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Ti695 - Éco-conception et innovation responsable

Éco-conception :
mise en œuvre et applications

Réf. Internet : 42650

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Éco-conception et innovation responsable
(Réf. Internet ti695)
composé de  :

Éco-conception : concepts et méthodes Réf. Internet : 42566

Éco-conception : mise en œuvre et applications Réf. Internet : 42650

Conception durable inspirée du vivant : le biomimétisme Réf. Internet : 42616

Ingénierie et responsabilités Réf. Internet : 42598

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Éco-conception et innovation responsable
(Réf. Internet ti695)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Bertrand BOCQUET
Professeur en physique à l'Université Lille 1, Laboratoire SCité

Christelle DIDIER
Maître de conférence en sciences de l'éducation, Université Charles de Gaulle
(Lille 3)

Dominique MILLET
Professeur SUPMECA Toulon, groupe de recherche « Ecodesign and
Optimization of Product », Lab E.O.P

Kalina RASKIN
Ingénieur physico-chimiste et docteur en biologie, chargée de développement
au CEEBIOS

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

José ALCORTA Bernard DUQUET Cyril OLLIVIER


Pour l’article : IN72 Pour l’article : M3683 Pour l’article : K1200

Jacques ANDRIEU Christophe GOBIN Éric PAPON


Pour l’article : IN180 Pour les articles : C3056 – Pour l’article : IN72
C3057
Christophe BALEY Bruno PEUPORTIER
Pour l’article : AM5130 Jean-Philippe Pour l’article : AG6790
GODDARD
Pierre BLAZY Pour l’article : K1200 Emmanuel PRETET
Pour l’article : M2394 Pour l’article : AG6793
Nathalie JARROUX
Walid BOUGHANMI Pour l’article : AM3580 Laurent RIZET
Pour l’article : IN174 Pour l’article : IN70
Yves JEHANNE
Jean-François BRUDNY Pour l’article : M2394 Daniel ROGER
Pour l’article : IN174 Pour l’article : IN174
Max MALACRIA
Sylvain CAILLOL Pour l’article : K1200 Sophie
Pour l’article : J4920 THIEBAUD ROUX
Jean-Paul MANATA Pour l’article : CHV4020
Pierre-Émmanuel Pour l’article : IN174
CHARPENTIER Cyril TROUILLET
Pour l’article : IN70 Laurent MOLINARI Pour l’article : IN70
Pour l’article : AG6753
Pascale DE CARO Anaclet TURATSINZE
Pour l’article : CHV4020 Maxime OLIVE Pour l’article : IN54
Pour l’article : IN72
Pierre DEVALAN
Pour l’article : BM5009

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VI
Éco-conception : mise en œuvre et applications
(Réf. Internet 42650)

SOMMAIRE

1– Mise en œuvre par secteur Réf. Internet page

Écoconception des composants mécaniques BM5009 11

Écoconception des machines électriques tournantes à courants alternatifs IN174 17

Ecoconception des bâtiments et des quartiers AG6790 21

Le développement durable en BTP. Optimisation des ressources par la R et D C3056 25

Développement durable en BTP. Fonctions d'usage C3057 31

Environnement en fonderie. Management environnemental M3683 35

Chimie et développement durable. Vers une chimie organique écocompatible K1200 39

L'écoconception  : un outil d'innovation pour une chimie durable J4920 41

Écoconception dans le secteur textile AG6793 45

Écoconception de composés azotés hétérocycliques pour l'industrie chimique et la IN180 49


santé
L'impression 3D dans une perspective de développement durable AG6753 53

2– Exemples et applications Réf. Internet page

Biosolvants. Conception, propriétés et aspects environnementaux CHV4020 59

Les biopolymères : diférentes familles, propriétés et applications AM3580 63

Incorporation de granulats en caoutchouc dans le béton IN54 67

Procédé INDAR : démontabilité des assemblages structuraux collés IN72 69

Fibres naturelles de renfort pour matériaux composites AM5130 71

Recyclage des métaux précieux M2394 75

Traitement d'extraction des métaux lourds IN70 81

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VII
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Éco-conception : mise en œuvre et applications
(Réf. Internet 42650)


1– Mise en œuvre par secteur Réf. Internet page

Écoconception des composants mécaniques BM5009 11

Écoconception des machines électriques tournantes à courants alternatifs IN174 17

Ecoconception des bâtiments et des quartiers AG6790 21

Le développement durable en BTP. Optimisation des ressources par la R et D C3056 25

Développement durable en BTP. Fonctions d'usage C3057 31

Environnement en fonderie. Management environnemental M3683 35

Chimie et développement durable. Vers une chimie organique écocompatible K1200 39

L'écoconception  : un outil d'innovation pour une chimie durable J4920 41

Écoconception dans le secteur textile AG6793 45

Écoconception de composés azotés hétérocycliques pour l'industrie chimique et la IN180 49


santé
L'impression 3D dans une perspective de développement durable AG6753 53

2– Exemples et applications

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Écoconception des composants


mécaniques
par Pierre DEVALAN Q
Ancien directeur des programmes de R&D du Cetim (Centre technique
des industries mécaniques), Senlis, France

Avec le concours de Viet-Long DUONG et Lionel MELETON, ingénieurs au Cetim

1. Écoconception, un outil d’aide à l’innovation .............................. BM 5 009v2 - 3


2. Notions d’impact environnemental et d’écoproduit ................... — 3
3. Enjeux pour les industriels ................................................................. — 5
4. Conversion de la conception vers l’écoconception .................... — 13
5. Conclusion............................................................................................... — 21
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BM 5 009v2

’écoconception est une démarche de conception de produit (et de son


L emballage) qui doit permettre, à performances égales, de minimiser ses
impacts environnementaux, tout au long du cycle de vie, dans un processus
d’amélioration continue et à coût maîtrisé. En anglais, on parle d’ecodesign ou
de DFE (Design For Environment).
De manière pratique, l’entreprise devra ainsi mettre en œuvre des actions de
conception en prenant en compte l’environnement.
Les produits de la mécanique, comme tout produit, ont en effet un impact
sur l’environnement quelle que soit l’étape de leur cycle de vie :
– au niveau de la production, celle-ci nécessite des matières premières, de
l’énergie, de l’eau... Les matières premières, par exemple, peuvent contenir
des substances dangereuses, en particulier des métaux lourds, non biodégra-
dables et bioaccumulables (plomb, cadmium, chrome hexavalent, mercure...) ;
– au niveau de leur utilisation, ces produits consomment de l’énergie, mais
peuvent aussi mettre en œuvre des consommables (fluides de process, réfrigé-
rants...), ils sont transportés emballés, ce qui impacte l’environnement au
travers d’émissions dans l’air ou l’eau et de consommations de ressources
rares ou non renouvelables ;
– au niveau de leur entretien (opérations de nettoyage, de maintenance...),
les produits peuvent également engendrer de la pollution, notamment par les
fluides mis en œuvre qui peuvent créer des effluents polluants ou des déchets ;
– après leur utilisation, les produits et emballages génèrent d’autres émis-
sions polluantes, notamment lors de leur élimination ; mais leur valorisation,
notamment par le recyclage, peut en contrepartie réduire l’impact environ-
nemental ;
– les produits abandonnés, enfin, polluent l’environnement ; par exemple,
les métaux lourds peuvent diffuser dans le sol et perturber les écosystèmes.
Les enjeux, détaillés dans cet article, sont cruciaux pour les industriels qui
conçoivent des composants mécaniques, du fait des exigences réglementaires,
des normes applicables, des critères environnementaux de plus en plus pré-
sents dans les appels d’offres et cahiers des charges des clients.
Il convient en conséquence, pour minimiser l’impact du produit (tout au long
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQT

de sa vie) sur l’environnement, d’agir sur toutes les étapes du cycle de vie dès
la conception par la mise en œuvre d’une méthodologie d’écoconception.Cet
article donne les principaux concepts de cette méthodologie et des exemples
de mise en œuvre.

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ÉCOCONCEPTION DES COMPOSANTS MÉCANIQUES _______________________________________________________________________________________

Glossaire – Définitions Glossaire – Définitions (suite)


Analyse du cycle Analyse d’un produit qui permet Écoproduit, Produit respectueux de l’environne-
de vie (ACV), Life-cycle d’évaluer l’impact environnemental Eco-product ment qui est source de moins d’impact
assessment (LCA) de celui-ci sur les ressources et l’envi- environnemental, tout au long de son
ronnement tout au long de son cycle cycle de vie, par rapport à d’autres
de vie (du berceau à la tombe) qui part produits d’usage similaire
de l’extraction des matières premières


jusqu’à son traitement en fin de vie
ERP (Energy-Related Directive 2009/125/CE du Parlement
(mise en décharge, recyclage...)
Products ) européen et du Conseil du 21 octobre
Déchets d’Équipements Directive 2012/19/UE du Parlement 2009 établissant un cadre pour la fixa-
Électriques et Électroni- européen et du Conseil du 4 juillet tion d’exigences en matière d’éco-
ques (DEEE), Waste 2012 relative aux déchets d’équipe- conception applicables aux produits
Electrical and Electronic ments électriques et électroniques liés à l’énergie
Equipment (WEEE)
Développement Notion qui vise à prendre en compte Étiquetage environne- L’offre de produits plus respectueux
durable, sustainable au niveau du développement de la mental, environmental de l’environnement peut être recon-
development société et à l’échelle de la planète, labeling nue à travers l’étiquetage environne-
outre l’économie, les aspects environ- mental des produits. Il s’agit de
nementaux et sociaux qui sont liés à normes qui concernent la
des enjeux de long terme. Le dévelop- communication sur les propriétés
pement durable est ainsi un dévelop- environnementales des produits,
pement qui répond aux besoins du ce sont les normes de déclaration
présent sans compromettre la capacité de produits
des générations futures à répondre à Trois formes d’étiquetage environne-
leurs propres besoins mental sont répertoriées par l’ISO
(International Standard Organization)
Directive de l’union Une directive est un document des au travers des normes de la série
européenne, European institutions de l’Union européenne qui 14020 : écolabel, autodéclaration envi-
Union Directive donne des objectifs réglementaires à ronnementale, écoprofil.
atteindre par les pays membres, avec
un délai. Ce délai permet aux gouver- Impact environnemen- L’impact environnemental désigne
nements nationaux d’’adapter ces tal, environmental l’ensemble des modifications qualitati-
objectifs à sa propre réglementation impact ves, quantitatives et fonctionnelles sur
(on parle de « transposition » en droit l’environnement engendrées par un
national). Avec les règlements et les produit. La préservation de l’environ-
recommandations, les directives nement et, par voie de conséquence,
communautaires font partie du droit la réduction de l’impact environne-
dérivé de l’Union européenne mental des produits est primordiale
Écoconception, Terme désignant une méthode
Ecodesign de conception des produits respectant Recyclage, recycling Le recyclage est un procédé de traite-
les principes du développement dura- ment des déchets (déchet industriel ou
ble. Il s’agit d’une approche qui prend ordures ménagères) qui permet de
en compte les impacts environnemen- réutiliser, dans le cycle de productions
taux dans la conception les matériaux issus de ce traitement
et le développement du produit qui sont ainsi valorisés
et intègre les aspects environnemen-
taux tout au long de son cycle de vie REACH (Registration, Règlement (CE) no 1907/2006 du
Evaluation, Authoriza- Parlement européen et du Conseil, du
Écoefficacité, L’écoefficacité consiste à offrir
tion and Restriction of 18 décembre 2006, concernant l’enre-
Eco-efficiency des produits performants à des prix
Chemicals ) gistrement, l’évaluation et l’autorisa-
compétitifs tout en ayant un faible
tion des substances chimiques, ainsi
impact environnemental. Elle se
que les restrictions applicables à ces
mesure par le ratio performance éco-
substances
nomique/impact environnemental
Écolabel, Eco-label Créé à l’initiative des pouvoirs RoHS (Restriction of Directive 2011/65/CE du Parlement
publics, il définit des critères et des Hazardous Substances ) européen et du Conseil du 8 juin 2011
niveaux d’exigence par catégorie (RoHS) relative à la limitation de
de produits qui garantissent l’utilisation de certaines substances
l’aptitude à l’usage des produits dangereuses dans les équipements
et la limitation de leur impact électriques et électroniques (refonte
sur l’environnement (étiquetage envi- de la Directive 2002/95/CE LUSD
ronnemental de type I, ISO 14024) du Parlement européen
Écoprofil, Eco-profile Il s’agit de présenter sous la forme et du Conseil du 27 janvier 2003)
d’un tableau ou d’un diagramme les
données quantitatives sur les impacts Véhicule hors d’usage Directive 2000/53/CE du Parlement
environnementaux d’un produit (la (VHU), End of Life Vehi- européen et du Conseil du 18 septem-
norme ISO 14025 fournit les lignes cles (ELV) bre 2000 relative aux véhicules hors
directrices pour élaborer un écoprofil) d’usage (dite directive VHU)

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_______________________________________________________________________________________ ÉCOCONCEPTION DES COMPOSANTS MÉCANIQUES

1. Écoconception, un outil
d’aide à l’innovation
Outre le souci du citoyen de préserver l’espèce humaine et son
environnement, l’industriel doit tenir compte de l’écoconception
pour des raisons purement réglementaires (par exemple, la limite
de teneur en plomb et de trois autres métaux lourds – directive
européenne Emballages et déchets d’emballages 2004/12/CE), et
aussi pour satisfaire les exigences de ses clients soucieux du res-

pect de l’environnement pour leur image. C’est ainsi que les ache-
teurs des administrations et des collectivités locales intègrent des
critères environnementaux dans leurs appels d’offres, que, dans le
code des marchés publics, l’aspect protection de l’environnement
est cité, et que, enfin, il convient de ne pas oublier une demande
latente des consommateurs pour une pratique responsable de la
part des industriels.
Toutefois, considérer l’écoconception comme une contrainte, Figure 2 – Démarche adaptée à l’écoconception
notamment du fait de la pression réglementaire, constitue à notre
sens une vision négative et réductrice de ce concept. Ne vaut-il pas
mieux en effet considérer qu’il s’agit d’une opportunité, d’un réel
défi à relever pour innover ? 2. Notions d’impact
L’écoconception, vue sous cet angle, peut en effet devenir un environnemental
vecteur de différenciation (faire et proposer un produit et des
services différents de ceux des concurrents), une autre façon et d’écoproduit
d’envisager le positionnement des produits et services de l’entre-
prise sur ses segments de marché, voire sur de nouveaux seg-
En 1972, une équipe de scientifiques du MIT (Massachusetts Ins-
ments, enfin un moyen pour communiquer une image valorisante
titute of Technology) publiait le rapport Meadows qui présente des
d’une entreprise respectueuse de l’environnement.
scénarios d’évolution de la croissance industrielle mondiale. Ce
Dans la démarche classique de conception par étapes successives, rapport est la première étude importante soulignant les dangers
encore largement pratiquée (figure 1), l’écoconception est considé- écologiques de la croissance économique et démographique que
rée comme une contrainte. En simplifiant, cette démarche s’effectue connaît notre monde [1].
en trois étapes distinctes : d’abord la prise en compte des aspects L’épuisement des ressources naturelles en matière et en énergie
techniques (réponse technico-économique au cahier des charges et la pénurie qui risque d’en découler, les problèmes liés à la toxi-
fonctionnel), puis ensuite des aspects organisationnels (gestion de cité de certaines substances présentes dans les produits usagés, la
projet, élaboration de l’objet technique en CAO – formes, cotations, pollution de l’air, des sols et de l’eau par les rejets et déchets, les
matériaux... –, définition de la gamme de fabrication...), puis en der- menaces portées à la biodiversité montrent que les atteintes à
nière étape, vérification des exigences réglementaires. Cette façon l’environnement des modes de production, d’achat, de transport,
de procéder entraîne fatalement des itérations longues, difficiles et, de consommation, d’élimination des déchets se multiplient et que
en conséquence, coûteuses du fait que les trois aspects sont cette situation n’est pas compatible avec les exigences du dévelop-
nécessairement imbriqués et non chronologiques. pement durable.
L’écoconception nécessite une démarche tout autre, qui consiste Le développement durable devient un objectif primordial pour
à traiter les aspects techniques, organisationnels et réglementaires les générations futures, il s’agit de poursuivre le développement
en parallèle et non successivement (figure 2), en abordant, dès le qui répond aux besoins du présent sans toutefois compromettre la
début de la conception, les trois points de vue, avec ensuite une capacité des générations futures à répondre aux leurs. La préser-
gestion de projet qui implique des cycles de décision où les trois vation de l’environnement et, par voie de conséquence, la réduc-
points de vue sont régulièrement confrontés de manière à traiter tion de l’impact environnemental des produits est primordiale. Par
simultanément et sur le même pied d’égalité les trois aspects. ailleurs, comme l’explique Jean-Marc Jancovici (auteur et concep-
teur initial du Bilan carbone de l’ADEME) sur son site et dans ses
ouvrages, le futur déclin de la production mondiale de pétrole
nous conduira à repenser notre modèle économique dans les pro-
ches décennies à venir [2].
De façon générale, les ressources naturelles s’épuisent et, de
plus, ne sont pas renouvelables (tableaux 1 et 2, d’après [3] et [4]).
Il devient donc important de limiter leur consommation et de les
recycler afin de pouvoir poursuivre leur utilisation.
Dans les pays développés entre 1980 et 2020, la production des
déchets évolue quasiment de manière parallèle au PIB (produit
intérieur brut) ; elle augmente par contre à un rythme double de
celui de la population (figure 3). Ce rythme n’est pas soutenable à
long terme et il convient de limiter ces déchets par différents
moyens : réduction à la source, recyclage, incinération, etc.
Les composants mécaniques (et plus généralement les produits
de l’industrie mécanique) n’échappent pas à ces règles et ont en
conséquence un impact sur l’environnement qui se mesure tout au
Figure 1 – Démarche classique du bureau d’études long de leur cycle de vie. En effet, la consommation de ressources,

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ÉCOCONCEPTION DES COMPOSANTS MÉCANIQUES _______________________________________________________________________________________

Tableau 1 – Réserves de métaux rares (d’après [3])


Réserves
Métaux rares (années)
Estimation 2012
Zinc 19


Cuivre 40
Nickel 36
Plomb 17
Étain 21

Tableau 2 – Réserves de ressources énergétiques


(d’après [4])
Réserves
Ressources énergétiques (années)
Estimation 2012 Figure 4 – Impact environnemental du cycle de vie d’un produit
Charbon 109
Pétrole 53 À service rendu identique, ou à performances identiques, un
écoproduit a un impact moindre sur l’environnement, tout au long
Gaz naturel 71 de son cycle de vie, par rapport à d’autres produits standards
d’usage similaire. Dans la pratique, différents termes sont
employés pour qualifier un écoproduit : produit respectueux de
l’environnement, produit écoresponsable, produit éco-efficace
(l’écoefficacité se mesurant par le ratio performance/impact
environnemental), produit de qualité écologique, produit « vert »,
240 etc. Cette notion étant relative, puisqu’il s’agit de réduire l’impact
PIB
environnemental, l’important est d’adopter une démarche d’éco-
220 Production de déchets municipaux
conception, c’est-à-dire une démarche visant à réduire autant que
Population possible l’impact environnemental du produit.
200
Sur le plan économique, les écoproduits ne sont pas nécessaire-
180 ment plus chers que les autres. L’écoproduit est avant tout un produit
de qualité, son éventuel surcoût n’est pas lié à se caractéristiques éco-
160 logiques mais à sa qualité. Un composant mécanique dont la durée
de vie est doublée est certes plus cher à l’achat, mais l’utilisateur
140 n’est-il pas gagnant au final ? En fait, l’achat plus coûteux conduit
souvent à une économie importante lors de l’utilisation.
120

100 Exemple : l’entreprise SOFRANCE [5], spécialisée dans la fabrica-


1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 tion de filtres, s’est tournée vers l’écoconception pour répondre à la
demande de l’industrie aéronautique, pour ce qui concerne plus parti-
culièrement la réduction de la masse du filtre et l’optimisation du trai-
Figure 3 – Évolution de la production de déchets municipaux
dans les pays de l’Organisation de coopération tement en fin de vie. La démarche d’écoconception a permis de
et de développement économique 1980-2020 (source : OCDE) réaliser un nouveau filtre, entièrement incinérable et parfaitement
interchangeable avec l’ancien. Ce filtre à base de tubes de filtration
en matériaux composites, a permis de diviser la masse par 3,
d’énergie, les émissions polluantes dans l’air, dans l’eau, les d’augmenter la durée de vie de 20 %, de réduire de moitié la
déchets solides, se manifestent durant les différentes phases du consommation d’énergie sur l’ensemble du cycle de vie et enfin de
cycle de vie, depuis l’extraction de la matière première, en passant diviser par 10 le coût du traitement en fin de vie.
par la production des matériaux (transformation première comme
par exemple la sidérurgie), la fabrication des composants (usinage,
découpage-emboutissage, forgeage...), leur assemblage, l’utilisa-
tion en service et jusque, enfin, la fin de vie (figure 4). Notion d’écoproduit
À service rendu identique, l’écoproduit est source de moins
Il existe donc un lien avec l’écoconception de ces composants, d’impacts sur l’environnement que d’autres produits similaires.
notamment le choix de la matière première, puis la recherche de
procédés de fabrication « propres » et la minimisation des Il s’agit donc d’une notion relative :
consommations durant l’utilisation, enfin le choix de technologies – produit normal : qualité ;
permettant le désassemblage et le recyclage. – écoproduit : qualité et environnement.

La réduction de l’impact environnemental s’imposant, il


convient de concevoir des produits ayant un impact environne- Comme le montre l’exemple du filtre de SOFRANCE, ce ne sont
mental le plus faible possible, d’où la notion d’écoproduit pas seulement la qualité du produit et l’économie réalisée en
(figure 4). exploitation qui constituent les caractéristiques d’un écoproduit. Il

BM 5 009v2 – 4 Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés

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_______________________________________________________________________________________ ÉCOCONCEPTION DES COMPOSANTS MÉCANIQUES

y a d’autres retombées et notamment le saut technologique positions pour un achat « écoresponsable » [6]. On doit aussi men-
apportant une innovation qui différencie le produit de ses tionner la responsabilité sociétale des entreprises : l’article 116 de
concurrents (filtre en matériaux composites, ce qui réduit la loi no 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régula-
considérablement sa masse par exemple), ou encore le facteur tions économiques (NRE) demande aux entreprises françaises
d’échelle des produits de grande diffusion car les écoproduits, peu cotées sur le marché français d’inclure dans leur rapport annuel
répandus à leur lancement, sont fabriqués à petite échelle, ce qui une formalisation des impacts sociaux et environnementaux de
implique une fabrication, un emballage, une logistique (taille des leurs activités. Les engagements des grandes entreprises ont ainsi
camions utilisés en particulier) économiquement plus délicats et des répercussions sur l’ensemble de la chaîne clients-fournisseur.


coûteux que des produits diffusés à grande échelle.

Exemple : le cas des imprimantes recto-verso qui permettent des


économies de papier en constitue un exemple typique. Le marché 3.1 Des différences notables en fonction
s’étant développé, l’offre s’est adaptée à la demande et les prix ont des marchés et des filières
diminué. La fonction recto-verso, auparavant en option, est alors
devenue disponible en série.
Exemple du secteur du bâtiment
Produits mécaniques impactés par le besoin d’afficher la perfor-
3. Enjeux pour les industriels mance environnementale des produits selon un format prédéfini
(FDES, PEP, DEP...).
Exemple du secteur automobile
Différents enjeux économiques, réglementaires, stratégiques, Donneurs d’ordre ayant à respecter certaines contraintes réglemen-
incitent fortement les entreprises industrielles à se convertir à taires (directive Véhicules Hors d’Usage par exemple) et exigeant de
l’écoconception de leurs produits. leurs fournisseurs soit des développements en ligne avec leurs
Sur le plan économique, il faut songer à la raréfaction des orientations environnementales, soit des données susceptibles de les
matières premières dont le coût peut augmenter (§ 2). Les écono- aider à évaluer globalement leurs propres solutions d’un point de vue
mies réalisées durant la phase d’exploitation du produit (comme environnemental.
les économies d’énergie) constituent par ailleurs un avantage
concurrentiel pour ce produit. Les coûts de transport ou la mise en Il est nécessaire de faire le distinguo entre l’écoconception,
décharge d’un produit en fin de vie peuvent également générer l’éco-innovation [IN 206], l’évaluation et la communication de la
des coûts pour son fabricant. Au final, si le coût d’acquisition du performance environnementale qui répondent chacune à des
produit peut s’avérer plus élevé pour un produit écoconçu, le coût enjeux industriels différents. Le tableau 3 (d’après [7]) donne quel-
global du produit (acquisition, utilisation, maintenance et fin de ques caractéristiques de différents secteurs industriels vis-à-vis de
vie) pourra être moins élevé pour l’utilisateur. l’écoconception.
Sur le plan réglementaire, de nombreux produits sont concernés
par une réglementation en matière d’environnement qu’il est obli- De nombreux produits sont concernés par l’écoconception (soit
gatoire de respecter. Il convient aussi de préciser que si certains parce qu’ils doivent satisfaire une réglementation, soit aussi parce
produits ne sont pas directement concernés par une réglementa- que le code des marchés publics ou le donneur d’ordres imposent
tion, une réglementation peut toutefois s’imposer sur le site où le des exigences environnementales à leurs fournisseurs. Dans les
produit sera utilisé et, dans ce cas, le donneur d’ordre peut réper- paragraphes qui suivent, des listes de produits concernés, particuliè-
cuter contractuellement la contrainte réglementaire. rement ceux intégrant des composants mécaniques, sont données.
Sur le plan stratégique, il faut signaler que les acheteurs des Outre le fait que ces produits sont concernés par l’éco-
produits intègrent des exigences environnementales dans leurs conception, il convient également de mentionner que les services
appels d’offres : les donneurs d’ordres, soucieux de leur image, associés à ces produits sont, eux aussi, concernés. Cela signifie
qui bâtissent leur stratégie marketing sur l’écoconception pour que la démarche d’écoconception doit prendre en compte les ser-
montrer aux consommateurs que leurs produits sont « verts » (cas vices tels que : l’exploitation et l’entretien des locaux de restau-
des véhicules automobiles), l’étiquetage selon une norme délivrant ration collective, le nettoyage des vêtements et textiles, le lavage
un écolabel est également un argument vis-à-vis du consom- et l’entretien des véhicules, l’exploitation et la maintenance des
mateur. Il faut aussi considérer qu’un produit écoconçu peut per- installations frigorifiques et des fluides, l’exploitation et la mainte-
mettre à l’entreprise d’investir de nouveaux marchés. Les nance des installations thermiques, l’entretien et la maintenance
acheteurs des administrations et des collectivités locales des équipements d’impression et de reprographie, le nettoyage et
s’appuient sur le code des marchés publics qui préconise des dis- l’entretien des locaux.

Tableau 3 – Tendances dans quelques filières industrielles utilisatrices de composants mécaniques


(d’après [7])

Appareils
Filière Automobile Aéronautique Bâtiment
électriques/électroniques

Tendances Réduction Réduction du poids, Réduction Déclaration de la perfor-


de la consommation du bruit, de la consommation élec- mance environnementale
de carburant et de la consommation trique Substitution des substan-
Augmentation du taux des avions Affichage de la perfor- ces dangereuses
de recyclabilité Substitution des substances mance environnementale
Substitution des substances dangereuses Substitution des substan-
dangereuses ces dangereuses

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INNOVATION

Écoconception des machines


électriques tournantes Q
à courants alternatifs

par Walid BOUGHANMI


Docteur en génie électrique, chercheur au LSEE, université d’Artois, Béthune, France
Jean-Paul MANATA
Maître de conférences à l’université d’Artois, chercheur au LSEE, Béthune, France
Daniel ROGER
Professeur à l’université d’Artois, chercheur au LSEE, Béthune, France
et Jean-François BRUDNY
Professeur à l’université d’Artois, chercheur au LSEE, Béthune, France

Résumé : Cet article présente la démarche globale d’écoconception d’une machine


électrique tournante à courant alternatif. Cette approche permet d’introduire les aspects
environnementaux lors de la conception de la machine en tenant compte de toutes les
phases du cycle de vie depuis l’extraction des matières premières jusqu’au démantèle-
ment et recyclage. Un outil performant d’analyse du cycle de vie (ACV) a été utilisé ; il
prend en compte plusieurs critères d’impacts afin d’éviter le transfert de pollution d’un
critère à l’autre. Un prototype de moteur asynchrone de 10 kW à faible impact environne-
mental a été fabriqué et testé. Sa réalisation a été dictée par le souci de réduire au
maximum son empreinte environnementale, en utilisant des matériaux plus respectueux
de l’environnement, mais aussi en augmentant son efficacité énergétique.

Abstract : This paper presents the eco-design global approach of an AC electrical


rotating machine. This approach allows introducing environmental aspects in the design
of the machine taking into account all stages of the life cycle from extraction of raw
materials to the dismantling and recycling. An efficient tool for the Life Cycle
Assessment (LCA) has been used. It takes into account several criterion impacts to
avoid the transfer of pollution from one criterion to another one. A 10 kW induction
motor prototype of a low environmental impact has been made with this concept and
tested. Its construction was carried out in order to minimize its global environmental
footprint by using more environmentally friendly materials but also by increasing its
energy efficiency.

