Vous êtes sur la page 1sur 145

LE BIM

Le recours au BIM modifi e à plusieurs niveaux les pratiques contractuelles traditionnelles des marchés de maîtrise d’œuvre
et de travaux.
Ce sont des solutions juridiques nouvelles qui, en conciliant l’évolution des technologies avec les contraintes des opérations
de construction – publiques et privées – permettront au BIM de prendre l’ampleur voulue.
Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin proposent ici des solutions pratiques pour que les acteurs d’un projet – maîtres
d’ouvrage, maîtres d’œuvre et entreprises – puissent adapter leurs contrats. À cette fi n, ces deux avocates spécialisées
mettent en exergue les conséquences induites par l’adoption du BIM sur les pratiques contractuelles traditionnelles et, pour
chacune des phases de la préparation puis de l’exécution d’une opération de construction, elles donnent les conseils
nécessaires pour rédiger les documents contractuels.

« Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin proposent Sommaire une approche pragmatique aux questions que

soulève L’état du droit en BIM • Pratique juridique du BIM en le BIM au regard du droit.
phase de préparation de l’opération • Les missions
Grâce à leur talent pédagogique associé à leur fi ne en BIM • Les responsabilités • Le protocole BIM • connaissance
de la théorie du droit – mais aussi de
Pratique juridique du BIM en phase exploitation
la vraie vie du monde de la construction, de la réalité des projets
et des chantiers comme des litiges et maintenance • La propriété intellectuelle en BIM des accords – elles nous
ce livre que le droit n’est pas une discipline ingrate
montrent notamment dans Avocates au Barreau de Paris, Amélie
Blandin et Anneet inabordable mais, au contraire, un outil au service

du projet. Marie Bellenger accompagnent les maîtres d’ouvrage,


Une fois les règles du jeu débattues, fi xées et accep- les maîtres d’œuvre et les entreprises dans le montage, tées par
tous en connaissance de cause, on peut se l’exécution et le suivi des opérations de construction, consacrer au projet et à
sa construction – le BIM publiques et privées ; elles sont spécialisées dans la comme le droit n’étant que des moyens mis
au service relation maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’œuvre. Enseignantes de notre action et de nos objectifs. au Mastère
Spécialisé BIM École des ponts/ESTP, elles Suivant les conclusions du rapport Pican, on admettra sont également chargées
de cours à l’ENSA de Belleville, que le BIM est appelé à être essentiellement contrac- à l’ESTP ainsi qu’en IUP et animent
des formations sur tuel, et non juridique : ce n’est pas la loi qui fi xera un le BIM au CSTB. cadre unique et rigide mais,
au contraire, le contrat qui devra prendre en compte les spécifi cités de chaque projet, avec son contexte et ses acteurs.
Tels qu’ils sont exposés dans les pages qui suivent en vue
de leur application pratique au BIM, les principes de base
du droit de la construction, de la commande et de la
propriété intellectuelle permettront à chacun de défi nir sa
place et de jouer son rôle avec confi ance
et enthousiasme. »
Olivier Celnik (extrait de la préface)
Établissement public au service de l’innovation dans le
bâtiment, le CSTB, Centre Scientifi que et Technique du
Bâtiment, exerce quatre activités clés : la recherche,
l’expertise, l’évaluation, et la diff usion des
connaissances, organisées pour répondre aux enjeux de
la transition écologique et énergétique dans le monde
de la construction. Son champ de compétences couvre
les produits de construction, les bâtiments et leur
intégration dans les quartiers et les villes.
Avec plus de 900 collaborateurs, ses fi liales et ses
réseaux de partenaires nationaux, européens et
internationaux, le groupe CSTB est au service de
l’ensemble des parties prenantes de la construction
pour faire progresser la qualité et la sécurité des
bâtiments.

www.cstb.fr www.batipedia.com
Anne-Marie Bellenger
Amélie Blandin

Le BIM sous l’angle du droit


Pratiques contractuelles et responsabilités
ÉDITIONS EYROLLES CENTRE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE DU BÂTIMENT
61, bd Saint-Germain 75240 84, avenue Jean-Jaurès
Paris Cedex 05 Champs-sur-Marne 77447 Marne-
www.editions-eyrolles.com la-Vallée Cedex 2 www.cstb.fr
Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle
de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation,
numérisation...) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue
une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre français
d’exploitation du droit de copie (CFC) – 20, rue des GrandsAugustins – 75006 Paris.
© Groupe Eyrolles et CSTB, 2016
ISBN Eyrolles : 978-2-212-14381-2
ISBN CSTB : 978-2-86891-671-6
Sommaire

Préface .................................................................................................................. 1

Introduction ....................................................................................................... 5

chapitre 1 L’état du droit en BIM ............................................................... 7

chapitre 2 Pratique juridique du BIM en phase


de préparation de l’opération .............................................. 17

chapitre 3 Les missions en BIM ................................................................. 35

chapitre 4 Les responsabilités en BIM ................................................... 61

chapitre 5 Le protocole BIM ........................................................................ 77

chapitre 6 Pratique juridique du BIM en phase


exploitation-maintenance ....................................................... 85

chapitre 7 La propriété intellectuelle en BIM ..................................... 93

Conclusion.......................................................................................................... 115
Table des matières

Préface .............................................................................................................. 1

Introduction ................................................................................................. 5

chapitre 1 L’état du droit en BIM ................................................ 7


1.1 La directive européenne du 26 février 2014 ....................................... 7

1.2 La transposition de la directive dans le droit français........................ 8

1.3 Les différentes initiatives françaises ...................................................... 11

1.4 Le cadre réglementaire français nécessite-t-il une évolution


au regard du BIM ? .................................................................................. 13
1.4.1 L’utilisation du BIM dans la réglementation actuelle ........................ 13 1.4.2
Faut-il faire évoluer les textes ? .......................................................... 14
1.4.2.1 La modification des textes relatifs à la commande publique ..... 14
1.4.2.2 La modification de la loi MOP ............................................. 15
1.4.2.3 La modification des cahiers des clauses administratives
générales .............................................................................. 16

chapitre 2 Pratique juridique du BIM en phase


de préparation de l’opération ........................... 17
2.1 Impacts juridiques du BIM au stade de la programmation .............. 17
2.1.1 Définition de la programmation ....................................................... 17 2.1.2 Les
impacts juridiques du BIM au stade de la programmation .......... 19
2.1.2.1 La nature de l’opération ........................................................ 19
2.1.2.2 Le montage contractuel ......................................................... 19
2.1.2.3 L’expression de ses besoins par le maître d’ouvrage :
la rédaction du cahier des charges BIM .................................. 20
VI | Le BIM sous l’angle du droit

2.2 Impacts juridiques du BIM sur le relevé des caractéristiques


matérielles de l’opération....................................................................... 22
2.2.1 Les données de l’existant en BIM ..................................................... 22 2.2.2
Missions et responsabilités du géomètre expert en BIM .................... 23
2.2.3 La mission diagnostic en BIM .......................................................... 24

2.3 Le BIM au stade de la mise en concurrence ....................................... 24


2.3.1 Impacts du BIM en phase de passation des marchés,
au regard de la nature du contrat ...................................................... 25
2.3.1.1 La passation des contrats dans les opérations
de construction privées .......................................................... 25 2.3.1.2 La
passation des contrats relevant de la commande publique : principe de la mise en
concurrence obligatoire ......................... 25
2.3.1.3 La possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’exiger l’utilisation d’outils de
modélisation électronique des données du bâtiment ou d’outils similaires ........................ 26
2.3.2 L’intégration du BIM au stade des candidatures ................................ 27
2.3.2.1 Objet de l’analyse des candidatures ........................................ 28
2.3.2.2 Exigences BIM formulées par le maître d’ouvrage pour la phase de candidature
................................................. 28 2.3.3 L’intégration du BIM en phase d’offre
.............................................. 30
2.3.3.1 Objet de l’analyse des offres.................................................... 30
2.3.3.2 Application du BIM au stade de l’offre ................................... 31
2.3.3.3 Spécificités de l’intégration du BIM au stade
des appels d’offres des entreprises ............................................. 33

chapitre 3 Les missions en BIM .................................................. 35


3.1 Les acteurs d’une opération de construction ou d’aménagement .. 36
3.1.1 La maîtrise d’ouvrage ........................................................................ 36 3.1.2 La
maîtrise d’œuvre .......................................................................... 37 3.1.3
L’entrepreneur .................................................................................. 39 3.1.4 Les autres
intervenants de l’opération de construction ...................... 40
3.1.4.1 Le maître d’ouvrage délégué (MOD) ..................................... 40
3.1.4.2 L’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO).................................. 41
3.1.4.3 Le programmiste ................................................................... 41
3.1.4.4 Le géomètre expert ................................................................ 42
3.1.4.5 Le bureau de contrôle ........................................................... 42
3.1.4.6 Le coordinateur SPS ............................................................. 43
3.1.4.7 Le coordinateur SSI .............................................................. 43
3.1.4.8 Le conducteur d’opération ..................................................... 44
3.1.4.9 L’OPC ................................................................................. 44

3.2 Les missions traditionnelles dans un schéma « classique » ............. 44


Table des matières | VII
3.3 Les missions traditionnelles en BIM ..................................................... 47 3.3.1
Spécificités et opportunités du BIM .................................................. 48 3.3.2 Impacts
sur les missions .................................................................... 49
3.3.2.1 L’intégrité du contenu des missions ......................................... 49
3.3.2.2 L’enchaînement dans le temps des éléments
de « mission MOP » ............................................................. 52
3.3.2.3 Les modalités de production et de diffusion des rendus ............. 52
3.3.2.4 Le contrôleur technique......................................................... 53
3.3.3 Une dimension nouvelle : les données .............................................. 54

3.4 Missions nouvelles générées par l’utilisation du BIM


et leur affectation ..................................................................................... 55 3.4.1 La
définition des missions ................................................................. 55
3.4.1.1 En amont ............................................................................ 55
3.4.1.2 Conception du processus : plate-forme collaborative, maquettes fédérées, maquette
unique ...................................... 55
3.4.1.3 Gestion et entretien de la maquette ........................................ 57
3.4.2 Les prestataires ................................................................................. 58
3.4.2.1 Distribution des nouvelles missions à un ou plusieurs
prestataires ........................................................................... 58
3.4.2.2 BIM manager, coordinateur ou modeleur adjoints
au prestataire ....................................................................... 59

chapitre 4 Les responsabilités en BIM .................................. 61


4.1 Responsabilités légales, contractuelles et délictuelles applicables . 61
4.1.1 Les garanties légales des constructeurs............................................... 62
4.1.1.1 La garantie décennale ........................................................... 63
4.1.1.2 La garantie de bon fonctionnement ........................................ 63
4.1.1.3 La garantie de parfait achèvement ......................................... 64
4.1.2 La responsabilité contractuelle de droit commun .............................. 64
4.1.3 La responsabilité délictuelle et quasi délictuelle des constructeurs ..... 65
4.1.3.1 La responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle actionnée par des tiers à
l’opération de construction ............................... 65
4.1.3.2 La responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle
mise en œuvre par les autres intervenants dans le cadre de recours entre
constructeurs ................................................. 66
4.1.3.3 La responsabilité attachée au respect de la propriété
intellectuelle ......................................................................... 66
4.1.4 La responsabilité pénale des constructeurs ........................................ 67
4.1.4.1 Pendant les phases de conception et d’autorisations
de construire ........................................................................ 67
4.1.4.2 Pendant ou après la construction de l’ouvrage ......................... 68
VIII | Le BIM sous l’angle du droit
4.2 Les responsabilités en BIM .................................................................... 69
4.2.1 Responsabilités et missions classiques en BIM .................................. 69
4.2.1.1 Évolution dans le déroulement des missions, leur contenu et le contexte
..................................................... 69
4.2.1.2 Devoir de conseil .................................................................. 70
4.2.1.3 Responsabilité pénale des constructeurs dans un processus BIM 71
4.2.2 Responsabilités attachées aux missions nouvelles induites par la maquette
numérique BIM ...................................................... 71 4.2.2.1 Responsabilités
contractuelles ................................................. 72
4.2.2.2 Responsabilité délictuelle ....................................................... 73
4.2.2.3 Qui est « constructeur » ? ...................................................... 73
4.2.2.4 Responsabilité du ou des BIM managers ................................. 74

4.3 Aménagement des responsabilités et assurances ............................. 74

4.4 Responsabilité des prestataires informatiques ................................... 75

chapitre 5 Le protocole BIM ........................................................... 77

5.1 Définition de la convention BIM ........................................................... 77

5.2 Contenu du protocole BIM .................................................................... 78

5.3 La rédaction de la convention BIM ....................................................... 82 5.3.1


Une ou plusieurs conventions BIM .................................................. 82 5.3.2 Le
rédacteur de la convention BIM................................................... 82
5.3.3 L’évolution de la convention BIM .................................................... 83 5.4 La

valeur de la convention BIM ............................................................. 83 chapitre 6

Pratique juridique du BIM en phase

exploitation-maintenance...................................... 85
6.1 La nécessité d’exprimer les attentes pour l’exploitation- maintenance
dès la programmation de l’opération .......................... 85

6.2 Les impacts des données d’exploitation-maintenance


sur la maquette numérique BIM ........................................................... 86

6.3 DOE numérique pour la phase exploitation-maintenance ............... 86


6.3.1 DOE numérique et BIM exploitation .............................................. 86
6.3.1.1 La gestion de l’ouvrage à partir du DOE numérique............... 86
6.3.1.2 Exploitation et maintenance de l’ouvrage à partir
d’une maquette BIM d’exploitation ....................................... 87
6.3.2 La maquette BIM d’exploitation pour les ouvrages existants ............. 87
Table des matières | IX

6.4 Les difficultés juridiques inhérentes à l’utilisation de la maquette


numérique en phase exploitation-maintenance ................................ 88 6.4.1
La question des erreurs affectant le contenu de la maquette
numérique BIM d’exploitation ......................................................... 88
6.4.2 La question de la maintenance du BIM exploitation ......................... 89
6.4.3 La question de la modification du BIM exploitation ......................... 89 6.4.4 La
question des données personnelles contenues
dans le BIM exploitation .................................................................. 90 6.4.4.1
Définition des données à caractère personnel ........................... 90
6.4.4.2 Intégration de données à caractère personnel
dans la maquette BIM .......................................................... 91
6.4.4.3 Traitement des données à caractère personnel contenues
dans la maquette BIM .......................................................... 91

chapitre 7 La propriété intellectuelle en BIM ................ 93


7.1 Les principes généraux de la propriété intellectuelle ........................ 93
7.1.1 Quelques observations sommaires sur la propriété industrielle .......... 94
7.1.1.1 Le brevet d’invention ............................................................ 94
7.1.1.2 Les marques ......................................................................... 95
7.1.1.3 Les dessins et modèles ............................................................ 95
7.1.2 Les fondements du droit d’auteur ..................................................... 96
7.1.2.1 Les conditions de la protection et l’identification des auteurs .... 96
7.1.2.2 Le contenu du droit d’auteur ................................................. 98
7.1.2.3 Durée, sanctions des atteintes aux droits d’auteur et protection des droits d’auteur
................................................................ 100
7.1.2.4 La protection des logiciels ...................................................... 101
7.1.2.5 La protection des bases de données ......................................... 102 7.2 La
propriété intellectuelle et le droit d’auteur en matière de construction et
d’aménagement...................................................... 103 7.2.1 Les points particuliers
....................................................................... 103
7.2.1.1 Les textes .............................................................................. 103
7.2.1.2 Spécificité de l’œuvre/spécificité de l’application des règles et des principes
..................................................................... 105 7.2.2 La jurisprudence
............................................................................... 106
7.2.2.1 L’originalité ......................................................................... 106
7.2.2.2 Le droit au respect de l’œuvre d’architecture ............................ 107

7.3 Le droit d’auteur appréhendé dans le processus BIM ....................... 109


7.3.1 Identification des sujets .................................................................... 109 7.3.2
Le droit d’auteur au fil des phases d’utilisation du BIM .................... 110
7.3.2.1 Le droit d’auteur sur la maquette .......................................... 110
7.3.2.2 Le droit d’auteur sur les œuvres contenues dans la maquette .... 111

Conclusion.................................................................................................... 115
Préface

« Quelle est ma responsabilité si je transmets à mon ingénieur (ou au maître d’ouvrage ou à une
entreprise) un fichier dans lequel un poteau n’est pas au bon endroit ou n’a pas les bonnes
caractéristiques ? »
Cette question ne date pas d’hier, à l’occasion de la livraison par Internet de la maquette
numérique d’un projet BIMé, dans laquelle chaque objet de construction est modélisé en 3D et
renseigné en 4 ou même en 7D, mais des dernières décennies du siècle passé, lorsque les calques
numériques commençaient à remplacer les calques papier, et qu’on les échangeait sur des
disquettes souples, sur lesquelles un poteau n’était rien de plus qu’un cercle dessiné d’une
certaine façon.
La fiabilité technique était approximative, les méthodes d’organisation balbutiantes, les
codifications absentes ou à l’inverse trop rigides, et le terrain juridique incertain, voire ignoré
de tous. Et pourtant, les professionnels de la construction ont ainsi échangé des données
numériques depuis plus de trente ans, sans remise en cause ni problèmes majeurs.
La transition numérique en général et le BIM en particulier bouleversent-ils aujourd’hui le
paysage et les pratiques, ou ne constituent-ils qu’une évolution, une synthèse, de ce que sont,
ou devraient être, les modes de collaboration fondamentaux des acteurs du projet ?

Il faut donc saluer le travail d’Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin qui proposent une
approche pragmatique aux questions que soulève le BIM au regard du droit.
J’ai eu le plaisir de les accueillir au sein du Mastère Spécialisé BIM, première formation
diplômante en France ouverte en 2014 par l’École des ponts ParisTech et l’ESTP, et d’y créer
le premier module d’enseignement sur les aspects juridiques et contractuels du BIM, où ont été
posées les bases de ce qui allait devenir cet ouvrage. À la lecture de leurs premiers écrits réservés
aux mastériens, j’étais déjà convaincu qu’ils seraient utiles au plus grand nombre, non seulement
par les développements spécifiques au BIM, mais aussi par le rappel des grandes notions que
tous les professionnels devraient connaître : droit, responsabilité, contrat, propriété
intellectuelle…
Les mastériens, représentatifs de la diversité des professions du monde de la construction et
des expériences professionnelles, leur ont alors réservé le meilleur accueil, ce que la deuxième
promotion vient de renouveler quelques mois avant la parution de cet ouvrage.
Grâce à la pédagogie des intervenantes et à leur fine connaissance de la théorie du droit mais
aussi de la vraie vie du monde de la construction, de la réalité des projets et des chantiers, des
litiges et des accords, les mastériens ont compris que le droit n’était pas une discipline ingrate
et inabordable, mais au contraire un outil au service de leur réflexion et de leurs projets.
2 | Préface

Il est intéressant de constater que nombre de sceptiques du BIM se réfugient derrière une
apparente absence de sécurisation juridique pour justifier leur attentisme (« tant que le cadre
juridique n’est pas clairement établi, on ne bouge pas »), alors que les témoignages des
premiers responsables BIM de grands – et moins grands – projets exposent qu’ils sont allés
de l’avant sans bases contractuelles, avec leur simple bonne volonté… et que cela a
fonctionné (« on avance en marchant, on n’a pas de certitude absolue, mais il faut y aller »).
La vérité est vraisemblablement entre les deux attitudes. Il faut que les droits et devoirs de
chaque acteur soient définis et fixés par écrit, afin d’éviter toute ambiguïté, à commencer par
celle d’un vocabulaire pas encore stabilisé, et d’assurer la traçabilité des actions de chacun,
de son apport au travail collaboratif commun, et notamment de son intervention sur la ou,
sans doute, les maquette(s) numérique(s) du projet.
Mais il faut aussi que les écrits soient simples et limpides, au risque que des procédures trop
complexes ne freinent l’appétence des intervenants, et que des règles trop rigides ne figent
le développement d’un projet qui doit pouvoir évoluer au fil des phases et des itérations.

Par la voix du plan Transition numérique dans le bâtiment (PTNB), l’État a choisi
d’accompagner le monde de la construction vers le BIM non par la loi qui l’imposerait mais
par l’incitation : donner envie, donner confiance, donner les moyens, à tous les acteurs, en
veillant à ne pas laisser les plus petits sur le bord de la route, artisans comme petites
structures d’ingénierie ou d’architecture.
Je pense que la confiance naît de la connaissance, à commencer par celle du contexte
réglementaire dans lequel on évolue. Une fois les règles du jeu débattues, fixées et acceptées
par chacun en toute connaissance de cause et de ses droits, on peut se consacrer au projet
et à sa construction, qui restent la finalité de l’action, le BIM comme le droit n’en étant que
des moyens, certes incontournables.
Le BIM est sans doute davantage une évolution des pratiques qu’un bouleversement, voire
un retour aux fondamentaux.
Les nouveaux documents qui apparaissent avec le BIM, cahier des charges de la maîtrise
d’ouvrage, convention ou protocole de la maîtrise d’œuvre, guides de modélisation et
d’enrichissement de données, livrables numériques … sont avant tout l’occasion de
(re)définir explicitement des notions de base, oubliées ou parfois distordues par l’habitude
et l’implicite. La démarche BIM fait parfois bouger le curseur de la répartition des rôles entre
les intervenants, ou celui de l’évolution du projet entre les phases, mais n’induit pas ni
n’impose de modifications fondamentales. Un projet reste composé de plusieurs phases
contractuelles successives, définies dans un contrat avec des objectifs et des livrables
correspondants. Les acteurs maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, entreprises de construction
ou d’exploitation, demeurent et ne sont pas interchangeables, chacun a son rôle et ses
responsabilités propres. On peut craindre qu’ils soient confondus ou dilués, ou au contraire
faire en sorte que, grâce à ces connaissances en organisation et en droit, tout soit au contraire
plus clair et plus sûr.
Le travail collaboratif enthousiaste et confiant de tous les acteurs peut sembler un vœu naïf
et angélique, ignorant la réalité des tensions, des antagonismes, des intérêts divergents. On
constate pourtant que la démarche BIM, le travail autour d’une même maquette, favorise le
dialogue et la communication, et concentre les énergies au service du projet.
Préface | 3
Dans le récent rapport du groupe de travail coordonné par Xavier Pican, sur le
développement des outils numériques appliqués au secteur du bâtiment, on notera avec
intérêt la conclusion que le BIM sera essentiellement contractuel et non juridique. Ce n’est
pas la loi qui fixera un cadre unique et rigide, mais au contraire le contrat qui devra prendre
en compte les spécificités de chaque projet, avec son contexte et ses acteurs.
Il n’est pas besoin d’inventer de nouvelles règles, tout au plus d’adapter certains détails
d’application, il faut surtout connaître et appliquer les fondamentaux.
Il ne faut pas craindre les responsabilités (souvent par conscience de son ignorance), il faut les
connaître, les assumer, les revendiquer, et même alors les valoriser.
La connaissance des principes de base du droit de la construction, de la commande, de la
propriété intellectuelle et du droit d’auteurs, et leur application pratique au BIM, tels qu’ils
sont présentés dans les pages qui suivent, permettront à chacun de définir sa place et de
jouer son rôle avec confiance et enthousiasme.

Olivier Celnik
Architecte, enseignant, expert BIM
Codirecteur du Mastère Spécialisé BIM,
École des ponts ParisTech/ESTP
Introduction

Le développement et l’attractivité du BIM ne cessent de s’affirmer ces dernières années, voire


ces derniers mois.
Pour autant, et bien que désormais incontournables, la méthode et l’outil BIM restent
innovants.
Les expériences passées et en cours permettent d’améliorer et de faire évoluer les potentialités
et les modalités d’utilisation de la maquette numérique intelligente.
Le présent ouvrage n’a pas pour objectif d’expliquer aux praticiens auxquels il est
essentiellement destiné ce qu’est le BIM, ce qu’il permet et comment il fonctionne. Des
spécialistes se sont d’ores et déjà consacrés à ces sujets.
Aborder le BIM sous l’angle du droit consiste à décrypter le contexte juridique dans lequel le
processus est mis en œuvre et se développe afin d’identifier les règles et principes applicables
ainsi que les outils juridiques susceptibles de favoriser la réussite d’une opération conduite en
BIM.
Les retours d’expérience et les réflexions menées ont permis de dégager les sujets juridiques
soulevés par le BIM et les outils juridiques pour les anticiper ou les traiter.
Si la relative nouveauté du BIM ne permet pas de trancher de manière ferme à ce jour l’ensemble
des questions qui se posent, des pistes de solutions sont cependant évoquées en attendant que
la pratique s’affirme.
Ce n’est pas tant la complexité technique, entendue comme la richesse de ses opportunités, que
le caractère novateur et évolutif de la matière qui fait de son appréhension juridique un sujet
également en réflexion et en devenir.
Cet ouvrage est élaboré autour d’un double objectif :
• apporter des réponses ou dégager des pistes de réflexion face aux questionnements qui
émergent de la pratique du BIM (en termes d’accès à la commande publique, de
responsabilités, de propriété intellectuelle…) ;
• présenter les utilisations possibles de l’outil juridique pour accompagner, mieux encadrer
et sécuriser le processus BIM afin de renforcer son efficacité (contrats, missions, protocole
BIM…).
Dans cette démarche, le BIM est appréhendé comme un processus de travail qui repose sur
une maquette numérique dite intelligente en ce qu’elle a vocation à inclure des représentations
graphiques en 3D, des données diverses, notamment non géométriques, et des objets
paramétriques.
6|
Introduction

Cette définition est très générale et l’approche juridique du BIM nécessite de prendre en compte les
diverses situations concrètes envisageables qui engendrent des configurations différentes en termes
matériels et juridiques.
Elles dépendent de plusieurs paramètres, notamment :
• le choix du niveau de « fonctionnement » de la maquette (1, 2, 3) ;
• le choix du niveau de développement de la maquette (conception/réalisation/exploitation-
maintenance) ;
• les finalités, les attendus de la maquette (et le paramétrage consécutif) ;
• le choix du montage contractuel (contrat traditionnel, conception-réalisation, PPP).
La combinaison des choix ainsi arrêtés engendre des schémas qui suscitent des questionnements
juridiques variés en termes de missions ou de responsabilités notamment.
La volonté de pragmatisme a guidé la rédaction de cet ouvrage et a conduit à retenir des principes
généraux afin de répondre aux interrogations soulevées par la pratique, principalement autour de sept
thèmes, lesquels seront successivement abordés ci-après :
• l’état du droit en BIM ;
• la pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération ;
• les missions en BIM ;
• les responsabilités en BIM ;
• le protocole BIM ;
• le BIM en phase exécution-maintenance ; • la propriété intellectuelle et le BIM.
chapitre 1

L’état du droit en BIM

La réglementation spécifique au BIM est à ce jour quasi inexistante en France. Les seules dispositions
normatives sont issues de la transposition dans le droit français de la directive européenne 2014/24/UE
du 26 février 2014, par l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et son décret
d’application du 25 mars 2016, lesquelles visent plus largement « les outils de modélisation électronique
des données du bâtiment ».
La jurisprudence est inexistante, les tribunaux n’ayant pas eu l’occasion de se prononcer sur une pratique
encore trop récente.
De ce fait, de nombreuses initiatives ont vu le jour et plusieurs chantiers ont été menés ou sont en cours
afin de tenter d’orienter, de préciser, voire de donner un cadre aux projets développés en BIM.
C’est dans ce contexte que la pratique du BIM se développe aujourd’hui ; elle fait émerger une forte
demande, venant de nombreux acteurs, de disposer de davantage de repères voire de normes pour les
guider. Si l’adaptation de certains textes, en particulier de la loi MOP, semble nécessaire, il n’est en
revanche pas certain que l’adoption d’une réglementation spécifique au BIM soit nécessaire ou
opportune.

