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CO N S T R U C T I O N E T T R AVAU X P U B L I C S

Ti541 - Mécanique des sols et géotechnique

Calcul et suivi d’ouvrages


géotechniques

Réf. Internet : 42219 | 6e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Mécanique des sols et géotechnique
(Réf. Internet ti541)
composé de  :

Modèle géotechnique de calcul Réf. Internet : 42238

Calcul et suivi d’ouvrages géotechniques Réf. Internet : 42219

Comportement d’ouvrages géotechniques sous sollicitations Réf. Internet : 42706


complexes

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Mécanique des sols et géotechnique
(Réf. Internet ti541)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Daniel DIAS
Professeur des universités, responsable du département Géotechnique de
Polytech' Grenoble

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Olivier BENOIT Michel GLANDY


Pour l’article : C246 Pour l’article : C240

Laurent BRIANÇON Yann JUILLIE


Pour les articles : C305 – C229 Pour les articles : C242 – C244

Sébastien BURLON Philippe LIAUSU


Pour les articles : C248 – C240 Pour les articles : C245 – C247

Luis CARPINTEIRO Stéphane MULLER


Pour l’article : C240 Pour l’article : C250

Benoît CAZEAUDUMEC Claude PLUMELLE


Pour l’article : C229 Pour les articles : C245 – C247

Fahd CUIRA Léo QUIRIN


Pour l’article : C248 Pour l’article : C250

Philippe DELMAS Thomas SIMONNOT


Pour l’article : C305 Pour les articles : C242 – C244

Roger FRANK
Pour l’article : C248

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VI
Calcul et suivi d’ouvrages géotechniques
(Réf. Internet 42219)

SOMMAIRE

1– Calculs d’ouvrages géotechniques et Eurocodes 7  Réf. Internet page

Fondations superficielles C246 11

Fondations profondes C248 15

Eurocode 8 : fondations superficielles et profondes C250 25

Ouvrages de soutènement - Poussée et butée C242 29

Murs et écrans de soutènement C244 35

Amélioration et renforcement des sols. Traitement avec inclusions C245 43

Amélioration et renforcement des sols. Traitement par injections C247 49

Les géosynthétiques de renforcement C305 57

Calcul géotechnique selon l'Eurocode 7 et ses normes d'application C240 65

2– De la construction à la vie de l’ouvrage Réf. Internet page

Auscultation géotechnique C229 73

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VII
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Calcul et suivi d’ouvrages géotechniques
(Réf. Internet 42219)

1
1– Calculs d’ouvrages géotechniques et Eurocodes 7  Réf. Internet page

Fondations superficielles C246 11

Fondations profondes C248 15

Eurocode 8 : fondations superficielles et profondes C250 25

Ouvrages de soutènement - Poussée et butée C242 29

Murs et écrans de soutènement C244 35

Amélioration et renforcement des sols. Traitement avec inclusions C245 43

Amélioration et renforcement des sols. Traitement par injections C247 49

Les géosynthétiques de renforcement C305 57

Calcul géotechnique selon l'Eurocode 7 et ses normes d'application C240 65

2– De la construction à la vie de l’ouvrage

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1

10
Référence Internet
C246

Fondations superficielles
par Olivier BENOIT
Responsable Métier Géotechnique - Docteur UJF - Ingénieur ISTG
WSP France

1
1. Définitions propres aux fondations superficielles................... C 246v2 – 2
1.1 Contexte normatif .............................................................................. — 2
1.2 Comprendre une fondation superficielle ........................................... — 2
2. Actions, combinaisons, situations, états limites ..................... — 3
3. Excentrement du chargement des fondations superficielles — 4
4. Capacité portante des fondations superficielles ..................... — 5
4.1 Notions fondamentales du comportement des fondations
superficielles ...................................................................................... — 5
4.2 Principe de la vérification de la capacité portante ............................ — 6
4.3 Méthode pressiométrique .................................................................. — 7
4.3.1 Détermination de la pression limite nette équivalente ple* ... — 7
4.3.2 Détermination de l’encastrement équivalent De ..................... — 8
4.3.3 Détermination du facteur de portance pressiométrique kp .... — 8
4.3.4 Détermination du coefficient de réduction de portance id lié
à l’inclinaison du chargement ................................................. — 8
4.3.5 Détermination du coefficient de réduction de portance ib lié
à la proximité d’un talus ......................................................... — 9
4.4 Méthode pénétrométrique ................................................................. — 9
4.4.1 Détermination de la résistance de pointe équivalente qce ..... — 9
4.4.2 Détermination de l’encastrement équivalent De ..................... — 9
4.4.3 Détermination du facteur de portance pressiométrique kc .... — 10
4.4.4 Détermination des coefficients de réduction id et ib ............... — 10
4.5 Méthode « c-j » ................................................................................. — 10
4.6 Vérification de la portance sous séisme ............................................ — 12
4.6.1 Capacité portance Nmax ............................................................ — 12
4.6.2 Force d’inertie sans dimension ............................................... — 13
5. Glissement des fondations superficielles.................................. — 13
5.1 Résistance au glissement de la base de la fondation Rh,d ................ — 13
5.2 Résistance frontale de la fondation Rp,d ............................................ — 14
5.3 Vérification du glissement sous séisme ............................................ — 14
6. Stabilité générale des fondations superficielles ...................... — 14
7. Tassements des fondations superficielles ................................. — 14
8. Structure des fondations superficielles..................................... — 15
9. Soulèvement hydraulique des fondations superficielles ........ — 16
Parution : février 2017 - Dernière validation : juillet 2020

10. Conditions de site et dispositions constructives ..................... — 16


11. Conclusion........................................................................................ — 16
12. Glossaire ........................................................................................... — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 246v2

es fondations permettent la transmission des efforts de la construction au


L sol par l’ensemble de ses éléments géométriques (base et faces latérales).
Suivant le type de fondations, l’influence de ces éléments est plus ou moins
prépondérante.
Une des caractéristiques des fondations permettant de les classer en famille
est leur encastrement défini comme la profondeur entre la base de la fondation
et la surface du sol.

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés C 246v2 – 1

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Référence Internet
C246

FONDATIONS SUPERFICIELLES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Les fondations superficielles se caractérisent par un encastrement faible par


rapport à ses dimensions, ce qui induit des modes de transmission des efforts
au sol favorisant la base plutôt que les éléments latéraux.
Les vérifications à réaliser dans le cadre d’un dimensionnement de fondations
superficielles sont de plusieurs natures et découlent de l’analyse des différentes
interactions entre le sol et l’ouvrage.
La vérification de la portance du sol est la plus intuitive. Elle permet de s’assu-

1 rer que le sol est capable de supporter les charges de l’ouvrage. Cependant le
torseur d’effort induit par la structure ou les éléments extérieurs n’est pas obli-
gatoirement vertical. La vérification au glissement entre la base de la fondation
et le sol peut donc être essentielle dans certains cas.
Ces efforts induisent des déformations du sol qu’il faut également appréhen-
der. Là aussi, les déformations les plus intuitives (et les plus communes) sont
les tassements, c’est-à-dire les déformations verticales du sol sous-jacent.
Il faut également s’assurer que les matériaux composant les fondations aient
la résistance nécessaire aux efforts qu’elles reprennent.
Enfin, il faut vérifier que les fondations soient stables dans leur environne-
ment général, cas particulièrement important lorsque la construction se situe
dans des zones sensibles du type terrain en pente, bord de talus,…
Bien que l’ensemble de ces vérifications doivent être effectuées pour chaque fon-
dation, leur importance doit être appréhendée et hiérarchisée par l’ingénieur géo-
technicien qui décidera ensuite de ce qui relève du dimensionnement par le calcul.
Cet article a pour objectif de donner les clés pour réaliser ces vérifications en fai-
sant un point sur les approches utilisées et les façons de les intégrer dans le cadre
de la normalisation que sont les Eurocodes 7 et 8 et leurs normes d’application.

soient bâtiments ou ouvrages de Génie Civil. Ces ouvrages corres-


1. Définitions propres pondent à des ouvrages classiques représentant la majorité des
sujets d’études. Pour des ouvrages plus complexes présentant des
aux fondations risques exceptionnels ou fondés dans des sols très difficiles, les
superficielles principes de l’Eurocode 7 peuvent être également appliqués, mais
complétés par des vérifications supplémentaires en adéquation
avec la complexité de l’ouvrage, du terrain et de son
environnement.
1.1 Contexte normatif
Au sein du corpus normatif des Eurocodes, plusieurs normes 1.2 Comprendre une fondation
font référence aux fondations superficielles et à leur superficielle
dimensionnement.
Une fondation peut se définir selon plusieurs caractéristiques
L’Eurocode 7 (NF EN 1997-1) traite des calculs des ouvrages géo-
géométriques (figure 1). Bien entendu, par sa largeur B et sa lon-
techniques. Dans ce cadre, la norme d’application traitant des pro-
gueur L, mais aussi par son encastrement D qui est la profondeur
blématiques de fondations superficielles est la NF P 94-261. Il faut
entre la base de la fondation et la surface du sol.
également noter la norme NF P 94-281 traitant des murs de soutè-
nement poids et dont une partie est consacrée aux fondations En géotechnique, la notion d’encastrement a été améliorée par
superficielles dans ce cas plus spécifique. l’introduction de l’encastrement équivalent De prenant en compte
la qualité mécanique du sol le long de la profondeur d’encastre-
L’Eurocode 8 traite du calcul des structures pour leur résistance
ment D. Cet encastrement équivalent De est utilisé dans l’Euro-
aux séismes et particulièrement sa partie 5 (NF EN 1998-5) qui,
code 7 pour définir les types de fondations tels que :
entre autres, aborde les fondations superficielles sous sollicitations
sismiques. – De/B < 1,5 Æ fondations superficielles ;
– 1,5 < De/B < 5 Æ fondations semi-profondes ;
Ces documents ont remplacé les documents plus anciens – De/B > 5 Æ fondations profondes.
qu’étaient le DTU13.12 pour les fondations superficielles des
bâtiments et le Fascicule 62 titre 5 du CCTG pour les fondations & Deux types de fondations : rigide ou souple
des ouvrages de Génie Civil, ainsi que les règles parasismiques Une fondation superficielle peut être rigide ou souple. Cette dis-
PS92 pour les applications sous sollicitations sismiques. tinction, importante dans la détermination des tassements, est
Les justifications développées dans les Eurocodes s’appliquent basée principalement sur le rapport entre l’épaisseur de la fonda-
pour des ouvrages de catégorie géotechnique 2 (tableau 1) qu’ils tion h et sa largeur B (figure 1).

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C246

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– FONDATIONS SUPERFICIELLES

Tableau 1 – Catégories géotechniques d’après l’annexe N


de la norme NF P 94-261

Classes de Catégories
Conditions Bases de
conséquen- géotechni-
de sites justifications
ces (1) ques

1
Expérience et
Simples et Sol
1 reconnaissance
connues
CC1 qualitative admises

Complexes Reconnaissance
2 géotechnique et D
Simples calculs nécessaires h
L
CC2
Complexes
Reconnaissance B
3 géotechnique et
Simples ou calculs approfondis
CC3
complexes Figure 1 – Fondation superficielle type
(1) Les classes de conséquences par rapport à la ruine ou l’endommage-
ment de l’ouvrage sont établies vis-à-vis des personnes, des ouvrages justification fait l’objet de méthodes et de textes différents
et des constructions avoisinantes, ainsi que de la protection de l’envi- (DTU13.3 norme NF P 11-213) qui ne sont pas l’objet de cet article.
ronnement

 Si h << B, la fondation est considérée comme une fondation


souple. Dans ce cas, la répartition des contraintes appliquées au 2. Actions, combinaisons,
sol est peu influencée par la fondation.
situations, états limites
 Si h est important par rapport à B (cette importance est bien
entendu relative et fonction du type de matériau constitutif), la fonda-
tion est considérée comme une fondation rigide. Dans ce cas, la Les méthodes de justification des fondations superficielles
répartition des contraintes appliquée au sol peut être considérée basées sur l’Eurocode 7 et ses normes d’application sont des
comme relativement linéaire (uniforme, trapézoı̈dale ou triangulaire). méthodes semi-probabilistes avec une sécurité obtenue au travers
Il est toutefois à noter qu’il n’est pas possible de donner une de coefficients partiels.
limite chiffrée à la rigidité d’une fondation qui dépend de sa taille,
Cette méthode est basée sur l’identification d’états limites caracté-
du sol support, de son exécution…
risés par une combinaison spécifique d’actions dans une situation par-
& Semelles et radiers ticulière. Ces actions spécifiques sont de plusieurs natures (tableau 2).
Trois types de fondations superficielles se distinguent : Les états limites sont représentés par des combinaisons de
– les semelles filantes sont des fondations rigides dont le rapport valeurs caractéristiques de ces actions pondérées par des coeffi-
entre la longueur L et la largeur B est très grand (L >> B, générale- cients y prenant en compte l’occurrence d’apparition de chacune
ment L > 10 B) ; d’elle. Chaque combinaison prend en compte la probabilité d’occur-
– les semelles isolées sont des fondations rigides dont le rapport rence et la concomitance des actions variables suivant les situations.
entre la longueur L et la largeur B est faible. Parmi ces semelles iso- Les situations possibles en cours de construction ou d’exploita-
lées, toutes les géométries de base sont possibles, les plus couran- tion sont multiples :
tes étant les semelles rectangulaires, les semelles carrées (B = L) et – les situations durables ;
les semelles circulaires (diamètre B) ; – les situations transitoires ;
– les radiers sont des fondations souples dont les dimensions L – les situations accidentelles ;
et B sont très grandes. – les situations sismiques.
& Les États limites ultimes (ELU) sont les états limites associés à la
La notion de fondation souple pour un radier peut être toute ruine, l’instabilité ou toute forme de rupture de l’ouvrage qui peu-
relative. Un exemple parfait de radier souple est un radier sous vent mettre en danger la sécurité des personnes. Les combinaisons
un réservoir de grande dimension (type cuve pétrolière). associées aux ELU sont :
Dans certains cas, il est recherché de rigidifier le radier afin, – les combinaisons fondamentales en situations durables et
notamment, de répartir des charges ponctuelles descendues transitoires ;
par la structure en un chargement plus uniforme sur le sol. – les combinaisons accidentelles ;
Cette rigidité est obtenue généralement en renforçant le ferrail- – les combinaisons sismiques.
lage et en augmentant l’épaisseur de béton qui peut alors attein-
dre plusieurs mètres. Ce type de fondation est très utile lorsque & Les États limites de service (ELS) sont les états au-delà desquels
le sol d’assise de l’ouvrage présente des hétérogénéités impor- des critères de service précis de l’ouvrage ne sont plus satisfaits.
tantes afin de limiter les tassements différentiels. Dans ces Les combinaisons associées aux ELS sont :
conditions, les radiers « rigides » peuvent s’apparenter à des – les combinaisons caractéristiques(combinaisons subies par
semelles isolées de grande dimension. l’ouvrage au moins une fois dans sadurée de vie) ;
– les combinaisons fréquentes (combinaisons subies par
Il est important de distinguer les radiers des dallages. Ces der- l’ouvrage avec une fréquence non négligeable) ;
niers ne supportent pas – ou très peu – de charges permanentes – les combinaisons quasi-permanentes (combinaisons subies par
et sont destinés à reprendre des charges variables. Leur l’ouvrage pendant la grande majorité de sa durée de vie).

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Référence Internet
C246

FONDATIONS SUPERFICIELLES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Certaines de ces vérifications (situation accidentelle, soulève-


Tableau 2 – Catégories géotechniques d’après l’annexe N ment…) ne sont à produire que selon les cas (type de projet, envi-
de la norme NF P 94-261 ronnement, situation géographique…).
Toutes les vérifications doivent être réalisées, mais toutes ne
Types d’actions Descriptions Exemples nécessitent pas de savants dimensionnements.

Poids propre du sol, des Par exemple, la vérification de la stabilité générale d’une fondation
structures, des équipements superficielle chargée verticalement ancrée dans un terrain plat de
bonne qualité ne nécessite pas de calculs particuliers, mais il

1 Action à ca-
ractère per-
Poussée/butée du sol

Tassement ou fluage du sol


conviendra dans une note de dimensionnement d’écrire qu’il n’y a
pas de risque d’instabilité.
Ceci permet à chacun de s’assurer que la vérification a été faite et
Actions manent (lon- surtout à l’ingénieur de penser à le faire lorsque les conditions ne
sous l’effet d’un charge-
permanentes G gue durée sont plus aussi favorables (par exemple une fondation avec un char-
ment, d’un abaissement de
d’applica- gement important sur un terrain très médiocre en pente).
la nappe ou de phénomènes
tion)
de retrait-gonflement
Il est à ce stade particulièrement important de remarquer l’inter-
Action de l’eau assimilée à action entre le bureau d’études géotechniques, qui doit réaliser les
un effet de pression statique vérifications, et le bureau d’études de structure qui doit fournir tout
ou partie des valeurs d’actions suivant les situations et les états
Action climatique limites.
(vent, neige, température)

Charge d’exploitation

Actions variables Q
Action à ca-
ractère non Mouvements de fluides
3. Excentrement
permanent (vagues, vidange…) du chargement
Actions hydrodynamiques des fondations
Vibrations superficielles
Chocs, explosions
Les vérifications des fondations superficielles sont réalisées au
Actions dynamiques de niveau de la base des fondations (figure 2) par rapport au torseur
l’eau (marées exceptionnel- des efforts (effort vertical Vd, efforts horizontaux Hd,x et Hd,y,
Action de
les, embâcles…) moments Md,x et Md,y). Lorsqu’un moment est présent dans le tor-
Actions accidentelles phénomènes
A exception- seur appliqué, la charge résultante n’est plus centrée et il apparaı̂t
Actions gravitaires (chute de un excentrement défini comme :
nels
pierre, glissement de
terrain…) Md, y Md, x
eB = et e L = (1)
Vd Vd
Séismes (1)
avec eB excentrement dans le plan transversal (conte-
(1) Les séismes provoquant des actions particulières sont traités à part des
actions accidentelles « classiques » dans les Eurocodes (combinaison
nant B),
accidentelle π combinaison du séisme). eL excentrement dans le plan longitudinal (conte-
nant L),
Les formulations des combinaisons, les valeurs des coefficients y Vd valeur de calcul de la composante verticale du
sont données dans les différents Eurocodes, notamment les Euroco- torseur des efforts,
des 0, 1 et 7.
Hd,x valeur de calcul de la composante horizontale
L’ensemble des vérifications aux ELU pour les fondations superfi- suivant l’axe x du torseur des efforts,
cielles sont réalisées selon l’approche 2 (préconisation de l’annexe
Hd,y valeur de calcul de la composante horizontale
national de l’eurocode 7) c’est-à-dire la pondération des actions suivant l’axe y du torseur des efforts,
(combinaisons évoquées précédemment) et celles des résistances
(pondérations données dans les paragraphes suivants). Les carac- Md,x valeur de calcul du moment par rapport à
téristiques de sol ne sont pas pondérées. l’axe x du torseur des efforts (perpendiculaire
à la longueur L),
Il est à noter que seule la vérification de la stabilité générale du Md,y valeur de calcul du moment par rapport à
site (cf. § 6) est généralement réalisée en approche 3 (pondéra- l’axe y du torseur des efforts (perpendiculaire
tions des caractéristiques de sol, limitation des pondérations à la largeur B).
des actions et des résistances).
Ces excentrements eB et eL dépendant directement des combinai-
sons d’actions et des états limites définis précédemment, ils doi-
Concernant les fondations superficielles, les types d’états limites vent être déterminés pour chaque cas.
à considérer pour les vérifications sont repris dans le tableau 3. Les inégalités du tableau 4 doivent ensuite être vérifiées.
La vérification de la capacité portante du sol porte aux ELU sur Aux ELU, si l’excentrement dépasse 30 % de la largeur B (ou dia-
l’absence de poinçonnement et aux ELS sur la limitation de la mètre), des précautions spéciales doivent être prises sur la raideur
charge transmise au terrain. du sol support, la vérification détaillée des valeurs de calcul des

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Référence Internet
C248

Fondations profondes

1
par Roger FRANK
Professeur honoraire
École nationale des ponts et chaussées
Fahd CUIRA
Directeur scientifique
Terrasol (Groupe Setec)
et Sébastien BURLON
Directeur d’études
Terrasol (Groupe Setec)
Cet article est une mise à jour de la précédente édition publiée en 1995.

1. Classification des fondations profondes.......................................... C 248v2 - 2


2. Actions pour le calcul aux états limites ........................................... — 7
3. Pieu isolé sous charge axiale............................................................... — 11
4. Pieu isolé sous charge transversale................................................... — 22
5. Comportement des groupes de pieux ............................................... — 33
6. Justifications d’une fondation profonde.......................................... — 38
7. Conclusion................................................................................................. — 43
8. Glossaire .................................................................................................... — 43
9. Annexe 1 : prise en compte de l’effet d’accrochage
pour le calcul du frottement négatif unitaire limite ..................... — 44
10. Annexe 2 : formulaire pour le calcul des pieux
sous charge transversale ...................................................................... — 46
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. C 248v2

l existe deux grands modes de transmission des charges des constructions


I aux couches de sol sous-jacentes : par fondation superficielle et par fondation
profonde. Le mot « fondation » est pris dans cet article au sens de l’élément de
la construction (en béton armé ou acier, le plus généralement). Il peut, dans cer-
taines conditions, signifier les couches de sol elles-mêmes (sur lesquelles ou au
travers desquelles on entend précisément « fonder » la construction).
Les fondations superficielles sont, par définition, les fondations qui reposent sur le
sol ou qui n’y sont que faiblement encastrées. Ce sont les semelles, radiers, etc. [1].
Lorsque les sols près de la surface n’ont pas les propriétés mécaniques suffi-
santes pour supporter les charges par l’intermédiaire de fondations
superficielles, ou que sa résistance est trop faible, ou bien que les tassements
prévus sont préjudiciables à la construction, on fait appel à des fondations pro-
fondes ou semi-profondes. Les fondations profondes (fondations sur pieux,
essentiellement) sont celles qui permettent de reporter les charges dues à la
Parution : décembre 2019

construction qu’elles supportent sur des couches situées depuis la surface


jusqu’à une profondeur variant de quelques mètres à plusieurs dizaines de
mètres. Dans le calcul de la capacité portante des pieux, il y a donc lieu de

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15
Référence Internet
C248

FONDATIONS PROFONDES ___________________________________________________________________________________________________________

considérer, en plus de la résistance du sol sous la base, la résistance du sol sur


les parois latérales, c’est-à-dire le frottement « axial » le long du fût des pieux.
Les barrettes sont des parois moulées porteuses qui, bien que de forme dif-
férente et faisant appel à une technique particulière, ont un mode d’exécution
et un comportement généralement comparable à ceux des pieux forés.
Entre les deux extrêmes, fondations superficielles et fondations profondes,

1
on distingue les fondations semi-profondes dont la base se trouve relative-
ment près de la surface, mais pour lesquelles le frottement axial ne peut être
négligé : il s’agit des puits et pieux courts ou des barrettes de faible profon-
deur et de la plupart des caissons. Il n’y a pas de méthode de calcul propre à
cette catégorie de fondations qui ne constitue que des cas particuliers ; il
faudra adapter, suivant les cas, les méthodes retenues pour les fondations
superficielles ou pour les fondations profondes. On sera notamment guidé par
le mode d’exécution ou de mise en œuvre, proche de celui d’une fondation
superficielle ou de celui d’une fondation profonde.
Cet article expose les méthodes les plus courantes de calcul des fondations
profondes, dont celles qui sont préconisées par la norme française d’applica-
tion de l’Eurocode 7 (AFNOR, 2012). Pour certains compléments, concernant
notamment les modèles numériques et les aspects d’interaction sol-structure,
on pourra se reporter à la référence [1].

