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CO N S T R U C T I O N E T T R AVAU X P U B L I C S

Ti255 - Droit et organisation générale de la construction

Maquette numérique du
bâtiment (BIM)

Réf. Internet : 42662

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Droit et organisation générale de la construction
(Réf. Internet ti255)
composé de  :

Droit et marchés de la construction Réf. Internet : 42172

L'environnement sociétal de la construction Réf. Internet : 42236

Maquette numérique du bâtiment (BIM) Réf. Internet : 42662

Organisation et sécurité des chantiers Réf. Internet : 42225

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Droit et organisation générale de la construction
(Réf. Internet ti255)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Christophe GOBIN
Conseiller scientifique de l’ESTP

Jean-Pierre MUZEAU
Ancien enseignant à Polytech' Clermont-Ferrand, Président de l'APK, Directeur
scientifique du CHEC

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Emma ATTOURI Frédéric GRAND


Pour l’article : C3213 Pour l’article : C3204

Karim BEDDIAR Philippe GUILLET


Pour les articles : C3207 – C3213 Pour l’article : AG3800

Emmanuel BOURGEOIS Cécile JOLAS


Pour l’article : C258 Pour l’article : C3206

Emmanuel BOZONNET Zeina KHAWAM


Pour l’article : C3206 Pour l’article : C3203

Sébastien BURLON Jérôme LE DRÉAU


Pour l’article : C258 Pour l’article : C3206

Pascal CHAZAL Laurent ORTAS


Pour l’article : C3213 Pour l’article : C3204

Fahd CUIRA Guillaume PICINBONO


Pour l’article : C258 Pour l’article : C3204

Dominique FLASQUIN Patrick VALTON


Pour l’article : C3201 Pour l’article : C3204

Frédéric GAL Jean-Yves VETIL


Pour l’article : C8103 Pour l’article : C3201

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VI
Maquette numérique du bâtiment (BIM)
(Réf. Internet 42662)

SOMMAIRE
Réf. Internet page

Le BIM pour la structure - Une pratique collaborative C3201 9

L'Architecte face au BIM (Building Information Modeling) C3203 17

La gestion des données dans les processus BIM C3204 23

BIM et conception intégrée. Interopérabilité et optimisation de la performance C3206 29


environnementale
Bâtiment 4.0. Enjeux, concepts et technologies C3207 35

La construction hors-site : un nouveau paradigme dans l'acte de construire C3213 39

Simulation thermique dynamique (STD) . Maîtrise des consommations d'énergie C8103 43

Modélisation numérique des ouvrages géotechniques C258 49

Systèmes d'information de l'Ingénierie AG3800 57

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VII
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Référence Internet
C3201

Le BIM pour la structure – Une pratique


collaborative
par Jean-Yves VETIL
Directeur – Trimble Solutions France

et Dominique FLASQUIN
Ingénieur service production – Trimble Solutions France

1. Le concept BIM ................................................................................ C 3 201 –2


1.1 Principe ............................................................................................... — 2
1.2 Son origine ......................................................................................... — 3
1.3 Objectifs.............................................................................................. — 3
1.4 Maquette numérique .......................................................................... — 4
1.4.1 Contenu .................................................................................... — 4
1.4.2 Niveaux de développement LOD ............................................ — 5
1.5 Avantages ........................................................................................... — 6
1.5.1 Conduite des projets et collaboration .................................... — 6
1.5.2 Gains en phase de réalisation ................................................. — 7
1.5.3 Valeur ajoutée .......................................................................... — 7
1.6 Problèmes à résoudre pour la mise en pratique .............................. — 7
1.6.1 Interopérabilité ........................................................................ — 7
1.6.2 Formats d’échanges................................................................. — 7
1.6.3 Visionneuses BIM .................................................................... — 10
1.6.4 Travail collaboratif ................................................................... — 11
1.6.5 Normalisation des produits BIM ............................................. — 11
2. Le BIM et la structure..................................................................... — 12
2.1 Prescription BIM dans le processus de construction ........................ — 12
2.2 Avantages du BIM pour les bureaux d’études et les fabricants ....... — 12
2.3 Niveaux d’usage du BIM par phase de projet et type de matériau .. — 13
2.3.1 Estimation, appel d’offre ......................................................... — 13
2.3.2 Scan 3D et BIM, état de l’art ................................................... — 13
2.3.3 Conception du projet ............................................................... — 16
2.3.4 Exécution du projet ................................................................. — 16
2.3.5 Atelier de fabrication ............................................................... — 21
2.3.6 Stockage, livraison .................................................................. — 24
2.3.7 Site de construction ................................................................ — 24
2.3.8 Déconstruction ......................................................................... — 28
3. Exemple concret d’application – Projet Puuvila Shopping
Center................................................................................................ — 28
4. Conclusion........................................................................................ — 31
5. Glossaire ........................................................................................... — 31
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 3 201

L e BIM (Building Information Modeling), ou modélisation de l’information,


est un processus qui vise idéalement à faire collaborer l’ensemble des
acteurs d’un projet de construction autour d’une maquette numérique.
Le BIM n’est pas une révolution, mais une évolution qui mobilise tous les acteurs
de la filière BTP et impacte à la fois le fonctionnement interne des entreprises de
construction et les relations entre les différents intervenants sur un même projet.
L’émergence du BIM est intimement liée aux nouvelles technologies. Les logi-
ciels bien sûr, mais également les matériels permettant la capture et le transport
des données. Cette caractéristique fait du BIM un concept et des méthodes en
Parution : février 2017

perpétuelle évolution.

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Référence Internet
C3201

LE BIM POUR LA STRUCTURE – UNE PRATIQUE COLLABORATIVE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Le BIM concerne l’ensemble du cycle de vie d’un ouvrage. Il est, par consé-
quent, nécessaire de décrire l’usage du BIM et ce qu’il apporte tout au long des
différentes phases d’un projet :
– la conception et le chiffrage ;
– les études d’exécution ;
– la fabrication et l’omniprésence du numérique utilisé historiquement pour
l’automatisation de la production en construction métallique et en construction
en béton préfabriqué ;
– la construction sur site et l’impact du BIM sur la relation étude/chantier.
L’information doit circuler de façon bidirectionnelle. Le chantier accède aux
données du modèle BIM et peut, entre autres, renseigner ce dernier sur l’état
d’avancement du montage de la structure ou des phases de coulage du béton.
Le BIM s’adresse à tous les intervenants et à toutes les étapes.
Notons toutefois que le présent article est uniquement consacré à la partie
structure d’un projet de construction. Par conséquent, il ne prend pas en
compte d’autres aspects importants de la maquette numérique. En effet, le
BIM change la façon de travailler des maı̂tres d’ouvrage en phase d’étude de
faisabilité et de conception (délais de construction, critères financiers, perfor-
mances énergétiques et environnementales, qualité des bâtiments) et des archi-
tectes (respect des normes en vigueur, gestion des modifications, visualisation
de la maquette 3D, collaboration). Une fois la construction terminée, le modèle
virtuel 3D est transmis au propriétaire de l’ouvrage avec toutes les informations
nécessaires pour la gestion des installations, les travaux d’entretien et les modi-
fications éventuelles. La maquette numérique est également utile en phase de
déconstruction de l’ouvrage.
La gestion du patrimoine, mais également l’aménagement du territoire et des
infrastructures, sont deux exemples qui, avec la construction du projet, illus-
trent parfaitement le concept global du BIM, au-delà du contenu de cet article
consacré au BIM pour la structure.
La description d’un projet de référence permet d’illustrer plusieurs caractéris-
tiques propres à l’utilisation d’un processus BIM. De la maı̂trise d’ouvrage au
constructeur, des commanditaires aux sous-traitants, un nombre important de
sociétés peuvent collaborer et partager l’information autour de maquettes
numériques. Il apparaı̂t clairement qu’il n’y a pas qu’un seul BIM, mais différen-
tes maquettes en fonction des phases du projet. La mise en place de méthodo-
logies, l’utilisation de normes et de protocoles BIM internes aux sociétés sont
indispensables pour une gestion optimale du projet.
Le but de cet article est de décrire de manière détaillée les outils et les méthodes
BIM utilisés pour la conception, la fabrication et la construction des structures.

Derrière l’acronyme se cache un concept qui, dans sa version


1. Le concept BIM idéale, consiste à partager et à faire collaborer l’ensemble des acteurs
d’un projet de construction autour d’une maquette numérique !
(figure 1).
1.1 Principe Le BIM c’est l’émergence des NTIC (Nouvelles technologies de
l’information et de la communication) dans la filière Bâtiment et
Travaux Publics. Ces nouvelles technologies autorisent l’acquisition
BIM est un acronyme anglo-saxon qui signifie « Building
Information Modeling ». Le M identifie dans certains cas de données, leur transport, leur stockage et surtout leur modélisa-
« Model » ou « Management ». tion et les analyses qui en découlent.

En français, il est possible de le traduire en « modèle d’infor- Dans la pratique, il existe différent niveaux de BIM (§ 1.4.2). Il est
mation du bâtiment » ou « modélisation de l’information du également possible de distinguer un BIM intra-entreprises et un
bâtiment », ou encore « gestion de l’information du bâtiment ». BIM inter-entreprises. En effet, l’utilisation de technologies dites
BIM impacte et modifie, non seulement la relation entre les diffé-
Le terme de « maquette numérique » est également fréquem-
ment utilisé en France. rents acteurs d’un projet de construction, mais également et avant
tout les processus de fonctionnement dans les entreprises.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– LE BIM POUR LA STRUCTURE – UNE PRATIQUE COLLABORATIVE

Intégration
architecturale

Ingénierie

Vente et
Planification soumission
du montage > Estimation
> Gestion et suivi des coûts
> Solutions
> Séquençage alternatives
et colisage
> Gestion
de projet Fabrication
> Automatisation Calcul
de la production > Dimensionnement
Dessins
> Machines à Achats > Nomenclatures
Exécution de montage
commande > Listes > Plans > Dessins préliminaires
> Croquis
numérique de matières d’ensemble
d’atelier

Figure 1 – Collaboration autour de la maquette numérique

1.2 Son origine L’objectif de cet article est la partie structure des ouvrages.

Le BIM ou la BIM est un concept relativement ancien. On attri- Nous pouvons résumer les avantages du BIM pour la structure
bue en effet la paternité du BIM à Charles M. Eastman, professeur en quelques lignes :
au Collège d’Architecture et d’informatique de l’institut Georgia
Tech. Ce dernier a travaillé sur le BIM fin 1970, début 1980. Char- – un modèle d’information du bâtiment hautement détaillé
les Eastman est le co-auteur d’un ouvrage de référence publié en « tel que construit » permet le plus haut niveau de constructi-
2008 puis révisé en 2011, le BIM Handbook [1]. Il a été un des bilité et de contrôle de la production ;
pionniers dans le développement de logiciels de modélisation 3D – l’intégration de données externes au modèle structural per-
paramétrique pour l’Architecture et l’ingénierie de la construction met une meilleure collaboration et une meilleure gestion et
et a dirigé de nombreux projets de recherche depuis le milieu des livraison du projet, depuis la phase conceptuelle initiale jus-
années 1970. qu’à la construction ;
– les solutions BIM structures doivent permettre de combi-
Le développement du concept BIM va de pair avec l’apparition
ner et de coordonner l’utilisation de différents matériaux
des logiciels de conception et/ou fabrication assistée par ordinateur
(béton, acier, bois). Une conception précise et détaillée limite
CAO/CFAO 3D. Au début des années 1980, les premières solutions les erreurs en phase d’exécution. La réduction des chutes de
commerciales sont apparues. matière est également un facteur important d’augmentation
de la productivité.
Citons, comme exemple l’application ArchiCad (Éditeur : Graphi-
soft) pour la modélisation architecturale.

On notera que ce dernier point s’inscrit pleinement dans la pro-


L’amélioration des performances des ordinateurs, la baisse de
blématique globale de développement durable. La réduction des
leurs coûts (PC) et l’usage d’interfaces graphiques interactives ont
chutes est souvent associée à de nouvelles possibilités d’optimisa-
ensuite permis le développement de solutions dites 2D, puis 3D
pour la filière construction. tion et de recyclage de matière en usine.
Le développement durable a besoin de nouvelles technologies
pour optimiser les ressources. Le BIM réduit le gaspillage de
1.3 Objectifs matière, la consommation d’énergie et le transport, ainsi que les
coûts de ressaisie de données diverses et de documentation. Le
La filière « Construction » au sens large n’est pas réputée pour modèle d’information du bâtiment autorise l’extraction de listes
son haut niveau de productivité. C’est une industrie qui fait (ou fai- précises de matière et l’interfaçage à des solutions de planification
sait) face à de gros problèmes de qualité. La maquette numérique et de gestion de projet (figure 2).
est un des éléments de réponse à la non-qualité. La maitrise
d’ouvrage a deux exigences : que les délais soient respectés et La communication directe sans ressaisie avec les machines à
qu’il n’y ait pas de dépassement des budgets. Améliorer la qualité commande numériques permet une intégration de la conception
est très clairement l’objectif majeur du BIM. et de la production avec une réduction des erreurs certifiée.
C’est un énorme défi car le BIM est avant tout un changement Le BIM favorise également le développement de la préfabrication
d’attitude et un changement des habitudes. La technologie n’est en atelier. Il limite les erreurs sur chantiers (figure 3) et les nuisan-
plus un obstacle et nous pouvons en bénéficier. ces (sonores, zones de stockage).

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LE BIM POUR LA STRUCTURE – UNE PRATIQUE COLLABORATIVE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Figure 2 – Planification et gestion de projet sous Tekla Structures

L’une des caractéristiques de l’approche BIM est l’échange


autour de modèles virtuels de bâtiments créés numériquement.
Ces modèles facilitent la conception, l’analyse et le contrôle en
comparaison avec les procédures manuelles.

La forme la plus aboutie de cette démarche est le travail collabo-


ratif autour de la maquette numérique qui peut être interne à une
entreprise ou entre les différents intervenants dans la réalisation
d’un projet.

1.4.1 Contenu
Le BIM est un outil d’information puissant qui ne concerne pas uni-
quement le bâtiment mais également les infrastructures. Par consé-
quent, il existe différents formats de maquette numérique, depuis la
représentation à l’échelle d’une ville facilitant la prise de décisions en
termes d’aménagements urbains jusqu’à la modélisation d’un
ouvrage complet incluant le détail des systèmes constructifs.
Dans le cadre du BIM pour la structure, un modèle virtuel 3D est
composé de tous les objets et les assemblages d’objets utilisés
dans le projet en cours.
Figure 3 – Accès à la maquette numérique sur chantier
& Objets BIM
1.4 Maquette numérique Les objets BIM sont des composants uniques (poutre, voile,
plaque, boulon…). Ils possèdent des paramètres pour la définition
Le BIM est un processus de génération des données pour la des caractéristiques géométriques (profil de l’élément, dimensions
conception et la construction d’un bâtiment et d’exploitation de de la section, longueur…). La valeur de ces paramètres a une
ces informations sur le cycle complet de vie de l’ouvrage. influence sur l’apparence physique des objets.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– LE BIM POUR LA STRUCTURE – UNE PRATIQUE COLLABORATIVE

Ces composants peuvent également contenir, sous la forme  LOD 200


d’attributs, les informations nécessaires pour les concevoir, les Ajout du détail des sous-ensembles utilisés (murs, planchers…).
positionner, les spécifier et les analyser :
Les éléments du modèle sont représentés de manière générique en
– matériau utilisé ; tant qu’objet ou assemblage. Les dimensions, quantités, formes,
– type de protection ; positions et orientations des éléments peuvent être approximatives.
– couleur d’apparence ;
– spécifications techniques du fabricant ;  LOD 300
– propriétés d’analyse ; Ajout de la géométrie précise des sous-ensembles (détail des
– classes d’exécution ; constituants). Les éléments du modèle sont représentés de manière
– performance thermique ; spécifique en tant qu’objet ou assemblage. Les dimensions, quan-
– durée de vie ; tités, formes, positions et orientations des éléments sont spécifi-
– date de mise en fabrication et/ou de montage ; ques aux éléments.
– etc.  LOD 350
& Assemblages d’objets Identique au LOD 300, mais les éléments interagissent avec les
autres éléments.
Les assemblages sont des combinaisons d’objets. En plus des
informations sur les objets, les assemblages possèdent leurs pro-  LOD 400
pres paramètres (poids, centre de gravité…). Des caractéristiques Identique au LOD 350, mais avec plus d’informations sur le détail
générales indiquées au niveau du projet (situation, intervenants…) pour la fabrication, l’assemblage et l’installation.
complètent cette définition hiérarchique des informations que l’on
retrouve dans la maquette numérique.  LOD 500
Une définition complète des éléments du projet est nécessaire Identique au LOD 400, mais tel que construit et vérifié sur place.
pour pouvoir facilement, et rapidement, modifier le projet et Le modèle peut est utilisé en phase d’exploitation du bâtiment.
extraire des informations de la maquette numérique. Dans un pre-
mier temps, ces informations sont transmises aux différents inter- Il est à noter que des informations non graphiques peuvent
venants en phase de construction et seront ensuite utilisées pour être ajoutées sous la forme d’attributs aux éléments à tous les
la maintenance de l’ouvrage. niveaux de développement.

1.4.2 Niveaux de développement LOD Ce niveau de développement de la maquette numérique et le


niveau du BIM sont deux notions bien distinctes. En effet, ce dernier
La maquette numérique ou BIM offre aux différents intervenants
appelé aussi « niveau de maturité du BIM » (figure 5 – voir le lien
la possibilité de concevoir et de valider les choix à chaque stade
http://www.bimtaskgroup.org/wp-content/uploads/2012/03/HMG-
d’avancement d’un projet.
BIM-Strategy.pdf) est une suite d’étapes vers le BIM collaboratif.
& Les différents niveaux de maturité du BIM
Différents niveaux de développement pour la représentation
des éléments de la maquette numérique (appelés « LOD » de Il existe différents niveaux de maturité du BIM :
l’anglais Level of Development) ont été adoptés au niveau inter-  BIM Niveau 0
national, depuis l’esquisse en phase de conception, jusqu’à la Ici, pas de collaboration. Le seul vecteur d’échange d’information
définition détaillée de l’ouvrage tel que construit. se limite à un logiciel de dessin 2D. Les livrables sont au format
papier ou dans des formats 2D (DWG, DXF, PDF2D) ou un mélange
& Les différents niveaux de développement LOD des deux.
Le niveau de développement des modèles BIM est basé sur des Une bonne partie de la filière construction française est encore
critères définis par l’AIA (American Institute of Architects) aux malheureusement à ce niveau de BIM.
États-Unis (figure 4 – voir à ce lien http://bimforum.org/wp-  BIM Niveau 1
content/uploads/2013/08/2013-LOD-Specification.pdf) :
Avec une utilisation du BIM en interne par un des acteurs du pro-
 LOD 100 jet. Typiquement, c’est un mélange d’usage de solutions de modé-
Conception d’ensemble globale représentée par un agencement lisation 3D pour la conception et de plans 2D comme documents
de volumes (géométrie, position et orientation des volumes et des d’approbation et de production. C’est un niveau atteint par un
surfaces) ou des symboles. grand nombre d’organisations en France.

LOD LOD LOD LOD LOD


100 200 300 350 400

Figure 4 – Représentation graphique des niveaux de développement LOD

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LE BIM POUR LA STRUCTURE – UNE PRATIQUE COLLABORATIVE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Niveau 0 Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3

Cycle de vie
Données

Gestion du
iBIM
BIMs
Maturité

BSIM
BRIM
AIM
SIM
FIM
3D
2D

CIPC IDM - Dictionnaire commun


IFC - Données communes
AVANTI IFD - Processus commun Processus
CAO BS 1 192 : 2007 BIM ISO
Manuels utilisateur CPIC, Avanti, BSI
© 2008 Bew - Richards

Dessins, lignes, arcs, textes, etc Modèles, objets, collaboration Données intégrées, interopérables

IFC DGN DWG iModel GXML XML SQL 2010 2012

Outils

Gestion d’identification
Sécurité
APCL

Bibliothèque Services
BIM Web intégrés
Collaboration à Hub BIM
Papier Collaboration à partir de fichiers
partir de fichiers & Gestion d’une GIS

bibliothèque

Figure 5 – Niveaux de maturité du BIM

À ce stade, il n’est pas possible de parler de travail collaboratif maquette et la modifient, éliminant ainsi tout risque de conflit dans
entre les acteurs d’un projet. Chaque entité publie et met à jour la mise à jour des données.
ses données. Cette belle utopie est l’objectif du gouvernement anglais pour
2019. Elle pose néanmoins de nombreuses questions de droit et
 BIM Niveau 2 de responsabilités. Elle suppose aussi des possibilités de gestion
Avec un échange d’information entre les acteurs du projet, mais des droits et de protections dans les outils logiciels.
à partir de maquettes numériques distinctes. Chacun des acteurs
travaille sur son propre modèle 3D, mais hors partage. La collabo-
ration intervient par l’échange d’informations entre les acteurs. Les 1.5 Avantages
informations liées à la conception sont partagées via un format
commun. Ce format autorise alors la combinaison de modèles de Le BIM est une réponse aux exigences de la construction en ter-
références 3D externes avec son propre modèle 3D. mes de rentabilité et d’efficacité et il concerne l’ensemble des inter-
On constitue ainsi une maquette BIM de synthèse qui permet un venants sur chaque projet.
certain nombre de contrôles. Les outils de CAO utilisés par les dif-
férents acteurs supportent en export et import les formats d’échan- 1.5.1 Conduite des projets et collaboration
ges neutres et communs, comme par exemple l’IFC (Industry Foun-
dation Class) ou le COBie (Construction Operations Building Traditionnellement, l’échange d’informations était manuelle
Information Exchange). (documents 2D, armoires à plans, envoi de CD-Rom, courriers
Ce niveau de BIM avec ses méthodes est le minimum requis par électroniques).
le gouvernement britannique pour les projets publics à compter
de 2016. Pour éviter de saisir à nouveau des informations et une tra-
duction manuelle en fonction du format de données des logi-
 BIM Niveau 3 ciels utilisés, une approche ouverte du BIM a été préconisée
Avec une utilisation du BIM en mode collaboratif à partir d’un permettant ainsi le développement de l’interopérabilité entre
les différents logiciels de la construction via la compatibilité
modèle unique, partagé et centralisé, et ce pour un échange opti-
au format IFC.
mal d’informations. Les différentes disciplines accèdent à la même

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– LE BIM POUR LA STRUCTURE – UNE PRATIQUE COLLABORATIVE

La mise au point des projets est plus rapide et les délais plus BIM. Ce sont les deux aspects du BIM pour lesquels la demande
facilement respectés : d’évolution et de développement est la plus importante.
– les tâches redondantes sont supprimées ; Le secteur de la construction a tout à gagner d’une meilleure
– les échanges entre les différents acteurs de la construction sont communication des informations.
facilités ;
– les informations nécessaires sont extraites plus rapidement à
partir de la maquette numérique. L’interopérabilité est la capacité d’échanger des informations
entre les différentes solutions logicielles BIM disponibles sur le
1.5.2 Gains en phase de réalisation marché avec un minimum d’interventions manuelles afin d’évi-
ter les erreurs et de gagner du temps.
La maquette numérique contient l’ensemble des données et des
objets d’un bâtiment. Au fur et mesure de l’avancement d’un pro-
jet, les interactions entre les différents éléments sont précisées et Les participants à un projet de construction utilisent des applica-
détaillées. tions spécifiques correspondant à leurs métiers respectifs et les
données du projet doivent pouvoir être transmises à l’ensemble
Les informations nécessaires sont extraites directement à partir
des parties prenantes.
du modèle 3D.