1.1 La directive européenne du 26 février 2014


La directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics 1 vise notamment à
mettre en avant « l’achat innovant » parmi les 28 États membres. Elle n’est pas exclusivement consacrée
au BIM et, comme son nom l’indique, a pour objet, de manière générale, la passation des marchés
publics.
Les dispositions intéressant le BIM sont inscrites en son article 22 qui prévoit que les États membres
ont la possibilité d’exiger, pour les marchés publics de travaux et les concours, l’uti-
L’état du droit en BIM

lisation « d’outils électroniques particuliers tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou
des outils similaires », sous réserve d’offrir aux candidats « d’autres moyens d’accès » si ces outils ne sont pas
communément disponibles.

Article 22. Règles applicables aux communications


« 1. Les États membres veillent à ce que toutes les communications et tous les échanges d’informations effectués
en vertu de la présente directive, et notamment la soumission électronique des offres, soient réalisés par des
moyens de communication électroniques, conformément aux exigences du présent article. Les outils et dispositifs
utilisés pour communiquer par des moyens électroniques, ainsi que leurs caractéristiques techniques, ne sont pas
discriminatoires, sont communément disponibles et compatibles avec les TIC généralement utilisées, et ne
restreignent pas l’accès des opérateurs à la procédure de passation de marché.
[…]
4. Pour les marchés publics de travaux et les concours, les États membres peuvent exiger l’utilisation d’outils
électroniques particuliers tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils
similaires. Dans ce cas, les pouvoirs adjudicateurs offrent d’autres moyens d’accès, selon les dispositions du
paragraphe 5, jusqu’à ce que ces outils soient devenus communément disponibles au sens du paragraphe 1,
premier alinéa, deuxième phrase.
5. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent, si nécessaire, exiger l’utilisation d’outils et de dispositifs qui ne sont pas
communément disponibles, à condition d’offrir d’autres moyens d’accès. »

Appliquée au BIM, la directive offre donc la possibilité à un maître d’ouvrage public d’exiger, dans
l’avis d’appel public à la concurrence pour la passation d’un marché de travaux ou dans l’avis de
concours, l’utilisation de la maquette numérique BIM, à condition d’offrir aux candidats des moyens
permettant effectivement à tous de participer à la consultation et d’y répondre.
La directive 2014/24, comme l’ensemble des textes communautaires, n’est pas d’application directe
mais doit être transposée dans le droit français, ce qui a été fait par l’ordonnance 2015899 du 23 juillet

1 . Directive 2014/24/UE (http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2014.094.01.0065 .01.FRA) du


Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive
2004/18/CE
8|
2015 relative aux marchés publics1 et son décret d’application n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics2.

1.2 La transposition de la directive dans le droit


français
L’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et son décret du 25 mars 2016
transposent en droit français les directives européennes 2014/24/UE (directive marchés publics) et
2014/25/UE du 26 février 2014 (directive concessions). Ces textes entraînent la disparition du code
des marchés publics, ils s’inséreront dans le futur code de la commande publique qui regroupera
l’ensemble des règles applicables à la passation et à l’exécution des marchés publics, concessions,
délégations de service public et partenariats public-privé.
En l’attente de ce code de la commande publique prévu à l’horizon 2018, le nouveau droit des marchés
publics (et des concessions) est entré en vigueur le 1 er avril 2016.

1 . JORF 24 juillet 2015


2 . JORF n° 0074 du 27 mars 2016
|9
La transposition de la directive dans le droit français

Si l’ordonnance en elle-même n’aborde pas le thème du BIM au travers de l’utilisation des outils
électroniques d’échanges et de communication, c’est son décret d’application qui franchit le pas et qui
constitue le premier acte normatif du droit français relatif au BIM.
Dans leur travail de transposition, les États membres disposent d’une certaine marge de liberté à
condition, bien entendu, de respecter scrupuleusement les objectifs du texte européen.
Au regard du texte de la directive 2014/24 indiquant que « les États membres peuvent exiger l’utilisation d’outils
électroniques particuliers tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment », trois solutions
étaient envisageables pour procéder à la transposition de la règle européenne en droit français :
• la première solution consistait, à l’instar de certains pays et notamment de nos voisins européens
comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark, la Finlande ou encore la Norvège, à imposer
l’utilisation du BIM pour les projets de construction publics – le cas échéant en limitant cette
obligation aux projets les plus importants, c’est-à-dire dont le montant aurait dépassé un certain seuil
;
• la deuxième solution dont disposaient les pouvoirs publics français dans leur travail de transposition
consistait, plutôt que de rendre l’utilisation du BIM obligatoire, à encourager le recours au BIM,
voire à le favoriser ou à le faciliter, notamment au travers de différentes mesures incitatives comme
cela a été fait, par exemple, pour encourager la dématérialisation des procédures de mise en
concurrence à travers la possibilité offerte aux pouvoirs adjudicateurs de réduire les délais minimaux
de dépôt des candidatures et des offres, en cas de transmission électronique de l’avis d’appel public
à la concurrence et de mise en ligne du dossier de consultation des entreprises sur le profil acheteur 1
;
• enfin, la troisième solution se limitait à une transposition pure et simple des dispositions de la
directive, se contentant de reprendre son texte et de mentionner la faculté des pouvoirs adjudicateurs
de recourir au BIM pour les marchés de travaux et les concours.
C’est cette dernière voie qui a été privilégiée par les pouvoirs publics français, au travers de la réforme
des marchés publics traduite par l’ordonnance n° 2015-899 en date du 23 juillet 2015 et, en matière de
BIM, du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics dont le texte prévoit, en son article 42, la
possibilité pour le pouvoir adjudicateur, en cas de nécessité, d’exiger l’utilisation d’outils électroniques
tels que des outils de modélisation du bâtiment ou des outils similaires, sous réserve qu’une telle exigence
ne restreigne pas l’accès à la consultation et au marché, ce qui induit l’obligation du pouvoir adjudicateur
de prévoir d’autres moyens d’accès.

Article 42
« I. Les dispositifs utilisés pour communiquer par des moyens électroniques ainsi que leurs caractéristiques
techniques ne sont pas discriminatoires et ne restreignent pas l’accès des opérateurs économiques à la procédure
de passation. Ils sont communément disponibles et compatibles avec les technologies de l’information et de la
communication généralement utilisées.
Les outils et les dispositifs de communication et d’échanges d’information par voie électronique répondent à des
exigences minimales déterminées par arrêté du ministre chargé de l’Économie.
II. L’acheteur assure la confidentialité et la sécurité des transactions sur un réseau informatique accessible de façon
non discriminatoire selon des modalités fixées par l’arrêté mentionné au I. Les frais d’accès au réseau restent à la
charge de l’opérateur économique.

1 . Notamment article 57 du code des marchés publics 2006 pour la procédure d’appel d’offres, article 65 pour la procédure
négociée
10 | L’état du droit en BIM
Les communications, les échanges et le stockage d’informations sont effectués de manière à assurer l’intégrité des
données et la confidentialité des candidatures, des offres et des demandes de participation et à garantir que
l’acheteur ne prend connaissance de leur contenu qu’à l’expiration du délai prévu pour leur présentation.
III. L’acheteur peut, si nécessaire, exiger l’utilisation d’outils et de dispositifs qui ne sont pas communément
disponibles, tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires.
Dans ce cas, l’acheteur offre d’autres moyens d’accès au sens du IV, jusqu’à ce que ces outils et dispositifs soient
devenus communément disponibles aux opérateurs économiques.
IV. L’acheteur est réputé offrir d’autres moyens d’accès appropriés dans tous les cas suivants :
1° lorsqu’il offre gratuitement un accès sans restriction, complet et direct par moyen électronique à ces outils et
dispositifs à partir de la date de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou de la date d’envoi de l’invitation à
confirmer l’intérêt ou, en l’absence d’un tel avis ou d’une telle invitation, à compter du lancement de la consultation.
Le texte de l’avis ou de l’invitation à confirmer l’intérêt précise l’adresse Internet à laquelle ces outils et dispositifs
sont accessibles ;
2° lorsqu’il veille à ce que les opérateurs économiques n’ayant pas accès à ces outils et dispositifs ni la possibilité de
se les procurer dans les délais requis, à condition que l’absence d’accès ne soit pas imputable à l’opérateur
économique concerné, puissent accéder à la procédure de passation du marché public en utilisant des jetons
provisoires mis gratuitement à disposition en ligne ;
3° lorsqu’il assure la disponibilité d’une autre voie de présentation électronique des offres. »

Si certains acteurs espéraient davantage du législateur ou du pouvoir réglementaire français en matière


de BIM, telle n’a pas été la position adoptée par les pouvoirs publics, optant pour une montée en
puissance et un déploiement du BIM au travers de la volonté et des initiatives des pouvoirs adjudicateurs
et acteurs de la construction, convaincus de l’intérêt de l’outil, plutôt que par la contrainte.
L’article 42 du décret a le mérite de dissiper certains doutes qui subsistaient à la lecture de la directive :
• d’une part il indique qu’à l’heure actuelle les outils de modélisation électronique des données du
bâtiment ne peuvent pas être considérés comme des outils « communément disponibles » ; cette précision
n’était pas évidente dans la mesure où, les outils permettant l’utilisation de la maquette numérique
BIM, c’est-à-dire les logiciels, étant librement disponibles à l’achat, ils auraient tout au contraire pu
être considérés comme « communément disponibles » ;
• d’autre part, reprenant sur ce point le texte de la directive 2014/24, il précise quels sont les « autres
moyens d’accès » que les pouvoirs adjudicateurs sont, pour éviter toute discrimination, tenus d’offrir
aux candidats lorsqu’ils exigent une réponse en BIM. En pratique, cette obligation sera satisfaite par
la mise à disposition gratuite, en faveur des candidats qui ne seraient pas équipés, des outils requis,
soit des logiciels permettant de développer le projet en BIM.
Il convient enfin de noter que l’article 42 du décret du 25 mars 2016 ne reprend pas les dispositions de
la directive limitant la possibilité du pouvoir adjudicateur d’exiger l’utilisation d’outils de modélisation
électronique du bâtiment ou d’outils similaires aux « marchés publics de travaux et aux concours ». Il précise
en revanche que cette faculté du pouvoir adjudicateur est ouverte « en cas de nécessité » : il ne semble
toutefois pas, en l’état, que le pouvoir adjudicateur ait à justifier a priori de cette nécessité.
Les différentes initiatives françaises

En synthèse
Un maître d’ouvrage public peut requérir, au stade de l’avis d’appel public, non
seulement que le projet soit développé en BIM, mais aussi un rendu sous forme
de maquette numérique BIM au stade de la procédure de mise en concurrence,
à condition de mettre à la disposition des candidats, gratuitement, les outils qui
permettront à tous, et particulièrement ceux non équipés, de répondre et de
soumettre une offre puis d’exécuter le marché.
| 11
En pratique, un maître d’ouvrage désireux de développer son projet en BIM prendra le soin de mettre
en place une procédure de mise en concurrence restreinte et d’exiger, au stade de la candidature, que les
candidats justifient non seulement de leurs moyens matériels mais surtout des compétences et références
des membres de l’équipe en BIM. Cette précaution, indispensable, permettra de ne sélectionner pour la
phase de remise des offres que des candidats expérimentés et donc, en principe, équipés pour répondre
en BIM.

1.3 Les différentes initiatives françaises


Plusieurs acteurs de la filière construction se sont saisis de la question du BIM et ont pris l’initiative de
propositions afin de dessiner les contours de la pratique du BIM.
Parmi les nombreuses actions lancées peuvent notamment être citées :
• La mission « Numérique-Bâtiment » : mise en place par le ministère de l’Égalité des territoires,
du Logement et de la Ruralité au mois de juin 2014, elle vise d’une part à préciser l’état des lieux du
savoir-faire français du numérique appliqué au bâtiment, ses forces et faiblesses, d’autre part à
identifier les axes stratégiques et opérationnels de développement à engager dans le but de permettre
une généralisation du recours aux outils numériques par l’ensemble des acteurs dans le bâtiment à
l’horizon de 2017. « Cette mission s’inscrit dans la continuité des engagements de la démarche de concertation menée
et se veut préciser dans le détail les actions hiérarchisées par une feuille de route opérationnelle à déployer aux côtés des
professionnels du bâtiment. L’objectif est de faire de la France un acteur référent du bâtiment numérique sur chacun
des projets de construction et de rénovation, sur la scène européenne et internationale. » 1 Dans ce cadre, Bertrand
Delcambre, nommé « ambassadeur du numérique », a reçu pour mission d’élaborer un rapport,
remis le 2 décembre 2014 (« rapport Delcambre »). Ce rapport définit les perspectives de gains liés
à l’usage du numérique dans le bâtiment en matière d’économie pour les travaux de construction,
d’entretien, de maintenance et d’exploitation des bâtiments, de productivités liées à une meilleure
maîtrise de l’information, de création d’emplois 2 . À la suite de ce rapport, le plan Transition
numérique dans le bâtiment (PNTB), dont Bertrand Delcambre est le président, a été créé. Le
PNTB, doté d’un fonds de 20 millions d’euros, vise à accélérer le déploiement des outils numériques
à l’échelle de l’ensemble du secteur du bâtiment au travers d’un plan d’actions déployé autour de
trois axes : convaincre les acteurs de s’engager dans la transition numérique, développer les
compétences en bâtiment numérique, développer des outils adaptés1.
• Le plan Bâtiment durable : lancé en 2009, le plan Bâtiment durable fédère un large réseau d’acteurs
du bâtiment et de l’immobilier dans le but de favoriser la mise en œuvre des objectifs d’efficacité
énergétique. Dans le cadre de la mission confiée conjointement par le ministère de l’Égalité des
territoires et du Logement et le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie
à Philippe Pelletier, président du plan Bâtiment durable, en vue de mettre en œuvre et de piloter le
plan de performance énergétique des bâtiments, un groupe de travail « BIM et Gestion du
patrimoine » piloté par Pierre Mit et Frank Hovorka a été mis en place, dont les travaux ont abouti
au dépôt du rapport « BIM et Gestion du patrimoine » au mois de mars 2014. Ce rapport développe
des propositions concrètes pour aider à la généralisation de la maquette numérique BIM 2. Plus
récemment, le groupe de travail « Droit du numérique & Bâtiment », dirigé par Xavier Pican, a publié
le 4 mars 2016 un rapport sur les implications juridiques de l’entrée du secteur du bâtiment dans le
numérique, qui aborde les spécificités du droit du numérique d’une part lors de la construction et

1 1. www.mission-numerique-batiment.fr
2 2. www.territoires.gouv.fr
12 | L’état du droit en BIM
de la rénovation des bâtiments, d’autre part au moment de l’habitation des bâtiments. Le rapport
formule onze propositions, pour tenter de répondre aux problématiques juridiques liées à
l’utilisation de la maquette
BIM.
• Le plan Urbanisme, construction et architecture (PUCA) : service interministériel rattaché à la
direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN), le PUCA est une
agence nationale de la recherche et de l’expérimentation dans le domaine de l’urbanisme et de la
construction3. Dans le cadre du groupe projet « BIM-maquette numérique » du Prebat, le PUCA et
ses partenaires ont lancé en mai 2013 un appel à propositions sur « la constitution d’un corpus de
clauses contractuelles destiné à sécuriser les relations entre les partenaires » puis, au mois de juin
2014, un appel aux bonnes pratiques en matière de maquette numérique dont l’objet est tout à la
fois de diffuser les retours d’expériences et d’expérimenter ainsi qu’évaluer les processus, concepts,
idées et services en lien avec le BIM4.
• Mediaconstruct : représentant français du BuildingSMART International, Mediaconstruct a pour
objectif de généraliser le partage de données dématérialisées dans la construction, promouvoir et
accompagner l’usage de la maquette numérique basée sur un standard (open-BIM), faciliter
l’émergence de nouvelles méthodes de travail collaboratives.
Parmi ses nombreux travaux, Mediaconstruct a notamment élaboré un guide méthodologique de
rédaction d’une convention d’exécution BIM, outil général d'aide pour l'élaboration d'une
convention spécifique à chaque projet.
• Syntec-Ingénierie : auteur d’un cahier pratique publié par Le Moniteur5 « BIM/Maquette numérique
– Contenu et niveaux de développement ».
Il ne s’agit que de quelques exemples des nombreux travaux ou chantiers en cours et dont l’objectif est,
en précisant son cadre d’application, de promouvoir l’usage du BIM en France.

1. www.batiment-numerique.fr
2. www.planbatimentdurable.fr
3. www.urbanisme-puca.gouv.fr
4. lemoniteur.fr, « Le PUCA recense les bonnes pratiques sur le BIM », J.Nicolas, 26/06/2014 5. Le Moniteur n° 5763 du 9
mai 2014
Le cadre réglementaire français nécessite-t-il une évolution au regard du BIM ?

En synthèse
De nombreuses réflexions sont menées sur les conditions d’utilisation du BIM, dont certaines
ont abouti à des propositions concrètes. Ces propositions n’ont toutefois aucun caractère
contraignant et ne peuvent donc être utilisées qu’en tant que guides.

1.4 Le cadre réglementaire français nécessite-t-il une


évolution au regard du BIM ?
L’absence de règles normatives encadrant la pratique du BIM induit une double interrogation :
1. Le cadre réglementaire existant interdit-il le recours au BIM ?
| 13
2. Faut-il nécessairement faire évoluer ces textes ?
Ces questions présentent essentiellement un intérêt pour les opérations de construction publiques
soumises à une réglementation limitant la liberté contractuelle des parties et contraignant au respect de
règles pour la passation et l’exécution des marchés (code des marchés publics 1, ordonnance du 23 juillet
2015 et son décret d’application du 25 mars 2016, loi MOP2).
Il convient en effet de rappeler qu’en marché privé, le maître d’ouvrage est libre tout à la fois de choisir
les prestataires qui exécuteront la mission et le contenu de celle-ci.

1.4.1 L’utilisation du BIM dans la réglementation actuelle


L’analyse des textes applicables à la maîtrise d’ouvrage publique ainsi qu’aux marchés publics permet de
constater que les principaux textes relatifs à la commande publique n’ont pas pour effet d’empêcher le
recours au BIM pour une opération publique : aucune disposition ne saurait en effet être interprétée
comme constituant un obstacle à l’utilisation du BIM, que ce soit en phase de mise en concurrence ou
pour l’exécution du contrat. De fait, de nombreuses opérations publiques se sont d’ores et déjà
développées en BIM, les maîtres d’ouvrage publics manifestant un intérêt particulier pour son
utilisation, compte tenu des avantages qu’il présente (réduction des coûts, des délais, outil de gestion et
d’exploitation du bâtiment, etc.).
S’agissant des textes relatifs à la commande publique, c’est tout d’abord la phase de mise en concurrence
qui est susceptible de soulever des interrogations. Le doute qui avait pu exister quant à la possibilité
pour le maître d’ouvrage d’exiger des candidats le recours au BIM a définitivement été balayé par l’article
42 du décret du 25 mars 2016. Au-delà de ce principe désormais clairement exprimé, il convient de
garder à l’esprit que la phase préalable et obliga-

1 . Jusqu’au 31 mars 2016 ; le code des marchés publics reste applicable aux marchés en cours et aux procédures lancées avant le
31 mars 2016.
2 . Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée
14 | L’état du droit en BIM

toire de mise en concurrence est gouvernée par les principes de liberté d’accès, d’égalité de
traitement et de transparence des procédures, applicables tout au long de la procédure.
La possibilité d’imposer l’utilisation du BIM, comme la possibilité d’exiger la remise d’une
maquette BIM au stade de l’offre, ne devrait pas entrer en contradiction avec ces principes
pourvu que, dans le souci de n’engendrer aucune discrimination, le pouvoir adjudicateur
offre aux candidats un accès gratuit aux outils permettant une réponse en BIM.
L’expression par le maître d’ouvrage, dans l’avis d’appel public à la concurrence et les
documents de la consultation, d’une exigence BIM, si elle est clairement autorisée, soulève
néanmoins des questions et impose une vigilance particulière du maître d’ouvrage 1.
Concernant ensuite la phase d’exécution du marché, si aucune disposition de la loi MOP ou
de ses textes d’application (décret du 29 novembre 1993 et arrêté du 21 décembre 1993) 2
n’interdit l’utilisation du BIM, son contenu semble pourtant clairement inadapté au BIM. La
loi ayant été rédigée à une heure où seuls les plans « papier » constituaient les supports de
travail et les livrables, le format des rendus et les échelles imposées sont obsolètes lorsque le
projet est mené en BIM. Par ailleurs, sans remettre en cause le séquençage des missions de
maîtrise d’œuvre, le contenu de chaque élément de mission tel qu’il est défini par la loi (ESQ,
APS, APD, PRO, ACT, DET, AOR) ne correspond clairement plus à la réalité de
l’enchaînement des tâches dans un projet en BIM, tout particulièrement en phase de
conception où le projet sera, en BIM, défini de manière plus précise beaucoup plus
rapidement que dans un processus de conception classique.

En synthèse
Les textes encadrant la passation et l’exécution des marchés nécessaires à la
réalisation d’ouvrages publics n’interdisent pas le développement du projet en
BIM ; pour autant, des précautions devront être prises par le pouvoir
adjudicateur, en particulier au stade de la mise en concurrence.

1.4.2 Faut-il faire évoluer les textes ?


Dès lors qu’à ce jour les textes n’interdisent pas le recours au BIM dans les opérations
publiques de construction, la question de leur modification doit davantage s’envisager sous
l’angle de l’opportunité d’introduire des adaptations dans la perspective de faciliter et de
promouvoir le développement de projets de construction en BIM.

1.4.2.1 La modification des textes relatifs à la commande publique


C’est essentiellement une évolution des textes relatifs à la commande publique qui était
attendue pour promouvoir l’usage du BIM en France. On observe ainsi que l’usage du BIM
est le plus répandu dans les pays qui ont contraint les opérations publiques et imposé le

1. Voir sur ce point chapitre 2.


15 | L’état du droit en BIM

2. Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres
d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé ; arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités
techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics
à des prestataires de droit privé (JORF du 13 janvier 1994 p. 713).
| 16
Le cadre réglementaire français nécessite-t-il une évolution au regard du BIM ?

recours au BIM pour les projets publics : Grande-Bretagne, États-Unis, Finlande, Hong Kong, Corée
du Sud notamment.
On l’a vu, en France, les pouvoirs publics n’ont pas choisi la voie de la contrainte au travers du décret
du 25 mars 2016 dont l’article 42 n’a ni pour objet ni pour effet d’imposer le développement de certains
projets en BIM mais offre expressément la possibilité pour les maîtres d’ouvrage publics de l’exiger de
leurs prestataires.
Au-delà, les textes relatifs à la commande publique devront plus globalement prendre en compte
l’évolution des technologies de l’information, notamment au stade de la passation, et intégrer par
exemple, au titre des critères de sélection des offres, la possibilité pour le maître d’ouvrage de retenir, à
côté des critères traditionnels du prix, de la qualité, de la valeur technique, également celui des outils
numériques proposés1.

1.4.2.2 La modification de la loi MOP


C’est en réalité moins le texte de la loi MOP elle-même que celui de ses décret et arrêté d’application
qui devrait être adapté aux nouvelles façons de travailler et à la maquette numérique BIM :
• s’agissant des rendus, les échelles des livrables exigés par l’arrêté MOP du 21 décembre 1993 2
interdisent un rendu exclusif en BIM : le texte doit être modifié afin d’intégrer la possibilité d’un
rendu exclusivement numérique et d’une maquette numérique BIM pour éviter, à terme, de devoir
doubler les livrables BIM d’un rendu papier ;
• s’agissant du contenu des éléments de mission, le contenu des éléments de mission en phase de
conception imposé par le décret du 21 décembre 1993 et précisé par l’arrêté du même jour ne
correspond pas à la réalité du processus de conception en BIM : les textes doivent être assouplis
pour éviter une distorsion entre les exigences réglementaires et la réalité du processus de conception
;
• s’agissant de la phase d’exploitation-maintenance, en BIM la mission des concepteurs est largement
impactée lorsque la maquette numérique BIM doit intégrer les données nécessaires à la phase
d’exploitation et de maintenance du bâtiment, or la loi MOP n’envisage pas cette phase ni les
missions et tâches qu’elle induit au niveau de la conception. Si le cadre de la loi MOP n’interdit
nullement de confier au maître d’œuvre des missions complémentaires, non prévues par la loi, il
serait néanmoins opportun d’adapter la loi également sur ce point, étape désormais essentielle d’un
projet en BIM mais actuellement totalement absente de la loi MOP ;
• s’agissant enfin de la mission de BIM management, il serait opportun de la formaliser également
dans la loi en tant que mission complémentaire à la mission de base.
Ainsi, si les contraintes imposées par la loi MOP ne sont pas incompatibles avec le BIM et permettent
le développement d’un projet en BIM, sa mise à jour apparaît indispensable.
Cette nécessité d’un toilettage de la loi MOP n’est d’ailleurs pas spécifique à l’émergence du BIM mais
s’inscrit dans un mouvement global de remise en question plus ou moins exacerbée d’un texte qui a fêté
ses trente ans et dont certaines dispositions sont jugées trop contraignantes (l’encadrement de la maîtrise

1 1. En ce sens, proposition de Mediaconstruct


2 . Arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise d’œuvre confiés
par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé.
d’ouvrage déléguée, la séparation des fonctions de maîtrise d’œuvre et d’entrepreneur) pour les maîtres
d’ouvrage recherchant davantage de souplesse et répondant aux pratiques contractuelles nouvelles.
Si la loi MOP (et ses textes d’application) doit incontestablement être « revisitée » au regard de
l’évolution des pratiques (évolutions numériques, contractuelles, etc.), elle devrait en revanche rester
intouchable sur les principes fondamentaux qu’elle a mis en place, en particulier l’obligation pour le
maître d’ouvrage de définir ses besoins (le programme de l’opération) ou encore la mission de base de
maîtrise d’œuvre pour les ouvrages de bâtiment.

1.4.2.3 La modification des cahiers des clauses administratives générales


Ces documents contractuels entièrement facultatifs, auxquels il est donc possible de déroger en tout ou
en partie, pourraient également intégrer les évolutions des pratiques induites par un processus BIM.
Cette nécessité est moins prégnante que dans le cas des textes de la commande publique et ceux de la
loi MOP, dans la mesure où l’application des CCAG reste toujours entièrement facultative pour les
maîtres d’ouvrage publics qui sont libres de s’y soumettre. Étant donné que la quasi-intégralité des
marchés publics s’y réfère, leur adaptation serait dans tous les cas opportune.
Mediaconstruct propose par exemple d’intégrer, en particulier dans le CCAG PI, une rédaction
recommandant l’interopérabilité. Nul doute que toute rédaction prenant en compte le BIM dans les
relations entre les acteurs ne peut qu’être favorablement accueillie.
En synthèse
Si les textes actuels relatifs aux marchés publics n’interdisent pas aux maîtres
d’ouvrage publics de mener une opération de construction en BIM dès le stade
de la mise en concurrence pour l’attribution des marchés de maîtrise d’œuvre et
de travaux et jusqu’à la phase d’exploitation de l’ouvrage, il est en revanche
certain qu’ils doivent être adaptés afin de prendre en compte l’utilisation des
nouveaux outils numériques à la disposition des acteurs d’une opération de
construction.
chapitre 2

Pratique juridique du BIM en phase

de préparation de l’opération

L’intégration du BIM dans une opération de construction ou d’aménagement suppose d’appréhender


et d’organiser le processus dès la phase de préparation de l’opération afin de maîtriser sa mise en œuvre
et d’en optimiser les résultats.
18 | L’état du droit en BIM
Les implications juridiques du BIM sur le contrat et les pratiques contractuelles sont en effet
susceptibles d’être différentes selon la nature du contrat auquel le BIM s’applique (contrat public ou
privé, opération de construction neuve ou réhabilitation) et le montage contractuel adopté (loi MOP,
conception-réalisation, PPP). Il est indispensable à cet égard de saisir parfaitement les subtilités
existantes non seulement entre contrats publics et privés mais aussi entre les différents montages
contractuels possibles pour définir et adapter au mieux les modalités d’intégration du processus BIM
propre à l’opération de construction envisagée.
En phase de préparation de l’opération, le maître d’ouvrage désireux de conduire son projet en BIM
devra non seulement mener une réflexion mais aussi engager des actions concrètes : à l’étape de la
programmation d’une part, de l’identification des caractéristiques matérielles de l’opération, en
particulier en réhabilitation, d’autre part, enfin à l’étape de la passation des contrats.

