme
de bulles de gouttes et de film
Il existe sur le marché industriel un grand nombre d’appareils de
mise en contact d’un gaz et d’un liquide. L’ensemble de ces Colonne à dispersion de bulles Colonne à garnissage
contacteurs peut être classé en deux grandes catégories, selon le
mode de dispersion des phases et selon le type d’inclusions (bulles, Gazosiphon ou Airlift Colonne à plateaux perforés
gouttes, film) présentes dans les contacteurs. Dans le tableau 1 sont
rassemblés les principaux contacteurs : Réacteur agité mécaniquement Colonne à pulvérisation
— les contacteurs dans lesquels le gaz est dispersé sous forme
Lit fixe triphasique Éjecteur et venturi
de bulles ;
— les contacteurs dans lesquels le liquide est dispersé sous
Mélangeur statique Colonne à film tombant
forme de gouttes et de film.
(0)

Le choix d’une technologie plutôt qu’une autre est basé sur Hydroéjecteur Aérateur mécanique de surface
l’application d’un certain nombre de concepts concernant les
aspects hydrodynamique, réaction chimique et transfert de matière.
Le dimensionnement de ces contacteurs repose sur l’utilisation — aux notions de coefficient de transfert (locaux et globaux) ;
d’un certain nombre de concepts qui font appel : — au couplage entre les phénomènes de transport par diffusion
— aux équilibres thermodynamiques aux interfaces gaz-liquide, et les cinétiques de réaction chimique (constante de vitesse, ordre
à savoir les solubilités des gaz au sein des liquides ; de la réaction) ;
— aux mécanismes et lois associées du transport des espèces — aux caractéristiques hydrodynamiques des inclusions pré-
au sein des phases ; sentes au sein des contacteurs.

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______________________________________________________________________________________________________ ABSORPTION EN TRAITEMENT D’AIR

C’est le « mélange » de tous ces concepts qui va permettre de dis-


poser des outils nécessaires au dimensionnement des absorbeurs. Tableau 2 – Caractéristiques de quelques garnissages
en vrac
Dans le cas particulier du traitement des effluents gazeux contami-
nés, les débits volumiques sont en général très importants (plusieurs Facteur
centaines voire plusieurs milliers de mètres cubes par heure). Aussi Aire
Types Diamètre Porosité de
la liste des contacteurs gaz-liquide réellement utilisés est plus petite interfaciale
de garnissages garnissage
que celle donnée dans le tableau 1 et se limite, la plupart du temps,
aux colonnes à garnissages ou à plateaux et aux réacteurs à pulvéri-
(mm) (m2 · m–3) (%) (m2 · m–3 )
sation (colonnes à pulvérisation et venturis- éjecteurs). 25 184 86 449
Anneaux Raschig 38 128 90 272
acier
1.1 Colonnes à garnissage 51 95 92 187

Une colonne à garnissage est composée d’un corps cylindrique


comportant une entrée de gaz, un garnissage réparti en une ou plu-
Anneaux Pall
plastique
25
38
171
131
90
91
207
128 2
sieurs sections, une grille support de garnissage, un dévésiculeur 51 102 92 102
placé en sortie qui permet d’arrêter les gouttes de liquide entraînées
par le gaz. L’écoulement des phases s’effectue en général à contre- 25 250 68 360
courant. Selles de Berl 38 151 71 215
céramique
51 105 72 148
1.1.1 Garnissages
Les garnissages sont de forme variable et peuvent être classés
en deux grandes familles : 1.1.2 Diamètre de la colonne
— vrac : par exemple, anneaux Raschig, anneaux Pall, selles de Le diamètre de la colonne dépend des débits des deux phases en
Berl... en métal, en céramique ou matière plastique ; présence et se calcule à partir des considérations hydrodynamiques
— structuré (ou ordonné), par exemple Sulzer BX, Montz B1-100, liées à la perte de charge et aux conditions d’engorgement. La
Mellapack® 250 Y, Kerapk®. méthode de calcul, soit pour les garnissages en vrac, soit pour les
Ils doivent produire une surface de contact la plus grande possi- garnissages structurés, est bien connue et se trouve dans plusieurs
ble entre le liquide et le gaz, être inertes vis-à-vis des réactifs, créer ouvrages de référence [2] [3] [5] [6]. La vitesse d’écoulement de la
une perte de charge raisonnable et être bon marché. phase gazeuse est en général comprise entre 0,7 et 2 m · s–1. Dès
que la hauteur dépasse 3 à 4 m, il est recommandé d’installer plu-
■ Garnissages en vrac sieurs zones de garnissages avec, entre elles, des recentreurs pour
éviter les passages préférentiels du liquide.
Les garnissages en vrac sont caractérisés par plusieurs grandeurs
liées à leur géométrie :
— le diamètre d p (m) ; 1.2 Réacteurs à pulvérisation
— l’aire interfaciale a * (m2 · m–3 ) ;
— la porosité ε ; Une population de gouttes générées par des buses d’atomisation
— le facteur de garnissage F (m2 · m–3 ). est projetée dans une enceinte vide dans laquelle circule le gaz à
Pour le transfert de matière, c’est l’aire interfaciale réellement traiter. Il existe quatre grandes familles de réacteurs à pulvérisation :
mouillée a 0 (m2 · m–3 ) par le liquide qui doit être prise en compte. — les réacteurs à pluie ;
Pour des systèmes air-eau, le rapport a 0/a * varie entre 0,4 et 0,7. — les réacteurs à pulvérisation transverse ;
Pour éviter des écoulements préférentiels dans la colonne, le rap- — les réacteurs à colonnes de gouttes ou venturi ;
port entre le diamètre de la colonne D et le diamètre du garnissage — les réacteurs évaporateurs.
doit être compris dans l’intervalle 10 à 80. Le tableau 2 rassemble les Une description complète de ces technologies ainsi qu’une étude
caractéristiques géométriques de quelques garnissages. Des don- comparative se trouve dans la référence [3].
nées complémentaires se trouvent dans les références [1] [2] [3] [4]
[5] [6] ainsi que dans les documentations techniques des fournisseurs
de garnissages. La surface d’échange diminue avec l’augmentation
de la dimension du garnissage. Les colonnes industrielles fonction- 2. Solubilité des gaz
nent avec une perte de charge variant autour de 400 Pa/m.
(0) dans les liquides
■ Garnissages structurés
La connaissance de la solubilité d’un gaz dans un liquide est
Les garnissages structurés sont constitués de lamelles plissées essentielle pour le choix et le dimensionnement du contacteur. Pour
selon un certain angle et empilées de manière à former des canaux un composé donné, les conditions thermodynamiques d’équilibre
ouverts. Ils sont construits en général sous forme de cylindres dont le sont obtenues lorsque les potentiels chimiques (et donc les fugaci-
diamètre est égal à celui de la colonne et dont la hauteur est comprise tés) sont les mêmes dans les deux phases. En partant d’hypothèses
entre 0,15 et 0,30 m. Les valeurs des aires interfaciales sont impor- simplificatrices (phase vapeur parfaite, phase liquide idéale), l’équi-
tantes et indépendantes de la dimension du garnissage, contraire- libre entre phases est décrit par la loi de Henry :
ment aux garnissages en vrac dont a* diminue avec l’augmentation
de la taille. Ils sont en métal, en céramique, en matière plastique ou xi H i = yi P soit y i = x i H i /P (1)
bien encore en tissu synthétique, ou en tissu métallique.
avec xi fraction molaire du composé i dans le liquide,
Exemple : l’aire interfaciale du garnissage Mellapak® est de yi fraction molaire du composé i dans la phase gaz,
250 m2 · m–3 pour un type donné mais peut être de 500, 350 ou 125
pour d’autres types selon la façon de réaliser les lamelles. Les pertes P pression de travail (Pa),
de charge varient entre 100 et 300 Pa/m de hauteur de colonne. Hi constante de Henry pour le composé i (Pa).

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G1770

L’adsorption dans le traitement


de l’air
par Pierre LE CLOIREC
Professeur des universités, directeur de l’ENSCR

2
École nationale supérieure de chimie de Rennes, France

1. Approche des mécanismes ........................................................................ G 1 770v2 - 2


1.1 Transfert gaz-solide .................................................................................... — 2
1.2 Quelques équations d’équilibre – Type de composés adsorbés ............ — 3
1.3 Adsorption de composées multiples......................................................... — 4
1.4 Quelques paramètres influant l’adsorption .............................................. — 5
1.4.1 Surface spécifique et diamètre des pores de l’adsorbant .............. — 5
1.4.2 Structure et concentration du polluant ............................................ — 5
1.4.3 Humidité et température de l’air....................................................... — 5
1.5 Capacités et énergies d’adsorption et de désorption .............................. — 5
1.6 Cas spécifiques de l’hydrogène sulfuré et de mercaptans...................... — 5
1.7 Cas spécifiques des cétones ...................................................................... — 5
2. Adsorbants utilisés en traitement de l’air ................................................ — 6
3. Adsorption et adsorbeurs dynamiques .................................................... — 7
3.1 Écoulement. Pertes de charge dans un milieu poreux ............................ — 7
3.2 Courbes de percée ...................................................................................... — 8
3.3 Capacités d’adsorption ............................................................................... — 9
3.4 Modélisation des courbes de percée......................................................... — 9
3.4.1 Temps de percée. Modèle d’Adams-Bohart .................................... — 9
3.4.2 Modélisation des transferts de matière et de chaleur .................... — 9
4. Mise en œuvre des adsorbeurs ................................................................. — 11
4.1 Adsorbeurs lits fixes ................................................................................... — 11
4.2 Quelques adsorbeurs spécifiques ............................................................. — 13
4.2.1 Roue d’adsorption ou de séchage .................................................... — 13
4.2.2 Canister pour le traitement des vapeurs d’hydrocarbures............. — 13
4.2.3 Module d’adsorption-désorption sur des tissus de carbone activé ... — 13
4.3 Données pratiques de dimensionnement et de fonctionnement ........... — 14
4.3.1 Approche simplissime ....................................................................... — 14
4.3.2 Logiciels de dimensionnement et d’optimisation ........................... — 15
4.4 Sécurité et sûreté des procédés d’adsorption .......................................... — 15
5. Régénération des charbons actifs ............................................................. — 15
5.1 Réactivation des charbons actifs ............................................................... — 15
5.2 Régénération thermique in situ (TSA)....................................................... — 16
5.2.1 Utilisation d’un fluide caloporteur.................................................... — 16
5.2.2 Chauffage intrinsèque du matériau.................................................. — 16
5.3 Régénération in situ à pression réduite (PSA) (VTSA)............................. — 17
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. G 1 770v2

armi les technologies utilisables en traitement et épuration d’air et de gaz,


P les procédés mettant en jeu des phénomènes de transfert et d’interactions
d’un composé présent dans une phase gazeuse avec une surface d’un maté-
Parution : septembre 2017

riau poreux sont largement utilisés [1] [G 1700] [G 1835] [J 3921]. On les

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G 1 770v2 – 1

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G1770

L’ADSORPTION DANS LE TRAITEMENT DE L’AIR __________________________________________________________________________________________

retrouve dans la purification des gaz [BE 8856] ainsi que des liquides. En effet,
ces procédés d’adsorption permettent d’éliminer dans une phase gazeuse un
grand nombre de molécules présentes, comme les composés organiques vola-
tils (COV) [G 1835] [J 3928], les molécules odorantes ou encore les dioxines et
les furannes [G 1820]… Leur mise en œuvre permet de traiter de larges
gammes de concentrations allant d’émissions à fortes teneurs (quelques g · m–3)
à des ambiances hyperdiluées de quelques μg · m–3. Le dimensionnement
des installations est réalisé pour des débits d’air à traiter pouvant aller de
quelques m3 · h–1 jusqu’à environ 50 000 m3 · h–1 pour des systèmes de type
modulaire [1] [2] [3].

2
La réglementation (arrêtés du 2 février 1998 et du 29 mai 2000 ainsi que les
arrêtés d’applications spécifiques) concernant les niveaux de rejets dans
l’atmosphère implique la mise en œuvre de technologies de traitement d’air
fiables et performantes. Les procédés par adsorption se placent donc parmi les
techniques les plus attractives et les plus pratiques dans un grand nombre
d’applications industrielles ou domestiques. En effet, ils présentent des avan-
tages certains en termes d’efficacité de traitement, de rusticité et de facilité de
fonctionnement, ce qui les rend particulièrement intéressants en traitement de
l’air ou des gaz.
L’objectif de cette présentation est d’aborder les concepts, les matériaux, les
outils, les procédés et les technologies de l’adsorption en traitement de l’air.
Ainsi, nous aborderons successivement :
– les mécanismes de transfert gaz-solide ainsi que les équations cinétiques
et d’équilibre ;
– les matériaux adsorbants les plus utilisés du fait de leur porosité et de leur
grande surface spécifique ;
– les principaux procédés d’adsorption continus, en traitement d’air, utilisés
en particulier dans l’élimination de familles de composés volatils et de molé-
cules odorantes ;
– la désorption et la régénération des adsorbants dans des procédés dis-
continus ou continus.

4 – Adsorption en surface. Cette réaction est exothermique et


1. Approche des mécanismes provoque donc un dégagement de chaleur (§ 4.4). On rencontre
soit une interaction de faible énergie (liaison de type Van der
Waals) appelée « physisorption », soit une liaison de type cova-
Pour une approche plus complète, le lecteur pourra se lente (chimisorption) [AF 3680] ;
reporter aux livres et articles référencés [1] [4] [5] [6] [7] [8] [9]
[10] [11] [12] [13] [J 2730] [J 2731].

1.1 Transfert gaz-solide


Le terme d’« adsorption » est utilisé pour décrire les
phénomènes de transport et de transfert dans la phase gazeuse
et la porosité du matériau ainsi que des interactions avec la sur-
face du solide. La figure 1 illustre différentes étapes du proces-
sus.
Les mécanismes [4] [6] [15] [16] mis en jeu dans ce processus
peuvent être détaillés de la manière suivante :
1 – Transport et transfert diffusionnel externe de la molécule de
la phase gazeuse vers la surface du solide ;
2 – Accumulation dans la couche limite sur la surface externe
du matériau ;
3 – Diffusion du composé dans le volume poreux de l’adsor-
bant. Le coefficient de diffusion est inférieur à la diffusivité dans le
fluide. Dans les micropores, le transfert est connu sous le terme Figure 1 – Représentation schématique des phénomènes d’adsorp-
de « diffusion de Knudsen » [J 1075] ; tion dans une structure poreuse

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G 1 770v2 – 2

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___________________________________________________________________________________________ L’ADSORPTION DANS LE TRAITEMENT DE L’AIR

5 – Diffusion lente en surface des pores dans le cas de longs


temps de cycles d’adsorption ;
6 – Conduction thermique au travers de la structure du solide
du fait de la libération de chaleur lors de la réaction exothermique
d’adsorption ;
7 – Convection thermique du solide vers la phase gazeuse –
évacuation de la chaleur générée.

1.2 Quelques équations d’équilibre –


Type de composés adsorbés
À une température constante (cf. § 1.4.3), après les phases de
transferts diffusionnels et d’interactions solide-molécule,
2
lorsque les concentrations dans le matériau et dans le fluide
sont constantes, on dit qu’il existe un équilibre entre les phases
à température constante. Les équilibres fluide-solide ont été lar-
gement abordés, décrits et discutés. De nombreuses équations
ont été proposées pour décrire les courbes expérimentales des
isothermes d’adsorption. On pourra se reporter, par exemple, à
l’article [J 2730] Adsorption – Considérations théoriques. Ne
sont présentées dans cet article que certaines équations d’équi-
libre et quelques données d’adsorption de polluants présents
dans l’air. Figure 2 – Isothermes d’adsorption du toluène sur charbon actif
microporeux : comparaison de valeurs expérimentales et calculées
par le modèle de Langmuir
■ Le modèle d’équilibre de Langmuir prend en compte un équi-
libre entre la surface et un polluant dans la phase gazeuse. Il sup-
pose, en particulier, une surface uniforme, une adsorption L’équation peut être généralisée pour différentes températures
monocouche et ne prend pas en compte les interactions entre les (voir § 3.4.2). La figure 2 présente des courbes isothermes
molécules adsorbées. L’équation s’écrit en utilisant les concentra- d’adsorption du toluène sur du charbon actif ainsi que l’applica-
tions dans chaque phase : tion, à des données expérimentales, de l’équation de Langmuir
[17]. Des paramètres de modélisation de Langmuir, pour des
composés organiques volatils (COV), sont regroupés dans le
tableau 1.
■ L’équation d’équilibre de Freundlich est une approche empirique
de modélisation des données expérimentales d’équilibre, elle
avec Ce concentration dans la phase gazeuse à l’équilibre s’écrit :
(mg · m–3 ou mol · m–3),
qe capacité d’adsorption à l’équilibre (mg · g–1 ou
mol · g–1),
avec kF et 1/n paramètres caractéristiques du couple polluant-
qm capacité maximale d’adsorption (mg · g–1 ou matériau à une température donnée.
mol · g–1),
Ce modèle est largement utilisé. Quelques valeurs de para-
b constante d’équilibre (m3 · mg–1 ou m3 · mol–1), mètres de l’équation sont proposées à titre d’exemple dans le
fonction de la température [équation (2)]. tableau 2.

Tableau 1 – Paramètres de l’équation isotherme de Langmuir pour l’adsorption de différents COV


sur charbon actif microporeux à base de noix de coco
Composé qm (mol · kg–1) b0 (m3 · mol–1) – ΔHL (kJ · mol–1) R2 (T = 20 ˚C)
1,2-dichloroéthane 5,32 1,63 × 10−7 47,5 0,942
Acétate d’éthyle 4,41 1,36 × 10–9 60,6 0,938
–5
Acétone 5,92 2,28 × 10 31,4 0,976
Éthanol 8,46 5,98 × 10–5 28,7 0,963
–6
Méthyléthylcétone 5,06 1,27 × 10 42,7 0,931
Méthyléthyldioxolane 3,58 2,79 × 10−7 45,2 0,945
–7
Toluène 4,60 4,06 × 10 45,5 0,980
–1 –1
R est la constante molaire des gaz (R = 8,32 J · mol  · K )
ΔHL est l’enthalpie d’adsorption issue du modèle de Langmuir (J · mol–1) [équation (2)]

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L’ADSORPTION DANS LE TRAITEMENT DE L’AIR __________________________________________________________________________________________

Tableau 2 – Données paramétriques de l’équation de Freundlich pour deux types de charbon actif
Grains de charbon actif Fibres de carbone activé
Composé kF kF
1/n 1/n
(mg1–1/n · m3/n · g–1) (mg1–1/n · m3/n · g–1)

Acétate d’éthyle 696 0,19 253 0,187


Acétone 587 0,45 37 0,374

Benzène 250 0,20 283 0,147

2
Chloroforme 315 0,202
1,2-dichloroéthane 1 198 0,32

Dichlorométhane 900 0,53 138 0,320


Disulfure de carbone 139 0,206

Isopropanol 661 0,26

Éthanol 184 0,254


Méthanol 630 1,00 255 0,161

Méthyléthylcétone 663 0,24


Tétrachloroéthylène 700 0,175 679 0,216

Toluène 298 0,09 298 0,143


Trichlororéthylène 427 0,141

■ Le modèle d’équilibre de Dubinin-Radushkevich est basé sur la


théorie du potentiel formulée par Polanyi. Dubinin, Radushkevich Tableau 3 – Paramètres de l’équation de Dubinin-
et Astakhov ont proposé, en considérant l’adsorption comme un Radushkevich pour l’adsorption de différents COV
remplissage volumique de l’adsorbant, de relier le volume d’adsor- sur charbon actif microporeux
bat W au potentiel ξ [9] par la relation :
W0 E Coefficient
Composé
(cm3 · g–1) (kJ · mol–1) de corrélation

1,2-dichloroéthane 0,514 18,9 0,969


Acétate d’éthyle 0,482 15,8 0,974
avec W volume de composé adsorbé (m3 · g–1),
Acétone 0,454 15,4 0,954
W0 volume des micropores accessibles au composé
(m3 · g–1), Éthanol 0,506 13,1 0,943
E énergie caractéristique de l’adsorption (J · mol–1
Méthyléthylcétone 0,508 16,9 0,992
ou J · mg–1),
ξ variation de l’énergie potentielle des molécules Méthyléthyldioxolane 0,425 12,4 0,978
adsorbées (J · mol–1 ou J · mg–1).
Toluène 0,511 13,3 0,986
Le volume d’adsorbat W est estimé en supposant que le com-
posé s’est condensé dans la microporosité et est adsorbé est à
l’état liquide :
1.3 Adsorption de composées multiples
La méthode la plus simple pour prédire les équilibres d’adsorp-
tion multicomposée est d’utiliser les données des isothermes
monocomposées. Longtemps, l’équation de Langmuir étendue a
avec masse volumique du COV liquide (g · m–3). été la plus employée car elle fournit pour le composé i une
Des paramètres générés par l’application de ce modèle à des expression analytique et explicite :
données expérimentales d’équilibre sont présentés dans le
tableau 3.
Des variantes à ce modèle ont été proposées par Dubinin et
Astakhov qui considèrent l’exposant, caractérisant l’hétérogénéité
de la porosité, non pas égal à 2 mais comme un paramètre variant D’autres modèles, tels que la théorie de la solution vacante ou
de 1,5 à 3. la théorie de la solution adsorbée idéale (AIS en anglais), per-

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G 1 770v2 – 4

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G1780

Bioprocédés en traitement de l’air


Mise en œuvre
par Pascaline PRÉ
Maître de conférences

2
École des mines de Nantes
Yves ANDRÈS
Maître de conférences, habilité à diriger des recherches
École des mines de Nantes
Claire GÉRENTE
Ingénieur de recherche
École des mines de Nantes
Pierre Le CLOIREC
Professeur
Directeur du département Systèmes énergétiques et Environnement
École des mines de Nantes

1. Principes de base ..................................................................................... G 1 780 – 2


2. Micro-organismes et réactions biochimiques .................................. — 2
2.1 Nutriments et croissance microbienne...................................................... — 3
2.2 Génération d’énergie chez les micro-organismes .................................... — 3
2.3 Substrats ...................................................................................................... — 3
3. Procédés : mise en œuvre et applications ........................................ — 5
3.1 Conceptions de base des bioréacteurs ...................................................... — 5
3.2 Paramètres communs de fonctionnement ................................................ — 6
3.3 Biofiltres ....................................................................................................... — 7
3.4 Filtres percolateurs ou lits bactériens ........................................................ — 9
3.5 Biolaveurs .................................................................................................... — 11
4. Sous-produits générés et valorisation des déchets ....................... — 14
4.1 Identification des sous-produits et des déchets générés lors
des traitements biologiques de l’air........................................................... — 15
4.2 Valorisation énergétique ............................................................................. — 16
4.3 Valorisation matière .................................................................................... — 17
4.4 Déchets ultimes............................................................................................ — 17
5. Conclusions. Perspectives .................................................................... — 17
Références bibliographiques ......................................................................... — 18

i les phénomènes de dégradation biologiques sont largement répandus


S dans la nature et couramment employés en épuration d’eau usée, l’utilisa-
tion des micro-organismes dans le traitement de l’air est récente.
De manière générale, des procédés de traitement rustiques, performants et éco-
nomiques sont recherchés. C’est dans ce cadre que les procédés biologiques trou-
vent normalement leur place pour la dégradation de molécules biodégradables
seules ou en mélanges complexes dans l’air. En outre, afin d’éviter toute inhibition
du milieu vivant, les bioprocédés sont adaptés pour des concentrations faibles à
moyennes en polluant mais s’appliquent à de forts débits d’air à traiter.
Cet article présente les procédés biologiques les plus couramment mis en
œuvre pour abattre les composés polluants présents dans l’air. Il en explique le
Parution : avril 2004

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BIOPROCÉDÉS EN TRAITEMENT DE L’AIR ___________________________________________________________________________________________________

principe ainsi que les mécanismes biologiques intervenant, décrit la mise en


œuvre des procédés et propose quelques exemples d’applications. Les sous-
produits induits par ce type de traitement sont abordés en termes de valorisation
potentielle.
La modélisation des bioréacteurs, qui constitue un outil intéressant pour prédire
les performances obtenues sur une installation existante ou pour aider au dimen-
sionnement d’unités nouvelles, sera traitée dans l’article suivant [G 1 781].
Pour de plus amples renseignements concernant les différentes méthodes de traitement de
l’air, le lecteur pourra consulter les références [1] [2] [80] à [85].

2
1. Principes de base
Le principe de la biodégradation aérobie est basé sur la dégrada-
tion via des micro-organismes (bactéries, champignons...) de com-
posés organiques appelés, dans ce cas, le substrat. Ces réactions
d’oxydation s’effectuent obligatoirement en milieu aqueux dans Substrats 2 1
lequel se trouvent les consortiums microbiens. Ceux-ci peuvent être
libres ou immobilisées sur un support solide. Dans la mise en œuvre 3
des bioprocédés de protection de l’environnement et, en particulier,
lors de l’épuration biologique de l’eau, on rencontre des bassins
aérobies ou anoxiques de boue activée qui sont assimilés à des Bactérie
réacteurs en mélange intégral ou encore des lits bactériens qui sont
des colonnes dans lesquelles circule l’eau à traiter sur un garnissage
colonisé [3]. 4
Dans le cas spécifique du traitement biologique de l’air, il convient Métabolites 5 6
de mettre en contact le substrat de la phase gazeuse avec les micro-
organismes dans une phase aqueuse. Les notions de transfert de
matière, modélisé par la loi de Fick, et de diffusion dans les phases Eau Air
liquides et gazeuses [4] permettent de schématiser les phénomènes
qui se produisent et d’en identifier les différentes étapes (figure 1).
Ces transformations biologiques via des réactions enzymatiques
Différentes étapes du transfert
sont des réactions complexes de dégradation et d’oxydation molé-
culaires. En simplifiant à l’extrême, la réaction peut s’écrire : 1 - Diffusion de la molécule dans la phase gazeuse jusqu'à l'interface
gaz-liquide
MO + O2 + [N, P, K, oligoéléments] + H2O → CO2 + H2O + métabolites + E + X
2 - Transfert du polluant et de l'oxygène dans l'eau par absorption
La matière organique (MO), présente dans l’air, est le substrat (solubilisation) et diffusion vers la bactérie
principal qui, en présence d’oxygène, d’une source d’azote (N) et de
3 - Dégradation du substrat par la bactérie qui produit alors des
phosphore (P), d’oligoéléments et d’eau est dégradée et oxydée en métabolites ou sous-produits de réaction
dioxyde de carbone, en eau et en sous-produits (métabolites). Ces
réactions biologiques apportent d’une part de l’énergie (E) interne 4 - Transfert des métabolites et diffusion dans l'eau
aux micro-organismes et permettent d’autre part une multiplication 5 - Transfert des métabolites de l'eau vers l'air (désorption ou stripage)
des bactéries (X) dans le milieu aqueux.
6 - Diffusion des métabolites dans la phase gazeuse

2. Micro-organismes
et réactions biochimiques Figure 1 – Approche schématique des transferts de substrats
et de métabolites de biodégradation dans les phases gazeuses
et aqueuses
Pour une meilleure compréhension des biotechnologies appli-
quées à la réduction des pollutions dues à des effluents gazeux, des — tolérer des conditions difficiles dans leur environnement ;
notions de métabolisme microbien sont présentées dans ce para- — montrer une large variabilité phénotypique en réponse aux
graphe. Étant donné le type d’émissions à traiter, seules les voies conditions de l’environnement à travers des mécanismes de
aérobies seront abordées. Les micro-organismes et, plus particuliè- régulation génétique ;
rement, les bactéries présentent des capacités à :
— s’associer avec d’autres organismes dans des interactions
— se propager rapidement avec des temps de génération synergiques telles que la symbiose, le mutualisme, le commensa-
donnés ; lisme, en élargissant la diversité métabolique d’une espèce.
— posséder une grande flexibilité dans la régulation, la coordina-
tion, l’induction et la répression des chaînes métaboliques ; L’utilisation d’une molécule (organique ou minérale) par des micro-
— coloniser rapidement de nouveaux habitats ; organismes peut suivre la voie du catabolisme ou bien celle de la

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G 1 780 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

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___________________________________________________________________________________________________ BIOPROCÉDÉS EN TRAITEMENT DE L’AIR

biotransformation. Les produits résultant d’une biotransformation constitutives de la cellule. La température a généralement un
peuvent s’accumuler jusqu’à atteindre des concentrations toxiques optimum entre 35 et 40 ˚C.
pour une espèce microbienne avant d’être minéralisés par d’autres
espèces. Cette séquence de dégradation est souvent rencontrée dans ■ Le pH est un facteur qui influe fortement sur le développement
le cas de la biodégradation de molécules complexes [5]. des micro-organismes. À l’opposé des moisissures et des levures
pour lesquelles le développement est favorisé à un pH acide (pH 3 à
6), les bactéries se multiplient plutôt en milieu neutre ou légèrement
alcalin (pH 7 à 7,5), mais ces limites peuvent être assez larges. Les
2.1 Nutriments et croissance microbienne micro-organismes modifient fréquemment le pH de leur propre
habitat en produisant des déchets métaboliques acides ou basiques.

Les micro-organismes se multiplient à partir des nutriments pré- ■ Des conditions de potentiel d’oxydo-réduction très variables leur
sents dans leur milieu. Ils ont tous des besoins communs : de l’eau, sont nécessaires. En effet, certains micro-organismes ont besoin de

2
une source de carbone, d’azote et d’énergie, ainsi que des éléments conditions oxydantes et ne vont pas se développer si le milieu
minéraux. La température, le pH, la concentration en oxygène, la devient réducteur (Nitrosomonas sp., Nitrobacter sp.). Par contre,
pression osmotique et la présence d’eau sont des facteurs influant d’autres requièrent un milieu extrêmement réducteur pour croître
sur le développement microbien [6]. (méthanogènes, −350 mV).

■ Certains micro-organismes sont aérobies stricts, exigeant de


l’oxygène libre pour leur développement, lequel sert alors d’accep-
2.1.1 Besoins élémentaires teur final de la chaîne transporteuse d’électrons (ou respiratoire).
D’autres, anaérobies stricts, ne peuvent se multiplier qu’en
Pour leur croissance, les organismes vivants font appel à des l’absence d’oxygène libre ; d’autres encore sont anaérobies faculta-
composés donneurs d’hydrogène ou d’électrons et, corrélative- tifs, capables de croître avec ou sans oxygène libre ; les micro-
ment, à d’autres composés accepteurs d’électrons. Il est possible de aérophiles, eux, ne se reproduisent qu’en présence d’une faible
séparer les micro-organismes en deux catégories selon que la pression d’oxygène (2 à 10 % de O2 alors que l’air en contient 21 %).
source d’énergie provient de rayonnement lumineux (organismes
photosynthétiques) ou de l’oxydation de produits chimiques organi- ■ Il est facilement compréhensible que la survie et la croissance
ques ou minéraux (organismes chimiosynthétiques). En plus de des micro-organismes peuvent être influencées par la présence ou
servir de source d’énergie, ces composés doivent apporter les l’absence d’eau et par des modifications de la concentration en sels
éléments constitutifs de la biomasse dont la composition de leur environnement. La quantité d’eau disponible pour les micro-
élémentaire simplifiée peut s’écrire C5H7O2NP0,5. organismes peut être réduite par interaction avec des molécules de
solutés (effet osmotique) ou par absorption sur les surfaces de
Une des caractéristiques remarquables des micro-organismes est solide (effet de matrice).
leur extraordinaire flexibilité en ce qui concerne les sources de car-
bone. On peut citer, en exemple, Pseudomonas cepacia qui con-
somme plus de 100 substances carbonées différentes. A contrario,
certains n’utilisent qu’un nombre très limité de composés carbonés. 2.2 Génération d’énergie chez les micro-
Pour synthétiser leurs protéines, qui représentent 10 % de leur organismes
poids sec, les micro-organismes ont besoin de substances azotées
et soufrées. Les sources d’azote peuvent être très variées : azote
moléculaire pour quelques bactéries, composés inorganiques (nitri- Un micro-organisme en croissance produit de l’énergie par l’inter-
tes, nitrates, ammonium...) pour d’autres et, enfin, formes organi- médiaire des réactions liées à la dégradation d’un substrat et con-
ques (par exemple, les fonctions aminées provenant de composés duisant aussi à la synthèse des molécules et macromolécules
organiques). Le soufre est trouvé dans les protéines sous forme de cellulaires. Le métabolisme regroupe le catabolisme (destruction du
groupements thiols et est principalement incorporé sous forme oxy- substrat pour la production d’énergie) et l’anabolisme (assimilation
dée ou soufrée organique, rarement sous forme réduite. du substrat dans la cellule). Les molécules nutritives, le plus cou-
Le phosphore tient une place importante dans la vie cellulaire car ramment sous forme de polymères (protéines, polysaccharides, lipi-
il est constitutif des acides nucléiques (ADN, ARN), de nombreux des, etc.), sont tout d’abord réduites en monomères par action
coenzymes et de l’ATP. La forme phosphate inorganique est la plus enzymatique puis canalisées vers un nombre toujours plus réduit
couramment assimilée par la cellule. d’intermédiaires métaboliques jusqu’à ce qu’elles soient introduites
dans les grandes voies terminales, par exemple le cycle des acides
Des éléments minéraux tels que Na, K, Cl, jouent un rôle dans tricarboxyliques. Dans le cas de la respiration aérobie, le flux des
l’équilibre physico-chimique de la cellule. D’autres sont parties électrons est canalisé vers un accepteur final d’électrons : l’oxy-
constituantes d’enzymes ou de coenzymes (Fe, Mg...). Enfin, cer- gène. Divers facteurs nutritionnels et environnementaux vont avoir
tains oligoéléments sont nécessaires en tant que cofacteurs ou acti- un rôle régulateur sur les populations microbiennes d’un même
vateurs enzymatiques. microcosme.

2.1.2 Facteurs physiques et chimiques


2.3 Substrats
Un certain nombre de facteurs physiques et chimiques peuvent
inhiber ou favoriser la croissance des micro-organismes.
Dans le cadre du traitement biologique de l’air, les substrats sont
■ En premier lieu, la température joue un rôle important sur le des composés plus ou moins facilement biodégradables et certains
métabolisme microbien. Les réactions catalysées par les enzymes peuvent même être qualifiés de récalcitrants (figure 2). Le résultat
sont thermosensibles. Aux faibles températures, pour une élévation d’une attaque microbienne d’un substrat par une souche pure ou
de 10 ˚C, la vitesse de réaction double avec, pour conséquence, un une population mixte peut conduire :
métabolisme plus actif. Au-delà d’une certaine valeur, les tempéra-
tures élevées sont létales par dénaturation des enzymes, des systè- — à sa transformation en biomasse et en énergie ;
mes de transport moléculaire et ionique et des autres protéines — à son oxydation complète ou minéralisation ;

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2.3.1.1 Composés carbonés


Biodégradable Dans la suite de ce paragraphe sont présentées les principales
voies d’utilisation de composés organiques volatils non
Composés aliphatiques méthaniques (COVNM). La biodégradabilité de ces composés varie
Solvants aromatiques légers en fonction de leur nature et de leur structure chimique (cf. figure 2).
Solvants chlorés Les voies métaboliques et les systèmes enzymatiques impliqués
Hydrocarbures cycliques dans la biodégradation sont différents suivant la structure molécu-
Hydrocarbures aromatiques polycycliques laire des composés : aliphatiques, cycliques ou aromatiques, chlo-
Polycycliques chlorés rés... La stratégie généralement adoptée est de convertir le composé
Pesticides - Herbicides organique à traiter en un intermédiaire du métabolisme cellulaire
Molécules complexes central.
La liaison carbone-chlore est le plus souvent rompue par des

2
Récalcitrant enzymes spécifiques du métabolisme microbien (déhalogénase) ou
par des déhalogénations spontanées dans le cas d’intermédiaires
Figure 2 – Classification des composés organiques en fonction instables avec production de d’acide chlorhydrique. C’est en réalité
de leur biodégradabilité en aérobiose [9] la gamme de substrat utilisable par les déhalogénases qui déter-
mine les composés halogénés synthétiques susceptibles d’être utili-
— à une dégradation partielle ou incomplète avec formation de sés comme substrat de croissance par les micro-organismes. La
composés stables par biotransformation et parfois plus complexe résistance à la biodégradation de beaucoup de composés xéno-
par polymérisation [7]. biotiques chlorés est liée au manque d’enzymes. La plupart des alca-
nes ou des composés aromatiques comportant un grand nombre de
Les facteurs qui vont affecter la biodégradation concernent la substituts chlorés ne peut pas être déhalogénée directement en
molécule, l’environnement, la population microbienne. Lebeault [8] aérobiose, une étape intermédiaire en anaérobiose étant néces-
cite les facteurs moléculaires qui interviennent pour un traitement : saire.
— l’encombrement stérique qui est fonction de la masse molaire, Les alcanes sont généralement transformés en acides gras. Pour
du degré de polymérisation et du degré de substitution (nature, ce faire, en présence d’oxygène, l’alcane est attaqué par une mono-
nombre, position des substituants) ; oxygénase qui introduit dans la molécule un atome d’oxygène for-
— les équilibres solide / liquide / vapeur ; mant ainsi un alcool. Ce dernier est ensuite oxydé en un aldéhyde et
— la solubilité (biodisponibilité) ; finalement en un acide carboxylique. L’acide ainsi formé prend part
— la toxicité (des composés de départ et des produits de au métabolisme central pour suivre la voie de dégradation des lipi-
dégradation) ; des par β-oxydation. Il apparaît clairement que l’étape initiale d’oxy-
dation ne peut se faire en absence d’oxygène. Les composés
— la concentration en polluant. aliphatiques insaturés sont dégradés en aérobiose par des
mécanismes similaires à ceux impliqués dans la dégradation des
composés saturés. Les doubles et triples liaisons sont chimique-
2.3.1 Exemples de biodégradation ment plus réactives et peuvent induire des réactions additionnelles
telles que l’hydratation ou la formation d’époxydes [10]. La biodé-
La capacité des micro-organismes à intégrer dans leur méta- gradation aérobie de molécules aromatiques est courante avec un
bolisme des molécules toxiques ou xénobiotiques résulte de leur composé intermédiaire commun : les catéchols.
intervention dans les cycles des éléments tels que le cycle du car- Le tableau 1 regroupe quelques valeurs de capacité d’élimination
bone, du soufre et de l’azote. L’utilisation des substrats polluants de composés organiques par des procédés utilisant les biotechnolo-
peut correspondre à une dérivation des systèmes enzymatiques qui, gies qui montrent que le traitement des pollutions organiques via
malgré une grande spécificité de substrats, acceptent des composés les biotechnologies est efficace. Néanmoins, un bonne adéquation
de structure suffisamment proche pour être dégradés et être ainsi est requise entre le type de biomasse (mixte ou souche pure) et le ou
ramenés vers le métabolisme cellulaire central. les molécules à dégrader.
(0)

Tableau 1 – Capacité d’élimination de composés organiques par des biomasses microbiennes [11]
Composé Micro-organismes Capacité d’élimination
(g de substrat · m−3 · h−1)
Éthanol Culture mixte 53 à 219
Méthanol Consortium de 8 bactéries 112,8
Dichlorométhane Hyphomicrobium sp. 200
Éthylacétate Culture mixte 175
Propionaldéhyde Pseudomonas fluorescens 500
Toluène, éthylbenzène, xylène Culture mixte 70
Toluène + éthylbenzène + xylène Culture mixte 75 à 80
Phénol Pseudomonas putida 124 à 700
Styrène Culture mixte 70 à 80
Toluène Culture mixte 35
Éthanol + toluène Bacillus sp. + Pseudomonas sp. 120 et 70
Méthanol + styrène Culture mixte 110

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Bioprocédés en traitement de l’air


Modélisation et simulation de bioréacteurs
par Pascaline PRÉ
Maître de Conférences

2
École des Mines de Nantes
et Pierre LE CLOIREC
Professeur, Directeur Scientifique
École de Chimie de Rennes (ENSCR)

1. Modélisation des biofiltres.................................................................... G 1 781v2 – 2


1.1 Modèle d’Ottengraf ..................................................................................... — 2
1.2 Intérêts et limites du modèle ...................................................................... — 4
1.3 Exemple de modélisation d’un biofiltre à garnissage naturel structuré. — 5
2. Modélisation des filtres percolateurs ................................................ — 6
3. Modélisation des biolaveurs ................................................................. — 7
3.1 Équations de transfert et de biodégradation............................................. — 7
3.2 Exemple : amélioration du fonctionnement d’un biolaveur d’un poste
de relèvement d’eaux usées ....................................................................... — 8
4. Conclusions. Perspectives .................................................................... — 9
Références bibliographiques ......................................................................... — 10

es premiers traitements biologiques de l’air et en particulier des odeurs ont


L été mis en place industriellement en France dans les années 1980. Actuelle-
ment, on compte environ 300 installations industrielles, principalement des bio-
filtres, mais les biolaveurs connaissent actuellement un intérêt certain [30] [31].
Ces systèmes biologiques de traitement de l’air sont bien adaptés au traitement
de forts débits d’air faiblement chargés en molécules odorantes ou en composés
organiques volatils [32] à [34]. Des données de dimensionnement et des condi-
tions opératoires ont été établies expérimentalement sur des unités pilotes de
laboratoire ou sur sites industriels. Cependant, afin de pouvoir mieux concevoir,
dimensionner et gérer les bioprocédés, par une compréhension fine des proces-
sus impliqués, il convient de savoir modéliser et simuler numériquement
l’ensemble des phénomènes. Plusieurs voies sont possibles soit par des modè-
les stochastiques (corrélations de données expérimentales), soit par des modè-
les déterministes (équations de bilans, de transfert, d’écoulement...) [25]. Un
couplage des deux approches permet de mieux appréhender la complexité des
systèmes. Pour cela, on utilise une mise en équation des phénomènes physi-
ques, chimiques et biologiques tout en y adjoignant des relations empiriques
issues d’études statistiques de données expérimentales.
Cet article présente des modèles de simulation des performances des procé-
dés biologiques mis en œuvre pour éliminer les composés polluants biodégra-
dables et suffisamment hydrophiles présents dans l’air. Ainsi seront développés
les modélisations des biofiltres, des filtres percolateurs et des biolaveurs. Il
s’appuie sur les concepts et les principes de base du génie des procédés en inté-
grant les spécificités des systèmes biologiques.
Des exemples d’applications de ces modèles permettent de montrer tout l’inté-
rêt d’une telle approche pour la conception, le dimensionnement et la gestion
Parution : avril 2007

opérationnelle des procédés. Ils permettent aussi de mesurer l’écart entre la

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. − © Editions T.I. G 1 781v2 − 1

51
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BIOPROCÉDÉS EN TRAITEMENT DE L’AIR ___________________________________________________________________________________________________

simplicité des représentations adoptées à l’heure actuelle et la complexité des


phénomènes physico-chimiques et biologiques dans ces systèmes en conditions
de fonctionnement réelles, résultant notamment du mélange de molécules et de
leur variabilité dans le temps.
L’étude pratique de ces procédés de traitement biologique de l’air a été présen-
tée dans le dossier [G 1 780] ou [30]. Le lecteur s’y reportera si nécessaire.

2 1. Modélisation des biofiltres avec UG


a
vitesse du gaz en réacteur supposé vide (m · s−1),
aire spécifique d’échange, caractéristique du
garnissage employé (m2 · m−3),
Dans un biofiltre, on considère que la biomasse et l’eau sont D coefficient de diffusion du composé dans la
immobiles dans le réacteur. En effet, l’eau est apportée dans le réac- phase liquide (m2 · s−1),
teur pour humidifier le garnissage, subvenir aux besoins des bacté-
ries et compenser une éventuelle évaporation par le flux d’air non x épaisseur dans le biofilm (m),
saturé [30]. Parmi les bioprocédés, les biofiltres étant le procédé le S Lx = 0 concentration du substrat à l’interface gaz-
plus répandu, les modèles s’y référant ont fait l’objet jusqu’à pré- biofilm (g · m−3),
sent du plus grand nombre de travaux. Sera décrit ci-après l’un des
e
SG concentration de polluant dans l’air à l’entrée du
modèles conventionnels les plus anciens et qui, en raison de sa sim-
plicité, par des hypothèses simplificatrices, reste l’un des plus réacteur, supposée constante.
employés. Sur un élément de volume de hauteur dz, le bilan matière expri-
mant la variation, en régime permanent, de la concentration du
substrat dans l’épaisseur du biofilm SL (g · m−3) prend en compte le
transfert diffusionnel et la vitesse de dégradation biologique Rs
1.1 Modèle d’Ottengraf (g · m−3 · s−1) :

Pour décrire les mécanismes qui régissent le processus de trans- d2 S


0 = D  ------------L- – R s (2)
port, de transfert et de dégradation d’un polluant dans un biofiltre,  
un modèle théorique simple a été initialement proposé par Otten- d x2
graf [1]. Ce modèle rend compte de la diffusion du composé biodé-
gradable présent en phase gazeuse dans un biofilm (film constitué Dans le cas où la dégradation biologique ne concerne qu’un seul
de bactéries fixées) se développant à la surface d’une particule du composé, pris comme molécule cible, le modèle de Monod exprime
garnissage naturel [30], où il subit une biodégradation aérobie. Les la vitesse de la réaction par :
hypothèses simplificatrices suivantes sont émises :
— la biodégradation a lieu dans la phase liquide que constitue le d SL SL
biofilm ; R s = – ---------- = R 0 ------------------------ (3)
dt ( SL + Ks )
— la phase liquide dans le biofilm est assimilée à de l’eau ;
— l’épaisseur du biofilm est faible devant la taille des particules
du garnissage, si bien que la surface du biofilm peut être considérée R0 (g · m−3 · s−1) s’exprime en fonction du taux maximal de crois-
comme plane ; sance de la biomasse (mmax), et dépend de la concentration en
— la distribution de la biomasse (X ) est supposée homogène micro-organismes actifs dans le biofilm (X ), supposée constante.
dans tout le volume du réacteur, et sa concentration ne varie pas au Ks (g · m−3) est la constante d’affinité de Monod, fonction de la
cours du temps ; nature du substrat. Pour des substrats carbonés, les valeurs de Ks
— l’écoulement du gaz au travers du média filtrant est supposé sont relativement faibles et varient de 10−3 à 10−2 g · m−3.
piston ;
— la phase gazeuse est idéale, et l’on considère qu’il n’y a pas Si l’on considère que la concentration en substrat est le facteur
d’interaction entre les espèces chimiques en présence ; limitant de croissance (SL << Ks), la cinétique de biodégradation a un
— la résistance au transfert côté gaz est négligée ; ordre apparent qui vaut 1. La vitesse de réaction est contrôlée par la
— sur toute la hauteur du filtre, l’équilibre de concentration des diffusion du polluant dans le biofilm. À l’opposé, si la concentration
substrats est supposé atteint à l’interface gaz-biofilm ; en substrat dans le biofilm est élevée (SL >> Ks), on peut admettre
— le régime est stationnaire ; un ordre 0. Deux situations se présentent alors suivant que la diffu-
sion dans le biofilm est limitante ou non. On est ainsi amené à dis-
— il n’existe pas de substrat ou d’oxygène en concentration
tinguer 3 cas correspondant à différentes conditions aux limites, et
limitante.
pour lesquelles l’équation (2) trouve une solution analytique
En prenant en compte ces hypothèses, les équations de bilans en (figure 1).
phase gazeuse et dans le biofilm sont établies. Sur un élément de
volume du bioréacteur de hauteur dz, la variation de la concentra- ■ 1er cas : cinétique d’ordre 1
tion du substrat SG (g · m−3) dans la phase gazeuse en écoulement Si la concentration en substrat est le facteur limitant de crois-
piston est donnée en fonction du flux transféré par diffusion à sance, soit SL << Ks, la vitesse de disparition suit une loi d’ordre 1 :
l’interface gaz-biofilm, exprimé par la loi de Fick :

d SG d SL R0
dS  R s = – ---------- = ------ S L (4)
U G ----------- = aD  ----------L x = 0 et z = 0 = Se
SG G (1)
dz dx dt Ks

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G 1 781v2 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

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Protection localisée par flux d’air

par Johan CARLIER


Ingénieur de recherche Irstea, docteur en mécanique de l’université des Sciences et
Technologies de Lille
Irstea – UR OPAALE équipe ACTA, Rennes, France

Lionel FIABANE
Ingénieur de recherche Irstea, docteur en sciences de l’ingénieur de l’École Polytechnique
Irstea – UR OPAALE équipe ACTA, Rennes, France
2
et Dominique HEITZ
Chargé de recherche Irstea, responsable équipe ACTA, habilité à diriger les recherches en
mécanique de l’université de Rennes 1, docteur en mécanique des fluides de l’université
de Poitiers
Irstea – UR OPAALE équipe ACTA, Rennes, France

1. Protection localisée d’ambiance par flux d’air......................... G 1 791 – 2


2. Écoulements typiques du mélange.............................................. — 4
2.1 Équations du mouvement .................................................................. — 4
2.2 Couche de mélange ............................................................................ — 5
2.2.1 Description ............................................................................... — 5
2.2.2 Définition de quelques grandeurs caractéristiques ................ — 5
2.2.3 Lois de comportement ............................................................ — 6
2.3 Jet plan ............................................................................................... — 6
2.3.1 Description ............................................................................... — 6
2.3.2 Lois de comportement ............................................................ — 7
2.4 Remarques .......................................................................................... — 8
3. Particules dans les écoulements ................................................. — 8
3.1 Définition et caractéristiques ............................................................. — 8
3.2 Équation de mouvement des particules dans un écoulement ......... — 9
3.3 Effets de gravité ................................................................................. — 9
3.4 Effets d’inertie .................................................................................... — 10
3.5 Ordres de grandeur des paramètres du transport de particules ...... — 10
4. Quelques exemples de dispositifs de protection localisée .... — 11
4.1 Perturbations liées à l’effraction ........................................................ — 11
4.2 Protection localisée par flux d’air non recyclé .................................. — 12
4.3 Protection localisée par flux d’air recyclé ......................................... — 13
5. Conclusion........................................................................................ — 14
6. Glossaire ........................................................................................... — 14
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 1 791

S eule la maı̂trise localisée des flux d’air propres peut prétendre assurer des
niveaux élevés de propreté d’air autour des produits sensibles à l’aéro-
contamination. Il est bien entendu possible d’obtenir globalement une bonne
protection particulaire dans des grands volumes comme les ateliers de produc-
tion, même ouverts aux contaminations internes (opérateurs, machines, matiè-
res premières, etc.). Mais la maı̂trise localisée, appelée également « flux unidi-
rectionnel » ou « flux dirigé », permet d’obtenir localement des niveaux de
propreté en activité de « classe 5 » (de la norme ISO 14644-1), ou de « classe 100 »
Parution : octobre 2018

(de l’ancienne norme FED-STD-209 E) dans des ambiances atteignant

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PROTECTION LOCALISÉE PAR FLUX D’AIR ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

difficilement des classes de propreté 100 fois moins bonnes en salle propre
perturbée par l’activité (« classe 7 » de ISO 14644-1, ou « classe 10 000 » de
FED-STD-209 E).
Ce constat est maintenant partagé par bon nombre d’industriels de l’alimen-
taire pour lesquels la problématique froid et condition de travail s’ajoute à celle
de l’ultrapropreté. Une bonne maı̂trise localisée des flux d’air propres et froids
permet de maintenir une température constamment basse d’environ 4  C
au niveau des produits alimentaires en cours de traitement (plans de travail,
conditionneuses, bandes convoyeuses, etc.), tout en assurant une température
nettement plus élevée, d’environ 15  C, au contact des personnes situées à
proximité.

2
Le présent article va tout d’abord s’attacher à définir ce qu’est une protection
localisée par soufflage d’air propre, puis à décrire les phénomènes physiques
mis en jeu dans les dispositifs de séparation d’ambiances. Les effets de l’entraı̂-
nement, du mélange et de la flottabilité seront plus particulièrement détaillés,
ainsi que les ressorts du transport particulaire. Des technologies concrètes de
protection localisée seront enfin présentées et décrites.

Dans le cas des salles blanches, il faut assurer une étanchéité éle-
1. Protection localisée vée vis-à-vis de l’air extérieur, un apport d’air propre en grande
d’ambiance par flux d’air quantité (avec pour conséquences la nécessité de centrales de trai-
tement d’air (CTA) à très haut débit et le remplacement régulier de
coûteux filtres HEPA) et une surveillance en continu des paramètres
de la salle (température, hygrométrie, niveau d’empoussièrement).
L’air est un vecteur important de contamination. Au gré de ses Au niveau des classes de propreté les plus contraignantes, il faut
mouvements, il transporte des aérosols solides ou liquides et/ou de plus utiliser des matériaux spécifiques pour les conduites ou
des particules. Il peut les déposer éventuellement sur des surfa- les surfaces. Enfin, il est particulièrement difficile d’assurer un
ces ou des produits qui s’en trouvent altérés. La notion de protec- niveau de contamination faible et homogène à grande échelle, sur-
tion contre les particules aéroportées est variable selon l’étendue tout si la pièce comporte des machines et que des travailleurs inter-
spatiale de cette protection : elle peut être globale, c’est-à-dire viennent activement en son sein.
étendue à l’ensemble d’un volume à l’échelle d’une salle ou
Dans le cas des isolateurs, toutes les opérations sur les produits
d’une cellule, ou localisée, c’est-à-dire dans un volume particulier
doivent être prévues à la construction de l’isolateur, et toutes les
englobant le produit à protéger et ouvert à une ambiance moins
modifications ultérieures sont coûteuses voire impossibles à
maı̂trisée.
effectuer.
Dans le cas d’une protection globale, en milieu confiné, l’air est
purifié à l’aide de filtres à haute efficacité (EPA, HEPA, ULPA) [G 1 710]. Dans les deux cas, la production est en outre alourdie par de
Cet air propre suralimente l’environnement des produits pour, d’une nombreuses contraintes, préconisations ou obligations quant à la
part, diluer la pollution « endogène » inévitablement créée lors des tenue des opérateurs, la façon d’entrer et sortir des pièces ou des
phases de production (les sources de contamination étant entre ateliers, l’accès aux produits, et en général la façon d’effectuer tous
autres les opérateurs, les produits eux-mêmes, les machines…) et, les actes afin de limiter les contaminations.
d’autre part, pour empêcher par surpression la pollution « exogène » Une méthode de protection alternative consiste à apporter un
de pénétrer dans la zone protégée. C’est le principe des salles à flux d’air propre au plus près des produits, englobant ou non les
empoussièrement contrôlé, communément appelées « salles pro- opérateurs (voir figure 1). La présence de l’opérateur dans la
pres » ou « salles blanches » lorsqu’elles ont fait l’objet d’une clas- zone protégée peut présenter certains avantages pratiques, et
sification (norme NF EN ISO 14644-1). Afin de protéger de manière les problématiques sont alors celles des salles propres classi-
plus efficace les produits sensibles, il est également possible d’iso- ques : Comment préserver la zone propre des pollutions exter-
ler complètement ces produits, en créant un environnement protégé nes ? Comment assurer un niveau homogène et maı̂trisé des pol-
par carénage interdisant tout contact avec l’extérieur : on parle alors lutions dans un environnement contenant des sources de
d’« isolateurs » [F 1 200]. polluants (les opérateurs eux-mêmes principalement) ? On peut
Les salles blanches et les isolateurs sont des solutions radicales, également souhaiter s’affranchir de la contrainte des opérateurs
dont le principe est simple (alimenter une boı̂te étanche en air pro- en tant que sources de pollution interne à la zone protégée,
pre) et l’efficacité vis-à-vis de la protection contre les particules mais en conservant un accès facile aux produits pour les opéra-
aéroportées bonne au moins en moyenne. Ces solutions introdui- teurs. Il faut alors assurer une bonne protection au niveau des
sent en revanche un certain nombre de contraintes, ont un coût produits, à tout instant et même en cas d’effraction de la zone
d’exploitation associé élevé, et ne répondent pas toujours aux protégée par les opérateurs : c’est le principe de la protection
besoins spécifiques des opérateurs. localisée [1].

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PROTECTION LOCALISÉE PAR FLUX D’AIR

depuis la CTA (soufflage) flux d’air laminaire

flux d’air turbulent


vers la CTA (reprise ou recyclage)
instabilité / tourbillon

Figure 1 – Protection localisée par flux d’air propre englobant les opérateurs (gauche), centrée sur le produit sans recyclage (centre) ou centrée
sur le produit avec recyclage d’air (droite)

et adaptées à différents contextes ou configurations, ont ensuite


La protection localisée d’ambiance par flux d’air, telle que été développées et peuvent atteindre un niveau de performance
précisée par l’association UNIR (Ultra propre, Nutrition, Indus- remarquable en termes de propreté, d’efficacité énergétique et de
trie, Recherche) créée par des industriels de l’agroalimentaire robustesse par rapport à l’activité environnante. La vitesse de souf-
et avec la participation de l’équipe ACTA d’Irstea sous l’impul- flage dans l’air ambiant, l’inclinaison et la longueur des guidages
sion de Georges Arroyo, doit assurer une protection ciblée sur ou des déflecteurs et le positionnement de la reprise d’air éven-
les zones les plus sensibles et sans barrière matérielle permet- tuelle sont en effet quelques éléments d’action dont le réglage
tant ainsi la manipulation des produits [2]. Ce doit être des nécessite des notions dans les domaines de la physique des écou-
solutions modulaires et facilement implantables dans des lements et du transport particulaire.
structures préexistantes, ce qui les rend à la fois efficaces et
économiques [3] (moins d’équipements et moins d’air à traiter
et à faire circuler). Encadré 1 – Régime laminaire ou régime turbulent
Pour un écoulement, le régime laminaire signifie que le fluide
Historiquement, une des premières technologies utilisées pour s’écoule dans une même direction, sans variation locale de
tenter de cibler la protection particulaire sur une zone précise est vitesse. Il se définit également souvent par opposition au
le flux dit « laminaire » : des dispositifs autonomes de soufflage régime turbulent, siège d’agitations dues à la présence de tour-
équipés de filtres HEPA généralement installés au-dessus de la billons de tailles différentes et en interaction.
zone sensible à protéger (il existe également des versions horizon- Classiquement les technologies dites de « flux laminaire » pro-
tales des flux laminaires, mais elles sont plus rares en raison d’un duisent un écoulement sensiblement turbulent (jusqu’à 10 %
encombrement plus important). Dans les faits, les flux dits « lami- d’agitation en sortie de caisson) généré par le filtre plissé.
naires » se mélangent rapidement avec l’ambiance (voir encadré 1). De plus dès lors qu’un obstacle (opérateur, machine, produit à
Ils apportent donc localement un air plus propre que l’ambiance protéger) se trouve dans le flux laminaire un sillage se déve-
sans assurer à proprement parler une protection localisée. loppe auquel sont associés une turbulence et un mélange.
L’ajout des guidages au flux laminaire permet d’obtenir un flux
d’air unidirectionnel (ou flux dirigé). De cette manière, on donne Dans cet article, nous souhaitons apporter au lecteur les élé-
au flux d’air propre une direction définie et on réduit la longueur ments nécessaires à la mise en place d’une solution de protec-
de l’interface entre l’ambiance à protéger et l’ambiance moins maı̂- tion localisée d’ambiance par flux d’air. À cette fin, nous présen-
trisée en termes de propreté. La protection lors d’une effraction, tons les écoulements typiques mis en jeu dans les dispositifs de
par tout ou partie d’un opérateur intervenant sur le produit, peut séparation climatique pour la protection localisée (§ 2) et la
alors être optimisée en rendant l’interface entre les flux d’air plus dynamique / cinématique des particules dans les écoulements
robuste (l’interface est la couche de mélange qui se développe aux
(§ 3). Ces deux chapitres plus théoriques et mécanistiques seront
bords du dispositif de soufflage et qui confine la pollution exté-
suivis d’un chapitre plus technologique, dédié à la description de
rieure dans une nappe tourbillonnaire turbulente).
différents dispositifs remarquables de protection localisée et
Nota : une version « extrême » du flux d’air unidirectionnel est par exemple le plafond actuellement industrialisés (§ 4).
soufflant complet, que l’on peut retrouver dans les salles propres à haut niveau de pro-
tection ; les guidages sont alors matérialisés par les murs de la salle, avec une reprise Les principes de la protection localisée contre les particules
au niveau du sol voire même sous un plancher poreux. aéroportées présentés dans ce paragraphe sont relativement
Reprenant le principe des flux d’air unidirectionnels, des solu- génériques et peuvent être déclinés dans différents domaines
tions de protection localisée d’ambiance par flux d’air, optimisées d’application. Pour autant, l’équipe ACTA d’Irstea, de par son

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PROTECTION LOCALISÉE PAR FLUX D’AIR ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

positionnement historique, s’est spécialisée dans les applications avec (1) l’équation de continuité, (2) les équations de Navier-Stokes
de l’industrie agroalimentaire (IAA). Les paramètres étudiés et les et (3) l’équation pour le transport de la température. Dans ce sys-
applications abordées le seront dans ce contexte spécifique : tème, la répétition des indices traduit une sommation et les varia-
– les solutions de protection localisée en IAA étant souvent utili- bles et paramètres sont :
sées pour leur aptitude à apporter en complément un air froid au ui : les trois composantes de vitesse,
plus près des produits (permettant même de le recycler plus facile- T : la température,
ment pour des économies d’énergie [3]), nous développerons éga-
lement (§ 2) les spécificités physiques apportées par le paramètre p : la pression assimilée à p - r0gi dikxk,
température, notamment au niveau de l’interface entre l’ambiance r0 : la masse volumique de référence,
et la zone protégée. Un travail d’optimisation dans le cadre d’un n : la viscosité cinématique,
développement technologique pour la séparation d’ambiance dans
les IAA a permis d’assurer un niveau de propreté et de fraı̂cheur k : la diffusivité thermique,
satisfaisant au niveau des produits alimentaires et un environne- gi : les composantes de l’accélération gravitaire,

2
ment de travail confortable pour les opérateurs : c’est la technolo-
gie FROILOC©, présentée au § 4 ; b : le coefficient de dilatation thermique (r ª r0[1-b(T - T0)]).
– la notion de contaminants et de contamination est variable Dans les équations de Navier-Stokes (2), l’accélération ou la
selon la nature et la sensibilité des produits au niveau de leur sur- décélération (terme 2a, constitué d’une composante instationnaire
face et des processus physiques mis en jeu. Ainsi, les contaminants et d’une composante convective) des particules fluides (à ne pas
de l’air peuvent être de nature très diverse : de la particule maté- confondre avec les particules matérielles précédemment évoquées)
rielle inerte (poussières ou aérosols) à des molécules, en passant sont dues aux forces relatives à la pression (2b), à la viscosité (2c)
par les biocontaminants (bactéries, levures, moisissures…). et à la gravité (2d), voir par exemple [4] pour plus de détails.
La contamination traitée dans cet article (§ 3) se limite aux particu- Cet équilibre conduit à un déplacement des particules fluides, et
les physiques de tailles micrométriques caractéristiques de celles donc à un écoulement. De manière similaire, la variation de tempé-
rencontrés en IAA (voir [G 1 920] par exemple), étant entendu que rature (3a) résulte du phénomène de diffusion thermique (3b).
les biocontaminants aéroportés font partie des particules à élimi- De ce système, on peut en déduire des équations moyennées fai-
ner. De même les applications et méthodes présentées ont été sant intervenir des quantités statistiques mesurables. Ainsi, l’équa-
développées en fonction de contraintes spécifiques à l’IAA. 1
tion de transport pour l’énergie cinétique turbulente k = ui ui
2
s’écrit :

∂ k ∂ k ∂ Ui
2. Écoulements typiques ∂t
+ Uk
∂x k
= − ui uk
∂x
 k
du mélange 4a 4b
⎛∂ u k 1 ∂ p′ k ⎞
u
∂2 k ∂ui ∂ui
k
−⎜ + ⎟ +ν −ν
⎜⎝ ∂x k ρ0 ∂x k ⎟⎠ ∂x k ∂x k ∂x k ∂x k
La séparation d’ambiance climatique se joue au niveau de l’inter-  

4d
  
4e

face entre les deux ambiances à séparer, par exemple la frontière 4c
entre l’ambiance générale d’un atelier et l’environnement maı̂trisé − β0gk uk θ

et localisé autour d’un produit à protéger. Dans cette zone, l’écou- 4f
lement peut être simplement représenté, selon les configurations,
par deux écoulements typiques des écoulements cisaillés libres : Dans cette équation, le terme de gauche (4a) représente la varia-
– la couche de mélange pour l’interface entre deux ambiances de tion totale de l’énergie cinétique. Les termes de droite correspon-
vitesses différentes ; dent à un transfert d’énergie entre écoulement moyen et turbulent
– le jet plan (ou rideau d’air) largement utilisé pour améliorer de (4b), à de la diffusion turbulente (4c) et visqueuse (4d) et à de la
façon significative la séparation. dissipation (4e). Le terme (4f) correspond enfin au travail des forces
de gravité. La description physique du rôle de ces différents termes
Dans cette section, nous nous limitons à décrire ces deux écoule- se trouve dans de nombreux ouvrages traitant de la turbulence [5].
ments d’un point de vue phénoménologique et à donner les lois Il est néanmoins utile pour la compréhension des phénomènes de
décrivant leur comportement moyen. la turbulence impliqués dans la séparation d’ambiances de s’attar-
der sur deux termes :
2.1 Équations du mouvement – le terme de production de turbulence (premier terme du mem-
bre de droite) : c’est le produit entre les corrélations de fluctuations
L’écoulement d’un fluide newtonien et incompressible, avec de vitesse et le gradient du champ moyen. Il apparaı̂t également
l’approximation de Boussinesq pour la prise en compte des effets dans l’équation de conservation de l’énergie cinétique moyenne
de flottabilité, est décrit par le système suivant : comme un terme puits. Il est donc responsable d’un transfert
d’énergie de l’écoulement moyen vers la turbulence. Il y a donc
∂ui une production et donc un entretien de la turbulence si l’écoule-
=0 (1)
ment est à gradient de vitesse moyen non nul (présence d’un
∂x i
cisaillement moyen de vitesse, comme dans la couche de mélange
ou le jet plan) ;
∂ui ∂ui 1 ∂p ∂2ui – le terme de flottabilité correspondant au travail des forces de
+ uk =− +ν − gi β (T − T0 ) (2) gravité (dernier terme du membre de droite). Ce terme fait interve-
∂t ∂x ρ ∂x ∂x k ∂x k 
nir les corrélations vitesses-température et peut être un terme de
k 0i   2d
2a 2b 2c production ou de destruction de turbulence, notamment dans les
écoulements stratifiés.