Mots-clés : écoconception, machine électrique, impact environnemental, analyse du


cycle de vie, efficacité énergétique

Keywords : eco-design, rotating electrical machine, environmental impact, Life Cycle


Assessment, energy efficiency
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INNOVATION

Points clés
Domaine : Conception de machines électriques tournantes

Q Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité


Technologies impliquées : Tôles magnétiques à grains orientés, isolations
électriques sans solvant
Domaines d’application : Ventilation, pompage, compression, production de
froid, transports, éoliennes...
Centres de compétence : Laboratoire systèmes électrotechniques et environ-
nement (LSEE), université Lille–Nord de France, UArtois, FSA, Technoparc Futura,
Béthune, France. Unité de chimie et catalyse de solide (UCCS)
Pôles de compétitivité :
Industriels : EDF R&D, ThyssenKrupp Electrical Steel, Green Isolight International
(GII), ACEBSA (Espagne), Roquette
Institutionnels : ADEME, région Nord-Pas-de-Calais, Pôle MEDEE
Autres acteurs dans le monde : Certains laboratoires de recherche travaillent sur
l’efficacité énergétique des matériels électriques. En France, on peut citer en particu-
lier les laboratoires du Pôle MEDEE (Maîtrise énergétique des entraînements électri-
ques) implanté dans la région Nord-Pas-de-Calais et ceux du groupement national de
recherche SEEDS (Systèmes d’énergie électrique dans leurs dimensions sociétales)
Contact : http://www.lsee.fr/ ; htpp://www.pole-medee.com/

1. Contexte « IE » apparu dans le programme « Motor challenge » qui per-


met de répartir les performances en trois catégories : IE1, IE2
et IE3 pour les moteurs de 750 W à 375 kW (1 000, 1 500 et
1.1 Efficacité énergétique 3 000 tr/min) et très récemment une quatrième classe IE4.
des machines électriques Cependant, la catégorie IE1 n’étant désormais plus autorisée
en Europe depuis juin 2011, les moteurs sont obligatoirement
Les machines électriques sont utilisées dans l’industrie pour au minimum de type IE2 (norme NF EN 60034-30).
mettre en mouvement des systèmes de production très divers.
On s’aperçoit toutefois que les moteurs électriques sont des
Elles sont généralement très répandues dans tous les secteurs
machines intrinsèquement très performantes qui tendent à le
de l’économie, y compris chez les particuliers. À titre d’exemple,
devenir encore plus, compte tenu des nombreux travaux dans
on cite les applications domestiques (congélateur, air clima-
ce domaine. Cette recherche du meilleur rendement a un
tisé...), industrielles (pompage, ventilation, air comprimé,
double objectif : économique et environnemental. Cependant,
froid...), mais aussi le domaine des transports (voiture électri-
ce dernier aspect n’est pas conditionné par les seules perfor-
que...) et la production d’énergie (éoliennes...). Chaque année,
mances énergétiques et opérationnelles d’une machine. Un
environ 30 millions de moteurs électriques nouveaux, de puis-
moteur est, en effet, un produit complexe dans lequel de
sance moyenne comprise entre 0,75 et 300 kW, sont vendus
nombreux paramètres interviennent ; dans la démarche de
dans le monde ; le nombre total de ces moteurs actuellement
dimensionnement, le rendement est important mais son amé-
en service dans l’industrie, les infrastructures et les grands bâti-
lioration ne doit pas être le seul objectif pour concevoir un
ments est voisin de 300 millions. À titre indicatif, en France,
moteur à faible impact environnemental. Les études environ-
30 % de l’énergie utilisée dans l’industrie est électrique, et
nementales développées par ailleurs sur d’autres produits
70 % de cette énergie est destinée aux moteurs électriques.
manufacturés (souvent plus simples) s’intéressent de manière
Cela représente au total environ 90 TWh/an dans
plus globale au cycle de vie complet, depuis la naissance du
l’industrie [1]. Étant donné les très grandes quantités mises en
produit jusqu’à sa mise au rebut. En ce qui concerne les
jeu, une amélioration, même faible, des performances énergéti-
moteurs ayant des usages variés, les démarches classiques
ques de chaque unité apporte des économies d’énergie impor-
n’intègrent pas encore ces règles d’écoconception [4].
tantes. Dans un monde où l’énergie est appelée à être
durablement plus rare, donc plus chère, l’utilisation de moteurs
à haut rendement devient importante [2]. 1.2 Démarche d’écoconception
Lors de la démarche de conception, des choix sont et impacts environnementaux
nécessaires ; ils répondent à des critères qui varient en fonc-
tion des objectifs assignés. Par exemple, lorsque la puissance L’écoconception a pour objectif de concevoir des produits
massique est une priorité, la démarche de conception produit dont l’impact environnemental est moindre sur l’ensemble de
des moteurs électriques très compacts mais au prix d’un leur cycle de vie. Le cycle de vie d’un produit s’entend « du ber-
rendement médiocre [3]. Lorsque les machines sont ceau à la tombe », c’est-à-dire depuis l’extraction de la matière
construites dans le but d’obtenir un rendement maximal, les première jusqu’à la mise au rebut [G 5 500]. Il s’agit en théorie
choix de dimensionnement conduisent à des machines moins de recenser l’ensemble des substances élémentaires
compactes [D5 68P1]. Elles peuvent alors bénéficier du label consommées (matières premières, ressources naturelles...) ou

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INNOVATION

produites (émissions dans l’air, l’eau..., produits secondaires et relative différents produits entre eux, différentes versions et/ou
déchets) au cours du processus de conception du produit, puis utilisations de moteurs. Le postulat généralement admis dans
de son usage, et enfin de sa destruction. ces études ACV étant que les imprécisions numériques sont


atténuées par cette utilisation relative.
En ce qui concerne plus particulièrement la phase de
conception, les substances à recenser, en entrée, incluent tou-
tes les matières premières et ressources consommées pour
aboutir à la réalisation du produit ciblé. Cela inclut les 2. Évaluation des impacts
consommations directes (matières premières, gaz, pétrole...)
utilisées dans les processus de transformation mais aussi les environnementaux
consommations indirectes (infrastructures, transport...). En des machines AC
sortie, on trouve principalement les émissions dans l’air, l’eau
et les sols, générées par l’ensemble des processus industriels
Cette section présente brièvement l’outil ACV appliqué aux
qui créent le produit.
machines AC. L’écobilan global qui résulte d’une démarche
Diverses bases de données quantifient pour la plupart des d’ACV appliquée au moteur asynchrone de gamme
matériaux industriels (métaux en sortie d’aciérie, plastiques « puissance moyenne » sera présenté selon son type de
sous forme de granulés...) et pour les processus classiques service : continu ou intermittent. Le moteur référent considéré
qu’elles subissent (moulage, laminage, tréfilage, injection...) dans cette étude est supposé alimenté directement sur un
des estimations des flux de substances associés. Pour cette réseau triphasé équilibré. Ce moteur, qui comporte une cage
étude, la base de données ECOINVENT, qui possède plusieurs rotorique en aluminium, est caractérisé par les valeurs
milliers de données, a été retenue. nominales : 10 kW ; 400 V ; 50 Hz ; 21 A ; 1 400 tr/min ;
cos ϕ = 0,81.
Une étude d’analyse du cycle de vie (ACV) a pour objectif
d’évaluer les impacts environnementaux du produit cible. Un
impact environnemental s’exprime généralement par une 2.1 Analyse du cycle de vie d’une machine
quantité équivalente de substance émise ou consommée par
le produit étudié sur son cycle de vie. Ainsi, l’impact asynchrone
« réchauffement climatique » s’exprime en quantité de
dioxyde de carbone (CO2) produite. Comme de nombreux ■ Appliquer une étude environnementale de type ACV à un
autres gaz agissent sur cet effet de serre, la méthodologie de moteur électrique commence donc par la phase de
calcul de l’impact convertit les quantités émises de ces autres conception. Le moteur est assemblé à partir d’un ensemble de
gaz en un équivalent CO2 . Chaque impact environnemental matériaux élaborés (acier, cuivre, aluminium, plastiques, maté-
est donc assorti d’une méthodologie d’agrégation qui convertit riaux isolants) qui subissent divers processus de conception
les quantités de substances élémentaires associées au cycle proprement dits (laminage, injection, moulage, tréfilage,
de vie du produit en une quantité équivalente unique dans la recuits...). La base de données « ECOINVENT » propose des
substance retenue pour ce critère donné. données génériques pour la plupart des matériaux et processus
courants (métaux et plastiques). Pour ce qui relève de maté-
Il existe de nombreux critères environnementaux, et une riaux plus spécifiques, les données disponibles ont été adap-
étude environnementale se doit d’être multicritère pour tées. Les processus, par exemple d’émaillage de fils et de
prendre en compte différents points de vue. En effet, pour un fabrication de tôles électriques, ont été caractérisés en termes
produit cible, tous les critères environnementaux ne sont pas d’impact environnemental par nos soins suite à une analyse
forcément corrélés, certains peuvent même se révéler détaillée et l’expertise de nos partenaires industriels. Grâce aux
contradictoires. Cette étude reprend dix critères différents méthodologies d’agrégation des critères environnementaux,
couramment utilisés dans le cadre des études ACV et elle chaque matériau secondaire utilisé et chaque processus identi-
s’appuie sur le logiciel SIMAPRO qui intègre les méthodes fié se voit associé une valeur d’impact environnemental
d’agrégation, notamment la méthode CML (Centrum voor par unité de masse, et ce pour chacun des dix critères rete-
Milieuwetenschappen van Leiden ), nécessaires. Rappelons que nus. Cette extraction est réalisée sous SIMAPRO qui contient
la CML a été développée par l’Institut des sciences environne- ECOINVENT et les critères d’évaluation.
mentales de l’université de Leiden, aux Pays-Bas, en 1992 et
révisée en 2000. Elle fait maintenant référence en ce qui Cela étant réalisé, la modélisation d’un moteur électrique ne
concerne l’ACV des produits industriels. Les dix critères nécessite plus qu’un modèle géométrique permettant la pré-
d’impact, qui ont été retenus pour notre étude, sont détaillés détermination rapide de la masse de tous ses éléments
dans le tableau 8 en annexe (§ 5). constituants (composants). Toutes les dimensions de la
machine sont déduites des deux paramètres fondamentaux
Il convient dès à présent de souligner que les valeurs numéri- (diamètre d’alésage et longueur active) en utilisant des
ques obtenues à la suite d’une ACV sont forcément peu fiables données réelles constructeur, des coefficients divers pour gar-
en termes de valeur absolue, même si aucune estimation der l’aspect réel de la géométrie et des inductions magnéti-
d’erreur n’existe dans les bases de données. Premièrement, la ques liées aux types de tôles utilisées [5] en considérant dans
modélisation effectuée surestime ou sous-estime certainement ce cas une induction crête d’entrefer Be de 1 T. Une fois les
de nombreux flux de matière sans qu’il soit possible, a priori, de dimensions géométriques de la machine connues, les
savoir à quel point ces imprécisions sont négligeables ou non. différentes masses (actives et inactives) sont déduites par
Deuxièmement, les méthodologies d’agrégation, permettant de l’équation (1) :
quantifier en une unité unique les impacts relatifs de diverses
substances, reflètent l’état des connaissances environnementa-
les à un instant donné. Les bases de données et les méthodolo- masse totale = ∑ volume × masse volumique (1)
gies de calcul des impacts sont d’ailleurs régulièrement mises à composants
jour. Ces remarques sont valables pour toutes les études ACV et de la machine
ne sont pas particulières à la modélisation du moteur effectuée
ci-après. Les études environnementales de ce type sont d’abord Le tableau 1 résume le résultat obtenu par le modèle géo-
des outils de comparaison destinés à confronter de manière métrique appliqué à la machine de 10 kW.

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INNOVATION

Tableau 1 – Différents matériaux de la machine


I1 I’2
de référence de 10 kW


r1 x1 x’2 r’2/s
Masse
Matériau
(kg)
V1 Xµ Rµ
Fer électrique 33,7
Autres fer 31,5
Aluminium 2,7
Figure 1 – Schéma monophasé équivalent
Cuivre 4,3
Isolants 0,5
Résine d’imprégnation 1,0
C
Plastique 0,3 y
Construction
Coûts énergétiques
– matière première
c et émissions
– fabrication

Coût environnemental global


l
■ La deuxième étape de l’étude environnementale consiste à
évaluer les impacts de la phase d’usage. Lors de son e Usage
utilisation, un moteur consomme de l’énergie électrique, il – rendement Énergie Énergie
convient simplement de ne retenir dans le cadre de l’ACV que d – service utile perdue
l’énergie liée aux pertes (l’énergie utile de la machine représente e
la fonction même de la machine, c’est pourquoi elle a été
conçue). Cette étape nécessite donc d’évaluer le rendement de v Fin de vie
manière précise. À partir du schéma monophasé équivalent clas- i – déconstruction
Coûts énergétiques
sique illustré par la figure 1, où s représente le glissement, il est e et émissions
– recyclage
possible de prédire l’efficacité énergétique de la machine en
fonction de sa charge. Les paramètres qui interviennent sur ce
schéma, donnés dans le tableau 2, sont déterminés à partir des
Impacts
tests et en appliquant la méthode itérative normalisée
environnementaux
(CEI 60034-2-1). Précisons que, dans ce cas, l’essai à vide a été
réalisé pour Be = 1 T (la détermination de cette variable utilise
un enroulement auxiliaire de mesure). À titre informatif, nous
avons également fait apparaître dans ce tableau les valeurs de Figure 2 – Cycle de vie d’un moteur électrique et impacts
ces paramètres estimées lors du dimensionnement initial. environnementaux

Le second paramètre de la phase d’usage concerne la durée


d’utilisation du moteur. Plusieurs scénarios seront envisagés faut noter que, pour cette étude, 70 % du cuivre et de l’alumi-
par la suite. L’énergie électrique perdue pendant l’usage va elle nium ont été considérés recyclés ainsi que 45 % de l’acier
aussi engendrer des impacts environnementaux puisqu’elle (scénario standard). En résumé, le cycle de vie d’une machine
nécessite en amont la production de cette électricité selon électrique peut donc être schématisé par la figure 2.
diverses sources. Chaque mégajoule consommé est donc géné-
rateur d’un impact environnemental pour chaque critère.
2.2 Écobilan de la machine de référence
■ La troisième étape concerne la fin de vie du moteur. C’est
à ce stade que les matériaux constituant le moteur vont à leur Une fois la modélisation effectuée (décomposition des
tour devenir des déchets et intervenir directement sur les dif- éléments constituant le moteur avec leur processus, choix de
férents impacts environnementaux. Un scénario standard est l’origine de l’électricité consommée, choix des scénarios de fin
retenu à partir de données figurant dans la base de vie et intégration des critères environnementaux), l’étude
« ECOINVENT » et adapté avec les chiffres issus du bilan du comparative de l’évaluation des impacts environnementaux
recyclage 1998-2007 de l’ADEME [6]. Chaque matière est appliquée à notre machine électrique. L’outil ACV possède
constituant le moteur est en partie recyclée (pas d’impact deux entrées variables (les masses et l’énergie perdue) et une
environnemental), en partie incinérée et en partie enfouie. Il sortie complexe (l’écobilan global).

Tableau 2 – Paramètres du schéma monophasé équivalent de la machine 10 kW pour Be = 1 T


lors du fonctionnement à vide

Paramètres r1 x1 X␮ R␮ r2ⴕ x2ⴕ

Valeurs mesurées................................. (Ω) 0,55 0,96 22,36 438,8 0,45 0,85

Valeurs estimées .................................. (Ω) 0,42 0,85 26,0 448 0,47 0,91

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Écoconception des bâtiments


et des quartiers

par Bruno PEUPORTIER
Maître de recherche
MINES ParisTech, Centre efficacité énergétique des systèmes, Paris, France

1. Présentation de la méthodologie ..................................................... AG 6 790 - 2


1.1 Des objectifs aux indicateurs environnementaux.................................. — 2
1.2 Principales hypothèses et principes de la modélisation ....................... — 3
1.3 Aide à l’interprétation des résultats ........................................................ — 6
2. Exemples d’application ....................................................................... — 7
2.1 Maison individuelle neuve ....................................................................... — 7
2.2 Réhabilitation d’un immeuble de logements sociaux ........................... — 9
2.3 Écoquartier ................................................................................................ — 11
3. Conclusion et perspectives ................................................................ — 16
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. AG 6 790

’écoconception consiste à prendre en compte les aspects environnementaux


L dans la conception et sur le cycle de vie d’un produit. Le présent article
concerne l’application de cette démarche aux bâtiments et aux quartiers.
Les objectifs de préservation du climat, de la santé humaine, de la bio-
diversité et des ressources sont largement partagés. Dans ce contexte,
l’écoconception apporte une contribution selon une démarche de prévention. Il
s’agit d’orienter les décisions dès la phase de conception d’un ensemble bâti,
avant même qu’il soit réalisé, dans le but de réduire les impacts environ-
nementaux sur son cycle de vie, ainsi que les conséquences sociales et les
coûts induits par ces impacts. Cette stratégie de prévention s’avère intéres-
sante également sur le plan économique, car intervenir en amont est moins
onéreux que corriger des erreurs de conception une fois le bâtiment construit.
La sensibilisation des décideurs aux problématiques environnementales a
suscité diverses initiatives, comme le développement de la démarche « haute
qualité environnementale » des bâtiments ou la création de nombreux
« écoquartiers », sans que les concepts correspondants soient toujours
précisément étayés. Or, l’importance des risques, du niveau local au niveau
planétaire, demanderait une gestion plus rigoureuse de ces problèmes. En
effet, les décisions prises en matière d’urbanisme ont une forte influence sur
les secteurs du bâtiment et des transports, qui contribuent de manière très
importante à la plupart des impacts environnementaux.
Le secteur du bâtiment est par exemple en France – et en Europe – le secteur le
plus consommateur d’énergie, avec à lui seul près de la moitié de la
consommation totale, soit deux fois plus que l’industrie. La consommation
directe d’eau potable représente environ 20 % des prélèvements nets d’eau,
mais une quantité aussi importante est indirectement mobilisée pour la produc-
tion d’électricité, consommée à 60 % dans les bâtiments. Entre une et deux
tonnes de matériaux sont utilisées par m2 construit, ce qui fait du bâtiment l’un
des plus importants débouchés pour les produits industriels. 40 millions de
tonnes de déchets sont produites chaque année sur les chantiers de démolition,
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQT

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ÉCOCONCEPTION DES BÂTIMENTS ET DES QUARTIERS ____________________________________________________________________________________

de réhabilitation et de construction, à comparer aux 28 millions de tonnes


d’ordures ménagères. Les émissions de polluants liées au bâtiment sont très
importantes, aussi bien dans l’air (22 % des gaz à effet de serre par exemple) que
dans l’eau (un quart des rejets en équivalent phosphate). Il est donc essentiel de
mobiliser l’ensemble des professionnels de ce secteur pour préserver les géné-
rations futures et la biodiversité.


Le concept de développement durable consiste dans sa définition initiale
à satisfaire les besoins du présent tout en préservant les générations futures
(rapport Brundtland). Il ne s’agit donc pas d’un vague compromis entre des
aspects économiques, sociaux et environnementaux comme on le comprend
trop souvent aujourd’hui. Satisfaire les besoins du présent consisterait par
exemple à répondre à une demande de logements largement insatisfaite, selon
certains standards de confort. Préserver les générations futures implique de pro-
téger un certain nombre de biens communs, comme les ressources en énergie,
en eau, en matières premières et en sols, la santé et la biodiversité donc en parti-
culier le climat et les milieux – air, eau, sol –. Ces quelques exemples montrent
l’ampleur du défi que constitue la satisfaction de l’ensemble des critères de déve-
loppement durable qui, de plus, peuvent être contradictoires (par exemple une
température plus confortable peut induire des besoins de chauffage plus élevés).
Relever ce défi implique de modifier en profondeur les pratiques profession-
nelles, les comportements et les technologies. Les décisions influençant le plus la
performance d’un projet urbain sont prises durant les phases amont, d’où
l’importance de la programmation, qui devrait inclure des exigences de perfor-
mance environnementale, et de l’écoconception. Cette méthode répond ainsi à
une demande de plus en plus fréquente et qui, à terme, devrait être rendue obli-
gatoire par les politiques publiques, en particulier selon les orientations actuelles
des directives européennes. Ses principales limites sont liées aux incertitudes sur
l’évaluation des impacts environnementaux, et sur la prévision à long terme, cor-
respondant à la longue durée de vie des bâtiments et des quartiers.
Le présent article commence par une présentation de la méthodologie, en
incluant les principales hypothèses et limites des outils, puis quelques exem-
ples d’application en construction neuve et en réhabilitation, ainsi qu’à
l’échelle d’un quartier. Quelques perspectives sont enfin proposées concernant
l’amélioration de la démarche et sa mise en pratique.

1. Présentation années 1970 a conduit à sélectionner de nouveaux fluides frigori-


gènes, mais ceux-ci portent atteinte à la couche d’ozone. Des
de la méthodologie produits de substitution ont alors été mis en œuvre, mais au
détriment du climat. La focalisation actuelle sur le bilan carbone
risque de déplacer les problèmes vers des risques sanitaires liés
par exemple aux filières nucléaire ou biomasse. L’idée est alors de
1.1 Des objectifs aux indicateurs constituer une grille de critères de performance la plus complète
environnementaux possible, en fonction des connaissances actuelles.

La performance d’un bâtiment et a fortiori d’un quartier est la De telles grilles ont été étudiées dans différents projets européens
résultante d’un programme établi par le maître d’ouvrage, du choix et nationaux comme Eco-housing [3], Adequa [4] et Lense [5].
d’un site, de la compétence de l’architecte, de l’urbaniste et des L’appropriation des critères de performance par les acteurs peut
bureaux d’études, de l’usage de technologies adaptées, du soin être facilitée par l’explicitation des objectifs qui les sous-tendent.
apporté par les entreprises à la réalisation, et du comportement Une liste d’objectifs, issue d’une démarche participative associant
citoyen des habitants [1]. Il s’agit alors de sensibiliser les occupants ingénieurs, architectes-urbanistes, entreprise et habitants dans le
et, pour les acteurs professionnels impliqués, de partager des critè- cadre d’un projet européen [6], est donnée dans le tableau 1 à titre
res de performance communs [2] pour choisir les solutions urbanis- d'exemple. La démocratie locale est bien entendu essentielle pour
tiques, architecturales et techniques les plus appropriées. élaborer ces objectifs et fixer des priorités.
La multiplicité des fonctions du bâtiment complique la caractéri- Il s’agit ensuite de définir des indicateurs permettant d’évaluer à
sation de cette performance, qui intègre des aspects écologiques, quel point un projet répond à ces différents objectifs. Le présent
économiques et socio-culturels. Les approches monocritères dossier concerne les aspects environnementaux, mais une
présentent le risque de remplacer un problème environnemental approche similaire permet d’évaluer la performance économique,
par un autre. Par exemple, la problématique de l’épuisement des et l’évaluation de la dimension sociale constitue une voie de
ressources énergétiques liée à la « crise du pétrole » dans les recherche.

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_____________________________________________________________________________________ ÉCOCONCEPTION DES BÂTIMENTS ET DES QUARTIERS

Tableau 1 – Exemple de grille d’objectifs résultant d’une élaboration participative


Dimensions Buts Objectifs
1. Préserver les matières premières
2. Économiser l’énergie
1. Préserver les ressources
3. Économiser l’eau
4. Maîtriser l’usage du sol

1. Écologique
1.
2.
Limiter les émissions toxiques
Protéger le climat

3. Protéger la faune et la flore
4. Protéger les rivières et les lacs
2. Protéger les écosystèmes 5. Améliorer la qualité de l’air extérieur
6. Réduire les déchets
7. Réduire les risques liés à la radioactivité
8. Préserver la couche d’ozone
9. Limiter les risques liés aux inondations
1. Réduire le coût de construction
2. Réduire le coût de fonctionnement
1. Réduire le coût global 3. Réduire le coût de maintenance
2. Économique 4. Réduire le coût de rénovation
5. Réduire le coût de démolition
1. Faciliter l’adaptation des espaces
2. Augmenter la valeur
2. Faciliter l’adaptation des usages
1. Améliorer la qualité de l’air intérieur
2. Améliorer la qualité de l’eau
1. Préserver la santé des résidents
3. Réduire l’exposition aux champs électromagnétiques
4. Réduire les risques (incendie, explosion...)
1. Améliorer le confort visuel
2. Améliorer le confort thermique
2. Améliorer le confort 3. Réduire le bruit
3. Sociale
4. Réduire les odeurs
5. Améliorer le bien-être (par exemple, surface utile)
1. Améliorer la qualité d’usage
2. Augmenter l’équité sociale
3. Augmenter la valeur sociale 3. Augmenter l’équité de genre
4. Faciliter les relations sociales
5. Améliorer la participation
1. Améliorer l’architecture et l’image
1. Augmenter la valeur esthétique
2. Améliorer l’intégration au site
4. Culturelle 1. Respecter les sites historiques
2. Conserver la connaissance et l’histoire 2. Intégrer la mémoire
3. Augmenter la valeur culturelle

À la grille d’objectifs de développement durable (tableau 1) divisant les émissions (en mg) par les seuils respectifs (en mg/m3)
correspond un ensemble d’indicateurs permettant l’évaluation à partir desquels les substances peuvent être détectées par 50 %
d’un projet et la recherche d’améliorations. Le tableau 2 donne, à d’un échantillon représentatif de la population. L’indicateur est
titre d’exemple, les indicateurs environnementaux considérés dans alors exprimé en m3 d’air vicié. L’écoconception permet ainsi de
l’outil EQUER développé dans les années 1990 [7] et actualisé par prendre en compte des critères supplémentaires par rapport à la
la suite [8]. pratique antérieure, qui intégrait déjà par exemple les critères
économiques, le confort thermique, visuel et acoustique.
L’indicateur d’acidification correspond à l’objectif de protection
des forêts : il s’agit de diminuer le phénomène des « pluies
acides ». L’indicateur d’eutrophisation est lié à la production des
« algues vertes », et par conséquent à la protection des rivières et
des lacs. Le thème « ozone photochimique » concerne l’ozone 1.2 Principales hypothèses et principes
troposphérique et ses effets sur la santé (maladies respiratoires) – de la modélisation
la concentration en ozone étant l’un des paramètres de la qualité
de l’air dans les villes. La problématique de la couche d’ozone L’évaluation de ces critères environnementaux peut sembler une
étant gérée par le protocole de Montréal, inclure un indicateur sur gageure du fait de la multiplicité des activités humaines, des
ce thème semble moins utile aujourd’hui. L’indicateur polluants émis – on recense plus de 100 000 substances chimiques
« épuisement des ressources » prend en compte les réserves commercialisées –, et de la complexité des phénomènes en
mondiales des matières et combustibles concernés et la rapidité chaîne : émission de polluants dans les différents compartiments
de leur raréfaction. La génération d’odeurs est exprimée en écologiques (air, eaux superficielles, nappes phréatiques, sols,

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agVWYP

ÉCOCONCEPTION DES BÂTIMENTS ET DES QUARTIERS ____________________________________________________________________________________

Un autre outil d’ingénierie de l’environnement, complémentaire à


Tableau 2 – Liste des indicateurs l’ACV, est l’étude d’impact. Ces deux outils donnent lieu à des textes
environnementaux considérés dans l’outil EQUER normatifs : les séries ISO 14040 pour l’ACV [18] et 14030 pour l’étude
Indicateur d’impact [19]. Ils répondent à des objectifs différents : l’étude
Unité Référence d’impact concerne par exemple une usine alors que l’ACV est utilisée
environnemental
dans le but de réduire les impacts des produits. L’usine est localisée
Demande cumulative de manière précise, ce qui permet d’évaluer ses impacts en prenant
GJ [9]
d’énergie en compte cette localisation : par exemple à émissions égales, les

Q m3
Eau utilisée [9] conséquences sanitaires sont plus élevées dans un site plus densé-
ment peuplé. Par contre, on ne sait pas forcément où sera transporté
Épuisement des ressources kg antimoine et utilisé le produit. L’ACV considère alors des impacts moyens, indé-
[10]
abiotiques eq pendants de la localisation des émissions.
Déchets produits t [9] Un bâtiment, un quartier ou un ensemble urbain étant localisé
de manière précise, l’étude d’impact pourrait sembler plus
Déchets radioactifs dm3 [9]
pertinente que l’ACV. Mais en fait, la plupart des impacts liés aux
Effet de serre (100 ans) t CO2 eq [11] bâtiments et aux systèmes urbains se produisent généralement en
dehors de ces systèmes : dans les usines de fabrication des
Acidification kg SO2 eq [10] produits de construction, lors de la production d’électricité et d’eau
Eutrophisation kg PO3−
4 eq [10] potable, dans les équipements de traitement des déchets et des
eaux usées, etc. En phase de conception amont, les fabricants et
Dommage à la biodiversité PDF · m2 · an [12] donc les lieux de fabrication des produits de construction ne sont
Dommage à la santé DALY [12] généralement pas encore connus. Or, c’est durant ces phases
amont que sont prises les décisions influençant le plus le bilan
Production d’ozone environnemental. Les données moyennées, dites également
kg C2H4 eq [10]
photochimique « génériques », sont alors utilisées et la méthode d’ACV est la plus
Odeur m3 air [10] appropriée dans l’état actuel des connaissances.
Cela n’empêche pas bien entendu de réaliser une étude d’impact
en complément, surtout si le bâtiment ou le quartier comporte une
océans, sédiments...), transport de ces polluants (vent, diffusion, source de pollution importante, comme une chaufferie de grande
absorption/volatilisation, adsorption/désorption, déposition, taille ou un axe de circulation très fréquenté. Des études spéci-
sédimentation/resuspension, écoulement des eaux, érosion...), fiques concernant par exemple la préservation de la biodiversité
dégradation au cours du temps (réactions photochimiques dans au niveau local sont également pertinentes. En parallèle, certains
l’atmosphère, hydrolyse, photolyse, etc.), transferts dans les travaux de recherche visent à affiner les ACV en distinguant les
aliments (et phénomènes de bioconcentration dans les plantes, émissions selon la densité de population ou l’altitude du lieu
bioaccumulation chez les animaux, biomagnification dans la d’émission : un polluant émis au niveau de l’échappement d’un
chaîne alimentaire), exposition (chronique, subchronique...), doses véhicule, donc proche des personnes exposées, a généralement
reçues et conséquences sur la santé et la biodiversité. plus de conséquences sanitaires que le même polluant émis au
niveau d’une cheminée de grande hauteur.
Chaque acteur ne connaît qu’une petite partie d’un ensemble
nécessairement interdisciplinaire et intersectoriel. En effet, l’éva- L’évaluation correspondant aux critères environnementaux listés
luation des impacts environnementaux mobilise des dans les tableaux 1 et 2 nécessite des informations provenant des
connaissances entre autres en écologie, en médecine, en génie des fabricants de matériaux, des producteurs d’énergie et d’eau, des
procédés et en énergétique. D’autre part, les activités humaines entreprises de traitement des déchets, etc. Mais la fabrication des
sont en interaction : par exemple, il faut de l’énergie pour produire produits nécessite des matières premières et de l’énergie, la
du ciment, il faut de l’acier et du béton pour produire de l’énergie, production d’énergie nécessite des matériaux pour la construction
etc. L’étude des ensembles urbains constitue une illustration de des infrastructures de production. Les impacts environnementaux
ces problématiques intersectorielles en associant les secteurs du doivent alors préférablement être évalués en résolvant un système
bâtiment, des transports, de l’énergie, des procédés (eau, matriciel prenant en compte cet ensemble d’interactions. Cette
traitement des déchets...), de l’industrie (produits de approche est mise en œuvre dans la base de données Ecoinvent [9]
construction...) et même de l’agriculture (production locale élaborée en Suisse mais contenant des données européennes sur
d’aliments, végétalisation du bâti). certains matériaux, et même des données de différents pays dont la
France pour certains procédés (production d’électricité par exemple).
Les impacts environnementaux liés aux services (banques assuran-
Intégrer les aspects environnementaux dans la prise de déci- ces...) peuvent être affectés aux différents produits sur la base de
sion nécessite alors des outils capitalisant un ensemble très systèmes matriciels utilisés en économie.
vaste de connaissances tout en le mettant à la portée d’acteurs En France, les fabricants de matériaux et de composants de
disposant d’un temps limité pour de telles études. L’analyse de construction ont élaboré une norme permettant de caractériser la
cycle de vie (ACV) est l’un des outils développés pour répondre performance environnementale de ces produits selon une méthode
à ce cahier des charges. Il s’agit d’un outil d’ingénierie ayant harmonisée. Chaque fabricant connaît les émissions de polluants
pour but d’évaluer les impacts environnementaux d’un sys- liées aux procédés de fabrication qu’il contrôle, mais doit faire appel
tème sur son cycle de vie, c'est-à-dire depuis sa fabrication à d’autres données (en général issues de la base suisse indiquée pré-
jusqu’à sa fin de vie, en incluant un recyclage éventuel d’où la cédemment) pour les matières premières et l’énergie qu’il
notion de cycle, correspondant à l’idée d’une gestion raisonna- consomme. Cette approche offre l’avantage d’une gestion décentra-
ble des ressources sur le long terme. lisée de ces évaluations, chaque industriel choisissant le prestataire
de son choix, mais une réflexion plus globale sur la mutualisation de
Cette méthode a été développée d’abord dans l’industrie depuis certaines informations et leur traitement matriciel pourrait être utile.
les années 1970 [13], puis dans le secteur du bâtiment [14] et fina- La base de données française INIES [20] ne concerne que les
lement étendue à l’ensemble des activités humaines. Son produits de construction. Or, le choix d’un produit influence
application aux ensembles urbains a été étudiée plus souvent la consommation d’énergie du bâtiment où il est mis en
récemment [15] [16] [17]. œuvre, donc des données sur les impacts liés à la production

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Le développement durable en BTP


Optimisation des ressources par la R&D

par Christophe GOBIN
GTM Construction
Directeur Recherche et Développement Bâtiment

1. Attentes des parties prenantes............................................................ C 3 056 - 3


1.1 Point de vue des utilisateurs finaux ........................................................... — 3
1.2 Point de vue environnemental.................................................................... — 5
1.3 Point de vue productif ................................................................................. — 6
1.4 Point de vue de la main-d’œuvre ............................................................... — 8
1.5 Point de vue industriel ................................................................................ — 10
2. Itinéraires pour la recherche................................................................. — 11
2.1 Premier axe : promouvoir l’intégration ..................................................... — 13
2.2 Deuxième axe : asseoir le « performanciel » ............................................ — 15
2.3 Troisième axe : partager une même modélisation ................................... — 17
3. Conclusion ................................................................................................. — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. C 3 056

A u-delà des effets de mode, la prise en compte du développement durable


apparaît comme incontournable. C’est sans doute moins la préoccupation
des générations futures qui importe que le fait de considérer les effets actuels de
la « mondialisation » comme n’allant plus de soi et appelant de nécessaires
mesures d’accompagnement. En fait, pour les acteurs de la construction, il est
intéressant de se référer au terme anglo-saxon (contraction de globalization et
localization) de « glocalisation ». Si les échanges économiques se démultiplient
et deviennent globaux, il n’en reste pas moins vrai que les objets échangés sont
bien créés localement. Cette balance entre les flux marchands et l’inscription
locale de la production est essentielle quant à l’avenir des métiers du BTP.
Au plan mondial, trois exigences sont désormais reconnues et considérées
comme incontournables :
— le poids des utilisateurs finaux est de plus en plus prépondérant dans les
décisions. Certes la construction n’est pas encore directement exposée, mais
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPPV@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQU

néanmoins les travaux en direct pour l’entretien du patrimoine privé ne cessent


de croître ;
— les investisseurs commencent à introduire les critères de respect de l’envi-
ronnement et de déontologie sociale pour sélectionner les entreprises dont ils
sont susceptibles de prendre des participations ;
— les entreprises progressivement sont tenues de jouer un rôle social au sein
de la collectivité et non plus d’être des acteurs économiques centrés uniquement
sur la recherche du seul profit immédiat.
Au plan local, le statut du bâti (infrastructures et bâtiments) commence à
évoluer. Un certain nombre d’industriels, tant des biens de consommation que
des services, externalise leurs locaux et attend du cadre bâti un niveau de pres-
tations assez précis plutôt que de devoir les immobiliser dans les bilans.
Peu à peu se dégage la notion de service. La construction doit d’abord per-
mettre aux utilisateurs finaux de mener dans les meilleures conditions leurs
activités. Le bâti devient ainsi un vecteur de la compétitivité économique. Cette
évolution peut être qualifiée comme la généralisation d’une « économie

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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE EN BTP _____________________________________________________________________________________________________

EXIGENCES SOCIÉTALES AUPRÈS DES ACTEURS DU CADRE DE VIE

DÉVELOPPEMENT DURABLE

Reconnaissance du poids Équilibre entre localisation des


de la société civile activités et leur maillage global Développement


territorial

Le bâti comme support


des activités

Consommateur Prestations fonctionnelles Cycle récurrent


Usage et environnement (Économie fonctionnelle) Activité de construction

Investisseurs
Management intégré
Éthique et environnement Mission des intervenants de la
Collaborateurs construction
Équité et environnement Ingénierie concourante

Conception sur perfor-


Garantie sur les performances mances et cycle de vie
du service rendu

Efficience
Compétitivité du cadre de vie

Figure A – Exigences sociétales vis-à-vis des acteurs du cadre de vie

fonctionnelle ». Ce qui compte, c’est le niveau des performances d’usage acces-


sibles et non plus les moyens techniques retenus pour construire.
En ce sens le cadre de vie perd de sa valeur patrimoniale au profit d’une
valeur d’usage.
Cette tendance qui se dessine n’est pas neutre pour les intervenants du
secteur :
— fournir une performance d’usage suppose une maîtrise globale de la
réponse vis-à-vis du marché. Cette intégration nécessite d’autres modes de
travail, en particulier l’ingénierie concourante et la prise en compte du cycle de
vie du produit ;
— garantir une performance, c’est reconnaître aussi les effets d’obsolescence
et de vieillissement. Dès lors, sous la pression de la concurrence, il est probable
que le niveau des exigences ira croissant rendant caduc un certain nombre de
« produits ». La durée de vie devrait donc devenir un paramètre très fort des
décisions.
Le dernier point qui apparaît comme central dans cette « nouvelle vision »
introduite par le développement durable, est le poids des aires régionales et de
leur capitale. La concurrence entre les différentes localisations de l’activité
économique s’opère au plan de l’attractivité des métropoles. En quoi
présentent-elles les meilleures capacités d’accueil, de formation, de culture ? La
réponse réside dans l’effort consenti dans les équipements et leur mise à
niveau permanente.
Toutes ces exigences sont résumées dans la figure A.
Dans une telle perspective, les métiers du BTP sont nécessairement revisités.
Le poids de la technique n’est plus prégnant puisqu’elle devient un moyen au
service d’une finalité collective et non plus la justification de toutes les pro-
cédures. La construction participe des services et comme telle accède au stade
de l’économie postmoderne alors qu’elle est cantonnée actuellement au rang
d’industrie secondaire à caractère vernaculaire.
Il est bien évident que la progression vers cet état demandera du temps. Mais
peut être moins que prévu, du fait que la pression au changement vient de
l’extérieur de la profession du BTP.