En construction métallique par exemple, les informations néces- 1.6.1.2 Solutions logicielles
saires pour la mise en fabrication sont extraites directement à partir Dans un projet de construction, chaque intervenant utilise des
du modèle 3D et ces données sont transférées automatiquement sur solutions logicielles techniquement adaptées à son activité et
les machines à commande numérique dans les ateliers. grâce auxquelles il peut effectuer des tâches spécifiques comme :
Elles alimentent également les systèmes d’approvisionnement et
de gestion des stocks qui sont un facteur essentiel de réduction – conception architecturale ;
des chutes (pertes de matière) lorsqu’ils sont couplés avec des solu- – analyse et calcul de la structure ;
tions logicielles de mise en tôle ou de mise en barre. – conception technique détaillée ;
– obtention des quantitatifs et des plans pour une mise en
Les risques d’erreurs ou d’omissions en phase d’études sont, par production ;
conséquent, fortement diminués ainsi que le coût du traitement de – réalisation et visualisation sur le chantier ;
ces erreurs en fabrication ou sur le chantier. – gestion des plannings ;
– maintenance de l’ouvrage ;
1.5.3 Valeur ajoutée – etc.

En réduisant le nombre de documents à produire pour une par- Une seule solution logicielle ou un système intégré unique ne
faite compréhension du projet, la collaboration BIM basée sur une peut répondre à toutes les exigences du secteur de la construction.
maquette numérique commune facilite et accélère les échanges
entre les différents services : Les outils BIM propres à chaque métier doivent être capables
de fournir les données géométriques et techniques (sous
– devis ;
forme d’attributs) qui serviront à alimenter la maquette numé-
– bureau d’études ;
rique 3D du projet et de récupérer des informations intégrées
– méthodes ;
au modèle via une autre application.
– production et chantier au sein d’une entreprise.
Une simple compatibilité entre deux logiciels est, par consé-
Pour les projets traités suivant le processus BIM, la réduction des quent, insuffisante.
erreurs, une meilleure collaboration entre les différents acteurs
(d’une ou de plusieurs organisations) et l’échange facilité d’infor- Un projet de construction BIM est caractérisé par un environne-
mations, depuis la conception jusqu’à la construction, ainsi que la ment mixte de systèmes dédiés capables de communiquer efficace-
gestion du bâtiment améliorent la qualité de réalisation des ouvra- ment à l’aide de :
ges et diminuent les risques de contentieux.
– modèles d’informations ;
La norme IFC intégrée au BIM facilite la communication et la – méthodes ;
coordination entre les différents corps de métiers. Le BIM est un
– processus ;
facteur d’innovation, de valorisation et d’évolution des métiers de
– terminologie commune.
la construction.
Dans le cadre du développement durable, le choix des matériaux Dans ce cas, nous parlons d’une approche ouverte de la modéli-
et des équipements peut être intégré dès la phase de conception de sation de l’information ou openBIM.
la maquette numérique. La maı̂trise des informations techniques À l’origine, openBIM est une initiative de l’association internatio-
(dimensions, normes techniques, performances) des éléments d’un nale buildingSMART et de plusieurs éditeurs de logiciels utilisa-
ouvrage est nécessaire pour garantir les performances énergétiques teurs du modèle de données ouvert buildingSMART (voir son logo
des bâtiments et le respect des exigences environnementales. en figure 6a).
Le BIM est également un outil d’aide à la réduction des pertes de
matière et à la diminution de la consommation d’énergie. 1.6.2 Formats d’échanges

1.6.2.1 Format IFC


1.6 Problèmes à résoudre pour la mise
en pratique Un des aspects de la filière BTP est la grande diversité de
métiers. À l’image de la filière, il existe par conséquent une grande
diversité de logiciels. Un des chalenges est, et a toujours été, de
1.6.1 Interopérabilité faire communiquer ces différentes solutions. Les logiciels de modé-
lisation de structure qui souhaitent s’intégrer dans des processus
1.6.1.1 Concept BIM doivent communiquer avec les modèles d’architecture, avec
La collaboration et l’échange de données entre les différents les solutions de gestion de process ou de fluides et également,
acteurs d’un projet sont des fondamentaux dans la pratique du tout simplement, savoir communiquer entre eux.

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Référence Internet
C3203

L’Architecte face au BIM (Building


Information Modeling)
par Zeina KHAWAM
Architecte – Gérante de « l’Agence RARE Architecture » et spécialiste BIM
Ingénieur – Architecte (École supérieure des ingénieurs de Beyrouth)

1. Naissance du BIM............................................................................ C 3 203 – 2


2. Définition du métier de l’Architecte ........................................... — 3
2.1 Structure des agences d’architecture ................................................ — 3
2.2 Compétences de l’architecte renforcées par le BIM.......................... — 3
2.3 Évolution du rôle de l’architecte dans la conception technique
des projets .......................................................................................... — 5
3. Computational design : simulation et outils d’aide à la prise
de décision ....................................................................................... — 5
3.1 Conception paramétrique et analyse du cycle de vie des bâtiments — 6
3.2 Rôle des assurances dans l’acte de construire ................................. — 7
4. Adopter le BIM dans les agences d’architecture ...................... — 8
4.1 Philosophie à adopter : BIM et PLM .................................................. — 8
4.2 Pièges à éviter .................................................................................... — 12
4.3 Valeur ajoutée ..................................................................................... — 12
5. Mise en pratique.............................................................................. — 13
5.1 Outils .................................................................................................. — 13
5.1.1 Familles d’outils ...................................................................... — 13
5.1.2 Outils du point de vue pratique .............................................. — 15
5.2 Formats d’échange ou interopérabilité ............................................. — 15
5.3 Visionneuses BIM ............................................................................... — 17
5.4 Travail collaboratif .............................................................................. — 17
5.5 Évolution du marché du BIM ............................................................. — 17
6. Exemples concrets d’application................................................. — 18
6.1 Projet de rénovation (SGP : gare souterraine en collaboration
avec Gestobat en AMO BIM) ............................................................. — 19
6.2 Projet en nouvelle construction (collaboration avec Gestobat
en AMO BIM) ...................................................................................... — 24
6.3 Projet en rénovation : gare (collaboration avec Gestobat en AMO BIM) — 25
6.4 Solution choisie au sein de l’agence RARE ....................................... — 25
7. Loi MOP (Loi relative à la Maı̂trise d’Ouvrage Publique) ........ — 27
7.1 Avantages, inconvénients et réévaluation des Honoraires............... — 27
7.2 Nouvelle répartition des honoraires induite par un temps d’étude
du projet ............................................................................................. — 27
8. Conclusion........................................................................................ — 27
9. Glossaire ........................................................................................... — 27
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 3 203

Q u’est-ce que le BIM ? Est-ce une tentative pour anéantir ou un électrochoc


pour réveiller les consciences ? Face à ce fléau, l’architecte est désemparé,
perturbé, à la recherche d’une bouée de sauvetage. Le BIM serait-il le coup de
grâce ou cette bouée qui lui redonnera toute son influence de « chef
d’orchestre » ?
Cet article traite de la survie du rôle de l’Architecte dans l’acte de construire
tel qu’il est défini dans la loi du 3 janvier 1977 sur l’Architecture, face à ce phé-
nomène connu sous l’acronyme BIM.
Parution : février 2017

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Référence Internet
C3203

L’ARCHITECTE FACE AU BIM (BUILDING INFORMATION MODELING) ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

BIM signifie « Building Information Modeling ». C’est un processus de travail


et de collaboration qui vient perturber le monde actuel de la construction.
Le BIM est un processus et une philosophie de travail à mettre en place au
sein des agences d’architecture encore très (trop) frileuses. Il s’agit de répondre
aux futures demandes des maı̂tres d’ouvrage et surtout de l’État qui va impo-
ser, au cours de cette année 2017, le rendu des projets de concours publics en
maquette numérique. Il y a fort à parier qu’ensuite les maı̂tres d’ouvrages pri-
vés s’inscriront également dans cette démarche.
Cet article rappelle d’abord, de manière succincte, ce qu’est le métier de
l’Architecte et la structure actuelle des agences d’Architecture. Il démontre que
le BIM peut être la bouée de sauvetage d’un métier en pleine mutation.
L’accent est mis ensuite sur le processus pour la conception et la construction
de la partie architecturale des ouvrages, sans oublier la compilation de
l’ensemble des données de toutes les disciplines. Il expose les compétences
requises ou à acquérir, l’évolution du rôle de l’architecte face aux techniques
des différents corps de métiers et de tous les contributeurs du projet en étude.
Le côté pratique est également développé, avec les différentes solutions
d’adoption du processus BIM, par type ou par taille de structure, afin de n’en
tirer que les avantages préconisés :
– réduction des incohérences des études ;
– réductions des coûts sur les chantiers et surtout, in-fine, un produit complet
à livrer au maı̂tre d’ouvrage (la maquette numérique DOE).
L’article met aussi en lumière les piliers du processus BIM pour réussir la
transition fluide des méthodes traditionnelles vers les nouvelles méthodes, en
s’appuyant sur les nouvelles technologies.
Trois exemples concrets d’application illustrent ensuite l’usage du BIM aux
différentes phases d’un projet dont la description tient compte des solutions
logicielles impliquées et des formats d’échanges imposés.
Sont ensuite présentées, la solution logicielle et la méthode de travail en pro-
cessus BIM de l’agence RARE architecture en collaboration avec Gestobat, Éco-
nomiste de la construction et Partenaire BIM.
Pour terminer, l’article souligne la nécessité d’une réelle ouverture d’esprit
pour une vision globale du projet à construire, sans oublier le nerf de la guerre,
les honoraires et la loi MOP avec une proposition de répartition plus équilibrée
suivant les missions et le temps passés aux différentes phases.
Sachant que « l’innovation d’aujourd’hui est la routine de demain », la transition
se fera tant bien que mal, avec les limites actuelles de ce processus qui seront
repoussées de plus en plus. Ainsi, ceux qui n’auront pas pris le train dès le départ
seront de plus en plus isolés et perdront toute crédibilité face à leurs clients.

– le développement durable ;
1. Naissance du BIM – l’écoconception ;
– l’écoconstruction.
Suivis de labels à tout va :
Cette dernière décennie, plusieurs éléments sont venus perturber
– BBC ;
le monde de la construction. Entre la préservation de la nature et la
– Pepos effinergie ;
préservation du portefeuille du maı̂tre d’ouvrage, les consciences
– HPE ;
se sont réveillées avec un foisonnement de principes, de labels, – HQE ;
d’objectifs à atteindre. – LEED ;
Citons notamment les lois Grenelle 1 et Grenelle 2 qui englobent : – Bream, etc. (figure 1).
– la Réglementation thermique 2012 (RT 2012) sachant que ; Afin d’atteindre ces résultats ou d’obtenir un (ou plusieurs) de
 la rénovation inclut une obligation d’isolation à partir du ces labels, il a fallu élever considérablement le niveau des études
1er janvier 2017, préalables d’un projet, mais aussi le niveau technique des chantiers
 l’isolation thermique des façades et des toitures sera obligatoire de construction.
en cas de grosse rénovation de bâtiments dès janvier 2017 aussi. Pour cerner toutes les données qui découlent de ces études, il
Le décret encadrant cette mesure a été publié au journal officiel ; fallait trouver un support général, une base pouvant englober

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– L’ARCHITECTE FACE AU BIM (BUILDING INFORMATION MODELING)

Figure 1 – Logos des différents labels et des certifications

Information graphique et Information sémantique tout en restituant permis de construire. Après cette phase, il faut mener les études
au maı̂tre d’ouvrage une réplique réaliste, un clone de son ouvrage techniques et la réalisation.
à construire avant de le construire.
Pour ces phases-là, il y a l’intervention de plusieurs métiers,
donc multiplication des intervenants, et pour cela l’architecte est
Le BIM, Building Information Modeling, se révèle cette boı̂te nommé comme le chef d’orchestre du projet afin de diriger ces per-
magique où tout est concentré, classé, détaillé ou filtré à la sonnes et de mener à bien l’acte de construire.
demande. Dans la méthode traditionnelle, nous constatons que l’interven-
Le Building Information Modeling (Model) ou, dans ses tran- tion des tierces personnes ne se manifeste que dans une phase
scriptions françaises : avancée du projet, ce qui peut remettre en question des éléments
décisifs de conception (problèmes techniques ou autres).
– modélisation des données du bâtiment (MIB) ;
– bâti et informations modélisés ; Ceci engendre des études supplémentaires, des modifications et
– modèle d’information unique du bâtiment ; parfois des problèmes sur les chantiers.
– ou encore Maquette numérique du Bâtiment (MNB). Le métier d’architecte est très diversifié. L’architecte se doit de
connaı̂tre de nombreuses règles juridiques, de nombreuses règle-
mentations urbaines et sociales qui ne cessent d’augmenter.

2. Définition du métier Pour se protéger, il faut donc qu’il définisse ses missions par la
voie contractuelle. Il reste néanmoins par définition, à l’égard de
de l’Architecte tous, le professionnel responsable, de l’avant-projet jusqu’après la
réception de l’ouvrage, sauf si sa mission s’arrête au permis de
construire.
L’architecture est une profession réglementée. La loi du 3 janvier Les clients de l’architecte ou des sociétés d’architecture sont les
1977 a marqué pour la première fois la volonté du législateur de pré- maı̂tres d’ouvrage, personnes privées ou publiques qui présentent
server et de promouvoir la qualité architecturale en déclarant dans un programme à réaliser, avec leurs exigences et leur budget. La
son article 1er : « L’architecture est une expression de la culture. La maı̂trise d’œuvre est « la réponse architecturale, technique et éco-
création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion nomique de ce programme » (Art. 7 de la loi MOP, loi du 12 juillet
harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages 1985 relative à la maı̂trise d’ouvrage publique).
naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public. » Pour la phase de permis de construire, l’architecte se transforme
La Loi n 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, parue dans le en assistant à la maı̂trise d’ouvrage puisqu’elle est la seule à avoir
Journal officiel du 4 janvier 1977, a été consolidée le 11 juillet 2016 l’obligation de le requérir.
et ce, grâce aux efforts menés par l’ordre des architectes et les syn- Enfin, suivant le code de l’urbanisme (art. L. 421-2, al 3 et 4), la
dicats d’architectes. définition d’un projet architectural est la suivante :
« Le projet architectural (figure 2) définit, par des plans et des
2.1 Structure des agences d’architecture documents écrits, l’implantation des bâtiments (figure 3), leur com-
position, leur organisation et l’expression de leur volume, ainsi que
Une personne physique est considérée comme architecte libéral le choix des matériaux. Il précise, par ces documents graphiques
si elle est inscrite à un tableau régional d’architectes conformément ou photographiques (figure 4), l’insertion dans l’environnement et
aux dispositions des articles 10 et 11 de la loi citée précédemment. l’impact visuel des bâtiments, ainsi que le traitement de leur accès
De même, une société peut porter le titre de société d’architecture et de leurs abords ».
si elle est inscrite à ce même tableau conformément aux disposi-
Ceci est à retenir pour la suite de cet article au § 5.5).
tions de l’article 12 de la loi citée précédemment.
Les architectes peuvent travailler seuls ou avec 1 ou 2 collabora-
teurs. C’est le mode d’exercice le plus répandu en France actuelle- 2.2 Compétences de l’architecte
ment. Les agences d’architecture restent de petite taille puisqu’elles
disposent en moyenne de moins de 2 salariés par agence (sondage
renforcées par le BIM
IFOP pour le CNOA). Il ne faut pas se leurrer, comme vu au § 2.1, en grande majorité, les
Si l’architecte peut travailler seul ou avec des collaborateurs architectes sont isolés et ne forment que de petites structures. Mais il
architectes, cela ne concerne que la phase de conception et le existe aussi de moyennes et de grandes sociétés d’architecture qui

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L’ARCHITECTE FACE AU BIM (BUILDING INFORMATION MODELING) ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

AVANT APRÈS

a photo de l’existant b image du projet avant réalisation

Figure 2 – Le projet architectural Projet de rénovation lourde à Bures-sur-Yvette (Essonne) (Crédit Architecte : Zeina Khawam)

Figure 3 – Plan de situation (Implantation)

sont bien installées en France et qui voient leur avenir en danger face
à ce bouleversement apporté par le BIM. Figure 4 – Projet réalisé (Crédit AR-Giudici-Photo Réalisation)
Toutes les instances incitent à l’adoption de ce processus, surtout
que l’obligation de passer les concours publics en BIM arrive à exécutées par d’autres intervenants, les grands groupes puissants
grands pas. ou les bureaux d’étude qui ont déjà adopté ces nouvelles technolo-
gies et surtout le processus BIM en question.
Il faut aussi suivre les actions du gouvernement qui appuient
l’initiative du parlement européen de janvier 2014 et confirme Il ne resterait alors à l’architecte que la mission du permis de
l’« Objectif 500 000 », par la mise en œuvre des mesures permet- construire, ne pouvant être délivré que par lui seul ou une société
tant de construire plus et mieux, de diminuer les coûts de cons- d’architecture, obligatoire pour la plupart des nouveaux projets et
truction et d’accompagner les évolutions de la filière du bâtiment des projets de réaménagement.
(http://www.logement.gouv.fr/sylvia-pinel-reunit-le-premier-
comite-de-suivi-objectifs-500-000). Pour conforter sa position dans la société, l’architecte doit donc
évoluer (figure 5), se former et rester à l’affût de toutes les évo-
Pour faire face à cette difficulté, les architectes doivent être prêts. lutions qui touchent à son métier. Il ne doit pas avoir peur de
Un sondage avait montré que moins de 20 % des architectes tra- remplacer le paradigme qui pour un temps, a fait son autorité.
vaillaient en 3D, et que la plupart étaient réticents et gardaient la Il ne doit pas rester isolé et il doit adopter en premier les
bonne vieille méthode de conception (croquis à main levé, et des- « 3C », piliers du processus BIM : Communiquer, Communi-
sins reportés en 2D sur des logiciels basiques de CAO). quer, Communiquer.
Le passage aux nouvelles technologies ne doit évidemment pas
effacer la création artistique, ni l’esthétique des projets. Avec toutes les nouvelles réglementations urbaines, environne-
Cela ne doit pas non plus changer les fondamentaux du métier. mentales et sociales, les projets deviennent de plus en plus techni-
C’est donc une étape obligatoire à traverser, sinon le grand nombre ques, ce qui demande de nouvelles compétences de la part de tous
de missions qui incombent aux architectes va diminuer progressi- les intervenants sur les projets, et surtout des architectes qui, à la
vement. Car le risque existe que toutes ces missions soient base en France, possèdent une formation beaucoup plus artistique.

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Par ce petit survol du métier de l’architecte, nous venons de


prouver qu’en aucun cas le processus BIM ne devrait remettre en
question le rôle de l’architecte dans l’acte de concevoir et de cons-
truire. C’est le seul à pouvoir coordonner l’ensemble des données
et des intervenants, mais avec une nouvelle méthodologie, une
nouvelle approche, une évolution vers une vision globale qui per-
met de faire interagir toutes les compétences nécessaires en
amont et tout au long du projet en visant un zéro faute.

2.3 Évolution du rôle de l’architecte


dans la conception technique
des projets
Tous les points détaillés précédemment, sont la base pour la
conception d’un projet architectural.
L’évolution numérique que nous vivons actuellement, permet de
rassembler des milliers de données depuis l’esquisse jusqu’à la fin
de vie du bâtiment construit.
La mission de l’architecte reste la même : il s’agit de rassembler
toutes les données pertinentes et cohérentes, d’apprendre à les
faire communiquer ensemble et d’en tirer la meilleure articulation
pour imaginer et créer son projet architectural.
Le passage au BIM ne veut pas dire que l’architecte doit faire le
travail de tous les autres sachant, il doit seulement modifier la tem-
poralité des études de façon à faire intervenir tous les contributeurs
au projet en amont et tout au long des études.
Le planning des études se trouve bouleversé, puisque le temps
consacré à l’esquisse et à l’avant-projet augmente considérable-
ment (voir plus loin l’impact sur la loi MOP).
C’est dans ce sens que le rôle de l’architecte dans la conception
technique des projets évolue.
Dès les premières esquisses, les contributeurs communiquent
Figure 5 – Bonnes vieilles méthodes (Crédit Anthony Jeamet) ensemble :
– orientation ;
La formation initiale dans les écoles d’architecture doit donc évo- – énergie ;
luer afin de savoir gérer ce côté technique et savoir communiquer – structure ;
avec les différents intervenants nécessaires au processus de créa- – matériau ;
tion et de construction d’un projet. – etc.
De la conception à la réalisation, voici un aperçu de toutes les C’est une évolution positive ; elle permet de se diriger dans le
informations que devrait collecter l’architecte afin de mener son bon sens, vers la solution idéale, et de diminuer les erreurs de
projet à bon terme : conception et leurs surcoûts.
– programme du projet ;
La transition numérique va obliger l’architecte à s’équiper, à
– date prévue de livraison ;
s’entourer de personnes compétentes et surtout à se former et à
– budget ;
former tous les collaborateurs.
– situation géographique ;
– plan local d’urbanisme ; Elle ne va pas le déposséder de sa passion première : la créati-
– nature du sol (résistance, carrières, etc.) ; vité. Au contraire, avec les algorithmes et la conception paramé-
– label visé (HQE, RT2012, BBC, Pepos effinergie, HPE, HQE, Leed, trique, il sera capable d’inventer et de générer des formes très com-
Bream…) ; plexes, certainement inimaginables auparavant.
– réglementation pour l’accessibilité ; Avec la fabrication numérique, l’impression 3D (figure 7), qui se
– réglementation incendie ; démocratise, et la robotique (figure 8), tout devient possible.
– etc.
De la conception à la réalisation, voici un aperçu des métiers qui
devraient intervenir tout au long du projet :
– bureau d’étude structure ; 3. Computational design :


bureau
bureau
d’étude
d’étude
fluide ;
chauffage, climatisation ;
simulation et outils d’aide


bureau
bureau
d’étude
d’étude
électricité ;
acoustique ;
à la prise de décision
– bureau d’étude paysagiste ;
– bureau d’étude économiste ;
– etc. Ce titre, pour un architecte qui est à la base un créateur, est très
barbare mais, en développant un peu et en essayant de compren-
Sans parler des projets particuliers qui nécessitent d’avoir dre à quoi tend le métier, il pourra se rendre compte de l’impor-
recours à d’autres compétences. tance de l’évolution des mœurs en matière de conception.