∂T ∂T ∂2T En CFD (Computational Fluid Dynamics) de type RANS (simu-


+ uk =κ (3)
∂t ∂x k ∂x k ∂x k lation numérique des écoulements de type Navier-Stokes en
moyenne de Reynolds), les corrélations de vitesse et celles de
 
3a 3b
vitesse-température sont déduites du champ moyen ou

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G1794

Plasma non thermique


et traitement de l’air
par Jean-Michel TATIBOUËT
Directeur de recherches au CNRS,
Chercheur à l’institut de Chimie des Milieux et Matériaux de Poitiers (IC2MP-UMR 7285),
École nationale supérieure d’Ingénieurs de Poitiers

1. Plasma non thermique et traitement de l’air ............................ G 1 794 – 3


2
1.1 Définition d’un plasma non thermique ............................................. — 3
1.2 Mise en œuvre d’un plasma non thermique ..................................... — 3
2. Nature chimique du plasma d’air à pression atmosphérique. — 4
2.1 Description physico-chimique ........................................................... — 4
2.2 Conversion des polluants par le plasma ........................................... — 5
3. Plasma et catalyseur ...................................................................... — 7
4. Extrapolation de taille du réacteur de laboratoire
au réacteur industriel..................................................................... — 7
5. Conclusions et perspectives......................................................... — 9
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 1 794

a qualité de l’air que nous respirons a toujours été une préoccupation


L importante aussi bien d’un point de vue sanitaire que pour le confort de
vie. D’un point de vue historique, les « beaux quartiers » se sont toujours déve-
loppés au vent des villes (à Paris, par exemple à l’ouest) afin de bénéficier de
« l’air pur » de la campagne. De même, il était recommandé pour les convales-
cents, voire pour les malades (tuberculose, par exemple), des séjours en mon-
tagne (sanatorium) ou au bord de la mer. Ces associations entre santé et qualité
présumée de l’air n’étaient pas réellement basées sur des données scientifiques
précises, mais plutôt sur un empirisme associant souvent à l’odeur et à la pous-
sière un rôle pathogène.
Le développement des sciences analytiques a permis de quantifier la notion
d’air pollué et d’identifier la présence de composés toxiques dans l’air, en rela-
tion avec des études épidémiologiques montrant les effets pathogènes de ces
composés, ce qui a conduit à l’édiction de normes régissant les émissions de
ces composés toxiques et, par voie de conséquence, à développer des métho-
des de traitement de l’air afin de les éliminer.
Actuellement, il convient de distinguer les effluents destinés à être rejetés à
l’extérieur (effluents industriels) et le traitement de l’air intérieur (air provenant
directement de l’extérieur et éventuellement pollué ou air recyclé) en raison,
d’une part, des concentrations à traiter (plus élevées dans le cas d’effluents
industriels) et, d’autre part, des normes qui sont plus contraignantes pour l’air
intérieur.
En ce qui concerne les effluents industriels, la nature des polluants (composés
organiques volatils – COV – éventuellement chlorés et/ou soufrés, oxydes
d’azote) va, bien sûr, dépendre de l’activité industrielle concernée. En général,
le nombre de polluants différents à traiter est peu important, ils sont bien iden-
tifiés ou facilement identifiables, mais le traitement correspond à un débit
gazeux total important (de quelques milliers à plusieurs centaines de milliers
de m3/h). Ces polluants sont souvent associés à des aérosols solides (poussiè-
res, suies) ou liquides qu’il conviendra de traiter d’une manière spécifique.
Parution : janvier 2013

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PLASMA NON THERMIQUE ET TRAITEMENT DE L’AIR ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Les procédés les plus couramment utilisés sont basés sur l’oxydation ther-
mique à haute température (catalytique ou purement thermique) dans des uni-
tés fonctionnant en continu. Compte tenu des débits importants à traiter et de la
température nécessaire à l’oxydation totale des COV, la dépense énergétique
est importante mais peut être largement réduite par récupération de chaleur et
si la concentration de COV à éliminer à traiter est suffisante pour assurer l’au-
tonomie énergétique par utilisation de la chaleur provenant de l’exothermicité
de la réaction d’oxydation totale des COV.
La concentration requise pour atteindre l’autothermie du procédé peut être
réalisée par concentration des effluents ou, de manière plus astucieuse, par
une captation judicieuse des émissions de polluants, avant qu’elles soient
diluées dans l’air ambiant des ateliers.
2 Le traitement des oxydes d’azote (NOx) concerne essentiellement les fumées
de combustion et nécessite l’ajout d’un réducteur (urée, ammoniac ou hydro-
carbure) afin de réduire les NOx en N2, mais ce réducteur doit être totalement
éliminé avant rejet de l’effluent dans l’atmosphère.
Il faut citer aussi les traitements biologiques, souvent très efficaces mais dif-
ficiles à contrôler et l’échange gaz-liquide (le plus souvent de l’eau), mais qui
nécessite de traiter ultérieurement l’effluent liquide.
Le traitement de l’air intérieur (maisons, bureaux, trains, avions, bus…) peut
sembler plus complexe en raison de la grande diversité de polluants potentiels
et du très faible niveau de polluants résiduels requis [1]. Toutefois, les flux à
traiter restent modestes (quelques centaines à quelques milliers de m3/h), ce
qui ne nécessite que des installations de petite taille pouvant éventuellement
être embarquées.
La difficulté de ce type de traitement est d’utiliser un procédé efficace, peu
sélectif, d’encombrement réduit et peu coûteux (en investissement, en énergie
et en maintenance).
Les seuls procédés actuellement développés sont basés sur l’adsorption
(charbon actif) ou la photocatalyse (UV + TiO2) : procédés « froids », ne néces-
sitant pas de chauffage de l’air à traiter. Le procédé par plasma non thermique,
associé ou non à un catalyseur pourrait constituer une alternative à ces deux
procédés mais bien que très prometteur (peu coûteux en énergie, compact et
« on-off ») il est encore largement au stade de la recherche ou du prédévelop-
pement industriel, peu de systèmes basés sur le plasma étant actuellement pro-
posés sur le marché.
L’amélioration des traitements curatifs des effluents industriels relève plutôt
de l’amélioration des procédés (limitation de l’utilisation de solvants, confine-
ment des émissions, captation améliorée des émissions) avec un double but :
efficacité et diminution de la consommation énergétique.
En revanche, peu de solutions satisfaisantes semblent exister pour les instal-
lations de petite dimension et pour l’air intérieur, qu’il soit domestique (mai-
sons) ou public (transports, bureaux, lieux publiques). Néanmoins, un marché
potentiel important devrait exister pour de petites installations, peu énergivo-
res, transportables voire embarquées, sachant que les méfaits, à long terme,
des polluants en faible concentration sont de plus en plus pris en compte.
Cet article présente une mise au point, aussi bien au niveau connaissances
technologiques que potentialités des procédés de traitement de l’air utilisant
l’action d’un plasma non thermique.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PLASMA NON THERMIQUE ET TRAITEMENT DE L’AIR

1. Plasma non thermique courbure (pointe ou fil), l’autre pouvant être assimilée à une élec-
trode plane (grand rayon de courbure). Grâce à cette géométrie dif-
et traitement de l’air férente, le champ électrique obtenu est très anisotropique, son
intensité étant beaucoup plus forte au voisinage de l’électrode de
petit rayon de courbure, de telle sorte qu’il devient possible que le
plasma initié au voisinage de cette électrode ne puisse pas s’éten-
1.1 Définition d’un plasma non thermique dre jusqu’à l’autre électrode en raison de l’affaiblissement du
champ électrique et donc va rester confiné au voisinage immédiat
Le terme de « plasma » désigne les interactions se produisant au de l’électrode de petit rayon de courbure. Un tel plasma peut être
sein d’un gaz ionisé entre les électrons, les ions et les espèces neu- obtenu par application d’une tension électrique continue ou alter-
tres. Ce terme fut introduit par Langmuir pour désigner les effets native entre les électrodes (figure 1).
d’une décharge électrique dans un gaz. Le plasma sera dit « non
La décharge à barrière diélectrique (DBD) nécessite la réalisation
thermique », ou « froid » si la température moyenne du gaz reste
d’électrodes un peu plus compliquées par la présence d’un maté-
proche de la température initiale du gaz (température avant le

2
riau diélectrique isolant entre les électrodes pouvant être au
déclenchement du plasma) et proche de la température ambiante.
contact direct des électrodes, ou « flottant » dans l’espace interélec-
En pratique, on pourra parler de « plasma non thermique » jusqu’à
trodes (figure 2). La présence de ce matériau empêche la formation
quelques centaines de degrés Celsius, si l’effet thermique du
d’un arc électrique, mais de par sa position entre les électrodes va
plasma reste modeste.
présenter en surface une charge électrique résultant du dépôt
La formation du plasma résulte d’un transfert d’énergie cinétique d’électrons ou d’ions positifs générés dès l’application de la diffé-
vers le gaz, grâce à un champ électrique intense qui permet d’accé- rence de potentiel entre les électrodes et, de ce fait, va diminuer
lérer fortement les espèces ionisées naturellement présentes dans l’intensité du champ électrique initialement créé jusqu’à une valeur
le gaz, et notamment les quelques électrons libres résultant, par provoquant l’extinction du plasma. Le plasma ne pourra être pré-
exemple, de l’effet des rayons cosmiques. Sous l’influence de ce sent à nouveau qu’après l’élimination des charges de surface du
champ électrique intense, les électrons sont fortement accélérés et diélectrique, soit par retour à zéro de la différence de potentiel
entrent en collision inélastique avec les molécules neutres, géné- entre les électrodes et élimination naturelle des charges (signal de
rant alors d’autres électrons et des espèces ionisées positivement. tension pulsé), soit par inversion de la polarité entre les électrodes
Ce processus conduit à la formation d’une avalanche électronique (signal de tension alternatif). Un tel système nécessite alors l’appli-
formée d’électrons très énergétiques qui, dans certains cas, sont cation d’une tension variable entre les électrodes, le plasma n’étant
capables de rompre les liaisons chimiques de molécules pour pas généré en continu mais sous forme de décharges ponctuelles
créer des espèces radicalaires et de transférer une partie de leur dont la fréquence va dépendre de la fréquence du signal de ten-
énergie pour créer des espèces moléculaires excitées (oxygène sin- sion, que celui-ci soit impulsionnel ou alternatif.
gulet, par exemple).
Dans un plasma d’air, on observera la formation d’oxygène ato-
mique O , voire d’azote atomique N et s’il y a présence de vapeur
d’eau, du radical hydroxyle HO . Ces espèces radicalaires sont très
réactives et vont pouvoir réagir entre elles ou avec les molécules
présentes dans l’air pour former par exemple de l’ozone O3 ou
éventuellement développer des processus d’oxydation radicalaire
si des molécules organiques (COV) sont présentes dans le milieu
gazeux. Ce sont ces processus d’oxydation qui permettront l’élimi-
nation des composés polluants de l’effluent à traiter.
Les plasmas non thermiques, caractérisés par la formation d’es-
pèces très réactives sont donc globalement très loin de l’équilibre
thermodynamique. On parlera aussi de « plasmas hors équilibre »
pour désigner ce genre de plasmas.

1.2 Mise en œuvre d’un plasma non


thermique
La formation d’un plasma résulte du transfert d’une certaine
quantité d’énergie mécanique vers un gaz et peut être obtenue de
différentes manières (micro-ondes, arc électrique avorté ou « souf-
flé », champ électrique intense…), mais la manière la plus simple à
mettre en œuvre est la réalisation d’un champ électrique de forte
intensité qui peut être obtenu en soumettant deux électrodes
conductrices à une différence de potentiel électrique très impor-
tante. La difficulté est d’éviter le passage à l’arc électrique, car
dans ce cas toute l’énergie est dissipée dans l’arc électrique et n’af-
fecte alors qu’une petite portion de l’effluent à traiter. On y arrive
soit en ne maintenant le champ électrique que pendant un temps
très bref (de l’ordre de quelques dizaines de nanoseconde au maxi-
mum), soit grâce à une forte anisotropie spatiale du champ élec-
trique obtenue en utilisant des électrodes de formes très différentes
(pointe fine et plan ou fil fin et plan : on parlera alors de « décharge
couronne » ou « corona »), soit en isolant à l’aide d’un matériau
diélectrique l’une ou les deux électrodes (dans ce cas, on parlera
de « décharge à barrière diélectrique » : DBD).
La décharge couronne (« corona ») est obtenue entre deux élec- Figure 1 – Schéma de principe d’un réacteur à décharge couronne
trodes de formes très différentes, l’une ayant un petit rayon de (« corona »)

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59
2

60
Référence Internet
G1795

Masquants et neutralisants
dans le traitement de l’air

Annabelle COUVERT
2
par
Maître de conférences, HDR, É
cole nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR)

1. Éléments de contexte.............................................................................. G 1 795 - 2


1.1 Définitions..................................................................................................... — 2
1.2 Techniques classiques pour l’air canalisable ............................................ — 3
1.2.1 Traitement du flux gazeux.................................................................. — 3
1.2.2 Absorption gaz-liquide ....................................................................... — 4
1.3 Verrou existant pour les émissions diffuses.............................................. — 4
2. Solutions pour les émissions diffuses de masquants
et neutralisants ......................................................................................... — 4
2.1 Définitions et actions des produits ............................................................. — 4
2.2 Modes d’application des produits .............................................................. — 6
2.2.1 Définitions............................................................................................ — 6
2.2.2 Paramètres clés ................................................................................... — 6
2.3 Exemples de mise en œuvre ....................................................................... — 7
3. Méthodologie d’un test .......................................................................... — 8
3.1 Banc d’essai.................................................................................................. — 8
3.2 Conditions opératoires des tests ................................................................ — 9
3.3 Suivi analytique en amont et en aval du système .................................... — 10
3.4 Procédure de test ......................................................................................... — 10
4. Efficacité physico-chimique et rendement olfactométrique
sur des composés seuls .......................................................................... — 10
4.1 Liste non exhaustive de produits commerciaux testés ............................ — 10
4.2 Efficacité physico-chimique sur quelques types de composés................ — 10
4.2.1 Efficacité de la pulvérisation de l’hydrogène sulfuré et l’acide
butyrique sur l’ammoniac ........................................................................... — 13
4.2.2 Influence de certains paramètres opératoires .................................. — 14
4.3 Rendement olfactométrique sur ces mêmes composés .......................... — 15
4.4 Bilan .............................................................................................................. — 16
Parution : janvier 2009 - Dernière validation : décembre 2019

5. Conclusions et perspectives ................................................................. — 16


Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. G 1 795

a problématique des odeurs et de son ressenti est grandissante. Certaines


L études ont montré que la pollution odorante constitue le deuxième motif
de plainte après le bruit, et cette importance donnée à l’odeur par les riverains
est liée au fait que celle-ci est très souvent associée à la notion de toxicité,
même si cela est sans grand fondement, les concentrations perçues par l’être
humain étant très inférieures aux valeurs limites d’exposition existant pour les
gaz toxiques [1]. Les règles générales sur l’acceptabilité des sensations odo-
rantes qui peuvent être formulées sont les suivantes [2] :
– toute odeur agréable devient désagréable à de très fortes concentrations ;
– le caractère agréable ou désagréable d’une odeur dépend, pour une large
part, de son contexte ;
– les aversions pour les odeurs sont plus persistantes que les préférences ;
– la tolérance vis-à-vis des odeurs désagréables diffère considérablement
selon les individus.

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95 – 1

61
Référence Internet
G1795

MASQUANTS ET NEUTRALISANTS DANS LE TRAITEMENT DE L’AIR ___________________________________________________________________________

Si des avancées scientifiques et technologiques ont permis d’améliorer la


qualité des eaux que nous consommons et rejetons dans la nature, elles ont
également engendré une augmentation sensible des nuisances olfactives liées
à la collecte et au traitement des eaux usées. D’une part, les anciennes stations
d’épuration sont rattrapées par le tissu urbain ; d’autre part, les nouvelles sta-
tions sont contraintes de s’implanter de plus en plus près des agglomérations.
Par ailleurs, la modification de la structure des réseaux d’assainissement (de
plus en plus longs) et parfois de la qualité des effluents (mélange de rejets
industriels par exemple) favorise la formation de composés odorants dans les
canalisations qui se dégagent ensuite au niveau des stations. En sus du pro-
blème des stations d’épuration, d’autres sources d’odeurs préoccupent les

2 autorités. Les industries, mais également les exploitations agricoles ou avi-


coles, les CET (centres d’enfouissement techniques) ouverts à l’air libre, et
d’autres types de structures, sont générateurs d’odeurs déplaisantes pour la
population environnante. Même si, contrairement aux COV (composés organi-
ques volatils), aucun texte de loi propre aux émissions d’odeurs n’existe à ce
jour, il n’en reste pas moins un encouragement à tendre vers un rejet purifié,
afin d’améliorer le confort du voisinage. En effet, selon le code de l’environne-
ment, il y a pollution odorante si l’odeur est perçue comme une nuisance
olfactive excessive. L’arrêté du 2 février 1998 relatif aux rejets des installations
classées pour la protection de l’environnement (ICPE) définit le niveau d’une
odeur comme étant le facteur de dilution à appliquer à un effluent pour qu’il ne
soit plus ressenti comme odorant par 50 % des personnes constituant un
échantillon de population. Cet arrêté ne fixe pas de valeur limite sur les pollu-
tions odorantes, mais seulement des prescriptions générales. C’est donc le
préfet qui décide au cas par cas et qui fixe par arrêté préfectoral, le débit
d’odeur (produit du débit d’air rejeté (en m3 · h–1) par le facteur de dilution au
seuil de perception) à ne pas dépasser. La loi du 30 décembre 1996sur l’air et
l’utilisation rationnelle de l’énergie stipule que les émissions olfactives exces-
sives constituent une pollution atmosphérique et définit des plans régionaux
pour la qualité de l’air en vue de répertorier, surveiller et maîtriser les sources
de pollution atmosphérique et d’informer le public.
Cet article a pour objectif de discuter du mode de fonctionnement d’une
solution palliative consistant à utiliser des produits dits « masquants et/ou neu-
tralisants d’odeurs » pour éliminer des odeurs issues de sources diffuses. De
nos jours, il existe une polémique sur l’action de ces produits, et peu d’études
scientifiques ont été menées afin de répondre à un nombre certain de ques-
tions. Ces produits engendrent-ils réellement des réactions chimiques
permettant de transformer et/ou d’éliminer les composés odorants dans l’air ?
Ou agissent-ils simplement comme des parfums, en superposant une odeur
censée être « agréable » à l’odeur dite « désagréable » ?
Afin que le lecteur ne se perde dans la dialectique commerciale, certains
termes seront définis. Puis, la méthodologie d’un test, ainsi que quelques résul-
tats obtenus sur un banc d’essai, seront décrits afin d’orienter le lecteur sur la
démarche à suivre dans le cas où il envisagerait d’utiliser ce type de produits
et de procédé. Pour cela, les connaissances du transfert gaz-liquide au sein d’un
réacteur, en termes de mécanismes et de dimensionnement, seront appliquées
dans un espace considéré comme ouvert, puisque la pulvérisation de mas-
quants et de neutralisants s’applique le plus souvent à des émissions diffuses.
Un tableau des symboles et abréviations est présenté en fin d’article.

1. Éléments de contexte Pour remédier au problème de nuisance olfactive, différentes


solutions existent sur le marché, encore faut-il qu’elles puissent
être applicables. En effet, lorsque c’est possible, les flux gazeux
1.1 Définitions odorants sont canalisés, c’est-à-dire collectés et acheminés vers un
procédé de traitement. C’est le cas par exemple de certaines sta-
Nombreux sont les composés pouvant être responsables du tions d’épuration, ou la plupart des ouvrages sensibles sont cou-
perçu d’odeur. Le tableau 1 présente quelques molécules spéci- verts. Les salles sont alors mises en dépression, et l’air vicié
fiques avec leur seuil de perception. envoyé vers une unité de traitement.

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G1795

___________________________________________________________________________ MASQUANTS ET NEUTRALISANTS DANS LE TRAITEMENT DE L’AIR

les flux gazeux. C’est le cas dans les CET, lorsque des déchets
Tableau 1 – Caractéristiques de quelques composés d’ordures ménagères sont stockés dans des casiers en extérieur
responsables des nuisances olfactives avant d’être recouverts (amendement des sols et aménagement
dans l’environnement [3] paysager de la zone), ou bien sur des sites de compostage, des
Famille de Odeur Seuil olfactif exploitations agricoles ou avicoles, ou encore lors de problèmes
composés
Composés
caractéristique (mg · Nm–3 air) de fuites intempestives au cours d’activités industrielles. On dit
alors que les flux gazeux odorants sont diffus. Les composés odo-
Hydrogène rants émis par ces sources sont donc dilués dans l’air ambiant,
Œuf pourri 0,0001 à 0,03
sulfuré puis transportés par les vents jusqu’aux habitations se situant au
voisinage des sites. Or, parmi les trois caractères que l’on peut
Composés Méthylmercaptan Choux, ail 0,0005 à 0,08 associer à une odeur (sa nature, son intensité et sa concentration),
soufrés Légumes en la concentration ou encore la persistance d’une odeur constitue un
Diméthylsulfure 0,0025 à 0,65 paramètre clé lorsque les habitations sont éloignées du site émet-

2
décomposition
teur. De plus, la plupart du temps, même si les composés odorants
Diméthyldisulfure Putride 0,003 à 0,014 sont mélangés à l’air ambiant avant d’atteindre les habitations, la
dilution n’est pas suffisante pour éviter que les riverains ne ressen-
Ammoniac Irritante 0,5 à 37 tent une gêne, et on note une affluence de plaintes.
Poisson en
Triméthylamine 0,006
décomposition
Composés 1.2 Techniques classiques pour l’air
Fécale,
azotés Indole
nauséabonde
0,0006 canalisable
Fécale, Parmi les méthodes existant pour pallier le problème d’odeurs,
Scatol 0,0008 à 0,1 des méthodes préventives (traitement à la source) peuvent être
nauséabonde
mises en œuvre :
Acide acétique Vinaigre 0,025 à 6,5 – la révision du procédé et des opérations d’exploitation afin
Acides gras Acide butyrique Beurre rance 0,0004 à 3 d’agir sur les étapes pouvant être génératrices d’odeurs ;
volatils – le choix des matières premières pour diminuer l’introduction
Sueur, de substances malodorantes ou de précurseurs d’odeurs ;
Acide valérique 0,0008 à 1,3
transpiration – l’utilisation, dans le procédé, de produits bloquant les proces-
Acre, sus de production des composés odorants ;
Méthanal 0,033 à 12 – le confinement pour un zonage solide (capots, portes, etc.) ou
suffocante
Aldéhydes par des rideaux d’air.
et cétones Butanal Rance 0,013 à 15 Lorsque ces méthodes ne peuvent pas ou ne sont pas implémen-
Acétone Fruit doux 1,1 à 240 tées, ou bien lorsqu’elles sont insuffisantes, il faut avoir recours à
des méthodes dites curatives (traitement du flux gazeux).

D’autres procédés sont disponibles, selon la concentration et les 1.2.1 Traitement du flux gazeux
flux à traiter, mais tous restent des procédés utilisables lorsque la
zone émettrice d’odeurs peut être couverte. Or, dans de nombreux Les procédés disponibles lorsque l’effluent gazeux est canali-
cas, les zones sont ouvertes à l’air libre, soit parce qu’elles repré- sable sont divers (figure 1) [1]. Généralement, leur utilisation
sentent des surfaces trop étendues pour envisager une couverture, dépend de la concentration et des flux à traiter. Parmi eux, on
soit parce que les moyens n’ont pas été mis en œuvre pour traiter notera l’adsorption, les bioprocédés (biofiltration, biolavage...), la

Composé odorant

Destruction Récupération

Thermique Catalytique Biologique Chimique Adsorption Absorption Condensation Membrane

Régénérative Récupérative Biofiltre Oxydation Lit fixe Transfert Changement Pervaporation


physique de phase

Récupérative Récupérative Percolant Lit mobile Transfert Perméation


avec réaction gazeuse

Fluidisée Biolaveur Lit fluidisé

Figure 1 – Les différentes techniques pour éliminer un composé odorant [1]

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63
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G1795

MASQUANTS ET NEUTRALISANTS DANS LE TRAITEMENT DE L’AIR ___________________________________________________________________________

1.2.2.2 Mise en œuvre et exemples


L’absorption gaz-liquide peut être mise en œuvre au sein de
réacteurs de formes diverses. Les différents procédés de transfert
disponibles à ce jour sont répertoriés dans le tableau 2.
Parmi les techniques employées pour le traitement d’atmos-
phères contaminées en composés odorants, le procédé le plus uti-
lisé est la tour de lavage ou colonne garnie, c’est-à-dire un réacteur
rempli de ce qu’on appelle un garnissage [22]. Afin d’illustrer le pro-
pos, un exemple industriel est présenté sur la figure 2. Ce type
d’appareillage est employé lorsque l’air vicié peut être canalisé et
envoyé dans un ouvrage pour traitement, mais le principe même
de l’absorption gaz-liquide reste applicable en site ouvert.

2 1.3 Verrou existant pour les émissions


diffuses
Dans certains sites émetteurs (industries, stations d’épuration,
Figure 2 – Procédé Aquilair (brevet Veolia) ; tours de désodorisation etc.), les différentes étapes de production ou de traitement peuvent
être couvertes. L’air vicié du bâtiment ou de l’atelier peut être alors
acheminé par des gaines de ventilation jusqu’à un poste de traite-
photocatalyse, l’absorption gaz-liquide, avec ou sans réaction chi- ment des gaz, et ainsi être renouvelé par la recirculation d’air frais.
mique, et l’oxydation catalytique, plutôt réservée à l’élimination Cependant, lorsque la surface génératrice d’odeurs est importante
des COV toxiques, qu’ils soient odorants ou non [20]. ou lorsque les opérations à effectuer quotidiennement ne le per-
mettent pas, les sites ne sont pas recouverts et les odeurs qui en
émanent ne sont pas « traitées ». Pour ces émissions « diffuses »,
1.2.2 Absorption gaz-liquide peu de solutions existent. Il convient alors de proposer une appro-
che originale de traitement.
L’un des procédés amplement utilisé dans la purification de gaz
est l’absorption gaz-liquide, avec ou sans réaction chimique. En
effet, suite aux nombreuses études expérimentales et de modélisa-
tion menées dans ce domaine, les mécanismes et le dimensionne-
ment d’installations de transfert d’un composé X d’une phase 2. Solutions pour les émissions
gazeuse vers une phase liquide sont à ce jour connus et maîtrisés.
Or, c’est bel et bien sur ce principe que se base la pulvérisation de diffuses de masquants
produits masquants neutralisants, même si le volume, ou l’espace,
dans lequel la technique est mise en œuvre diffère quelque peu
et neutralisants
des réacteurs conventionnels.
Comment se retrouver dans la dialectique commerciale ? La plu-
1.2.2.1 Mécanismes et équations associés part des fournisseurs de produits parlent de neutralisation
d’odeurs, de précipitation, voire de destruction d’odeurs. Mais
Le principe de l’absorption repose sur le transfert d’une molé-
d’une part, il est difficilement concevable qu’un produit soit effi-
cule de X de la phase gazeuse vers la phase liquide, et ce grâce à
cace sur tout type d’odeur ou encore sur toutes les familles de
la force motrice que constitue le gradient de concentration. En
composés odorants, et d’autre part, le type de neutralisation n’est
effet, présent en forte concentration dans la phase gazeuse, le
pas toujours précisé. S’agit-il de neutralisation physico-chimique ?
composé X aura tendance à migrer vers la phase liquide où il est
Ou bien de neutralisation olfactive ? Ou pire, s’agit-il simplement
en défaut. Afin d’améliorer le transfert, une réaction chimique est
de masquage ?
souvent mise en œuvre au sein du liquide : ainsi, la phase liquide
ne se charge pas en X jusqu’à saturation et le gradient de transfert
reste élevé. Un neutralisant au sens physico-chimique permet une dimi-
L’équation régissant le transfert de matière classiquement utili- nution de la concentration d’un composé odorant, un neutrali-
sée est donnée ci-dessous : sant au sens olfactif réduit le nombre d’unités d’odeurs (voir
§ 3.3), alors qu’un masquant n’est constitué que de composés
N = kLaVE (CL* − CL ) (1) à l’odeur agréable (citron, fraise...) censés l’emporter sur
l’odeur désagréable.
avec N flux de transfert de X (mol · s–1),
kL coefficient volumétrique de transfert de matière côté
liquide (m · s–1), 2.1 Définitions et actions des produits
a aire interfaciale par unité de réacteur ou de liquide
(m2 · m–3), L’évolution de l’intensité de l’odeur d’un mélange (notion de
V volume du réacteur ou de liquide (m3), synergie) de deux composés odorants A et B (notée IAB) peut
suivre différents schémas : l’addition complète, l’hypo-addition ou
E facteur d’accélération, dépendant de la réaction chimique l’hyper-addition (figure 3) [5].
dans la phase liquide,
CL* concentration de X à l’interface gaz-liquide côté liquide ■ Le masquage consiste en l’ajout d’un produit dont l’odeur dite
(mol · m–3), « plaisante » se superpose à une odeur dite « désagréable ». Si
aucune réaction n’a lieu, il s’agit donc d’un phénomène d’addition
CL concentration de X au sein du liquide (mol · m–3). complète ou partielle, ou bien même d’hyper-addition (figure 3).
Pour plus de précisions, le lecteur pourra se reporter à l’article L’intensité résultante du mélange est alors perçue comme plus
de M. Roustan [21]. importante que celle du composé malodorant seul.

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64
Traitements de l'air
(Réf. Internet 42600)

1– Introduction

2– Procédés généraux de traitement


3
3– Traitement de composés Réf. Internet page

SO2 (oxydes de soufre) G1800 67

NOx (oxydes d'azote) G1805 73

CO2 (dioxyde de carbone) G1815 77

Valorisation du CO2. Partie 1 : voies directes et voies avec transformation biologique G1816 81

Valorisation du CO2. Partie 2 : voies par transformations chimiques G1814 87

Valorisation du coproduit CO2 issu de la méthanisation G1818 95

Captage et stockage géologique de CO2 CSC IN115 103

Bilan Carbone. Réglementations et outils G1817 107

Bilan Carbone(R) . Mise en oeuvre G1819 111

Dioxines, furannes et polychlorobiphényles. Sources, analyses, procédés de traitement G1820 115

N2O (protoxyde d'azote) G1830 121

COV (composés organiques volatils) G1835 123

Bilan massique des émissions de COV G1836 127

Traitement de l'air chargé en COV par adsorption-électrodésorption IN23 131

Traitement des COV par un procédé hybride adsorption-ozonation J3945 135

4– Traitements par secteur d'activité

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
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65
3

66
Référence Internet
G1800

SO2 (oxydes de soufre)


par Jacques VANDERSCHUREN
Professeur émérite
Service de génie des procédés chimiques
Faculté Polytechnique, université de Mons, académie universitaire Wallonie-Bruxelles,
Belgique

et Diane THOMAS
Chargée de cours
Service de génie des procédés chimiques
Faculté Polytechnique, université de Mons, académie universitaire Wallonie-Bruxelles,
Belgique

1. Sources et impacts environnementaux ...................................... G 1 800 – 2

3
1.1 Principaux secteurs émetteurs d’oxydes de soufre .......................... — 2
1.2 Répartition des oxydes de soufre ...................................................... — 2
1.3 Effets du dioxyde de soufre ............................................................... — 2
2. Réglementation ............................................................................... — 2
2.1 Expressions des valeurs limites d’émission ..................................... — 2
2.2 Directives européennes ...................................................................... — 3
3. Méthodes de mesure ..................................................................... — 5
3.1 Techniques automatiques .................................................................. — 5
3.2 Techniques manuelles ........................................................................ — 5
4. Procédés de traitement ................................................................. — 5
4.1 Classification des procédés de réduction des émissions de SO2 ..... — 5
4.2 Procédés secs ..................................................................................... — 6
4.3 Procédés semi-secs ............................................................................ — 7
4.4 Procédés semi-humides ..................................................................... — 8
4.5 Procédés humides .............................................................................. — 8
4.6 Procédés conduisant à la conversion du SO2 en H2SO4 .................... — 12
4.7 Formation et abattement des composés du SO3 .............................. — 13
5. Effets des paramètres opératoires. Application du génie
des procédés aux opérations de désulfuration ......................... — 13
5.1 Concepts généraux. Effets du rapport des débits et de l’aire
interfaciale .......................................................................................... — 14
5.2 Cas des procédés secs et semi-secs .................................................. — 15
5.3 Cas des procédés semi-humides ....................................................... — 16
5.4 Cas des procédés humides ................................................................ — 16
6. Conclusions...................................................................................... — 23
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 1 800

es oxydes de soufre, provenant de sources industrielles, sont émis à l’atmo-


L sphère par les installations de combustion alimentées en combustibles
contenant du soufre et par bien d’autres activités du secteur manufacturier.
Leurs effets nocifs sur l’homme et l’environnement sont bien connus : troubles
respiratoires, acidification des eaux de surface et des sols, atteinte au patri-
moine architectural.
En premier lieu, cet article fait le point, depuis la dernière publication sur le sujet
dans ce traité [J 3924] et le dossier de l’ADEME [1], sur les émissions de SOx et la
réglementation en la matière, en se limitant ici aux directives européennes. Il décrit
aussi succinctement les nombreux procédés d’abattement existants, en renvoyant
le lecteur, pour plus d’informations, à ces deux contributions précédentes.
Le deuxième objectif du présent article, est d’analyser et d’expliquer de façon
détaillée, à la lumière des études publiées dans la littérature et des principes de
la physico-chimie et du génie des procédés, l’effet des paramètres opératoires
sur les techniques de désulfuration, en traitant surtout le cas des procédés
humides et, en particulier, celui du procédé chaux-calcaire-gypse le plus utilisé
dans le monde.
Parution : avril 2010

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est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 800 – 1

67
Référence Internet
G1800

SO2 (OXYDES DE SOUFRE) –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Sources et impacts 1.3 Effets du dioxyde de soufre


environnementaux Les oxydes de soufre sont considérés, du point de vue de la pro-
tection de l’environnement, comme des polluants majeurs. Ils sont,
en particulier, rendus responsables de l’acidification des lacs, affec-
tant la faune aquatique, et de la lixiviation des sols provoquant des
1.1 Principaux secteurs émetteurs dégâts sur la végétation et participant au dépérissement des forêts.
d’oxydes de soufre Ils contribuent en outre à la dégradation du patrimoine architectural.
Au point de vue de la santé, des concentrations élevées en dio-
Les principaux secteurs émetteurs de SOx [1], parmi les sources xyde de soufre dans l’air ambiant génèrent des troubles respiratoi-
industrielles fixes, sont : res et augmentent les risques de bronchite chronique.
– les grandes installations de combustion : il s’agit des chaudiè- Cette situation a conduit l’Union européenne et la Commission
res de centrales électriques, turbines à gaz, installations de cogéné- des Nations unies pour l’Europe, à lancer une vaste campagne de
ration… de puissance supérieure à 50 MWth. réglementations en vue de la réduction des émissions des oxydes
Le SO2 est produit par oxydation à haute température, lors de la de soufre.
combustion de combustibles fossiles solides (charbons, lignites…),
liquides issus du pétrole (fiouls lourds et légers) et gazeux (gaz
naturel, gaz de procédés industriels…), des composés du soufre

3 2. Réglementation
contenus dans ces combustibles. Les teneurs en soufre sont varia-
bles selon le type et l’origine des combustibles et peuvent atteindre
4 % pour les charbons.
La réaction produit majoritairement du SO2 suivant :
Étant donné la nocivité que présentent, pour l’homme et l’envi-
S + O2 → SO2 ronnement, tous les polluants gazeux, et en particulier le SO2, les
autorités publiques ont fixé des quantités maximales et des valeurs
En présence d’oxygène et d’impuretés métalliques (comme le limites maximales de concentration de ces substances dans les gaz
vanadium) exerçant une action catalytique, quelques pour-cent au rejetés, de façon à préserver la qualité de l’air ambiant. Ces normes
maximum de ce SO2 se transforment ultérieurement en SO3, sui- d’émission évoluent au cours du temps et deviennent de plus en
vant la réaction : plus sévères au fur et à mesure de l’avancement des connaissances
sur les effets des polluants et des progrès réalisés dans les techni-
1 ques de traitement des effluents. C’est ainsi que l’Union euro-
SO2 + O → SO3
2 2 péenne élabore des directives de plus en plus contraignantes,
basées notamment sur le concept de « meilleure technique dispo-
– les raffineries : les rejets de SO2 proviennent, dans des propor- nible ». Les directives édictent en plus les méthodes et modalités
tions variables, essentiellement des installations de combustion de mesure permettant d’effectuer le contrôle des émissions. Les
(chaudières, fours, torchères), des régénérateurs des unités de cra- États membres doivent transposer ces directives, qui constituent
quage catalytique et des effluents des unités de traitement des gaz des règles minimales, dans leur propre réglementation nationale.
sulfureux. Comme les nouvelles technologies d’abattement ne sont pas tou-
jours applicables aux installations existantes, les normes d’émis-
D’autres activités génératrices de SO2 sont, dans une moindre
sion sont souvent moins strictes pour ces installations que pour
mesure :
les nouvelles, et tiennent compte de la date d’octroi de la licence
– la chimie, avec pour exemples les unités de régénération de construction ou d’autorisation d’exploitation. Elles sont, d’autre
d’acide sulfurique, de fabrication de dioxyde de titane ; part, fonction du type d’unités industrielles émettrices et de leur
– la sidérurgie, la métallurgie : le dioxyde de soufre est produit capacité de production ou de traitement, et, pour les installations
notamment lors de l’agglomération du minerai de fer ou du gril- de combustion, de leur puissance thermique ainsi que de la nature
lage des minerais sulfurés comme la blende (ZnS), la galène du combustible (solide, liquide ou gazeux) ou du type de déchet
(PbS), les minerais de cuivre et de nickel… Le SO2 provenant des (municipal, hospitalier, industriel spécial, toxique ou dangereux,
fours de grillage est en général oxydé en SO3 par voie catalytique boues de station d’épuration…) à incinérer.
et récupéré par absorption pour produire de l’acide sulfurique ;
– ou encore les incinérateurs de déchets, les industries minérales
(cimenteries, verreries, fabriques de réfractaires…), les papeteries, 2.1 Expressions des valeurs limites
les sucreries, etc. d’émission
Les unités utilisées pour exprimer les concentrations limites des
1.2 Répartition des oxydes de soufre polluants dans les rejets gazeux sont le plus souvent des mg/Nm3
(un Nm3 est un m3 mesuré dans les conditions normales, c’est-à-
En France métropolitaine [2], l’année 2006 représente, avec 452 kt
dire à une température de 0  C, soit 273,15 K, et une pression abso-
de SO2, le minimum jamais atteint depuis plus de 40 ans. Depuis les
lue de 1 atm, soit 101,3 kPa) et parfois des ppmv (cas du SO3) qui
années 1980, le niveau d’émission de SO2 est en baisse constante,
sont des parties par million en volume, ce qui équivaut, si on
3 214 kt en 1980 contre 1 326 kt en 1990, soit une baisse d’environ
admet la loi des gaz parfaits, à des ppm en mole. On peut passer
60 % entre 1980 et 1990 et de 86 % entre 1980 et 2006. Cette forte
facilement d’une unité à l’autre par la relation :
réduction des émissions, observable depuis les années 1980,
s’explique par l’action conjointe de la baisse des consommations
d’énergie fossile suite à la mise en œuvre du programme électronu- ( )
C mg/ Nm3 = y (ppmv ) ⋅ M / 22,4
cléaire, des mesures visant à économiser l’énergie et des disposi-
tions réglementaires environnementales. Les progrès les plus dans laquelle M est la masse moléculaire du composé gazeux (en
récents résultent des actions développées par les exploitants indus- g/mol) et 22,4 le volume molaire normal (en L/mol), cette relation
triels favorisant l’usage de combustibles moins soufrés et l’améliora- devenant pour le SO2 :
tion du rendement énergétique des installations.
La figure 1 reprend, par année, les répartitions sectorielles des ( )
C mg/ Nm3 = y (ppmv ) × 2,86
émissions de dioxyde de soufre en France métropolitaine [2].

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4 000
(kt)
3 750

3 500

3 250

3 000

2 750

2 500

2 250

2 000

1 750

1 500

1 250
3
1 000

750

500

250

0
1960

1965

1970

1973

1975

1980

1985

1990

1995

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007 (e)
Transformation d'énergie Industrie manufacturière Résidentiel/tertiaire
Agriculture/sylviculture Transport routier Autres transports
UTCF *

* UTCF : utilisation des terres leur changement et la forêt (e) estimation préliminaire
Citepa / coralie / format SECTEN
Mise à jour février 2008

Figure 1 – Évolutions temporelles et sectorielles des émissions de dioxyde de soufre en France métropolitaine (sources CITEPA [2])

Pour les fumées de combustion, les valeurs limites sont rappor-


tées à des volumes considérés à l’état sec (sans vapeur d’eau) et (
C mg / Nm3 sec à Or % O2 )
avec une concentration en oxygène de référence Or (% O2 en 273 + t 101,3 21 − Or
volume), fonction de la nature du combustible et du type d’équipe- (
= C mg / m3 réel hum.
273

P
⋅ )
100

100 − % vol H2O 21 − Om
ment de combustion :
 3 % O2 pour les chaudières alimentées en combustibles liqui-
des ou gazeux ;
2.2 Directives européennes
 6 % O2 pour les chaudières alimentées en combustibles
solides ; Le lecteur se reportera aux textes réglementaires.
 11 % O2 pour les incinérateurs de déchets urbains ou indus-
triels (ou 9 % CO2) ; Nous nous référons uniquement ici à quelques directives récen-
 15 % O2 pour les turbines à gaz. tes les plus importantes de l’U.E., sans aborder les réglementations
Cette façon de procéder a pour but d’empêcher toute diminution nationales. La réglementation européenne antipollution complète
des concentrations des émissions gazeuses par des dilutions au peut être consultée dans le Journal officiel des Communautés
moyen d’air atmosphérique. européennes et sur le site Internet : http://eur-lex.europa.eu, la
réglementation française dans le Journal officiel de la République
Les mesures réelles faites à une température t ( C) et une pres- française (arrêtés ministériels) et sur les sites des ministères et
sion absolue P (kPa) sur les gaz effluents des installations, expri- organismes nationaux compétents : l’ADEME, la DRIRE, le CITEPA…
mées en mg/m3 réel humide et contenant une valeur Om (% O2)
sur base sèche, doivent donc être corrigées avant d’être comparées En fonction des secteurs industriels concernés, les directives
aux limites d’émission imposées. Les diverses corrections de comportent des valeurs limites pour de nombreux polluants (SO2,
volume, d’humidité et de teneur en O2 sont rassemblées dans la NOx, poussières, HCl, HF, NH3, COV, métaux lourds, dioxines…),
formule suivante : mais nous ne considérons que celles relatives aux rejets de SO2.

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SO2 (OXYDES DE SOUFRE) –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

& La qualité de l’air ambiant est définie par la directive 1999/30/CE L’Union européenne a traduit les objectifs de réduction du proto-
du 22 avril 1999 fixant les valeurs limites d’immission (concentra- cole de Göteborg en les renforçant au travers de la directive
tion dans l’air ambiant) du SO2, qui doivent être respectées depuis « NEC » (National Emission Ceilings) 2001/81/CE fixant les plafonds
le 1er janvier 2005 : d’émission nationaux pour certains polluants atmosphériques
 350 mg/m3 : valeur horaire à ne pas dépasser plus de 24 fois (SO2, NOx, COV, NH3), la réduction imposée des émissions de SO2
par année ; pour un large collectif d’États européens étant de 74 % en 2010
par rapport à 1990.
 125 mg/m3 : valeur journalière à ne pas dépasser plus de 3 fois
par année. & La directive « LCP » (Large Combustion Plants), ou « GIC » (gran-
des installations de combustion) 2001/80/CE, d’application au plus
& La directive 1999/32/CE, qui concerne une action à la source, vise tard le 1er janvier 2008, refond les normes d’émission des grandes
à réduire la teneur en soufre des combustibles liquides. Elle fixe de installations de combustion édictées dans les directives précéden-
nouvelles valeurs maximales pour le gasoil en deux étapes, pre- tes. Cette directive considère trois catégories d’installations :
nant cours le 1er juillet 2000 (0,2 %) et le 1er janvier 2008 (0,1 %),
ainsi que pour les fiouls lourds à partir du 1er janvier 2003 (1 %). – les installations existantes, dont la licence de construction a été
accordée avant le 1er juillet 1987 ;
& Dans le cadre de la convention des Nations unies pour l’Europe – les nouvelles installations, dont la licence a été accordée après
sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance le 1er juillet 1987 ; mais avant le 27 novembre 2002 et opérationnel-
(Genève, 1979), différents protocoles ont été adoptés : Helsinki les avant cette date ;

3
(1985), Oslo (1994), Göteborg (1999) fixant chaque fois des réduc- – et les nouvelles installations, dont la licence a été octroyée
tions des émissions globales de soufre, par chaque État membre après le 27 novembre 2002.
de l’Union. Le protocole de Göteborg impose des plafonds natio- Le tableau 1 résume, pour le SO2, les nouvelles valeurs limites.
naux d’émission pour 2010 par rapport à 1990. Pour la France, les
émissions totales, égales respectivement à 3 208 et 1 269 kt/an en & La directive 2000/76/CE relative aux émissions des incinérateurs
1980 et 1990, doivent être ramenées à 400 kt/an pour 2010, soit une de déchets, qui abroge trois anciennes directives et s’applique dès
réduction de 68 % par rapport à 1990. le 28 décembre 2002 (28 décembre 2005 pour les installations

Tableau 1 – Valeurs limites d’émission de SO2 pour les grandes installations de combustion
Installations existantes : licence octroyée avant le 1er juillet 1987
Avant le 1er juillet 1990, les États membres doivent élaborer des programmes appropriés pour la réduction progressive des émissions
annuelles totales avec pour objectif d’atteindre les plafonds et les pourcentages de réduction donnés

Nouvelles installations
Valeurs limites en mg/Nm3 de gaz sec à 6 % O2 pour combustibles solides et 3 % O2 pour combustibles liquides et gazeux

Licence octroyée avant le 27 novembre 2002 Licence octroyée après le 27 novembre 2002

Puissance thermique Puissance thermique


Limite d’émission Limite d’émission
(MW) (MW)

Combustibles solides

50 à 100 2 000 50 à 100 850

100 à 500 Réduction linéaire 100 à 300 200 (*)

> 500 400 > 300 200 (**)

Combustibles liquides

50 à 300 1 700 50 à 100 850

300 à 500 Réduction linéaire 100 à 300 Réduction linéaire

> 500 400 > 300 200

Combustibles gazeux

Gaz en général 35 Gaz en général 35

Gaz liquéfié 5 Gaz liquéfié 5

Gaz à bas PCI :


Gaz à bas PCI (gazéification de déchets,
800 – cokerie 400
cokerie, haut-fourneau)
– haut-fourneau 200

* Si la limite ne peut être atteinte à cause des caractéristiques du fioul, % déSOx > 92 ou 300 mg/Nm3

** Si la limite ne peut être atteinte à cause des caractéristiques du fioul, % déSOx > 95 et 400 mg/Nm3

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– SO2 (OXYDES DE SOUFRE)

existantes), fixe la limite pour le SO2 à 50 mg/Nm3 à 11 % O2. Elle qui est ensuite quantifié par dosage acidimétrique, au moyen d’une
réglemente également les émissions des installations de co-inciné- solution basique, de tétraborate de sodium par exemple, ou par
ration des déchets : fours à ciment (300 mg/Nm3) et autres installa- chromatographie ionique.
tions de combustion.
Cette méthode demande moins d’investissement mais l’analyse
& Enfin, la directive 96/61/CE relative à la prévention et à la réduc- en dynamique de la solution n’est pas possible, et les résultats
tion intégrées de la pollution, dite « directive IPPC » (integrated pol- des mesures sont différés de façon plus ou moins importante.
lution prevention and control), entrée en vigueur le 1er novembre
1996, complète la directive 84/360/CEE qui a été abrogée le
1er novembre 2007. C’est une directive générale, applicable à toutes
installations industrielles, stipulant, entre autres, que les valeurs
limites des émissions atmosphériques sont imposées par le biais
4. Procédés de traitement
des autorisations d’exploitation délivrées par les autorités compé-
tentes. Elle vise non seulement les émissions atmosphériques,
mais aussi les rejets dans les eaux et les sols. Elle définit en outre
les catégories d’activités industrielles concernées et fournit une Le lecteur pourra se reporter aux références [J 3924] [1] [3] à [10]
liste des principales substances polluantes à prendre en considéra- et aux sites Internet des fournisseurs d’équipements (cf. Pour en
tion pour l’air, l’eau et les sols. Cette directive et ses modifications à savoir plus, rubrique « Annuaire »).
venir constituent la base future de toute la réglementation anti-

3
pollution.
4.1 Classification des procédés
de réduction des émissions de SO2
3. Méthodes de mesure La réduction des émissions de SO2 des installations de combus-
tion peut résulter de mesures prises à différents stades de la mise
en œuvre ou de l’utilisation du combustible : avant, pendant et
après la combustion.
Le lecteur pourra se reporter à la référence [3] du « Pour en
savoir plus ».
4.1.1 Désulfuration du combustible et pendant
la combustion
3.1 Techniques automatiques La désulfuration du combustible lui-même est économiquement
L’application de ces méthodes automatiques nécessite de pren- non praticable, voire impossible, pour les combustibles solides.
dre des précautions concernant la ligne d’échantillonnage et le fil- Seule, la séparation des sulfures minéraux, tels que la pyrite FeS2,
tre de rétention des particules, lesquels doivent être chimiquement contenus dans les charbons a été envisagée. Mais cette mesure est
inertes vis-à-vis des constituants de l’air (l’utilisation de matériaux très souvent appliquée pour les combustibles liquides et gazeux :
en Téflon est en général recommandée). Par ailleurs, des pièges hydrodésulfuration des coupes pétrolières, désulfuration du gaz
sélectifs sont requis afin d’éliminer les interférents tels que les naturel, du biogaz ou du gaz de four à coke par absorption du H2S
hydrocarbures ou différents composés soufrés. (et du COS) dans des solutions alcalines à base d’éthanol-amines,
des solutions ammoniacales ou de carbonate de sodium ou potas-
La méthode par fluorescence UV (norme NF X 43-019) est, depuis sium, par fixation sur des masses d’oxyde de fer ou encore par
la fin des années 1980, la méthode de référence pour la détermina- adsorption sur charbon actif.
tion de la teneur en SO2 de l’air ambiant et est largement répandue
dans les réseaux de mesure de la pollution de l’air. La désulfuration pendant la combustion est réalisée en mélan-
geant préalablement le combustible solide (lignite) avec des réac-
Dans la chambre de détection d’un appareil à fluorescence UV,
tifs tels que la chaux vive CaO, le calcaire, la dolomie ou l’hydro-
les molécules de SO2 sont excitées par la lumière d’une lampe UV,
xyde de calcium Ca(OH)2 ou en les injectant au-dessus du foyer
filtrée dans la gamme des longueurs d’onde qui engendrent la fluo-
(voir plus loin sur la figure 2) où la température est voisine de
rescence SO2 (210-230 nm). Lorsque les électrons retombent à leur
1 000  C. Ces composés réagissent avec le soufre et le combinent
niveau de base, un rayonnement UV de faible intensité et de lon-
gueur d’onde différente (240-420 nm) est émis. Ce rayonnement sous forme de sulfates solides qui sortent avec les cendres. Une
UV est détecté par un tube photomultiplicateur. L’intensité du partie seulement du réactif solide intervient, car les produits de la
rayonnement de fluorescence est proportionnelle à la concentra- réaction s’accumulent à la surface des particules et bloquent l’accès
tion en SO2. des gaz. La fraction de SO2 éliminée sera dès lors fonction du rap-
port molaire Ca/S utilisé, comme d’ailleurs dans la plupart des
procédés.
3.2 Techniques manuelles Dans cette catégorie de procédés, on peut également inclure la
combustion en lit fluidisé, dense ou circulant [J 3924], dans
Les systèmes de mesure en temps réel et les technologies les
laquelle l’addition de sorbant, généralement du CaCO3 ou de la
plus récentes restant coûteux, on fait souvent appel à des techni-
dolomie, est effectuée dans le lit dont la température se situe aux
ques pour lesquelles la prise d’échantillons sur site est automatisée
et l’analyse est effectuée ensuite in situ, ou en laboratoire, après environs de 850  C. Pour un rapport molaire Ca/S égal à 3, le taux
récolte des échantillons. de désulfuration atteint des valeurs comprises entre 60 et 90 % lors
de l’utilisation de calcaires naturels. Les réactions impliquées sont
Le système de prélèvement se compose successivement d’un fil- les suivantes :
tre en Téflon, qui a pour but de retenir les particules de sulfates jus-
qu’à 0,01 mm, d’un flacon barboteur contenant une solution absor- décarbonatation du calcaire : CaCO3 → CaO + CO2 ↑
bante à base de peroxyde d’hydrogène H2O2, d’une pompe à 1
membrane et d’un régulateur de débit. Le SO2 absorbé est oxydé sulfatation : CaO + SO2 + CO2 → CaSO4
2
en SO42− selon :
Notons, de plus, que la basse température de combustion réduit
SO2 + H2O2 → 2 H+ + SO42− les émissions de NOx, vu la diminution de l’intervention du méca-
nisme de NO thermique [G 1850].

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4.1.2 Désulfuration des fumées de combustion & Les procédés semi-secs sont des procédés secs dans lesquels
soit la chaux est préalablement humidifiée, soit les fumées sont
Les procédés de désulfuration des fumées de combustion, inter- préalablement refroidies et humidifiées par pulvérisation d’eau, de
venant après la combustion, constituent la grande majorité des façon à favoriser les réactions avec la chaux. La quantité d’eau
systèmes mis en œuvre pour réduire le SO2. introduite doit être bien contrôlée pour assurer l’obtention de pro-
Il existe deux façons principales de classer ces procédés de trai- duits réactionnels parfaitement secs en sortie d’installation.
tement [4] [5] . L’une d’elles distingue les systèmes régénératifs et & Dans les procédés semi-humides (en anglais spray dry ou par-
non régénératifs selon que le réactif sorbant est régénéré ou non fois semi-dry, ce qui peut entraı̂ner une confusion), les réactifs,
après avoir fixé le SO2. constitués très souvent de lait de chaux, sont dispersés sous
La classification la plus couramment utilisée porte sur le mode forme de gouttelettes dans les fumées chaudes. L’eau est évaporée
opératoire et la forme physique sous laquelle se retrouvent les rési- en même temps que se fait la captation des polluants acides. Les
dus de l’opération : procédés secs, semi-secs, semi-humides et produits se retrouvant à l’état sec à la sortie de l’appareil sont sépa-
humides. rés des gaz de la même manière que dans les procédés secs.
& Dans les procédés humides, par contre, les gaz sont lavés avec
4.1.2.1 Systèmes régénératifs et non régénératifs une solution contenant un réactif dissous (hydroxyde ou carbonate
pour la désulfuration
de sodium par exemple) ou avec une suspension contenant des
& Dans les systèmes non régénératifs, le SO2 est lié de façon per- fines particules d’un réactif solide (chaux, calcaire, dolomie, oxyde

3 manente avec le réactif sous forme d’un composé chimique qui ou hydroxyde de magnésium). Les produits réactionnels s’accumu-
doit être mis en décharge ou commercialisé comme sous-produit. lent à l’état de sels dissous ou de précipité solide dans le liquide de
L’un des sous-produits de désulfuration le plus important en quan- lavage et sortent avec le liquide. Ils doivent alors être éliminés à
tités, le gypse CaSO4, 2 H2O, utilisable comme retardateur de prise l’état liquide ou séparés par décantation et/ou filtration s’il s’agit
d’une suspension.
du ciment ou pour fabriquer des panneaux de construction, peut
être obtenu à partir des procédés utilisant de la chaux ou du Le tableau 2 présente une comparaison des techniques de désul-
calcaire. furation, au point de vue de quelques-uns de leurs avantages et
inconvénients. Ces différents types de procédés sont détaillés ci-
& Dans les systèmes régénératifs, le SO2 lié au sorbant est séparé après [J 3924] [1] [3] à [10].
de celui-ci. Le réactif régénéré est recyclé dans l’appareil de traite-
ment qui réalise la désulfuration, et le SO2 récupéré est vendu
comme sous-produit ou traité pour produire un autre composé 4.2 Procédés secs
commercialisable comme l’acide sulfurique plus ou moins dilué,
Il existe deux grandes catégories de procédés secs.
le SO2 liquide ou du soufre élémentaire. Malgré leur avantage de
ne générer aucun sous-produit sous forme de déchet, ces procédés
régénératifs sont beaucoup moins utilisés que les premiers, car ils 4.2.1 Procédés secs à base de réactifs calciques
sont techniquement plus complexes et donc plus coûteux en inves- L’injection de chaux pulvérulente se fait généralement de façon
tissements. En outre, l’économie de ces systèmes est fortement tri- pneumatique dans les carneaux de fumées à la sortie du foyer ou
butaire du marché et du prix du sous-produit. dans une chambre de réaction et les particules solides sont récupé-
rées au moyen de filtres à manches ou de filtres électrostatiques
4.1.2.2 Procédés de désulfuration secs, semi-secs, semi- (figure 2). Un bon contact gaz-solide nécessite une grande surface
humides ou humides d’échange obtenue en utilisant de fines particules solides qui doi-
Dans la plupart des procédés, la désulfuration s’opère par neutra- vent être bien dispersées de façon la plus homogène possible
lisation du SO2 par un réactif basique, le plus souvent de nature dans toute la phase gazeuse. Dans la chambre de réaction, la tem-
calcique ou sodique. pérature est de l’ordre de 180 à 280  C. La réaction s’effectue pen-
dant le transport pneumatique des particules de sorbant, les pro-
& Les procédés secs réalisent l’injection d’absorbants solides à duits de la réaction s’accumulant sur les surfaces externe et
l’état sec (comme le bicarbonate de sodium NaHCO3, la chaux interne de ce matériau. Les gaz polluants à retenir doivent diffuser
hydratée Ca(OH)2, des chaux activées) dans les fumées à la sortie au travers de la couche de produits qui peut devenir imperméable
de la chaudière et séparent ensuite les produits réactionnels et limiter l’avancement de la réaction.
(CaSO3, CaSO4, CaCl2, Na2SO4, NaCl…) à l’état sec au moyen d’un Le succès de cette technique repose d’une part sur la finesse de
filtre à manches ou d’un électrofiltre. broyage du sorbant, mais aussi et surtout sur un dosage des

Tableau 2 – Comparaison des avantages et inconvénients des procédés de désulfuration


Procédés Avantages Inconvénients

Rejet gazeux extrêmement stable à la sortie si recyclage


Secs des réactifs et stoechiométrie bien supérieure à l’unité Mélange des produits avec les cendres devant être mis en
et semi-secs Pas de rejet liquide décharge
Produits secs facilement manipulables

Pas de rejet liquide


Semi-humides Contrôle difficile de la parfaite siccité des produits
Produits secs facilement manipulables

Efficacités plus élevées que les autres techniques Effluents liquides à traiter (évaporation pour concentration,
Meilleur degré d’utilisation des réactifs précipitations, filtrations…)
Humides Captation des métaux lourds favorisée (métaux pouvant Coûts d’investissement plus élevés
ensuite être séparés et récupérés) Fumées devant être préalablement dépoussiérées et refroidies
par quench

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72
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G1805

NOx (oxydes d’azote)


par Diane THOMAS
Chargée de cours
Service de génie des procédés chimiques
Faculté polytechnique de Mons, académie universitaire Wallonie-Bruxelles, Belgique

1. Caractéristiques des molécules d’oxydes d’azote ................... G 1 805 – 2


2. Impacts environnementaux et sources....................................... — 4
2.1 Impacts environnementaux................................................................ — 4
2.2 Sources d’émission ............................................................................ — 4

3
2.2.1 Unités de combustion et formation des différents types
de NOx ..................................................................................... — 5
2.2.2 Unités de fabrication d’acide nitrique..................................... — 5
2.2.3 Réacteurs d’attaque nitrique ................................................... — 6
3. Réglementation ............................................................................... — 6
3.1 Généralités.......................................................................................... — 6
3.2 Réglementation générale applicable à toutes les installations
industrielles ........................................................................................ — 7
3.3 Valeurs limites pour les incinérateurs et les grandes installations
de combustion .................................................................................... — 7
4. Méthodes de mesure ...................................................................... — 7
5. Procédés de traitement ................................................................. — 8
5.1 Unités de combustion ........................................................................ — 8
5.1.1 Techniques primaires............................................................... — 9
5.1.2 Techniques secondaires........................................................... — 9
5.2 Unités de fabrication d’acide nitrique ............................................... — 13
5.3 Réacteurs d’attaque nitrique .............................................................. — 13
6. Absorption des NOx en solutions aqueuses ............................... — 13
6.1 Mécanismes réactionnels................................................................... — 13
6.2 Modélisation de l’absorption des NOx .............................................. — 15
7. Conclusions et perspectives......................................................... — 16
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 1 805

es NOx sont intimement impliqués dans tous les phénomènes les plus
L préoccupants de notre temps : retombées acides, effet de serre, smog pho-
tochimique, destruction de l’ozone stratosphérique, etc. Leurs émissions doi-
vent donc être limitées à tout prix.
Ce dossier tente de présenter succinctement la problématique générale des
émissions de NOx. Certaines propriétés physico-chimiques importantes des dif-
férentes espèces de NOx sont présentées et les diverses sources de NOx sont
évoquées. L’accent est mis essentiellement sur la présentation des techniques,
primaires et secondaires, appliquées en industrie pour la réduction des émis-
sions d’oxydes d’azote, en fonction de la source génératrice de l’émission
polluante.
Parution : juillet 2009

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est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 805 – 1

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G1805

NOX (OXYDES D’AZOTE) –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Caractéristiques faut être conscient de la présence des autres espèces entre lesquel-
les existent diverses relations, rendant la chimie des NOx relative-
des molécules d’oxydes ment complexe. Entre les composés NO2, N2O4 et N2O3, s’établis-
sent ainsi divers équilibres. En présence d’oxygène (ce qui est
d’azote souvent le cas dans un effluent industriel), le composé NO est de
plus oxydé en NO2.