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____________________________________________________________________________________________________ LE DÉVELOPPEMENT DURABLE EN BTP

Pour se préparer à faire face à ces bouleversements qui sont avant tout
d’ordre culturel, il est nécessaire de réfléchir aux infléchissements tant métho-
dologiques qu’organisationnels ou technologiques à engager.
C’est le but de ce dossier qui cherche à déterminer qu’elles seraient les
meilleures voies de progrès possibles. Deux étapes seront successivement
abordées : la première consiste à répertorier dans ce contexte les attentes des
différentes parties prenantes et la seconde à organiser et à structurer ces
éléments d’information sous la forme d’une feuille de route.
En ce sens, il s’agit donc d’une proposition pour orienter et optimiser les

efforts de recherche développement.

1. Attentes des parties ● La main d’œuvre


La construction est par nature une activité manuelle et cela
prenantes depuis la nuit des temps. La prise en compte du point de vue de
cette force de travail est donc indispensable et apparaît naturel-
lement en décalage avec les préoccupations précédentes qui sont
Le fait d’envisager la « Recherche et Développement » au travers
d’ordre plus capitalistique.
du prisme du développement durable introduit deux éléments
méthodologiques qui n’ont pas cours en général dans ce genre ● Les industriels
d’exercice. Le monde de la construction ne s’arrête pas aux frontières des
chantiers. Il mobilise en amont toute une industrie dite de la
■ Le premier est de déterminer les bornes d’une nécessaire pro-
construction et dont le rôle est l’approvisionnement en matériaux
gression, c’est-à-dire de fixer intrinsèquement une dynamique.
ou en composants. Ces industriels eux aussi sont à associer à cette
Le point de départ est bien sur la situation actuelle. Toutefois cet réflexion collective.
état n’est pas considéré comme immuable ou comme justifié par Ces différentes vues sur le devenir de la construction contribuent
quelques spécificités. Selon l’expression anglo-saxonne de à la constitution d’une trame dont il faudra tirer parti afin d’orga-
« business as usual », l’état coutumier n’appelle pas de critique niser une feuille de route pour la « Recherche et Développement »
particulière mais est caractérisé comme un état sous-optimal. Certes en repérant les points de convergence ou d’opposition des opinions
il correspond à des pratiques que d’aucuns pensent déjà assez exprimées.
abouties. Vis-à-vis du développement durable, elles sont pourtant
marquées d’un manque à gagner conséquent.
En effet, le point à rejoindre n’est pas une situation idéale au sens 1.1 Point de vue des utilisateurs finaux
où elle correspondrait à la résolution inopinée de nombreuses dif-
La figure 1 résume, du point de vue des utilisateurs, les étapes
ficultés. Elle se situe de manière décalée en introduisant un point
à franchir pour parvenir à une construction « durable » à partir de
de vue nouveau qui constitue un potentiel à conquérir. La
la construction « coutumière » actuelle. Ces différentes étapes sont
construction durable n’est donc pas une utopie, mais elle est fondée
analysées dans les paragraphes suivants.
sur une vision différente du rôle de la chose construite.
En désignant ainsi les deux jalons d’un parcours, la prise en
compte du développement durable ouvre de nouvelles perspectives 1.1.1 Construction « coutumière »
et surtout remet en cause les situations acquises. ■ Impossibilité de choisir un produit
■ Le second élément méthodologique fort est d’introduire dans le Contrairement à toutes les observations relevées dans les autres
débat des points de vue originaux. L’avenir de la construction ne secteurs industriels, la construction ne tient pas compte des utili-
concerne pas seulement les professionnels mais mobilise néces- sateurs finaux. Cela vient pour une bonne part du fait de l’éloi-
sairement d’autres parties prenantes. Dans la vision d’un dévelop- gnement entre l’utilisateur et le produit final créé par l’intervention
pement durable, cinq familles d’acteurs sont à considérer et ce à de nombreux intermédiaires. Mais la raison essentielle tient à ce
poids égal. que l’ensemble des intervenants juge l’utilisateur inapte à participer
● Les utilisateurs finaux au processus de conception et de réalisation. Ainsi reste-t-il étranger
Traditionnellement, ils sont réputés étrangers au processus de à la spécification et doit-il se contenter de ce qu’il lui est délivré.
construction car non compétents. Ce sont eux pourtant qui sont in ■ Manque de culture architecturale
fine les vrais demandeurs, même s’ils ne sont pas institutionnel-
lement les décideurs. Même si la construction est le plus vieux métier du monde, son
appropriation est loin d’être acquise.
● La société civile
De nombreuses raisons expliquent cette méconnaissance. Toute-
Au-delà des usagers, l’environnement construit concerne aussi fois au centre des explications réside la difficulté à appréhender
l’ensemble de la collectivité. C’est d’ailleurs l’un des arguments une construction en trois dimensions à partir de sa seule représen-
avancés par les architectes pour défendre la spécificité de cette tation par plan.
industrie. Cependant, il s’agit moins de traiter la valeur patrimoniale
que l’impact collectif du construit. Dès lors, toutes les nuances apportées par l’architecture se révèlent
inaccessibles au public qui, par ailleurs, n’est pas sensibilisé en la
● Le monde productif
matière.
Par cette expression, il faut entendre les diverses corporations
ou professions impliquées dans l’acte de construire, et ce depuis ■ Non-participation au processus de construction
les études de faisabilité jusqu’à la démolition. Tous les intervenants Dans le contexte actuel, le choix des utilisateurs finaux s’opère
du processus sont concernés par le devenir de leurs métiers. par une péréquation entre la localisation et les prestations du bâti.

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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE EN BTP _____________________________________________________________________________________________________

CONSTRUCTION « DURABLE »

Produit Garantie Confiance


Anticipation
à coût sur les dans le
du produit
acceptable performances service


Reconception
Base de Ingénierie du Modèle
des modes de
connaissances cycle de vie "Produit"
production

Culture et valeurs
Réglementation Approche Visualisation Implication des des entreprises
performancielle du produit professionnels

Formation des Ingénierie Attractivité


intervenants concourante des salaires

Impossibilité Manque de Non-participation Désaffection Métiers


de choisir un culture au processus vis-à-vis des tournés en
produit architecturale de construction métiers dérision

CONSTRUCTION « COUTUMIÈRE » Figure 1 – Les différentes étapes présentées


du point de vue des utilisateurs finaux

Ainsi le compromis réalisé ne traduit pas une prise en compte une part importante de la population, l’habitat reste encore un droit
réelle des attentes d’usage. inaccessible.
En outre aucune garantie sur les performances du bâti n’est Ces deux raisons conjuguées militent pour faire du prix de vente
accessible, ce qui suppose une découverte progressive des capa- de la construction un objectif essentiel. La construction doit être
cités réelles et trop souvent une déconvenue. Par ailleurs la possi- accessible au plus grand nombre et son coût ne peut pas être pro-
bilité de variantes reste assez exceptionnelle. hibitif. Tous les gains de productivité doivent donc être recherchés
et pérennisés.
■ Désaffection vis-à-vis des métiers de la construction
■ Anticipation du produit
Les métiers de la construction n’ont pas la faveur du public. Certes
la pénibilité des travaux explique en grande partie cette dés- Néanmoins, au-delà de son accessibilité, la construction doit
affection, mais il faut aussi tenir compte de la multiplicité des devenir un « produit » de droit commun, c’est-à-dire répondre aux
métiers qui rend inaccessibles les tours de main et les savoir-faire. attentes qui ont présidé à sa recherche (quête).
Par contrecoup, la construction est vécue comme fortement arti- Il est donc nécessaire de pouvoir en anticiper le fonctionnement.
sanale et n’est pas considérée comme relevant d’une technologie Pour cela, il doit pouvoir être modélisé puis simulé de manière à
moderne. De ce fait la fiabilité des techniques est suspectée. prévenir son comportement dans le temps. Cette capacité à être
anticipé repose sur une meilleure maîtrise du vieillissement, sur une
■ Métiers tournés en dérision connaissance approfondie des réactions aux diverses sollicitations
La construction fait l’objet de nombreuses plaisanteries auprès extérieures et sur la possibilité d’une appropriation anticipée de ses
de la population, tant au plan de sa qualité que pour sa mise à volumes.
disposition.
■ Garanties sur les performances
Le caractère artisanal est ressenti à la fois dans le manque d’homo-
Mais pouvoir être anticipé suppose aussi que les performances
généité des prestations et dans la difficulté à obtenir un résultat
réelles soient conformes aux résultats affichés. À cette fin, il
préalablement négocié. La non-transparence et le non-respect des
importe que la construction développe un système de garantie non
conditions contractuelles conduisent à une méfiance trop souvent
plus basé sur la durabilité globale mais sur le niveau de chacune
fondée.
des performances d’usage.
Les performances concernées sont les performances instan-
1.1.2 Construction « durable » tanées, c’est-à-dire celles qui ne sont pas dépendantes du
comportement des utilisateurs. Elles correspondent aux réponses
■ Produit à coût acceptable intrinsèques du bâti.
La construction représente pour l’ensemble des européens Pour ce qui concerne les performances d’exploitation, elles
l’investissement le plus important de leur vie active. Mais, pour doivent se conformer à des classes indicatives justifiées par calcul.

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____________________________________________________________________________________________________ LE DÉVELOPPEMENT DURABLE EN BTP

■ Confiance dans le service de minerais ou d’eau. En effet, la matérialisation du cadre de vie


Comme le bâti a un cycle de vie assez long, le maintien de ses emploie une grande quantité de matériaux en direct ou après trans-
performances dans le temps suppose un accompagnement qui formation (semi-produit). Par ailleurs, les procédés de fabrication,
peut être qualifié de service. qui sont en règle générale manuels, génèrent un volume non négli-
Cette remise à niveau constante nécessite une expertise à la fois geable de surquantités (chutes, casse, vols...).
reconnue et contribuant à créer une relation de confiance à la base ■ Pollution et nuisances induites
de la délégation.
L’activité de construction est doublement à l’origine de pollutions


En outre, ces interventions ne supportent pas de retard et doivent
que ce soit au cours des activités foraines du chantier ou en phase
être engagées avec méthode et rigueur, participant ainsi à une vraie
d’exploitation. De manière globale, il est possible de considérer que
relation client-fournisseur.
le bâtiment est le support de 40 % de la production de déchets (chan-
tiers de construction et résidus d’activités ménagères et autres).
1.1.3 Thématique R&D En outre, la construction participe approximativement à hauteur
■ Approche performancielle de 25 % aux émissions de CO2 .
Pour mieux servir l’utilisateur final, la seule solution est de ■ Consommations énergétiques élevées
ramener chacune des interventions des professionnels dans cette
perspective finale, c’est-à-dire de mesurer chaque apport selon sa Le secteur de la construction représente actuellement 40 % de la
valeur ajoutée « fonctionnelle » (en quoi contribue-t-il à répondre consommation annuelle d’énergie totale française, et ce malgré les
aux attentes de l’utilisateur ?). programmes d’optimisation énergétiques qui ont été déployés
depuis les premiers chocs pétroliers.
Cette approche, qui n’est pas entièrement nouvelle, est désignée
du terme « performanciel ». Il s’agit de raisonner la totalité des Il est à noter que, sous cet angle, le handicap de l’existant
choix constructifs comme contribution à des fonctions d’usage. demeure extrêmement important.
Le point essentiel de ce mode de raisonnement réside dans l’arti- ■ Faible efficacité fonctionnelle
culation entre performance des composants techniques et perfor-
mances globales du « produit ». Il nécessite un management de Au plan des usages et de la commodité offerte par les
projet intégré pour tirer parti de l’ensemble des compétences des constructions qui en sont le support, il est possible de considérer
intervenants (ingénierie concourante). que des progrès sensibles sont nécessaires. Cela apparaît très
nettement dans l’appréciation du confort des lieux de travail pour
■ Visualisation du produit les usagers et tend à se développer avec la notion d’obsolescence
Cette facette du développement doit s’entendre sous deux des techniques de communication. L’adaptabilité des bâtiments aux
aspects : d’abord la capacité de montrer ce que sera le projet en nouveaux standards est assez faible (bâtiments pérennes à carac-
cours à sa livraison, ensuite la possibilité d’observer le compor- tère patrimonial plutôt que ressources en appui de l’activité).
tement du construit dans le temps. En effet, ce n’est que dans la
mesure où l’utilisateur final pourra anticiper son cadre de vie et ■ Intégration urbaine insuffisante
connaître les mécanismes de son vieillissement qu’il sera en mesure La concentration urbaine, qui est un phénomène universel, se
de s’approprier et d’infléchir les scénarios qui lui sont proposés. traduit principalement par un étalement des constructions (les
Toutefois, pour aboutir à un tel résultat, il sera nécessaire de urbanistes parlent alors de mitage). Les conséquences sont mul-
disposer d’une modélisation non seulement géométrique mais tiples. Elles se manifestent d’abord par un accroissement considé-
aussi renseignée sur les différents attributs des composants parti- rable des déplacements alternés (domicile-travail). Vient ensuite un
cipant à la réalisation du construit. relâchement des liens sociaux du fait de l’éloignement/dispersion
Il s’agit donc d’une capitalisation dynamique des connaissances. aux équipements collectifs qui font la trame de l’urbanité.
En fait, le tissu urbain se distend et pose la question des valeurs
■ Implication des professionnels collectives.
Dans la mesure où les deux préalables précédents seront
remplis, il y a tout lieu de penser que les acteurs de la filière
construction bénéficieront alors d’un statut totalement renouvelé. 1.2.2 Construction « durable »
La capacité à visualiser un travail et à en maîtriser le déroulement ■ Efficience
passe obligatoirement par le biais des nouvelles technologies. La
construction ne sera plus alors reléguée au stade d’industrie de D’un point de vue environnemental l’objectif dans l’idéal est de
second rang. Son recrutement sera de fait plus exigeant. La disposer d’un cadre de vie qui puisse fournir tous les services
transition s’opérera par une formation active en simulateur, ce qui escomptés sans porter préjudice à l’environnement.
permettra des mises en situation répétées anticipant les pratiques. Sous une autre forme, la configuration idéale est celle qui
Cette requalification doit s’accompagner d’une revalorisation des apporte le maximum de valeurs tout en minimisant les impacts
salaires et d’un renouvellement des outillages de chantier. consécutifs à la mise à disposition. Chaque situation peut donc être
À terme devrait s’opérer un réengineering de la production. caractérisée par le rapport dit d’« efficience » tel que l’a défini le
World Business Council for Sustainable Development (WBCSD).
1.2 Point de vue environnemental L’intérêt de ce protocole est de laisser le choix entre trois possi-
bilités, à savoir accroître la valeur à impacts constants, diminuer
La figure 2 résume, du point de vue environnemental, les étapes les impacts à valeur constante ou agir sur les deux dimensions
à franchir pour parvenir à une construction « durable » à partir de concomitamment.
la construction « coutumière » actuelle. Comme dans le para- Dans tous les cas, cette exigence suppose un souci permanent
graphe 1.1, ces différentes étapes sont analysées une par une. d’innovation afin de trouver de nouveaux process de production.

1.2.1 Construction coutumière ■ Responsabilité environnementale


Pour mettre en œuvre de telles démarches, il est nécessaire que
■ Mauvaise utilisation des ressources chaque acteur économique se sente responsable des conséquences
Chaque année, la construction mobilise environ 40 % des directes ou indirectes générées par son activité. Cette responsabilité
ressources naturelles extraites que ce soit sous la forme d’agrégats, n’est pas forcément le résultat du principe « pollueur-payeur », mais

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Développement durable en BTP


Fonctions d’usage
par Christophe GOBIN

GTM Construction
Recherche et Développement
Coordinateur

1. Fournir un espace pour mener ses activités .................................... C 3 057 - 3


2. Fournir une ambiance ............................................................................. — 4
3. Fournir une protection ........................................................................... — 6
4. Permettre l’usage des biens et des outils ......................................... — 7
5. Maîtriser les relations............................................................................. — 8
6. S’intégrer au site...................................................................................... — 9
7. Être porteur de sens................................................................................ — 11
8. Conclusion : une première étape......................................................... — 12
Références bibliographiques ......................................................................... — 12

’objet de ce dossier est d’engager un premier inventaire des choix


L constructifs vis-à-vis des exigences soulevées par la prise en compte du
développement durable dans le bâti.

Comment prendre en compte ■ Si le concept de développement durable est pris dans son sens le plus
une contribution immédiat, alors force est de reconnaître que toute action qui s’inscrit dans cette
perspective se doit d’abord d’être économe des ressources mobilisées. Le bon
au développement durable ? emploi des moyens utilisés est en effet gage de « responsabilité » vis-à-vis des
capacités de choix ultérieures.
Trois possibilités sont alors envisageables en graduant l’effort consenti pour
les mettre en œuvre :
— il est tout d’abord indispensable de « revisiter » les pratiques actuelles pour
en améliorer le rendement, ce qui doit se traduire par une réduction des besoins
et une réduction des impacts (c’est l’approche système) ;
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPPV@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQU

— ensuite, il est possible de chercher à raisonner la pratique comme une


phase d’un cycle plus large qui est celui de l’écologie (c’est l’approche bouclée) ;
— enfin, l’innovation technique doit permettre d’envisager non plus seule-
ment un prélèvement de ressources mais aussi une contribution positive (c’est
l’approche proactive).
Chacune de ces voies se décompose elle-même en deux actions possibles, ce
qui conduit à six situations (figure Aa).
■ Toutefois le développement durable s’entend aussi sur le long terme. La
question n’est pas seulement d’être responsable de l’usage des ressources mais
aussi de pouvoir maîtriser le vieillissement des solutions retenues. Alors, dans
ce cas, ce qui doit être considéré est l’objet même construit et ce en quoi il
permet aux utilisateurs finaux de mener leurs activités. En effet, si des
ressources sont mobilisées, elles le sont au service d’une finalité première, à
savoir que le bâti est le support indispensable et nécessaire à la pérennité du
groupe humain.

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SQ
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DÉVELOPPEMENT DURABLE EN BTP _______________________________________________________________________________________________________

DU BON Optimiser les Accroître LE BÂTI SE DÉFINIT 1 Fournir


EMPLOI DES solutions l’efficacité de 1 DANS SA CAPACITÉ
un espace
RESSOURCES retenues fonctionnement À ...

2 Fournir
Responsabiliser
2 une ambiance
l’usager


N1

3 Assurer
S’inscrire Utiliser des
une protection
dans un ressources 3
cycle boucle renouvelable

4 Utiliser les
Participer au biens et outils
recyclage 4

5 Maîtriser
Contribuer à Réduire les les relations
la création de 5 N2
externalités
ressources
6 S’inscrire
Créer des dans le site
ressources 6

7
Être porteur de sens
N3

a Prise en compte d’une contribution b Principales attentes de l’utilisateur vis-à-vis


au développement durable dans le BTP des fonctions offertes par le bâti

Figure A – Exigences soulevées par la prise en compte du développement durable dans le bâti

Dès lors, la prise en compte du développement durable dans la construction


se traduit par un travail qui peut se considérer sous deux angles :
— comment maintenir le niveau de performance de chacune des fonctions
d’usage dans le temps ;
— comment choisir une stratégie d’action pour le faire avec le meilleur
rendement dans l’utilisation des ressources.
Avant d’entamer cette démarche, il est bon d’observer que le référentiel
d’usage logiquement orienté sur l’utilisateur final dans ses activités distingue
pourtant bien trois niveaux de préoccupations (figure Ab) :
— les attentes comportementales (N1) ;
— les capacités à interagir avec l’environnement (N2) ;
— les conditions d’accomplissement (N3).
Ce dossier se présente donc sous la forme d’atlas illustrés de façon à susciter
des voies d’action, atlas qui reprennent chaque point proposé par les figures A
en les croisant.
C’est un outil à vocation pédagogique qui préfigure une recherche plus
longue qui doit aboutir à une aide au choix technologique.

Le lecteur intéressé pourra consulter les ouvrages généraux [1], [2], [3] et [4] en bibliographie.

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SR
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______________________________________________________________________________________________________ DÉVELOPPEMENT DURABLE EN BTP

1. Fournir un espace 1.2 Responsabilisation des utilisateurs


pour mener ses activités Il est important de savoir optimiser l’emploi des surfaces
construites. À ce sujet, une information doit être opérée auprès des
maîtres d’œuvre.
C’est, à chaque instant : L’objectif n’est pas de diminuer les surfaces affectées à chaque
— mettre à disposition un volume capable, compatible avec activité, mais plutôt de faire en sorte que la distribution des zones


l’activité qui doit s’y déployer ; d’activité se fasse avec le minimum de déperdition.
— permettre d’y accéder sans difficulté. C’est ce que traduit le rendement de plan défini comme le
rapport entre surface construite et surface utile que ce soit en
En termes d’espace construit, la prise en compte de la durée résidentiel ou en tertiaire.
implique d’articuler la variation concomitante de trois facteurs :
— l’utilisateur final peut, au cours du temps, modifier ses Exemple d’optimisation de l’usage des surfaces construites
comportements du fait de son expérience personnelle mais aussi
des modifications du niveau de ses attentes résultant de capacités AP1 AP2 AP1 AP2
de choix nouvelles (trajectoire professionnelle, parcours familial...) ;
— les activités dont le cadre bâti est le support peuvent, elles
aussi, évoluer ;
— les caractéristiques de la localisation sont, elles aussi, sus-
ceptibles de modifications. Le quartier qui constitue l’échelle
supérieure au bâti peut évoluer sous l’effet de changements socio-
culturels.
Ces variations peuvent être plus ou moins prises en charge par AP3
le bâti, mais elles le seront d’autant mieux qu’elles auront été
anticipées dans l’expression du programme initial.
Pour ce qui est de la détermination des espaces, les principes d’un
développement durable insistent sur l’utilisation optimale des lieux. 1.3 Utilisation des ressources
Ils seront d’autant plus « abordables » qu’ils seront pensés pour ne
pas présenter de place inutile d’un point de vue fonctionnel, sans renouvelables
toutefois conduire à un sentiment de stress qui serait dû à l’exiguïté.
Selon le principe que la ville se régénère sur elle-même, la
réhabilitation du bâti est certainement une démarche naturelle
d’économie. Néanmoins, une étude de faisabilité doit en valider les
1.1 Diminution des besoins conditions.
C’est toute la discussion sur la spécialisation du bâti. Une Par ailleurs, il est clair que certains modes constructifs sont plus
construction doit-elle être destinée à un usage unique ou doit-elle « faciles » à réhabiliter. Un plateau libre est plus riche en potentiel
être accessible à des changements de destination. qu’une structure à refends en béton.
En fait, sans aller jusqu’à la structure neutre qui ne soit qu’un sol
Reconversion d’activité
artificiel capable d’être un foncier indifférent aux activités qui y
sont menées, il est possible d’introduire une certaine flexibilité qui
autorise des ajustements dans l’articulation des espaces au cours
du temps.

Exemple de flexibilité dans l’articulation des espaces

Des choix constructifs ...


REFENDS POTEAUX-VOILES

CH. CH. L. a activité tertiaire b activité résidentielle

De plus, l’utilisation de certains matériaux semble plus appro-


priée. Le bois est une possibilité intéressante en construction mixte.

1.4 Utilisation des ressources recyclées


C. L. Ch. Ch.
Le recyclage des matériaux se pratique à un niveau important
une trame une flexibilité dans certains pays européens, l’intérêt économique étant pro-
une typologie des typologies portionnel à la rareté des matériaux naturels.
... des usages contrastés Cependant, progressivement, les distances de transport vont
Ch. : chambre devoir être prises en considération. Pour chaque configuration, le
C. : cuisine choix des solutions doit s’opérer à l’aide d’une ACV (analyse du
L. : living cycle de vie).

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Environnement en fonderie
Management environnemental
par Bernard DUQUET

Docteur ès sciences
Expert environnement au Centre technique industriel de la fonderie (CTIF)

1. Management environnemental............................................................. M 3 683 - 2


1.1 Mise en place d’un SME.............................................................................. — 2
1.2 Mise en œuvre du SME ............................................................................... — 2
2. Approche management ......................................................................... — 3
2.1 ISO 14001...................................................................................................... — 3
2.2 SME par étapes ............................................................................................ — 3
3
. Système communautaire de management
environnemental et d’audit (EMAS) .................................................... — 3
4. BREF fonderie et systèmes de management
de l’environnement ................................................................................. — 4
4.1 Définition d’une politique environnementale............................................ — 5
4.2 Planification des aspects environnementaux............................................ — 5
4.3 Mise en œuvre et exploitation des procédures......................................... — 5
4.4 Contrôle et action corrective....................................................................... — 6
4.5 Revue de direction ....................................................................................... — 6
4.6 Force motrice pour la mise en œuvre ........................................................ — 6
5. Management intégré ............................................................................... — 7
6
. Harmonisation des systèmes de management ................................ — 7
7. Management environnemental : approche produit ........................ — 7
7.1 Définition ...................................................................................................... — 7
7.2 Réglementation............................................................................................ — 8
8. Développement durable ......................................................................... — 8
8.1 Origine et définition..................................................................................... — 8
8.2 Originalité du développement durable ...................................................... — 9
8.3 Perception du concept par les entreprises ................................................ — 9
8.4 Actions des institutionnels ......................................................................... — 9
8.5 Approche pour une prise en compte dans l’entreprise ............................ — 9
8.6 Enjeux pour les entreprises ........................................................................ — 10
8.7 Besoins et attentes des parties intéressées............................................... — 10
8.8 Identification des enjeux significatifs......................................................... — 10
8.9 Projet d’entreprise de la direction .............................................................. — 11
8.10 Management par la q ualité : bonne base de départ ou pré-requis ? ...... — 11
8.11 Prise en compte du développement durable dans un système
de management .......................................................................................... — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. M 3 683

e management environnemental désigne les méthodes de gestion et


L d’organisation d’une fonderie qui vise à évaluer de façon systématique les
impacts de son activité sur l’environnement et à les réduire.
Une démarche de management environnemental peut être poussée à diffé-
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPPX

rents niveaux, jusqu’à atteindre la reconnaissance éventuelle d’un système de


management environnemental (SME).

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SU
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ENVIRONNEMENT EN FONDERIE _______________________________________________________________________________________________________

Les bénéfices d’une telle démarche peuvent être : la conformité réglemen-


taire, la diminution du risque environnemental, une plus grande maîtrise des
coûts, l’accès à certains marchés, une meilleure image et la confiance des
parties prenantes.
La normalisation du management environnemental fut une tâche délicate car
le contenu des actions environnementales mises en place par les entreprises


est fort variable selon le secteur industriel, le marché, la concurrence, le pays,
l’évolution technologique, etc. Normaliser le management environnemental
permettait de donner une visibilité à un domaine primordial mais souvent
négligé par les entreprises. La normalisation présentait également l’avantage
d’uniformiser le management environnemental sous un statut reconnu par
tous et donc valorisable face aux tierces parties intéressées.
Néanmoins, la normalisation du management environnemental amène à
réduire la gestion de l’environnement à l’application rigoureuse de procédures
et d’instructions. Or, l’amélioration continue de la performance environnemen-
tale va au-delà, car elle engage tous les acteurs de l’écosystème entreprise
avec toutes les interrelations que cela entraîne entre les acteurs internes et
externes à la fonderie. La normalisation a conduit à une certaine rigidité et
lourdeur du SME, qui constitue un frein à l’adhésion des PME.

Pour les aspects environnementaux significatifs retenus comme


1. Management prioritaires, l’entreprise doit établir un programme d’intervention
environnemental qui définisse les objectifs et les cibles visés avec un responsable
désigné, des moyens affectés, des délais d’obtention de résultat
précisés.
1.1 Mise en place d’un SME À l’instar des systèmes de management de la qualité certifiée
ISO 9000, la mise en place d’un projet SME implique l’ensemble de
Le système de management environnemental est un mode la fonderie et de son personnel. Dans un premier temps, l’entre-
d’organisation interne spécifique qui permet de structurer une prise établit une photographie à un instant « t » de ses impacts
démarche d’amélioration permanente des résultats d’une environnementaux et des risques d’accidents. Puis, pour réduire
fonderie vis-à-vis de l’environnement. ses impacts, la fonderie doit établir un programme d’amélioration
en se fixant des objectifs progressifs. Le respect de ses engage-
Selon la norme (ISO 14001), un SME est la composante du
ments est contrôlé par des organismes de certification.
système de management global qui inclut la structure orga-
nisationnelle, les activités de planification, les responsabilités, La démarche peut être facilitée si l’entreprise est déjà certifiée
les pratiques, les procédures, les procédés et les ressources ISO 9000. En effet, beaucoup de procédures – la gestion de la
pour élaborer, mettre en œuvre, réaliser, passer en revue et documentation, les exigences d’implication de tout le personnel –
maintenir la politique environnementale d’une entreprise. sont communes. En terme d’instrumentation, les normes ISO 9000
et ISO 14000 contiennent toutes deux un chapitre spécifique à la
Les fonderies peuvent s’engager progressivement dans une telle surveillance et aux mesures : la première pour le suivi des para-
démarche à partir d’un premier diagnostic d’analyse environnemen- mètres de production, la seconde pour le suivi des caractéristiques
tale qui va dresser un inventaire des aspects et impacts associés. susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement.
Cet inventaire est à effectuer par site d’activité. Il permet de
dresser une liste des données d’entrées nécessaires à l’activité 1.2 Mise en œuvre du SME
ainsi qu’une liste des produits de sorties et d’évaluer leurs impacts
en termes de : La mise en œuvre d’un programme de management environne-
– respect du milieu vivant (faune, flore) ; mental concerne le suivi des matières (achat, transport, stockage)
– pollution visuelle ; des produits, des matériels et des équipements de production
– pollution de l’air, de l’eau ; (achat, réception, modification), de la main d’œuvre interne
– gestion du bruit ; (besoins en formation, responsabilité), de la sous-traitance, de la
– risques sanitaires ; maîtrise du milieu (infrastructures, travaux) et des méthodes et
– gestion des déchets ; procédés de fabrication (projets spécifiques, modifications).
– consommation d’énergie et de matières premières. Les activités doivent être planifiées avec des procédures docu-
Le SME peut s’appliquer aux activités de production comme aux mentées, des consignes et des modes opératoires rédigés avec
activités administratives et de supports (par exemple : la maîtrise l’élaboration de formulaires d’enregistrement. Une liste des
des dépenses d’énergie). impacts significatifs sur l’environnement doit être régulièrement
mise à jour ainsi qu’une liste des personnes habilitées à mettre en
Les aspects environnementaux significatifs sont hiérarchisés en
œuvre le SME.
prenant en compte le contexte réglementaire des installations
classées et des meilleures technologies disponibles, mais aussi les Aujourd’hui, les fonderies souhaitant mettre en place un SME ont
exigences locales. De même, la politique de l’établissement, les le choix de le faire certifier, via la norme internationale ISO 14001,
contraintes technologiques et financières ainsi que les besoins des et/ou de le faire enregistrer selon le règlement européen EMAS
partenaires ou parties intéressées sont à prendre en considération. (Environmental Management and Audit Scheme, cf. § 3).