2.1 Impacts juridiques du BIM au stade de la


programmation

2.1.1 Définition de la programmation


La phase de programmation consiste pour le maître d’ouvrage, après avoir procédé aux études
d’opportunité et de faisabilité de l’opération envisagée, à définir et spécifier ses besoins et les
caractéristiques et contraintes de l’ouvrage à réaliser : exigences architecturales, fonctionnelles,
techniques, économiques, environnementales, etc.
| 19
En marché privé comme en marché public, la programmation est une étape fondamentale d’une
opération de construction.
Pour les opérations de constructions publiques, il s’agit d’une obligation du maître d’ouvrage, qui lui est
imposée à un double titre :
• par les règles de la commande publique qui exigent du maître d’ouvrage qu’il définisse ses besoins
préalablement à la passation de tout marché (article 30 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative
aux marchés publics)1 ;
• par la loi MOP2 qui oblige les maîtres d’ouvrage publics qu’elle vise à définir le programme de
l’opération (article 2). Le programme est un élément essentiel puisque, selon la loi MOP, la mission
de maîtrise d’œuvre est une réponse au programme établi par le maître d’ouvrage : « La mission de
maîtrise d’œuvre que le maître de l’ouvrage peut confier à une personne de droit privé ou à un groupement de personnes
de droit privé doit permettre d’apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme mentionné
à l’article 2. » (Article 7)
En marché privé, quand bien même aucune contrainte réglementaire ne pèse sur le maître d’ouvrage en
termes de programmation, il s’agit d’une étape tout aussi indispensable qui conditionne le bon
déroulement de l’opération. À la différence des marchés publics, un maître d’ouvrage privé peut confier,
dans une même mission, à l’architecte ou au maître d’œuvre qu’il désigne pour concevoir l’ouvrage, tout
ou partie de la programmation. Cette hypothèse, relativement fréquente pour une opération privée, est
en revanche impossible pour les contrats de la commande publique pour lesquels les maîtres d’ouvrage
doivent impérativement avoir établi le programme – éventuellement assistés en cela par un
programmiste, un architecte ou un assistant à maîtrise d’ouvrage – avant la sélection du maître d’œuvre.
La nécessité d’un programme précis et complet est doublement importante : un programme bien défini
évite des errements de la maîtrise d’ouvrage pendant le cours de la conception et même de l’exécution
des travaux, lesquels peuvent entraîner des retards et des dérapages financiers ; par ailleurs, dans la
mesure où les études de la maîtrise d’œuvre se doivent d’être la réponse aux besoins du maître d’ouvrage
(article 7 de la loi MOP précité), c’est notamment au regard du contenu du programme et de ses
modifications que la maîtrise d’œuvre pourra valablement présenter des demandes de rémunération
complémentaire pour les études qu’elle aura pu réaliser 3.

1. La section II du chapitre I de l’ordonnance du 23 juillet 2015 est consacrée à la « définition préalable des besoins » ; son
article 30 dispose que : « La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en
prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. » L’article 30 reprend
le texte de l’article 5 du code des marchés publics en vigueur jusqu’au 1er avril 2016.
2. Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée
3. En marché public la jurisprudence encadre de manière très stricte les hypothèses dans lesquelles le maître d’œuvre peut
obtenir, en plus de son forfait de rémunération, des honoraires supplémentaires : dans une décision rendue par le Conseil
d’État le 29/09/2010 (CE 29 septembre 2010, Sté Babel, req. n° 319481), trois hypothèses pouvant conduire à une sortie du
forfait et à un ajustement de la rémunération du maître d’œuvre ont été définies : d’une part l’existence de « modification de
programme ou de modification de prestations décidées par le maître de l’ouvrage », d’autre part l’exécution de « missions ou prestations non
prévues au marché de maîtrise d’œuvre, non décidées par le maître d’ouvrage » si « elles ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage selon les
règles de l’art » ou si le maître d’œuvre a été confronté à « des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont
la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l’économie du contrat ».
Impacts juridiques du BIM au stade de la programmation
20 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération
2.1.2 Les impacts juridiques du BIM au stade de la programmation
Dans la définition de son programme, le choix du processus BIM induira pour le maître d’ouvrage des
conséquences différentes au regard :
• de la nature de l’opération ;
• du montage contractuel adopté par le maître d’ouvrage ;
• des besoins du maître d’ouvrage.

2.1.2.1 La nature de l’opération


Les implications du BIM à mettre en place seront différentes selon que l’opération concerne une
construction neuve ou une réhabilitation. Une opération de réhabilitation suppose en effet une
démarche spécifique du maître d’ouvrage quant à la connaissance et la prise en compte d’informations
sur l’ouvrage à réhabiliter1.

2.1.2.2 Le montage contractuel


Le montage contractuel adopté par le maître d’ouvrage pour la réalisation de l’opération se traduira
différemment dans le processus BIM, en fonction des relations que ce montage induit entre les acteurs
de l’opération.
Dans le schéma « classique » de la loi MOP, les contrats de maîtrise d’œuvre et d’entreprise(s) sont
nécessairement distincts et obligatoirement séparés compte tenu du principe d’interdiction posé par la
loi de confier à un même prestataire à la fois la conception et l’exécution des travaux d’un ouvrage
public 2 . Toute intervention de l’entreprise en phase de conception est formellement prohibée. Ce
montage, le plus couramment utilisé, induit en BIM la nécessité pour le maître d’ouvrage d’organiser le
passage du BIM de conception au BIM d’exécution, c’est-à-dire les modalités selon lesquelles la
maquette BIM élaborée en phase de conception sera transmise et utilisée par les entreprises, en
particulier si elle est transmise à titre uniquement informatif aux entreprises, les obligeant alors à un
travail de ressaisie, ou si les entreprises peuvent intégrer directement leurs données dans la maquette de
conception qui constituera alors le socle du BIM d’exécution. Si, en phase de programmation, le maître
d’ouvrage n’entend pas trancher sur ce point, il devra alors exiger de la maîtrise d’œuvre qu’elle définisse
elle-même les conditions dans lesquelles la maquette sera partagée avec la ou les entreprises.
Dans les marchés de conception-réalisation qui constituent une exception au principe de dissociation
des fonctions de maîtrise d’œuvre et d’entrepreneur défini par la loi MOP 3, les intervenants en charge
de la conception forment avec ceux assurant l’exécution une seule et

1 1. Voir § 2.2 ci-après.


2 . L’article 7 de la loi prévoit en effet que : « Pour la réalisation d’un ouvrage, la mission de maîtrise d’œuvre est distincte de celle d’entrepreneur.
»
3 . L’article 18 de la loi MOP autorise le recours aux marchés de conception-réalisation par dérogation au principe de la séparation

entre maîtrise d’œuvre et entrepreneur, le marché de conception-réalisation devant permettre au maître d’ouvrage de « confier
par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d’infrastructure, à une personne de droit privé, une mission
portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux, lorsque des motifs d’ordre technique ou d’engagement contractuel sur un
niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage. Un décret précise les
conditions d’application du présent alinéa en modifiant, en tant que de besoin, pour les personnes publiques régies par le code des marchés publics,
les dispositions de ce code ».
21 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération

même équipe : il leur revient en conséquence de s’organiser en interne pour assurer les
conditions de collaboration et de partage des données de la maquette. À la différence du
montage classique, la maîtrise d’ouvrage n’a donc pas, en conception-réalisation, à intégrer
cette réflexion en phase de programmation.
Dans les marchés globaux et contrats de partenariat (PPP) qui confient au même prestataire,
outre la conception et la construction de l’ouvrage, son exploitation et/ou sa maintenance,
ce montage contractuel permet d’intégrer naturellement, dès la phase de conception, les
données nécessaires à l’exploitation dans la maquette numérique BIM, ce qui doit être
anticipé plus précisément tant en montage contractuel loi MOP qu’en conception-
réalisation. La présence de l’exploitant dès la phase de conception permettra aux concepteurs
d’intégrer ses besoins dans la maquette.

2.1.2.3 L’expression de ses besoins par le maître d’ouvrage : la rédaction du cahier


des charges BIM
Dans sa réflexion sur ses besoins et ses objectifs (nature de l’opération, caractéristiques de
l’ouvrage à réaliser, enveloppe financière, localisation, etc.), ainsi que les modalités
spécifiques à mettre en œuvre pour les atteindre (montage contractuel), le maître d’ouvrage
doit nécessairement, on l’a vu, intégrer la dimension BIM de l’opération. Cette réflexion se
traduira dans la définition de ses attentes spécifiques au processus BIM qu’il entend engager
et demander à ses prestataires de suivre, s’agissant des objectifs et des conditions d’utilisation
de la maquette numérique BIM. D’un point de vue pragmatique, il convient en effet, dès la
phase de programmation, de déterminer l’objectif, qui influera sur le processus, la
méthodologie et le niveau de la maquette, non seulement dans ses grands axes (BIM en
conception, BIM en conception et exécution ou BIM en conception, exécution et
exploitation), mais aussi dans les caractéristiques de la maquette numérique BIM qu’il
prescrit : contenu de la maquette, méthodologie, fonctionnement de la maquette selon les
phases1, niveau requis de la maquette en termes de fonctionnalités 2.
Ces données auront tout intérêt à être intégrées aussitôt que possible pour que la maquette
soit adaptée dès l’origine (notamment dans le cas où le maître d’ouvrage envisage un BIM
exploitation, les données utiles nécessaires ou à conserver devront être prises en
considération bien évidemment dès la conception).
Ainsi, la définition des caractéristiques de la maquette numérique BIM se traduit par la
rédaction, durant la phase de programmation d’un cahier des charges BIM qui formalisera
les exigences du maître d’ouvrage.
Le cahier des charges BIM est un document essentiel qui constitue le socle du processus
BIM lorsqu’il est initié par le maître d’ouvrage :
• tout d’abord parce que le cahier des charges formalise les attentes et besoins du maître
d’ouvrage pour la maquette numérique BIM ;
22 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération

1. Cahier pratique du Moniteur, Syntec-Ingénierie, n° 5763 du 9 mai 2014


2. Rappel : niveau 1 : CAO 3D/CAO 2D ; niveau 2 : CAO 3D favorisant et facilitant les échanges et le travail
collaboratif (plate-forme collaborative/maquettes fédérées) ; niveau 3 : Open BIM, interopérabilité complète,
information et collaboration permanente grâce à un modèle unique et commun.
| 23

Impacts juridiques du BIM au stade de la programmation

• ensuite parce que, au-delà de l’intérêt qui existe pour le maître d’ouvrage à connaître et
définir finement ses besoins, le cahier des charges est aussi indispensable pour les autres
acteurs de l’opération : il sera communiqué aux équipes candidates lors de la passation
du contrat (de maîtrise d’œuvre, de conception-réalisation ou de partenariat) pour leur
permettre de connaître les exigences du maître d’ouvrage et de formaliser leur offre en
matière de BIM ;
• enfin parce que le cahier des charges constitue le document de référence, le socle à partir
duquel le processus BIM sera développé tout au long de l’opération.
Le cahier des charges doit en conséquence être un document clair et précis, qui expose ce
que le maître d’ouvrage attend pour chaque phase du projet. À l’heure actuelle, ils sont le
plus souvent élaborés par un spécialiste BIM, auquel le maître d’ouvrage confie une mission
d’AMO BIM1.
Le cahier des charges BIM fixe de la manière la plus précise possible les besoins à satisfaire
; dans son travail de définition, le maître d’ouvrage doit toutefois veiller à ne pas sortir du
rôle qui est le sien et à ne pas s’immiscer dans la mission du titulaire, notamment celle du
maître d’œuvre : le cahier des charges, s’il doit décrire les résultats attendus, ne peut imposer
une méthode pour les atteindre.
Ainsi, le cahier des charges pourra comporter, sans que cette liste ne revête un caractère
obligatoire ou exhaustif :
• un lexique des termes spécifiques au BIM : en l’absence de définitions légales,
réglementaires ou faisant consensus, il est fortement conseillé de préciser la définition
des termes employés dans la mesure où l’on observe souvent, en pratique, que le sens
d’une même notion diffère d’un acteur à l’autre ;
• un exposé général et bref de l’approche BIM par le maître d’ouvrage ainsi que ses attentes
générales ;
• les caractéristiques techniques (ou « prescriptions techniques ») de la maquette BIM ou,
le cas échéant, des maquettes métiers ainsi que le contenu de la maquette, soit :
– définition des livrables attendus par la maîtrise d’ouvrage (maquette
unique/maquettes métiers, etc.),
– définition des conditions de mise à disposition de la maquette de conception au stade
de l’exécution des travaux (montage classique MOP),
– définition des attentes de la maîtrise d’ouvrage en phase d’exploitation de l’ouvrage ;
• en montage classique MOP, les conditions de management de la maquette : son
titulaire et sa mission.
On le voit, la phase programmation et le rôle du maître d’ouvrage pendant cette étape sont
donc plus que jamais essentiels lorsque l’opération est menée en BIM.

1 . Sur la mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage BIM : voir chapitre 3.


24 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération

En synthèse
Le cahier des charges BIM devra être rédigé avec attention, clarté et précision par
le maître d’ouvrage. Les prescriptions du cahier des charges sont opposables à
l’ensemble des intervenants, c’est-à-dire aux maîtres d’œuvre auxquels il
s’adresse en priorité, mais aussi au maître d’ouvrage qui est également lié par son
contenu ; il constitue un document contractuel qui figurera dans la liste des
documents du marché (ouvrage public) ou qui sera annexé au contrat (opération
de construction privée). Si, malgré l’aide d’un AMO, le maître d’ouvrage est dans
l’incapacité de décider à ce stade de tous les détails du process, le contenu du
cahier des charges pourra être précisé, affiné, voire modifié au cours de
l’avancement des études. Les prestataires et en particulier les maîtres d’œuvre
veilleront, en cas d’imprécision ou d’élément programmatique non défini, à
interroger le maître d’ouvrage et à lui demander qu’il se positionne et arrête ses
choix. Confrontée à un maître d’ouvrage dans l’incapacité, par manque de
compétences ou d’expérience, de fixer ses besoins essentiels en termes de BIM,
la maîtrise d’œuvre, au titre de son obligation de conseil, devra lui suggérer de se
faire assister d’un AMO BIM.
La phase de programmation, le rôle essentiel du maître d’ouvrage et, le cas
échéant, de l’AMO BIM qui l’assiste sont donc plus que jamais essentiels lorsque
l’opération est menée en BIM.

2.2 Impacts juridiques du BIM sur le relevé des


caractéristiques matérielles de l’opération

2.2.1 Les données de l’existant en BIM


Le lancement d’une opération de construction, de réhabilitation, d’aménagement suppose pour le maître
d’ouvrage d’avoir pu vérifier au préalable un certain nombre de données matérielles. Il en est ainsi
notamment du relevé du terrain d’assiette du projet, de la vérification et de la validation de l’emprise du
projet sur l’assiette du projet, ou encore de la vérification des surfaces projetées. Lorsque l’opération
concerne un ouvrage à réhabiliter, il sera indispensable de dresser un état de l’existant. L’intervention
sur un ouvrage existant suppose en effet pour le maître d’ouvrage de fournir aux concepteurs des
informations matérielles sur la base desquelles le projet sera développé.
Ces informations, et leur fiabilité, sont essentielles : elles ont une incidence pratique évidente sur la
conception du projet de l’opération ; elles ont également une incidence juridique tout aussi évidente :
une erreur dans les données de l’existant pourra avoir des conséquences importantes sur le contenu des
études et le déroulement du projet en entraînant des reprises d’études, lesquelles, selon le stade auquel
elles interviennent, peuvent non seulement s’avérer coûteuses mais aussi provoquer une interruption
des travaux, un décalage dans le calendrier d’exécution et un dérapage du budget de l’opération.
Lorsque l’opération est menée en BIM, il est pertinent et souhaitable pour le maître d’ouvrage d’intégrer
ces informations au process BIM. Ces données pourront en effet être produites en 3D et intégrées dans
une maquette numérique qui sera mise à la disposition des
Impacts juridiques du BIM sur le relevé des caractéristiques matérielles de l’opération

intervenants ultérieurs (maquette numérique du site). Cette maquette, élaborée avant tout
commencement des études de conception, sera alors utilisée par les concepteurs dans le cadre de
l’exécution de leurs propres missions BIM, permettant ainsi d’éviter un travail de ressaisie des données.
| 25
Dans une opération de réhabilitation, à défaut de fourniture par le maître d’ouvrage d’une maquette du
site, le maître d’œuvre devra élaborer sa maquette de conception à partir des données communiquées
par le maître d’ouvrage ; cette tâche spécifique, qui peut être complexe selon le site et l’ouvrage qu’elle
concerne, devra être distincte de la mission « de base » et faire l’objet d’une rémunération adéquate.
Ceci est d’autant plus souhaitable que cette tâche spécifique est susceptible d’entraîner des conséquences
importantes pour le maître d’œuvre en cas d’erreur de saisie.
En synthèse
Le choix du process BIM induit des impacts juridiques spécifiques lors de la phase
de préparation de l’opération lorsqu’elle porte sur la réhabilitation ou la
restructuration d’un ouvrage existant. Le maître d’ouvrage doit en effet définir à
ce stade les conditions dans lesquelles les données matérielles de l’existant
seront communiquées aux concepteurs, en particulier si la tâche de numérisation
– et la responsabilité qu’elle induit en cas d’erreur – est réalisée par la maîtrise
d’ouvrage (qui missionnera un spécialiste) ou intégrée à la mission de maîtrise
d’œuvre.
2.2.2 Missions et responsabilités du géomètre expert en BIM
Le géomètre expert s’insère naturellement dans la phase de préparation d’une opération de construction
eu égard à la nécessité pour le maître d’ouvrage de connaître précisément l’étendue et les limites de sa
propriété.
Le géomètre expert est le seul professionnel habilité par la loi à dresser des plans et documents
topographiques ayant une incidence foncière : il identifie, mesure, évalue la propriété immobilière,
qu’elle soit publique ou privée, bâtie ou non, tant en surface que sous le sol, et enregistre les relevés
ainsi réalisés et celui des droits réels (droit de propriété, d’usufruit, de nue-propriété) qui y sont attachés.
Les relevés réalisés par un géomètre expert sont attestés par les mentions devant figurer sur ces relevés
: date, signature et cachet du géomètre expert. Le géomètre expert garantit ainsi l’exactitude et la fiabilité
des données relevées, et engage sa responsabilité en cas d’erreur sur cellesci. Pour ces raisons, le
géomètre expert doit impérativement souscrire une assurance le garantissant contre les conséquences
financières qui peuvent découler de sa responsabilité civile professionnelle et destinée à indemniser le
maître d’ouvrage en cas d’erreur dans ses relevés.
Dans une démarche BIM, les relevés réalisés par le géomètre expert peuvent être produits en 3D dans
une maquette numérique qui sera ensuite mise à disposition des intervenants postérieurs. La mission
du géomètre expert pourra à cet égard ne pas se limiter aux relevés ayant une incidence foncière mais
être plus globale et concerner l’ensemble de l’existant.
Dans tous les cas, l’étendue de la mission qui lui est confiée devra être définie, s’agissant notamment de
la précision attendue par le maître d’ouvrage des relevés numériques commandés.
Relevons enfin que le monopole réservé aux géomètres experts pour les relevés ayant une incidence
foncière n’interdit pas au maître d’ouvrage de confier à tout autre professionnel compétent la mission
de procéder aux relevés sans incidence foncière.
Au-delà du relevé de l’existant, lorsque l’opération concerne la réhabilitation ou la restructuration d’un
immeuble existant, la réalisation d’une étude de diagnostic est indispensable.

2.2.3 La mission diagnostic en BIM


Les textes d’application de la loi MOP (décret « Missions » du 29 novembre 1993 et arrêté du 21
décembre 1993)1 définissent, pour les opérations de réhabilitation en bâtiment, les différents éléments
de mission de maîtrise d’œuvre, en particulier la nécessité d’études de diagnostic.
26 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération
Ces études de diagnostic, propres à la réhabilitation, précèdent les études d’avant-projet et ne relèvent
pas de la mission de « base » définie par la loi MOP pour le bâtiment. Elles consistent à mener des
études et investigations pour connaître l’état de l’ouvrage et ainsi vérifier la faisabilité de l’opération au
regard du programme et de l’enveloppe budgétaire définis par le maître d’ouvrage. Les études de
diagnostic doivent ainsi permettre d’appréhender aussi précisément que possible l’ensemble des
contraintes à prendre en compte pour la conception et la réalisation de l’ouvrage à réhabiliter.
En BIM, les données issues des études de diagnostic ont naturellement vocation à intégrer la maquette
; le maître d’ouvrage veillera à ce que ces études n’interviennent pas de façon trop tardive : elles devraient
au mieux être réalisées avant le démarrage de la conception. À ce stade – et de manière identique lorsqu’il
s’agira uniquement d’un relevé de l’existant –, la maquette qui sera établie ne constituera pas encore une
maquette BIM dès lors qu’il s’agira uniquement d’une numérisation en 3D.
Que l’ouvrage à réaliser soit public ou relève d’une initiative purement privée, le maître d’ouvrage peut
toujours décider de confier la mission diagnostic à la maîtrise d’œuvre ou à un tiers extérieur à l’équipe.

2.3 Le BIM au stade de la mise en concurrence


De nombreux maîtres d’ouvrage publics s’interrogent sur la possibilité de lancer un projet en BIM et
sur la manière de procéder, notamment d’intégrer cette exigence dès le stade de la mise en concurrence.
De fait, de nombreux maîtres d’ouvrage en ont déjà pris l’initiative et il est essentiel de savoir ce que les
maîtres d’ouvrage peuvent et sont en droit d’exiger au stade de l’avis d’appel public à la concurrence.
Les impacts de la mise en œuvre d’un processus BIM au stade de la passation des marchés seront
différents selon la nature de l’opération et le modèle contractuel choisi ; les dispositions

1. Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à
des prestataires de droit privé et arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de
mission de maîtrise d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé.
Le BIM au stade de la mise en concurrence | 27

législatives et réglementaires permettent au maître d’ouvrage de formuler des exigences en BIM tant en
phase de candidature qu’en phase d’offre.

2.3.1 Impacts du BIM en phase de passation des marchés,


au regard de la nature du contrat
La question de la possibilité pour le maître d’ouvrage d’intégrer et de formuler des exigences spécifiques
en matière de BIM dès la phase de passation des marchés présente un intérêt essentiellement pour les
contrats de la commande publique, soumis à des règles de publicité et de mise en concurrence
préalables. Au regard de ces règles, l’intégration du processus BIM dès le stade de la mise en concurrence
soulève de nombreuses interrogations en phase de candidature d’une part, en phase d’offre d’autre part,
ces questions générales étant doublées de questions spécifiques pour la passation des marchés de
travaux.

2.3.1.1 La passation des contrats dans les opérations de construction privées


Dans le domaine de la construction, comme pour toute relation contractuelle quel que soit l’objet du
contrat, les maîtres d’ouvrage privés disposent d’une liberté totale pour choisir les prestataires auxquels
ils décident de confier une mission. De même, le contrat ne revêt aucune forme particulière, il peut
même être oral (ce n’est toutefois pas conseillé) 1. Les maîtres d’ouvrage privés ont bien évidemment la
faculté d’organiser une mise en concurrence leur permettant de sélectionner les prestataires avec lesquels
ils décideront de travailler (architectes, bureaux d’études, entreprises, etc.). Cette procédure peut être,
au choix du maître d’ouvrage, plus ou moins légère : de la simple comparaison de devis sollicités auprès
de quelques entreprises ou maîtres d’œuvre à l’organisation d’une procédure détaillée se rapprochant
des principes définis pour les contrats de la commande publique, là encore, tout est possible pour le
maître d’ouvrage privé. Mais, dès lors qu’il décide d’organiser une véritable mise en concurrence au
regard de règles définies, le cas échéant dans un cahier des charges ou un règlement de la consultation,
le maître d’ouvrage privé est, comme les candidats auxquels il les impose, tenu au strict respect des
règles qu’il fixe.

2.3.1.2 La passation des contrats relevant de la commande publique : principe de la


mise en concurrence obligatoire
La mise en concurrence des candidats à un marché public est un principe fondamental du droit de la
commande publique affirmé dès l’article 1er de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics :

Article 1
« I. Les marchés publics soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d’accès à la commande
publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.
Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. »
Ces principes fondamentaux mentionnés au I de l’article 1 er – liberté d’accès, égalité de traitement,
transparence des procédures – sont des principes à valeur constitutionnelle, ils s’imposent à tous les

1 . Pour les architectes, le code des devoirs professionnels impose la forme écrite du contrat (article 11, décret n° 80-217 du 20
mars 1980).
28 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération

marchés de la commande publique et constituent le fondement même des règles contenues dans
l’ordonnance du 23 juillet 2015 et son décret d’application du 25 mars 20161.
• La liberté d’accès implique que tous les opérateurs intéressés puissent proposer leurs services pour
répondre au besoin exprimé par le pouvoir adjudicateur, ce qui suppose qu’ils puissent en être
informés grâce à l’organisation d’une publicité adéquate.
• L’égalité de traitement interdit toute pratique discriminatoire de nature à favoriser certains
opérateurs ou candidats au marché ; cette égalité de traitement s’impose à tous les stades de la mise
en concurrence.
• La transparence des procédures constitue la garantie d’une véritable mise en concurrence, elle
implique notamment que le pouvoir adjudicateur fasse connaître non seulement la nature de son
besoin, mais aussi les conditions dans lesquelles il sera procédé à la sélection de l’attributaire du
marché.
L’ordonnance du 23 juillet 2015 et son décret d’application définissent un certain nombre de règles et
de formalités à respecter par le pouvoir adjudicateur dans les procédures de publicité et de mise en
concurrence préalables auxquelles il doit se soumettre. Ces règles et les obligations qu’elles génèrent
pour le pouvoir adjudicateur varient en fonction de trois critères : l’identité du pouvoir adjudicateur, la
nature du marché à passer (marché de travaux, de fournitures ou de services) et le montant du marché
à passer : plus le montant du marché est élevé, plus les obligations de publicité et de mise en concurrence
imposées au pouvoir adjudicateur sont importantes 2.