Le vocable NOx est le terme générique désignant une série de Les tableaux 1 et 2 présentent les différentes espèces de NOx
composés contenant de l’azote et de l’oxygène à différents étages avec leurs noms usuels, quelques-unes de leurs caractéristiques,
d’oxydation. On y retrouve ainsi les espèces protoxyde d’azote ainsi que les réactions impliquées et les constantes relatives aux
N2O, monoxyde d’azote NO, dioxyde d’azote NO2, tétraoxyde équilibres et cinétiques entre ces espèces.
d’azote N2O4 et trioxyde d’azote N2O3 (parfois aussi le N2O5), mais L’équilibre de formation de l’acide nitreux en phase gazeuse
également, en présence de vapeur d’eau, les acides HNO2 et HNO3, apparaı̂t dans de nombreux modèles [3] [4] [5].
respectivement nitreux et nitrique.
Le rôle de HNO2 dans l’absorption de mélanges NO-NO2 (dans
Le dossier N2O (Protoxyde d’azote) [G 1 830] des Techniques de l’In- des solutions alcalines notamment) est un point de controverse.
génieur [1] présente de façon claire la problématique plus particulière La réaction entre NO, NO2 et H2O conduisant à la formation de
des émissions de N2O, produit ou sous-produit, souvent en teneurs HNO2 a fait l’objet de nombreuses études cinétiques à cause de
très réduites, mais néanmoins néfastes pour l’environnement. son importance à la fois dans la chimie de l’atmosphère, mais

3
La tendance est généralement à « binariser » le système gazeux aussi pour la modélisation des procédés chimiques. Des constantes
NOx en ne considérant que les espèces NO et NO2. Néanmoins, il cinétiques très disparates sont issues de ces études.

Tableau 1 – Formules, noms et caractéristiques des oxydes d’azote


Masse molaire Pression de vapeur à 20  C
Formule Nom(s) Numéro CAS
(g/mol) (kPa)

N2O Protoxyde d’azote 10024-97-2 44,0 5 850

Monoxyde de diazote

Oxyde nitreux

NO Monoxyde d’azote 10102-43-9 30,0 3 464

Oxyde nitrique

NO2 Dioxyde d’azote 10102-44-0 46,0 96

Peroxyde d’azote

N2O3 Trioxyde de (di)azote 10544-73-7 76,0

N2O4 Tétraoxyde de (di)azote 10544-72-6 92,0

N2O5 Pentoxyde de (di)azote 10102-03-1 108,1

Tableau 2 – Réactions et constantes relatives aux équilibres et cinétiques entre différentes espèces
de NOx

Réactions Constantes Corrélations Références

2 NO + O2 Æ 2 NO2 Constante cinétique : k1 lgk 1 = 652 - 4,7356 ðkPa - 2 / sÞ [2]


T
p N2 O4
2 NO2 , N2 O4 Constante d’équilibre : K 2 = lgK 2 = 2993 - 11,232 ðkPa - 1 Þ [2]
p 2NO T
2

p N2 O3
NO + NO2 , N2 O3 Constante d’équilibre : K 3 = lgK 3 = 2072 - 9,240 ðkPa - 1 Þ [2]
p NO p NO2 T

Constante d’équilibre : lgK 4 = 2051 - 8,738 ðkPa - 1 Þ


NO + NO2 + H2 O , 2 HNO2 p 2HNO T [3]
2
K4 =
p NO p NO2 p H2 O

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– NOX (OXYDES D’AZOTE)

La connaissance de la solubilité dans l’eau pure des divers com- La solubilité croissant avec le degré d’oxydation de l’espèce de
posés, via la constante de Henry, est essentielle pour la caractérisa- NOx, les procédés de capture par absorption seront plus efficaces
tion de tout transfert gaz-liquide. La loi caractéristique de cet équi- s’ils sont précédés d’une étape d’oxydation.
libre gaz-liquide s’écrit : Le tableau 4 présente d’autres caractéristiques des oxydes
pi = Hi · ci d’azote relatives à leur stabilité, leur pouvoir d’oxydation, en rap-
port avec leur réactivité et leur comportement vis-à-vis des
matériaux.
avec pi pression partielle du composé i (atm),
Hi constante de Henry de ce composé (atm/
M = atm · L/mol), Tableau 3 – Revue des solubilités physiques des gaz
dans l’eau pure (à 25  C)
ci concentration du composé i (M = mol/L).
Constantes de Henry Hi
Le tableau 3 répertorie donc les valeurs de ces constantes pour Composé gazeux Références
(atm/M)
les différents composés nous intéressant ici.
Le coefficient de Henry du NO, composé qui ne réagit pas avec NO 540 [5]
l’eau (en l’absence d’oxygène et de toute autre espère réactive),

3
est bien établi. NO2 14,3 à 50 [6]
Les hautes réactivités de NO2, N2O4, N2O3 avec l’eau empêchent,
par contre, la mesure directe de leur coefficient de Henry. Ceux-ci N2O3 1,875 [6]
sont dès lors tirés soit de relations prenant en compte les équili-
bres en phase liquide, soit d’études cinétiques en faisant parfois N2O4 0,602 à 0,829 [4] et [7]
intervenir certaines hypothèses de travail. En dernier ressort, ils
sont établis sur la base de propriétés physiques des molécules.
HNO2 0,02 à 0,03 [7]
Pour les acides HNO2 et HNO3, acides gazeux, l’équilibre global
de solubilité peut être considéré comme la séquence d’une solubi- HNO3 4,86 · 10–6 [6]
lité selon la loi de Henry et d’un équilibre de dissociation.

Tableau 4 – Caractéristiques des NOx et acides correspondants :


propriétés physiques, stabilité, pouvoir oxydant et action sur les matériaux

Composé Corrosivité et action


Caractéristiques physiques/stabilité Pouvoir d’oxydation et réactivité
NOx sur les matériaux

Gaz incolore, d’odeur et de saveur Oxydant puissant pouvant être à Pas corrosif pour les matériaux ha-
légèrement sucrées l’origine de réactions parfois vio- bituels mais pouvant l’être pour
lentes au contact de matériaux l’aluminium, le nickel et divers al-
N2O
combustibles, de gaz combusti- liages. Peut également attaquer cer-
bles… tains élastomères ou matières plas-
tiques

Gaz incolore – Agit à température élevée comme – Sous atmosphère inerte : métaux
Le plus thermiquement stable oxydant sur un grand nombre de usuels non attaqués par ces oxydes
NO produits d’azote rigoureusement anhydres,
– Peut jouer le rôle de réducteur à exception faite du cuivre et de ses
des températures plus basses alliages pour le peroxyde d’azote
– En présence d’humidité : produits
Gaz brun-orange de couleur carac- Corrosif et irritant très agressifs vis-à-vis de nombreux
téristique et d’odeur piquante Oxydant et comburant métaux dès la température ordi-
À température croissante, le mono- De très nombreux composés (ré- naire
NO2 et N2O4
mère NO2 redevient prédominant ducteurs et les matières combusti-
vis-à-vis du dimère N2O4 bles) peuvent réagir de manière ex-
plosive avec lui

Instable à température ordinaire, se Assez réactif et explosif


N2O3 décomposant en NO + NO2 si la
température augmente

Acides correspondants Caractéristiques physiques/stabilité

Acide faible Se décompose rapidement


HNO2
pKa (25  C) = 3,3

Acide très fort, s’ionisant très rapi- Hautement corrosif


HNO3 dement en solution Agent oxydant puissant
pKa (25  C) = - 1,4 Miscible à l’eau en toutes proportions

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NOX (OXYDES D’AZOTE) –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

2. Impacts environnementaux 2 000


et sources 1 900

NOx (kT)
1 800
1 700
1 600
2.1 Impacts environnementaux 1 500
1 400
Les oxydes d’azote sont des polluants atmosphériques dans la
1 300
mesure où l’on constate des effets sur la santé humaine et une
1 200
contribution aux pluies et dépôts acides, au smog photochimique,
à l’effet de serre et à l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique. 1 100
1 000
Ainsi, la pollution acide (par dépositions ou retombées acides) 900
est en partie liée aux polluants acides de type NOx, mais également
800
aux composés SO2, NH3, HCl ou HF. Cette pollution se dépose en
700
partie à proximité des sources émettrices, mais aussi à des centai-
nes, voire des milliers de kilomètres (pollution transfrontière). 600
500
Ces polluants précipitent sous forme sèche (aérosol) ou humide

3
400
(sous forme de HNO3) lorsque l’atmosphère est humide, avec des
300
effets sur les matériaux (corrosion), sur les écosystèmes forestiers
200
(provoquant directement ou via les sols des dégâts sur les végé-
100
taux et les arbres) ainsi que sur les écosystèmes d’eau douce.
0
Les émissions de protoxyde d’azote (N2O), composé principale-

1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007 (e)
ment lié aux pratiques agricoles, contribuent à l’accroissement des
gaz à effet de serre. Le potentiel de réchauffement de cette espèce
est 310 fois plus élevé que celui du CO2.
Transformation d’énergie Transport routier
Une perturbation de l’équilibre biologique des sols et eaux, due à
Industrie manufacturière
un excès d’azote (phénomène d’eutrophisation [8] [9]) notamment Autres transports
d’origine atmosphérique, par rapport à la capacité d’absorption des Résidentiel / tertiaire
écosystèmes, peut aussi être observée. Agriculture / sylviculture UTCF (1)
Les NOx sont également des polluants primaires (précurseurs et
indicateurs de sources de pollution complexe) qui conduisent à la (1) UTCF : utilisation des terres, leur changement et la forêt
formation, dans la troposphère, d’ozone et d’autres composés oxy- (e) estimation préliminaire
dants en présence de l’énergie apportée par le rayonnement UV : ils Citepa / coralie / format SECTEN
sont ainsi à l’origine d’une pollution photochimique (photo- Mise à jour février 2008
oxydante).
Enfin, le N2O, rejeté dans l’atmosphère, peut se convertir en Figure 1 – Évolutions temporelles et sectorielles des émissions
oxyde nitrique NO, gaz destructeur de la couche d’ozone. Ce com- d’oxydes d’azote en France métropolitaine (sources CITEPA)
posé participe ainsi à l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique
[10]. Les émissions de NOx en 2006 représentaient 1 351 kt, soit une
Les oxydes d’azote sont donc intimement impliqués dans les réduction d’un peu plus de 4,4 % par rapport à 2005, et de 32 %
phénomènes les plus préoccupants de notre époque. par rapport à 1980, année correspondant au niveau d’émission le
plus élevé sur la période illustrée.
Au point de vue de leurs effets sur la santé humaine, les oxydes
d’azote entraı̂nent principalement une altération de la fonction res- En 2006, tous les secteurs contribuent aux émissions dans des
piratoire ainsi qu’une hyperréactivité bronchique chez les sujets proportions supérieures à 5 %, mais le secteur du transport routier
sensibles. De plus, le monoxyde d’azote qui passe dans les alvéoles en est la première source (53 % des émissions totales). Depuis le
pulmonaires, se dissout dans le sang où il limite la fixation de début des années 1990, une baisse globale durable a été enclen-
l’oxygène sur l’hémoglobine : les organes sont alors moins bien chée (réduction de 29 % entre 1991 et 2006) et observée principale-
oxygénés. ment dans l’industrie manufacturière et la transformation de
l’énergie.
En termes de toxicité chronique, il est montré que le dioxyde
d’azote est quatre fois plus toxique que le monoxyde d’azote et Concernant le secteur de la transformation d’énergie, après une
dix fois plus toxique que le monoxyde de carbone. augmentation constante entre 1960 et 1980, la baisse observée
ensuite a été le résultat de la mise en place du programme de pro-
duction d’électricité par des centrales nucléaires, des économies
2.2 Sources d’émission d’énergie et de diverses dispositions réglementaires amenant à
mettre en place des traitements appropriés.
Toute combustion à l’air génère des NOx par réaction entre Depuis 1993, dans le secteur du transport routier, la diminution
l’azote (de l’air ou du combustible) et l’oxygène de l’air. Les deux des émissions de NOx est imputable à l’équipement progressif des
grandes sources de NOx sont donc la combustion dans les moteurs véhicules en pots catalytiques, à l’entrée en vigueur de normes
de véhicules automobiles (sources mobiles) et les sources fixes EURO pour les véhicules, ainsi qu’à une stabilité du parc roulant
(stationnaires) que constituent les installations de combustion. sur la période 2002-2006.
En ce qui concerne les sources mobiles, les pots catalytiques Dans les secteurs de l’industrie manufacturière et de la transfor-
peuvent limiter la production de NOx pour les véhicules équipés. mation d’énergie, la réduction des émissions depuis 1980 s’ex-
Parmi les sources stationnaires, on peut encore distinguer les plique essentiellement par de meilleures performances des installa-
sources industrielles et les sources domestiques. tions industrielles.
La figure 1 répertorie les différentes sources d’émission, fixes ou Des réductions complémentaires devraient également être obser-
mobiles, des oxydes d’azote. vées dans les années à venir grâce à la mise en œuvre des textes

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G1815

CO2 (dioxyde de carbone)

par Pierre LE CLOIREC


Professeur, directeur de l’ENSCR
École nationale supérieure de chimie de Rennes, France

1. Structure et caractéristiques de la molécule ........................................... G 1 815v2 - 2

3
2. Sources et impacts ..................................................................................... — 3
2.1 Sources et puits........................................................................................... — 3
2.1.1 Sources : oxydation de la matière carbonée .................................. — 3
2.1.2 Puits de carbone : océans – photosynthèse.................................... — 3
2.2 Émissions dans le monde par pays........................................................... — 4
2.3 Évolutions temporelles et sectorielles en France..................................... — 4
2.4 Effets sur la santé – Impacts sur l’environnement : effet de serre .......... — 6
3. Métrologie ................................................................................................... — 6
3.1 Échantillonnage – Prélèvement ................................................................. — 6
3.2 Séparation – Quantification........................................................................ — 6
3.2.1 Dosages directs ................................................................................. — 6
3.2.2 Séparation par chromatographie et quantification........................ — 7
4. Législation – Quotas ................................................................................... — 7
4.1 Protocole de Kyoto et ses conséquences.................................................. — 7
4.2 Application du protocole de Kyoto en France – Quotas .......................... — 7
4.3 Bilan des gaz à effet de serre (GES) – Base Carbone® –
Bilan carbone®............................................................................................ — 7
5. Séparation, concentration, stockage et valorisation .............................. — 8
5.1 Enrichissement, capture du CO2 dans les fumées ................................... — 9
5.2 Procédés de séparation .............................................................................. — 9
5.2.1 Transfert gaz-liquide : lavage de gaz, absorption .......................... — 9
5.2.2 Transfert gaz-solide : adsorption ..................................................... — 10
5.2.3 Changement de phase : cryocondensation .................................... — 10
5.2.4 Séparation membranaire ................................................................. — 11
5.2.5 Formation d’hydrates de gaz ........................................................... — 11
5.2.6 Quelques coûts comparés des différentes techniques
de séparation.............................................................................................. — 11
5.3 Compression, transport.............................................................................. — 11
5.4 Stockage ...................................................................................................... — 12
5.4.1 Stockage dans les formations géologiques.................................... — 12
5.4.2 Stockage au fond des océans .......................................................... — 13
5.5 Valorisation.................................................................................................. — 13
6. Conclusion ................................................................................................... — 14
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. G 1 815v2

ffet de serre, réchauffement de la planète, fonte de la banquise ou de tel


E glacier…, toutes ces expressions sont maintenant entrées dans le langage
du grand public du fait de propos plus ou moins alarmistes transmis par les
médias.
En décembre 2015, la COP21 (21e Conférence des parties), tenue à Paris, a
permis une discussion entre États et de générer un texte d’accord avec, en par-
ticulier, une limite à 2 °C de la hausse des températures. Ceci entraîne une
Parution : janvier 2017

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G 1 815v2 – 1

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G1815

CO2 (DIOXYDE DE CARBONE) _________________________________________________________________________________________________________

diminution drastique des gaz à effet de serre (GES) présents dans les émis-
sions dues à l’activité humaine.
Les principales molécules à effet de serre sont répertoriées et définies. On
trouve, avec leur valeur de contribution : la vapeur d’eau pour 55 %, le dioxyde
de carbone (CO2) pour 39 %, le méthane (CH4) 2 %, l’ozone (O3) 2 %, le pro-
toxyde d’azote (N2O) 2 % ainsi que, pour une moindre part, les halocarbones
(chlorofluorocarbones (CFC), fréon, perfluorométhanes) et l’hexafluorure de
soufre (SF6) [1]. Certains auteurs ne prennent pas en compte la vapeur d’eau et
dans ce cas, bien sûr, les valeurs de répartition sont différentes. Dans ce
présent article, nous nous intéresserons exclusivement au gaz carbonique.
Les conférences internationales de Rio et de Kyoto (COP3) marquent une
volonté de réduction des polluants atmosphériques. En 1997, le protocole de
Kyoto imposait aux 38 pays signataires de réduire de 5,2 % leurs émissions de
gaz à effet de serre d’ici la période 2008-2012. Dans ce contexte, l’Union euro-
péenne a émis une directive, adoptée le 13 octobre 2003, prévoyant des quotas

3 de rejets et des pénalités en cas de dépassement des engagements. La France


a diminué ses émissions de CO2 d’environ 15 % et de 6 % respectivement par
rapport aux années 1990 et 2010.
Dans une approche écologique et/ou réglementaire, il est nécessaire de
réduire les émissions de gaz à effet de serre et en particulier les rejets de
dioxyde de carbone [2] [3] [4]. C’est dans ce contexte général que sera
abordée, dans cet article, la problématique du CO2.

1. Structure Tableau 1 – Caractéristiques physico-chimiques


et caractéristiques du dioxyde de carbone (voir [5] [J6280])

de la molécule Dioxyde de carbone


Gaz carbonique
CO2
O=C=O
Anhydride carbonique
Le dioxyde de carbone a été découvert, en 1638, par le
Numéro CAS 124-38-9
médecin belge Jan Baptist Van Helmont. Vers 1750, il est étu-
dié par Joseph Black, chimiste et physicien écossais. Joseph État à pression et à température Gaz incolore et
Priestley, pasteur anglais, isole le gaz carbonique en 1766 et ordinaires inodore
c’est en 1776 que le chimiste français Antoine Laurent de
Lavoisier met en évidence la production du CO2 lors de la Masse molaire (g · mol–1) 44,01
combustion du carbone en présence d’oxygène.
Dimension moléculaire (nm) 0,350 – 0,510
Masse volumique sous 1 atm à :
Le tableau 1 regroupe quelques caractéristiques physico- 0 °C (kg · m–3) 1,977
chimiques du dioxyde de carbone [5] [J6280].
–3
20 °C (kg · m ) 1,870
À partir de sa structure moléculaire, certaines propriétés
macroscopiques peuvent être énoncées : Viscosité à –78 °C (Pa · s) 7 · 10–5
– le CO2 représente le degré ultime d’oxydation du carbone.
Température de sublimation (°C) – 78,5
C’est une molécule assez stable et relativement inerte
chimiquement ; Température de fusion (°C) – 57
– c’est un gaz acide légèrement soluble dans l’eau. La variation –1
de la constante de Henry H (atm) avec la température T est donnée Chaleur latente de fusion (kJ · kg ) 196,33
par une équation classique [5] : Température critique (°C) 31,06
Pression critique (MPa) 7,4
Température au point triple (°C) – 56,6

avec ΔH = 8,65 J · mol –1 Pression au point triple (bar) 5,185


–1
B = 6,73 ; Solubilité dans l’eau à 25 °C (g · L ) 1,45
– il peut être corrosif en présence de vapeur d’eau ; Solubilité dans l’éthanol à 20 °C (g · L–1) 2,964
– en fonction du pH des solutions aqueuses, le dioxyde de car-
bone, après dissolution, forme des carbonates et bicarbonates plus Constante de Henry à 25 °C (atm) 1,51 · 102
ou moins solubles dans l’eau. Les équilibres calcocarboniques ont Saveur Piquante
été largement étudiés en particulier pour les eaux de surface et les

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G 1 815v2 – 2

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G1815

__________________________________________________________________________________________________________ CO2 (DIOXYDE DE CARBONE)

eaux destinées à l’alimentation humaine [7] [8]. Les équations


d’équilibre peuvent être écrites de manière simplifiée :

Des calculs ou diagrammes des équilibres calcocarboniques


permettent d’obtenir les espèces en présence en fonction des
conditions opératoires telles que le pH, la température, la force
ionique… On se rappellera les équations et les graphes de
Legrand-Poirier ou encore de Hallopeau-Dubin permettant de
déterminer si une eau est agressive ou incrustante [9] [10] [11]
[12] en fonction de ses caractéristiques physico-chimiques et des
conditions opératoires ;
– suivant son état, le gaz carbonique présente différentes
applications : il sert, sous forme gazeuse, à carbonater les bois-

3
sons et à créer des couches isolantes dans l’agroalimentaire ou la
mécanique. Le CO2 liquide est utilisé comme réfrigérant, neige car-
bonique ou agent propulseur. À l’état solide, il est appelé
« carboglace » ou « glace sèche » et sert au décapage cryogénique,
à la conservation de denrées périssables… Depuis quelques
années, il est utilisé pour effectuer des extractions (cafés,
arômes…) solide-fluide supercritique.

2. Sources et impacts
2.1 Sources et puits
Figure 1 – Évolution de la concentration en CO2 (ppm) dans l’atmos-
2.1.1 Sources : oxydation de la matière carbonée phère au cours d’une longue période, lors de la Révolution indus-
trielle [1800-2007] et prédiction jusqu’en 2100 (source : International
Les principales sources de CO2 sont i) des émissions naturelles Panel on Climate Change, IPCC – Groupe d’experts intergouvernemental sur
(volcans par exemple) et ii) l’oxydation de la matière organique l’évolution du climat GIEC) [3] [4]
sous toutes ses formes ou de composés inorganiques (charbons).
C’est un produit fatal de cette transformation, c’est-à-dire que
thermodynamiquement il est le plus stable, il reste le produit d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC),
ultime de réaction. Cette oxydation peut être due à un effet ther- donne une évolution cyclique sur une très longue durée, et une
mique (combustion, incinération), chimique (réaction avec un oxy-
forte croissance ces dernières années, de la teneur en gaz carbo-
dant) ou biologique (biodégradation principalement par des
nique dans l’atmosphère. En 2013, la teneur moyenne en CO2
micro-organismes aérobies). En effet, toute matière organique,
atmosphérique était de 390 ppm (379 ppm en 2005 et 368,3 ppm
définie par une formule brute du type CmHnOp, réagit pour donner
en 1993), soit une augmentation de 5,9 % par rapport à 1993. Il
du dioxyde de carbone et de l’eau suivant une réaction générale
de la forme : convient de noter que certaines publications [4] [13] [14] [G8300]
annoncent la valeur de 400 ppm (en 2013) pour la concentration
moyenne de CO2 dans l’atmosphère.

Si la matière organique comprend des hétéroatomes (azote,


soufre, chlore…), les réactions (simplifiées dans les équations sui-
2.1.2 Puits de carbone : océans – photosynthèse
vantes) conduisent à la production de composés multiples à émis- Les grands réservoirs qui permettent de stocker le CO2 sont :
sions réglementées : l’atmosphère, les océans, la biosphère et le sous-sol.
En 2006, on estime qu’environ 25 millions de tonnes de gaz
carbonique sont transférées dans l’eau de mer par jour. Après dis-
solution et en fonction du pH, se forment alors des hydrogénocar-
bonates et des carbonates peu solubles (paragraphe 1). Cela
Dans le cas de la matière minérale carbonée, on obtient une représente environ 30 % du CO2 émis, tandis que 30 % sont absor-
réaction simple qui peut être symbolisée par : bés par la biosphère terrestre et 40 % demeurent dans l’atmos-
phère. Ces quelques chiffres globaux peuvent expliquer
l’augmentation continue des concentrations dans l’atmosphère,
comme cela est montré sur la figure 1. Le CO2 dissous rentre dans
Il est évident que des impuretés présentes dans des charbons les équilibres physico-chimiques calcocarboniques avec formation
ou des fuels, comme le soufre très présent sous la forme de So, des espèces carbonates et bicarbonates. Les micro-organismes
de mercaptans ou de sulfures, vont produire des oxydes de soufre (bactéries et algues) peuvent aussi avoir une part importante dans
(SOx). ce cycle du carbone avec formation et dégradation des carbonates
L’augmentation du CO2 dans l’atmosphère est due en grande [15] ; on peut citer notamment la précipitation bactérienne d’ara-
partie à l’activité humaine. La figure 1, proposée par le Groupe gonite et de calcite.

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G 1 815v2 – 3

79
Référence Internet
G1815

CO2 (DIOXYDE DE CARBONE) _________________________________________________________________________________________________________

Une conséquence problématique de la trop forte dissolution de


CO2 serait une acidification conséquente (paragraphe 1) des
océans dont le pH serait passé de 8,2 à 8,1 à la surface 18
Émission de CO2 (t/habitant)
(100 premiers mètres) et au rythme actuel de décroissance, le pH 16
de la mer en surface pourrait atteindre 7,9 en 2100. Toutefois,
aucune modification notable du pH n’a été observée dans les pro- 14
fondeurs. Cette chute entraîne, en surface, une diminution de la
12
concentration en carbonates par solubilisation. Certains micro-
organismes marins à coquille (ptéropodes, coccolithophoridés, 10
foraminifères…) ayant besoin de ces carbonates pour former leur
exosquelette d’aragonite pourraient rencontrer des problèmes, 8
voire disparaître à terme. 6
Un autre puits important pour le CO2 est la photosynthèse dont 4
le processus transforme l’eau et le gaz carbonique en molécules
biologiques élaborées, sous l’action de l’énergie lumineuse, par 2
des végétaux (plantes et algues) et certaines bactéries. Ces réac-
0
tions se déroulent dans les chloroplastes où se trouve la chloro-
États-Unis Canada Russie Allemagne Chine France Inde

3
phylle. Ce pigment est sensible aux rayonnements bleus et
rouges. Il capte l’énergie lumineuse et la transforme en énergie
chimique. Après fixation du carbone du CO2 atmosphérique, cette Figure 2 – Émission de CO2 en t/habitant (données 2013) [13]
énergie est utilisée pour la synthèse de molécules organiques
comme les sucres, acides aminés ou lipides et pour l’oxydation de
l’eau, produisant du dioxygène (O2). On estime ce puits dû à la
photosynthèse à environ 30 % du dioxyde de carbone émis par les Il existe aussi de fortes disparités d’émissions de CO2 par habi-
activités humaines. tant suivant le niveau de développement et la croissance des
pays ; cette répartition, présentée sur la figure 2, est directement
liée à la consommation d’énergie.
2.2 Émissions dans le monde par pays
L’Organisation des Nations unies a établi, pour l’année 2013, 2.3 Évolutions temporelles et sectorielles
une liste des quantités de CO2 rejetées dans l’atmosphère par en France
pays (tableau 2) : les deux tiers des émissions actuelles pro-
viennent de la Chine, des États-Unis, de l’Union européenne, de la En se reportant aux données présentées par le CITEPA [1], on
Russie et de l’Inde. Les fortes quantités rejetées sont souvent la peut dresser une liste, pour la France (tableaux 3 et 4), des princi-
conséquence des transports et de l’utilisation massive de cen- pales émissions de CO2 (en millions de tonnes).
trales thermiques à charbon ou à fuel pour la production d’électri-
cité. Des études prévisionnelles avaient montré que la Chine Une lecture rapide de valeurs de ces deux tableaux permet les
remplacerait les États-Unis au premier rang dès 2009. La France commentaires suivants :
du fait d’un parc de centrales nucléaires important (75 % environ – les valeurs de rejets hors UTCF (utilisations des terres, leurs
de l’électricité produite) participe à un niveau relativement faible, changements et la forêt) sont relativement stables, autour de
soit environ 0,96 % des rejets mondiaux en CO2. 350 Mt/an depuis les cinq dernières années ;

Tableau 2 – Évaluation des rejets de CO2 (en milliers de tonnes) dans l’atmosphère, en 2013, par pays
(sélection) (d’après l’ONU)
Émissions de CO2 Part des émissions Émissions de CO2 Part des émissions
Pays Pays
(milliers de tonnes) totales (%) (milliers de tonnes) totales (%)
Monde entier 35 499 100 Russie 1 657 4,7

Chine 9 761 27,5 Inde 2 088 4,7

États-Unis 5 995 16,9 Japon 1 343 3,8

Union européenne 3 740 10,5 Canada 621 1,7


(UE) :

– Allemagne 799 2,2 Corée du Sud 768 2,2


– Royaume-Uni 471 1,3 Mexique 500 1,4
– Italie 353 0,99 Iran 650 1,8

– France 344 0,96 Australie 356 342 1,5

– Espagne 240 0,67 Afrique du Sud 452 1,3


– Pologne 312 0,88 Arabe Saoudite 665 1,9

Indonésie 549 1,5 Brésil 582 1,6

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G 1 815v2 – 4

80
Référence Internet
G1816

Valorisation du CO2
Partie 1 : voies directes et voies
avec transformation biologique
par Association RECORD
et Laurent DUMERGUES

1. Émissions anthropiques de CO2................................................................ G 1 816 - 2


3
1.1 Origines........................................................................................................ — 2
1.2 Secteurs d’activités émetteurs................................................................... — 4
2. Voies de valorisation du CO2..................................................................... — 4
2.1 Valorisation sans transformation .............................................................. — 7
2.1.1 Utilisations industrielles .................................................................... — 7
2.1.2 Récupération assistée des hydrocarbures (RAH) ............................ — 9
2.1.3 Récupération en géothermie profonde ............................................ — 13
2.2 Valorisation avec transformation biologique ........................................... — 14
2.2.1 Culture de microalgues ..................................................................... — 14
2.2.2 Biocatalyse.......................................................................................... — 19
2.3 Valorisation avec transformation chimique et conclusions .................... — 22
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. G 1 816

a lutte contre le changement climatique est un enjeu majeur de nos


L sociétés contemporaines. Les excédents d’émissions de dioxyde de
carbone (CO2) dans l’atmosphère étant une des causes de ces modifications
climatiques, la maîtrise et la capture du CO2 lors des processus industriels sont
des sujets en fort développement. Par ailleurs, pour une entreprise ou une col-
lectivité, émettre de grandes quantités de CO2 est souvent synonyme d’une
forte dépendance aux ressources fossiles carbonées et à leur fluctuation tari-
faire. À cela s’ajoutent les risques réglementaires, de taxes, d’acceptabilité
sociale, etc.
Pour atténuer ces effets, des stratégies se mettent en place, principalement
centrées sur la diminution des émissions dans l’atmosphère : rationalisation
des ressources fossiles, captage et stockage géologique du CO2… jusqu’aux
réflexions sur la géo-ingénierie.
Une approche complémentaire suivant une logique d’économie circulaire,
celle de la valorisation du CO2, tient sa place dans cette stratégie. Elle consiste
à considérer le CO2 comme une ressource valorisable et non plus comme un
« déchet » à éliminer. Le CO2 constitue en effet un gaz d’intérêt industriel
pouvant servir comme source de carbone pour l’élaboration de composés
minéraux ou organiques, d’intérêt commercial.
Le CO2 peut être valorisé de différentes façons : directement sans transfor-
mation, par transformation chimique ou par transformation biologique.
Dans cet article seront présentées la valorisation sans transformation qui
utilise le CO2 directement pour ses propriétés physiques et la valorisation par
transformation biologique.
Parution : juillet 2016

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G 1 816 – 1

81
Référence Internet
G1816

VALORISATION DU CO2 ______________________________________________________________________________________________________________

La valorisation directe, sans transformation, trouve diverses applications


industrielles notamment comme agent réfrigérant ou solvant employé dans
l’industrie alimentaire ou la récupération assisté d’hydrocarbures.
La valorisation par transformation biologique utilise le CO2 comme nutri-
ment permettant de développer de la biomasse, source de produits d’intérêts
(lipides, glucides, composés cellulosiques…). Les technologies utilisées ont dif-
férents degrés de maturité technologique : du stade industriel (par exemple la
culture de microalgues en bassins ouverts), au stade pilote (par exemple la
culture de microalgues en photobioréacteurs pour usage énergétique) ou
encore au stade de recherche et développement (par exemple la biocatalyse).
Nota : les voies de valorisation par transformation chimique sont traitées dans l’article [G1814] « Valorisation du CO2 –
Voies par transformations chimiques ».

3
1. Émissions anthropiques Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du cli-
mat (GIEC) définit les flux de CO2 sur la base de son origine [1] :
de CO2 anthropique si le flux est le résultat d’une activité humaine ou
naturelle si le flux est généré hors du contrôle humain.
Cette distinction entre les flux, naturels et anthropiques, est une
1.1 Origines convention qui permet de mieux comprendre l’impact de l’homme
sur le cycle du carbone et plus généralement sur le réchauffement
Le CO2 (dioxyde de carbone) est une molécule stable et relative- climatique.
ment inerte chimiquement : elle représente le degré ultime d’oxy- L’homme exploite des ressources fossiles carbonées, dites
dation du carbone. « non renouvelables » (pétrole, gaz naturel, charbon…) dans des
L’oxydation de matière carbonée, d’origine organique ou inor- secteurs variés tels que l’énergie, le transport, la chimie… pour
ganique comme les charbons, peut être due à un effet thermique aboutir, en fin de cycle, à la production de CO2, principal gaz à
(combustion, incinération), biologique (biodégradation le plus effet de serre (GES) d’origine anthropique.
souvent par micro-organismes aérobies) ou chimique (réaction Avant l’ère industrielle, les émissions de CO2 étaient compen-
avec un oxydant) [G1815]. sées par les puits naturels de CO2. Ces derniers ont un potentiel
de stockage par voie terrestre ou marine annuel limité. Dans le
Les propriétés du CO2, dont les principales sont reprises dans le
bilan global, même si les émissions de CO2 anthropiques
tableau 1, sont listées dans l’article [G1815].
(33 GtCO2/an) sont faibles par rapport à celles provenant des
végétaux (392 GtCO2/an) ou des mers (220 GtCO2/an), elles désé-
quilibrent le système, avec pour conséquence une accumulation
Tableau 1 – Principales caractéristiques nette de carbone sous forme de CO2 dans l’atmosphère
physico-chimiques du CO2 (extrait de [G1815]) (28 GtCO2/an) (cf. figure 1). De 275 ppm avant la révolution indus-
trielle des années 1850, la concentration de CO2 dans l’atmos-
Gaz incolore phère a atteint autour de 400 ppm en 2013.
État à pression et température ordinaires
et inodore
Le cycle biogéochimique global du carbone implique de
grandes différences dans les échelles de temps. Pour le carbone
Masse molaire 44,01 g/mol
qui est émis via la respiration des plantes et des animaux, qui est
transporté par les rivières, ou bien dissous par les eaux de surface
Masse volumique à 1 atm et 0 °C 1,977 kg/m3
de l’océan, les cycles sont de l’ordre de quelques mois à plusieurs
décennies. À l’échelle du siècle, le carbone peut être éliminé de
Masse volumique à 1 atm et 20 °C 1,87 kg/m3
l’atmosphère par un arbre en croissance et relargué lorsque celui-
ci se décompose ou brûle. À l’échelle des temps géologiques, le
Viscosité à –78 °C 7.10–5 Pa.s carbone peut être émis par les volcans, par l’érosion des roches,
transformé ou déposé sous forme de sédiments dans les bassins
Température de sublimation –78,5 °C maritimes et terrestres [3][4]. Des cycles du carbone « longs »
sont aussi représentés par l’utilisation de ressources fossiles,
Température de fusion –57 °C stockées depuis plusieurs millions d’années dans des réservoirs
du sous-sol, et donc isolées du cycle actif du carbone (figure 2).
Température critique 31,06 °C
L’origine du carbone peut être caractérisée par une différence
Pression critique 7,4 MPa de proportion d’isotopes 14C/12C ou 13C/12C. En revanche, les pro-
priétés physiques du CO2 émis sont les mêmes quelle que soit
Solubilité dans l’eau à 25 °C 1,45 g/L son origine. Qu’il s’agisse de la combustion de végétaux ou de
ressources fossiles, le CO2 généré ne présentera pas de diffé-
Solubilité dans l’éthanol à 20 °C 2,964 g/L rences en termes de comportement de molécules dans l’atmos-
phère, de forçage radiatif, de réactivité chimique, ou de temps de
Constante de Henry à 25 °C 151 atm résidence dans l’atmosphère qui sera de l’ordre du siècle dans les
deux cas [5].

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G 1 816 – 2

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G1816

______________________________________________________________________________________________________________ VALORISATION DU CO2

44
392

29
4

Photosynthèse

Puits végétaux supplémentaires


0,4 4
Changement utilisation des sols

Respiration/feux
220 73 28
Absorption rocheuse

Respiration/feux

Dégazage eau douce


Industrie

Absorption
Volcans

Émission atmosphérique
Émission atmosphérique

Accumulation nette
=

Absorption
– 400

– 51
3
– 1,1

– 224
– 62
VÉGÉTATION
Combustion SOL
Ressources OCÉANS
fossiles

GtCO2 par an Pré industrielle Changements récents

Figure 1 – Bilan annuel des flux atmosphériques de CO2 (source : [2])

Anthropique

Exemples de sources stationnaires : Exemples de sources stationnaires :


– Unité d’incinération de biomasse Unités utilisant du pétrole, gaz naturel ou charbon :
– Site de combustion d’agrocarburant – Centrale thermique au charbon
– Usine de pâte à papier – Turbine à gaz naturel
– Site de production d’énergie à partir de déchets – Four à ciment
municipaux – Unité de production de fer/acier
Biogénique : cycles du carbone « courts »

Fossile : cycles du carbone « longs »

Autres sources : Autres sources :


Émissions/séquestration dans les systèmes agricoles Combustion de carburants fossiles dans les moteurs
et les forêts aménagées (voiture, avion, bateaux, deux roues…)

Exemples : Exemples :
– Respiration des végétaux – Volcans
– Séquestration dans les forêts non gérées – Geysers
– Feux de forêts sur des terres non gérées – Décarbonatation dans les océans

Naturel

Figure 2 – Exemples d’émissions de gaz carbonique dans l’atmosphère selon les origines de l’émission (anthropique, naturelle) et la provenance
du carbone (biogénique, fossile)

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G 1 816 – 3

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G1816

VALORISATION DU CO2 ______________________________________________________________________________________________________________

Transformation et
utilisation non énergétique
0%
Extraction de fer et
Extraction de minerais non des métaux non ferreux
Transport routier Résidentiel métalliques 1%
13 % 4%
9%
Raffinerie (produits Transport terrestre
Combustion de pétroliers) Exploitation minière
non routier
la biomasse à grande 4% (émissions fugitives)
1%
échelle 0%
14 % Sols agricoles
Autre Transport aérien 0%
6% 2% Chimie
Combustion industrielle
1% Feux de
(non énergie)

3
combustibles
14 %
Transport fluvial et fossiles
maritime 0%
Énergie (production) 2%
34 %
Élimination des déchets
solides (incinération)
0%

Figure 3 – Répartition des émissions atmosphériques anthropiques de CO2 au niveau mondial (33 GtCO2 en 2010) (source : [7])

1.2 Secteurs d’activités émetteurs Il y a plusieurs approches interdépendantes visant à limiter


l’émission dans l’atmosphère de CO2 : mesures politiques, méca-
Les émissions mondiales de CO2 répertoriées d’origine anthro- nismes économiques et ruptures technologiques.
pique (de l’ordre de 36 GtCO2 en 2013 contre 20 GtCO2 en 1970) En amont de l’émission, les efforts de rationalisation de la
proviennent principalement de l’exploitation de ressources fos- consommation d’énergie fossile associés aux progrès technolo-
siles (cf. figure 3) : production d’énergie (35 %), construction et giques peuvent être efficaces mais non suffisants. En sidérurgie
fabrication manufacturière (25,8 %), transport (17,3 %), etc. [6][7]. par exemple, les réacteurs actuels ont atteint leurs limites, avec
des performances techniques voisines de celles prévues par la
Cette répartition, en accord avec les comptabilités du type
thermodynamique associées à une excellente efficacité ther-
« Nation unies », « GIEC », ou « protocole de Kyoto », exclut les
mique : en 50 ans la consommation de combustible est passée de
émissions de CO2 liées aux modifications de sols d’origine
1 050 kg à près de 420 kg pour une tonne de fonte [10].
humaine : déforestation, exploitation forestière, feux de tourbe et
de forêt, décomposition de la biomasse aérienne postcombustion, En aval, les techniques de captage et stockage (CCS) et de géo-
décomposition du carbone organique des tourbes asséchées. Ces ingénierie (Biochar, fertilisation des océans, capture directe du CO2
émissions augmenteraient les émissions annuelles de CO2 de et stockage en milieu non confiné, etc.) sont parfois difficiles à
l’ordre de 10 à 20 % [8]. mettre en œuvre techniquement, énergivores et, pour la plupart,
associées à des risques environnementaux et d’acceptabilité sociale.
Au niveau mondial, en 2013, les principaux pays émetteurs de
CO2 anthropiques liés à la combustion de ressources fossiles sont Elles considèrent le CO2 comme un « déchet » à éliminer.
la Chine (9,98 GtCO2), les États-Unis (5,2 GtCO2), l’Inde Ce n’est pas le cas des techniques de valorisation pour qui le
(2,4 GtCO2), la Russie (1,8 GtCO2) et le Japon (1,2 GtCO2) CO2 représente un gaz d’intérêt industriel et/ou une nouvelle
(figures 4 et 5). La France, avec 0,34 GtCO2, se situe au 17e rang source de carbone pour l’élaboration de composés minéraux ou
mondial. En tenant compte des émissions liées à la consomma- organiques, d’intérêt commercial.
tion nationale (CO2 provenant de l’énergie et des biens consom-
més dans le pays), l’émission pour la France se porte à 0,53 GtCO2
pour un 12e rang mondial. Celle de la Chine, pays exportateur de Utiliser le CO2 en le valorisant répond ainsi à une logique
biens, diminue de 16 % (8,4 GtCO2) [9]. d’économie circulaire.

Les voies de valorisation du CO2 peuvent être catégorisées en


trois groupes (cf. figure 7) :
2. Voies de valorisation – la valorisation sans transformation qui utilise le CO2 directe-
du CO2 ment pour ses propriétés physiques ;
– la valorisation par transformation chimique qui utilise le CO2
comme réactif chimique afin de générer un produit valorisable ou
Réduire les émissions de CO2 pour une activité a plusieurs à valeur énergétique ;
bénéfices. Au-delà de limiter l’impact sur le réchauffement clima- – la valorisation par transformation biologique qui utilise le CO2
tique, cela revient indirectement à être moins dépendant de la res- comme nutriment permettant de développer de la biomasse
source « énergie fossile » et à mieux maîtriser les risques associés source de produits d’intérêts (lipides, glucides, composés cellulo-
(cf. figure 6) [G8300]. siques…).

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G 1 816 – 4

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G1816

______________________________________________________________________________________________________________ VALORISATION DU CO2

Figure 4 – EDGAR : modélisation des émissions anthropiques de CO2 (hors aviation) en 2009 (source : [7])

Les pays sont dimensionnés proportionnellement aux émissions nationales de CO2 liées à l’utilisation de ressources fossiles et
à la production de ciment. Cette carte n’inclut pas les importations et exportations d’énergie, de biens ou de services.

Figure 5 – Carte mondiale des émissions de CO2 en 2013 (source : [9])

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G 1 816 – 5

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G1816

VALORISATION DU CO2 ______________________________________________________________________________________________________________

Management des émissions – Stratégie de lutte Vulnérabilité carbone


contre le réchauffement climatique d’une activité

Émission de gaz
Géo-ingénierie à effet de serre Impacts environnementaux

Captage
CO2 Risques :
– économique
– approvisionnement

3
– règlementaire
– image
Chimie –…
Stockage Valorisation
Autre Activité

Rationalisation

Énergie Consommation
Impact ressource
d’énergie fossile

Figure 6 – Schéma global des principales voies de réduction des émissions atmosphériques d’origine anthropique

Valorisation sans transformation Valorisation par transformation chimique Valorisation par transformation biologique

• Utilisation industrielle • Synthèse organique • Microalgues


– Traitement de l'eau – Urée et acide salicylique – Culture en bassin ouvert
– Utilisation alimentaire – Carbonates cycliques – Photobioréacteur
– CO2 supercritique – Polymères
– Utilisation hydrates de CO2 • Minéralisation (ex-situ) • Biocatalyse
• Récupération assistée d'hydrocarbures • Hydrogénation (méthanol),
– Pétrole méthanation
– Gaz naturel • Reformage
– Gaz naturel dans les veines de charbon – Sec (CO2)
– Hydrates de CO2 – Vaporeformage (CO2 + H2O)
• Géothermie profonde – Tri-reformage (CO2 + H2O + O2)
• Électrolyse (haute T et T ambiante),
Photoélectrolyse
• Thermochimie

Exemples de valorisation : alimentaire, Exemples de valorisation : chimie, énergie, Exemples de valorisation : alimentaire,
énergie… matériaux… chimie fine…

Figure 7 – Principales voies de valorisation du CO2

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G 1 816 – 6

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G1814

Valorisation du CO2
Partie 2 : voies par transformations
chimiques
par Association RECORD
et Laurent DUMERGUES

3
1. Voies de valorisation du CO2..................................................................... G 1 814 - 2
2. Valorisation avec transformation chimique............................................. — 2
2.1 Minéralisation ex-situ ................................................................................. — 2
2.1.1 Principe ............................................................................................... — 2
2.1.2 État des lieux ...................................................................................... — 4
2.1.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 4
2.1.4 Impacts environnementaux .............................................................. — 4
2.1.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 5
2.2 Synthèse organique « carboxylation »...................................................... — 5
2.2.1 Principe ............................................................................................... — 5
2.2.2 État des lieux ...................................................................................... — 5
2.2.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 9
2.2.4 Impacts environnementaux, énergétiques ...................................... — 9
2.2.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 10
2.3 Hydrogénation/Méthanation ...................................................................... — 10
2.3.1 Principe ............................................................................................... — 10
2.3.2 État des lieux ...................................................................................... — 11
2.3.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 12
2.3.4 Impacts environnementaux .............................................................. — 12
2.3.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 14
2.4 Reformage sec............................................................................................. — 16
2.4.1 Principe ............................................................................................... — 16
2.4.2 État des lieux ...................................................................................... — 16
2.4.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 16
2.4.4 Impacts environnementaux .............................................................. — 17
2.4.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 17
2.5 Électrolyse ................................................................................................... — 19
2.5.1 Principe ............................................................................................... — 19
2.5.2 État des lieux ...................................................................................... — 20
2.5.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 23
2.5.4 Impacts environnementaux .............................................................. — 23
2.5.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 23
2.6 Thermochimie ............................................................................................. — 23
2.6.1 Principe ............................................................................................... — 23
2.6.2 État des lieux ...................................................................................... — 24
2.6.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 25
2.6.4 Impacts environnementaux .............................................................. — 25
2.6.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 25
3. Bilan et conclusions.................................................................................... — 26
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. G 1 814

a lutte contre le changement climatique est un enjeu majeur de nos


L sociétés contemporaines. De ce fait, la maîtrise des émissions atmosphé-
riques de CO2 est une priorité des politiques visant à limiter le réchauffement
Parution : juillet 2016

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G 1 814 – 1

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Référence Internet
G1814

VALORISATION DU CO2 ______________________________________________________________________________________________________________

climatique. Considérer le CO2 comme une ressource qui peut être valorisée
ouvre de nouvelles perspectives, tant environnementales qu’économiques.
Diverses applications industrielles de valorisation de CO2 existent. Il s’agit par
exemple des voies de valorisation biologique ou directe sans transformation,
qui, à ce jour, ne permettent qu’une utilisation de CO2 limitée en volume. Une
autre voie de valorisation, par transformation chimique, utilise le CO2 comme
réactif afin de générer un produit valorisable ou à valeur énergétique.
Dans cet article seront présentées les principales techniques utilisées pour valo-
riser le CO2 par voie chimique comme la minéralisation, la synthèse organique,
l’hydrogénation, le reformage sec, l’électrolyse, la photocatalyse, la thermochimie…
Les développements de certaines techniques de valorisation sont particulière-
ment suivis par la communauté scientifique et industrielle. C’est le cas de la
méthanation qui permet potentiellement de transformer directement le CO2 en
sortie d’une installation de combustion en méthane « renouvelable ».
Malgré un potentiel d’utilisation de CO2 intéressant, les différentes voies de

3 valorisation ne sont pas au même stade de maturité technologique. Elles


restent confrontées à des problèmes spécifiques d’ordre techniques, technolo-
giques, de savoir-faire, d’approvisionnement de ressources… et de rentabilité
économique dès lors que le CO2 est transformé en produit énergétique concur-
rencé par les ressources fossiles.
Nota : les voies de valorisation du CO2 directement sans transformation, ou après transformation biologique sont traitées
dans l’article [G1816] « Voies de valorisation du CO2 – Voies directes et voies avec transformation biologique ».

1. Voies de valorisation Les carbonates, qui constituent la forme thermodynamique


du CO2 la plus stable du CO2, sont des produits inertes et stables.
Leur formation permet donc le piégeage du CO2 pendant de
longues périodes de temps. La formation des carbonates est
Les principaux enjeux de valorisation du CO2, une présentation un procédé exothermique qui se produit naturellement mais
générale des voies de valorisation et un focus sur les voies sans lentement, et qui doit par conséquent être accéléré pour une
transformation ou avec transformation biologique sont décrits application à l’échelle industrielle.
dans l’article [G1816].
Le magnésium et le calcium sont rarement disponibles sous
forme d’oxydes purs dans la nature. Ils sont contenus dans cer-
2. Valorisation avec tains minéraux tels que les silicates (olivine, serpentine, wollasto-

transformation chimique nite) [1]. Ces silicates sont présents sur la terre en très grande
quantité (>1 000 000 Gt) [2]. Les réactions globales de carbonata-
tion des silicates sont, pour l’olivine et la serpentine [3] :
Les voies chimiques de valorisation du CO2 sont diverses. Elles – olivine :
consistent à soit insérer une molécule de CO2 dans une chaîne
carbonée (carboxylation) ou chaîne minérale (minéralisation), soit
au contraire à réduire ce CO2 en y ajoutant de l’hydrogène par
exemple. Ces dernières voies de réduction prennent différentes – serpentine :
formes selon les réactifs employés et les spécificités techniques :
utilisation de très haute température (thermochimie), d’électricité
(électrolyse), de méthane (reformage), d’hydrogène (hydrogéna-
tion)… (cf. figure 1).
Chacune de ces voies va être décrite dans les chapitres suivants. La première étape du mécanisme de réaction consiste en la lixi-
viation des silicates dans l’eau, entraînant l’extraction des cations
Ca2+, Mg2+ ou Fe2+ en solution. La seconde étape consiste en la
2.1 Minéralisation ex-situ précipitation de carbonates en présence de CO2 dissous [4].
La minéralisation se fait généralement de deux façons :
2.1.1 Principe – minéralisation in-situ : le CO2 est injecté dans des formations
géologiques riches en silicates ou dans des aquifères alcalins : la
minéralisation se produit alors dans le sous-sol. Il s’agit d’une
La minéralisation du CO2 consiste en une réaction entre le technique qui s’apparente au stockage souterrain de CO2 ;
CO2 et des oxydes de calcium ou de magnésium pour former – minéralisation ex-situ : la minéralisation se produit dans une
des carbonates (MCO3) : unité de carbonatation où le CO2 réagit avec la roche porteuse de
cations métalliques comme le Mg2+ ou le Ca2+. Il peut s’agir de
roches et minéraux issus de gisements naturels ou des déchets
industriels. Dans le cas d’utilisation de minéraux issus des gise-
avec M métal contenant du Mg, du Ca, du Fe, etc. ments naturels, la préparation des réactifs solides est nécessaire.

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Production « industrielle » Stade « pilote » ou « R&D »

CO2
+ Carbonates inorganiques (MCO3)
Oxyde MINÉRALISATION
métallique

Urée Esters et dérivés


Lactones
Amides
Carbamates
CO2 C
+ A Bicarbonate de sodium
Chaîne R

3
B
carbonée O Synthèse Carbonates organiques Carbonates organiques
et / ou X organique par
nucléophile Y
L carboxylation – Polycarbonates – Carbonates organiques linéaires
A de propylène, de bisphénol A – Carbonates organiques cycliques
T
I
O Acides carboxyliques Autres acides carboxyliques
N
– Acide salicylique – Acide acrylique
– Acide formique
– Acide acétique

Alcool : Méthanol Autres Alcools : éthanol


Hydrogénation Méthane (CH4)
CO2
+
Hydrogène
Gaz de synthèse
Électrolyse
CO + H2
R
É
CO2 D Reformage CH4
+
U
Méthane C
T Fischer-Tropsch
I
CO2 O Hydrocarbures
N
+ T > 1 200 °C – Alcanes (CnH2n+2)
+ H2O Thermochimie – Alcools…
– Acides carboxyliques
Monoxyde de carbone
+ T > 1 200 °C

Figure 1 – Principales voies de transformation chimique du CO2

Cette étape comprend l’extraction minière des roches, le transport magnésium. La minéralisation ex-situ présente différents avan-
et le broyage. En effet, afin d’accélérer la cinétique de la réaction tages tels que la pérennité du stockage du CO2, l’innocuité des car-
de minéralisation, il est nécessaire d’augmenter la surface de bonates produits et la possible valorisation des déchets industriels
contact entre la roche et la phase aqueuse. Le minerai est donc (production de ciment, d’acier et d’énergie) [3] [2]. Ces déchets ont
broyé finement malgré le coût induit. Une activation thermique souvent l’avantage d’être produits près de sources de CO2 et de
des roches peut s’avérer nécessaire selon les voies de minéralisa- nécessiter peu de traitements [5].
tion utilisées [3]. Les produits obtenus peuvent être valorisés : La minéralisation ex-situ peut s’effectuer en voie sèche ou
calcaire, ciment, matériaux de construction… La principale applica- aqueuse, et en une ou plusieurs étapes [2].
tion de la minéralisation ex-situ est la formation de calcaire obtenu
par réaction entre le CO2 et la chaux éteinte (Ca(OH)2) avec de – Minéralisation en voie sèche (solide – gaz) : la cinétique de la
l’eau comme coproduit. La chaux éteinte est un déchet de l’indus- réaction étant très lente, un apport de chaleur est nécessaire pour
trie cimentière. D’autres carbonates comme le MgCO3 sont poten- favoriser la réaction. Les températures sont alors comprises entre
tiellement utilisables comme matériaux de construction [7], mais 300 et 500 °C [6] :
des études demeurent nécessaires pour le développement et la • mono-étape : ce procédé, lent à température ambiante, est
validation de matériaux de construction à partir de carbonates de très efficace à de hautes températures [5],

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• multi-étapes : ce procédé, ayant une très faible vitesse de mettre en perspective avec le potentiel de 16 000 MtCO2/an qui
réaction, n’est pas considéré comme prometteur [5] ; pourraient être théoriquement utilisées par l’industrie du ciment
– minéralisation en voie aqueuse : elle se déroule en deux [11].
étapes ; la dissolution du minéral puis la précipitation du carbo-
nate. Ce procédé est plus efficace que la minéralisation en voie 2.1.3 Caractéristiques requises du CO2
sèche : cinétique de minéralisation plus rapide, températures
nécessaires moins élevées, de l’ordre de 180 °C, etc. [6] : ■ Qualité requise du CO2
• mono-réacteur : la minéralisation se produit dans un unique La minéralisation est adaptée aux émetteurs ponctuels de CO2
réacteur, au sein duquel les réactions de dissolution et de comme les émetteurs industriels.
précipitation se déroulent de manière concomitante. De nom- Normalement les fumées utilisées pour la minéralisation ex-situ
breux paramètres peuvent influer sur la performance du pro- sont concentrées en CO2 et correspondent aux conditions de sor-
cédé, qui se mesure en cinétique et en taux de carbonatation tie des unités de captage du CO2 [15].
des réactifs : qualité de broyage du réactif, température, pres-
sion partielle de CO2, l’ajout de certains additifs chimiques Cependant, il est envisagé que le CO2 utilisé pour la carbonata-
[7]. Le procédé peut se faire sans additif et en présence tion minérale puisse provenir directement de fumées industrielles,
d’additifs inorganiques (NaCl, NaHCO3) ou organiques ce qui permettrait dans les cas favorables de s’affranchir de
(agents complexants) [6]. Des procédés prometteurs se déve- l’étape amont de captage et de la pénalité énergétique induite [6].

3 loppent : Toutefois le rendement du procédé est directement lié à la pres-


sion partielle en CO2 [15]. Des efforts de recherche et de dévelop-
Aux États-Unis, la réaction met en œuvre du silicate de calcium et pement actuels portent sur l’utilisation directe de CO2 issu de
de magnésium en présence d’additifs inorganiques à des tempéra- combustions industrielles avec une composition en CO2 de l’ordre
tures de 100-145 °C et des pressions de 40-150 bars [8]. de 10 à 15 % [16] [13]. Le verrou est essentiellement d’ordre ciné-
tique (temps de carbonatation très longs) [14]. Selon le CO2 uti-
En France, le procédé de minéralisation du projet CARMEX est lisé, le rendement du procédé et la qualité des produits finaux
capable d’opérer à une pression partielle inférieure à 20 bars de CO2. diffèrent [7]. Concernant les impuretés contenues dans les fumées
Le procédé nécessite néanmoins un traitement physique particulier et leur incidence possible sur la performance de la minéralisation
des réactifs [9]. ex-situ, aucune donnée n’existe à ce jour [15].
• multi-réacteur : la dissolution du minéral et la précipitation ■ Quantité nécessaire
ont lieu dans des réacteurs différents, caractérisés par des pH Il est requis entre 0,4 et 0,5 tCO2 et 1,6 à 2,5 tonnes de roches
différents, pour favoriser la dissolution des réactifs (pH [17] pour produire une tonne de produit [18] [19] [11].
acide), ou la précipitation de carbonates (pH alcalin). Il est
nécessaire d’ajuster le pH pour séparer les coproduits
gênants [7]. Généralement, des acides forts (HCl, H2SO4, 2.1.4 Impacts environnementaux
HNO3) ou faibles (acide acétique) sont utilisés pour l’extrac-
tion du Ca ou du Mg. L’olivine (Mg, Fe)2SiO4 et la serpentine ■ Principales pollutions
(Mg, Fe, Ni)3Si2O5(OH)4 sont solubles dans des solutions de Dans le cas de la minéralisation en voie aqueuse, différents
pH acide à neutre [6], mais l’ajout d’acide n’est pas néces- additifs corrosifs peuvent être utilisés (acide acétique ou HCl) [7].
saire dans la mesure où des pressions partielles élevées de Une attention doit être portée au chrysotile (ou amiante blanc),
CO2 induisent la formation d’acide carbonique par dissolution variété de serpentine amiantée pour laquelle la réglementation
du CO2 dans l’eau (comme dans les océans) [6]. interdit toute utilisation ou transformation (décret n° 96-1133 du
24 décembre 1996 relatif à l’interdiction de l’amiante, pris en
2.1.2 État des lieux application du code du travail et du code de la consommation).