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C3203

L’ARCHITECTE FACE AU BIM (BUILDING INFORMATION MODELING) ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Le Processus BIM
(Batiment Informations Maitrisées)
Maitre d’Ouvrage
Assistant M. d’Ouvrage

Environnement

6D gestion des dés déchets 3D Modélis ation


Outils standards

Recyclage Définition
des besoins Maitrise d’Œuvre
Architecte
Economiste
Bet spécialistes
Paysagiste
Gestion Patrimoine
Gestion 3D Modélisation
Patrimoine 4D délais
7D maintenance
... Conception 5D coûts
GTB
Exploitation Outils standards
GMAO
Outils standards

Commercialisation
Réalisation
Vente / Location

Entreprises
Logist / Méthodo
Agents Immobiliers Industriels

Syndic de co-propriété 3D Modélisation


4D délais
5D coûts
Outils standards

Figure 6 – Présentation des différents contributeurs par mission et phase et les différentes dimensions du processus BIM (Crédit ZK : Présentation
Gestobat)

Figure 7 – Impression 3D (Crédit DR)

Figure 8 – Impression 3D (Crédit : blog.robotiq.com)


3.1 Conception paramétrique et analyse
du cycle de vie des bâtiments La conception traditionnelle, avec les croquis, s’est vue graduel-
lement remplacée par la Conception assistée par ordinateur (CAO).
Avant toute introduction au BIM, le rôle principal d’un architecte
ou d’une agence d’architecture est la conception et la création d’un La CAO, devenue depuis quelques années un maillon indispen-
projet en partant de la fameuse « page blanche ». sable au sein d’une production dans les agences d’architecture, se

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Référence Internet
C3204

La Gestion des données


dans les processus BIM
par Frédéric GRAND
Directeur France
CoBUILDER France
Laurent ORTAS
Responsable Nouvelles Technologies Prescription
SAINT-GOBAIN HABITAT
Guillaume PICINBONO
Expert Maquette Numérique
CSTB
et Patrick VALTON
Corporate BIM Manager
LEGRAND

1. Situation actuelle et contexte normatif .................................................... C 3 204 - 2


1.1 Propriétés et groupes de propriétés – Norme prEN ISO 23386 ............... — 3
1.2 Les objets ..................................................................................................... — 4
1.3 Granulométrie des objets ........................................................................... — 4
1.4 Modèles d’objets ......................................................................................... — 4
1.5 Objets génériques ....................................................................................... — 4
1.6 Générateur d’objets..................................................................................... — 4
1.7 Objets algorithmiques (configurateurs)..................................................... — 6
1.8 Les e-catalogues ou base de données produits........................................ — 6
1.9 Échanges ...................................................................................................... — 6
2. Implémentation en IFC Standard Case (sémantique IFC) – Modèles
d’Objets Mur – Plancher – Toiture ............................................................. — 6
2.1 Définitions .................................................................................................... — 6
2.2 Modèle informationnel du modèle d’objet (Data Template) ................... — 6
2.3 Organisation des données dans un logiciel de CAO vs modèle IFC ....... — 6
2.4 IfcWall, ifcSlab, ifcRoof ............................................................................... — 6
2.5 Exemple MUR .............................................................................................. — 8
2.6 Exemple Plancher ........................................................................................ — 8
2.7 Exemple Toiture .......................................................................................... — 8
2.8 Décalage des couches ................................................................................. — 8
2.9 Définition d’une couche composite ........................................................... — 10
2.10 Autres entités nécessaires .......................................................................... — 10
2.11 Organisation de ces entités descriptives dans le modèle IFC.................. — 10
3. Implémentation en IFC Standard Case (sémantique IFC) – Gestion
de l’éclairage............................................................................................. — 11
3.1 IfcElectricalDomain...................................................................................... — 11
3.2 Autres entités nécessaires .......................................................................... — 13
3.3 Structuration de base .................................................................................. — 13
3.4 Un exemple concret : système capteur / contrôleur................................. — 16
3.5 Notation / représentation simplifiée .......................................................... — 16
3.6 Quelques exemples simples de systèmes Legrand ................................. — 17
4. Implémentation en IFC Standard Case (sémantique IFC) – Chauffage,
Ventilation et Climatisation (CVC, HVAC en anglais) .............................. — 17
4.1 IfcHvacDomain............................................................................................. — 17
4.2 Exemple d’un système de chauffage ......................................................... — 18
5. Conclusion ................................................................................................... — 19
Parution : novembre 2018

6. Glossaire ...................................................................................................... — 19
Pour en savoir plus ................................................................................................ Doc. C 3 204

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Référence Internet
C3204

LA GESTION DES DONNÉES DANS LES PROCESSUS BIM ___________________________________________________________________________________

e BIM consiste à réaliser et à utiliser une base de données numérique par-


L tagée d’un projet pour faciliter les processus de conception, de
construction et d’exploitation.
Les acteurs d’un processus BIM sont conduits à manipuler des objets qui
peuvent être définis comme des groupes de propriétés au sens de la norme
prEN ISO 23386.
La compréhension et une bonne manipulation des objets sont indispen-
sables pour mener à bien un projet en BIM.
Cet article s’appuie sur les travaux en cours au sein de l’association buil-
dingSMART France, chapitre français de buildingSMART International, et plus
particulièrement du groupe de travail « Poursuite des travaux de la PRODUCT
ROOM sur objets et propriétés », ainsi que sur les travaux de normalisation de
la CN AFNOR PPBIM, miroir du CEN TC442 et de l’ISO TC59/SC13.

1. Situation actuelle – des verbes, qui vont représenter les actions réalisées entre les
objets (liaisons, percements…) ;
et contexte normatif – des adjectifs ou propriétés qui vont qualifier les noms.

Par exemple le mur possède une hauteur, une couleur, une matière,
Les projets conçus en BIM ne sont encore, trop souvent une résistance thermique… et, à ces propriétés, nous allons associer
aujourd’hui, qu’une simple représentation graphique sans beau- des valeurs : ce mur a une hauteur de 3 m, une couleur bleue, une
coup de contenu technique. matière (brique), une résistance thermique de 5 Watt/m2.Kelvin.
En effet, les outils de CAO, dit BIM, sont avant tout des outils de
dessin que les éditeurs ont complété de champs sémantiques. Dans les IFC, comme dans les formats natifs des logiciels CAO,
Tous ont plus ou moins repris une bibliothèque commune : mur, les noms, les verbes et la syntaxe sont codifiés. Par contre, seuls
dalle, toiture, poteau, poutre, escalier, porte, fenêtre… quelques adjectifs le sont.
La figure 1 montre un exemple de représentation d’un objet Dans le processus BIM interviennent d’autres logiciels comme,
mur dans un outil de CAO. par exemple, les logiciels de calcul. Ces derniers possèdent, dans
Sur ces éléments, nous retrouvons principalement les proprié- leurs domaines respectifs, une richesse « d’adjectifs » correspon-
tés sur la géométrie de l’objet et de sa représentation (y compris dant à leurs spécialités (thermique, acoustique, feu, analyse envi-
les liaisons éventuelles). ronnementale, mécanique des fluides…) et ils doivent recevoir ou
transmettre ces informations dans le processus BIM.
Dans les outils CAO-BIM, il n’y a pas de contextualisation géo-
graphique, ce qui fait que les propriétés « techniques » présentes Dans un même domaine également, chaque éditeur utilise son
sont généralement des propriétés internationales. Tout autre propre langage, même si celui-ci est déjà largement codifié, régle-
champ d’information, comme l’édition des modèles spécifiques, menté, donc localisé. Exprime-t-on, par exemple, de la même
est ajouté manuellement par l’utilisateur dans son logiciel. façon, des informations liées à l’analyse environnementale du
bâtiment en France, en Allemagne, en Europe (réglementation
D’où la nécessité, dans un processus BIM, d’établir une conven- CE), en Asie ?
tion pour chaque projet qui pose les règles de base à respecter
par chaque acteur afin de pouvoir réaliser des échanges exploi- Nous voyons donc rapidement que, si nous souhaitons que le
tables. Sinon les informations saisies par un utilisateur « émet- BIM puisse permettre à tous les processus métiers de communi-
teur » ne seront pas interprétables par l’utilisateur « récepteur ». quer, il y a besoin d’enrichir le langage partagé et donc de dispo-
ser d’un référentiel commun explicitant ce langage : le
La norme IFC (EN ISO 16739) ou « Industry Foundation dictionnaire.
Classes » est un modèle de données ouvert et neutre, nécessaire
au développement de l’openBIM. Il garantit le partage et La question posée est : y aura-t-il un dictionnaire unique des
l’échanges de données BIM entre les différents logiciels-métiers. propriétés au niveau international, un espéranto qui sera partagé
par l’ensemble des professionnels à travers le monde et capable
Les « classes d’objets » permettent de décrire et de qualifier de répondre à toutes les particularités locales ?
l’ensemble des éléments du bâti (murs, dalles, cloisons, portes,
fenêtres, espaces, équipements…), ainsi que leurs relations (entre La réponse donnée dans le cadre du travail de la commission
un mur et une fenêtre ou entre un équipement et un local). PPBIM de l’AFNOR est NON, et cela pour de multiples raisons
dont l’une nous a semblé insurmontable de façon frontale :
Avec le BIM, la précision de l’information échangée devient de l’approche nationale des réglementations, des règles de protec-
plus en plus stratégique puisque le but est de travailler dans une tion des marchés nationaux ou extranationaux (exemple en
communication de machine à machine en évitant la ressaisie, Europe), des lobbies… et des travaux déjà réalisés.
source d’erreurs. En effet, le langage, le plus parfait soit-il, ne peut
corriger les erreurs de saisie qu’il ne faut donc pas minimiser Toutefois, ce n’est pas parce qu’à ce jour il n’y a pas un diction-
dans cette problématique d’échanges. naire référent que rien n’existe. Au contraire, les initiatives foi-
sonnent en France, en Europe, à l’international.
Pour essayer de prolonger ce parallèle sur le langage, nous
allons assimiler le dessin d’un projet à un livre, avec ses phrases, Et si on souhaite que le BIM progresse rapidement, il vaut
assemblages de mots présentant un sens complet (Larousse). mieux faire converger les potentiels présents que vouloir partir
Dans ces phrases il y a : d’une page blanche.
– des noms, qui représentent les objets « murs », « dalles », Le fondement du BIM est « travailler ensemble ». Le pari a donc
« toiture », « porte »… utilisés ; été fait, sans doute avec plus ou moins de résistances, que les

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Figure 1 – Exemple de représentation d’un objet mur dans un outil de CAO

potentiels présents acceptent de converger. Laisser à chacun son – attribuer une valeur à la propriété (exigence pour les concep-
autonomie, mais montrer qu’ensemble il y a plus de valeur. teurs ou valeur produit pour les industriels) ;
– utiliser cette valeur.
Cette compréhension est d’autant plus importante que, dans le
1.1 Propriétés et groupes de propriétés – BIM, ces propriétés et leurs valeurs associées seront également
Norme prEN ISO 23386 manipulées par des applications informatiques qui doivent pou-
voir s’appuyer sur un format de description normalisé.
Dans la commission PPBIM initiée à l’AFNOR par l’AIMCC
Chaque propriété doit obligatoirement être rattachée à un
(Association des industries de produits de construction), il a donc
groupe. Le groupe définit le contexte d’utilisation de la propriété.
été proposé de travailler sur la définition d’une méthodologie per-
La norme défini 3 types de contextes :
mettant à ces potentiels de converger pour réaliser ce méta dic-
tionnaire en réseau. Ce travail a abouti, fin 2014, à la publication – domaine : champ d’activité couvrant une science, une tech-
de la norme expérimentale XP P07-150. nique, un matériau (bois, béton, acier),… ;
Cette norme définit les trois points suivants. – documents de référence : liste des propriétés définies ou men-
tionnées dans un document, comme par exemple :
■ Règle de caractérisation des propriétés et groupes de – une norme (EN, environnement, feu…),
propriétés. – une réglementation (thermique, acoustique…),
Elle se base sur une liste d’attributs qui devront être renseignés – une règle (DTU…) ou un standard (GS1 commerce et condi-
pour la qualifier de façon intelligible par les acteurs qui devront : tionnement,…) ;

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– classe : une classe peut correspondre à un type de produit, un Selon le cas d’usage associé, un même objet sera considéré
ouvrage, une classification. comme unitaire ou représentant un système.
■ Règle de validation des propriétés. Par exemple, une chaudière sera considérée comme :
Cette règle est également stratégique pour que les informations • phase conception : objet unitaire ;
échangées soient acceptées par tous les acteurs et non le fait de
• phase maintenance : objet système, composé d’objets unitaires
propriétés créées sans consensus.
(pompe, sonde, brûleurs…).
Une grande majorité des propriétés existent : par exemple les
propriétés techniques définies dans des normes, des règles pro-
fessionnelles, des réglementations… Elles sont donc à recenser.
1.4 Modèles d’objets
La validation des propriétés repose sur un collège d’experts, lui-
même associé à un comité de pilotage. Elle doit suivre le proces-
sus établi par la norme. Chaque expert est attaché à un ou plu- Dans les premières phases de conceptualisation d’une
sieurs champs de compétences ; ceux-ci correspondent à la notion maquette numérique, on va manipuler des modèles d’objets pré-
de groupes de propriétés définis dans le dictionnaire. définis :

La norme définit que chaque propriété doit être rattachée au – dans leur caractérisation géométrique : l’objet et ses parties.
minimum à un groupe de propriétés. C’est ainsi que, dans le pro- L’objet doit permettre de définir une caractérisation de plus en
cessus, le lien se fait automatiquement avec les experts. Le plus fine des différentes parties le constituant ;
Comité de pilotage a la mission de maintenir un tableau de cor- – dans leur caractérisation descriptive : liste de propriétés per-
respondance groupes de propriétés / experts, et de gérer les mettant de décrire l’objet et/ou listes de propriétés décrivant cha-
conflits entre experts. cune de ses parties.
Les experts doivent représenter :
– la Maîtrise d’Ouvrage et les Exploitants d’ouvrages ; Exemple : une menuiserie simple est composée d’un cadre péri-
phérique et d’un remplissage fixe ou mobile.
– la Maîtrise d’Œuvre ;
– les Entreprises ; Une menuiserie peut se décomposer en zones, chaque zone étant
– les Industriels ; composée d’un cadre périphérique et d’un remplissage fixe ou
– les Offreurs de services (éditeurs, plateformes…). mobile. Un remplissage mobile peut lui-même être composé d’un
cadre et d’un remplissage et être décomposé en zones.
■ Concept de dictionnaires en réseau.
Comme cela est expliqué en préambule, il y aura n dictionnaires Dans les outils CAO, les modèles d’objets sont relativement
(Figure 2). Leur mise en réseau permettra de mettre en commun simples : mur, dalle, toiture, fenêtre, porte et leurs différentes par-
leur contenu (ou la partie qu’ils souhaitent mettre en commun) et, ties ne sont pas dissociées (ou faiblement).
si tous ces dictionnaires adoptent la même règle de description,
l’analyse des contenus (comparaison) en sera (informatiquement) C’est le cas, par exemple, des couches d’un mur associées à une
facilitée pour identifier les propriétés identiques, mais dans des notion de matériaux.
langues ou usages différents. Il sera alors possible de leur attri-
buer un identifiant unique.
Dans l’état d’avancement des travaux, il n’est pas encore pos- 1.5 Objets génériques
sible de définir qui gèrera cet identifiant unique : buildingSMART
avec bSDD, l’ISO…
Un objet générique est un modèle d’objet pour lequel des
Ce même processus permettra une traduction des propriétés valeurs seront associées à certaines des propriétés de sa caracté-
dans les langues des pays où elles seront validées. risation descriptive. Ces valeurs peuvent être fixes ou VARIABLES
(une plage de valeurs ou une liste de valeurs).

1.2 Les objets


Attention : un objet générique n’est pas synonyme d’objet
Une maquette numérique BIM est constituée d’un assemblage manufacturé dont on a enlevé le nom.
d’objets. La constitution de cette maquette numérique consiste à :
– manipuler des objets ;
– les lier les uns aux autres ; Certaines propriétés peuvent être interdépendantes, c’est-à-dire
– les paramétrer, c’est-à-dire à modifier certaines valeurs les que le choix d’une valeur de propriété peut contraindre, suivant
caractérisant par exemple leurs dimensions (dessin), leurs proprié- des règles, le choix des valeurs d’une autre propriété. On parle
tés techniques (thermique, acoustique, environnement…). alors d’« objet paramétrique ».
Dans le processus BIM (conception, études, construction, main-
tenance…), les descriptions géométriques et techniques de cer-
tains objets doivent pouvoir évoluer.
1.6 Générateur d’objets
Même dans les IFC, il existe actuellement un principe de biblio-
thèque d’objets, il n’est pas encore implémenté par les éditeurs de C’est une application développée autour de la caractérisation
logiciel. Par défaut, ce sont les objets en format natif est (.rfa pour géométrique d’un objet et qui va le générer en fonction des
Revit ou. gsm pour Archicad) qui sont utilisés. valeurs associées aux propriétés de sa caractérisation descriptive.
Ces objets pourront avoir des propriétés géométriques définies
1.3 Granulométrie des objets (par exemple une fenêtre de 1,5 × 2 m) ou indicatives (par
exemple un mur d’épaisseur 30 cm et de 1 × 2,5 m, mais dont les
Un objet peut être considéré, soit comme unitaire, soit comme largeur et hauteur définitives seront définies dans la maquette
composition d’autres objets ; dans ce cas, il définit un système. numérique).

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Figure 2 – Réflexions en cours sur un premier réseau de dictionnaires

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1.7 Objets algorithmiques – une caractérisation de ses parties : éléments de construction


planaires ayant une épaisseur constante (IfcBuildingElementPart) ;
(configurateurs) – l’association d’une phase du projet à un niveau de détail de
cette caractérisation géométrique (figure 4).
C’est un outil capable de sélectionner les composants d’un sys-
tème pour répondre aux besoins spécifiques d’un projet, et cela Chaque entité définie devra être nommée et décrite dans le dic-
en s’appuyant sur des règles de sélection et, éventuellement, des tionnaire (cf. groupe de propriétés au sens de la norme prEN ISO
règles de mise en œuvre propre au système (par exemple : calepi- 23386). Voir figure 5.
nage – figure 3).

2.2 Modèle informationnel du modèle


1.8 Les e-catalogues ou base de données d’objet (Data Template)
produits
L’utilisation de la norme prEN ISO 23386 permet de sémantiser
C’est une base de données d’objets génériques ou manufactu- l’objet et ses parties qui correspondent à la notion de groupe de
rés, unitaires ou systèmes. propriétés. Ce groupe devra être nommé et décrit suivant une liste
d’attributs.
À chacun des groupes seront ensuite associées des propriétés,
1.9 Échanges elles-mêmes décrites suivant une liste d’attributs.
Les propriétés peuvent être organisées en 2 groupes :
Les échanges peuvent se faire par :
– propriétés géométriques : nécessaires à l’interprétation CAO
– remplacement d’un objet par un autre. Dans ce cas, attention à (entité IFC, géométrie, représentation, classe objet…) ;
la cohérence : l’utilisateur doit être alerté (par exemple, risques – propriétés descriptives, par exemple des propriétés correspon-
géométriques) ; dant à des domaines métiers (structure, thermique, électrique…)
– ajout/modification de datas dans un objet préexistant, soit par
saisie manuelle, soit par une interface informatique (plugin / confi- Le niveau de détail de cette caractérisation informationnelle
gurateur) peut être associé à une phase projet.

Nota : Pas de modification géométrique = > vérification data géométrique et valeur de


la représentation géométrique.
L’échange de datas d’un « conteneur » vers un autre pose la question du référentiel de
2.3 Organisation des données dans
description (dictionnaire propriétés et groupes), c’est-à-dire la correspondance entre les un logiciel de CAO vs modèle IFC
propriétés de chacun des « conteneurs ».
Prenons l’exemple d’un objet système Mur, composé d’objets
unitaires couches.

2. Implémentation en IFC Les couches sont associées à un matériau et les propriétés sont
portées par les matériaux (figure 6).
Standard Case (sémantique Dans la suite du texte, les entités de type IfcWall, IfcSlab, etc.,
sont décrites dans la norme EN ISO 16739, à laquelle vous pourrez
IFC) – Modèles d’Objets Mur vous référer : http://www.buildingsmart-tech.org/ifc/IFC4/Add2TC1/
– Plancher – Toiture html

2.4 IfcWall, ifcSlab, ifcRoof


2.1 Définitions
Le domaine de l’enveloppe dans les IFC et les logiciels de CAO
On caractérise un modèle d’objet Mur-Plancher-Toiture (IfcWall- utilisent 3 classes d’objets :
IfcSlab-IfcRoof) par : – mur = ifcWall (6.1.3.46, 6.1.3.47, 6.1.3.48, 6.1.3.49) ;
– une caractérisation géométrique de l’objet (IfcBuildingEle- – plancher = ifcSlab (6.1.3.38, 6.1.3.39, 6.1.3.40, 6.1.3.41) ;
ment) ; – toiture = ifcRoof (6.1.3.34, 6.1.3.35).

Configurateur Détails

Figure 3 – Objet algorithmique – Calepinage

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BIM et conception intégrée


Interopérabilité et optimisation
de la performance environnementale

par Emmanuel BOZONNET


Maître de conférences
LaSIE UMR CNRS 7356 – Université de la Rochelle (France)
Cécile JOLAS
Chef de projet – Tipee, Lagord (France)
et Jérôme LE DREAU
Maître de conférences
LaSIE UMR CNRS 7356 – Université de la Rochelle (France)

1. Contexte..................................................................................................... C 3 206 - 2
1.1 Enjeux de la numérisation de la filière bâtiment
pour une conception intégrée.................................................................... — 2
1.2 Standards pour la maquette numérique du bâtiment
et ses composants ...................................................................................... — 3
2. Maquette numérique pour l’interopérabilité ................................... — 9
2.1 Standardisation pour l’interopérabilité – Solutions existantes
et en développement .................................................................................. — 9
2.2 Règles et méthodes expertes ou métier ................................................... — 12
3. Optimisation multicritère pour la conception experte................. — 16
3.1 Algorithmes d’optimisation – Objectifs et processus .............................. — 16
3.2 Définitions générales des algorithmes, paramètres et objectifs
d’optimisation ............................................................................................. — 18
3.3 Algorithme d’optimisation par algorithme génétique appliqué
à des maquettes numériques de bâtiment ............................................... — 20
4. Perspectives et évolutions ................................................................... — 23
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. C 3 206

e développement de la maquette numérique de bâtiment répond au besoin


L de numérisation de la filière bâtiment. La structuration des données s’est
accompagnée d’une démarche de standardisation développée depuis le milieu
des années 1990 pour aboutir au format normalisé de données autour d’un
modèle 3D de bâtiment.
Dans cet article sont abordées l’émergence et les perspectives liées à ces
technologies, en particulier pour de nouvelles méthodes de conception dans
un contexte d’exigences accrues de performance environnementale et énergé-
tique des bâtiments.
Par exemple la future réglementation des bâtiments neufs sur la performance
environnementale introduit l’impact carbone associé. L’expérimentation E+C–,
depuis 2016, préfigure cette norme de bâtiment à énergie positive et à faible
impact environnemental.
La définition des classes d’objets complexes et des ontologies associées
Parution : novembre 2018

favorise le développement de l’interopérabilité logicielle et, à terme, de


l’automatisation et de la fiabilité de la saisie de données dans des logiciels

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BIM ET CONCEPTION INTÉGRÉE _______________________________________________________________________________________________________

métiers du bâtiment. Cette automatisation autour de la maquette numérique,


ou processus BIM (Building Information Modeling), ouvre également des pers-
pectives à plus long terme d’analyse paramétrique ou d’optimisation
multicritère et multimétier (ex : coût global, énergie, impact environnemental).
Durant les phases de conception, l’automatisation des procédures peut per-
mettre de tester et d’anticiper les contraintes de réalisation, les interactions
entre lots de travaux et avec des niveaux plus élevés de détails que dans la
démarche traditionnelle. Ajoutée à la capitalisation et à la fiabilisation des
saisies de données, ces méthodes en développement autour du BIM doivent
permettre de concevoir des bâtiments performants énergétiquement dans les
meilleurs compromis de coût.
L’échange centralisé des données fait progressivement évoluer l’organisation
des phases, depuis l’esquisse jusqu’au projet finalisé, puis du chantier à la
réception et à l’exploitation de l’ouvrage.