2.3.1.3 La possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’exiger l’utilisation d’outils de


modélisation électronique des données du bâtiment ou d’outils similaires
Le décret du 25 mars 2016 a repris, en son article 42.III, les principes édictés au niveau communautaire
en matière de communication et d’échanges d’informations par voie électronique en phase de passation
:

Article 42
« III. L’acheteur peut, si nécessaire, exiger l’utilisation d’outils et de dispositifs qui ne sont pas communément
disponibles, tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires.
Dans ce cas, l’acheteur offre d’autres moyens d’accès au sens du IV, jusqu’à ce que ces outils et dispositifs soient
devenus communément disponibles aux opérateurs économiques.
IV. L’acheteur est réputé offrir d’autres moyens d’accès appropriés dans tous les cas suivants :
1° lorsqu’il offre gratuitement un accès sans restriction, complet et direct par moyen électronique à ces outils et
dispositifs à partir de la date de publication de l’avis d’appel public à la concurrence ou de la date d’envoi de
l’invitation à confirmer l’intérêt, ou en l’absence d’un tel avis ou d’une telle invitation, à compter du lancement de
la consultation. Le texte de l’avis ou de l’invitation à confirmer l’intérêt précise l’adresse Internet à laquelle ces outils
et dispositifs sont accessibles ;

1. Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics


2. Des seuils sont fixés au niveau européen et en droit français par décret. Ils sont révisés tous les deux ans. Le décret n° 2015-
1163 du 17 septembre 2015 (www.legifrance.gouv.fr) a relevé le seuil de dispense de procédure à 25 000 € HT au 1er octobre
2015 (15 000 € antérieurement). Actuellement, les seuils de mise en concurrence qui sont applicables depuis le 1 er janvier
2016 (et jusqu’au 31 décembre 2017) sont définis par le décret n° 20151904 du 30 décembre 2015.
Le BIM au stade de la mise en concurrence | 29

2° lorsqu’il permet que les opérateurs économiques n’ayant pas accès à ces outils et dispositifs ni la
possibilité de se les procurer dans les délais requis, à condition que l’absence d’accès ne soit pas
imputable à l’opérateur économique concerné, participent gratuitement à la procédure de passation
du marché public, par l’intermédiaire d’accès temporaire ;
3° lorsqu’il assure la disponibilité d’une autre voie de présentation électronique des offres. »

Concrètement, l’article 42 du décret du 25 mars 2016 ouvre donc la possibilité pour le maître
d’ouvrage d’exiger des candidats qu’ils remettent leur offre sous forme de maquette
numérique BIM, à condition de mettre à la disposition des candidats non équipés les outils
leur permettant également de répondre sous forme de maquette numérique BIM1. L’objectif
de cette disposition est bien de ne pas pénaliser les candidats qui ne seraient pas dotés du
matériel et des outils leur permettant de satisfaire à la demande du maître d’ouvrage, étant
donné que ces outils ne sont aujourd’hui pas « communément disponibles » selon les termes
mêmes du décret.
La rédaction de l’article 42.III appelle deux remarques, s’agissant en premier lieu de la
précision, au premier alinéa de la possibilité pour l’acheteur d’imposer cette exigence « si
nécessaire » : le maître d’ouvrage doit-il justifier de la nécessité d’exiger une réponse sous
forme d’une maquette BIM ? Cette précision doit-elle être interprétée comme une condition
impérative à l’exigence formulée par le maître d’ouvrage ou simplement comme une limite
pour éviter une telle exigence qui ne serait pas justifiée par l’objet du marché ? Quand bien
même il semblerait qu’aucune condition supplémentaire ne soit imposée à l’acheteur, aucun
élément ne permet de trancher la question à ce jour. En second lieu, les termes employés
pour désigner les outils dont l’utilisation peut être exigée souffrent, volontairement peut-
être, d’imprécision : la notion « d’outil de modélisation électronique des données du bâtiment
» est large, elle englobe aussi bien la maquette numérique BIM que les maquettes numériques
3D simples et les plans réalisés sous format numérique.
En synthèse
La possibilité pour le maître d’ouvrage d’exiger une réponse sous forme de
maquette numérique BIM est expressément reconnue par l’article 42 du décret
du 25 mars 2016. Quelles que soient par ailleurs les exigences que l’acheteur
public souhaite formuler en matière de BIM lors de la phase de mise en
concurrence, leur légalité devra être appréciée au regard des principes
fondamentaux de liberté d’accès, d’égalité de traitement des candidats et de
transparence des procédures, réaffirmés à l’occasion de la récente réforme des
marchés publics entrée en vigueur le 1er avril 2016 ainsi que par l’abondante
jurisprudence rendue en la matière par les juridictions administratives sur
l’étendue des pouvoirs du maître d’ouvrage public au stade de la mise en
concurrence et sanctionnant systématiquement le non-respect desdits principes.
2.3.2 L’intégration du BIM au stade des candidatures
Que peut concrètement exiger le maître d’ouvrage en vue de l’analyse des candidatures ?
Quelles sont les précautions à prendre ?

1 . Pour de plus amples développements, voir chapitre 1 point 2.


30 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération

2.3.2.1 Objet de l’analyse des candidatures


Une procédure de mise en concurrence se déroule en deux phases successives : la phase de
candidature et la phase d’offre. Que la procédure de mise en concurrence soit ouverte ou
restreinte1, l’acheteur doit toujours respecter les deux étapes que constituent d’une part
l’analyse des candidatures et d’autre part l’analyse des offres.
Au cours de la phase de candidature, le pouvoir adjudicateur examine les capacités
techniques, professionnelles et financières des candidats à l’attribution du marché. Cette
vérification s’effectue au regard des pièces et informations exigées par le pouvoir
adjudicateur dans l’avis d’appel public à la concurrence.
• Les capacités techniques correspondent aux moyens matériels et humains dont dispose
le candidat ; le pouvoir adjudicateur peut demander de décrire l’équipement technique
du candidat, ainsi que la composition de son personnel.
• Les capacités professionnelles concernent les compétences des candidats. La preuve de
la capacité professionnelle peut être apportée par tout moyen, notamment par des
références, des justifications professionnelles ou les attestations de qualification
professionnelle de certains agents qualifiés. Le pouvoir adjudicateur sollicite
généralement du candidat qu’il produise une liste de références sur les trois dernières
années, démontrant son expérience. Les expériences se rapportant à des missions
comparables à celles du marché en cause doivent être naturellement privilégiées par le
candidat. Toutefois, le pouvoir adjudicateur n’a pas le droit de rejeter une candidature au
seul motif que le candidat ne présenterait aucune référence ou des références insuffisante
de manière générale et a fortiori dans le domaine de la mission.
• Les capacités financières correspondent aux moyens financiers dont disposent les
candidats pour mener à bien le marché ; il s’agit en pratique de fournir le chiffre d’affaires
réalisé sur les trois derniers exercices.

2.3.2.2 Exigences BIM formulées par le maître d’ouvrage pour la phase de


candidature
Au regard des principes encadrant la commande publique, le maître d’ouvrage pourra exiger,
au stade de la candidature :
• au titre des capacités techniques : que le candidat détaille l’équipement, les outils et
logiciels dont il dispose pour la mise en œuvre du projet en BIM ;
• au titre des capacités professionnelles : la description des titres d’études, des
qualifications professionnelles attestant de la capacité du candidat (de son personnel) à
travailler en BIM ainsi que des références de projets ou missions menées en BIM
(expériences).

1. Distinction des procédures « ouvertes » et des procédures « restreintes » : la procédure ouverte permet à tout
candidat intéressé de déposer une offre ; en pratique, le candidat dépose simultanément un dossier de
candidature et d’offre. Au contraire, la procédure est dite restreinte lorsque le pouvoir adjudicateur décide de
limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre. Dans une procédure restreinte, les candidats
doivent dans un premier temps déposer un dossier de candidature et ce n’est que si leur candidature est retenue
par le pouvoir adjudicateur qu’ils pourront, dans un second temps, déposer un dossier d’offre. La procédure
restreinte opère ainsi une « présélection » en phase de candidature. Pour exemple, en marchés publics, le
Le BIM au stade de la mise en concurrence | 31

concours de maîtrise d’œuvre est toujours une procédure restreinte, lors de laquelle seules les équipes dont le
dossier de candidature a été jugé parmi les meilleurs, au regard de critères de sélection annoncés dans l’avis de
concours, seront autorisées à remettre une offre.
Le maître d’ouvrage peut-il exiger que l’équipe candidate présente des compétences en BIM ou en
BIM management ?
Oui. Cette exigence, si elle est justifiée par l’objet du marché, a pour but de permettre au
maître d’ouvrage d’apprécier l’aptitude du candidat à mener un projet en BIM et satisfait
pleinement aux principes régissant la passation des contrats de la commande publique.

Le maître d’ouvrage peut-il exiger que l’équipe candidate comprenne un BIM manager ?
Dans la mesure où la notion de « BIM manager » n’est aujourd’hui pas fixée et donc sujette
à des définitions différentes, il est préférable, plutôt que d’exiger un BIM manager, de
requérir des compétences en BIM (ou en BIM management) au sein de l’équipe. Toutefois,
s’il souhaite qu’une personne soit précisément identifiée et nommée « BIM manager » au
sein de l’équipe, afin de disposer d’un interlocuteur et d’un professionnel dédié à certaines
tâches précises, le maître d’ouvrage pourra retenir alors cette dénomination, sous réserve
d’une part de définir le sens de « BIM manager », c’est-à-dire de préciser le contenu des
tâches qu’il entend lui confier, d’autre part d’adjoindre aux termes « BIM manager » employés
la précision « ou équivalent ».
Exemples de rédaction de clauses :
« Le candidat (candidature individuelle ou groupement) devra disposer obligatoirement des capacités
professionnelles et compétences nécessaires à l’exécution de la mission dans les domaines suivants :
architecture, ingénierie du bâtiment, économie de la construction, développement durable, paysage, BIM
management, etc. »
Lorsque le maître d’ouvrage exigera que la fonction de BIM management soit exercée par
un membre identifié de l’équipe, il pourra insérer cette clause :
« Le candidat (candidature individuelle ou groupement) devra disposer obligatoirement des capacités
professionnelles et compétences nécessaires à l’exécution de la mission dans les domaines suivants :
architecture, ingénierie du bâtiment, économie de la construction, développement durable, paysage, BIM
management. Les capacités et compétences professionnelles ci-dessus
désignées devront être exercées par des personnes distinctes nommément désignées. » Autre
rédaction possible :
« L’équipe candidate devra justifier des compétences suivantes : architecte, ingénieur du bâtiment,
économiste de la construction, paysagiste, BIM manager ou équivalent capable… [description des
compétences attendues] »

Le maître d’ouvrage peut-il exiger que le candidat justifie d’une formation diplômante en BIM (ou en
BIM management) ?
Non. Les formations dédiées au BIM et aboutissant à la délivrance d’un diplôme universitaire
ou professionnel reconnu ne sont à l’heure actuelle pas suffisamment nombreuses ; une telle
exigence serait donc discriminatoire.

Le maître d’ouvrage peut-il exiger que le dossier de candidature fasse état d’expériences de projets
menés en BIM ou de missions BIM ?
Oui. Une telle demande formulée dans l’avis d’appel public à la concurrence ne soulève pas
de difficulté particulière, dès lors qu’elle est effectivement justifiée par les besoins du marché.
32 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération

Toutefois, l’absence de référence relative à l’exécution de telles missions ne peut justifier, à


elle seule, l’élimination du candidat1.

Le maître d’ouvrage peut-il prévoir, au titre des critères d’appréciation des candidatures, la qualité
des références fournies en BIM ?
Dès lors qu’il sollicite des capacités professionnelles en BIM (compétences et/ou références),
il est légitime de s’interroger sur la possibilité qui en découle, pour le maître d’ouvrage, de
prévoir que la qualité de ces capacités professionnelles constituera un critère d’appréciation
des candidatures. Il convient de garder à l’esprit que le BIM n’est pas une fin en soi mais un
outil dont l’objectif est la réalisation de l’ouvrage ; il semble donc plus raisonnable, à ce stade,
de ne pas établir un critère spécifique mais de l’intégrer dans un critère plus global, qui
viserait par exemple la « qualité des références présentées au regard des prestations à réaliser ».

Comment s’assurer de la compétence BIM annoncée par le candidat dans son dossier de candidature
? Peut-on exiger, au stade de la candidature, la remise d’une maquette numérique BIM justifiant de la
compétence du candidat ?
Certains maîtres d’ouvrage ou AMO BIM manifestent le souci de pouvoir vérifier, voire
contrôler la réalité des compétences BIM annoncées par les candidats.
Au stade de la candidature, il n’est pas possible d’exiger des candidats qu’ils remettent un
exemplaire d’une maquette numérique qu’ils auraient réalisée ou dont ils auraient été le chef
d’orchestre en tant que BIM manager. Les compétences seront vérifiées au travers des
références produites, le maître d’ouvrage ayant la possibilité d’entrer en contact avec le maître
d’ouvrage des opérations citées afin d’obtenir davantage d’informations.

2.3.3 L’intégration du BIM en phase d’offre


La possibilité reconnue aux acheteurs publics par l’article 42 du décret du 25 mars 2016
d’exiger la remise d’une offre sous forme de maquette numérique BIM ne lève pas toutes les
interrogations sur l’étendue des pouvoirs du maître d’ouvrage pour la phase d’offre.

2.3.3.1 Objet de l’analyse des offres


Après avoir vérifié que les candidats présentaient des capacités professionnelles, techniques
et financières suffisantes pour exécuter le marché (procédure ouverte 2 ), ou après avoir
sélectionné les seuls candidats admis à déposer une offre (procédure restreinte), le pouvoir
adjudicateur procède à l’analyse des offres remises par les candidats en même temps que leur
dossier de candidature (procédure ouverte) ou après un certain délai fixé et leur permettant
de préparer leur réponse au regard des exigences formulées par le maître d’ouvrage, soit dans
l’avis d’appel public à la concurrence soit dans le règlement de la consultation. L’analyse des
offres consiste à les examiner au regard des critères de choix des offres prévus en amont du
lancement de la procédure et énoncés dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans le
règlement de la consultation.

1 . Décret du 25 mars 2016, article 44.IV


2 . En appel d'offres ouvert, l'article 68 du décret du 25 mars 2016 autorise que l'analyse des offres puisse intervenir
avant l'examen des candidatures.
Le BIM au stade de la mise en concurrence | 33

Les règles encadrant la commande publique posent le principe du choix de l’offre «


économiquement la plus avantageuse » (article 52 de l’ordonnance du 28 juillet 2015)1 ; il ne s’agit
pas forcément de celle qui présente le prix le moins élevé, mais de celle qui répond le mieux,
sur l’ensemble des exigences du pouvoir adjudicateur, à ses attentes, le prix n’étant qu’un
élément d’appréciation parmi d’autres. Ainsi, pour attribuer le marché au candidat qui a
présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur doit se fonder
sur une pluralité de critères, non discriminatoires et liés à l’objet du marché (article 62 du
décret du 25 mars 2016), parmi lesquels peuvent notamment être retenus le critère du prix,
la qualité, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en
matière de protection de l’environnement, le coût global d’utilisation, la rentabilité, le
caractère innovant, le délai de livraison ou d’exécution, etc., d’autres critères pouvant être
pris en compte dès lors qu’ils sont justifiés par l’objet du marché.
Les critères retenus par le maître d’ouvrage sont portés à la connaissance des candidats dès
l’avis d’appel public à la concurrence ou, à défaut, dans le règlement de la consultation. Les
offres remises par les candidats sont analysées, au regard des seuls critères ainsi fixés et
affectés d’une pondération (ou à défaut hiérarchisés) ; cela permet ensuite au pouvoir
adjudicateur de procéder au classement des offres au regard de la note finale obtenue par
chacune d’elles. L’offre économiquement la plus avantageuse est celle qui est la mieux classée
(le cas échéant celle qui obtient la meilleure note globale). En procédure de concours,
notamment de maîtrise d’œuvre, l’analyse des offres est réalisée par un jury dont la
composition est strictement encadrée (article 89 du décret du 25 mars 2016), qui examine les
plans et projets présentés par les candidats de manière anonyme et en se fondant
exclusivement sur les critères d’évaluation des projets définis dans l’avis de concours et qui
échappent à l’obligation de pondération.

2.3.3.2 Application du BIM au stade de l’offre


Dans un processus BIM, le règlement de la consultation devra, le cas échéant, préciser les
exigences de l’offre à remettre en termes de BIM et, si le maître d’ouvrage requiert la
fourniture d’une maquette numérique BIM, le montant et les modalités de versement des
primes aux candidats.
En synthèse
Il ressort des avis d’appel public à la concurrence que, pour un projet en BIM, sont
généralement sollicités des candidats les informations et éléments suivants :
• au stade de la candidature : qu’ils présentent une compétence BIM ainsi que leurs
moyens matériels ;
• au stade de l’offre : qu’ils proposent une méthodologie par rapport au BIM :
proposition d’organisation, identification d’un responsable BIM, identification des
formats de livraison (fichiers natifs, format IFC), c’est-à-dire un projet de
convention BIM.
Le maître d’ouvrage peut-il imposer une réponse sous forme de maquette numérique BIM ?
Oui. À condition d’offrir aux candidats l’accès aux outils matériels nécessaires et de prévoir
une rémunération spécifique du candidat sous forme d’indemnité ou prime.

1 . Article 53 du code des marchés publics en vigueur jusqu’au 1er avril 2016
34 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération

La question est plutôt de savoir si l’exigence d’une maquette numérique BIM est opportune
et justifiée dès l’appel d’offres ou le concours.
En tout état de cause, si elle est exigée, le maître d’ouvrage devra déterminer dans le
règlement de la consultation les règles imposées aux candidats, s’agissant en particulier des
principes de modélisation et de l’utilisation de couleurs. Il devra en outre rappeler aux
candidats l’exigence du respect de l’anonymat et prévoir lui-même les conditions particulières
dans lesquelles il s’en assurera. Il pourra à cet égard, préalablement à l’ouverture des plis
contenant les offres et avant leur examen, charger un prestataire (informaticien) de vérifier
le parfait anonymat des maquettes et, le cas échéant, de le rétablir. Enfin, dans cette
hypothèse, le maître d’ouvrage veillera également à préciser, dans le règlement de la
consultation, le devenir des maquettes BIM produites par les candidats non retenus. Il est
préconisé qu’elles ne deviennent pas la propriété du maître d’ouvrage et que leurs auteurs
restent investis de leurs droits de propriété intellectuelle.

Le maître d’ouvrage doit-il prévoir une indemnisation des candidats lorsque l’offre est accompagnée
de la remise d’une maquette numérique BIM ?
Le maître d’ouvrage peut exiger que les offres soient accompagnées d’échantillons, de
maquettes ou de prototypes ainsi que de tout document permettant d’apprécier l’offre
présentée. Lorsque ces demandes impliquent un investissement significatif pour les
candidats, les textes prévoient qu’elles donnent lieu au versement d’une prime dont le
montant doit être indiqué dans les documents de la consultation (article 57.III du décret du
25 mars 2016). L’obligation de prévoir une prime est reprise dans les dispositions spécifiques
aux marchés de maîtrise d’œuvre, l’article 90 précisant les modalités de calcul de la prime
lorsque le maître d’ouvrage est soumis à la loi MOP :

Article 90 III
« Lorsque l’acheteur est soumis à la loi du 12 juillet 1985 susvisée1 et organise un concours, les
opérateurs économiques qui ont remis des prestations conformes au règlement du concours
bénéficient d’une prime. Le montant de cette prime est égal au prix estimé des études à effectuer par
les candidats, affecté d’un abattement au plus égal à 20 %. La prime est allouée aux candidats sur
proposition du jury.
Lorsque l’acheteur n’est pas soumis à la loi du 12 juillet 1985 susvisée1 ou lorsqu’il n’organise pas de
concours, les participants qui ont remis des prestations conformes aux documents de la consultation
bénéficient d’une prime dont le montant est librement défini par l’acheteur.
Dans tous les cas, le montant de la prime est indiqué dans les documents de la consultation et la
rémunération du titulaire du marché public de maîtrise d’œuvre tient compte de la prime reçue pour
sa participation à la procédure. »

L’exigence par le maître d’ouvrage de la fourniture d’une maquette numérique BIM par les
candidats à l’appui du dossier d’offre doit donc faire l’objet d’une indemnisation versée sous
forme de prime.

Le maître d’ouvrage peut-il exiger l’utilisation d’un format ou d’un logiciel spécifique ? Non. Les
spécifications techniques exigées par le maître d’ouvrage dans l’avis d’appel public à la
concurrence ne doivent pas être discriminatoires. La mention de marques est ainsi interdite
dans la rédaction des avis d’appel public à la concurrence et des dossiers de consultation

1 . www.legifrance.gouv.fr
Le BIM au stade de la mise en concurrence | 35

pour la passation de marchés publics. Elle n’est autorisée, à titre dérogatoire, que si une
description suffisamment précise et intelligible du produit est impossible et doit, dans ce cas,
être accompagnée de la mention « ou équivalent ».
Dès lors, sous quel format le maître d’ouvrage peut-il imposer l’échange des données de la maquette
?
Le maître d’ouvrage devra exiger que les offres des candidats soient remises sous format IFC
et/ou natif. Le format IFC est libre et gratuit ; il a été reconnu en tant que norme ISO
(16739:2013) et, pour ces raisons, le maître d’ouvrage peut imposer son utilisation.

Le maître d’ouvrage peut-il imposer l’utilisation d’un logiciel nommément désigné afin d’assurer la
compatibilité avec sa base de données ou avec son système d’exploitation ?
Au regard des principes régissant la mention de marques, le maître d’ouvrage ne pourra
régulièrement exiger l’utilisation d’un logiciel spécifique qu’à condition de pouvoir justifier
que seul ce logiciel, à l’exclusion de tout autre, est en mesure d’assurer la compatibilité des
données de la maquette avec son système. Dans cette hypothèse, le maître d’ouvrage prendra
impérativement la précaution de mentionner le nom du logiciel avec la précision « ou
équivalent ».

Le maître d’ouvrage peut-il prévoir, au titre des critères de jugement des offres, « la qualité de la
réponse apportée en termes de maquette numérique BIM » ?
Dès lors que l’on considère que, sous les conditions et précautions formulées supra, le maître
d’ouvrage est en droit, si l’objet du marché le justifie, d’exiger la fourniture d’une maquette
numérique au stade de l’offre, il n’existe pas d’obstacle à faire figurer, au titre des critères de
jugement des offres, la qualité de la réponse dans sa composante maquette numérique BIM.

Comment se traduit en pratique l’obligation pour le maître d’ouvrage d’offrir un accès libre et gratuit
aux outils de modélisation dont il exige l’utilisation ?
Il semble que l’hypothèse dans laquelle le maître d’ouvrage serait dans l’obligation
d’envisager concrètement la mise en place d’un accès libre et gratuit aux logiciels sera limitée.
En effet, il est plus probable d’envisager que le maître d’ouvrage initiera une procédure de
mise en concurrence restreinte qui lui permettra, au terme de la première phase de sélection
des offres, de ne retenir que les équipes qui présentent des compétences en BIM et sont
équipées.
L’obligation d’offrir un accès libre et gratuit aux candidats qui ne seraient pas équipés
trouverait néanmoins une application concrète dans l’hypothèse d’une mise en concurrence
ouverte (c’est-à-dire lors de laquelle les candidats remettent simultanément un dossier de
candidature et un dossier d’offre, le pouvoir adjudicateur ne restreignant pas le nombre de
candidats admis à présenter une offre), qui exigerait une réponse sous forme de maquette
numérique (par exemple pour le choix d’une entreprise générale de travaux). Dans ce cas, le
maître d’ouvrage sera avisé d’indiquer dans l’avis d’appel public à la concurrence les
modalités selon lesquelles il permet aux candidats non outillés de répondre : téléchargement
d’un logiciel gratuit par exemple, ou encore mise à disposition dans les locaux du maître
d’ouvrage, ou dans des locaux dédiés, des outils nécessaires.
36 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération

2.3.3.3 Spécificités de l’intégration du BIM au stade des appels d’offres des


entreprises
En phase de passation des marchés de travaux, le processus BIM soulève des questions
complémentaires à celles précédemment étudiées, liées d’une part à la mise à disposition des
entreprises candidates de la maquette BIM de conception, d’autre part à l’utilisation, en phase
de mise en concurrence, de bibliothèques d’objets.
La question de la mise à disposition du BIM de conception dans le DCE
Dans le dossier de consultation des entreprises, le maître d’ouvrage pourra mettre à la
disposition des candidats la maquette numérique BIM de conception. Les entreprises
candidates auront ainsi accès à l’ensemble des données de conception sous format
numérique, ce qui soulève deux interrogations, quant à l’usage que les entreprises candidates
pourront faire de la maquette BIM de conception d’une part, quant aux précautions que le
maître d’ouvrage devra prendre lorsqu’il ouvre ainsi l’ensemble des données de la conception
aux entreprises d’autre part.
Le maître d’ouvrage pourra limiter l’utilisation par les entreprises candidates de la maquette
BIM de conception en leur en permettant l’accès exclusivement à titre informatif, sans
possibilité d’intervenir sur la maquette et donc d’y intégrer leur offre. Cette première solution
offre davantage de protection aux données du projet qui ne pourront être reprises et
réutilisées qu’à la condition qu’il soit procédé à un travail de ressaisie, qui peut s’avérer long
et fastidieux. Si le maître d’ouvrage estime que la fourniture de la maquette à titre
d’information n’est pas suffisante et que les offres gagneront en qualité si elles sont intégrées
dans la maquette, il ouvrira le BIM de conception aux candidats. Dans cette hypothèse, il est
fortement recommandé d’intégrer dans le règlement ou le cahier des charges de la
consultation la définition d’un certain nombre de principes et de règles imposés aux
entreprises candidates et qu’elles s’engageront à respecter :
• il s’agira d’une part de préciser dans les documents de la consultation l’origine et la
propriété matérielle de la maquette et des données qui y sont contenues ;
• il s’agira ensuite d’imposer aux entreprises candidates le respect de la plus stricte
confidentialité des informations et renseignements contenus dans la maquette ;
• il s’agira également de préciser le nom du ou des titulaires des droits de propriété
intellectuelle sur la maquette BIM de conception, ainsi que sur le projet contenu dans la
maquette, et de rappeler les principes gouvernant lesdits droits, ainsi que les sanctions
prévues par la loi en cas de violation des règles fixées par le code de la propriété
intellectuelle ;
• il s’agira enfin d’exiger un engagement signé de chacun des candidats de respecter les
conditions fixées dans le dossier de consultation des entreprises pour l’utilisation de la
maquette numérique qui leur sera communiquée.
Il est conseillé au maître d’ouvrage de subordonner l’accès à la maquette à l’acceptation par
les candidats des conditions d’utilisation qu’il aura définies et à leur engagement à respecter
les principes et règles ainsi édictés.