■ Maturité technologique ■ Bilan Carbone


Cette technologie est encore au stade pilote [3] mais la minéra- Les émissions de CO2 liées au procédé de minéralisation sont
lisation du CO2 pourrait atteindre le stade commercial dans moins dépendantes des conditions et des facilités sur site (transport des
de cinq ans [10] [11]. C’est ce que prévoient les acteurs tels que le intrants, préparation, etc.).
GreenMag Group ou Calera. Dans le cas d’Alcoa (carbonatation des déchets de bauxite avec
Pour ce faire, la recherche focalise sur [12] : du CO2 purifié), 95 % des émissions de carbone liées à la minéra-
lisation correspondent au captage du CO2 et à sa compression
– l’accélération de la cinétique de la minéralisation ;
jusqu’à 200 bars.
– la rentabilité du procédé avec la diminution des coûts énergé-
tiques et la valorisation des produits ; Une étude d’analyse de cycle de vie estime que la mise en place
– le procédé en mode continu utilisant des fumées industrielles d’un procédé de minéralisation (incluant les activités d’extraction
diluées en CO2 [9] [13] ; des minéraux, de transport en bateau entre 4 000 et 7 000 km et
– la minéralisation des déchets ou de coproduits de l’industrie de captage du CO2) permet une baisse de 28 à 46 % du Bilan Car-
[7] comme les résidus sidérurgiques riches en chaux et/ou miné- bone initial d’une centrale électrique sans captage [20].
raux des ciments qui sont facilement carbonatables (laitiers, sco- Dans le cas du procédé de minéralisation Calera en « Eastern
ries, mâchefers) [9] ; Australia » qui utilise du CO2 provenant directement des fumées
– le choix de sites favorables, associant présence en grande industrielles, les émissions sont de l’ordre de 0,32 tCO2/tCO2 utili-
quantité de minéraux et de CO2 sur le même site [14] [9]. sée [11].
■ Potentiel ■ Efficacité énergétique
Bien que la capacité de stockage minérale du CO2 soit potentiel- L’énergie nécessaire pour la minéralisation dépend de la
lement très largement supérieure aux émissions anthropiques matière première à minéraliser. La minéralisation de minéraux
[15], la capacité de stockage réelle est limitée aux contraintes provenant de gisements naturels va être plus énergivore, notam-
logistiques (nécessité de disponibilité et de proximité entre les ment à cause de l’opération de broyage [3], que la minéralisation
minéraux et le CO2). L’utilisation potentielle de CO2 à moyen de déchets industriels, qui sont généralement finement broyés [5].
terme est estimée à environ 300 Mt par an [11]. Ce chiffre est à Dans les deux situations, de l’énergie est nécessaire pour les

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étapes de transformation chimique avec utilisation éventuelle


d’additifs (recyclage et pertes) ainsi que la séparation des carbo- Tableau 1 – Exemples de coûts relatifs
nates et des coproduits de réaction [3]. On note que ces copro- aux activités de minéralisation ex-situ de CO2
duits sont essentiellement de la silice qui peut, elle aussi, trouver
des voies de valorisation. Type de coût Remarques Source
Le choix de la pureté du CO2 a aussi un impact sur les besoins
énergétiques : utiliser directement le gaz de combustion avec une Coût d’investissement : L’usine de Calera en [11]
faible concentration du CO2 permettra de s’affranchir des entre 1 100 et 1 400 € Australie (capacité de
dépenses d’énergie pour le captage du CO2 et sa séparation/puri- (pour traiter le CO2 d’une 200 MWe) utilise le
fication. En revanche, cette option nécessitera d’amener de l’éner- centrale thermique au CO2 directement de
gie supplémentaire lors de la réaction de minéralisation afin charbon) par MWe installé fumées industrielles
d’améliorer le taux de conversion [6] [15]. sans aucun traitement
préalable
2.1.5 Retours d’expériences Coût de traitement d’une Différentes retours [15] [22]
La minéralisation est encore à un stade de développement non tonne de CO2 : variable d’expériences, hors [23] [24]
mature. selon les conditions de 20 captage du CO2

3
à 130 €/tCO2 traité
Le coût du procédé, même dans les cas favorables, reste élevé
puisqu’il faut considérer le prétraitement des réactifs solides et
l’énergie à apporter pour accélérer la réaction de minéralisation.
« Le principal facteur concernant la rentabilité économique de la apportant alors des propriétés renforcées au béton par une modifi-
minéralisation reste la valeur économique de la tonne de CO2 » cation de sa microstructure. Le Bilan Carbone de la filière pourrait
[15]. Pour que la minéralisation soit compétitive, il serait néces- ainsi diminuer de 70 % ;
saire d’éviter les étapes de captage et de transport du CO2, et pour – le projet d’écoconstruction SAPICO2 (France/Angleterre) vise à
cela utiliser directement les fumées industrielles comme intrant. créer des écomatériaux avec du ciment-carbonate pour réduire le
Le procédé doit donc être adapté pour de faibles concentrations volume des déchets et favoriser la réutilisation du CO2 émis par
de CO2 [21]. des petites et moyennes entreprises [30].
Parmi les autres freins au développement de la minéralisation,
on trouve notamment :
– la faible valeur ajoutée des produits obtenus, comme le prix du 2.2 Synthèse organique « carboxylation »
calcaire de 4 à 5 €/t [7] ;
– « la mauvaise connaissance de la composition finale et/ou la 2.2.1 Principe
qualité insuffisante du produit obtenu qui ne peut pas toujours être
réutilisé » [14] ; Le CO2 utilisé en tant que matière première dans les synthèses
– la stagnation mondiale du déploiement de la technique de de carboxylation en chimie organique peut remplacer les res-
« captage et stockage du CO2 ». sources fossiles et rentrer dans la composition de nouveaux maté-
Si le pessimisme est aujourd’hui de mise sur la minéralisation riaux à valeur ajoutée tels que certains polymères [31] [32] [33].
ex-situ, comme il l’est sur l’ensemble de la chaîne du captage et
du stockage du CO2, il n’en demeure pas moins que la minéralisa-
tion est la seule solution industrielle en mesure de suppléer le La réaction de carboxylation consiste à incorporer le CO2
stockage géologique, là où ce dernier ne pourrait pas être mis en dans un substrat organique selon deux voies de synthèse : la
œuvre [15]. formation d’un groupe carboxylique par l’attaque d’un nucléo-
phile (a dans la figure 2) ou la formation d’un métallacycle à
■ Coûts cinq éléments par cycloaddition oxydante (b dans la figure 2).
La gamme importante de coûts annoncés traduit l’état de déve-
loppement dans lequel se trouve la minéralisation à ce jour, cer-
Les réactions de carboxylation conduisent à la formation de liai-
taines solutions étant encore à l’étude au laboratoire, avec des
sons C-C (par exemple acide 2(ou 4)-hydroxybenzoïque, lactones,
coûts difficiles à appréhender, tandis que d’autres sont au stade
esters linéaires…), C-N (par exemple dérivés de l’acide carba-
de pilote, avec des coûts en baisse (tableau 1).
mique, carbamates…), O-C (carbonates linéaires et cycliques) [32].
■ Unités opérationnelles Dans ce type de réactions, il n’y a pas besoin de rompre les liai-
À l’heure actuelle, il n’existe pas encore d’unité d’échelle indus- sons C-O de la molécule stable qu’est le CO2. L’apport d’énergie
trielle. Cependant, le développement d’unités pilotes ou de nécessaire est globalement plus faible que pour les réactions de
démonstrateurs a commencé au cours des dernières années réduction et se traduit par des conditions de pression et de tempé-
notamment en Australie ou aux États-Unis en bénéficiant d’un rature requises « modérées ». Néanmoins, l’utilisation de cataly-
soutien financier au niveau de l’État. Les principaux acteurs impli- seurs permet de diminuer l’apport d’énergie d’activation
qués sont Alcoa, Calera, Skyonic et GreenMag (cf. tableau 2). nécessaire pour les réactions endothermiques et donc la tempéra-
En France, il existe des projets de recherche multipartenaires, ture de réaction de synthèses organiques à partir du CO2
par exemple (non exhaustifs) : (cf. figure 3).
– le projet ANR CARMEX a permis l’obtention de rendements
très prometteurs (70 à 90 % de conversion), à des conditions de 2.2.2 État des lieux
pression assez modérées, sans additif chimique avec le développe-
ment d’un procédé innovant de minéralisation en mono-étape de Les utilisations du CO2 par carboxylation sont nombreuses. La
roches naturelles d’origine diverse [29] [17] [9] ; maturité de ces réactions est diverse : certaines synthèses sont au
– le partenariat Solidia Technologies (États-Unis)-Lafarge vise à stade de recherche en laboratoire alors que d’autres, industriali-
industrialiser une technique innovante dans la production de béton sées, aboutissent à la commercialisation de produits tels que
préfabriqué. Elle consiste à injecter du CO2 dans le matériau, l’urée ou l’acide salicylique (figure 4).

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Tableau 2 – Exemples de projets de minéralisation

Projet/unité Caractéristiques Résultats/prévisions

Procédé d’Alcoa pour la carbonata- Alcoa a mis en place en 2007 un procédé de car- La consommation de CO2 est seulement de
tion de déchets industriels (États- bonatation des déchets industriels dans une raffi- 30 à 35 kg/t de déchets, ce qui permet d’utiliser
Unis/Australie) [11] nerie d’aluminium à Kwinana (Australie). Il s’agit à l’année un total de 70 ktCO2 [25]. Le produit
d’un procédé de carbonatation des déchets de obtenu n’est pas d’une grande utilité mais est
bauxite. Le CO2 de haute pureté (85 %), capté peu toxique et plus facile à stocker que les
depuis l’usine d’ammoniac CSBP, réagit avec déchets de bauxite. Le coût supplémentaire
les composants alcalins des déchets pour de l’opération de carbonatation (transport par
produire les carbonates pipeline pendant 8 km du CO2) incluant le coût
d’investissement, d’exploitation et de mainte-
nance est estimé à 7 €/teqCO2

Projet Calera (États-Unis) [26] Le procédé développé par Calera permet de Une unité de démonstration en Californie a été

3
minéraliser directement le CO2 contenu dans installée, afin de capturer 30 ktCO2/an (équiva-
le gaz de combustion en carbonate. Ce dernier lent à une centrale de gaz de 10 MWe), pour
peut, dans certaines limites, rentrer dans un investissement de 13 millions d’euros
la composition de certains ciments par le DOE [11] [19]

Les propriétés du ciment composé, obtenu avec 500 kg de CO2 sont utilisés par tonne
ce carbonate, restent à démontrer, tout comme de ciment produit [7] [11]
son intérêt économique par rapport au ciment
obtenu avec le calcaire moulu de carrière, actuel-
lement utilisé et bien moins cher [14]

Projet Calera (Australie) [26] [11] En 2010, Calera a démarré un autre démonstra- Il est envisagé d’utiliser 300 000 tCO2/an, issu
teur à Victoria en Australie. L’investissement d’une centrale à charbon pour produire environ 1
pour cette usine est de 82 millions d’euros Mt de matériaux de construction [19]. La quantité
d’eau nécessaire au procédé de minéralisation
aqueuse est de 7,5 tonnes d’eau par tCO2 utilisé
et l’énergie requise est de 0,176 MWh

Projet de Skyonic (États-Unis) [18] Ce projet de 125 millions de dollars (dont 25 mil- Cette usine devrait capturer 75 ktCO2/an pour
lions de dollars par le DOE et 35 millions par BP, produire 157 kt de bicarbonate [18]. Il est aussi
Conoco Philips et PVS Chemicals) [27] [18] a envisagé d’utiliser 150 ktCO2 pour produire
pour but de développer une unité industrielle au d’autres produits chimiques tels que l’acide
Texas pour capter le CO2 de la cimenterie Capitol chlorhydrique [27]
Granulats Inc. à San Antonio, et de l’utiliser pour
produire du bicarbonate de sodium ou de soude Le coût envisagé du captage de CO2 et
grâce au procédé de minéralisation de la transformation en bicarbonate est
d’environ 35 €/tCO2 [18]
Nota : d’après une parité $/€ de 0,778

Carbon 8 (Angleterre) Carbon 8 utilise une solution brevetée appelée En Angleterre, au moins deux usines de carbo-
« Accelerated Carbonation Technology (ACT) » natation utilisant les résidus de déchets
qui permet d’accélérer le processus naturel de urbains traités par incinération fonctionnent
carbonatation de sols et de déchets. D’après les déjà et fabriquent des granulats. Elles sont
concepteurs, la technologie permet d’utiliser opérées par la société Carbon 8 dirigée par
les émissions de CO2 issues des déchets à partir Mme Paula Carey, adossée à l’université
de sources locales, de capturer d’importants de Greenwich [14]
volumes de CO2, et de valoriser le produit final
obtenu [28]

■ Synthèses industrialisées carboxylation du phénol via la réaction de Kolbe-Schmitt (figure 6)


– Urée : la production d’urée (figure 5) à partir de CO2 et sous une pression de 10 bars et à une température de 150 °C envi-
d’ammoniac est un procédé déjà industrialisé depuis près de ron [7]. L’acide salicylique est un intermédiaire dans la formation
40 ans. Le CO2 réagit avec l’ammoniac (0,77 t d’ammoniac par t de de l’acide acétylsalicylique (plus connu sous la marque déposée
CO2 traité) pour former le carbamate d’ammonium, qui, déshy- « aspirine »).
draté, permettra l’obtention d’urée. Le procédé est réalisé sans – Carbonates cycliques : Il s’agit du carbonate d’éthylène (EC),
catalyseur et sous forte pression (100 à 400 bars) et à des tempéra- du carbonate de propylène (PC), du carbonate de cyclohéxène (CC)
tures relativement hautes (160 à 200 °C) [35] [36] [J6660]. Les appli- et du carbonate de styrène (SC). Ils sont obtenus principalement
cations de l’urée sont la production de fertilisants à base d’azote et par réaction catalytique du CO2 avec des époxydes [32] mais
la production de matières plastiques. peuvent aussi être obtenus par réaction du CO2 avec des alcools,
– Acide salicylique et acide 4-hydroxybenzoïque : ces acides car- des oléfines ou un cétal cyclique [34]. Les conditions de réaction
boxyliques, déjà industrialisés à partir du CO2, sont produits par peuvent être extrêmement douces, voisines de la température

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O O
Alcools, alcanes,
alcènes… … C C
R OH RO OR

O O Acides carboxyliques Carbonates linéaires


Hydrogénation
– O
C Xδ C
O X O
O Yδ
+ R1 C
Y C N OR
Réduction
a X, Y : nucléophiles H2N NH2
CO2 R2
Urée et dérivés Carbamates
(H2O, R2NH, ROM, RMgX…)
O
Carboxylation

b O O O ( )n O

LnM
A
B
LnM
A
B
R R
Carbonates cycliques
R

Polycarbonate
O n
3
O C O O C O
O

A, B : alcène, alcyne, HN O N
H
( )n O

diène, allène, O2… R O n


R R
Carbamates cycliques Polycarbamate

Figure 2 – Principales transformations du CO2 par synthèse organique

Énergie

Catalyseur
Énergie d’activation
sans catalyseur

Énergie d’activation
avec catalyseur

Époxydes Carbonates
Hydrogène Carbamates Énergie nette
Acétylène Acides carboxyliques dégagée par
CO2 + Diène Esters la réaction
Allène Lactones
Organométalliques
Amines

Réactifs Produits

Figure 3 – Synthèses organiques catalytiques à partir du CO2 [34]

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R&D Pilote Industrialisé

Urée
Acides carboxyliques Carbonates linéaires
Acide salicylique
Esters Polycarbonates
Acide 4-hydroxybenzoïque
Lactones Carbamates
Carbonates cycliques

3 Figure 4 – Maturité des synthèses organiques catalytiques à partir du CO2 (Compilation RECORD/APESA)

– Polycarbonates : les carbonates cycliques peuvent être ouverts


pour donner un acide hydroxy carboxylique qui ensuite est poly-
O
O mérisé pour produire des polycarbonates. La synthèse de
rapide + lent
2 NH3 + CO2 H2N C – NH4 C + H2O polymères tels que le PPC (carbonate de polypropylène) et le PEC
H2N NH2 (carbonate de polyéthylène) en utilisant un catalyseur à base de
O Urée
160 à 200 °C
zinc peut être réalisée avec un bon rendement à de faibles pres-
100 à 400 bars
sions et températures (faible quantité d’énergie consommée) [11].
Les polycarbonates sont largement utilisés comme matériaux de
construction, produits de sécurité et de protection personnelle
Figure 5 – Mécanisme de synthèse de l’urée grâce à leurs propriétés de haute résistance et de légèreté [39].
D’autres propriétés de ces matériaux sont la transparence, la résis-
tance à la lumière, l’isolation électrique, etc. [7].
– Carbamates (uréthanes) [39] : la réaction entre certains N-
nucléophiles comme les amines et le CO2 a comme résultat la for-
O ONa O OH mation des composés N-carbonylés, y compris les carbamates ou
uréthanes. Les carbamates ont plusieurs applications, par exemple
OH CO2 ONa H2SO4 OH comme pesticides en agriculture ou comme précurseurs de la syn-
thèse d’isocyanates qui sont utilisés pour produire des polyuré-
NaOH thanes. L’ester carbamique peut remplacer le phosgène comme
réactif en synthèse organique.
Figure 6 – Réaction de Kolbe-Schmitt
■ Synthèses en recherche
– Acides carboxyliques (autres que l’acide salicylique et l’acide
ambiante et d’une pression de 10 bars [37] [38]. Ces carbonates 4-hydroxybenzoïque déjà industrialisés) : les nucléophiles carbo-
sont utilisés comme monomères (pour l’obtention de polymères, nés tels que les réactifs de Grignard, les organolithiens, les compo-
pour la synthèse des hydroxyesters et hydroxylamines), comme sés à méthylène actifs ou les énolates métalliques sont capables
composants de matériaux spéciaux et comme solvants [32]. Les d’attaquer le CO2 pour produire les acides carboxyliques sous des
carbonates cycliques sont déjà sur le marché car les réactions sont conditions de réaction modérées. Les réactions pour produire les
bien connues, et les besoins existants. Ce marché est en expan- acides carboxyliques tels que l’acide acrylique à partir du CO2 sont
sion, grâce notamment aux batteries lithium-ion [37]. multiples : à partir d’éthylène, par complexation métallique (com-
plexe du molybdène), à partir d’allènes sur des catalyseurs à base
■ Synthèses en développement de Ni et à partir de composés aromatiques [34].
– Carbonates linéaires : la voie la plus intéressante pour pro- – Acrylates : les acrylates sont des esters et des sels dérivés de
duire des carbonates linéaires est celle de la carboxylation directe l’acide acrylique [13]. Leur obtention à partir de la réaction cataly-
d’alcools selon la réaction suivante [32] : tique du CO2 et de l’éthylène (en remplacement à la synthèse com-
merciale actuelle par chauffage du propylène) suscite l’intérêt de
chercheurs dans le but de trouver des catalyseurs performants [13]
[40].
– Les carbonates linéaires sont le diméthyle carbonate (DMC), le – Esters et lactones : la combinaison catalytique du CO2 avec
dialkyle carbonate (DAC), le diéthyle carbonate (DEC) et le diphé- divers composés insaturés conduit à la formation d’esters et de
nyle carbonate (DPC). Dans la synthèse du carbonate de diméthyle lactones. Ces composés insaturés sont les diènes (par exemple
(DMC), la température optimale est voisine de 150 °C et la pression 1,3-butadiène) et les allènes en présence de palladium comme
autour de 200 bars [37]. catalyseur, l’acétylène en utilisant un catalyseur à base de nickel et
– Les applications des carbonates linéaires sont multiples, les arynes entre autres [34]. Les lactones peuvent être les précur-
comme solvants, comme réactifs pour les réactions d’alkylation ou seurs de plusieurs produits tels que des acides, alcools ou diols,
acylation et comme additifs pour l’essence ou le diesel [32]. Le amino acides, amines… [41] et peuvent être utilisés pour leurs pro-
DMC peut être utilisé comme réactif en remplacement du phos- priétés organoleptiques.
gène (COCl2) pour la production de polycarbonates et polyuré- Pour les voies de synthèse non industrialisées, l’enjeu principal
thanes. est le développement et l’amélioration des catalyseurs [7] [37] [42]

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G 1 814 – 8

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Valorisation du coproduit CO2 issu


de la méthanisation

par Laurent DUMERGUES


Chef de projet évaluation impacts environnementaux
APESA, Montardon, France
et Christine PEYRELASSE
Cheffe de projet biomasse et effluents

3
APESA, Montardon, France

1. Enjeux ...................................................................................................... G 1 818 - 2


1.1 Réglementation et énergie renouvelable............................................... — 2
1.2 Traitement des déchets et économie circulaire..................................... — 2
1.3 Encouragement de pratiques « bas carbone » ...................................... — 3
2. Méthanisation et gaz à effet de serre ............................................ — 3
2.1 Principe de la méthanisation................................................................... — 3
2.2 Émission de gaz à effet de serre en méthanisation .............................. — 5
3. Récupération des émissions directes de CO2
(en méthanisation) ............................................................................... — 7
3.1 Capture et purification du CO2 ................................................................ — 8
3.2 Transport du CO2 ..................................................................................... — 11
3.3 Coûts ......................................................................................................... — 12
4. Voies de valorisation de CO2 en méthanisation .......................... — 12
4.1 Marché du CO2 ......................................................................................... — 12
4.2 Généralités sur les voies de valorisation ............................................... — 13
4.3 Usages agricoles ...................................................................................... — 17
4.4 Méthanation ............................................................................................. — 18
4.5 Autres voies de valorisation adaptées ................................................... — 24
5. Conclusions et perspectives ............................................................. — 26
6. Sigles, notations et symboles........................................................... — 28
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. G 1 818

ans l’optique d’atteindre les objectifs nationaux de neutralité carbone en


D 2050, la méthanisation présente différents atouts. Véritable cas d’éco-
nomie circulaire, la méthanisation permet de valoriser des déchets organiques
en énergie renouvelable (biogaz) et en engrais/amendements agricoles (diges-
tats). Cette activité, sobre en carbone fossile, permet de dynamiser l’activité
économique locale et contribue à limiter les émissions de gaz à effet de serre
liées aux productions délocalisées (énergie, fabrication d’engrais, etc.).
Afin de renforcer ces atouts (maîtrise des émissions de GES, économie circu-
laire, augmentation des revenus agricoles...), la filière de méthanisation a
intérêt à valoriser les émissions d’un de ses coproduits : le CO2 issu du biogaz.
Plusieurs perspectives de valorisation du CO2 existent notamment avec les
usages agricoles ou la méthanation biologique.
Après un rappel des enjeux et de l’aperçu des émissions de GES en méthani-
sation, cet article traitera des principales voies de valorisation viables et des
conditions d’applications (réglementaires, techniques, économiques...).
Parution : août 2022

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95
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VALORISATION DU COPRODUIT CO2 ISSU DE LA MÉTHANISATION ____________________________________________________________________________

1. Enjeux Le gisement global mobilisable à 2030 pour la méthanisation a ainsi été évalué à
130 millions de tonnes de matière brute, soit 56 TWh d’énergie primaire en production de
biogaz (sur un total de 185 TWh de ressources considérées). Il est composé à 90 % de
matières agricoles [6].
Lutte contre le réchauffement climatique, préservation des res-
sources, recyclage et réutilisation, économie relocalisée, approvi-
sionnements énergétiques autonomes et renouvelables... sont 1.2 Traitement des déchets et économie
autant d’enjeux de développement durable mis en avant par la
société civile et les réglementations environnementales.
circulaire
La méthanisation, qui consiste à générer du méthane à partir ■ La directive 2008/98/CE [7] du Parlement européen établit un
de la dégradation de déchets organiques, est une technique qui cadre juridique pour le traitement des déchets au sein de la Com-
répond favorablement à ces enjeux divers en permettant des béné- munauté européenne.
fices environnementaux, économiques et territoriaux (figure 1).
Elle vise à protéger l’environnement et la santé humaine par la
Les principaux enjeux sont présentés ci-après. prévention des effets nocifs de la production et de la gestion des
déchets, et propose une hiérarchie de gestion qui s’applique par
ordre de priorité (figure 2).
1.1 Réglementation et énergie Lorsqu’un produit est qualifié de « déchet » selon la réglemen-
renouvelable
3
tation, il est soumis à de nombreuses obligations (transport,
stockage, traçabilité des circuits de valorisation et d’élimination...).
■ La loi de transition énergétique du 17 août 2015 a fixé des
objectifs nationaux ambitieux de réduction de gaz à effet de serre Il existe des règles permettant la sortie du statut de déchets,
(– 40 % d’émissions en 2030 et neutralité carbone en 2050), de pro- telles que sa valorisation (il peut alors obtenir le statut de copro-
duction d’électricité et de consommation de gaz d’origine renouve- duit). Ce changement de statut est défini dans la réglementation
lable à l’horizon 2030 [1]. européenne (directive 2008/98/CE) par des règles précises.

La directive européenne 2018/2001 « énergie renouvelable » De même, tant qu’un produit n’est pas sorti des limites du site
(RED II) (modifiée par la directive 2021/0218 du 14 juillet 2021) de production, il peut ne pas être comptabilisé comme un déchet.
impose des réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES)
de – 55 % et l’atteinte de 40 % d’énergies renouvelables (EnR) dans
■ Atouts de la méthanisation : en réutilisant des résidus orga-
niques (agricoles, agroalimentaire, boues de stations d’épuration,
le mix énergétique européen à l’horizon 2030 [2] [3]. La prise en
etc.) sur le site de production ou en les transformant en coproduits
compte des émissions de GES est primordiale dès lors que l’on
(biogaz, amendements organiques...), la méthanisation répond
parle d’« énergie renouvelable ». Dans la « RED II », les énergies
favorablement à la directive européenne en matière de prévention
renouvelables doivent répondre à certaines obligations : respect
(sortie du statut déchet), recyclage ou récupération énergétique.
des critères de durabilité et réduction d’émission de gaz à effet de
serre par rapport à une énergie fossile de – 65 à – 80 %. Nota : en France, la production de biogaz est issue à plus de 60 % de résidus agri-
coles (déjection et effluents d’élevage). En Allemagne (leader européen des installations
■ Atouts de la méthanisation : avec plus de 50 % de surface de méthanisation avec 11 000 unités en fonctionnement soit près de 61 % des unités de
agricole en France et des gisements de matières organiques dispo- l’Union européenne contre 4 % pour la France) ou en Autriche (figure 3), le choix a été
fait d’utiliser les cultures énergétiques (ensilage de mais, betterave...) pour alimenter les
nibles (résidus des activités agricoles et économiques, ordures méthaniseurs (source : [8]).
ménagères fermentescibles...), les possibilités offertes par la
méthanisation sont importantes et localisées sur tout le territoire ■ Réglementation « économie circulaire »
national. Le biogaz produit a un poids carbone relativement bas (le
facteur d’émission du biométhane de 0,0444 kgCO2e/kWh PCI, La loi « économie circulaire » (n° 2020-105 du 10 février 2020)
après combustion, est plus de cinq fois inférieur à celui du gaz imposera, à partir de 2025, aux professionnels produisant majori-
naturel fourni dans les réseaux en 2015 (= 0,227 kgCO2e/kWh PCI) tairement des biodéchets qu’ils soient triés en vue d’un traitement
composé essentiellement de méthane d’origine fossile [4]). en compostage ou en méthanisation. Un autre amendement étend,
à partir de 2024, l’obligation de tri des biodéchets à tous les pro-
Nota : le gisement de matières méthanogènes issues des effluents d’élevages de ducteurs ou détenteurs de biodéchets, y compris aux collectivités
bovins en France est de l’ordre de 18 millions de tonnes de lisier et 65 millions de tonnes territoriales dans le cadre du service public de gestion des déchets,
de fumier par an (source : [5]). Si la totalité de cette ressource était valorisée en méthani-
sation, cela correspondrait à 30,8 TWh, soit l’équivalent de la consommation électrique et aux établissements privés et publics qui génèrent des biodé-
d’une ville de 4,6 millions d’habitants. chets (source : [9]).

Bénéfices écologiques Bénéfices économiques Bénéfices pour les territoires

– Production d’énergie renouvelable – Indépendance énergétique – Gestion durable des déchets organiques
– Valorisation des déchets – Moindre recours aux énergies fossiles – Création d’emplois locaux non
délocalisables
– Réduction des émissions de gaz à effet – Maîtrise du coût de l’énergie
de serre d’origine fossile – Soutien aux entreprises locales agricoles
– Nouveaux marchés autour de la et agroalimentaires
– Production d’engrais naturels (digestat de méthanisation et des services/produits
méthanisation) générés – Développement d’une économie circulaire
locale
– Complément de revenu pour les
agriculteurs

Figure 1 – Bénéfices (non exhaustifs) liés à la méthanisation

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Ne pas générer de déchets

Réduire les déchets

– Réemploi : rénovation, remise à niveau,


traitement léger pour récupérer les
Option Prévention performances initiales, même usage,
à privilégier statut de déchet pour la réglementation
– Réutilisation : pas de traitement, même
Réduction

Valorisation
usage, transport possible, pas de statut
de déchet pour la réglementation
Réemploi
Transformation physique, utilisation
Recyclage pour un nouveau produit

Valorisation
Option thermique Élimination physique avec coproduction
secondaire

3
d’énergie
Stockage

Stockage (toujours réversible)

Figure 2 – Hiérarchie des modes de traitement des déchets (source : adaptation directive 2008/98/CE [7])

tif utilise la méthode d’évaluation « Carbon Agri » certifiée par le


100 ministère de la Transition écologique et solidaire. Il concerne les
4 4 4 4
12 1 10 secteurs agricoles et forestiers et s’adresse à des projets vertueux
7
90 25 4 20 de réduction des émissions de GES et d’augmentation de stock
16
80 26 carbone qui vont au-delà des pratiques usuelles.
46 53 Les projets labellisés peuvent bénéficier de financements préfé-
70
18 rentiels (exemple : compensation carbone…) [11].
60 57
52 89 66 48 ■ Atouts de la méthanisation : la méthanisation est éligible
50 2 dans le dispositif « label bas-carbone ».
40 56 Plus globalement, faire de la méthanisation permet de bénéficier
30
de différents services induits (traitement de déchets, fertilisants
57 7 37 issus des digestats, stockage de CO2 pour les CIVE, autoconsom-
48
20
5
mation de biogaz en remplacement de l’utilisation de gaz naturel),
25 32 20
10 avec pour conséquence une diminution des émissions de GES de
11 6 15 70 % pour des scénarios « culture (CIVE) » ou « élevage (effluent) »
10
2 5 5
0 d’une exploitation [12].
ne he ue ar
k de ce lie ni se
ag ric q n n Ita U is
ut lgi em
nla Fr
a e- Su
Nota : culture intermédiaire à vocation énergétique (CIVE).
ll em A Be an Fi um
A D ya
Ro
À retenir
Cultures énergétiques Industrie Résidus agricoles
Eaux usées Déchets verts Autres déchets – La méthanisation produit une énergie renouvelable. Son
développement est favorisé par les réglementations actuelles.
Figure 3 – Origine du biogaz dans les pays européens en 2014
(source : [8]) – La méthanisation répond favorablement à la directive
européenne en matière de prévention (sortie du statut déchet),
recyclage ou récupération énergétique.
■ Atouts de la méthanisation – Permettant de produire de l’énergie à faible poids carbone
Au-delà d’être une obligation réglementaire, la méthanisation et de valoriser ses coproduits (digestat, CO2...), la méthanisa-
est un exemple d’économie circulaire rentable et performant pour tion est éligible aux dispositifs « bas carbone ».
la petite méthanisation à la ferme [10].
Nota : 20 et 50 % ce sont respectivement, en moyenne, les baisses d’apport en fertili-
sation minérale et en consommation d’énergie nette constatées après la mise en place de
méthaniseurs sur 46 exploitations suivies dans le cadre du projet Méthalae [10]. 2. Méthanisation et gaz
à effet de serre
1.3 Encouragement de pratiques
« bas carbone » 2.1 Principe de la méthanisation
■ Le label bas-carbone La méthanisation est un procédé de digestion anaérobie uti-
Le label bas-carbone a pour objectif de contribuer à l’atteinte des lisé pour convertir la matière organique en biogaz et digestat
objectifs climatiques de la France : il récompense les acteurs de (figure 4). Elle est réalisée par un consortium de micro-organismes
terrain dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce disposi- en condition anaérobie (– 300 à – 330 mV/ENH), à un pH proche de

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VALORISATION DU COPRODUIT CO2 ISSU DE LA MÉTHANISATION ____________________________________________________________________________

liquide, concentrée en azote ammoniacal, est assimilable à un


engrais tandis que la fraction solide, riche en matières organiques,
Matière organique
Résidus agricoles, biodéchets, est représentative d’un amendement organique.
effluents d’élevage… Différentes étapes de transformation de la matière sont néces-
saires pour produire le biogaz (figure 5).
Méthanisation L’hydrolyse de la matière est la première étape de la digestion
anaérobie. Elle génère des monomères, à partir des glucides,
lipides et protéines, qui sont par la suite dégradés (principalement
Biogaz Digestat en acides gras volatils dont l’acétate, alcools, hydrogène, dioxyde
+ Eau, matière organique
CH4, CO2 non dégradée, composés de carbone) au cours de l’acidogénèse. Les bactéries acéto-
Vapeur d’eau, H2, N2, H2S, gènes utilisent ces sous-produits de dégradation pour générer de
inorganiques (N, P, K…),
O2, NH3, siloxanes…
micro-organismes l’acétate, de l’hydrogène et du dioxyde de carbone. Le méthane est
finalement généré par des archées méthanogènes acétotrophes
Épuration CO2 et hydrogénotrophes.
Les sites de méthanisation qui valorisent le biogaz par injection
sont équipés d’épurateur pour séparer le CO2 du méthane. Diffé-
CO2 rentes solutions techniques existent : l’adsorption (PSA : Pressure

3
CH4
+ (off-gaz) Swing Adsorption), l’absorption par lavage à l’eau ou aux amines
basiques, la séparation membranaire et l’épuration cryogénique.
Figure 4 – Schéma de principe de la méthanisation Les procédés de purification du biogaz sont présentés au
paragraphe 3.1.1. Les gaz pauvres (off-gas) obtenus après sépara-
tion présentent des concentrations élevées en CO2, entre 90 et
la neutralité. Différentes plages de température peuvent être appli- 99 % [15], ce qui les rend attractifs pour une valorisation. Ils
quées, de 52 à 56 °C, en mode thermophile, de 35 à 40 °C en mode contiennent entre 1 et 5 % de méthane ainsi que des composés
mésophile et de 10 à 20 °C en mode psychrophile. indésirables tels que l’azote, l’oxygène, l’eau et des traces de
contaminants [15]. L’H2S, les siloxanes et des composés orga-
Le biogaz est composé majoritairement de méthane (50 à
niques volatils (COV) ont été mesurés à des concentrations infé-
65 %) et de dioxyde de carbone (35 à 50 %) avec une faible pro-
rieures aux seuils de détection pour plusieurs gaz pauvres en
portion de composés minoritaires dont l’hydrogène sulfuré (H2S).
France [15]. Le risque d’explosivité de ces gaz doit être considéré
Il peut être valorisé par des chaudières (production de chaleur, eau
en raison de la présence de méthane résiduel [16]. Des étapes de
chaude, vapeur), par combustion en chaleur et électricité (cogéné-
purification complémentaires peuvent être mises en œuvre, en
ration), injecté dans le réseau de gaz naturel ou utilisé comme bio-
fonction des besoins, pour éliminer le méthane et les composés
carburant après épuration et compression.
indésirables [16]. Le méthane récupéré dans les gaz pauvres est
Le digestat est généralement valorisé par retour au sol soit par alors valorisé (injection réseau) pour améliorer le bilan écono-
épandage direct soit après séparation de phases. La fraction mique du projet de valorisation du CO2. Différentes techniques de

Matières organiques complexes


(protéines, carbohydrates, lipides…)

Bactéries hydrolytiques HYDROLYSE

Monomères et oligomères
(acides aminés, oligopeptides,
monosaccharides…)

Bactéries acidogènes ACIDOGÉNÈSE

Acides gras volatils (propionate,


butyrate, valérate…), alcools, acide
lactique…

Bactéries acétogènes ACÉTOGÉNÈSE

Bactéries homoacétogènes
Acétate H2, CO2
Bactéries syntrophes oxydant l’acétate

Méthanogènes Méthanogènes
MÉTHANOGÉNÈSE
acétotrophes hydrogénotrophes
CO2, CH4

Figure 5 – Schéma des étapes intermédiaires de la digestion anaérobie et des micro-organismes impliqués (adapté de [13] [14] [BIO 5 100] [J 3 943])

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purification du CO2 sont disponibles : la distillation cryogénique – le potentiel de réchauffement global (PRG) ou GWP (Glo-
qui est la plus répandue en Europe, l’absorption par un solvant et bal Warming Potential) du méthane utilisé est généralement celui
la PSA. Les techniques d’absorption n’ont pas de références du dernier rapport du GIEC. Ce facteur permet de convertir le
connues pour la purification de CO2 de méthanisation [16]. méthane en « équivalent CO2 ». Au fur et à mesure de l’avancée
des connaissances, le PRG du méthane a évolué. D’un PRG du CH4
de 21 en 1995, il est estimé à 30 (voire 34 en tenant compte des
2.2 Émission de gaz à effet de serre effets indirects dans l’atmosphère) en 2013 (figure 6). Selon la
en méthanisation valeur qui est choisie, le résultat de la comptabilité carbone corres-
pondante sera variable. La plupart des analyses de cycle de vie
(ACV) en méthanisation utilisent une valeur historique de 25. Asso-
2.2.1 Rappels de quelques principes cié aux hypothèses fluctuantes des auteurs de ces études
de comptabilisation carbone (exemple : les valeurs de fuites en méthane choisies varient de 1 à
15 %) et aux périmètres choisis (des émissions évitées peuvent
Les règles de comptabilisation carbone sont décrites de façon être soustraites ou pas), le lecteur d’une ACV en méthanisation
générale [G 8 300] ou spécifiquement selon la méthodologie utili- doit être conscient que le résultat obtenu est entièrement dépen-
sée (par exemple [17] pour la comptabilité réglementaire des dant des choix des auteurs ;
« Bilan GES »).
– émissions évitées, induites et stockage du carbone
Dans le cas de la méthanisation, trois de ces règles sont particu- (§ 2.2.3) : les comptabilités carbone de type Bilan Carbone®, Bilan
lièrement importantes. Elles peuvent influer significativement sur
le résultat final d’une comptabilité carbone. Elles sont relatives aux
caractéristiques de la méthanisation : émission de carbone d’ori-
GES, GHG Protocol... affichent distinctement les émissions brutes
et les puits carbone ou émissions évitées. Les analyses de cycles
de vie, en revanche, lorsqu’il y a des coproduits (par exemple CO2
3
gine biogénique, émission de méthane (gaz à effet de serre unitai- à valoriser, digestat sous forme d’engrais, etc.) peuvent affecter les
rement plus impactant que le CO2 en termes de changement impacts selon des règles d’allocations [G 5 550] souvent
climatique) et émissions évitées/stockage de carbone. « énergétiques » pour la méthanisation, ou bien soustraire des
De façon générale : impacts (correspondant à la fabrication de produits équivalents),
– le CO2 d’origine biogénique (issu de la combustion de ce qui peut amener selon les cas à avoir des émissions négatives.
matière végétale, de la dégradation de matière organique, etc.)
n’est pas comptabilisé car il est considéré sans impact sur le chan- Nota : pour une meilleure compréhension et lisibilité des résultats, il est préférable
de bien identifier les émissions brutes des émissions évitées ou des puits de CO2...
gement climatique : ce carbone relargué dans l’atmosphère s’y
trouvait déjà quelques années auparavant, avant qu’il soit capté
par la végétation par exemple. En revanche, les inventaires de gaz
à effet de serre comptabilisent les émissions de CO2 d’origine
2.2.2 Aperçu général des émissions
fossile (issues de la combustion de gaz, charbon, pétrole ou déri-
vés...), c’est-à-dire celles provenant du carbone initialement stocké Différents outils permettent d’évaluer les émissions de gaz à
dans des « réservoirs géologiques » et qui apportent une contribu- effet de serre d’une installation de méthanisation :
tion nette de carbone dans l’atmosphère ; – les outils génériques du type « Bilan Carbone® » (pour l’activité
Nota : les émissions de CO2 d’origine biogénique sont généralement quantifiées de méthanisation) ou l’analyse de cycle de vie (pour le process ou un
façon séparée dans les inventaires de GES. En revanche, le CH4 d’origine biogénique est, produit issu de la méthanisation) ;
lui, bien comptabilisé dans le bilan au même titre que les émissions de CO2 d’origine
fossile. – les outils spécifiques tels que Carbon Agri [19], Dia’terre®...

Année du rapport  1990 (AR1) 1995 (AR2) 2001 (AR3) 2007 (AR4) 2013 (AR5)
CO2 : 1 CO2 : 1 CO2 : 1 CO2 : 1 CO2 : 1
CH4 : 21 CH4: 21 CH4 : 23 CH4 : 25 CH4f : 30 (28 à 34)
PRG  N2O : 290 N2O : 310 N2O : 296 N2O : 298 N2O : 265
SF6 : – SF6 : 23900 SF6 : 22200 SF6 : 22800 SF6 : 23500

 Cas du méthane : propositions de valeurs de PRG100ans du rapport AR5 du GIEC [18]


Dénomination PRG100 ans Périmètre succinct
Méthane 28 Ces valeurs ne prennent pas en compte les impacts du CO2 provenant de l’oxydation
biogénique naturelle du méthane dans l’atmosphère. Le PRG100ans pour le méthane fossile est à
augmenter de + 2

Méthane 30 Sans rétroactions climat-carbone


fossile
Méthane 34 Avec rétroactions climat-carbone (inclut les effets indirects des changements dans le
fossile stockage du carbone dus aux changements climatiques). Exemple : le réchauffement
induit par une augmentation de méthane dans l’atmosphère va produire des effets
supplémentaires indirects (ex : évaporation d’eau, formation d’ozone… qui sont eux
aussi des gaz à effet de serre)

Figure 6 – Évolution des potentiels de réchauffement global (horizon 100 ans) (source [18])

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3
CO2 (90 à 99 % CO2 CO2
– 1 à 5 % CH4)

Purification Biocarburant
Biogaz transport
– CH4 (50 à 65 %)
Biodéchets – CO2 (35 à 50 %) Chaleur
N2O CH4 Épuration
CH4
Cultures intermédiaires CO2 Électricité
Électricité

Résidus de récolte Biométhane


2 CH4 (> 99 %)
Stockage Méthanisation réseau
Boues d’épuration, Carburant Réseau gaz
prétraitement Électricité Utilisations
déchets industriels Électricité 4
énergétiques
organiques Consommables
Fumier, coproduits

3
animaux N2O CO2
Digestat N 2O CH4

Intrants organiques
– Carbone
1
– Nutriments (N, P, K)
Engrais Fioul Épandage 5
Stockage
Fioul
CO2
stocké

■ Émissions directes (biogéniques) CO2 N2O CH4 ■ Émissions directes (fossiles) CO2

■ Émissions indirectes de CO2 (fossiles) issues de consommables (matériaux et énergie hors immobilisations) Engrais Électricité Fioul Carburant

■ Potentiels de réduction de GES Stockage de carbone CO2


1 2 3 4 5 stocké

Figure 7 – Principales émissions de GES et potentiel de réduction de la filière méthanisation (source : adaptation APESA de EBA [20])

Sur la filière méthanisation, les émissions de gaz à effet de serre – stockage de digestat : 1,4 à 2 % sans couverture étanche et
sont réparties sur toute la chaîne de valeur et sous différentes sans récupération de biogaz. Un abattement de 80 % peut être
formes : directes, indirectes, d’origine fossile ou biogénique obtenu avec couverture et récupération ou oxydateur thermique.
(figure 7).
■ N2O (émission directe)
Les émissions directes sont principalement biogéniques. Elles se
retrouvent sous différentes formes. Issu de la dégradation anaérobie de l’azote, le N2O (puissant gaz
à effet de serre de PRG = 265) est émis lors des opérations de stoc-
■ CO2 (biogénique – émission directe) kage de la matière organique (intrants, digestats...).
Le CO2 est généré par la méthanisation (dégradation aérobie de D’autres émissions de gaz à effet de serre, d’origine « fossile »
matière organique) et se retrouve à hauteur de 40 à 50 % dans le cette fois-ci, sont observables sur la filière.
biogaz : 1 Nm3 de biométhane contient environ 1,2 kg de CO2 [15]
[21] (point 3 sur la figure 7). On le retrouve aussi en fin de vie lors ■ CO2 (fossile – émission directe)
de la combustion du méthane (issu du biogaz) pour une finalité
énergétique (point 4). Sa combustion génère approximativement Ces émissions liées à la combustion de carburant (pour les
1,81 kgCO2/m3, mais comme indiqué au paragraphe 2.2.1, cette transports de matières par exemple) sont dépendantes des condi-
quantité n’est pas intégrée dans les bases de données de facteurs tions (exemple : moyen et distance de transport).
d’émissions (par exemple la valeur « Biométhane - Injecté dans les ■ CO2 (fossile – émission indirecte)
réseaux – Mix moyen » de la Base Carbone® en 2021 est de
0,452 kgCO2e/m3 avec un « 0 » pour la rubrique « CO2/émission liée Ces émissions sont diverses et apparaissent principalement lors
à la combustion » [4]). de la fabrication de consommables utilisés sur la chaîne de valeur :
carburant, engrais, électricité, etc.
■ CH4 (biogénique – émission directe)
Le tableau 1 propose un ordre de grandeur des émissions de
La méthanisation produit du méthane qui est utilisé à des fins GES par étape et par type de filières de méthanisation. Les résul-
énergétiques. L’enjeu est donc de récupérer la quantité de tats, ramenés à la production et l’injection de 1 kWh PCI dans le
méthane la plus importante possible. Pourtant des pertes, sous réseau sont issus d’une analyse de cycle de vie (approche attribu-
forme d’émissions fugitives, sont occasionnées sur la chaîne de tionnelle avec affectation des impacts au prorata économique des
transformation. Par rapport à la quantité de méthane produit, elles produits obtenus) [23].
représentent de l’ordre de :
Les émissions de méthane représentent (en % de CO2 eq sur le
– émissions fugitives (point 2 sur la figure 7) : 0,15 % en
« total GES » du tableau 1) de 41 % (filière traitement des biodé-
moyenne (source : suivi ADEME de 10 installations hors fuites liées
chets ménagers) à 50 % (filière agricole et territoriale).
à un fonctionnement dégradé) et jusqu’à 13 % en fonctionnement
dégradé [22] ; Les émissions de CO2 d’origine biogénique (non comptabilisées
– épurateur (point 3) : 0,7 % (moyenne des épurateurs membra- dans « total GES ») proviennent principalement des étapes traite-
naires) ; ment, épuration biogaz (point 3) et combustion (point 4).

G 1 818 – 6 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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G1818

____________________________________________________________________________ VALORISATION DU COPRODUIT CO2 ISSU DE LA MÉTHANISATION

Tableau 1 – Estimation des émissions directes et indirectes de GES par étape et par type de filière
de méthanisation, hors épandage (gCO2 eq/kWh PCI [23])
Intrant Traitement,
% en (point 1 Méthanisation épuration Injection, Combustion Total Total CO2
Filière Transport Stockage Prétraitement
2018 de la (point 2) biogaz distribution (point 4) GES biogénique
figure 7) (point 3)

Territoire
71 6 3,5 1,6 5,1 14,2 17,9 3 1 52,4 223
et agricole

ISDND 10 5,6 0,7 7,4 24,7 3 1 42,5 212,9

OMr 9 4,5 7,2 2,6 16,8 3,9 1 36 314

OMr : ordures ménagères résiduelles

Dans le cadre de cet article, les voies de valorisation du CO2 qui


seront étudiées concernent les émissions directes de CO2 bio-
Point (4) : le biogaz et le biométhane permettent d’éviter les
émissions associées aux énergies fossiles dans les secteurs de
3
génique après épuration du biogaz (point 3). Ces émissions l’énergie, la chaleur, la mobilité et certaines applications indus-
sont de l’ordre de 8,8 gCO2 eq/kWh PCI pour la filière « traitement trielles.
des biodéchets ménagers » et de 108,9 gCO2 eq/kWh PCI pour la Point (5) : le digestat est utilisé comme fertilisant organique, ce
filière « ordures ménagères sans tri à la source (TMB) » selon les qui réduit la production industrielle de fertilisants minéraux et les
hypothèses et systèmes d’attribution d’impacts choisis par les GES qui y sont associés.
auteurs [23].
L’application du digestat comme fertilisant vert présente l’avan-
tage d’augmenter le stock de carbone organique en comparaison
2.2.3 Aperçu général des potentiels de réduction aux fertilisants minéraux.

Même si les émissions de GES de la filière « méthanisation »


sont diverses et variées, la production et la valorisation de biogaz À retenir
sont bénéfiques du point de vue du réchauffement climatique par
rapport à un système de référence. Ces bénéfices environnemen- – Sur la filière méthanisation, les émissions de gaz à effet de
taux vont de pair avec l’optimisation économique (récupération serre sont réparties sur toutes la chaîne de valeur et sous dif-
d’énergie, récupération de l’azote contenu dans le digestat...) [10] férentes formes : directes et indirectes, d’origine fossile et bio-
[12]. génique, de la fabrication des intrants jusqu’à la fin de vie
L’EBA (European Biogas Association) [20] liste les potentiels de (combustion).
réduction de gaz à effet de serre des industries du biogaz et biomé- – La comptabilité carbone peut être variable selon les règles
thane. Les réductions d’émissions totales à travers le recours au établies : prise en compte des émissions biogéniques, valeurs
biogaz et au biométhane peuvent atteindre – 240 % comparées aux du PRG, intégration des émissions évitées...
énergies fossiles... Le secteur aurait aussi le potentiel de réduire
les émissions de GES de 10 à 13 %. Ces potentiels se retrouvent
tout au long de la chaîne de valeur (figure 7).
Point (1) : l’élevage produit de grandes quantités de fumier qui 3. Récupération
libèrent naturellement du méthane. Ces émissions peuvent être
évitées en valorisant le fumier pour la production de biogaz. des émissions directes
Le carbone est capturé par les plantes, telles que les cultures
intermédiaires, et stocké dans le sol ainsi que les plantes.
de CO2 (en méthanisation)
Point (2) : pendant la méthanisation, du méthane peut être émis Les émissions de CO2 concernées dans la suite de cet article
dans l’atmosphère. Ce phénomène reste marginal et le deviendra sont celles des gaz de purge off-gas (représentées en (3) dans la
encore davantage avec les développements technologiques et une figure 7). Elles sont issues du biogaz (composé de 35 à 50 % volu-
supervision accrue. mique de CO2) généré par méthanisation et aboutissent, après
Point (3) : suite au procédé d’épuration destiné à produire le bio- épuration, à un effluent composé de 90 à 99 % de CO2 d’origine
méthane, une large partie du carbone sous forme de CO2 peut être biogénique et de 1 à 5 % de méthane.
revalorisée par exemple dans l’élaboration d’« e-fuels » ou retirée Afin d’être valorisé, le CO2 doit passer par une chaîne logistique
de l’atmosphère de manière permanente après transformation (Supply chain) du producteur à l’utilisateur [24] comme illustré sur
(exemple : minéralisation). la figure 8.

Logistique Source
CO2 des off-gaz Récupération Liquéfaction (transport Capacité complémentaire Marché
de méthanisation et purification (pour transport) réglementation de stockage de CO2 (pour et clients
ADR) saisonnalité)

Figure 8 – Chaîne logistique (Supply chain) du CO2 issu de la méthanisation [24]

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IN115

INNOVATION

Captage et stockage géologique


de CO2 CSC
par Alexandre ROJEY
Enseignant à l’IFP-School
et Eric TOCQUÉ
Professeur-assistant à l’IFP-School 3
Résumé : Le CO2 provenant d’une source d’émission industrielle importante est
capté, purifié puis comprimé. Il est ensuite transporté par bateau ou par gazoduc vers
un site géologique adéquat pour son stockage (aquifère salin, ancien réservoir d’hydro-
carbure ou veines de charbon inexploitées). Les projets de pilotes actuels préparent le
déploiement industriel prévu à l’horizon 2020. Pour l’heure, les principaux objectifs sont
de réduire les coûts des procédés de captage et d’assurer la pérennité ainsi que la
sécurité du stockage. Une phase de communication et d’acceptation de cette option par
le grand public est aussi nécessaire.
Abstract : CO2 emitted from a large scale industrial source is captured, purified and
then compressed. It is then transported by tanker or by pipeline to an adequate geolo-
gical site for storage (former oil and gas reservoir, deep saline aquifer or unmined coal
seams). Current pilot projects are preparing the industrial deployment scheduled for
2020. At present, the main objectives are to reduce the cost of the capture processes
and to ensure durability as well as the safety of storage. A phase for communication
and societal acceptance by the public will be necessary.
Mots-clés : Captage CO2 – transport CO2 – stockage géologique CO2 – CO2 –
dioxyde de carbone – changement climatique – séquestration

Keywords : Capture CO2 – transport CO2 – storage CO2 – CO2 – carbon dioxide –
climate change – mitigation

Points clés
Domaine : technologies pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre
dans l’atmosphère
Degré de diffusion de la technologie : émergence
Technologies impliquées : procédés industriels de séparation, compresseurs,
conduites de transport, technologies de forage, complétion, monitoring de stoc-
kage géologique
Domaines d’application : industries émettant du CO2 (centrales électriques,
cimenteries, sidérurgie, raffineries, chimie et pétrochimie)
Principaux acteurs français
Centres de compétence : ADEME, BRGM, École des Mines de Paris, CNRS, IFP
Énergies nouvelles, INERIS, IPGP (Institut de Physique du Globe de Paris)...
Industriels : Air Liquide, Alstom, EDF, GDF SUEZ, Geogreen, INERIS, Lafarge,
Poweo, Prosernat, Rhodia, Saipem, Schlumberger, SNET (Groupe EON France),
Sofregaz, Soufflet, Technip, Total et Veolia Environnement...
Autres acteurs dans le monde : IEAGHG
Compagnies pétrolières : BP, Statoil, Exxon Mobil, Shell...
Bailleurs de procédés : UOP, Fluor Daniel, Mitsubitshi Heavy industries et Kansai
Parution : janvier 2011

Electric Power, Cansolv Technologies, ...


Producteurs d’électricité
Cimentiers...

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INNOVATION

1. Enjeux CO2 , la Chine et les États-Unis. Toutefois, il existe à présent


un large consensus sur la nature des mesures qui s’imposent.
1.1 Réchauffement climatique La réduction des émissions de CO2 peut être obtenue tout
d’abord en réduisant la consommation d’énergie. Un deuxième
Les émissions de gaz à effet de serre et en particulier de moyen consiste à décarboner l’énergie, en remplaçant les
CO2 ont fortement augmenté au cours des récentes énergies fossiles par des énergies à bas niveau carbone
décennies. Sur la période 1970-2004, les émissions de CO2 (nucléaire et renouvelables). De telles mesures ne suffiront
ont évolué de 21 milliards de tonnes à 28 milliards de pas dans un avenir rapproché à éliminer les émissions
tonnes [1]. La teneur en CO2 dans l’atmosphère qui atteignait massives de CO2 , telles que celles qui proviennent de
environ 270 ppm à l’ère pré-industrielle s’élève à 385 ppm centrales opérant au charbon. Le captage et le stockage
volume actuellement. D’après la plupart des experts, dont géologique du CO2 ainsi émis constituent une solution qui
ceux du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur est de plus en plus envisagée.
l’évolution du climat), l’augmentation de la teneur en gaz à

3 effet de serre dans l’atmosphère, et en tout premier lieu de


CO2 , serait responsable de la tendance au réchauffement
climatique déjà observée, et pourrait avoir dans l’avenir des
1.2 Place des énergies fossiles dans le mix
énergétique, aujourd’hui et dans le futur
conséquences beaucoup plus dramatiques, en l’absence de La dépendance aux énergies fossiles est telle, qu’il est
mesures adéquates. aujourd’hui impossible de s’en affranchir dans un avenir rap-
proché. Les énergies fossiles représentaient en 2009 un peu
plus de 80 % de la fourniture mondiale d’énergie primaire. Les
Les six gaz à effet de serre inclus dans le protocole combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel)
de Kyoto sont le CO2, le CH4 , le N2O, les fluorocarbures, produisent de l’énergie en émettant du CO2 . Les différents
les chlorofluorocarbures et l’hexafluorure de soufre. scénarios montrent que d’ici 2030, et même 2050, les éner-
gies carbonées (gaz, pétrole, charbon) représenteront une
Les scénarios établis par le GIEC montrent que la teneur en part importante du « bouquet énergétique » ou « mix
CO2 pourrait, si la tendance actuelle se poursuit, dépasser 750 énergétique ». La transition énergétique consistant à rempla-
ou même 1 000 ppm volume d’ici la fin du siècle, avec des ris- cer ces énergies carbonées par des énergies alternatives,
ques considérables pour l’avenir de la planète [2] [3]. On renouvelables ou nucléaire, va se dérouler sur une longue
observe dès à présent des phénomènes préoccupants, tels durée et risque de ne pas être achevée à la fin de ce
que : siècle [8].
– le recul généralisé des glaciers dans le monde ; Le charbon, qui fournit aujourd’hui environ un quart de
– une montée régulière du niveau des mers ; l’énergie mondiale consommée (2,24 Gtep), est abondant
– la multiplication des épisodes de canicule et de (USA, Chine, Inde, Pologne, Allemagne), mais gros émetteur
sécheresse ; de CO2 : la production d’électricité à partir de charbon, qui se
– des cyclones et pluies torrentielles. développe rapidement dans les pays émergents risque de
conduire à des émissions inacceptables de CO2 , à moins
Tous ces phénomènes ne peuvent être liés de manière cer-
d’équiper ces centrales de dispositifs de captage et de stoc-
taine au réchauffement climatique qui est déjà intervenu. Tou-
kage de CO2 . En outre, une consommation importante de
tefois, si ce réchauffement s’amplifie, la situation risque de
charbon pourrait résulter, dans les décennies à venir, de sa
s’aggraver fortement et des écosystèmes tout entiers tels que
transformation en carburants liquides de synthèse destinés à
la forêt d’Amazonie seraient menacés de disparition [4] [5].
remplacer les carburants issus du pétrole. Dans ce cas égale-
Pour éviter un accroissement de la température moyenne du ment, il sera nécessaire de capter le CO2 émis et de le stocker
globe supérieur à 2 oC, limite au-delà de laquelle des change- dans le sous-sol, pour éviter des émissions massives de CO2 .
ments catastrophiques de grande ampleur risquent de se pro-
duire, on estime qu’il ne faudrait pas dépasser d’ici 2050 une Nota : tep pour tonne équivalent pétrole, énergie produite par une tonne de
pétrole, soit 41,8 GJ.
teneur de l’ordre de 450 ppm volume équivalent. CO2 pour
l’ensemble des gaz à effet de serre. Cela signifie que les émis- Le gaz naturel produit moins de CO2 par unité d’énergie
sions mondiales de CO2 devraient être divisées par 2 d’ici à consommée que le charbon : 2,4 t/tep, à comparer à environ
2050 [6]. 4 t/tep dans le cas du charbon. Le gaz naturel permet aussi
Les mesures de limitation des rejets de CO2 dans l’atmos- d’obtenir des rendements élevés, ce qui contribue également
phère sont donc urgentes. Le protocole de Kyoto, signé par à réduire les émissions de CO2 . Le gaz naturel a fourni 21 %
188 pays en 1997 a marqué une première étape. Il n’a été de l’énergie primaire en 2008. En raison de ces différents
ratifié qu’en 2005, suite à l’accord de la Russie. Selon ce pro- avantages, le gaz naturel joue un rôle croissant. D’ici 2050, la
tocole, les 18 pays les plus industrialisés se sont engagés à production de gaz naturel pourrait toutefois plafonner, compte
réduire de 5,2 % leurs émissions de CO2 entre 2008 et 2012, tenu des limitations sur les réserves. Par ailleurs, même s’il
par rapport à leur niveau d’émissions de 1990. émet nettement moins de CO2 par unité d’énergie produite
que le charbon, le gaz naturel contribue tout de même à
Depuis la signature du protocole de Kyoto, l’Union euro- l’accroissement de la quantité de CO2 présente dans l’atmos-
péenne s’est engagée fortement dans la voie d’une réduction phère.
des émissions de CO2 . Elle a mis en place depuis le 1er janvier
2005 un marché de permis d’émissions négociables [7]. Elle a Le pétrole émet environ 3 t de CO2 par tep d’énergie pro-
également décidé dans le cadre du « Paquet énergie-Climat » duite. Une part croissante de ses applications concerne les
de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici carburants automobiles. Le captage-stockage n’est pas appli-
2020. Les négociations engagées au niveau international pro- cable aux véhicules.
gressent plus lentement comme l’a montré le récent Les principales applications du captage-stockage concernent
semi-échec du Sommet de Copenhague. Il n’a pas été possible les émissions massives et concentrées de CO2 dans l’industrie
d’obtenir d’engagements chiffrés au niveau international, en (raffineries, cimenteries, sidérurgie) et dans le secteur de
particulier de la part des deux principaux pays émetteurs de l’énergie (centrales électriques).

IN 115 - 2 © Editions T.I. 1 - 2011

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INNOVATION

1.3 Réduction des émissions de CO2 équivalente si les besoins qui suscitaient le projet initial de
par captage-stockage (CSC) déforestation demeurent inchangés.

La production d’électricité (pour 39 %), l’industrie (pour Le stockage dans l’océan soit par injection directe, soit
22 %) et les transports (pour 23 %) constituent les principales par fertilisation (stockage dans la biomasse) a été considéré
sources d’émissions anthropiques de CO2 . Pour limiter ces comme une alternative au stockage géologique, notamment
émissions, trois types d’actions peuvent être envisagés : au Japon. Des incertitudes majeures telles que l’impact sur les
écosystèmes marins, le temps de résidence du CO2 en disso-
– réduire les consommations d’énergie, en modifiant les lution et la perception du public conduisent à écarter cette
habitudes de consommation et en améliorant l’efficacité éner- solution, au moins aujourd’hui.
gétique. Des progrès dans ce domaine peuvent être réalisés à
travers la mise en place d’engagements négociés dans un sec- La séquestration minérale est la seule option de stockage
teur économique, comme c’est le cas dans le secteur de qui puisse être qualifiée de définitive. Elle consiste à faire réa-
l’industrie automobile ; gir le CO2 avec une roche basique, soit sur un site spécia-
– mettre en œuvre des combustibles ou des carbu-
rants émettant moins de CO2 par unité d’énergie pro-
duite. Ainsi, la substitution du gaz naturel au charbon comme
lement aménagé (minéralisation ex situ), soit au sein du
milieu naturel (minéralisation in situ). Dans le cas de la miné-
ralisation in situ, il faut disposer de quantités considérables de
3
combustible dans une centrale thermique permet une réduc- minéraux susceptibles de réagir, et compte tenu de la ciné-
tion sensible des émissions de CO2 . Un recours accru au tique de réaction, les matériaux doivent être suffisamment
nucléaire ainsi qu’aux énergies renouvelables peut être un divisés par broyage, ce qui rend l’opération peu économique.
autre moyen, avec à chaque fois les limitations propres à La minéralisation in situ nécessite la présence d’un milieu
chacune de ces filières. L’utilisation de biomasse comme poreux. Dans ce cas, le mode de stockage est très proche du
combustible et de biocarburants peut également contribuer à stockage géologique en milieu poreux présenté par la suite.
améliorer le bilan CO2 , dans la mesure où le carbone émis Dans le cas d’un stockage géologique, une partie du CO2 réa-
peut être considéré comme recyclé au cours de l’étape de pro- git en général avec le milieu poreux environnant, au bout d’un
duction de la biomasse. Il faut, bien entendu prendre en temps suffisamment long.
compte l’énergie dépensée au cours de la transformation de la
biomasse, mais le bilan reste globalement positif et permet de
réduire les émissions totales de CO2 de 60 à 70 % ;
– capter et stocker le CO2 dans des formations géolo- 2. Chaîne de captage – transport –
giques souterraines (CSC). Cette option est applicable à stockage du CO2
des installations fixes émettant de grandes quantités de CO2.
Le CO2 doit être stocké pour des durées importantes,
devant au minimum couvrir la période qui pourrait durer un à
2.1 Conception
deux siècles, durant laquelle le problème des émissions de
CO2 va demeurer critique. Par ailleurs, il faut également Le stockage géologique du CO2 constitue une filière large-
considérer que le cycle du carbone est régi par les échanges ment étudiée depuis quelques années au niveau international,
entre l’atmosphère et l’océan d’une part, la biosphère et et notamment aux États-Unis, au Japon, en Australie et en
l’atmosphère d’autre part. Si les échanges avec la biosphère Europe.
se font sur des échelles décennales, le cycle de l’océan s’étend
sur plusieurs siècles. Une stabilisation des teneurs en CO2
dans l’atmosphère impose donc de conserver le CO2 dans le Le principe en est le suivant : il s’agit de capter le CO2
sous-sol sur des durées compatibles avec le cycle océanique. provenant d’une source d’émissions importante (fumées
Par mesure de précaution, on envisage des solutions qui per- industrielles, ou gaz naturel brut riche en CO2 en sortie de
mettent d’effectuer ce stockage sur des périodes pouvant gisement), de le concentrer et de le comprimer, puis de le
atteindre des milliers d’années. On peut toutefois estimer qu’il transporter vers un site géologique adéquat pour son
suffira de dépasser l’ère d’utilisation massive des énergies fos- stockage.
siles, c’est-à-dire de l’ordre de deux à trois siècles.
La chaîne de captage-transport-stockage est schémati-
sée sur la figure 1.
C’est principalement en cela que la problématique du
stockage géologique du CO2 diffère considérablement de
celle du stockage de déchets tels que les éléments radio-
actifs qui doivent impérativement rester tant que le déchet
Fumées décarbonées
reste dangereux alors que la durée de vie pour certains
d’entre eux peut dépasser des milliers d’années.
Compresseur Compresseur d'injection

Avant de développer le concept du captage et du stockage Captage


Conduite de transport
géologique du CO2 , il faut mentionner des alternatives au CO2
stockage géologique de CO2 .
Une option possible consiste à réaliser des puits de car-
bone naturels, en produisant de la biomasse, en particulier Fumées provenant Stockage
par reforestation. Les rendements sont toutefois médiocres de l'installation
et les mécanismes tels que la respiration et la décomposition de combustion
des plantes peuvent renvoyer une partie du CO2 dans l’atmos-
phère. En outre, la préservation d’une forêt motivée par des Figure 1 – Chaîne de captage-transport-stockage – Schéma
fonds carbone, peut dissimuler la destruction d’une surface de principe

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INNOVATION

La première étape consiste à capter le CO2 . Cette gnées des gisements naturels de pétrole ou de charbon. De
opération de captage peut être pratiquée sur les fumées pro- nombreuses sources (centrales électriques, cimenteries,
venant d’une installation de combustion. Le CO2 peut être usines de production de fer et d’acier, raffineries, etc.)
également séparé dans d’autres conditions, notamment en rejettent des fumées contenant du CO2 dilué (à des teneurs
précombustion ou en oxycombustion, selon des voies qui allant de 3 à 30 %).
seront présentées par la suite.
Après captage, le CO2 concentré est récupéré en général à
une pression proche de la pression atmosphérique. Il doit être 3.2 Applications du captage-stockage
comprimé pour être transporté jusqu’au site de stoc- de CO2
kage. Le transport est assuré en général à travers une
conduite sous pression. Dans le cas d’un stockage géologique Les centrales thermiques au charbon sont les principales
opéré en mer dans un réservoir situé sous le fonds marin, un cibles concernées. Avant de mettre en œuvre une installation
transport par bateau peut être également envisagé. de captage-stockage de CO2 , il est important de prendre

3 À l’arrivée sur le site de stockage, le CO2 doit être


comprimé pour être injecté par un puits foré dans le sol,
jusqu’à un milieu poreux qui permet de le stocker.
toutes les dispositions possibles pour améliorer le rendement.
En effet, les émissions de CO2 sont d’autant plus faibles que le
rendement est élevé. Le rendement de la plupart des
centrales existantes ne dépasse pas 40 %. Il est envisagé
actuellement d’atteindre des rendements proches de 50 %
2.2 Principales difficultés à surmonter grâce à l’utilisation de cycles supercritiques.
Les principales difficultés à surmonter sont de deux ordres. Les émissions de CO2 varient de 600 à 700 kg par MWh
■ Économie de la chaîne électrique produit. En admettant un coût de 50 € par tonne de
CO2 évité, on constate que le coût du MWh produit est forte-
Le coût du captage transport et stockage de CO2 est actuel- ment augmenté, sachant que ce coût se situe à environ 50 €
lement (en 2010) relativement élevé et se situe entre 50 et pour une centrale non équipée d’une installation CSC.
100 € par tonne de CO2 évité (cf. § 8.3). Le captage repré-
sente la partie la plus importante de coût, qu’il faut arriver à Il est prévu que le captage-stockage de CO2 pourrait deve-
réduire. On vise à y parvenir dans les années à venir, grâce à nir opérationnel sur les centrales thermiques au charbon à
des effets d’apprentissage qui pourront accompagner la diffu- partir de 2020. D’autres industries fortement émettrices de
sion industrielle de la filière. L’innovation technologique, l’effet CO2 , telles que la sidérurgie ou les cimenteries sont égale-
d’échelle ainsi que la standardisation sont également des fac- ment concernées.
teurs qui peuvent contribuer à faire baisser les coûts.
■ Sécurité et pérennité du stockage
Le CO2 est stocké dans le sous-sol pendant des durées très 4. Captage de CO2
importantes, potentiellement de plusieurs siècles. Il est donc
essentiel de pouvoir assurer la pérennité et la sécurité du
stockage sur ces très longues périodes. Cela suppose une 4.1 Principales voies de captage
bonne connaissance du comportement du sous-sol au cours
du temps. Les progrès réalisés en modélisation du sous-sol Sur la figure 3 sont présentées les principales options de
permettent à présent de prévoir l’évolution du comportement captage du CO2 [10]. Le lavage des fumées en
du CO2 présent dans un milieu poreux souterrain sur de très postcombustion est adapté aux installations existantes et
longues durées mais des efforts de R&D importants restent à représente dans ce cas la seule option directement applicable,
mener dans ce domaine. De même, il est important de dispo- sans qu’il soit nécessaire de transformer complètement l’ins-
ser de technologies de monitoring pour vérifier le tallation de combustion. Dans le cas d’une installation neuve,
comportement du sous-sol au cours du temps. on peut envisager les deux autres options schématisées sur la
figure 3, que sont le captage en précombustion et le captage
en oxycombustion.
3. Principales applications :
émissions concentrées de CO2 4.2 Captage en postcombustion
3.1 Émissions industrielles de CO2 Le captage du CO2 est réalisé par lavage des fumées, « en
dans le monde postcombustion », c’est-à-dire après l’étape de combustion
produisant l’énergie utilisable. Les fumées sont en général dis-
Le captage du CO2 est envisagé pour des sources fixes ponibles à une pression proche de la pression atmosphérique,
émettant des quantités importantes de CO2 . C’est le cas ce qui requiert des précautions particulières concernant les
notamment des centrales électriques opérant au charbon ou pertes de charge introduites par le captage, qui doivent être
au gaz naturel, des installations sidérurgiques, des cimente- aussi réduites que possible. Cette option présente l’avantage
ries, des raffineries. Par ailleurs, un certain nombre d’installa- d’être applicable sans modifications importantes de l’installa-
tions industrielles émettent du CO2 pur. Ce sont des cibles tion existante, à condition toutefois qu’une place suffisante
privilégiées pour la récupération et le stockage géologique du soit disponible. En effet, les procédés de captage utilisés
CO2 émis. Ce sont en particulier les unités de production nécessitent des équipements encombrants. Ils sont également
d’ammoniac, d’oxyde d’éthylène, ainsi que certaines unités de relativement coûteux et requièrent des quantités importantes
production d’hydrogène. d’énergie, conduisant dans certains cas à doubler pratique-
Dans le monde, environ 3 200 sources industrielles ment la consommation de l’installation existante. C’est pour-
émettent chacune plus d’un million de tonnes de CO2 par an quoi, dans le cas d’installations neuves, d’autres options sont
(figure 2). Les sources d’émission de CO2 sont parfois éloi- fréquemment considérées.