1. Classification Traditionnellement, on classe les fondations profondes soit sui-


vant :
des fondations profondes – la nature du matériau constitutif : bois, métal, béton ;
– le mode de mise en œuvre dans le sol :
Les fondations profondes regroupent les pieux, barrettes, puits •  pieux forés et autres fondations exécutés en place par béton-
et micropieux. Leur élancement D/B (rapport entre leur fiche D et nage dans un forage, à l’abri ou non d’un tube métallique
leur diamètre ou largeur B) est, en général, supérieur à 5. pour ce qui concerne certains pieux,

Figure 1 – Pieu foré à la boue (Crédit. Solétanche-Bachy)

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Référence Internet
C248

____________________________________________________________________________________________________________ FONDATIONS PROFONDES

•  pieux battus, façonnés à l’avance et mis en place, le plus d’une boue de forage. Le forage est rempli de béton de grande
souvent, par battage. ouvrabilité sous la boue, en utilisant une colonne de bétonnage
Pour l’évaluation de la capacité portante, notamment, il est plus (figure 1). Comme pour les pieux forés simples, on peut effectuer
important de considérer le type de sollicitation imposée au sol par un rainurage de la paroi avant bétonnage.
la mise en place de la fondation. C’est ainsi que l’on distingue : Les formes de section des différents types de barrettes exé-
– les pieux et autres fondations profondes dont l’exécution se cutées dans ces conditions sont données sur la figure 2.
fait après extraction du sol du forage et qui, de ce fait, ne pro-

1
voquent pas de refoulement du sol ; ■ Pieu foré tubé
– les pieux dont la mise en place provoque un refoulement du
sol ; Mis en œuvre à partir d’un forage exécuté dans le sol par des
– certains pieux particuliers dont le comportement est intermé- moyens mécaniques tels que tarière, benne, etc., sous protection
diaire. d’un tube ou virole dont la base est toujours située au-dessous du
fond de forage. Le tube peut être enfoncé jusqu’à la profondeur
finale par vibration, ou foncé avec louvoiement au fur et à mesure
1.1 Fondations profondes ne refoulant de l’avancement du forage. Le forage est rempli partiellement ou
totalement de béton (figure 3). Soit le tube est extrait (virole récu-
pas le sol à la mise en place pérée) sans que le pied du tube puisse se trouver à moins de 1 m
Cette catégorie de pieux comprend les pieux forés et barrettes, sous le niveau du béton, sauf au niveau de la cote d’arase, soit le
les pieux à la tarière creuse (voir la norme NF EN 1536, AFNOR tube est laissé en place (virole perdue).
2015b), ainsi que les micropieux forés (voir la norme NF EN 14199,
AFNOR 2015d).
■ Pieu foré simple (et barrette exécutée dans les mêmes condi-
tions)
Mis en œuvre à partir d’un forage exécuté dans le sol par des
moyens mécaniques tels que tarière, benne, etc. Ce procédé, qui
n’utilise pas le soutènement de parois, ne s’applique que dans les
sols suffisamment cohérents et situés au-dessus des nappes
phréatiques. On peut effectuer un rainurage de la paroi avant
bétonnage.
■ Pieu foré à la boue et barrette
Mis en œuvre à partir d’un forage exécuté dans le sol par des
moyens mécaniques tels que tarière, benne, etc., sous protection Figure 2 – Différents types de barrettes

Figure 3 – Pieu foré tubé (Crédit Études et Travaux de Fondation)

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■ Puits moyen d’un tube plongeur. Le tubage est récupéré en l’obturant en


Fondations de grand diamètre creusées à sec. Les parois du tête et en le mettant sous pression au-dessus du mortier. Ces micro-
forage sont soutenues par un blindage. pieux ne sont pas utilisés pour les ouvrages de génie civil

■ Pieu tarière creuse à simple rotation ou à double rotation • Type II


Pour la simple rotation, la mise en œuvre se fait avec une C’est un pieu foré, de diamètre inférieur à 300 mm. Le forage
tarière continue à axe creux, d’une longueur totale au moins égale est équipé d’une armature et rempli d’un coulis ou de mortier de
à la profondeur des pieux à exécuter, vissée dans le sol sans scellement par gravité ou sous une très faible pression au moyen

1 extraction notable de terrain. La tarière est extraite du sol sans


dévisser pendant que, simultanément, du béton est injecté dans
l’axe creux de la tarière, prenant la place du sol extrait. Pour la
d’un tube plongeur. Lorsque la nature du sol le permet, le forage
peut être remplacé par le lançage, le battage ou le fonçage
• Type III
double rotation, on ajoute un tube intérieur qui tourne en sens
inverse de la tarière creuse. Le béton est injecté à travers l’âme de C’est un pieu foré, de diamètre inférieur à 300 mm. Le forage est
la tarière creuse. Selon la nature du sol, le tube fore en avant de la équipé d’armatures et d’un système d’injection qui est un tube à
tarière ou, au contraire, la tarière peut forer avant le tube. manchettes mis en place dans un coulis de gaine. Si l’armature est
Certaines tarières sont équipées d’un tube de bétonnage téles- un tube métallique, ce tube peut être équipé de manchettes et tenir
copique rétracté pendant la perforation et plongeant dans le béton lieu de système d’injection. L’injection est faite en tête à une pres-
pendant l’opération de bétonnage (figure 4). sion supérieure ou égale à la pression limite du sol. Elle est glo-
bale et unitaire (IGU). Lorsque la nature du sol le permet, le forage
Par ailleurs, on distingue la mise en œuvre sans enregistrement
peut être remplacé par le lançage, le battage ou le fonçage ;
spécifique des paramètres de forage et de bétonnage, et la mise en
œuvre avec enregistrement spécifique des paramètres de forage et • Type IV
de bétonnage (profondeur, pression du béton, quantité de béton).
C’est un pieu foré de diamètre inférieur à 300 mm. Le forage est
■ Micropieux équipé d’armatures et d’un système d’injection qui est un tube à
La technique des micropieux est utilisée pour les problèmes les manchettes mis en place dans un coulis de gaine. Si l’armature
plus variés. En fait, on distingue quatre types de micropieux. est un tube métallique, ce tube peut être équipé de manchettes et
tenir lieu de système d’injection. On procède à l’injection à l’obtu-
• Type I rateur simple ou double d’un coulis ou mortier de scellement à
C’est un pieu foré tubé, de diamètre inférieur à 300 mm. Le forage une pression d’injection supérieure ou égale à la pression limite
est équipé ou non d’armatures et rempli d’un mortier de ciment au du sol. L’injection est répétitive et sélective (IRS). Lorsque la

1,50 m

1 2 3 4 5 6

Figure 4 – Pieu « Starsol » de Solétanche-Bachy

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nature du sol le permet, le forage peut être remplacé par le lan-


çage, le battage ou le fonçage.
• Pieu de gros diamètre, injecté, sous haute pression
Ce type de pieu, par opposition aux micropieux de type III et IV,
regroupe les pieux injectés de forts diamètres, supérieurs à 300 mm.
Le forage est équipé d’armatures et d’un système d’injection consti-
tué par un ou plusieurs tubes à manchettes. Lorsque l’armature est

1
un tube métallique, ce tube peut faire office de tube à manchettes.
Dans certains cas, le tube métallique peut être équipé d’une succes-
sion de clapets spéciaux indépendants ou de rampes spéciales qui
permettent l’injection. L’armature peut être également constituée
par des profilés (H ou caissons de palplanches). Le scellement au
terrain est effectué par injection sous haute pression d’un coulis ou
d’un mortier d’une manière globale et unitaire ou répétitive et sélec-
tive à partir d’un obturateur simple ou double.

1.2 Pieux refoulant le sol à la mise Figure 5 – Profilés métalliques


en place
Les principaux types de pieux entrant dans ce groupe sont tous les – en forme de H (éventuellement équipé des tubes à manchettes
pieux battus ainsi que les pieux vissés (voir la norme NF EN 12699, pour injection) ;
AFNOR 2015c). – en forme d’anneau (tube) ;
– de formes quelconques, obtenues par soudage de palplanches,
■ Pieu battu préfabriqué par exemple (palpieux).
Ces pieux, préfabriqués en béton armé ou précontraint, sont Ils ne sont classés dans les pieux refoulant le sol que si leur
fichés dans le sol par battage, vibrofonçage ou vérinage. base est obturée. Sinon, ils font partie des pieux particuliers.
■ Pieu en métal foncé fermé ou ouvert ■ Pieu battu moulé
Ces pieux sont constitués de profilés métalliques fichés dans le Un tube, muni à sa base d’une pointe métallique ou en béton
sol par battage, vibrofonçage ou vérinage. Ils peuvent être armé, ou d’une plaque métallique raidie ou d’un bouchon de béton,
enrobés par un béton, mortier ou coulis, grâce à l’utilisation d’un est enfoncé par battage sur un casque placé en tête du tube ou par
sabot débordant en pointe (enrobage du métal du fût du pieu de battage sur le bouchon de béton. Le tube est ensuite rempli totale-
4 cm au minimum). ment de béton d’ouvrabilité moyenne, avant son extraction
Leurs sections sont (figure 5) : (figure 6). Le cas échéant, ces pieux peuvent être armés.

Figure 6 – Pieu battu moulé (Crédit. Études et Travaux de Fondation)

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1
2

1
3

Figure 7 – Pieu « Atlas » de Franki Fondation

■ Pieu vissé moulé 1.3 Pieux particuliers


Ce procédé consiste à faire pénétrer dans le sol, par rotation et
Il s’agit des pieux métalliques (H, tubes, palpieux) décrits au
fonçage, un outil hélicoïdal creux fixé à la base d’un tube ; le tube
paragraphe 1.2 (figure 5), mais qui sont battus, vibrofoncés ou
sert au coulage du béton (figure 7).
vérinés sans obturation de leur base. Leur section réelle en pointe
Certains procédés abandonnent l’outil en fin de forage, mais la est faible par rapport à l’encombrement extérieur du pieu. Pour le
plupart sont basés sur des outils récupérés, dont l’obturation en calcul de la force portante, ils font l’objet de recommandations
phase de vissage est réalisée par une pointe perdue ou un obtura- particulières (voir § 3.4 et 3.5).
teur amovible.
Grâce à la diversité des types d’hélices qui peuvent être utili- 1.4 Identification des pieux par classe
sés, plusieurs techniques de pieux vissés moulés se sont déve-
loppées. L’intérêt du procédé est de refouler presque la totalité et catégorie
du sol. En France, une identification des techniques de pieu par classes
et par catégories est proposée notamment pour l’utilisation des
■ Pieu vissé tubé
méthodes pressiométrique et pénétrométrique pour la prévision
Il s’agit d’un pieu vissé constitué d’un tube, d’un outil et d’une de la capacité portante (AFNOR, 2012). Ces classes et ces catégo-
pointe perdus. ries de pieux sont données dans le tableau 1.

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service spécifiées pour une structure ou un élément structural ne


Tableau 1 – Classes et catégories de pieux sont plus satisfaites » ; ces états comprennent :
(AFNOR, 2012) – « les déformations qui affectent l’aspect, le confort des utilisa-
teurs ou la fonction de la structure (y compris le fonctionnement
Classes Catégories Techniques de mise en œuvre des machines ou des services) ou qui endommagent des finitions
ou des éléments non structuraux ;
1 Foré simple (pieux et barrettes) – les vibrations qui nuisent au confort des personnes ou qui
limitent l’efficacité fonctionnelle de la structure ;

1
2

3
Foré boue (pieux et barrettes)

Foré tubé (virole perdue)


– les dommages susceptibles de nuire à l’aspect, à la durabilité,
ou à la fonction de la structure ». 1
Les états limites ultimes sont ceux « associés à un effondrement
4 Foré tubé (virole récupérée) ou à d’autres formes similaires de défaillance structurale » ainsi
que, conventionnellement, certains états qui les précèdent ; ils
5 Foré simple ou boue avec rainurage « concernent la sécurité des personnes et/ou la sécurité de la
ou puits structure » ; ces états comprennent :
6 Foré tarière creuse simple rotation, – « la perte d’équilibre de tout ou partie de la structure, considé-
2 rée comme un corps rigide ;
ou double rotation
– une défaillance due à une déformation excessive, à la transfor-
7 Vissé moulé mation en mécanisme de tout ou partie de la structure, à une rup-
3 ture, à une perte de stabilité de la structure ou de toute partie de la
8 Vissé tubé structure, y compris ses appuis et fondations ;
– une défaillance provoquée par la fatigue ou d’autres effets
9 Battu béton préfabriqué dépendant du temps ».
ou précontraint
En ce qui concerne les calculs de portance (calculs en termes de
10 Battu enrobé (béton – mortier – coulis) forces), l’approche aux « états limites » consiste à s’assurer que :
4
11 Battu moulé
avec Fd charge de calcul appliquée à la fondation, tenant
12 Battu acier fermé compte d’éventuels coefficients pondérateurs
des charges (généralement supérieurs à 1), qui
5 13 Battu acier ouvert sont des coefficients partiels sur les actions (voir
ci-après),
14 Profilé H battu
6 Rd capacité portante de calcul (ou résistance de
15 Profilé H battu injecté calcul) correspondante, tenant compte de
coefficients de sécurité partiels sur la résistance
7 16 Palplanches battues du sol (§ 6.2).

17 Micropieu type I On se contente de donner ici quelques principes généraux sans


1 bis entrer dans le détail des calculs aux états limites. Les situations, les
18 Micropieu type II différents types d’actions et leurs valeurs à prendre en compte dans
les calculs sont définis dans les textes normatifs ou réglementaires.
19 Pieu ou micropieu injecté mode IGU Ils varient notamment suivant le type d’ouvrage considéré.
(type III) Pour les fondations profondes des ouvrages de génie civil et
8 des bâtiments (AFNOR, 2012), on distingue communément les
20 Pieu ou micropieu injecté mode IRS actions suivantes :
(type IV)
– les actions permanentes générales (§ 2.1.1) ;
– les actions permanentes dues aux poussées transversales
(§2.1.2) et au frottement négatif (§ 2.1.3) ;

2. Actions pour le calcul – les actions variables (§ 2.1.4) ;


– les actions accidentelles (§ 2.1.5) et les actions sismiques.
aux états limites Les actions sismiques n’interviennent que dans les combinai-
sons sismiques et ne sont pas traitées ici (voir la référence [1]
pour plus de détails).
2.1 Définition des actions
2.1.1 Actions permanentes G
On distingue les états limites de service (ELS) et les états
limites ultimes (ELU). En ce qui concerne la portance des fonda- Ce sont des actions permanentes de toute nature. Leurs valeurs
tions, on retiendra que, pour chacun de ces états limites, on doit, caractéristiques sont notées G.
d’une part, former des combinaisons d’actions afin de déterminer
la charge sur la fondation Fd et, d’autre part, déterminer la résis- Citons, par exemple :
tance du sol Rd qui est, elle-même, fonction de l’état limite consi- – le poids propre de la fondation ;
déré (cf. § 6.2). On doit aussi, si la structure portée le nécessite, – le poids propre de l’appui (pile, culée, semelle de liaison, etc.) ;
déterminer les déplacements (ou leur ordre de grandeur) sous dif- – la fraction du poids propre du bâtiment ou de l’ouvrage considéré
férentes combinaisons d’actions (§ 6.4). et de ses équipements reprise par la fondation ;
Selon l’Eurocode : « Bases de calcul des structures » (EN 1990, – les efforts dus au retrait, fluage, etc. ;
AFNOR, 2003), les états limites de service sont « les états correspon- – les efforts dus au poids et aux poussées du sol ;
dant à des conditions au-delà desquelles les exigences d’aptitude au – la pression due à l’eau s’exerçant sur un mur de soutènement.

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2.1.3 Frottement négatif Gsn


Cette action est à considérer dans les cas de fondations pro-
fondes soumises à un déplacement axial de terrains (tassement
vertical dans la plupart des cas). On peut citer l’exemple d’un
ouvrage d’art ou d’un bâtiment fondé sur pieux à côté duquel des
terrains sont surchargés sous l’effet d’un remblaiement, d’un
rabattement de nappe ou d’une autre construction fondée superfi-

1 ciellement. Le phénomène de frottement négatif se produit, d’une


manière générale, lorsque le tassement du sol est supérieur au
tassement du pieu qui le traverse. La résultante du frottement
négatif est donc fonction à la fois du tassement du sol et de la
charge supportée par le pieu en tête.

La figure 9 donne l’exemple d’une culée remblayée fondée sur


pieux, pour lesquels le tassement progressif, par consolidation de
la couche compressible, provoque sur le pieu un frottement dirigé
vers le bas, le déplacement relatif sol-pieu étant dirigé dans ce
sens. Ce frottement négatif agit, non seulement sur les pieux, mais
également sur la semelle de liaison et, comme le remblai tasse
plus que la culée, il y a aussi du frottement négatif du remblai sur
Figure 8 – Poussées transversales sur les pieux d’une culée le mur de front.
remblayée
Notons que, dans ce cas, la poussée sur le mur est inclinée vers
le bas et que sa composante tangentielle tient lieu de frottement
Notons qu’à l’état limite ultime, sous certaines combinaisons, il négatif.
y a lieu de séparer (cf. § 2.2) :
À noter que, dans les cas similaires à celui de la figure 9 (frotte-
– les actions G défavorables de valeurs caractéristiques Gmax ;
ment négatif créé par la présence d’une couche compressible), le
– les actions G favorables de valeurs caractéristiques Gmin. frottement négatif croît en fonction du tassement et donc du
temps. Par ailleurs, sur la hauteur de la couche compressible, la
Les actions dues à l’eau sont, essentiellement, dans le cas des valeur limite, augmentant avec la pression effective horizontale
fondations profondes, les pressions hydrostatiques et les pres- agissant normalement à la surface du pieu, croît au fur et à
sions interstitielles, en présence d’un écoulement ou non. Les mesure de l’avancement de la consolidation. Il est donc maximal
actions dues à l’eau dans les sols sont considérées comme des à long terme.
actions permanentes. Le caractère variable de ces actions est pris
en compte en définissant différents niveaux qui sont associés à La résultante des frottements négatifs, dans les combinaisons
des combinaisons spécifiques (voir [1]). aux états limites ultimes et états limites de service (§ 2.2), ne
s’ajoute pas, en principe, aux actions variables de courte durée.
En effet, on peut admettre que, lors d’une application d’une action
2.1.2 Poussées transversales Gsp de courte durée, le tassement du pieu provoque une diminution
du déplacement relatif sol-pieu (donc une diminution du frotte-
Ces actions sont à considérer dans les cas de fondations pro- ment négatif mobilisé), en partie haute tout du moins, et peut
fondes soumises à des déplacements transversaux du terrain. même l’inverser. Par ailleurs, la résultante maximale de frotte-
Ces cas couvrent des situations assez diverses comme un ment négatif se situe en profondeur, alors que ces actions
ouvrage d’art fondé sur pieux dans un glissement de terrain, agissent en tête.
une culée d’ouvrage d’art fondée sur pieux et remblayée, un Lorsque l’on fait un calcul « en forces » (et non « en déplace-
bâtiment fondé sur pieux à côté duquel des terrains sont rem- ment »), les actions variables de courte durée ne sont prises en
blayés, etc. compte que si elles sont supérieures à la charge de frottement
négatif. Sinon, c’est cette dernière qui est retenue (§ 2.2). Cela se
Exemple
La figure 8 illustre le phénomène dans le cas d’une culée d’ouvrage
d’art fondée sur pieux et remblayée. Les pieux traversent une couche
de sol mou compressible et cette couche est chargée de façon dissy-
métrique (par le remblai en l’occurrence). Le sol mou a tendance à se
déplacer vers l’aval, et cela d’autant plus que le coefficient de sécurité
vis-à-vis d’un grand glissement (suivant la courbe (C), par exemple)
est plus faible. Ces déplacements entraînent des efforts sur les pieux,
qui peuvent être importants.
La méthode de calcul proposée au § 4.2 prend en compte la rigidité
relative sol-pieu, ainsi que le déplacement g(z) que subirait le sol mou
sous charge dissymétrique en l’absence de pieu. Dans le cas d’une
pile d’ouvrage d’art fondée sur pieux dans un glissement de terrain, le
déplacement g(z) représente le mouvement du glissement de terrain
en l’absence des pieux.
Pour l’application de la théorie des états limites de service et ultime
(ELS et ELU), il faut noter que c’est g(z) qui est considéré comme
action (et non les poussées). Néanmoins, dans ce cas, les coefficients
partiels ne sont pas appliqués au déplacement lui-même mais aux
effets des actions qu’il induit dans le pieu. Figure 9 – Frottement négatif sur les pieux d’une culée remblayée

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« tourner » les actions variables entre base et accompagnement


pour déterminer la combinaison la plus défavorable.
FG + FQq-p Lorsque Q est considérée comme action de base, on distingue
+ FQ’ les valeurs représentatives suivantes :
FG + FQq-p FQ’
– Q1, prise en compte dans les combinaisons fondamentales
Effort axial F (ELU) et dans les combinaisons caractéristiques (ELS irréversibles) ;
– ψ1Q1 prise en compte dans les situations accidentelles (ELU) et

1
dans les combinaisons fréquentes (ELS réversibles) ; il est à noter
que les combinaisons fréquentes ne sont pas vérifiées en pratique
pour le calcul des fondations ;
– ψ2Q1 prise en compte dans les situations accidentelles (ELU).
Lorsque Q est considérée comme action d’accompagnement, on
distingue les valeurs représentatives suivantes :
FG + FQq-p + Gsn
– ψ0Qi prise en compte dans les combinaisons fondamentales
(ELU) et les combinaisons caractéristiques (ELS irréversibles) ;
Sol – ψ2Qi prise en compte dans les situations accidentelles et sis-
compressible miques (ELU), dans les combinaisons fréquentes et quasi-
permanentes (ELS réversibles).
Les combinaisons d’actions (§ 2.2) indiquent les valeurs repré-
Sol sentatives pertinentes dans chaque cas. Lorsqu’une action
résistant variable est favorable pour un état limite donné, elle est prise à sa
valeur minimale, qui est en général la valeur nulle.
Les valeurs de ψ0, ψ1 et ψ2 sont inférieures ou égales à 1. Elles
z sont données dans l’Eurocode : « Bases de calcul des structures »
(NF EN 1990, AFNOR, 2003) ; elles tiennent compte de la simulta-
néité d’occurrence de ces actions.

Figure 10 – Cumul du frottement négatif et des actions variables


(AFNOR, 2012) 2.1.5 Actions accidentelles A
Pour les ouvrages de génie civil, l’action accidentelle peut être
traduit par la condition suivante (valable dans le cas où l’effort un choc de bateau, un choc de véhicule sur un appui, une action
normal est défavorable), illustrée par la figure 10 : hydrodynamique, etc. ; pour les bâtiments, un vent extrême, une
explosion, un choc, un feu, etc.

avec Fv effort total axial sur le pieu à prendre en compte Les actions accidentelles sont considérées avec une valeur
(avant application de tout facteur), représentative unique qui est une valeur nominale, générale-
FG effort axial dû aux charges permanentes, ment donnée dans les textes réglementaires.
FQq-p effort axial dû aux charges variables quasi-
permanentes,
Gsn effort axial de frottement négatif,
2.2 Combinaisons d’actions
effort axial dû aux autres charges variables (non Les fondations des ouvrages de génie civil et des bâtiments
quasi-permanentes). doivent être justifiées pour diverses combinaisons et actions de
calcul, conformément à l’Eurocode « Bases du calcul des structures »
La valeur de calcul Fd de l’effort axial à utiliser pour les vérifica-
(EN 1990, AFNOR, 2003) et à l’Eurocode 7 « Calcul géotechnique »
tions aux ELU et ELS tient compte des facteurs partiels sur les
(EN 1997-1, AFNOR, 2005a). Ainsi, la norme française d’application
charges permanentes G et les charges variables Q, ainsi que des de l’Eurocode 7 pour les fondations profondes (NF P 94-262, AFNOR,
facteurs ψ0, ψ1 et ψ2 sur les charges variables. Les valeurs de ces 2012) définit les combinaisons suivantes.
facteurs dépendent de la combinaison d’actions à vérifier (voir
§ 2.2.1 pour les ELU, § 2.2.2 pour les ELS). Dans les combinaisons d’actions qui suivent, le symbole « + »
signifie « combiné à ».
On donne au paragraphe 3.7.2 la méthode d’évaluation du frot-
tement négatif simplifiée, en termes de forces. Dans la référence
[1], est détaillée une méthode dite « en déplacement », tenant 2.2.1 États limites ultimes (ELU)
compte des tassements respectifs du sol et du pieu.
Pour les fondations profondes, on distingue communément :
– l’ELU de mobilisation du sol (capacité portante ou résistance
2.1.4 Actions variables Q en traction) ;
Il s’agit essentiellement : – l’ELU de stabilité d’ensemble ;
– l’ELU de résistance des matériaux constitutifs de la fondation ;
– des charges d’exploitation : surcharges routières, freinage,
stockage temporaire, etc. ; – lorsque les déplacements peuvent nuire au bon comportement
– des charges dues aux effets climatiques : vent, neige, etc. ; de la structure portée, l’état limite de déplacement.
– des effets des actions hydrodynamiques engendrées par la
houle, par exemple. 2.2.1.1 Combinaisons fondamentales
Ces actions variables Q interviennent dans toutes les combinai- Les combinaisons fondamentales couvrent les situations de calcul
sons d’actions (§ 2.2), soit comme action variable de base Q1, soit durables ou transitoires. Elles correspondent à une probabilité
comme action variable d’accompagnement Qi (i > 1). On fait d’occurrence très faible, de l’ordre de 10–4 ou moins sur une année.

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Pour les fondations profondes, on considère les effets des


actions de calcul Ed suivantes :
Tableau 2 – Correspondance entre les combinaisons
d’actions et différentes natures d’états limites
de service

Combinaisons
Utilisations selon l’EN 1990
d’actions

1 avec Gmax,
Gmin, Gsp,
Caractéristique
(rare)
États limites irréversibles

Gsn valeurs caractéristiques des actions Fréquente États limites réversibles


permanentes,
Q1 et Qi valeurs caractéristiques des actions variables, Quasi- Effets à long terme et aspect de la structure
permanente
γsp = 1,35 lorsque les poussées transversales sont
défavorables,
= 0,675 lorsque les poussées transversales sont
favorables, Selon l’Eurocode : « Bases de calcul des structures » (EN 1990,
AFNOR, 2003), ces combinaisons d’actions correspondent à diffé-
γsn = 1,35 lorsque le frottement négatif est défavorable, rentes natures d’états limites de service pour la structure portée
= 1,125 lorsque le frottement négatif est favorable, par les fondations. Le tableau 2 indique cette correspondance.
γQ,1 et γQ,i Dans la pratique quotidienne, le calcul des tassements d’une
= 1,5 le plus généralement pour les actions variables fondation profonde est envisagé pour les combinaisons quasi-per-
défavorables (réduite à 1,35 pour les charges manentes. Les charges sont supposées constantes dans le temps
routières sur les ponts), et l’évaluation des tassements de la fondation consiste à estimer
= 0 pour les actions variables favorables (autrement des tassements instantanés, des tassements de consolidation et
dit, elles ne sont pas prises en compte), des tassements de fluage (certaines méthodes de calcul fournis-
sant directement une valeur rendant compte de la totalité de ces
ψ0i = 0,7 pour la plupart des charges d’exploitation des tassements). Pour la combinaison caractéristique, le calcul des
bâtiments. tassements est nettement plus difficile puisque les charges varient
Dans ces combinaisons d’actions et celles qui suivent, le sym- dans le temps ce qui nécessite des méthodes appropriées permet-
bole [Gsn] indique que le cumul du frottement négatif Gsn avec les tant de gérer ces cycles de charge et décharge [2].
actions variables Q suit les règles énoncées au § 2.1.3.
2.2.2.1 Combinaisons quasi-permanentes
2.2.1.2 Combinaisons pour les situations accidentelles
Les combinaisons pour les situations accidentelles corres- Les actions dues aux combinaisons quasi-permanentes corres-
pondent à des événements très exceptionnels, dont la probabilité pondent aux actions réellement subies par la structure pendant la
d’occurrence est extrêmement faible sur la durée d’utilisation de majeure partie de sa durée de vie. Elles sont pertinentes pour étu-
l’ouvrage. dier les déplacements à long terme de la fondation.
Pour les fondations profondes, les effets des actions de calcul
Pour les fondations profondes, les effets des actions de calcul
Ed sont :
Ed suivantes sont à envisager :

avec, le plus souvent, dans le cas des ouvrages d’art, pour les
charges de trafic et les forces dues au vent, ψ2iQi = 0.
avec, le plus souvent, dans le cas des ouvrages d’art, pour les
charges de trafic et les forces dues au vent, ψ2iQi = 0.
2.2.2.2 Combinaisons caractéristiques
2.2.2 États limites de service (ELS)
Les actions dues aux combinaisons caractéristiques (aussi
On envisage essentiellement pour les fondations profondes : appelées « rares ») correspondent aux actions que les ouvrages
auront à subir, seulement quelques fois, au cours de leur durée de
– l’ELS de mobilisation du sol (limitation des déplacements par
vie.
calcul de portance) ;
– l’ELS du matériau constitutif de la fondation (durabilité de la Pour les fondations profondes, les effets des actions de calcul
fondation) ; Ed à considérer sont données par :
– lorsque la structure portée l’exige, l’état limite de déplacement.
Ces états limites de service doivent être vérifiés pour différentes
combinaisons d’actions :
– les combinaisons quasi-permanentes ;
– les combinaisons fréquentes (ne sont pas vérifiées en pratique
pour le calcul des fondations) ; ψ0i = 0,7 pour la plupart des charges d’exploitation des bâti-
– les combinaisons caractéristiques. ments.