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_______________________________________________________________________________________________________ ENVIRONNEMENT EN FONDERIE

2. Approche management
P
2.1 ISO 14001 Définitio
polit
n
Mise en
D
environn ique place
ementale et
fonction
L’ISO 14001 est un outil de management de l’environnement nement
qui offre au chef d’entreprise la possibilité d’avoir une A
connaissance précise des enjeux environnementaux liés aux C


Revue
de Contrôle
activités de sa fonderie. Cet outil de gestion des risq ues lui direction et action
permet, d’une part, de connaître les effets de toutes ses activités, corrective
les progrès à réaliser et, d’autre part, d’évaluer les conséquences e
tinu
de ses décisions pour la pérennité de sa fonderie en matière de c on
ra t ion
gestion sur l’environnement. Il connaît ainsi exactement son ME élio
NOR d'am
niveau de conformité réglementaire et peut suivre pas à pas les DE L A
es s u s
évolutions qui s’appliquent à son entreprise. CES Proc
EN
EXIG
La certification ISO 14001 repose notamment sur :
– la définition d’une politique environnementale (déclaration Figure 1 – Roue de Deming
d’intention et engagement de la direction de la fonderie) ;
– la planification des impacts et risques environnementaux à ■Niveau 2
analyser ;
– l’identification et l’application de processus pour atteindre les Il s’agit ensuite d’établir un programme d’actions environne-
objectifs préalablement fixés en matière d’environnement ; mental avec :
– le contrôle des indicateurs de performance et la mise en œuvre – la mise en place d’actions efficaces ;
d’actions correctives ; – l’anticipation des situations d’urgence et la hiérarchisation des
– la surveillance par la direction de la stabilité et de l’efficacité risques ;
du SME ; – la rédaction des consignes opérationnelles et du programme
– le principe d’amélioration continue. environnemental.
La norme 14001 se décline en 4 temps forts (méthode PDCA : Plan À la fin de cette étape, la fonderie peut obtenir son certificat de
(Planifier), Do (Faire), Check (Vérifier), Act (Agir), selon un processus niveau 2.
d’amélioration continue illustré par la roue de Deming (figure 1).
■Niveau 3
La série de normes ISO 14000 reprend les normes relatives au
La dernière étape consiste à formaliser un système de manage-
contexte environnemental. La norme ISO 14001 a pour objectif
ment environnemental avec :
principal d’induire de façon active l’amélioration continue des per-
formances environnementales participant à la protection de l’envi- – la formalisation de la documentation, des enregistrements et
ronnement dans la fonderie. La première version de la norme, qui l’évaluation de la conformité aux exigences ;
date de 1996, proposait une trame qui impliquait la prise en – l’élaboration des processus opérationnels, des rôles et
compte de l’environnement au quotidien. La nouvelle version de la responsabilités ;
norme ISO 14001 (version 2004) a fait l’objet d’un toilettage, avec – la réalisation de l’audit interne et la revue de direction ;
pour objectifs : – la mise en œuvre des actions correctives et préventives ;
– la surveillance des performances environnementales.
– de faciliter sa lecture et son utilisation ;
– de démarrer le rapprochement avec la nouvelle norme ISO Après audit du système, la certification peut être délivrée par
9000 version 2000, au moins dans le vocabulaire. l’organisme qui réalise l’audit.
La norme ISO 14001 version 2004 a été publiée le 15 novembre 2004. Nota : pour plus d’informations sur le SME par étapes, le lecteur pourra se reporter au
dossier [G 4 600] des Techniques de l’Ingénieur.

2.2 SME par étapes


3. Système communautaire de
La croissance du nombre d’entreprises certifiées a tendance à
ralentir en Europe. Ainsi, pour encourager les PME/TPE à s’enga- managementenvironnemental
ger dans une démarche de management environnemental, un réfé-
rentiel basé sur une approche par étape de la certification a été et d’audit (EMAS)
élaboré. L’objectif consiste, dans un premier temps, à concrétiser
la démarche environnementale des PME et à les amener progres- EMAS est l’abréviation pour Environmental Management
sivement à réaliser des actions. La mise en place du système de and Audit Scheme, qui est un système permettant à des entre-
management est progressive et repose sur trois niveaux de perfor- prises de s’engager, sur une base volontaire, d’évoluer et
mance successifs intégrant le principe d’amélioration continue. d’améliorer leurs résultats en matière d’environnement.
Chaque étape comprend des objectifs à atteindre, une méthodolo-
Le système EMAS a été lancé avec le règlement no 1836/93 du
gie, des recommandations d’ordre pédagogique et peut faire
Conseil du 29 juin 1993. Il permet la participation volontaire des
l’objet d’une évaluation par une tierce partie.
entreprises du secteur industriel à un système communautaire
■Niveau 1 de management environnemental et d’audit (EMAS).
Ce premier niveau qui consiste à réaliser un état des lieux et à Un nouveau règlement (règlement (CE) no 761/2001 du Parle-
identifier les actions prioritaires comporte : ment européen du Conseil du 19 mars 2001) a été adopté, abro-
– l’identification des principales sources d’atteinte à l’environne- geant le précédent (cf. [Doc. M 3683]).
ment et des exigences légales ; Le système communautaire de management environnemental
– la mise en œuvre d’un plan d’actions prioritaires avec l’enga- et d’audit vise à promouvoir une amélioration continue des résul-
gement de la direction. tats environnementaux de toutes les organisations européennes,
À ce stade, la fonderie peut obtenir son certificat de niveau 1. ainsi que l’information du public et des parties intéressées.

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SX
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Chimie et développement durable


Vers une chimie organique écocompatible

par Max MALACRIA
Professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris 06) et à l’IUF
Jean-Philippe GODDARD
Maître de conférences à l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris 06)
et Cyril OLLIVIER
Chargé de recherches au CNRS

UPMC Univ. Paris 06, Institut parisien de chimie moléculaire (UMR CNRS 7201)

1. Chimie et développement durable ...................................................... K 1 200 - 2


2. Les douze propositions fondatrices.................................................... — 3
2.1 Prévenir la pollution .................................................................................... — 3
2.2 Économie d’atomes et d’étapes ................................................................. — 3
2.3 Concevoir des synthèses moins dangereuses .......................................... — 4
2.4 Concevoir des produits chimiques moins toxiques.................................. — 4
2.5 Réduire l’utilisation de solvants organiques et d’auxiliaires
de synthèse .................................................................................................. — 4
2.6 Réduire la dépense énergétique et favoriser l’emploi d’énergies
renouvelables............................................................................................... — 5
2.7 Mettre à profit les matières premières renouvelables.............................. — 5
2.8 Réduire le nombre de dérivés qui peuvent engendrer des déchets........ — 5
2.9 Privilégier les procédés catalytiques aux procédés stœchiométriques .. — 6
2.10 Concevoir des produits non persistants dans l’environnement .............. — 6
2.11 Mettre au point des méthodes d’analyses en temps réel
de lutte contre la pollution .......................................................................... — 6
2.12 Minimiser le risque d’accidents en pratiquant une chimie à sécurité
maximale ...................................................................................................... — 7
3. Conclusion ................................................................................................. — 7
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. K 1 200

omposante fondamentale de l’industrie chimique et pharmaceutique, la


C chimie organique, ou chimie des composés du carbone, a connu un déve-
loppement prodigieux au cours du siècle précédent, et ce principalement grâce
à la découverte et à l’élaboration de nouvelles molécules. Son impact sur notre
société est visible, multiple et positif. Aujourd’hui, elle fait, à juste titre, partie
intégrante de notre quotidien, à travers une variété de produits indispensables
à notre santé (alimentation, médicaments...) ou qui contribuent grandement à
l’amélioration de notre qualité de vie (matériaux, cosmétiques...). Qui plus est,
elle prend une part active à notre développement économique. Toutefois, sa
forte dépendance vis-à-vis du pétrole, comme source de matières premières,
menace considérablement son avenir. Déjà, à l’heure actuelle, ce secteur est
confronté à la montée rapide et inexorable des cours du pétrole, engendrée
par une demande mondiale grandissante en matière d’énergie ; mais aussi il
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@RPPY

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CHIMIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE _________________________________________________________________________________________________

doit prévenir l’épuisement programmé à court terme des ressources fossiles


non renouvelables. D’autre part, cette chimie véhicule souvent une image
négative auprès de la société aussi bien en matière de santé et de sécurité que
d’environnement, et ce d’autant plus lorsqu’elle est à l’origine ou associée à
des catastrophes écologiques et/ou humaines. Tout le monde a encore en
mémoire la tragédie de la thalidomide en 1961 (sédatif hypnotique dont l’énan-
tiomère (S) a montré très vite des effets tératogènes importants chez la femme
Q enceinte) et l’usage excessif des pesticides comme le DDT (puissant insecticide
dont la persistance est évaluée de 1 à 10 ans), mettant en cause tour à tour
l’industrie pharmaceutique et l’industrie agrochimique. Les accidents indus-
triels les plus médiatiques – comme ceux de Feyzin (France, 1966), Seveso
(Italie, 1976), Bhopal (Inde, 1984), Bâle (Suisse, 1986), Protex (France, 1987), La
Mède (France, 1992) ou encore l’explosion de l’usine AZF à Toulouse (France,
2001), ainsi que les problèmes liés à la gestion des rejets et des déchets chimi-
ques et à l’accumulation des gaz à effet de serre n’ont fait qu’accentuer cette
crise de confiance. Pourtant, au cours de ces dernières années, l’industrie chi-
mique a, pour sa part, profondément évolué en contrôlant la plupart des cycles
de vie des produits (production, manipulation et recyclage) et en s’efforçant
ainsi à intégrer les principes d’une c himie durable dite chimie écocompatible
ou chimie verte – c’est-à-dire plus soucieuse de l’environnement et qui cherche
à prévenir la pollution tout en restant compétitive – devenant de ce fait un
acteur majeur en matière de développement durable.

Sur l’impact de la chimie en général et sur son évolution, le lecteur pourra consulter les
références [1] [2] [3] [4] [5] [6] ainsi que les sites internet :
http://www.industrie.gouv.fr/sessi/panorama/so_pano.htm et
http://www.sfc.fr/A%20Lattes.pdf.

En 1990, l’agence américaine pour la protection de l’environne-


1. Chimie et développement ment (« U.S. Environmental Protection Agency (EPA) ») [http://
durable www.epa.gov/] adopte, dans le cadre du « Pollution Prevention
Act », une réglementation qui vise à prévenir ou réduire la pollu-
tion à sa source aux États-Unis. Contrairement aux autres lois sur
Le concept de développement durable tire ses origines du pre- l’environnement, qui cherchaient plutôt à traiter puis à éliminer les
mier rapport « Halte à la croissance ? » du Club de Rome de 1972, rejets polluants, celle-ci s’attaque directement à leurs causes. En
lequel souligne l’impact de la croissance économique sur la dégra- écho à cette loi, l’EPA lance en 1991 son premier programme de
dation de l’environnement face à l’accroissement de la pollution, recherche en chimie durable dite « verte » qui encourage la
l’épuisement des ressources non renouvelables et la surexploita- conception de produits et procédés chimiques compatibles avec
tion des systèmes naturels [7]. Ce constat est alors repris la même l’environnement. Un nouveau paradigme pour la chimie, qui prend
année à Stockholm lors de la première conférence des Nations en compte les cycles de vie des produits, est alors né. La chimie
unies sur l’environnement. À l’issue de ce sommet, les États parti- verte ou « Green Chemistry » fournit un cadre à la prévention de la
cipants adoptent une déclaration solennelle définissant « une pollution liée aux activités chimiques. Cette chimie bénigne pour
conception commune et des principes communs qui inspireront et l’environnement a pour but de « concevoir des produits et des pro-
guideront les efforts des peuples du monde en vue de préserver et cédés chimiques permettant de réduire ou d’éliminer l’utilisation
d’améliorer l’environnement » [8]. De là est né le concept d’écodé- et la synthèse de substances dangereuses ». Elle s’applique aussi
veloppement ou comment concilier le développement humain bien à la préparation de nouveaux produits ou procédés plus éco-
avec le respect de l’environnement. Mais ce n’est qu’en 1980 que logiques qu’à la recherche de solutions alternatives ou encore à
le terme de développement durable a été cité pour la première fois l’amélioration d’approches déjà existantes. Ce concept récent a
dans un rapport du Programme des Nations unies pour l’environ- été rendu populaire auprès de la communauté scientifique par les
nement sur la biodiversité. Il faudra attendre 1987 et la publication chimistes américains Paul Anastas, directeur du Green Chemistry
du rapport Brundtland intitulé « Notre avenir à tous » (« Our Institut de Washington DC [http://www.epa.gov/greenchemistry/
common future »), réalisé en préparation du sommet de la Terre pubs/gcinstitute.html], et John Warner grâce à la publication en
(Rio de Janeiro, 1992), pour qu’une définition officielle de ce terme 1998 des 12 principes de la chimie verte [10] [11] [12] [13], lesquels
soit donnée. Le développement durable prône « un développe- préconisent la réduction, le recyclage ou l’élimination de subs-
ment qui répond aux besoins des générations présentes sans tances dangereuses (inflammables, explosives...) et/ou nocives
compromettre la capacité des générations futures à répondre aux (cancérigènes, mutagènes...) pour l’homme et l’environnement
leurs » [9]. Au cours des rencontres internationales qui suivirent, (destruction de la couche d’ozone...), allant de ce fait bien au-delà
comme le sommet de Rio (1992), celui de Kyoto ou, plus récem- du simple contrôle des produits pour minimiser l’exposition au
ment, celui de Johannesburg (2002), on a assisté à une prise de danger. L’établissement de tels principes vise à définir un cadre
conscience de plus en plus croissante et encourageante des États pour concevoir et promouvoir de nouveaux produits et procédés
sur les problèmes relatifs à l’environnement et de la nécessité chimiques à faible impact sur l’environnement, rentables et
urgente d’œuvrer pour un développement durable. concurrentiels des procédés traditionnels et ce, même à l’échelle

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L’écoconception : un outil
d’innovation pour une chimie durable
par Sylvain CAILLOL Q
Dr université de Bordeaux, ingénieur ENSCM
Chef de projets CNRS, délégué général Chaire ChemSuD

1. L’industrie chimique mobilisée face à des bouleversements..... J 4 920 - 2


1.1 Enjeux démographiques ............................................................................ — 2
1.2 Nouvelles contraintes pesant sur la chimie industrielle.......................... — 2
2. Analyse du cycle de vie, outil de l’écoconception – définitions
et concepts................................................................................................ — 3
2.1 Écoconception : quelques définitions ....................................................... — 3
2.2 Analyse de cycle de vie : historique .......................................................... — 3
2.3 Analyse de cycle de vie : définitions et concept....................................... — 4
2.4 Définition des objectifs et cadre de l’analyse de cycle de vie ................. — 5
2.5 Analyse de l’inventaire du cycle de vie ..................................................... — 5
2.6 Évaluation de l’impact du cycle de vie ...................................................... — 6
2.7 Interprétation du cycle de vie..................................................................... — 8
2.8 Logiciels d’ACV ........................................................................................... — 9
3. Exemple d’écoconception..................................................................... — 9
3.1 Exemple : ACV des sacs de caisse de la distribution ............................... — 9
3.2 Définition, analyse de l’inventaire ............................................................. — 9
3.3 Évaluation, résultats ................................................................................... — 10
4. Limites de l’outil...................................................................................... — 12
4.1 De l’importance des hypothèses ............................................................... — 12
4.2 De la pertinence des données d’inventaire............................................... — 13
4.3 De l’influence des règles d’allocations...................................................... — 13
4.4 Du choix du recyclage ................................................................................ — 13
5. Conclusion : le futur de l’écoconception ......................................... — 14
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. J 4 920

otre société a pris conscience tout récemment – à l’échelle de l’humanité –


N qu’elle hypothéquait son avenir collectif pour satisfaire son appétit de
richesses individuelles. Tant que nous n’étions que quelques centaines de millions
d’habitants sur Terre à nous partager la majorité des richesses et à générer, par
voie de conséquence, la majeure partie des pollutions anthropiques, l’équilibre –
critiquable, certes – se maintenait. Mais avec l’arrivée dans les dernières décennies
de près de trois milliards d’individus qui prétendent – fort justement – à un niveau
de consommation élevée, et avec les prospectives d’accroissement de la popula-
tion mondiale dans les années à venir, la communauté internationale en appelle
au développement durable pour permettre d’instaurer un nouvel équilibre, vérita-
blement durable ou soutenable. Cet équilibre doit reposer sur une utilisation
raisonnée de nos ressources, quelles qu’elles fussent, dans la mesure où la notion
de capacité de renouvellement de toute ressource est intimement assujettie à la
vitesse de sa consommation. Ces notions déterminent donc en partie les fonde-
ments d’un développement durable défini par :
– un rythme de consommation des ressources renouvelables qui n’excède
pas celui de leur capacité de régénération ;
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@RPQQ

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L’ÉCOCONCEPTION : UN OUTIL D’INNOVATION POUR UNE CHIMIE DURABLE ___________________________________________________________________

– u n r y thme de consommation des ressources non renouvelables qui n’excède pas celui du
développement de ressources de substitution ;
– une production de quantité de déchets et de pollution qui n’excède pas celle que peut
absorber l’environnement.
Et ces notions de rythmes soutenables de consommation de ressources et de production de
déchets se retrouvent en réalité dans l’approche holistique de l’écoconception qui vise à la
réduction à la source des impacts environnementaux d’un produit ou d’un procédé.

1. L’industrie chimique gaz à effet de serre (GES), responsables de l’élévation des températu-
res moyennes du globe.
mobilisée face à des Ces questions s’érigent comme autant de contraintes qui pèsent
sur l’industrie et en particulier sur l’industrie chimique – l’industrie
bouleversements des industries, dans la mesure où plus de deux tiers de ses produits
sont destinés à des industries aval [3]. Et à travers ces contraintes,
l’industrie chimique subit une révolution qui s’articule autour de :
1.1 Enjeux démographiques – l’anticipation de l’épuisement des matières premières issues
de ressources fossiles, accompagnée d’une forte volatilité des prix.
Le XXe siècle a été marqué par un accroissement extraordinaire Et la répartition inégale de ces ressources fossiles, en particulier
de la population mondiale, qui est passée de 1,6 milliards d’indivi- du pétrole, donne lieu à d’importantes spéculations qui compro-
dus à 6,1 milliards, augmentation qui s’est produite à raison de mettent un approvisionnement stable (figure 2). Cette contrainte
80 % depuis 1950. Et la population mondiale devrait continuer de pèse sur l’ensemble des ressources fossiles, même non carbonées
s’accroître. En se fondant sur la variante moyenne de fécondité, comme le lithium. En effet ce métal est non seulement faiblement
l’ONU prévoit que la population mondiale atteindra 9 milliards de présent sur Terre (autour de 12 Mt de lithium exploitables), mais
personnes en 2040 et 9,3 milliards en 2050. Cependant, des écarts
réduits mais soutenus des taux de fécondité peuvent influencer
l’effectif de la population à long terme. Ainsi, un scénario de fécon-
dité élevé dans lequel la fécondité est supérieure d’un demi-enfant 300
au scénario de fécondité moyenne donne un effectif de Gigabarils
10,9 milliards d’individus en 2050. 250

L’urbanisation constitue également une autre tendance d’impor- 200


tance. En effet, alors que d’ici 40 ans la population mondiale risque de
doubler, la population urbaine, forte aujourd’hui de 3 milliards d’indi- 150
vidus, devrait atteindre 6 milliards, provoquant un doublement de la
population urbaine, avec des besoins énergétiques qui vont eux aussi 100
s’accroître considérablement. Cet accroissement démographique
attendu dans les années à venir va également s’accompagner d’un 50
accroissement de la consommation par individu. Au premier chef de
ces consommations, on recense la consommation énergétique. Ainsi, 0
les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) laissent 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020* 2040*
ainsi envisager un doublement de la consommation énergétique –
par rapport aux 11 Gtep consommées en 2007 – à l’horizon 2030 [1]. * prévisions
Certes, la précision de tous ces calculs prospectifs peut être contestée,
mais une chose est certaine : nous sommes en pleine bulle, et Figure 1 – Découvertes annuelles de pétrole, en milliards de barils
équivalent pétrole (Source : IHS Energy/Shell, 2005)
l’humanité vit désormais à crédit [2].
Nota : gigatonnes d’équivalent pétrole (Gtep)

90
8 1
80
1.2 Nouvelles contraintes pesant 70
sur la chimie industrielle 60
50
Par ailleurs, notre société actuellement est fondée sur l’utilisation 41 41
quasi exclusive de ressources fossiles, en particulier pour son appro- 40
3 2
30 228
8
visionnement énergétique et de biens de consommation. La question
n’est pas de savoir s’il y aura un pic de production mais plutôt quand 20
1 2 1 4
il aura lieu. En effet, pratiquement tous les experts s’accordent sur la 9
10
quantité et la durée de nos réserves globales en pétrole, charbon, gaz, 0
combustible nucléaire… en fonction de notre vitesse de consomma-
Amérique
du Nord
Amérique
latine
Ex-Union
Soviétique

Europe

Moyen-Orient

Afrique

Asie-Océanie

Monde

tion actuelle et des découvertes de gisements réalisées (figure 1).


Ainsi, à la fin de ce siècle, nous aurons épuisé la totalité des réserves
terrestres que la nature a mis des millions d’années à constituer. Or
cette exploitation de ressources énergétiques fossiles – de carbone
fossile – s’accompagne d’un transfert de matière, d’un transfert de
carbone, qui se retrouve sous forme de CO2 dans notre atmosphère, Figure 2 – Stocks de pétrole dans le monde, en années de produc-
s’accumule et contribue à l’élévation de la concentration des fameux tion 2005 (Source : BP Statistical Review, 2007)

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____________________________________________________________________ L’ÉCOCONCEPTION : UN OUTIL D’INNOVATION POUR UNE CHIMIE DURABLE

environnementaux. Or la prise en compte de tous les impacts envi-


7 ronnementaux au cours du processus de fabrication, et pas seule-
Gigatonnes de carbone émis par an

Total ment la mesure de l’empreinte carbone ou des émissions de CO2,


revient à intégrer l’écoconception aux processus classiques de
6
conception, et également au processus d’innovation par voie de
conséquence. Ce processus d’innovation subit ainsi d’importantes
5 mutations. On n’attend plus simplement de lui une réponse rapide
mais on s’autorise le temps de la réflexion pour apporter une réponse
4

3 Pétrole
exhaustive concernant l’environnement, une réponse écoconçue. Par
ailleurs, l’écoconception fait partie intégrante des recommandations
du grenelle de l’Environnement qui s’est tenu en 2007, à travers

l’engagement n° 217 qui encourage les démarches d’analyse environ-
2 nementale des produits et l’écoconception [11]. Enfin, l’écoconception
Charbon relève désormais d’une obligation règlementaire avec la directive
cadre pour l’écoconception [12]. Cette directive a été renforcée par
1
une directive fixant des exigences d’écoconception pour les produits
Gaz
suivants [13] : chaudières à eau chaude alimentées en combustibles
0 liquides ou gazeux, réfrigérateurs, congélateurs et appareils combinés
1800 1850 1900 1950 2000
électriques à usage ménager et ballasts pour l’éclairage fluorescent.
L’écoconception commence dès lors à devenir une obligation. Elle est
Figure 3 – Émissions de carbone fossile depuis 1800 également une réponse aux attentes des consommateurs. En effet,
(Source : G Marland, TA Boden, and RJ Andres, 2003) les utilisateurs finaux sont désormais en attente de produits respec-
tueux de l’environnement. En effet, selon le baromètre IRSN, depuis
également très mal réparti (80 % des réserves de lithium mondia- 2006, la dégradation de l’environnement figure dans les trois principa-
les sont situées dans trois pays d’Amérique du Sud) [4] ; les préoccupations des Français [14].
– une obligation de réduction drastique des émissions polluan-
tes des procédés chimiques et en particulier de la libération des
gaz à effet de serre (CO2, NOx…). L’évolution et le niveau d’appro- L’écoconception est ainsi une démarche globale, centrée sur
visionnement de ressources fossiles ont accru considérablement le produit. Dans son principe, elle consiste à prendre en compte
les quantités de CO2 fossile émis chaque année dans l’atmosphère les critères environnementaux et humains dès la phase de
(figure 3). conception d’un produit. Ces critères concernent généralement
l’ensemble des phases suivies par un produit, la production, la
Le cycle du CO2, en équilibre à l’échelle planétaire, est remis en distribution, l’utilisation et la fin de vie, à savoir : le cycle de vie
cause par l’activité anthropique qui émet des quantités considéra- du produit (figure 4). Dans sa finalité, l’écoconception est un
bles de CO2 d’origine fossile. L’Agence internationale de l’énergie processus préventif multicritère qui cherche à identifier et à
prévoit une augmentation de 48 % des émissions de gaz à effet de réduire à la source tous les impacts sur l’environnement.
serre d’ici 2030 si aucune mesure de réduction n’est engagée [5] ;
– des pressions fortes émanant des sphères sociétale et règle-
mentaire. En effet les contraintes règlementaires concernant la Le concept d’écoconception s’appuie sur un outil puissant
toxicologie et l’écotoxicologie liées à l’utilisation des matières pre- d’identification des impacts environnementaux : l’analyse de cycle
mières, d’intermédiaires de synthèses et de produits de l’industrie de vie – ACV.
chimique se sont renforcées au cours du XXIe siècle, avec notam-
ment le règlement REACH [6], la directive cadre sur l’eau (DCE) [7],
mais également de nombreuses directives européennes concer- 2.2 Analyse de cycle de vie : historique
nant la fin de vie des matériaux (directives véhicule hors d’usage
(VHU) [8], déchets équipements électriques et électroniques (DEEE)
[9], directive sur les composés organiques volatils (COV) [10] émis L’analyse de cycle de vie telle qu’elle est pratiquée est en réalité
par les vernis, peintures et produits de retouche de véhicules, etc.). une analyse environnementale de cycle de vie dans la mesure où
les impacts évalués sont essentiellement des impacts environne-
Ainsi, couvrir les besoins de l’humanité (nourriture, énergie,
mentaux (figure 5).
soins…) en respectant notre environnement est le challenge qui nous
attend et que la chimie va devoir relever dans les années futures. La pensée « analyse de cycle de vie » est un courant de pensée
holistique qui vise la prise en compte de tous les impacts, environ-
nementaux, sociaux et économiques sur tout le cycle de vie du
produit ou du service. Cette façon de penser doit permettre d’évi-
2. Analyse du cycle de vie, ter que des améliorations locales ne résultent en un déplacement
des problèmes (pollutions, conditions sociales…).
outil de l’écoconception –
définitions et concepts
Utilisation Recyclage

2.1 Écoconception : quelques définitions Distribution Fin de vie


Cycle
Les productions de biens et de service sont désormais sous Extraction ressources
de vie
contrainte. Il ne va donc plus suffire de répondre à un cahier des char-
ges par une voie technique dans le respect des coûts impartis, il va Transport
falloir dorénavant intégrer le respect de l’homme et de Fabrication
l’environnement ; ce qui signifie réduire la consommation de ressour-
ces fossiles, limiter les émissions de gaz à effet de serre, se conformer
aux contraintes environnementales – cela revient à limiter les impacts Figure 4 – Le cycle de vie

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Écoconception dans le secteur


textile
par Emmanuel PRETET

Ingénieur textile ENSAIT
Consultant en ingénierie textile
Bureau d’étude CarboneTex, Roubaix, France

1. Démarches d’écoconception dans l’industrie textile ................. AG 6 793 - 2


1.1 Identification et analyse des bonnes pratiques ..................................... — 2
1.2 Points clés d’une démarche d’écoconception réussie .......................... — 3
1.3 Axes à développer pour écoconcevoir un textile .................................. — 4
2. Enjeux du secteur industriel textile ................................................ — 10
2.1 Approvisionnements en matériaux ........................................................ — 10
2.2 Enjeu social : conservation et transmission des savoir-faire
et des outils industriels ............................................................................ — 12
2.3 Recyclage : enjeu principal à structurer et à développer ...................... — 13
3. Limites et freins à lever ...................................................................... — 15
3.1 Réglementation et contrôles à intensifier .............................................. — 15
3.2 Changement d’habitudes des donneurs d’ordres
et des consommateurs............................................................................. — 15
3.3 Définition d’un nouveau modèle économique des marques et prix
de revient .................................................................................................. — 16
4. Conclusion .............................................................................................. — 17
5. Glossaire – Définitions ........................................................................ — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 6 793

’écoconception est, depuis les années 1990, en voie de développement


L dans de nombreux secteurs d’activités. Grâce à l’écoconception, les
impacts environnementaux sont évalués et pris en compte dans la conception
et le développement d’un produit, tout au long de son cycle de vie (de la
matière première à la fin de vie). Cette évaluation globale et multicritère
permet donc d’identifier, d’agir et de fait de réduire les impacts environnemen-
taux d’un produit ou d’un service.
Le secteur des textiles s’intéresse également de près aux concepts liés à
l’écoconception des produits et services. De nombreuses initiatives ont eu lieu,
de nouveaux concepts ont été développés afin de mettre sur le marché des
textiles écoconçus. Les consommateurs ayant une demande de plus en plus
importante de textiles intégrant les concepts du développement durable, les
industriels s’adaptent par l’innovation. Cette demande croissante les pousse à
développer de nouveaux matériaux, de nouveaux assemblages, de nouvelles
façons de fabriquer et d’utiliser un textile. L’écoconception apparaît alors
comme un outil stratégique, et donc un facteur de différenciation concurren-
tielle dans une économie mondialisée.
Face à cela, des contraintes nouvelles sont apparues. Certaines sont encore
aujourd’hui un frein au développement de l’écoconception dans le secteur
industriel textile, et par conséquent un frein à l’élargissement de la gamme de
produits textiles écoconçus sur le marché français et mondial. L’industrie
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQV

textile a aujourd’hui les capacités de faire face aux innovations technologiques

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ÉCOCONCEPTION DANS LE SECTEUR TEXTILE ____________________________________________________________________________________________

et scientifiques auxquelles elle est confrontée. Mais le changement des menta-


lités à tous les niveaux de la chaîne de valeur constitue le défi des années
futures. Le développement de nouveaux modèles de comportements des
consommateurs d’une part, mais aussi des donneurs d’ordres et des distribu-
teurs, permettra une acceptation plus large de l’offre des produits textiles
écoconçus.


Cet article apporte au lecteur un éclairage sur les pratiques actuelles de l’éco-
conception dans le secteur industriel textile, au travers de quelques exemples
et initiatives, mais aussi grâce à un focus sur les différents axes à développer
pour écoconcevoir un produit textile. Cela étant mis en perspective avec les
limites et freins actuels, face aux enjeux de la filière textile.