La question des bibliothèques d’objets intégrés à la maquette


L’ouverture du BIM de conception – en lecture ou en partage – aux entreprises candidates
soulève également la question de la possibilité d’intégrer, dans la maquette ainsi transmise,
Le BIM au stade de la mise en concurrence | 37

des bibliothèques d’objets numériques et paramétriques. Si l’intégration de tels objets,


rattachés à un industriel identifié dans la maquette ou identifiable compte tenu des
caractéristiques spécifiques, notamment techniques, de l’objet en cause est licite dans le cadre
d’une opération privée, elle est formellement prohibée dans le cadre de la commande
publique puisqu’une telle pratique aurait pour effet de privilégier un fournisseur ou une
marque. Les objets contenus dans la maquette numérique de conception communiquée aux
entreprises candidates aux marchés de travaux doivent donc rester génériques. Dans
l’hypothèse où la prescription du concepteur ne peut être fournie de manière suffisamment
précise sans rattacher l’objet à un industriel désigné, la marque ainsi donnée devra être
accompagnée de la mention « ou équivalent ».
chapitre 3

Les missions en BIM

À l’issue des étapes de programmation et de mise en concurrence intervient celle de la


finalisation et de la ratification, avec les intervenants de l’opération désormais désignés, des
marchés et contrats ayant pour objet la conception puis la réalisation de l’opération.
À ce stade, sous l’angle du droit, le choix de mener, en tout ou partie, et éventuellement au-
delà de son achèvement (en phase exploitation-maintenance), une opération de construction
ou de réhabilitation, rénovation, extension ou encore d’aménagement dans le cadre d’un
processus BIM, a des effets et des conséquences particuliers qui ne peuvent être éludés
contractuellement.
Le sujet qu’aborde le présent chapitre est un élément essentiel de la dimension juridique
d’une opération de construction (au sens large) ou d’aménagement, c’est celui des missions
confiées respectivement aux différents intervenants de l’opération.
Ces missions doivent être définies et décrites aussi précisément que possible pour permettre
de :
• mesurer les obligations et responsabilités de chacun ;
• veiller à la complétude et à la compatibilité globale des fonctions et des missions confiées
à tous les intervenants.
Le droit et l’appréhension juridique du sujet prennent ici toute leur dimension « fonctionnelle
» : dans le schéma légal et réglementaire applicable selon les hypothèses (la distinction
essentielle se fera entre marchés publics et marchés privés), il s’agira en effet de cadrer au
plus juste et de la manière la plus adaptée, en les combinant les unes avec les autres tant dans
leur contenu que dans leurs modalités d’exécution, les missions – et les rôles – de chacun
(des « acteurs BIM » et des « acteurs en BIM ») de manière à rationaliser, sécuriser et, en
conséquence, favoriser le bon déroulement de l’opération.
Les « contraintes » qu’induit l’élaboration d’un cadre ont ainsi vocation à profiter,
directement et indirectement, à tous les acteurs. Si cette nécessité de cadrage se rencontre
pour toutes les opérations, l’adoption d’un processus BIM induit des adaptations spécifiques
que nous avons cherché à circonscrire et à présenter afin de dégager des pistes et des
principes de traitement contractuel.
Le BIM est une méthode de travail collaborative et de partage des informations.
39 | Les missions en BIM

« Sans empiéter sur le territoire de l’autre, nous avons besoin de dépasser un peu nos disciplines et de partager
nos exigences métier, le tout dans le respect du savoir-faire de chacun qui sera alors reconnu. » Cette
réflexion de Marie-Claire Coin (Eiffage Construction) dans le cadre d’un entretien accordé
à Mediaconstruct1 nous paraît adéquate pour illustrer la situation et les enjeux. Le « décor »
est ainsi posé et, avant d’entamer l’intrigue, nous évoquerons le rôle et la posture des
principaux acteurs d’une opération de construction (3.1).
Puis, pour mesurer l’impact du BIM sur les missions des acteurs de l’opération, seront
rappelées les missions traditionnelles dans le cadre d’un schéma « classique » (3.2).
Nous envisagerons ensuite lesdites missions traditionnelles dans un processus BIM (3.3).
Enfin, nous aborderons les missions/fonctions nouvelles générées par l’usage de ce
processus (3.4).

3.1 Les acteurs d’une opération de construction


ou d’aménagement
Si une opération de construction ou d’aménagement s’articule principalement autour des
trois grandes fonctions que sont la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre et l’entreprise, elle
fait également appel à d’autres acteurs qui interviennent soit ponctuellement soit
transversalement à l’acte de construire.

3.1.1 La maîtrise d’ouvrage


Le maître d’ouvrage est la personne physique ou morale pour le compte de laquelle le projet
(de construction ou d’aménagement) est conçu puis les travaux de réalisation sont exécutés.
Il en est le commanditaire et celui qui en supporte le coût financier.
Son premier rôle est de définir ses besoins, lesquels s’exprimeront dans le programme de
construction, et ses exigences en matière de prix, de délais, de qualité.
Il passe les contrats avec les différents intervenants de l’opération de construction, exerce
son pouvoir général de direction et de contrôle pendant leur exécution et procède à la
réception de l’ouvrage, après l’achèvement des travaux. Le maître d’ouvrage peut être :
• une personne physique : particuliers, société civile, etc. ;
• une personne morale de droit privé : maîtres d’ouvrage qui font construire pour leur
propre compte ou professionnels qui font construire en vue de la revente (vendeur,
promoteur) ;
• une personne morale de droit public : État, collectivités locales, établissements publics,
etc.

1 . Publiée sur le site de Mediaconstruct en date du 23 novembre 2015


40 | Les missions en BIM

Lorsque le maître d’ouvrage est une personne morale de droit public, son rôle et ses missions
sont définis précisément par la loi MOP n° 85-704 du 12 juillet 1985 dont les dispositions
sont d’ordre public :
Les acteurs d’une opération de construction ou d’aménagement | 41

« Le maître de l’ouvrage est la personne morale, mentionnée à l’article premier [de la loi n° 85-704 du
12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise
d’œuvre privée], pour laquelle l’ouvrage est construit. Responsable principal de l’ouvrage, il remplit
dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre.
Il lui appartient, après s’être assuré de la faisabilité et de l’opportunité de l’opération envisagée, d’en
déterminer la localisation, d’en définir le programme, d’en arrêter l’enveloppe financière
prévisionnelle, d’en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l’ouvrage sera réalisé
et de conclure, avec les maîtres d’œuvre et entrepreneurs qu’il choisit, les contrats ayant pour objet
les études et l’exécution des travaux. »

Cette loi institue des obligations légales qui s’imposent au maître d’ouvrage public :
• le maître d’ouvrage ne peut renoncer à exercer sa fonction ;
• le maître d’ouvrage a l’obligation de rédiger le programme de l’opération ; dans cette
tâche, il peut se faire assister (en particulier par un programmiste) mais il reste toujours
le seul responsable du programme vis-à-vis de la maîtrise d’œuvre ;
• pour les ouvrages de bâtiments, le maître d’ouvrage a l’obligation de confier au maître
d’œuvre une mission minimale, dite « de base » ;
• sauf exception, le maître d’ouvrage ne peut confier à la fois les missions de maîtrise
d’œuvre et d’entrepreneur à une même entité.
À noter : les dispositions de la loi MOP s’appliquent à tous les maîtres d’ouvrage publics
mais aussi à certains maîtres d’ouvrage privés. Son article 1er définit son champ d’application.
Les personnes morales de droit privé visées par la loi MOP sont (article 1 er) :
• les organismes privés mentionnés à l’article L.124-4 du code de la sécurité sociale
(organismes privés assurant la gestion d’un régime obligatoire d’assurance maladie,
vieillesse, maternité, invalidité, décès, veuvage, accidents de travail, de maladies
professionnelles ou de prestations familiales) ainsi que leurs unions ou fédérations ;
• les organismes privés d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L.411-2 du code
de la construction et de l’habitation (offices publics de l’habitat – OPH, SA d’HLM, SA
coopératives de production, SA coopératives d’intérêt collectif d’HLM, fondation
d’HLM), pour les logements à usage locatif aidés par l’État qu’ils réalisent ;
• les sociétés d’économie mixte pour les logements à usage locatif aidés par l’État qu’elles
réalisent.
Le maître d’ouvrage peut :
• déléguer, par mandat, l’exercice de ses fonctions à un tiers : le maître d’ouvrage « délégué
» (MOD). Mandataire du maître d’ouvrage, le maître d’ouvrage délégué conduit
l’opération de construction pour le compte de ce dernier ;
• se faire assister dans l’exercice de sa mission par un tiers : l’assistant au maître d’ouvrage
(AMO).
(Voir ci-après la définition du MOD et de l’AMO.)

3.1.2 La maîtrise d’œuvre


La fonction de maîtrise d’œuvre est exercée par une personne chargée par le maître d’ouvrage
de concevoir architecturalement, techniquement et économiquement l’ouvrage en respectant
le programme défini par le maître d’ouvrage, de diriger et contrôler l’exécution des travaux
et d’assister le maître d’ouvrage lors de la réception et pendant l’année de parfait achèvement.
Les missions en BIM

Les fonctions du maître d’œuvre sont diverses et, pour une opération donnée, la maîtrise
d’œuvre est généralement composée de professionnels disposant chacun de compétences
techniques spécifiques : architectes, ingénieurs-conseils, bureaux d’études techniques,
économistes…
Le « groupement de maîtrise d’œuvre » réunit, selon les opérations, certains ou l’ensemble
de ces intervenants en cotraitance dans le cadre contractuel qui les lie au maître d’ouvrage.
Le maître d’œuvre peut être une personne physique ou morale, publique ou privée.
Pour une opération de construction d’un ouvrage public, la maîtrise d’œuvre est définie dans
les textes suivants.
• La loi MOP dont l’article 7 dispose que :

« Le maître d’œuvre est la personne de droit privé ou le groupement de personnes de droit privé
qui doit permettre d’apporter une réponse architecturale, technique et économique au
programme mentionné à l’article 2 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la
maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée. »

La loi MOP établit plusieurs principes fondamentaux applicables à l’exercice de la


mission de maîtrise d’œuvre :
– la mission de maîtrise d’œuvre est distincte de celle d’entrepreneur ;
– la définition du contenu de la mission de maîtrise d’œuvre est séquencée par éléments
de missions : esquisse (ESQ), avant-projet sommaire (APS), avant-projet définitif
(APD), projet (PRO), assistance pour la passation des contrats de travaux (ACT),
études d’exécution (EXE), visa, direction de l’exécution des travaux (DET),
ordonnancement-pilotage-coordination (OPC), assistance aux opérations de
réception (AOR) ;
– pour les ouvrages de bâtiment, une mission minimale dite « de base », devant faire
l’objet d’un contrat unique et dont les éléments ne peuvent être scindés, est
obligatoire. Le contenu de cette mission de base, fixé par catégories d’ouvrages
conformément à l’article 10, doit permettre au maître d’œuvre de réaliser la synthèse
architecturale des objectifs et des contraintes du programme, et de s’assurer du
respect, lors de l’exécution de l’ouvrage, des études qu’il a effectuées ; au maître
d’ouvrage de s’assurer de la qualité de l’ouvrage et du respect du programme, et de
procéder à la consultation des entrepreneurs, notamment par lots séparés, et à la
désignation du titulaire du contrat de travaux.
• Les textes relatifs à la commande publique. Le code des marchés publics (décret n°
2006975 du 1er août 2006, abrogé mais applicable aux marchés en cours de passation ou
d'exécution au 30 mars 2016) définit l’objet des marchés de maîtrise d’œuvre :

Article 74-I
« I. Les marchés de maîtrise d’œuvre ont pour objet, en vue de la réalisation d’un ouvrage ou d’un
projet urbain ou paysager, l’exécution d’un ou plusieurs éléments de mission définis par l’article
7 de la loi du 12 juillet 19851 susmentionné et par le décret du 29 novembre 19932 susmentionné.
»

1 . www.legifrance.gouv.fr
2 . www.legifrance.gouv.fr
Les acteurs d’une opération de construction ou d’aménagement | 43

• Le décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics du 25 mars 2016 1 est entré en
vigueur depuis le 1er avril 2016 et se substitue au code des marchés publics pour tous les
marchés lancés à compter de sa date d’entrée en vigueur. Son article 90 reprend la
définition précitée de l’article 74 du code des marchés publics.
• Le CCAG travaux. Selon l’article 2 du CCAG travaux 2009 (approuvé par l’arrêté du 8
septembre 2009, publié au JORF n° 0227 du 1er octobre 2009, page 15907, texte n° 16)
:

« Le maître d’œuvre est la personne physique ou morale, publique ou privée, qui, en raison de sa
compétence technique, est chargée par le maître de l’ouvrage ou son mandataire, afin d’assurer
la conformité architecturale, technique et économique de la réalisation du projet objet du marché,
de diriger l’exécution des marchés de travaux, de lui proposer leur règlement et de l’assister lors
des opérations de réception ainsi que pendant la période de garantie de parfait achèvement. Les
documents particuliers du marché mentionnent le nom et l’adresse du maître d’œuvre. Si le
maître d’œuvre est une personne morale, il désigne la personne physique qui a seule qualité pour
le représenter, notamment pour signer les ordres de service. »

Le maître d’œuvre peut sous-traiter une partie des missions qui lui sont confiées par le maître
d’ouvrage, à la condition de respecter les dispositions d’ordre public de la loi n° 75-1334 du
31 décembre 1975 relative à la sous-traitance qui imposent l’acceptation du sous-
traitant et l’agrément de ses conditions de paiement par le maître d’ouvrage.
À noter en outre que l’architecte est tenu par les dispositions de l’article 37 du code
des devoirs professionnels applicable à sa profession (décret n° 80-217 du 20 mars
1980) : « L’architecte ne peut ni prendre ni donner en sous-traitance la mission définie à l’alinéa 2 de l’article
32 de la loi sur l’architecture du 3 janvier 1977. »
Cette disposition de la loi de 1977 sur l’architecture dispose : « Le projet architectural mentionné
ci-dessus définit par des plans et documents écrits l’implantation des bâtiments, leur composition, leur
organisation et l’expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. » Le sous-
traitant (même régulier) n’a pas de lien contractuel avec le maître d’ouvrage. Il convient donc
d’être attentif et vigilant pour lui rendre applicables les modalités spécifiques d’exécution de
l’opération susceptibles de le concerner directement ou indirectement, notamment celles
relatives au BIM.

3.1.3 L’entrepreneur
L’entrepreneur est la personne physique ou morale chargée par le maître d’ouvrage
d’exécuter les travaux, sous la direction du maître d’œuvre. Il peut s’agir :
• d’une entreprise générale, qui se voit confier l’exécution de l’intégralité des travaux (le
maître d’ouvrage confie un contrat unique à un seul prestataire qui se charge de la totalité
des travaux directement ou le plus souvent pour partie en sous-traitance, à la condition
de respecter les dispositions d’ordre public de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975
relative à la sous-traitance) ;

1. Pris sur le fondement de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et transposant le volet réglementaire des
directives 2014/24/UE et 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 2.
www.legifrance.gouv.fr
Les missions en BIM

• ou d’une entreprise titulaire d’un, voire plusieurs, lots (le maître d’ouvrage passe alors
autant de contrats qu’il existe de lots, plusieurs lots pouvant être confiés à une même
entreprise si celle-ci réunit plusieurs compétences).
Les prestataires intervenant en sous-traitance exécutent une partie des travaux confiés à
l’entreprise dite « principale » chargée par le maître d’ouvrage de l’exécution des travaux ;
l’entreprise sous-traitante n’est donc pas liée par un contrat au maître d’ouvrage, elle est liée
à l’entreprise principale qui lui sous-traite les travaux. Comme pour la maîtrise d’œuvre (et
d’ailleurs plus généralement pour toutes les sous-traitances opérées par des intervenants
quels qu’ils soient), ce schéma doit être pris en compte afin de veiller à rendre opposables
aux soustraitants concernés (c’est-à-dire à s’assurer qu’ils les respecteront) les éventuelles
modalités particulières d’exécution arrêtées (notamment celles attachées au processus BIM).
On parle de groupement d’entreprises lorsque plusieurs entrepreneurs forment ensemble
une équipe afin de se voir confier, par contrat unique, l’ensemble des lots nécessaires à
l’exécution des travaux de l’ouvrage.
L’entreprise est chargée de réaliser les travaux dans les conditions stipulées par le marché,
c’est-à-dire conformément à un descriptif accepté, pour le prix convenu et dans le délai
convenu.

3.1.4 Les autres intervenants de l’opération de construction


Aux côtés du maître d’ouvrage, du maître d’œuvre et de l’entreprise, une opération de
construction est susceptible, du fait de sa nature et de ses caractéristiques, voire de sa
complexité technique ou fonctionnelle, de nécessiter la participation d’autres intervenants,
lesquels auront pour rôle soit d’assister le maître d’ouvrage dans l’exercice de ses fonctions,
soit d’intervenir à une étape particulière du processus de l’opération, eu égard à une
compétence technique spécifique requise par le maître d’ouvrage ou exigée par la loi. Il s’agit
principalement des acteurs suivants :
• I.4.1. Le maître d’ouvrage délégué (MOD)
• I.4.2. L’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO)
• I.4.3. Le programmiste
• I.4.4. Le géomètre expert
• I.4.5. Le contrôleur technique (bureau de contrôle)
• I.4.6. Le coordinateur SPS
• I.4.7. Le coordinateur SSI
• I.4.8. Le conducteur d’opération
• I.4.9. L’OPC

3.1.4.1 Le maître d’ouvrage délégué (MOD)


Le maître d’ouvrage délégué est la personne ou l’entité à laquelle le maître d’ouvrage donne
mandat d’exercer en son nom et pour son compte tout ou partie de ses responsabilités et
prérogatives de maître d’ouvrage.
Le MOD intervient en qualité de mandataire du maître d’ouvrage et non en qualité de simple
conseiller de celui-ci. En lieu et place du maître d’ouvrage, le MOD est ainsi généralement
chargé de préparer et de signer les différents contrats, de choisir les entreprises et les
Les acteurs d’une opération de construction ou d’aménagement | 45

fournisseurs, de la gestion financière et administrative de l’opération. Le contrat (passé entre


le MOD et le maître d’ouvrage) définit ainsi les tâches que le MOD va exercer au nom et
pour le compte du maître d’ouvrage et les conditions dans lesquelles le MOD doit rendre
compte au maître d’ouvrage de l’exercice de sa mission.
Dans les opérations de construction privée, les contrats de promotion immobilière (CPI), de
vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) et de construction de maison individuelle (CCMI)
constituent des contrats de mandat par lesquels le maître d’ouvrage (l’acquéreur) confie à un
professionnel (le promoteur, le vendeur, le constructeur) la construction de son bien, en son
nom et pour son compte.
S’agissant des opérations de construction d’ouvrages publics, le recours à un MOD est
strictement encadré par la loi MOP qui impose notamment l’établissement d’une convention
de mandat dont le contenu est défini par la loi tant en ce qui concerne les mentions
impératives à y faire figurer que les attributions qui peuvent être confiées au MOD par le
maître d’ouvrage.
Le MOD sera, pour les tâches qui lui sont attribuées, l’interlocuteur des autres intervenants,
acteurs de la construction missionnés par le maître d’ouvrage à cet effet.

3.1.4.2 L’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO)


Sans déléguer sa fonction à un MOD, le maître d’ouvrage peut ressentir la nécessité, par
manque de compétence pour mener une opération de construction ou dans un domaine
spécifique, de faire appel à un tiers pour l’aider à exercer et assumer son rôle de maître
d’ouvrage.
L’assistant à maîtrise d’ouvrage est donc la personne physique ou morale chargée par le
maître d’ouvrage de le conseiller, de formuler des propositions, de l’appuyer dans ses
fonctions, généralement dans un domaine technique particulier. Les missions confiées à
l’AMO peuvent ainsi être très diverses, en fonction des compétences recherchées par le
maître d’ouvrage : conseils dispensés au maître d’ouvrage dans les phases de programmation,
dans le montage juridique du projet, dans la passation et la négociation du contrat de maîtrise
d’œuvre, au stade de l’exécution des travaux et lors de la réception, dans le suivi financier de
l’opération, analyses et conseils sur des aspects particuliers de l’opération (par exemple la
HQE), etc. Le maître d’ouvrage ne recourt en principe à un AMO que pour pallier son défaut
de compétence technique. Les opérations complexes justifient pleinement, pour le maître
d’ouvrage, le recours à un AMO.
AMO et MOD ne doivent pas être confondus : à la différence du MOD, l’AMO ne
représente jamais le maître d’ouvrage ; sa mission est limitée à un rôle de conseil et il
n’intervient jamais au nom et pour le compte de ce dernier. Ainsi, l’AMO ne prend jamais
de décision à la place du maître d’ouvrage ni ne signe les contrats ou les ordres de service,
courriers, etc. à la place du maître d’ouvrage.

3.1.4.3 Le programmiste
L’acte de construire un équipement, d’aménager un espace public, de réhabiliter un
bâtiment… ne répond pas à une science exacte. Il se développe au contraire dans un mode
prévisionnel, où l’évaluation de la situation et des besoins prend une part importante : la
démarche de programmation cherche à répondre à cette réalité. Cerner les attentes d’un
Les missions en BIM

maître d’ouvrage, d’un usager, évaluer des surfaces, définir le niveau de qualité du projet,
envisager sa gestion, estimer des coûts d’opération… tels sont les objectifs de la démarche
qui vise à maîtriser le projet depuis « l’intention de faire » jusqu’à sa réalisation et au-delà.
Cette prise en compte d’un maximum de paramètres, le plus en amont possible, participe à
garantir la réussite et la qualité du projet en ce sens qu’il apportera la réponse la plus adaptée
à des objectifs au préalable correctement circonscrits.
Le programmiste est ainsi la personne physique ou morale, publique ou privée, qui va assister
le maître d’ouvrage dans la définition du programme de l’opération.
Cette phase est utile voire indispensable pour toutes les opérations (notamment d’une
certaine importance), qu’elles soient privées ou publiques.
En outre, pour les opérations de construction d’un ouvrage relevant de la loi MOP, la
définition du programme est une obligation pour le maître d’ouvrage. Sans se départir
de cette obligation ni la déléguer, il peut se faire assister par un professionnel compétent (en
ce sens, le programmiste exerce auprès du maître d’ouvrage une mission d’AMO).
Selon la MIQCP (Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques), la
programmation permet au maître d’ouvrage de définir sa commande (en fonction de ses
objectifs et de ses moyens) et de la maîtriser tout au long du processus de réalisation
opérationnelle, pour aboutir à un projet satisfaisant tant qualitativement que techniquement.
Le rôle du programmiste est :
• d’aider le maître d’ouvrage à exprimer et justifier son objectif opérationnel et à définir
les conditions (sociales, urbaines, financières, de calendrier, partenariales, choix du
montage opérationnel…) de sa mise en œuvre ;
• de formaliser une demande pertinente et équilibrée pour le décideur politique, à l’issue
de l’analyse des avantages et des inconvénients de chaque paramètre et option possible.

3.1.4.4 Le géomètre expert


Le géomètre expert est le seul habilité par la loi à dresser les plans et les documents
topographiques à incidence foncière.
Il est le professionnel qui identifie, délimite, mesure, évalue la propriété immobilière publique
ou privée, bâtie ou non, tant à la surface qu’en sous-sol, ainsi que les travaux qu’on y exécute.
Il organise son enregistrement et celui des droits réels attachés.
Par extension, il étudie, projette et dirige l’aménagement ou l’amélioration foncière, rurale
ou urbaine. En synthèse, le géomètre expert établit différentes mesures touchant les
propriétés foncières (non bâties et bâties).
Environ 3 000 géomètres exercent en France au sein de cabinets de géomètres experts
(organisés en ordre depuis 1946, l’ordre des géomètres experts1, OGE), de bureaux d’études
des entreprises du bâtiment, de sociétés de topographie, dans le secteur industriel.

3.1.4.5 Le bureau de contrôle


Le bureau de contrôle (ou contrôleur technique) est un organisme missionné par le maître
d’ouvrage dans le but de veiller à l’application des règles garantissant la solidité des ouvrages

1 . www2.geometre-expert.fr/
Les acteurs d’une opération de construction ou d’aménagement | 47

et la sécurité des personnes fréquentant les constructions, ainsi que toutes autres règles
applicables au projet suivant ses caractéristiques.
L’intervention du bureau de contrôle vise à la prévention des risques en améliorant la qualité
technique des constructions, leur solidité, ainsi que la sécurité des personnes.
La mission de contrôle technique en construction est ainsi définie à l’article L.111-23 du
Code de la Construction et de l'Habitation (CCH) : « Le contrôleur technique a pour mission de
contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des
ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l’ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes
d’ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes
qui concernent la solidité de l’ouvrage et la sécurité des personnes. »
Il s’agit d’une activité réglementée, réalisée par des sociétés agréées, incompatible avec
l’exercice de toute activité de conception, d’exécution ou d’expertise d’un ouvrage (article
L.111-25 du CCH), afin de garantir au maître d’ouvrage un contrôle indépendant.
Dans l’exercice de sa mission, le bureau de contrôle doit d’une part vérifier la conformité des
solutions proposées par le maître d’œuvre ou le BET de l’entreprise avec la réglementation
en vigueur, d’autre part suivre leur mise en œuvre sur le chantier. Cependant, il ne prescrit
pas de solution.
Le contrôle technique fait également l’objet de dispositions qui figurent aux articles L.111-
23 à L.111-26 et R.111-29 à R.111-42 du code de la construction et de l’habitation et de
dispositions réglementaires et normatives : cahier des clauses techniques générales (décret
n° 99-443 du 28 mai 19991) et norme AFNOR NF P03-100 du 20 septembre 1995.
Le bureau de contrôle exerce sa mission dès la conception, pendant toute la phase de
construction et jusqu’à la réception de l’ouvrage.

3.1.4.6 Le coordinateur SPS


Le coordinateur SPS (sécurité protection de la santé) intervient sur les chantiers de bâtiment
ou de génie civil faisant appel simultanément à plusieurs entrepreneurs ou travailleurs
indépendants. Le coordinateur SPS doit prévenir les risques issus de leur coactivité et prévoir
l’utilisation de moyens communs sur le chantier concerné.
Le code du travail prévoit un certain nombre de dispositions concernant la coordination des
mesures de prévention pour les opérations de bâtiment et de génie civil (articles R.4532-1 à
R.4532-98).

3.1.4.7 Le coordinateur SSI


La mission du coordinateur SSI (système de sécurité incendie) a pour objectif global de
garantir la cohérence de l’installation au regard de la réglementation et ce dans toutes les
phases du projet.
Une mission de coordination SSI implique : en phase conception, la rédaction du cahier des
charges fonctionnel du SSI après analyse des besoins du maître d’ouvrage ; en phase
réalisation, le respect du cahier des charges et le suivi des essais fonctionnels du SSI, ainsi
que l’établissement du PV de réception technique.

1 . www.legifrance.gouv.fr
Les missions en BIM

3.1.4.8 Le conducteur d’opération


Le conducteur d’opération est une personne à laquelle peut recourir le maître d’ouvrage pour
une assistance générale à caractère administratif, financier et technique.
La loi MOP définit la conduite d’opération comme une mission « d’assistance générale à caractère
administratif, financier et technique ».
Le conducteur d’opération exerce une mission d’AMO.

3.1.4.9 L’OPC
L’ordonnancement, la coordination et le pilotage du chantier (OPC) forment une mission
de maîtrise d’œuvre qui a pour objet :
• l’ordonnancement : c’est-à-dire l’analyse des tâches élémentaires portant sur les études
d’exécution et les travaux, la détermination de leurs enchaînements ainsi que de leur
chemin critique par des documents graphiques ;
• la coordination : il s’agit d’harmoniser dans le temps et dans l’espace les actions des
différents intervenants au stade des travaux ;
• le pilotage : au stade des travaux et jusqu’à la levée des réserves dans les délais impartis
dans le ou les contrats de travaux, le pilote met en application les diverses mesures
d’organisation arrêtées au titre de l’ordonnancement et de la coordination 1.
Cette mission peut être confiée à la maîtrise d’œuvre ou à un intervenant tiers indépendant
de celle-ci et de l’entreprise.

3.2 Les missions traditionnelles dans un


schéma « classique »
L’identification des acteurs d’une opération de construction ou d’aménagement et de leur
rôle conduit logiquement au rappel des missions qui leur sont traditionnellement confiées,
soit en application de dispositions légales et réglementaires obligatoires, soit simplement de
manière pragmatique, pour répondre aux besoins de la conception et de la réalisation de
l’opération en fonction de ses caractères propres et au fur et à mesure de son avancement.
Dans les marchés en général et a fortiori dans ceux passés à l’occasion des opérations de
construction et d’aménagement (notamment ceux relatifs aux fonctions de maîtrise d’œuvre
ou encore dans les marchés de travaux), un des éléments essentiels de la relation contractuelle
qui se noue entre les cocontractants est la définition de la prestation à fournir ; il s’agit de
déterminer (dans l’intérêt des deux signataires) ce que doit fournir l’une des parties en termes
de prestations intellectuelles, de services et/ou matérielles ainsi que, selon les cas, les
modalités d’exécution de ces prestations, à charge pour l’autre partie de la rémunérer
corrélativement selon des modalités également définies.