1. Contexte ■ Conception intégrée et design optimisé


La convergence et la centralisation de la représentation de ces
éléments dans une maquette numérique répond à une demande
d’approche intégrée pour faire face à des contraintes multicritères
1.1 Enjeux de la numérisation de la filière et de compétitivité, ainsi que des exigences réglementaires crois-
bâtiment pour une conception intégrée santes de performance environnementale.
La notion de conception intégrée de bâtiment a été dévelop-
L’utilisation des outils informatiques pour la conception des pée en particulier pour favoriser la recherche de design opti-
bâtiments s’est développée avec les outils de dessin (DAO) et de misé [1]. La prise en compte en amont du projet d’un niveau de
simulation dédiée aux différents métiers et, en particulier, pour : détail suffisant est souligné par de nombreux auteurs comme
– l’énergétique du bâtiment ; Handler [2] en 1970 : « It has been found that a host of factors,
once not even considered, must be taken into account in the
– l’analyse du cycle de vie ; designing of buildings. And, with the advanced technology,
– les études acoustiques ; knowledge, and living standards, their number is continually
– le calcul des structures ; being augmented ».
– la planification ; Au regard de l’importance des choix, dès la phase d’esquisse
– le calcul de coût global. du projet et du coût des modifications au court des phases de
conception et de construction, voire les coûteuses corrections en
Pour chacun de ces outils métier, des représentations informa- phase exploitation, les outils associés à la maquette numérique
tiques spécifiques des éléments d’ouvrage et des données asso- doivent permettre d’atteindre un niveau de détail plus complet et
ciées ont été conçues dans des formats différents. plus précis au plus tôt tel que schématisé figure 1.

Effort (en %)

Coût relatif
des modifications
Efficacité
relative
des décisions

Choix
constructifs
Conception
intégrée Choix
constructifs
Conception

Temps
Programmation Avant-projet Projet Chantier Exploitation
Esquisse

Figure 1 – Schématisation de l’efficacité relative des choix constructifs et des phases de conception d’un ouvrage appelée aussi « courbe de
MacLeamy » (architecte américain et président de BuildingSmart International)

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________________________________________________________________________________________________________ BIM ET CONCEPTION INTÉGRÉE

■ Coûts effectifs par manque d'interopérabilité ■ Perspectives de développement


On notera également qu’une étude de la FFB, réalisée dans le Aussi, la numérisation de la filière bâtiment représente des
cadre du projet Expert entre 2009 et 2010, a permis de caractériser enjeux pour la qualité de construction et de compétitivité avec des
les coûts effectifs dû à l’absence d’interopérabilité chez les acteurs perspectives de développement à plusieurs niveaux :
du bâtiment. Tout en faisant référence à une étude similaire – la gestion et la mise en commun des données :
menée aux États-Unis par le NIST et datant de 2004, de l’étude • les éléments d’ouvrages en lien avec les bases de données
Expert il ressort que les coûts des défauts d’interopérabilité produits,
s’élèvent à 35 €/m2 pour les entreprises et à 2,30 €/m2/an pour les
gestionnaires de patrimoine. • la maquette numérique comme base de données 3D com-
mune aux acteurs de la construction,
Pour les entreprises, 41 % de ce coût réside dans un gain de • l’enrichissement des données initiales par les simulations, les
temps potentiel sur une opération moyenne si toutes les informa- résultats de dimensionnement, ou les choix constructifs ;
tions étaient interopérables. 25 % du coût provient des ressaisies
manuelles des informations. – la fluidification de la gestion des données vers et depuis les
logiciels experts par le développement d’outils interopérables ;
Pour les gestionnaires, 94 % du coût correspond à des proces- – l’automatisation pour l’étude paramétrique de choix construc-
sus inadéquats. Le cas de la rénovation n’était pas traité dans tifs ou l’optimisation multicritères et l’utilisation dans des
cette étude. Par conséquent, il s’agit avant tout de fiabiliser les démarches d’aide à la décision.
connaissances du patrimoine et les échanges entre les acteurs, en
Ce besoin d’une conception de type intégrée s’est déjà partielle-
dehors de la notion de phase associée.
ment développé dans des outils spécifiques en dehors des stan-
■ Concernant la conception d’un ouvrage dards internationaux du BIM, comme dans l’exemple ci-après.

Les difficultés d’anticipation des choix constructifs sont liées Exemple d’approche de conception intégrée pour la maison
en partie au phasage du projet, schématisé figure 2a, qui est individuelle
traditionnellement très partitionné avec l’intervention de La consultation et le travail collaboratif de différents experts
bureaux d’étude experts par domaines de compétences, fluide peuvent se révéler coûteux et difficiles à mettre en œuvre pour des
ou structure par exemple, mais aussi des étapes importantes de petites opérations de construction comme, par exemple, le domaine
synthèse et de choix avec la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise de la maison individuelle (MI). Pourtant ce secteur, qui comprend
d’œuvre. environ 3 500 entreprises en France, fait face à des exigences crois-
Dans cette approche, chacun des partenaires reconstruit son santes de qualité de la construction, de performance énergétique et
modèle de données sur la base d’informations diffuses dans des de qualité environnementale avec le défi de rester compétitif et de
formats très variés. répondre aux exigences architecturales des clients.
On trouve ainsi différents outils d’aide à la conception intégrant la
L’évolution de la conception centrée autour du BIM, telle que
conception architecturale 3D et les calculs de métrés, comme dans
représentée figure 2b, permet de centraliser l’information dans un
l’exemple illustré figure 3a [3]. On retrouve dans un même outil la
formalisme commun compréhensible par tous les corps de
possibilité de concevoir des espaces intérieurs et de réaliser le calcul
métier. Les données communes aux outils experts sont actuali-
de coût global de construction, associé aux matériaux et à des bases
sées pour tous de la même façon, avec normalement moins de
de données pour la main d’œuvre.
temps et d’erreurs de saisie, et les choix de conception issus de
ces outils sont mutualisés dans la maquette. En intégrant, de plus, la contrainte de respect de la réglementation
thermique ou des objectifs de label de performance, les combinai-
Cependant, les outils experts nécessitent généralement d’autres sons de choix des isolants et autres composants d’enveloppe sont
données satellites non intégrées au BIM. Les choix constructifs se déterminantes et doivent passer par un calcul énergétique.
font alors par étapes de niveaux de développement (Level Of
Les objectifs de performance globale maximum et de coût mini-
Development LOD, combinaison d’un niveau de détail et d’infor-
mum sont contradictoires et un outil de conception intégrée est ici
mation), mais capitalisés dans un formalisme commun à tous et
avantageux pour concevoir des solutions sans itérations entre les
exploitable par la suite par le maître d’ouvrage.
outils coût et énergétique. Un modèle intégré tel que schématisé
Cette transformation de la conduite de projet peut évoluer vers figure 3b a été ainsi testé [3] et le développement d’outils adaptés au
une conception dite « intégrée », telle que schématisée figure 2c, secteur de la maison individuelle peut, en particulier, s’envisager avec
avec des échanges, non plus séquentiels, mais interdisciplinaires, des procédures réglementaires simplifiées comme le Titre IV de la
au sein même des équipes de conception. réglementation thermique RT 2012 (https://www.rt-batiment.fr).
L’approche de conception intégrée est néanmoins ici limitée à des
outils tout en un et l’enjeu dans ce secteur reste d’intégrer les stan-
La conception intégrée de bâtiments vise à intégrer les dards de la maquette numérique.
contraintes et les résultats interdépendants dans les phases de
dimensionnement et de choix constructifs propres à chaque
domaine d’expertise. Le développement de cette démarche est 1.2 Standards pour la maquette
favorisé, à la fois par la mutualisation des données autour du
BIM et par des règles d’interopérabilité entre outils experts qui numérique du bâtiment
nécessitent le développement d’outils de cosimulation et d’aide et ses composants
à la décision.
L’interopérabilité nécessite à la fois la standardisation des don-
Elle doit inclure donc aussi les contraintes et les besoins de nées et le respect de règles de modélisation et de structuration
la maîtrise d’ouvrage et doit permettre d’obtenir une meilleure des données présentés dans cette partie.
cohérence des alternatives lors des phases de choix.
Elle peut également permettre d’explorer un plus large éven-
tail de solutions alternatives, cohérentes avec le programme du 1.2.1 Standardisation des maquettes
projet si les opérations d’interopérabilité sont automatisées, et format IFC
avec par exemple des analyses paramétriques ou des proces-
Des approches de standardisation des modèles de bâtiment ont
sus d’optimisation.
été initiées par différents acteurs et avec différents objectifs.

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Consultations Conception Consultations


Décisions par domaines Décisions

Ing. Fluides

Architecte Ing. Structure Architecte

Maîtrise Économiste Maîtrise


d’ouvrage d’ouvrage

Environnement

a phases d’avant-projet en conception traditionnelle


Stru

Struc
PR
ct

t
o

o
AP
Ec

Ec
Q
ES

Fluid Fluid
e e
BIM
manager BIM
Env Env

A
A

O
O

M
M
Arch

Arch
i

b conception centrée sur le BIM c conception intégrée multimétiers

Figure 2 – Illustration de l’évolution de la gestion de projet de construction autour du BIM et, à terme, par une intégration plus forte des cri-
tères de conception multimétiers en phase conception et en amont des phases de décision / consultation

On peut notamment citer les trois formats standards suivants différents formats traduisent également des besoins divergents et
qui permettent de référencer les données du bâtiment en 3D : les limitations des formats.
– au niveau du bâtiment, le format IFC (Industry Foundation
À titre d’exemple, on peut citer la contrainte du GbXML qui (à
Classes) est développé depuis 1996 pour représenter sous une
ce jour) ne supporte que des pièces rectangulaires et la limita-
forme hiérarchique spatiale les différents composants d’un bâti-
tion de l’IFC qui intègre généralement le faux-plafond dans la
ment ;
zone thermique.
– sur la thématique de l’énergétique du bâtiment, le format
GbXML (Green Building XML) a émergé dans les années 2000 pour
faciliter le transfert de données entre les outils DAO et les outils Concernant l’IFC et le format CityGML, la principale différence
métiers d’énergétique du bâtiment ; vient de la représentation des composants d’enveloppe, qui sont
– au niveau du quartier et de la ville, le format CityGML est uti- des objets dans le format IFC et des attributs du local dans le
lisé depuis 2002 pour représenter des modèles 3D de villes et pay- CityGML.
sages (GIS), les bâtiments étant représentés par des objets
connectés à des infrastructures. Le format IFC reste cependant privilégié pour centraliser les don-
nées du bâtiment du fait de sa maturité et de ses évolutions
Ces initiatives parallèles montrent le besoin de standardisation constantes (à la fois dans la définition des composants et dans son
des données pour favoriser le dialogue entre les intervenants. Ces intégration de nouveaux domaines tel l’infrastructure).

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BDD
BDD
Composants
Typologie MI
d’enveloppe

user
Choix Choix
architectural mode constructif
ch
user
oi
x

Design
général
BDD
Produits
de construction Design
détaillé

Génération Métrés
de plans détaillés


Plans
de construction Coûts

a BDD : base de données ;


BBIO : Besoin Bioclimatique

BDD
BDD
Composants
Typologie MI
d’enveloppe
user

Choix Choix
architectural mode constructif

Design BDD
général Produits
de construction

Design BEM
détaillé Building Energy Model

Génération Métrés Simulation


de plans détaillés énergétique


Plans
Coûts BBIO
de construction

Figure 3 – (a) Exemple de conception intégrée architecturale et coût pour le secteur de la maison individuelle (MI) et (b) en intégrant également
le calcul thermique

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Bâtiment 4.0
Enjeux, concepts et technologies
par Karim BEDDIAR
Responsable Régional Recherche et Innovation à CESI,
Titulaire de la chaire « Ville du futur et économie circulaire » CESI-ESSOR

1. Éléments introductifs................................................................................. C 3 207 - 2


1.1 Industrie du futur ............................................................................................ — 2
1.2 La construction : une industrie en profonde mutation ................................ — 2
2. Le concept du « bâtiment » 4.0 .............................................................. — 3
2.1 Un bâtiment évolutif et réversible ................................................................. — 3
2.2 Un bâtiment intelligent simplifié pour les usagers ...................................... — 3
2.3 Un bâtiment intelligent pour l’exploitant grâce au « jumeau
numérique » .................................................................................................... — 5
2.4 Un bâtiment intelligent pour le promoteur grâce à une architecture
logicielle multiservices ................................................................................... — 5
2.5 Un bâtiment à économie positive pour une meilleure valorisation ........... — 6
3. Concepts, outils et technologie du bâtiment 4.0 .............................. — 7
3.1 Nouveaux modes constructifs ....................................................................... — 7
3.2 Nouveaux outils de management de projet ................................................. — 8
3.3 Nouvelles technologies .................................................................................. — 10
4. Conclusion et perspectives ...................................................................... — 12
5. Glossaire ........................................................................................................ — 12
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. C 3 207

elon l’ONU, la population mondiale augmentera de 2,5 milliards de per-


S sonnes d’ici 2050. Les professionnels du bâtiment devront donc faire face
à une explosion de la demande de logements de bonne qualité, à prix bas, res-
pectueux de l’environnement, etc. Les besoins en infrastructures privées et
publiques vont également augmenter rapidement dans les villes.
Pour relever ce défi, le domaine de la construction a une obligation de se
transformer. Cette transformation passe nécessairement par l’industrialisa-
tion de la filière permettant une forte amélioration de la productivité et de
l’efficacité grâce à la numérisation, aux technologies innovantes issues de
l’industrie 4.0 et aux nouvelles techniques de conception, de construction et
d’exploitation de l’environnement bâti. C’est le concept de la construction 4.0.
Cet article a pour ambition d’aider les lecteurs, s’intéressant au bâtiment 4.0,
à avoir une grille de lecture leur permettant d’appréhender les enjeux, les
concepts, les technologies, ainsi que les impacts de cette révolution indus-
trielle sur le bâtiment.
L’article est construit en trois parties complémentaires :
– une partie introductive présentant les enjeux et défis auxquels le bâtiment
fait face aujourd’hui, ainsi que la nécessité de l’industrialisation du bâtiment ;
– une deuxième partie explicitant ce que nous entendons par le bâtiment 4.0 ;
Parution : novembre 2020

– une troisième partie passant en revue les différentes méthodologies, outils


et technologies nous permettant de mettre sur pied le bâtiment 4.0

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BÂTIMENT 4.0 _____________________________________________________________________________________________________________________

1. Éléments introductifs Ce retard du secteur de la construction est probablement lié en


grande partie au produit particulier, unique par nature, qu’est le
bâtiment, mais aussi à des dysfonctionnements du secteur. À cela
se rajoute un fonctionnement en silo avec une faible intégration
1.1 Industrie du futur des sous-traitants dans la réflexion des donneurs d’ordres sur
l’amélioration de leur productivité (à la différence de l’automobile
L’industrie a connu plusieurs révolutions dont la plus importante ou de l’aéronautique), mais aussi du fait du sous-investissement
dans la deuxième moitié du 18e siècle. La première révolution du secteur dans les nouvelles technologies. L’institut Gartner
industrielle est l’exploitation du charbon avec l’invention de la indique ainsi que le secteur de la construction arrive derrière les
machine à vapeur en 1769. Une seconde révolution est arrivée services gouvernementaux et juste devant l’agriculture et la chasse
avec l’avènement de l’électricité, la mécanisation et le développe- dans le classement des industries en termes d’investissements
ment du transport à la fin du 18e siècle. Quant à la troisième révo- technologiques.
lution, elle a lieu au milieu du 20e siècle grâce à l’électronique, les Cette baisse de la productivité par rapport au reste de l’écono-
télécommunications ou encore l’informatique. mie expose le secteur au risque de ne plus savoir répondre aux
Nous assistons à la convergence de la production industrielle besoins des États développés. Et ainsi de courir le risque d’être
avec les TIC (Technologies de l’information et de la communica- disrupté, i.e. remplacé par des acteurs légitimes… ou inattendus.
tion). Ce concept préfigure une quatrième révolution industrielle Pour faire face à cette situation de fragilité (en particulier dans le
(appelée également « l’industrie du futur »).
tertiaire), le secteur de la construction doit se saisir de la transition
La nouvelle révolution est fondée sur l’usine connectée, basée sur numérique actuelle et en faire une alliée de taille pour doper sa
l’interconnexion des machines et des systèmes au sein des sites de productivité, répondre aux défis climatiques et diviser (par cinq) sa
production, mais aussi entre eux et à l’extérieur. Les entreprises consommation d’énergie dans les décennies à venir. L’immobilier
doivent s’adapter à ce changement rapide si elles ne veulent pas être pourrait ainsi proposer un nouveau modèle économique à travers
dépassées par les développements du secteur et par leurs concur- un bâtiment agréable, favorisant le blurring (figure 3) et reposant
rents. La figure 1 [1] présente de manière plus détaillée les grandes sur les progrès technologiques issus de l’industrie 4.0 (intelligence
caractéristiques des quatre grandes révolutions industrielles. artificielle et l’Internet des objets, BIM connecté,…)
Grâce aux percées des TIC mobiles et de la robotique, les techno- Dans la suite nous allons essayer de définir ce que nous enten-
logies numériques sont de plus en plus utilisées dans les usines du dons par « bâtiment 4.0 ».
monde entier. Cette transformation, est appelée « industrie 4.0 » ou
« 4e révolution industrielle ». Dans son rapport [2] d’avril 2015 sur ce Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur les quatre leviers
sujet, le Boston Consulting Group décrit neuf technologies fondamen- identifiés ci-dessus et, en tenant compte de la transition énergé-
tales : Big data, Robotisation, Simulation 3D, Systèmes d’intégration tique à laquelle le bâtiment doit apporter sa juste part, nous vou-
horizontaux et verticaux, l’Internet industriel des objets, Cyber- lons décrire une nouvelle proposition de valeur, et concevoir « un
sécurité, Cloud, Fabrication additive, Réalités virtuelle et augmentée. bâtiment où on est mieux qu’ailleurs ».

1.2 La construction : une industrie À retenir


en profonde mutation – Le secteur de la construction vit actuellement une profonde
Le bâtiment voit sa productivité horaire baisser dans les pays mutation.
aux économies avancées depuis plusieurs décennies (figure 2). – Les technologies de l’industrie 4.0 est une chance pour
Ainsi la valeur ajoutée d’un ouvrier sur chantier a chuté d’environ construire un bâtiment intelligent, résilient, frugal et respectueux
20 % durant les 20 dernières années [3]. de l’environnement.

vers 1780 vers 1870 vers 1970 vers 1980 aujourd’hui


Industrie 1.0 Industrie 2.0 Industrie 3.0 Industrie 3.5 Industrie 4.0

Mécanisation Électrification Automatisation Mondialisation Numérisation

Production Production Automatisation Transfert de Introduction


industrielle au de masse grâce grâce à l’électronique la production vers des technologies
moyen de machines aux chaînes et à l’informatique des pays à faibles numériques
fonctionnant à l’eau de montage coûts grâce à une
et à la vapeur réduction des coûts
de communication et
de conteneurisation

Figure 1 – Révolutions industrielles au fil des siècles (Source BDC)

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______________________________________________________________________________________________________________________ BÂTIMENT 4.0

(ou vice-versa), des bâtiments de logement qui sont devenus ter-


tiaires, des colisées qui sont devenus des places, des couvents qui
sont devenus des hôtels, etc. C’est notamment cette adaptabilité à
110
Baisse cumulée de la productivité de nouvelles fonctions qui permit de prolonger le temps de vie des
dans la construction de 19,3 % bâtiments.
105
en France depuis 2001 Récemment, et en particulier après la Seconde Guerre, l’écono-
100 mie basée sur le pétrole a rendu financièrement plus intéressant
de refaire plutôt que d’adapter ou de réutiliser, ce qui a rendu
95 l’industrie de la construction moins durable qu’auparavant.
Mais, les ressources naturelles étant limitées et les besoins pro-
90
grammatiques évoluant plus vite que la construction neuve, il est
85
indispensable de trouver un nouveau mode constructif. Nous devons
retourner aux basiques, qui se basaient sur l’adaptation et la réutilisa-
80 tion et qui s’inséraient dans une approche durable de la construction.
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
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2011
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2015
2016
2017
2018
Les Constructeurs et les promoteurs s’intéressent depuis de nom-
breuses années à la réversibilité des espaces de bureaux en loge-
Valeur ajoutée brute par heure travaillée (à prix constants) dans la construction en France
Unité : indice base 100 en 1995 (période 1995-2018) / Source : Xerfi d’après OCDE Stat ment (exemple : le concept Conjugo (Vinci construction), IDI (Icade),
OSH (Bouygues construction), etc. Ces offres ne semblent cepen-
dant pas avoir le développement escompté faute, à ce jour, d’un
Figure 2 – Baisse de productivité dans le secteur de la construction marché réceptif.
en France ©Observatoire de la construction tech® Source : Xerfi
d’après OCDE Stat
Exemple
Le bâtiment réversible ayant eu le plus grand succès commercial
est sans doute l’immeuble haussmannien : une hauteur libre inégale
2. Le concept d’un étage à l’autre mais comprise entre 2,60 m et 3,20 m, une pro-
fondeur de 10 à 13 m, et une surface vitrée atteignant 50 % de la
du « bâtiment » 4.0 façade avec une trame de 3,20 m.

La réversibilité peut être également mise en place via de la


Le terme « bâtiment 4.0 » est émergent et est encore très peu construction modulaire. Ce mode constructif issu de l’industrie
utilisé dans la littérature. Il s’inspire de l’industrie 4.0 telle que parait indispensable pour relever le défi de la productivité dans
définie plus haut. le BTP.
Le bâtiment 4.0 doit être flexible, réversible, fiable et intensément Cette adaptabilité du bâtiment est actuellement grandement
utilisable grâce à la transition numérique. Nous décrirons dans la facilitée et optimisée grâce aux nouveaux outils technologiques
suite la conception et le fonctionnement d’un tel bâtiment [4]. issus de l’industrie 4.0. Nous revenons sur ce concept plus tard
dans cet article.

2.1 Un bâtiment évolutif et réversible


2.2 Un bâtiment intelligent simplifié
La réversibilité et l’évolutivité sont des concepts qui ont tou- pour les usagers
jours existé dans l’architecture. Nombreux sont les exemples de
bâtiments existants dont la forme s’est adaptée à une nouvelle
L’objectif ici est d’offrir aux occupants, un bâtiment multi-
fonction avec un minimum de changements architecturaux.
preneurs et simplifié quant à son utilisation au quotidien. Nous
On peut citer, à titre d’illustration, des temples grecs qui sont décrivons ci-dessous quelques leviers sur lesquels nous pourrions
devenus des églises, des églises qui sont devenus des mosquées agir pour y parvenir.