C 248v2 – 10 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

24
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C250

Eurocode 8 : fondations
superficielles et profondes
par Léo QUIRIN
et Stéphane MULLER
Keller Fondations Spéciales Duttlenheim (France)
1
1. Zonage réglementaire, classification des sols
et coefficients d’importance ........................................................ C 250 – 2
1.1 Zonage réglementaire ........................................................................ — 2
1.2 Classification des sols selon l’Eurocode 8 ........................................ — 2
1.3 Coefficients d’importance .................................................................. — 3
2. Comportement dynamique du sol ............................................... — 3
2.1 Module de cisaillement G et amplitude des déformations
de cisaillement ................................................................................... — 3
2.2 Définition du degré d’amortissement ................................................ — 3
2.3 Corrélations pour estimer le module de cisaillement G ................... — 4
2.4 Liquéfaction des sols ......................................................................... — 4
2.5 Amplification du mouvement sismique et effets de site .................. — 5
3. Définition des efforts appliqués aux fondations...................... — 5
4. Justifications des fondations superficielles ............................. — 5
4.1 Préambule .......................................................................................... — 5
4.2 Portance selon l’EN 1998-5 [Annexe F] .............................................. — 5
4.2.1 Expression générale ................................................................ — 5
4.2.2 Courbes enveloppes ................................................................ — 7
4.2.3 Force d’inertie .......................................................................... — 7
5. Justifications des fondations profondes ................................... — 7
5.1 Préambule .......................................................................................... — 7
5.2 Effet inertiel ........................................................................................ — 8
5.2.1 Méthode élasto-plastique aux modules de réactions
à fréquence nulle ..................................................................... — 8
5.2.2 Liaisonnement en tête ............................................................. — 9
5.2.3 Effets de groupe ...................................................................... — 9
5.3 Effet cinématique ............................................................................... — 9
5.3.1 Profil de sol de type monocouche .......................................... — 10
5.3.2 Profil de sol de type bicouche ................................................. — 10
5.3.3 Profil de sol de type multicouche ........................................... — 10
5.4 Cumul des effets inertiels et cinématiques ....................................... — 10
6. Conclusion........................................................................................ — 11
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 250
Parution : février 2015 - Dernière validation : juillet 2020

S elon l’EC8-1 (§ 1.1), la protection parasismique consiste à assurer que :


– les vies humaines sont protégées ;
– les dommages sont limités ;
– les structures importantes pour la protection civile restent opérationnelles.
Trois types de conceptions peuvent être envisagés, qui impliquent des
méthodes d’analyse différentes, mais également des conséquences variables
en termes de performance et de niveau d’endommagement sismique :
– conception « élastique » ;
– conception « ductile » ;
– ou conception basée sur les principes d’isolation sismique et d’amortissement.
Il appartient donc au maı̂tre d’ouvrage, en fonction du contexte (sismicité,
valeur attribuée à l’ouvrage, aspects stratégiques, organisation des secours),
de se prononcer en faveur de l’une ou l’autre.

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25
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C250

EUROCODE 8 : FONDATIONS SUPERFICIELLES ET PROFONDES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Zonage réglementaire, Le paramètre retenu pour décrire l’aléa sismique au niveau natio-
nal est une accélération agr, accélération du sol au rocher (le sol
classification des sols et rocheux est pris comme référence). La figure 1 illustre la situation.

coefficients d’importance 1.2 Classification des sols


selon l’Eurocode 8
1.1 Zonage réglementaire La nature locale du sol (dizaines de mètres les plus proches de la

1 Le zonage réglementaire définit cinq zones de sismicité crois-


sante basées sur un découpage communal. La zone 5, regroupant
surface) influence fortement la sollicitation ressentie au niveau des
bâtiments. L’Eurocode 8 distingue cinq catégories principales de
sols (de la classe A pour un sol de type rocheux à la classe E pour
les ı̂les antillaises, correspond au niveau d’aléa le plus élevé du ter- un sol mou) pour lesquelles est défini un coefficient de sol S, le
ritoire national. La métropole et les autres DOM présentent quatre paramètre S permet de traduire l’amplification de la sollicitation
zones sismiques, de la zone 1 de très faible sismicité (bassin aqui- sismique exercée par certains sols.
tain, bassin parisien…) à la zone 4 de sismicité moyenne (fossé rhé- Le tableau 1 reprend le tableau 3.1 du paragraphe 3.1.2 de
nan, massifs alpin et pyrénéen). l’EN 1998-1 en le complétant par des ordres de grandeur des

Zone de
sismicité Niveaux d’aléas agr (en m/s2)

Zone 1 Très faible 0,4

Zone 2 Faible 0,7

Zone 3 Modéré 1,1

Zone 4 Moyen 1,6

Zone 5 Fort 3

Figure 1 – Zonage réglementaire et valeur de agr associée

Tableau 1 – Classes de sol – Ordres de grandeurs des valeurs de qc, SPT et Pressio
Paramètres Ordres de grandeur
Description du profil stratigraphique Vs,30 Cu qc EM Pl
NSPT
(en m/s) (en kPa) (en MPa) (en MPa) (en MPa)
Rocher ou autre formation géologique de ce type com-
A portant une couche superficielle d’au plus 5 m de maté- > 800 – – > 100 >5
riau moins résistant.
Dépôts raides de sables, de graviers ou d’argiles surcon-
solidés, d’au moins plusieurs dizaines de mètres d’épais- > 3,5 (argile) > 1,2 (argile)
B 360 - 800 > 50 > 250 25 - 100
seur, caractérisés par une augmentation progressive des > 20 (sable) 2,0 à 5,0 (sable)
propriétés mécaniques avec la profondeur.
Dépôts profonds de sables de densité moyenne, de graviers
De 1 à 3,5 (argile) 0,5 à 1,2 (argile)
C ou d’argiles moyennement raides ayant des épaisseurs de 180 - 360 15 - 50 70 - 250 5 - 25
De 6 à 20 (sable) 0,8 à 2 (sable)
quelques dizaines à quelques centaines de mètres.
Dépôts de sol sans cohésion de densité faible à moyenne
< 1 (argile) < 0,5 (argile)
D (avec ou sans couches cohérentes molles) ou comprenant < 180 < 15 < 70 <5
< 6 (sable) < 0,8 (sable)
une majorité de sols cohérents mous à fermes.
Profil de sol comprenant une couche superficielle d’allu-
vions avec des valeurs de Vs de classe C ou D et une
E – – – – – –
épaisseur comprise entre 5 m environ et 20 m, reposant
sur un matériau plus raide avec Vs > 800 m/s
Dépôts composés, ou contenant, une couche d’au moins
S1 10 m d’épaisseur d’argiles molles/vases avec un indice de < 100 10 - 20 < 0,6 – < 0,2
plasticité élevé (PI > 40) et une teneur en eau importante.
Dépôts de sols liquéfiables d’argiles sensibles ou tout autre
S2 – – – – – –
profil de sol non compris dans les classes A à E ou S1

C 250 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

26
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C250

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– EUROCODE 8 : FONDATIONS SUPERFICIELLES ET PROFONDES

valeurs de qc (essai Cone Penetration Test), NSPT (essai au Standard – des conséquences économiques et sociales en cas
Penetration Test) et EM/pl (essai pressiométrique Ménard) pour la d’effondrement.
classification des sols.
À chaque catégorie d’importance est associé un coefficient
Il convient de classer le site selon la valeur moyenne de la vitesse d’importance g l qui vient moduler l’action sismique de référence
des ondes de cisaillement Vs30 si elle est disponible. Dans le cas conformément à l’Eurocode 8.
contraire, il convient d’utiliser les ordres de grandeur des valeurs La figure 2 apporte une description complémentaire à l’Euro-
des NSPT, de Cu, Pl ou de qc sur les 30 m supérieurs. code 8 concernant cette classification et les valeurs du coefficient
Les ordres de grandeurs annoncés doivent être représentatifs de d’importance g l.
la stratigraphie du sol sur plusieurs dizaines ou centaines de mètre
(30 m minimum). 1
Le paramètre S est défini dans le tableau 2. 2. Comportement dynamique
du sol
1.3 Coefficients d’importance
Les bâtiments à risque normal sont classés en 4 catégories
d’importance qui dépendent :
2.1 Module de cisaillement G
– des conséquences en termes de vies humaines en cas
et amplitude des déformations
d’effondrement ; de cisaillement
– de l’importance du bâtiment pour la sécurité publique et la pro- Les modules de déformation dépendent de l’amplitude de la
tection civile immédiatement après un séisme ; déformation. Les ordres de grandeur des déformations pour les
ouvrages sont en moyenne compris entre 10-4 et 10-2 alors que
les essais classiques (pénétromètre, œdomètre, triaxiaux classi-
Tableau 2 – Définition du paramètre S en fonction
ques) donnent des modules représentatifs de déformations supé-
de la zone de sismicité rieures à 10-2.
Pour le calcul d’ouvrages sous l’action d’un séisme, la connais-
Classes de sol S (zones 1 à 4) S (zone 5) sance du module de cisaillement G dans la gamme de déforma-
tions 10-4 et 10-6 est nécessaire de même que l’amortissement x.
A 1 1

B 1,35 1,2 2.2 Définition du degré d’amortissement


C 1,5 1,15 L’amortissement global de la structure sur support flexible inclut
d’une part l’amortissement radiatif et d’autre part l’amortissement
D 1,6 1,35 interne engendré à l’interface sol-fondation, en plus de l’amortisse-
ment associé à la superstructure. Il convient de considérer séparé-
E 1,8 1,4 ment l’amortissement interne, causé par le comportement inélas-
tique du sol sous chargement cyclique, et l’amortissement radiatif,

Catégories d’importance Description

I
 Bâtiments dans lesquels il n’y a aucune activité humaine nécessitant
un séjour de longue durée.

 Habitations individuelles.
II  Établissements recevant du public (ERP) de catégories 4 et 5.
 Habitations collectives de hauteur inférieure à 28 m.
 Bureaux ou établissements commerciaux non ERP, h ≤ 28 m, max 300 pers.
 Bâtiments industriels pouvant accueillir au plus 300 personnes.
 Parcs de stationnement ouverts au public.

 ERP de catégories 1, 2 et 3.
III  Habitations collectives et bureaux, h > 28 m.
 Bâtiments pouvant accueillir plus de 300 personnes.
 Établissements sanitaires et sociaux.
 Centres de production collective d’énergie.
 Établissements scolaires. Catégories Coefficients
d’importance d’importance γi
 Bâtiments indispensables à la sécurité civile, la défense nationale et le
IV maintien de l’ordre public. I 0,8
 Bâtiments assurant le maintien des communications, la production et
le stockage d’eau potable, la distribution publique et l’énergie. II 1
 Bâtiments assurant le contrôle de la sécurité aériene.
 Établissements de santé nécessaires à la gestion de crise. III 1,2
 Centres météorologiques. IV 1,4

Figure 2 – Descriptif des catégories d’importance et valeurs du coefficient d’importance

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27
1

28
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C242

Ouvrages de soutènement
Poussée et butée
par Thomas SIMONNOT
Directeur ACCOTEC (Gif-sur-Yvette, France) 1
et Yann JUILLIÉ
Expert près la Cour d’appel de Paris (Gif-sur-Yvette, France)
Première version par François SCHLOSSER

1. Définition des forces de poussée et de butée........................... C 242v2 – 2


1.1 Généralités ......................................................................................... — 2
1.2 Relation fondamentale entre pressions latérales et déplacements .. — 2
2. Coefficients de poussée et de butée........................................... — 4
2.1 Cas géostatique .................................................................................. — 4
2.2 Cas général d’un massif de sol pulvérulent ...................................... — 8
3. Calcul des forces de poussée et de butée ................................. — 8
3.1 Méthode de Coulomb ........................................................................ — 8
3.2 Méthode de Rankine .......................................................................... — 12
3.3 Méthode des équilibres limites ......................................................... — 15
3.4 Comparaison des différentes méthodes ............................................ — 15
4. Calcul de la poussée exercée par un sol saturé, siège d’un
écoulement d’eau............................................................................ — 16
4.1 Massif non drainé .............................................................................. — 16
4.2 Massif drainé ...................................................................................... — 16
5. Cas particuliers ............................................................................... — 17
5.1 Surcharges à la surface du sol .......................................................... — 17
5.2 Effet de silo......................................................................................... — 18
5.3 Effet du compactage .......................................................................... — 19
5.4 Renard hydraulique ............................................................................ — 19
5.5 Surcharges dynamiques .................................................................... — 20
6. Conclusion........................................................................................ — 21
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 242v2

’objet de cet article est de déterminer les forces de poussée et de butée en


L fonction de la géométrie des écrans ou de mur de soutènement et du massif
de sol retenu, des caractéristiques mécaniques du sol et des déplacements rela-
tifs du mur par rapport au sol.
Parution : avril 2015 - Dernière validation : juillet 2020

Ainsi, l’article présente les coefficients de poussée et de butée, leurs métho-


des de calcul (Mohr-Coulomb, Rankine, et équilibres limites) en les comparant.
Ces méthodes sont développées pour les différents types de sols (cohérents
ou pulvérulents), avec des exemples de calcul.

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C242

OUVRAGES DE SOUTÈNEMENT –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Définition des forces Si l’on effectue une translation horizontale de l’écran vers l’inté-
rieur du remblai, la force P croı̂t en fonction du déplacement D jus-
de poussée et de butée qu’à un maximum Pp qui correspond à la mobilisation totale de la
butée (figure 2b). La valeur de Pp est de 3 à 4 fois la valeur de la
force initiale P0.
Inversement, lors d’une translation horizontale de l’écran vers
1.1 Généralités l’extérieur du remblai, la force P diminue jusqu’à une valeur mini-
male Pa qui correspond à l’état complet de poussée. La valeur de Pa

1
Pour un ouvrage de soutènement simple, de type mur en béton est de l’ordre de la moitié de celle de P0.
retenant un massif de sol (figure 1), les types de sollicitations qui
s’exercent sur ce mur sont : On parle aussi de butée limite et de poussée limite pour
préciser qu’il s’agit des efforts extrêmes correspondant à la
– la force de pesanteur W, poids du mur, qui s’exerce sur la face
du mur en contact avec le sol ;
– les trois forces de mécanique des sols :
O
 la force de poussée (ou encore poussée) et on la note Pa,
l’indice a précisant qu’il s’agit d’une force active. C’est la
force du massif de sol s’exerçant sur la face amont du mur et
qui a tendance soit à renverser le mur, soit à le déplacer
horizontalement,
 la force de butée (ou encore butée) et on la note Pp, l’indice p
précisant qu’il s’agit d’une force passive (qui ne s’exerce
qu’en réaction à un déplacement effectif). C’est la force
qu’exerce le sol sur la face aval du mur, et qui a tendance à Δ
retenir le mur,
 la force portante N ou Rb, verticale, et la force de résistance au
glissement, T ou Rh, qui s’oppose au glissement du mur sur
P
sa base sous l’action de la poussée.

1.2 Relation fondamentale


entre pressions latérales
et déplacements
Des expériences simples, sur modèles réduits, montrent que les
valeurs des forces latérales précédemment introduites (forces de a écran rigide en translation
poussée et de butée) dépendent essentiellement des déplacements
horizontaux de l’ouvrage de soutènement.
Supposons, par exemple, que l’on encastre légèrement à la sur- P
face horizontale d’un massif de sable un écran vertical parfaite-
ment lisse et que l’on remblaie progressivement et horizontale-
ment derrière l’écran, en appliquant à ce dernier des efforts de Pp
résultante générale P tels qu’il n’y ait aucun déplacement de
l’écran (figure 2a). Ce dernier étant parfaitement lisse, la force P Butée
est horizontale (pas de frottement entre l’écran et le massif). Elle
est appelée « poussée au repos » et notée P0.

P0

Pa
Pa
Poussée

W
Pp Δa O Δp Δ
T
b relation force/déplacement
N

Figure 2 – Relation force/déplacement pour un écran rigide


Figure 1 – Sollicitations exercées sur un mur de soutènement en translation

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– OUVRAGES DE SOUTÈNEMENT

rupture du sol. Mais, dans la pratique, on omet souvent l’adjectif voûte » dont la conséquence est de concentrer les efforts au voisi-
« limite », les termes de poussée et de butée correspondant alors nage des appuis fixes et au contraire de les diminuer dans les
implicitement à la rupture. C’est ce que nous ferons dans la suite zones de grands déplacements.
de cet article.
Dans la suite de cet article, c’est la rotation en pied de l’écran qui
Si l’on compare les déplacements, on constate qu’il faut un sera implicitement considérée.
déplacement Dp beaucoup plus important pour atteindre l’état com-
plet de butée que le déplacement Da nécessaire pour atteindre celui
de poussée.

1
Plus précisément, si h est la hauteur hors fiche de l’écran, les vp / h vp / h
ordres de grandeur de ces déplacements va pour la poussée et vp Types de mouvement
pour la butée sont chiffrés aux figures 3 et 4. sol lâche sol dense
du mur
( en % ) ( en % )
De la même façon, la forme du diagramme des pressions exer-
cées par le massif de sol sur l’écran dépend de la nature du dépla-
cement imposé à l’écran. vp
Les quatre diagrammes présentés à la figure 5 montrent l’allure a) 7 ( 1,5 ) à 25 ( 4,0 ) 5 ( 1,1 ) à 10 ( 2,0 )

h
approximative de la répartition de la poussée pour quatre déplace-
ments particuliers de l’écran :
– rotation autour du pied (figure 5a) ;
– translation horizontale (figure 5b) ;
– rotation autour du sommet (figure 5c) ;
– déplacement de flexion entre deux appuis fixes, le pied et le
b) vp 5 ( 0,9 ) à 10 ( 1,5 ) 3 ( 0,5 ) à 6 ( 1,0 )

h
sommet (figure 5d).
La répartition la plus homogène et la plus pure est celle corres-
pondant à la rotation en pied. Ce type de déplacement est très fré-
quemment rencontré dans le cas des murs poids (cf. article [C 244]).
Les autres déplacements provoquent dans le sol, derrière l’écran et
de façon plus ou moins accentuée, un phénomène appelé « effet de
c) 6 ( 1,0 ) à 15 ( 1,5 ) 5 ( 0,5 ) à 6 ( 1,3 )

h
vp

va / h va / h Définitions
Types de mouvement du mur sol lâche sol dense vp est le mouvement du mur nécessaire pour mobiliser la butée
( en % ) ( en % ) des terres ;
h est la hauteur du mur.

va

a) 0,4 à 0,5 0,1 à 0,2 Figure 4 – Mouvements nécessaires pour mobiliser la butée
h

b) 0,2 0,0 à 0,1


h

va

0,8 à 1,0 0,2 à 0,5


h

c) a c

va

d) 0,4 à 0,5 0,1 à 0,2


h

va

Définitions
va est le mouvement du mur nécessaire pour mobiliser la poussée
des terres ;
b d
h est la hauteur du mur.

Figure 5 – Répartition de la poussée selon le type de déplacement


Figure 3 – Mouvements nécessaires pour mobiliser la poussée de l’écran

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OUVRAGES DE SOUTÈNEMENT –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

2. Coefficients de poussée  Dans le cas des sols surconsolidés, le coefficient K0 correspond


à une décharge du sol différente de la charge (figure 6b), et sa
et de butée valeur est alors supérieure à celle du premier chargement corres-
pondant au sol normalement consolidé ; elle peut même atteindre
des valeurs supérieures à 1 :

2.1 Cas géostatique K 0 = (1 − sin ϕ ′ ) ROC

avec ROC (rapport de surconsolidation) le rapport entre la contrainte

1
On se place dans le cas simple d’un massif de sol semi-infini, homo-
gène et isotrope, à surface horizontale, appelé « cas géostatique ». de préconsolidation s’p et la contrainte effective verticale s’v0 des
terres au repos derrière l’écran.
2.1.1 Terres au repos : coefficient de pression  Enfin, lorsque le terrain est incliné vers le haut à partir de l’ou-
latérale vrage de soutènement, avec un angle β ≤ ϕ ′ , alors le coefficient des
Les équations de l’équilibre mécanique montrent que la terres au repos devient :
contrainte totale s v s’exerçant sur un plan horizontal à la profon- K 0;β = K 0 (1 + sin β )
deur z est verticale et a pour valeur (figure 6a) :
σv = γ z 2.1.2 Sol pulvérulent

avec g poids volumique du sol. 2.1.2.1 Coefficients de poussée et de butée


Lorsqu’il n’y a pas de possibilité de déplacement latéral, les
Par contre, le calcul de la contrainte totale horizontale (ou
contraintes, verticale s v (contrainte principale majeure) et horizon-
radiale) s h s’exerçant au même point sur tout plan vertical nécessi-
tale s h (figure 7a), sont égales respectivement à :
terait la connaissance de la loi de comportement du sol. Aussi, la
détermine-t-on expérimentalement en remarquant que dans un sol σv = γ z
en place, sous un chargement uniforme, il n’y a pas de déplace- σh = K 0 yz
ment latéral (Dh = 0).
On utilise généralement un appareil triaxial dans lequel il est
possible de mesurer à chaque instant le déplacement radial de
l’échantillon. L’essai consiste à appliquer sur un échantillon de sol
σv
constamment drainé (c’est-à-dire un sol dans lequel la pression
interstitielle est constamment nulle : u = 0) des contraintes, axiale

v
et radiale, croissant de telle façon qu’il n’y ait aucune déformation

σ
h =
σv = γz
latérale de l’échantillon (Dh = 0).

σ
Z
γ

0
ai K
& Le résultat de l’essai est indiqué sur la figure 6b : les contraintes
σh σv
s v et s h croissent proportionnellement. Le rapport s h/s v est appelé

Ess
coefficient de pression latérale au repos et noté K0 :
σh ∆h = 0
K 0 = σh / σ v

& Remarques 0 σh

 Le coefficient K0 est généralement inférieur à 1. a contraintes totales b chemin de contraintes


 Il ne s’applique qu’aux contraintes effectives. Dans un sol en à la profondeur z lors d’un essai Ko
à l’appareil triaxial
place, saturé, K0 s’exprime par :
σ ′h
K0 = Figure 6 – Coefficient K0 de pression latérale des terres au repos
σ ′v
Avec :
Tableau 1 – Coefficient K0 pour quelques types de sols
σh = u + σ ′h
σ v = u + σ ′v Types de sol Valeurs de K0

avec s’h contrainte effective horizontale,


s’v contrainte effective verticale, Sable lâche 0,45 à 0,50
u pression interstitielle.

 La valeur de K0 varie suivant les différents sols. Elle est donnée Sable compact 0,40 à 0,45
de façon approximative au tableau 1.
 Dans le cas des sables et des argiles normalement consolidées,
il existe une formule empirique, due à Jacky (1944), donnant la Argile normalement consolidée 0,50
valeur de K0 en fonction de l’angle de frottement interne effectif j’ :
K 0 = 1 − sin ϕ ′
Argile surconsolidée > 0,50
avec j’ angle de frottement effectif (cf. [C 254]).

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– OUVRAGES DE SOUTÈNEMENT

σv σv
P
G
PG
Tz π π
z +ϕ –ϕ
2 PG plans de glissement
2
∆h > 0 expansion latérale
KO Tz (σh)p (σh)p
∆h < 0 contraction latérale

1
∆h = 0 ∆h > 0 ∆h < 0 σ contrainte normale
τ contrainte tangentiale
a b c ϕ angle de frottement interne

τ
J P
G
ue
èq
ins a état au repos
intr
oite b état de poussée (σ, contrainte
I Dr
principale majeure)

ϕ c état de butée (σ, contrainte


C B A D principale mineure)
O π σv = γ z π
+ϕ –ϕ (σh)p σ d diagramme de Mohr
(σh)p 2 2

d H

Figure 7 – États de contraintes de poussée et de butée pour un sol pulvérulent, dans le cas géostatique

Cet état des contraintes est représenté par le cercle de Mohr de On peut caractériser chacun des deux états de contraintes précé-
diamètre AB sur la figure 7d. dents par la valeur du rapport s h /s v. Dans l’état de poussée, on tire
facilement du diagramme de Mohr de la figure 7d :
Examinons de quelle façon il peut y avoir rupture dans la masse
du sol. σ v − (σh )a σ v + (σh )a
= sin ϕ
Si l’on permet au sol une expansion latérale (Dh > 0), la 2 2
contrainte verticale s v reste principale, égale à g z, et la contrainte
horizontale s h diminue. Sur la figure 7d, le point B se déplace jus- d’où :
qu’au point C pour lequel le cercle de Mohr est tangent aux droi-
tes intrinsèques. Il y a alors rupture du sol et cette rupture a lieu (σh )a 1 − sin ϕ ⎛ π ϕ⎞
= = tan 2 ⎜ − ⎟
en tout point du massif. Les plans de rupture en chaque point σv 1 + sin ϕ ⎝ 4 2⎠
enveloppent un réseau de surfaces de glissement planes, dont
l’inclinaison est déterminée à partir des points de contact I et G Le rapport (s h)a /s v est appelé coefficient de poussée et noté Ka.
du cercle de Mohr à la rupture avec la courbe intrinsèque et qui Pour un sol pulvérulent et dans le cas géostatique, son expression
⎛π ⎞  dans le dia- est donc :
font entre elles l’angle ⎜ + ϕ ⎟ égal à l’angle ICG
⎝2 ⎠
⎛ π ϕ⎞
gramme de Mohr. Cette rupture correspond à l’état de poussée K a = tan 2 ⎜ − ⎟
(figure 7b). On note (s h)a la contrainte horizontale ⎝ 4 2⎠
correspondante.
Dans l’état de butée, le rapport (s h)p /s v, appelé coefficient de
Il est également possible de provoquer la rupture du massif de butée et noté Kp, a pour expression :
sol par compression latérale (Dh < 0). Dans ce cas, le point B
(s h = K0 g z) sur la figure 7d se rapproche d’abord du point A cor- ⎛ π ϕ⎞
respondant à un état de contrainte isotrope (s h = s v = g z). Puis, la K p = tan 2 ⎜ + ⎟
⎝ 4 2⎠
contraction latérale augmentant, le point B atteint le point D ; il y a
alors rupture, le cercle de Mohr étant tangent aux droites intrinsè-
ques ; on note (s h)p la contrainte horizontale correspondante. La Il est important de remarquer que ces deux coefficients sont
rupture a lieu en même temps en tout point du massif et les plans inverses l’un de l’autre :
⎛π ⎞ K a = 1/ K p
de glissement font entre eux un angle de ⎜ − ϕ ⎟ égal à l’angle
⎝2 ⎠
 dans le diagramme de Mohr. Cette rupture correspond à l’état
JDH En résumé, le rapport des deux contraintes principales s h /s v
de butée (figure 7c). dans le cas géostatique et pour un milieu pulvérulent évolue entre

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1

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Murs et écrans de soutènement


par Thomas SIMONNOT
Directeur ACCOTEC, Gif-sur-Yvette (France)

1
et Yann JUILLIÉ
Expert près la Cour d’appel de Paris Gif-sur-Yvette (France)

1. Différents types d’ouvrages de soutènement ........................... C 244v2 – 2


1.1 Cas de poussée reprise par le poids de l’ouvrage de soutènement — 3
1.2 Cas de poussée reprise par encastrement de l’ouvrage
de soutènement dans le sol de fondation ......................................... — 4
1.3 Cas de poussée reprise en totalité ou partie par des ancrages ....... — 4
2. Dimensionnement des ouvrages de soutènement ................... — 4
2.1 Approche n 2 de l’Eurocode 7 .......................................................... — 4
2.2 Mécanismes de ruine des ouvrages de soutènement ...................... — 6
2.3 Modes de rupture des ouvrages de soutènement ............................ — 6
2.4 Résistance au cisaillement du sol et frottement sol-mur ................. — 7
2.5 Calcul des efforts de poussée ou de butée ....................................... — 10
3. Dimensionnement des murs-poids en maçonnerie ou béton . — 11
3.1 Stabilité externe ................................................................................. — 12
3.2 Stabilité générale du site – Sécurité au grand glissement ............... — 16
4. Murs en sols renforcés et murs en sols cloués......................... — 16
4.1 Fonctionnement du sol renforcé ....................................................... — 17
4.2 Principes du dimensionnement interne des ouvrages en sols
renforcés ............................................................................................. — 17
4.3 Avantages et limitations des murs en sols renforcés ....................... — 18
4.4 Clouage et murs à ancrages multiples .............................................. — 18
5. Murs caissons et batardeaux cellulaires .................................... — 18
5.1 Dimensionnement des murs caissons ............................................... — 19
5.2 Dimensionnement des batardeaux cellulaires fondés
sur le substratum compact ................................................................ — 20
5.3 Dimensionnement des batardeaux cellulaires fondés dans le sable — 23
5.4 Dispositions constructives pour les batardeaux cellulaires ............. — 23
6. Écrans de soutènement ................................................................. — 23
6.1 Différents types d’écran ..................................................................... — 23
6.2 États limites à vérifier ........................................................................ — 24
6.3 Vérification des butées ....................................................................... — 24
6.4 Stabilité du massif d’ancrage ............................................................ — 30
7. Exemples........................................................................................... — 31
7.1 Cas d’un mur de soutènement .......................................................... — 31
7.2 Cas d’un écran de soutènement ........................................................ — 32
8. Conclusion........................................................................................ — 32
Parution : avril 2015 - Dernière validation : juillet 2020

9. Glossaire – Définitions................................................................... — 35
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 244v2

e rôle des ouvrages de soutènement est de retenir les massifs de terre.