1 . Source : décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres
d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé, article 10
| 49
Les missions traditionnelles dans un schéma « classique »

Les marchés et contrats dont il est question constituent des conventions, au sujet desquelles
l’article 1134 du code civil dispose :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi
autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

À noter qu’au terme de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve
des obligations (ordonnance 2016.131 du 10 février 2016) et à compter du 1er octobre 2016,
il sera substitué à cette disposition la suivante :

« Art. 1193 : les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des
parties, ou pour les causes que la loi autorise. »

On mesure ainsi l’importance des dispositions relatives aux contenus des missions.
En marché privé, les parties négocient librement les modalités d’exécution et le contenu
des missions.
Dans une double limite toutefois :
• celle des contraintes liées au respect des règles de droit commun régissant les
contrats et des dispositions applicables en matière de construction (code de la
construction et de l’habitation, code de l’urbanisme…) ;
• celle de la réalité matérielle et des besoins de l’opération en termes fonctionnels.
En marché public, la loi MOP1 et ses décrets et arrêtés d’application de 1993 2
fixent en revanche un cadre à respecter pour ce qui concerne le marché de
maîtrise d’œuvre :
• La mission de la maîtrise d’œuvre L’article 7 de la loi MOP dispose :

« La mission de maîtrise d’œuvre que le maître de l’ouvrage peut confier à une personne de droit
privé ou à un groupement de personnes de droit privé doit permettre d’apporter une réponse
architecturale, technique et économique au programme mentionné à l’article 2.
Pour la réalisation d’un ouvrage, la mission de maîtrise d’œuvre est distincte de celle
d’entrepreneur. Le maître de l’ouvrage peut confier au maître d’œuvre tout ou partie des
éléments de conception et d’assistance suivants :
• 1° les études d’esquisse ;
• 2° les études d’avant-projets ;
• 3° les études de projet ;
• 4° l’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la passation du contrat de travaux ;
• 5° les études d’exécution ou l’examen de la conformité au projet et le visa de celles qui ont
été faites par l’entrepreneur ;
• 6° la direction de l’exécution du contrat de travaux ;
• 7° l’ordonnancement, le pilotage et la coordination du chantier ;
• 8° l’assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception et pendant
la période de garantie de parfait achèvement.

1 . Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre
privée
2 . Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 et arrêté du 21 décembre 1993
Les missions en BIM
Toutefois, pour les ouvrages de bâtiment, une mission de base fait l’objet d’un contrat unique. Le
contenu de cette mission de base, fixé par catégories d’ouvrages conformément à l’article 10 ci-
après, doit permettre :
• au maître d’œuvre, de réaliser la synthèse architecturale des objectifs et des contraintes du
programme, et de s’assurer du respect, lors de l’exécution de l’ouvrage, des études qu’il a
effectuées ;
• au maître de l’ouvrage, de s’assurer de la qualité de l’ouvrage et du respect du programme et
de procéder à la consultation des entrepreneurs, notamment par lots séparés, et à la
désignation du titulaire du contrat de travaux. »

Le décret du 29 novembre 1993 distingue les éléments de mission de maîtrise d’œuvre


selon qu’il s’agit d’une opération de construction neuve de bâtiment (ch. 1, section 1,
sous-section 1 du décret) ou d’une opération de réutilisation et de réhabilitation
d’ouvrage de bâtiment (sous-section 2), précisant le contenu de la mission de base pour
les constructions neuves de bâtiment 1.
La notion de « mission de base » induit la nécessité de confier l’ensemble de ces tâches
indissociables au maître d’œuvre désigné.
Ces tâches, détaillées dans le décret et l’arrêté précités, peuvent servir de support à
l’examen global de l’impact de la mise en œuvre d’un processus BIM sur les missions de
maîtrise d’œuvre, dans la mesure où elles sont le plus souvent reprises en tout ou partie,
ou inspirent, pour le moins, les contrats de maîtrise d’œuvre au-delà de leur champ
d’application obligatoire, notamment pour les opérations privées.

• En ce qui concerne les entreprises de travaux, elles sont chargées pour leur
part de prestations essentiellement matérielles ; elles peuvent aussi se voir
confier les PEO (plans d’exécution des ouvrages), c’est-à-dire les études
d’exécution qui constituent une phase intermédiaire entre le PRO (projet) de la
maîtrise d’œuvre et la réalisation effective des travaux.
Elles doivent également remettre après la réception de l’ouvrage les éléments
constituant les DOE et DIUO (dossier des ouvrages exécutés et dossier d’intervention
ultérieure sur l’ouvrage).
Le DOE est constitué par le maître d’œuvre aux termes de l’article 11 du décret MOP
précité et défini à l’article 40 CCAG travaux.

Article 40 du CCAG travaux 2009 issu de l’arrêté du 8 septembre 2009


« [...] Le contenu du dossier des ouvrages exécutés (DOE) est fixé dans les documents particuliers
du marché ; il comporte, au moins, les plans d’exécution conformes aux ouvrages exécutés établis
par le titulaire, les notices de fonctionnement et les prescriptions de maintenance.
Le dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage (DIUO) rassemble les données de nature à
faciliter la prévention des risques professionnels lors des interventions ultérieures et, notamment,
lors de l’entretien de l’ouvrage.
S’ils sont transmis sous forme électronique, tous les documents du dossier des ouvrages exécutés
(DOE) et ceux nécessaires à l’établissement du dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage
(DIUO) doivent être sécurisés, identifiables et interopérables avec les logiciels de dessin et de
calcul du maître d’œuvre et du maître de l’ouvrage spécifiés dans les documents particuliers du
marché. »
Il est en outre rappelé que :

1 . Elle comprend les éléments de mission suivants : esquisse, avant-projet, projet, assistance à la passation des
contrats de travaux, direction de l’exécution des contrats de travaux, assistance aux opérations de réception et
pendant l’année de garantie de parfait achèvement.
Les missions traditionnelles en BIM | 51
• L’AMO assiste le maître d’ouvrage dans le cadre des prérogatives qui sont les siennes.
Son rôle ne saurait consister à se substituer aux autres prestataires, tel que le maître
d’œuvre (MOE) par exemple.
La mission du ou des AMO peut être plus ou moins étendue selon les compétences et
les besoins du maître d’ouvrage (MOA) et l’importance ou les particularités de
l’opération. Elle peut porter sur des aspects généraux ou des aspects techniques
spécifiques
(AMO HQE…).
Cette mission doit faire l’objet d’un contrat qui la décrit précisément dans son contenu
et dans ses modalités d’exécution. Les obligations et responsabilités consécutives seront
ainsi déterminées.
• Le contrôleur technique a pour sa part un rôle de vérification d’éléments spécifiques
du projet au fur et à mesure de l’avancement de l’opération 1.
La maîtrise d’œuvre et l’entreprise dont les missions sont particulièrement évoquées ci-
dessus sont les participants « centraux » de l’opération en ce sens que leurs missions sont au
cœur même de son objet : concevoir/réaliser.
Les autres intervenants assument des fonctions essentielles mais, en quelque sorte, satellites
de la conception et de la réalisation.
Il s’agira donc, concernant la description de leurs missions, de :
• se conformer aux prescriptions réglementaires quand il en existe d’applicables ;
• en tout état de cause, les adapter aux besoins propres de l’opération en question et les
rendre cohérentes entre elles dans la mesure où les fonctions respectives de chacune ont
vocation à interférer les unes avec les autres et, plus globalement, traiter les interfaces
entre leurs interventions.
Cette dernière observation vaut pour l’ensemble des « acteurs-intervenants » (y compris bien
évidemment ceux qualifiés ci-dessus de centraux) dont les prestations doivent être
cohérentes les unes avec les autres, compatibles et opposables.
Cette notion d’opposabilité est essentielle : il s’agit de « lier » des prestataires qui n’ont pas
de relation contractuelle entre eux ; chacun d’entre eux est en effet uniquement et
individuellement lié au maître d’ouvrage. Pourtant, l’exécution de leurs missions respectives
doit prendre en compte celles des autres et ceci de manière plus ou moins cruciale selon les
acteurs et les phases de l’opération.
Les missions de chacun des acteurs dans leur contenu même, mais aussi dans leurs
modalités d’exécution, devront donc être cohérentes et prises en considération par tous les
autres intervenants concernés directement ou indirectement.

3.3 Les missions traditionnelles en BIM


Même s’il peut exister diverses définitions et acceptions de la notion de BIM, celui-ci doit
être considéré comme une méthode de travail et d’échanges ; dès lors, dans le cadre de
l’utilisation de la maquette numérique BIM, les missions attribuées aux divers prestataires
demeureront globalement identiques à celles relevant d’un cadre « classique ».

1 . Pour un exposé plus précis des rôles des divers intervenants, voir supra.
Les missions en BIM
En BIM, ce sont en réalité les moyens, les outils utilisés pour produire, diffuser et « partager
» les études, plans, documents… qui évoluent, dans le sens d’une efficacité accrue sans
modifier la répartition des tâches et des fonctions.
Aux moyens et informations « classiques », qui seront plus rapidement et plus précisément
disponibles, vont s’ajouter des « données » nouvelles et des paramétrages qui fourniront une
vision enrichie du projet dans toutes ses phases de conception et de réalisation.
Cependant, chaque acteur a vocation à rester responsable de la production des rendus ou,
plus largement, des prestations dont il est redevable contractuellement en lien avec ses
capacités et compétences (dans une mesure cependant différente vis-à-vis du maître
d’ouvrage selon que, au sein du groupement dont il est cotraitant, les membres sont conjoints
ou solidaires).
Le BIM, système collaboratif et informatif, a pour ambition de faciliter matériellement et
temporellement le processus de conception, de réalisation puis d’exploitation de l’ouvrage.
De ce constat, il résulte :
• que ce ne sont pas les missions elles-mêmes dans leur finalité qui évoluent en BIM mais
les conditions de leur exécution et, dans une moindre mesure, leur contenu ;
• que chaque acteur professionnel a vocation à continuer à exercer ses prestations dans
son champ de compétence ;
• enfin, que le processus BIM n’a pas pour conséquence d’amalgamer les prestations de
l’ensemble des intervenants, qui ne pourraient plus être identifiées dès lors qu’elles
seraient « intégrées » dans la maquette.
Il est utile d’examiner dans un premier temps les caractéristiques du processus BIM
potentiellement de nature à influer sur les missions.

3.3.1 Spécificités et opportunités du BIM


Les aspects principaux qui se dégagent en termes de fonctionnement et de réalisation des
prestations traditionnelles sont les suivants :
1. Mutualisation/partage des données et des résultats des prestations de chaque intervenant
(c’est-à-dire relevant de ses compétences propres) au fur et à mesure de leur production
(précocement au regard du système classique).
Mutualisation et partage à vocation informative ou collaborative selon les cas et/ou selon
les stades d’avancement, les étapes du processus.
2. Appréhension évolutive du projet : de plus en plus précise au travers des différents «
modèles » et de plus en plus « riche » des données non géométriques intégrées et des
données paramétriques.
3. Détection des conflits/clashs
4. Simulations et paramétrages des modèles
5. Traçabilité de la consistance du bâtiment facilitant puis prenant en compte ses
modifications, ceci sous un nombre important de ses aspects tout au long de son
exploitation.
Le système permet ainsi de disposer, en principe, d’une vision totale ou pour le moins très
large et précise de l’état actualisé (à des fréquences plus ou moins rapprochées, voire en
temps quasi réel s’agissant de la maquette unique) du projet et des interventions dont il est
l’objet, puis du bâtiment dans l’ensemble de ses composantes.
Les missions traditionnelles en BIM | 53
Les informations, documents, données et études, élaborées partiellement de manière
collaborative, sont ainsi diffusés et partagés à un niveau de précision accru grâce à
la maquette.
Le processus a par ailleurs vocation à détecter (automatiquement et précocement) les « clashs
», incohérences, incompatibilités entre les études et productions des différents prestataires
intervenant chacun dans leur champ de compétence respectif sur les données et documents
de conception ou d’exécution.
Les missions demeurent donc comparables à celles résultant des schémas de conception et
de réalisation « classiques ». À tout le moins, donc, leur finalité reste identique : concevoir
puis construire un ouvrage conforme aux besoins et souhaits exprimés par le client maître
d’ouvrage (essentiellement dans son programme) et à l’ensemble des règles applicables.
Ce sont en réalité les moyens à disposition et les outils permettant d’atteindre ces objectifs
au travers du processus BIM qui sont nouveaux, plus performants, riches et de nature à
repenser non pas le rôle de chacun mais la manière de le remplir.

3.3.2 Impacts sur les missions


Le cadre et les conditions de la réalisation des missions ainsi modifiés doivent être
appréhendés et, en conséquence, gérés contractuellement à différents niveaux.
Il conviendra de les envisager et de les prévoir dans la description contractuelle des missions
et essentiellement dans la description de leurs modalités d’exécution.
Ils seront traités différemment selon le niveau de fonctionnement et le niveau de
développement de la maquette, puisque la configuration et les objectifs seront différents,
mais il s’agira globalement de s’interroger et de cadrer les points suivants :

3.3.2.1 L’intégrité du contenu des missions


Le contenu même des missions traditionnelles et des tâches matérielles classiquement
dévolues aux intervenants, notamment aux maîtres d’œuvre et aux entreprises ne devrait pas
connaître de bouleversement fondamental.

Contexte de travail et adaptation à l’outil


Le système impose cependant de tenir compte des nouveaux cadres et modalités
d’intervention et de travail collaboratif ou simultané, ainsi que des capacités du nouvel outil.
À ce titre, il y a d’ores et déjà lieu de relever qu’il conviendra vraisemblablement d’adapter
les dispositions résultant des décrets et arrêtés précités de 1993 pris en application de la loi
MOP de 1985 en ce qu’ils définissent de manière expresse l’échelle des plans et
documents à remettre au fur et à mesure, élément de mission par élément de mission.
Le degré de précision requis au terme de ces dispositions a pour objectif de mieux
appréhender le projet et de poursuivre puis finaliser ainsi la conception dans des conditions
optimales de prise en compte de tous les paramètres utiles. Ces informations sont dues par
et à tous les intervenants pour que chacun réponde au mieux aux tâches qui lui sont
particulièrement assignées.
Les précisions techniques et matérielles des dispositions des textes de 1993 deviennent en
partie sans objet en considération des caractéristiques de la maquette.
Les missions en BIM
Aussi, si les exigences en termes d’échelles se concevaient dans un schéma de communication
papier ou en 2 dimensions, elles apparaissent obsolètes avec la maquette numérique. À noter
qu’il est d’ores et déjà possible d’adopter contractuellement ces paramètres dans la
description des missions en marchés privés.

Potentialités et capacités de la maquette à recadrer le contenu des missions à plus ou


moins long terme
Quelques tâches sont particulièrement concernées et doivent être traitées dans les contrats
des intervenants :
• Le relevé de l’existant : s’il est numérique, voire réalisé en « mode BIM », par le MOE
ou un géomètre expert, il faudra prévoir les niveaux de précision et, le cas échéant, les
modalités permettant d’utiliser les rendus, ou encore la maquette réalisée (maquette du
site), pour le développement sur cette base (maquette ou relevé numérique) de la
maquette BIM conception.
• Le DIAG (diagnostic) : dans les hypothèses où cette étape sera nécessaire, on peut
envisager également son rendu numérique ou en maquette BIM. Il conviendra d’en
préciser les modalités : quels détails, quelles données… et ce afin de circonscrire les
obligations du titulaire au regard des finalités attendues pour la suite. Il pourra s’agir le
cas échéant, comme pour le relevé de l’existant, d’utiliser l’éventuelle maquette ainsi
réalisée comme « socle » de la maquette de conception.
• L’élaboration et le dépôt du PC : à terme, l’un des objectifs du BIM est aussi de
permettre la dématérialisation du dossier de demande de PC, de son dépôt et de son
instruction. Les avantages d’une telle procédure seront incontestables : instruction
facilitée et dans des délais réduits. Contractuellement, la mission de l’architecte n’en
serait, là encore, pas impactée sur le fond, mais c’est dans l’exercice des différentes tâches
réalisées à ce titre que le BIM aurait un impact. Il conviendra dans cette hypothèse
d’identifier précisément dans le contrat les modalités de présentation spécifiques, ou PC
BIMé, dont le maître d’œuvre aura la responsabilité 1.
• La synthèse, tant en phase conception (entre les différentes études techniques et entre
lesdites études techniques et les études architecturales) qu’au stade des études
d’exécution, doit être, en BIM, appréhendée dans son objet même, sa temporalité dans
le déroulement de l’opération, ses modalités de réalisation et du point de vue de
l’identification du ou des prestataires auxquels elle est dévolue.

1. Le PC BIMé nécessitera que la maquette objet du dossier de permis de construire puisse être figée au jour du
dépôt de la demande et la fiabilité de ses données assurée. Il sera également indispensable de permettre aux
services instructeurs de viser la maquette à l’appui de l’autorisation accordée (équivalent du tampon apposé sur
les documents du dossier de permis de construire) afin de garantir le contenu du projet autorisé. S’agissant
enfin du dossier de permis de construire, dont toute personne intéressée doit pouvoir solliciter une copie, il
semble que la communication, sous format papier, des seuls extraits de la maquette correspondant aux plans
et documents listés par le code de l’urbanisme au titre de la composition du dossier de permis de construire
soit envisageable à l’exclusion de toute mise à disposition de la maquette elle-même. Le PC BIMé est à ce jour
au stade de l’expérimentation : la première expérience est menée à Bussy-Saint-Georges avec le soutien de
l’EPA Marne pour la construction d’un programme résidentiel de 109 logements sociaux (architecte : agence
François Pélegrin, maître d’ouvrage : Emmaüs Habitat).
Si l’outil facilite la réalisation des différentes synthèses, il n’en demeure pas moins qu’elles
restent des étapes importantes qui doivent être identifiées (le cas échéant au-delà des
contraintes de la loi MOP) et dont la charge doit être clairement attribuée
contractuellement à un prestataire identifié.
Les missions traditionnelles en BIM | 55
Dans la pratique, il s’agira de prévoir des revues de projet à des étapes caractéristiques
entre les intervenants concernés et ceux attributaires de mission de synthèse pour, sur le
fondement notamment des conflits perçus grâce à l’outil BIM, dégager les solutions. Le
principe, là encore, reste classique : il s’agit dès lors d’intégrer dans la mise en œuvre de
cette tâche les fonctionnalités de la maquette BIM.
• Les PEO (plans d’exécution des ouvrages) : à la charge de la MOE ou de l’entreprise,
ces études (à partir des études de PRO et DCE) pourraient être intégrées à la maquette
conception ou à la maquette construction.
Dans cette hypothèse, il sera nécessaire le cas échéant de traiter contractuellement le
passage entre maquette conception de la maîtrise d’œuvre et maquette construction de
l’entreprise, afin que soit bien établie la réalité du contenu de la maquette remise par la
maîtrise d’œuvre, qui mesurera ses engagements et responsabilités, mais également, en
miroir, ceux de l’entreprise en ce sens qu’elle sera responsable de toutes ses interventions
à partir des éléments fournis dans la maquette conception.
Il conviendra également, en cas de maquette construction, de déterminer éventuellement
la matérialité de l’exercice des visas de la maîtrise d’œuvre sur la maquette construction
de l’entreprise.
• Les visas : article 8 du décret MOP de 1993 : « Lorsque les études d’exécution sont, partiellement
ou intégralement, réalisées par les entreprises, le maître d’œuvre s’assure que les documents qu’elles ont
établis respectent les dispositions du projet et, dans ce cas, leur délivre son visa. » Selon que les PEO
seront ou non intégrés dans la maquette en phase exécution, cette tâche restera
traditionnelle ou devra être adaptée matériellement au nouveau format des éléments à
viser et prévoir donc, le cas échéant, les modalités d’intervention de la maîtrise d’œuvre
sur la maquette de l’entreprise.
• Les DOE (dossiers des ouvrages exécutés) : ils sont évoqués au point 8 des annexes 1,
2 et 3 de l’arrêté précité du 21 décembre 1993 : le maître d’œuvre est chargé « de constituer
le dossier des ouvrages exécutés nécessaires à l’exploitation de l’ouvrage, à partir des plans conformes à
l’exécution remis par l’entrepreneur, des plans de récolement ainsi que des notices de fonctionnement et
des prescriptions de maintenance des fournisseurs d’éléments d’équipement mis en œuvre ».
Il conviendra de déterminer contractuellement les conditions de remise des DOE sous
forme de maquette numérique, notamment en termes de contenu et de degré de détail
des données et de conditions de conservation desdites données dans une perspective
d’utilisation pérenne.
Cette modalité apparaît incontournable pour le moins dans l’hypothèse d’un objectif «
BIM exploitation ». Elle devra faire l’objet d’un encadrement contractuel tant à l’égard
du maître d’œuvre que des entreprises.
La généralisation du BIM devrait donc conduire à adapter les dispositions réglementaires en
question applicables en marché public et, tant en marché public qu’en marché privé, à tenir
compte contractuellement de cet état de fait dans la description des missions et de leur
contenu.
La description des processus permet de constater qu’en réalité les missions doivent s’adapter
au support que constitue la maquette.
3.3.2.2 L’enchaînement dans le temps des éléments de « mission MOP »
Le système de travail séquentiel, issu des pratiques et des réglementations applicables, a
vocation à évoluer. Il convient en effet d’intégrer notamment la dimension transversale et
transparente des modalités de travail en BIM.
Les missions en BIM
Les décrets et arrêtés MOP précités exposent à ce jour les différentes phases qui se succèdent
chronologiquement.
Les potentialités techniques de la maquette, processus d’échanges, interventions
collaboratives, simultanées… conduisent à repenser l’échelonnement des tâches, sauf à
priver le système d’une partie importante des bénéfices qu’il peut offrir.
Ainsi, notamment, la dématérialisation des données « des produits de la construction »
présentés sous forme d’objets numériques et proposés par le biais des e-catalogues, ou de
bibliothèques d’objets numériques, permet aux concepteurs, dans le cadre d’un processus
BIM, de « tester » (par simulation et insertion virtuelles de ces produits dont l’adaptabilité
pourra ainsi en principe être vérifiée) et choisir lesdits produits ou types de produits, au
regard de leurs souhaits et des objectifs performanciels du projet très précocement au niveau
des études.
Ce sont les praticiens qui devront définir la redistribution (dans le temps) nécessaire, discuter
un assouplissement général des dispositions de la MOP sur ce sujet pour parvenir à établir,
opération par opération (ce qui est d’ores et déjà possible en marchés privés), un
enchaînement des tâches.
Il n’en demeure pas moins qu’il restera nécessaire, dans la mise en œuvre de ce
réaménagement, de conserver la ligne directrice du processus de conception ; ce processus
doit s’engager incontestablement sur le fondement d’études de conception architecturales
répondant aux besoins et suffisamment avancées pour servir de support à la poursuite de
son développement, intégrant l’ensemble des dimensions techniques.
En outre, ce nouveau mode de fonctionnement devra également définir le schéma et le
processus des interventions simultanées ou collaboratives et redéfinir ou préciser la gestion
des interfaces appelées à être impactées par le fonctionnement de l’outil. Ce mode de
fonctionnement dépendra du niveau 1, 2 ou 3 de la maquette.
Il est donc nécessaire de traduire contractuellement le schéma qui sera adapté à chaque
opération, afin que toutes les modalités d’exécution des missions des intervenants concernés
soient précisées en cohérence avec le système et en cohérence les unes par rapport aux autres.

3.3.2.3 Les modalités de production et de diffusion des rendus

La production des rendus


L’aspect collaboratif est un sujet qui suscite des débats et des interrogations.
La collaboration que permet le processus BIM concerne cependant davantage la forme que
le fond.
En d’autres termes, la collaboration dont il s’agit n’aura pas pour effet de modifier les
domaines respectifs de chaque acteur et de les mêler ni de faire bouger les lignes entre leurs
rôles particuliers issus de leurs compétences propres.
Ces compétences demeurent a priori les mêmes que dans le cadre d’un schéma classique.
La collaboration concerne en réalité les moyens à disposition pour gérer et traiter les
échanges classiques et traditionnels nécessaires entre les différents professionnels au fil de
l’évolution du projet.
Dans ces nouveaux schémas, chacun conserve son métier et son expertise.
La notion de traçabilité des interventions associée à la nature intrinsèque des capacités de
chacun permettra de déterminer le cas échéant les responsabilités encourues.
Les missions traditionnelles en BIM | 57
Il reste en effet nécessaire de pouvoir déterminer les « auteurs » ou « coauteurs », au sens
producteur du terme, des différentes productions successives (modèles, objets, données).

La diffusion des rendus


Dans son numéro 22 de Médiations (octobre 2011), la MIQCP (Mission interministérielle
pour la qualité des constructions publiques) constatait au sujet des maquettes numériques :
« C’est une approche dite «objet» et non «dessin». C’est de cet objet virtuel qu’il sera tiré des documents 2D
[…] L’objet est d’abord créé sous forme d’un modèle tridimensionnel, avant d’être traduit en plans et en
croquis. »
Les prestations attendues de chaque acteur, les rendus individuels ou issus d’un processus
collaboratif, sont communiqués au travers de la ou des maquettes numériques.
Il convient de préciser qu’en cas de production d’un « double papier », il faudra veiller à
prévoir la préséance entre les deux versions, pour résoudre des problèmes éventuels de
compatibilité.
En outre, le format doit permettre à d’autres prestataires d’intervenir, selon les principes et
modalités convenus, dans le cadre de l’exécution de leurs propres missions. Il s’agit donc de
:
• déterminer les séquences et les phases de mission, ainsi que les modalités de leur
approbation (expresse ou tacite) ;
• prévoir des processus et procédés relatifs à certaines phases spécifiques ; par exemple, le
cas échéant, la phase visa pour la maîtrise d’œuvre ;
• établir une traçabilité du projet ; identifier qui, quand et quoi concernant les interventions
respectives, successives ou simultanées.
Le sujet des rendus conduit enfin à aborder la question des accès à certaines informations
ou données dont on peut envisager qu’ils soient, ponctuellement ou non, limités, voire
verrouillés en fonction des opportunités ou des besoins effectifs (mesures de nature à
prendre en considération le respect de certains droits, comme les droits d’auteur par
exemple).
Le caractère informatif ou contraignant des modèles, des données, des informations et plus
globalement des rendus doit être traité au regard des potentialités et des objectifs de la
maquette.

3.3.2.4 Le contrôleur technique


Le processus BIM est susceptible d’impacter sa mission à deux niveaux :
• quant à l’exercice de ses missions de contrôle au travers non plus de support papier, mais
directement des éléments de la maquette ; s’il n’a pas vocation à prendre connaissance
de la maquette dans son intégralité, il y a lieu de déterminer la mise en place d’un système
permettant de lui donner accès aux extraits de la maquette utiles et nécessaires à sa
mission ; là encore, il s’agira de déterminer la charge de ce « rendu » spécifique ;
58 | Les missions en BIM

• quant à la gestion et au traitement de ses préconisations (après analyse par les


intervenants et échanges éventuels) : rapports intégrés dans la maquette (minimum) ou
préconisations paramétrées ?
Ces questions, ou plus exactement les réponses à ces questions, doivent être contractualisées
en termes de mission du contrôleur dont les modalités devront le cas échéant être rendues
opposables à tous les intervenants par le biais de leurs propres contrats.