1. Démarches 1.1.1 Affichage environnemental : un levier


favorable à l’écoconception
d’écoconception L’affichage environnemental, issu du Grenelle de l’environne-
dans l’industrie textile ment, consiste à communiquer aux consommateurs les perfor-
mances environnementales d’un produit par l’affichage des
principaux impacts environnementaux quantifiés. Cela concerne
L’écoconception consiste en l’intégration de la protection de les produits et services de grande consommation. Depuis 2008,
l’environnement dès la conception d’un produit (qu’il soit l’affichage environnemental fait l’objet de travaux méthodo-
considéré comme un bien ou un service). La finalité est ainsi de logiques associant toutes les parties prenantes au sein de la
réduire les impacts environnementaux du produit sur l’ensemble « plateforme ADEME/AFNOR ». Un référentiel transversal (le
de son cycle de vie : extraction ou production des matières pre- BP X 30-323) a été rédigé et permet la rédaction des référentiels
mières, fabrication, distribution, utilisation et fin de vie [G 6 050]. spécifiques par produits et catégories de produits. Les produits
textiles sont gérés par le groupe de travail n° 5 (GT5).
C’est une démarche globale qui se caractérise par une approche
multiétape (prise en compte de toutes les étapes du cycle de vie du L’expérimentation nationale de l’affichage environnemental, qui
produit), multicomposant (le produit et son emballage), multi- s’est déroulée de juillet 2011 à juillet 2012 sous le pilotage du minis-
acteurs (l’ensemble de la chaîne de valeur) et multicritère (prise en tère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, a per-
compte des impacts environnementaux liés aux consommations de mis aux 168 entreprises participantes de tester le concept de
matières et d’énergie, des rejets dans l’air, l’eau, les sols et les effets l’affichage environnemental à l’échelle française et d’en dresser un
sur la biodiversité). bilan qui a été transmis au gouvernement en fin d’année 2013. Cette
démarche française a intéressé l’Union européenne, si bien que le
La pratique de l’écoconception est indissociable des techniques Parlement européen s’est saisi du dossier et a lancé une expérimen-
d’évaluation environnementale, notamment l’analyse du cycle de tation de l’affichage environnemental à l’échelle européenne cette
vie – ACV [G 5 500], et nécessite donc une bonne connaissance des fois-ci. Le cadre général de la démarche étant maintenant connu, les
concepts environnementaux et des raisonnements de l’ACV. réglementations, référentiels et outils sont en cours de création et
on devrait aboutir au lancement de l’affichage environnemental de
tous les produits de grande consommation à l’horizon 2019.
L’écoconception est ainsi une approche préventive des
impacts environnementaux lors de la conception ou Le bilan de l’expérimentation nationale confirme que le concept
re-conception d’un produit. Elle est axée sur le produit et ses d’affichage environnemental permet de contribuer à la démocrati-
périphériques, et se caractérise par une approche multiétape, sation de l’écoconception auprès des entreprises industrielles,
multicritère et multiacteurs. grâce à la mise à disposition d’outils techniques pour éco-
concevoir, mais aussi en alimentant les entreprises en informa-
tions environnementales pour évaluer les produits en vue de leur
écoconception.
1.1 Identification et analyse des bonnes L’affichage environnemental permet aussi le jeu de la concur-
pratiques rence entre fabricants ou distributeurs. Les performances environ-
nementales étant connues et affichées pour tous, une nouvelle
L’écoconception est en plein développement, surtout depuis la donne concurrentielle permet d’inclure dans les stratégies de déve-
fin des années 2000 et la prise de conscience collective de l’épuise- loppement de produits des critères d’écoconception afin d’aboutir à
ment et de la raréfaction des ressources naturelles. Au cours du une meilleure note environnementale que celle de ses concurrents.
siècle dernier, la nature et l’ampleur des atteintes à l’environne-
ment par l’activité humaine ont évolué au point que la prise en Enfin, l’affichage environnemental doit permettre de vulgariser
compte de l’environnement dans nos activités quotidiennes les performances environnementales des produits auprès des
s’impose comme une nécessité. Les enjeux du développement consommateurs, leur donnant ainsi un critère supplémentaire de
durable, aujourd’hui largement connus du plus grand nombre, choix dans leurs actes d’achat.
invitent à vivre différemment. Tous les secteurs d’activités sont
ainsi concernés par cette nouvelle donne. L’industrie textile est elle 1.1.2 ALTER-TEX : le réseau des entreprises
aussi consciente des changements à entreprendre, poussant ainsi engagées pour un textile écoresponsable
les industriels à proposer de nouveaux matériaux, de nouveaux
processus, voire même de nouveaux modèles de consommation. ALTER-TEX est le premier réseau d’entreprises françaises et
L’écoconception est aujourd’hui mise en œuvre à des degrés européennes engagées pour un textile écoresponsable, éthique et
divers dans le secteur textile. En voici quelques exemples. solidaire. Il regroupe l’ensemble des acteurs de la filière (filateurs,

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_____________________________________________________________________________________________ ÉCOCONCEPTION DANS LE SECTEUR TEXTILE

tisseurs, tricoteurs, converteurs, ennoblisseurs, confectionneurs, Les travaux menés par Les Filatures du Parc ont permis d’aboutir
marques et distributeurs) engagés pour un textile durable. Son en 2008 au dépôt d’un brevet permettant le filage 100 % de type
ambition est d’être le stimulateur et le fédérateur de cette filière. cardé de matière textile initialement tricotée subissant un prédé-
Ce réseau a été fondé en 2009 par un dirigeant d’entreprise qui maillage et un défibrage lors du recyclage (chutes de production ou
s’investit activement aux côtés d’autres entrepreneurs engagés produits postconsommation). La volonté du passionnant dirigeant de
pour mettre en place une démarche écoresponsable dans la pro- cette petite entreprise familiale d’une quarantaine de salariés située à
duction textile. Ce réseau permet de diffuser le plus largement Brassac (Tarn) était d’engager fortement son entreprise dans les prin-
possible le textile éthique, c’est-à-dire respectueux de l’homme et cipes de l’économie circulaire par la production de fils en 100 %


de l’environnement, tout en étant conscient des règles du marché matières recyclées.
et de l’économie en termes de créativité et de prix. Le but est bien Pour cela, une technique spécifique a été mise au point [3]. Pour
de concevoir un modèle économique respectable, qui répond aux les articles en maille, elle consiste tout d’abord en un préclassement
attentes et aux contraintes du marché. manuel des articles à recycler afin d’obtenir un classage par matière
et par nuance de couleur. Ce travail de tri permet d’écarter les jauges
Ainsi, pour diminuer le poids environnemental du textile,
fines qui sont trop difficiles à démailler, tandis que le travail de nuan-
ALTER-TEX valorise une chaîne d’approvisionnement et de pro-
cier permet de ne pas avoir à teindre le fil. Les tricots subissent
duction propre, respectueuse des normes écologiques et
ensuite un prédémaillage, puis un défibrage permettant de conserver
employant des méthodes et des circuits moins impactants sur
près de 95 % de la longueur initiale de la fibre (soit entre 55 et
l’environnement.
65 mm). Cela permet ainsi de réaliser la filature du nouveau fil, puis
Cela repose sur un code de conduite général, conciliant perfor- son tricotage ou tissage.
mance économique, équité sociale et préservation de l’environne- Cette technique est actuellement au stade industriel pour la fabri-
ment qui se décline en différentes actions, initiatives et cation de fil 100 % recyclé à partir de maille (essentiellement les
engagements à respecter par les signataires. textiles lainiers en grosses mailles : laine pure et mélange acrylique,
La charte d’ALTER-TEX [2] vise à faire évoluer la démarche des polyamide ou polyester) et de chaîne et trame (tissus de type drape-
entreprises sur les sept axes directeurs suivants : rie). Les tests métrologiques sont probants, notamment la résistance
1 – garantir la qualité, l’innocuité et la traçabilité des articles et mécanique du fil et sa résistance au boulochage. Grâce au procédé
de leurs composants ; mis en place par cet industriel, la qualité des fils recyclés est donc
équivalente aux fils vierges.
2 – assurer la santé et la sécurité des collaborateurs ;
3 – mesurer et réduire l’empreinte environnementale ;
4 – préserver les ressources naturelles ; Économiquement, le prix de vente de ce fil 100 % recyclé est aligné
5 – maintenir l’emploi et l’expertise locale ; au prix du fil vierge. Socialement, cette activité permet de maintenir
6 – être un acteur responsable et solidaire ; l’emploi de l’entreprise tandis que, sur le plan environnemental, le fil
7 – innover sur le plan environnemental et de la protection du recyclé est globalement 98 % moins impactant par rapport au fil en
consommateur. matières vierges (d’après les résultats d’une étude ACV [4]). Pour
l’entreprise, ces développements ont permis de proposer de nou-
Cela se concrétise par l’application de ces principes dans l’orga- veaux services aux industriels et aux marques textiles, et d’obtenir
nisation et le fonctionnement des membres du réseau ALTER-TEX. de nouveaux marchés tout en pérennisant leur activité. Ces fils
Cette chaîne d’entreprises locales fabrique des tissus constitués 100 % recyclés sont en outre un apport intéressant à tout industriel
d’au moins 80 % de fils durables (biologiques, équitables et/ou souhaitant s’engager dans une démarche d’écoconception en dispo-
recyclés) et teints dans le respect des exigences des standards sant d’une alternative intéressante aux fils vierges.
européens (OEKO-TEX® Standard 100 au minimum, voir
tableau 1).
D’un point de vue environnemental, le code de conduite incite 1.2 Points clés d’une démarche
ces membres à mettre en place différentes actions telles que l’affi- d’écoconception réussie
chage environnemental, la réduction et le recyclage des déchets,
l’optimisation des consommations en eau et le traitement des La mise en place d’une démarche d’écoconception s’effectue
effluents liquides, l’amélioration de l’efficacité énergétique des généralement en deux étapes :
processus, ou encore la mise en place de captage et de traitement
des émissions gazeuses. – la première étape est l’évaluation environnementale, elle
consiste à évaluer les impacts environnementaux du produit sur
Conscient que le consommateur n’est pas toujours prêt à payer l’ensemble de son cycle de vie à l’aide d’outils d’analyse du cycle
plus cher un produit écoconçu et afin de les rendre accessibles au de vie. Grâce aux résultats de l’évaluation environnementale,
plus grand nombre, l’innovation du label réside dans l’exigence l’entreprise détermine des axes d’amélioration ;
que chaque entreprise ne prenne pas de marge sur le « surcoût
– la deuxième étape est la recherche et la mise en œuvre de
durable ». Cette notion est expliquée plus en détail dans le
solutions pour améliorer le produit. C’est durant cette étape que
paragraphe 3.3.2 de cet article.
l’écoconception se révèle être un facteur d’innovation pour
l’entreprise.
1.1.3 Production de fils recyclés La stimulation de l’innovation permet d’apporter des réponses à
à partir d’anciens produits textiles la recherche de solutions et d’alternatives de conception par rap-
port à l’existant. La démarche transversale de l’écoconception (rai-
Il est possible depuis très longtemps de refaire du fil à partir de sonnement sur l’ensemble du cycle de vie) implique différentes
fibres textiles recyclées. À cause des procédés traditionnels mis en compétences dans l’entreprise. Une grande partie des solutions
œuvre (effilochage), on assiste à un raccourcissement de la lon- dépasse même le cadre de l’entreprise, nécessitant ainsi des
gueur des fibres, ce qui rend difficile leur travail en filature (faible compétences externes.
résistance du fil). Pour remédier à cela, les filateurs préparent un
mélange entre des fibres vierges et des fibres recyclées, le taux de Une démarche d’écoconception réussie repose sur plusieurs
fibres recyclées se situant autour de 10 à 15 % et ne dépassant facteurs clés :
rarement 50 %. Les fibres issues de l’effilochage ne permettaient – l’appropriation de la démarche par la direction est nécessaire
donc pas de fabriquer des produits 100 % recyclés à partir d’une et primordiale : il n’y a pas de démarche d’écoconception réussie
même matière. si la direction de l’entreprise n’est pas pleinement volontaire et

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ÉCOCONCEPTION DANS LE SECTEUR TEXTILE ____________________________________________________________________________________________

convaincue. L’écoconception nécessite bien souvent une remise en


question des métiers de l’entreprise, de certains choix stratégiques On appelle greenwashing (écoblanchiment ou verdissage)
qui ont été faits dans le passé et qui ne sont plus forcément en l’acte de transmettre à un public ciblé des informations défor-
phase avec les exigences environnementales actuelles et futures. mées des faits et de la vérité dans le but de se donner une
À ce titre, le plus haut degré de décisions dans l’entreprise doit image écologique responsable.
approuver et soutenir la démarche d’écoconception, en donnant
des moyens financiers, des moyens humains et des outils aux
équipes projets dans cette démarche de changement ; La mise en œuvre d’une démarche d’écoconception en entre-

Q – être accompagné par des professionnels de l’écoconception et


du secteur d’activité concerné. L’écoconception est une discipline
à part entière et n’est pas forcément présente dans les gènes de
prise doit faire l’objet d’un élan commun à tous les niveaux de
l’entreprise. Chacun doit se sentir concerné, et avoir la possibilité
d’exprimer un avis, d’émettre une opinion ou une idée et plus
généralement de faire preuve d’initiative dans cette démarche.
l’entreprise. L’accompagnement par des professionnels de l’éco-
conception permet de structurer la démarche et de guider l’entre- La nouvelle génération du produit écoconçu est dans la plupart
prise dans ses choix stratégiques. Le secteur textile étant très des cas le fruit d’un travail à la fois collaboratif et structuré. La
spécifique, que ce soit sur l’aspect mode/habillement ou sur réussite de la démarche tient d’abord dans l’analyse des relations
l’aspect industriel et technique, les entreprises auront d’autant plus qui existent tout au long du cycle de vie entre les choix de
de chance de réussir leur démarche si elles sont accompagnées conception et les flux de matière et d’énergie qui en résultent. Elle
par des professionnels « textiliens » avec de solides capacités en repose aussi sur la capacité à proposer des solutions pérennes
écoconception ; d’amélioration et sur l’aptitude à les mettre en œuvre, le tout en
cohérence avec les attentes du marché final.
– créer une équipe projet pluridisciplinaire : ingénieurs, techni-
ciens, logisticiens, qualiticiens, designers/concepteurs, ache- L’écoconception est donc avant tout une démarche d’arbitrage
teurs/commerciaux/marketing, etc. L’écoconception, de par sa entre des caractéristiques qui peuvent sembler contradictoires :
transversalité, demande la participation de nombreux métiers. Elle qualité, fonctionnalités, coûts, délais, sécurité, environnement,
se situe à tous les niveaux de l’entreprise, et même au-delà. Une social. Les premières actions d’écoconception sont souvent faciles
équipe multiacteurs doit donc être constituée au sein de l’entre- à mettre en œuvre, et peu coûteuses pour l’entreprise.
prise afin d’avoir un éventail le plus large possible de Une démarche d’écoconception réussie est une démarche abou-
connaissances et compétences, chacun pouvant apporter des élé- tissant à une augmentation du chiffre d’affaires. En 2013, le pôle
ments pertinents dans la démarche. Les potentiels d’amélioration Écoconception et management du cycle de vie a réalisé une
qui sont découverts porteront bien plus loin que les seules perfor- étude [5] sur la rentabilité de l’écoconception qui démontre les
mances environnementales : les notions de qualité, fonctionnalité, bénéfices de l’écoconception pour les entreprises. Pour 96 % des
technologies, coûts, délais, commercialisation sont des éléments répondants, l’écoconception de produits a un effet positif ou
sur lesquels la démarche d’écoconception est influente. Il y a donc neutre sur les profits de l’entreprise. Selon l’étude, la marge
lieu d’intégrer dès le démarrage les compétences et savoir-faire les bénéficiaire des produits écoconçus est supérieure à la marge des
plus larges possibles. De plus, le caractère engageant et motivant produits conçus de façon conventionnelle. La réussite de l’éco-
de l’écoconception apporte un effet positif dans l’entreprise par la conception est une opportunité de croissance. La démarche génère
découverte ou le renforcement de synergie entre les acteurs d’une en outre des retombées positives, autres que financières. Cela
même entreprise, et vis-à-vis des partenaires externes et des par- concerne l’amélioration de la notoriété et de l’image de l’entre-
ties prenantes ; prise, l’augmentation de la motivation et de la fierté des employés,
ainsi qu’une meilleure relation avec les clients. En plus de réduire
– avoir une démarche collaborative et structurante avec l’amont l’empreinte écologique du produit, plusieurs entreprises réussis-
et l’aval de sa chaîne de valeur. Les entreprises ont en général ten- sent à en améliorer des aspects fonctionnels tels que son ergo-
dance à rester dans leur propre cœur de métier. Il est au contraire nomie et sa durabilité. L’étude démontre que plus la démarche
nécessaire de ne pas rester sur son propre savoir-faire, mais bien d’écoconception est rigoureuse et systématique, plus la rentabilité
de s’ouvrir aux acteurs périphériques à son domaine de compé- de l’écoconception est élevée. Cela illustre l’importance de
tences. L’écoconception implique un grand nombre d’acteurs tout connaître et de mettre en place les bons outils et les bonnes prati-
au long de la chaîne de valeur du produit : fournisseurs, ques de gestion, adaptées au contexte spécifique de l’entreprise.
sous-traitants, clients directs, utilisateurs finaux, jusqu’aux récupé-
rateurs et recycleurs. Des liens forts doivent donc se tisser avec les
autres acteurs de la filière textile, en amont et en aval du métier de
l’entreprise ; 1.3 Axes à développer pour écoconcevoir
un textile
– chercher à se démarquer de la concurrence, tout en répondant
précisément aux besoins du consommateur final et aux attentes Chaque nouvelle génération de produits apporte de nouvelles
du marché. Dans un contexte où la concurrence entre les fabri- fonctionnalités. L’apport de nouvelles fonctionnalités au produit éco-
cants de textiles est devenue très importante, surtout à l’inter- conçu ne veut pas systématiquement dire une addition des fonction-
national et plus généralement face aux pays à bas coût de main nalités existantes et des fonctionnalités nouvelles. Dans de
d’œuvre, l’écoconception est un moyen idéal pour différencier les nombreux cas, on assiste ainsi à des substitutions de fonctionnalités.
produits par l’apport de valeur ajoutée environnementale ;
Quelle que soit la stratégie d’écoconception pour un produit
– valoriser sa démarche par l’utilisation appropriée des outils de textile, il est possible de regrouper la démarche autour des huit
communication. Les écolabels par exemple permettent de mettre axes suivants, développés ci-après.
en avant les efforts réalisés par un industriel pour réduire l’impact
environnemental de son produit, ce qui suscite l’intérêt du
consommateur. Il est néanmoins important de faire preuve de vigi- 1.3.1 Axe 1 : faire le bon choix de matériaux
lance lors de la communication des vertus environnementales d’un
produit. Les améliorations environnementales doivent être réelles, Cet aspect est le plus évident : le choix des matières a une grande
justifiées et mesurables afin de garantir la crédibilité des déclara- importance dans le bilan environnemental du produit. En fonction
tions. La communication de l’argumentation écologique doit être du choix des matières premières et des procédés mis en œuvre, il y
exacte, véritable, vérifiable et non trompeuse. Pour éviter un péril a des différences significatives dans les résultats des indicateurs
d’image, toute opération de greenwashing doit être proscrite. d’impacts environnementaux. Par exemple, la fabrication de fibres

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INNOVATION

Écoconception de composés
azotés hétérocycliques pour Q
l’industrie chimique et la santé
par Jacques ANDRIEU
Maitre de conférences
Institut de Chimie Moléculaire de l’université de Bourgogne (ICMUB) CNRS 6302, Faculté
des Sciences Mirande, Dijon, France

Résumé : La production de composés hétérocycliques azotés est toujours d’actualité


en raison de leurs applications dans l’industrie, la santé, la chimie fine et le traitement
des effluents gazeux et des eaux usées. Cependant, dans le cas des carboxylates d’imi-
dazolium, leur production à grande échelle est limitée en raison de leur synthèse
dangereuse pour l’homme et pour l’environnement. Dans cet article, nous montrerons
que l’électrosynthèse est une technique d’avenir pour résoudre ce problème avec l’ambi-
tion de répondre à des enjeux environnementaux et sociétaux actuels dans une approche
cycle de vie, démarche que nous nommerons écoconception de composés azotés
hétérocycliques.

Abstract: The preparation of N-heterocyclic compounds is still relevant today due to


their applications in chemical industry, health, fine chemicals, treatment of waste gases
and water. However, in case of imidazolium carboxylates, their production in large scale
remains limited because its synthesis is not friendly for humans and the environment. In
the paper, we will demonstrate that electrosynthesis is a future technology to solve this
problem with the ambition to address to the environmental and societal current
challenges through a life cycle approach, which we will call eco-design of nitrogen hete-
rocyclic compounds.
Mots-clés : Écoconception, écotechnologie, chimie verte, analyse cycle de vie,
chimie durable, électrosynthèse, innovation
Keywords: Eco-design approach, eco-designed compounds, eco-technology,
green chemistry, live cycle impact assessment, electrosynthesis, innovation

Points clés
Domaines : Écoconception, chimie durable, recherche, innovation
Degré de diffusion de la technologie : Émergence Croissance Maturité
Technologie impliquée : Électrosynthèse
Domaines d’application : Industrie chimique, liquides ioniques, médicaments,
chimie fine, matériaux, traitement effluents gazeux carbonés et eaux usées
Principal acteur français :
Centre de recherche : ICMuB – Université de Bourgogne
Contact : Jacques.Andrieu@u-bourgogne.fr.
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INNOVATION
INNOVATION

1. Contexte tivité dans la production de produits à fortes valeurs en évi-


tant la formation de produits secondaires indésirables, réduire
le coût énergétique pour sa fabrication et sa purification, mini-


1.1 Description de la problématique/origine miser le risque chimique pour l’homme, etc.
du travail Face à un tel défi, des écotechnologies innovantes doivent
La production de composés chimiques hétérocycliques azo- donc être élaborées en particulier pour des produits chimiques
tés est toujours d’actualité en raison de leurs apports essen- présentant un fort potentiel commercial dans de nombreux
tiels dans l’industrie pharmaceutique (médicaments) et secteurs industriels en prenant en compte les impacts envi-
agrochimique (produits phytosanitaires, engrais). Cependant, ronnementaux dès leur conception.
les recherches en chimie moléculaire qui visent des applica-
tions industrielles ne peuvent plus se limiter aujourd’hui à la 1.2 La démarche de l’écoconception intégrée
synthèse d’une molécule à forte valeur ajoutée ou à un pro- à un procédé chimique
cédé de transformation chimique sans tenir compte de
l’impact de sa production sur l’environnement. 1.2.1 L’écoconception : une rencontre entre chimie,
En effet, la production industrielle de produits chimiques environnement et économie
s’accompagne : Avant d’aborder l’écoconception, rappelons la définition de
• d’un coût énergétique important pour maintenir la réac- la chimie verte avec ses douze principes introduits par Anastas
tion de transformation à une température élevée et Warner en 1998 [1].
(> 130 °C) pendant de nombreuses heures et pour récu-
pérer les solvants par distillation à la fin de la réaction La chimie verte a pour but de concevoir des produits et
ou encore lors les étapes de purification ; des procédés chimiques permettant de réduire ou d’élimi-
• d’un impact potentiellement néfaste sur l’environnement ner l’utilisation et la synthèse de substances dangereuses.
par :
– l’utilisation de solvants organiques non recyclables, dont la Les douze principes de la chimie verte :
destruction conduit à de plus fortes émissions de CO2 (GES
1/ La prévention de la pollution à la source en évitant la
pour gaz à effet de serre) qu’il faudra ensuite gérer,
production de résidus ;
– l’utilisation et l’élimination de réactifs dangereux comme
des hydrures métalliques ou des catalyseurs organométal- 2/ L’économie d'atomes et d’étapes en limitant les pro-
liques (indispensables à la réaction mais classés CMR pour blèmes de séparation et de purification ;
cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques), ou les solvants 3/ La conception de synthèses moins dangereuses en
inflammables et toxiques par inhalation. utilisant des produits non toxiques pour l’homme et l'environ-
Ainsi, un enjeu des recherches en chimie moléculaire pour nement dans des conditions douces ;
un développement durable est de réduire au maximum ses
4/ La conception de produits chimiques moins
effets sur l’environnement. Cette problématique s’inscrit pour
toxiques avec la mise au point de molécules plus sélectives
l’industrie dans une démarche responsable décrit dans le
et non toxiques ;
cadre des normes environnementales ISO 14001, 14040 et
14044, pour le site de production, et du management environ- 5/ La recherche d’alternatives aux solvants polluants ;
nemental, avec son analyse de cycle de vie. Concrètement
6/ La limitation des consommations énergétiques avec
comme illustré ci-après (figure 1), il faut limiter les quantités
de nouveaux matériaux pour le stockage de l’énergie et de
de matières premières nécessaires à la production, veiller à ne
nouvelles sources d’énergie à faible teneur en carbone ;
pas utiliser des matériaux rares et polluants, recycler le milieu
dans lequel s’effectue la transformation chimique afin de le 7/ L'utilisation de ressources renouvelables à la place
réutiliser pour de nouvelles transformations, accroître la sélec- des produits fossiles ;

Forte demande industrielle Maîtrise du coût et de l’énergie


(chimie, santé, matériaux, - éliminer les solvants organiques
liquides ioniques…) - éviter les réactifs dangereux
- travailler à 25° C

Imaginer une écotechnologie innovante


(écoconception
Réduire l’impact des composés azotés) R
environnemental
- limiter les déchets N
- diminuer les réactifs O
- recycler le milieu réactionnel Y
O
Y = N–R’, O, S

Figure 1 – Intégrer les impacts environnementaux dans un procédé chimique

IN 180 - 2 © Editions T.I. 2-2015

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INNOVATION

8/ La réduction du nombre de dérivés en minimisant En effet, cette définition est à l’origine d’une réflexion dans
l'utilisation de groupes protecteurs ou auxiliaires ; laquelle l’économie, l’écologie, les flux de matières et les
enjeux sociaux sont indissociables pour être efficaces et


9/ L’utilisation des procédés catalytiques de préfé- doivent s’analyser comme un processus global avec une utili-
rence aux procédés stœchiométriques avec la recherche sation optimale des ressources. Cette réflexion a conduit à la
de nouveaux réactifs plus efficaces (incluant de nouveaux naissance de trois modèles économiques connus aujourd’hui
catalyseurs chimiques, enzymatiques ou microbiologiques) et par l’écologie industrielle (qui se concentre sur une utilisation
en minimisant les risques de manipulation et de toxicité ; optimale des ressources), l’économie circulaire (qui se focalise
10/ La conception des produits en vue de leur dégra- sur la valorisation des produits et des déchets) et l’écoconcep-
dation finale dans des conditions naturelles afin de mini- tion (avec l’intégration des impacts environnementaux de la
miser l’incidence sur l’environnement ; conception à la fin de vie d’un produit ou d’un procédé).
11/ La mise au point des méthodologies d'analyses en L’écoconception intégre bien l’aspect économique par sa
temps réel pour prévenir la pollution, en contrôlant le suivi notion de service ou de fonction des produis avec une vision
des réactions chimiques ; globale pour du long terme. Plus précisement, son approche
globale de cycle de vie, qui lui est propre, se décrit par cinq
12/ Le développement d’une chimie fondamentale- étapes qui sont l’extraction de matières, la fabrication, le trans-
ment plus sûre pour prévenir les accidents, explosions, port, la fin de vie qui influe sur l’environnement par la consom-
incendies et émissions de composés dangereux. mation d’énergie et d’eau, le flux de matières indésirables, etc.
De nombreuses recherches sont faites depuis 1998 dans le Cette définition va donc bien plus loin que de concevoir un pro-
développement de procédés chimiques dont la plupart intègrent duit biodégradable comme précisé dans les douze principes.
ces principes mais qui délaissent le dixième ainsi que le devenir Dans l’écoconception, les impacts environnementaux sont des
des produits en fin de vie. Ainsi, l’AFNOR en 2004 a introduit contraintes qui sont prises en compte dès l’élaboration d’un
l’écoconception, qui rajoute à ces fondamentaux d’une chimie produit ainsi que leur devenir en fin de vie. Ceci a pour consé-
éco-responsable, une démarche d’analyse globale du cycle de quence directe de remplacer des optimisations dans chacune de
vie des produits, ce qui conduit à augmenter la dimension uni- ces étapes par des changements radicaux, ou des technologies
verselle et économique de la chimie verte (voir la définition, la de rupture, qui sont alors sources d’innovations. En outre, pour
figure 2 et les développements ci-dessous). réduire ces effets environnementaux au maximum, et contrai-
rement à la chimie verte, l’écoconception peut reprendre des
principes de l’économie circulaire à savoir que la structure de
L’écoconception permet de réduire les impacts négatifs ces produits peut être profondément modifiée afin de leur trou-
sur environnement tout au long du cycle de vie du produit. ver une application comme matière source pour un autre pro-
(AFNOR 2004) cédé plutôt que de les détruire [2]. Ceci met clairement en
évidence des interconnexions entre ces trois volets de l’écono-
Mais l’écoconception va bien au-delà d’un simple mariage mie de fonctionnalité.
entre la chimie et l’environnement car elle intégre un aspect L’analyse du cycle de vie du produit ou du procédé donne
économique et s’applique aussi bien pour les produits que donc une grande visibilité de l’impact environnemental, sur
pour les services. Elle représente une des trois applications de toutes les étapes du processus, ce qui permet de reconsidérer
l’économie de fonctionnalité définit lors de la conférence de certaines étapes élémentaires, de mieux cibler les probléma-
Rio en 1992. tiques environnementales liés aux produits, d’accroître l’effica-
cité globale sur l’ensemble du cycle de vie, afin de diminuer
L’économie de fonctionnalité consiste à substituer une l’impact environnemental du produit sur toutes les étapes
matière ou un bien, par un autre service, un service asso- (décrit cf. § 3). Enfin, il est intéressant de souligner que cette
cié ou l’usage de celui-ci, tout en consommant moins de approche analytique du cycle de vie du produit ou d’un pro-
ressources, de matières de d’énergie au total, et en créant cédé vient parfaitement compléter une approche multi-étapes
des externalités environnementales et sociales positives. de la chimie verte. En effet, l’évaluation des impacts environ-
(Conférence de Rio, 1992) nementaux liés aux flux de matières et d’énergies limitées au
procédé de fabrication dans le cas de la chimie verte s’étend à
quatre nouveaux processus élémentaires du cycle de vie
(l’extraction, le transport, l’utilisation et la fin de vie).
Utilisations Afin de mieux comprendre les enjeux environnementaux
actuels, nous rappelons que fin 2006, la législation européenne
se modernise en matière de substances chimiques par la mise en
place d’un système intégré unique d'enregistrement, d'évaluation
et d'autorisation des substances chimiques – règlement REACH
Transport Fin de vie (Registration, Evaluation, Authorization of CHemicals) dans
l’Union européenne [3]. Son objectif est d’améliorer la protection
Cycle de vie de la santé humaine et de l’environnement en maintenant la
d’un produit compétitivité et en renforçant l’esprit d’innovation de l’industrie
chimique européenne. La même année, l’AFNOR publie les nou-
velles normes ISO 14040 et 14044 qui viennent réglementer
l’écoconception en précisant les principes et les exigences de
Extraction des
l’analyse du cycle de vie. Il est aussi intéressant de souligner la
matières premières brutale montée en puissance de l’écoconception dans les forma-
Fabrication
et énergie tions universitaires. En effet, ce module est présent dans les
licences professionnelles (une dizaine d’heures) dans les masters
Figure 2 – Les cinq processus élémentaires du cycle de vie d’un professionnels (jusqu’à une centaine d’heures) et chaque région
produit possède un master dédié à l’écoconception plus une licence pro-

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L’impression 3D dans une perspective


de développement durable

par Laurent MOLINARI
Cofondateur & COO – Zen’to Technologie, France

1. Qu’est-ce que l’impression 3D .......................................................... AG 6 753 - 2


2. État des lieux.......................................................................................... — 2
2.1 Technologies en présence ....................................................................... — 2
2.2 Enjeux économiques et domaines impactés.......................................... — 3
2.3 Écosystème, acteurs ................................................................................. — 4
3. Bouleversements possibles ................................................................ — 5
3.1 Autre approche de la consommation...................................................... — 5
3.2 Vers un rallongement de la durée de vie des produits.......................... — 5
3.3 Partage du savoir ...................................................................................... — 6
3.4 Transformation des modèles de vente ................................................... — 6
3.5 Relocalisation de l’économie ................................................................... — 6
4. Apports techniques .............................................................................. — 6
5. Limites et freins..................................................................................... — 8
5.1 Gadget ou réelle utilité ............................................................................. — 8
5.2 Problématique des matières : le plastique ............................................. — 8
5.3 Gestion des droits de propriétés ............................................................. — 8
6. Conclusion et perspectives ................................................................ — 9
7. Glossaire – Définitions......................................................................... — 9
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 6 753

’impression 3D constitue un sujet qui suscite beaucoup d’interrogations :


L l’aspect quelque peu magique de voir sous nos yeux se créer des objets à
partir d’un ordinateur pourrait ouvrir la voie à une modification profonde du
modèle de développement économique de notre société.
Cet article souhaite aborder le positionnement de cette nouvelle technologie
vis-à-vis du développement durable, plus précisément du respect de
l’environnement.
Il s’agit donc ici de comprendre les promesses liées à cette nouvelle techno-
logie afin d’identifier sa possible contribution à un mode de développement
écoresponsable. Mais, au-delà de ces promesses, il s’agira aussi de dresser les
limites de cette révolution technologique et de sa capacité à être à l’origine
d’une nouvelle révolution industrielle.
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Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés AG 6 753 – 1

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L’IMPRESSION 3D DANS UNE PERSPECTIVE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ___________________________________________________________________

1. Qu’est-ce que l’impression Mais, le principe de l’impression 3D étant la transformation de


matières, l’adaptation ou l’utilisation de cette technique peut
3D concerner tous les types de matières, par exemple :
– l’imprimante Choc Creator de la société Choc Edge
Le terme « impression 3D » se définit par opposition aux tradition- (http://www.chocedge.com/index.php) permet désormais de créer
nelles techniques d’impression 2D permettant la production/repro- des formes 3D en chocolat. Au-delà du côté anecdotique, l’utilisa-
duction de textes ou d’images. La « promesse » de cette nouvelle tion de l’impression pour des besoins alimentaires constitue déjà
technologie consiste ainsi à permettre de fabriquer de véritables une réalité, d’un point de vue technique même si elle est encore

Q objets en trois dimensions à partir d’une source numérique.