L Il en existe une grande variété se caractérisant par des fonctionnements dif-
férents et conduisant à des études de stabilité interne spécifiques. Les deux
grandes familles d’ouvrages de soutènement sont les murs et les écrans.
Tous ces ouvrages ont en commun la poussée exercée par le massif de sol ou
de roche retenu. Par contre, c’est principalement la manière dont est reprise
cette force de poussée qui différencie les différents types d’ouvrages.

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MURS ET ÉCRANS DE SOUTÈNEMENT –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Après avoir donné une classification des divers ouvrages de soutènement, on


indique pour chaque type les étapes principales de la méthode d’étude de
dimensionnement.
Le principe général du dimensionnement d’un soutènement repose sur les
vérifications suivantes.
Nota : le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes et expressions importants utilisés tout au long de l’article.

1
On distingue donc trois grandes familles d’ouvrages de
1. Différents types d’ouvrages soutènement :
de soutènement – les murs de soutènement : ce sont des ouvrages généralement
fondés superficiellement, dont le poids (incluant parfois une partie
de la masse de sol retenu) joue un rôle prépondérant ;
– les écrans de soutènement : ce sont des ouvrages minces
Un ouvrage de soutènement peut retenir soit des terres en rem- (acier, béton armé ou bois), retenus ou soutenus par des ancrages,
blai, c’est-à-dire rapportées, soit le terrain en place, en déblai. des butons ou la butée des terres. Leur résistance à la flexion joue
L’effort de poussée exercé par le massif de terre retenu (cf. arti- un rôle important, alors que leur poids est insignifiant ;
cle [C 242]) peut être repris de diverses manières. – les ouvrages en remblai ou sol renforcé : ce sont des ouvrages
Trois modes principaux peuvent être distingués : qui comportent des rangées sensiblement horizontales de renforce-
ments, interposées entre des couches successives du remblai au
– la poussée est reprise par le poids de l’ouvrage de fur et à mesure de la construction de l’ouvrage.
soutènement ;
– la poussée est reprise par encastrement de l’ouvrage de Le tableau 1 montre les différents types d’ouvrages de soutène-
soutènement ; ment classés d’après la distinction précédente, en séparant les
– la poussée est reprise par des ancrages. ouvrages rigides des ouvrages souples ou semi-souples.

Tableau 1 – Classification des ouvrages de soutènement d’après le mode de reprise de la poussée


Mode de reprise
Ouvrages de soutènement
de la poussée

Poids de l’ouvrage

Mur-poids en béton ou maçonnerie Mur en sol renforcé Ouvrage cellulaire

Encastrement

Mur en « T inversé » en béton armé Paroi moulée Palplanches

Ancrage

Mur en béton, ancré Paroi moulée ancrée Rideau ancré

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– MURS ET ÉCRANS DE SOUTÈNEMENT

1.1 Cas de poussée reprise par le poids


de l’ouvrage de soutènement
On distingue 4 familles principales d’ouvrages.

& Murs-poids en béton ou maçonnerie


Barbacanes
Le type d’ouvrage le plus classique et le plus ancien est le mur-
poids en béton ou en maçonnerie (figure 1). Ce sont des ouvrages
rigides qui ne peuvent supporter sans dommages des tassements
différentiels supérieurs à quelques pour-mille. 1
& Murs en sols renforcés
Les murs en sols renforcés (figure 2), dans lesquels le sol est a mur en béton b mur en maçonnerie
renforcé par des inclusions souples résistant à la traction (géosyn-
thétiques, armatures métalliques), sont des ouvrages souples qui Figure 1 – Murs poids
supportent les tassements différentiels du sol de fondation.

a ouvrage à b ouvrage à c culée porteuse d culée mixte


parement vertical parement incliné

e ouvrage avec parement f ouvrage avec parement g ouvrage avec parement


d’éléments de hauteur partielle de blocs modulaires semi-elliptique en acier

h ouvrage avec parement i ouvrage à parement à fruit avec j ouvrage à parement vertical
constitué de gabions retours de nappe avec retours de nappe et écran
désolidarisé

Figure 2 – Murs en sol renforcé

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MURS ET ÉCRANS DE SOUTÈNEMENT –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

& Murs en gabions


Les murs en gabions (figure 3), dans lesquels le sol est renforcé
par des inclusions souples résistant à la traction (géosynthétiques,
armatures métalliques), sont des ouvrages souples qui supportent
les tassements différentiels du sol de fondation.
Géodrain
& Ouvrages cellulaires
Les ouvrages cellulaires (figure 4) sont très variés et le type le

1
plus ancien est le mur caisson en éléments préfabriqués.
Remblai drainant
Dans les travaux maritimes, par exemple, on utilise pour la cons- Gabion
truction des quais de grands batardeaux cellulaires en palplanches
métalliques ou de grands caissons en béton armé.
Géotextile anti-contaminant
Dans un ouvrage cellulaire, la cellule est remplie de sol et
l’ensemble forme un ouvrage qui peut être, dans certains cas, très
souple.
Drain de collecte
1.2 Cas de poussée reprise
par encastrement de l’ouvrage Figure 3 – Mur en gabions

de soutènement dans le sol


de fondation
Décalage
Parmi les ouvrages de ce type, on citera 2 types de murs et de
parois.
& Mur en « L » ou « T inversé » en béton armé (ou mur cantilever)
Le mur en « L » ou en « T inversé » en béton armé (ou mur canti- q - Angle de pose
lever) qui, doté d’une base élargie et encastrée à la partie supé-
rieure du sol de fondation, fonctionne en faisant participer à
l’action de soutènement une partie du poids du remblai. Ce type
de mur peut d’ailleurs être considéré comme un ouvrage poids si
l’on y inclut le poids du remblai compris entre le mur et la verticale
passant par l’extrémité arrière de la semelle (figure 5). Figure 4 – Mur cellulaire
Les murs cantilever en béton armé sont également des ouvrages
rigides. Il existe également des techniques d’ouvrages en déblai où la
poussée des terres est totalement reprise par des ancrages précon-
& Écrans en parois auto-stables traints. C’est le cas des murs épinglés construits par excavations
Les écrans en parois auto-stables (figure 6) comprennent par successives de 2 m de hauteur environ, avec coulage d’éléments
exemple : verticaux en béton armé et mise en place d’ancrages précontraints
(figure 8b).
– les parois moulées, technique qui consiste à construire un mur
au sein du sol en place, avant toute excavation, par bétonnage
d’une tranchée remplie de boue pour en assurer la stabilité. Cette
technique est particulièrement utilisée pour les travaux sous la
nappe, en zones urbaine et portuaire. Une paroi moulée fonctionne 2. Dimensionnement
par encastrement total ou partiel dans le sol de fondation ;
– les rideaux de palplanches, encastrés dans le sol de fondation :
des ouvrages
ce sont des ouvrages de soutènement flexibles, où l’interaction
structure-remblai a une influence prépondérante sur le comporte-
de soutènement
ment de l’ouvrage ;
– les parois composites, réalisées à partir de pieux forés sécants.
2.1 Approche n 2 de l’Eurocode 7
1.3 Cas de poussée reprise en totalité Dimensionner un ouvrage de soutènement consiste à déterminer
ses éléments géométriques et ses éléments structuraux pour qu’il
ou partie par des ancrages soit stable sous l’action des forces qui lui sont appliquées et
Dans les ouvrages de soutènement en déblai, l’effort de poussée notamment de la poussée des terres qu’il retient.
est fréquemment repris en partie ou en totalité par des ancrages La plupart des méthodes de dimensionnement reposent sur des
(figure 7). C’est le cas notamment des rideaux des parois moulées calculs à la rupture avec la prise en compte de coefficients de sécu-
et des écrans composites de type berlinoise ou assimilé (lutétienne, rité. Dans le cas des parois souples ou semi-flexibles ancrées, telles
parisienne, moscovite). que les rideaux de palplanches et les parois moulées, il est courant
À la différence d’une paroi moulée, une paroi berlinoise est réali- de dimensionner l’ouvrage par un calcul en déformation à partir de
sée à partir de poteaux placés préalablement dans le sol en place. la méthode aux coefficients de réaction, qui consiste à assimiler la
Au fur et à mesure de l’excavation, on vient placer entre les paroi retenant le sol à une poutre sur un appui élasto-plastique
poteaux des éléments de soutènement soit préfabriqués (poutres, continu.
plaques), soit coulés en place, et l’on reprend la poussée des terres Avec l’application de l’Eurocode 7, le calcul des ouvrages de sou-
par des ancrages précontraints fixés sur les poteaux (figure 8a). tènement est réalisé en justifiant la résistance structurale de

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Voile

Patin

a mur avec contreforts intérieurs b mur avec contreforts extérieurs

Figure 5 – Murs « L » ou « T inversé »

1
h

2
f

1 Terrain naturel

2 Terrain excavé

3 Terrain en place

Figure 6 – Paroi auto-stable ou « en console » Figure 7 – Paroi ancrée

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39,40 NGF

1 P

N
640 k

T
80 0 kN

3,80 m

kN
00
13
15,80 m

P Poteau A Ancrages précontraints


T Tête d’ancrage de tirant précontraint P Poutre
NGF Nivellement général de la France

a paroi berlinoise b mur épinglé de 35 m de hauteur


construit à Monaco

Figure 8 – Écrans partiellement ou totalement ancrés

l’ouvrage (STR) et la résistance du terrain (GEO) selon l’approche – instabilité générale (grand glissement) ;
de calcul n 2 définie par l’Eurocode, qui consiste à appliquer les – rupture interne du mur (insuffisance de résistance structurale).
coefficients de sécurité partiels aux actions ou leurs effets et aux
résistances (et non pas aux propriétés du terrain).
2.3 Modes de rupture des ouvrages
de soutènement
2.2 Mécanismes de ruine des ouvrages
de soutènement & Pour les murs de soutènement
Cinq modes de rupture, illustrés à la figure 9, peuvent être
Il convient de distinguer les murs de soutènement et les écrans rencontrés :
de soutènement qui ont des mécanismes de ruine communs et
différents. – le glissement de l’ouvrage sur sa base (figure 9a) ;
– le renversement de l’ouvrage (figure 9b) ;
& Pour les écrans de soutènement – le poinçonnement du sol de fondation, ou défaut de portance
Les risques de ruine à prendre en considération sont : (figure 9c) ;
– le grand glissement englobant l’ouvrage (figure 9d) ;
– l’insuffisance de résistance du terrain (défaut de butée en pied, – la rupture des éléments structuraux de l’ouvrage (figure 9e).
de capacité portante, de butée en tête, de soulèvement du fond de
fouille, etc.) ; Les quatre premiers types de rupture sont relatifs à l’instabilité
– l’insuffisance de résistance de la structure de l’écran ; externe de l’ouvrage, la rupture des éléments structuraux consti-
– l’instabilité d’ensemble ; tuant l’instabilité interne.
– l’instabilité du massif d’ancrage (ancrage trop proche de l’écran) ;
& Pour les écrans de soutènement
– l’annulation de la butée du terrain en pied de l’écran par écou-
lements et pressions d’eau (boulance, érosion). On peut rencontrer sept états limites ultimes :
& Pour les murs – défaut de butée (figure 10) ;
– rupture par insuffisance structurale de l’écran (figure 11) ;
Il convient de considérer la ruine par : – défaut de capacité portante (figure 12) ;
– défaut de capacité portante du sol de fondation (poinçonne- – rupture d’un appui (buton ou tirant – figure 13) ;
ment ou rotation excessive) ; – instabilité hydraulique (figure 14) ;
– glissement du mur sur sa base (insuffisance de résistance – instabilité du massif d’ancrage (figure 15) ;
mobilisable) ; – instabilité d’ensemble (grand glissement – figure 16).

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– MURS ET ÉCRANS DE SOUTÈNEMENT

a b c

d e

Figure 9 – Modes de rupture des murs de soutènement

L’étude de la stabilité externe d’un ouvrage de soutènement fait Pour le calcul des efforts de poussée ou de butée d’un sol non
appel à des concepts et à des méthodes de calcul qui sont com- saturé, on prendra généralement la résistance effective (c′, j ′)
muns à l’ensemble des ouvrages. Nous ne les détaillerons que mesurée sur le sol saturé.
dans le cas des murs en béton ou en maçonnerie. Dans le cas d’un sol fin saturé (limon, argile), il sera parfois
Par contre, l’étude de la stabilité interne est assez spécifique à nécessaire de faire deux calculs, l’un à court terme correspondant
chaque type d’ouvrage. Nous l’expliciterons systématiquement, aux conditions juste après la construction, l’autre à long terme cor-
sauf dans le cas des murs poids en béton ou en maçonnerie où respondant aux conditions dans lesquelles les surpressions inter-
cette étude relève des calculs classiques de béton. stitielles se sont dissipées, soit quelques semaines à quelques
mois après la construction. C’est le cas des parois exécutées dans
le sol en place avec excavation. Cependant, l’expérience montre
2.4 Résistance au cisaillement du sol que c’est le calcul à long terme et en contraintes effectives (c′, j ′)
qui est le plus défavorable, aussi se contente-t-on souvent de ce
et frottement sol-mur seul calcul.

2.4.1 Paramètres de résistance au cisaillement Remarque


Il convient d’être prudent sur la prise en compte de la cohésion
La résistance au cisaillement du sol est l’un des paramètres les
effective c′ dans le cas des sols saturés. On la néglige souvent
plus importants dans l’étude de la stabilité d’un ouvrage de sou- dans le calcul de la poussée considérant qu’elle peut être faci-
tènement. En dehors des sols pulvérulents où seul intervient lement détruite sous l’effet, notamment, des déplacements de
l’angle de frottement interne j, les sols comportant une partie l’ouvrage.
notable de fines ont une résistance au cisaillement dépendant à
la fois de leur état de saturation et de la rapidité de la sollicitation
de cisaillement. Pour un sol fin saturé, la résistance à court terme 2.4.2 Frottement sol-mur
est caractérisée par la seule cohésion non drainée cu, l’angle de
frottement étant alors nul (j u = 0). Par contre, la résistance effec- L’angle de frottement d entre le sol et le parement arrière du mur
tive ou à long terme est caractérisée par deux paramètres : c′ la dépend des facteurs suivants :
cohésion effective et j ′ l’angle de frottement interne effectif (cf. – la rugosité du parement ;
article [C 216]). – l’angle de frottement interne du sol j ;

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a basculement autour d’un centre de rotation situé


sous le fond de fouille (écran non ancré)

b basculement autour d’un appui en tête c basculement autour d’un appui en pied

Figure 10 – Défaut de butée

a écran non ancré (en console) b écran avec un appui en tête c écran avec plusieurs niveaux d’appuis

Figure 11 – Insuffisance structurale de l’écran

– le tassement relatif entre le mur et le sol ; Lorsque l’ouvrage de soutènement a tendance à tasser plus que
– l’inclinaison de la surface. le sol retenu, ce qui est le cas, par exemple, d’un mur plaqué contre
un talus de déblai, l’angle d est alors négatif. Le tassement relatif
En première approximation, on peut déterminer cet angle de frot- entre le sol et le mur joue ainsi un rôle important.
tement en fonction de l’état de surface du parement, comme il est
Dans tous les cas courants de murs rugueux en béton ou en
indiqué dans le tableau 2.
maçonnerie, la valeur de 2/3 j est celle à retenir.

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Amélioration et renforcement
des sols
Traitement avec inclusions 1
par Philippe LIAUSU
Ancien Directeur général de Ménard, ancien professeur de géotechnique à l’ESTP
et Claude PLUMELLE
Professeur honoraire du Conservatoire national des arts et métiers
Cet article s’appuie sur le livre AMSOL – Amélioration et renforcement des sols, publié en
2018 par les Éditions « Le Moniteur ». Les deux auteurs de cet article sont co-auteurs
d’AMSOL avec Laurent Briançon et Bruno Simon ; ils ont bénéficié de la contribution de
Serge Lambert pour le chapitre « colonnes ballastées ». Les illustrations proviennent du
tome 2 de cet ouvrage.

1. Colonnes ballastées................................................................................ C 245v2 - 2


1.1 Présentation de la technique des colonnes ballastées ............................ — 2
1.2 Domaines d’application, avantages et limites.......................................... — 2
1.3 Conception et dimensionnement du traitement ...................................... — 3
1.4 Exécution et travaux ................................................................................... — 5
1.5 Suivis et contrôles....................................................................................... — 6
2. Inclusions rigides .................................................................................... — 7
2.1 Présentation de la technique...................................................................... — 7
2.2 Domaines d’application, avantages et limites.......................................... — 9
2.3 Conception et dimensionnement de l’ouvrage ........................................ — 11
2.4 Exécution des travaux ................................................................................ — 13
2.5 Suivis, contrôles et instrumentation ......................................................... — 16
3. Conclusion................................................................................................. — 20
4. Glossaire .................................................................................................... — 20
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. C 245v2

’article Amélioration et renforcement des sols – Traitements sans adju-


L vants [C 255] a développé les différentes techniques d’amélioration des
sols sans adjuvant, en densifiant en masse les sols pulvérulents ou les sols
cohérents. Dans le présent article seront exposées les techniques de renforce-
ment des sols par des inclusions souples ou rigides.
Chacun des deux chapitres présente d’abord la technique étudiée, puis
définit les domaines d’application. L’analyse des avantages et limites permet
de comparer les deux techniques et de faire le bon choix technico – écono-
mique. Les éléments essentiels sont indiqués pour réaliser une bonne
conception et un dimensionnement précis de l’ouvrage géotechnique. Le para-
graphe exécution et travaux est suivi de conseils dans les suivis, les contrôles
et les instrumentations des ouvrages, indispensables dans le domaine com-
plexe des techniques de renforcement des sols.
Parution : novembre 2021

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AMÉLIORATION ET RENFORCEMENT DES SOLS ___________________________________________________________________________________________

– halls de stockage, bâtiments industriels et commerciaux, silos et


1. Colonnes ballastées réservoirs de toute nature, ouvrages hydrauliques étanches (réser-
voirs, station d’épuration) ;
– sous fondations superficielles de bâtiments.
1.1 Présentation de la technique Elles peuvent également être utilisées dans des remblais hétéro-
des colonnes ballastées gènes non évolutifs où un traitement systématique avec un mail-
lage régulier et adapté permet d’en améliorer et/ou homogénéiser
Les colonnes ballastées font partie de la famille des procédés
les caractéristiques, et ce, afin de les rendre aptes à fonder superfi-

1
de renforcement de sol par inclusions. Elles sont constituées de
ciellement les ouvrages projetés.
matériaux granulaires mis en œuvre par refoulement dans le sol
mou et compactés par passes successives. Par le compactage du sol, le drainage et l’augmentation de la
résistance au cisaillement, le traitement par colonnes ballastées
Le traitement par colonnes ballastées permet, comme la plupart est reconnu comme un procédé très bien adapté en zone sismique
des techniques d’amélioration de sol, de réduire les tassements, d’autant plus que son intégrité et sa portance ne sont pas remises
d’augmenter la capacité portante du sol, mais il permet aussi en cause lors de la secousse sismique.
d’accélérer la consolidation du sol par le fort caractère drainant du
matériau des colonnes. Les colonnes ballastées sont également
efficaces pour améliorer la stabilité au glissement des talus et pour 1.2.2 Type de sols traitables
traiter le sol contre la liquéfaction. par colonnes ballastées
Les méthodes de vibrocompactage présentées dans l’article Les colonnes ballastées peuvent être réalisées aussi bien dans
[C 255] précédent ayant montré leurs limites pour l’amélioration les sols fins au-dessus ou en dessous de la nappe.
des sols cohérents, l’idée d’incorporer du ballast dans le sol mou
en cours de traitement a conduit au développement des colonnes Cette technique est à proscrire dans les sols tourbeux (CMO > 5 %)
ballastées ; cette technique est donc assez ancienne mais ce n’est qui ne présentent pas un confinement suffisant pour assurer l’équi-
que dans les années 1970 qu’elle a réellement pris tout son essor, libre de la colonne.
avec la mise au point de matériels performants et de méthodes de Pour les ouvrages sensibles à la distorsion, les colonnes ballastées
dimensionnement fiables (figure 1). ne doivent pas être utilisées dans des terrains présentant des risques
de perte dans le temps des caractéristiques volumétriques et/ou
mécaniques : les décharges d’ordures ménagères par exemple.
1.2 Domaines d’application, avantages Les sols fortement compressibles (vases et argiles molles)
et limites d’épaisseur supérieure à 0,50 m et présentant des caractéristiques
faibles (cu < 20 kPa ou qc < 300 kPa) nécessitent une étude parti-
Une colonne ballastée est un procédé d’amélioration de sol : ce culière et des dispositions constructives spécifiques : par exemple,
n’est ni un élément de fondation, ni une fondation profonde. Son préchargement, consolidation.
domaine d’application dépend du type d’ouvrage à construire sur
le sol traité et du type de sol à traiter. Cette technique s’applique donc pour les sols cohérents compor-
tant plus de 10 à 15 % de limons et argiles et ayant une portance
insuffisante. Ce procédé est également utilisable dans les remblais
1.2.1 Type d’ouvrages du ressort des colonnes non évolutifs, tels que les produits de déblais de construction (sous
ballastées réserve que les blocs ne soient pas un obstacle à la pénétration du
vibreur), scories ou remblais hétérogènes. Enfin, des sables ou
Les utilisations les plus fréquentes des traitements par colonnes sables et graviers comportant des lentilles argilo – limoneuses
ballastées concernent tout type d’ouvrages dans la mesure où les peuvent être traités par cette technique.
déformations résiduelles du sol traité et du sol sous-jacent sont
compatibles avec la structure de l’ouvrage sous l’exploitation et
les prescriptions techniques associées : 1.2.3 Avantages et limites
– en génie civil (routes, remblais, ouvrages d’art, murs de soutè- Comme toute technique d’amélioration de sol, les colonnes bal-
nement) ou maritime (renforcement en off-shore de fonds marins, lastées présentent des avantages et des limites.
lacustres ou fluviaux) ;
■ Parmi les principaux avantages, nous pouvons citer :
– un report immédiat d’une fraction des charges sur les colonnes ;
– une capacité de drainage accélérant la consolidation dans le
cas de traitement de sol fin ;
– la non-fragilité des colonnes lors des terrassements et un
réglage obtenu sans recépage compliqué ;
– l’absence de matelas de répartition au-dessus des colonnes
sous semelle ou radier ;
– l’absence d’un temps de séchage à respecter avant chargement ;
– l’absence de déblai, du fait de l’exécution par refoulement ;
– la possibilité de réduire le risque de liquéfaction dans les zones
sismiques ;
– un coût très inférieur à celui des fondations profondes.
■ Les limites de la technique sont :
– une réduction de tassement limitée à un facteur de l’ordre de 2
à3;
– le besoin de disposer de bons matériaux granulaires ;
– le risque de faux refus dans les sols comportant des blocs ou
des éléments trop grossiers ;
– la longueur de traitement limitée à 20 m avec les équipements
Figure 1 – Vue d’un chantier de colonnes ballastées courants ;

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– la mise en communication de nappes superposées éventuelles La surcharge q appliquée à la surface du sol dans la maille se
avec un risque potentiel de pollution ; répartit entre la colonne et le sol en proportion de leurs aires
– l’application à des sols assurant un confinement suffisant et respectives :
stable dans le temps, donc excluant les sols trop mous et organiques.

Le taux d’incorporation α est défini comme le rapport entre l’aire


1.3 Conception et dimensionnement de la colonne et l’aire d’une maille :

1
du traitement
On mentionnera préalablement l’existence du document publié Le rapport de concentration de contrainte n = qcol/qsol caractérise le
en 2011 sous l’égide du CFMS (Comité Français de Mécanique des comportement de la colonne ballastée. Cette concentration de
Sols) auquel il pourra être utile de se référer pour plus de détails contrainte n’apparaît pas immédiatement lors du chargement mais se
sur ce sujet. développe au fur et à mesure de l’évolution de la consolidation du sol.
Le facteur de réduction de tassement β permet d’exprimer l’effi-
1.3.1 Principe général de dimensionnement cacité du traitement en matière de tassement. Considérant que le
tassement du sol non traité soumis à un chargement q est noté s0
Dans le cas d’un réseau de colonnes ballastées sous un ouvrage et que le tassement du sol traité est noté s, le facteur de réduction
de grandes dimensions, il est d’usage de considérer le comporte- de tassement est déterminé par la relation :
ment d’une cellule élémentaire constituée de la colonne et de la
maille associée. On suppose alors pour le dimensionnement que
les déplacements latéraux sont nuls au bord de la cellule et que En 1985, Soyez propose une relation reliant β à n, fondée sur l’hypo-
les déformations verticales sont égales dans la colonne et dans le thèse d’une redistribution des contraintes au prorata des modules qui
sol sur toute la hauteur. peut être utile dans le cadre d’une première approximation :
Les colonnes sont en général disposées suivant un maillage régu-
lier qui peut être triangulaire ou rectangulaire. Selon la géométrie
du maillage, le diamètre équivalent correspondant à une maille élé-
Avec un rapport de concentration de contrainte n = Ec/Es com-
mentaire cylindrique prendra différentes formes (figure 2)
pris entre 5 et 10. Le module équivalent s’écrit dans ce cas :
Dans le cas général, les deux critères de dimensionnement sont :
– la charge admissible globale sur le sol amélioré après traite-
ment avec vérification de l’absence de rupture des colonnes ; Avec Ec et Es les modules respectifs de la colonne et du sol.
– le tassement du sol amélioré et le tassement différentiel entre
les colonnes et le sol. Plusieurs méthodes de dimensionnement ont été proposées par
différents auteurs, mais celle de Priebe reste une des plus utili-
Pour certaines applications particulières, d’autres critères de sée ; on trouvera sur la figure 3 les abaques de dimensionnement
dimensionnement doivent être respectés : proposés par cet auteur.
– le temps de consolidation dans le cas où l’effet drainant des
Indépendamment du dimensionnement du réseau de colonnes,
colonnes est recherché ;
il faut par ailleurs s’assurer de la stabilité d’une colonne isolée ;
– la sécurité obtenue vis-à-vis des glissements circulaires dans le celle-ci peut se rompre selon trois schémas de rupture différents
cas d’une application de stabilisation de talus. indiqués sur la figure 4 :
Dans la plupart des cas, c’est la réduction du tassement qui est
– rupture par expansion latérale qui est un critère souvent
recherchée.
dimensionnant (figure 4a) ; ce critère conduit à limiter la contrainte
verticale dans la colonne en fonction de l’étreinte latérale ;
– rupture par poinçonnement pour les colonnes courtes et flot-
s tantes (figure 4b) ;
– rupture par cisaillement généralisé qui est une rupture rare et
qui peut apparaître dans le cas des colonnes courtes (figure 4c).
Do Do = 1,05∙s
1.3.2 Dimensionnement par méthodes numériques
Le dimensionnement par éléments finis ou différences finies des
colonnes ballastées est courant. L’intérêt de la méthode des élé-
a maille triangulaire ments finis est de pouvoir introduire le comportement non-linéaire
du sol, ainsi que l’interface sol-colonne. De nombreux logiciels
s
permettent de traiter ce comportement non-linéaire, comme Plaxis,
Abaqus, Cesar-LCPC, etc.
Dans la plupart des cas, les modélisations en 2D (modèle plan
axisymétrique) pour des colonnes sont effectuées. Une modélisa-
Do Do = 1,13∙s tion 3D pourra être employée pour approcher plus finement le
comportement du sol renforcé ou pour simuler un cas difficile-
ment transposable en 2D : semelle sur colonnes par exemple. Les
calculs par différences finies (Flac) peuvent aussi être effectués.
L’intérêt de cette approche est également de pouvoir modéliser et
b maille carrée
prendre en compte la structure fondée sur le réseau de colonnes avec
son matelas de répartition, ce qui permet par exemple de déterminer
Figure 2 – Diamètre équivalent de la cellule élémentaire l’incidence des inclusions sur le moments fléchissants dans un dal-
selon la géométrie du maillage lage (figure 5).