IN 115 - 4 © Editions T.I. 1 - 2011

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Référence Internet
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Bilan Carbone‚
Réglementations et outils
par Guillaume MARTINAGE
Ingénieur, directeur technique chez CONVIS

1. Changement climatique................................................................. G 1 817 – 2


1.1 Effets constatés au XXe siècle ........................................................... — 2
1.2 Prévisions pour le XXIe siècle ........................................................... — 2

3
1.3 Effet de serre ...................................................................................... — 2
1.4 GIEC .................................................................................................... — 3
1.5 Compensation carbone ...................................................................... — 3
2. Cadre réglementaire....................................................................... — 4
2.1 Politique internationale ...................................................................... — 4
2.1.1 Convention cadre des Nations unies sur les changements
climatiques............................................................................... — 4
2.1.2 Protocole de Kyoto .................................................................. — 4
2.2 Politique européenne ......................................................................... — 4
2.3 Politique nationale ............................................................................. — 5
2.3.1 Plan national d’affectation des quotas (PNAQ) ...................... — 5
2.3.2 Plan climat ............................................................................... — 6
2.4 Taxe carbone ...................................................................................... — 6
3. Présentation de la méthode Bilan Carbone‚............................ — 7
3.1 Objectifs et intérêts de la méthode ................................................... — 7
3.2 Étude des postes d’émissions ........................................................... — 8
3.3 Exploitation des résultats à court terme ........................................... — 8
3.4 Exploitation des résultats à long terme ............................................ — 9
3.5 Limites de la méthode ....................................................................... — 9
3.6 Bilan Carbone et ADEME ................................................................... — 9
3.6.1 Aides ........................................................................................ — 9
3.6.2 Formations ............................................................................... — 9
4. Autres méthodes de comptabilisation des émissions de gaz
à effet de serre ................................................................................ — 10
4.1 Approche au Royaume-Uni ................................................................ — 10
4.2 Approche aux États-Unis ................................................................... — 11
4.3 Approche au Canada .......................................................................... — 11
4.4 Approche au Japon ............................................................................ — 11
4.5 Approche en Allemagne..................................................................... — 12
5. Conclusion........................................................................................ — 12
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 1 817

e changement climatique est aujourd’hui une préoccupation mondiale.


L Alors que les grandes puissances tardent à prendre des décisions concrètes
pour lutter contre la pollution atmosphérique, les effets du dérèglement clima-
tique se font de plus en plus sentir aux quatre coins de la planète.
Parution : janvier 2011

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est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 817 – 1

107
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G1817

BILAN CARBONE‚ –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Glossaire
1.2 Prévisions pour le XXIe siècle
Les prévisions des scientifiques annoncent un réchauffement cli-
Groupe d’Experts Intergouvernemental sur matique plus ou moins important selon le scénario envisagé mais
GIEC
l’Évolution du climat bien réel pour le XXIe siècle. Un scénario dit « tout fossile » envi-
sage une augmentation permanente des émissions alors que le
Gaz naturel libéré quand la matière organique scénario dit « convergent » aboutit à une baisse des émissions
Méthane
se décompose vers 2050. L’augmentation de température en 2100 par rapport à
1990 serait donc au maximum de 6,4  C et au minimum de
Un des indicateurs de la température de la 1, 1  C ; la meilleure des estimations promet une augmentation
Albédo
surface de la Terre moyenne de la température comprise entre 1,8 et 4  C.
Concernant la montée des eaux liée à la dilatation thermique des
Calotte glacière Glacier de grande dimension océans (et non liée directement à la fonte des glaces comme on
peut souvent le penser), la montée du niveau des océans devrait
Sous-sol gelé en permanence pendant au atteindre 18 à 59 cm d’ici 2100. Certaines terres et régions côtières
Permafrost
moins deux ans de faibles altitudes sont directement menacées de submersion
(Maldives, Bangladesh).
CO2 Dioxyde de carbone

3 CH4 Méthane
Les conséquences des variations de température
L’augmentation de la température moyenne de 1  C correspond
N2O Oxydes nitreux à un déplacement des isothermes de 200 km vers les latitudes
septentrionales et de 200 m en hauteur pour les isothermes
SF6 Hexafluorure de soufre d’altitudes. Les modèles climatiques prévoient aussi une aug-
mentation vraisemblable des cas de maladies transmissibles
HFC Hydrofluorocarbures par les moustiques et parasites (paludisme, fièvre jaune, etc.)
en raison d’une extension des zones climatiques favorables à
PFC Hydrocarbures perfluorés/perfluorocarbures leur reproduction.

L’Europe occidentale devrait connaı̂tre, au XXIe siècle, de plus en


1. Changement climatique plus de phénomènes météorologiques extrêmes comme des vagues
de chaleur (canicules), des fortes précipitations (tempêtes, orages vio-
lents, tornades, etc.) et globalement moins de neige et de jours de gel.
Ces changements trop rapides du climat empêchent les écosystè-
1.1 Effets constatés au XXe siècle mes de s’adapter. Ils entraı̂neront une disparition de très nombreu-
(D’après [2].) ses espèces. Enfin, il est prévu une augmentation des cas de mala-
dies transmises par les moustiques en raison de l’accroissement
En 2007, Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolu- des zones favorables à leur développement.
tion du climat (GIEC) a rendu public son dernier rapport.
Les experts du GIEC ont conclu à l’existence d’une quantité crois- 1.3 Effet de serre
sante d’indices qui témoignent du réchauffement de la planète et
de modifications du système climatique : (D’après [3].)
– la température moyenne de surface (moyenne de la tempéra- Les scientifiques sont tous d’accord pour affirmer le rôle détermi-
ture de l’air au-dessus des terres et de la température à la surface nant des activités humaines dans le changement climatique et pour
de la mer) a augmenté de 0,6  C (avec une marge d’erreur de affirmer que l’effet de serre est le principal mécanisme conduisant
± 0, 2  C) au cours du XXe siècle ; au réchauffement de la planète.
– le réchauffement s’est notamment produit durant deux pério-
des, de 1910 à 1945 et depuis 1976. Depuis 1861, la décennie 1990- Comment fonctionne l’effet de serre
2000 a très probablement été la plus chaude et l’année 1998,
l’année la plus chaude. De nouvelles analyses indiquent que le C’est un phénomène naturel qui permet la vie sur Terre. Les
réchauffement survenu dans l’hémisphère nord au XXe siècle a gaz dits « à effet de serre » se trouvent en petite proportion
probablement été le plus important de tous les siècles du millé- dans notre basse atmosphère (ou troposphère) ; ces gaz retien-
naire passé ; nent comme « une barrière » la chaleur du soleil rayonnée.
– la couverture neigeuse et l’extension des glaciers ont diminué. L’effet de serre permet donc à notre planète d’avoir une tempé-
Des données satellites montrent une diminution de 10 % de la cou- rature moyenne de + 15  C à sa surface. Sans ce phénomène,
verture neigeuse depuis la fin des années 60 ; la température moyenne serait de - 18  C et toute vie serait
– le niveau moyen de la mer a progressé. Entre 10 et 20 centimè- alors impossible.
tres au cours du XXe siècle. L’énergie solaire, qui arrive sur Terre provient d’une source très
chaude (+ 6 000  C à la surface du Soleil). Quand elle pénètre la
Les conséquences du changement climatique sont multiples : couche atmosphérique, une partie de l’énergie solaire est
– augmentation des précipitations dans les zones de moyennes immédiatement renvoyée dans l’espace en étant réfléchie par
et hautes latitudes de l’hémisphère nord et augmentation de la fré- les nuages, les océans, les glaciers… (figure 1). Les 70 % res-
quence des épisodes de fortes précipitations dans les mêmes tants viennent chauffer l’atmosphère et la surface terrestre.
zones ; Celle-ci réchauffée, émet à son tour des rayons infrarouges
(IR) mais émis par une source tiède (15  C en moyenne) avec
– les épisodes chauds du phénomène El Niño ont été plus fré-
une longueur d’onde beaucoup plus grande que les IR solaires ;
quents, plus durables et plus intenses depuis le milieu des années
ce qui permet aux GES de les bloquer. Ils réchauffent donc
1970 ;
l’atmosphère et provoquent ainsi le réchauffement de
– dans certaines régions, notamment dans certaines zones d’Asie
l’ensemble de la planète. Les IR terrestres qui n’ont pas été blo-
et d’Afrique, augmentation de la fréquence et de l’intensité des
qués par les GES repartent dans l’espace [3].
sécheresses durant ces dernières décennies.

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G 1 817 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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G1817

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– BILAN CARBONE‚

rassembler des données scientifiques, techniques et socio-économi-


ques afin d’envisager les risques des changements climatiques liés
aux activités humaines. Le rôle du GIEC est « d’expertiser l’informa-
tion scientifique, technique et socio-économique qui concerne le
risque de changement climatique provoqué par l’homme ».
Le GIEC n’est pas une association de personnes physiques mais
une association de pays. Les personnes qui siègent aux assem-
blées du GIEC sont des représentants des nations (pratiquement
toutes). Le GIEC effectue une évaluation et une synthèse des tra-
vaux menés dans les laboratoires du monde entier dont les conclu-
sions ont été publiées dans la littérature scientifique.
L’assemblée générale du GIEC est composée de représentants de
chaque pays où toutes les nations disposent d’une seule et unique
voie quelle que soit la population qui la compose. Ainsi la Suisse
compte autant que la Russie par exemple.

Figure 1 – Fonctionnement de l’effet de serre (photo : Réseau Action


Le bureau du GIEC est divisé en trois groupes de travail qui
Climat France) mènent des expertises sur :

3
1) le fonctionnement « physique » (et chimique !) du climat et les
La température moyenne de notre planète est le résultat d’un variations climatiques passées ou à venir ;
équilibre entre le flux de rayonnement qui lui parvient du soleil et 2) la vulnérabilité de la biosphère et de notre système socio-éco-
le flux de rayonnement infrarouge renvoyé vers l’espace. nomique face aux risques du changement climatique ;
Les gaz responsables de l’effet de serre d’origine anthropique 3) les scénarios d’émission de gaz à effet de serre et la manière
sont le gaz carbonique (CO2), le méthane (CH4), l’oxyde nitreux de réduire nos émissions.
(N2O), l’ozone troposphérique (O3), les CFC et les HCFC, gaz de syn-
thèse responsables de l’attaque de la couche d’ozone, ainsi que les Le premier rapport date de 1990. Il donnait les premières conclu-
substituts des CFC : HFC, PFC et SF6. sions fortes concernant le changement climatique. Un deuxième
rapport détaillé a été remis en 1995 et un troisième en 2001. Le der-
Les gaz à effet de serre sont naturellement très peu abondants nier est paru en 2007. Les documents produits par le GIEC servent
dans l’atmosphère. Mais du fait de l’activité humaine, la concentra- de référence dans le cadre des négociations internationales sur les
tion de ces gaz dans l’atmosphère s’est sensiblement modifiée : gaz à effet de serre sans participer officiellement aux discussions.
ainsi, la concentration en CO2, principal GES, a augmenté de 30 % Les rapports complets sont tous publics et peuvent tous être télé-
depuis l’ère préindustrielle. Les effets combinés de tous les GES chargés sur le site du GIEC : http://www.ipcc.ch.
équivalent aujourd’hui à une augmentation de 50 % de CO2 depuis
cette période.
Lorsque l’on utilise des énergies fossiles, telles que le charbon, le 1.5 Compensation carbone
pétrole ou le gaz, on brûle du carbone, ajoutant ainsi du CO2 à l’air :
(D’après [5].)
environ 20 milliards de tonnes par an dans le monde. Les océans et
les forêts et, dans une bien moindre mesure, les autres plantes, éli-
minent à peu près la moitié de cet excédent de gaz carbonique. La compensation volontaire est un mécanisme de finance-
Cependant, sa concentration ne cesse de croı̂tre : de l’ordre de ment par lequel un organisme public ou privé (administration,
0,028 % il y a cent cinquante ans, elle est aujourd’hui de 0,0365 %. entreprise, particulier) substitue, de manière partielle ou totale,
Un autre gaz à effet de serre est le méthane (CH4), dont la une réduction à la source de ses propres émissions de gaz à
concentration a doublé depuis la révolution industrielle. Les sour- effets de serre une quantité équivalente de « crédits carbone »,
ces « humaines » sont les rizières, les décharges d’ordures, les éle- en les achetant auprès d’un tiers.
vages bovins, les fuites sur les réseaux de gaz et l’exploitation char-
bonnière. L’oxyde nitreux, ou protoxyde d’azote (N2O) est un autre Concrètement, la compensation consiste à mesurer les émis-
gaz à effet de serre, qui provient de certaines industries et des sions de gaz à effet de serre générées par une activité (transport,
excès d’épandages d’engrais. chauffage, etc.) puis, après avoir cherché à réduire ces émissions,
Il faut compter également avec l’ozone de la basse atmosphère, à financer un projet de réduction des émissions de gaz à effet de
qui se forme à la suite des émissions de monoxyde de carbone serre ou de séquestration du carbone : énergie renouvelable, effica-
(CO), d’oxydes d’azote (N2O) et de composés organiques volatils cité énergétique ou de reboisement, qui permettra de réduire, dans
(COV). Il y a enfin les gaz fluorés : CFC, HCFC, HFC, PFC et HF6. un autre lieu, un même volume de gaz à effet de serre. Le principe
Mais les deux principaux gaz à effet de serre sont le gaz carbo- sous-jacent étant qu’une quantité donnée de CO2 émise dans un
nique, qui contribue à l’effet de serre à une hauteur de 60 % et le endroit peut être « compensée » par la réduction ou la séquestra-
méthane (20 %). Cependant, tandis que le méthane n’a qu’une tion d’une quantité équivalente de CO2 en un autre lieu. Ce principe
faible durée de vie dans l’atmosphère, le gaz carbonique y demeure de « neutralité géographique » est au cœur des mécanismes mis en
pendant plus d’un siècle. place par le protocole de Kyoto.
C’est pourquoi l’attention se focalise aujourd’hui sur la réduction Il est important de souligner que la compensation volontaire doit
des émissions de gaz carbonique. s’inscrire dans une logique de neutralité carbone : elle doit toujours
accompagner ou suivre la mise en œuvre de solutions énergéti-
ques alternatives ou d’efforts de réduction des émissions.
1.4 GIEC Le site http://www.co2solidaire.org/ permet de participer financière-
ment à des projets de développement durable. Cette somme que
(D’après [4].) vous décidez de verser intègre la valeur environnementale et socio-
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du économique du programme soutenu : elle permet de soutenir des
climat) ou IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) a été actions de coopération et de solidarité dans les pays du sud, pour
fondé en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale et le pro- améliorer le quotidien des populations locales et préserver l’environ-
gramme des Nations unies pour l’environnement. Sa mission est de nement (voir également le site : http://www.compensationco2.fr).

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3

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Référence Internet
G1819

Bilan Carbone‚
Mise en œuvre
par Aurélie WOLFF
Ingénieur génie des procédés
Responsable CO chez SGS

1. Présentation de l’outil ................................................................... G 1 819v2 – 2


1.1 Différents modules ............................................................................. — 2
1.2 Éléments constitutifs de l’outil .......................................................... — 2
1.3
2.
Étapes .................................................................................................
Lancement de l’étude.....................................................................

— 3
3
3
2.1 Gaz à effet de serre pris en compte................................................... — 3
2.2 Validation des postes pris en compte ............................................... — 4
2.2.1 Bilan Carbone‚ « entreprise » ................................................ — 4
2.2.2 Bilan Carbone‚ « collectivité » ............................................... — 4
2.2.3 Bilan Carbone‚ « territoire » .................................................. — 5
2.3 Rôle des intervenants......................................................................... — 5
2.3.1 Cas d’un Bilan Carbone‚ réalisé en interne ........................... — 5
2.3.2 Cas d’un Bilan Carbone‚ réalisé par un prestataire habilité . — 5
3. Collecte des données ..................................................................... — 6
3.1 Préparation de la collecte .................................................................. — 6
3.2 Données : où et comment les trouver ............................................... — 6
3.2.1 Bilan Carbone‚ « entreprise » et « collectivité » ................... — 6
3.2.2 Bilan Carbone‚ « territoire » .................................................. — 7
3.3 Incertitudes ......................................................................................... — 7
3.4 Difficultés rencontrées ....................................................................... — 8
4. Réalisation du Bilan Carbone‚.................................................... — 8
4.1 Facteurs d’émission ........................................................................... — 8
4.2 Calcul des émissions de gaz à effet de serre .................................... — 8
4.3 Rapport ............................................................................................... — 9
4.4 Extractions .......................................................................................... — 9
4.5 Plan d’action ....................................................................................... — 10
5. Communication ............................................................................... — 10
6. Normalisation .................................................................................. — 10
6.1 Norme ISO 14064-1 ............................................................................ — 10
6.2 Vérification selon la norme ISO 14064-3 ........................................... — 11
7. Conclusion........................................................................................ — 11
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 1 819v2

ien que l’effet de serre soit un phénomène naturel qui permette à la Terre
B de connaı̂tre des températures clémentes du fait de la présence, dans notre
atmosphère, de gaz à effet de serre, et que des phénomènes climatiques natu-
rels influent également sur les variations du climat, au vu de l’augmentation
importante de la concentration en gaz à effet de serre et de l’augmentation de
la température moyenne terrestre de + 0,6  C au cours du XXe siècle, tout laisse
à penser qu’il y a une responsabilité humaine dans ces changements climati-
ques, comme le montrent les travaux du GIEC (Groupe d’experts intergouver-
nemental sur l’évolution du climat).
Suite à cette prise de conscience, s’est tenue en 1992 la convention de Rio
Parution : octobre 2015

dont l’objectif est de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre

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Référence Internet
G1819

BILAN CARBONE‚ –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique


dangereuse du système climatique ».
Ainsi la lutte contre le changement climatique devient un des grands enjeux
du XXIe siècle. En conséquence, a été ratifié le protocole de Kyoto qui fixe des
objectifs de réduction des émissions et a conduit à l’ouverture d’un marché
européen d’échange des quotas d’émissions ainsi qu’à la mise en œuvre de
projets permettant de réduire les émissions. De nouvelles réglementations
européennes et françaises ont également vu le jour, comme l’obligation pour
certaines entreprises privées, établissements publics et collectivités de réaliser
et publier un Bilan d’émissions de gaz à effet de serre, accompagné d’un plan
d’action de réduction des émissions.
Dans une optique de sensibilisation aux émissions de gaz à effet de serre
(GES) produits par nos activités, a été développé par l’ADEME (Agence de l’en-
vironnement et de la maı̂trise de l’énergie) un outil permettant de comptabiliser
les émissions de GES des activités exercées par des entreprises (entreprises
industrielles ou tertiaires, associations, événements culturels ou sportifs…),
3 par des collectivités territoriales ou sur un territoire. La méthodologie Bilan
Carbone‚ est désormais gérée par l’ABC (Association Bilan Carbone). S’il s’agit
d’émissions directement émises, on parle d’« émissions directes » ; s’il s’agit
d’émissions induites par les diverses activités, on parle alors d’« émissions
indirectes ».
Cet article a pour objectif de présenter la méthode du Bilan Carbone‚ et de
donner des clés quant à sa mise en œuvre, au fil des différentes étapes que sont
la sensibilisation des parties prenantes, la collecte des données après avoir
défini le périmètre d’étude, la réalisation du diagnostic des émissions de gaz à
effet de serre, la définition des priorités d’actions avec en ligne de mire la mise
en œuvre des actions de réduction identifiées.

– un premier utilitaire technique, sous forme de tableur Excel, qui


1. Présentation de l’outil permet de calculer des tonnes.km par type de véhicule, dans le
cadre du transport routier ;
– un second utilitaire technique, sous forme de tableur Excel, afin
d’évaluer les fuites d’halocarbures des installations frigorifiques.
1.1 Différents modules
De plus, le module « entreprise » contient les éléments suivants :
La méthode du Bilan Carbone‚ se présente sous la forme de – un tableur Excel principal de calcul des émissions, permettant
tableurs de calcul, groupés en trois modules : également de comparer les émissions d’une année sur l’autre et
– le module « entreprise » pour toute activité productrice d’un d’évaluer les impacts des diverses actions de réduction
bien ou d’un service qu’elle soit publique ou privée ; envisagées ;
– le module « collectivité » pour les émissions propres engen- – un « manuel d’utilisation du tableur » pour les entreprises ;
drées par les collectivités territoriales, qu’il s’agisse de leurs patri- – un tableur Excel permettant de cumuler les émissions de plu-
moines ou des services qu’elles rendent ; l’approche est, dans ce sieurs sites ou entités ;
cas, la même que pour une entreprise possédant plusieurs sites ; – un utilitaire économique, sous forme de tableur Excel, afin d’ef-
– le module « territoire » pour les émissions engendrées par l’en- fectuer des simulations économiques de la conséquence d’une
semble des activités situées sur le territoire des collectivités hausse du prix des hydrocarbures ou de la mise en place d’une
territoriales. taxe sur les émissions ;
– un utilitaire de comparaison interannuelle pour permettre le
suivi de l’évolution des émissions de GES.
1.2 Éléments constitutifs de l’outil Le module « collectivité » contient, quant à lui, les éléments
suivants :
L’outil de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre
– un tableur Excel principal de calcul des émissions (identique au
(GES) est composé des éléments suivants, communs aux trois
tableur du module « entreprise ») ;
modules :
– un « manuel d’utilisation du tableur » pour les collectivités ;
– un « guide méthodologique » décrivant la méthode et ce – un tableur Excel permettant de cumuler les émissions de plu-
qu’elle prend en compte ; sieurs services de la collectivité (identique au tableur du module
– un « guide des facteurs d’émission » qui précise l’origine ou la « entreprise ») ;
manière dont ont été calculés les différents facteurs d’émission uti- – un utilitaire économique, sous forme de tableur Excel, afin d’ef-
lisés dans le tableur ; fectuer des simulations économiques de la conséquence d’une

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G1819

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– BILAN CARBONE‚

Tableau 1 – Documents constitutifs de la méthode Bilan Carbone‚


Entreprise Collectivité Territoire

Guide méthodologique

Guide des facteurs d’émissions

Utilitaire de calcul des tonnes.km du transport routier

Utilitaire d’évaluation des fuites d’halocarbures des installations frigorifiques

Tableur principal de calcul et tableur de cumul des émissions si plusieurs sites ou


Tableur principal de calcul
services

Manuel d’utilisation « Entreprise » Manuel d’utilisation « Collectivité » Manuel d’utilisation « Territoire »

Utilitaire économique et manuel associé Utilitaire économique et manuel associé Utilitaire économique et manuel associé
3
Utilitaire de comparaison de scénarios d’activités
– –
et manuel associé

Utilitaire des émissions des sites industriels et


– –
manuel associé

Comparateur interannuel et manuel associé –

hausse du prix des hydrocarbures ou de la mise en place d’une – étape 3 : exploitation des données collectées (calculs à l’aide
taxe sur les émissions (spécifique aux collectivités) ; des tableurs) et préconisation d’actions de réduction en fonction
– un utilitaire de comparaison interannuelle pour permettre le des résultats ;
suivi de l’évolution des émissions de GES. – étape 4 : élaboration d’un plan d’action de réduction des
émissions.
Enfin le module « territoire » contient les éléments suivants :
– un tableur Excel principal de calcul des émissions dans le cas
d’un territoire, en considérant l’ensemble des activités qui s’y
trouvent ;
– un utilitaire économique, sous forme de tableur Excel, afin d’ef-
2. Lancement de l’étude
fectuer des simulations économiques de la conséquence d’une
hausse du prix des hydrocarbures ou de la mise en place d’une
taxe sur les émissions (spécifique aux territoires) ; 2.1 Gaz à effet de serre pris en compte
– un utilitaire, sous forme de tableur Excel, permettant de compa-
rer des scénarios d’activités pour un même territoire ;
– un utilitaire, sous forme de tableur Excel, dans lequel sont ren- Le Bilan Carbone‚ de l’ADEME prend en compte les émissions
seignées les émissions des sites industriels d’un territoire à partir des six gaz à effet de serre (GES) concernés par le protocole de
de données statistiques nationales. Kyoto, à savoir :
– dioxyde de carbone (CO2) ;
Tous les documents sont résumés dans le tableau 1. – méthane (CH4) ;
– oxyde nitreux (ou protoxyde d’azote, N2O) ;
– hydrofluorocarbures (HFC) ;
1.3 Étapes – perfluorocarbures (PFC) ;
Les différentes étapes de la démarche de réalisation du Bilan – hexafluorure de soufre (SF6).
Carbone‚ sont (figure 1) : Mais, le Bilan Carbone‚ prend également en compte les CFC
– étape 1 : lancement de l’étude, incluant une sensibilisation des (chlorofluorocarbures), bien qu’ils ne soient pas dans le champ
parties prenantes, une présentation de la méthode, du déroulement d’application du protocole de Kyoto.
de l’étude et des acteurs impliqués dans la collecte des données
notamment, une validation du périmètre d’étude, une prise en Ces gaz à effet de serre ont des pouvoirs de réchauffement et/ou
compte des études et données existantes… ; des durées de vie différents, c’est-à-dire qu’une tonne de gaz émis
– étape 2 : collecte des données et validation des facteurs d’émis- n’aura pas le même impact sur le climat selon qu’il s’agit de CO2 ou
sion utilisés ; de SF6 par exemple.
Le potentiel de réchauffement global est l’unité de mesure de
Étape 1 Étape 2 Étape 3 Étape 4 l’effet de serre d’un GES sur le réchauffement climatique, sur une
Lancement Collecte Exploitation Plan d'action période de 100 ans, par rapport à celui du CO2 (choisi comme éta-
de l'étude des données des données de réduction lon avec une valeur de 1 pour établir une grille de comparaison).
Les résultats du calcul des émissions de GES peuvent être expri-
Figure 1 – Étapes de la démarche Bilan Carbone‚ més en « tonne équivalent CO2 » (teqCO2) ou en « tonnes

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113
3

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Référence Internet
G1820

Dioxines, furannes
et polychlorobiphényles
Sources, analyses, procédés de traitement

par Pierre LE CLOIREC


Professeur, directeur honoraire de l’ENSCR, École de chimie de Rennes, France
et Alain LAPLANCHE
Professeur, directeur honoraire du laboratoire chimie et ingénierie des procédés, École de
3
chimie de Rennes, Président de Air Breizh, France

1. Structures et caractéristiques des molécules ............................. G 1 820v2 - 2


2. Sources, impacts, législation............................................................ — 4
2.1 Sources ..................................................................................................... — 4
2.2 Évolutions temporelles et sectorielles ................................................... — 4
2.3 Effets sur la santé. Impact sur l’environnement et réglementation..... — 6
3. Échantillonnage et analyses.............................................................. — 7
3.1 Échantillonnage et préconcentration pour des émissions canalisées. — 7
3.2 Extraction et purification des extraits..................................................... — 8
3.3 Séparation, identification et quantification............................................ — 8
4. Quelques résultats d’analyses .......................................................... — 11
4.1 Émissions de procédés d’incinération ................................................... — 11
4.2 Cas de l’air ambiant ................................................................................. — 11
4.3 Quelques aliments ................................................................................... — 12
4.4 Cas du lait maternel ................................................................................. — 12
5. Procédés de traitements disponibles ............................................. — 12
5.1 Réduction à la source : contrôle du cœur du procédé .......................... — 13
5.2 Dépoussiérage.......................................................................................... — 13
5.3 Traitement des fumées par adsorption.................................................. — 13
5.4 De nouvelles technologies ...................................................................... — 14
5.5 Performances globales d’un traitement................................................. — 16
6. Approche technico-économique ...................................................... — 17
7. Conclusions. Perspectives................................................................. — 17
7.1 Au niveau domestique............................................................................. — 17
7.2 Pratiques industrielles ............................................................................. — 17
8. Glossaire ................................................................................................. — 18
9. Sigles, notations et symboles........................................................... — 18
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. G 1 820v2

a pollution et les émissions polluantes sont au centre des préoccupations


L quand on parle de « risque pour la santé » [1] [2]. Les émissions de
dioxines, du fait en particulier de la combustion des déchets ménagers, ont
défrayé la chronique jusqu’à la fin des années 2010. Les médias se sont fait les
relais privilégiés des populations voisines des usines d’incinération d’ordures
ménagères ou des consommateurs de viande de poulets dont les teneurs en
Parution : octobre 2022

dioxines dépassaient les normes réglementaires en vigueur. En effet, la toxicité


de ces molécules polyaromatiques halogénées n’est plus à démontrer [3].

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G1820

DIOXINES, FURANNES ET POLYCHLOROBIPHÉNYLES ______________________________________________________________________________________

L’accident de Seveso en Italie, le 10 juillet 1976, est aussi dans toutes les
mémoires. Des études sur des populations ayant subi des déversements
massifs de produits défoliants, l’agent orange, contenant des dioxines à raison
de 0,1 à 60 ppm, lors de la guerre du Vietnam, ont montré des effets néfastes
sur la santé humaine. Ces molécules de dioxines (PCDD-PBDD), furannes
(PCDF-PBDF) et polychlorobiphényles (PCB), de structures complexes, sont
trouvées dans les émissions gazeuses industrielles ou domestiques, soit adsor-
bées sur des poussières, soit à faibles concentrations dans les fumées. On les
retrouve alors dans l’atmosphère avec des produits apparentés, l’ensemble
formant la famille des produits organiques persistants (POP) [4]. À côté des
PCDD/F classiques, des recherches récentes se sont également orientées vers
les composés bromés ou chlorobromés (PBDD/F et PBCDD/F).
Cet article présente succinctement la problématique générale des dioxines,
furannes et PCB dans les émissions gazeuses. Il est divisé en cinq grandes
parties présentant les structures et les caractéristiques de ce type de molé-

3
cules, les sources et l’impact sur la santé humaine (la réglementation
spécifique est à ce niveau rappelée), les méthodes d’échantillonnages et d’ana-
lyses principalement dans l’air puis quelques résultats récents et enfin les
principales technologies disponibles de dépollution des fumées.

1. Structures la toxicité est très variable suivant la structure moléculaire. Si seuls


les composés chlorés sont pris en compte, on estime que 29
et caractéristiques d’entre eux (7 PCDD, 10 PCDF et 12 PCB-type-dioxine) sont
toxiques. Pour estimer la toxicité des PCDD/F, on applique des fac-
des molécules teurs de pondération aux composés (I-TEF : International Toxicity
Equilavent Factor) présentés sur le tableau 2. Deux références
existent, notées OTAN (la plus ancienne – 1989) ou OMS (1998) ;
Les molécules de dioxines, furannes et polychlorobiphényles les différences entre les deux étant minimes. Ces coefficients per-
sont formées de deux cycles aromatiques pontés ou non par des mettent dans un mélange de dioxines, furannes et PCB dosés
oxygènes et substituées par des chlores ou des bromes dont le quantitativement de déterminer la teneur en équivalent toxiques
nombre peut varier de 1 à 8 (tableau 1). Il existe donc, en fonction de l’échantillon (I-TEQ : International Toxicity Equivalent Quantity)
des positions et du nombre de chlores, différents congénères, soit (§ 3.3.3 et tableau 2). Pour les composés bromés, en l’absence de
75 dioxines (PCDD ou PBDD), 135 furannes (PCDF ou PBDF), valeurs propres, de manière transitoire, on peut prendre les
1 550 PBCDD, 3 050 PBCDF et 209 polychlorobiphényles (PCB) dont mêmes facteurs que ceux des composés chlorés [5] [6] [7].

Tableau 1 – Noms et structures des dioxines, furannes et polychlorobiphényles


Nom Formule développée (1) Observations

9 1
O
Dioxines 8 2
X = Cl ou/et Br
Polychlorodibenzodioxines (PCDD) n ∈ [1, 8]
Polybromodibenzodioxines (PBDD) 7 3
Xn 6 O Xn
4

9 1
Furannes 8 2
X = Cl ou/et Br
Polychlorodibenzofurannes (PCDF) n ∈ [1, 8]
Polybromodibenzofurannes (PBDF) 7 3
Xn 6 O 4 Xn

3 2 2’ 3’

1 1’
4 4’ X = Cl
Polychlorobiphényles (PCB)
n ∈ [1, 10]
Xn 5 6 6’ 5’ Xn

(1) Les numéros sur les carbones permettent de définir les différents isomères.

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_______________________________________________________________________________________ DIOXINES, FURANNES ET POLYCHLOROBIPHÉNYLES

Tableau 2 – Facteurs d’équivalent toxique Tableau 3 – Caractéristiques spécifiques


pour 17 dioxines et furannes et pour 12 PCB physicochimiques de la 2,4,7,8-tétrachlorodibenzo-
p-dioxine (adapté de [5])
OMS et
Nom OTAN
UE [6]
Cl O Cl
Dioxines (PCDD) 2,4,7,8-tétrachlorodibenzo-p-
dioxine
2,4,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine 1 1 Cl O Cl
1,2,3,7,8-pentachlorodibenzo-p-dioxine 1 0,5
Numéro CAS 1746-01-6
1,2,3,4,7,8-hexachlorodibenzo-p-dioxine 0,1 0,1
Aspect Solide blanc microcristallin
1,2,3,6,7,8-hexachlorodibenzo-p-dioxine 0,1 0,1
1,2,3,7,8,9-hexachlorodibenzo-p-dioxine 0,1 0,1 Masse molaire (g · mol–1) 322,0

1,2,3,4,6,7,8-heptachlorodibenzo-p-dioxine 0,01 0,01 Pression de vapeur saturante (PVS)


2 × 10–7

3
à 25 °C (Pa)
Octochlorodibenzo-p-dioxine 0,0003 0,001
Furannes (PCDF) Composé organique semi-
Classe de volatilité ou non volatil
2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-furanne 0,1 0,1 (COSV ou CONV)

2,3,4,7,8-pentachlorodibenzo-p-furanne 0,3 0,5 Point d’ébullition (°C) 500


1,2,3,7,8-pentachlorodibenzo-p-furanne 0,03 0,05
Solubilité dans l’eau à 25 °C (g · L–1) 2,0 × 10–8
1,2,3,4,7,8-hexachlorodibenzo-p-furanne 0,1 0,1
1 à 5 voire > 5 à l’état
1,2,3,7,8,9-hexachlorodibenzo-p-furanne 0,1 0,1 Temps de vie dans l’atmosphère gazeux
(jour)
1,2,3,6,7,8-hexachlorodibenzo-p-furanne 0,1 0,1 > 5 à l’état particulaire
2,3,4,6,7,8-hexachlorodibenzo-p-furanne 0,1 0,1
1,2,3,4,6,7,8-heptachlorodibenzo-p-furanne 0,01 0,01 – la symétrie structurelle de la molécule lui donne une certaine
1,2,3,4,7,8,9-heptachlorodibenzo-p-furanne 0,01 0,01 stabilité physicochimique et thermique. Cette molécule est
non biodégradable et seule l’oxydation thermique, la thermocata-
Octochlorodibenzo-p-furanne 0,0003 0,001 lyse par l’oxyde de ruthénium (ReO4) par exemple ou l’oxydation
par l’ozone, peut la dégrader. On estime que pour détruire totale-
Polychlorobiphényles (PCB) – TEQ-OMS – UE ment sous atmosphère inerte la 2,4,7,8-tétrachlorodibenzo-p-
dioxine, il faut six mois à T = 300 °C, moins d’une seconde à
3,4,4’,5-tétrachlorobiphényl 0,0001 T = 1 000 °C et de l’ordre de la milliseconde à 1 200 °C. On retrou-
3,3’,4,4’-tétrachlorobiphényl 0,0003 vera donc ces dioxines et furannes dans le milieu naturel soit sous
leur forme originelle du fait de leur déposition (état particulaire),
3,3’,4,4’,5-pentachlorobiphényl 0,1 soit sous la forme de sous-produits de décomposition photo-
chimique, comme le montre sa durée de vie dans l’atmosphère (>
3,3’,4,4’,5,5’-hexachlorobiphényl 0,03 5 jours) ;
2,3,3’,4,4’-pentachlorobiphényl 0,0003 – sa masse volumique relativement importante conforte la
caractéristique de stabilité physicochimique et biologique ;
2,3,4,4’,5-pentachlorobiphényl 0,0003
– la valeur de la pression de vapeur saturante (PVs = 2 × 10–7 Pa à
2,3’,4,4’,5-pentachlorobiphényl 0,0003 25 °C) montre que ce composé est très peu volatil. On ne le
retrouvera donc qu’à de faibles concentrations dans les phases
2’,3,4,4’,5-pentachlorobiphényl 0,0003 gazeuses. Pour mémoire, un composé organique est considéré
comme volatil si la pression de vapeur est supérieure à
2,3,3’,4,4’,5-hexachlorobiphényl 0,0003 10 Pa [G 1 835] [J 3 928] ;
2,3,3’,4,4’,5’-hexachlorobiphényl 0,0003 – la solubilité dans l’eau est très faible (s = 2,0 × 10–8 g · L–1 à
25 °C). Par contre, cette molécule est connue pour être soluble
2,3’,4,4’,5,5’-hexachlorobiphényl 0,0003 dans les lipides, ce qui implique une potentialité d’évolution le
long de la chaîne alimentaire (en particulier via le lait de vache) et
2,3,3’,4,4’,5,5’-heptachlorobiphényl 0,0003
donc une accumulation dans les masses graisseuses chez
OMS : Organisation mondiale de la santé. l’homme. Une transmission de ce type de produits vers les nour-
OTAN : Organisation du traité de l’Atlantique Nord. rissons via le lait maternel est de ce fait possible ;
UE : Union européenne. – en raison de la présence des noyaux aromatiques (réservoirs
donneurs-accepteurs d’électrons), ces molécules pourront générer
des interactions électrostatiques avec des solides et ainsi s’adsor-
La 2,4,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine, cancérigène chez ber sur leur surface [G 1 770] [J 2 730].
l’homme, est le composé le plus dangereux. Cette molécule a été
la plus caractérisée et étudiée (tableau 3) [5]. À partir de sa struc- Ces propriétés se retrouvent pour l’ensemble des composés, des
ture moléculaire, quelques propriétés physicochimiques peuvent variations pouvant être notées en fonction du nombre de substitu-
être énoncées : tions (Cl ou Br) et/ou de la masse moléculaire.

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DIOXINES, FURANNES ET POLYCHLOROBIPHÉNYLES ______________________________________________________________________________________

– par recombinaison de fragments de molécules organiques


À retenir chlorées ou bromées.
La surface des particules de cendres ou de poussières réfrac-
– Il existe plusieurs familles de composés : PCDD, PCDF,
taires (T ≈ 300 °C) serait un facteur favorisant leur formation. Par
PBDD, PBDF, PBCDD, PBCDF, PCB.
exemple, pour T > 250 °C et une atmosphère à 6 % d’oxygène, des
– Les substitutions (Cl ou Br) donnent de très nombreux dioxines, furannes et PCB seraient produits [19]. Cependant, des
congénères. mesures sur diverses installations montrent une grande variabilité
– Une substance est considérée comme cancérigène avéré : de résultats en fonction de la spécificité du site (incinérateurs
la 2,3,7,8-PCDD. d’ordures ménagères, sidérurgie, cimenteries...) [G 2 050] [G 2 051]
[G 2 053] [G 2 250] et des conditions opératoires de fonctionne-
– Des facteurs d’équivalence toxique par rapport à cette
ment. Des études ont été menées donnant la répartition en I-TEQ
molécule sont appliqués.
de dioxines, furannes et autres composés organochlorés issus
– Ils sont très peu volatils mais ont une grande affinité pour d’une unité d’incinération d’ordures ménagères [24] [25] [26] [27].
les lipides. Un exemple est donné sur le tableau 4. On note que les PCDD,
PCDF et PCB sont des produits minoritaires, mais qui sont retrou-
vés à toutes les étapes de la filière aussi bien dans les cendres

2. Sources, impacts, volantes que dans les fumées [28]. Ces teneurs très faibles suf-

3
fisent pour avoir un effet néfaste sur la santé et l’environnement.
législation On en trouve aussi dans les gaz d’échappement de voitures, lors
de la combustion de bois dans les cheminées, les barbecues ou
encore dans la fumée de cigarettes. On trouve également des
informations sur les émissions dans le cas de feux domestiques
2.1 Sources accidentels (tableau 5 d’après [29]).
Les dioxines, furannes et PCB sont naturellement émis par les vol- Les polybromodiphenyléthers, retardateurs de flamme courants,
cans ou lors des feux de forêts [8]. Ils sont aussi présents initialement sont des précurseurs connus des PBDD/F, leur structure étant assez
dans les combustibles et non dégradés thermiquement. Ils peuvent proche des PBDF [30]. La quantité de PBDF augmentera avec la
être synthétisés lors de combustions industrielles (incinérateurs présence de polymère ou d’eau, alors que la présence d’oxydes
d’ordures ménagères, cimenterie [G 2 250]) ou de combustion natu- métalliques, de Cu, Sn, Zn ou Fe, favorisera la présence de PBDD.
relle non maîtrisée de déchets domestiques en mélange [4] [9] [10] Les retardateurs de flamme peuvent également être transformés
[11] [12] [13] [14] [15]. Au laboratoire, ils ont été produits à partir de en PBDD/F par photodégradation due à une exposition au rayonne-
précurseurs (tels que les chlorophénols et chlorobenzènes) ou sui- ment solaire [31] [32].
vant la synthèse de novo. Cette dernière serait prépondérante dans Les incendies accidentels, les brûlages et/ou écobuages non
les systèmes de combustion, de type incinérateurs, car la réaction maîtrisés ou sauvages sont des sources émettrices importantes
serait plus rapide. Elle s’effectuerait à des températures variant de pour l’ensemble des dioxines chlorées ou bromées [11]. Selon les
300 à 700 °C. Dans le cas d’un incinérateur de déchets (mélange de matériaux brûlés, l’émission de dioxines bromées peut être plus
composés organiques, organochlorés de type PVC, de matières miné- importante que celle des chlorées [32].
rales et de produits métalliques [16] [17]), la température optimale de
formation des PCDD et PCDF est de 300 °C [18]. Cette production
impliquerait divers mécanismes possibles [19] [20] [21] [22] [23] : 2.2 Évolutions temporelles et sectorielles
– à partir de précurseurs organochlorés ou organobromés
(300 < T < 700 °C) ; Le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution
– à partir de composés organiques non chlorés, avec du chlore atmosphérique (CITEPA) [4] recense et publie les concentrations
ou du brome en présence d’un catalyseur métallique comme du et les flux massiques annuels des émissions de dioxines et
cuivre (250 < T < 450 °C) ; furannes chlorés en France. Les données des émissions de

Tableau 4 – Teneur en dioxines, furannes, PCB et autres organochlorés des résidus et émissions
d’une usine d’incinération d’ordures ménagères (en I-TEQ)
Cendres Cendres captées
Fumées
Déchets de chaudières des fumées
Mâchefers (ng · Nm–3)
Composé bruts (ng · g–1) (ng · g–1)
(ng · g–1)
(mg · t–1) AUlM NUIOMI AUlM NUIOMI AUlM NUIOMI
(1) (2) (1) (2) (1) (2)
Polychlorodibenzo-p-dioxines (PCDD)
0,050 < 0,02 1à5 < 0,1 5 à 20 < 0,3 2 à 15 < 0,1
Polychlorodibenzo-p-furannes (PCDF)
Polychlorobiphényles (PCB) totaux 700
10 à 700 7 à 700 – 10 à 270 < 100
PCB « dioxine-like » < 0,1
Polychlorobenzènes 100 à 200 à
5 à 200 < 80 < 1 000 < 50 < 200
4 000 60 000
Polychlorophénols 100 à
3 à 2 000 15 < 200 < 50 1 000 < 200
4 000
Hydrocarbures aromatiques 10 à 10 000 700 (AUIM) 200 à
500 < 100 200 < 50 < 200
polycycliques (HAP) (AUIM) 100 (NUIOMI) 30 000
(1) AUIM : ancienne usine d’incinération d’ordures ménagères.
(2) NUIOMI : nouvelle usine d’incinération d’ordures ménagères (adapté de [8]).

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_______________________________________________________________________________________ DIOXINES, FURANNES ET POLYCHLOROBIPHÉNYLES

Tableau 5 – Concentration en dioxines et furannes dans le cas de feux domestiques (adapté de [29])
Gaz Cendres
(ng · Nm–3) (ng · kg–1)
Échantillons 1 2 3 4 5 1 2 3 4 5
PCDD/F 28,77 5,78 1,14 – 11,98 2 737 995 682 54 418 606
PBDD < 0,1 < 0,1 < 0,1 0,3 < 50 160 < 50 80 < 50
PBDF < 0,1 < 0,1 < 0,1 3,4 27 280 530 420 9 250

Évolution des émissions de PCDD/F de 1990 à 2018 pour la France métropolitaine (en g I-TEQ)
2 000

1 800 3
1 600

1 400

1 200

1 000

800

600

400

200

0
Année
0

00

02

04

06

08

10

12

14

16

18
9

20

20
20

20

20
19

19

19

19

19

20

20

20

20
20

Agriculture/Sylviculture Transformation énergie Industrie manufacturière Résidentiel/Tertiaire

Traitement centralisé des déchets Transports UTCATF

Figure 1 – Évolutions temporelles et sectorielles des rejets de dioxines et furannes (source [4])

polluants atmosphériques sont présentées sous le format Secten secteur de l’incinération des déchets non dangereux (baisse de
(secteur émetteur et énergie). La figure 1 regroupe des évolutions 99 %) et des déchets industriels dangereux (baisse de 87 %). Pour
temporelles et sectorielles. Du fait de plusieurs facteurs, par l’industrie manufacturière, la décroissance observée est liée à la
exemple une meilleure gestion des incinérateurs, un effort impor- baisse d’activité du secteur de la métallurgie des métaux ferreux et
tant dans la sidérurgie/métallurgie ou encore des traitements plus à la mise en place de techniques de traitement. Du pays le plus
efficaces des fumées, on note une diminution constante des quan- émetteur en 1990, la France se situe actuellement au 8e rang pour
tités rejetées pour passer de quasiment 2 000 g I-TEQ en 1994 à l’UE, avec 3,4 % des émissions. Par rapport à la population, les
98 g I-TEQ pour l’inventaire 2018. émissions sont de 1,5 µg I-TEQ/hab · an, la moyenne de l’Europe
Le secteur « résidentiel tertiaire » est le secteur prépondérant, étant à 5,9 µg I-TEQ/hab · an. Dans des documents plus récents de
depuis 2006 et les émissions sont liées aux incinérations non 2018 et 2021, l’INERIS [13] [14] a compilé de nombreuses informa-
contrôlées en particulier les brûlages de câbles. Les autres sec- tions existantes sur les dioxines et furannes bromés : sources,
teurs d’émission sont les transports et les industries manufactu- mode de formation, émissions, exposition des humains, métabo-
rières. Depuis 1990 les principales avancées sont dues au sous- lisme des composés et toxicité.

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N2O (protoxyde d’azote)

par Pascal PEU


Ingénieur du Conservatoire National des Arts et Métiers
CEMAGREF Rennes, Unité de recherche gestion environnementale et traitement
biologique des déchets

1.
2.
Structure et caractéristiques de la molécule ..................................
Impacts environnementaux et sources..............................................
G 1 830 - 2
— 2
3
2.1 Impacts environnementaux ........................................................................ — 2
2.2 Sources et puits ........................................................................................... — 3
2.3 Évolutions temporelles et sectorielles ....................................................... — 4
3. Métrologie.................................................................................................. — 5
3.1 Cas d’émissions par sources fixes ............................................................. — 5
3.2 Cas d’émissions par sources diffuses........................................................ — 5
3.2.1 Technique des chambres à flux ......................................................... — 5
3.2.2 Techniques micro-météorologiques et dérivées .............................. — 6
3.3 Méthodes d’analyses................................................................................... — 7
4. Procédés de traitement .......................................................................... — 7
4.1 Réduction à la source .................................................................................. — 7
4.2 Réduction par traitement des gaz .............................................................. — 7
5. Conclusions-perspectives...................................................................... — 8
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. G 1 830

a pollution et les émissions polluantes sont au centre des préoccupations


L quand on parle de risque environnemental. À l’heure de bouleversements
climatiques potentiels, les émissions anthropiques de gaz à effet de serre sont
aujourd’hui un enjeu pour nos sociétés développées.
Parmi ces gaz, le protoxyde d’azote est un de ceux qui présenteraient un
impact important.
Ce dossier tente de présenter succinctement la problématique générale des
émissions de protoxyde d’azote. Aussi, est-il divisé en quatre parties présentant
la structure et les caractéristiques de la molécule, les sources et l’impact sur
l’environnement, les méthodes d’échantillonnage et d’analyses et, enfin, les
principales technologies disponibles pour réduire ces émissions.
Parution : juillet 2007

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. − © EditionsT.I. G 1 830 − 1

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G1830

N2O (PROTOXYDE D’AZOTE) ______________________________________________________________________________________________________________

1. Structure et caractéristiques
N2O 320
de la molécule
315
La molécule de protoxyde d’azote, appelé aussi monoxyde de
diazote, ou encore oxyde nitreux, a été découverte en 1772 par le 310
chimiste anglais Joseph Priestley.
305
Dans les conditions normales de température et de pression, c’est
un gaz incolore et inodore, sans effet toxicologique, mais il peut être 300
asphyxiant à forte concentration. Il est employé depuis la fin du
18e siècle à des fins récréatives (gaz hilarant) et médicales (anesthé- 295
sique). 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Années
Traditionnellement, le protoxyde d’azote est produit par
décomposition thermique du nitrate d’ammonium à des tempé- Figure 1 – Concentrations atmosphériques de N2O en ppb depuis
ratures comprises entre 170 et 260 oC. Cette méthode a été déve- 1978

3
loppée par le chimiste français Claude Louis Berthollet en 1785
et est largement répandue depuis.
(CO2), la vapeur d’eau (H2O), le méthane (CH4) et le protoxyde
Le tableau 1 présente ses diverses caractéristiques physico- d’azote (N2O), est indispensable à la vie. Ces gaz captent et main-
chimiques : tiennent l’énergie réfléchie par le rayonnement solaire. Sans cet
— la molécule de protoxyde d’azote est linéaire, formée de deux effet de serre naturel, la température moyenne sur la terre ne serait
atomes d’azote et d’un atome d’oxygène. Elle n’est pas fortement pas de 15 oC mais de – 6 oC [1].
polaire en dépit de la grande différence d’électronégativité entre Le potentiel de réchauffement de ces gaz (forçage radioactif)
les atomes d’azote et d’oxygène. Cette structure chimique lui dépend de leur capacité d’absorption et de réémission du rayonne-
confère une certaine stabilité physico-chimique et thermique ; ment solaire ainsi que de leur durée de vie dans l’atmosphère. Les
parmi les oxydes d’azote, à température ambiante, cette forme potentiels de réchauffement du CH4 et du N2O sont respectivement
oxydée de l’azote est la moins réactive ; 21 et 310 fois plus élevés que celui du CO2 .
— le protoxyde d’azote est assez soluble dans une grande
Le CH4 a une durée de vie d’environ 12 ans, le N2O de 120 à 150
variété de solvants tels que l’eau, les alcools et l’acide sulfurique.
ans et le CO2 de 125 ans. Le N2O est donc un gaz à effet de serre
Il est également soluble dans les graisses ;
extrêmement efficace et qui persiste très longtemps dans l’atmos-
— dans les conditions normales de température et de pression, phère. Les activités humaines (anthropiques) et, notamment, les
le protoxyde d’azote se présente sous forme dissoute ou gazeuse. rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère conduisent à une
Dans l’atmosphère terrestre, du fait de sa faible réactivité, son augmentation des concentrations atmosphériques de ces gaz (ie.,
temps de vie est compris entre 120 et 150 ans. (0) N2O-figure 1) ce qui conduirait à un réchauffement global de la terre.

Tableau 1 – Caractéristiques spécifiques physico-chimiques D’après certaines prévisions, ce réchauffement s’accompa-


gnerait de modifications climatiques importantes [2]. Kroeze, en
du protoxyde d’azote 1993 [3] et [4], estimait que, pour le protoxyde d’azote, les
émissions totales étaient passées de 8,8 Mt–1 · an–1, en 1900, à
Protoxyde d’azote N N+ O- N- N+ O 12,7 en 1990 et qu’elles pourraient atteindre 25,7 en 2100. De
telles émissions provoqueraient une augmentation de la tempé-
Numéro CAS 10024-97-2 UN1070 rature moyenne de l’ordre de 0,4 oC.
Masse molaire (g · mol–1) 44,013
Point de fusion/point d’ébullition (oC) – 91/– 88,5 En plus de sa contribution à l’effet de serre, le N2O, lorsqu’il est
rejeté dans l’atmosphère, finit par se convertir en oxyde nitrique
Pression de vapeur saturante (20 oC) 58,5 105 (NO), un gaz destructeur de la couche d’ozone (O3). En effet, si
(Pa) dans la troposphère le N2O est chimiquement inerte, au niveau de
Masse volumique du gaz (1 013 bar 3,16 la stratosphère trois réactions de dégradation photochimique du
au point d’ébullition) (kg · m–3) N2O peuvent se dérouler ; il peut être détruit par photolyse directe :
Solubilité dans l’eau (1 013 bar et 1,14 N2O → N2 + O*
5 oC) (volume/volume)
ou bien, il peut également réagir de deux façons avec un atome
Temps de vie dans l’atmosphère 120 - 150 d’oxygène excité, O* :
(année)
N2O + O* → 2NO
N2O + O* → N2 + O2
2. Impacts environnementaux Le N2O a ainsi une influence directe sur la production des oxy-
et sources des d’azote (NOx) dans la stratosphère et, de ce fait indirectement,
sur la destruction de la couche d’ozone.

2.1 Impacts environnementaux


Des résultats de modélisation ont montré qu’un doublement
En 1895, un scientifique suédois, Arrhénius, analyse le méca- de la concentration de N2O peut avoir pour conséquence une
nisme de l’effet de serre. Celui-ci, provoqué principalement par la réduction de 10 % de la teneur en ozone, par la formation des
présence dans l’atmosphère de gaz tels que le dioxyde de carbone NOx qui ont un effet catalytique dans la stratosphère [4].

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G 1 830 − 2 est strictement interdite. − © EditionsT.I.

122
Référence Internet
G1835

COV (composés organiques volatils)

par Pierre LE CLOIREC


Professeur
Directeur du département Systèmes énergétiques et environnement
École des mines de Nantes

1.
2.
Définitions..................................................................................................
Sources et impacts des COV ................................................................
G 1 835 – 2
— 2
3
2.1 Sources et nature des COV ......................................................................... — 2
2.2 Impacts des COV.......................................................................................... — 3
3. Métrologie des COV ................................................................................ — 4
3.1 Échantillonnage et analyse ponctuelle ...................................................... — 4
3.2 Mesure en continu à l’émission ................................................................. — 5
3.3 Mesures en continu dans l’air ambiant. Les réseaux ............................... — 5
4. Ventilation et confinement des COV .................................................. — 5
4.1 Ventilation et canalisation des émissions.................................................. — 5
4.2 Confinement des rejets gazeux .................................................................. — 6
5. Traitements ................................................................................................ — 6
5.1 Notion de filière. Sous-produits générés................................................... — 6
5.2 Traitements classiques ................................................................................ — 7
5.3 Quelques traitements en émergence......................................................... — 9
5.4 Choix d’un procédé ..................................................................................... — 10
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. G 1 835

i l’on se pose la question « Pourquoi traiter les composés organiques volatils


S présents dans l’air ? », deux types d’arguments peuvent être développés en
fonction de la sensibilité, des obligations et/ou des contraintes de chacun.
Dans un premier temps, si l’on se place dans une approche environnementale
globale, l’impact sur la santé humaine et sur les écosystèmes, l’effet de serre et
le réchauffement de la planète, la production anarchique d’ozone dans les vil-
les... sont autant de bonnes raisons pour limiter drastiquement les rejets de COV
soit à la source par une approche « procédés propres », soit à l’émission par des
procédés curatifs. La communauté internationale s’est mobilisée, avec plus ou
moins de volonté, comme l’ont rappelé les événements de la conférence de New
York en 1997, pour lutter contre l’augmentation des émissions anthropiques de
gaz à effet de serre au travers de la convention signée en juin 1992 à Rio.
Dans un deuxième temps, la discussion peut se situer sur un plan
réglementaire. En effet, dans le cadre du protocole de Genève en 1991 sur la limi-
tation des émissions de COV et leurs flux transfrontières, suite à la directive
communautaire 99/13/CE du 11 mars 1999, la France s’est engagée à réduire for-
tement ses émissions. En 1998, les émissions annuelles de COV tous secteurs
confondus (industrie, transport, agriculture...) étaient d’environ 2 300 kt ; les
objectifs du protocole de Göteborg (1999) demandent une réduction à 1 100 kt
en 2010, alors que la directive de l’Union européenne (2001/81/CE) impose un
plafond de 1 050 kt pour cette même année. Cette dernière directive concerne
Parution : octobre 2004

environ 400 000 entreprises en Europe qui devront se conformer à la législation


en 2005-2007. Les conséquences pratiques de ces directives sont la

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123
Référence Internet
G1835

COV (COMPOSÉS ORGANIQUES VOLATILS) __________________________________________________________________________________________________

promulgation en France de divers arrêtés réglementant, pour divers secteurs


industriels, les niveaux d’émissions de COV. Ainsi, on peut citer les arrêtés du
2 février 1998 et du 29 mai 2000 complétés par des arrêtés par branche d’activité
(cf. [Doc. G 1 835]).
Ces quelques points tentent de montrer la nécessité de réduire les composés
organiques volatils. Aussi cet article se focalisera-t-il pour une grande part sur le
traitement des émissions « fin de ligne » avec quelques informations sur les
méthodes de ventilation et de confinement. Cependant, les définitions, les sour-
ces, les impacts, les méthodes d’analyse seront aussi abordés afin de donner
une vue plus globale du domaine des COV.
Pour plus de renseignements concernant les composées organiques volatils dans l’envi-
ronnement, le lecteur pourra consulter la référence [1].

1. Définitions
3 23 %
7% 2%

43 %
Est considéré comme COV tout composé qui, à l’exclusion du
méthane, contient du carbone et de l’hydrogène, lequel peut
être substitué par d’autres atomes comme l’oxygène, l’azote, le
soufre, les halogènes, en particulier le chlore ou le fluor, mais
sont exclus les oxydes de carbone et les carbonates. 16 % 9%
Ces composés se trouvent à l’état de gaz ou de vapeur dans 1990
les conditions normales de température et de pression. 2 473 kt

5% 3%
Cette définition très large est complétée par un critère physique 30 % 25 %
à savoir la pression de vapeur saturante qui est supérieure à 10 Pa
(0,075 mm de Hg) à la température de 20 ˚C et à la pression
atmosphérique (1,013 × 105 Pa ou 760 mm de Hg).

En relation avec la définition précédente, on peut distinguer les


13 %
COV suivant leur utilisation, seuls ou en mélange : solvant, 24 %
dégraissant, dissolvant, conservateur, agent de nettoyage, disper-
seur... Ainsi l’arrêté du 2 février 1998, publié au Journal Officiel 2001
du 3 mars 1998 (cf. [Doc. G 1 835]) donne, dans ses annexes II à 1 674 kt
VI, des listes de composés organiques objets d’une Autres transports
réglementation spécifique en termes de concentration et de flux Transports routiers
massique d’émission à l’atmosphère. Agriculture/Sylviculture
Résidentiel/Tertiaire
Certains auteurs anglo-saxons classent souvent les COV en fonc- Industrie manufacturière
tion de leur comportement vis-à-vis du radical libre hydroxyle Transformation de l'énergie
(OH•).
Figure 1 – Évolution par secteur d’activités pour les années 1990
et 2001 des COV non méthaniques en France (source CITEPA [2])
Aussi, en 1986, l’Agence américaine de protection de l’envi-
ronnement (US EPA) a défini les COV comme toutes substances
carbonées (excepté le monoxyde de carbone, le dioxyde de car-
bone, les acides carboniques, les carbures et carbonates métal-
liques et les carbonates d’ammonium) qui participent aux
2. Sources et impacts
réactions photochimiques de l’atmosphère. des COV
Une liste de 318 COV a été dressée [1].