3.3.3 Une dimension nouvelle : les données


Des données sont intégrées à la maquette et lui confèrent des potentialités accrues en termes
d’information, d’efficacité, de performance et de connaissance des caractéristiques de
l’ouvrage en conception, en construction puis achevé.
La fourniture de ces données ne constitue pas une mission nouvelle mais vient en réalité
compléter les missions traditionnelles.
Elles permettent en effet une vision plus approfondie, plus riche et facilitent les
interventions.
Ces apports sont significatifs tant dans les bénéfices de tous ordres qu’ils génèrent que dans
le « travail », l’investissement complémentaire qu’ils impliquent. À ce titre est évoquée la
légitimité de les valoriser1.
Ce point serait donc également à traiter d’un point de vue contractuel au profit du ou des
prestataires concernés et, en conséquence, il conviendrait de décrire et distinguer dans les
stipulations du contrat relatives aux missions celles concernant la sélection et la présentation
des données.
En synthèse
Les missions de chaque intervenant restent globalement similaires dans un
processus BIM à celles d’un processus classique.
Il est important de recadrer et préciser contractuellement les évolutions des
missions des prestataires en BIM ou plus exactement leurs modalités d’exécution
; le système rend particulièrement prégnant la compatibilité et la cohérence, à
cet égard, des engagements des différents intervenants.
Le contrat et le protocole BIM ont vocation à répondre à ces besoins en traitant
ces différents points qui seront, en partie, arrêtés en concertation entre les
intervenants. Ces intervenants, qui n’ont pas de lien contractuel entre eux, se
rapprocheront en reconnaissant l’application indispensable de ces règles
communes qui seront fixées dans le protocole ou convention BIM2.

1. Voir le rapport de mission « Droit du numérique et bâtiment » remis par Xavier Pican dans le cadre du plan
Transition numérique dans le bâtiment.
2. Sur le protocole BIM : voir chapitre 5.
Missions nouvelles générées par l’utilisation du BIM et leur affectation | 59

3.4 Missions nouvelles générées par l’utilisation du BIM


et leur affectation
Au-delà de ses impacts évoqués ci-dessus sur les missions traditionnelles, l’outil BIM nécessite des
interventions relatives à sa conception mais aussi des prestations en amont concernant les objectifs à
atteindre (le « programme » de la maquette) et en aval concernant sa gestion et son entretien.

3.4.1 La définition des missions

3.4.1.1 En amont
Il convient de déterminer, dans un premier temps, ce qui est techniquement attendu en termes de
finalité et de performance de la maquette numérique. Il s’agira donc de :
• définir le niveau de fonctionnement de la maquette (1, 2 ou 3) dont il découlera de fait des modalités
d’intervention, des modes de fonctionnement, des systèmes collaboratifs adaptés et à déterminer ;
• déterminer le niveau de développement de la maquette ; conception/construction/exploitation ;
• définir les finalités de la maquette.
Cette réflexion doit être menée par le maître d’ouvrage, seul s’il dispose en interne des capacités
correspondantes, ou assisté par un tiers, au niveau de la programmation.
Il sera également opportun dès ce stade d’intégrer les éléments de base relatifs à la dimension
collaborative et, le cas échéant, à l’interopérabilité, points centraux dont les modalités devront être
opposables à tous les intervenants.
Cette tâche, si elle n’est pas conservée au sein de la maîtrise d’ouvrage, sera du ressort d’un prestataire
extérieur : intervenant spécialisé, programmiste, membre de la maîtrise d’œuvre (éventuellement
l’architecte) sous réserve du respect des dispositions relatives aux textes de la commande publique.
Le cadre contractuel se situera cependant en amont des marchés de maîtrise d’œuvre (par définition
non encore attribués) ; il pourra s’agir :
• d’un marché spécifique indépendant ;
• d’une prestation complémentaire du marché du programmiste (« classique » de l’opération) ;
• d’une prestation complémentaire dans le cadre d’une étude de faisabilité sous réserve du respect des
règles de mise en concurrence en marchés publics.

3.4.1.2 Conception du processus : plate-forme collaborative, maquettes fédérées, maquette


unique
En fonction des paramètres déterminés ci-dessus, il convient de concevoir la maquette BIM propre à
l’opération, dans une configuration de base répondant aux besoins et permettant de la faire évoluer au
fur et à mesure de l’avancement du projet et en fonction des attentes prédéfinies.
2-1) À ce stade devront être fixés et pris en considération les éléments et modalités essentiels de
fonctionnement du système et pour le moins : – le système collaboratif/l’interopérabilité ; – la
traçabilité.
Le titulaire en charge de cette mission aura à traiter de manière générale, en cohérence avec le niveau
de la maquette et selon son champ d’utilisation (conception/conceptionexécution/conception-
60 | Les missions en BIM

exécution-exploitation-maintenance), les aspects spécifiques identifiés précédemment comme


liés à l’utilisation et au fonctionnement de la maquette :
– interfaces ;
– gestion des étapes principales, notamment du passage éventuel de la maquette conception et
réalisation puis en exploitation-maintenance, de la synthèse ;
– identification, mise à disposition, système et conditions de conservation et de pérennité des
données.
Il traitera aussi des paramètres particuliers éventuellement liés au projet.
Les caractéristiques qui auront alors été définies devront en effet être rendues opposables à tous
les intervenants et les caractéristiques techniques de la maquette doivent être connues au plus tôt
et de préférence au moment de la remise des offres des prestataires pressentis, afin que ceux-ci
prennent en considération ces contraintes.
À noter que la conception de la maquette et/ou les modalités et procédés techniques mis en place
ne pourront faire l’économie du respect des règles du droit de la concurrence et de celles relatives à
la passation des marchés publics (principes de transparence, libre accès, égalité des candidats).
Cette mission pourrait être conservée là encore par le maître d’ouvrage, qui peut également la confier
à un tiers ou l’attribuer à la maîtrise d’œuvre à titre de prestations complémentaires dans le cadre de
son marché de maîtrise d’œuvre.
2-2) Le système pouvant être amené à s’adapter au fur et à mesure de l’avancement de l’opération,
il conviendra de :
– prévoir cette potentialité d’évolution ;
– prévoir en conséquence le suivi du système et son opposabilité cohérente à l’ensemble des
intervenants concernés.
2-3) L’attributaire devra également assumer la charge de la sécurisation de la maquette
et du système en termes de fiabilité technique, d’intrusion, de protection et de
confidentialité des données ; le challenge étant en l’occurrence d’adopter des mesures qui
ne remettent pas en cause l’essence même du BIM : ses dimensions interactives,
collaboratives et informatives.
2-4) Ce prestataire devra s’assurer de la pérennité de la maquette et des données qu’elle
contient, ou plus exactement préciser les conditions dans lesquelles, au moment de sa
livraison, les données de la maquette sont préservées, ceci dans l’optique de fournir les
informations permettant à l’utilisateur de prendre les mesures adéquates pour maintenir et
préserver cette pérennité. Cette exigence sera essentielle dans une perspective BIM
exploitation-maintenance.
2-5) En tout état de cause, l’attributaire sera responsable du système mis en place vis-à-
vis du maître d’ouvrage, qui en sera lui-même responsable vis-à-vis des intervenants et
presta-
Missions nouvelles générées par l’utilisation du BIM et leur affectation | 61

taires auxquels il l’aura imposé contractuellement, l’utilisation de la maquette numérique


collaborative étant un aspect de l’organisation nécessitant d’être partagé par tous les participants,
ceci relevant de la finalité, de l’essence même de l’outil…
Cette responsabilité couvrira globalement le bon fonctionnement matériel de la maquette,
notamment les aspects collaboratifs, l’interopérabilité et la traçabilité.
Le cas échéant, il serait utile de prévoir, dans le cadre de cette prestation, la fourniture par le
concepteur d’un manuel d’utilisation.
2-6) Il s’agira aussi d’établir en parallèle le protocole BIM1. En effet, dès ce stade, il est
opportun et cohérent de mettre en place les règles de fonctionnement de la maquette.
Cette tâche sera à la charge d’un prestataire spécifique ou de la maîtrise d’œuvre, dans des
conditions identiques à celles évoquées ci-avant. Il semble néanmoins judicieux de confier
à une seule entité la conception de la maquette et l’élaboration du protocole.

3.4.1.3 Gestion et entretien de la maquette


La maquette (ou les maquettes) sera entretenue tout au long de son utilisation.
Sur le fondement des modalités prescrites par le protocole BIM et issues du travail de conception, un
prestataire désigné (tiers ou maître d’œuvre) sera responsable :
• du bon fonctionnement matériel de la maquette ou du système, du respect par les intervenants des
modalités opérationnelles prescrites ;
• de l’adaptation et l’évolution nécessaires au fil du temps et de la mise en œuvre des mesures prévues
à cet effet (manuel d’utilisation, protocole) ;
• de la sécurisation du processus mis en place ;
• de la sécurisation des données et des informations contenues dans la maquette ;
• de la gestion et du respect des règles applicables aux données personnelles ;
• de l’alimentation de la ou des maquettes ; la manière dont la maquette sera concrètement renseignée
ou dont les informations seront fédérées au fur et à mesure devra être fixée et définie pour que tous
les intervenants concernés adhèrent au fonctionnement et interviennent de manière similaire et
cohérente. À ce titre, différents systèmes sont envisageables, notamment selon le niveau de la
maquette ; la méthode la plus probable semble être de laisser aux prestataires concernés (seuls ou
groupés en cas de travail collaboratif) le soin de diffuser, sur la maquette ou la plate-forme, les
éléments relevant de leur part de mission sous le contrôle technique et matériel du prestataire chargé
de la gestion. Il peut être aussi envisagé, dans des hypothèses vraisemblablement plus rares, que le
gestionnaire de la maquette soit missionné à ce titre.
D’une manière générale, il sera opportun de donner au titulaire de cette mission de gestion et d’entretien
les moyens de l’exécuter.
Il s’agira essentiellement de rendre opposables à tous les utilisateurs du BIM ses règles de
fonctionnement tant dans ses principes que dans ses modalités pratiques particulières. Le protocole
BIM a là encore vocation à assurer cette « fonction », sous réserve qu’il contienne les indications requises
et soit opposable à tous les acteurs intervenant sur la maquette.

1 1. Voir chapitre 5.
62 | Les missions en BIM

3.4.2 Les prestataires

3.4.2.1 Distribution des nouvelles missions à un ou plusieurs prestataires


Les différentes étapes évoquées ci-avant et décrivant la succession chronologique des nouvelles
missions générées par le choix de conception et de réalisation d’un projet avec le système de la maquette
numérique collaborative laissent le choix :
• confier l’ensemble de ces missions à un seul et unique prestataire ;
• répartir la réalisation de ces missions entre différents prestataires. Dans les deux hypothèses, une
autre alternative est à examiner :
• confier ces tâches aux intervenants « classiques », notamment à la maîtrise d’œuvre, en adjoignant
aux missions classiques de leurs marchés ou contrats des missions complémentaires ;
• confier ces tâches à des tiers qui ne sont pas impliqués dans le schéma classique de conception et
de réalisation de l’opération.
Si l’on envisage le cas de figure dans lequel un seul prestataire est désigné pour l’ensemble des missions
(programmation en termes de performance BIM, conception de la maquette et élaboration du
protocole, gestion et entretien), cette configuration présente l’avantage de sécuriser le processus, dont
la continuité sera assurée matériellement, et de fiabiliser l’enchaînement des missions inextricablement
reliées entre elles.
Corrélativement, si elles devaient être distribuées, il faudrait contractuellement veiller à définir et
délimiter précisément les tâches et rôles de chaque intervenant successif pour : • s’assurer que toutes les
fonctions pour répondre aux besoins sont bien attribuées ; • déterminer et répartir les responsabilités
encourues.
Dans le cas du prestataire unique, il s’assimilerait aux BIM managers, notion apparue en parallèle de la
généralisation de l’utilisation de la maquette numérique mais qui ne fait à ce jour l’objet d’aucune
définition générale. Il conviendra en conséquence de rester vigilant sur l’identification sans ambiguïté
et exhaustive des prestations à sa charge1.
Toutefois, d’ores et déjà, on peut souligner les responsabilités liées aux conséquences directes de
l’aboutissement des tâches spécifiquement attribuées.
Il y aura lieu également d’intégrer les conséquences potentiellement induites directement ou
indirectement par ces prestations, notamment en termes de délais et de coûts supplémentaires de
l’opération elle-même en cas de dysfonctionnements de toute nature de la maquette. Il s’agira de
déterminer si ces paramètres (délais et coûts) doivent être opposables au prestataire ; dans cette
hypothèse, il conviendra de le prévoir contractuellement, ce qui aura pour conséquence d’engager le
prestataire sur ces paramètres à l’occasion de l’exécution de sa mission (c’est-à-dire de les prendre en
compte et en considération) et d’éventuellement engager sa responsabilité contractuelle en cas de
difficultés.
Il convient de préciser qu’en cas de succession de prestataires en charge de cette fonction, il est
recommandé de veiller à bien identifier les limites et enchaînement d’interventions pour faciliter les
recherches éventuelles de responsabilités.

1 . Chapitre 4 : les responsabilités spécifiques de ce ou de ces prestataires seront analysées dans les développements sur les
responsabilités.
Missions nouvelles générées par l’utilisation du BIM et leur affectation | 63

3.4.2.2 BIM manager, coordinateur ou modeleur adjoints au prestataire


L’économie générale du système mis en place et l’ampleur ou la complexité de l’opération
peuvent aussi induire la désignation par chaque prestataire intervenant dans l’opération et
sur la maquette, en son sein, d’un BIM manager ou BIM coordinateur.
Celui-ci aura en charge l’ensemble des aspects de la mission (du prestataire concerné)
impactés par le BIM, ses fonctionnalités et ses exigences.
Il aura spécifiquement en charge le suivi de la maquette, il sera l’interlocuteur du BIM
manager « général » et son rôle sera cohérent avec les fonctions de ce dernier.
En synthèse
La nature même et les potentialités de la maquette BIM (partage, collaboration,
enrichissement des informations et des données…) induisent une vision globale,
adaptée, concertée et coordonnée des rôles, missions et fonctions attribués à
tous les acteurs.
Missions nouvelles générées par l’utilisation du BIM et leur affectation | 65

De Les dispositions contractuelles relatives aux missions, évoquées ci-dessus, et le


protocole ou convention BIM doivent répondre à cette nécessité afin de faciliter
et favoriser la mise en place, la mise en œuvre et l’efficacité du processus BIM.

même, au sein de chaque intervenant, le contrat ou la nature de l’opération exigent parfois


la désignation de BIM modeleurs, maillons indispensables du processus, qui élaborent les
modèles et dessinent l’ouvrage en 3D.
La distinction et l’individualisation des fonctions du BIM coordinateur et du BIM modeleur
sont reservées aux opérations d’une certaine importance. Pour les autres, ce sera la même
personne qui les exercera.
À noter : si la fonction de BIM manager est confiée à un prestataire traditionnel, par exemple
l’architecte, il conviendra de bien distinguer ses tâches en fonction de la mission à laquelle
elles sont attachées et garder à l’esprit en l’occurrence cette double casquette pour ne pas
amalgamer des fonctions de nature différente.
En tout état de cause, il y a lieu d’identifier clairement les prestations et les prestataires et de
prévoir un système fiable de traçabilité des interventions.
chapitre 4

Les responsabilités en BIM

La mise en œuvre d’un processus BIM s’inscrit dans un cadre légal et réglementaire précis, celui
applicable aux opérations de construction.
Les responsabilités attachées aux prestations des différents intervenants demeurent applicables. Il est
utile d’en rappeler les grands principes généraux (4.1).
Le processus BIM est un outil, une méthode de travail. Son utilisation induit des modifications et des
adaptations des modalités d’exécution des prestations. Elle induit également des fonctions
complémentaires.
Il s’agira donc d’examiner les responsabilités encourues au regard des évolutions des missions classiques
(4.2) puis de celles attachées aux nouvelles prestations précédemment identifiées (4.3).

4.1 Responsabilités légales, contractuelles et


délictuelles applicables
Cette partie traite des principes et des modalités relatifs aux responsabilités qui résultent des
interventions et engagements des acteurs d’une opération de construction. Ils sont tenus d’exécuter les
prestations qui leur sont confiées contractuellement.
Au-delà, ils sont également soumis à des obligations complémentaires relevant des garanties légales des
constructeurs.
Dans le cadre d’une opération réalisée en BIM, ces responsabilités classiques et traditionnelles restent
applicables aux différents acteurs et il est donc pertinent de les rappeler avant de s’ attacher aux
spécificités qu’induit potentiellement le mécanisme BIM en termes de responsabilités.
Deux types de responsabilités se distinguent : les responsabilités dites de droit commun (contractuelle,
délictuelle et pénale) et les responsabilités spécifiques des constructeurs dites aussi garanties légales.
Le principe attaché aux responsabilités légales des constructeurs et à leur responsabilité contractuelle
est le suivant : les garanties légales ont vocation à être mises en œuvre en priorité dès lors que leurs
conditions d’application sont réunies.
Elles seront en conséquence exposées préalablement à l’examen des règles relatives à la responsabilité
contractuelle de droit commun.
68 | Les responsabilités en BIM

4.1.1 Les garanties légales des constructeurs


Les responsabilités spécifiques dites « garanties légales des constructeurs » sont traitées aux articles 1792
à 1792-7 du code civil.
1. Il est utile, tout d’abord, de circonscrire leur champ d’application et de rappeler en conséquence ce
que recouvre la notion de « constructeur ». Elle est définie à l’article 1792-1 du code civil :

« Est réputé constructeur de l’ouvrage :


1° tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de
louage d’ouvrage ;
2° toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ;
3° toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une
mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage. »

L’ensemble des intervenants est potentiellement concerné par cette définition large.
2. Les responsabilités légales comportent trois types de garantie : la garantie décennale, la garantie de
bon fonctionnement (biennale) et la garantie de parfait achèvement.
Elles présentent certaines particularités.
Ainsi, les deux premières (décennale et de bon fonctionnement) sont des responsabilités dites de
plein droit. Cette qualification permet au bénéficiaire de la garantie (maître d’ouvrage, acquéreur
de l’ouvrage, assureur) de la mettre en œuvre (d’engager la responsabilité du prestataire sur ce
fondement) sans avoir à établir l’existence d’une faute du constructeur à l’origine du désordre
invoqué.
Le principe est en effet que ledit constructeur doit un ouvrage exempt de tout vice ; aussi, l’existence
du désordre est suffisante en elle-même pour faire valoir les garanties susvisées.
Les réserves à l’application de ce principe sont les suivantes :
– les désordres doivent revêtir les caractères (précis et spécifiques à chaque garantie) requis par les
textes (et qui seront évoqués dans les développements qui suivent) ;
– l’imputabilité du dommage au constructeur envers lequel la garantie est exercée doit être établie
; l’existence d’un contrat n’est pas en elle-même suffisante : un lien doit exister entre l’objet de
la mission confiée contractuellement et le désordre dont il est question (cette observation permet
de conforter la nécessité de définir précisément les missions, point abordé dans le chapitre 3) ;
– la responsabilité de plein droit peut être écartée (en tout ou partie) s’il est avéré que la force
majeure, le cas fortuit ou le comportement du maître d’ouvrage ont contribué au dommage.
3. Les garanties décennale et biennale (de bon fonctionnement) ont pour effet la réparation des
dommages subis par l’allocation d’indemnités. La garantie de parfait achèvement pose le principe
d’une réparation en nature (exécution des travaux de reprise).
Responsabilités légales, contractuelles et délictuelles applicables | 69

Ces principes issus du code civil sont appliqués aux opérations et aux ouvrages privés mais également
publics.
Chaque garantie est différente dans son objet et sa durée. Elles seront exposées successivement.

4.1.1.1 La garantie décennale


Elle est issue de l’article 1792 du code civil : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers
le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de
l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre
à sa destination. »
Il s’agit donc d’une responsabilité dite de plein droit applicable à des désordres présentant une certaine
gravité et qui, en outre, n’étaient pas visibles au moment de la réception des travaux.
Elle concerne tous les constructeurs.
Elle dure pendant 10 ans à compter de la date de réception des travaux.
Cette étape revêtant une importance particulière en termes de responsabilité, le rappel de la définition
de la réception est utile : la réception est l’acte par lequel, à son achèvement, le maître d’ouvrage déclare
accepter l’ouvrage. Elle a pour objet de vérifier de manière contradictoire (en présence du maître
d’ouvrage ou de son représentant, éventuellement assisté de son architecte ou de son maître d’œuvre,
et du représentant de l’entreprise de travaux) que les travaux sont terminés et conformes aux règles
applicables et aux engagements contractuels souscrits 1.

4.1.1.2 La garantie de bon fonctionnement


Elle est aussi dite « garantie biennale ».
Elle est issue de l’article 1792-3 du code civil: « Les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une
garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception. »
Cette garantie doit être appréhendée dans le prolongement des dispositions de l’article 1792-2 qui
prévoient que la décennale s’étend aux désordres affectant la solidité des éléments d’équipement
indissociables.
Elle concerne en conséquence les éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage, cette notion
excluant cependant les éléments d’équipement dits inertes.
La garantie de bon fonctionnement, à laquelle sont soumis tous les constructeurs, dure pendant deux
ans à compter de la date de réception des travaux 2.
4.1.1.3 La garantie de parfait achèvement
Cette garantie est également identifiée sous le sigle GPA.
Elle est issue de l’article 1792-6 alinéa 2 du code civil : « La garantie de parfait achèvement, à laquelle
l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an, à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres

11. Article 1792-6 du code civil


2. L’indissociabilité est caractérisée à l’article 1792-2, alinéa 2, lequel précise : « Un élément d’équipement est considéré comme
formant indissociablement corps avec l’un des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert, lorsque sa dépose, son
démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. »
La notion d’« inertie » (non définie par les textes) s’apprécie ici par rapport à celle de « fonctionnement » ; les éléments inertes
sont donc ceux qui n’ont pas vocation à fonctionner (peinture, moquette, faux plafond, faux plancher, cloison…).
70 | Les responsabilités en BIM

signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de
notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception. »
Cette garantie, qui incombe exclusivement à l’entrepreneur de travaux, est particulière également dans
la mesure où elle est en quelque sorte facultative, puisque le bénéficiaire (maître d’ouvrage, acquéreurs)
peut, au titre de ces désordres, choisir de mettre en œuvre la décennale ou la biennale (si les critères
requis tels qu’exposés ci-dessus sont réunis), ou encore la responsabilité contractuelle.
Il sera rappelé que la décennale et la biennale aboutissent à une indemnisation alors que la GPA se
traduit par une réparation dite en nature (réparation des désordres). Aussi, le choix de mettre en œuvre
(quand cela est possible) une autre garantie (décennale ou biennale) intervient lorsque le maître
d’ouvrage ne souhaite pas d’intervention complémentaire de l’entreprise et favorise la réparation par la
voie indemnitaire.

4.1.2 La responsabilité contractuelle de droit commun


1. Elle intervient lorsque les garanties légales (décennale et biennale) ne peuvent être mises en jeu.
Elle est donc qualifiée de responsabilité « subsidiaire ».
Elle sera appliquée notamment avant la réception des travaux ou lorsque les conditions relatives aux
garanties légales (particulièrement concernant le moment de survenance des désordres et la nature
de ceux-ci) ne seront pas réunies.
Elle suppose, par définition, l’engagement des parties dans des liens contractuels et la défaillance de
l’une dans l’exécution des obligations et engagements en découlant. À noter toutefois que l’action
en responsabilité contractuelle (tout comme celles concernant les garanties décennale et biennale)
se transmet du maître d’ouvrage (signataire des contrats avec les prestataires et intervenants) au
profit des propriétaires successifs de l’ouvrage objet de la construction.
Elle suppose donc l’établissement, par celui qui s’en prévaut, d’une faute dans l’exécution des
engagements contractés.
Elle se prescrit par 10 ans à compter de la réception des travaux (article 1792-4-3 du code civil)1.
La responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs est engagée le plus fréquemment
dans les cas d’espèce relevant des hypothèses suivantes :
– lorsque les travaux ont fait l’objet de réserves à la réception : tant qu’elles n’ont pas été levées,
le maître d’ouvrage a la faculté de mettre en œuvre la garantie de parfait achèvement ou
d’engager une action en responsabilité contractuelle de droit commun, celle-ci étant cependant
moins favorable puisqu’elle nécessite de rapporter la preuve d’une faute ;
– pour ce qui concerne les dommages dits « intermédiaires » : ce sont ceux qui ne relèvent pas
de la garantie décennale car ils n’affectent pas la solidité de l’ouvrage et ne le rendent pas
impropre à sa destination (désordre mineur, pose défectueuse d’équipements ou de matériaux,
désordres esthétiques…) ;
– les défauts de conformité, sauf s’ils revêtent les caractéristiques (la gravité) de ceux visés aux
articles 1792 et suivants : non-conformité aux plans, notamment ceux annexés au permis de
construire ; erreur d’implantation ; non-conformité des finitions, etc. ;
– les fautes contractuelles, n’affectant pas directement l’ouvrage : non-respect de délais ou du
budget ; non-respect du devoir de conseil ou défaillance dans son exercice par exemple.

1 . « En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés
aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. »
Responsabilités légales, contractuelles et délictuelles applicables | 71

2. Les principes sont les suivants : l’entrepreneur de travaux est tenu à une obligation de résultat
s’agissant de la réalisation de ses prestations matérielles, c’est-à-dire qu’il doit atteindre le résultat
précis auquel il s’est engagé, à savoir la réalisation d’un ouvrage exempt de tout vice.
Le maître d’œuvre, quant à lui, prestataire intellectuel, est pour l’essentiel traditionnellement tenu à
une obligation de moyens, c’est-à-dire qu’il doit tout mettre en œuvre pour accomplir et mener à
bien sa mission. Concernant, la réalisation de l’ouvrage (soit le résultat principal, concret et matériel
de l’opération), il s’avère qu’elle n’est pas directement à sa charge ; il ne saurait être tenu à une
obligation de résultat à ce titre. Toutefois, certaines clauses contractuelles ont pour effet de mettre
à la charge du maître d’œuvre des obligations de résultat : par exemple, celles imposant le respect
d’un délai pour la transmission des livrables au maître d’ouvrage.

4.1.3 La responsabilité délictuelle et quasi délictuelle des


constructeurs
D’une manière générale, la responsabilité délictuelle a vocation à s’appliquer entre tiers, c’està-dire entre
personnes qui ne sont pas liées dans des relations contractuelles. Dans ces cas de figure, la mise en
œuvre sera spécifique puisque l’on ne disposera pas de la base constituée d’un contrat dont les termes
assoient les revendications sur le fondement des responsabilités légales et contractuelles vues
précédemment.
Différentes hypothèses de mise en œuvre se distinguent.

4.1.3.1 La responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle actionnée par des tiers à


l’opération de construction
Il s’agit des personnes qui ne sont pas parties prenantes à sa réalisation ou qui ne sont pas les ayants
cause du maître d’ouvrage.
Ces tiers auront vocation à engager une action en responsabilité contre des ou un des intervenants de
l’opération :
1. s’ils ont subi un dommage matériel résultant de la réalisation de l’opération en prouvant la réunion
de trois éléments : une faute du ou des constructeurs, un dommage subi et un
lien de causalité entre les deux ; cette action, fondée sur les articles 1382 1 et suivants du code civil,
se prescrit par 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage ; elle devra permettre la réparation
totale du dommage subi ;
2. s’ils ont subi un trouble anormal de voisinage : nuisances et troubles causés aux voisins par le
chantier et considérés comme anormaux au regard de ce qui doit être supporté ; les nuisances
pourront être matérielles ou d’agrément ;
3. sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du code civil2.