L’apport de la technologie numérique n’est pas forcément nou-
veau. En effet, la conception assistée par ordinateur (CAO) et la fabri-
loin de passer dans le domaine courant, notamment pour des rai-
sons de contrôle sanitaire ;
– la société Organovo (http://www.organovo.com/company/
cation assistée par ordinateur (FAO) existent dans le monde industriel about-organovo) produit, à partir d’impression 3D, des tissus bio-
depuis plusieurs décennies. La FAO est notamment associée aux logiques destinés à la recherche médicale ;
machines à commandes numériques, qui sont largement utilisées – la diversité des matériaux utilisés et la finesse d’impression
dans le domaine de l’usinage de pièces pour le secteur industriel. permet de réaliser des circuits imprimés et ouvre donc la voie à la
réalisation d’objets intégrant de l’électronique ;
Par contre, les principes de la « fabrication additive », qui permet – la société ODD Guitars a produit des guitares dont le corps est
le déploiement de la technologie et donc la capacité à fabriquer réalisé en impression 3D. Ces guitares sont aujourd’hui commer-
soi-même des objets au sein de la société, et son impact potentiel cialisées et parfaitement utilisables dans un contexte profession-
sur nos modes de consommation et donc nos modes de vie, sont nel. La tension et la force exercée par les cordes sur le corps,
sans précédent. comme sur toute guitare, démontrent la solidité et la capacité de
résistance du principe de fabrication. La société commercialise via
son site Internet (http://www.odd.org.nz) différents modèles à par-
2. État des lieux tir de 3 000 $ à l’instar du modèle ATOM (http://www.odd.org.nz/
atom.html) présenté dans la figure 1 ;
2.1 Technologies en présence – le projet monologue (http://www.lefashionpost.com/actus/
2014/06/le-monologue-du-soulier.html), soutenu notamment par
L’une des principales caractéristiques de l’impression 3D ou tri- Dassault Systèmes, propose la réalisation sur mesure d’escarpins :
dimensionnelle est le principe même de la technique. Là où l’usi- une machine permet de scanner les pieds de la cliente afin de
nage à commande numérique se base sur un procédé par dimensionner la chaussure. La cliente peut ensuite personnaliser le
enlèvement de matière, les technologies d’impression reposent style de la chaussure et les matières à utiliser ;
sur des approches « additives ». Il s’agit de créer un objet par – la mode n’est pas épargnée par le phénomène de l’impression
dépôts successifs (donc par addition) de matière en suivant un for- 3D : des lignes de vêtements sont désormais entièrement réalisées
mat, un modèle prédéfini. à partir d’impression 3D. Citons, par exemple, le cas de la créatrice
Cette caractéristique se retrouve d’ailleurs dans la terminologie Madeline Gannon qui réalise des colliers dont les modèles sont
puisque la notion de « Additive Manufacturing » (AM) est souvent accessibles à l’adresse suivante : http://www.madlab.cc et dont
utilisée en lieu et place de la notion d’ « impression 3D ». La notion une illustration est présentée dans la figure 2.
d’AM est plus large que les seuls systèmes d’impression Nous ne détaillerons pas ici l’ensemble des technologies
puisqu’elle englobe l’ensemble de l’écosystème attaché à ce possibles : il est indéniable que les procédés de fabrication
procédé de fabrication. évolueront de manière très rapide au fur et à mesure des années,
Le principe général repose ainsi sur la modélisation de matières poussés aussi bien par les capacités d’innovation des nombreuses
préexistantes sous forme de poudre, liquide ou solide (fil) afin d’en start-up et laboratoires de recherche qui investissent ce sujet, que
constituer, par agglomération de couches, des formes et donc des par la communauté OpenSource qui œuvre dans la mise en œuvre
objets. régulière de technologies plus faciles à mettre en œuvre et moins
coûteuses.
Afin d’illustrer ces différentes technologies, citons les procédés
suivants :
– le Fuse Deposition Modeling (FDM) est basé sur un principe de
modelage par dépôt de matière en fusion, la matière étant chauf-
fée par une buse. Le principe se rapproche du « fer à souder »,
puisqu’un fil de plastique très fin (environ un dixième de millimè-
tre) est alors déposé et vient se coller aux autres pour constituer,
par accumulation, une forme ;
– la stéréolithographie (SLA) est une technologie où une lumière
UV solidifie une couche de plastique liquide qui, par accumulation
de couches 2D, permet de créer des formes en 3D ;
– le frittage sélectif par laser est une technologie qui reprend le
principe de la stéréolithographie, mais elle utilise un laser qui
solidifie une couche de matière (résine ou poudre) et permet, là
encore, par accumulation de couches 2D de construire des formes.
Les principaux matériaux utilisés sont les suivants, par ordre de
fréquence d’utilisation :
– le plastique, selon différents coloris ;
– la céramique ;
– les thermoplastiques (polycarbonate, polyamides, le chlorure
de polyvinyle) ;
– les élastomères ;
– certains métaux notamment l’argent, le cuivre, l’acier ;
– la cire ; Figure 1 – Exemple de guitare (modèle ATOM) réalisée
– les résines. en impression 3D (http://www.odd.org.nz/atom.html)

AG 6 753 – 2 Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés

UT
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agVWUS

____________________________________________________________________ L’IMPRESSION 3D DANS UNE PERSPECTIVE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Architecture
Produits de
3,0 % Autres
grande consommation/ 5,3 %
électronique Secteur public / Défense
20,3 % 6,0 %
Éducation
8,0 %

Secteur
automobile
Autres
industries

19,5 % 10,8 %

Aérospatiale
12,0 %
Secteur médical
15,1 %

Figure 3 – Pourcentage en chiffre d’affaires des secteurs d’activités


« utilisateurs » de l’impression 3D (Sierra College Center for Applied
Competitive Technologies – p. 7)
Figure 2 – Exemple de réalisation de colliers par la créatrice
Madeline Gannon (http://www.madlab.cc)

Composants
2.2 Enjeux économiques et domaines Moules pour d’outillage
fonte de métaux
impactés 8,9 %
2,7 %
Production
Moules pour
directe
outillage
Le cabinet d’analyse Wohlers Associates publie chaque année 19,2 %
de prototype
un rapport sur l’état du marché du domaine de la fabrication addi- 12,2 % Recherche/
tive et de l’impression 3D. L’étude donne quelques chiffres très
Éducation
intéressants pour comprendre l’ampleur du phénomène. 7,0 %
La croissance du marché des produits (machines, logiciels et Composants Autres
d’assemblage
matériaux associés à la fabrication 3D) et des services (prestations 1,8 %
12,1 %
d’impression, de conseil et de diffusion de modèles) a suivi une
croissance moyenne de 27 % sur la période 2010-2012 pour attein- Supports visuels
10,1 %
dre 2,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires.
Modèles/
Les domaines d’activités impactés aujourd’hui par l’impression Modèles présentations
3D sont divers, comme le montre les travaux du cabinet Wohlers fonctionnels
7,8 %
sur l’étude des activités de 27 fournisseurs d’équipements et 18,4 %
71 prestataires de services. Ces travaux ont été repris dans une
étude sur l’impression 3D du Sierra College Center for Applied Figure 4 – Utilisation de la technologie 3D Printing dans le cycle
Competitive Technologies qui présente en pages 7 et 8 les utilisa- de production (Sierra College Center for Applied Competitive Technologies
tions de l’impression 3D. La figure 3 présente notamment en pro- – p. 8)
portion du chiffre d’affaires (CA) les secteurs d’activités concernés
par l’impression 3D.
§ Le prototypage rapide : les techniques d’impression 3D
Les principaux secteurs d’activités de destination de l’impres- permettent de passer très rapidement de la phase de conception à
sion 3D sont les produits de grande consommation et électro- la réalisation de prototype ; d’une part, les opérations de
nique, l’équipement et le design automobile et le secteur médical conception et de réalisation peuvent être centralisées au sein
et dentaire. d’une même équipe et, d’autre part, l’absence d’opérations inter-
En regard de cette diffusion dans le monde industriel, il convient médiaires pour la réalisation du prototype (absence de réalisation
cependant de prendre un peu de recul dans le déploiement actuel de moules) permet de gagner un temps considérable sur le temps
de la technologie : le déploiement généralisé de « biens » produits total de cette phase. Il est ainsi possible de mettre en place un
directement à partir d’impression 3D ne constitue pas encore une cycle de conception de type itératif, basé sur des cycles très courts,
réalité mais bien une perspective. tel que l’on peut le connaître dans le développement informatique.

Ainsi et toujours dans la même étude de Wohler, les types d’uti- § La production de petites séries : l’impression 3D permet d’envi-
lisation de la technologie dans les différents secteurs montrent que sager la production de petites séries qui sont aujourd’hui économi-
celle-ci n’est utilisée actuellement qu’à hauteur de 20 % pour pro- quement difficiles à envisager sur des chaînes de production
duire des biens directement intégrés dans la production donc sus- classique : là-encore la relation directe entre la phase de concep-
ceptibles d’être vendus ou intégrés en tant que composant d’un tion et la réalisation est un élément qui rend économiquement via-
produit fini. Cette part n’est donc pas négligeable à l’heure actuelle ble la production de produits en quantité limitée.
et va tendre à s’accroître dans les prochaines années... La figure 4,
graphique issu de l’étude du Sierra College, présente l’utilisation
de la technologie 3D Printing dans le cycle de production. § La recherche de nouvelles formes et l’écoconception : comme
nous le montrerons plus loin dans cet article, certains secteurs
Schématiquement les quatre grands axes d’utilisation de comme l’aéronautique utilisent l’impression 3D pour optimiser le
l’impression 3D sont les suivants. poids de leurs composants et rechercher de nouvelles formes.

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UU

UV
Éco-conception : mise en œuvre et applications
(Réf. Internet 42650)

1– Mise en œuvre par secteur R


2– Exemples et applications Réf. Internet page

Biosolvants. Conception, propriétés et aspects environnementaux CHV4020 59

Les biopolymères : diférentes familles, propriétés et applications AM3580 63

Incorporation de granulats en caoutchouc dans le béton IN54 67

Procédé INDAR : démontabilité des assemblages structuraux collés IN72 69

Fibres naturelles de renfort pour matériaux composites AM5130 71

Recyclage des métaux précieux M2394 75

Traitement d'extraction des métaux lourds IN70 81

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UW

UX
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Biosolvants
Conception, propriétés et aspects
environnementaux
Pascale DE CARO

par
Maître de conférences
Laboratoire de Chimie Agro-industrielle (LCA), INRA, UMR 1010 CAI,
Université de Toulouse, INPT-ENSACIET, Toulouse, France
et Sophie THIEBAUD ROUX
Professeur
Laboratoire de Chimie Agro-industrielle (LCA), INRA, UMR 1010 CAI,
Université de Toulouse, INPT-ENSACIET, Toulouse, France

1. Contexte..................................................................................................... CHV 4 020 - 2


1.1 Marché des solvants industriels ................................................................ — 2
1.2 Solvants face aux nouvelles réglementations européennes................... — 2
2. Positionnement des biosolvants......................................................... — 4
2.1 Définition d’un biosolvant .......................................................................... — 4
2.2 Les principales familles de biosolvants .................................................... — 4
3. Sélection d’un biosolvant ..................................................................... — 6
3.1 Critères de sélection ................................................................................... — 6
3.2 Méthodologies de substitution .................................................................. — 10
4. Validation des solutions alternatives issues
des méthodologies de substitution.................................................... — 12
4.1 Vérification des propriétés prédites .......................................................... — 12
4.2 Évaluation du niveau de performance d’un biosolvant........................... — 12
4.3 Écocompatibilité du procédé de synthèse du biosolvant ........................ — 13
5. Conclusion – Prospective...................................................................... — 13
6. Glossaire .................................................................................................... — 14
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. CHV 4 020

es solvants occupent une place importante sur le marché des produits de


L spécialités et se retrouvent au cœur de nombreuses applications dans les
domaines des procédés d’extraction, de synthèse, de formulation et de net-
toyage. Plusieurs facteurs sont à l’origine de l’évolution de ce marché vers des
solvants plus propres et plus sûrs : un contexte marqué par les réglementa-
tions visant à réduire l’impact des produits sur l’homme et l’environnement,
l’épuisement des ressources fossiles, la diversification des matières premières,
un intérêt stratégique en termes de communication pour l’entreprise et une
demande croissante des utilisateurs pour des produits écologiques. Ce
contexte de mutation incite les laboratoires de recherche et les entreprises à
développer des solutions alternatives aux solvants pétrochimiques tels que les
biosolvants. Ces derniers ont récemment fait l’objet de nouvelles normes
AFNOR-CEN, dans lesquelles ils sont définis en faisant référence à leur origine
renouvelable (totale ou partielle), à leur mode de production et à leurs pro-
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQU

priétés fonctionnelles.

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CHV 4 020 – 1

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BIOSOLVANTS _____________________________________________________________________________________________________________________

Selon la matière première végétale dont ils sont issus, on trouve différentes
familles de biosolvants capables de répondre à de nombreuses applications.
L’évaluation de leurs performances est basée sur des critères techniques,
environnementaux et sanitaires, concernant leur production et leur utilisation
conformément à une démarche d’écoconception.
Pour identifier un biosolvant performant pour une application ciblée, de nou-
velles méthodologies de substitution faisant appel à des modèles de prédiction
de propriétés ont été développées pour faire face à la complexité de cette
tâche.
Cet article fait l’état des lieux du panomara actuel des biosolvants dispo-


nibles et propose des stratégies et des outils pour la conception et la sélection
de solvants biosourcés adaptés aux contraintes techniques, économiques,
sociétales et environnementales.

comme solvants d’extraction (parfums, médicaments) ou comme


1. Contexte solvants de synthèse ou de purification dans les industries
chimiques et pharmaceutiques (figure 1).
Les solvants constituent une classe de substances largement Parmi les principaux solvants industriels, on distingue les
utilisées dans de nombreux secteurs économiques où ils jouent hydrocarbures aromatiques (toluène, xylènes...) ou non aroma-
des rôles divers. Ce sont des liquides capables de dissoudre, de tiques (alcanes, alcènes...), les alcools (méthanol, éthanol, gly-
diluer ou d’extraire d’autres composés sans engendrer de modifi- cols...), les cétones (acétone, méthyléthylcétone...), les esters
cation chimique. Cependant, les solvants organiques traditionnels (acétates...), les éthers (éther éthylique, tétrahydrofurane,
sont généralement des composés organiques volatils (COV), dioxane, éthers de glycols...), les solvants halogénés (chlorés,
nocifs pour la santé et pour l’environnement. En effet, ils contri- bromés ou fluorés) et les solvants particuliers (amines, amides,
buent à la formation d’ozone troposphérique et à la contamination terpènes...).
des eaux et des sols. En France, ils sont responsables de 45 % des
Le marché des solvants est encore largement dominé par les
émissions de COV non méthaniques (COVNM) répertoriés par le
solvants d’origine pétrochimique. En France, l’ADEME fait état de
CITEPA [1]. C’est pourquoi les réglementations environnemen-
550 000 tonnes de solvants neufs consommés en 2005. D’après
tales incitent les entreprises à utiliser des solvants de substitution.
une étude réalisée en 2015 par ALCIMED pour le compte de
Tout l’enjeu réside dans la conception de produits sûrs « de la
l’ADEME, le taux de pénétration des biosolvants en France s’éle-
matière première au devenir du produit après utilisation ».
vait à 2,5 % en 2009, à 5,8 % en 2012 et est estimé à 19,2 % à
Par ailleurs, dans un contexte de tensions sur les matières pre- l’horizon 2020 [3].
mières, dû à une demande croissante, la diversification vers des
En Europe la consommation de solvants neufs, estimée à
ressources disponibles non fossiles devient indispensable. Ainsi,
3,8 millions de tonnes en 2007, a enregistré une diminution
l’utilisation de la biomasse comme matière première peut être
d’environ 15 % entre 1994 et 2007. Cette tendance s’explique,
préconisée dans le développement de solvants biosourcés répon-
d’une part, par un recours important au recyclage des solvants et,
dant au cadre réglementaire actuel.
d’autre part, par une utilisation plus modérée des solvants chlo-
Si les biosolvants présentent l’avantage d’offrir une alternative rés et hydrocarbonés, et par une diminution du marché des pein-
aux ressources fossiles, ils répondent également à des préoccupa- tures solvantées. On peut également supposer un effet
tions croissantes en matière de sécurité et de santé au travail, de d’anticipation de l’évolution des réglementations, de la part de
la part des acteurs industriels et des législateurs (source INRS l’industrie chimique.
fiche solvant ED 4230, 2012). Le marché des biosolvants en Europe est estimé à
De plus, le bilan environnemental visé par les biosolvants 630 000 tonnes en 2012, en incluant les volumes de bioéthanol uti-
repose sur la réduction des émissions en composés organiques lisé comme solvant ou comme matière première pour d’autres
volatils, sur l’amélioration des propriétés en termes de toxicité, solvants (source agence ERRMA). Les perspectives de développe-
d’écotoxicité et de biodégradabilité, mais aussi sur la prise en ment du marché des biosolvants dépendent de la compétitivité
compte de leur mode de production ; écotechnologies et procédés des procédés de production, des dispositifs incitatifs et de la stra-
propres contribuent positivement aux performances environne- tégie des entreprises en la matière [4]. Ce contexte s’accompagne
mentales calculées. de l’émergence d’une « biobased economy » pour évaluer la faisa-
bilité et la viabilité de ces nouvelles filières de production [5].
Pour adopter une stratégie favorable à la conception et à la
sélection de biosolvants adaptés à un type d’application, il est Les marchés pour lesquels les biosolvants ont percé sont
nécessaire de considérer différents critères (techniques, sanitaires, principalement dans le domaine du nettoyage de surface, de la
environnementaux, économiques) présentés dans cet article. détergence, des encres offset, des peintures et des produits
phytosanitaires.

1.1 Marché des solvants industriels


1.2 Solvants face aux nouvelles
En fonction de leurs propriétés, les solvants peuvent être utilisés réglementations européennes
comme diluants et adjuvants dans le domaine des revêtements
(peintures, vernis, encres), des produits phytosanitaires (pesticides) Au fil des ans, la pression réglementaire concernant les pro-
et des adhésifs. Ils trouvent également des applications comme duits chimiques est devenue de plus en plus forte. En 1981, a
agents de nettoyage (dégraissage, décapage, nettoyage à sec), été créé l'« inventaire européen des produits chimiques

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CHV 4 020 – 2

VP
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______________________________________________________________________________________________________________________ BIOSOLVANTS

Nettoyage Autres : 8 %
à sec : 1 %
Produits
phytosanitaires : 2 %

Extraction
d’huiles : 2 %


Industrie
des polymères
et caoutchouc : 4 %

Nettoyage
Peintures/
industriel : 4 %
Revêtements : 46 %

Produits
ménagers : 6 %

Industrie
cosmétique : 6 %

Adhésifs : 6 %

Industrie pharmaceutique : 9 %
Encres d’imprimerie : 6 %

Figure 1 – Répartition du marché des solvants en Europe en 2009 (d’après [2])

commercialisés » EINECS (European INventory of Existing Com- préoccupants devront être remplacés rapidement et, si cela
mercial Substance). Il répertorie toutes les substances existantes s’avère impossible, seront soumis à une autorisation limitée dans
avant le 18 septembre 1981 au sein de l’Union européenne. Les le temps.
substances nouvelles, enregistrées au-delà de cette date et res-
En plus de REACH, les solvants sont la cible de quatre autres
pectueuses de contraintes toxicologiques et écotoxicologiques,
directives européennes (1999/13/CE, 2001/81/CE, 2004/42/CE, 2004/
ont été classées dans une liste appelée ELINCS (European List of
73/CE) car ils peuvent être classés comme substances dange-
Notified Chemicals Substances). Aujourd’hui, ces substances sont
considérées comme étant enregistrées au titre de REACH (Regis- reuses et/ou responsables d’émissions de COV (Composés Orga-
tration, Evaluation and Authorisation of CHemicals), substances niques Volatils). Il est important de souligner, à ce niveau, que la
pour lesquelles des informations complémentaires devront être définition européenne d’un COV est différente de la définition
fournies en fonction des quantités produites ou utilisées. Selon américaine. En Europe, un COV est défini comme un composé
REACH, ce nouveau règlement entré en vigueur depuis le 1er juin organique dont la pression de vapeur saturante à 20 °C est supé-
2007, il n’incombe plus aux pouvoirs publics mais désormais aux rieure à 10 Pa alors qu’aux États-Unis il est défini comme un com-
fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval, de prou- posé organique participant à des réactions photochimiques dans
ver l’absence d’effets nocifs pour la santé humaine et l’environ- l’atmosphère (à l’exception de certains composés présents sur
nement, des substances fabriquées, mises sur le marché ou une liste positive intitulée « Exempted VOC »). Si la définition
utilisées. De plus, les données de toxicité et d’écotoxicité [6] européenne est précise et ne soulève aucune ambiguïté, la défini-
devront également être exploitées pour évaluer les risques liés à tion américaine est beaucoup plus équivoque car elle ne fait pas
leur utilisation puis définir et recommander des mesures appro- intervenir de paramètre physico-chimique quantifiable. En effet,
priées de gestion des risques. Concrètement, REACH prévoit l’activité photochimique de chaque composé n’est pas nécessaire-
l’analyse et l’enregistrement, sur une période de onze ans, de ment connue et requiert des analyses poussées ou des simula-
30 000 substances produites ou importées dans l’Union et diffu- tions moléculaires avant de pouvoir déterminer s’il s’agit d’un
sées à plus d’une tonne par an. Les produits jugés extrêmement COV.

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CHV 4 020 – 3

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BIOSOLVANTS _____________________________________________________________________________________________________________________

■ Directive 1999/13/CE
La directive COV de mars 1999 (1999/13/CE) fixe, d’une part, des
2. Positionnement
valeurs limites spécifiques à chaque composé présentant des des biosolvants
phases de risque, et d’autre part, des valeurs limites d’émission
(VLE) pour les émissions canalisées (rejetées dans l’atmosphère par
toute canalisation ou conduite, dans laquelle l’air contenant les
vapeurs est capté puis envoyé vers l’extérieur) et les émissions dif-
2.1 Définition d’un biosolvant
fuses (émissions fugitives dues aux fuites sur des équipements fixes
Depuis les années 1990, les préoccupations en matière de santé,
ou émissions durant certaines phases du procédé de fabrication).
de sécurité au travail et d’environnement ont conduit au dévelop-
Les entreprises qui consomment plus d’une tonne de solvant pement de biosolvants, définis d’abord comme solvants d’origine
par an doivent mettre en place un « plan de gestion des naturelle dérivés de la biomasse. Ils sont également respectueux
solvants », démontrant la conformité de leur installation indus- des critères sanitaires et environnementaux, car leur conception


trielle aux objectifs de rejets de COV visés. Pour être exemptée du s’inscrit dans une démarche de développement durable. La défini-
respect des valeurs limites d’émissions canalisées et diffuses (à tion de biosolvant répond à celle plus générale des
l’exception des solvants identifiés à phrase de risque R45, R46, « bioproduits » donnée par la Commission européenne et reprise
R49, R60, R61 et halogénés R40 ou listés en annexe III de l’arrêté par l’ADEME [8].
du 02/02/1998 modifié), l’entreprise doit concevoir, outre un « plan
L’appellation « agrosolvant » utilisée par l’ADEME vise à insister
de gestion des solvants » simplifié (consistant à réaliser un bilan
sur l’origine agricole de la matière première. Les agrosolvants
matière entrée/sortie des solvants de l’installation sans mesurer
sont donc inclus dans les biosolvants.
les rejets gazeux à l’atmosphère), un « schéma de maîtrise des
émissions » (SME). Ce document a pour objectif de démontrer Un biosolvant sera considéré comme d’origine naturelle dans la
que l’industriel s’efforce de réduire les émissions de COV, tout en mesure où la part du synthon naturel dans le produit fini est majori-
garantissant que le flux total annuel des émissions de COV ne taire (selon le référentiel Ecocert SAS). Ce synthon naturel peut être
dépasse pas celui qui serait atteint si les valeurs limites d’émis- issu de matières premières végétales, animales ou minérales, trans-
sions canalisées et diffuses étaient appliquées. formées ou non par des procédés chimiques et physiques autorisés
(en fonction de leur impact sur l’environnement et la santé). Les pro-
Pour aider les industriels, des guides d’estimation des émis-
cédés autorisés sont définis dans le référentiel d’Ecocert SAS [9],
sions de COV et de rédaction de SME ont été rédigés par les fédé-
référentiel validé par la DGCCRF (Direction générale de la concur-
rations et les centres techniques avec l’appui de l’ADEME (Agence
rence, de la consommation et de la répression des fraudes) et paru
de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Ils sont télé-
au Journal officiel d’avril 2003. Des exemples de réactions interdites
chargeables gratuitement sur le site de l’ADEME.
à ce jour sont l’éthoxylation, la sulfonation et les procédés utilisant
■ Directive 2001/81/CE le mercure ou l’oxyde d’éthylène ou l’irradiation. De nombreuses
transformations chimiques étant autorisées, le potentiel de création
La directive 2001/81/CE vise à limiter les émissions des pol- et d’innovation demeure suffisamment large.
luants acidifiants, eutrophisants et précurseurs de l’ozone tropos-
phérique. Elle fixe des plafonds nationaux d’émissions pour Par ailleurs, une commission de normalisation (AFNOR X85), pré-
quatre types de polluants atmosphériques : NOx, SO2, NH3 et sidée par l’Association chimie du végétal (ACDV), élabore plusieurs
COV. Les États membres doivent respecter ces plafonds dès 2010 normes AFNOR (parues ou à paraître) sur les produits biosourcés,
(1 050 kilotonnes pour les émissions de COV). en concertation avec le Comité européen de normalisation (CEN,
comité technique « biobased products »). Ces normes couvrent dif-
■ Directive 2004/42/CE férents aspects dont la détermination du contenu biosourcé et les
La directive 2004/42/CE est complémentaire de la directive 1999/ critères de durabilité. Une de ces normes concerne plus particulière-
13/CE car elle a comme objectif la réduction des émissions de ment les biosolvants [10].
COV pour des applications qui ne sont pas réalisées sur sites
industriels, comme la mise en peinture de bâtiments et la
retouche automobile. 2.2 Les principales familles
■ Directive 2004/73/CE
de biosolvants
Enfin, la directive 2004/73/CE fixe la liste des substances dange- Actuellement, les biosolvants sont utilisés essentiellement en
reuses et donne leur classification. Elle concerne donc également formulation et dans une moindre mesure comme solvant d’extrac-
les solvants. tion ou en synthèse organique (inerte chimiquement). En effet,
Par ailleurs, l’exposition des salariés aux solvants dans le cadre aujourd’hui les principaux critères de la chimie verte conduisent
de leur activité professionnelle peut provoquer des maladies les chimistes organiciens à mettre en œuvre des réactions de pré-
reconnues et indemnisées par l’assurance maladie (tableau n° 84 férence sans l’ajout d’un tiers solvant (un des réactifs jouant le
des maladies professionnelles du régime général) [7]. rôle de solvant) ou en utilisant un solvant vert [11].
Ce contexte réglementaire et sanitaire montre une réelle prise Décrivons maintenant les principaux biosolvants entrant en jeu
de conscience des risques liés à l’utilisation des solvants, entraî- dans des formulations de nettoyage, de produits phytosanitaires,
nant des efforts de recherche accrus depuis une dizaine d’années d’encres d’imprimerie, de peintures, de vernis ou de liants bitumi-
dans le monde (augmentation significative des publications dans neux.
ce domaine). Des alternatives à l’utilisation de solvants conven- Les biosolvants peuvent être classés selon les ressources
tionnels se sont en particulier développées pour obtenir des sol- renouvelables desquelles ils sont issus :
vants moins nocifs, dits solvants verts. Parmi ces nouveaux
• les dérivés des lipides ;
solvants, on peut citer le CO2 et l’eau supercritique, les « deep
eutectic solvents », les liquides ioniques, le dimethylcarbonate… • les dérivés des acides fermentaires ;
et les biosolvants, De nombreuses entreprises se sont d’ailleurs • les dérivés des polysaccharides (sucres, amidon) ;
déjà engagées dans le développement de molécules de substitu-
tion pour répondre à une demande croissante pour des produits • les dérivés de la biomasse lignocellulosique.
plus sûrs. La Commission européenne soutient notamment le Les solvants cités ci-dessous ont dans tous les cas fait l’objet
développement du marché des biosolvants par le biais du Lead d’un transfert à l’échelle industrielle. Seuls certains dérivés de la
Market Initiative (LMI). lignocellulose ne sont pas encore disponibles commercialement.

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CHV 4 020 – 4

VR
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amSUXP

Les biopolymères : différentes


familles, propriétés et applications
Par Nathalie JARROUX
Maı̂tre de Conférences à l’Université d’Evry Val d’Essonne

1.
1.1
Différentes familles de biopolymères et leurs propriétés ......
Polysaccharides ..................................................................................
1.1.1 Amidon.....................................................................................
AM 3580 – 2


2
3

1.1.2 Cellulose................................................................................... — 4
1.1.3 Chitine et chitosan ................................................................... — 5
1.2 Protéines ............................................................................................. — 5
1.2.1 Caséine ..................................................................................... — 6
1.2.2 Gluten de blé ........................................................................... — 6
1.2.3 Protéine de soja ....................................................................... — 6
1.2.4 Kératine .................................................................................... — 6
1.2.5 Collagène ................................................................................. — 6
1.3 Polynucléotides .................................................................................. — 7
1.4 Polyesters de bactéries ...................................................................... — 8
1.5 Biopolymères synthétisés à partir de monomères issus
de ressources renouvelables ............................................................. — 9
1.5.1 Polyesters synthétisés à partir d’huiles naturelles ................. — 9
1.5.2 Polymères microbiens ............................................................. — 10
1.5.3 Polymères obtenus par voie transgénique ............................. — 12
2. Principales applications de ces biopolymères .......................... — 12
2.1 Applications médicales ...................................................................... — 13
2.1.1 Sutures chirurgicales ............................................................... — 14
2.1.2 Atèles ....................................................................................... — 14
2.1.3 Greffage vasculaire .................................................................. — 14
2.1.4 Prévention d’adhésion ............................................................. — 14
2.1.5 Peau artificielle......................................................................... — 14
2.1.6 Système de libération contrôlée de médicaments ................. — 14
2.2 Applications agricoles ........................................................................ — 15
2.2.1 Films de paillage agricoles...................................................... — 15
2.2.2 Libération contrôlée de produits chimiques
pour l’agriculture ..................................................................... — 15
2.2.3 Godets pour plants .................................................................. — 15
2.3 Emballage ........................................................................................... — 15
2.3.1 Emballage alimentaire ............................................................. — 15
2.3.2 Emballages industriels ............................................................ — 16
3. Conclusion........................................................................................ — 16
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. AM 3 580

C es dernières années, la fabrication de plastiques à partir de ressources


renouvelables s’est avérée être un nouvel enjeu économique. Celui-ci est
lié à la prise de conscience de l’impact des matériaux plastiques qui connais-
sent un réel essor mais dont le caractère polluant dû à un mauvais recyclage
présente un risque pour notre planète. La chimie des polymères est née de la
connaissance d’un biopolymère courant : la cellulose plus connue sous le nom
de bois. En effet, la cellulose appartient à la famille des polysaccharides qui est
une des familles de biopolymère. Les biopolymères sont donc des polymères
issus exclusivement d’organismes vivants ou de polymères synthétisés à partir
de ressources renouvelables. Ces polymères connaissent depuis quelques
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années un réel essor du fait de leurs origines biologiques et surtout de leur

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LES BIOPOLYMÈRES : DIFFÉRENTES FAMILLES, PROPRIÉTÉS ET APPLICATIONS –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

caractère biodégradable. Leurs utilisations en substitution ou même en


mélange à d’autres polymères synthétisés à partir d’hydrocarbures offrent
donc des applications intéressantes. En effet, dans un monde où les matériaux
recyclables ou biodégradables prennent peu à peu plus de place, les biopoly-
mères sont de plus en plus valorisés.

un biopolymère [1]. Cependant, celui-ci présente une dégradation


1. Différentes familles meilleure que celle de son équivalent synthétique, mais comme
de biopolymères et leurs

défini dans le paragraphe 2, le terme biodégradable ne peut lui
être attribué. Cependant, ces derniers peuvent laisser place à une
propriétés large classe de biopolymères qui concerne les polyesters naturels
dont les applications sont aussi vastes que variées. De plus, une
dernière famille de biopolymère peut être prise en compte, c’est
bien sûr, celle qui englobe l’ADN (acide désoxyribonucléique) à
Les biopolymères d’origine biologique peuvent se classer en savoir, les polynucléotides. En effet, ces derniers possèdent des
quatre grandes familles : propriétés qui soulèvent un certain engouement et qui pourrait lais-
– les polysaccharides ; ser envisager de futures applications car, à ce jour, leurs applica-
– les protéines ou polypeptides ; tions en tant que matériaux sont inexistantes.
– les polyesters synthétisés par des bactéries ; La figure 1 représente bien les différentes voies d’obtention des
– les polynucléotides. polymères d’origine biologique.
Selon l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maı̂trise de
l’énergie), les biopolymères sont des polymères naturels issus de
ressources renouvelables de plantes, d’algues ou d’animaux. 1.1 Polysaccharides
Selon cette définition trois grandes classes sont alors répertoriées :
les polysaccharides, les protéines et la lignine. Et, comme précisé Les polysaccharides [2] simples ou complexes synthétisés par
en introduction, les biopolymères peuvent aussi être obtenus par des organismes vivants entrent dans la composition de la plupart
polymérisation de monomères naturels ou identiques aux naturels. des cellules (microbiennes, animales et végétales). Parmi les plus
Seulement, très souvent (ces dernières années voir dossier Les connus, on peut citer la cellulose, l’amidon, la chitine, le chitosan
polymères biodégradables, [AM 3 579]), on assimile aux biopoly- représentés figure 2. Ces polysaccharides sont constitués de 100 à
mères leur caractère dégradable. Avec ce point de vue, la lignine 1 000 motifs D-glucopyranose reliés entre eux par des liaisons acé-
d’origine naturelle (mais pourtant un polyphénol), non biodégra- tal. Une description détaillée de l’amidon, de la cellulose, de la chi-
dable ne peut donc apparaı̂tre comme un biopolymère. Dans la tine et du chitosan ayant déjà été présentée dans le dossier Les
même idée, le caoutchouc naturel issu de l’Hévéa (le polyisoprène polymères biodégradables [AM 3 579], ceux-ci ne seront que suc-
cis 1,4) est un polymère naturel qui devrait être considéré comme cinctement abordés.

Polymères microbiens : Polyuréthanes


Polyesters PLA PHA, xanthane, pullulane Polyamides

Polycondensation des biomonomères Fementation à partir Réaction chimique à


issus de la biomasse de la biomasse partir de la biomasse

Biomonomères

Voie 2 : hydrolyse et/ou fermentation

Ressources renouvelables

Voie 1 : extraction directe

Cellulose et Fibres Amidon Autres Huiles Protéines Caoutchouc


lignocellulose naturelles polysaccharides

Figure 1 – Voies d’obtention des biopolymères végétaux

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1.1.1 Amidon L’amylose et l’amylopectine ne sont que deux des nombreux


polysaccharides pouvant former des structures hélicoı̈dales. L’amy-
L’amidon est un polymère que l’on rencontre dans des végétaux. lose est hydrosoluble dans l’eau bouillante alors que l’amylopec-
Les principales sources de production sont les pommes de terre, les tine ne l’est pas. La principale propriété lorsque l’amidon est condi-
céréales et le riz. Le motif principal de répétition de l’amidon est pré- tionné sous forme de film est sa faible perméabilité et sa
senté figure 2. Celui-ci est composé de deux a-D-glucanes : l’amylose dégradation aisée en présence de microorganismes. Un traitement
et l’amylopectine dont la proportion massique dans la plupart des
chimique permet de rendre l’amidon résistant à un cisaillement
amidons est de 20 à 30 % d’amylose contre 70 à 80 % d’amylopectine.
thermomécanique, car la stabilité de ce polymère sous contrainte
L’amylose est le polymère linéaire d’un degré de polymérisation n’est pas très élevée. A partir de 150  C, les liaisons glucosyle com-
moyen en nombre supérieur à 100 dont les résidus glucosyles sont mencent à se rompre et à environ 250  C, les grains d’amidon col-
liés en a (1-4) comme présenté figure 3. lapsent endothermiquement. A faible température, un phénomène
L’amylopectine est le polymère ramifié d’un degré de polymérisa- connu sous le nom de rétrogradation est observé pouvant conduire
tion moyen en nombre de 104 à 105 et donc dans ce cas, les résidus à la précipitation sous 10  C. C’est ces dernières caractéristiques


glucosyles sont liés en a (1-4) et en a (1-6) comme présenté figure 4. qui sont utilisées pour la fabrication de films.