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Facteur d’amélioration ß0

1 5 φc = 45,0° vs =
1
3

φc = 42,5°
4
φc = 40,0°

φc = 37,5°
3
φc = 35,0°

1 Rapport
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 des sections A/AC

Figure 3 – Facteur d’amélioration en fonction du rapport des sections et de l’angle de frottement interne du ballast (Priebe)

3 à 4 Bcol

Bcol

a b c

Figure 4 – Différents modes de rupture d’une colonne ballastée isolée

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Sigma_X
3.66720E+005
1,3 cm Sigma_Y
Disp_Y 2.76950E+005

0.00000000 –29239.00000 1.87170E+005


–0.0016267 –46535.00000
–63832.00000 97393.000000

1
–0.0032533
–0.0048800 –81129.00000 7616.8000000
–0.0065067 –98426.00000
–0.0081334 –1.1572E+005 –82159.00000
σc = 0,17 MPa < 2 × Pl
–0.0097600 –1.3302E+005
–1.5032E+005 –1.7194E+005
–0.0113870
–0.0130130 –1.6761E+005 –2.6171E+005
–3.5149E+005

Traction maxi 0,4


Mpa

tassements contraintes verticales contraintes horizontales dans le dallage

Figure 5 – Exemple de résultats de modélisation numérique

1.4 Exécution et travaux


Il existe différentes méthodes de mise en œuvre des colonnes bal-
lastées dont le choix est fonction du sol traité et du diamètre des
colonnes que l’on souhaite obtenir, généralement compris entre
0,60 m et 1m :
– méthodes par pilonnage, dans lesquelles la colonne est consti-
tuée par battage d’un tube dans lequel le ballast est introduit, qui
ne sont plus guère utilisées aujourd’hui ;
– méthodes vibratoires, qui sont désormais les plus courantes et
seront développées ci-dessous ; elles utilisent, avec quelques adap-
tations, des vibreurs issus des procédés de vibrocompactage. Ces
méthodes comportent elles-mêmes des variantes, selon le fluide de Sas
lançage utilisé lors de la pénétration du vibreur dans le sol (eau ou
air) et le mode d’introduction du ballast dans le forage :
• par voie humide et vibro-substitution, Tube de rallonge
du vibreur
• par voie sèche et vibro-refoulement.
et d’amenée
Ces vibreurs et leurs tubes allonges peuvent être montés sur du matériau
des châssis porteurs, comme sur la figure 6, ou bien accrochés en (trémie)
pendulaire sous la flèche d’une grue sur chenilles, suivant la pro-
fondeur de pénétration requise. Joint antivibratoire
Le matériau granulaire « ballast » utilisé pour constituer l’inclu-
sion peut être approvisionné depuis la surface de travail (procédé
« topfeed », avec utilisation d’eau pour maintenir le forage ouvert et Moteur électrique
permettre la remontée des sédiments) ou bien directement à la
pointe de l’outil avec l’utilisation d’un vibreur à sas et de tubes Tube d’amenée
conduisant les cailloux au fond du forage (procédé « bottom feed »). du matériau
C’est cette dernière méthode, illustrée sur la figure 7, qui est la plus
couramment utilisée aujourd’hui. Excentrique

Le vibreur est descendu dans le sol jusqu’à la profondeur requise,


puis remonté progressivement en incorporant et en compactant les Orifice de sortie
agrégats pour constituer, par passes successives, la colonne depuis
la base jusqu’à la surface.
Les profondeurs habituelles de réalisation des colonnes ballas-
Figure 6 – Exemple d’atelier de colonnes ballastées et détail
tées vont jusqu’à 15/20 mètres, mais des équipements particuliers, du vibreur à sas
avec le matériel accroché en pendulaire, permettent d’atteindre
des profondeurs jusqu’à 25 à 30 mètres.

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Amélioration et renforcement
des sols
Traitement par injections 1
par Philippe LIAUSU
Ancien Directeur général de Ménard, ancien professeur de géotechnique à l’ESTP
et Claude PLUMELLE
Professeur honoraire du Conservatoire national des arts et métiers
Notes de l’éditeur
Cet article s’appuie sur le livre AMSOL – Amélioration et renforcement des sols, publié
en 2018 par les Éditions « Le Moniteur ». Les deux auteurs de cet article sont co-auteurs
d’AMSOL avec Laurent Briançon et Bruno Simon ; ils ont bénéficié des contributions :
d’Annette Esnault Filet pour le chapitre « Méthodes biologiques », d’André Jaubertou pour
les chapitres « Injection ciment et chimique » et « Injection solide », de Fabrice Mathieu
pour le chapitre « Deep Mixing Method », de Serge Lambert pour les chapitres « Jet
grouting » et « Injection solide », de Nicolas Faure pour le chapitre « Injection de résine
expansive ». Les illustrations proviennent du tome 2 de cet ouvrage.

1. Méthodes biologiques............................................................................ C 247 - 2


2. Injections ciment et chimiques ........................................................... — 5
3. Deep mixing method .............................................................................. — 13
4. Jet grouting .............................................................................................. — 20
5. Injection solide......................................................................................... — 24
6. Injection de résine expansive .............................................................. — 29
7. Conclusion................................................................................................. — 35
8. Glossaire .................................................................................................... — 35
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. C 247

ans cet article sont développées les différents techniques d’amélioration


D des sols par injections. L’injection des sols est une technique d’améliora-
tion destinée à modifier les propriétés mécaniques et/ou hydrauliques des
sols ; certaines permettent de réaliser des inclusions et/ou des éléments de
structure.
Chaque chapitre présente d’abord la technique étudiée, puis définit les
domaines d’application en particulier en fonction du type de sol. La balance
entre avantages et limites permet de comparer les techniques entre elles et de
faire le bon choix technico-économique. Les éléments essentiels sont indiqués
pour faire une bonne conception et un dimensionnement précis de l’ouvrage
géotechnique. Le paragraphe exécution et travaux est suivi de conseils dans
les suivis, les contrôles et les instrumentations des ouvrages, indispensables
dans le domaine des techniques d’injection des sols.
Parution : novembre 2021

Cet article présente :


– méthodes biologiques ;
– injections ciment et chimiques ;

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– deep Mixing Method ;


– jet grouting ;
– injection solide ;
– injection de résine expansive.

1 1. Méthodes biologiques phénomène. Cette amélioration des caractéristiques mécaniques


des couches superficielles des argiles marines est très intéres-
sante dans le cadre des travaux offshore de pipelines.
L’amélioration des sols par des méthodes biologiques est la
technique du XXIe siècle. Elle ne considère plus le sol comme un 1.1.4 Biocalcification
matériau inerte, mais comme un écosystème vivant.
Parmi ces techniques, la biocalcification sera particulièrement La biocalcification consiste à utiliser l’activité bactérienne pour
développée. précipiter, selon différents procédés, du carbonate de calcium
sous forme de calcite sur des grains de sol et créer ainsi des ponts
entre eux. Ce réseau de liens entre les grains du sol crée une
1.1 Présentation des différentes cohésion qui améliore la résistance au cisaillement.
techniques de biosol
Plusieurs types de biosol font actuellement l’objet de recherches.
1.2 Principe de la biocalcification
Deux stratégies ont notamment été développées :
Certaines bactéries, présentes dans le milieu naturel, sont connues
– la première concerne l’augmentation de bactéries dans le sol pour précipiter différents minéraux en majorité constitués de carbo-
par apport de bactéries externes (bioaugmentation) ; nate de calcium.
– la seconde la stimulation de bactéries déjà existantes (bio-
stimulation) en provoquant la croissance de ces bactéries in situ. L’un des exemples le plus spectaculaire et représentatif dans ce
Les principales recherches et applications portent sur les procédés : domaine s’observe en Australie. À la fin du Précambrien, il y a plus
biocacification, biofilm, biopolymères, biogaz, vers marins. de 540 millions d’années, sont apparues les algues bleues, ou Cyano-
phycées, dont l’activité photosynthétique a provoqué par absorption
du dioxyde de carbone, la précipitation du carbonate de calcium sous
1.1.1 Biofilm, biopolymères et EPS forme de couches superposées. Ces encroûtages calcaires, les stro-
matolites, sont toujours visibles aujourd’hui (figure 1).
Ces procédés (EPS signifiant Extracellular Polymeric Substances)
génèrent des polymères organiques qui forment un biofilm autour
C’est en observant ces phénomènes que l’idée d’amélioration
des grains ou des particules de sol. Ce biofilm réduit l’indice des
des sols par biocalcification in situ est née. Les premières recherches
vides et améliore la ductilité du matériau. Les biopolymères
en laboratoire visant à imiter ces réactions bio-géochimiques
mélangés à des sols réduisent également la perméabilité et aug-
naturelles ont été menées à l’université de Murdoch en Australie
mentent la résistance au cisaillement.
au début des années 2000. Elles ont conduit à l’identification des
Ces procédés ne sont à mettre en œuvre que provisoirement, micro-organismes naturellement présents dans les sols capables
car les propriétés du polymère peuvent être perdues si le milieu d’accélérer le processus de précipitation. Le mécanisme est connu
n’est pas alimenté par une source continue de nutriments ou s’il sous le terme de Microbially Induced Calcite Precipitation (MICP).
est soumis à un fort gradient qui arrachera les biofilms. Ils
peuvent être utilisés pour réduire l’érosion en stabilisant les
sédiments, diminuer les fuites de digues, levées, barrages, par
biocolmatage.

1.1.2 Biogaz
Les gaz (CO2, H2, CH4, N2) peuvent être produits par des proces-
sus microbiologiques. Les bulles de gaz formées dans les sols
saturés diminuent le degré de saturation en expulsant l’eau et
réduisent le potentiel de liquéfaction. Actuellement, ce procédé a
fait seulement l’objet d’essais de laboratoire et la pérennité de la
présence du gaz doit être encore prouvée.

1.1.3 Processus d’amélioration des sols


par des vers marins
Les argiles marines sont sujettes à des milliers de cycles d’acti-
vités biologiques qui transforment un sol vierge en un sol amé-
lioré. Les vers marins digèrent l’argile, la matière organique, etc.,
et expulsent des boulettes liées par du mucus qui forment un
nouveau sol avec de meilleures caractéristiques mécaniques.
Cette bioturbation, « ensemble de petits dérangements dans un
Figure 1 – Stromatolites calcifiés dans un environnement riche
sédiment dus à des déplacements d’organismes vivants », permet en calcium et bicarbonate, lac Clifton, parc national de Yalgorup
de surconsolider les couches d’argile qui sont soumises à ce Australie (© DR)

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Solution nutritive :
Porosité
urée + chlorure de calcium
ouverte

CaCO3

+ = Grain

1
de sable
10 μm

1- Hydrolyse enzymatique de l’urée Précipitation in situ de calcite


en ammonium et carbonate : en quelques jours
CO(NH2)2 + 2H2O 2NH4+ + CO2–
3

2- Calcification :
Ca2+ + CO2–
3 CaCO3

Figure 2 – Principe de la biocalcification par voie uréolytique (source : Soletanche Bachy)

La formation de cristaux de calcite est obtenue grâce à l’action


d’une bactérie, Sporosarcina pasteurii, en présence d’une solution
calcifiante composée d’urée et de chlorure de calcium.
Cohésion (kPa)
Le principe simplifié à la figure 2 repose sur la précipitation
du carbonate de calcium sous forme de calcite induite par voie
300
enzymatique :
– dans un premier temps, l’enzyme de la bactérie (uréase) va
hydrolyser l’urée en ions ammonium et en carbonate  ;
200
– les ions carbonate vont réagir ensuite avec les ions calcium
apportés par le chlorure de calcium, pour former le carbonate de
calcium et un sous-produit le chlorure d’ammonium.
Ces cristaux de calcite vont lier les grains de sol et, par consé- 100
quent, augmenter la cohésion et la résistance mécanique du sol
initial. Le matériau obtenu est assimilable à un grès dont la résis-
Fraction
tance mécanique Rc est généralement de l’ordre de 0,1 à 0,5 MPa,
0 de calcite
mais peut atteindre plusieurs MPa. 0 2 4 6 8 10 12 14 (% en masse)
La dimension micrométrique de la bactérie permet d’injecter la Résultats 3SR Littérature
suspension bactérienne dans des sols granulaires fins. Contraire-
ment à des solutions chimiques, la notion de temps de prise a cohésion c
n’existe plus et il n’y a pas d’augmentation de la viscosité au cours
du temps.
RC (kPa)
Dans le cadre du développement du procédé Biocalcis par
Soletanche Bachy, des essais effectués sur différents types de 2 500
sable et des études de faisabilité réalisées sur des sables de sites
réels ont montré une nette amélioration de la cohésion et de la 2 000
résistance à la compression simple Rc (figure 3) ; l’angle de frotte-
ment évoluant peu. 1 500
La calcite est un minéral très pérenne qui confère au procédé
une excellente stabilité dans le temps lorsqu’il est mis en œuvre 1 000
dans des conditions de nappes de compositions chimiques
« standard », pour des pH supérieurs à 5 ou 6 en fonction de 500
l’application.
Fraction
0 de calcite
0 2 4 6 8 10 12 14 (% en masse)
1.3 Domaines d’application, avantages Résultats 3SR Littérature
et limites de la biocalcification
b résistance à la compression simple Rc
Le procédé peut être mis en œuvre dans des terrains granu-
laires, y compris des sables limoneux, sous nappe ou hors nappe.
Dans des cas particuliers, le procédé s’applique à des sols très
hétérogènes à condition que la courbe granulométrique soit très Figure 3 – Évolution des paramètres de résistance (source : Dadda,
étalée (figure 4). 2017)

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Passant (%)
Limon Sable Grave

100

1
90

80

70

60
Biocalcis
50

40

30

20

10

Ouverture
0
2 µm 63 µm 2 mm 63 mm des mailles

Figure 4 – Courbes granulométriques des sols biocalcifiables et domaine d’utilisation du Biocalcis®

On peut injecter des sols jusqu’à des perméabilités de l’ordre de graviers aux sables limoneux. Même dans des sols granulaires
10–6 m/s. Pour les applications sous nappe avec des gradients éle- fins, l’injection s’effectue sans montée en pression dans des ter-
vés, des études sont en cours en 2018 pour en étudier la faisabilité rains réputés non injectables avec des procédés classiques. Les
et les limites d’application. bactéries et les solutions calcifiantes peuvent imprégner le terrain
sur de longues distances ; le maillage d’injection est ainsi considé-
■ Les applications principales sont au nombre de trois. rablement élargi comparé à celui nécessaire dans l’emploi des
• Traitements anti-liquéfaction ciments ultrafins ou des produits chimiques dont la propagation
est limitée par leur viscosité et leur phénomène de prise chimique
Ils sont utilisés pour améliorer la résistance au cisaillement des
ou hydraulique.
sols lâches. Le maintien de la perméabilité initiale du milieu
n’affecte pas la vitesse de dissipation des surpressions inter- La mise en œuvre de la biocalcification ne nécessite donc qu’un
stitielles en cas de séisme. Les applications concernent surtout les nombre réduit de points d’injection car les solutions injectées sont
constructions existantes, dans le cadre de l’évolution et de la mise fortement pénétrantes. En fonction du type de terrain, des espace-
à jour des cartes sismiques et des nouvelles normes sur certains ments entre forages jusqu’à 3 à 5 m sont envisageables, alors que
ouvrages sensibles. les procédés classiques d’injection de coulis nécessitent des
• Traitements contre l’érosion interne des dunes, digues, levées mailles beaucoup plus serrées, de l’ordre du mètre.
L’érosion interne (suffusion) est produite par le transport de
Grâce à sa grande souplesse d’adaptation, le traitement peut
particules fines de sol à l’intérieur d’une couche de particules plus
être mis en œuvre dans des temps très courts, dans des zones
grossières, à l’interface de deux couches ou à l’interface du sol et
d’accès difficiles, par exemple sous des bâtiments et en ciblant
d’une structure. Cette érosion peut évoluer en érosion régressive
spécifiquement les zones de reprise en sous-œuvre à traiter.
et conduire à l’effondrement de la structure du sol.
Ce phénomène lent dépend de la granulométrie du sol et des Le procédé permet de cimenter les grains de sol sans modifica-
vitesses locales de l’écoulement. La biocalcification, en créant un tion substantielle de la perméabilité de départ. La calcite formée
réseau de liens entre les grains de sol, empêche cette érosion. dans la matrice du sol permet d’améliorer considérablement la
• Amélioration des caractéristiques mécaniques des sols en cohésion du terrain en place.
général
C’est un procédé respectueux de l’environnement, il présente
Pour le renforcement des murs de quai, en cas d’approfondisse- un bilan carbone favorable comparé aux techniques existantes,
ment par exemple, pour réduire la poussée ou augmenter la butée comme le jet grouting par exemple.
des terres, mais aussi pour toute autre application nécessitant
l’amélioration mécanique des sols granulaires. Actuellement, le coût de revient se situe dans la gamme haute
des procédés existants (type jet grouting) et est donc relativement
■ Principe, mise en oeuvre et coût de la biocalcification élevé pour certaines applications. S’agissant d’un procédé inno-
La biocalcification est un procédé d’injection capable d’amélio- vant et en développement, son utilisation sur une grande échelle
rer des sols dans une large gamme de granulométries allant des industrielle devrait contribuer à l’abaisser à terme.

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1.4 Conception du procédé 2. Injections ciment


de biocalcification
et chimiques
La conception du procédé de biocalcification se rapproche de
celle des injections (chapitre 2). Par rapport à ce chapitre, on mettra
seulement en lumière les éléments spécifiques de ce procédé. L’injection, décrite dans ce chapitre, consiste à introduire dans le
Au niveau conception, une approche différente de celle pratiquée sol un coulis liquide qui en se rigidifiant permet de l’étancher et/ou
pour les injections de liants hydrauliques ou chimiques est néces- de le consolider.
saire. Une modélisation spécifique à la biocalcification doit être
réalisée, en couplant l’écoulement poreux, le transport des réactifs
et leurs produits de réaction, la fixation des bactéries. Cela permet
Ne sont pas traitées dans ce chapitre, les injections des fissures
des massifs rocheux, les injections de comblement de vides (cavi-
1
tés, carrières, fontis...), les injections de scellement pour tirants
de déterminer le profil de calcification en fonction des paramètres d’ancrage, micropieux, clous, les injections de collage. Quant aux
de mise en œuvre : maillage des forages, débits d’injection, autres techniques d’injection de type deep mixing method, jet
concentration de la suspension bactérienne, concentration des grouting, injection solide, injection de résines, elles sont dévelop-
solutions calcifiantes, extraction des fluides, etc. pées dans les chapitres 3 à 6.
Par rapport à des injections de liants hydrauliques ou chimiques,
on retiendra les différences suivantes :
– le phasage des injections doit respecter un ordre précis : sus- 2.1 Présentation des techniques
pension bactérienne puis solution calcifiante ;
– en fonction des terrains et des objectifs de traitements, plusieurs
d’injection
cycles d’injection sont souvent nécessaires ;
– les débits d’injection sont supérieurs à ceux des coulis chimiques L’injection des sols est une technique d’amélioration destinée à
alors que les pressions d’injection sont inférieures ; modifier les propriétés hydrauliques et mécaniques des sols. Elle
– le critère d’arrêt est fixé par le volume injecté ; consiste à introduire, sous pression, un coulis plus ou moins vis-
– il n’y a pas de risque de soulèvements au moment de l’injection. queux qui circule dans les pores du sol ou qui provoque un ser-
rage du terrain sous haute pression et fait prise ensuite. Le résultat
Un plot d’essai est souhaitable avant tous travaux, les références attendu en est une diminution de la perméabilité pour augmenter
et les retours d’expérience n’étant pas encore suffisants. l’étanchéité des terrains (barrages, coupure étanche contre la
migration des polluants, radiers injectés...) et/ou une augmentation
des caractéristiques mécaniques du sol initial (ouvrages souter-
1.5 Mise en œuvre de la biocalcification rains, fondations...).
La mise en œuvre comprend les mêmes étapes que celles Les matériaux employés sont essentiellement des suspensions
décrites au chapitre 2, avec une spécificité au niveau du suivi des granulaires à base de liants hydrauliques pour l’imprégnation
paramètres de biocalcification. des sols grossiers et des produits en solution pour le traitement
des sols de granulométrie plus fine.
Le maillage des forages dépend des caractéristiques du terrain à
traiter ; il sera déterminé principalement en fonction de ses propriétés Deux modes d’injection (figure 5) sont à distinguer suivant la
hydrauliques. Les valeurs données dans le tableau 5 du chapitre 2 norme NF EN 12715 :
sont applicables dans le cas du sable limoneux ; pour les autres
matériaux, les espacements peuvent être plus importants. La disposi- – l’injection sans déplacement de sols, par imprégnation ;
tion des forages, méthodes de forages et leur équipement sont égale- – l’injection avec déplacement de terrain par fracturation hydrau-
ment en tous points identiques à ceux décrits dans le chapitre 2. lique.
La préparation des solutions bactériennes et calcifiante se fait
sur site, à l’aide de malaxeur de chantier. Leur dosage est très 2.1.1 Injection par imprégnation
dépendant de l’application visée et du type de sol.
L’injection par imprégnation des sols consiste à remplir les vides
du sol à l’aide d’un coulis, sans modifier l’arrangement des grains
1.6 Contrôles de la biocalcification de sol. Elle dépend de la porosité et de la forme des vides.
Les contrôles pendant la mise en œuvre portent sur la concen-
tration des bactéries par des mesures de densité optique (DO) et 2.1.2 Injection par claquage
de leur activité enzymatique (AE).
Au cours de la biocalcification, on suivra l’évolution du taux À partir d’une certaine pression radiale σr = pi d’injection dans
d’hydrolyse par un suivi des ions ammonium . un forage traversant un sol imperméable, il se développe dans le
terrain autour du forage des tractions orthoradiales σθ qui sont
Enfin, et à l’issue du traitement, on déterminera le taux de CaCO3
maximales au bord du forage. Si ces contraintes de traction
formé sur des échantillons prélevés en profondeur.
dépassent la résistance à la traction du sol, il va s’amorcer une
Tous les contrôles de réception décrits au chapitre 2 pour la fissure dans la direction de la contrainte principale mineure qui va
détermination des propriétés mécaniques s’appliquent au procédé se propager dans cette direction de moindre résistance. Ce phéno-
de biocalcification. mène de claquage (ou fracturation hydraulique) se produit aussi
pour les terrains perméables aux coulis si le débit d’injection est
À retenir supérieur à la capacité d’absorption des terrains.
Dans la fracturation hydraulique du sol, il y a donc création
• Les méthodes biologiques, méthodes innovantes, sont très d’une fissure qui se remplit de coulis et dont le volume augmente
jeunes et en cours de développement. progressivement ; les grains du sol, contrairement à l’injection
• Parmi ces méthodes, la biocalcification a fait l’objet de d’imprégnation, sont déplacés par le claquage et ces mouvements
beaucoup de recherches ces dernières années. Elle s’applique de grains engendrent notamment des soulèvements. Après avoir
à des sols granulaires, hors nappe ou sous nappe, pour créer augmenté, la pression d’injection chute brutalement, signe d’une
un nouveau matériau cohérent plus résistant. rupture dans le sol par claquage.

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Coulis fluide Coulis visqueux


Pression réduite Pression élevée

Injection Injection
Terrain naturel
par imprégnation par claquage

Figure 5 – État du terrain avant et après injections

2.1.3 Coulis
Perméabilité du sable (m/s)
Les coulis utilisables pour l’étanchement et la consolidation se
1
divisent en deux catégories principales correspondant à la nature
et aux propriétés des mélanges utilisés : les coulis à base de liants
hydrauliques en suspension (§ 2.1.3.1) et les coulis à base de pro- 10–1
duits chimiques en solution (§ 2.1.3.2).
10–2
Injectable
2.1.3.1 Coulis à base de liants hydrauliques en suspension 10–3

Les coulis de liants hydrauliques en suspension comportent un 10–4


Zone
ou plusieurs produits solides dispersés dans l’eau (bentonite ciment, de transition
ciment et liants hydrauliques ultra fins). Ce sont les matériaux le 10–5
plus souvent utilisés pour l’étanchement et la consolidation des Non injectable
sols en raison de leur coût modéré. Ces mélanges se caractérisent 10–6
par leur rapport pondéral C/E (ciment/eau) ou MS/E (matières
sèches/eau). 10–7 Finesse
1 000 10 000 100 000 Blaine
L’abaque de la figure 6 indique les limites d’injectabilité en fonc- (cm2/g)
tion de la finesse Blaine (surface spécifique des grains de ciment
exprimée en cm2/g) et de la perméabilité k. Figure 6 – Domaines d’injectabilité des coulis hydrauliques

2.1.3.2 Coulis à base de produits chimiques en solution 2.1.3.3 Coulis à base de résines
ou autres produits chimiques
Les gels de silice ont été souvent employés à partir des années Les résines répondent à des exigences que les coulis de ciment
1975-1980 pour l’imprégnation des sables moyens à fins. Ces et de silicate ne peuvent satisfaire. De par leur nature ou leur per-
mélanges très fluides complètent efficacement les travaux effec- formance, ces produits présentent quelquefois un avantage tech-
tués à l’aide de suspension de ciments et permettent une meilleure nique vis-à-vis des solutions conventionnelles, soit :
imprégnation des sols. On distingue les gels mous à réactif miné-
ral et les gels durs à réactif organique. Les premiers n’apportent – une faible viscosité, facilitant l’imprégnation des sables fins ;
qu’une faible résistance à la compression (Rc < 0,2 MPa) et sont – une résistance mécanique élevée ;
employés le plus souvent pour l’étanchement des sols, les seconds – un temps de prise réglable de quelques secondes à plusieurs
sont utilisés si l’objectif est l’étanchéité et la consolidation des heures ;
sols, par exemple pour des sables fins auxquels ils peuvent appor- – une résistance à l’agressivité des eaux.
ter des résistances Rc de 0,5 à 2 MPa, en les réservant à des Ces résines, grâce à leur fluidité et malgré leur coût élevé, ont
ouvrages temporaires à cause de la possibilité de rejets liquides été quelquefois employées pour l’imprégnation de sols granulaires
appelés « synérèse ». fins et assurent une consolidation pérenne.