Figure 3 – Le blurring à l’exemple de Shanghai Baoye Center (Chine) ©Lycs Architecture

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La construction hors-site :
un nouveau paradigme
dans l’acte de construire

par Emna ATTOURI


Ingénieure recherche et developpement – Bouygues Bâtiment Grand Ouest
Karim BEDDIAR
Responsable Régional Recherche et Innovation à CESI et titulaire de la chaire
« Construction industrialisée et hors-site, pour l’humain et l’environnement » AVELIS-CESI
et Pascal CHAZAL
CEO Groupe Hors-site

1. La construction : un secteur en pleine mutation ........................... C 3 213 - 2


2. De la construction industrialisée au hors-site ................................ — 3
2.1 La construction industrialisée .................................................................... — 4
2.2 Terminologies employées.......................................................................... — 5
3. La construction hors-site ...................................................................... — 6
3.1 Construction hors-site et projets de construction .................................... — 7
3.2 Construction hors-site et chantiers............................................................ — 7
3.3 Avantages et inconvénients de la construction hors-site ........................ — 8
4. Outils et méthodes de la construction hors-site ............................ — 9
5. Étude de cas : projet Catalpa (Bouygues Construction) .............. — 11
5.1 Conception................................................................................................... — 11
5.2 Fabrication à l’usine.................................................................................... — 12
5.3 Assemblage ................................................................................................. — 12
5.4 Démarche logistique................................................................................... — 14
5.5 Avantages de la construction modulaire sur les chantiers Catalpa........ — 14
6. Conclusion................................................................................................. — 15
7. Sigles, notations et symboles.............................................................. — 15
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. C 3 213

a construction utilise plus de la moitié des ressources de la planète, elle


L génère le flux de déchets le plus important au monde. Elle est inscrite dans
une économie linéaire : on identifie un besoin, on conçoit le bâtiment, avec
une vision somme toute assez définitive. Les adages suivants sont toujours
d’actualité : « investir dans la pierre », « construire en dur »...Faut-il encore
penser la construction comme au 19e siècle ? La population était alors de
1,5 milliards pour 7,5 milliards aujourd’hui, et plus de 10 milliards annoncés
en 2050. Demande grandissante, ressources limitées, nous devons apprendre à
être frugaux et faire plus avec moins : entrer dans une économie circulaire est
une nécessité absolue.
Parution : novembre 2021

Depuis des millénaires, l’homme utilise pour construire son habitat les maté-
riaux trouvés proches du lieu de construction, dans une économie parfaitement

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LA CONSTRUCTION HORS-SITE : UN NOUVEAU PARADIGME DANS L’ACTE DE CONSTRUIRE _______________________________________________________

circulaire, avec l’utilisation de la pierre, ou du bois. Quand le bâtiment devient


trop vieux, on réemploie les matériaux de manière très vertueuse pour une
nouvelle construction.
Après la seconde guerre mondiale, il a fallu reconstruire beaucoup et rapide-
ment, le béton s’est imposé dans la plupart des pays occidentaux comme le
matériau de construction par excellence. La culture ancestrale de la pierre, du
bois et de la terre, est devenue celle du béton, mais l’organisation est restée :
centrée sur le chantier !
Cet article est construit en plusieurs parties complémentaires. Après une
introduction, nous présentons la construction industrialisée et hors-site. Nous
présenterons ensuite les différents modes constructifs inhérents au hors-site.
Un focus sera opéré ensuite sur les outils technologiques mobilisés et enfin
nous adressons brièvement les avantages et les points d’améliorations de ce
mode constructif.
La construction hors-site représente une solution pragmatique et pertinente
pour relever le défi de la productivité et réussir la transition environnementale
et numérique que traverse notre secteur.
Notre objectif dans cet article est de mieux vous faire comprendre cette révo-
lution en cours et notamment en France. Le sujet étant vaste et complexe, par
voie de conséquence, la vision présentée ici sera, bien entendu, non exhaus-
tive et ne couvrira pas tous les champs mobilisés par ce sujet pluridisciplinaire. Le
lecteur intéressé pourra se référer à l’ouvrage « construction hors-site » co-écrit
par Beddiar et al. paru en 2021 (édition Dunod).

1. La construction : nières années montre déjà que les ouvriers qualifiés ne sont plus
là et que les difficultés vont s’accélérer.
un secteur La crise de la Covid-19 va sans aucun doute encore accélérer le

en pleine mutation mouvement et les difficultés : comment gérer sur le chantier les
bonnes conditions sanitaires ? Les ouvriers étrangers vont-t-ils
pouvoir continuer à venir travailler sur nos chantiers ?
Pendant les Trente Glorieuses, la construction a plutôt bien Pour résumer, les ressources se raréfient, les bâtiments
répondu aux besoins, sans se préoccuper trop de l’environnement deviennent de plus en plus complexes, la main d’œuvre qualifiée
de l’architecture et des usages. Mais, depuis les années 2000, les disparaît et enfin nos façons de faire ne changent pas ou très peu.
enjeux environnementaux, conjugués aux exigences de qualité, Il est logique que notre productivité ne réponde plus aux enjeux
ont imposé de très fortes contraintes ; les opérations immobilières du 21e siècle !
et les bâtiments sont au fil du temps devenus complexes, pour- Et si la solution venait de la construction hors-site ? En tous cas,
tant, l’organisation des métiers n’a pas évolué et fonctionne tou- c’est déjà le cas dans certains pays comme Singapour ou le
jours en silo (maître d’ouvrage, maître d’œuvre, bureau d’étude Royaume-Uni. Tout porte à croire que ce mode constructif est une
technique, entreprises…), et ceci, comme il y a 50 ans quand les alternative très efficiente pour relever le défi à venir en matière de
bâtiments étaient simples. construction.
Les résultats en sont une productivité en baisse, là où les autres L’industrie de la construction s’intéresse de plus en plus à l’éla-
industries ont fait des progrès remarquables, nous proposant des boration des nouvelles méthodes de construction qui permettent
produits, automobiles, mobilier, électroménager, de plus en plus d’améliorer la productivité et la qualité, qui tiennent compte de
qualitatifs et de plus en plus accessibles financièrement, la construc- l’environnement, qui font un meilleur usage d’une main-d’œuvre
tion fait le contraire, la qualité se dégrade et les bâtiments sont de en déclin et qui offrent des cycles de construction plus courts
plus en plus chers ! (figure 1). Comme alternative aux pratiques de construction
conventionnelles, on se fie de plus en plus à la construction hors-
Pour le client, public ou privé et surtout pour l’utilisateur final, site. L’expansion de la classe moyenne entraîne une demande
les constructions ne sont plus à la hauteur des attentes, ni en qua- accrue de logements, et la classe ouvrière offre moins de travail-
lité, ni en délais de réalisation, ni en prix, laissant sur la touche de leurs qualifiés pour construire ces bâtiments. En conséquence,
nombreuses familles qui ne peuvent avoir accès à un logement l’industrie de la construction a dû repenser ses processus, s’inspi-
digne. rant de l’industrie manufacturière. La construction hors-site, la
Les entreprises de construction, dégagent des marges bien fabrication assistée par ordinateur, la robotisation et la digitalisa-
insuffisantes pour investir ou faire de la R&D et reposent sur une tion en vue d’une construction en masse customisée et personna-
organisation de chantier très dépendante de la bonne qualité de la lisée sont beaucoup plus pertinentes aujourd’hui qu’aucun d’entre
main d’œuvre ; malheureusement nous voyons, dans tous les nous ne l’aurait prévu il y a seulement 10 ans.
métiers du bâtiment, la raréfaction de la main d’œuvre qualifiée La construction hors-site, comme nous allons y revenir plus
qui part à la retraite et n’est pas remplacée par les jeunes peu tard, est la pratique consistant à fabriquer des composant du bâti-
enclins à se tourner vers ces métiers difficiles ; la crise de 2008 a ment dans une usine, transporter des ensembles ou bien des
masqué un peu ce phénomène, mais le redémarrage des der- sous-ensembles sur le chantier où le bâtiment doit être situé. Les

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_______________________________________________________ LA CONSTRUCTION HORS-SITE : UN NOUVEAU PARADIGME DANS L’ACTE DE CONSTRUIRE

Figure 1 – Cinq fois plus de temps pour construire aujourd’hui, pourquoi ? (source : Pascal Chazal)

outils numériques actuels (e.g. le BIM) permettent à ce mode très forte – mais doit pouvoir varier suffisamment pour pouvoir
constructif d’être plus efficient sur le plan qualitatif, architectural, être adaptée aux différents lieux et usages.
écologique et économique. Pour optimiser les coûts et réduire l’effort, la standardisation a
Plusieurs termes sont utilisés pour décrire cette méthode de pourtant été utilisée de tous temps. Les grecs ont largement uti-
construction (cf. § 3.2). La simple construction hors site appelée lisé la standardisation pour construire, le Parthénon en est un
aussi « préfabrication » n’est pas suffisante pour tirer pleinement magnifique exemple, les colonnes, les frontons, les frises sont
parti des avantages de ce nouveau concept en termes de coût et standardisées.
de productivité. Il faut optimiser le choix des matériaux, trouver la Au XIIe siècle, les cahiers de Villars de Honnecourt montrent
bonne combinaison de panneaux 2D, de modules 3D, et surtout que, pour économiser la sueur et l’argent, la standardisation était
maîtriser et résoudre les défis liés à la conception, la fabrication, utilisée pour tailler parfaitement les pierres des cathédrales
la technologie, la logistique et l’assemblage. gothiques. Pour tailler une belle pierre, il fallait réaliser un gabarit,
celui-ci était fort coûteux et, pour amortir son coût, on avait appris
à standardiser, les rosaces des vitraux étaient par exemple réali-
À retenir sées avec un minimum de types de pierres (figure 2).

– Le monde de la construction fait face à de nombreux défis : Celles-ci étaient par ailleurs préfabriquées, car taillées à la car-
baisse de productivité, baisse de marge, manque de main rière. Il est en effet moins coûteux de transporter une pierre taillée
d’œuvre qualifiée… qu’un gros bloc de pierre.
– Nous sommes devant un changement structurel du monde On peut également parler du Baron Haussmann. Chez Haussmann,
de la construction. tout est codifié, y compris les balcons qui n’ont droit de cité
– L’industrialisation de la construction semble est inévitable. qu’aux deuxième et cinquième étage.
Produire en usine, c’est produire dans de meilleures conditions. « … Rez-de-chaussée et entresol avec mur à bossage, deuxième
étage « noble » avec un ou deux balcons, troisième et quatrième
étage dans le même style mais avec des encadrements de fenêtre
moins riches, cinquième étage avec balcon filant, sans décora-
2. De la construction tions, combles avec pente à 45°… »

industrialisée au hors-site
Nous pouvons sans aucun doute attribuer le rejet de toute standar-
disation dans la construction aux années d’après-guerre. La recons-
truction de la France pendant les Trente glorieuses a, sans aucun
doute, utilisé à outrance, la standardisation. Les grandes barres des
Il est courant de confondre « préfabrication » et « industrialisa- HLM de banlieue, les « Chalandonettes », les piscines tournesol, ont
tion ». Il est possible de préfabriquer nos bâtiments, nous pou- poussé comme des champignons, tous identiques quelles que soient
vons ainsi réduire les délais de construction et améliorer la les régions de construction.
qualité, mais il est très difficile de réduire les coûts. Afin de
réduire les coûts, il est nécessaire d’industrialiser. La reconstruction de la France a été menée avec brio. De nom-
breuses familles ont été relogées, dans des conditions décentes, WC
L’architecture industrialisée est soumise à un paradoxe : elle et salle de bains dans le logement, chauffage central et commodi-
doit satisfaire les conditions de production industrielle afin d’assu- tés… On doit bien reconnaître que, si le challenge de reconstruction
rer une certaine rentabilité – ce qui impose une standardisation a été mené avec succès, on ne s’est pas trop embarrassé de

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LA CONSTRUCTION HORS-SITE : UN NOUVEAU PARADIGME DANS L’ACTE DE CONSTRUIRE _______________________________________________________

« Pour éviter de multiplier les modèles,


coûteux à établir, on s’efforce
de standardiser les pierres
chaque fois que possible. »

Figure 2 – Extraits des cahiers de Villars de Honnecourt

recherche d’intégration dans l’environnement, les bâtiments étaient 2.1 La construction industrialisée
identiques qu’ils soient à Lille, à Marseille ou à Strasbourg !
L’industrialisation de cette époque reposait sur la préfabrication Un des éléments importants de la construction industrialisée est
béton, donc sur des moules qui, pour être amortis, devaient pro- la préfabrication des composants des bâtiments. Néanmoins, cela
duire d’innombrables pièces identiques. nécessite plus que la préfabrication pour fonder un concept fort
de l’industrialisation. L’industrialisation de la construction est, de
L’industrialisation du 21e siècle est bien différente. L’arrivée du nos jours, considérée comme un concept complexe à cause de
numérique pour la conception, le BIM, conception paramétrique l’interaction de plusieurs sous-domaines qui ont atteints différents
ou générative et des robots et machines numériques dans les niveaux d’industrialisation (figure 3).
usines permettent de produire des éléments de grande qualité qui
savent parfaitement s’adapter aux différentes configurations, pour Le terme « industrialisation » possède plusieurs définitions diffé-
peu que l’on en comprenne bien les codes. rentes. Il est alors nécessaire de clarifier exactement sa signification.
Les dictionnaires donnent une variété de descriptions, mais il n’existe
Avec une productivité en progrès de 1,9 % par an (source qu’un faible consensus.
Boston consulting) là où la construction a tendance à plutôt
Le CIB (International Council for Research and Innovation buil-
régresser, l’industrie est passée maître dans l’art de l’amélioration
ding and construction) dans ses derniers rapports sur la construc-
continue, les méthodes Lean sont les outils indispensables à celle-
tion industrialisée a couplé cette dernière avec la mécanisation,
ci et la standardisation la base.
l’utilisation des systèmes informatiques, le processus de produc-
La définition de la standardisation, dans les approches du Lean, tion continu, l’amélioration continue, la standardisation, la préfa-
est la suivante : « le standard est la meilleure façon de faire brication, la rationalisation, la modularisation et la production en
connue à ce jour » Nous voyons là qu’il s’agit de processus plus masse [1].
que de composants. Le monde de la construction doit se réappro- Dans la perspective de la construction, l’industrialisation fait partie
prier la notion de standard. d’un large processus de modernisation à travers des méthodes de
Outre la standardisation, la recherche de l’abaissement des production modernes et les systèmes technologiques. Les opéra-
coûts de construction va conduire à une rationalisation des plans tions de production sont mécanisées et concentrées sur la produc-
du logement et du mobilier, et va inciter les architectes à adopter tion en masse et essentiellement la production à l’usine (exemple
des techniques de construction issues de l’industrie. en figure 4). Le processus d’industrialisation est un investissement
dans des équipements et des technologies qui visent à maximiser la
Afin de mieux comprendre la signification de l’industrialisation
production, améliorer la qualité et minimiser le besoin en main
de la construction, il est indispensable de définir le terme « indus-
d’œuvre.
trialisation » et de citer les mots clés qui sont liés à ce concept.
Le CIB a défini l’industrialisation de la construction comme un
D’un point de vue historique, l’industrialisation signifie que le processus générique de standardisation et de rationalisation du
monde de la fabrication, l’organisation du travail et les relations travail au sein de l’industrie, afin d’atteindre l’efficacité du coût,
sociales, ont été altérés par le développement de méthodes de une meilleure qualité et productivité [1].
production modernes. C’est principalement la production dans
des usines, où l’organisation du travail est centralisée et les opé- Pour résumer, les caractéristiques identifiées de l’industrialisa-
rations sont mécanisées et axées sur la production de masse. tion peuvent être classées en 4 grandes catégories :
Le terme « industrialisation » possède plusieurs définitions qui – industrialisation du produit ;
dépendent du contexte. Cependant, le concept de l’industrialisa- – industrialisation par la technologie des machines ;
tion inclut des caractéristiques en termes de mécanisation et le – industrialisation par le management et l’organisation ;
déploiement des machines. Ces derniers permettent de rendre le – industrialisation par les systèmes d’information.
travail plus efficace et les opérations plus récurrentes. Le concept Le concept de l’industrialisation est constitué de quatre compo-
d’industrialisation inclut, en plus, le fait que le travail soit effectué santes qui sont indiquées sur la figure 5. Il existe une complé-
dans des usines et que les opérations soient coordonnées dans la mentarité des technologies des produits, de l’organisation, de
même usine ou bien entre des usines différentes. l’information et des machines, pour parvenir à l’industrialisation

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C8103

Simulation thermique dynamique


(STD) – Maı̂trise des consommations
d’énergie
par Frédéric GAL
Responsable du développement durable
Bouygues Bâtiment Ile-de-France

1. Différences entre calcul réglementaire et simulation


thermique dynamique .................................................................... C 8 103 – 2
2. Outils ................................................................................................. — 3
2.1 Fonctionnement ................................................................................. — 3
2.1.1 Transferts conductifs ............................................................... — 3
2.1.2 Transferts convectifs ................................................................ — 5
2.1.3 Transfert par rayonnement ...................................................... — 6
2.2 Hypothèses d’entrée .......................................................................... — 6
2.2.1 Fichier météo ........................................................................... — 6
2.2.2 Enveloppe ................................................................................ — 7
2.2.3 Usage du bâtiment .................................................................. — 9
2.2.4 Éclairage .................................................................................. — 12
2.2.5 Équipements électriques ......................................................... — 13
2.2.6 Zoning ...................................................................................... — 13
2.2.7 Définir son modèle .................................................................. — 15
2.2.8 Attention aux surfaces ............................................................. — 15
2.2.9 Choix du pas de temps............................................................ — 15
2.2.10 Équipements de production énergétiques ............................. — 15
2.3 Sorties de la Simulation thermique dynamique ............................... — 17
2.4 Fiabilité des outils de Simulation thermique dynamique ................. — 17
3. Engagement de performance énergétique................................. — 17
3.1 GPEI (Garantie de performance énergétique intrinsèque) ............... — 18
3.2 GRE/CPE ............................................................................................. — 18
4. Conclusion........................................................................................ — 20
5. Glossaire ........................................................................................... — 20
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 8 103

L es outils de modélisation thermique sont aujourd’hui devenus incontour-


nable dans la conception de projets environnementaux.
En effet, nous sommes passés d’une ère où les parties environnementales des
projets se justifiaient avec des pages de texte à une ère de la justification où les
pages de calcul les ont remplacées.
La simulation thermique permet donc d’estimer des besoins énergétiques
d’un projet (calorifiques et frigorifiques) en fonction de sa géométrie, de ses
caractéristiques physiques (isolation, inertie, type de menuiserie…) et de sa
localisation.
En fonction des outils, si la modélisation de la production énergétique est
possible elle permet alors de passer des besoins énergétiques à la consomma-
tion. Il faut pour cela y intégrer en plus de la production, les rendements de
régulation, distribution et émission.
Parution : mai 2015

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SIMULATION THERMIQUE DYNAMIQUE (STD) – MAÎTRISE DES CONSOMMATIONS D’ÉNERGIE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

La STD (Simulation thermique dynamique) permet donc d’agir à plusieurs


niveaux d’avancement du projet, en esquisse pour valider une conception de
projet comme en PRO pour calculer de manière assez précise des consomma-
tions énergétiques d’un projet.
La STD de part ses résultats concrets donne donc une évaluation chiffrée des
options retenues. Elle apporte donc une réponse concrète à une évaluation qui
restait intuitée.
L’outil de STD permet de modéliser les bâtiments et de mesurer l’impact de
chaque paramètre de la construction sur le niveau de performance énergétique
de bâti. Cet outil est devenu indispensable pour concevoir des bâtiments neufs
ou les rénover en haute performance énergétique.
Les différentes étapes de la modélisation sont les suivantes :
– construction du modèle géométrique ;
– interaction avec l’environnement, fichier météo annuel ;
– données de matériaux pour l’ensemble des éléments du modèle géomé-
trique, façade, toiture, sous-sol, éléments intérieurs, structure (prise en compte
de l’inertie du bâtiment), etc. ;
– définition des équipements thermiques, chaud, froid, ventilation ;
– hypothèses d’usage, occupation, équipements, éclairage.
Les résultats que fournit une simulation thermique dynamique :
– évolution des températures heure par heure pour chaque zone du bâtiment
sur l’année ;
– puissance de chauffage ou de froid nécessaire ;
– consommation annuelle des équipements et du bâtiment ;
– origine des apports énergétiques ;
– données météorologiques complètes.
À partir de ces résultats, la STD permet de mener différentes études de faisa-
bilité technique en comparant entre elles, les solutions techniques à mettre en
œuvre sur une construction (enveloppe, isolations, menuiseries, traitement des
ponts thermiques, mise en œuvre d’énergies renouvelables, systèmes,
fluides…).
La STD permet, en outre, de localiser précisément certaines déperditions
énergétiques, de préconiser des solutions de travaux pour y remédier, de chif-
frer des économies d’énergies et un retour sur investissement.
La simulation thermique dynamique est aujourd’hui un outil de conception
précieux pour les constructions économes en énergie de demain.
Nota : le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes et expressions importants, des notations et symboles
utilisés tout au long des divers chapitres.

Par exemple, les scénarii d’occupation des locaux, d’allumage des


1. Différences entre calcul éclairages, les températures de chauffage (en journée, ou la nuit)
etc., sont tous définis précisément dans la Règlementation ther-
réglementaire et simulation mique (RT), et l’on ne saurait changer ces hypothèses dans un logi-
ciel de calcul réglementaire, où les scénarii type de la RT ont tous été
thermique dynamique intégrés.

Au contraire, en STD, tous ces paramètres seront réglables de


La STD se distingue de la simulation dite « réglementaire » en manière à pouvoir estimer au mieux la consommation et les
plusieurs points. besoins réels du bâtiment étudié.
La différence majeure entre les deux types de calcul est que la Car le propos n’est pas le même : étant donné qu’en calcul RT le
STD représente un environnement totalement ouvert et paramé- but est de comparer les bâtiments entre eux, et surtout de les com-
trable, là où le calcul réglementaire imposera toutes les hypothèses parer avec la réglementation, on comprend que différents bâti-
à prendre pour la réalisation de la simulation. ments soumis à une même réglementation doivent être simulés