2.1 Sources et nature des COV


Quelques restrictions aux définitions précédentes peuvent être
émises. Ainsi, le méthane peut être exclu des COV du fait de sa Les définitions proposées précédemment impliquent une
provenance de sources différentes (agricoles et naturelles), des variété de composés organiques susceptible d’être rencontrée
flux importants émis dans l’atmosphère et d’une comptabilisation dans les émissions gazeuses de diverses activités humaines. Le
spécifique. En outre, son influence sur l’environnement est diffé- CITEPA [2] recense, par secteur d’activités et par année, les émis-
rente (effet de serre) de celle des COV qui, eux, ont plus spécifique- sions de polluants dans l’atmosphère. Pour les COV non
ment un impact sur la pollution photochimique. On parle alors de méthaniques (figure 1), l’évolution entre 1990 et 2001 est de − 32 %,
composés organiques volatils non méthaniques (COVNM) ou par- avec de fortes disparités. On peut noter, par exemple, une baisse
fois, de façon un peu trop globale, d’hydrocarbures non sensible dans le secteur des transports et une stabilité dans le
méthaniques (HCNM). domaine industriel.

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G1835

_________________________________________________________________________________________________ COV (COMPOSÉS ORGANIQUES VOLATILS)

Sources

Combustion Procédés Déchets


Transports Divers
fixe industriels solides

Moteurs Stockage Chimie Incinération Feux de forêts,


de produits
Véhicules Carburant Pharmacie Feux ouverts agricoles

Avions Centrales fuel Agroalimentaire Décharges Produits


d’entretien
Trains Métallurgie

Évaporations Minerais
des stations
de stockage Pétrochimie

3
d’hydrocarbures Figure 2 – Inventaire de quelques sources
d’émissions de COV [3]

2.2 Impacts des COV


(0)

Tableau 1 – Inventaire succinct des COV rencontrés


dans divers secteurs industriels
Secteurs d’activités Composés organiques volatils rencontrés Deux types d’impacts sur la santé humaine ou sur l’environne-
ment sont à considérer lorsque l’on étudie les COV, soit un effet
Imprimerie Toluène direct, soit un effet indirect du fait de la production d’ozone dans le
milieu récepteur sous certaines conditions de température et de
Impression Esters (acétate d’éthyle), cétones
sur emballage (acétone, méthyléthylcétone), alcools rayonnement lumineux [27].
(méthanol, éthanol)
Traitement de surface
• Dégraissage . . . . . Composés chlorés (dichlorométhane)
2.2.1 Impact direct
• Peinture . . . . . . . . . Aromatiques, alcools, aliphatiques
Les émissions de COV ont un impact direct sur l’homme. L’un des
Fabrication Aromatiques, esters, glycols
de peinture, colles premiers faits reconnus a été une relation entre l’exposition à des
Composés chlorés vapeurs de benzène et la leucémie. De même, les effets cancérigènes
du 1,3-butadiène ont été révélés. Il en a été de même avec des pro-
Textiles
duits utilisés dans la fabrication de polymères comme l’acrylonitrile
• Nettoyage . . . . . . . Perchloroéthylène ou le chlorure de vinyle. En réponse au risque potentiel que représen-
• Enduction . . . . . . . Aliphatiques, aromatiques tent les COV sur la santé, des normes de qualité d’air et des valeurs
guides ont donc été définies pour un certain nombre de produits vola-
• Impression . . . . . . Cétones, alcools, aromatiques tils [4]. Cependant, une mauvaise connaissance de la chimie de ces
Chimie, pharmacie Composés chlorés, cétones, alcools molécules liées aux maladies contractées implique une difficulté à
définir à la fois des valeurs limites, des seuils maximaux et des
• Formulation. . . . . . Mélanges complexes teneurs cumulées d’exposition. Des chiffres ont été cependant avan-
Agroalimentaire Composés chlorés, alcools, esters cés de 5 ppb en volume de concentration moyenne annuelle pour le
benzène ou de 1 à 2 ppb en volume pour le 1,3-butadiène sachant que
des prélèvements effectués en milieu urbain, en Angleterre, ont
donné des taux mesurés dans l’air de 1 à 2 ppb en volume pour le
benzène et de 0,2 à 0,6 ppb en volume pour le 1,3-butadiène [5].
La figure 2 rassemble quelques sources d’émissions de COV. On
a constaté que les carburants représentent des sources importantes Nota : 1 ppb en volume (partie par milliard en volume) signifie qu’il y a 1 mm3 du com-
qui ont fait l’objet d’une réduction notable dans la dernière posé X dans 1 m3 d’air.
décennie. En particulier, des systèmes de piégeage réduisant sen-
siblement les pertes dans l’atmosphère ont été mis en place dans Une étude [6] a été menée dans la région de Kanawha Valley en
les lieux de stockage de carburants, pour lutter contre les émissions Caroline du Sud (USA), région ayant une très forte concentration
diffuses dues à l’évaporation lors du remplissage des réservoirs ou d’usines de produits chimiques. Ce travail a fourni la preuve, à partir
du stationnement de véhicules. de données collectées quotidiennement, que l’exposition aux COV
était associée à une augmentation des symptômes des maladies
La nature des COV du secteur industriel est très variée mais des voies respiratoires supérieures et inférieures, à des maux de
peut être globalement déterminée (tableau 1). Les concentrations tête, à une irritation sensorielle et à des éruptions cutanées. Ainsi, si
rencontrées sont très variables suivant les domaines, évoluant dans l’on cite une étude de Bates [7], les COV provenant des activités liées
une large gamme de quelques centaines de milligrammes par mètre au pétrole (benzène, toluène, xylène, n-pentanal) sont en relation
cube à plusieurs grammes par mètre cube. Des concentrations de 5 avec des symptômes d’affectations des voies respiratoires et les
à 10 g · m−3 sont classiquement mesurées lors du dégraissage de COV émis par d’autres industries, comme le chloroforme, le chlorure
pièces métalliques alors que, pour l’application de peinture en de méthyle et de méthylène, sont associés à des irritations nasales
cabine, les valeurs varient de 20 à 500 mg · m−3 [1]. et oculaires.

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125
3

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G1836

Bilan massique des émissions


de COV
par Pierre LE CLOIREC
Professeur, Directeur honoraire de l’ENSCR Ecole Nationale Supérieure de Chimie
de Rennes, France

1. Définitions des COV – Sources industrielles ................................... G 1 836v2 - 2


2. Évolution des émissions de COVNM en France et par secteurs...... — 3 3
3. Éléments de réglementation ................................................................ — 3
4. Mesure des COV ...................................................................................... — 5
4.1 Échantillonnage........................................................................................... — 5
4.2 Mesure globale par détection à ionisation de flamme (FID) ................... — 6
4.3 Identification et quantification individuelle – Mesure ponctuelle ........... — 7
5. Plan de gestion des solvants ............................................................... — 7
5.1 Définition des flux ....................................................................................... — 7
5.2 Réalisation d’un plan de gestion des solvants simplifié.......................... — 7
5.3 Réalisation d’un plan de gestion des solvants complet .......................... — 8
5.4 Schéma de maîtrise des émissions ........................................................... — 9
6. Détermination d’un bilan matière COV d’une émission gazeuse.... — 10
7. Conclusion – Perspectives .................................................................... — 11
8. Glossaire .................................................................................................... — 11
9. Symboles et sigles .................................................................................. — 12
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. G 1 836v2

armi les molécules cibles responsables de la pollution atmosphérique, les


P composés organiques volatils (COV) font l’objet, depuis le début des
années 1990, d’attentions particulières. En effet, ces molécules émises naturel-
lement ou par le biais des activités humaines – qu’elles soient domestiques,
industrielles, agricoles ou dues aux transports – ont un impact fort sur la santé
humaine et/ou un effet sur l’environnement et en particulier sur la qualité de
l’air. Si certains COV peuvent provoquer, pour les populations sensibles
(enfants, femmes enceintes, personnes âgées), ou pour les ouvriers en contact
systématique avec des ambiances chargées en solvants, des maladies respira-
toires, voire des cancers, leur réactivité photochimique dans l’atmosphère a
également été démontrée. Ils sont ainsi responsables de réactions radicalaires
sous l’effet du rayonnement du soleil (UV) (conduisant en particulier au dérè-
glement du cycle de Chapman), en produisant des concentrations importantes
d’ozone dans la troposphère [G 1 700] [G 1 835] [J 3 928].
Une politique volontariste en matière de protection de l’environnement a
conduit les États à signer des conventions et des traités sur la qualité de l’air et
la pollution atmosphérique. La mise en application de ces engagements
internationaux a eu comme effet le contrôle et la diminution des rejets de com-
posés organiques volatils de manière régalienne par une législation sur les
émissions gazeuses. Les directives européennes donnant les objectifs de réduc-
tion des COVNM (COV non méthaniques) prévoient pour la France, de limiter
Parution : octobre 2022

les émissions à 901 kt avant 2029 et à 759 kt avant 2039. La réglementation

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Référence Internet
G1836

BILAN MASSIQUE DES ÉMISSIONS DE COV ______________________________________________________________________________________________

française (arrêté du 2 février 1998 modifié – dernière modification du


6 septembre 2021) impose concomitamment des concentrations maximales et
des flux massiques, par composés, dans les rejets gazeux. Pour engager une
politique de minimisation globale de COV sur un site industriel, la première
démarche indispensable est de déterminer les débits de rejet et d’effectuer une
identification et une quantification des COV mis en œuvre, autrement dit de
réaliser un bilan massique des COV.
Après des définitions, la présentation de l’évolution globale des rejets de
COVNM en France et quelques éléments de réglementation, cet article propose,
dans le cas d’émissions de COVNM, une démarche pour effectuer un bilan
matière simple. Deux approches sont favorisées :
– le plan de gestion des solvants (PGS) qui permet d’effectuer un recense-
ment des entrées et des sorties des solvants à l’échelle d’un site industriel ou,
pour les usines importantes, au niveau d’unités de fabrications spécifiques ;
– la qualification et la quantification des émissions canalisées provenant soit
3 d’une opération unitaire de fabrication, soit d’un ensemble de production dans
le cas d’une centralisation de rejets gazeux.
À partir de ce bilan matière et en comparaison avec la réglementation, une
minimisation à la source et/ou un traitement de purification peuvent être alors
envisagés et proposés.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire et un tableau des symboles et
des sigles utilisés.

1. Définitions des COV – nement est différente (effet de serre) par rapport aux COV qui ont
plus spécifiquement un impact sur la pollution photochimique. On
Sources industrielles parle alors de « composés organiques volatils non méthaniques »
(COVNM) ou parfois de façon un peu trop globale « d’hydrocarbures
non méthaniques » (HCNM).
■ On assimile souvent les COV à tout solvant volatil, or il existe
des définitions précises. La définition des composés organiques ■ On peut également qualifier les COV en fonction de leur utilisa-
volatils, dans sa version européenne, comprend deux critères qui tion ou de leur production in situ dans des activités industrielles ou
doivent être vérifiés concomitamment [1] [2] [3]. Elle s’applique agroalimentaires. On les trouve seuls ou en mélange complexe
aux molécules : comme solvants, dégraissants, dissolvants, conservateurs, agents
de nettoyage, disperseurs, émulsifiants…, ils sont émis lors de
– contenant, à l’état de gaz ou de vapeur, des atomes de carbone réactions chimiques et d’opérations de séparation ou de purifica-
et d’hydrogène pouvant être substitués par d’autres hétéroatomes tion [3]…
comme de l’oxygène, de l’azote, du soufre, des halogènes (chlore
et fluor en particulier) ; Le tableau 1 regroupe quelques COV présents dans divers
– possédant une pression de vapeur saturante supérieure à 10 Pa secteurs de l’industrie. Les grandes familles des molécules sont
(0,075 mmHg) à la température de T = 20 oC et à la pression atmos- représentées. On retrouve ainsi des composés de faibles poids
phérique (P = 1,013 · 105 Pa) [1] [4] [G 1 700] [J 3 928]. moléculaires (chaînes courtes) aliphatiques ou aromatiques
pouvant être substitués par des fonctions alcools, aldéhydes,
■ Dans certains pays anglo-saxons, on définit aussi les COV en cétones, acides organiques ou esters. L’utilisation de solvants
fonction de leur aptitude à réagir dans l’atmosphère (suivant des plus spécifiques (soufrés ou azotés par exemple) induiront des
réactions radicalaires) avec des radicaux libres du type hydroxyles émissions de COV odorants. C’est aussi le cas des réactions de
(OH•) par exemple, initiés par le rayonnement solaire (rayonne- fermentation qui peuvent produire des molécules organiques
ment UV, en particulier). Aussi, en 1986, l’agence américaine de odorantes du type mercaptans (R—SH), amines (R—NH2 et
protection de l’environnement (USEPA : United State Environmen- ) ou encore des acides gras volatils (R—CO2H) qui,
tal Protection Agency) a défini les COV comme toutes substances généralement en mélange, génèrent en plus des nuisances
carbonées (excepté le monoxyde de carbone (CO), le dioxyde de olfactives [6] [G 2 971]. Sur les sites industriels, les débits des
carbone (CO2), les acides carboniques R-CO2H), les carbures métal- émissions de COVNM sont généralement de quelques milliers de
liques (MCn) et carbonates métalliques, et les carbonates m3.h–1 les concentrations sont de quelques mg.m–3 à quelques
d’ammonium) qui participent aux réactions photochimiques de dizaines de g.m–3 [3] [4].
l’atmosphère. Utilisant cette approche, une liste de 318 molécules
considérées comme des COV a alors été dressée [3] [5].
À retenir
Quelques restrictions aux définitions précédentes peuvent être
émises. Ainsi, le méthane est exclu de la quantification réglemen-
taire des COV du fait de sa provenance de sources différentes – Les composés organiques volatils ont une pression de
(principalement agricoles, élevage et émissions naturelles comme vapeur saturante supérieure à 10 Pa.
les volcans), de flux importants émis dans l’atmosphère et d’une – Les COV sont généralement des solvants seuls ou en
comptabilisation spécifique. En outre, son influence sur l’environ- mélange.

G 1 836v2 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

128
Référence Internet
G1836

______________________________________________________________________________________________ BILAN MASSIQUE DES ÉMISSIONS DE COV

continue de 68 %. Les objectifs fixés par les directives euro-


Tableau 1 – Quelques COV rencontrés péennes (Göteborg, NECD) sont dépassés (NECD : National Emis-
dans divers secteurs industriels sion reduction Commitments Directive ou en français, Directive sur
les engagements nationaux de réduction des émissions). On peut
Composés organiques penser raisonnablement qu’avec un effort continu, les prochaines
Secteurs d’activités
volatils rencontrés échéances 2030 – 2038 (objectifs NECD-2 et Prepa) seront atteintes
(figure 1) (Prepa : Projet de plan national de réduction des Émis-
Chimie, pharmacie, Composés chlorés, cétones, alcools sions de Polluants Atmosphériques). Une évolution par secteurs
cosmétique Formulation, mélanges complexes d’activité est présentée sur la figure 2. Tous les secteurs ont réussi
à réduire de façon significative leurs émissions. Il convient de
Fabrication de produits Alcools, éthers, esters remarquer, cependant, qu’en agriculture/sylviculture la décrois-
parapharmaceutiques Composés chlorés (solvants) sance est moins marquée du fait de la prise en compte des émis-
sions naturelles des arbres tels que les pins.
Benzène, toluène (composés Rapportées au nombre d’habitant, les émissions en France étaient
Pétrochimie aromatiques substitués), esters, en 1990 de 50,870 kg COVNM/hab/an et de 14,734 kg COVNM/hab.an
hydrocarbures saturés et insaturés en 2019. De même dans l’Union Européenne (UE – 27), on note une
décroissance de 33,735 kg COVNM/hab.an en 1990 à 12,58 kg
Imprimerie Toluène, éthanol COVNM/hab.an en 2019. Malgré ces résultats notables, les rejets

Impression
Esters (acétate d’éthyle), cétones
(acétone, méthyléthylcétone,
de COV sont encore trop élevés et les entreprises, notamment,
sont sommées de poursuivre leurs efforts.
Cette baisse continue et les objectifs ambitieux à venir sur les
3
sur emballage méthylisobutylcétone), alcools niveaux d’émissions de COVNM doivent s’accompagner d’une
(méthanol, éthanol) approche rigoureuse du suivi des pollutions émises tant au niveau
national qu’au niveau des sites émetteurs particuliers. Un bilan
Traitement de surface : massique des COV est alors nécessaire à réaliser localement, afin
– Dégraissage – Composés chlorés (dichloro- de qualifier et de quantifier les postes émetteurs avant de mettre
méthane, trichloroéthylène, en œuvre une réduction des émissions de COV à la source ou par
perchloréthylène) un procédé de traitement.
– Peinture – Aromatiques, alcools, composés
aliphatiques (hydrocarbures
en mélange), glycols À retenir

Fabrication Aromatiques, esters – Du fait des accords internationaux et de la législation fran-


de peintures, colles Composés chlorés (solvants) çaise, une baisse importante des émissions de COV est relevée.
– Les objectifs d’émissions fixés pour 2028 et 2038 devraient
Textiles : être atteints.
– Les données par années et par secteur d’activité sont publiées
– Nettoyage Pressing – Perchloréthylène par le CITEPA suivant le format SECTEN.
– Enduction – Aliphatiques, aromatiques
– Impression – cétones, alcools, aromatiques

Agroalimentaire (friture,
plats cuisinés,
Alcools, esters, cétones, aldéhydes,
acides gras volatils
3. Éléments
boissons…)
de réglementation
L’évolution de la législation en matière de prévention de pollu-
2. Évolution des émissions tion atmosphérique a été importante ces dernières années du fait
de la mise en application effective des traités internationaux (§ 2).
de COVNM en France Issus de directives européennes (en particulier de la directive 1999/
13/CE du Conseil de l’Union européenne du 11 mars 1999), le texte
et par secteurs majeur concernant la réglementation française des rejets gazeux
industriels est l’arrêté du 2 février 1998 modifié, Journal officiel
du 3 mars 1998 (dernière mise à jour des données de ce texte :
La France, via la ratification de traités internationaux (Kyoto, Rio, 06 septembre 2021), relatif aux prélèvements et à la consommation
Genève, Göteborg…), s’est engagée à diminuer les rejets de COV d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations
dans l’atmosphère. Cette maîtrise des émissions gazeuses chargées classées pour la protection de l’environnement soumises à autori-
de COV demande une vue globale de l’évolution des émissions sur sation. Dans les annexes II à VI, des listes de composés organiques
un territoire donné. En France, le CITEPA (Centre Interprofessionnel faisant l’objet d’une réglementation spécifique en termes de concen-
Technique d’Etudes de la Pollution Atmosphérique) a en charge la trations et de flux massiques d’émission à l’atmosphère sont préci-
réalisation technique des inventaires nationaux des émissions de sées. Ce texte a été modifié plusieurs fois jusqu’au 6 septembre 2021.
polluants atmosphériques pour le Ministère de la Transition Écolo-
Le tableau 2 tente de résumer ces textes en indiquant les
gique, conformément à la directive NEC sur les plafonds nationaux
concentrations à ne pas dépasser dans les rejets gazeux atmo-
d’émissions (2016/2284/EU). Un rapport annuel de référence est
sphériques [4]. Il faut cependant être très vigilant sur la spécificité
édité selon un format SECTEN (SECTeur émetteur et ENergie) sur
de certains polluants (tableau 3), qui font l’objet de valeurs parti-
les polluants atmosphériques et en particulier sur les COVNM. Ces
culières en fonction de leur classification. Il est aussi à noter que
données sont accessibles à tous sur le site [https://www.citepa.org/
certaines activités industrielles font l’objet d’arrêtés spécifiques
fr/secten/] [5].
par branches (verres, équarrissage, polymères, énergie…). On se
Pour les COVNM, tous secteurs confondus, les émissions sont reportera à la liste non exhaustive des textes législatifs cités en
passées de 2 890 kt en 1988 à 953 kt en 2020, soit une baisse référence [7] [8] [9] [10] [11].

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés G 1 836v2 – 3

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Référence Internet
G1836

BILAN MASSIQUE DES ÉMISSIONS DE COV ______________________________________________________________________________________________

3 500

3 000

2 500
Émission COVNM (kt.an–1)

Genève
2 000

1 500

3 1 000
Göteborg 1 NECD-2
Göteborg 2
NECD
Prepa (LTE) NECD-2 & Prepa (LTE)
500

0
1988 1998 2008 2018 2028 2038
Année

Figure 1 – Évolution des émissions de COVNM en France entre 1988 et 2020 et rappel des objectifs en accord avec les traités internationaux et
les directives européennes (adapté des données SECTEN – CITEPA) [5]

– 66,9 %
Émissions totales

– 93,9 %
Transports

– 11,7 %
Agriculture/sylviculture

– 63,7 %
Industrie manufacturière

Déchets (centralisé) – 11,1 %

 – 63,0 %
Résidentiel tertiaire

– 88,4 %
Industrie énergie

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000

2019 1990 kt

Figure 2 – Évolution des émissions de COVNM en France entre 1990 et 2020 par secteur d’activité (adapté des données SECTEN – CITEPA) [5]

G 1 836v2 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

130
Référence Internet
IN23

INNOVATION

Traitement de l’air chargé en COV


par adsorption-électrodésorption
par Albert SUBRENAT et Pierre LE CLOIREC

Les composés organiques volatils (COV) sont des polluants dont l’émission
par l’industrie est réglementée. Ce système de traitement de l’air est basé 3
sur l’adsorption par des tissus de carbone activé. Les filtres sont régénérés
par chauffage électrique.

des applications optimales en fonction des


Albert SUBRENAT est chargé de recherche à contraintes appliquées. Aussi, il convient de proposer
l’École des mines de Nantes. des technologies spécifiques innovantes plus en adé-
Albert.Subrenat@emn.fr quation avec les problèmes à régler.
Pierre LE CLOIREC est professeur à l’École Les objectifs de ces travaux de recherche et de
des mines de Nantes. Il y dirige le département développement sont de mettre à disposition un pro-
systèmes énergétiques et environnement. cédé de traitement des émissions chargées en COV
de mise en œuvre et de fonctionnement aisés. Le
système est basé sur l’adsorption par des tissus de
1. Cadre réglementaire carbone activé et la régénération des filtres par
chauffage électrique.
et objectifs
Pour une approche globale du procédé, les tissus
L’élimination des composés organiques volatils de carbone activé, la mise en œuvre d’un module
(COV) est devenue une des priorités dans la lutte des adsorbant régénérable et enfin un exemple d’instal-
émissions gazeuses polluantes. En effet, ces compo- lation industrielle de traitement d’air chargé en COV Citepa
sés sont impliqués dans l’effet de serre ou le dérègle- seront présentés tour à tour. http://www.citepa.org
ment du cycle de Chapman (voir [J 3 928]) donnant
des concentrations anormales d’ozone dans l’air. La
Actitex
France a signé des traités internationaux sur la Ce travail résulte d’un partenariat entre l’École http://www.pica.fr
réduction de la pollution atmosphérique et en parti- des mines de Nantes et les sociétés Actitex (Yves Sofrance
culier sur la réduction des composés organiques Debayles), Sofrance (Christophe Devillers et Guy http://www.sofrance.com
volatils [1]. Le Centre interprofessionnel technique Pouquet) et Air Liquide (Jean-Marie Disdiers). Air Liquide
d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) http://www.airliquide.com
effectue le bilan annuel des émissions de COV et met
à jour régulièrement l’évolution des rejets de pol-
luants dans l’atmosphère. Ainsi, entre 1988 et 2001, 2. Un matériau adsorbant
les émissions de COV non méthaniques (COVNM) original : les tissus
dans l’air en France métropolitaine sont passées de
2 706 000 t/an à 1 674 000 t/an, soit une réduction de carbone activé Les familles de COV
globale de 38 % environ. En 2001, les rejets indus-
Solvants chlorés :
triels ont représenté environ 30 % du total. La régle- Parmi les matériaux adsorbants utilisables pour dichlorométhane,
mentation récente impose des mesures drastiques l’élimination des composés organiques volatils, le perchloroéthylène.
quant à la réduction des COVNM rejetés par les éta- charbon actif est généralement utilisé sous forme de Aromatiques : toluène,
benzène, xylène,
blissements classés (voir les textes réglementaires grains ou de bâtonnets extrudés. Ces solides poreux éthylbenzène.
en fin d’article). En outre, de nombreux secteurs garnissent des colonnes qui sont régénérées habi- Aliphatiques :
mettant en œuvre des solvants (chimie, pétrochimie, tuellement par de la vapeur d’eau ou par un autre mélanges
extraction et distribution de combustibles, pharma- gaz chaud [G 1 770]. Récemment, des fibres de d’hydrocarbures.
Esters : acétate
cie, traitement de surface, dégraissage, imprimerie, charbon actif sous forme de tissu (figure 1) ou de d’éthyle.
nettoyage à sec, peinture...) doivent mettre en place feutre ont été produites industriellement. Du fait de Cétones : acétone,
des procédés pour réduire leurs émissions polluan- l’application visée, il convient dans un premier temps méthyléthylcétone
Parution : octobre 2004

(MEK).
tes. S’il existe actuellement des traitements, comme de définir finement leurs caractéristiques phy- Aldhéhydes :
l’oxydation thermique, la biofiltration, la condensa- sico-chimiques et électriques. Dans un second formaldéhyde,
tion, le lavage de gaz [1] [G 1 700], il faut noter temps, les propriétés d’adsorption vis-à-vis de COV acétaldéhyde.
qu’aucun système n’est universel et que chacun a sont déterminées.

10-2004 © Techniques de l’Ingénieur IN 23 - 1

131
Référence Internet
IN23

INNOVATION

Sur le traitement viscose (rayonne) ou encore polyacrylonitrile (PAN)


de l’air et les COV : puis activation. Cette dernière étape consiste en une
Introduction aux traite- oxydation sous CO2 ou vapeur d’eau à haute tempé-
ments de l’air [G 1 700] rature (entre 800 et 1 200 oC), permettant de déve-
de P. Le Cloirec
lopper une porosité interne des fibres et une surface
L’adsorption en traite-
ment de l’air [G 1 770] spécifique importante, siège de l’adsorption des
de P. Le Cloirec composés à transférer. Selon la nature du précurseur
Techniques de dépollu- et les conditions opératoires de fabrication, il est pos-
tion des rejets atmos- sible d’obtenir une gamme de matériaux adsorbants
phériques industriels relativement large, se distinguant par leur texture,
[J 3 920] de J. Raguin
Procédés de traitement
leur structure poreuse et leur surface spécifique. Ces
des COV ou composés propriétés sont importantes en termes de capacités
organiques volatils d’adsorption, de pertes de charge en système dyna-

3
[J 3 928] de N. Soltys mique, ainsi que de propriétés électriques. Ces
Inventaire des textes quelques caractéristiques sont ainsi rassemblées
réglementaires relatifs à
l’air [GR 520] de Figure 1 – Rouleau de tissu de carbone activé dans le tableau 1, pour différents tissus commer-
Y. Pitoun (doc. Actitex) ciaux de la société Actitex.
Droit de l’air : cadre Ainsi, il existe une grande variété de tissus aux
international et commu-
nautaire [G 1 510] de propriétés macroscopiques différentes (mode de
L. Prat tissage, épaisseur, grammage), essentiellement liées
Déchets et risques pour aux caractéristiques de perte de charge, ainsi que
la santé [G 2 450] de physico-chimiques (structure poreuse, surface spéci-
G. Keck et E. Vernus
fique, chimie de surface, résistivité électrique) dues
au mode de fabrication. Le choix d’un tissu se fait
donc en fonction du composé à adsorber et du cahier
des charges imposé.

2.2 Caractéristiques électriques


Ces tissus étant essentiellement composés de
carbone (à plus de 99 % en masse), ils se compor-
tent d’un point de vue électrique comme des maté-
riaux conducteurs classiques. La résistance
électrique d’une pièce de tissu dépend de la nature
du matériau, de sa géométrie et de ses dimensions.
Elle est donnée par la relation classique :
a tissu ρ L
R = ----- -----
e ᐉ
avec ρ la résistivité électrique du matériau
(Ω · m),
R la résistance électrique de la pièce de tissu
(Ω),
e l’épaisseur du matériau (m),
L la longueur de la pièce de tissu (m),
ᐉ la largeur de la pièce de tissu (m).
De plus, cette résistance électrique varie avec la
température (figure 3). Elle décroît au fur et à
mesure que la température augmente suivant une loi
linéaire [3] :
R (T )
----------------- = 1 + α 0 冠 T – T 0 冡
R0
b fibre
avec R (T) la résistance électrique à la température
T (Ω),
Figure 2 – Textile de carbone activé (WWP-3)
R0 la résistance électrique à la température
T0 (Ω),
2.1 Caractéristiques physico-chimiques α0 le coefficient thermique à la température
T0 (K–1),
Les tissus de carbone activé sont des adsorbants
dont l’aspect est celui d’un textile classique, composé T la température moyenne de la pièce de
de fils tissés ou tricotés, eux-mêmes faits de fibres tissu (K),
multilobées [2] d’environ 10 µm de diamètre T0 = 273,15 K.
(figure 2). Ainsi, la caractérisation électrique des tissus et la
Ces matériaux sont généralement obtenus par car- connaissance de leur comportement permet de pré-
bonisation d’un tissu précurseur synthétique de type voir et de contrôler le chauffage électrique de ces

IN 23 - 2 © Techniques de l’Ingénieur 10-2004

132
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IN23

INNOVATION

Tableau 1 – Caractéristiques physico-chimiques de différents tissus


de carbone activé
Nom commercial (1) RS-1301 WRH-18 WWP-3 WKL-20

Précurseur.......................................................... Viscose Viscose Viscose Viscose

Armure .............................................................. Satin de 3 (2) Tricoté Tissé Tricoté

Procédé d’activation ............................................. H2O CO2 CO2 CO2


Trame (3) 20 50 14 50

3
Texture ................................. (fils/cm)
Chaîne (3) 12 50 14 50
Trame (3) 7,4 7,5 16,3 7,5
Diamètre des fibres ......................(µm)
Chaîne 6,7 3,8 11,0 4,2
(3)
Grammage ............................(g · m–2) 220 130 130 125

Épaisseur .................................. (mm) 0,61 0,41 0,47 0,42

SBET (4) .............................. (m2 · g–1) 1 461 790 873 784

Volume microporeux (5).......(cm3 · g–1) 0,506 0,310 0,435 0,310

Volume mésoporeux (6) .......(cm3 · g–1) 0,237 0,020 0,108 0,020

Volume poreux total ............(cm3 · g–1) 0,743 0,330 0,543 0,330

Volume microporeux ......................(%) 68,1 94,0 80,1 94,0

Diamètre médian des pores ............. (Å) 7,3 7,0 3,6 7,0
(1) Les noms commerciaux sont liés au mode de tissage et à la surface spécifique.
(2) Mode de tissage.
(3) Les fils de trame sont les fils perpendiculaires aux lisières du tissu ; les fils de chaîne y sont parallèles.
(4) Il s’agit de la surface spécifique mesurée par la méthode classique Brunnauer - Emmet - Teller.
(5) Pores de diamètre inférieur à 20 Å.
(6) Pores de diamètre compris entre 20 et 500 Å.

matériaux, et d’utiliser cette technique comme mode vitesse de balayage en gaz vecteur. Celui-ci sert alors
de désorption. De plus, la forme textile et la qualité uniquement à transporter les molécules désorbées.
de fabrication de ces matériaux donnent un chauf- Ainsi, la durée des régénérations est réduite
fage homogène (figure 4), et donc une régénération (quelques dizaines de minutes), la concentration du
rapide et efficace de l’adsorbant [4]. désorbat élevée et son volume faible [5]. Lorsque
L’étude et la caractérisation de l’ensemble de ces l’on dimensionne des systèmes de traitement en
paramètres permettent de concevoir, d’adapter et de continu sur deux adsorbeurs alternant des phases
prévoir le comportement électrique de filtres indus- d’adsorption et de régénération, la réduction de la
triels, ainsi que leurs conditions opératoires de régé- durée de régénération s’accompagne donc d’un gain
nération. sur la quantité d’adsorbant mise en œuvre.

2.3 Régénération par chauffage 2.4 Propriétés d’adsorption


électrique direct vis-à-vis des COV
La régénération par chauffage électrique intrin-
sèque des tissus permet de fournir l’énergie néces- Les tissus de carbone activé ont de bonnes proprié-
saire à la désorption en limitant les transferts tés d’adsorption vis-à-vis d’une large gamme de sol-
thermiques intermédiaires. La désorption de la plu- vants. Les vitesses d’adsorption sont très rapides, en
part des COV utilisés dans l’industrie peut être obte- raison des grandes surfaces d’échange externe dues Le tissu de carbone
activé se comporte
nue à des températures comprises entre 60 et à la structure fibreuse du matériau. Ainsi, les cinéti- comme une résistance
150 oC. De plus, la montée en température du maté- ques de transfert externe sont élevées, 5 à 10 fois et chauffe par passage
d’un courant électrique.
riau est très rapide en raison de sa faible inertie plus rapides qu’avec des grains (figure 5a ). Les Il est à la fois l’adsor-
thermique (2 à 5 o C · s –1 pour une configuration capacités d’adsorption sont elles aussi élevées, avec bant et le système de
chauffage nécessaire à
industrielle). Cette technique de chauffage permet la particularité d’être conséquentes dès les faibles la désorption.
aussi de découpler le chauffage de l’adsorbant de la concentrations (figure 5b).

10-2004 © Techniques de l’Ingénieur IN 23 - 3

133
3

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Référence Internet
J3945

Traitement des COV par un procédé


hybride adsorption-ozonation

par Marie-Hélène MANÉRO


Docteur-ingénieur, Professeur des universités
Laboratoire génie chimique, Toulouse, France
Pierre MONNEYRON

et
Docteur-Ingénieur, Maître de conférences, IM2I, Bordeaux, France
Nicolas BRODU 3
Docteur-Ingénieur
Laboratoire GEPEA, Saint-Nazaire, France

Cet article est la version actualisée de l’article [IN 34] intitulé « Traitement sélectif de l’air
industriel pollué en COV par un procédé hybride adsorption-ozonation » redigé par
Marie-Hélène MANÉRO et Pierre MONNEYRON et paru en 2005.

1. Contexte réglementaire et technologique : objectifs ................. J 3 945 - 2


1.1 Composés organiques volatils................................................................. — 2
1.2 Techniques de traitement......................................................................... — 3
2. Montage d’une unité de traitement
par adsorption-ozonation.................................................................... — 4
1.2 Principe de fonctionnement ..................................................................... — 3
2.2 Choix des matériaux adsorbants ............................................................. — 4
2.3 Prototype expérimental ............................................................................ — 4
3. Essais de purification d’air chargé en COV ................................... — 6
3.1 Interaction ozone/zéolithes....................................................................... — 6
3.2 Étude du cycle adsorption/ozonation ...................................................... — 7
3.2.1 Faisabilité du procédé...................................................................... — 7
3.2.2 Influence de la structure de la zéolithe
sur la performance du procédé ..................................................... — 8
3.2.3 Exemple d’oxydation sélective ....................................................... — 8
4. Conclusion. Perspectives.................................................................... — 9
5. Glossaire .................................................................................................. — 9
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 3 945

armi les nombreux polluants identifiés dans les problématiques de pollu-


P tions atmosphériques, on trouve les composés organiques volatils (COV).
Ce sont des composés qui sont naturellement à l’état gazeux ou qui s’éva-
porent facilement à température et pression ambiante. Trente-six pour cent
des émissions de COV proviennent de l’industrie manufacturière, essentiel-
lement du fait de l’utilisation de solvants, dégraissants, conservateurs...
Les nuisances occasionnées par ces émissions peuvent être directes (risques
toxicologiques) et indirectes (pollution photochimique). Afin de lutter contre
ces pollutions, un certain nombre de protocoles, de directives et de lois ont été
mis en place au niveau international, européen et national. Ainsi, les acteurs
Parution : septembre 2016

des différents secteurs industriels concernés ont fait des efforts importants
pour diminuer l’utilisation de solvants et pour favoriser les opérations de recy-
clages des COV. Mais l’approche de type « technologie propre » ne suffit pas
toujours et souvent il est nécessaire de capter ces rejets et de les traiter.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 3 945 – 1

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Référence Internet
J3945

TRAITEMENT DES COV PAR UN PROCÉDÉ HYBRIDE ADSORPTION-OZONATION _________________________________________________________________

Les techniques de traitement classiques disponibles sur le marché sont clas-


sées en deux familles :
– les procédés dits « récupératifs », comprenant les procédés par
absorption, adsorption, condensation et les procédés membranaires ;
– les procédés dits « destructifs », comprenant les oxydations ther-
miques et catalytiques, les traitements biologiques, les procédés
photocatalytiques et l’absorption avec réaction chimique.
Le choix d’un traitement adéquat dépend de nombreux facteurs : le débit et
la concentration en COV, la nature des molécules, la complexité du mélange et
bien sûr du coût de sa mise en place et de son utilisation. Ces procédés se
heurtant souvent à des limitations, technologiques ou économiques, de nou-
veaux procédés émergent. Ainsi, les procédés d’oxydation avancée (POA) font
l’objet de recherches accrues depuis quelques années. Leur but est de créer
des espèces oxydantes (oxygène atomique, radicaux hydroxyles...) très réac-
tives et peu sélectives par rapport à la nature des COV. L’ozone peut être une
3 source de ces espèces oxydantes.
Le procédé développé ici est un procédé hybride, associant le couplage de
deux techniques – l’adsorption sur zéolithes et l’oxydation par ozone – en
un seul et même réacteur, à pression et température ambiantes. Le choix de
l’adsorbant s’est porté sur des zéolithes du fait de leur stabilité chimique et
thermique. Plus précisément, des zéolithes hydrophobes ont été choisies afin
de s’affranchir des problèmes d’humidité des effluents à traiter. Lors de la
phase d’adsorption, les COV sont piégés en continu dans la matrice poreuse
constituée par des zéolithes. Un courant d’air ozoné est envoyé séquentielle-
ment dans le réacteur pour oxyder les COV adsorbés et régénérer le matériau.
L’oxydation étant réalisée à température ambiante, la formation de sous-pro-
duits toxiques tels que les oxydes d’azote et les dioxines peut être évitée. Tous
les types de composés organiques volatils peuvent a priori être traités par ce
procédé. Les secteurs d’activité concernés sont donc tous les secteurs utilisa-
teurs de COV avec des émissions plus ou moins diffuses : application de
peintures ou revêtements, colles, adhésifs, imprimeries, utilisateurs de pompes
à vide à anneau liquide, évents, pertes...
Le procédé devrait être relativement compact et pourrait donc s’adapter dans
les ateliers où la surface au sol est limitée. Enfin, sa simplicité et son automati-
sation potentielle constituent des critères intéressants pour une mise en place
industrielle.
Cet article rappelle dans un premier temps la problématique des COV, le
contexte réglementaire international, les directives en cours en France et l’état
de l’art technologique actuel. Dans un deuxième temps, le procédé de traite-
ment est développé : son principe théorique et technique et les différents
solides testés. Enfin, les résultats des essais en laboratoire sont détaillés : les
interactions entre l’oxydant et les différentes matrices poreuses, la sélectivité
du traitement et le fonctionnement en séquences adsorption puis ozonation.
Une estimation du coût de traitement est finalement présentée.

Symbole Unité Description 1. Contexte réglementaire


COV Composé organique volatil et technologique :
kg/m3
DCO
FAU
Demande chimique organique
Zéolithe du type faujasite
objectifs
MEC Méthyléthylecétone

MIN %
Efficacité de minéralisation 1.1 Composés organiques volatils
du toluène en CO2
MOR – Zéolithe du type mordenite La réduction de la pollution atmosphérique, devenue une problé-
matique internationale depuis une trentaine d’années, a fait l’objet
Sil-Z – Zéolithe du type silicalite de plusieurs protocoles [G 1 700].

J 3 945 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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J3945

__________________________________________________________________ TRAITEMENT DES COV PAR UN PROCÉDÉ HYBRIDE ADSORPTION-OZONATION

ment français a mis en place la taxe générale sur les activités


Protocoles polluantes (TGAP) en 2000. Pour les émissions de COV, elle
– Convention-cadre de Genève en 1991 s’élève à 139,57 € par tonne en 2015. Notons que d’autres pays
– Convention-cadre de Rio de Janeiro en 1992 ont mis en place des taxes plus onéreuses, ainsi en Suisse la taxe
avoisine 2 700 € par tonne.
– Protocole de Kyoto en 1997
– Protocole de Göteborg en 1999 (modifié en 2012)
Exemples de COV
Parmi les principaux types de polluants identifiés se trouvent les
composés organiques volatils (COV) dont les effets directs Chlorés (chlorure de méthylène, perchloréthylène) :
(cancérigènes ou mutagènes) et indirects sur l’environnement et la dégraissage des métaux, imprimerie, nettoyage à sec.
santé sont unanimement reconnus. Ainsi, ces composés sont forte-
Hydrocarbures aromatiques (toluène, benzène) : plastiques,
ment susceptibles de conduire à la formation d’ozone à travers la
imprimerie, peintures.
modification du cycle de Chapman [1].
Hydrocarbures aliphatiques (heptane, octane) : pétro-
chimie, peintures.

D’après l’arrêté ministériel français du 2 février 1998 modifié,


est défini comme COV non méthanique (COVNM) « tout
composé organique ayant une pression de vapeur de 0,01 kPa
Cétones et aldéhydes (formaldéhyde, acétaldéhyde) :
colles et adhésifs, peintures. 3
Esters (acétate d’éthyle) : films et emballages.
ou plus à une température de 293,15 K ou ayant une volatilité
correspondante dans des conditions d’utilisation
particulières ».

1.2 Techniques de traitement


La réglementation nationale et internationale ne cesse de se
durcir [G 1 510] et le protocole en vigueur (Göteborg amendé en Deux grandes familles de procédés existent sur le marché actuel :
2012) engage la France à réduire ses émissions de COVNM de
43 % en 2020 par rapport à 2005. Afin d’atteindre cet objectif, la – d’une part les procédés destructifs, conduisant à une oxyda-
France impose aujourd’hui une limite de rejet exprimée en car- tion totale ou partielle des composés (épuration biologique, oxyda-
bone organique total de 110 mg/m3 pour tout flux horaire supé- tion thermique et catalytique) ;
rieur à 2 kg/h. La concentration limite peut être abaissée jusqu’à – d’autre part les procédés permettant la récupération éven-
2 mg/m3 pour certains composés cancérigènes et affinée dans le tuelle du composé (adsorption, absorption, condensation et tech-
cas d’activités polluantes identifiées. Un bilan annuel des émis- niques membranaires), dans le cas d’un effluent monosolvant,
sions de COVNM est effectué par le Centre interprofessionnel tech- puisque les effluents multicomposés se heurtent au problème de la
nique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA), en séparation [1] [J 3 918].
fonction de différentes sources et de différents secteurs industriels.
Ce bilan montre que les émissions en COV ont globalement dimi- Les techniques qui s’adaptent bien aux faibles concentrations
nué de 73 % depuis 1990 passant de 2 600 à 758 kt en 2013. Le sec- sont peu nombreuses. L’adsorption en fait partie, présentant égale-
teur des transports, largement prépondérant en 1990 avec plus de ment l’avantage d’être peu sensible aux variations de débit et à la
40 % des émissions, a fortement réduit ses rejets par une politique nature des composés [1] [2]. La mise en œuvre industrielle d’un
de contrôle au niveau des flux d’approvisionnement, mais égale- procédé d’adsorption se fait classiquement à l’aide de deux
ment par la généralisation de l’usage du pot catalytique des contacteurs en parallèle pour avoir un traitement continu de
automobiles individuelles. Les secteurs résidentiel et industriel, l’effluent pollué [J 2 730]. Ce procédé donne de bons résultats,
avec notamment l’industrie manufacturière de la peinture et des mais le développement de son utilisation est parfois contraint par
solvants, sont aujourd’hui les principales sources de rejets avec deux aspects :
respectivement 300 et 242 kt/an. Des efforts de réduction doivent – le matériau le plus utilisé, le charbon actif, est potentiellement
être poursuivis dans ces secteurs pour atteindre les objectifs fixés inflammable (au-delà de 150 g/m3) et son efficacité d’adsorption
par la réglementation. est sensiblement perturbée par l’humidité de l’effluent [3] ;
– la régénération du matériau adsorbant par désorption induit
des dépenses énergétiques importantes, les méthodes actuelles
étant l’utilisation de fluides chauds (air chaud ou vapeur d’eau sur-
Pour en savoir plus sur les COV, la réglementation des pol- chauffée – à raison de 3 à 5 kg de vapeur par kg de COV en
luants atmosphériques, consulter les articles [G 1 700] moyenne) et la mise en dépression de la colonne puis surpression
[J 3 921] [G 1 835] [G 1 836] [G 1 510] ainsi que le site internet [IN 23] [J 3 930].
de la CITEPA, de l’ADEME et du ministère de l’écologie et du
développement durable.
Différentes méthodes de traitements des COV sont détaillées
dans les articles [BE 8 856] [G 1 170] [G 1 835] [J 2 730]
L’annexe III de l’arrêté 2 du 2 février 1998 modifié, dresse la liste [J 3 918] [J 3 921] [P 2 614].
de certains composés organiques cancérigènes qui font l’objet
d’un régime particulier. Les composés halogénés classés cancéri-
gènes, mutagènes ou toxiques (phrases de risque apposées, R 45, La conception et la faisabilité d’un procédé basé sur l’utilisation
R 46, R 49, R 60 ou R 61 ) sont également soumis à une réglementa- conjointe de deux techniques, l’adsorption et l’oxydation par
tion spécifique. l’ozone en voie gazeuse, a été évaluée pour réduire les émissions
de COV issus des rejets de petites et moyennes installations, pour
Afin d’inciter les industriels à réduire leurs émissions polluantes des débits inférieurs à 5 000 m3/h et de faibles concentrations (de
en utilisant notamment des procédés de traitement, le gouverne- l’ordre du g/m3).

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3

138
Traitements de l'air
(Réf. Internet 42600)

1– Introduction

2– Procédés généraux de traitement

3– Traitement de composés
4
4– Traitements par secteur d'activité Réf. Internet page

Équarrissage  : traitement des émissions gazeuses G1905 141

Mesures et traitements de polluants de l'air en agroalimentaire G1920 145

Émissions gazeuses et traitement de l'air en compostage G1925 149

Qualité de l'air et automobile. Statut sur la qualité de l’air dans les grands centres BM2502 153
urbains
Qualité de l'air et automobile. Technologies pour limiter l'impact sur la qualité de l'air BM2503 161

Prévention et traitement des odeurs des effluents vinicoles G1960 167

Les aérosols microbiens dans l'air du temps : le point sur la microbiologie de l'air G1988 171
intérieur

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139
4

140
Référence Internet
G1905

Équarrissage : traitement
des émissions gazeuses

par Jacques BOURCIER


Directeur AIRTéA Ingénierie

1. Identification du contexte ..................................................................... G 1 905 - 2


1.1 Une activité extrêmement encadrée .......................................................... — 2
1.2 Recensement des sous-produits carnés .................................................... — 2
1.3 Description succincte des filières de transformation ............................... — 2

4
1.4 Problématiques rencontrées....................................................................... — 4
2. Aspect réglementaire ............................................................................. — 5
3. Solutions préventives d’atténuation des sources........................... — 5
4. Traitement des émissions gazeuses par solutions curatives....... — 5
4.1 Bonnes pratiques élémentaires en aéraulique.......................................... — 5
4.2 Principes d’équilibrage des réseaux de captage....................................... — 7
4.3 Ouvrages aérauliques de collecte des effluents gazeux........................... — 8
4.4 Choix de la filière de désodorisation des effluents gazeux...................... — 9
Références bibliographiques ......................................................................... — 12

es émissions odorantes constituent une des préoccupations environnemen-


L tales importantes. Plus que d’autres, certaines industries présentent diverses
incommodités. Par ailleurs, le développement de certaines activités est une néces-
sité lorsqu'elles sont une réponse à une problématique de sécurité publique ou
de salubrité. Les métiers de traitement des sous-produits carnés issus de l’élevage
ou de l’industrie agroalimentaire entrent dans ce cadre. Ces activités sont poten-
tiellement émettrices d’émissions gazeuses occasionnant une gêne olfactive. La
filière française est largement concentrée, puisque deux groupes industriels se
partagent deux tiers de la production nationale. En France, on compte en 2004
une quarantaine d’usines de traitement des sous-produits carnés et onze usines
d’équarrissage [6].
La problématique de cette activité est d’empêcher la propagation dans les
ateliers des buées et effluves à partir des machines, car il est impossible de
garantir l’homogénéité de l’extraction de l’air ambiant des locaux. Ceci sera
bénéfique au niveau interne pour le personnel et pour les visiteurs mais éga-
lement en externe pour le voisinage. L’objectif est premièrement de limiter les
risques de génération d’odeurs en intervenant sur des facteurs de process, en
second lieu de capter au plus tôt les buées, et enfin d’épurer correctement
l’effluent gazeux collecté.
Ces émissions peuvent être maîtrisées en modernisant les outils, en mettant
en place des procédures de production strictes, en installant des réseaux
aérauliques de captage et enfin en employant des filières de désodorisation.
Moyennant ces travaux et l'emploi de bonnes pratiques, ces activités, impéra-
tives pour éradiquer tout risque sanitaire, peuvent fonctionner en bonne entente
avec leur voisinage.
Parution : avril 2005

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© Techniques de l’Ingénieur G 1 905 − 1

141
Référence Internet
G1905

ÉQUARRISSAGE : TRAITEMENT DES ÉMISSIONS GAZEUSES ____________________________________________________________________________________

1. Identification du contexte 1.2 Recensement


des sous-produits carnés
La finalité de l’élevage est d’alimenter trois grands marchés : lait et
1.1 Une activité extrêmement encadrée produits laitiers, œufs et ovoproduits, et viandes. Bien qu’ils aient été
acceptés lors de l’inspection sanitaire ante mortem effectuée par les
Les activités liées au retraitement ou à l’élimination de résidus services vétérinaires à l’entrée de l’abattoir, un certain nombre de
ou autres rebuts de la production humaine, et en particulier celles sous-produits ne trouve pas de preneur dans la chaîne de
concernant les sous-produits biologiques, sont particulièrement commercialisation. Plus tard, lors de la vente au détail, d’autres
régies par des textes réglementaires relatifs aux produits ou aux déchets sont produits. De plus, les animaux morts avant l’abattoir ou
moyens de transformation. rebutés pour des raisons sanitaires, ainsi que les saisies réglemen-
taires, sont retirés de la commercialisation. Ces produits sains ou
■ L’activité d’équarrissage est trop simplement perçue comme la douteux forment le contingent de matières premières à destination
production volontaire de farine animale à des fins commerciales. Ce des usines de traitement des sous-produits d’origine animale.
raisonnement est trop simpliste, il s’agit avant tout d’éliminer le La répartition en trois catégories est précisée dans le Règlement
plus convenablement possible les sous-produits carnés générés par no 1774/2002 du Parlement européen et du Conseil du 3 octobre
l’élevage et l’abattage des animaux que nous consommons. La valo- 2002 [2] établissant des règles sanitaires applicables aux
risation finale n’est qu’un des moyens de financement des coûts de sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine
destruction. Il faut garder à l’esprit que les sous-produits carnés en (tableau 1).
question représentent près de la moitié de la masse de viande
consommée, c’est-à-dire, pour l’année 2002, environ 3 300 000 ton-
nes pour la France [6]. La croissance de cette activité a donc accom-

4
1.3 Description succincte
pagné le développement et surtout l’organisation des filières
d’élevage depuis un demi-siècle. Avec l’évolution du niveau de vie, des filières de transformation
la consommation des ménages en viandes s’est considérablement
accrue pendant cette période. À partir de 1945, l’agriculture a effec- ■ Filière destruction : Service Public d’Équarrissage
tué de profondes mutations et s’est totalement réorganisée. D’une La collecte des sous-produits de catégorie 1 est différenciée des
situation traditionnelle d’insuffisance pour le plus grand nombre, autres, elle se fait par une flotte de véhicules spécialisés dont les
l’agriculture est devenue autosuffisante et même source de rentrée bennes sont fermées. Les véhicules et conteneurs sont nettoyés,
de devises par l’exportation. Une des voies de cette structuration est lavés et désinfectés après chaque utilisation. Les matières premières
la spécialisation géographique régionale et thématique. Pour l’éle- sont de deux types : les carcasses entières et les matériels à risques
vage par exemple, les deux régions Bretagne et Pays de la Loire pro- spécifiés (MRS). Elles sont entreposées dans un hall de réception
duisent aujourd’hui les deux tiers de la production avicole et porcine clos dans lequel les camions entrent complètement. Les animaux
qui représente 70 % des 6,3 millions de TEC (tonne équivalent car- entiers sont déposés au sol. Les matériaux flasques sont vidés dans
casse) de viande consommée annuellement en France (source Ofi- une trémie dont le fond est formé par plusieurs vis d’extraction. Les
val). Parallèlement, les règles sanitaires se sont renforcées. Le boues de station d’épuration des eaux résiduaires, ainsi que d’autres
corollaire de ces deux évolutions est le changement des modes refus et jus provenant de sites dédiés à la catégorie 1 ou 2, sont éga-
d’élimination : du simple enfouissement à la ferme dans une fosse lement ajoutés. Dans cette zone de réception, les produits ne doivent
avec un ajout de chaux, on est passé à la fabrication de farines car- pas séjourner plus de 24 h à température ambiante. À partir de
nées dans de petites unités éparses plus ou moins artisanales (500 l’introduction dans la chaîne, il y a continuité sans stagnation. Les
dans les années 50), puis à l’industrialisation des procédés assortie produits sont mélangés, puis concassés dans un broyeur. Ils sont
de regroupement des sites (20 opérateurs industriels) [6]. ensuite broyés dans un calibrateur pour répondre à l’obligation de
calibre de 50 mm. Cette zone constitue le secteur souillé.
Aujourd’hui, le terme générique équarrissage est devenu un
abus de langage. L’activité globale est maintenant nommée, en Dans le procédé typique le plus courant, cette matière crue
France, unité de traitement des cadavres, des déchets ou des alimente un ou plusieurs cuiseurs continus horizontaux à bain de
sous-produits d’origine animale. Le vocable équarrissage est graisse et à pression atmosphérique. L’eau des tissus est vaporisée
devenu plus restrictif, il est réservé à l’appellation Service Public et forme les buées de déshydratation. Suit alors une première
d’Équarrissage ou SPE concernant les matières premières de pre- séparation gravitaire de la graisse et de la matière solide dans une
mière catégorie. Cependant, tous les pays européens n’ont pas la vis égoutteuse. Les farines brutes sont ensuite pressées fortement
même acception du terme. dans une ou plusieurs presses continues à vis à pas progressif afin
de réduire le taux résiduel de matières grasses. Les farines sont
affinées par broyage et tamisage. La destination finale est impéra-
■ L’activité de retraitement des sous-produits carnés est divisée en
tivement l’incinération dans des installations dûment autorisées
deux filières principales radicalement dissociées :
(incinérateur spécifique, four de cimenterie, incinérateur mixte
— le Service Public d’Équarrissage ou SPE, géré par l’État déchets industriels ou ménagers, centrale de chauffage).
depuis le 1er janvier 1997, est une délégation à une société privée La graisse est centrifugée afin de la débarrasser des farinettes.
d’un service public. Les opérateurs sont sélectionnés au terme de Elle est utilisée comme combustible. Les buées sont condensées
procédures d’appels d’offre (collecte, transformation en farine et dans des aérocondenseurs. Les condensats générés représentent
incinération) dans le cadre de passation de marchés publics. Pour un volume important puisque les matières premières sont
l’année 2002, la quantité de matière traitée représente 955 000 constituées de 60 à 65 % d’eau. Les eaux de lavages des sols, des
tonnes [6] ; équipements et des véhicules s’ajoutent aux condensats. L’ensem-
— la production de produits valorisables avec des procédés ble est dirigé vers la station d’épuration après avoir subi une filtra-
adaptés selon le produit final trouvant normalement un débouché tion à 10 µm et une stérilisation à haute température dans des
commercial en : industrie des cuirs, de la duveterie ; utilisations autoclaves discontinus à 3 bar de pression pendant 20 minutes de
techniques, médicales ou pharmaceutiques ; production d’aliments maintien [2]. Un autre principe tend à se généraliser ; les buées
pour animaux familiers ; lipochimie, cosmétique, extraction d’aci- sont envoyées directement dans un oxydeur thermique dans lequel
des aminés, production de gélatine ; engrais organiques ; elles sont brûlées selon la règle des 3 T : à une température mini-
combustibles. Toutes ces finalités mettent en œuvre différents pro- male de 850 oC, pendant au moins un temps de 2 s en milieu
cédés de fabrication et de séparation. turbulent [7].

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G 1 905 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

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Référence Internet
G1905

___________________________________________________________________________________ ÉQUARRISSAGE : TRAITEMENT DES ÉMISSIONS GAZEUSES

(0)

Tableau 1 – Sous-produits carnés répartis en trois catégories


Catégorie Matières contenant tout ou partie des :

• Animaux suspects d’être infectés par une EST (encéphalopathie spongiforme trans-
missible) ou pour lesquels la présence d’une EST a été confirmée.
• Animaux abattus dans le cadre des mesures d’éradication des EST.
Matières de catégorie 1 ou dites à risques • Animaux autres que d’élevage ou sauvages tels que les animaux familiers. Maté-
étiquetées « exclusivement pour élimination » riels à risques spécifiés (MRS) ou cadavres les contenant ; ce sont des tissus qui en
cas de contamination des ruminants seraient infectieux ou susceptibles de l’être.
• Toutes matières d’origine animale recueillies lors du traitement des eaux résiduai-
res des sites traitant les matières de catégorie 1 (déchets de dégrillage, de dessa-
blage, les graisses et les boues).
• Matières stercoraires (contenu de l’appareil digestif).
• Matières d’origine animale recueillies lors du traitement des eaux résiduaires des
Matières de catégorie 2 abattoirs et des sites traitant les matières de catégorie 2.
étiquetées « impropres à la consommation animale » • Animaux morts autrement que par abattage (tout animal vertébré ou invertébré),
y compris par euthanasie pour éradiquer une épizootie.
• Mélanges de matériaux des catégories 2 et 3.
• Parties d’animaux abattus propres à la consommation humaine, mais qui ne sont

4
pas commercialisées (peau, sang issu d’animaux autres que ruminants, soies de
porcs, plumes, os).
Matières de catégorie 3 • Parties d’animaux abattus impropres à la consommation humaine, mais exempts
étiquetées « impropres à la consommation humaine » de tout signe de maladie.
• Denrées alimentaires d’origine animale retirées de la consommation humaine.
• Poissons, déchets d’éclosion.

Selon un autre procédé moins fréquent en France, une stérili- Suit alors une première séparation gravitaire de la graisse et de
sation est effectuée sur la matière première crue. Celle-ci est intro- la matière solide dans une vis égoutteuse. Les farines brutes sont
duite après broyage et calibrage dans un ou plusieurs stérilisateurs ensuite pressées fortement dans une ou plusieurs presses
sous l’effet de la poussée de « canons pneumatiques ». Les condi- continues à vis à pas progressif afin de réduire le taux résiduel de
tions opératoires sont identiques (133 oC, 3 bar, 20 min, 50 mm). matières grasses. Les farines sont affinées par broyage et tamisage.
Les produits cuits et humides subissent ensuite une déshydratation Elles sont ensuite introduites dans un stérilisateur dans lequel elles
dans des sécheurs, puis les farines produites sont affinées. L’avan- séjournent 20 minutes à 133 oC dans une enceinte autoclave à une
tage principal de ce système est que l’eau incluse dans les tissus pression de 3 bar. Les farines sont refroidies ultérieurement dans
est stérilisée lors de cette étape préalable, les buées et les eaux des silos ventilés.
usées générées postérieurement peuvent être rejetées en station La graisse est centrifugée afin de la débarrasser des farinettes. Les
d’épuration après une simple centrifugation. Le traitement des buées sont condensées dans des aérocondenseurs. Les condensats
graisses est semblable au procédé précédent. générés représentent un volume important puisque les produits
d’origine sont constitués de 60 à 65 % d’eau. Les eaux de lavages
■ Filière valorisation : industrie du cinquième quartier
des sols, des équipements et des véhicules s’ajoutent aux
La collecte des sous-produits est différenciée selon leurs carac- condensats. L’ensemble est dirigé vers la station d’épuration.
téristiques, car le traitement n’est pas unique. Les véhicules et
conteneurs sont nettoyés, lavés et désinfectés après chaque utili- Pour leur part, les plumes et les soies de porcs contiennent majo-
sation. Les matières premières sont de deux types : les carcasses ritairement de l’eau mais pas de graisse. Elles sont hydrolysées
entières et les déchets d’abattoirs autres que les MRS. Les animaux dans de petits hydrolyseurs discontinus montés en batterie. Il s’agit
sont déposés au sol dans un hall de réception clos. Les matériaux d’une simple cuisson d’une durée de 20 minutes mise en pression
flasques y sont également déposés dans une pluralité de trémies par l’injection de vapeur au cœur de l’enceinte. Le traitement du
dont le fond est formé par plusieurs vis d’Archimède d’extraction. sang s’effectue en trois étapes : une coagulation par injection de
Dans cette zone de réception, les produits ne doivent pas séjourner vapeur, une séparation cruor-plasma par centrifugation et un
plus de 24 h à température ambiante. Les carcasses sont séchage.
dépouillées manuellement de manière à en récupérer le cuir. À par-
■ Industries connexes
tir de l’introduction dans la chaîne de type OVD (os, viande, déchet),
il y a continuité du cheminement. Les différentes sortes de produits Certaines unités collectent des produits sains pouvant devenir
sont généralement traitées isolément. Conformément à la régle- après transformation une matière première destinée à l’industrie
mentation, ils sont d’abord concassés dans un broyeur, puis passés agroalimentaire, graisses ou sang prélevés à l’abattoir avant la
dans un calibrateur pour répondre à l’obligation de calibre de fente de la carcasse par exemple. En raison de la fraîcheur des
50 mm. matériaux, les intensités d’odeur sont moindres lors du traitement
Selon un des procédés, cette matière crue alimente un ou plu- thermique.
sieurs cuiseurs continus horizontaux à bain de graisse et à pression Les fondoirs fonctionnent différemment. Il existe un procédé de
atmosphérique. L’eau se vaporise sous forme de buées. Pour aug- fonte humide au cours de laquelle les matières premières, princi-
menter la capacité, cette étape est quelquefois précédée d’un pas- palement de canards et de porcs, sont mélangées, après triage
sage dans un préchauffeur, suivi d’un pressage mécanique pour manuel et broyage, avec de la vapeur dans un tube de fusion, puis
extraire un premier jus. Afin de réduire la dépense énergétique, la dans une cuve de fusion à pression atmosphérique. Il en ressort une
chaleur latente des buées générées est récupérée dans un évapo- phase liquide qui, une fois centrifugée dans un tricanteur ou dans
rateur qui concentre les jus. une succession de centrifugeuses horizontales et/ou verticales, est

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Référence Internet
G1920

Mesures et traitements de polluants


de l’air en agroalimentaire

par Jean-Michel GUILLOT


Maître assistant, HDR
École des mines d’Alès
et Pierre LE CLOIREC
Professeur, directeur scientifique
École de chimie de Rennes (ENSCR)

1. Sources et impacts .................................................................................. G 1 920 - 2

4
1.1 Sources de composés gazeux..................................................................... — 2
1.2 Cas de pollution particulaire : les poussières ............................................ — 4
1.3 Évolutions temporelles et sectorielles ....................................................... — 5
1.4 Effets sur la santé – Impacts sur l’environnement .................................... — 5
2. Métrologie – Analyses ............................................................................. — 5
2.1 Échantillonnage et préconcentration ......................................................... — 6
2.2 Séparation, identification et quantification des composés ...................... — 7
3. Traitements ................................................................................................ — 9
3.1 Dépoussiérage.............................................................................................. — 9
3.2 Traitements des molécules polluantes ...................................................... — 11
4. Exemples de traitement.......................................................................... — 14
4.1 Cas des émissions de cuisson d’aliments.................................................. — 14
4.2 Cas des rejets de fabrication industrielle de plats cuisinés ...................... — 15
5. Conclusions................................................................................................ — 16
Pour en savoir plus ................................................................................................ Doc. G 1 920

’agroalimentaire est l’une des activités françaises les plus importantes en


L volume et en chiffre d’affaires. Ainsi, en 2 0 06en France, la production des
industries agroalimentaires était de 129 910 milliards d’euros (données INSEE).
Cette même année, l’excédent du commerce extérieur dans cette branche
d’activité avait atteint 8,6 milliards d’euros. Ces industries produisent une
grande variété de denrées alimentaires (viandes, lait, boissons, conserves,
pains et pâtisseries, sucre...) allant de produits pratiquement bruts jusqu’à des
plats cuisinés très élaborés.
Comme toute activité humaine, l’agroalimentaire génère des déchets et des
effluents, liquides ou gazeux, polluants qu’il convient de minimiser avant leur
rejet dans l’environnement. Parmi ceux-ci, les émissions gazeuses chargées en
aérosols solides ou liquides ainsi qu’en composés organiques volatils et/ou en
molécules odorantes produisent des nuisances généralement mal appréciées
par le voisinage. En fonction des activités spécifiques et des productions, les
débits sont très variables, allant de quelques milliers à plusieurs dizaines de
milliers de m3 ·h–1 [1] [33] [44]. Les flux gazeux sont chargés de molécules orga-
niques du type mercaptans, sulfures, amines, acides gras volatils, cétones,
aldéhydes, alcools... et de composés inorganiques comme l’ammoniac ou
l’hydrogène sulfuré. Les concentrations sont relativement faibles : entre quel-
ques µg·m–3 et quelques mg·m–3. Ces émissions sont souvent comparables en
flux et en qualité à des émissions provoquant des nuisances olfactives. Cet air
pollué se doit d’être traité avant rejet dans l’atmosphère, afin de réduire son
Parution : juillet 2008

impact sur la santé humaine et ses effets sur l’environnement.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 920 – 1

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Référence Internet
G1920

MESURES ET TRAITEMENTS DE POLLUANTS DE L’AIR EN AGROALIMENTAIRE __________________________________________________________________

Cet article se focalisera donc sur les sources, la mesure des constituants et le
traitement des émissions gazeuses issues d’activités de l’agroalimentaire. Les
émissions étudiées ne concernent pas celles liées au conditionnement (packa-
ging) des produits finis, mais celles dues plus spécifiquement aux matières
premières, aux produits finis ou aux sous-produits générés.