H OH H OH
H H
O O
Amidon Chitine
* *
HO H HO O
H H n
OH NH
H O H O C H

n CH3
H OH H OH
H H
O O
Cellulose Chitosan
* *
HO O HO O
H n H n
OH NH2
H H H H

Figure 2 – Différents motifs de répétition des polysaccharides

CH2OH CH2OH CH2OH


O O O
H H H H H H
4
H 1 4
H 1 4
H 1
OH H α OH H α OH H α
O O O O

H OH H OH H OH

Figure 3 – Formule de l’amylose

CH2OH CH2OH
O O
H H H H
4
H 1 4
H 1
α OH H α OH H α
O O O

H OH H OH
6 CH2
CH2OH CH2OH CH2OH
O O O O
H H H H H H H H
4
H 1 4
H 1 4
H 1 4
H 1
α OH H α OH H α OH H α OH H
O O O O O

H OH H OH H OH H OH

Figure 4 – Formule de l’amylopectine

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Cellobiose

OH OH OH
O 6 OH
O 4
5 O
HO HO O HO O
HO O HO
2 OH
O HO
O 3 1 O O
OH O OH
OH OH n

R Extrémité non réductrice Anhydroglucopyranose Extrémité réductrice

Figure 5 – Formule de la cellulobiose

Planche

Structure
anatomique

Cellule

Paroi
cellulaire
L
S3

Microfibrilles S2

S1
P
LM
Molécule

L : lumen
S1+S2+S3 : paroi secondaire
P : paroi primaire
LM : lamelle mitoyenne

Figure 6 – Représentation schématique de la localisation de la cellulose [3]

Quand l’amidon est extrudé c’est-à-dire soumis à de l’énergie 1.1.2 Cellulose


thermique et mécanique, le matériau est transformé en thermo-
plastique. L’utilisation de plastifiants est recommandée pour dimi- La cellulose est un homopolymère cristallin qui ne diffère des
nuer les liaisons hydrogène intermoléculaires et stabiliser les pro- autres polysaccharides que par sa très longue chaı̂ne, d’un degré
priétés du produit. En raison du caractère hydrophile de l’amidon, de polymérisation moyen en nombre pouvant varier de 200 à
les performances des matériaux extrudés varient pendant et après 15 000 voir au-delà, constituée que d’unités D-anhydroglucopyra-
la transformation en fonction des proportions d’eau. Pour éviter nose (AGU). Le motif de répétition est le dimère : cellulobiose
cette fluctuation, différents dérivés de l’amidon ont été synthétisés. (voir figure 5) alors que de nombreux polysaccharides contiennent
Les mélanges avec des polymères hydrophobes produisent des for- un motif disaccharidique et plus occasionnellement des motifs
mulations acceptables pour la mise en œuvre de pièces, par mou- tétra, penta ou héxasaccharidiques.
lage ou sous forme de films. Des additifs ont été ajoutés pour faci- Le motif principal est présenté figure 2, et l’on constate que la
liter les mélanges ou le laminage. composition chimique est semblable à celle de l’amidon à

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INNOVATION

Incorporation de granulats
en caoutchouc dans le béton

par Anaclet TURATSINZE

Dopage de la résistance à la fissuration des matériaux cimentaires par incor-


poration de granulats en caoutchouc issus du broyage de pneus usagés.

résistance en traction les rendent sensibles à la fissu-


Anaclet TURATSINZE est Maître de Conféren- ration, notamment à la fissuration de retrait. D’une façon générale,
ces – Habilité à diriger des recherches (HDR), il se reporter aux dossiers
À titre d’exemple, les dallages, les chaussées et Bétons de fibres métal-
enseigne au département de Génie Civil de l’IUTA, plus généralement les éléments mis en place en liques (BFM) [C 2 214]
Université Paul SABATIER (Toulouse III) et effec- grande surface se fissurent sous l’effet du retrait.
de Pierre ROSSI et Cal-
tue ses travaux de recherche au Laboratoire feutrement des joints
De plus, le vieillissement des structures en béton dans le bâtiment. Géné-
Matériaux et Durabilité des Constructions (LMDC) pose le problème de leur réparation. Une des tech- ralités [C 3 660] de Phi-
de l’Institut National des Sciences Appliquées et niques utilisées est le rechargement mince adhé- lippe GOGNARD.
de l’Université Paul Sabatier de Toulouse. rent. Sa fissuration, quelle que soit son origine,
joue un rôle moteur dans son décollement [1] [2]
[3] [4] et limite sa durabilité. Quant aux joints de
retrait, ils permettent seulement de limiter le
1. Contexte désordre en localisant la fissuration. De ce fait, le
joint constitue généralement le point de départ de
futurs désordres. Ironie du sort, si les matériaux
Peu coûteux et faciles à mettre en œuvre, les
cimentaires ont, ces dernières décennies, connu un
matériaux cimentaires dominent le marché des
développement considérable, c’est essentiellement
matériaux de construction. Néanmoins, leur faible
en terme de résistance en compression, puisque la
résistance en traction conjuguée avec leur faible formulation des bétons à hautes performances,
capacité de déformation les rendent très fragiles et voire des bétons à très hautes performances n’est
sensibles à la fissuration. Le cas de la fissuration due plus réservée aux spécialistes. Malheureusement
aux déformations imposées est un exemple criant ces nouveaux matériaux sont encore plus fragiles et
limitant la durabilité des applications. Des essais plus sensibles à la fissuration [5].
mécaniques ont confirmé que l’incorporation de gra-
nulats à faible module de déformation, en l’occur- Dans tous les cas, cette fissuration est difficilement
rence des granulats en caoutchouc issus du broyage acceptée et au-delà du désagrément esthétique, elle
de pneus usagés est préjudiciable de la résistance en peut être préjudiciable au fonctionnement même des
compression et en traction des matériaux cimen- structures.
taires. En contrepartie, en traction, le composite L’amélioration de la capacité de déformation des
obtenu a une plus grande capacité de déforma- matériaux cimentaires, facteur de limitation de la fis-
tion avant localisation de la macrofissuration. suration, n’est donc pas une question que l’on se
Par ailleurs, et cela malgré des variations dimension- pose mais une question qui s’impose.
nelles de retrait plus importantes, il a été démontré Pour atteindre cet objectif, nous avons choisi de
que ce composite a une meilleure résistance à la fis- perturber le processus de propagation des fissures
suration de retrait, une pathologie récurrente des dans le matériau par relaxation des contraintes lors-
éléments à base cimentaire. Au-delà de cet intérêt que la fissure débouche sur un granulat. Pour cette
d’ordre structural, ce composite offre une nouvelle fin, nous avons envisagé d’incorporer des granu-
voie de valorisation de pneumatiques usagés non lats déformables dans la matrice cimentaire.
réutilisables, un gisement qui en 2002 dans le cas de Concrètement, nous avons utilisé des granulats en
la France, était estimé à 390 000 tonnes dont envi- caoutchouc issus du broyage de pneus usagés.
ron 25 % se retrouvaient dans la nature. En soi, l’utilisation de ce type de granulats n’est
pas originale. Cependant, la plupart des travaux de
Les matériaux cimentaires, par leur performance recherche ayant porté sur le sujet n’avaient pour
en termes de résistance mécanique et de durabilité motivation première que le recyclage du déchet
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constituent les matériaux de construction de réfé- industriel : de telles études n’ont pas connu des len-
rence. Ils restent pourtant perfectibles : leur capacité demains à la hauteur des ambitions initialement affi-
de déformation très limitée ainsi que leur faible chées, et ce pour deux raisons majeures.

7 - 2006 © Techniques de l’Ingénieur IN 54 - 1

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INNOVATION

— La première est inhérente à la fiabilité de la Le renforcement par des fibres étant une solution
filière granulats issus du broyage de pneus usagés traditionnellement mise en œuvre pour limiter les
qui offrait peu de certitude sur la régularité d’appro- effets de la fissuration, nous l’avons aussi testé et
visionnement et des garanties insuffisantes sur la avons comparé son efficacité avec celui de l’incorpo-
qualité du produit. Toutefois, ces freins se sont effa- ration de granulats en caoutchouc.
cés avec l’évolution des mentalités et de la techni-
que, avec les exigences en terme de protection de
l’environnement de plus en plus contraignantes ainsi 2. Matériaux étudiés

que la révision des repères économiques inspirés du
développement durable. Les résultats présentés permettent de comparer
— La deuxième raison, et elle est de loin prépon- les propriétés mécaniques d’un mortier de référence
dérante, est inhérente à la baisse de la résistance à celle d’un mortier incorporant 30 % de granulats en
en compression, la caractéristique par excellence caoutchouc. Les effets d’un renfort par des fibres
de dimensionnement des structures. L’amplitude du métalliques (40 kg/m3) associé ou non à l’incorpo-
phénomène est telle que, à une époque où l’amélio- ration de granulats en caoutchouc ont aussi été
ration de la résistance en compression constituait un évalués.
objectif consensuel dans les laboratoires, entretenir
un quelconque espoir quant à l’intérêt du composite
incorporant les granulats en caoutchouc devait a Pour faciliter la lecture du document, nous
priori relever d’un anachronisme difficilement soute- avons adopté la nomenclature suivante : le nom-
nable. Toutefois, même si on s’entête à caractériser bre précédent la lettre « C » représente la frac-
le matériau par sa résistance en compression, dans tion volumique en granulats en caoutchouc (%)
de nombreuses applications comme celles précédem- et celui précédant la lettre « F » indique le
ment citées, le comportement en traction s’avère dosage en fibres (en kg/m3).
d’une importance de premier ordre. En l’occurrence,
améliorer la capacité de déformation du composite
cimentaire confère une grande résistance à la fissu- Le ciment utilisé est de type CEM I 52.5R.
ration due aux déformations imposées dont les cau- Comme granulats naturels, nous avons employé du
ses sont multiples. S’agissant d’éléments à grandes sable siliceux roulé de Garonne. Les granulats en
surfaces, le retrait est à l’origine de cette fissuration, caoutchouc issus du broyage de pneus usagés
avec circonstances aggravantes si ce retrait est gêné. sont utilisés en substitution volumique (absolue) du
D’autres phénomènes comme les réactions alcali gra- sable. Leurs densités respectives sont 2,7 et 1,2 et
nulats, les réactions sulfatiques, le gel-dégel ou la dans les deux cas, la dimension du plus gros grain
corrosion des armatures peuvent générer ces est de 4 mm. Dans le cas des compositions renfor-
déformations imposées. cées de fibres, des microfibres métalliques tréfi-
lées droites, de 13 mm de longueur et 0,17 mm de
Quant à l’impact écologique de ce programme diamètre ont été introduites dans le mélange lors du
initié en 1997, il n’est ni accidentel ni négligeable malaxage.
mais reste un bonus dans nos motivations initiales
car nous avons gardé à l’esprit que la pénétration du Pour faciliter la mise en place du matériau, en par-
composite cimentaire incorporant des granulats en ticulier lorsque les fibres sont ajoutées, un superplas-
caoutchouc sur le marché des matériaux de cons- tifiant à base de mélamine formol sulfoné a été utilisé
truction dépendra d’abord de l’intérêt de ses proprié- et l’introduction d’un agent de texture (agent
Décret no 2002-1563 du
24 décembre 2002 rela- tés et non de ses constituants. Néanmoins, nous colloïdal) dans le mélange cimentaire a permis de
tif à l’élimination des sommes obligés de reconnaître que la législation a limiter la ségrégation des granulats en caoutchouc
pneumatiques usagés, conforté ce volet dans ce sens où le décret ministériel lors de la vibration des échantillons. Afin de s’affran-
JO 303 du 29 décembre no 2002-1563 du 24 décembre 2002 interdit d’aban- chir de l’incidence des effets secondaires de cet adju-
2002.
donner, de déposer dans le milieu naturel ou de brû- vant sur les propriétés du mortier, nous l’avons aussi
ler à l’air libre les pneumatiques. À cette même utilisé dans la composition de référence. Dans tous
époque environ 25 % des 390 000 tonnes de pneus les cas, le temps d’écoulement mesuré grâce au
usagés produits en France échappent à tout maniabilimètre à mortier LCL est compris entre 3 et
contrôle ; un bilan est difficile à équilibrer sans pro- 8 s. La composition des mortiers est donnée dans le
mouvoir de nouvelles voies de valorisation. tableau 1.

Tableau 1 – Compositions des mortiers, quantités exprimées en kg/m3


Agent
Composition Ciment Sable Eau Granulats en caoutchouc Super-plastifiant Fibres
colloïdal
M0C0F 0
1 600 0
M0C40F 40
500 250 0,8 3
M30C0F 0
1 120 215
M30C40F 40

IN 54 - 2 © Techniques de l’Ingénieur 7 - 2006

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INNOVATION

Procédé INDAR : démontabilité


des assemblages structuraux
collés

par José ALCORTA, Maxime OLIVE et Eric PAPON

Le procédé INDAR (Innovative Disassembling Adhesives Research) est une


solution technologique qui vise à décoller sur commande les joints collés
structuraux. Ce procédé apporte donc une solution simple et efficace aux
problèmes de maintenance et de recyclage et s’inscrit pleinement dans une
démarche d’écoconception.

thermique bien défini de générer des gaz qui vont


José ALCORTA est directeur de la société induire des contraintes mécaniques défavorables à
RESCOLL, Maxime OLIVE est ingénieur Recher- l’assemblage et permettre la séparation sans effort
ches et Développement dans la même société et des substrats collés.
Eric PAPON, professeur des Universités, tra-
vaille au Laboratoire de Chimie des Polymères Ces additifs sont très connus du monde industriel,
Organiques (UMR 5629). car ils sont de plus en plus utilisés pour la fabrica-
tion de plastiques alvéolaires et remplacent petit à
petit les méthodes traditionnelles de moussage fai-
1. Principe général sant appel à des solvants à faible température
d’ébullition de type CFC, composés fluorochlorés,
de fonctionnement interdits par le protocole de Montréal. Les agents
chimiques se présentent sous forme de poudres ou (1)
Avec le procédé INDAR, mis au point par les équi- RESCOLL
de liquides, sont stables à la température normale http://www.rescoll.fr
pes de recherche de RESCOLL Centre
Technologique (1), les opérations de désassemblage d’entreposage et dans des conditions de transfor-
de pièces collées deviennent techniquement mation bien précises, mais subissent une
réalisables et économiquement rentables. Les résul- décomposition accompagnée d’une libération
tats présentés dans ce dossier concernent les gazeuse réglable, à des températures raisonnable-
matrices époxydes, mais de nombreuses autres ment bien définies (ou conditions de réaction).
combinaisons d’adhésifs et de substrats ont été tes- Lorsque l’on utilise de tels agents pour former les
tées. Cette technologie fait preuve d’une certaine alvéoles, la phase gazeuse du plastique alvéolaire
polyvalence puisqu’elle peut être utilisée pour une qui en résulte est différente de l’agent gonflant
large gamme d’adhésifs structuraux, comme les (ordinairement une substance solide). Les agents
époxy (notamment des grades pour l’aérospatiale et gonflants de cette classe ordinairement employés
l’aéronautique), les colles réticulables aux UV, les sont les composés organiques de l’azote ou encore
polyuréthanes ou les silicones, et également pour les sulfonylhydrazides ; ils produisent surtout, de
de nombreux substrats tels que l’acier, le verre, l’azote et de faibles proportions d’autres gaz (CO2,
l’aluminium, tout cela combiné avec un large éven- H2O le plus souvent).
tail de traitements de surface : bain surfochromi-
que, sablage, brossage, dégraissage solvant, ... et L’eau est un agent gonflant bien connu encore
pour différentes températures d’activation. utilisé dans la production de certaines mousses de
(2)
Le procédé INDAR permet, par formulation de polyuréthane. L’eau réagit avec l’isocyanate du Un primaire est
nouveaux adhésifs et primaires (2) ou reformulation mélange moussant pour engendrer du gaz carbo- une fine couche de ver-
nis destinée à préparer
d’adhésifs commerciaux, de conférer à ces derniers nique (CO2), qui produit la structure alvéolaire. La la surface avant collage.
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPPW

la possibilité d’être démontés très facilement à tem- phase gazeuse (gaz carbonique) du plastique
pérature ambiante après activation thermique. En alvéolaire qui résulte est différente de la substance
effet, l’ajout d’agents d’expansion chimiques (ou utilisée comme agent gonflant. On peut donc
agents gonflants), très utilisés par exemple pour considérer l’eau comme une sorte d’agent gonflant
le moussage des plastiques, permet par un apport chimique.

10-2007 © Editions T.I. IN 72 - 1

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INNOVATION

1re phase 2e phase

Adhésif ou primaire
Activation

Substrat

Migration à l'interface Fragilisation de l'interface

R Figure 1 – Mode d’action général du procédé

Les mousses plastiques ou plastiques alvéolaires


constituent des formes relativement nouvelles de Intérêt économique du désassemblage
matériaux à base de polymères. Ils sont légers, se
prêtent à divers usages et sont de plus en plus À titre d’exemple, 66 millions de pare-brise
employés dans des applications variées qui collés sont remplacés par an dans le monde.
incluent : l’isolation thermique et phonique, les Actuellement, en Europe, 9 millions d’automobi-
âmes (matériaux de cœur) des panneaux du type les en fin de vie génèrent chaque année plus de
sandwich, la fabrication de meubles et de matériaux 2 millions de tonnes de déchets non métalliques
flottants. Par rapport aux matériaux traditionnels (verre, plastiques, composites). L’utilisation
tels que le bois, le verre, le métal et le béton, les d’adhésifs démontables permettra de diminuer
plastiques alvéolaires sont légers et ont en général considérablement l’impact environnemental des
un fort rapport de la résistance mécanique à la automobiles à venir, et ce dans le respect des
(4)
Directive euro-
masse. limites fixées par les directives européennes (4).
péenne 2000/53/EC Dans le cas de la technologie présentée, le choix
sur la fin de vie des de l’additif se fait selon certaines propriétés bien
véhicules.
spécifiques qui permettront à ce dernier de migrer à
l’interface durant l’activation et de générer ainsi
localement les contraintes, ce qui donne après
désassemblage des surfaces nettes, facilement
réutilisables. Ce mode d’action (figure 1) comprend
donc deux temps principaux, d’abord la migration
Primaire
des composés actifs à l’interface joint/substrat puis
le clivage de l’interface sous l’action des gaz géné-
rés par les additifs. Par ailleurs, la large gamme
d’agents d’expansion (ou agents gonflants) disponi-
bles permet de proposer différentes températures
d’activation, en accord avec le cahier des charges
de l’application visée.
Après addition de ces composés, les nouvelles
formulations présentent des caractéristiques identi-
Rupture
ques vis-à-vis de leur stockage ou de leur mise en Colle adhÈsive
adhésive
œuvre. L’ajout de ces molécules dans les adhésifs
ou dans les primaires n’altère pas les caractéristi-
ques mécaniques, adhésives et cohésives des
dépôts ou des joints de colle jusqu’à la température
d’activation. La contrainte à la rupture, mesurée en
Figure 2 – Surfaces nettes après activation
traction-cisaillement sur des éprouvettes du type de
celle présentée sur la figure 5, peut chuter jusqu’à
moins de 0,1 MPa après activation, alors que la
valeur nominale avant activation est 100 à 200 fois 2. Premier mode d’action
supérieure interdisant ainsi tout démontage sans
dommage. 2.1 Description
L’obtention de surfaces propres (figure 2) après
démontage est une innovation majeure. Les docu- Ce premier mécanisme fait appel à des substan-
ments de propriété industrielle font en effet état ces capables de fondre avant décomposition, ce qui
d’autres technologies de décollement faisant appel peut être aisément vérifié par analyse enthalpi-
(3)
Sur l’AED et l’ADM aux agents gonflants, mais les gaz générés pendant que différentielle AED (3), comme illustré en
l’activation du composé entraînent dans chaque cas figure 3.
Caractérisation des
polymères par analyse une explosion du joint de colle. On obtient alors des La présence de ce point de fusion permet à l’addi-
thermique, [AM 3 274] substrats souillés, difficiles à nettoyer en cas de tif de migrer à l’état liquide à l’interface. Il est pos-
de G. TEYSSÈPRE et
C. LACABANNE. maintenance. Au contraire, le procédé INDAR per- sible de suivre ce phénomène en utilisant un
met, par le choix et la mise en œuvre bien spécifi- microscope optique polarisant équipé d’une platine
ques des additifs, d’obtenir des surfaces propres chauffante. Les clichés présentés en figure 4 illus-
après activation. Deux mécanismes de décollement trent l’évolution de l’interface d’un collage verre-
(§ 2 et § 3), répondant au principe global décrit époxy INDAR. Le suivi en température, localisé à ce
précédemment, ont pu être mis en évidence. niveau par le jeu de la focale, montre clairement

IN 72 - 2 © Editions T.I. 10-2007

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Fibres naturelles de renfort


pour matériaux composites

par Christophe BALEY


Docteur de l’Université et de l’École centrale de Nantes
Enseignant-chercheur à l’Université de Bretagne Sud

1. Enjeux ....................................................................................................... AM 5 130 - 2


2. Présentation des différentes fibres naturelles .............................. — 2
3. Fibres d’origines végétales ................................................................. — 4
3.1 Structure d’une fibre ................................................................................. — 4
3.1.1 Modèle simplifié ............................................................................... — 4
3.1.2 Structure détaillée ............................................................................ — 5
3.2 Présentation de différentes fibres végétales........................................... — 6
3.3 Comportement en traction d’une fibre végétale..................................... — 7
3.4 Traitements des fibres............................................................................... — 7
4. Fibres d’origine animale ...................................................................... — 8
5. Matériaux composites et fibres naturelles..................................... — 9
5.1 Exemples d’application............................................................................. — 9
5.2 Technologies de transformation .............................................................. — 9
5.3 Biocomposites ........................................................................................... — 10
5.4 Propriétés mécaniques ............................................................................. — 10
6. Conclusion et perspectives ................................................................ — 12
Pour en savoir plus......................................................................................... Doc. AM 5 130

n matériau composite se définit comme un arrangement de fibres – continu


U ou non – d’un matériau résistant (le renfort), noyé dans une matrice dont
la résistance mécanique est beaucoup plus faible. La matrice (le liant) conserve
la disposition géométrique du renfort et lui transmet les sollicitations auxquelles
est soumise la pièce. Elle peut appartenir à la famille des polymères, des métaux
ou des céramiques.
Dans cet article ne sont abordées que les fibres organiques et naturelles, et
les matériaux composites associés, à matrice polymère.
Sous le terme « fibres naturelles » se trouvent des fibres organiques, d’ori-
gine végétale (cellulosique) et animale (protéinique), et des fibres minérales
telles que l’amiante.
L’utilisation de fibres naturelles comme renfort de matériaux composites se
justifie pour :
— valoriser une ressource locale dans des pays peu industrialisés ;
— développer des matériaux et des technologies prenant en compte les
impacts sur l’environnement.
L’objectif de cet article n’est pas de faire un inventaire de toutes les fibres dis-
ponibles, mais de présenter les exemples les plus intéressants.
Si de nombreuses variétés de fibres naturelles existent, pour la fonction de
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQS

renfort on constate que les fibres présentant les performances les plus intéres-

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FIBRES NATURELLES DE RENFORT POUR MATÉRIAUX COMPOSITES _____________________________________________________________________________

santes ont un rôle structurel dans la nature. Les propriétés des différentes fibres
naturelles organiques sont présentées dans cet article, mais il faut rappeler que,
compte tenu de leur caractère naturel, leurs performances sont dispersées. Il ne
faut donc pas conclure hâtivement de la supériorité ou du manque d’intérêt de
telle ou telle variété.
Les fibres végétales sont couramment utilisées car ce sont les fibres les plus
disponibles. Leur structure complexe est assimilable à celle de matériaux
composites renforcés par des fibrilles de cellulose disposées en hélice. Les para-
mètres les plus importants sont le pourcentage de cellulose (renfort) et l’angle
microfibrillaire (orientation du renfort).


Les soies animales, bien que peu utilisées, présentent un allongement à rup-
ture très important. Cette caractéristique illustre l’intérêt qu’elles présentent car,
en terme d’absorption d’énergie mécanique, les soies sont inégalées dans le
monde des fibres synthétiques et naturelles.
Les technologies de transformation utilisables pour la réalisation de pièces
en matériaux composites sont identiques à celles utilisées pour des fibres de
synthèse en veillant toutefois à ne pas dépasser une température de 200 à
230 oC, qui correspond au début de la dégradation.
L’utilisation de biocomposites, association d’un biopolymère (polymère bio-
dégradable) et de biofibres (fibres biodégradables), présente des avantages
pour le recyclage. En effet, ils permettent la réalisation de pièces qui, en fin de
vie, seront broyées puis incorporées dans un compost.

1. Enjeux carbone et/ou de méthane et éventuellement de sous-produits non


toxiques pour l’environnement.
Ces fibres sont considérées comme neutres vis-à-vis des émis-
D’une manière générale, l’utilisation de fibres naturelles comme sions de CO2 dans l’atmosphère puisque leur combustion ou leur
renfort de matériaux composites se justifie pour : biodégradation ne produit qu’une quantité de dioxyde de carbone
— valoriser une ressource locale dans des pays peu industriali- égale à celle que la plante a absorbé pendant sa croissance. Les
sés, les composites à fibres naturelles ouvrant de nouveaux débou- objets en composites à fibres naturelles sont donc plus faciles à
chés aux produits agricoles ; recycler et, si leur matrice est biodégradable (biopolymères), après
— développer des matériaux et des technologies prenant en broyage ils sont compostables. Il faut considérer que les matériaux
compte les impacts sur l’environnement. Les fibres naturelles sont composites renforcés par des fibres naturelles sont en cours de
des matériaux de qualité qui se fabriquent et se recyclent naturel- développement ; leurs applications sont encore limitées mais ils
lement sur terre depuis des millions d'années (matériaux biodégra- sont amenés à jouer un rôle dans l’industrie future, notamment
dables et renouvelables par culture). Dans cet esprit, on envisage dans le domaine de la construction.
de remplacer les fibres de verre par des fibres naturelles, non pour Le lecteur pourra consulter la référence [1] sur les produits renou-
faire des économies, mais parce que les matières premières renou- velables et le monde végétal et la référence [2] sur les enjeux pour
velables présentent des avantages écologiques. le développement durable de l’industrie française des matériaux
Le choix des fibres provenant d’un milieu naturel et présentant des composites.
performances mécaniques intéressantes se fait en tenant compte :
— de leur origine et fonction : les fibres présentant des perfor-
mances mécaniques élevées ont un rôle structurel dans la nature ;
— de leur disponibilité avec des propriétés maîtrisées ; une fibre 2. Présentation
naturelle est considérée comme disponible si le volume de fibres
présent sur le marché est suffisant pour réaliser des pièces indus-
des différentes
trielles. On note que sa production est liée aux débouchés ; fibres naturelles
— de leur composition et structure souvent complexes. Bien que
les matériaux composites soient souvent présentés comme nou-
■ Classification
veaux et révolutionnaires, il est possible d’en trouver partout dans la
nature, que ce soit dans le monde végétal ou dans le monde animal. On peut subdiviser les fibres naturelles en trois grands groupes
Une multitude de matériaux naturels, les uns rigides mais légers, selon leur origine (figure 1) [3] :
comme les os, les autres souples mais résistants, comme le bois, — les fibres végétales qui comprennent : les fibres provenant des
doivent leurs propriétés mécaniques à leur structure composite. poils séminaux de graines (coton, kapok) ; les fibres libériennes
Les fibres naturelles sont initialement biodégradables et doivent extraites de tiges de plantes (lin, chanvre, jute, ramie) ; les fibres
le rester à la suite des traitements qu’elles subissent pour une appli- dures extraites de feuilles (sisal), de troncs (chanvre de Manille),
cation de renfort de matériau composite (la vitesse de dégradation d’enveloppes de fruits (noix de coco) ;
peut être, elle, modifiée). Un matériau est dit biodégradable s’il est — les fibres animales qui proviennent des poils, telle que la
dégradé par des micro-organismes (des bactéries, par exemple). Le toison animale, et des sécrétions telle que la soie ;
résultat de cette dégradation est la formation d’eau, de dioxyde de — les fibres minérales.

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_____________________________________________________________________________ FIBRES NATURELLES DE RENFORT POUR MATÉRIAUX COMPOSITES

Graines Coton, kapok

Lin, chanvre, jute,


Tiges
ramie

Origine végétale

Feuilles Sisal, abaca

Fruits Noix de coco



Fibres naturelles

Laine Mouton

Alpaga, cachemire,
Origine animale Poils
chameau, mohair

Sécrétions Soie

Origine minérale Amiante

Figure 1 – Classification des fibres naturelles en fonction de leur origine

Pour une application de renforcement de polymère, on s’intéresse des différences pour un même type de fibre, en fonction des para-
aux fibres ayant une fonction structurelle dans la nature. La laine, mètres tels que l’origine, la variété, les conditions de croissance et
par exemple, possède une fonction d’isolation thermique et ne de récolte des fibres, associés aux traitements qu’elles ont subi.
présentera pas de propriétés mécaniques remarquables. Les fibres
végétales provenant des tiges, des feuilles et des fruits, ainsi que Pour compléter ce tableau, les résultats d’essais de traction que
les sécrétions animales présentent (en revanche) des propriétés nous avons réalisé sur des fibres de lin (valeur moyenne, écart-type,
mécaniques intéressantes. valeurs maximale, minimale) sont présentés [11] et confirment les
L’objectif de cet article n’est pas de faire l’inventaire de toutes les données de la littérature ; il ne faut cependant pas conclure hâtive-
fibres disponibles mais de présenter des exemples parmi les plus ment sur la supériorité ou le manque d’intérêt de telle ou telle
intéressants en termes d’applications industrielles. variété. Par ailleurs, dans la littérature, les conditions de caractéri-
sation (moyens d’essais, géométrie et montage des fibres, vitesse
Des charges organiques naturelles (fibres de bois et fibres végé- de sollicitation, température, humidité...) ne sont pas toutes identi-
tales, par exemple) utilisées pour modifier les propriétés des poly- ques. Par exemple, le diamètre d’une fibre de lin varie suivant la
mères font l’objet d’un article des Techniques de l’Ingénieur zone de prélèvement dans la plante (pied, centre, tête) et dans sa
[A 3 220]. longueur (forme de fuseau) ; de plus, sa section est polygonale. Par
Nota : les références des Techniques de l’Ingénieur sont données en fin de bibliographique ailleurs, le module d’Young et la résistance à rupture sont fonction
en [Doc. AM 5 130].
du diamètre de la fibre [24] [25].
■ Comparaison des propriétés mécaniques en traction (0)

de diverses fibres Les lois de comportement, illustrées par la courbe contrainte-


Le tableau 1 présente les caractéristiques mécaniques en traction déformation d’un essai de traction des différentes fibres, doivent
de différentes fibres d’origine naturelle ainsi que celles des fibres aussi être analysées. En effet, toutes n’ont pas un comportement
de renfort couramment utilisées pour le renforcement de matériaux élastique linéaire comme la fibre de verre. On note que les fibres
composites courants. Les valeurs présentées sont issues de la animales (les soies) se caractérisent par un allongement à rupture
littérature et, compte tenu du caractère naturel de ces fibres, on important. Les fibres de ramie et de lin présentent les caractéris-
remarque des dispersions. Ces valeurs sont discutables car on note tiques en traction les plus intéressantes.

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FIBRES NATURELLES DE RENFORT POUR MATÉRIAUX COMPOSITES _____________________________________________________________________________

Tableau 1 – Propriétés mécaniques moyennes en traction de différentes fibres naturelles


comparées aux fibres de renfort habituellement utilisées dans l’industrie des matériaux composites (1)

Fibres E (GPa) A (%) ␴ u (MPa) Densité Références

Fibres synthétiques
Verre E
Filament vierge 72 - 73 4,6 - 4,8 3 200 - 3 400 2,54 [4]
Filament industriel 72 - 73 3 2 000 - 2 400 2,54


Carbone
Toray T300 230 1,5 3 530 1,7 - 1,9 [5]
Thorneel P-120 S 825 0,3 2 350 1,87 - 2
Aramide 124 2,9 3 620 1,44 [6]
Kevlar 49
Fibres végétales
Lin 12 - 85 1-4 600 - 2 000 1,54 [7] [8] [9] [10]
Lin : moyenne 58 ± 15 3,27 ± 0,84 1 339 ± 486 1,53 [11]
mini-maxi 27 - 91 1,6 - 5,9 531 - 3 282
Ramie 61,4 - 128 1,2 - 3,8 400 - 938 1,56 [12]
27 3,2 755 [13]
65 ± 18 800 - 1 000 [14]
Chanvre 35 1,6 389 1,07 [15]
Jute 26,5 1,5 - 1,8 393 - 773 1,44 [16] [17]
Sisal 9 - 21 3-7 350 - 700 1,45 [18] [19]
Noix de coco 4-6 15 - 40 131 - 175 1,15 [20]
Coton 5,5 - 12,6 7-8 287 - 597 1,5 - 1,6 [16] [12]
Fibres animales
Ver à soie 5 18 200 [21]
Attacus atlas
Ver à soie 16 15 650 [22]
Bombyx mori
Araignée 7 30 600 [22] [23]
Argiope trifasciata
(1) E : module d’Young en traction ; A : allongement à rupture en traction ; σ u : contrainte à rupture en traction.