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Tableau 1 – Applications des matériaux d’injection aux sols granulaires (source : AFTES 2006)

Natures des terrains Objectifs du traitement

Étanchement Consolidation

Alluvions grossières, graviers, galets Ciment et bentonite et adjuvants Ciment et bentonite et adjuvants
(gradient hydraulique) Ciment et bentonite et charges
Ciment et bentonite rigidifiée (procédé
Joosten ou similaire)
Ciment et bentonite et charges
Ciment et bentonite rigidifiée
(procédé Joosten ou similaire)
1
Alluvions sablo-graveleuses Ciment et bentonite Ciment et bentonite
Gels de silice et réactif minéral Ciments Gels de silice et réactif organique
ou liants hydrauliques ultrafins et adjuvants Ciments ou liants hydrauliques ultrafins
et adjuvants

Sable moyen Suspension de micro-ciment Suspension de micro-ciment

Sable fin Gels de silice et réactif minéral Gels de silice et réactif minéral
Suspension de silice nanométrique Gels de silice et réactif organique
et réactif minéral Suspension de silice nanométrique
et réactif minéral

Sable fin et limon Gels de silice et réactif minéral Gels de silice et réactif minéral
Suspension de silice nanométrique Suspension de silice nanométrique
et réactif minéral et réactif minéral
Résines acryliques Résines acryliques

Le tableau 1 [1] récapitule les différentes applications des maté- Sur chantier, parmi plusieurs appareils, le plus couramment
riaux d’injection aux sols granulaires. utilisé est le cône d’écoulement de type « Marsh ». La mesure
consiste à chronométrer le temps d’écoulement d’un litre de cou-
2.1.3.4 Propriétés des coulis lis. Cette mesure correspond à une viscosité apparente. Le résultat
est exprimé en secondes et permet d’obtenir des comparaisons
On distingue les propriétés des coulis à base de liants hydrau- pour la plupart des coulis de ciment courants (tableau 2 [2]).
liques et les coulis à base de produits chimiques. On les étudie
sous leur forme liquide, lors de la mise en œuvre, et sous forme • Granularité des suspensions
solide, une fois injecté, de façon à comparer leurs performances et La granularité est une caractéristique des mélanges en suspen-
la pérennité des traitements. sion qui détermine la stabilité et donc la décantation de ce mélange.
■ Coulis à base de liants hydrauliques en suspension Pour que le coulis pénètre dans les pores du sol, il faut que les
• Propriétés rhéologiques des coulis particules de coulis aient des dimensions en rapport avec celles
du sol. L’approche habituelle consiste à considérer la granularité
Dans le cas des coulis à base de ciment, deux paramètres influent du sol et celle du coulis (particules constituant le coulis, par
sur leur pénétrabilité ou injectabilité : la rhéologie de la suspension exemple : particules de ciment).
et la granularité du liant. On définit pour chaque coulis :
– la viscosité plastique, notée ηp (mPa.s) ; D’après Zebovitz, Krizek et Atmatzidis [2] et Mitchell [3] un sol
– le seuil d’écoulement qui est la contrainte de cisaillement est injectable si :
notée τp (Pa).
Les mesures rhéologiques en laboratoire s’effectuent à l’aide de
viscosimètres coaxiaux qui permettent de mesurer les viscosités
plastiques et les seuils d’écoulement. Chopin [4] indique des valeurs comprises entre 15 et 30.

Tableau 2 – Caractéristiques rhéologiques des coulis en suspension (source : AFTES 2006)

Viscosité Seuil de cisaillement Viscosité « Marsh »


Types de coulis
(mPa.s) (Pa) (s/l)

Eau 1 – 26 ± 0,5

Suspension de ciment et bentonite 5 à 50 5 à 20 35/60

Suspension de ciment et bentonite fluidifiée 2 à 10 1à5 30/40

Suspension de ciment et bentonite rigidifiée 5 à 100 20 à 100 –

Suspension de liants hydrauliques ultrafins 2à5 0,5 à 5 28/35

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• Stabilité des suspensions


Filtrat (ml)
La stabilité des suspensions étant un point important, elle néces-
site de définir plusieurs termes techniques spécifiques.
120
• Sédimentation
Les suspensions granulaires présentent une tendance à la sédi-
mentation qui correspond à l’accumulation des particules d’un

1
coulis dans la partie inférieure de l’éprouvette sous l’action de la 80
gravité. L’ajout d’un agent stabilisant dans le mélange, bentonite
ou adjuvant, permet de retarder, voire d’annuler, la sédimentation
des grains de ciment et de limiter la décantation.
• Décantation 40
Le phénomène de décantation provoque la formation d’une
couche d’eau claire à la surface du coulis frais, il est simultané à la
sédimentation des grains.
• Floculation 0 t (min)
0 4 16
La floculation est l’agglomération des grains de ciment et de
Bentonite
bentonite qui forment des « flocs ». Elle augmente la viscosité du Ciment (BC)
BC + Peptisant BC + Peptisant + Polymères
mélange. Il est possible de limiter la floculation en utilisant un
agent assurant la dispersion des grains.
Figure 8 – Filtration de coulis de bentonite ciment (source : Caron in
• Filtration – essorage AFTES, 2006)

Lors de l’injection d’une suspension de ciment, une partie de


l’eau contenue dans le mélange peut se trouver absorbée par la La durée pratique d’utilisation (DPU) correspond à une valeur
porosité du matériau, comme par exemple pour des sables fins du seuil de rigidité au-delà de laquelle les pertes de charge sont
non saturés qui ont un pouvoir de succion important. trop importantes pour poursuivre l’injection. On considère que la
La mesure des caractéristiques de filtration des suspensions de durée d’utilisation des coulis de ciment, qui ne contiennent ni
ciment s’effectue à l’aide d’un appareil de type filtre-presse qui retardateur ni fluidifiant, ne peut excéder 2 à 3 heures à partir de
mesure les caractéristiques de filtration d’un coulis (figure 7). la préparation.
L’emploi d’adjuvants spécifiques permet de réduire cette sensibi- • Pérennité des coulis à base de liant hydraulique
lité à l’essorage et d’améliorer les performances d’injectabilité des
coulis à base de ciment ou de bentonite-ciment (figure 8 [1]). On distingue deux causes d’altération des coulis, les causes phy-
siques et les causes chimiques.
• Prise du coulis
Les principales causes d’altération physique des coulis de ciment
Le temps de prise varie en fonction de la nature du ciment, du sont :
C/E, des adjuvants. L’évolution de la rigidité pour les coulis de – les contraintes mécaniques (sollicitations cycliques, fluage, fortes
bentonite-ciment conduit à définir le début de prise entre 1 et contraintes) ;
6 heures selon les compositions.
– la dessiccation qui entraîne une désagrégation du coulis ;
Le plus souvent, le temps de prise évolue de façon inverse aux – l’érosion, dans le cas de traitements soumis à des gradients
fluctuations de température. Pour une augmentation de tempéra- hydrauliques importants ;
ture de 10 °C, le temps de prise est divisé par un facteur de 1 à – les sols gelés dans lesquels le coulis de faible C/E peut être
1,5. Il y a lieu de tenir compte, à la fois de la température des déstructuré par le gel de l’eau de constitution.
constituants, de l’effet de masse et de la température du sol. Par
contre, la résistance du coulis durci diminue avec l’augmentation Les principales causes d’altération chimique des coulis de ciment
de la température. sont :
– la qualité des eaux du sol qui peut avoir une influence sur la
pérennité des coulis. L’altération chimique sera d’autant plus
grande que la perméabilité des coulis sera importante ; l’ajout de
Pression bentonite, les coulis à fort C/E permettent de réduire cette perméa-
Hauteur bilité et par conséquent la sensibilité des coulis aux eaux agres-
sives ;
– les sulfates qui réagissent avec les aluminates pour former les
sels de Candlot. Ceux-ci peuvent par gonflement conduire à un
éclatement de la matrice du ciment. Dans ce cas, les ciments à
Coulis
utiliser sont des ciments à forte teneur en laitier.
liquide
Hauteur D ■ Coulis à base de produits chimiques en solution
Dépôt
• Propriétés rhéologiques des produits chimiques
pâteux Les coulis chimiques, sont le plus souvent des fluides Newtoniens.
Densité
(cake)
1 1,2 1,4 1,6 1,8 2 Ils présentent une résistance à l’écoulement qui dépend de la vis-
cosité. Cette caractéristique intrinsèque influence également la
relation débit – pression durant l’injection des coulis.
Essorage
Les mesures sont effectuées à l’aide d’un viscosimètre en labo-
ratoire et par le cône Marsh sur chantier. Des ordres de grandeur
des viscosités pour différentes solutions chimiques sont indiqués
Figure 7 – Essai de filtration du coulis dans le tableau 3 [1].

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Les géosynthétiques de renforcement

par Laurent BRIANÇON


1
Maître de conférences SMS-ID – INSA (Lyon, France)
et Philippe DELMAS
Professeur Le Cnam, (Paris, France)

1. Notions de base .......................................................................................... C 305 - 2


1.1 Différentes familles de géosynthétiques................................................... — 2
1.2 Différentes fonctions des géosynthétiques .............................................. — 4
1.3 Différents domaines d’application des géosynthétiques ........................ — 6
2. Géosynthétiques de renforcement ........................................................... — 6
2.1 Différents types ........................................................................................... — 6
2.2 Caractéristiques nominales........................................................................ — 6
2.3 Facteurs d’influence (coefficients de réduction)....................................... — 6
2.4 Caractéristiques admissibles à long terme............................................... — 7
3. Mécanismes de renforcement des sols .................................................... — 10
3.1 Traction ........................................................................................................ — 10
3.2 Frottement ................................................................................................... — 13
3.3 Ancrage........................................................................................................ — 16
3.4 Effet membrane........................................................................................... — 17
4. Ouvrages renforcés..................................................................................... — 17
4.1 Murs et talus raidis renforcés par géosynthétiques................................. — 17
4.2 Dispositifs géosynthétiques sur pentes .................................................... — 20
4.3 Remblais sur sol compressible .................................................................. — 24
4.4 Plateforme sur cavités potentielles ........................................................... — 26
4.5 Plateforme de transfert de charge sur inclusions rigides........................ — 30
5. Instrumentation .......................................................................................... — 32
6. Normalisation et contrôles ........................................................................ — 33
7. Conclusion ................................................................................................... — 34
8. Glossaire ...................................................................................................... — 34
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. C 305
Parution : avril 2017 - Dernière validation : juillet 2020

es géosynthétiques de renforcement des sols sont employés dans les


L ouvrages géotechniques depuis plus de quarante ans. Leur domaine
d’application est très vaste puisqu’ils peuvent être installés :
– sur des talus d’ouvrages hydrauliques ou d’installations de stockage de
déchets ;
– à la base de remblai construit sur :
• sol compressible,
• sur zone à risque de cavité,
• sol amélioré par inclusions rigides ;
– dans des ouvrages en terre pour construire des talus renforcés ou des
ouvrages de soutènements…

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C 305 – 1

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LES GÉOSYNTHÉTIQUES DE RENFORCEMENT ____________________________________________________________________________________________

L’intérêt de ces produits est qu’ils apportent au sol une résistance en traction
que le sol seul ne possède pas (ou très peu pour les sols cohérents) permettant
ainsi d’augmenter la stabilité d’un ouvrage. Leur emploi permet en général un
gain économique en comparaison à d’autres solutions de construction et
permet d’exploiter de nouvelles zones, actuellement délaissées, car présentant
des risques pour la sécurité des usagers.

1
De nombreux types de géosynthétiques de renforcement existent sur le
marché ; bien qu’ils soient de constitutions différentes, ils doivent tous présenter
des caractéristiques nominales déterminées par des essais normalisés en labora-
toire. Ces caractéristiques peuvent être ensuite dégradées lors de la mise en
œuvre des produits et pendant la durée de service de l’ouvrage renforcé, et le
dimensionnement des géosynthétiques doit intégrer ces dégradations possibles.
Cet article présente :
– les géosynthétiques de renforcement ;
– les essais en laboratoire permettant de déterminer leurs caractéristiques ;
– les mécanismes d’interaction entre les géosynthétiques et leur
environnement ;
– la prise en compte des facteurs d’influence ;
– les principes de leur mise en œuvre et leur dimensionnement dans des
ouvrages géotechniques.
Pour certains ouvrages, des exemples de prescriptions sont donnés permet-
tant à l’ingénieur de rédiger un cahier de charges.
Le domaine des géosynthétiques est un domaine très normalisé. Ce point est
aussi abordé pour que le lecteur comprenne ce cadre normatif essentiel pour
le développement des techniques.

1. Notions de base – les non tissés thermoliés ;


– les non tissés aiguilletés…

1.1 Différentes familles 1.1.2 Produits apparentés


de géosynthétiques Sont regroupés sous l’appellation de « produits apparentés de
géotextiles », tous les produits perméables qui ne sont pas des
Parmi les géosynthétiques, on distingue en général : géotextiles (figure 2).
– les produits perméables : les géotextiles (§ 1.1.1) et produits
On distingue dans cette famille :
apparentés de géotextiles, (§ 1.1.2) ;
– les produits essentiellement étanches : les géomembranes et – les géogrilles utilisées pour le renforcement des sols ;
les géosynthétiques bentonitiques (§ 1.1.3). – les géomats assurant la fonction anti-érosion ;
– les géoespaceurs (geonets) assurant la fonction de drainage ;
L’association de ces produits forme des géocomposites (§ 1.1.4).
– les géocellules permettant de confiner une couche de sol de
faible épaisseur ;
1.1.1 Géotextiles – les géoconteneurs remplis de sol ou d’un autre matériau.
Les géotextiles sont des produits textiles en polymères (naturels
ou synthétiques), plans, perméables, pouvant être non-tissés, tri- 1.1.3 Géosynthétiques étanches
cotés ou tissés, utilisés en contact avec un sol et/ou d’autres maté-
riaux pour les applications géotechniques et de génie civil. Les géomembranes [C5430] sont des produits adaptés au génie
civil, minces, souples, continus, étanches au liquide même sous
Les principaux polymères utilisés pour la fabrication de géotex-
des déformations de service, principalement en traction. L’étan-
tiles sont :
chéité d’une membrane doit être inférieure à 0,1 l/j/m2 sous une
– le polyéthylène (PE) ; charge hydraulique de 100 kPa (hors joints).
– le polyamide (PA) ;
– le polyester (PET) ; On distingue les géomembranes synthétiques [C5436] et les
– le polypropylène (PP). géomembranes bitumineuses [C5437].
Ces polymères ont des propriétés différentes et le choix d’un ■ Parmi les géomembranes synthétiques (figure 3), il y a :
géotextile peut être motivé dans certains cas par le type du – les plastomères :
polymère.
• polychlorure de vinyle (PVC),
Parmi les géotextiles (figure 1), on distingue :
– les tricotés ; • polyéthylène haute densité (PEHD),
– les tissés ; • polyestercarbonate (PEC) ;

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Tricotés

Tissés

Monofilament/monofilament Monofilament/bandelette Monofilament/multifilaments

Non tissés

Thermoliés Aiguilletés

Figure 1 – Différents types de géotextiles

– les élastomères : en sablant une de leur face. Un film anti-racinaire peut être ajouté
sur la face opposée.
• éthylène-propylène-diène monomère (EPDM),
Les géosynthétiques bentonitiques sont des matériaux compo-
• polypropylène (PP).
sites étanches composés d’un ou plusieurs géosynthétiques et
Leur formulation comprend en plus du polymère, des plasti- d’une couche d’argile.
fiants, des stabilisants, des lubrifiants, des pigments qui per- Il existe deux types de géosynthétiques bentonitiques :
mettent d’améliorer les caractéristiques de la géomembrane :
– ceux pour lesquels l’argile est fixée entre deux géotextiles ;
– flexibilité sous basse température ; – ceux pour lesquels l’argile est collée sur une géomembrane.
– résistance aux UV ;
– augmentation du frottement… 1.1.4 Géosynthétiques composites
■ Les géomembranes bitumineuses sont constituées d’un géosyn- Les géosynthétiques composites sont des produits qui asso-
thétique imprégné de bitume. Leur frottement peut être augmenté cient au minimum un géosynthétique (figure 4).

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Géogrilles

1
Extrudée Tissées ou tricotées Bandes soudées
(uni-or bi-axiale) (imprégnée ou enduite) (laser ou rayon X)

Géomats Géocellules Géonets

Géoespaceurs Géoconteneurs

Figure 2 – Différents types de produits apparentés de géotextiles

1.2 Différentes fonctions


des géosynthétiques
Les principales fonctions assurées par les géosynthétiques
sont :
– la séparation ;
– la protection ;
– la filtration ;
– le drainage ;
– le renforcement ;
– l’étanchéité ;
– l’anti-érosion.
Chaque géosynthétique assure en général une fonction précise.
Cependant, certains géosynthétiques peuvent assurer plusieurs
Figure 3 – Les géomembranes synthétiques
fonctions simultanément.

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C 305 – 4

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Figure 4 – Les géocomposites

1.2.1 Séparation Mésopotamie pendant des dizaines de siècles. La mieux conser-


vée est celle d’Our (fin du IIIe millénaire).
Les géotextiles ont été développés à l’origine pour séparer deux
Depuis, il y a eu une quelques évolutions dans les techniques
couches de sols de caractéristiques différentes : couche de forme de renforcement.
avec un matériau d’apport ou deux matériaux d’apport.
Les géosynthétiques utilisés en une ou plusieurs nappes super-
La fonction de séparation est assurée par tout type de géotextile posées, permettent, grâce à leur résistance mécanique élevée
quelle(s) que soi(en)t leur(s) autre(s) fonction(s). dans une ou plusieurs directions, de reprendre les efforts de trac-
Le dimensionnement d’un géotextile de séparation passe par la tion du sol et de limiter les déformations. Ils permettent ainsi le
caractérisation : renforcement des sols à faible portance, jouent le rôle d’arma-
tures dans des ouvrages en terre, préviennent les effondrements
– de sa résistance à la traction ;
ou stabilisent les terrains susceptibles de glissement.
– de son allongement à l’effort maximum ;
– de son ouverture de filtration.
1.2.5 Drainage
1.2.2 Filtration Dans les ouvrages de génie civil, le rôle du drainage est de :
Le rôle du filtre géosynthétique consiste à retenir les éléments – rabattre les nappes ;
du sol tout en laissant passer l’eau. Cette fonction est souvent – contrôler les écoulements intermittents ;
associée à celle de séparation dans le cas, par exemple, de – diminuer et maîtriser les pressions d’eau ;
construction d’ouvrages sur sols mous humides. – accélérer les phénomènes de consolidation ;
– évacuer les eaux de ruissellement.
Mais, on la retrouve principalement dans les systèmes de drai-
nages où le géosynthétique doit permettre le passage de l’eau de L’efficacité et la pérennité des systèmes de drainage sont assu-
la zone à drainer vers le drain, en gravier, sous forme de tube rées par l’association d’un drain et d’un filtre. Le rôle du drain est
drainant, voire de géosynthétique, tout en évitant la contamina- de recueillir et d’évacuer les débits collectés.
tion du drain par des particules fines du sol environnant, ainsi que La fonction drainage est donc toujours associée à celle de filtra-
l’érosion régressive du terrain à l’amont du drain. tion.

1.2.3 Protection 1.2.6 Anti-érosion


Cette fonction est utilisée essentiellement lors de l’utilisation L’érosion pluviale des sols pentus est un problème récurrent
d’une géomembrane. Des essais permettent d’évaluer la protec- lors de la construction d’ouvrages géotechniques faisant appa-
tion de la géomembrane par l’interposition d’un géosynthétique raître des pentes. Une méthode simple pour diminuer cette éro-
de protection et l’endommagement subi pendant la mise en sion est de végétaliser la pente.
œuvre de la couche granulaire. Le problème de l’érosion se pose donc avant que l’enherbement
soit effectif. Pour limiter l’érosion avant que l’enherbement soit
1.2.4 Renforcement effectif, on peut disposer sur les sols pentus des dispositifs géo-
synthétiques.
Le renforcement des sols n’est pas une technique nou-
velle puisque déjà en –2 100, en Mésopotamie, des architectures 1.2.7 Étanchéité
artificielles, les ziggourats, dont la réalisation requérait un énorme
effort en matériau et en main-d’œuvre, étaient renforcées par des La fonction étanchéité est assurée par une géomembrane ou un
tissés de paille. La première ziggourat, construite à Ourouk, servit géosynthétique bentonitique. L’étanchéité est définie comme la
de modèle à toutes les tours à terrasses qui furent élevées en prévention ou la limitation de la migration de fluides.

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Tableau 1 – Fonctions qui peuvent être assurées suivant les applications


(normes EN 13249, EN 13250, EN 13251, EN 13252, EN 13253, EN 13254, EN 13255, EN 13256,
EN 13257, EN 13265, EN 13361, EN 13362, EN 13491, EN 13492, EN 13493)
Fonctions Relaxation
Séparation Protection Filtration Drainage Renforcement des Étanchéité
Applications contraintes

1 Terrassements routiers et
ferroviaires
x x (1) x

Ouvrages de drainage x x x
Berges fluviales x x (1)
x
et maritimes
(1)
Canaux x x x x x
Barrages et réservoirs x x x (1) x x
Soutènements et fondations x x (1)
x
(1) (1)
Tunnels x x
Déchets solides x x x (1) x x
Déchets liquides x x x (1)
x
Chaussées x x x
(1) pour les systèmes de drainage voir l’application « Ouvrages de drainage »

1.3 Différents domaines d’application 2.2 Caractéristiques nominales


des géosynthétiques Les caractéristiques associées à la fonction renforcement sont
définies dans la norme NF EN 13251 (tableau 2).
1.3.1 Principaux domaines d’application On distingue les caractéristiques fonctionnelles :
des géosynthétiques – liées à la mise en œuvre ;
Les géosynthétiques sont utilisés dans de nombreuses applica- – liées au comportement à long terme (durabilité) (figure 5).
tions de géotechnique. Selon les applications, telle ou telle fonction Celles-ci permettent d’appréhender les caractéristiques utiles à
devra être assurée par le dispositif géosynthétique (Tableau 1). la justification du comportement des géosynthétiques pour la
durée de vie de l’ouvrage dans lequel ils sont utilisés et ce, en
fonction des contraintes de service et de l’évolution physico-
chimique des matériaux constitutifs des géosynthétiques.
2. Géosynthétiques La figure 6 montre l’évolution type d’une propriété fonction-
nelle en fonction de l’historique des sollicitations subies par le
de renforcement géosynthétique, depuis l’installation jusqu’à la fin de la durée de
service de l’ouvrage. La bonne conception de l’ouvrage et le choix
adéquat du géosynthétique visent à assurer une valeur de la pro-
priété fonctionnelle supérieure au niveau de service requis pour la
2.1 Différents types durée de service et ce, avec une sécurité suffisante.
Dans le principe, il est possible de renforcer une structure avec Les géosynthétiques sont caractérisés par les valeurs nominales
différents types de géosynthétiques comme montré par Baraize et (valeurs maximales, en général) et les plages de variation relative
son équipe [1] qui ont réalisé, et comparé, des renforcements de (à 95 % en général), obtenues lors des essais en laboratoire réali-
massifs de soutènement chargés en tête et renforcés par des non- sés sur des échantillons vierges sortie usine.
tissés et des géocomposites.
Cependant, dans la pratique, le renforcement par géosynthé- 2.3 Facteurs d’influence (coefficients
tiques est généralement réalisé au moyen de :
de réduction)
– tissés ;
– géogrilles ; Compte tenu de l’importance du comportement en déformation
– géocomposites. du géosynthétique dans le comportement des ouvrages renforcés,
il est important de rappeler les principes généraux d’évolution
Les polymères qui constituent ces géosynthétiques sont, en dans le temps du comportement des géosynthétiques.
général, mais de manière non exclusive : Trois principaux facteurs influencent le comportement dans le
– le polyester (PET) ; temps :
– le polypropylène (PP) ; – le comportement et la résistance vis-à-vis de l’endommage-
– le polyéthylène (PE) ; ment lors de l’installation et le compactage ;
– le comportement au fluage en traction ;
– mais aussi le Poly-Vinyle Allcool (PVA) ; – le vieillissement du géosynthétique dépendant des conditions
– voire l’aramide (AR). d’environnement.