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– SIMULATION THERMIQUE DYNAMIQUE (STD) – MAÎTRISE DES CONSOMMATIONS D’ÉNERGIE

avec les même hypothèses. Ainsi, les besoins énergétiques calcu- Nous comparerons ici deux modèles permettant de simuler ce
lés grâce à ce moteur de calcul RT peuvent être assez éloignés des phénomène :
besoins réels finaux du bâtiment. – le modèle des fonctions de transfert de G. Mitalas [1] (voir
Une autre différence majeure entre ces deux types de simulation § 2.1.1.1) ;
tient dans leurs moteurs de calcul respectifs. Là où tous les logi- – le modèle par analogie électrique utilisé dans la RT (voir
ciels de calcul réglementaire utilisent le moteur de la RT, les divers § 2.1.1.2).
logiciels STD sur le marché sont libres de choisir leurs méthodes de
calcul. Cela se traduit notamment, dans la plupart des cas, par des 2.1.1.1 CTF (Conduction Transfer Coefficients)
calculs plus complexes et donc plus longs lors des STD. Il est éga-
G. P. Mitalas et D. G. Stephenson [1] ont théorisé, dans les
lement nécessaire d’être vigilant sur les hypothèses d’entrées, bien
années 1970, la méthode qui allait devenir la référence des normes
plus nombreuses et beaucoup moins cadrées que dans le calcul RT.
ASHRAE, et le cœur du calcul de la conduction dans le logiciel
TRNSYS. Cette méthode, appelée « méthode CTF » (pour Conduc-
tion Transfer Coefficients), ou parfois « méthode des facteurs de
réponse », repose principalement sur le principe de transformée
2. Outils de Laplace, et sur sa version discrétisée, la transformée en Z (ces
outils mathématiques seront rappelés plus loin). Son atout majeur
est avant tout sa rapidité de convergence vers une solution d’une
précision acceptable pour l’usage du bâtiment. Elle a su s’imposer
Pour se prononcer sur un logiciel plutôt qu’un autre, il faut défi- comme un compromis entre précision élevée, mais coûteuse en
nir en amont de la Simulation thermique dynamique le niveau de temps de calcul (éléments finis), et précision faible obtenue rapide-
précision qui est souhaité. Les logiciels de Simulation thermique ment (calcul statique).
dynamique ont chacun leurs spécificités propres, leurs forces, La démarche générale de cette méthode est de déterminer la
leurs faiblesses. fonction de transfert décrivant la réponse, le comportement ther-
L’évolution des outils est très rapide, aussi nous ne nous attarde- mique du mur considéré. Une fois déterminée, cette fonction de
rons pas à lister les points forts et points faibles des outils car ils transfert permet de prédire le comportement du mur quelles que
évoluent à chaque version… soient les conditions de températures extérieure et intérieure aux-
quelles il est soumis.
Néanmoins, nous pourrons citer quelques outils très utilisés sur
le marché (voir le Pour en savoir plus) : Les problèmes de la méthode, utilisée par TRNSYS et servant de
référence aux normes ASHRAE, sont bien connus : les résultats
– TRNSYS : peu convivial et très typé recherche mais avec une divergent fortement dès lors que l’on raccourcit le pas de temps,
grande ouverture et des capacités presque infinies ; ou que l’on considère des murs très massiques, ou très fins.
– IES-VE : peut-être un des meilleurs outils du marché ! Convivial
et complet ; En effet les calculs ont, pour résumer, « besoin de temps » pour
– Design Builder : outil plus confidentiel que les deux précédents. converger vers une solution stable, et ce d’autant plus que le mur
Il a une très bonne saisie graphique mais est plus limité que VE ; possède une inertie (et donc une constante de temps) élevée. Si
– Comfie Pleiades : très bon outil pour débuter, l’utilisateur l’on raccourcit le pas de temps ou que l’on augmente l’inertie ils
expert se trouvera vite limité par les capacités du logiciel ; n’ont « plus le temps » d’aboutir à une solution stable. Les résultats
perdent alors leur sens physique.
– Archiwizard : outil en plein développement, qui semble être
prometteur (la partie éclairage y est très bien traitée). Les chercheurs du domaine travaillent actuellement sur d’autres
méthodes qui pourraient palier ce problème. Certains travaillent
sur la mise au point d’outil permettant d’établir, pour chaque mur,
2.1 Fonctionnement le nombre de coefficients et le nombre de pôles optimaux par rap-
port à un pas de temps donné afin d’obtenir une erreur minimale.
Les transferts thermiques, tels qu’ils sont couramment identifiés D’autres enfin travaillent sur des algorithmes nouveaux, comme
en physique du bâtiment, sont de trois types : la régression dans le domaine fréquentiel, de Wang et Chen, encore
– radiatifs (voir § 2.1.3) ; en développement. Ces nouvelles techniques devraient permettre
– convectifs (voir § 2.1.2) ; de relever les prochains défis de la simulation dynamique de la
– conductifs (voir § 2.1.1). conduction, à savoir les pas de temps de l’ordre de la minute, les
murs à très forte isolation, à très forte inertie ou encore utilisant
des isolants à changement de phase.
2.1.1 Transferts conductifs
Cependant, malgré ces difficultés, cette méthode semble être
Les transferts conductifs, qui sont l’objet de cette partie, tradui- considérée actuellement comme offrant l’un des meilleurs compro-
sent le passage de la chaleur à travers les murs du bâtiment et mis entre fiabilité et temps de calcul. Elle est actuellement utilisée
reposent sur une équation fondamentale : l’équation de la chaleur. quasi-systématiquement aux USA et au Canada.
La résolution dynamique de l’équation de la chaleur, basée sur la
loi de Fourier, nécessite la résolution d’équations différentielles non 2.1.1.2 Méthode RC (Résistance condensateur)
linéaires. Les solutions exactes de ces dernières n’étant pas Ce modèle établit le bilan thermique d’une zone en raisonnant
connues, il en résulte que les moteurs de calculs doivent effectuer par comparaison avec les lois de l’électricité. Ainsi, les murs et
des approximations et utiliser des méthodes numériques d’appro- baies sont assimilés à des résistances (en rapport avec leur résis-
ximation du résultat par itérations successives, faisant par là tance thermique), les cloisons lourdes comportent une capacité
même augmenter le temps de calcul. C’est pourquoi des méthodes (liée à leur inertie thermique), les températures sont les potentiels
d’approximation de ces solutions exactes ont été recherchées. électriques du modèle, et les flux thermiques en sont les courants.
Ce modèle est à la base du calcul RT 2012 (règles Th-E). Néan-
Citons, comme exemple, entre autres, la méthode par éléments moins, il semble possible de s’en servir dans un but de Simulation
finis, considérée comme pouvant être extrêmement précise, mais thermique dynamique.
au prix de calculs très longs, et donc coûteux et peu adaptés à un
contexte de productivité. Le principe de la méthode est de comparer un système ther-
mique clos avec un circuit électrique, composé de résistances et

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SIMULATION THERMIQUE DYNAMIQUE (STD) – MAÎTRISE DES CONSOMMATIONS D’ÉNERGIE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Insufflation DOUBLE FLUX Extraction

Hei
Ei (W)
V vent (en m/s)
Apports
θi internes θs
θe (en 0C) Apports
solaires

HR (en %) Hes Hem

θm

Q 4Pa Qv Inf
Hem

Plancher chauffant / rafraichissement

Ai + As

Air neuf Hei

θi
P

θei
Co
nv
ec
tiv

OU
e

His θop

Baies
Hes

θs
θes

Émetteur
Hms Ai + As
P (en W)
e
nn ant
Parios
Hem ayo
opaques Pr
θm

θem

Cm

Figure 1 – Exemple de modèle RC pour le calcul du BBIO (besoins énergétiques) de la RT 2012 (Crédit Conseil-xpair.com)

de capacités (voir figure 1). L’intérêt est qu’une fois toutes les carac- & Avantages de cette méthode
téristiques du modèle déterminées (en fonction de la géométrie de
la paroi, et des caractéristiques thermiques des matériaux), on  On constate que le nombre de calculs nécessaires à l’obtention
obtient un circuit électrique simple, dont le fonctionnement est de la température de l’air intérieur est très petit en comparaison à
décrit par des équations beaucoup moins complexes à résoudre la méthode Mitalas. Il n’y a qu’une équation différentielle à résou-
que celles du modèle Mitalas. dre, et sa solution exacte est connue. De plus, le nombre de nœuds

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– SIMULATION THERMIQUE DYNAMIQUE (STD) – MAÎTRISE DES CONSOMMATIONS D’ÉNERGIE

étant très réduit, les développements mathématiques n’en sont que – étudier la migration et l’évacuation de polluants (vapeur d’eau,
plus simples. CO2, COV…) ;
– calculer des vitesses d’écoulement d’air (confort, renouvelle-
 Cela se traduit a priori par un temps de calcul inférieur à celui ment d’air en tous points).
de logiciels comme TRNSYS.
Pour cela, deux types de simulation ont été mis au point, la simu-
 De plus il est à noter que ce modèle parvient à intégrer de lation dite « nodale », et la simulation par volumes finis.
nombreux phénomènes différents. Rayonnement (diffus, réfléchi,
direct), conduction, convection, ventilation sont pris en compte et
& Simulations nodale et par volumes finis
intégrés au sein d’un modèle cohérent et fonctionnel. Cette sou-
plesse en facilite l’utilisation dans un contexte aussi varié que
 Nodales
peut l’être celui de la simulation thermique.
Actuellement utilisée dans les principaux logiciels de simulation
& Inconvénients de cette méthode thermique (Virtual Environment, TRNSYS, Design Builder, etc.), ce
type de modèle repose sur un réseau de nœuds thermiques, reliés
En revanche, certaines approximations sont nécessaires. les uns aux autres par des liens. Ces nœuds et ces liens peuvent
être de plusieurs types, permettant de modéliser plusieurs types
 Plusieurs éléments, dont les échanges convectifs, les capacités de phénomènes.
thermiques etc., sont modélisés par de simples coefficients généri-
ques issus de la RT, et nous n’avons pas de moyens de savoir si ces Ces modèles reposent uniquement sur des équations de conser-
approximations sont adaptées au cas étudié en particulier. vation de masse entre les zones. Plus simples mathématiquement
que les modèles par éléments finis, ils sont cependant plus faciles
Certains flux thermiques sont négligés, comme le rayonnement à utiliser (pas de maillage complexe par exemple) et plus rapides,
reçu par les cloisons légères ainsi que leur capacité thermique. car ils nécessitent moins de calculs.
La capacité thermique Cm est calculée selon la norme ISO 13780, Ils permettent de connaı̂tre :
en tenant compte de variations périodiques de la température de
surface des matériaux. Cette méthode est peut-être pertinente, – les débits d’air entre zones ;
mais nous n’avons pas de comparaison chiffrée avec d’autres – le bilan thermique aéraulique ;
modèles d’inertie thermique plus précis. Nous n’avons pas encore – les concentrations de polluants dans toutes les zones.
le recul suffisant pour évaluer la pertinence de ces approximations, Une fois les différents débits connus, le bilan thermique découle
et savoir si le gain en temps de calcul trouve sa contrepartie dans d’une simple équation d’équilibre énergétique. Les bilans sont
une imprécision plus importante. effectués pour une zone : connaissant la quantité d’air extérieur
entrant, la température et l’humidité de cet air entrant, on obtient
 Un autre gros inconvénient de ce modèle est la difficulté de le terme QIV des équations de balance énergétique du modèle de
coupler plusieurs zones entre elles, chaque zone étant représentée TRNSYS (Heat balance method).
par un modèle RC propre. Le problème réside dans le couplage des
zones à travers les cloisons lourdes, puisque chaque modèle RC a Notons que la méthode utilisée est exactement la même dans les
besoin du comportement de l’autre pour déterminer l’influence que modules de calcul aéraulique nodal des autres logiciels de STD,
cet autre modèle exerce sur lui. tels que Design Builder ou Virtual Environment (voir les Sites Inter-
net dans le Pour en savoir plus).

2.1.2 Transferts convectifs  CFD (par modules finis)


La simulation s’agit ici de résoudre les équations fondamentales
& Explication de la prise en compte des transferts aérauliques de la dynamique des fluides, dites « équations de Navier-Stockes ».
Ces transferts aérauliques comprennent : Ces équations regroupent plusieurs principes :
– les transferts par convection ; – conservation de la masse ;
– les transferts par infiltration d’air extérieur dans le local ; – conservation de la quantité de mouvement ;
– les transferts thermiques dus à la ventilation. – conservation de l’énergie mécanique ;
– équations d’état du fluide.
Le présent document présentera la manière dont sont simulés
ces phénomènes. Nous nous attacheront principalement aux Nous ne connaissons pas, à l’heure actuelle, la solution exacte
modèles dits « nodaux », notamment ceux de la RT 2012 et des de ces équations. Il est donc nécessaire, pour la résolution des
logiciels de STD du marché (TRNSYS et Virtual Environment). équations différentielles non-linéaires qu’elles impliquent, de
Nous exposerons rapidement les principes de la simulation par conserver un certain nombre d’hypothèses dont nous ne ferons
volumes finis en conclusion. pas le détail ici. Une fois ces hypothèses prises, on procède à la
résolution.
La simulation des phénomènes aérauliques dans le bâtiment
Pour ce faire l’espace est découpé en un maillage, dont la finesse
nous apparait comme étant moins avancée que celle des phénomè-
varie selon la géométrie du local étudié (plus fin sur les arrêtes, les
nes de rayonnement ou de conduction. Les modèles existants sont
angles par exemple). Ces volumes finis, où les conditions de
moins complexes et moins nombreux, et sont souvent insérés dans
vitesse, de température, de pression, etc., de l’air sont supposées
les logiciels via des modules annexes non indispensables à la
constantes, sont ensuite liés les uns aux autres via les équations
simulation thermique en elle-même (à la différence du rayonne-
de Navier-Stockes.
ment par exemple, phénomène central s’il en est et faisant l’objet
de modèles très détaillés). Retenons que cette simulation, si elle est de facto plus lourde en
terme de temps de calcul que la simulation nodale, permet cepen-
Pourtant, l’aéraulique est loin d’être négligeable, puisque que les dant d’obtenir d’autres données intéressantes, en plus de toutes
fuites et la ventilation représentent à elles seules 20 à 25 % des celles obtenues par cette dernière :
déperditions thermiques des bâtiments d’habitation.
– flux d’air détaillés à l’intérieur des zones ;
Les buts de la simulation aéraulique sont au nombre de trois : – champs de vitesse de l’air en tous points de l’espace (permet de
– calculer les échanges thermiques (déperditions ou apports) dus déterminer par exemple d’éventuelles zones d’inconforts) ;
aux infiltrations d’air extérieur et à la ventilation (mécanique, natu- – bonne modélisation des stratifications d’air dans les grands
relle ou assistée) ; volumes.

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C258

Modélisation numérique
des ouvrages géotechniques
par Emmanuel BOURGEOIS
IFSTTAR
et Sébastien BURLON
IFSTTAR
et Fahd CUIRA
Terrasol

1. Place de la modélisation numérique dans le calcul géotechnique ..... C 258 - 2


1.1 Un rôle grandissant ................................................................................. — 2
1.2 Interaction avec les normes de calcul .................................................... — 3
1.3 Points clefs à gérer................................................................................... — 3
2. Stratégie de modélisation....................................................................... — 4
2.1 Objectifs du calcul.................................................................................... — 4
2.2 Choix du type d’analyse .......................................................................... — 5
2.3 Cadre de modélisation 2D/3D ................................................................. — 5
2.4 Calculs mécaniques ................................................................................. — 6
2.5 Prise en compte du phasage................................................................... — 8
2.6 Prise en compte des couplages hydrauliques et thermiques .............. — 8
2.7 Effets différés / fluage .............................................................................. — 8
2.8 Synthèse ................................................................................................... — 8
3. Lois de comportement ............................................................................ — 8
3.1 Élasticité.................................................................................................... — 9
3.2 Plasticité parfaite...................................................................................... — 9
3.3 Contractance et dilatance ........................................................................ — 10
3.4 Mécanismes d’écrouissage ..................................................................... — 10
3.5 Identification et choix des différents paramètres.................................. — 11
4. Interaction sol-structure.......................................................................... — 12
4.1 Enjeux ....................................................................................................... — 12
4.2 Éléments de structure.............................................................................. — 16
4.3 Couplage sol/structure............................................................................. — 18
5. Application au dimensionnement des ouvrages .................................. — 22
5.1 Calcul des déplacements......................................................................... — 22
Parution : juillet 2018 - Dernière validation : juillet 2020

5.2 États limites ultimes................................................................................. — 26


5.3 Aspects liés aux couplages hydro-mécaniques .................................... — 31
6. Conclusions et perspectives ................................................................... — 32
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. C 258

a modélisation numérique des ouvrages géotechniques, notamment par la


L méthode des éléments finis ou des différences finies, a connu une utilisation
grandissante depuis ces quinze dernières années avec l’augmentation toujours
plus rapide de la puissance de calcul et des capacités de mémoire des ordinateurs.
Désormais, des calculs en trois dimensions comprenant plusieurs centaines
de milliers de nœuds sont devenus courants. Ils permettent d’avoir accès au

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C258

MODÉLISATION NUMÉRIQUE DES OUVRAGES GÉOTECHNIQUES _____________________________________________________________________________

champ de déplacements, de déformations, de contraintes, à la fois dans le


terrain et dans différents éléments structurels, mais peuvent aussi donner des
informations sur le niveau de sécurité notamment avec les procédures de
réduction des propriétés de cisaillement.
Néanmoins, s’ils sont mal réalisés, ces calculs peuvent conduire à des inter-
prétations erronées dans le dimensionnement des ouvrages géotechniques, et
il est donc plus que jamais nécessaire de connaître et maîtriser les aspects les
plus importants d’une modélisation numérique.
Les liens entre les calculs numériques et les procédures de justification des
normes de dimensionnement, notamment l’Eurocode 7, sont aussi un aspect
important à considérer.
La stratégie de modélisation reste une étape fondamentale de toute modéli-
sation géotechnique. Elle doit conduire au choix entre des calculs en deux ou
trois dimensions, en déformation plane ou en axisymétrie, à l’identification des
couplages hydrauliques et thermiques à considérer, à la définition de condi-
tions aux limites pertinentes, etc.
Les modèles de comportement constituent un autre point essentiel de toute
modélisation numérique et l’ingénieur en charge des calculs doit bien com-
prendre comment ils peuvent affecter les résultats qu’il aura à analyser. Les
effets des différents paramètres ne peuvent être maîtrisés que si leurs rôles au
cours du calcul sont précisément identifiés.
L’interaction sol-structure est aussi un point essentiel de toute modélisation
numérique. Deux aspects sont à prendre en considération : l’élément structurel
en tant que tel et sa modélisation sous forme de barre, de poutre ou de coque,
etc. et les éléments d’interface qui lient ces éléments structurels aux éléments
volumiques modélisant le terrain en place.
D’autres techniques plus récentes comme les macroéléments, deviennent
une alternative intéressante dans certains cas.
Enfin, l’analyse des résultats est une phase de la modélisation numérique à
ne pas négliger. La vérification de la bonne convergence des calculs est une
première étape et doit être poursuivie par l’analyse des déplacements, des
déformations et des contraintes.
Les procédures de réduction des propriétés de cisaillement sont désormais
devenues un outil courant pour évaluer un coefficient de sécurité relatif à la
mobilisation de la résistance du terrain. Mais il n’en demeure pas moins que
les résultats obtenus à partir de ces procédures doivent être analysés finement,
notamment dans le cas d’interaction entre des éléments volumiques et des élé-
ments structurels.

1. Place de la modélisation tions, de contraintes à la fois dans le terrain et dans différents


éléments structurels. Des calculs, couplés ou non, intégrant les
numérique dans le calcul effets de la température ou des pressions interstitielles, peuvent
aussi être réalisés.
géotechnique Enfin, les calculs numériques peuvent donner des informations
sur le niveau de sécurité, notamment avec les procédures de
réduction des propriétés de cisaillement.
1.1 Un rôle grandissant L’utilisation de la modélisation numérique est donc peu à peu
sur le point de remplacer les méthodes plus classiques comme les
La modélisation numérique des ouvrages géotechniques, méthodes à l’équilibre limite, les méthodes d’interaction locale
notamment par la méthode des éléments finis ou des différences basées sur l’utilisation de coefficients de réaction, etc. Pour des
finies, a connu une utilisation grandissante depuis ces quinze der- projets d’excavations profondes, dans certains bureaux d’études,
nières années avec l’augmentation continue de la puissance de il est ainsi courant d’utiliser de manière privilégiée les modélisa-
calcul et des capacités de mémoire des ordinateurs. tions numériques basées sur la méthode des éléments finis.
Des calculs en trois dimensions comprenant plusieurs centaines Dans d’autres cas, la modélisation numérique, de par ses possi-
de milliers de nœuds sont devenus courants. Ces calculs per- bilités à rendre compte de manière très précise de la géométrie
mettent d’avoir accès au champ de déplacements, de déforma- des ouvrages géotechniques, permet de fournir des solutions à

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______________________________________________________________________________ MODÉLISATION NUMÉRIQUE DES OUVRAGES GÉOTECHNIQUES

des problèmes qui ne peuvent être traités à l’aide des méthodes Si le problème étudié est non linéaire (ce qui est pratiquement
traditionnelles qu’au prix de simplifications difficiles à justifier. toujours le cas en géotechnique), au cours de chaque incrément,
des itérations sont réalisées pour atteindre cet équilibre. Selon le
Par exemple, l’angle d’une fouille rectangulaire ou différentes code utilisé, la taille des incréments peut être constante ou
phases d’excavation sont désormais des situations assez faciles à variable (pilotée par une procédure d’incrémentation automatique
modéliser. des charges).
Le calcul du tassement de tours s’appuyant sur des radiers, repo- Des tolérances permettant de contrôler la précision des calculs
sant eux-mêmes sur plusieurs centaines de pieux, est un autre à la fin de chaque incrément sont, en général, prédéfinies. Ces
exemple d’utilisation nouvelle des modélisations numériques. tolérances sont relatives à des contrôles sur la différence entre les
forces extérieures et les forces internes, les déplacements calculés
Les différentes couches de sol ou de roche peuvent aussi être au cours de chaque itération ou le travail des forces extérieures et
considérées avec plus de détails et de nombreux codes offrent la des forces intérieures.
possibilité de faire varier les paramètres définissant les propriétés La procédure de résolution itérative des problèmes non
des terrains selon leur position en plan ou la profondeur. linéaires consiste à se ramener à la résolution de plusieurs sys-
tèmes matriciels RU = F.
Elle peut mettre en œuvre des techniques variées. On distingue
1.2 Interaction avec les normes ainsi (figure 1) :
de calcul – la méthode des contraintes initiales, dans laquelle la matrice
de rigidité R est la même pour toutes les itérations, et les non
Les normes de calcul se focalisent essentiellement sur la vérifi- linéarités apportées par la plasticité sont traitées comme des cor-
cation d’états limites ultimes, avec le calcul d’un coefficient de rections apportées au second membre F (figure 1a) ;
sécurité ou d’un équilibre de forces intégrant des coefficients par- – la méthode de rigidité tangente : la matrice de rigidité R est
tiels. assemblée et inversée à chaque itération en intégrant les effets de
la plasticité. Cette technique peut s’avérer complexe et coûteuse
Pour sa part, la modélisation numérique fournit avant tout des
en temps (figure 1b) ;
valeurs de déplacements et de déformations, et est donc plus
– la méthode de rigidité sécante : la matrice de rigidité R est
adaptée à la vérification des états limites de service (ELS) pour
assemblée et inversée à chaque itération en gérant, pour partie, les
lesquels les coefficients partiels sont égaux à 1,0. Son utilisation effets de la plasticité. Cette méthode peut présenter des avantages
pour la vérification des états limites ultimes (ELU) a donc paru pour certains comportements complexes (figure 1c).
limitée dans un premier temps.
Sans entrer dans le détail du formalisme de l’élastoplasticité,
Désormais, notamment avec les procédures de réduction des (présenté rapidement au § 3.3), on peut signaler que l’intégration
propriétés de cisaillement des terrains (procédure de type « c-phi locale des lois de comportement est aussi une tâche complexe qui
reduction »), il est aisé de calculer un coefficient de sécurité. peut mettre en œuvre des techniques variées. Il s’agit de contrôler
Il est aussi possible, à travers les procédures suggérées par cer- que l’état de contraintes vérifie le critère de plasticité f (c’est-à-
taines normes de calcul, notamment l’Eurocode 7, de considérer dire reste à l’intérieur ou sur la frontière de la surface de charge).
les résultats d’une modélisation numérique, tant pour la vérifica- La méthode la plus utilisée, parfois appelée « méthode du
tion des états limites ultimes, que pour celle des états limites de retour radial », est la suivante : à partir d’un état initial de
service. contrainte σi et d’écrouissage αi (α peut être une variable scalaire
ou tensorielle), un état de contrainte σe est calculé à partir de la
résolution de l’équation du système matriciel.
1.3 Points clefs à gérer Si cet état de contrainte ne vérifie pas le critère de rupture, alors
il est corrigé pour obtenir un état de contrainte et d’écrouissage,
Le résultat d’un calcul numérique résulte d’un enchaînement de σ et αf vérifiant le critère.
f
tâches complexes.
Le calcul de la correction de contrainte à apporter dσc = σe – σf
Le calcul est décomposé en différents incréments à la fin des- fait appel à la notion de multiplicateur plastique λ et à la normale
quels le système étudié est en équilibre : les « forces internes »,
associées aux contraintes dans le massif de sol, doivent être équi- à la surface de charge , une dérivée partielle, (et éventuelle-
librées par les forces extérieures appliquées au massif, qu’il ment aussi à la dérivée du potentiel plastique si la loi d’écoule-
s’agisse de forces ponctuelles, réparties ou volumiques. ment est non associée).