Dans les paragraphes suivants, nous détaillerons les deux classes tionnent les caractéristiques élastiques et à rupture. De même, dans
de fibres naturelles en insistant sur la première famille, compte tenu une fibre végétale, les propriétés physiques des fibres naturelles
de la large disponibilité de ces fibres. sont principalement déterminées selon la composition chimique et
physique, la structure, le pourcentage de cellulose, l’angle micro-
fibrillaire, la section et le degré de polymérisation [27]. En simpli-
fiant, pour un pourcentage de cellulose donné, plus l’angle
3. Fibres d’origines végétales microfibrillaire sera faible et plus la rigidité et la résistance de la
fibre seront élevées ; plus l’angle microfibrillaire sera important et
plus l’allongement à rupture sera important. Le tableau 2 présente,
3.1 Structure d’une fibre pour différentes fibres, le pourcentage de cellulose, l’angle micro-
fibrillaire, les dimensions des fibres et le rapport d’aspect L /d (lon-
gueur/diamètre). Le rapport L /d est un paramètre important pour
3.1.1 Modèle simplifié permettre le transfert de charges entre fibre et matrice (voir [A 7 765]
pour plus de détails).
En première approche, une fibre végétale est assimilable à un (0)

matériau composite renforcé par des fibrilles de cellulose (figure 2) Pour un matériau composite renforcé par des fibres discontinues
[25]. La matrice est principalement composée d’hémicellulose et de et sollicité en traction, le rapport d’aspect de la fibre doit être supé-
lignine. Les fibrilles de cellulose sont orientées en hélice suivant un rieur au rapport d’aspect critique pour bénéficier de ces caractéris-
angle nommé angle microfibrillaire. Habituellement, dans un maté- tiques, c’est-à-dire pour que la fibre casse sans déchaussement. Le
riau composite, le taux de renfort et l’orientation des fibres condi- rapport d’aspect critique est fonction de la contrainte à rupture en

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Recyclage des métaux précieux

par Pierre BLAZY


Professeur honoraire,


Ancien Directeur de l’École nationale supérieure de géologie
et Yves JEHANNE
Ingénieur en génie chimique,
Membre de l’IPMI (International Precious Metal Institution)

1. Déchets des métiers d’art ..................................................................... M 2 394 – 2


1.1 Prétraitement ............................................................................................... — 2
1.2 Traitement de l'alliage plombeux............................................................... — 2
1.3 Traitement de l'alliage cuprifère................................................................. — 3
1.4 Traitement des métaux ............................................................................... — 3
2. Déchets argentifères............................................................................... — 3
2.1 Traitement des déchets solides .................................................................. — 4
2.2 Traitement des déchets liquides................................................................. — 5
3. Déchets de catalyseurs .......................................................................... — 6
3.1 Recyclage des catalyseurs usés ................................................................. — 6
3.2 Traitement des pots catalytiques ............................................................... — 7
4. Déchets électroniques ou « scraps » électroniques...................... — 8
4.1 Prétraitement mécanique des déchets d'électroniques ........................... — 9
4.2 Traitements pyrométallurgique et pyrohydrométallurgique combinés ....... — 10
4.3 Traitement hydrométallurgique direct des déchets électroniques.......... — 13
4.4 Traitement électrométallurgique ................................................................ — 15
5. Exemples industriels ............................................................................... — 16
5.1 Récupération pyrométallurgique des platinoïdes des pots catalytiques ..... — 16
5.2 Démantèlement et séparation par voie physique
des déchets électriques et électroniques .................................................. — 16
5.3 Récupération pyrohydrométallurgique des déchets électroniques ....... — 16
5.4 Traitement pyrohydrométallurgique des déchets électroniques ........... — 17
6. Considérations environnementales .................................................... — 19
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. M 2 394

a récupération et le recyclage des déchets de production et des produits en


L fin de vie permettent de rendre renouvelables les matières premières. On
peut estimer que la récupération des métaux précieux (platine Pt, palladium Pd,
rhodium Rh, or Au et argent Ag) constitue économiquement un apport sensible
dans l’optique d’un développement durable. Si pour le domaine global des
métaux, le recyclage représente environ le tiers des besoins de l’industrie fran-
çaise, paradoxalement, la situation n’est pas meilleure pour les métaux précieux
dont le recyclage est de l’ordre de quelques dizaines de pour-cent de la consom-
mation. Cette situation est explicable : en effet, les métaux précieux ne sont sys-
tématiquement régénérés que s’ils interviennent dans un processus industriel
(réfractaire ou catalyseur au Pt). Lorsqu’ils entrent dans la composition de pro-
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPPR

duits, les quantités utilisées sont infimes et les « gisements » sont pauvres et
dispersés. De plus, leur inaltérabilité naturelle fait que le secteur bijouterie-
joaillerie n’apporte qu’une contribution faible.

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RECYCLAGE DES MÉTAUX PRÉCIEUX _______________________________________________________________________________________________________

L’emploi de Pt-Pd-Rh en catalyse automobile (épuration des gaz de combustion


par des pots catalytiques) qui est de loin le secteur d’utilisation des platinoïdes le
plus important en France (90 % des utilisations) est récent (norme EURO I entrée
en vigueur le 01/01/93) : la première génération de véhicules équipés de pots
catalytiques arrive à peine en fin de vie. On utilise dans l’industrie automobile
française de l’ordre de 4,5 t de Pt et 9 t de Pd, et environ 42 t de Pt et 67 t de Pd
dans l’industrie automobile mondiale. Le traitement des pots catalytiques a donc
un impact national et mondial extraordinaire.
Les déchets électroniques ou scraps sont considérés comme un des princi-
paux matériau à recycler car il contient d’une part des métaux précieux (Pt, Pd,


Rh, Au, Ag) et d’autre part des métaux de base qui peuvent se révéler dangereux
comme métaux lourds pour l’environnement. Le développement de l’informa-
tique, de l’automatisme et d’une façon générale, des industries alimentant le
secteur audiovisuel font prévoir une abondance de ce type de déchets à recycler
bien que les quantités décroissantes de métaux précieux utilisés, la miniaturisa-
tion des composants, la décroissance d’activités dans le secteur de l’armement
jouent en sens contraire. Pour le moment, on ne recycle en Europe que 10 % des
déchets électroniques car le coût de la récupération est souvent plus élevé que
celui des valeurs contenues dans les déchets.
La position du recyclage de l’or est plus difficile à cerner. En France, on
consomme 75 % de l’or en bijouterie et joaillerie et 85 % dans ce même secteur
à l’échelle mondiale. La part venant du recyclage est peut être 10 à 20 % en
France et vient essentiellement d’or de bijouterie refondu et très partiellement
des déchets électroniques.
Enfin, pour le recyclage de l’argent, la situation est très complexe. Par exem-
ple, dans le secteur de la photographie qui est en France le secteur le plus
consommateur d’argent, le recyclage qui fait intervenir l’électrolyse des bains de
développement et l’incinération des radios et films usagés couvre le tiers des
besoins de l’industrie photographique. Mais la valeur moyenne du recyclage de
l’argent dans les secteurs de l’industrie, de la photographie et de la bijouterie
n’est que de l’ordre de 20 %.
Comme il est d’usage courant dans la profession, les pourcentages indiqués
sont des pourcentages massiques.

1. Déchets des métiers d’art surmonté par un alliage de cuivre contenant encore des précieux,
lequel lui-même est surmonté par la scorie surnageante. On
recueille aussi les suies qui contiennent aussi des précieux.
Suivant leur nature, on distingue :
— les métaux précieux dont les hauts titres sont représentés par 1.2 Traitement de l'alliage plombeux
les copeaux, les chutes de découpe, les vieux bijoux, les vieilles piè-
ces d'orfèvrerie, etc., et les bas titres par des déchets de placage sur L'alliage en fusion est traité dans un four de coupellation, sous
supports, les vieux objets en métal argenté ou doré, etc. ; balayage d'air. Le plomb est transformé en litharge qui surnage et
— les matières combustibles, telles que les chiffons d'essuyage qui est recyclée à la préparation des charges avant la fusion en four
des ateliers, les huiles, les pâtes et poussières de polissage. Le sup- à water jacket. Les précieux sont récupérés au fond du creuset et
port peut donc être éliminé par une incinération, alors que les coulés en anodes contenant Ag, Au, et platinoïdes.
métaux précieux sont concentrés dans les cendres ;
— les crasses ou cendres d'orfèvres, dont la masse principale est L'argent est récupéré par électrolyse des anodes sous forme de
constituée par des matériaux réfractaires. Il s'agit de creusets usés cristaux d'argent. Les boues d'électrolyse contiennent l'or et les
ou cassés, des briques de fours, des fondants et crasses de fusion, platinoïdes. L'électrolyte usé contenant de l'argent est traité par
des balayures d'atelier, des suies, etc. cémentation sur cuivre, le cément d'argent retournant à la coulée
pour anodes. Les boues anodiques de l'électrolyse de l'argent sont
traitées par le procédé Miller qui consiste à injecter du chlore gazeux
dans leur masse en fusion (figure 1). Les métaux de base sont sépa-
1.1 Prétraitement rés sous forme de chlorure volatils et recueillis. L'argent restant
passe sous forme de chlorure qui reste en fusion alors que l'or et les
platinoïdes sont solidifiés. Après séparation des phases solides et
Les cendres sont préparées par un broyage de 150 à 200 µm, suivi en fusion, l'or et les platinoïdes sont coulés en anodes et traités par
d'une homogénéisation. Après compaction avec du coke, un fon- électro-raffinage en milieu chlorhydrique. L'électrolyte usé contient
dant et de la litharge, elles subissent un emplombage dans un four des platinoïdes qui sont précipités en général par cémentation à la
à water jacket. Ce prétraitement donne trois produits : un alliage poudre de zinc pour donner un « noir » qui est traité dans un atelier
plombeux rassemblant la majeure partie des précieux au creuset, de platinoïdes spécialisé.

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______________________________________________________________________________________________________ RECYCLAGE DES MÉTAUX PRÉCIEUX

Leur traitement est réalisé par le procédé au chlore et de raffinage


électrolytique ou par des méthodes de mise en solution par les acides.
Les difficultés de la mise en œuvre des méthodes classiques vien-
Cl2 Déchets Au-Ag-Cu-Pt nent des faits suivants.
Le procédé au chlore entraîne des pertes en Ag et en platinoïdes
Chlorure Cu-Ag (écume) qui restent dans l'or. Les scories contiennent de fortes teneurs en
Fusion en creuset Chlorure Cu-Ag (fusion) chlorures d'Ag et de Cu, nécessitant un retraitement par fusion en
four à water jacket et par coupellation.
Au-Pt
Métallurgie de Ag La méthode électrolytique impose des contraintes sur les teneurs
des anodes ; les alliages d'argent contenant plus de 20 % Au passent
Coulée des anodes
au procédé Miller ; plus de 7 % de cuivre impose en principe un
changement très fréquent de l'électrolyte. L'affinage de l'argent

Au pur Électrolyse Boues Pt


se fait dans deux sections distinctes : une section d'électroraffinage
à 5-6 A/dm2 en l'absence de platinoïdes et une section d'électroraf-
finage à 2,5 A/dm2 en présence de platinoïdes où on opère l'électro-

lyse de l'argent en laissant les platinoïdes dans les boues
anodiques. Ainsi, Pt et Pd se retrouvent en grande partie dans les
Réducteur Électrolyte usé Précipité (Au) boues mais non en totalité. En conséquence, sur les purges, on pré-
cipite d'abord l'argent par de la poudre de cuivre à froid, ensuite le
palladium par de la poudre de cuivre à chaud. Enfin, on termine par
une cémentation du Cu sur de la poudre de fer.
Zn Cémentation vers neutralisation Les méthodes de mise en solution par les acides nécessitent cer-
taines précautions dans leur choix : l'attaque à l'acide nitrique
s'applique bien pour des teneurs en argent doubles des teneurs en
Métallurgie or ; l'attaque à l'eau régale convient bien par contre à des teneurs en
Céments de platinoïdes
du platine argent inférieures à 20 %. L'affinage des platinoïdes est certaine-
ment un des points principaux qui différencient les méthodes mises
en œuvre. En effet, les techniques sont sophistiquées et les sociétés
d'affinage en gardent jalousement les points clés. Dans tous les cas,
l'ensemble des platinoïdes est mis en solution et les méthodes dif-
Figure 1 – Schéma de principe du traitement des déchets Ag-Au-Pt
fèrent par les modes de précipitation sélective. En France, on préci-
pite le platine sous forme de chloroplatinate d'ammonium, le
palladium sous forme de palladoammine ou de bromure de Palla-
1.3 Traitement de l'alliage cuprifère dium. Le rhodium est précipité sous forme de chlororhodate
d'ammonium. Certaines impuretés sont séparées lors de la précipi-
tation des sels d'ammonium, d'autres sont extraites par solvant,
L'alliage Au-Ag-Cu-platinoïdes est affiné au chlore. On obtient de préalablement à la précipitation ammoniacale (l'étain par exemple).
haut en bas du creuset des chlorures d'Ag-Cu et de métaux communs En Russie, Antipov et al [1] ont proposé une méthode (figure 2)
et sous forme métallique Au et Pt en fond de creuset. Le traitement de essentiellement basée sur la mise en solution par l'eau régale
ces produits est réalisé par électro-raffinage, les boues anodiques (HNO3 + HCl), l'extraction sélective de l'or et du palladium en solu-
étant traitées par le procédé Miller et par électro-raffinage. tion et la conversion du chlorure d'argent par un réducteur. Les pou-
dres métalliques Au et Ag sont fondues pour donner des lingots
titrant 99,3 à 99,8 %. La poudre de palladium titre jusqu'à 99,6 %. On
1.4 Traitement des métaux peut espérer des récupérations de l'ordre de 99,99 % pour l'or direc-
tement par précipitation à l'aide d'un agent réducteur. Par contre, la
précipitation du palladium sous forme de chloropalladoammine et
En général, les métaux peuvent rejoindre les filières définies pré- la réduction de celle-ci pour donner la poudre de palladium sont
cédemment. Cependant, dans le cas des déchets d'alliages spé- incomplètes et entraînent le recyclage d'une solution titrant de 5 à
ciaux, on peut être amené à mettre en œuvre des traitements 8 mg/L de Pd.
complexes.
■ Traitement des hauts titres
Hauts titres d'argent : ils titrent généralement plus de 900 ‰ et
rentrent directement en raffinage où les lingots coulés en anode
2. Déchets argentifères
sont électrolysés (5 A/dm2).
Hauts titres d'or : on les joint à l'alliage Au-platinoïdes pour élec-
trolyse de l'or et récupération des platinoïdes dans les boues anodi- La transformation de l'argent et de ses alliages en demi-produits
ques. puis en produits finis s'accompagne de déchets (chutes, poussiè-
res...) qui sont directement recyclés par le fabricant ou par des affi-
Hauts titres de platinoïdes : ils vont directement aux opérations de
neurs. L'affineur ou un négociant spécialisé collecte aussi les objets
séparation et d'affinage des platinoïdes.
arrivés en fin de vie pour être recyclés après regroupement. Les acti-
■ Traitement des bas titres vités conduisant à l'argent secondaire sont les métiers d'art (bijou-
Les bas titres composés de résidus métalliques divers vont direc- tier, orfèvre, argenteur, miroitier), les industries électroniques,
tement à la coupellation. électrotechniques, chimiques, les métallurgies des alliages et les
industries et activités photographiques.
■ Traitement des déchets de fabrication d'alliages spéciaux Étant donné le faible prix de l'argent, les équipements électroni-
Ces déchets proviennent de joaillerie où l'on rencontre des pro- ques ne sont pas recherchés pour ce métal qui est cependant extrait
duits titrant 0,3 à 0,8 % Au, 2 à 65 % Ag, 0,01 à 15 % Pd et 12 à 80 % dans la filière de traitement des déchets ou scraps dans le but de le
de Cu, Ni, Zn, Pb, Sb. séparer des autres métaux précieux.

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RECYCLAGE DES MÉTAUX PRÉCIEUX _______________________________________________________________________________________________________

par des matériaux organiques auxquels l'argent est associé (polyes-


ters, résines...). Ces déchets sont grillés et incinérés et les cendres
Déchets sont traitées par fusion et électrolyse ;
— les déchets constitués par des alliages cuivreux, les métaux de
base étant en quantité plus importante que l'argent. On opère une
Granulation
dissolution chimique préalable ou bien un affinage du Cu avec récu-
pération de l'argent dans les boues anodiques.
Dissolution H2O Il faut encore citer deux types de déchets ne représentant pas
HNO3 + HCl cependant des tonnages importants : ce sont les résidus métallur-
NaOH giques Pb-Ag provenant des scories de l'argent doré ou des batte-
Agent réducteur ries utilisées par les militaires (Ag2O et AgCl) ou certaines piles bou-
AgCl tons ( Ag2O - MnO2 - C). Généralement, ces deux derniers types font


partie des déchets facilement identifiables. Ils sont traités par disso-
Précipitation Réduction lution à l'acide nitrique dilué, après ouverture préalable pour les
de l’or de l'argent piles boutons.

Filtration Filtration
2.1.1 Incinération ou brûlage
Poudre d'Au Solution Précipités d'hydrates Poudre d'Ag
En général, les déchets sont brûlés puis broyés. Après homogé-
néisation et échantillonnage permettant de connaître la teneur du
Fusion Agent réducteur Fusion lot, les cendres sont fondues en four water-jacket, la fusion étant sui-
vie par une coupellation. Le lingot subit ensuite un affinage électro-
Lingot d'Au Lingot d'Ag lytique. En France, on incinère les déchets à Châlon-sur-Saône. Aux
Correction du pH et
USA, on utilise un procédé humide pour les déchets provenant de
réduction du Pd surfaces sensibles et en général constitués par des matériaux orga-
niques : l'émulsion est fixée par de la gélatine qui est « cassée » à
chaud par une solution de soude. On sort ainsi un polyester ou un
Solution Composé "noir" Cu-Pd HCl + HNO3
polyacétate suffisamment propre pour être recyclé (par exemple
dans la fabrication de moquettes). Le liquide boueux est traité direc-
Dépôt des métaux tement dès le « cassage » avant la séparation des phases par un
Dissolution de Pd et Cu
non ferreux
milieu réducteur, par exemple du formol, en milieu basique qui pré-
(NH4)OH cipite l'argent métal. La filtration permet de récupérer sous forme
Hydrates solide de petits globules d'argent qui sont traités par calcination et
fusion.
Production de Cu Précipitation de (NH4)2PdCl6

(NH4)2PdCl6 H2O Solution 2.1.2 Démétallisation par voie humide

Réduction On appelle démétallisation la mise en solution des dépôts


du Pd d'argent fixés sur un support.
On opère généralement une dissolution sulfonitrique, dont la
Poudre Pd Solution composition de la solution d'attaque évite d'attaquer le support (cui-
vre dans la plupart des cas). Guerlet [2] donne la composition d'une
telle solution : 1 000 g H2SO4 (d = 1,84) / 75 g HNO3 (d = 1,38). Un des
inconvénients de la méthode est la production de quelques vapeurs
Figure 2 – Diagramme du traitement des alliages des métaux nitreuses. Celles-ci sont aspirées vigoureusement et sont lavées
précieux [1] dans une tour de lavage pourvue d'anneaux Rachig à l'intérieur de
laquelle circule une solution de soude. L'attaque faite à chaud est
très rapide. Une solution sursaturée en NaCl permet d'obtenir un
précipité blanc de chlorure d'argent. Après décantation, lavage et
Dans leur étude sur les circuits secondaires de l'argent, Guerlet et séchage, le chlorure d'argent mélangé à du carbonate de sodium et
Pianelli [2] considèrent deux types principaux de déchets argenti- du borax est fondu pour donner de l'argent métal, affiné ensuite par
fères, en vue de leur traitement : ce sont les déchets solides et les électrolyse.
déchets liquides. Suivant ces auteurs, une démarche essentielle
consiste à identifier les matériaux pour ensuite les échantillonner et Un autre mode de démétallisation est la dissolution alcaline par
les traiter. une solution concentrée de cyanure de sodium. La réaction est cata-
lysée par l'oxygène contenu dans de l'air finement dispersé. On
obtient un cyanure d'argent et de potassium soluble. Ce mode de
mise en solution est à éviter quand le support de l'argent est consti-
2.1 Traitement des déchets solides tué de métaux de base. Elle est par contre conseillée lorsque le sup-
port est en verre, en matière plastique et en acier inoxydable. On
électrolyse directement la solution cyanurée d'argent en utilisant
On regroupe les déchets en trois catégories principales : une cathode en acier inoxydable. Le dépôt subit une fusion pour
— les déchets facilement identifiables tels que lingots, pièces donner un lingot qui est raffiné par électroraffinage.
démonétisées, grille de découpe des monnaies, squelettes d'ano- L’électroraffinage des lingots d'argent impur ainsi obtenus, titrant
des, objets en argent massif. Tous ces déchets à forte teneur sont 900 ‰ d'argent, est effectué dans une cellule Moebius en milieu
fondus et coulés en lingots, puis affinés par voie électrolytique ; nitrique (figure 3). Les anodes et les cathodes sont suspendues ver-
— les déchets constitués par des poussières de polissage, des ticalement. Les anodes sont constituées par l'alliage à affiner et
surfaces sensibles, pellicules photographiques, radiographies, et entourées d'un sac en polypropylène destiné à retenir les boues

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______________________________________________________________________________________________________ RECYCLAGE DES MÉTAUX PRÉCIEUX

sont réduites. Les boues argentifères sont fondues en lingot. Les


effluents de galvanoplastie sont des solutions de rinçage à faible
(+) (–) concentration en argent . Elles ne peuvent être rejetées directement.
Anode Cathode Leur décyanuration consiste à transformer les ions cyanures CN– en
argent
lingot impur ions cyanates CNO–, puis en CO2 + N2, en utilisant une chloration
(alliage précieux acier inoxydable,
alcaline à l'hypochlorite de sodium à un pH supérieur à 12. La
+ cuivre) titane
consommation en eau de Javel est élevée : il faut en pratique près
Recyclage de l'électrolyte de 20 L d'eau de Javel pure pour détruire 1 kg de CN– [2]. On peut
récupérer l'argent par électrolyse avec cathode en fibre de carbone
Sac en et anode d'argent ou par résines échangeuses, ou encore par
polypropylène cémentation sur plaque d'aluminium.

Électrolyte


AgNO3 + HNO3 2.2.2 Récupération de l'argent en photographie

L'industrie photographique est le plus grand consommateur


Boues anodiques d'argent. La récupération de l'argent se fait sur place ou après col-
or, argent lecte. Les modes de traitement diffèrent selon le type de déchet.
platinoïdes
cuivre Le bain se charge ■ Boues d'émulsions photographiques
en cuivre dissous Cristaux ou
chaux d'argent Etant donné qu'elles peuvent contenir des adjuvants de filtration,
(argent pur) ces boues sont emplombées dans un four water-jacket puis coupel-
lées. Le lingot est raffiné par électrolyse.
Tension aux bornes de la cuve ≈ 2 V ■ Déchets de supports émulsionnés
Ces déchets sont généralement brûlés, les cendres fondues ou
Les cristaux d'argent pur sont retirés, essorés et rincés. traitées au water-jacket. Quand les déchets sont composés de triacé-
L'électrolyte issu de l'essorage est recyclé.
tate de cellulose, on peut les recycler (cf. § 2.1.1). L'argent récupéré
titre 990 ‰.
Figure 3 – Procédé Moebius d’affinage électrolytique [2]
■ Fixateurs usés
Après le développement, les sels d'argent en excès recouvrent
anodiques. Celles-ci contiennent de l'or, des platinoïdes et aussi un l'image et doivent être éliminés par un bain fixateur d'hyposulfite de
peu d'argent et de cuivre. Les cathodes sont en argent ou en titane sodium ou d'ammonium qui décompose les halogénures d'argent.
ou en acier inox. Dans le but de briser les cristaux d'argent avant Le bain fixateur est légèrement acide (acides acétique ou borique,
qu'ils ne provoquent un court-circuit en établissant un contact avec bisulfite de soude). L'argent est complexé sous forme d'argenti-
les anodes, un racloir se déplace devant les cathodes. thiosulfate. La récupération de l'argent dissout par cémentation sur
du zinc ou du fer, ou par précipitation sous forme de sulfure ne régé-
nèrent pas le bain fixateur. Par contre, l'électrolyse avec anode inso-
Les caractéristiques de l'électrolyse sont les suivantes : luble permet de récupérer l'argent en régénérant le bain fixateur.
composition initiale de l'électrolyte : L'opération est assez délicate car la tension d'électrolyse doit rester
C + = 80 à 100 g/L, C HNO = 7 g/L constante, supérieure au potentiel minimal de décharges des ions
Ag 3
composition lors du soutirage : Ag+ et inférieure au potentiel minimal de décharge des ions H+ (ten-
C + = 50 g/L, C HNO3 = 7 g/L, C 2+ = 100 g/L, C 2+ = 5 à 6 g/L sion d'électrolyse de 1 à 3 V ; intensité de courant < 10 A). L'anode
Ag Cu Pb est en graphite et la cathode en acier inoxydable. Celles-ci sont rota-
densité de courant cathodique : 4 à 6 A/dm2 tives dans la plupart des cas.
différence de potentiel aux bornes de la cuve : 2 V
production journalière par cuve : environ 40 kg Des travaux ont été réalisés par de nombreux chercheurs dans
rendement : 85 % deux directions privilégiées.
consommation : 1 kWh/kg Ag L'optimisation du procédé électrolytique (Guerlet et al, [2] ; Giron
Palacios, [4] ; Weise et al, [5]) conduit à une programmation de
l'intensité d'électrolyse et à des configurations spéciales du réacteur
Le bain n'est pas chauffé mais la température s'élève pendant électrochimique comportant deux électrodes volumiques consti-
l'électrolyse de 18 à 35 °C. Au cours de l'électrolyse, le bain s'enri- tuées par une structure poreuse conductrice à hautes conductivité et
chit en métaux communs (Cu et Pb) ; il est donc nécessaire d'effec- porosité, pour opérer dans une large gamme de concentration. Le
tuer des « saignées » par soutirage périodique afin d'éviter les couplage électrodialyse-électrolyse (Aimar, [6]) s'est avéré moyen-
risques d'un codépôt de cuivre-argent. nement prometteur : en effet, les nombres de transport des ions
dans les membranes nécessitent de grandes surfaces de mem-
brane. La sélectivité est modeste et ne permet pas d'atteindre un
degré de séparation élevé.
2.2 Traitement des déchets liquides
Une toute autre direction a été prise par des chercheurs qui ont
appliqué la flottation ionique de l'argent contenu dans les bains
fixateurs (Jdid et al, [7]). Le fixateur était Fe-EDTA. Le collecteur uti-
2.2.1 Bains d'argentage et effluents lisé était le di-isobutyl dithiophosphinate de sodium qui a donné un
de galvanoplastie précipité contenant 34 % Ag, lequel a flotté en moins de 5 min en
tube testeur. Les solutions au départ titraient 0,2 à 7,2 g/L d'Ag et la
Les bains d'argentage usés à concentration en argent relative- concentration en fer se situait entre 3,70 et 7,5 g/L. La solution désar-
ment élevée sont à base de cyanure d'argent. Ils subissent une élec- gentée après flottation titrait 0,3 mg/L d'Ag et 3,45 g/L Fe. La
trolyse directe avec des électrodes en acier inoxydable ou en titane, consommation en collecteur a été comprise entre 1 et 2 fois la
avec agitation intense au niveau des cathodes. Dans le cas des solu- concentration d'argent, le pH était indifféremment compris entre
tions d'argentage des miroirs, les solutions d'argent ammoniacal 4 et 8 et la température entre 20 et 40 °C sans qu'il y ait une diffé-

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INNOVATION

Traitement d’extraction
des métaux lourds
Pierre-Emmanuel CHARPENTIER, Laurent RIZET Cyril TROUILLET

par et

Le secteur industriel de la métallurgie est à l’origine de la production de


sous-produits riches en métaux valorisables. En raison de leur caractère
polluant, certains sont considérés comme déchets ultimes et éliminés en
centre de stockage spécifique pour déchets dangereux (Centre de Stockage
de Déchets Ultimes de Classe I).
Face à cette problématique, un procédé innovant de valorisation de déchets
métalliques a été élaboré utilisant les principes de l’hydrométallurgie en
milieu alcalin.

conditions technico-économiques du moment. Seuls


Pierre-Emmanuel CHARPENTIER les déchets dits « ultimes » peuvent désormais
Docteur de l’Institut National Polytechnique de emprunter cette filière d’élimination.
Grenoble (génie des procédés)
Ingénieur de l’École Supérieure d’Ingénieurs 1.2 Contexte économique
(Génie de l’Environnement) de Chambéry
Le contexte international est de plus en plus favo-
Président de la société LAEPS (Laboratoire rable au recyclage des déchets contenant des
d’Analyse Environnementales des Pays de Savoie) métaux comme en témoigne la hausse du prix de
Laurent RIZET certains métaux tels que le nickel, le cuivre ou
Ingénieur électro-chimiste du Conservatoire encore le zinc, ainsi que le coût élevé d’une mise en
National des Arts et Métiers CSDU de Classe 1 de déchets industriels (supérieur
Président-directeur général de la société RVX à 200 euros/tonne hors transport).
(Recyclage-Valorisation-Expertise) Diverses technologies permettent l’extraction des
Président de la société TREZ (Traitement métaux d’une matrice solide. Ces dernières utilisent
Revalorisation Électrolytique du Zinc) les principes de la pyrométallurgie et de l’hydro-
Cyril TROUILLET métallurgie.
Diplômé de l’Institut Universitaire de Technolo-
gie de Saint-Étienne (Génie de l’environnement) 1.3 Contexte technologique
Technicien environnement et recherche à la Ce dossier s’attachant tout particulièrement à la
société RVX valorisation hydrométallurgique du zinc contenu
dans les déchets, nous avons recueilli, ci-après, des
informations sur les principales technologies per-
mettant une extraction et une valorisation du zinc
1. Contexte par hydrométallurgie.
En hydrométallurgie, plusieurs voies existent con-
cernant l’extraction des métaux contenus dans les
1.1 Contexte réglementaire minerais ou les déchets. En milieu acide, les pro-
Le recyclage des déchets contenant des métaux cédés existants utilisent l’acide chlorhydrique et
l’acide sulfurique comme agent lixiviant.
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPPW

est une préoccupation économique et environnemen-


tale renforcée par la loi du 13 juillet 1992 relative à Le milieu chlorhydrique permet l’obtention de
l’élimination des déchets ainsi qu’aux installations bons rendements d’extraction du zinc et du plomb.
classées pour la protection de l’environnement, inter- Le procédé MT mis au point par Zinc Ox Ressource
disant la mise en décharge, à compter du 1er juillet annonce des rendements de dissolution de 97 %
2002, de déchets pouvant être traités dans les concernant le zinc et proches de 100 % pour le

12-2007 © Editions T.I. IN 70 - 1

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INNOVATION

Tableau 1 – Composition de deux principaux sous-produits susceptibles d’être traités


par le procédé REZEDA
Poussières d’aciérie électrique Boue d’hydroxydes métalliques
Composé
(%) (%)
Zn 23,5 12


Fe 6 4
Ni 2,5 4
Mn 0,85 0,19
Cr 0,15 0,55
Pb 3 0,04
Ca 5,7 23,3
Na 11 0,55
K 3,1 2,3
Cl 4,4 0,11
SO4 2,4 0,13
CO3 5,7 20,2

plomb. Cependant, le milieu chlorhydrique présente procédé REZEDA (REcyclage du Zinc par Électrolyse
plusieurs désavantages tels qu’une surconsomma- des Déchets d’Aciérie). Il s’applique tout particuliè-
tion d’acide engendrée par une lixiviation significa- rement aux déchets contenant une teneur significa-
tive de la chaux présente dans certains déchets, le tive en zinc (supérieure à 10 % en masse). Le
caractère corrosif du milieu ainsi que le traitement procédé REZEDA utilise les principes de l’hydromé-
indispensable des émissions gazeuses. tallurgie extractive et plus précisément en milieu
L’acide sulfurique est quant à lui, la base de la alcalin.
plupart des procédés de traitement des minerais de
zinc par hydrométallurgie. Il est l’agent de lixivia- 2.1 Déchets ciblés
tion le plus communément utilisé car c’est un acide
Les sous-produits susceptibles d’être valorisés par
fort, moins corrosif que la plupart des acides utilisés
ce procédé sont essentiellement les suivants :
en lixiviation et modérément coûteux.
• Les poussières d’aciérie électrique et de
De plus, l’électrodéposition des métaux en milieu
four à arc récupérées après traitement des
sulfate est bien connue et assez aisée. Néanmoins,
fumées ayant des teneurs en zinc comprises
pour les déchets comportant des quantités significa-
entre 20 et 35 %. Le gisement français est
tives en plomb et en cas de recyclage du résidu de
d’environ 100 000 tonnes par an.
lixiviation, il est indispensable de procéder à une
seconde extraction en utilisant un autre agent de • Les boues d’hydroxydes métalliques (BHM)
lixiviation (l’acide chlorhydrique par exemple), le provenant de l’épuration des eaux résiduaires
plomb étant très peu lixiviable en milieu sulfurique des ateliers de traitement de surface. Ces
(formation de sulfate de plomb). boues contiennent du plomb dont la fraction
lixiviable est fortement toxique pour l’homme
C’est le cas du procédé ZINCEX développé par la et l’environnement mais aussi des métaux
société Technicas Reunidas SA permettant le traite- nobles tels que le nickel, et du zinc en propor-
ment des boues de galvanisation. tion pouvant varier de 5 à 50 %. En France, le
D’autres procédés d’extraction du zinc comportent gisement annuel de ce type de déchet est de
une étape de lixiviation en milieu ammoniacal. Le l’ordre de 135 000 tonnes par an et la quan-
procédé EZINEX par exemple, utilise comme agent tité suffisamment riche en zinc pour pouvoir
de lixiviation le chlorure d’ammonium et permet être valorisée par le procédé est estimée à
d’extraire 70 % du zinc, 90 % du plomb et environ 40 000 tonnes.
50 % du cuivre. Le zinc obtenu après électrodéposi- Le tableau 1 illustre la composition métallique de
tion présente une pureté de 99,7 %. L’extraction du ces deux sous-produits en fonction de leur origine.
zinc s’effectue selon la réaction suivante :
ZnO + 2 NH4Cl → Zn(NH3)2Cl2 + H2O 2.2 Description des étapes
du procédé
2. Description du procédé L’opération de traitement des déchets se
REZEDA décompose en six phases :
– dessalinisation préalable des déchets ;
Le procédé d’extraction des métaux contenus – extraction des métaux par lixiviation à la soude ;
dans les déchets, développé dans ce dossier, est le – purification de la solution de lixiviation ;

IN 70 - 2 © Editions T.I. 12-2007

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