1. Sources et impacts Tableau 1 – Type des réactions


et familles de molécules odorantes induites
1.1 Sources de composés gazeux Type de réaction
Produits Produits finaux
initiaux (polluants)
Le secteur agroalimentaire est d’importance en France et
concerne environ 15 % des emplois tous secteurs confondus. Décomposition Peptides Aldéhydes,
Parmi les différentes activités de ce secteur, il est possible de thermique (T > 100 oC) et acides amines,
recenser les activités principales selon le type de produit : et pyrolyse aminés hydrocarbures,
qui conduisent nitriles
– transformation de produits (sucre, pâtisseries, pains...) ;
à une déamination et à
– boissons ;
une décarboxylation
– viandes et dérivés ;

4 Dégradation Glucides Alcools,


– produits frais ;
– fruits et légumes ; des glucides carbonylés,
– poissons et dérivés ; dérivés
– huiles et corps gras ; des furannes,
– nourriture pour animaux. hydrocarbures
Les différentes activités listées peuvent toutes être génératrices
Réaction de Maillard Glucides Nombreux
d’une pollution de l’air à l’intérieur de l’usine (salles de découpe,
(fonction de la tempé- et acides composés volatils
de conditionnement...), avec des rejets extérieurs (vapeurs de cuis-
rature de cuisson) aminés ou en particulier
son ou de friture, ventilation d’atelier...) ou du fait de stockages de
et réactions autre amine cycliques :
matières premières, de produits ou de sous-produits. À ces activi-
successives primaire pyrazines, oxazoles,
tés premières peuvent s’ajouter des émissions liées aux produits
thiophènes,
de nettoyage ou de désinfection des installations et des locaux.
thiazoles...
Les polluants émis peuvent donc être de natures très variées et
sont très souvent à l’origine de nuisances olfactives dans le proche Dégradation Aminocétone Imines, pyrazines,
environnement. de Strecker oxazoles, thiazoles...
Deux études récentes répertorient à la fois les principales sources
Dégradation Thyamine Furannes,
de composés volatils et les principales réactions à l’origine d’émis-
thermique thiophènes,
sion de composés [2] [3]. Au niveau des sources, on peut distinguer
de la thyamine thiazoles...
les odeurs primaires liées à la nourriture brute et celles liées au pro-
cédé industriel. Parmi les odeurs dues au procédé, il est possible
de distinguer les molécules odorantes produites du fait de l’oxyda-
tion de la matière brute par des mécanismes thermiques, (CS2). Cette étude a montré que ces thiols étaient détectés dans ce
chimiques, microbiologiques ou enzymatiques. À cela, il convient genre d’activité à des niveaux relativement faibles par rapport à de
d’ajouter les émissions provenant des stockages (réactions nombreuses autres industries. Cependant, la nuisance engendrée
chimiques ou biologiques) ainsi que la participation de composés par ces composés reste faible [4].
exogènes présents dans les aliments : additifs alimentaires, restes Tous les secteurs agroalimentaires peuvent être concernés par
de produits de traitement pour les plantes ou de compléments ali- ces problèmes de nuisances olfactives, dans le proche environne-
mentaires pour les animaux, polluants environnementaux et ment du site ou à l’intérieur même des installations industrielles. À
composés provenant de l’emballage [2]. Le tableau 1 présente une titre d’exemple, des travaux sur une usine de conditionnement de
synthèse des principales réactions et des produits finaux polluants fruits et légumes pour la préparation de salades composées sont
induits [3]. Ce sont très souvent des composés organiques volatils reportés ci-après. En fonction des activités des différentes zones de
(COV) que l’on va retrouver soit dans l’air intérieur, soit dans les l’usine, la pollution de l’air intérieur est plus ou moins importante.
émissions gazeuses canalisées. En effet, une odeur alliacée est présente dans certaines salles.
Dans les paragraphes suivants, quelques sources malodorantes, Celle-ci, attribuable à la découpe des oignons, est également source
liées à des activités de l’agroalimentaire, sont répertoriées. Elles d’irritation des muqueuses oculaires et nasales. Des mesures sur
impliquent des réactions de dégradation et de fermentation. l’air au voisinage de la découpe d’oignons bruts ont montré que les
3 composés majoritaires présents étaient des composés soufrés : le
1-propanethiol, le dipropyldisulfure et le propénylpropyldisulfure,
1.1.1 Secteur agroalimentaire comme l’illustre le chromatogramme de la figure 1.
en général – matJ res premières brutes
Une étude coréenne portant sur 77 industries produisant des 1.1.2 Cuisson et hydrolyse
émissions gazeuses malodorantes, dont 8 du secteur agroalimen-
taire, a recensé le degré de nuisance associé aux composés Les gaz de cuisson d’aliments peuvent contenir de nombreux
soufrés : l’hydrogène sulfuré (H2S), des mercaptans (R-SH) dont le composés odorants. L’étude de diverses émissions de restaurants
plus simple, le méthylmercaptan (CH3-SH), des sulfures (R-S-R ′) est présentée sur le tableau 2 [6]. De nombreux composés
dont le diméthyl sulfure (CH3-S-CH3), des disulfures (R-S-S-R ′) organiques volatils ont été analysés à des concentrations relati-
dont le diméthyldisulfure (CH3-S-S-CH3) et le sulfure de carbone vement faibles, proches de quelques mg·m–3.

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G 1 920 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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Référence Internet
G1920

__________________________________________________________________ MESURES ET TRAITEMENTS DE POLLUANTS DE L’AIR EN AGROALIMENTAIRE

lysé (avant tout traitement). Les résultats sont présentés sur le


Dipropyldisulfure
tableau 3. Il convient de noter que, compte tenu des très fortes
concentrations de la phase d’hydrolyse, le temps de prélèvement
1-Propanethiol par barbotage (voir § 2.1.1) a été fortement réduit (1 à 2 min), avec
pour conséquence une imprécision importante sur ces valeurs.
Propenyl- L’erreur sur la mesure est estimée dans une gamme de 10 à 15 %.
propyldisulfure
1.1.3 Production de boissons
Les installations de production de boissons, en particulier les
boissons alcoolisées, peuvent être à l’origine de nuisance. Si le
5,50 7,64 10,22 12,80 15,38 17,96 20,54 23,12 25,71 28,29 min produit fini présente généralement une odeur agréable, le procédé
en lui-même peut être à l’origine de mauvaises odeurs.
Figure 1 – Chromatogramme de l’air d’ambiance lors d’une découpe
d’oignons • Lors de la fabrication de la bière, il y a émission de composés
volatils du type éthers, alcools, oxirane, furanone, hexanal et éga-
lement des alcènes ou des aldéhydes [7].
Un cuiseur de sous-produits d’animaux a été étudié [6]. Les • En ce qui concerne la production de vins, les odeurs fortes
déchets proviennent d’une chaîne d’abattage de volailles, le autour des caves vinicoles pendant les périodes de vendanges ne
cuiseur est chargé en viscères et en plumes pour en faire une constituent pas un réel problème. En effet, le principal émissaire
farine. Les émissions gazeuses induites sont une source d’odeur de nuisance olfactive provient des eaux résiduaires issues du
importante, mais les rejets s’effectuent de façon discontinue. Un lavage des cuves, des pressoirs... qui contiennent de nombreux
cycle de cuisson (d’environ 6 h) comprend le chargement du composés organiques (résidus glucidiques) susceptibles de subir
mélange des déchets, la montée en température (jusqu’à 120 oC),
l’hydrolyse, puis la cuisson et enfin le déchargement. Le rejet
gazeux en sortie du cuiseur (vapeur brute de cuisson) a été ana-
des transformations chimiques ou biologiques. Les glucides rési-
duels vont conduire, par fermentation dans les bassins de
stockage d’effluents, à la production d’acides gras volatils (AGV).
4
Tableau 2 – Exemples d’émission de composés issus de produits de cuisson d’aliments [5]
Composés Restaurant Friture – Tortillerías Rôtisserie Friture
Éthane 4,11 ± 2,69 0,34 ± 0,47 0,77 ± 0,25 1,24 ± 0,25
Éthylène 8,04 ± 3,36 2,00 ± 2,70 5,61 ± 1,82 9,620 ± 3,16
Acétylène 5,21 ± 2,41 1,66 ± 2,12 21,85 ± 13,14 6,37 ± 3,46
Hydrocarbure en C2 17,3 ± 5,80 3,99 ± 1,29 28,23 ± 14,65 16,80 ± 5,86
Propène 2,77 ± 0,98 3,81 ± 3,38 2,55 ± 0,29 2,92 ± 0,82
Propane 21,45 ± 10,63 52,84 ± 0,28 22,89 ± 8,26 30,00 ± 4,27
n-Butane 14,4 ± 7,60 24,42 ± 9,14 10,25 ± 3,46 16,62 ± 1,86
trans-2-Butène 0,20 ± 0,08 0,17 ± 0,00 0,23 ± 0,07 0,11 ± 0,07
cis-2-Butène 0,13 ± 0,06 0,10 ± 0,00 0,15 ± 0,03 0,10 ± 0,06
iso-Pentane 2,38 ± 0,89 1,06 ± 0,00 2,45 ± 0,25 2,85 ± 0,24
1-Pentène 0,17 ± 0,20 0,01 ± 0,01 0,07 ± 0,02 0,07 ± 0,05
2-Méthyl-1-butène 0,14 ± 0,10 0,03 ± 0,03 0,13 ± 0,11 0,14 ± 0,16
n-Pentane 0,97 ± 0,56 0,23 ± 0,00 1,02 ± 0,42 2,93 ± 1,17
Isoprène 0,00 ± 0,00 0,00 ± 0,00 0,00 ± 0,00 0,00 ± 0,00
2-Méthyl-2-butène 0,13 ± 0,09 0,01 ± 0,01 0,13 ± 0,02 0,14 ± 0,005
Méthyl t-butyl ether 0,56 ± 0,36 0,10 ± 0,11 0,89 ± 0,28 0,94 ± 0,30
Cyclopentène 0,30 ± 0,23 0,02 ± 0,02 0,21 ± 0,15 0,17 ± 0,10
2-Méthyl-1-pentène 0,41 ± 0,34 0,01 ± 0,00 0,08 ± 0,10 0,05 ± 0,04
Cyclopentane 0,00 ± 0,00 0,00 ± 0,00 0,00 ± 0,00 0,00 ± 0,00
2-Méthylpentane 0,47 ± 0,31 0,08 ± 0,08 0,62 ± 0,15 0,67 ± 0,26
3-Méthylpentane 0,40 ± 0,30 0,05 ± 0,05 0,41 ± 0,08 0,38 ± 0,14
n-Hexane 0,94 ± 0,69 0,09 ± 0,09 0,80 ± 0,08 0,85 ± 0,16
trans-2-hexène 0,01 ± 0,02 0,00 ± 0,00 0,00 ± 0,00 0,01 ± 0,01
Méthylcyclopentane 0,01 ± 0,02 0,02 ± 0,02 0,05 ± 0,06 0,01 ± 0,02

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147
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G1920

MESURES ET TRAITEMENTS DE POLLUANTS DE L’AIR EN AGROALIMENTAIRE __________________________________________________________________

Tableau 2 – Exemples d’émission de composés issus de produits de cuisson d’aliments [5] (suite)
Composés Restaurant Friture – Tortillerías Rôtisserie Friture
2,4-Diméthylpentane 0,06 ± 0,06 0,01 ± 0,01 0,15 ± 0,05 0,14 ± 0,06
Benzène 3,19 ± 2,22 0,26 ± 0,34 1,01 ± 0,19 0,70 ± 0,29
2-Méthylhexane 0,14 ± 0,07 0,03 ± 0,03 0,27 ± 0,02 0,21 ± 0,09
2,3-Diméthylpentane 0,09 ± 0,04 0,02 ± 0,02 0,19 ± 0,06 0,17 ± 0,07
3-Méthylhexane 0,25 ± 0,11 0,04 ± 0,04 0,68 ± 0,68 0,44 ± 0,25
2,2,4-Triméthylpentane 0,44 ± 0,28 0,08 ± 0,09 0,76 ± 0,29 0,81 ± 0,41
n-Heptane 0,33 ± 0,23 0,03 ± 0,03 0,53 ± 0,22 1,40 ± 0,69
2,3,4-Triméthylpentane 0,10 ± 0,09 0,03 ± 0,03 0,32 ± 0,13 0,29 ± 0,15
Toluène 3,88 ± 2,91 0,31 ± 0,35 1,69 ± 0,24 1,76 ± 0,53
3-Méthylheptane 0,02 ± 0,02 0,01 ± 0,01 0,19 ± 0,16 0,01 ± 0,03
n-Octane 0,24 ± 0,16 0,01 ± 0,01 0,58 ± 0,33 1,34 ± 0,75
Éthylbenzène 0,73 ± 0,61 0,05 ± 0,05 0,57 ± 0,09 0,51 ± 0,29

4 Styrène
O-Xylène
0,23 ± 0,17
1,09 ± 0,77
0,01 ± 0,01
0,07 ± 0,06
0,20 ± 0,12
0,81 ± 0,17
0,08 ± 0,10
0,66 ± 0,36
n-Nonane 0,12 ± 0,06 0,01 ± 0,01 0,39 ± 0,30 0,10 ± 0,07
β-Pinène 0,37 ± 0,27 0,04 ± 0,04 0,58 ± 0,09 0,28 ± 0,09
n-Propylbenzène 0,06 ± 0,06 0,01 ± 0,01 0,12 ± 0,03 0,06 ± 0,05
1,3,5-tri-Méthylbenzène 0,07 ± 0,07 0,01 ± 0,02 0,26 ± 0,11 0,06 ± 0,06
Méthyl éthyl toluène 0,18 ± 0,12 0,03 ± 0,03 0,35 ± 0,10 0,15 ± 0,05
1,2,4-tri-Méthylbenzène 0,22 ± 0,06 0,01 ± 0,01 0,22 ± 0,12 0,06 ± 0,05
n-Décane 0,00 ± 0,01 0,00 ± 0,01 0,01 ± 0,03 0,01 ± 0,02
n-Undécane 0,06 ± 0,06 0,01 ± 0,01 0,14 ± 0,04 0,05 ± 0,05
TOTAL (ppb % C) 80,07 97,28 84,70 31,29

ayant une grande proportion de composés oxygénés. Une part


Tableau 3 – Concentrations par familles importante de ceux-ci est constituée d’esters éthyliques issus de
de composés odorants en sortie de cuiseur réactions d’estérification entre un acide gras (produit par fermenta-
de sous-produits d’animaux tion) et de l’éthanol résiduel.
Durée Composés Composés Composés
Période
de
du soufrés azotés oxygénés
prélèvement (mg·m–3 éq. (mg·m–3 éq. (mg·m–3 éq.
1.2 Cas de pollution particulaire :
l’analyse
(à 2 L·min–1) H2S) NH3) acétone) les poussres
Hydrolyse 1 ou 2 min 38 730 425 3 870 Le secteur agroalimentaire peut présenter des situations
extrêmement variées dans le domaine de polluants particulaires.
Cuisson 4h 50 34 17 On peut donner, d’une part, l’exemple d’un silo de stockage de
céréales générant beaucoup de poussières et pouvant présenter un
On retrouve essentiellement les acides du type acétique, propioni- risque d’explosion et, d’autre part, des salles de conditionnement
que, butyrique et valérique. La fermentation anaérobie qui produit de plats préparés ayant des atmosphères contrôlées par de puis-
ces composés malodorants peut être limitée par aération prolon- santes centrales de traitement de l’air.
gée ou par un traitement chimique (ajout de nitrates) afin d’obtenir La pollution particulaire peut être contrôlée pour le risque
une dégradation biologique aérobie ou anoxique. D’autres d’inflammation et d’explosion. Les documents de l’INRS [9] préci-
composés peuvent participer au caractère malodorant en plus des sent ces informations. À titre d’exemple, pour des poussières de
AGV. En effet, l’ajout, lors de la vinification, de dioxyde de soufre taille moyenne inférieure à 75 µm, les températures d’inflammation
(SO2) va être à l’origine de la formation de sous-produits volatils d’un nuage de poussières peuvent varier de 370 oC (pour le sucre)
soufrés malodorants réduits (thiols ou mercaptan R-SH, sulfures à 510 oC (pour le riz ou le cacao). Il convient de préciser que l’inflam-
R-S-R ′ et disulfures R-S-S-R ′). Ceux-ci vont également se retrouver mation peut se produire au contact d’une surface dont la tempéra-
dans les eaux résiduaires [32]. Une étude [8] a permis de comparer ture est au 2/3 de la température d’inflammation du nuage seul.
des effluents de caves du sud de la France. Le tableau 4 regroupe Indépendamment de l’inflammation, les poussières de l’agro-
les composés volatils émis par les différents effluents. alimentaire présentent un risque sanitaire. Une des conséquences
On peut remarquer que dans la cave D, la fabrication d’un vin les plus connues est l’asthme chez les boulangers et pâtissiers
liquoreux, riche en composés glucidiques, conduit à une émission suite à une exposition chronique aux poussières de farine de blé.

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G1925

Émissions gazeuses et traitement


de l’air en compostage
par Philippe HUMEAU
Docteur en chimie et microbiologie de l’eau, ingénieur
Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), Nantes

et Pierre LE CLOIREC
Professeur, directeur
École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR)

1. Compostage ..................................................................................... G 1 925 – 2


1.1 Principe – Mécanismes – Mise en œuvre .......................................... — 2
1.1.1 Approche des mécanismes de biodégradation ...................... — 2
1.1.2 Dispositions opératoires.......................................................... — 3

1.2
1.1.3 Mises en œuvre des procédés de compostage ......................
1.1.4 Incidences pratiques ................................................................
Méthodologie et enjeux de la ventilation..........................................



4
5
6
4
1.2.1 Méthodologie ........................................................................... — 6
1.2.2 Enjeux de la ventilation sur le processus de compostage ..... — 6
1.2.3 Enjeux sur les conditions de travail du personnel ................. — 7
2. Émissions gazeuses ........................................................................ — 8
2.1 Molécules odorantes et nuisances olfactives.................................... — 8
2.2 Ventilation........................................................................................... — 8
3. Traitements des émissions odorantes ........................................ — 9
3.1 Procédés de traitement ...................................................................... — 9
3.1.1 Critères de choix ...................................................................... — 9
3.1.2 Objectifs de rejet d’odeurs – Réglementation ........................ — 10
3.2 Cas des traitements biologiques ....................................................... — 11
3.3 Élaboration du cahier des charges .................................................... — 11
4. Exemple industriel .......................................................................... — 12
4.1 Contexte initial ................................................................................... — 12
4.2 Filière de captage des airs odorants.................................................. — 13
4.3 Dispositif de traitement des odeurs .................................................. — 13
5. Conclusion – perspectives ............................................................ — 14
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 1 925

e compostage des sous-produits organiques d’origine domestique, indus-


L trielle ou agricole connaı̂t un développement rapide. En effet, ce mode de
valorisation matière [1] s’inscrit totalement dans la logique du développement
durable car la production d’un amendement organique à partir de déchets
constitue une alternative technico-économique intéressante à la valorisation
énergétique (incinération avec récupération de chaleur, méthanisation, gazéifi-
cation…) [2] [3] [4]. Cependant, l’exploitation d’unités de compostage a un
impact sur la zone d’activité considérée et en particulier elle peut provoquer
des nuisances olfactives importantes pour le voisinage [5]. Une attention parti-
culière doit donc être menée sur cette problématique de manière à limiter la
gêne qui pourrait résulter de la conduite des installations tout en maı̂trisant
les coûts d’exploitation liés à la mise en œuvre d’une filière de traitement d’air.
Cet article a pour but de préciser le contexte lié à l’émission des odeurs par
compostage et de présenter les moyens disponibles pour limiter la gêne provo-
quée par ces effluents gazeux. Dans ce cadre, la première partie est consacrée à
Parution : avril 2010

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149
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G1925

ÉMISSIONS GAZEUSES ET TRAITEMENT DE L’AIR EN COMPOSTAGE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

la présentation des processus de compostage et de leur mise en œuvre afin de


définir les conditions opératoires optimales visant à réduire à la source la pro-
duction d’odeurs. Les enjeux liés à la ventilation et au captage des effluents
gazeux générés sont également appréhendés. La deuxième partie est relative
à la caractérisation des effluents odorants de manière quantitative et qualitative
en fonction des modes de ventilation retenus pour le captage et l’extraction
vers les dispositifs de traitement d’air. La troisième partie précise les critères
de choix relatifs à la mise en place d’un système complet de traitement pour
éliminer les molécules odorantes. Une approche méthodologique permettant
d’élaborer un cahier des charges prenant en compte l’ensemble des paramètres
est ensuite proposée. Enfin, la dernière partie consiste à montrer une mise en
œuvre industrielle réussie d’une filière de traitement d’air sur une unité de com-
postage de fort tonnage, dimensionnée suivant la méthodologie d’approche
exposée précédemment.

4 1. Compostage fermentation aérobie en fonction de la température et du temps.


Quelques données chiffrées sont présentées sur la figure 1. Une
première phase de latence correspondant à la mise en place de la
biomasse est rapidement suivie d’une phase mésophile où la
matière organique la plus facilement biodégradable est consom-
1.1 Principe – Mécanismes – mée. Cette réaction biologique est exothermique et conduit donc à
Mise en œuvre une production de chaleur matérialisée par une température du
milieu pouvant atteindre une valeur de l’ordre de 70  C. S’établit
1.1.1 Approche des mécanismes alors une phase thermophile où l’activité bactérienne peut assimi-
de biodégradation ler les molécules organiques les moins dégradables comme la cel-
lulose ou la lignine. La stabilité de la température du milieu
L’objet de ce paragraphe n’est pas de décrire de manière exhaus-
tive les processus biologiques, physico-chimiques et thermodyna-
miques qui interagissent au cours de la fermentation aérobie
contrôlée de la matière organique. Une approche des mécanismes
s
ide
Température (°C)

globaux de compostage doit permettre de mieux comprendre les pH


t
roti emen
, lip

flux polluants générés et les choix de ventilation et de traitement


des

de l’air. Pour une information plus complète, le lecteur pourra, par


Att
il

exemple, se reporter avantageusement à l’article proposé par


cide sés fac

80
aq
ue

P. Gourdon [6]. En d’autres termes, il est, cependant, nécessaire de


s, p

de

comprendre les mécanismes du compostage pour évaluer correcte- Micro-organismes


es. compo

70
sp

ment les conditions optimales de conduite des installations et défi- thermophiles


oly
Glu

nir les enjeux liés aux rejets liquides et gazeux des unités indus-

rad n des

trielles de cette transformation de la matière. 60


res
abl

Ch inom
o

:C
act
bio radati

am ycè

50
ellu

Le compostage consiste à transformer par voie biologique [7]


dég

pig

des déchets organiques en un produit à usage agronomique


los
Dég

no es

obéissant à des critères de qualité définis par des normes spéci-


es

40
ns

fiques en fonction de la nature des matières traitées, tout en


lig
t

Variation
n
tes

réduisant la masse de ces déchets ainsi que les pollutions ou


dom téries

ine

du pH
inan

nuisances associées à leur évolution biologique. Ce processus 30 9


s...

de conversion est réalisé en deux étapes successives : une


Bac

Hu 8
étape de fermentation aérobie conduisant à l’élimination de la Co m
20 ifi
fraction organique facilement biodégradable et dont la durée m ca 7
p
in ét tio
courante est comprise entre 4 et 6 semaines, suivie d’une hi iti n 6
bi on
étape de maturation du compost sur une période plus longue tio e
10 n t 5
de 1 à 3 mois où s’effectue la stabilisation par humification de
la matière organique résiduelle. 4
0
Température Temps
1.1.1.1 Fermentation aérobie ambiante
La fermentation aérobie de la matière organique est réalisée par de départ Phase Phase Phase de ralentissement
une succession de consortiums microbiologiques qui s’acclimatent mésophile thermophile de l'activité
en fonction de la température du taux de composés organiques fer- avec plateau
menticibles [7] [8]. Il convient de noter une évolution de la tempé-
rature du déchet en fonction du temps. Ainsi, il est possible de Figure 1 – Évolution de la température et du pH d’une masse
distinguer plusieurs phases de transformation au cours de la en compostage et nature des micro-organismes présents

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– ÉMISSIONS GAZEUSES ET TRAITEMENT DE L’AIR EN COMPOSTAGE

correspond à un équilibre entre la production interne et la dissipa-


tion externe de chaleur. Ainsi, le ralentissement de l’activité micro- Tableau 1 – Conditions opératoires nécessaires pour une
biologique par épuisement du gisement de nutriments entraı̂ne mise en œuvre optimale d’un procédé de compostage
une diminution de la production de chaleur et se traduit par une
phase de refroidissement des andains. L’activité biologique intense, Conditions Fermentation
combinée aux températures élevées, permet d’obtenir une stabili- Maturation
opératoires aérobie
sation de la matière organique, une absence d’odeurs nauséabon-
des caractéristiques des fermentations mal maı̂trisées, une homo-
Température 60 à 70  C 20 à 30  C
généisation du produit, un séchage et une hygiénisation de la
matière. Elle nécessite des conditions de mise en œuvre particuliè-
60 à 80 % de la masse 40 à 60 % de la masse
res en termes d’oxygénation, d’humidité et d’apports en Teneur en eau
brute brute
nutriments.
Sans être totalement exhaustif sur la description de cette étape Degré de vide 30 à 36 % -
de fermentation aérobie, il est nécessaire, cependant, d’aborder
l’aspect relatif à la formation des sous-produits de biodégradation. pH initial
Ainsi, les processus de transformations rapides de 30 à 40 % de la 6 à 8 7 à 8
de la matière
masse de déchet se produisant au cours de la fermentation aéro-
bie, conduisent à la production de dioxyde de carbone (CO2), Rapport C/N 20 à 30 -
d’eau et d’ammoniac (NH3) qui sont retrouvés en phase gazeuse
ou dans les rejets liquides. Pour la fraction soluble non volatile, on Temps de
observe la formation de matière organique résiduelle (sous-pro- 4 à 6 semaines 1 à 3 mois
biodégradation
duits de bioréactions) pouvant être trouvée dans les différentes
phases du système. Besoins en air 0,1 à 1 Nm3/(min.t) MS < 0,1 Nm3/(min.t) MS

1.1.1.2 Maturation
La phase de maturation devient prédominante sur la phase de
une carence de l’un ou l’autre des nutriments limite l’activité biolo-
gique et conduit à une stabilisation imparfaite de la matière orga-
4
fermentation aérobie suite à l’épuisement du milieu en molécules nique. Il est généralement admis que le rapport optimal C/N/P (car-
simples. Les activités enzymatiques produisent des phénomènes bone/azote/phosphore) pour le métabolisme microbiologique est
de polymérisation et de polycondensation des molécules néofor- 100/5/1. Ceci conduit à des besoins en carbone assimilable 15 à
mées au cours de la fermentation aérobie, à des températures com- 30 fois supérieurs à ceux en azote assimilable. Dans ces conditions,
prises entre 20 et 30  C. Ces processus d’humification sont lents et la mesure du rapport C/N initial permet de prévoir l’apport d’azote
peuvent durer plusieurs mois. La stabilité et la maturité du com- ou de carbone assimilable. Dans le cas de la stabilisation d’un
post, qui peuvent être estimées à partir du taux de substances substrat dont le rapport C/N est supérieur à 30 (cas des écorces et
humiques [9], sont des qualités essentielles pour garantir une utili- déchets verts), il est nécessaire d’ajouter de l’azote organique. Si le
sation optimale du compost comme amendement organique. En rapport C/N est inférieur à 15 (cas des boues de station d’épuration
effet, un compost instable et immature peut générer de nombreux par exemple), l’adjonction de coproduits carbonés est requise. Ce
problèmes lors du stockage ou du transport (dégagements gazeux rapport C/N est donc souvent utilisé comme paramètre de fonction-
malodorants, infestation de mouches et moustiques). Après épan- nement pour formuler de manière optimale le mélange de matières
dage sur le sol, il peut provoquer une diminution du taux d’oxy- organiques à composter. L’inconvénient de ce paramètre de
gène et du potentiel oxydo-réducteur, favorisant la mobilisation et contrôle est qu’il ne distingue pas les formes assimilables des
la lixiviation d’ions de métaux lourds [36]. De plus, l’épandage d’un espèces non assimilables du carbone et de l’azote. Cependant il
produit immature peut provoquer des réactions inhibitrices ou phy- reste un paramètre simple de contrôle-commande du procédé. Par
totoxiques suite à la production d’ammoniac, d’oxyde d’éthylène ailleurs, les rapports optimaux entre teneur en azote et teneur en
ou d’acides organiques dans les sols. phosphore doivent être compris entre 2 et 5 en fonction de la
nature des déchets [10].
1.1.2 Dispositions opératoires
Pour assurer une activité de compostage optimale, il est néces- 1.1.2.2 Contrôle du pH
saire de connaı̂tre et de maı̂triser les paramètres opératoires déter- Le développement des micro-organismes est fortement condi-
minants. Ces variables peuvent être classés en deux catégories [6] : tionné par le pH du milieu. Ce paramètre provoque une sélection
les paramètres caractéristiques du déchet brut, qui ne peuvent pas de la microflore responsable de la décomposition des déchets ini-
être modifiés au cours du compostage, et les conditions opératoi- tiaux. Le pH est imposé par la matière première et évolue au cours
res du procédé, qui permettent de contrôler et de suivre l’avance- du compostage (figure 1). Une acidification du milieu est ainsi
ment du processus de compostage. Les caractéristiques du déchet observée lors de la phase mésophile suite à la production, lors de
sont globalement et majoritairement représentés par le rapport C/N la fermentation, de CO2 et d’acides organiques. Le pH évolue vers
(carbone organique/azote Kjeldahl), qui traduit l’aptitude de la des valeurs basiques au cours de la phase thermophile, correspon-
matière brute à être compostée, et par le pH. Les paramètres de dant à la dégradation de protéines en azote ammoniacal gazeux et
conduite déterminants dans le fonctionnement d’une unité de com- en amines, combinée à la décomposition d’acides organiques.
postage sont la température ainsi que les teneurs en eau et en oxy- Cette mesure de pH permet donc de suivre le degré de décomposi-
gène dans ce milieu multiphasique. tion biologique et biochimique de la matière organique et de
Les valeurs récapitulatives relatives aux conditions de mise en l’orienter favorablement. À titre d’exemple, on peut citer qu’une
œuvre nécessaires au fonctionnement optimal du processus de acidification anormale du milieu peut révéler des conditions
compostage sont reportées dans le tableau 1. Ces données sont d’anaérobiose indésirables. Celle-ci peut être corrigée, en particu-
discutées dans la suite de ce paragraphe en termes de conditions lier, par un apport d’oxygène plus important via une aération plus
opératoires de l’installation et de qualité de produits finis. poussée du milieu.

1.1.2.1 Rapport C/N 1.1.2.3 Besoins en oxygène


Comme dans tout processus de transformation par voie biolo- L’activité microbiologique aérobie intense consomme une forte
gique, la biodégradation est optimisée lorsque l’équilibre nutrition- quantité d’oxygène au cours du compostage. Les besoins sont
nel nécessaire au développement de la biomasse est atteint. Ainsi, d’autant plus importants que la quantité de matière biodégradable

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ÉMISSIONS GAZEUSES ET TRAITEMENT DE L’AIR EN COMPOSTAGE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

est élevée. La plupart des auteurs [6] [8] [10] estiment qu’il est alors la méthanisation, avec production de sous-produits de biodé-
nécessaire de maintenir une teneur en oxygène au moins égale à gradation spécifiques tels que du méthane, du gaz carbonique,
5 % (volume/volume) pour assurer des conditions d’aérobiose cor- mais aussi de l’ammoniac ou de l’hydrogène sulfuré, qui sont éva-
rectes pour le métabolisme de biodégradation. Afin de permettre cués essentiellement dans la phase gazeuse. Ces derniers compo-
une bonne répartition de l’oxygénation du tas à composter et éviter sés impliquent des nuisances olfactives certaines.
tout risque de zones anaérobies pouvant être dues à des passages
préférentiels de l’air, deux paramètres doivent être considérés : la 1.1.3 Mises en œuvre des procédés de compostage
taille (distribution granulométrique) du matériau et l’humidité de
l’andain. Les technologies de mise en œuvre de compostage sont très
nombreuses. Les aménagements de chaque unité résultent souvent
Pour faciliter l’aération des déchets très humides, il peut être du savoir-faire propre à chaque exploitant. Cependant, il est pos-
envisagé d’ajouter un matériau structurant visant à produire un sible de classer les procédés en deux grandes catégories : les pro-
mélange ayant un degré de vide élevé (valeurs optimales entre 30 cédés à fonctionnement continu et les procédés à fonctionnement
et 36 %). De plus, il convient de réduire les effets indésirables séquentiel. De plus, pour chacune de ces catégories, l’aération peut
d’anaérobiose liés à la présence excessive d’eau libre dans le être naturelle ou forcée.
milieu. En effet, cette eau conduit à des compactages locaux des
déchets et à une circulation préférentielle de l’air injecté.
1.1.3.1 Procédés à fonctionnement continu
1.1.2.4 Teneur en eau Dans un procédé à fonctionnement continu, les déchets à com-
poster sont introduits à une extrémité de l’andain et progressent
La présence d’eau dans la matière est une condition obligatoire à le long de celui-ci. La vitesse d’avancement de la matière donne le
l’activité biologique. Celle-ci doit être comprise initialement entre temps de séjour qui doit être suffisant pour permettre d’assurer un
55 et 75 % de la masse brute. L’humidité de la matière évolue au cycle complet de fermentation aérobie. Le compost intermédiaire
cours du compostage du fait de la production d’eau par oxydation prêt à entrer en maturation est récupéré à l’autre extrémité de
de la matière organique. Cependant, l’élévation de température et

4
l’andain. La matière est donc à un état d’avancement de biodégra-
l’aération favorisent un assèchement, par un transfert d’eau du dation différent en fonction de sa position dans le couloir de com-
solide vers l’air, qu’il convient de maı̂triser pour éviter un ralentis- postage. L’aération peut être naturelle ou forcée. Dans le premier
sement drastique de l’activité biologique se produisant pour des cas, l’air est véhiculé à travers la matière par la convection naturelle
teneurs en eau inférieures à 20 %. favorisée par l’échauffement de l’andain au cours du compostage.
Les retournements d’andain, effectués pour faire avancer la matière
1.1.2.5 Contrôle de la température le long du couloir de compostage, permettent une homogénéisa-
Le dégagement de chaleur de l’andain est une expression de tion de celle-ci dans le tas et une minimisation des chemins préfé-
l’activité des micro-organismes. Le niveau de la température du rentiels d’aération. Cette aération naturelle peut être complétée par
déchet résulte de l’équilibre thermique entre la production de cha- une aération forcée par insufflation ou aspiration d’air au travers de
leur issue des réactions biologiques et des pertes thermiques exter- la biomasse.
nes. Ces transferts de chaleur s’effectuent par conduction (transfert Les rejets gazeux à l’atmosphère générés par ce mode de fonc-
entre le milieu et le réacteur de compostage), par convection et tionnement sont très particuliers. Leurs caractéristiques doivent
évaporation d’eau par le flux gazeux ainsi que, dans une bien moin- être considérées avec attention dans le cadre d’une mise en
dre mesure, par radiation (notamment lors des retournements œuvre d’un procédé de traitement des effluents odorants. Ainsi,
d’andains). Il convient de mesurer la température au cours du com- cette méthode de compostage occasionne inévitablement des pics
postage. Ce paramètre a une influence prépondérante sur la qualité d’émission, à des concentrations très élevées, de composés volatils
du processus et donc la qualité du produit fini. En effet, une tempé- et de vapeur d’eau pendant les périodes de retournement des
rature élevée permet d’une part d’augmenter très significativement andains. Par ailleurs, ce mode de fonctionnement conduit à la for-
les vitesses de biodégradation et, d’autre part, d’assurer une hygié- mation d’un gradient de température de l’air au-dessus des
nisation du déchet en détruisant les germes pathogènes ou les andains. Ce phénomène peut provoquer des perturbations impor-
graines végétales initialement présents. L’étape de fermentation tantes dans le fonctionnement du dispositif de captage. En effet, la
aérobie à haute température peut être maintenue par aération, couche limite gazeuse chaude résultant de la disposition parallèle
favorisant l’activité biologique, et par une limitation des phénomè- des andains peut agir comme un rideau d’air infranchissable pour
nes de déperditions de chaleur. Pour cela, il faut optimiser la taille les effluents gazeux à évacuer vers le procédé de traitement d’air.
des andains de compostage (minimisation de la surface d’échange Pour se convaincre de l’importance de cette problématique, il suffit
thermique) ou encore choisir le nombre optimal de retournements. de se reporter à l’utilisation croissante de la technique des rideaux
d’air et à leurs propriétés pour confiner des ambiances [11] [37].
1.1.2.6 Données opératoires optimales
L’analyse des valeurs de ces paramètres et de leur influence fait 1.1.3.2 Procédés à fonctionnement séquentiel – Importance
ressortir que la maı̂trise du processus de compostage passe par le de l’insufflation d’air
contrôle et la régulation de paramètres majeurs. Il apparaı̂t égale- Dans les procédés à fonctionnement séquentiels, les andains de
ment que les variations du débit d’oxygénation, de la température matières premières sont installés dans des couloirs et sont aérés
et de l’humidité sont interdépendantes. La modification de l’un pendant 4 à 6 semaines afin de réaliser la fermentation aérobie. Le
entraı̂ne la variation des deux autres. Cependant, la mauvaise ges- tas de produit stabilisé est ensuite déplacé vers une aire de matu-
tion de l’un des paramètres peut conduire à des dysfonctionne- ration pour permettre la mise en place d’un nouveau cycle de fer-
ments préjudiciables sur la qualité finale du compost. À titre mentation dans le couloir d’aération laissé libre. Cette configura-
d’exemple, une température trop élevée (supérieure ou égale à tion nécessite la mise en œuvre de plusieurs couloirs de
80  C) et une humidité trop faible provoque une diminution signifi- fermentation fonctionnant en parallèle. Dans ce cas, les andains
cative de l’activité biologique. Si ce processus apparaı̂t avant épui- ont des états d’avancement de fermentation différents afin d’assu-
sement de la matière organique, le compost obtenu est dit « méta- rer la continuité du processus de compostage en fonction d’un
stable ». C’est-à-dire qu’un apport ultérieur d’eau dans le matériau approvisionnement régulier de la matière brute. Comme dans les
obtenu provoquera une réinitialisation de l’activité biologique avec procédés à fonctionnement continu, il est possible de distinguer
les nuisances associées. D’autre part, une aération mal maı̂trisée deux modes d’aération des andains. Le premier mode est l’aération
ou insuffisante peut conduire au développement d’une flore micro- naturelle par convection, assurée par des retournements réguliers
bienne anaérobie, celle-ci s’effectuant au dépens de la flore aéro- de l’andain en fermentation. L’inconvénient majeur de cette tech-
bie. L’activité biologique prédominante au cours du processus sera nique réside dans la difficulté à maı̂triser et à optimiser les

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G 1 925 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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Qualité de l’air et automobile


Statut sur la qualité de l’air dans les grands
centres urbains

par Karine PAJOT


Docteur en Sciences, Chimie de la Pollution Atmosphérique et Physique de
l’Environnement de l’université Paris Diderot, Paris 7
Ingénieur de recherche pour le Groupe PSA
Intervenante à IFP School et INSA Centre Val de Loire, France

Nils MATTHESS
Docteur en Sciences, Génie des Procédés, de l’université Claude Bernard, Lyon 1

4
Expert des systèmes de dépollution et responsable de département Chimie des systèmes
de dépollution, mesure des émissions automobiles et carburants pour le Groupe PSA
Intervenant à IFP School et ENSI Caen, France

et Pierre MACAUDIERE
Docteur en Sciences, Chimie Analytique, de l’université Pierre et Marie Curie, Paris 6
Maı̂tre-Expert Systèmes de dépollution et Carburants pour le Groupe PSA, France

1. Notions fondamentales.................................................................. BM 2 502 – 2


1.1 Contexte historique ............................................................................ — 2
1.2 Amalgames à ne plus faire ................................................................ — 3
1.3 Définition de la qualité de l’air .......................................................... — 4
1.4 Description des polluants atmosphériques ....................................... — 5
1.5 Réglementation sur la qualité de l’air ............................................... — 6
2. Évolution de la qualité de l’air en France et en Europe .......... — 7
2.1 Évolution annuelle en France ............................................................ — 7
2.2 Contentieux des villes européennes avec l’Europe .......................... — 8
2.3 Exposition de la population européenne .......................................... — 9
3. État des lieux sur trois polluants : particules, NOx et O3 ...... — 9
3.1 Particules ............................................................................................ — 10
3.2 Oxydes d’azote NOx ........................................................................... — 14
3.3 Ozone O3 de la troposphère ............................................................... — 17
Parution : novembre 2020 - Dernière validation : janvier 2021

4. Problématique de l’import ............................................................ — 22


4.1 Cas des particules .............................................................................. — 22
4.2 Épisode de pollution par les particules sur Paris, cas de mars 2014 — 23
5. Effet de scenarii technologiques sur la qualité de l’air
en 2025 ............................................................................................. — 24
5.1 Présentation des scenarii de l’étude Anses ...................................... — 24
5.2 Évaluation de l’effet scenarii technologiques sur l’Île-de-France ..... — 24
5.3 Évaluation de l’effet scenarii technologiques à l’échelle
de la France ........................................................................................ — 25
6. Effet sur la qualité de l’air du confinement sanitaire Covid-
19........................................................................................................ — 25
7. Conclusion générale et perspectives.......................................... — 27
8. Glossaire ........................................................................................... — 28
9. Sigles, notations et symboles ...................................................... — 28
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. BM 2 502

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QUALITÉ DE L’AIR ET AUTOMOBILE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

’industrie automobile fait face à trois grands défis environnementaux. Le pre-


L mier est de limiter le réchauffement climatique au maximum à +2  C en 2050
avec une réduction forte des émissions de CO2 des véhicules (en Europe, - 37,5 %
en 2030 par rapport à 2021). Aussi, les émissions devront être mesurées et anti-
cipées sur l’ensemble du cycle de vie du véhicule, intégrant ainsi les émissions
non plus du puits à la roue mais du berceau à la tombe. Le deuxième défi vise à
faire face à la raréfaction des ressources naturelles qui impose d’utiliser les res-
sources au juste nécessaire et de recourir à la gestion durable des matières. Le
troisième défi concerne la qualité de l’air dont l’importance et le ressenti sont
étroitement liés à une urbanisation de plus en plus importante : plus d’un milliard
de personnes dans le monde vivent dans les cent plus grandes mégalopoles
(10 millions d’habitants ou plus). Certaines d’entre elles ont déjà enregistré des
concentrations de polluants vingt-cinq fois plus élevées que les limites préconi-
sées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est alors naturel de se
demander comment la qualité de l’air a évolué au cours de ces dernières décen-
nies notamment dans les grands centres urbains. La qualité de l’air résulte d’un
équilibre complexe entre les émissions de polluants atmosphériques, leurs trans-
formations chimique et/ou physique sous l’influence des conditions météorologi-
ques et l’import. Cependant, en raison de spécificités régionales, de la grande
complexité du milieu atmosphérique et des processus non linéaires de produc-
4 tion de certains polluants, la relation entre émissions et qualité de l’air est assez
difficile à établir de façon simple et unique. Cet article vise dans un premier
temps à faire le point sur l’évolution des concentrations de polluants attribuables
à l’automobile dans les grands centres urbains européens. Dans un second
temps, il propose une évaluation actualisée de la contribution de l’automobile à
la pollution atmosphérique locale.
Après avoir dressé un rapide historique sur la qualité de l’air, nous revien-
drons sur la définition de certains termes fondamentaux puis nous dresserons
un état des lieux des émissions et des concentrations d’espèces polluantes
atmosphériques de l’échelle locale à l’échelle européenne. Un zoom sur
l’ozone, polluant secondaire essentiellement estival, sera également réalisé.
Nous démontrerons l’impact positif des nouvelles technologies automobiles
mis en évidence par des études prospectives à partir de modélisation de la qua-
lité de l’air. Nous tirerons également quelques enseignements préliminaires de
l’effet du confinement sanitaire lié à la Covid-19 sur la qualité de l’air, ce dernier
ayant entraı̂né en Île-de-France une diminution d’environ 70 % du trafic routier
et donc des émissions associées.

une ville qui comptait une population de l’ordre d’un million


1. Notions fondamentales d’habitants [36]. Toutefois, l’épisode de référence en matière de
pollution atmosphérique est le smog de Londres de décembre
1952. Ce terme vient de la contraction entre smoke (fumée) et fog
(brouillard). Cet épisode a provoqué la mort de plus de 4 000 per-
1.1 Contexte historique sonnes dans les semaines qui suivirent, conséquence des effets
La pollution atmosphérique anthropique est apparue avec la maı̂- nocifs de l’acide sulfurique (réactions chimiques entre le SO2 et
trise du feu par l’être humain, il y a 350 000 ou 450 000 années. l’eau contenue dans le brouillard) sur les voies respiratoires. C’est
La combustion, indissociable de l’évolution humaine, contribue la combinaison entre des conditions météorologiques défavorables
aux émissions de composés de type gaz (CO, NOx, CO2…) ainsi telles que des températures très froides, conditions anticycloni-
que particulaires. Plus proche de nous, des écrits témoignaient ques, air humide… et des émissions atmosphériques intenses (cen-
déjà de tels phénomènes. Par exemple, Sénèque, sénateur et philo- trales thermiques, chauffage domestique… à partir d’un charbon
sophe romain, écrivait il y a 2 000 ans : « Dès que j’aurai laissé der- riche en soufre) qui en est à l’origine. Un épais brouillard acide se
rière moi l’oppressant air de la ville et la puanteur des fumantes forma et de fortes concentrations de fumées noires (1 600 mg/m3) et
cheminées qui, une fois leurs feux allumés, vomissent toutes les de SO2 (1 800 mg/m3) furent alors enregistrées sur 24 heures [35]
pestilentes fumées et suies qu’elles contiennent, je me sentirai [46]. Afin de confirmer la nocuité de l’air à cette époque, il suffit
tout à fait un autre homme ». Ainsi parlait ce philosophe de Rome, de les comparer aux recommandations actuelles de l’Organisation

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– QUALITÉ DE L’AIR ET AUTOMOBILE

mondiale de la santé qui préconisent des concentrations journaliè- le professeur de biochimie Haagen-Smit de CalTech, qui a décrit
res inférieures à 20 mg/m3 pour préserver la santé humaine [43]. en 1950 les mécanismes physico-chimiques à l’origine de cette pol-
Suite à cet événement, le gouvernement, les scientifiques et la lution et dont le principal polluant identifié est l’ozone O3 [34].
population prirent conscience que le pouvoir de dilution des com- Finalement, en raison de la densification de la population dans
posés chimiques diffusés dans l’atmosphère n’était pas infini et les centres urbains, du besoin de mobilité croissant ainsi que de
que des effets délétères liés à la pollution atmosphérique pouvaient l’insuffisance des transports en commun et moyens de mobilité
apparaı̂tre. Aussi, le Royaume-Uni adopta sa première loi sur l’air alternatifs, la contribution du transport routier est devenue parfois
propre en 1956, le Clean Air Act. prépondérante avec une empreinte environnementale urbaine
Jusqu’aux années 1970, la pollution est essentiellement associée associée qui nécessite d’être évaluée.
à l’activité industrielle dont les gros émetteurs ont, au fil des ans,
quitté les grands centres urbains. Les polluants principalement
mesurés étaient le SO2 et les fumées noires. En 1968, Svante Odén 1.2 Amalgames à ne plus faire
met en évidence pour la première fois, le phénomène de pluies aci-
des et la pollution transfrontalière [50]. Le scientifique suédois Il est impératif de distinguer la pollution atmosphérique à l’échelle
constate, en effet, que les précipitations dans son pays deviennent locale de celle à l’échelle globale ou planétaire. Selon la nature des
plus acides et cela en lien avec une augmentation des concentra- polluants et la variation de leurs concentrations, les impacts environ-
tions de SO2 dans les pays frontaliers. Une acidification des rivières nementaux et sanitaires sont différents. La pollution globale concerne
les substances chimiques à longue durée de vie et dont l’effet se fait
est également observée en Norvège et s’étend dans les lacs du
sentir à l’échelle planétaire. Mentionnons les gaz à effet de serre (CO2,
Canada et de Scandinavie (disparition de la faune aquatique) ainsi
N2O, CH4, CFC…) qui absorbent le rayonnement infrarouge réémis par
que dans les forêts des Vosges ou de la Forêt-Noire (arbres sans
la surface terrestre, à l’origine du changement climatique. Ils sont
feuille ou aiguille). Dès lors, la pollution ne concerne plus unique-
sans conséquence directe, aux concentrations mesurées, sur la santé
ment les centres urbains mais devient un enjeu transfrontalier donc
humaine et/ou sur l’environnement autour du site d’émission. La pol-
international. La localisation et la maı̂trise des sources émettrices

4
lution locale, traitée dans cet article et attribuable au dioxyde d’azote
deviennent nettement plus compliquées à contrôler.
(NO2), aux particules (PM), à l’ozone (O3)… présente des effets locaux
À la fin du XXe siècle, en Europe, un autre type de pollution dit avérés tant sanitaires (asthme, infections pulmonaires, cancer…)
photochimique prend de l’ampleur résultant d’une augmentation qu’environnementaux (acidification, eutrophication…). Soulignons
des concentrations notamment d’ozone troposphérique dans les que certaines espèces chimiques peuvent appartenir aux deux catégo-
grandes agglomérations. Il a été identifié pour la première fois ries comme l’ozone qui est de plus impliqué dans un troisième phé-
dans le bassin de Los Angeles dans les années 1950. Il est lié aux nomène global : l’augmentation des rayonnements UV dangereux
nombreuses sources d’émissions de NOx et de COV issues du trafic pour les espèces vivantes via la déplétion de la couche d’ozone pro-
automobile, des centrales thermiques, des raffineries… associées à tectrice située dans la stratosphère notamment au-dessus de l’Antarc-
des conditions météorologiques aggravantes (fort ensoleillement et tique et qui a fait l’objet de nombreuses études [38] [49] (voir encadré
topographie impliquant une faible dispersion des polluants). C’est et figure 1).

Réflexion
adsorption
Rayonnement solaire

Rayonnement UV
120

110 0,001 mb Réflexion


adsorption
100 THERMOSPHÈRE

90 0,01 mb
Mésopause
80 Réflexion
0,1 mb adsorption
Altitude [km]

70
MESOSPHÈRE
60
1 mb
50 Stratopause Réflexion
Couche d’ozone
stratosphérique

40
STRATOSPHÈRE 10 mb
30

20 Tropopause 100 mb
Adsorption
10 TROPOSPHÈRE par le sol (50 %)
0 1 000 mb
–100 –90 –80 –70 –60 –50 –40 –30 –20 –10 0 10 20 30 40 50 60
Température [ºC]

Figure 1 – Structuration verticale des couches atmosphériques (PSA, inspiré source Météo est-Loiret)

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QUALITÉ DE L’AIR ET AUTOMOBILE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Les méthodes d’obtention des valeurs relatives aux émissions et


Les couches atmosphériques proches aux concentrations de polluants atmosphériques sont totalement
de la surface terrestre différentes et décrit de manière simple :
L’atmosphère est divisée en plusieurs couches d’épaisseurs – les émissions représentent la quantité de polluants produite par
variables et dont les altitudes sont fixées selon les discontinui- une source identifiée par unité de temps (elles peuvent être expri-
tés dans les gradients de température (figure 1) : mées en t/an). Elles sont calculées en France par secteur d’activité
– la troposphère est la première couche atmosphérique ter- par le CITEPA (centre interprofessionnel technique d’études de la
restre dans laquelle vivent les espèces vivantes. La tempéra- pollution atmosphérique) à l’aide d’une méthodologie bien cadrée
ture décroı̂t le plus souvent avec l’altitude. Elle se situe entre qui prend en compte la quantité d’activité et les facteurs d’émis-
la surface terrestre et la stratosphère. Sa limite supérieure, la sions associés à cette activité [21] ;
tropopause, se situe à une altitude comprise entre 7 et 16 kilo- – les concentrations représentent la quantité de polluants dans
mètres selon la saison et la latitude (plus élevée à l’équateur un volume d’air et c’est celle que l’on respire (peuvent être expri-
qu’aux pôles). Tous les phénomènes météorologiques et mées en mg/m3). Elles sont issues de mesures réalisées par les sta-
les mouvements atmosphériques horizontaux et verticaux tions de mesure de la qualité de l’air gérées par les AASQA (asso-
(convection thermique, vents) ont lieu au sein de cette couche ; ciation agréée de surveillance de la qualité de l’air) pour la France.
– la stratosphère est la deuxième couche atmosphérique,
délimitée dans sa partie supérieure par la stratopause, prise
en sandwich entre la troposphère et la mésosphère. Elle 1.3 Définition de la qualité de l’air
débute à partir de 7 à 16 km jusqu’à une cinquantaine de kilo-
mètres d’altitude. La température croı̂t avec l’altitude liée au L’air constitue le premier élément nécessaire à la vie. Chaque
réchauffement de cette couche par l’absorption des rayonne- jour, un humain respire 15 000 litres d’air. Le déséquilibre de sa
ments UV du soleil par la couche d’ozone. Les échanges sont composition originelle peut conduire à des effets néfastes sur la
très limités entre les deux premières couches atmosphériques santé humaine et/ou sur l’environnement local. La pollution locale

4
du moins pour les espèces chimiques à courte durée de vie. qualifiée par la qualité de l’air est liée aux concentrations de pol-
luants auxquelles la population est exposée et qu’elle respire.
Dans l’atmosphère, ces concentrations de polluants (exprimées en
Ce qu’il faut retenir sur l’ozone, selon sa localisation dans les mg/m3, par exemple) résultent :
couches atmosphériques, est que son pouvoir de nuisance en fonc-
– de la variabilité des émissions atmosphériques correspondant
tion de l’évolution de sa concentration n’est pas le même. Ainsi,
aux quantités d’espèces chimiques directement rejetées dans
l’ozone de la troposphère, dont la tendance est à l’augmentation
l’atmosphère par les activités humaines (cheminées industrielles
est nocif alors que celui de la stratosphère, indispensable à la vie
ou résidentielles, échappements automobiles, agriculture…) et/ou
terrestre, se régénère trop lentement. Dans cet article, nous traite-
par des sources naturelles (volcans, sols, végétation…). Elles peu-
rons tout particulièrement l’ozone troposphérique impliqué dans
vent être exprimées en tonnes par an (t/an) ;
la pollution locale en tant qu’espèce oxydante.
– de la durée de vie des composés chimiques. Moins les espèces
Nous terminerons sur un amalgame, trop régulièrement lu/entendu, gazeuses seront réactives, plus leur durée de vie sera longue et leur
entre les termes « concentration » et « émission ». Même si le premier rayon d’impact spatio-temporel grand. Pour les particules, plus
résulte du second, il est difficile de les relier de façon simple et elles seront fines et légères, plus elles seront aéroportées sur de
directe. longues distances ;

Situation normale Situation d’inversion de température

Chaleur
Vent Absence
faible de pluie
Air « couvercle »
froid d’air chaud
Altitude

Dispersion Concentration
des polluants des polluants

Air Sol
moins refroidi
froid la nuit

La température baisse de 6,5 ºC


tous les 1 000 m

a b

Figure 2 – Le phénomène d’inversion de température (PSA, inspiré source Airparif)

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– QUALITÉ DE L’AIR ET AUTOMOBILE

– des conditions météorologiques. La température, l’ensoleille- 1.4 Description des polluants


ment, les vents, les précipitations conditionnent la transformation,
le transport et/ou la dispersion des polluants qui peuvent aussi être
atmosphériques
affectés par la topographie des lieux (rue canyon, chaı̂ne de monta-
gnes, vallée…). Ainsi, les périodes anticycloniques, quelle que soit
la saison, caractérisées par un vent faible, un ciel clair en présence Les polluants présents dans I’air se classent
d’une inversion de température (voir encadré et figure 2), sont des en deux familles
conditions propices à une dégradation rapide de la qualité de l’air
au niveau du sol et sont souvent à l’origine des pics de pollution, – les polluants primaires directement issus de sources iden-
bien plus que la variabilité dans l’amplitude des émissions. tifiables de pollution (les transports routier et non routier, les
industries, le chauffage, l’agriculture…) ;
– les polluants secondaires, non directement émis dans
Phénomène d’inversion de température l’atmosphère, qui résultent de transformations physique et/ou
chimique à partir de polluants primaires réagissant entre eux
Dans la troposphère, la température de l’air diminue avec et/ou avec d’autres composés présents naturellement dans
l’altitude, d’environ 6,5 /1 000 m. Par conséquent, une disper- l’atmosphère. L’ozone, les aérosols organiques et inorganiques
sion verticale des polluants est favorisée (figure 2a). En effet, secondaires font typiquement partie de cette famille.
les masses d’air chaudes polluées, émises au niveau du sol,
sont plus légères que l’air ambiant et s’élèvent en altitude.
Dans des situations exceptionnelles, comme par nuit claire, le
Dans la couche troposphérique, l’air est constitué majoritairement
sol va réémettre, vers l’espace, sous forme infrarouge l’ensemble
d’azote N2 (78 %, en volume) et d’oxygène O2 (21 %) et le pourcent
du rayonnement solaire emmagasiné la veille. Le sol va alors se
refroidir bien plus vite que les masses d’air supérieures et cette restant est composé d’autres gaz dont l’argon Ar (0,94 %), la vapeur
couche limite atmosphérique plus froide en formation va se d’eau H2O, le dioxyde de carbone CO2, etc. Même si leurs concentra-
tions sont très faibles (de l’ordre du mg/m3), certaines espèces chimi-

4
développer au fil de la journée. Le matin, une inversion ther-
mique va alors se matérialiser par un gradient positif de tempé- ques atmosphériques, sont en quantité suffisante pour être néfastes
rature (ou nul) de quelques mètres à quelques centaines de pour la santé et/ou l’environnement localement. Parmi ces espèces
mètres à partir du sol (figure 2b). En son sein, aucun mouvement attribuables, entre autres, aux secteurs du transport routier, de
d’air n’est observé. Les polluants émis au niveau du sol se l’industrie, du résidentiel, du tertiaire, de l’agriculture, nous pou-
retrouvent alors piégés sous le couvercle d’air chaud. Leurs vons compter, par exemple, des polluants primaires comme les par-
concentrations vont ainsi augmenter au fil de la journée avec ticules (PM), les oxydes d’azote (NOx), les composés organiques
les émissions liées aux activités humaines. En présence de volatils (COV), le dioxyde de soufre (SO2) et des polluants secondai-
rayonnement UV solaire, les composés piégés vont réagir pour res comme l’ozone (O3) et certains aérosols.
former de nouvelles espèces chimiques, appelés polluants L’origine des particules est diverse : combustion industrielle,
secondaires, comme des polluants photochimiques (typique- chauffage, émissions à l’échappement des moteurs à combustion
ment l’ozone). Ces conditions sont le plus souvent à l’origine de interne, abrasion des freins, de pneus voire du revêtement routier,
pics de pollution. Ces épisodes d’inversion de température se ter- remise en suspension des particules par le vent et/ou le passage
minent avec la fin de l’anticyclone, l’arrivée de vent ou de pluie. des véhicules ainsi que la transformation physico-chimique des gaz
et/ou des particules (polluant secondaire), etc. Par exemple, le
Le Conseil de l’Europe définit ainsi la pollution (1967) : « il y a nitrate d’ammonium (NH4NO3) est un aérosol inorganique secon-
pollution de l’air lorsque la présence d’une substance étrangère daire (AIS) formé durant les épisodes printaniers de pollution
ou une variation importante dans la proportion de ses constituants atmosphérique particulaire. Il est issu de la réaction entre l’ammo-
est susceptible de provoquer un effet nuisible, compte tenu des niac gaz (NH3) et l’acide nitrique gazeux (HNO3). L’ammoniac pro-
connaissances scientifiques du moment, ou de créer une gêne ». vient du secteur agricole (épandages d’engrais) tandis que HNO3
est un produit d’oxydation des NOx issus du transport routier, de
Deux notions importantes sont à retenir dans cette définition :
l’industrie ou encore du résidentiel. Les aérosols secondaires consti-
– une pollution n’est pas définie uniquement par la nature de(s) tuent une source importante de particules car, du fait de leurs très
l’espèce(s) chimique(s) en question mais aussi par la variation de petits diamètres, ils peuvent être transportés sur de longues distan-
sa(es) concentration(s). Prenons l’oxygène : l’exposition à une pres- ces (échelle d’une région, d’un pays, voire d’un continent) et contri-
sion partielle trop élevée (hyperoxie), rencontrée lors d’activité de buer ainsi aux dépassements des valeurs limites de la qualité de
plongée par exemple, provoque des conséquences sérieuses sur l’air dans des zones très éloignées de leurs sources d’émission.
l’organisme. L’oxygène peut alors être considérée, dans ce cas,
comme un polluant. Par conséquent, l’identification d’une pollution Les concentrations particulaires sont caractérisées par leur
n’est possible qu’au travers de la mesure des espèces chimiques concentration massique (PM, Particulate Matter) et par leur nombre
impliquées. Sans mesure, il est quasi impossible d’appréhender le (PN, Particulate Number). Leur impact sanitaire dépend également
phénomène à l’origine d’effets sanitaire et/ou environnemental ; de leur taille. Plus elle est fine, plus la capacité des particules à
pénétrer dans les ramifications les plus profondes des voies respi-
– la notion de pollution évolue avec l’avancée des connaissances
ratoires est grande :
scientifiques. Le cas de l’amiante, du benzène, du formaldéhyde…
polluants classés CMR, pour cancérigène, mutagène et reproto-  PM10 : particules de diamètre aérodynamique médian infé-
xique, sont les exemples typiques d’espèces chimiques dont le rieur à 10 mm soit 6 à 8 fois plus petite que l’épaisseur d’un
caractère dangereux a évolué avec le temps et continuera d’évoluer. cheveu ;
 PM2.5 : particules de diamètre aérodynamique médian infé-
Cette définition a été amendée depuis notamment avec la loi rieur à 2,5 mm (figure 3).
LAURE [37]. Elle y intègre de manière claire les problématiques de
la qualité de l’air intérieure ainsi que celui du changement clima- Alors que dans le secteur automobile, les émissions des véhicu-
tique. La pollution atmosphérique est alors définie comme suit : les sont réglementées à la fois en masse (PM) et en nombre (PN),
« introduction par l’Homme, directement ou indirectement, dans les concentrations dans l’air ambiant sont mesurées et réglemen-
l’atmosphère et les espaces clos, de substances ayant des consé- tées uniquement en masse (PM). Cette double réglementation auto-
quences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé mobile sur les particules permet ainsi d’assurer la filtration à la fois
humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, des plus fines particules (de l’ordre de la dizaine de nanomètre) et
à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens des plus grosses (de l’ordre du micron). D’un point de vue qualité
matériels, à provoquer des nuisances olfactives ». de l’air, la réglementation en masse ne limite que les plus grosses