Fe Fe
Fe

u u u

a méthode des contraintes initiales b méthode de rigidité tangente c méthode de rigidité sécante
(rigidité constante)

Figure 1 – Différentes méthodes de résolution d’un calcul par la méthode des éléments finis

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f (σ i, α i) = 0

σe

σ i, α i ∂f
dσ c = λC
σ f, α f ∂σ

Surface de charge initiale

Surface de charge finale

f(σ f ,α f) = 0

Figure 2 – Représentation schématique de l’intégration de la loi de comportement à l’échelle locale

Les propriétés élastiques du sol considéré sont prises en


compte dans le tenseur d’élasticité (voir figure 2).
2. Stratégie de modélisation
La résolution numérique de problèmes non linéaires par élé-
ments finis combine donc plusieurs types d’algorithmes, qui La modélisation numérique d’un ouvrage géotechnique com-
peuvent être plus ou moins précis et robustes. porte de nombreuses étapes, que l’on va récapituler ci-après. Elle
met en jeu un ensemble de choix et de simplifications, qui doivent
être justifiés dans le contexte de l’étude, et qui constituent une
stratégie de modélisation.
Il est important de noter qu’il n’existe pas encore d’outils
Certains des éléments de cette stratégie reflètent un compromis
généraux pour mesurer la qualité d’un calcul : des travaux de
entre les différents aspects du problème :
recherche visent à fournir des estimateurs d’erreur a poste-
riori, mais leur utilisation en géotechnique reste rare. – le type de résultats que l’on cherche à obtenir ;
– le niveau de détail et de précision que l’on souhaite ;
– la qualité des données géotechniques disponibles, etc.
Il est donc nécessaire de regarder en détail les résultats du
calcul en analysant les chemins de contraintes suivis dans les
diagrammes de Lambe dans le plan (s, t) ou de Cambridge dans le 2.1 Objectifs du calcul
plan (p, q), avec les notations usuelles :
La stratégie à mettre en œuvre dépend tout d’abord du but que
le calcul se propose d’atteindre. Il est donc primordial de bien cer-
ner l’objectif du calcul avant de mettre en place les différents élé-
ments qui constituent la stratégie de modélisation.
Les modélisations numériques doivent être utilisées principale-
ment pour justifier un dimensionnement préétabli à l’aide de
avec σ1, σ2 et σ3 contraintes principales, c’est-à-dire les méthodes plus classiques, vis-à-vis d’états limites de service ou
valeurs propres du tenseur des contraintes. d’états limites ultimes. Selon le cas, la vérification porte sur des
À l’aide de ce type de représentations, certaines incohérences quantités différentes :
sont parfois faciles à détecter. En cas de doute, il est utile de faire – déplacements maximaux admissibles ;
contrôler ses résultats par un œil extérieur. – efforts dans les structures, etc.
En tout état de cause, il est vivement indiqué de réaliser des Les modélisations numériques sont aussi utilisées pour appuyer
études paramétriques pour se faire une idée de l’influence de une proposition de variante de construction, pour comprendre ou
certains facteurs, en particulier des paramètres de sol, si l’on interpréter le comportement observé d’un ouvrage (on parle de
n’est pas certain que leur influence sur les résultats est modérée rétro-analyse du comportement d’un ouvrage), le calcul visant en
et qu’on a pu déterminer leur valeur avec une précision accep- général à reproduire un ensemble de mesures, ou un comporte-
table. ment global.

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Dans ce dernier cas, on est souvent amené à faire une hypo- • définition des conditions de déplacement imposé sur le
thèse sur le phénomène qui cause ce comportement, et la modéli- contour du domaine étudié,
sation vise à démontrer la pertinence de cette hypothèse. Une fois – définition des chargements mécaniques (forces volumiques ou
la cause du problème établie, on peut envisager de définir des surfaciques) ;
solutions de confortement.
– exécution du calcul et exploitation des résultats.
La définition des objectifs du calcul oriente fortement les choix
Chacune de ces étapes peut donner lieu à des hypothèses et à
qui seront faits dans la suite de la démarche.
des simplifications dont les justifications sont plus ou moins pré-
cises.
2.2 Choix du type d’analyse
On rappelle que la méthode des éléments finis est une méthode 2.3 Cadre de modélisation 2D/3D
permettant de résoudre des équations aux dérivées partielles : il
s’agit de déterminer une ou plusieurs fonctions des coordonnées Par le passé, la réalisation de calculs en condition tridimension-
spatiales qui vérifient un ensemble de relations décrivant la phy- nelle présentait des difficultés et des limites qui la rendaient
sique du système. De manière générale, la première étape de la impraticable ; la lourdeur des calculs imposait de procéder à une
démarche consiste à définir la ou les quantités que l’on souhaite discrétisation grossière du domaine étudié et à des simplifications
calculer. peu convaincantes.
On a donc, pendant de nombreuses années, développé des
■ Dans le cas le plus simple approches bidimensionnelles, pour lesquelles la préparation,
Une fois ces quantités définies, le type d’analyse à effectuer est l’exécution et l’exploitation des calculs sont beaucoup plus
fixé, c’est-à-dire la nature du problème mathématique à résoudre. simples.
Le cas d’une analyse mécanique correspond, par exemple, à la
■ Dans le cas des ouvrages géotechniques, on fait généralement
situation où les fonctions recherchées sont le champ de déplace-
l’hypothèse des déformations planes : on admet que le champ de
ment, les contraintes, les déformations plastiques, les efforts dans
déplacement cherché possède une composante nulle en raison de
les structures.
la géométrie de l’ouvrage et des chargements.
En géotechnique, on fait encore le plus souvent des calculs
mécaniques « simples », sans prise en compte des couplages et Dans le cas d’un remblai, d’une digue, ou d’un autre ouvrage
des effets différés qui peuvent avoir une influence sur la réponse linéaire, la géométrie de l’ouvrage justifie partiellement cette hypo-
de l’ouvrage (qui seront abordés dans les § 2.6 et 2.7). La solution thèse. Encore faut-il que les chargements et les conditions aux
du problème est alors indépendante du temps. limites soient également compatibles avec elle : cela suppose
Pour des applications différentes, l’objet du calcul n’est pas de qu’ils soient invariants dans la direction pour laquelle le déplace-
calculer des déformations et des efforts : il peut être de représen- ment est nul.
ter un écoulement d’eau dans un massif et de déterminer les Ce type d’hypothèse est acceptable pour une large gamme de
champs de pression et de vitesses. On conduit alors une analyse problèmes et d’ouvrages :
hydraulique. Pour ce type d’analyse, la solution dépend du temps – remblais ;
(sauf si on se place en régime permanent). – digues ;
Si l’on veut décrire de manière complète le couplage entre – soutènements ;
effets hydrauliques et mécaniques, on obtient une troisième caté- – stabilité de pente ;
gorie d’analyse, qu’on appellera ici « analyse hydromécanique ». Il – semelles de fondations filantes.
est important de signaler que ce choix n’est pas anodin, parce que
la nature mathématique du problème de couplage complet ■ Pour les fondations profondes, le cadre des déformations planes
conduit à mettre en œuvre des traitements numériques différents, ne s’impose pas aussi clairement.
plus ou moins robustes et complexes à maîtriser, et à introduire Pour un pieu isolé, installé dans un terrain constitué de couches
des paramètres supplémentaires souvent difficiles à déterminer. Il horizontales et chargé uniquement verticalement, on peut valable-
est donc recommandé de bien cerner le niveau de complexité ment considérer que la solution présente une symétrie de révolu-
nécessaire pour atteindre le but qu’on s’est fixé, le recours systé- tion, et se placer dans un cadre axisymétrique.
matique à l’approche mathématiquement la plus compliquée
étant souvent une perte de temps et d’énergie si l’on ne dispose L’hypothèse d’axisymétrie permet aussi de traiter le cas de fon-
pas des moyens de la mettre en œuvre de manière efficace (par dations superficielles circulaires, et par extension, celui de fonda-
manque de données fiables, de moyens de calcul, ou pour toute tions carrées ou pratiquement carrées (à condition de ne pas
autre raison). chercher à discuter précisément ce qui se passe au voisinage du
coin de la fondation).
■ Dans le cas d’une rétro-analyse d’un comportement observé
■ Pour un groupe de pieux, le cadre des déformations planes et
D’autres phénomènes entrent en jeu et doivent être pris en
celui de l’axisymétrie constituent des hypothèses très difficiles à
compte dans l’analyse pour que la modélisation puisse être repré-
justifier, et ne peuvent être adoptées que si le calcul vise à évaluer
sentative : il convient donc de bien identifier ces phénomènes et
de manière globale un comportement (un tassement moyen par
voir dans quelle mesure et avec quel degré de précision ils
exemple) ou l’influence d’un paramètre particulier.
peuvent être pris en compte avec le type d’analyse choisi.
Une fois le type d’analyse à conduire déterminé, la modélisa- ■ En dernier lieu, on peut mentionner le cas particulier du creuse-
tion proprement dite passe par plusieurs étapes, qui sont les sui- ment des tunnels. Ce problème est clairement tridimensionnel,
vantes dans le cas d’une analyse mécanique simple : puisque les caractéristiques matérielles sont différentes en avant et
– définition de la géométrie du domaine étudié ; en arrière du front de taille. Panet [1] a proposé de se ramener au
– préparation des données du calcul : cadre des déformations planes, en section transversale, c’est-à-dire
dans un plan perpendiculaire à l’axe du tunnel. La technique pro-
• définition des caractéristiques mécaniques des différents posée, appelée « méthode convergence confinement » vise à
matériaux, rendre compte de la troisième dimension, c’est-à-dire de la dis-
• définition des conditions initiales (contraintes initiales, tance entre le plan considéré et le front de taille, au moyen d’un
valeurs initiales de certains paramètres matériaux), paramètre scalaire appelé « taux de déconfinement ».

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Elle n’est justifiée rigoureusement que dans un cadre très res- On peut aussi indiquer qu’il existe des éléments utilisant des
treint (élasticité linéaire, état de contraintes initial uniforme, etc.), interpolations d’ordre supérieur à 2 (triangles à 10 ou 15 nœuds
mais l’usage a prouvé qu’elle donne des résultats acceptables par exemple).
bien au-delà de son domaine de validité théorique.
■ En 3D
La difficulté consiste à identifier les contextes dans lesquels son
utilisation conduit à des résultats peu représentatifs (par exemple Les éléments peuvent être des :
celui de l’utilisation de présoutènements parallèles à l’axe du tun- – tétraèdres à 10 nœuds (figure 3a) ;
nel). – pentaèdres à 15 nœuds (figure 3b) ;
– hexaèdres à 20 nœuds (figure 3c).
Le degré de précision de ces éléments peut être plus ou moins
2.4 Calculs mécaniques important et il convient que l’utilisateur ait une idée, même som-
maire, des choix qu’il fait.
2.4.1 Différents types d’éléments Comme en 2D, on peut montrer que les calculs utilisant des
hexaèdres donnent des résultats plus satisfaisants que ceux obte-
Dans le cas où seul le terrain est modélisé, l’utilisateur peut nus avec des tétraèdres, mais les mailleurs volumiques permet-
avoir le choix entre différents types d’éléments finis. tant de paver un domaine quelconque avec des hexaèdres restent
De manière générale, l’utilisation des éléments reposant sur des peu courants.
fonctions d’interpolation (du déplacement en fonction des coor-
données) linéaires est progressivement abandonnée au profit
d’éléments à interpolation d’ordre 2 ou plus.
2.4.2 Conditions aux limites
Une difficulté classique de la modélisation en géotechnique
■ En 2D
tient au fait que les limites du domaine étudié ne sont pas nette-
Ces éléments peuvent être des triangles à 6 nœuds et 3 points ment définies : où placer les « bords » d’une couche de sol ?
d’intégration ou des quadrangles à 8 nœuds et 4 points d’intégra- L’étendue latérale et verticale du domaine à prendre en compte ne
tion (pour rappel : les déplacements sont calculés aux nœuds, tan- sont pas claires.
dis que les déformations et les contraintes sont évaluées aux
On est donc amené à faire d’emblée une hypothèse sur la taille
points d’intégration).
du domaine à prendre en compte. On considère généralement
Il est intéressant de signaler que la solution fournie par des élé- que le maillage doit, au moins, recouvrir la zone dans laquelle les
ments quadrangulaires est meilleure (pour ce qui concerne les chargements appliqués sont susceptibles de produire des défor-
contraintes notamment) que celle obtenue avec des triangles mations significatives : ce n’est cependant pas une indication très
(pour un nombre de nœuds global équivalent). précise.

Triangle à 6 nœuds et quadrangle à 8 nœuds

a tétraèdre à 10 nœuds b pentaèdre à 15 nœuds c hexaèdre à 20 nœuds

Figure 3 – Différents types d’éléments « de massif »

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Différents auteurs ont proposé de définir, pour différents types peut se trouver dans l’un ou l’autre de ces régimes, et les défor-
d’ouvrages (et selon le cadre 2D/3D de la modélisation), des mations calculées, pour un même chargement mécanique, sont
recommandations relatives à ce point (voir [2]). très différentes.
La question reste ouverte, mais on peut apporter quelques pré-
cisions supplémentaires. D’autre part, dans un certain nombre de situations, par exemple
lors de l’excavation d’une partie du massif, le chargement mécanique,
■ Influence de la position des limites du maillage appliqué au reste du massif, dépend lui-même directement des
Il s’agit bien sûr d’un point indissociable du type de conditions contraintes initiales.
que l’on applique sur ces limites. Le domaine maillé est très sou-
vent délimité par un domaine parallélépipédique, et on choisit en L’état initial des contraintes a donc une double influence sur le
général de bloquer toutes les composantes du déplacement sur la résultat des modélisations. Cette situation est problématique
limite inférieure du maillage et la composante normale sur les parce qu’il n’est pas possible de mesurer directement les
plans verticaux qui limitent le maillage. contraintes initiales.
On peut cependant adopter des conditions différentes.
■ Cas des couches horizontales
■ Cas d’un calcul de charge limite Dans ce cas, on fait souvent l’hypothèse que les contraintes ini-
On peut montrer que les résultats ne dépendent pas de l’étendue tiales sont « géostatiques » (c’est-à-dire que les contraintes princi-
du maillage s’il englobe le « mécanisme » de rupture de l’ouvrage. pales sont verticales et horizontales, et dépendent linéairement de
la profondeur dans chaque couche).
■ Influence de l’étendue du maillage
Elles sont donc caractérisées par deux paramètres pour chaque
Ce paramètre dépend du chargement imposé. Une difficulté couche :
classique est celle de la situation dans laquelle on applique un
chargement mécanique qui correspond à l’excavation d’une partie – son poids volumique, qui peut en général être estimé de
du massif de sol, devant une paroi de soutènement ou à l’intérieur manière fiable ;
d’un tunnel par exemple. – le coefficient de poussée des terres ou repos, dont la détermi-
Par rapport à la situation initiale, le système matériel restant nation est en revanche beaucoup plus difficile, et introduit une
après l’excavation subit une résultante verticale, dirigée vers le incertitude mal maîtrisée.
haut, et égale au poids du matériau excavé. On peut alors obser- ■ Cas où la situation initiale ne correspond pas à celle de couches
ver dans le calcul un soulèvement de la surface du massif, plus ou horizontales
moins marqué selon le modèle de comportement, qui peut être
largement surestimé. Il dépend fortement de l’étendue du mail- La question de l’état initial est encore plus délicate. On peut
lage au-dessous du tunnel ou de l’excavation : cette forte dépen- chercher à le reconstituer en appliquant des forces de volume
dance des déplacements verticaux calculés vis-à-vis du maillage égales aux poids volumiques des différentes zones du maillage, à
rend l’exploitation des résultats pour le moins délicate. partir d’un état de contraintes nul (ce qui peut poser des difficultés
Si l’origine physique du problème est simple (la réponse du pour certains modèles de comportement), mais on ne peut pas
massif au déchargement), sa prise en compte correcte dans une garantir la représentativité de l’état initial ainsi obtenu.
modélisation par éléments finis est difficile. ■ Cas où l’on utilise des modèles de comportement avancés
Le recours à un modèle de comportement avancé peut rendre le
Il est également nécessaire de fixer la valeur initiale de diffé-
problème moins voyant et moins gênant, mais la difficulté subsiste.
rents paramètres supplémentaires (d’écrouissage par exemple, ou
On peut signaler, de plus, que l’utilisation de calculs tridimen- d’autres) : ces paramètres conditionnent plus ou moins fortement
sionnels peut atténuer la difficulté, mais ne suffit pas à l’éliminer la raideur du matériau.
complètement.
Vis-à-vis de ce problème, la situation favorable est celle dans Exemple
laquelle un substratum rigide a été reconnu à une profondeur Pour illustrer davantage la question de l’état initial, on peut considé-
bien identifiée. rer le cas d’une paroi moulée, construite sous boue. Le but de la
En dehors de ce cas, la solution numérique est entachée d’une modélisation est généralement de justifier le dimensionnement pro-
erreur difficile à évaluer. posé (longueur de fiche, épaisseur de la paroi, systèmes d’ancrage).
On peut également signaler qu’on a le même type de dépen- La mise en place de la paroi dans le terrain constitue un problème déli-
dance des déplacements vis-à-vis de l’étendue du maillage dans la cat, pour lequel différentes stratégies de modélisation sont possibles.
direction verticale lorsqu’on modélise une fondation filante sou- On distingue généralement deux approches :
mise à une charge verticale vers le bas.
– la première consiste à considérer que l’influence de sa construc-
tion se limite à prendre en compte une différence de poids avec le
2.4.3 État initial des contraintes terrain initialement en place (on dit en anglais que la paroi est
« wished-in-place ») ;
En géotechnique, il est pratiquement toujours nécessaire de – l’autre consiste à reconstituer le processus d’excavation sous
représenter le comportement des couches de terrain à l’aide de boue, avant d’activer la rigidité de la paroi (cette méthode est appelée
modèles non linéaires. « wall installation model »).
Une conséquence de la non linéarité du comportement est qu’il Les deux approches peuvent donner des résultats différents, en
est nécessaire de bien caractériser l’état initial du sol, en particu- fonction des paramètres du modèle.
lier l’état des contraintes.
Dans le cas d’une paroi moulée, on peut également se poser la
■ Dans le cas de l’élastoplasticité question de l’influence de l’ordre dans lequel les panneaux de paroi
De manière plus précise, on distingue deux régimes de défor- sont mis en place.
mation, selon que l’état de contrainte atteint ou non la frontière Il est donc indiqué de bien cerner les enjeux du calcul et éventuel-
du domaine élastique. Selon la valeur des contraintes initiales, on lement de procéder à des études de sensibilité ([3], [4]).

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Systèmes d’information
de l’Ingénierie

par Philippe GUILLET


Consultant
Ancien responsable informatique de CF Ingénierie, Paris, France

1. Principaux acteurs de l’Ingénierie dans un projet de site


industriel................................................................................................. AG 3 800v2 - 2
1.1 Exploitants................................................................................................ — 3
1.2 Ingénieries ................................................................................................ — 6
2. Projets de site industriel.................................................................... — 7
2.1 Principales phases du projet................................................................... — 3
2.2 Référentiels et structuration des projets industriels ............................. — 8
2.3 Livrables du projet ................................................................................... — 9
3. Logiciels des Exploitants et des Ingénieries ................................ — 10
3.1 Logiciels des Exploitants......................................................................... — 10
3.2 Logiciels des Ingénieries ......................................................................... — 11
4. Problématiques des systèmes d’information de l’Ingénierie... — 12
4.1 Impact des Exploitants ............................................................................ — 12
4.2 Gestion des données techniques ........................................................... — 14
4.3 Interopérabilité dans le monde de l’Ingénierie ..................................... — 17
4.4 Modernisation des infrastructures et des outils Informatiques........... — 21
4.5 Nouvelles technologies pour les projets de modifications des sites
existants.................................................................................................... — 22

5. Mise en place des solutions informatiques


par les Ingénieries................................................................................ — 23
5.1 Caractère irrémédiable de l’évolution.................................................... — 23
5.2 Critères de choix des technologies informatiques et des solutions
logicielles.................................................................................................. — 24
5.3 Facteurs contribuant au succès .............................................................. — 25
6. Perspectives .......................................................................................... — 25
6.1 Développement des normes et de la standardisation .......................... — 25
6.2 Évolution des logiciels............................................................................. — 26
6.3 Amélioration du contrôle des installations sur le site industriel ......... — 26
6.4 Systématisation de la virtualisation des sites industriels .................... — 26
7. Conclusions ........................................................................................... — 26
6. Glossaire ................................................................................................. — 27
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 3 800v2

es Ingénieries interviennent sur les installations industrielles au moment


L de leur création, de leurs modifications ou de leurs extensions, sur des
sites vierges ou des sites existants. Pour mener à bien leurs missions, ces
Ingénieries effectuent différentes prestations d’analyses, de simulation, de
conception, d’approvisionnement d’équipements, de construction pour
lesquelles elles utilisent de nombreuses solutions logicielles.
Ces solutions logicielles se sont perfectionnées au fil des années en s’enri-
chissant de nouvelles fonctionnalités. Ils atteignent, pour la plupart, un bon
niveau de performance. Toutefois, leur capacité à répondre efficacement aux
Parution : juillet 2016

besoins « métiers » des utilisateurs n’est plus le seul critère pour leur utili-
sation au sein des processus de gestion des projets de site industriel.

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SYSTÈMES D’INFORMATION DE L’INGÉNIERIE ____________________________________________________________________________________________

Les solutions logicielles de l’Ingénierie doivent être capables de communi-


quer entre elles ainsi qu’avec le flux d’informations généré par le déroulement
du projet. Les interruptions et les incohérences dans ce flux d’informations
sont en effet sources de temps passés non justifiés, de non-conformités,
d’erreurs et de retards pour le projet.
Les flux d’informations sont construits autour des données et des logiciels, y
compris les logiciels graphiques, qui doivent s’insérer dans ce flux et gérer des
données techniques. En conséquence, la représentation graphique est devenue
un mode parmi d’autres de représentation des données, le plan est alors le
résultat d’une extraction et une mise en forme à partir des bases de données.
L’Ingénierie construit donc, pendant le déroulement du projet, un véritable
modèle numérique reflet du monde « physique ». Ce modèle numérique,
utilisé pendant la phase d’exploitation du site, ne doit pas être un reflet partiel
et approximatif du monde physique mais lui être conforme.
Les objectifs fondamentaux des acteurs du projet de site industriel sont, dans
un premier temps, d’assurer le démarrage de la production dans les délais, le
budget et la qualité prévus et, pour les Ingénieries, de mettre en œuvre un
transfert d’informations « Tel Que Construit » vers les Exploitants suffisam-
ment complètes et précises pour permettre le bon déroulement des opérations
et de la maintenance tout au long de la vie du site.
La gestion efficace des informations techniques du site et de ses actifs est
cruciale pour la sécurité et la rentabilité de ce site. Les Exploitants des sites
industriels, clients des Ingénieries, ont besoin de ce modèle numérique pour
alimenter, sans ressaisies ni modifications, leurs propres systèmes
d’information.
Les Exploitants sont donc conduits à spécifier les informations qui leur sont
nécessaires, leurs natures, leurs types et leurs formats et à les valider avant
intégration dans leurs propres systèmes.
Les systèmes d’information de l’Ingénierie et leurs solutions logicielles
subissent donc une évolution fondamentale caractérisée par une migration
vers la gestion de données, l’intégration de ces données dans un flux de projet
et l’intégration de l’Exploitant dans ce flux. L’Exploitant intervient en tant
qu’utilisateur final des informations délivrées par l’Ingénierie et impacte, en
conséquence, le travail même de l’Ingénierie.
L’évolution des technologies de l’information permet à l’Ingénierie de faire
face à cette évolution en mettant à sa disposition des outils innovants et
conviviaux.
Cet article propose une analyse de la situation actuelle, précise les aspira-
tions des acteurs principaux du projet, établit un bilan des solutions logicielles
utilisées, des problématiques actuelles et expose les solutions envisageables
grâce à la normalisation, les progrès des technologies de l’information et
l’adaptation des processus de travail des Ingénieries.

Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes et expressions importants de


l’article, ainsi qu’un tableau des sigles, notations et symboles utilisés.