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C 305 – 6

62
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C305

_____________________________________________________________________________________________ LES GÉOSYNTHÉTIQUES DE RENFORCEMENT

teur (Γinstal). L’annexe C de la norme précise les différentes


Tableau 2 – Caractéristiques nominales associées méthodes de détermination de la réduction de résistance.
à la fonction renforcement définies
L’incidence de l’installation et du compactage sur la raideur des
dans la norme NF EN 13251
produits a été étudiée par de nombreux auteurs. En particulier,
Méthodes Müller-Rochholz [2] distingue les endommagements externes qui
Caractéristiques Renforcement correspondent à des coupures des barres de renfort (ou des
d’essai
câblés), des endommagements internes pour lesquels l’intégrité

1
(1) Résistance à la traction EN ISO 10319 A des éléments de renfort est préservée.
(en kN/m)
C’est le cas par exemple des produits dont les éléments de renfort
(2) Allongement à l’effort EN ISO 10319 A sont protégés par un gainage ou un autre géosynthétique.
maximum (en %)
(3) Raideur à 2 %, 5 % et EN ISO 10319 S La figure 7 [2] montre que si, pour les géosynthétiques subis-
10 % d’allongement sant des endommagements externes, l’installation et le compac-
tage entraînent une réduction de raideur. Pour ceux ne subissant
(4) Résistance à la traction EN ISO 10321 S que des endommagements internes, il n’y a pas de perte de rai-
des joints et coutures b) c) deur.
(en kN/m)
(5) Résistance au EN ISO 12236 A 2.3.2 Comportement au fluage
poinçonnement statique
(CBR test) a) (en N) L’incidence du fluage en traction des géosynthétiques sur la
résistance à la traction a été étudiée depuis longtemps et est inté-
(6) Résistance à la EN ISO 13433 A grée dans les normes de dimensionnement des renforcements par
perforation dynamique géosynthétique (NF G 38064) sous la forme d’un coefficient réduc-
(chute de cône) a) (en mm) teur (Γflu).
(7) Frottement (en °) EN ISO 12957-1 ; S L’incidence du fluage sur la déformation est souvent représen-
tée en utilisant les courbes isochrones (NF EN ISO 13431)
EN ISO 12957-2 (figure 8) [3].
(8) Fluage en traction EN ISO 13431 S
(Γfluage, εfluage) 2.3.3 Résistance au vieillissement chimique
(9) Résistance à EN ISO 10722 S Concernant l’étude du vieillissement des géosynthétiques,
l’endommagement à la mise (voir note) divers auteurs ont essayé d’établir des lois de comportement dans
en œuvre le temps ([4], [5] et [6]).
(Γinstal)
La perte de résistance à la traction dépend du type de dégrada-
(10) Ouverture de filtration EN ISO 12956 –  tion subie et peut être approchée par des modèles spécifiques.
caractéristique (en μm) Cette diminution de résistance est intégrée dans les normes de
dimensionnement des renforcements par géosynthétique
(11) Perméabilité normale au EN ISO 11058 S (NF G 38064) sous la forme d’un coefficient réducteur (Γvieil).
plan (en mm/s)
L’influence sur la raideur a été moins étudiée. On pourra cependant
(12) Durabilité Suivant annexe A retenir les quelques éléments suivants. En ce qui concerne l’hydrolyse
EN 13251 (en pH neutre ou acide), on observe en général pas, ou très peu, de
réduction de raideur. Ce qui n’est pas le cas de l’hydrolyse alcaline où
A : pertinent dans tous les cas d’utilisation une perte de raideur est observée dès le départ.
S : pertinent dans certains cas d’utilisation Concernant les autres types de dégradation comme l’oxydation,
« – » : caractéristique non pertinente pour le cas de la fonction la perte des propriétés mécaniques est différente. On peut obser-
renforcement ver dans certains cas une augmentation sensible de la raideur,
liée à une augmentation du taux de cristallinité.
a Résistance au poinçonnement statique pouvant ne pas être
pertinente pour certains types de produits, par exemple les
géogrilles et les géocomposites de renforcement 2.4 Caractéristiques admissibles à long
b La résistance interne des joints structurels des géocellules doit
terme
être testée suivant EN ISO 13426-1.
c La résistance interne des joints structurels des géocomposites Connaissant les caractéristiques nominales correspondant aux
doit être testée suivant EN ISO 13426-2 fonctions requises dans l’ouvrage, il est donc possible de calculer
les caractéristiques admissibles à long terme des géosynthé-
Note : essai de laboratoire jugé non représentatif de la réalité, il tiques, c’est-à-dire pour la durée de service de l’ouvrage.
n’est pas utilisé et est en cours de révision ; on lui préfère les
essais à l’échelle 1 (§ 3.1.2) En prenant, par exemple, comme caractéristique la résistance à
la traction du géosynthétique, il est possible d’évaluer la valeur
nominale correspondante que l’on appelle aussi la résistance
caractéristique à court terme (Rt;k) en la mesurant suivant la
2.3.1 Résistance à l’endommagement norme NF EN ISO 10319. On peut alors définir la résistance ultime
en traction Rt;d du géosynthétique :
La réduction de résistance des géosynthétiques lors de l’instal-
lation et le compactage a été étudiée depuis longtemps et est inté- (1)
grée dans les normes de dimensionnement des renforcements par
géosynthétique (NF G 38064) sous la forme d’un coefficient réduc- avec Γgéo le coefficient qui intègre

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C 305 – 7

63
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C305

LES GÉOSYNTHÉTIQUES DE RENFORCEMENT ____________________________________________________________________________________________

Fonction Caractéristique fonctionnelles

1
Caractéristiques Caractéristiques
liées liées à la mise
à la durabilité en œuvre

Durée de vie

Évolution
Contraintes de services physico-chimique

Figure 5 – Décomposition des propriétés des géosynthétiques en caractéristiques fonctionnelles, liées à la mise en œuvre et liées au
comportement à long terme

Propriété
Vitesse fonctionnelle
fonctionnelle
contraintes
de service
100 % Sécurité sur
le matériau au bout
de la durée de vie

Niveau requis
Sécurité
de service
sur la durée de vie

Temps
– Vieillissement physico-chimique
{ – Évolution macroscopique
at ge

rv ise
io
ul a
n

e
se M
t
ip ock

la

ic
io

al
an St

st

Durée de vie Vraie durée


In

en

requise de vie
m

(D’après ISO / TR 13434 – 1998)

Figure 6 – Évolution type d’une propriété fonctionnelle en fonction de l’historique des sollicitations subies par le géosynthétique

Rt;k les coefficients réducteurs qui permettent de prendre en Γvieil le coefficient de réduction lié à la réduction de la
compte le comportement dans le temps du géosynthétique. résistance en traction due au vieillissement des
produits géosynthétiques dépendant des
(2) conditions d’environnement,
Γinstal le coefficient de réduction correspondant à la
avec γM;t le facteur partiel de la résistance en traction, réduction de la résistance en traction due à
Γflu le coefficient de réduction lié à la réduction de la l’endommagement des renforcements
résistance en traction lors du fluage des géosynthétiques lors de leur installation et du
renforcements géosynthétiques, compactage des remblais.

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C 305 – 8

64
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C240

Calcul géotechnique
selon l’Eurocode 7 et ses normes
d’application
par Sébastien BURLON
1
IFSTTAR

Luis CARPINTEIRO
SOCOTEC

et Michel GLANDY
SOLÉTANCHE-BACHY PIEUX

1. Présentation générale de l’Eurocode 7 ...................................... C 240v2 – 2


1.1 Bases réglementaires ......................................................................... — 2
1.2 Eurocode 7 – Partie 1 : règles générales ........................................... — 3
1.3 Eurocode 7 – Partie 2 : reconnaissance des terrains et essais ......... — 6
1.4 Annexe nationale de l’Eurocode 7 – Partie 1 .................................... — 6
1.5 Organisation des normes d’application nationale ............................ — 7
1.6 Stabilité globale des ouvrages géotechniques ................................. — 7
1.7 Problèmes d’eau ................................................................................. — 7
2. Fondations superficielles – Norme NF P 94-261....................... — 9
2.1 Application ......................................................................................... — 9
2.2 Principes de justification .................................................................... — 9
2.3 Justification de la portance ............................................................... — 10
2.4 Justification du glissement (ELU) ...................................................... — 12
2.5 Déplacement (ELS) ............................................................................. — 12
2.6 Autres volets des justifications .......................................................... — 13
3. Dimensionnement des fondations profondes –
Norme NF P 94-262......................................................................... — 13
3.1 Application ......................................................................................... — 13
3.2 Principes de justification .................................................................... — 13
3.3 Comportement sous charge axiale (ELU et ELS) .............................. — 14
3.4 Comportement sous charge axiale – Quelques cas particuliers ....... — 18
3.5 Comportement sous charge transversale (ELU et ELS) .................... — 19
3.6 Résistance structurelle des pieux ...................................................... — 19
4. Dimensionnement des écrans de soutènement
et des ancrages – Norme NF P 94-282 ........................................ — 20
4.1 Application ......................................................................................... — 20
4.2 Principes de justification .................................................................... — 20
4.3 Vérification du défaut de butée ......................................................... — 21
4.4 Vérification de la résistance structurelle de l’écran .......................... — 22
Parution : août 2015 - Dernière validation : juillet 2020

4.5 Autres volets des justifications .......................................................... — 22


5. Dimensionnement des murs de soutènement –
Norme NF P 94-281......................................................................... — 22
5.1 Application ......................................................................................... — 22
5.2 Principes de justification .................................................................... — 23
5.3 Calcul des forces de poussée ............................................................ — 23
5.4 Vérifications des ELU et des ELS : portance et glissement .............. — 23
6. Conclusion........................................................................................ — 26
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 240v2

’Eurocode 7, publié en France en 2005 pour la partie 1 et en 2007 pour la


L partie 2, traite respectivement du calcul géotechnique et de la reconnais-
sance des sols pour les études géotechniques. Il permet avec les autres

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C240

CALCUL GÉOTECHNIQUE SELON L’EUROCODE 7 ET SES NORMES D’APPLICATION –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Eurocodes dits « structuraux » la justification des fondations des bâtiments, des


ponts, des tours, des mâts et des cheminées, des écrans de soutènement et de
leurs ancrages, des murs de soutènement et de différents ouvrages en terre
(remblais, déblais, murs en terre armée, parois clouées, etc.). Les travaux de
terrassements et certains types d’ouvrages, comme les barrages et les tunnels,
ne font pas partie du domaine couvert par l’Eurocode 7.
Pour être applicable en France, l’Eurocode 7 – Partie 1 est accompagné d’une

1
annexe nationale et de six normes d’application nationale :
– la norme NF P 94-261 pour les fondations superficielles ;
– la norme NF P 94-262 pour les fondations profondes ;
– la norme NF P 94-270 pour les ouvrages en sols renforcés ;
– la norme NF P 94-281 pour les murs de soutènement ;
– la norme NF P 94-282 pour les écrans de soutènement ;
– la norme NF P 94-290 pour les ouvrages en terre.
Ces six normes remplaceront à court terme les anciens textes normatifs
comme le fascicule 62 Titre V ou les DTU 13.12 et 13.2. Elles sont néanmoins
d’ores et déjà applicables et permettent de transcrire les principes de justifica-
tion des ouvrages géotechniques selon l’Eurocode 7 suivant les pratiques
françaises.
Concernant le dimensionnement des ouvrages géotechniques, le principal
changement induit par l’application de l’Eurocode 7 et de ses normes d’appli-
cation nationale est le recours systématique au formalisme de justification des
états limites de service et des états limites ultimes. Différentes combinaisons
d’actions sont considérées et des coefficients partiels doivent être appliqués
sur les actions et les résistances pour justifier l’ouvrage projeté avec une sécu-
rité suffisante. Il est primordial de préciser que ces changements n’introduisent
pas de modifications dans les niveaux de sécurité globale considérés aupara-
vant, hormis quand la révision des modèles de calcul a conduit à proposer des
optimisations.
Le présent chapitre décrit le contenu général de l’Eurocode 7 en détaillant
plus particulièrement la partie 1. Le dimensionnement des fondations et des
soutènements est décrit en présentant successivement les normes NF P 94-
261, NF P 94-262, NF P 94-282 et NF P 94-281. Dans chaque cas, les aspects les
plus importants du dimensionnement sont soulignés de manière à donner au
lecteur une vision à globale et pratique de cet ensemble de textes.

– Eurocode 8 – Résistance des structures aux séismes ;


1. Présentation générale – Eurocode 9 – Calcul des structures en aluminium.
de l’Eurocode 7 D’autres Eurocodes sont en cours de préparation pour d’autres
types de matériaux, comme le verre ou les polymères renforcés
de fibres.
1.1 Bases réglementaires Les Eurocodes 0 et 1 définissent les principes généraux de la jus-
tification et du calcul des ouvrages qui doivent être repris et décli-
La collection complète des « Eurocodes structuraux », établie nés dans les autres Eurocodes. En particulier, sont définis :
dans le cadre des travaux du Comité technique 250 (TC250) du – les concepts d’états limites ultimes et de service ;
Comité européen de normalisation (CEN), comprend actuellement – la notion de situation de calcul ;
neuf volumes : – les principes de détermination des valeurs de calcul des char-
– Eurocode 0 – Bases de calcul des structures ; ges et des propriétés des matériaux.
– Eurocode 1 – Bases du calcul et actions sur les structures ;
– Eurocode 2 – Calcul des structures en béton ; Des éléments de langage communs à tous les Eurocodes sont
– Eurocode 3 – Calcul des structures en acier ; mis au point.
– Eurocode 4 – Calcul des structures mixtes acier-béton ; Les autres Eurocodes sont, en principe, indépendants les uns des
– Eurocode 5 – Calcul des structures en bois ; autres, sauf l’Eurocode 8, qui complète les Eurocodes 2 à 9 pour la
– Eurocode 6 – Calcul des structures en maçonnerie ; justification des ouvrages en zone sismique. Différents problèmes
– Eurocode 7 – Calcul géotechnique ; d’interaction sol-structure font toutefois intervenir l’Eurocode 7 ce

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C240

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CALCUL GÉOTECHNIQUE SELON L’EUROCODE 7 ET SES NORMES D’APPLICATION

qui lui confère aussi une place particulière. En général, il est rare- Les premiers chapitres présentent les concepts de base du
ment appliqué seul et est utilisé en même temps qu’un autre Euro- dimensionnement des ouvrages, tandis que les chapitres suivants
code, ce qui a obligé à assurer sa compatibilité avec les autres décrivent leurs applications au dimensionnement des grandes caté-
Eurocodes. gories d’ouvrages géotechniques. Les informations présentées
dans ces chapitres de l’Eurocode 7 ne permettent pas de réaliser
L’Eurocode 7 ([1] [2]) est relatif au calcul géotechnique et à la
pratiquement le dimensionnement d’une fondation profonde ou
reconnaissance des sols et des roches et établit des liens avec les
d’un écran de soutènement. Elles doivent être complétées par les
normes élaborées au sein du TC288 (exécution des travaux géo-
modèles de calcul que chaque pays à l’habitude d’utiliser et par
techniques spéciaux) et du TC341 (reconnaissance des terrains et
les coefficients partiels qu’il faut appliquer et dont les valeurs relè-

1
essais géotechniques). vent de la prérogative des pays.
Les normes élaborées dans le cadre du TC288 sont présentées Neuf annexes viennent compléter le texte principal :
dans le tableau 1.
– annexe A (normative) : facteurs partiels et de corrélation pour
Les normes élaborées dans le cadre du TC341 sont présentées les états limites ultimes et valeurs recommandées ;
dans le tableau 2. – annexe B (informative) : commentaires sur les facteurs partiels
des approches de calcul 1, 2 et 3 ;
– annexe C (informative) : exemples de procédures pour détermi-
1.2 Eurocode 7 – Partie 1 : règles ner les valeurs limites de la pression des terres sur les murs
générales verticaux ;
– annexe D (informative) : exemple de méthode analytique de
calcul de la capacité portante ;
1.2.1 Organisation du document – annexe E (informative) : exemple de méthode semi-empirique
L’Eurocode 7 – Partie 1 est divisé en douze chapitres : pour l’estimation de la capacité portante ;
– annexe F (informative) : exemples de méthodes d’évaluation du
– chapitre 1 – Introduction ; tassement ;
– chapitre 2 – Bases du calcul géotechnique ; – annexe G (informative) : exemple de méthode de détermination
– chapitre 3 – Données géotechniques ; de la pression de contact présumée des fondations superficielles
– chapitre 4 – Surveillance de l’exécution des travaux, suivi et sur rocher ;
entretien ; – annexe H (informative) : valeurs limites des déformations des
– chapitre 5 – Remblais, rabattements de nappe, amélioration et structures et des mouvements des fondations ;
renforcement du sol ; – annexe J (informative) : aide-mémoire pour la surveillance des
– chapitre 6 – Fondations superficielles ; travaux et le suivi du comportement des ouvrages.
– chapitre 7 – Fondations sur pieux ;
– chapitre 8 – Ancrages ; L’annexe A est la seule annexe normative et est donc obligatoire
lorsque l’Eurocode 7 – Partie 1 est utilisé. Elle comprend les fac-
– chapitre 9 – Ouvrages de soutènement ;
teurs partiels à appliquer pour justifier le dimensionnement d’un
– chapitre 10 – Rupture d’origine hydraulique ;
ouvrage géotechnique à l’état limite ultime pour les situations
– chapitre 11 – Stabilité générale ; durables et transitoires et les facteurs de corrélation à utiliser pour
– chapitre 12 – Remblais. le calcul des fondations profondes à la fois en compression et en
traction. Pour ces deux types de facteurs, les valeurs numériques
indiquées ne sont données qu’à titre de recommandation. Les
Tableau 1 – Normes du TC288 (exécution des travaux
valeurs exactes doivent être précisées par chaque pays au moyen
géotechniques spéciaux) d’une annexe nationale et d’autres documents (c’est le cas en
France avec les normes d’application nationale de l’Eurocode 7).
NF EN 1536 Pieux forés (2010)
1.2.2 Quelques points essentiels de l’Eurocode 7 –
NF EN 1537 Tirants d’ancrage (2000) Partie 1
NF EN 1538 Parois moulées (2000) Dans le chapitre 2 de l’Eurocode 7 – Partie 1, un certain nombre de
notions essentielles à la justification des ouvrages géotechniques est
NF EN 12063 Rideaux de palplanches (1999) introduit. Il semble important de préciser les notions suivantes :
– les actions géotechniques ;
NF EN 12699 Pieux avec refoulement du sol (2001) – les méthodes de justification des ouvrages géotechniques ;

NF EN 12715 Injection (2000)


Tableau 2 – Normes du TC341 (reconnaissance des
NF EN 12716
Colonnes, panneaux de sol-ciment réalisés par terrains et essais géotechniques)
jet (2001)
14688-1 à 3 Identification des sols
NF EN 14199 Micropieux (2005)
14689-1 à 3 Identification des roches
NF EN 14475 Remblais renforcés (2007)
Prélèvement des sols et qualification des
22475-1 à 3
NF EN 14490 Clouage (2010) entreprises de sondages
Essais in-situ (pénétromètre, pressiomètre,
NF EN 14679 Colonnes de sol traité (2005) 22476-1 à 15
SPT, scissomètre, etc.)
Amélioration des massifs de sol par vibration 22282-1 à 6 Essais d’eau
NF EN 14731
(2006)
Essais sur structures (essais de pieux, de clous,
22477-1 à 6
NF EN 15237 Drainage vertical (2007) de tirants, etc.)

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CALCUL GÉOTECHNIQUE SELON L’EUROCODE 7 ET SES NORMES D’APPLICATION –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

– les catégories géotechniques ; & Valeurs caractéristiques et valeurs de calcul


– les valeurs caractéristiques et les valeurs de calcul ; Les valeurs caractéristiques et les valeurs de calcul tiennent une
– les états limites ultimes à vérifier en rapport avec les approches place particulièrement importante dans l’Eurocode 7. Elles peuvent
de calcul à utiliser. être relatives aux propriétés intrinsèques du terrain (cohésion et
& Actions géotechniques angle de frottement) ou à des actions comme la poussée des terres,
et des résistances, comme la butée ou la portance d’une fondation
Les actions géotechniques différent des autres types d’actions
superficielle ou d’une fondation profonde.
(poids propre, vent, neige, etc.) dans la mesure où elles sont direc-
tement transmises par le terrain. Elles peuvent être assimilées à  Retours d’expériences

1 des forces comme, par exemple, les forces de poussée d’un terrain
ou de surcharges ou les pressions interstitielles ou à des déplace-
ments comme le frottement négatif, le retrait ou le gonflement.
Pour les propriétés des terrains, l’Eurocode 7 indique très claire-
ment que ce choix doit être réalisé de manière prudente sur la base
de l’expérience acquise dans des terrains similaires en fonction de
Les actions géotechniques, de par leur définition, voient leurs l’état limite ultime considéré. En fait, il s’agit de permettre, pour la
valeurs varier en fonction des paramètres de résistance au cisaille- réalisation d’un projet, l’utilisation des valeurs habituelles des para-
ment du terrain. Lors d’un projet, l’identification des actions géo- mètres géotechniques dont la détermination ne répond à aucune
techniques est essentielle, notamment quand il faut décider si les méthode précise. Les valeurs caractéristiques peuvent correspon-
coefficients partiels utilisés pour gérer la sécurité du projet doivent dre, soit à des valeurs inférieures, soit à des valeurs supérieures,
être appliqués sur les paramètres intrinsèques de résistance ou sur selon l’état limite considéré. Par ailleurs, elles doivent traduire le
les actions géotechniques globales. comportement moyen du terrain dans les cas où l’ouvrage consi-
& Méthodes de justification déré est capable de mobiliser un volume de sol suffisamment
important ne permettant pas le développement de mécanismes
Une large gamme de méthodes de justification est proposée par locaux de déformation ou de rupture.
l’Eurocode 7 – Partie 1 pour justifier un ouvrage géotechnique. Hor-
mis le calcul qui est bien entendu autorisé, d’autres méthodes peu- La valeur caractéristique est ici une estimation prudente de la
vent être employées (clause 2.1(4)) : moyenne. Cette situation correspond au fonctionnement de la plu-
part des ouvrages. Dans le cas où le comportement de l’ouvrage
– des mesures prescriptives ou forfaitaires ; est régi par des ruptures locales alors, c’est plutôt une valeur faible
– des modèles expérimentaux ou des essais de chargement ; des propriétés du terrain qui doit être choisie.
– la méthode observationnelle.
 Recours aux statistiques
 Les mesures forfaitaires sont utilisées lorsque les modèles de
calcul qui peuvent être utilisés ne représentent pas bien le compor- L’Eurocode 7 permet aussi l’utilisation de méthodes statistiques
tement de l’ouvrage ou lorsqu’ils n’existent pas ou ne sont pas pour la détermination des propriétés géotechniques des terrains.
nécessaires ou ne sont pas appropriés (mise hors gel, par exem- Pour l’estimation prudente de la valeur moyenne, il est conseillé
ple). Elles peuvent être utilisées dans le cas où des ouvrages simi- de choisir la valeur moyenne d’un ensemble limité de valeurs du
laires ont été construits dans des conditions géotechniques paramètre géotechnique avec un niveau de confiance de 95 %.
proches. Pour une rupture locale, une estimation prudente de la valeur la
plus faible est un fractile à 5 %. Des relations mathématiques (qui
 Les modèles expérimentaux sur des ouvrages de taille réelle
sortent toutefois du cadre de cet exposé) permettent de traduire de
ou non (par exemple, les essais en centrifugeuse) fournissent des
manière relativement précise ces notions de moyenne avec un
éléments de justification complémentaires souvent très intéres-
niveau de confiance de 95 % et de fractile à 5 %.
sants. Ils doivent toutefois tenir compte des effets d’échelle, des
effets du temps et des différences de terrain entre le modèle et la À partir d’un ensemble de N valeurs Xi (supposées suivre une loi
réalité. normale ou dont le logarithme suit une loi normale Yi = ln(Xi)) dont
la moyenne est Xm, l’écart-type mesuré s et l’écart-type réel s, ces
 La méthode observationnelle permet d’adapter le dimension- relations sont les suivantes :
nement d’un ouvrage en fonction des mesures réalisées lors de
l’avancement du chantier. Il est dommageable que cette méthode – pour une estimation prudente de la moyenne Xm;f (c’est-à-dire
de dimensionnement des ouvrages ne soit pas plus mise plus en une estimation de la moyenne avec un niveau de confiance de
avant car elle permettrait des optimisations conséquentes des 95 %) :
ouvrages géotechniques, notamment pour la construction d’ouvra- n0,05
ges souterrains nécessitant des excavations pour lesquelles il est X m; f = X m − ks avec k=
assez aisé d’intervenir pour maı̂triser les déplacements du terrain. N
& Catégories géotechniques avec n0,05, le fractile à 5 % de la loi normale centrée réduite ;
L’Eurocode 7 définit différentes catégories géotechniques de 1 à 3
t 0N,−051
en fonction de la complexité de l’ouvrage à dimensionner et des X m; f = X m − k σ avec k=
conditions de terrains. N
 La catégorie 1 regroupe les ouvrages simples pour lesquels le avec t 0N− 1
,05 , le fractile à 5 % de la loi de Student à N - 1 degrés de
dimensionnement peut être réalisé en se référant à des expériences
liberté ;
comparables et pour lesquels le risque géotechnique est négli-
geable. Les fondations des maisons individuelles et les murs de – pour une estimation de la valeur la plus faible Xf (c’est-à-dire le
soutènement de faible hauteur peuvent, par exemple, être classés fractile à 5 %) :
dans cette catégorie.
1
X f = X m − ks avec k = n0,05 1 +
 La catégorie géotechnique 2 comprend les ouvrages géotech- N
niques classiques sans risque exceptionnel.
1
X f = Xm − k σ avec k = t 0N,−051 1 +
 La catégorie géotechnique 3 rassemble les ouvrages qui ne N
peuvent être classés, ni en catégorie 1, ni en catégorie 2. On peut
ranger dans cette catégorie les fondations d’ouvrages exception- Les valeurs des coefficients k pour l’estimation du fractile à 5 %
nels comme les tours de grande hauteur, les ouvrages produisant correspondent respectivement aux premières et secondes lignes du
de l’énergie, etc. tableau D.1 de l’annexe D de l’Eurocode 0.