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QUALITÉ DE L’AIR ET AUTOMOBILE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

nettoyants, processus industriels, évaporation lors du remplissage


PM2,5 des réservoirs automobiles, etc.) et biotique (la végétation).
Particules de La directive européenne du 11 mars 1999 [27] relative à la réduc-
combustion, composés tion des émissions de COV définit comme suit les composés orga-
organiques, métaux, etc.
niques et COV :
PM10 – un composé organique contient au moins l’élément de carbone
Poussière, pollen,
et un ou plusieurs des éléments suivants : hydrogène, halogène,
moisissure, etc.
< 10 µm de diamètre
oxygène, soufre, phosphore, silicium ou azote, à l’exception des
90 µm de diamètre
oxydes de carbone et des carbonates et bicarbonates inorganiques ;
grain de sable – un COV est un composé organique ayant une pression de
vapeur de 0,01 kPa ou plus à une température de 293,15 K, ou
Cheveu humain ayant une volatilité correspondante dans les conditions d’utilisation
50-70 µm de diamètre particulières.
Le dioxyde de soufre, SO2, provient principalement de la combus-
Figure 3 – Taille des particules atmosphériques (PSA, inspiré source tion des combustibles fossiles (charbons, pétroles…). Les impuretés
US-EPA) soufrées contenues dans ces combustibles s’oxydent en présence de
l’oxygène de l’air pour former du SO2. La combustion industrielle de
charbon et celle des carburants automobiles étaient les plus grandes
sources émettrices. Les émissions de SO2 et de facto sa concentra-
Concentration normalisée (dC/C.DLOG D)

Particules fines
tion dans l’air ont drastiquement été réduites ces dernières décen-
Nanoparticules (D < 2,5 μm)
nies. À titre d’illustration, la teneur en soufre des carburants de
(D < 50 nm) bateaux selon les règles MARPOL est passée de 3,5 % à 0,5 % à par-

4
tir du 1er janvier 2020 et une limite plus stricte à 0,1 % est même
imposée dans 4 zones de contrôle des émissions appelées
Particules ultrafines PM10 ECA [44]. De même, la teneur en soufre des carburants du transport
(D < 100 nm) routier est de 10 ppm, soit 0,001 %, depuis le 1er janvier 2009 en
Europe. Aux activités anthropiques s’ajoutent aussi les sources natu-
relles de SO2 dont la plus commune est celle des volcans.
L’ozone, O3, est un des polluants photochimiques secondaires de
Mode Mode Mode grosses la troposphère qui apparaı̂t uniquement en période estivale. Il
nucléation accumulation particules résulte de réactions photochimiques essentiellement à partir de pol-
luants primaires comme les NOx et les COV sous l’action des rayons
UV du soleil (d’où le terme « photochimique » : la photolyse de cer-
0,001 0,010 0,100 1,000 10,000
taines molécules, i.e. leur décomposition par le rayonnement
Diamètre (μm) solaire). Les mécanismes chimiques impliqués dans la formation de
ce polluant seront exposés plus en détail dans le paragraphe 3.3.
Pondération en nombre Pondération en masse

Figure 4 – Distribution granulométrique des particules 1.5 Réglementation sur la qualité de l’air
de combustion en masse et en nombre (d’après [23])
Les premières bases scientifiques destinées à réduire les risques
sanitaires de la pollution de l’air ont été édictées par l’OMS sous la
particules (0,1 micron et plus). En effet, comme le montre la
forme de valeurs guides des concentrations de polluants à ne pas
figure 4, les plus grosses particules vont participer majoritairement
dépasser. Elles datent de 1987.
à la masse dans la mesure des concentrations massiques (courbe
en pointillé rouge) alors que les ultrafines contribuent au nombre En 1996, la directive 96/62/CE [26] fournit le cadre à la législation
(courbe bleu) [23]. communautaire. Au niveau français, la mise en œuvre de cette
directive se traduit par l’adoption de la loi sur l’air et l’utilisation
Les oxydes d’azote, NOx, essentiellement monoxyde d’azote NO
rationnelle de l’énergie, du 30 décembre 1996 à l’initiative de
et dioxyde d’azote NO2 sont des sous-produits de combustion de
Corinne Lepage, alors ministre de l’Environnement [37]. Cette loi
tout combustible fossile (charbon, pétrole, gaz…). Ils se forment
instaure notamment une surveillance améliorée de la qualité de
par oxydation à très haute température du diazote de l’air N2 avec
l’air avec la mise en place dans chaque région d’une association
le dioxygène O2. Le NO n’est pas toxique aux concentrations mesu-
agréée de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) responsable
rées dans l’atmosphère tandis que le NO2, gaz oxydant, est irritant
pour l’appareil respiratoire. NO et NO2 sont tous deux des polluants entre autres de la mesure des polluants atmosphériques et de la
primaires. Le NO2 est aussi un polluant secondaire formé par réac- prévision de la qualité de l’air. Elle a renforcé également les mesu-
tion, à température ambiante, du NO avec tout type d’oxydant res de restriction des émissions dans les centres urbains en cas de
atmosphérique tel que O2, O3… Notons que le NO2 est la forme pic de pollution (mise en place de la pastille verte, en 1998).
thermodynamiquement stable des NOx à température ambiante. Ces réglementations se voient confortées depuis une vingtaine
Les NOx participent à la formation d’ozone durant l’été, d’aérosols d’années par de nombreuses études épidémiologiques établissant
inorganiques secondaires par réactions chimiques avec d’autres une corrélation entre concentrations trop élevées de polluants
substances présentes dans l’air. Ils contribuent aussi aux phénomè- atmosphériques et mortalité prématurée. En Europe, nous pouvons
nes des pluies acides (acide nitrique) et à l’eutrophisation des eaux citer entre autres :
(prolifération de végétaux liée à un apport en excès de substances – le programme très ambitieux Clean Air For Europe CAFE lancé
nutritives en l’occurrence de nitrates). en 2001 par la Commission européenne. Il avait pour mission d’éla-
Les composés organiques volatils (COV) regroupent une quantité borer une stratégie intégrée à long terme de lutte contre la pollu-
très importante de substances chimiques qui comprennent le pro- tion de l’air et de protection de la santé humaine ainsi que de
pane, l’éthanol, le benzène, l’acétone, etc. Ils peuvent être d’origine l’environnement. C’est à partir de ce programme que les chiffres
anthropique (produits de combustion, usage industriel ou domes- de 42 000 décès prématurés, issus de la modélisation, ont été
tique de solvants organiques comme les peintures ou les produits établis en France, liés à l’exposition chronique aux particules

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– QUALITÉ DE L’AIR ET AUTOMOBILE

inférieures à 2,5 mm. Ils correspondraient à une perte moyenne


d’espérance de vie de 8,2 mois [13] ; À retenir
– le programme APHEKOM, coordonné par l’Institut national de
– La qualité de l’air résulte d’un équilibre complexe entre les
veille sanitaire (InVS) et lancé en 2008. Il avait pour but d’évaluer
émissions atmosphériques et leurs transformations physico-
l’impact sanitaire et économique de la pollution atmosphérique
chimiques sous l’influence de la météorologie.
urbaine dans 25 villes d’Europe dont 9 en France. Il a établi que
– La pollution locale associée à la qualité de l’air concerne
l’espérance de vie pourrait augmenter selon les villes jusqu’à tout polluant présentant des effets sanitaires et/ou environne-
22 mois pour les personnes de 30 ans et plus si les niveaux mentaux locaux avérés. Elle se différentie ainsi de la pollution
moyens annuels de particules inférieures à 2,5 mm étaient ramenés globale de type GES.
en dessous de la valeur recommandée par l’OMS. Par ailleurs, le – Les polluants atmosphériques actuellement concernés par
respect de cette valeur guide se traduirait par un coût moindre la pollution locale sont le NO2, les particules et l’O3.
pour la société d’environ 31,5 milliards d’euros [25].
Même si ces chiffres sont entachés de fortes incertitudes, les ten-
dances sont avérées et sont utiles pour inciter les décideurs à agir
et à lancer des actions concrètes pour protéger la santé humaine et
l’environnement de la pollution atmosphérique en zone urbaine.
2. Évolution de la qualité
Les rapports de l’OMS de 2000 [42] et de 2006 [43] servent de l’air en France
encore aujourd’hui de cadre à l’ensemble des États membres de
l’Union européenne. Ils fixent des valeurs limites pour un ensemble et en Europe
de polluants atmosphériques (tableau 1). La dernière mise à
jour [43] concerne tout particulièrement les particules, l’ozone
(O3), le dioxyde d’azote (NO2) et le dioxyde de soufre (SO2). Une Cette section a pour objet de dresser un premier bilan sur l’évo-

4
révision des valeurs guides OMS est prévue courant 2021. lution annuelle des polluants atmosphériques dans les grandes
D’un point de vue réglementaire, deux directives européennes agglomérations européennes.
assurent un cadre commun pour la gestion de la qualité de l’air :
la directive n 2004/107/CE du 15 décembre 2004 [28] et la directive
européenne n 2008/50/CE du 21 mai 2008 [29]. Cette dernière fixe, 2.1 Évolution annuelle en France
notamment pour les PM, NO2 et O3, les niveaux de concentrations
atmosphériques à ne pas dépasser (tableau 1) Les concentrations de polluants dans l’atmosphère, qui caractéri-
Au regard de la réglementation, trois polluants restent probléma- sent la qualité de l’air, en France, sont mesurées par les diverses
tiques en Europe actuellement : PM10, NO2 et O3. Parallèlement, stations implantées par les AASQA, en milieu urbain à proximité
l’OMS recommande des critères d’exposition qui s’appuient sur des sources d’émissions (stations proximité trafic, industries) ou
des concentrations au-delà desquelles les connaissances scientifi- éloignées de ces sources (fond urbain ou rural).
ques actuelles ont démontré des effets nocifs pour la santé et pour Depuis 2000, les concentrations de la majorité des polluants ont
l’environnement [42] [43]. L’analyse du tableau 1 montre que pour diminué (figure 5) dans des proportions cependant moins impor-
certains des polluants les normes restent supérieures aux recom- tantes que les émissions (figure 6). Ce constat illustre bien la non-
mandations OMS. Il s’agit des particules (PM10, PM2.5) et de l’ozone linéarité des phénomènes qui existe entre les émissions de pol-
(O3). Précisons d’ores et déjà que la Commission européenne a luants et leurs concentrations une fois dans l’atmosphère.
inscrit dans sa feuille de route du Green Deal une convergence des
valeurs seuils réglementaires vers les valeurs guides de l’OMS [24]. Les concentrations de SO2 présentent la diminution la plus
importante avec des moyennes annuelles enregistrées inférieures
à 4 mg/m3 depuis 2012. Sur les dix-huit dernières années, une ten-
Tableau 1 – Comparaison des objectifs qualité de l’air dance à la baisse, bien que plus modérée, est à noter sur les NOx et
les PM. Seules les concentrations atmosphériques estivales
de la réglementation européenne et des valeurs guides d’ozone ne baissent pas (figure 5).
de l’OMS pour la protection de la santé humaine
et de l’environnement pour les PM, le NO2 et l’O3

Valeurs guides Évolution des concentrations de polluants en fond urbain


Unités Normes Europe En indice base 100 des concentrations en 2000
OMS

mg/m3/an 40 20
PM10 100
3 1
mg/m /j 50 502

PM2.5 mg/m3/an 25 10
3
mg/m /an 40 40
50
NO2 NO2
3 3
mg/m /h 200 200 O3
PM10
O3 mg/m3/8h 1204 100 PM2,5
SO2
1 0
À ne pas excéder plus de 35 jours par an 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
2
Percentile 99 (3 jours par an)
3
À ne pas dépasser plus de 18 heures par an
4
Valeur cible à ne pas dépasser plus de 25 jours par an (moyenne
Figure 5 – Évolution des concentrations en SO2, NO2, O3, PM10
calculée sur 3 ans)
et PM2.5, en milieu urbain, en France (d’après les données du MTES [40])

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Qualité de l’air et automobile


Technologies pour limiter l’impact sur la
qualité de l’air

par Nils MATTHESS


Docteur en Sciences, Génie des Procédés de l’université Claude Bernard, Lyon 1
Expert des systèmes de dépollution et responsable du département Chimie des systèmes
de dépollution, mesure des émissions automobiles et carburants pour le Groupe PSA
Intervenant à IFP School et ENSI Caen, France

Karine PAJOT
Docteur en Sciences, Chimie de la Pollution Atmosphérique et Physique de
l’Environnement de l’université Paris Diderot, Paris 7
Ingénieur de recherche pour le Groupe PSA
Intervenante à IFP School et INSA Centre Val de Loire, France
4
et Pierre MACAUDIERE
Docteur en Sciences, Chimie Analytique de l’université Pierre et Marie Curie, Paris 6
Maı̂tre-Expert Systèmes de dépollution et Carburants pour le Groupe PSA, France

1. Réglementation européenne sur les émissions automobiles . BM 2 503 – 2


1.1 Conditions de test .............................................................................. — 2
1.1.1 Cycle NEDC (ou MVEG) ........................................................... — 2
1.1.2 Cycle WLTC en laboratoire (banc à rouleaux) et test RDE
en conditions réelles de roulage ............................................. — 3
1.2 Limites réglementaires ...................................................................... — 4
1.3 Perspectives en matière de réglementation des émissions
automobiles ........................................................................................ — 6
2. Technologies de post-traitement pour satisfaire
la réglementation............................................................................ — 6
2.1 Le post-traitement des émissions dans ses grandes lignes ............. — 6
2.2 Moteur à allumage commandé (moteur essence) ............................ — 7
2.2.1 Catalyseur « trois voies » ........................................................ — 7
Parution : novembre 2020 - Dernière validation : décembre 2020

2.2.2 Filtration des particules ........................................................... — 10


2.2.3 Perspectives en dépollution essence ...................................... — 11
2.3 Moteur à allumage par compression (moteur diesel) ...................... — 12
2.3.1 Catalyse d’oxydation ............................................................... — 12
2.3.2 Catalyse de traitement des composés azotés ......................... — 13
2.3.3 Filtration des particules ........................................................... — 16
2.3.4 Perspectives en dépollution diesel ......................................... — 19
3. Lien entre les solutions technologiques et la réduction
des émissions automobiles ........................................................... — 20
4. Conclusion générale et perspectives.......................................... — 22
5. Sigles, notations et symboles ...................................................... — 23
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. BM 2 503

e changement climatique et la qualité de l’air sont les deux grands défis


L auxquels nous sommes confrontés. Dans les deux cas, le secteur du trans-
port, et de l’automobile en particulier, est impliqué : d’une part, il émet des

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QUALITÉ DE L’AIR ET AUTOMOBILE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

quantités non négligeables de gaz à effet de serre (CO2, CH4, etc.) et d’autre
part, il est l’une des principales sources de polluants comme les particules
mais aussi et surtout les oxydes d’azote.
Aussi, concernant les polluants, l’Europe a souhaité réglementer au début des
années 1990 les émissions du secteur du transport routier. La première norme,
appelée « Euro 1 », est apparue en janvier 1993. Depuis, la sévérisation des
normes « Euro x » n’a jamais cessé, conduisant les constructeurs automobiles
à réduire encore et toujours les émissions de polluants primaires de leurs véhi-
cules. Mais si les émissions des véhicules ainsi que celles des autres sources
ont été bel et bien réduites, le constat en matière de concentration dans l’air
n’est pas toujours flagrant notamment du fait :
– du renouvellement du parc qui prend du temps et qui ne permet pas de voir
instantanément l’efficacité des nouvelles technologies de dépollution ;
– de l’entretien des véhicules qui n’est pas toujours assuré par le client ;
– de l’origine multiple et pas toujours traçable des polluants et de leurs pro-
cessus d’évolution dans l’atmosphère, dépendant de la géographie, de la
météorologie ou encore de la topographie des zones considérées (cf. « large
avenue » versus « rue canyon » i.e. rue étroite jalonnée d’immeubles hauts).
Ceci étant, il est clair que les directives aujourd’hui sur la qualité de l’air

4
influencent de plus en plus l’élaboration des normes sur les émissions qui
elles-mêmes influencent le développement des systèmes de dépollution de
demain. Citons, par exemple, la problématique des particules « diesel » traitée
depuis 2011 (Euro 5) grâce à l’introduction du filtre à particules ou la générali-
sation depuis 2014 (Euro 6.b) de la SCR (Selective Catalytic Reduction), très effi-
cace pour réduire les émissions de NOx des véhicules diesel.
Ainsi, l’objectif de cette publication est de faire le lien entre l’évolution, ces
dernières années, de la qualité de l’air comme évoqué en détail dans [BM 2 502]
et les progrès réalisés dans le domaine du contrôle des émissions automobiles
sachant que cette source n’est évidemment pas la seule.

À l’inverse, certains états américains (la Californie en tête) durcis-


1. Réglementation sent la réglementation pour la rendre encore plus contraignante
européenne que celle du reste des États-Unis. Mais toutes s’attachent à limiter
les principaux polluants suivants : CO, HC, NOx et particules.
sur les émissions Nous ne nous intéresserons ici qu’à la réglementation en vigueur
en Europe sur les émissions produites par le moteur (se référer
automobiles à [BM 2 506] pour la réglementation sur les pertes par évaporation).

Dans cette section, nous ne détaillerons pas de manière exhaus- 1.1 Conditions de test
tive les réglementations en vigueur (se référer pour cela à des
publications plus spécialisées, cf. [BM 2 506] [BM 2 507] 1.1.1 Cycle NEDC (ou MVEG)
[BM 2 515]) mais nous en expliciterons plutôt les grandes lignes.
Jusqu’à Euro 6.b (septembre 2014 pour nouveaux types et sep-
Il sera, en revanche, intéressant d’en constater l’impact sur le
tembre 2015 pour tous types) inclus, les mesures de polluants
groupe motopropulseur, le système de post-traitement (cf. § 2) et
étaient réalisées sur le cycle d’homologation appelé NEDC ou
surtout sur la qualité de l’air (cf. § 3).
MVEG dont le profil est présenté figure 1.
S’il existe des nuances zone par zone, pays par pays, il faut rete-
Le véhicule était alors testé uniquement dans des conditions
nir qu’il y a aujourd’hui dans le monde trois réglementations
dites « laboratoire » sur un banc à rouleaux dont une description
majeures sur les émissions automobiles :
est faite figure 2.
– la réglementation européenne ;
– la réglementation américaine ; Le cycle NEDC a cependant été fortement critiqué pour son
– la réglementation japonaise. manque de représentativité avec notamment des accélérations
peu dynamiques. Il a été remplacé en 2017 par un cycle plus
Les autres zones appliquent de fait l’une de ces trois réglementa- représentatif des conditions de circulation actuelles, le cycle
tions en l’adaptant, i.e. en la rendant le plus souvent moins sévère. WLTC (pour Worldwide harmonized Light vehicles Test Cycle)
Il existe également des pays où aucune réglementation sur les associé à un protocole également plus proche de la réalité (loi de
émissions n’est appliquée (cf. un certain nombre de pays africains). route, inertie véhicule, etc.).

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– QUALITÉ DE L’AIR ET AUTOMOBILE

1.1.2 Cycle WLTC en laboratoire (banc à rouleaux) sur route selon le protocole RDE pour Real Driving Emissions en
et test RDE en conditions réelles de roulage vigueur depuis la norme Euro 6.d-temp (NT : 09/17 et TT : 09/2019).
Le principe du protocole RDE [BM 2 515] est de vérifier que les
Le cycle WLTC, dont le profil plus dynamique est décrit figure 3,
véhicules homologués dans les conditions « laboratoire » du cycle
a remplacé depuis la norme Euro 6.c (NT : 09/2017 et TT : 09/2018) le
WLTC conservent des émissions de polluants proches de la norme
cycle NEDC tout en conservant les mêmes limites d’émissions
en usage client. Pour parvenir à des mesures représentatives des
réglementaires (cf. § 1.2).
usages clients, le véhicule doit suivre un parcours varié prenant
La mesure des émissions de polluants (CO, HC, NOx et particules en compte les trois situations de roulage suivantes :
en masse et en nombre) sur le cycle WLTC est toujours réalisée sur – un tiers de parcours urbain ;
banc à rouleaux (on parle de conditions « laboratoire ») mais a été – un tiers de parcours routier ;
complétée par la mesure des émissions en conditions réelles i.e. – un tiers de parcours autoroutier.

Les polluants concernés par ce protocole car ayant un effet sur la


140 NEDC qualité de l’air sont les NOx et les particules en nombre (« PN »
120 ECE EUDC
ECE 15
100
Vitesse [km/h]

140 WLTC = Woldwide harmonized Light vehicles Test Cycles


80

Vitesse [km/h]
120
100
60 80
Low Mid
60
40 40
High
Extra-high
20 20

4
0
0 200 400 600 800 1 000 1 200 1 100 1 600 1 800
0 Temps [s]
0 200 400 600 800 1 000 1 200
Temps [s] 4 phases
Distance parcourue : 11,007 km Vitesse moyenne 46 km/h
Durée : 1 180 s Distance = 23 km
Vitesse moyenne : 32,5 km/h (avec ralenti) Cycle calqué sur usage réel
Temps d’arrêt = 1/8 temps total
Figure 1 – Profil du cycle d’homologation appelé NEDC ou MVEG
(d’après [BM 2 506]) Figure 3 – Profil du cycle d’homologation WLTC

Analyse réglementaire
Air de
dilution
Particules ultrafines Masse Particules
filtré
Évent et distribution de particules en nombre
granulométrique (PM) (PN)

Ventilateur
asservi

Tunnel de dilution Air

Banc
dynamométrique
(4x2 et 4x4)

Échantillonage Spéciation d’HC Autres composants


dans des sacs Tedlar par chromatographie gazeux par
gazeuse MS et FTIR

Système d’échantillonage
pour gaz d’échappement

Analyses
HC, CO, NOx, NO2 Analyse des aldéhydes Analyse des alcools
par chromatographie par chromatographie CO, HC, NOx, O2
CO2, NH, N2O
liquide gazeuse NO, CH, CO2

Analyse réglementaire Analyse de polluants non réglementés 4 analyses de gaz bruts simultanées [1 en sortie moteur,
2 au milieu du système catalytique et 1 en aval]

Figure 2 – Schéma d’un banc à rouleaux permettant d’évaluer l’efficacité des systèmes de dépollution et la conformité des véhicules particuliers
vis-à-vis des normes (source Groupe PSA)

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QUALITÉ DE L’AIR ET AUTOMOBILE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Test en vie réelle Rapport

Gaz PEMS iS Concerto M.O.V.E

GPS EFM ECU


T. p. % OBD II

Post-traitement
PN PEMS iS Commande du système Concerto PEMS

CO, CO2, NO, NO2, O2


Nombre de particules
Taux de dilution, VPR COFRAC
ECU (Engine Control Unit) : unité de contrôle du moteur
PEMS (Portable Emissions Measurement System)

4 Figure 4 – Mesure des émissions automobiles en embarqué, PEMS (source Groupe PSA)

pour Particulate Number), le CO étant mesuré mais pas limité. Le


protocole RDE exige également la mesure de l’oxygène, O2, et du Tableau 1 – Facteurs de conformité (CF) définissant
dioxyde de carbone, CO2, pour valider le parcours. les limites NOx et PN à ne pas dépasser sur le parcours
La mesure en conditions réelles des polluants se fait à l’aide d’un RDE ainsi que sur la partie urbaine spécifiquement
« PEMS » (pour Portable Emissions Measurement System) décrit
figure 4. Parcours RDE étape 1 Parcours RDE étape 2
Facteur de
Les mesures sont réalisées sur route et pour qu’elles soient vali- Euro 6.d-temp Euro 6.d
conformité
des, il est nécessaire que le parcours soit « éligible », c’est-à-dire NT : 09/2017 – TT : 09/ NT : 01/2020 – TT : 01/
(CFx)
qu’il respecte un certain nombre de critères, dits « conditions limi- 2019 2021
tes », comme ceux évoqués ci-dessous. Ces conditions limites per-
mettent d’encadrer, en effet, un minimum le roulage pour éviter de CFNOx 2,1 1 + marge(1)
prendre en compte des conditions ou des comportements de
conduite extrêmes et donc non représentatifs de la très grande CFPN 1 + marge(1) 1 + marge(1)
majorité des conducteurs. Nous pouvons citer par exemple :
(1) La marge prend en compte l’incertitude de mesure du PEMS.
– durée du trajet, comprise entre 90 et 120 min (environ 80 km) ;
Elle est revue annuellement et est actuellement fixée à 0,5 pour
– température extérieure, comprise entre - 7  C et 35  C ;
les particules en nombre (PN) et 0,43 pour les NOx.
– altitude, comprise entre 0 et 1 300 m ;
– Vurbain < 60 km/h ; 60 km/h < Vhors agglo < 90 km/h et 90 km/h <
Vautoroute < 145 km/h ; que le CF passe à « 1 » avec une tolérance correspondant à la
– accélérations bornées ; marge d’incertitude de mesure du PEMS. Cette dernière est censée,
– masse de test (2 personnes + PEMS) < 95 % MTAC, etc. d’ailleurs, se réduire avec l’amélioration de la précision de mesure
des appareils PEMS.
Les résultats obtenus pour chacun des polluants concernés (NOx
et PN) sont comparés aux valeurs de la norme sur le cycle d’homo-
logation WLTC rappelées au paragraphe 1.2. Le véhicule sera jugé 1.2 Limites réglementaires
conforme s’il respecte pour chacun des polluants analysés le
niveau réglementaire de la norme (en mg/km) multiplié par un fac- La sévérisation des limites « émissions » n’a jamais cessé depuis
teur de conformité (CF pour Conformity Factor) dont les valeurs l’introduction d’Euro 1 (1993). L’exemple des moteurs à allumage
sont présentées dans le tableau 1 non seulement sur le parcours par compression (diesel) pour lesquels la limite de certains pol-
RDE complet mais aussi plus spécifiquement sur la partie urbaine luants a été réduite de plus de 90 % en 25 ans est parlant (figure 5).
du parcours. À noter que les facteurs de conformité ont été fixés Les tableaux 2 et 3 correspondent aux limites réglementaires à
en deux étapes afin de laisser le temps aux constructeurs de déve- respecter sur le cycle pour les moteurs à allumage commandé
lopper des solutions suffisamment efficaces pour les respecter (« essence ») et à allumage par compression (« diesel ») depuis
quelles que soient les conditions de roulage. Euro 4 (2005).
Le durcissement progressif des limites réglementaires a fortement
Limite à ne pas dépasser en RDE = Limite réglementaire polluant × CF pollluant influencé le développement technologique. Citons entre autres la
limite « particules en masse » en Euro 5 (5 puis 4,5 mg/km) qui a de
fait imposé le filtre à particules en diesel, ou encore le passage de
180 à 80 mg/km de NOx en Euro 6 qui a poussé les constructeurs à
Il s’avère que le protocole RDE est la partie de la norme la plus recourir à un système dédié au traitement des NOx en diesel.
contraignante d’autant plus qu’à partir du 1er janvier 2020, la limite Concernant les moteurs à injection directe essence (IDE), la fin de la
à ne pas dépasser sur le parcours RDE se confond avec la limite dérogation sur les particules en nombre (PN) a imposé le déploie-
réglementaire à respecter sur le cycle d’homologation, c’est-à-dire ment du filtre à particules.

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164
Référence Internet
BM2503

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– QUALITÉ DE L’AIR ET AUTOMOBILE

Pour vérifier la conformité d’un véhicule en matière d’émissions,


3000 il est nécessaire de l’homologuer mais aussi de vérifier le compor-
tement des véhicules de série à l’état neuf et durant la vie du
2500 véhicule.
L’homologation est réalisée sur un seul véhicule équipé d’un sys-
2000 tème de dépollution neuf (WLTP et RDE). Pour s’assurer du respect
des niveaux d’émissions des véhicules de série tant à neuf qu’à la
1500 durabilité réglementaire (160 000 km), des tests spécifiques statisti-
ques ont été définis pour vérifier la conformité de la production des
véhicules en sortie d’usine (Conformity of Production ou COP), ainsi
1000 qu’un contrôle en service (In Service Conformity ou ISC) pouvant
concerner des véhicules jusqu’à 100 000 km ou 5 ans. Ils s’appuient
500 sur des essais réglementaires sur cycle WLTC et roulage « clients »
(RDE). En cas d’échec, un rappel peut être exigé. La réglementation
0 sur les émissions automobiles est donc très contraignante et sa
CO [mg/km] HC + NOx [mg/km] NOx [mg/km] PM [mg/km] mise en œuvre faite avec beaucoup de sérieux par des organismes
extérieurs d’homologation.
Euro 1 Euro 2 Euro 3 Euro 4 Euro 5 Euro 6 Notons également l’existence du contrôle technique qui, tous les
deux ans, réalise une évaluation des émissions du véhicule toute-
Figure 5 – Évolution des limites réglementaires émissions au fil fois assez sommaire en comparaison des tests réalisés lors de
des normes Euro x diesel (source Groupe PSA) l’homologation.

4
Tableau 2 – Limites émissions à partir d’Euro 4 dans le cas des moteurs à allumage commandé
(moteur « essence »)

Particules
CO HC NMHC NOx HC + NOx Particules nombre
Niveau norme NT TT masse
[mg/km] [mg/km] [mg/km] [mg/km] [mg/km] [#/km]
[mg/km]

Euro 4 01/2005 01/2006 1 000 100 s.o. 80 s.o. s.o. s.o.

Euro 5.a 09/2009 01/2011 1 000 100 68 60 s.o. 5,0 s.o.

Euro 5.b 09/2011 01/2013 1 000 100 68 60 s.o. 4,5(1) s.o.

Euro 6.b 09/2014 09/2015 1 000 100 68 60 s.o. 4,5(1) 6.1012

Euro 6.c 09/2017 09/2018 1 000 100 68 60 s.o. 4,5(1) 6.1011

Euro 6.d-temp 09/2017 09/2019 1 000 100 68 60 s.o. 4,5(1) 6.1011

Euro 6.d 01/2020 01/2021 1 000 100 68 60 s.o. 4,5(1) 6.1011

Tableau 3 – Limites émissions à partir d’Euro 4 dans le cas des moteurs à allumage par compression
(moteur diesel)

CO NOx HC + NOx Particules masse Particules nombre


Niveau norme NT TT
[mg/km] [mg/km] [mg/km] [mg/km] [#/km]

Euro 4 01/2005 01/2006 500 250 300 25 s.o.

Euro 5.a 09/2009 01/2011 500 180 230 5,0 s.o.

Euro 5.b 09/2011 01/2013 500 180 230 4,5(1) 6.1011

Euro 6.b 09/2014 09/2015 500 80 170 4,5(1) 6.1011

Euro 6.c 09/2017 09/2018 500 80 170 4,5(1) 6.1011

Euro 6.d-temp 09/2017 09/2019 500 80 170 4,5(1) 6.1011

Euro 6.d 01/2020 01/2021 500 80 170 4,5(1) 6.1011

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4

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G1960

Prévention et traitement
des odeurs des effluents vinicoles

par André BORIES


Docteur en biologie végétale
Directeur de recherche INRA
Unité expérimentale de Pech Rouge (Gruissan)

1. Effluents des industries vinicoles ....................................................... G 1 960 – 3

4
1.1 Effluents de caves vinicoles........................................................................ — 3
1.2 Vinasses de distilleries ................................................................................ — 4
2. Nature et origine des composés malodorants ................................ — 4
2.1 Nature des composés odorants ................................................................. — 4
2.2 Origine des composés malodorants.......................................................... — 5
2.3 Exemples de composition d’effluents malodorants d’industries
vinicoles ....................................................................................................... — 6
3. Réglementation ........................................................................................ — 7
4. Traitements curatifs des odeurs.......................................................... — 8
4.1 Traitements physico-chimiques.................................................................. — 8
4.2 Traitements par additifs biologiques ......................................................... — 8
4.3 Traitement curatif biologique par nitrate................................................... — 9
5. Traitements préventifs ........................................................................... — 9
5.1 Traitement préventif par nitrate ................................................................ — 9
5.2 Traitement préventif d’odeur par biocides ................................................ — 11
6. Réduction des odeurs à la source ....................................................... — 11
6.1 Rappels sur le procédé d’extraction du tartrate de calcium .................... — 11
6.2 Modification du procédé d’extraction du tartrate de calcium.................. — 12
7. Conclusion ................................................................................................. — 12
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. G 1 960
Parution : juillet 2006 - Dernière validation : octobre 2018

l’instar de la plupart des secteurs agroalimentaires, les industries vinicoles


À génèrent des eaux résiduaires à forte charge organique biodégradable.
Grâce aux traitements d’épuration mis en place, la pollution organique des
eaux est maintenant bien maîtrisée. Par contre, les nuisances olfactives engen-
drées par les effluents constituent l’une des problématiques environnementales
actuelles des industries vinicoles mais aussi de nombreuses IAA.
D’après le Code de l’environnement, les nuisances olfactives sont définies
comme une pollution atmosphérique (pollution olfactive). Les impacts des nui-
sances olfactives se manifestent à différents niveaux et revêtent une grande
importance économique et sociétale : gêne des riverains allant jusqu’à des plain-
tes et conflits, frein à l’urbanisation et dépréciation du foncier, entrave au déve-
loppement d’activités touristiques, dévalorisation de la démarche « qualité » des
entreprises et parfois remise en cause de la pérennité de l’activité industrielle.
La production vinicole française [1], la première au plan mondial, comprend deux
secteurs qui se distinguent par leurs activités ainsi que par la nature des résidus :
— les caves de vinification et le négoce engendrent les effluents vinicoles,
environ 6 millions de m3/an, et des coproduits (marcs et lies) ;

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G1960

PRÉVENTION ET TRAITEMENT DES ODEURS DES EFFLUENTS VINICOLES __________________________________________________________________________

— les distilleries vinicoles transforment ces coproduits en alcool, eaux-de-vie,


tartrate de calcium, colorants, composts… et produisent des eaux résiduaires :
vinasses de distilleries.
Bien que la plupart des voies de traitement aient été appliquées aux effluents
vinicoles : épandage, épuration biologique aérobie (boues activées, lagunage
aéré, stockage aéré), digestion anaérobie, concentration thermique, distilla-
tion-évapo-concentration, évaporation naturelle, certaines s’avèrent plus adap-
tées à la nature des effluents, au rythme et au contexte d’activité.
Ainsi, le traitement par évaporation naturelle est très répandu, notamment en
région méditerranéenne. Pour les autres traitements, le stockage préalable des
effluents est nécessaire afin d’écrêter les surcharges, d’assurer la montée en
régime des traitements biologiques ; il est obligatoire, dans le cas de l’épandage,
pour pallier les périodes défavorables (pluies, gel).
Le stockage d’effluents riches en matières organiques conduit inévitablement
au développement de micro-organismes anaérobies qui forment, par fermen-
tations, les composés malodorants. Les acides gras volatils (acides propionique,
butyrique, valérique, caproïque…) représentent la famille principale des compo-
sés malodorants des effluents vinicoles. D’autres composés malodorants : ami-
4 nes, ammoniac, mercaptans et sulfures, peuvent être également produits à partir
des constituants organiques (composés azotés, soufrés…) et minéraux (sulfate)
des effluents.
Les seuils olfactifs de perception de ces composés sont très bas (quelques
microgrammes par mètre cube d’air), alors que leurs concentrations dans les
effluents sont élevées (plusieurs centaines de milligrammes par litre) et que les
volumes d’effluents stockés sont importants (plusieurs centaines à quelques mil-
liers de mètres cubes par site). Il en résulte une émission et perception d’odeurs
sur de vastes périmètres d’où les nuisances olfactives.
En milieux diffus comme les stockages à ciel ouvert, les méthodes de traite-
ment de composés organiques volatils (COV) et d’odeurs par absorption,
adsorption…, se heurtent à différentes difficultés : émission diffuse de gaz et
odeurs, phénomènes microbiens odorogènes intenses et gisements massifs de
matières odorantes.
Les traitements curatifs d’odeurs n’offrent que peu ou pas de résultats pro-
bants dans le cas des effluents vinicoles. Les additifs biologiques (champi-
gnons, bactéries aérobies) s’avèrent inactifs dans des milieux anaérobies tels les
effluents vinicoles stockés. Les traitements chimiques (oxydation, neutralisation,
précipitation) ne sont spécifiques que vis-à-vis de certaines molécules.
Les traitements préventifs d’odeurs constituent l’approche à privilégier dans le
cas des émissions diffuses et peuvent s’envisager sous diverses formes : préven-
tion de la formation des composés malodorants par orientation ou par inhibition
de la flore microbienne, réduction des odeurs à la source par modification de
procédés et suppression des précurseurs d’odeurs.
En présence de nitrate, accepteur final d’électrons chez certains micro-organis-
mes, les composés organiques sont dégradés par respiration anaérobie en pro-
duits inodores (gaz carbonique et azote gazeux), sans formation d’acides gras
volatils (AGV). Ce processus a été validé et appliqué pour le traitement préventif
d’odeurs de bassins d’évaporation d’effluents vinicoles.
L’inhibition de la microflore des effluents par des biocides, tels les produits de
désinfection et de nettoyage utilisés en industries vinicoles, permet de bloquer
la formation des composés malodorants.
Un bon exemple de réduction des odeurs à la source est apporté par la modi-
fication du procédé d’extraction du tartrate de calcium. La substitution du réactif
chaux/sulfate de calcium par un réactif à base de nitrate et de chaux diminue la
teneur en sulfate des vinasses de lies détartrées de 10 fois et réduit le risque de
production ultérieure de sulfure d’hydrogène H2S.

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G1960

__________________________________________________________________________ PRÉVENTION ET TRAITEMENT DES ODEURS DES EFFLUENTS VINICOLES

1. Effluents des industries 0,8 litre par litre de vin produit ; les 2/3 du volume annuel sont pro-
duits durant la période de vendanges et vinification (septembre-
vinicoles décembre) (tableau 1). La charge organique polluante (DCO
moyenne : 15 g O2 ⋅ L–1) est aisément biodégradable (rapport DBO/
DCO : 0,5 à 0,7).
Tout au long des différentes étapes de l’élaboration du vin (récep-
L’éthanol est le constituant organique majeur des effluents
tion de la vendange, vinification, soutirages, filtration, stabilisation
tartrique, conditionnement), des eaux résiduaires (effluents vinicoles) vinicoles non stockés : 4,9 g ⋅ L–1 (degré alcoolique 0,6 % v/v) ; il
provenant des opérations de lavage et nettoyage des matériels et ins- représente près de 80 % de la DCO (tableau 2) [2] [3]. Les autres
tallations sont produites (figure 1). constituants principaux des effluents vinicoles non stockés sont les
Les coproduits de la vinification (marcs et lies) sont transformés sucres (glucose, fructose), notamment en période de vendanges, les
par les distilleries vinicoles en produits variés : alcool et eaux-de-vie, acides organiques (acides tartrique, malique, lactique, acétique) et
tartrate de calcium, matières colorantes (extraits anthocyaniques), le glycérol. Les composés phénoliques (anthocyanes, polyphénols)
proanthocyanidols, composts, avec production d’eaux résiduaires sont des constituants mineurs des effluents vinicoles. La DCO de
(vinasses de lies, de piquettes, de vins) (figure 1). chacun des constituants dépend du niveau d’oxydation du carbone
(tableau 3).

1.1 Effluents de caves vinicoles La composition des effluents vinicoles est semblable à celle de
vins et de moûts, à un facteur de dilution près (de 10 à 20 fois). La
DCO d’un vin ou d’un moût est de 200 à 250 g O2 ⋅ L–1.
Malgré la variabilité de la production des effluents qui dépend des
modes de vinification et de gestion de l’eau propres à chaque éta-
blissement, le volume moyen des rejets vinicoles est d’environ
Les effluents vinicoles non stockés ne contiennent pas de compo-
sés malodorants. 4
Jus de raisin
Moût concentré
Moût concentré rectifié

Raisin Vin

Caves
Marcs Lies
Effluents
vinicoles

Pépins Composts

Piquettes
Huile,
Proanthocyanidols

Anthocyanes

Alcool
Distillation Distilleries
Eaux-de-vie

Vinasses de Vinasses Vinasses


piquettes de lies de vins

Tartrate de
Extraction tartrique
calcium

Vinasses
détartrées
Figure 1 – Schéma général des effluents
et coproduits de la filière vinicole

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G1988

Les aérosols microbiens


dans l’air du temps : le point
sur la microbiologie de l’air intérieur
par Marina MOLETTA-DENAT
Docteur
Ingénieur de recherche au pôle Recherche et innovation pour l’hygiène des bâtiments,
Centre scientifique et technique du bâtiment de Champs-sur-Marne
Détachée au laboratoire de biotechnologie de l’INRA, Narbonne

1. L’air..................................................................................................... G 1 988 – 2
2. Définition des aérosols microbiens............................................. — 2
3. Étude des aérosols microbiens .................................................... — 3

4
3.1 Difficultés liées à l’étude des aérosols microbiens ........................... — 3
3.2 Collecte des aérosols microbiens ...................................................... — 3
3.2.1 Sédimentation ......................................................................... — 4
3.2.2 Impaction ................................................................................. — 4
3.2.3 Filtration ................................................................................... — 4
3.2.4 Précipitation électrostatique ................................................... — 4
3.2.5 Concentration par aérocyclone ............................................... — 4
3.3 Dénombrement des aérosols microbiens ......................................... — 5
3.3.1 Microscopie ............................................................................. — 5
3.3.2 Cytométrie de flux ................................................................... — 5
3.3.3 Spectromètres ......................................................................... — 5
3.4 Caractérisation de la diversité des aérosols microbiens .................. — 5
3.4.1 Par l’isolement et la culture .................................................... — 5
3.4.2 Par les outils moléculaires ...................................................... — 5
4. Caractéristiques de la microflore aéroportée ........................... — 8
4.1 Sources d’émission ............................................................................ — 8
4.1.1 Sources naturelles ................................................................... — 8
4.1.2 Sources anthropiques ............................................................. — 8
4.1.3 Sources de l’environnement intérieur .................................... — 9
4.2 Aérosolisation .................................................................................... — 9
5. Il y a du nouveau dans l’air : la diversité microbienne
aéroportée dans les espaces clos ................................................ — 9
5.1 Microflore cultivable .......................................................................... — 9
5.2 Vision moléculaire de la microflore aéroportée : une nouvelle
image de la diversité microbienne de l’air ........................................ — 10
5.3 Risques associés aux aérosols microbiens ....................................... — 12
5.3.1 Bactéries .................................................................................. — 12
5.3.2 Champignons ........................................................................... — 13
5.3.3 Virus ......................................................................................... — 13
6. Conclusion........................................................................................ — 14
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 1 988

nviron 15 000 litres d’air transitent chaque jour dans nos poumons, des
E questions ?
L’air est le premier des éléments indispensables à la vie, chose dont n’avons
pas toujours conscience, mais c’est aussi le plus soumis aux pollutions d’origi-
nes humaines. Au cours des dernières années, la multiplication des alertes épi-
démiques dues aux aérosols microbiens et les changements d’usage (urbanisa-
tion, agriculture intensive, traitements des déchets, transports, climatisation…)
Parution : janvier 2012

a conduit à la reconsidération des risques liés à la qualité de l’air et à

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est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 988 – 1

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G1988

LES AÉROSOLS MICROBIENS DANS L’AIR DU TEMPS : LE POINT SUR LA MICROBIOLOGIE DE L’AIR INTÉRIEUR –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

l’exposition des personnes aux divers polluants. Nous passons 90 % de notre


temps dans des environnements intérieurs et l’air que nous y respirons peut
être soumis à la fois aux pollutions d’origine endogène mais également aux
sources extérieures via les systèmes de ventilation mécanique ou naturelle.
Les populations telles que les nourrissons, les enfants, les personnes malades
ou immunodéprimés et les personnes âgées sont particulièrement vulnérables
face à la qualité microbiologique de l’air. Plusieurs environnements clos (crè-
ches, hôpitaux, transport…) nécessitent des moyens efficaces de gestion de la
qualité microbiologique de l’air et sont au cœur des préoccupations.
Malgré l’intérêt porté à la qualité de l’air intérieur, peu d’études ont été menées
sur ce sujet et, par rapport à d’autres environnements tels que le sol ou l’eau, peu
de données microbiologiques pertinentes sont à ce jour disponibles.
Cet article regroupe les nouvelles données en matière de microbiologie de
l’air, notamment dans les environnements clos.

1. L’air 2. Définition des aérosols


microbiens
4 Océan invisible, l’air entoure la Terre d’une enveloppe gigan-
tesque de plusieurs centaines de kilomètres d’épaisseur et pour-
tant, il est l’un des environnements les moins bien étudiés. Peut- L’air constitue un environnement où vivent un nombre incalculable
être tout simplement parce que, parmi tous les éléments que la de plantes, d’animaux et les quelques six milliards d’hommes mais
nature nous offre pour vivre quotidiennement, c’est le seul que aussi une multitude de bactéries, de champignons, de virus et de
nous utilisons sans réfléchir. On pense à boire, à manger, mais grains de pollen. Il est également chargé de poussières, de cendres
jamais à respirer ; l’air n’est ni palpable, ni visible et bien qu’il volcaniques, de cristaux de sel qui proviennent des embruns marins,
pénètre partout, on oublie son existence. de très fins grains de sable soulevés par les tempêtes dans le désert…
Cependant, on l’a même tellement oublié qu’il commence à se
rappeler à notre bon souvenir, de manière discrète, certes, mais Un aérosol est une suspension, dans un milieu gazeux, de
de plus en plus significative. Sans frontières, les événements clima- particules solides ou liquides, ou des deux, présentant une
tiques et plus particulièrement les vents font de l’atmosphère, un vitesse de chute négligeable (v ł 25 cm · s-1). Le terme « d’aéro-
vaste mélange pouvant par exemple véhiculer les poussières et sol microbiologique » est plus restrictif car il tient compte de la
les bactéries du Sahara jusqu’aux Antilles. nature biologique de l’aérosol et notamment de ses différentes
propriétés : viabilité, caractère infectieux, allergisant…
Un peu d’histoire
Parmi les particules d’origines biologiques ou bioaérosols, on
Alors que l’étude des aérosols microbiens apparaı̂t comme une retrouve des cellules bactériennes et fongiques, des particules vira-
discipline en plein essor, elle est en fait issue d’une longue his- les, des fragments cellulaires microbiens et végétaux, et des pol-
toire écrite par une succession de célèbres scientifiques. lens. Le terme « aérosols microbiens » définit l’ensemble des parti-
Depuis toujours, la description des phénomènes qui nous
cules bactériennes, fongiques et virales.
entourent alimente la soif de compréhension de certains ini-
tiés. Dans sa vision du monde, Aristote (384-322 av. J-C) décrit Les aérosols microbiens présentent généralement un diamètre com-
de manière fondamentalement intuitive, l’air comme l’un des pris entre 0,1 mm et 100 mm. Les bactéries en aérosols se présentent
éléments originaux du monde sublunaire (ou terrestre) situés sous la forme de sphères (coques), bacilles ou spirales mais le plus
entre l’eau et le feu. Il décrit aussi le monde céleste, monde souvent les bactéries sont accrochées en amas de tailles variables.
parfait et immuable, composé de la Lune, du Soleil, des planè-
tes et des étoiles. Cette vision du monde persistera pendant
On peut distinguer trois fractions granulométriques, en lien
presque 1 700 ans jusqu’à l’arrivée de Galilée (1564-1642).
avec leur pénétration dans l’arbre respiratoire. La fraction alvéo-
Tout commença réellement avec le mystère de la génération
laire (de 0 à 4 mm), la fraction trachéo-bronchique (< 10 mm) et la
spontanée qui alimenta les débats d’un bon nombre de scienti-
fraction extrathoracique (> 10 mm), l’ensemble formant la frac-
fiques pendant très longtemps. Ce mystère fut résolu par Louis
tion inhalable [1]. Bien que la plupart des micro-organismes
Pasteur (1822-1895) avec ses expériences publiées en 1861 et
(bactéries, champignons, spores de moisissures…) ne semblent
intitulées « Mémoires sur les Corpuscules Organisés qui exis-
pas pénétrer jusqu’aux alvéoles pulmonaires en raison de leur
tent dans l’atmosphère : examen de la doctrine de la génération
taille (ils sont souvent agglomérés entre eux), leurs produits
spontanée ». C’est en 1835, qu’Agostino Bassi (1773-1856) mon-
métaboliques (endotoxines, mycotoxines), ainsi que les pous-
tra le rôle possible des micro-organismes dans la transmission
sières, les pollens et les virus sont susceptibles d’atteindre les
des maladies avec ses travaux sur le ver à soie, touché par une
voies profondes de l’arbre respiratoire.
maladie fongique qui ruinait l’industrie de la soie. En 1906, M.H.
Gordon étudia la diffusion de la bactérie Serratia marcescens
qui avait provoqué une épidémie en Angleterre. Pour cela, il réa- Le transport aérien des micro-organismes est régi par les caracté-
lisa des gargarismes avec la suspension de la bactérie et ristiques physiques des micro-organismes aéroportés mais égale-
déclama des extraits de Shakespeare dans la chambre des Com- ment par les paramètres environnementaux. Les aérosols microbiens
munes de Londres vidée de son auditoire. La bactérie fut retrou- obéissent aux lois physiques inhérentes aux particules inertes [2].
vée dans tous les points de la salle, par culture sur des boı̂tes de & Le mouvement Brownien qui résulte de l’agitation aléatoire des
Pétri posées sur les sièges des députés.
molécules de gaz.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– LES AÉROSOLS MICROBIENS DANS L’AIR DU TEMPS : LE POINT SUR LA MICROBIOLOGIE DE L’AIR INTÉRIEUR

& La diffusion turbulente, qui est un phénomène macroscopique l’étude des aérosols microbiens comporte quelques difficultés par-
dû au mouvement propre de l’air (ventilation naturelle ou forcée, ticulières. Celles-ci sont principalement liées à leur cultivabilité et
déplacements de personnes ou d’objets et convection thermique) leur faible quantité. Traditionnellement, la culture suivie de l’isole-
et les forces d’inertie qui, lorsque le gaz porteur peut être considéré ment est la méthode de choix pour dénombrer les micro-organis-
comme incompressible, résultent des accélérations et décélérations mes de l’air. En effet, elle permet d’obtenir des données aussi bien
de petites masses de fluides présentes autour de l’aérosol. qualitatives que quantitatives des aérosols microbiens d’un envi-
& La sédimentation car, dans l’air, les particules ont une vitesse de ronnement donné en collectant de faibles volumes (autour de
chute liée à leur masse, leur forme et leur dimension. Cette vitesse 500 L). Cependant, l’aérosolisation et les méthodes de collecte
résulte de l’équilibre entre deux forces, l’action du champ de (temps de collecte, humidité) sont deux facteurs qui altèrent forte-
pesanteur terrestre sur la particule et la résistance du milieu [2]. ment la viabilité des micro-organismes [5].
& La force électrique. En effet, bien que les aérosols microbiens L’analyse moléculaire de la microflore à partir d’échantillon de
soient globalement chargés négativement, leur charge peut varier l’air est soumise à des limitations liées à la faible quantité de
d’un micro-organisme à l’autre. Cette différence peut entraı̂ner des matrice en aérosol comparé à d’autres environnements. Ce verrou
modes de transport et de déposition variables [3]. technologique peut être contourné soit en prélevant des quantités
d’air suffisamment importantes pour se placer au-dessus de la zone
& Les gradients thermiques, lorsqu’ils existent, impliquent que les limite de sensibilité des outils moléculaires, soit en diminuant le
aérosols soient repoussés par les corps chauds. Ainsi, les particules seuil de sensibilité de ces outils par une amplification en PCR
vont se déplacer de la zone la plus chaude vers la plus froide. nichée, par exemple.
Le transport des bioaérosols et la survie des micro-organismes
en suspension sont influencés par de nombreux facteurs phy- 3.2 Collecte des aérosols microbiens
siques et environnementaux. La taille, la forme et la densité
des bioaérosols sont d’une importance particulière pour le Un certain nombre de techniques ont été mises au point afin de

4
transport car ils sont liés au diamètre aérodynamique qui concentrer les aérosols microbiens. Les méthodes les plus utilisées
contrôle la vitesse de sédimentation. Les bioaérosols de taille regroupent la collecte par sédimentation, par impaction (solide ou
comprise entre 1 et 5 mm suivent normalement les courants liquide), par filtration, par centrifugation ou par précipitation élec-
de l’air ambiant, ce qui les rend moins sensibles que les gros- trostatique. Différents systèmes de collecte, utilisant ces principes,
ses particules à leur dépôt sur les surfaces [4]. ont été commercialisés. Le choix du matériel d’échantillonnage plus
ou moins spécifique est principalement basé sur les méthodes ana-
lytiques choisies pour l’analyse des échantillons (tableau 1). La col-
3. Étude des aérosols lecte des bactéries viables et cultivables nécessitera des techniques
d’échantillonnage plus douces qui réduisent au minimum la perte
microbiens de viabilité des micro-organismes. En effet, des temps d’échantillon-
nage élevés réduisent la viabilité des bactéries et des champignons
du fait de l’impact de la dessiccation, en particulier pour les bacté-
3.1 Difficultés liées à l’étude des aérosols ries. En ce qui concerne la collecte et l’analyse des virus aéroportés,
microbiens la plupart des auteurs utilisent des moyens déjà utilisés pour
l’échantillonnage des bactéries et des champignons aéroportés [6].
En plus des limitations inhérentes aux méthodes d’études des Cependant, le paramètre commun à prendre en compte lors de la
écosystèmes microbiens détaillées dans le chapitre précédent, collecte, à la fois lors d’analyse par culture ou par les outils

Tableau 1 – Différentes techniques de prélèvement des aérosols biologiques [7]


Principe Mode de fonctionnement Avantages Inconvénients
– Simplicité – Méthode non volumétrique
Recueil des micro-organismes sur
Sédimentation
milieu de culture par sédimentation – Coût peu élevé – Recueil essentiellement des particules
sédimentables
Impaction :
– milieu liquide (impinger) Prélèvement par chocs en milieu li- Permet des prélèvements dans Efficacité réduite pour les prélèvements
quide, basé sur la théorie de l’arrêt des ambiances très contami- de fines particules biologiques
des particules nées
– collecteur à crible Prélèvement par choc en milieu Bonne efficacité de prélèvement Altération de la viabilité des micro-
solide organismes fragiles sous l’effet du choc

Soumet la particule à l’action de la – Efficacité de prélèvement inconnue


Centrifugation Appareil de terrain
force centrifuge – Incertitude des volumes échantillonnés

– Interception directe des particules – Utilisation simple – Filtres en gélatine fragiles


biologiques au travers d’une mem- – Coût faible – Prélèvement impossible dans les am-
brane de gélatine biances humides (> 75 %)
Filtration
– Évaluation de la flore totale, y – Nécessite des techniques d’observation
– Autres supports : cellulose, PVC,
compris les cellules non culti- discriminantes avec des marquages spé-
PTFE, nylon, polycarbonate…
vables cifiques

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LES AÉROSOLS MICROBIENS DANS L’AIR DU TEMPS : LE POINT SUR LA MICROBIOLOGIE DE L’AIR INTÉRIEUR –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

moléculaires, est le diamètre de coupure (d50). Il est défini par le dia- l’extraction des acides nucléiques. La filtration permet d’éliminer
mètre des particules auquel 50 % des particules sont collectées. une partie des inhibiteurs en solution dans le liquide de collecte.
Cependant, elle ne permet pas des temps de prélèvement très
3.2.1 Sédimentation importants car les micro-organismes peuvent se multiplier dans le
liquide de collecte ou être réaérosolisés. De plus, certains auteurs
Le principe est le suivant : des boı̂tes de Pétri contenant un ont observé une augmentation de la quantité de débris cellulaires
milieu de culture ou du gel d’agarose sont laissées ouvertes et une diminution des bactéries vivantes avec l’augmentation du
dans la zone à contrôler. Cette technique permet d’analyser la temps de collecte. Elle n’est pas adaptée à l’étude des environne-
flore aéroportée se déposant en un endroit donné. Cette tech- ments très chargés en particules aérosols car cela peut provoquer
nique de collecte a été associée aux outils moléculaires [8]. l’obstruction de l’arrivée de l’air.

3.2.3 Filtration
Bien que simple et peu coûteuse, un tel dispositif n’a pas de
valeur pour la surveillance car le nombre de colonies ne peut être
associé à un volume d’air connu. De plus, elle privilégie la sédi- Elle consiste à faire passer un courant d’air au travers d’un fil-
mentation des grosses particules. Par ailleurs, la probabilité qu’un tre qui retient les micro-organismes. Les micro-organismes sont
micro-organisme se dépose sur le support est incertaine et peut retenus par les forces d’inertie, l’interception, la diffusion, la
être modifiée par des mouvements d’air. sédimentation et l’attraction électrostatique qui s’exercent à la
surface du filtre.
3.2.2 Impaction
Cette méthode est largement utilisée en raison de sa simplicité,
3.2.2.1 Impaction solide son faible coût et de sa polyvalence. Plusieurs types de matériau
filtrant sont disponibles, avec des tailles de pores variant de 0,01 à
10 mm. Les débits de filtration sont compris entre 1 à 50 L · min-1

4
Le principe de cette collecte consiste à utiliser les forces
pour des temps de filtration pouvant être très longs, intégrant un
d’inertie des particules de l’air pour séparer les flux d’air entrant
échantillonnage sur plusieurs semaines. Cependant, lors de son
dans le dispositif. L’air pénètre dans l’appareil par le biais une
application avec des méthodes de culture, le principal inconvénient
buse d’entrée ayant un débit fixe, les particules sont ensuite
de la filtration est la diminution forte de la viabilité de certaines cel-
impactées sur une surface, comme un milieu gélosé spécifique.
lules suite à la dessiccation provoquée par un temps de prélève-
ment long [5]. La composition du filtre joue un rôle dans la perte
La vitesse d’impaction représente un compromis entre une de viabilité des micro-organismes collectés. En effet, les filtres
vitesse suffisante pour l’impaction des plus petites particules et le hydrophobes tels que les filtres en gélatine diminuent la cultivabi-
maintien de la viabilité des cellules. Il est par ailleurs nécessaire de lité des micro-organismes, à l’inverse des filtres en polycarbonate.
ne pas dépasser des temps de prélèvement de 10 minutes au Cependant, cette technique est peu utilisée du fait de la perte
risque de dessécher la gélose et de limiter l’adhérence des micro- importante de la cultivabilité. Par contre, elle semble bien adaptée
organismes. De plus, la superposition de plusieurs colonies en association à des outils moléculaires permettant notamment
conduit à des erreurs de dénombrement relativement importantes. l’analyse de grands volumes d’air ([10]-[12]). Le filtre peut être uti-
Un certain nombre de systèmes d’impaction ont été mis au lisé directement pour les étapes d’extraction des acides nucléiques.
point, notamment l’Andersen sampler qui est utilisé le plus fré- Les micro-organismes collectés peuvent être également récupérés
quemment [5]. Il opère à un débit de 30 L · min-1 pour un volume par agitation du filtre, durant quelques minutes dans un tampon
de prélèvement de 100 L. Certains appareils permettent de séparer ou par dissolution du filtre dans du chloroforme.
les différentes tailles de particules et d’évaluer ainsi leur absorption
au niveau des différentes divisions pulmonaires. Le d50 varie entre 3.2.4 Précipitation électrostatique
0,43 mm et > 11 mm pour les six étages de l’impacteur.
L’échantillonnage des micro-organismes de l’air par précipita-
3.2.2.2 Impaction en milieu liquide tion électrostatique utilise l’uniformité de charge supposée des
aérosols microbiens. Ils sont collectés sur un disque rotatif de
La technique repose également sur l’effet des forces d’inertie charge opposée à celle des aérosols microbiens.
sur les particules. L’air pénètre dans le dispositif à travers une
buse tubulaire, les particules s’impactent dans un liquide de col- Ces échantillonneurs ont un débit élevé (jusqu’à 1 000 L · min-1)
lecte, généralement une solution tampon diluée. Les particules mais sont complexes et d’une utilisation peu aisée. De plus, peu
passent ainsi dans le liquide et celui-ci est ensuite filtré ou cen- d’informations sont connues sur l’efficacité de cette méthode de
trifugé. Le filtre peut être mis en culture (on dénombre les colo- collecte et sur l’état des micro-organismes ainsi collectés [13].
nies formées) ou utilisé en association avec des outils de micro-
biologie moléculaire. 3.2.5 Concentration par aérocyclone
L’aérocyclone est largement utilisé dans la collecte des allergènes
De nombreux modèles sont actuellement disponibles sur le mar- dans les tests immunologiques. Plusieurs systèmes commer-
ché, les plus couramment utilisés étant les impacteurs tout-verre ciaux [14] [15] ou prototype [7] ont appliqué ce système en associa-
(AGI-30 et AGI-4) et le Biosampler, des impacteurs sur mesure ou tion avec des outils moléculaires. Ils ont l’avantage d’être bien
jetables sont également utilisés. Le plus utilisé est le AGI-30 impin- caractériser d’un point de vue de leur efficacité physique avec un
ger [5]. Il est utilisé à un débit de 12,5 L · min-1 pour un volume de diamètre de coupure de 0,5 mm pour celui de Hersen et al. et
prélèvement de 400 L. Son d50 est évalué à 0,3 mm. d’avoir des débits de collecte importants [7].
Cette méthode permet d’avoir des taux de recouvrement supé-
rieurs à ceux des autres méthodes lors de l’utilisation de méthodes En résumé, les méthodes de collecte des aérosols microbiens
diffèrent en fonction du type d’analyse que l’on veut effectuer.
de culture en aval de la collecte [9]. Cependant, une partie des agré-
Cependant, les facteurs comme le diamètre de coupure (d50), la
gats de particules peut être dissociée ou pas, ce qui ne permet pas
non-multiplication des micro-organismes dans le liquide de
d’obtenir un nombre d’UFC (unité formant colonie) représentatif.
collecte et la réaérosolisation sont des facteurs communs à
Cette technique est, avec la filtration, la méthode la plus utilisée
prendre en compte lors de la concentration des aérosols
en association avec les outils de microbiologie moléculaire [5]. Le
microbiens à partir de l’air.
liquide est soit centrifugé soit filtré afin de réaliser les étapes de

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