Les acteurs principaux sont (figure 1) :


1. Principaux acteurs
– le donneur d’ordre ou Exploitant, identifié dans cet article
de l’Ingénierie dans comme l’Exploitant, est l’initiateur du projet. Il décide de sa mise
en œuvre, spécifie les caractéristiques de production de l’instal-
un projet de site industriel lation future et choisit la société d’Ingénierie chargée de sa
réalisation (§ 1.1) ;
Le monde de l’Ingénierie est constitué de différents acteurs qui – les Ingénieries font intervenir des partenaires ou sous-
œuvrent à la réussite du projet de site industriel. Le transfert traitants afin de mobiliser des ressources additionnelles pour le
d’informations entre ces différents acteurs est un point clé pour la projet ou prendre en charge des aspects techniques spécifiques
réussite de ce type de projet. qu’elles ne maîtrisent pas (§ 1.2) ;

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____________________________________________________________________________________________ SYSTÈMES D’INFORMATION DE L’INGÉNIERIE

– exécution du projet ;
– réception des installations ;
– phase des opérations ;
– phases de modifications du site.
Exploitant
■ Exécution du projet
L’Exploitant spécifie les caractéristiques du site futur concernant
la capacité et la qualité de la production. Ces spécifications
concernent également les normes et les standards à respecter,
ainsi que la nature et la structure des informations qui lui seront
remises. Il s’assure pendant les études que les informations qui lui
sont communiquées correspondent aux spécifications initiales,
que le planning est respecté et que le budget du projet ne dérive
pas.
Ingénieries Projet Sous-traitants
■ Réception des installations
L’Exploitant reçoit et centralise les informations de l’Ingénierie
au statut « Tel Que Construit (TQC) ». Il valide ces informations en
s’assurant qu’elles sont en accord avec ses spécifications et l’exact
reflet du site réalisé.
Gestion
Fournisseurs
de projet
La phase de livraison par l’Ingénierie des informations avec
un statut « TQC » est nommée Handover dans cet article. Le
terme anglais, n’ayant pas de traduction consensuelle en
Figure 1 – Principaux acteurs de l’Ingénierie dans un projet de site français et étant adopté par la profession, est utilisé dans cet
industriel article.

– une société de management de projet, indépendante de ■ Phase des opérations


l’Ingénierie, qui contrôle la qualité et l’avancement du projet, inter-
L’Exploitant, après avoir intégré les informations du Handover
vient parfois à la demande de l’Exploitant ;
dans ses systèmes d’information, les actualise en fonction des
– les fournisseurs d’équipements et services font également différentes interventions d’entretien, de maintenance et de modifi-
partie des acteurs essentiels du projet. Ils installent des solutions cations réalisées sur le site. Il assure ainsi la conformité entre le
complètes, livrent des équipements, apportent un savoir-faire. « monde virtuel » des informations stockées dans ses systèmes
d’information et le « monde physique » du site.
Tous les acteurs du projet sont centrés sur son bon achève- ■ Phases de modifications du site
ment. Le challenge auquel les systèmes d’information doivent L’Exploitant transfert à l’Ingénierie, pour la partie concernée par
répondre est : les modifications, les informations actualisées résidant sur ses sys-
– de relier l’ensemble de ces acteurs entre eux ; tèmes d’information. Ce transfert permet aux Ingénieries de dispo-
– d’assurer la consistance du flux d’informations qu’ils ser, pour leurs études, d’un modèle numérique fiable qui limite les
génèrent ; interventions de relevés sur le site.
– de garantir l’intégrité du modèle numérique du site
conforme au modèle « physique » (figure 1). On notera que ce transfert n’est possible que si la consis-
tance de l’information a été respectée depuis le début du
processus. Ce n’est, actuellement, pas souvent le cas et de nom-
Les deux paragraphes suivants précisent certaines probléma- breux relevés sur le site sont donc nécessaires. Les mesures à
tiques des intervenants principaux que sont les Exploitants et les prendre pour améliorer la qualité de ce flux d’informations sont
Ingénieries, qui sont essentielles pour la compréhension de l’évo- évoquées dans la suite de cet article.
lution des systèmes d’information. Les responsabilités des sociétés
de management de projet qui interviennent au nom de l’Exploitant
sont assimilées, dans cet article, à celles des Exploitants. De 1.1.2 Attentes des Exploitants sur les systèmes
même, les problématiques des fournisseurs et sous-traitants sont d’information
assimilées à celles des Ingénieries.
L’Exploitant est en attente d’informations structurées et fiables
pour différentes raisons évoquées ici.
1.1 Exploitants 1.1.2.1 Réduire les délais de mise sur le marché
des produits
Le rôle de l’Exploitant, ses attentes, et l’impact qui en résulte
sur la structure des systèmes d’information sont abordés dans ce L’Exploitant souhaite réduire le délai de mise sur le marché
paragraphe. de son produit.

1.1.1 Rôle de l’Exploitant pendant la réalisation Le délai de mise sur le marché est le temps qui s’écoule
du projet entre la prise de décision d’investir et la date de première
L’Exploitant intervient dans toutes les phases de réalisation du production industrielle commercialisable (Time-to-market ). Il
projet, ainsi que dans l’exploitation ultérieure du site industriel. est gouverné par les délais d’études, de construction et de
Plus précisément, considéré du point de vue des systèmes démarrage de l’installation ainsi que le temps de production
d’information, il intervient pendant quatre phases : préindustrielle.

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Pressé par les impératifs économiques, l’Exploitant réduit L’évolution des systèmes d’information de l’Ingénierie et des
constamment les délais contractuels des projets en plaçant les Exploitants peut permettre ces améliorations.
Ingénieries devant de nouveaux défis en accroissant leurs risques
quant aux retards et aux pénalités qui en résultent. 1.1.2.3 Réduire les risques industriels

1.1.2.2 Réduire le coût des projets industriels L’Exploitant recherche à réduire au maximum les risques indus-
triels liés au site. À cette fin, il doit disposer d’informations fiables
Les coûts liés aux projets industriels sont de deux ordres : et rapidement accessibles pour gérer :
– les dépenses d’investissements en capital (Capital Expenditure – les arrêts de production programmés ou non ;
– CAPEX) ; – les incidents ;
– les dépenses d’exploitation (Operating Expenditure – OPEX). – les modifications ;
– les reconstructions ;
– les audits de conformité ;
Le CAPEX et l’OPEX peuvent se définir de la manière – les interventions sur les utilités.
suivante.
Une documentation peu fiable et difficilement accessible
• Le CAPEX correspond aux dépenses liées à la mise en l’expose à des risques au niveau de la sécurité, des opérations et à
œuvre du projet telles que les infrastructures, les ouvrages, les des surcoûts financiers importants.
équipements et matériels ainsi que les études. Parmi les frais
d’études figurent le coût des Ingénieries. Les normes et réglementations liées à la sécurité des sites sont à
présent plus contraignantes que dans les années passées et
• L’OPEX correspond aux coûts de fonctionnement de obligent l’Exploitant à disposer des informations à jour et rapi-
l’installation tels que les charges salariales, les coûts de dement accessibles.
maintenance des équipements, les frais d’assurances et les
frais généraux.
1.1.3 Impact des Exploitants sur les systèmes
d’information
Pour donner un ordre de grandeur, la part des études dans le
coût du CAPEX se situe entre 10 et 15 % en fonction de la nature et En complément à la qualité technique des prestations de l’Ingé-
des caractéristiques du projet. nierie, à sa maîtrise des coûts et des délais, les Exploitants ont
Il s’avère que les coûts de CAPEX et OPEX sont actuellement en besoin de recevoir de sa part une documentation structurée qu’ils
progression constante. Ils sont en effet tributaires de : vont gérer pendant la phase d’Exploitation du site.
– la variation des coûts des matériaux, des équipements et des Ce besoin impacte fortement les systèmes d’information des
charges salariales ; Ingénieries.
– la complexité croissante des installations due à la sophisti-
cation de certains procédés, aux exigences croissantes des normes 1.1.3.1 Structuration des informations du site industriel
et réglementations environnementales ;
Les Exploitants ont besoin d’obtenir des Ingénieries une docu-
– la mise en œuvre de mesures de sécurité de plus en plus
mentation fiable et structurée.
contraignantes sur les sites industriels.
Les estimations de réductions possibles des coûts du CAPEX liés
aux performances des systèmes d’information sont indiquées dans La documentation non-structurée se caractérise par :
le tableau 1.
– la variété des formats de documents qui la compose ;
– la présence de format papier ;
– la multiplication des révisions d’un même document ;
Tableau 1 – Gains de productivité potentiels – la difficulté d’identifier un document « master » ;
pour le CAPEX – des lieux de stockage multiples ;
– l’absence de relations entre les données contenues dans les
Points d’améliorations
% du documents ainsi qu’entre les données et les documents.
CAPEX

Amélioration de la productivité de la construction 2,80 D’après l’enquête de TechValidate réalisée pour la société
Intergraph, environ 50 % des personnes interrogées considèrent
Amélioration de la gestion des modifications 1,20 que la moitié de la documentation de leur organisation n’est pas
structurée (figure 2)
Amélioration du processus de transfert des Cette enquête révèle également la grande disparité des lieux de
1,00
informations venant des Ingénieries (Handover) stockage de cette documentation (figure 3).
Amélioration des interfaces techniques entre les L’enquête révèle enfin le peu d’efficacité qui découle de cette
0,70 situation : plus de la moitié des personnes interrogées passent en
acteurs
effet au moins 20 % de leur temps de travail pour trouver et valider
Diminution des matériels commandés en surplus 0,70 une information (figure 4)
Les raisons de cette situation sont nombreuses :
Diminution des non-conformités 0,20
– les Exploitants se contentent d’indexer aux contrats d’Ingénie-
rie la liste des documents qu’ils souhaitent recevoir, au statut « Tel
Optimisation de la gestion des demandes techniques 0,20
Que Construit », pendant le Handover sans autres précisions de
contenus ;
Réduction des coûts dus à l’activité de management 0,10
– ces documents sont souvent requis dans des formats PDF ou
Excel dans lesquels il est difficile de retrouver l’information et qui
D’après la présentation Intergraph
nécessitent un traitement afin de pouvoir être intégrés dans les
https://www.youtube.com/watch?v=rnrmJ1s-t4s.
systèmes d’information des Exploitants ;

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Desk drawer 8%

Departmental archive 16 %
80-100 % : 3 %
Central paper archive 15 %
60-80 % : 17 %
40-60 % : 27 % Request to document
11 %
20-40 % : 24 % manager or librarian

10-20 % : 18 %
Shared Drive(s) 39 %
0-10 % : 10 %
Enterprise Portal 14 %

ERP or CMMS (e.g. SAP,


27 %
Maximo, Ventyx etc.)

Engineering Information
54 %
Management System

Enterprise Content Management System


42 %
(aka Document Management)

Figure 2 – La documentation des sites industriels est majoritairement


non-structurée

– les Exploitants reçoivent des Ingénieries, un volume impres-


sionnant de documents papier difficilement exploitables, ou des
supports informatiques dont la lecture peut devenir problématique
avec le temps ;
– la documentation a été élaborée et accumulée, au fil des Figure 3 – Les lieux de stockages de la documentation
sont multiples
années et des projets, par différentes Ingénieries utilisant de multi-
ples logiciels bien souvent incompatibles entre eux.
Il en résulte souvent des contentieux entre les Exploitants et les ■ Spécification des informations par l’Exploitant
Ingénieries lors de la remise de la documentation Handover. Ces
contentieux sont dus : Les Exploitants spécifient les données dont ils ont besoin, ils ne
se satisfont plus uniquement de la livraison de l’installation
– à l’absence de documents essentiels ; « physique ». La livraison de la maquette « virtuelle » ou modèle
– aux incompréhensions sur leur qualité ou leur contenu ; numérique en complément de l’installation « physique » est
– à des formats de fichiers informatiques non conformes ; requise. La nature même des informations nécessaires à l’Exploi-
tant a évolué au cours des dernières années. Les données tech-
– à l’utilisation de logiciels non contractuels ou à l’utilisation non
niques ont pris le pas sur les représentations purement
conforme de logiciels contractuels.
graphiques.
Il est en effet arrivé que l’Ingénierie, pour des raisons de
commodité et d’efficacité dans ses études, utilise le logiciel qu’elle L’augmentation de la quantité et de la complexité des données
maîtrise le mieux au détriment de celui prévu contractuellement. techniques est un paramètre dimensionnant pour les systèmes
L’Ingénierie se trouve alors, à la fin du projet, devant un délicat d’information.
problème de transfert des données vers le logiciel requis.
■ Livraison phasée des informations par les Ingénieries –
Cette situation, désastreuse, est favorisée par la communication Handover phasé
en une seule livraison à l’Exploitant, à la terminaison du projet, de
la documentation du Handover sans les livraisons intermédiaires L’Exploitant doit accéder aux données du projet pendant les
qui lui auraient permis des validations formelles. Cet effet tunnel phases d’études de façon régulière et conviviale afin d’éviter une
est toujours préjudiciable aux deux parties. transmission unique en fin de projet et des contentieux éventuels.
Il valide les données au fil de leur création en gardant une vision
1.1.3.2 Maîtrise des informations du site industriel claire sur l’avancement des études.

La maîtrise des informations peut être améliorée en respectant Ce mode de fonctionnement est maintenant possible grâce à
les principes suivants. l’utilisation des technologies actuelles des systèmes d’information.

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– EPIC (Engineering Procurement Installation Commissioning) ;


dans cette configuration, les prestations de mise en service indus-
trielle sont également prises en compte par l’Ingénierie ;
– EPCM (Engineering Procurement Construction Management)
quand l’Ingénierie est en charge de l’administration du projet en
tant que déléguée de l’Exploitant et n’intervient pas directement
dans les études de détail ;
– EPCI (Engineering Procurement Construction Installation) pour
les projets offshore, les fonctions de transport et d’installation sur
le site des équipements et structures s’ajoutent aux prestations de
l’Ingénierie.
Les sociétés d’Ingénierie en charge des projets de site industriel ne
sont pas des structures temporaires. Toutefois, l’équipe projet mise
en place en leur sein pour mener à bien un projet est temporaire.
Cette équipe est en effet démobilisée à la fin du projet et ses membres
> 80 % : 1 % sont affectés à d’autres équipes pour traiter d’autres projets.
60-80 % : 6 %
40-60 % : 16 % 1.2.1 Différents types d’Ingénieries
et leurs systèmes d’information
20-40 % : 29 %
10-20 % : 22 % Il existe une grande diversité de types de sociétés ayant la déno-
mination d’Ingénierie. Cette dénomination recouvre en effet les
0-10 % : 26 %
leaders mondiaux dont les effectifs comptent plusieurs milliers de
personnes et des entreprises de taille plus modeste comprenant
un effectif inférieur à une centaine de personnes.
Les Ingénieries peuvent être différenciées en fonction de leur
taille et de leur domaine d’intervention.

■ Ingénieries internationales
Elles possèdent des effectifs importants répartis dans de nom-
breux pays et prennent en charge les grands projets. Elles sont
capables de répondre aux cahiers des charges de ces projets qui
nécessitent des systèmes d’information importants et complexes.
Figure 4 – Inefficacité dans la recherche des informations
Ces Ingénieries, grâce aux moyens dont elles disposent, mettent
en œuvre les solutions complètes des éditeurs de logiciels. Elles
travaillent souvent en partenariat avec ces éditeurs et ont un rôle
■ Actualisation des informations par l’Exploitant déterminant dans l’évolution des logiciels.
Les informations établies par l’Ingénierie pendant le projet sont ■ Co-entreprises d’Ingénieries
actualisées, par l’Exploitant, en fonction des interventions faites
sur le site pendant l’exploitation. Le modèle numérique doit rester Considérant la dimension de « mégaprojets » traités actuel-
conforme à ce qui est physiquement installé. L’Exploitant pourra lement, des associations d’Ingénieries (joint-ventures) sont parfois
ainsi transmettre, en retour, à l’Ingénierie une documentation nécessaires pour les réaliser. Ces associations sont établies pour la
accessible et fiable pour lui permettre de mener à bien ses inter- durée du « mégaprojet ».
ventions futures.
■ Ingénieries de taille moyenne
Elles interviennent sur des projets de dimensions moindres qui
1.2 Ingénieries ne nécessitent pas l’installation de systèmes informatiques sophis-
tiqués soit parce qu’ils ne sont pas prescrits par l’Exploitant, soit
parce que l’Exploitant met une partie de ses systèmes à disposi-
tion de l’Ingénierie (la gestion documentaire par exemple). Ces
D’après le dictionnaire Larousse, l’Ingénierie est définie sociétés peuvent également intervenir en sous-traitance des
comme : grandes Ingénieries.
« l’étude d'un projet de site industriel sous tous ses aspects
(techniques, économiques, financiers, monétaires et sociaux) et ■ Bureaux d’études techniques
qui nécessite un travail de synthèse coordonnant les travaux de
Ces sociétés aux effectifs plus restreints interviennent souvent
plusieurs équipes de spécialistes ».
comme spécialistes dans un domaine spécifique (bâtiments, struc-
tures métalliques, calculs aux séismes, simulations du procédé,
L’activité de l’Ingénierie est la réalisation d’un projet industriel aspect sécurité) où elles ont une compétence reconnue.
dans les meilleures conditions possibles pour un Exploitant public Toutes ces sociétés sont parties prenantes de l’évolution des
ou privé. Cette activité permet de définir, gérer et réaliser ce projet. systèmes d’information même si leurs rôles, leurs implications et
Le périmètre d’intervention des Ingénieries sur un projet est leurs influences sont différents.
variable. Selon les dénominations anglo-saxonnes communément Elles n’interviennent pas de la même façon sur un projet, mais
utilisées, l’Ingénierie est identifiée en tant que : doivent pouvoir dialoguer entre elles, la compatibilité de leurs
– EPC (Engineering Procurement Construction) quand elle est en informations et de leurs interfaces d’échanges est un point crucial
charge des études de détail, de l’approvisionnement des équipe- dans le bon déroulement du projet, ainsi que pour la conformité
ments et matériels ainsi que de la construction du site ; du Handover.

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1.2.2 Ingénierie et création des informations


techniques
2. Projets de site industriel
L’Ingénierie réalise l’installation du site industriel (bâtiments, équi-
pements, réseaux électriques...). À cette fin, elle élabore au cours de Dans cette partie, après une brève définition du projet, les princi-
ses études le modèle numérique qui peut être défini comme pales phases de développement du projet, ses référentiels et ses
l’ensemble des informations techniques représentatives du modèle livrables sont précisés. Toutes ces notions sont essentielles dans la
« physique » de l’installation industrielle. Le modèle numérique est définition des systèmes d’information de l’Exploitant et de l’Ingé-
transmis aux différents acteurs du projet, en fonction de leurs besoins, nierie. En effet, ces systèmes doivent organiser les flux d’informa-
sous forme de plans, de listes, de nomenclatures, de maquettes trois tions tout au long de la vie du site, ces flux étant structurés par les
dimensions (3D) afin qu’ils puissent effectuer leurs propres presta- référentiels du projet et leur contenu étant la source des livrables
tions (livraison d’équipements « standards », fabrication d’isomé- nécessaires à chaque acteur.
triques de tuyauterie, montage). Ce modèle numérique doit être mis à
jour pendant la phase de construction du site et transféré à l’Exploitant
lui permettant ainsi d’optimiser la phase d’exploitation.
Selon la norme ISO 10006, un projet se définit comme suit :
« Un projet est un processus unique qui consiste en un
1.2.3 Organisation de l’Ingénierie ensemble d'activités coordonnées et maîtrisées, comportant
des dates de début et de fin, entrepris dans le but d'atteindre
La structure interne d’une Ingénierie est fondée sur les départe-
un objectif conforme à des exigences spécifiques, incluant des
ments techniques. Les départements techniques mobilisent un
contraintes de délais, de coûts et de ressources ».
effectif expérimenté dans un même domaine et ayant des qualifica-
tions variées. Le département « structure métallique » est constitué
par des ingénieurs calculateurs chargés du dimensionnement des
structures, ainsi que par des projeteurs chargés de la modélisation La notion de projet s’applique à toutes les formes d’activités
des ouvrages et de la réalisation des plans d’ensemble et de détail. d’une entreprise (restructuration, développement d’un nouveau
produit de consommation ou installation d’un site de production
Les départements techniques développent trois axes de industriel). Le projet est temporaire puisqu’il possède un début,
compétences : la capacité organisationnelle, la capacité technique qui est ici la décision d’investir, et une fin, qui est la mise en pro-
« métier » et la capacité à communiquer. Les principaux départe- duction du site industriel.
ments techniques sont les départements :
– procédé ; Les projets concernent toutes les industries (chimie, pharmacie,
– électricité ; nucléaire et énergies, pétrolière et gazière, plateforme offshore et
– instrumentation ; construction navale, métallurgie et mines, pâte et papier...). Ces
– contrôle et automation ; industries mettent en œuvre des procédés différents, possèdent
– tuyauterie ; leurs spécificités de mise en œuvre, cependant les projets ont des
– structures métalliques ; structures et des documents semblables. Les mêmes types de
– génie civil... documents se retrouvent d’un projet à l’autre quelle que soit
l’industrie concernée.
Il existe, au sein des Ingénieries, un conflit potentiel entre les
responsables des départements et les responsables des projets car Un projet peut concerner des installations neuves sur des sites
ils gèrent les mêmes équipes. Ces responsables rendent compte à vierges ou des interventions sur des sites existants. Les projets dans
la direction de l’Ingénierie. Les uns pour les résultats du départe- l’existant sont plus nombreux que les projets sur des sites vierges,
ment, les autres pour ceux du projet. Ces résultats ne sont pas for- toutefois leur taille est plus modeste et leur complexité, due aux
cément compatibles, le département étant un service autonome, le interactions avec les installations existantes, plus importante.
projet étant « transverse » entre les départements.
Un département technique a une tendance naturelle à fonction- Actuellement, les projets mettent en œuvre des CAPEX de plus
ner comme un bureau d’études techniques axé sur la réalisation et en plus importants notamment dans l’industrie pétrolière où l’on
la profitabilité de sa seule prestation et cherchant à limiter les voit apparaître des « mégaprojets » aux budgets supérieurs à plu-
interfaces avec les autres acteurs, vues comme sources de pro- sieurs milliards de dollars.
blèmes, à leur strict minimum. Or, ces interfaces sont absolument
nécessaires au bon déroulement d’un projet. Ce point organisa-
tionnel a une importance fondamentale dans l’installation et l’utili-
sation des systèmes d’information. Mégaprojet de l’industrie pétrolière – Chiffres clés

Budget : 3,5 milliards de dollars


L’organisation des Ingénieries et les interfaces Durée du projet : 54 mois
entre départements Nombre d’heures d’Ingénierie : 2 millions
Nombre de schémas procédé : 1 600
Une forte prédominance des départements techniques par
Nombre d’isométriques de tuyauterie : 36 000
rapport au management de projet est préjudiciable au bon
déroulement des études quand elle donne la priorité aux pres-
tations internes des départements au détriment des interfaces
entre ces départements et autres acteurs du projet. Ces projets, de tailles trop importantes pour être réalisés par une
seule Ingénierie, sont confiés à des joint-ventures d’Ingénieries.
Leurs dimensions et le nombre considérable d’informations à trai-
D’une manière générale pour répondre aux spécifications des ter accentuent les problématiques d’intégration et de coordination
Exploitants, telles que réduire les délais de mise en œuvre en assu- des différents acteurs. Les structures des systèmes informatiques
rant la constitution d’un modèle numérique fiable, l’Ingénierie doit et les réseaux à mettre en œuvre sont impactés par ce type de pro-
s’interroger sur l’efficacité et la fiabilité de ses systèmes d’informa- jets dont les acteurs sont répartis sur toute la surface du globe. Cet
tion, sur la fluidité de ses interfaces, aussi bien internes impact est l’un des moteurs de l’évolution des techniques de
qu’externes avec les acteurs du projet et l’Exploitant lui-même. l’information qui sont analysées dans cet article.

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