C 240v2 – 4 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

68
Référence Internet
C240

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CALCUL GÉOTECHNIQUE SELON L’EUROCODE 7 ET SES NORMES D’APPLICATION

Tableau 3 – Coefficients partiels à appliquer aux actions


Actions structurelles Actions géotechniques
Actions
Ensemble A1 Ensemble A2
Défavorables 1,35 1,0
Actions dites « permanentes »
Favorables 1,0 1,0

Actions dites « variables »


Permanentes défavorables
1,5 (ou 1,35 pour les charges d’exploitation
des ponts)
1,3
1
Permanentes favorables 0,0 0,0

Tableau 4 – Coefficients partiels à appliquer aux Tableau 5 – Coefficients partiels à appliquer aux
propriétés de résistance des terrains résistances globales

Propriétés de Ensemble Ensemble Ensemble


Ensemble M1 Ensemble A2 Résistances globales
résistance R1 R2 R3
Portance des fondations
Résistance au cisaille- 1,25 (facteur à appliquer 1,0 1,4 1,0
1,0 superficielles
ment – g j sur tanj)
Butée 1,0 1,4 1,0
Cohésion drainée – g c 1,0 1,25 Résistance au glissement 1,0 1,1 1,0
Cohésion non drainée
1,0 1,4
– g cu  Concernant l’ELU de type UPL, l’Eurocode 7 n’est absolument
pas clair puisqu’il inclut dans ce type de mécanisme à la fois les
Résistance non confi- soulèvements induits par des pressions interstitielles et ceux induits
1,0 1,4
née – g qu par des actions structurelles. Pour ces dernières, dans le cas de
structures ancrées par des pieux ou des tirants, l’ELU de type UPL
Une estimation prudente de la moyenne tend assez vite vers la n’est pas, en général, à traiter puisqu’il est a priori géré et couvert
moyenne de l’ensemble de valeurs à partir duquel elle est calculée. par les ELU de type STR/GEO. Les effets ascendants induits par des
L’estimation du fractile à 5 % est au plus égal à : Xm - 1,65s. pressions interstitielles doivent aussi être gérées en toute rigueur
En général, dans une couche de sol où l’on cherche à déterminer selon les ELU de type STR/GEO. Des discussions à ce sujet ont
statistiquement la valeur d’une propriété géotechnique, l’écart-type encore lieu aux niveaux européen et français, et montrent bien que
réel est inconnu et il est nécessaire d’utiliser les fractiles de la loi de des améliorations peuvent être apportées à l’Eurocode 7 – Partie 1.
Student pour déterminer une estimation prudente de la valeur  Pour les ELU STR/GEO, dans les situations durables et transi-
moyenne ou une estimation de la valeur la plus faible. Cette appro- toires uniquement, apparaı̂t la notion des approches de calculs,
che est très conservatrice, surtout quand l’écart-type mesuré est c’est-à-dire la manière dont les coefficients partiels sont appliqués :
élevé. Il est intéressant dans ce cas de considérer une borne supé- – aux actions (A) (tableau 3) ;
rieure connue de l’écart-type et d’appliquer les relations mettant en – aux propriétés de résistance des sols (M) (tableau 4) ;
jeu la loi normale centrée réduite. – aux résistances globales (R) (portance, butée, résistance au
 Synthèse des deux approches glissement, etc.) (tableau 5).
Ces notions relatives aux valeurs caractéristiques trouvent toute L’Eurocode 7 définit trois approches de calculs :
leur application lors de l’élaboration du modèle géotechnique. Ce – approche de calcul 1 qui comprend deux combinaisons : la
modèle est essentiel à la conception et à la réalisation d’un projet combinaison 1 dite « combinaison structurelle » consiste à associer
géotechnique. Il comprend la géométrie des différentes couches de les coefficients partiels des ensembles A1, M1 et R1 tandis que la
terrain ainsi que les valeurs représentatives ou caractéristiques des combinaison 2 dite « combinaison géotechnique » consiste à asso-
propriétés des sols. Ces valeurs correspondent aux valeurs moyen- cier les coefficients partiels des ensembles A1 ou A2, M2 et R1 ou
nes, aux valeurs moyennes prudentes et, le cas échéant, aux R4 (uniquement pour les pieux mais non utilisée en France) ;
valeurs les plus faibles des propriétés géotechniques des terrains. – approche de calcul 2 qui associe les coefficients partiels des
Le modèle géotechnique doit, par conséquent, faire l’objet d’une ensembles A1, M1 et R2 ;
analyse détaillée du fonctionnement de l’ouvrage et des volumes – approche de calcul 3 qui associe les coefficients partiels des
de sol mis en jeu. ensembles A1 ou A2, M2 et R3.
 Pour l’approche de calcul 3 et la combinaison 2 de l’approche de
& États limites ultimes calcul 1, l’ensemble A1 s’applique aux actions structurelles tandis
Les états limites ultimes (ELU) que couvrent l’Eurocode 7 sont de que l’ensemble A2 s’applique aux actions géotechniques, c’est-à-dire
4 types : les actions qui sont transmises par le terrain aux structures (poussée
des terres, surcharge sur un terre-plein soutenu par un écran, etc.).
– STR/GEO : il s’agit d’examiner comment un défaut de résis-
tance du terrain peut affecter la résistance de la structure portée ;  Pour l’approche de calcul 2, les coefficients partiels sont appli-
– UPL : les mécanismes de rupture correspondent à des soulève- qués aux actions mais peuvent aussi être appliquées aux effets des
ments où l’effort ascendant peut être induit par des pressions inter- actions. Dans ce cas, on parle de l’approche de calcul 2*.
stitielles ou des actions structurelles ;  Pour l’approche de calcul 3, il est important de remarquer que
– HYD : les mécanismes de rupture examinés correspondent à l’action de l’eau n’est pas pondérée puisqu’elle est assimilée à une
des phénomènes d’annulation des contraintes effectives, de renard action géotechnique. Dans les cas où la sécurité globale du projet
hydraulique, de boulance ou d’érosion régressive. est régie par le calcul de la résultante des pressions interstitielles, il

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C240

CALCUL GÉOTECHNIQUE SELON L’EUROCODE 7 ET SES NORMES D’APPLICATION –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

est essentiel de contrôler que le choix effectué sur les niveaux – norme NF P 94-282 pour les écrans de soutènement et les
d’eau est suffisamment prudent. ancrages publiée en juillet 2009 ;
– norme NF P 94-290 pour les ouvrages en terre actuellement en
Enfin, on précise que les approches de calculs ne concernent, ni cours de projet.
les ELU pour les situations accidentelles et les situations sismiques,
ni les états limites de service (ELS). Les points essentiels concernent le choix des approches de calcul
avec la possibilité, en France, d’utiliser les approches 2 ou 3, mais
l’interdiction d’utiliser l’approche 1. Un lien est fait entre les catégo-
1.3 Eurocode 7 – Partie 2 : ries géotechniques et les classes de conséquences de manière à

1
reconnaissance des terrains et essais guider le projeteur dans le choix de méthodes de reconnaissance
des sols et de calcul à mettre en œuvre (tableau 6).
L’Eurocode 7 – Partie 2 est divisé en six chapitres :
La définition des niveaux d’eau est présentée dans l’annexe
– chapitre 1 – Généralités ; nationale de l’Eurocode 7 – Partie 1 avec un renvoi vers l’annexe
– chapitre 2 – Planification des reconnaissances de sites ; nationale française de l’Eurocode 0.
– chapitre 3 – Prélèvements des sols et des roches et mesures
hydrauliques ; Il faut ici comprendre que les niveaux d’eau ne servent pas uni-
– chapitre 4 – Essais en place sur sols et roches ; quement à définir des actions géotechniques, mais aussi des
– chapitre 5 – Essais de laboratoire sur sols et roches ; actions structurelles et il est donc logique que la définition de ces
– chapitre 6 – Rapport de reconnaissance du terrain. niveaux soit présentée dans l’annexe nationale de L’Eurocode 0 qui
assure la cohérence de l’utilisation de chacun des autres Eurocodes.
C’est un document décrivant les bonnes pratiques de la Différents niveaux d’eau sont définis et associés à des états limi-
géotechnique : tes et des combinaisons de charge spécifiques :
– analyse préalable de l’ouvrage à construire ; – à l’ELU accidentel : le niveau EE ;
– définition des risques encourus ;
– à l’ELU pour les situations durables et transitoires : le niveau EH ;
– détermination du type ainsi que du nombre d’essais sur site et en
– à l’ELS caractéristique : le niveau EH ;
laboratoire en fonction de ces risques et de l’avancement de l’étude.
– à l’ELS fréquent : le niveau EF ;
Il inclut la description de nombreux essais sur place et en labora- – à l’ELS quasi-permanent : le niveau EF ou EB.
toire, de nombreuses corrélations entre les paramètres et quelques
méthodes de calcul. Le contenu et les objectifs du rapport géotech- Les différents niveaux d’eau sont définis de la manière suivante
nique sont définis de manière précise. (figure 1) :
– EH présente la valeur caractéristique du niveau d’eau et corres-
L’organisation des études définie par l’Eurocode 7 – Partie 2 traduit
pond en général à une période de retour de 50 ans. Cette période
une idée de progression des études au cours de l’avancement d’un
projet avec un objectif de traitement et d’analyse des risques les de retour doit être adaptée selon la durée de vie de l’ouvrage (elle
plus importants vers les plus faibles. Cette idée correspond bien à
l’enchaı̂nement des missions d’ingénierie géotechnique décrit par h
la norme NF P 94-500.
EE
EH
1.4 Annexe nationale de l’Eurocode 7 – EF
Partie 1
L’annexe nationale française comporte 10 pages et comprend EB
donc relativement peu d’informations. L’ensemble des coefficients
partiels fourni dans l’Eurocode 7 – Partie 1 notamment dans son
annexe A, est accepté sous réserve de ne pas être modifié par
l’une des six normes d’application nationale complétant l’Euro-
code 7 – Partie 1 :
50 %
– norme NF P 94-261 pour les fondations superficielles publiée en
juillet 2013 ;
– norme NF P 94-262 pour les fondations profondes publiée en 1% t
juillet 2012 puis en février 2013 suite à des erreurs d’impression ;
Tref = 50 ans
– norme NF P 94-270 pour les remblais renforcés et le clouage
publiée en mars 2009 ;
– norme NF P 94-281 pour les murs de soutènement publiée en Figure 1 – Représentation des niveaux d’eau selon les Eurocodes
avril 2014 ; en France

Tableau 6 – Correspondances entre les classes de conséquences et les catégories géotechniques


Classes de conséquences Conditions de site Catégories géotechniques Bases des justifications
Expérience et reconnaissance géotechnique
Simples et connues 1
CC1 qualitative admises
Complexes 2 Reconnaissance géotechnique et calculs
Simples 2 nécessaires
CC2
Complexes 3
Simples 2 ou 3 Reconnaissance géotechnique et calculs
CC3 approfondis
Complexes 3

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70
Calcul et suivi d’ouvrages géotechniques
(Réf. Internet 42219)

1– Calculs d’ouvrages géotechniques et Eurocodes 7  2


2– De la construction à la vie de l’ouvrage Réf. Internet page

Auscultation géotechnique C229 73

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
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• Retrouvez la liste complète des ressources documentaires

71
2

72
Référence Internet
C229

Auscultation géotechnique
par Laurent BRIANÇON
Maı̂tre de conférence LGCIE – INSA (Lyon, France)

Benoit CAZEAUDUMEC
Ingénieur Antea Group (Orléans, France)

et Bernard PINCENT
Expert

2
1. Principaux paramètres mesurés en géotechnique ................... C 229 – 2
1.1 Mécaniques ........................................................................................ — 2
1.2 Hydrauliques ...................................................................................... — 3
1.3 Géométriques ..................................................................................... — 3
1.4 Environnementaux ............................................................................. — 4
2. Moyens d’auscultation................................................................... — 4
2.1 Technologies de mesures................................................................... — 4
2.2 Capteurs en place ............................................................................... — 6
2.3 Unités de mesure mobiles ................................................................. — 6
3. Plan d’auscultation......................................................................... — 8
3.1 Paramètres à suivre ........................................................................... — 8
3.2 Points de mesure ............................................................................... — 8
3.3 Choix du capteur ................................................................................ — 10
3.4 Coût global d’une auscultation .......................................................... — 11
4. Mise en œuvre et maintenance .................................................... — 11
4.1 Rapport d’installation ......................................................................... — 11
4.2 Vocabulaires métrologiques .............................................................. — 11
4.3 Vérifications métrologiques ............................................................... — 12
4.4 Maintenance et protection ................................................................. — 12
5. Acquisition, transmission et partage des données.................. — 12
5.1 Transmission et acquisition ............................................................... — 12
5.2 Transfert et stockage .......................................................................... — 13
5.3 Traitement et visualisation ................................................................. — 13
6. Traitement et interprétation des mesures ................................. — 13
6.1 Détection des défaillances du système d’auscultation ..................... — 13
6.2 Interprétation des mesures ................................................................ — 14
6.3 Rapport d’auscultation ....................................................................... — 14
7. Applications ..................................................................................... — 14
7.1 Remblais sur sol compressible .......................................................... — 15
7.2 Ouvrages souterrains ......................................................................... — 15
7.3 Ouvrages hydrauliques ...................................................................... — 18
7.4 Mouvement de terrain ....................................................................... — 18
Parution : janvier 2016 - Dernière validation : juillet 2020

7.5 Soutènement ...................................................................................... — 20


8. Conclusion........................................................................................ — 20
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 229

L a géotechnique est un vaste domaine couvrant une grande variété d’ouvra-


ges soumis à des sollicitations diverses et variées. Les interactions entre les
ouvrages et leur environnement sont souvent complexes et requièrent parfois
une auscultation pendant la construction de l’ouvrage et en phase d’exploitation.
L’instrumentation d’un ouvrage peut être intégrée dès sa conception, elle per-
met de contrôler les travaux et de valider le dimensionnement ; dans certains
cas, l’instrumentation peut être utilisée pour optimiser le dimensionnement
pendant la construction de l’ouvrage, on parle dans ce cas de méthode obser-
vationnelle. Une instrumentation peut aussi être mise en place sur un ouvrage

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C229

AUSCULTATION GÉOTECHNIQUE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

existant pour lequel on craint une instabilité ; dans ce cas l’instrumentation peut
aider à analyser la cause du désordre, le risque pour l’ouvrage et à déployer des
méthodes curatives adaptées.
De nombreux paramètres physiques peuvent être mesurés en fonction du
type d’ouvrage et de son interaction avec son environnement. Ces paramètres
sont souvent liés et nécessitent parfois une caractérisation thermo-hydro-méca-
nique pour appréhender au mieux les problèmes.
De nombreux moyens de mesures sont disponibles : capteurs en place ou
moyens mobilisables utilisant des technologies différentes : électriques, opti-
ques, mécaniques…
La conception générale d’une auscultation est à la charge du maı̂tre d’œuvre ;

2 celle-ci nécessitant des compétences spécifiques, elle se conçoit en collabora-


tion avec le géotechnicien du projet.
L’auscultation géotechnique est donc un domaine spécifique réservé à des
spécialistes réunissant les compétences instrumentales et géotechniques.
Pour certains ouvrages, elle est considérée comme nécessaire et fait l’objet de
recommandations pour les ouvrages souterrains ou les barrages par exemple.

1. Principaux paramètres σ (kPa)

mesurés en géotechnique
En fonction du type d’ouvrage à construire et des problèmes géo-
techniques du site, certains paramètres doivent être suivis pendant la
construction de l’ouvrage et tout au long de sa durée d’exploitation.
On peut classer ces paramètres en quatre principales catégories :
– mécaniques ;
– hydrauliques ;
– géométriques ;
– environnementaux.
Cependant, nombre de ces paramètres sont intimement liés : une
variation de contrainte (paramètre mécanique) engendrera une Figure 1 – Représentation de la contrainte
variation de déformation (paramètre géométrique) par exemple.

1.1 Mécaniques F (kN)


& Contrainte
La contrainte est le rapport entre une force s’exerçant sur une
surface et cette surface lorsque celle-ci tend vers zéro. Par défini-
tion, cette grandeur ne peut pas être directement mesurable. Elle
est, le plus souvent, déterminée indirectement par la mesure de la
déformation d’un corps d’épreuve. Son unité est le Pascal (Pa), le
kilo-Pascal (kPa) est cependant plus couramment utilisé en géotech-
nique (figure 1).
En géotechnique, on distingue la contrainte totale et la contrainte
effective pour laquelle la pression d’eau exercée n’est pas prise en
compte. La contrainte effective ne peut pas être mesurée, mais
déduite des mesures de contrainte totale et de pression
interstitielle [2].
& Force
La force est une traction ou une compression qui s’exerce en un
point. Comme pour la contrainte, le plus souvent la force est mesu-
Compression Traction
rée à partir de la déformation d’un corps d’épreuve sur lequel
l’effort est appliqué. Son unité est le Newton (N), le kilo-Newton
(kN) est plus couramment utilisé en géotechnique (figure 2). Figure 2 – Représentation de la force

C 229 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

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C229

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– AUSCULTATION GÉOTECHNIQUE

1.2 Hydrauliques déplacement à fil) ou indépendant (bague magnétique d’un tassomè-


tre en forage, cible tonométrique). Son unité est le mètre (m), mais le
& Niveau d’eau millimètre (mm) est plus couramment utilisé étant donné les faibles
Cette grandeur est la profondeur à laquelle se situe une nappe amplitudes de déplacement mesurées (figure 6).
d’eau dans le sol par rapport à un point fixe (figure 3). Il existe de nombreuses déclinaisons de la mesure du déplace-
ment spécifique à certains ouvrages géotechniques : la conver-
& Pression interstitielle
gence pour les ouvrages souterrains par exemple.
La pression interstitielle est la pression exercée par l’eau conte-
nue dans un sol saturé. Son unité est le Pascal (Pa), le kilo-Pascal & Inclinaison
(kPa) est plus couramment utilisé en géotechnique (figure 4).
L’inclinaison (ou encore rotation) est une variation d’angle dans
le temps par rapport à une position initiale. Son unité est celle
1.3 Géométriques d’un angle, le radian est le plus couramment utilisé (figure 7).

& Déformation
La déformation est un allongement ou un raccourcissement entre
deux points mobiles. Cette grandeur peut être utilisée pour mesurer
∆s (m) 2
indirectement la contrainte qui est un paramètre moins aisé à mesu-
rer (sous réserve de connaı̂tre le module permettant de passer de la
déformation à la contrainte). Cette grandeur est sans dimension, on
utilise le m/m ou plus souvent le mm/m (10-6 m/m) pour tenir
compte des très faibles allongements ou raccourcissements par rap-
port à la distance initiale entre les deux points (figure 5).
Une déformation est mesurée par le déplacement relatif entre deux
points dont la distance (base) est connue ou par la variation d’une
grandeur physique induite par la déformation d’un corps d’épreuve.
& Déplacement
Le déplacement est une variation de distance entre un point mobile
et un point fixe. Le point mobile peut être lié au capteur (capteur de

h (m)

Figure 6 – Représentation du déplacement

δ (o)
Figure 3 – Représentation du niveau d’eau

u (kPa)

Figure 4 – Représentation de la pression interstitielle

ε (µm/m)

État initial

Allongement Raccourcissement

Figure 5 – Représentation de la déformation Figure 7 – Représentation de l’inclinaison

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C229

AUSCULTATION GÉOTECHNIQUE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

La mesure inclinométrique dans les sols est une des rares gran-
deurs à bénéficier d’une norme (NF P 94-156). Elle est fondée sur Support en
une suite de mesures d’inclinaisons (section 2.2.1). plastique

Mince feuille
1.4 Environnementaux Orientation de métal
de la
& Température déformation
Bornes pour
La température est un paramètre qui peut influencer le compor-
les connexions
tement de l’ouvrage. Une caractérisation des processus Thermo- soudées
hydro-mécanique (THM) peut être nécessaire pour la compréhen-
sion des mécanismes. Ce paramètre peut aussi influencer la
mesure, certains capteurs étant sensibles à la température. Il est
nécessaire dans ce cas de connaı̂tre précisément les variations de

2
Figure 8 – Jauge de déformation
température pour appliquer une correction aux mesures brutes
des capteurs. L’unité couramment utilisée pour la température est L’utilisation de « rosettes » de jauges est fréquente pour établir la
le degré Celsius ( C). relation contrainte-déformation. La « rosette » est une association
& Vibration de 3 jauges généralement positionnées à 60 (rosette « équi-angu-
laire ») ou 45 (rosette « rectangulaire ») l’une par rapport à l’autre.
La mesure des vibrations au voisinage des structures sensibles La méthode du cercle de Mohr est utilisée pour exploiter ces systè-
est couramment réalisée dans le cadre de grands chantiers (ouvra- mes. Le calcul des contraintes fait appel à la loi de Hooke
ges souterrains, fouilles urbaines). Cette surveillance s’effectue sur généralisée.
des bâtiments en place, des éléments de génie civil, des machines
ou des formations géologiques particulières en installant des accé- Des capteurs potentiométriques sont employés pour les mesures
léromètres à trois axes. Elle a pour but de prévenir les dégâts éven- de déplacement ou d’angle. Ces capteurs sont peu couteux, relati-
tuellement induits par les émissions vibratoires liées aux opéra- vement robustes et de mise en œuvre simple, leur précision est
tions de construction. inférieure à celle des capteurs de type LVDT (Linear Variable Diffe-
rential Transformer) ou magnétostrictifs par exemple.
Les mesures de température sont faites par sonde à résistance
variable (Pt100 résistance de platine 100 Ohm à 0  C), thermocou-
2. Moyens d’auscultation ples ou thermistances. La Pt100 est stable et linéaire, généralement
plus chère que les autres types. Le thermocouple permet de mesu-
rer à très haute température, la thermistance est de moins bonne
qualité métrologique que la résistance (Pt100, Pt1000) mais est
Il existe différentes manières de réaliser l’auscultation des ouvra-
très peu chère et peut être de très petite taille.
ges. Outre l’approche traditionnelle d’inspections visuelles, éven-
tuellement accompagnées de prélèvements, une grande variété de La technologie piézo-électrique et piézo-résistive est utilisée pour
méthodes et d’essais non destructifs permet de réaliser l’ausculta- la mesure de vibrations et pour celle de pressions par exemple.
tion des ouvrages. L’article [R 6 193] détaille les technologies pour les capteurs de
Le suivi topométrique est le moyen de mesure historiquement vibration.
utilisé pour suivre le comportement (déplacement) d’un ouvrage
et/ou de ses avoisinants. Il reste aujourd’hui couramment utilisé 2.1.2 Électro-magnétique
sous une forme moderne de réseau de cibles et de stations auto-
matisées. Ce domaine de l’auscultation est traité dans un autre arti- Plusieurs types de capteurs utilisent une technologie électro-
cle des Techniques de l’Ingénieur [C 5 010]. magnétique :
Ici seront détaillées uniquement les auscultations par instrumen- – les capteurs magnétorésistifs (voir article [R 416]) ;
tation : soit par la pose de capteurs dans l’ouvrage, soit par des – les capteurs de déplacement « LVDT » ;
mesures ponctuelles effectuées à l’aide de moyens de mesure – les capteurs d’angle « RVDT » (Rotary Variable Differential
mobiles utilisés par un opérateur. Transformer) ;
Les différents moyens d’auscultation à mettre en place sont choi- – les capteurs de déplacement ou d’angle magnétostrictifs ;
sis en fonction d’un ensemble de paramètres propres à chaque – les capteurs à bobine inductive (proximité, vitesse, etc.) ;
ouvrage qu’il faut évaluer en fonction des risques liés à la construc- – les capteurs à courant de Foucault (déplacement, proximité,
tion et à l’exploitation de l’ouvrage, des conditions d’accès, de la etc.).
durée de l’auscultation, de la rapidité des phénomènes observés… Les capteurs LVDT sont utilisés pour la mesure de déplacements
La complémentarité des techniques de mesure est un des fonde- et de déformation de faible amplitude. Robustes et précis, ils pré-
ments de l’auscultation des ouvrages de génie civil pour lesquels sentent le désavantage de nécessiter un amplificateur complexe.
ces techniques doivent fournir les informations utiles à un diagnos-
tic et une aide à la décision. 2.1.3 Fréquence
Le capteur à corde vibrante est très utilisé en instrumentation
2.1 Technologies de mesures géotechnique (figure 9).
Les articles [R 400], et [R 401] décrivent de manière détaillée et Le capteur à corde vibrante est constitué d’un fil en acier tendu
exhaustive ce qu’est un capteur et les principes de bases utilisés entre deux points de fixation (« corde vibrante »). La fréquence pro-
pour la détection des grandeurs physiques. pre de vibration de la corde varie en fonction de sa tension, c’est-à-
dire de la longueur entre ses deux points extrémités. Chaque corde
2.1.1 Électrique vibrante a un « coefficient extensomètrique » K dépendant du
module d’élasticité de l’acier. Il faut un système d’excitation de la
Les jauges d’extensométrie [R 1 860] sont utilisées pour les corde, constitué d’une bobine (électro-aimant) qui met la corde en
mesures de déformation et de contrainte (figure 8). vibration.

C 229 – 4 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

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C229

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Capteur de pression CL1 de la


société TELEMAC
Boitier Câble électrique

Patte de fixation
Capteur de
Patte de fixation température Électro-aimants

Ancrage
Ancrage
de la corde
de la corde Tube de protection

Corde vibrante
2
Figure 9 – Schéma d’un capteur à corde vibrante : un extensomètre

& Dans le fonctionnement en régime « amorti », la bobine excite Ainsi, en imposant un faisceau lumineux le long d’une fibre
une fois la corde, puis sert à la mesure la fréquence de vibration optique sur laquelle des réseaux de Bragg ont été inscrits, il est
de la corde. possible de mesurer les variations de déformation et de tempéra-
ture du milieu environnant la fibre optique.
& Dans le fonctionnement en régime « entretenu », une bobine
permet de maintenir la corde en vibration et une deuxième bobine
est utilisée pour mesurer la fréquence du signal induit par la vibra-
tion de la corde. Ce mode de fonctionnement permet de moins sol- Les rétrodiffusions Brillouin et Raman sont des processus de
liciter la corde, donc d’augmenter sa durée de vie, l’utilisation de diffusion naturels associés à la propagation de la lumière dans
deux bobines permet d’obtenir un signal direct et de réduire les un matériau tel que la fibre optique. L’interaction entre la
lumière incidente et le milieu dans lequel elle se propage génère
sources d’erreur avec une meilleure répétabilité.
de la lumière diffuse qui se traduit, soit par une modification de
& Il existe des capteurs à corde vibrante sans corps d’épreuve, ce la fréquence (ou longueur d’onde) pour la diffusion Brillouin,
sont des extensomètres (figure 9), constitués de la corde elle- soit par une modification d’amplitude du signal pour la diffusion
même dans une enveloppe mécanique qui peut prendre des for- Raman, par rapport au rayon lumineux incident.
mes différentes selon l’utilisation souhaitée.
& Il existe des capteurs avec corps d’épreuve. Le phénomène à L’analyse des pics de rétrodiffusion Brillouin ou Raman de la
mesurer déforme le corps d’épreuve qui exerce la tension sur la lumière dans les fibres optiques permet ainsi de réaliser des mesu-
corde. Ce sont par exemple des capteurs de pression, de force, res de déformation et de température en tout point de la fibre.
d’extensométrie en forage, etc.
La technologie de diffusion Brillouin est utilisée pour détecter les
Parce que des fréquences plutôt que des niveaux de tension sont déformations et les variations de température sur de longues dis-
mesurées, ces capteurs sont toujours plus adaptés que les ponts
tances. Cette technologie ne nécessite pas l’utilisation de capteurs
résistifs pour des applications dans des environnements difficiles
individuels puisque les mesures de déformation et de température
(présence d’eau, variations de température) électriquement
sont fournies par une fibre optique standard. Il est possible de
bruyants ou celles nécessitant de grandes longueurs de câble. Les
mesurer des déformations à partir de 0,01 % et des variations de
capteurs à corde vibrante ont aussi une réputation de stabilité à
long terme et une bonne résistance aux environnements hostiles. température inférieures à 1  C avec une résolution spatiale infé-
rieure au mètre sur des distances de plus de 20 km.
2.1.4 Optique La technologie de rétrodiffusion Raman est, quant à elle, utilisée
pour détecter de très faibles variations de température (0,1  C) avec
Hors mesures topométriques, l’essentiel des mesures optiques une résolution spatiale inférieure au mètre sur des distances de
en auscultation géotechnique se fait par fibres optiques. plus de 10 km.
Les contraintes, les déformations, les déplacements et les tempé-
ratures peuvent être mesurées par différentes technologies permet-
tant d’effectuer des mesures ponctuelles par réseaux de Bragg, ou 2.1.5 MEMS (Micro Electro Mecanical Systems)
réparties (réflectométrie Raman et Brillouin).
Un microsystème électromécanique, MEMS, est un circuit inté-
Cette technologie fait l’objet de plusieurs articles des Techniques gré électronique comprenant un ou plusieurs éléments mécani-
de l’ingénieur : [R 412], [R 413], [R 460] et [R 461]. ques. Il convertit un changement physique en signal électrique
Un réseau de Bragg est constitué par une variation périodique de (capteur) ou le contraire (actionneur).
l’indice de réfraction inscrite le long du cœur d’une fibre optique. Les articles [R 430] et [R 431] décrivent de manière complète la
Un réseau de Bragg est identifié par sa longueur d’onde l. Les technologie MEMS.
effets de l’inscription d’un réseau de Bragg le long d’une fibre
optique sont de réfléchir une longueur d’onde prédéterminée du La technologie MEMS est utilisée pour des capteurs de pression,
faisceau lumineux tout en se laissant traverser par les autres lon- des accéléromètres, inclinomètres, gyroscopes. Dans les applica-
gueurs d’onde. La longueur d’onde réfléchie satisfait les conditions tions géotechniques, des accéléromètres ou des inclinomètres
de Bragg faisant intervenir des paramètres sensibles aux variations « MEMS » sont souvent utilisés ; ils apportent une réduction de
de température et de déformation auxquelles est soumise la fibre taille et de coût, mais une précision moins bonne qu’un servo-
optique. accéléromètre.

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