4.1.3.2 La responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle mise en œuvre par les autres
intervenants dans le cadre de recours entre constructeurs
Les constructeurs sont pour la plupart liés au maître d’ouvrage par des contrats séparés, sauf pour ce
qui concerne les contrats de maîtrise d’œuvre en cotraitance (architecte, paysagiste, bureaux d’études,
économiste…) ou les groupements d’entreprises de travaux.
Ces différents acteurs sont des tiers les uns vis-à-vis des autres.
72 | Les responsabilités en BIM

Les actions qu’ils sont susceptibles d’engager les uns envers les autres auront donc un fondement
délictuel.
Il s’agira d’actions « récursoires » ou en garantie ayant pour objet, de la part de constructeurs condamnés
et au profit du maître d’ouvrage, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, d’obtenir
remboursement de tout ou partie auprès d’autres constructeurs responsables.
Il conviendra d’établir leur faute et le lien de causalité entre celle-ci et le dommage précédemment
reconnu (article 1382 du code civil précité).
Les constructeurs peuvent aussi agir l’un vis-à-vis de l’autre sur le fondement délictuel en invoquant un
préjudice subi du fait d’une faute commise dans le cadre de la réalisation de l’opération.

4.1.3.3 La responsabilité attachée au respect de la propriété intellectuelle


Il convient enfin de préciser que les différents intervenants à l’acte de construire sont susceptibles de
voir leur responsabilité engagée s’il est établi qu’ils ont porté atteinte, à l’occasion de l’exécution de leurs
prestations, à des droits de propriété intellectuelle.
Divers cas de figure sont envisageables. Nous évoquerons ci-après les principaux :
• dans le cadre des études de conception techniques notamment, utilisation d’un procédé breveté sans
avoir acquis préalablement les autorisations ou licences nécessaires ;
• dans le cadre des études de conception techniques ou des études d’exécution, modification d’aspects
originaux des études de conception architecturales (ou paysagères) sans concertation avec leur(s)
auteur(s) ;

1. « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Et 1383-2 : «
Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »
2. « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont
on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde, du fait de la garde de l’immeuble et du chantier. »
Responsabilités légales, contractuelles et délictuelles applicables | 73

• dans le cadre de l’exécution des travaux, modification d’aspects originaux du projet


conçue sans concertation avec le(s) auteur(s) ;
• dans le cadre des opérations portant sur des ouvrages existants (réutilisation,
réhabilitation, extension…), atteintes au respect de l’œuvre initiale du fait des
interventions portant sur ses aspects originaux.
La responsabilité encourue à ce titre sera évoquée en chapitre 7 relatif à la propriété
intellectuelle.
Cependant, il sera d’ores et déjà précisé que l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle et
plus particulièrement aux droits d’auteur est une contrefaçon.
La contrefaçon est un délit civil et pénal.
Ceci signifie que la responsabilité engagée à ce titre est à la fois civile et pénale.
La violation des droits d’auteur, constitutive du délit de contrefaçon, est puni d’une peine de
300 000 euros d’amende et de 3 ans d’emprisonnement (code de la propriété intellectuelle,
article L.335-2).
La victime de la contrefaçon peut également engager la responsabilité civile de l’auteur de
l’atteinte subie, pour obtenir réparation de son préjudice. La condamnation potentielle à ce
titre se cumulera avec la sanction pénale encourue exposée ci-dessus.

4.1.4 La responsabilité pénale des constructeurs


Quelques observations seront enfin formulées sur la responsabilité pénale générale (au-delà
de celle relative aux atteintes à la propriété intellectuelle évoquée supra) des constructeurs.
La responsabilité pénale est engagée en cas de commission d’infraction 1 . Il s’agit du
corollaire du principe de liberté dont bénéficient les citoyens dans une démocratie. Un texte
législatif ou réglementaire doit définir l’infraction et sa sanction.
À la différence des responsabilités évoquées précédemment, la responsabilité pénale
implique l’engagement de l’action par l’État en raison d’un trouble à l’ordre public.
Les constructeurs sont susceptibles d’engager leur responsabilité pénale tout au long de
l’exécution de leurs missions et doivent en conséquence se montrer particulièrement
vigilants, notamment lors de l’exécution des phases ci-après.

4.1.4.1 Pendant les phases de conception et d’autorisations de construire


Il s’agit d’infractions aux règles de construction. Elles visent la sécurité des personnes et leur
respect est donc particulièrement important et explique les sanctions pénales liées à leur
inobservation. Elles sont visées à l’article L.152-4 du code de la construction et de
l’habitation2. Quelques exemples relevant des dispositions citées :

1 . Les infractions sont les crimes, les délits et les contraventions soumis aux peines prévues par les textes.
2 . « Est puni d’une amende de 45 000 euros le fait, pour les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les
entrepreneurs ou toute autre personne responsable de l’exécution de travaux, de méconnaître les obligations imposées par les articles
L.111-4, L.111-7-1, L.111-7-2, L.111-7-3, L.111-8, L.111-9, L.111-10, L.111-10-1, L.111-10-4, L.112-17, L.112-
Responsabilités légales, contractuelles et délictuelles applicables | 74

18, L.112-19, L.125-3, L.131-4 et L.135-1, par les règlements pris pour leur application ou par les autorisations délivrées en
conformité avec leurs dispositions. En cas de récidive, une peine d’emprisonnement de six mois peut en outre être prononcée. »
Les responsabilités en BIM | 75

• non-respect des règles de sécurité incendie ;


• non-respect des règles d’accessibilité ;
• non-respect des règles applicables en matière de garde-corps.
Il s’agit également des infractions aux règles d’urbanisme qui sont sanctionnées pénalement. Elles visent
en effet à protéger l’intérêt général. Les illustrations les plus représentatives sont les suivantes :
• construction sans autorisation de construire (permis ou déclaration préalable) ;
• travaux commencés avant que l’autorisation ne soit accordée ;
• travaux modificatifs commencés avant que l’autorisation ne soit accordée ; • travaux exécutés
sans respecter toutes les prescriptions de l’autorisation accordée. Elles sont évoquées à l’article
L.480-4 du code de l’urbanisme.

« Le fait d’exécuter des travaux mentionnés aux articles L.421-1 à L.421-51 en méconnaissance des obligations
imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance
des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une
déclaration préalable est puni d’une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit,
dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface
construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l’article L.430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300
000 euros. En cas de récidive, outre la peine d’amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être
prononcé.
Les peines prévues à l’alinéa précédent peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des
travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l’exécution desdits travaux.
Ces peines sont également applicables :
1. en cas d’inexécution, dans les délais prescrits, de tous travaux d’aménagement ou de démolition imposés par les
autorisations visées au premier alinéa ;
2. en cas d’inobservation, par les bénéficiaires d’autorisations accordées pour une durée limitée ou à titre précaire,
des délais impartis pour le rétablissement des lieux dans leur état antérieur ou la réaffectation du sol à son ancien
usage. »

4.1.4.2 Pendant ou après la construction de l’ouvrage


Il s’agit de l’hypothèse d’un sinistre affectant une construction et dont la survenance entraîne des
blessures ou le décès d’individus.
Si ce sinistre trouve son origine dans une faute de conception de l’architecte ou du maître d’œuvre, ou
dans des erreurs de l’entreprise, ceux-ci pourront voir leur responsabilité pénale retenue au titre de
coups et blessures involontaires (articles 221-6 et 222-9 du code pénal)2.

1. www.legifrance.gouv.fr
2. Article 221-6 CP : « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un
homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues
sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. »
Article 222-19 CP : « Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail
pendant plus de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 3 000 euros d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues
sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende. »
76 | Les responsabilités en BIM

4.2 Les responsabilités en BIM


Sur le fondement des responsabilités dans le domaine des opérations de construction telles
qu’inventoriées et explicitées au paragraphe précédent, seront examinées ci-après les responsabilités
attachées aux missions classiques exécutées par les intervenants dans le cadre de l’utilisation de la
maquette numérique collaborative, puis celles attachées aux nouvelles missions générées par la
conception, l’usage et le fonctionnement du processus BIM.

4.2.1 Responsabilités et missions classiques en BIM


L’analyse et la réflexion conduisent à considérer que, avec ou sans le recours à la maquette numérique
collaborative, les objectifs de l’opération de construction étant identiques, les missions confiées aux
différents prestataires restant en conséquence globalement similaires, les responsabilités seront
également comparables.
Sur leur principe, leurs modalités et leurs conditions de mise en œuvre tels que développés dans le 3 e
chapitre du présent ouvrage, elles n’ont pas vocation à être fondamentalement bouleversées.

4.2.1.1 Évolution dans le déroulement des missions, leur contenu et le contexte


Le déroulement des missions, leur contenu et le contexte sont de nature à évoluer, de fait, pour
s’adapter à l’outil. Ainsi en est-il, notamment :
• du séquençage et de la succession des interventions respectives de chaque protagoniste ;
• de l’accroissement des phases collaboratives impliquant des interventions concomitantes,
concertées, coordonnées ;
• du recadrage du niveau de précision des rendus ;
• du rendu et de la prise en compte corrélative d’informations, d’éléments et de données
complémentaires et/ou nouvelles dans une configuration multidimensionnelle et donc plus élaborée
et précise.
Ce constat objectif, cause et conséquence des performances et des atouts de la maquette, est de nature
à appréhender différemment les responsabilités des intervenants (qui restent cependant les mêmes dans
leurs caractéristiques, leur champ d’application et leur mise en œuvre théoriques).
Tant dans l’intérêt des bénéficiaires des garanties pour l’exercice de leurs actions en responsabilité au
titre des préjudices subis, que pour les prestataires, objet de ces actions, il s’avère important, voire
essentiel de définir de manière aussi précise et détaillée que possible, notamment :
• l’enchaînement et la répartition des prestations entre les divers intervenants, y compris les tâches en
tout ou partie collaboratives ainsi que la charge et la responsabilité de la synthèse tant en conception
qu’en exécution ;
• la gestion des clashs qui sont potentiellement détectés de manière quasi automatique ; • les
échelles et/ou degrés de précision attendus des rendus pour chaque étape 1.
Concernant la dimension collaborative, nous renvoyons à nos développements figurant dans le 3 e
chapitre et soulignons que les phases de collaboration doivent être identifiées et décrites dans leurs
objectifs, leurs modalités et leur fonctionnement. Il s’agira de discerner d’une part celles qui sont

1 . Sur ce point, il convient de relever notamment la nécessité d’être particulièrement attentif à préciser et adapter le degré de
précision aux besoins exprimés ; voire d’identifier expressément les données de la maquette sur lesquelles le prestataire
s’engage. Ceci vaut notamment pour les relevés des existants ou les phases de diagnostic.
Les responsabilités en BIM | 77

réellement de nature à aboutir à un résultat ou un rendu dans lequel les participations des différents
collaborateurs se fondent et ne peuvent se distinguer, d’autre part celles qui permettent en réalité une
phase commune de résolution de problèmes et d’évolution du projet, ne remettant toutefois pas en
cause les interventions de chacun circonscrites à son domaine de compétence et d’expertise. Les
responsabilités seront en effet encourues au regard de cette réalité de contribution.
D’une manière générale, ces points devront être traités contrat par contrat et les renseignements
correspondants seront rassemblés dans des documents identiques pour tous et annexés aux contrats de
tous les prestataires. Le protocole BIM ou la convention BIM rempliront cette fonction.
La dimension « partage » et « collaboration » du système qui est un atout essentiel, pour préserver tout
son intérêt et son efficacité dans la mise en œuvre, la pratique et les résultats escomptés, ne doit pas
aboutir à un amalgame ni maîtrisé ni coordonné des interventions des différents acteurs ; il apparaît en
effet, tout d’abord, que chacun doit conserver son rôle au regard de ses capacités et compétences
propres. De plus, il faut se prémunir d’éventuels désengagements des uns et des autres dans la gestion
et le traitement des difficultés en l’absence de structure et de fonctionnement clairs du système.
Le partage des informations et la collaboration dans le travail induisent un partage des modalités de
fonctionnement et une collaboration dans ce fonctionnement.
Encadrer ainsi le travail en BIM sera de nature à le rendre plus efficace en permettant également de
déterminer les responsabilités respectives des uns et des autres et, pour les prestataires, d’exercer le cas
échéant leurs actions en garantie et leurs actions récursoires.
En termes de responsabilités, certaines potentialités induites par la maquette doivent être maîtrisées.
Il en est ainsi de la gestion des clashs et des conflits qui, à notre sens, induit un contrôle des
fonctionnalités des outils à cet égard, pour le moins une vérification « humaine » à la charge du
prestataire auquel la mission « traditionnelle » correspondante (par exemple le visa) sera attribuée.
Un autre sujet illustre les limites éventuelles des performances de la maquette, c’est celui lié aux
modifications associées aux paramétrages sur lesquelles un contrôle, pour le moins, devra être opéré.

4.2.1.2 Devoir de conseil


Dans un schéma d’utilisation de la maquette BIM, on peut être amené à s’interroger sur un point
spécifique lié au devoir de conseil mis à la charge des différents prestataires à l’égard du maître
d’ouvrage.
Classiquement, en effet, la jurisprudence relève que les acteurs professionnels de la construction ont, au
titre de leurs engagements et de leur qualité, une obligation de conseil.
Celle-ci ne résulte qu’indirectement des tâches confiées et relève plutôt de la connaissance que le
professionnel a de l’opération et du projet, compte tenu de l’exécution de cette mission, et qui doit le
conduire à alerter et conseiller le maître d’ouvrage quand il détecte, ou devrait
Les responsabilités en BIM | 78

détecter, des particularités susceptibles de conduire à des prises de décisions ou des choix
faute desquels des retards et/ou des préjudices sont prévisibles.
En l’absence de mise en garde ou de réserve de leur part, le maître d’ouvrage peut, dans
certains cas, engager avec succès la responsabilité de ses cocontractants.
La maquette numérique multidimensionnelle BIM et la vision particulièrement développée,
détaillée et de surcroît potentiellement immédiate (en temps réel) qu’elle donne du projet,
tant dans sa globalité que dans ses détails, au fur et à mesure de sa conception puis des études
d’exécution, met les acteurs en mesure de connaître précisément l’ensemble des éléments
constitutifs tant indépendamment que pris dans leur ensemble et dans leur combinaison.
À double titre, ils disposent ainsi d’informations qui pourraient élargir les hypothèses de mise
en jeu de leur devoir de conseil.

4.2.1.3 Responsabilité pénale des constructeurs dans un processus BIM


La responsabilité pénale des constructeurs dans un processus BIM peut être engagée pour
des motifs directement ou indirectement liés au fonctionnement du système pris dans son
sens le plus large :
• erreur consécutive à une mauvaise gestion ou incohérence de l’enchaînement spécifique
des prestations des intervenants ;
• erreur consécutive à un défaut de maîtrise des phases collaboratives ou simultanées et de
leurs conséquences ;
• dysfonctionnement de l’outil BIM : défaut de fiabilité des données ou informations,
endommagement des contenus de la maquette (données, modèles…) ;
• dysfonctionnement matériel des systèmes d’échanges et perte d’information…
La description, en amont, du fonctionnement de la maquette, des modalités et conditions
d’interventions des acteurs, la traçabilité la plus précise possible des interventions et de
l’évolution de la maquette et de ses contenus permet, concernant cet aspect également, de
sécuriser le process et ses conséquences potentielles.

4.2.2 Responsabilités attachées aux missions nouvelles induites


par la maquette numérique BIM
Ces missions ont été identifiées dans le chapitre 3.
Elles correspondent globalement à trois étapes : la détermination de la finalité de la maquette,
la conception puis, enfin, la gestion et l’entretien de la maquette.
Le ou les prestataires chargés de ces nouvelles fonctions seront en principe liés au maître
d’ouvrage par un contrat.
La pratique les désigne comme BIM manager.
Deux hypothèses sont envisageables :
• un (des) contrat(s) particulier(s) avec un (des) prestataire(s) particulier(s) pour la
réalisation de ces tâches ;
Les responsabilités en BIM | 79

• des missions complémentaires relatives à ces tâches confiées à des prestataires chargés
de missions classiques : il s’agira essentiellement de la maîtrise d’œuvre.
80 | Les responsabilités en BIM

En outre, il est envisageable d’exiger ou de prévoir également une fonction BIM manager en sein de
l’équipe de chaque acteur intervenant. En termes d’étendue et de partage de responsabilités, il sera
indispensable d’identifier contractuellement et précisément les fonctions du BIM manager « général »
et celles du BIM manager de chaque prestataire, et de rendre le cas échéant traçables les interventions
de l’un et des autres.
Cette identification présentera en outre l’avantage de vérifier la compatibilité et la cohérence des
missions respectives de chacun.

4.2.2.1 Responsabilités contractuelles


Les responsabilités du ou des prestataires seront tout d’abord des responsabilités contractuelles et
porteront sur le respect des engagements souscrits et notamment des missions à réaliser.
C’est en grande partie sur le fondement de ces « paramètres » que les responsabilités des prestataires
seront en effet appréciées.
Dans tous les cas de figure, il importe donc de décrire avec précision les objectifs et les tâches dans
leur contenu et dans leurs modalités d’exécution ; ceci est vrai quel que soit le contrat à souscrire. C’est
cependant essentiel en l’espèce :
• s’agissant d’un « outil » novateur et de fonctions nouvelles qu’il convient de définir a minima, les
notions et concepts n’ayant pas encore, de fait, un sens totalement partagé ;
• s’agissant de prestations qui, bien qu’accessoires aux missions principales de conception et
d’exécution, sont centrales puisque portant sur les capacités et le fonctionnement de l’outil choisi et
partagé par tous les intervenants pour mener à bien l’opération.
Les prestations dont il est question doivent être en effet à la hauteur, en corrélation avec les ambitions
du projet et les attendus de l’outil (en conséquence de la maquette). Au-delà et avant même la description
des tâches, il faudra donc déterminer les besoins et, par suite, fixer les objectifs à atteindre par la
maquette.
Les missions nouvelles s’adapteront à ces paramètres (particuliers et spécifiques à chaque opération),
seront destinées au moins partiellement à y répondre et détermineront les responsabilités qui en
découleront.
Lesdites missions ont été abordées dans le 3e chapitre. Rappelons qu’il s’agit schématiquement et
essentiellement de :
• l’assistance à la détermination des finalités et « performances » de la maquette ; • la
conception du processus et de son fonctionnement ;
• la gestion et l’alimentation de la maquette.
Le ou les prestataires devront répondre de leurs manquements, erreurs ou défaillances dans l’exécution
des tâches et fonctions qui leur sont confiées à cet effet.
Ainsi que cela a pu être évoqué précédemment, il conviendra également de s’interroger sur
l’opposabilité, voire l’engagement de ce prestataire sur des paramètres qui sont susceptibles d’être
impactés par l’utilisation de la maquette : ainsi en est-il, essentiellement, des délais et des coûts.
En cas de dysfonctionnements de la maquette ou du système collaboratif mis en place, entraînant des
erreurs et/ou une indisponibilité de l’outil, les conséquences peuvent être lourdes en termes de respect
des délais généraux de l’opération ainsi qu’en termes de coûts.
Les responsabilités en BIM | 81

Or, les plannings et les budgets ne sont opposables au prestataire que s’ils figurent dans son contrat et
constituent des paramètres à prendre en compte et intégrer dans l’exécution de ses prestations.
D’une manière générale, prestataire intellectuel, « l’intervenant chargé de la maquette » serat-il tenu à
une obligation de moyens ou de résultat ? La question reste entière faute de recul.
Il serait cependant logique de différencier la réponse en fonction des tâches à sa charge : une obligation
de moyens semble devoir s’appliquer à la détermination des performances au regard du contexte et des
besoins ; le prestataire devra donc établir qu’il a mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour
cette tâche et notamment qu’il a conseillé correctement le maître d’ouvrage en l’informant en fonction
de l’état de l’avancée de la technique. Pour la conception et la gestion et l’entretien, il pourrait s’agir
d’une obligation de résultat, signifiant que le bon fonctionnement constitue un objectif à atteindre et
qu’à défaut, il est susceptible d’engager sa responsabilité (sauf s’il rapporte la preuve d’une cause
extérieure ou d’un cas de force majeure).

4.2.2.2 Responsabilité délictuelle


Notons également que le prestataire chargé de la conception de la maquette puis de son fonctionnement
et de son entretien pourrait, à ce titre, être attrait sur le fondement de sa responsabilité délictuelle si
d’autres acteurs du processus subissaient un préjudice direct du fait de dysfonctionnements de la
maquette dont il a la charge ; en cas de « pannes » ou de retards, c’est a priori la responsabilité
contractuelle du prestataire BIM qui devrait être recherchée par le maître d’ouvrage, mais les divers
participants seraient fondés à agir à son encontre dans l’hypothèse de dysfonctionnement du système
de traçabilité qui doit exister relativement à toutes les interventions sur la maquette. Si cette fonction
n’est pas fiable, il existe une difficulté majeure quant à la répartition des responsabilités et/ou dans
l’exercice d’éventuels recours des intervenants les uns contre les autres. Il en sera de même concernant
la sécurité de la maquette et de son contenu qui, si elle venait à être défaillante, pourrait causer des
préjudices aux acteurs intervenant sur la maquette.
Les acteurs, sous réserve d’établir leur préjudice (mise en jeu aléatoire de leur responsabilité et nécessité
de se défendre dans le cadre d’une procédure qui n’aurait pas été initiée si la traçabilité avait été
efficiente), la faute du prestataire BIM et le lien de causalité, peuvent engager la responsabilité de ce
dernier et être indemnisés.

4.2.2.3 Qui est « constructeur » ?


Une autre question mérite d’être abordée : le prestataire chargé de tout ou partie de ces nouvelles
missions doit-il être considéré, à ce titre, comme un « constructeur » au sens des dispositions des
articles 1792 et suivants du code civil ?
L’article 1792-1 (cité in extenso ci-avant) dispose qu’est réputé constructeur « tout […] technicien ou
autre personne liée au maître d’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage… ».
Tel serait le cas du BIM manager qui assumerait l’ensemble des missions relatives à la maquette (et
identifiées ci-avant) ou de prestataires qui se verraient confier certaines de ces missions.
L’enjeu est d’importance puisque de cette qualification dépendra l’application à ces prestataires des
garanties légales des constructeurs évoquées ci-avant.
C’est potentiellement le cas au moins pour les missions relatives à la conception et à la gestion et
l’entretien de la maquette.
82 | Les responsabilités en BIM

À ce sujet, il convient cependant de rappeler que le bien-fondé de la mise en œuvre de la garantie


décennale ou de la garantie biennale à l’encontre d’un constructeur suppose un lien minimal
(imputabilité) entre la nature de l’intervention dudit « constructeur » et le dommage.
En l’espèce ce pourrait être le cas si le dommage était par exemple susceptible de résulter d’une « erreur
» ou d’une incompatibilité entre les interventions respectives et nécessairement cohérentes des
différents acteurs sur la maquette, et ceci pour des raisons techniques de fonctionnement, ou encore en
cas de défaut de détection des clashs quand cette fonction constituait un élément essentiel du choix du
système.

4.2.2.4 Responsabilité du ou des BIM managers


Enfin, les prestations relatives à l’utilisation et au fonctionnement de la maquette sont susceptibles d’être
« partagées » entre un BIM manager général et le BIM manager désigné par chaque intervenant pour
son propre compte.
Là encore, l’encadrement et les rôles respectifs et coordonnés de chacun, clairement définis, permettront
de répartir entre ces différents prestataires les responsabilités encourues du fait de dysfonctionnements
préjudiciables potentiels.

4.3 Aménagement des responsabilités et


assurances
Le schéma particulier résultant de la décision de réaliser une opération immobilière en utilisant la
maquette numérique ne remet pas en question la répartition des rôles, tâches et responsabilités de
chacun des acteurs qui reste attachée à leurs compétences professionnelles propres.
Les modalités d’élaboration puis de réalisation du projet dans leurs dimensions partagée,
tridimensionnelle et collaborative modifient toutefois les modalités matérielles d’exercice des
prestations et conduisent à appréhender différemment les responsabilités en découlant.
Néanmoins, il importe de garder à l’esprit que le BIM a vocation à alléger ou diminuer les responsabilités
ou plus exactement les hypothèses de leur mise en œuvre. Cette conséquence devrait en effet résulter
de :
• la mutualisation des résultats et des informations de nature à sécuriser les prestations et diminuer
les risques d’erreurs ;
• la diminution du risque d’erreurs matérielles du fait de la diminution des ressaisies d’informations ;
• une meilleure maîtrise du processus du fait d’une meilleure gestion du temps et des aspects
économiques.
Du côté des assureurs, la diminution de la sinistralité est susceptible d’entraîner une baisse du montant
des primes.
| 83
Responsabilité des prestataires informatiques

Pour autant, les acteurs peuvent être enclins à limiter (contractuellement) leurs responsabilités
susceptibles d’être engagées dans ce contexte.
Or, il convient de rappeler d’une part que les garanties légales ne sont pas aménageables, d’autre part,
concernant la responsabilité contractuelle, que la limitation la plus efficace est celle consistant à délimiter
et décrire précisément : • les tâches attribuées à chaque acteur ;
• les interfaces entre leurs prestations respectives ;
• les conditions et modalités des interventions collaboratives ;
• le ou les prestataires « responsables de la maquette », leurs fonctions et les implications et obligations
consécutives pour les autres acteurs.
Il est important d’insister sur le fait que ces points devraient être rendus opposables à tous les
intervenants concernés. Les documents susceptibles de réunir ces informations pourraient être le
tableau « classique » de répartition des tâches mais aussi le protocole BIM.
Concernant les assurances à souscrire, elles demeurent identiques, pour les acteurs classiques, à celles
souscrites dans le cadre d’une opération classique.
Les missions classiques restent globalement les mêmes et, si les prescriptions évoquées ci-dessus sont
respectées (traçabilité, identification des interventions…), les couvertures d’assurances nécessaires
restent les mêmes.
On peut s’interroger cependant sur l’opportunité pour les acteurs directement concernés (responsables
au titre des missions à leur charge) de se garantir (c’est-à-dire de souscrire une police d’assurance
spécifique) contre les erreurs de saisie des informations ou des données et/ ou la perte ou
l’endommagement de ces informations ou données.
En revanche, il nous semble que le BIM manager devra souscrire une assurance spécifique adaptée au
contenu et à l’étendue de sa mission.
En outre, il devra s’assurer en décennale si l’on admet qu’il doit être considéré comme « constructeur ».

4.4 Responsabilité des prestataires informatiques


Enfin, en matière de responsabilité dans le schéma de mise en œuvre d’un processus BIM, trois sujets
particuliers seront évoqués ci-après.
• La responsabilité des éditeurs fournisseurs de logiciels utilisés : il convient à ce titre, pour les
acteurs de l’opération de construire, d’être attentifs, de décrypter et mesurer la teneur et l’ampleur
des engagements des fournisseurs de logiciels, en termes de résultats, de fonctionnalité et de fiabilité.
Surtout, les limitations expresses en termes de garantie et d’engagement devront être appréhendées
et, dans la mesure du possible, discutées.
• La responsabilité des fabricants à l’occasion de la mise à disposition d’objets numériques par le biais
des bibliothèques d’objet et des e-catalogues : ces objets numériques sont proposés afin d’être
intégrés à la maquette de conception et ainsi testés sur leur adaptabilité et leurs performances
notamment. La question de la fiabilité de ces tests purement virtuels se pose. Il s’agira de déterminer
les engagements du fabricant en termes contractuels. À noter à ce sujet la perspective d’une
normalisation soutenue par l’ordre des architectes.
84 | Les responsabilités en BIM
• La responsabilité des prestataires de services informatiques auxquels il serait fait appel dans le
cadre de l’opération et pour les besoins du BIM dépendra de l’objet et de la description des tâches
qui leur seront confiées. Il sera donc nécessaire d’être vigilant pour les définir ainsi que, le cas
échéant, le contexte dans lequel elles sont réalisées et les objectifs à atteindre.
En synthèse
Les responsabilités des constructeurs en BIM, au-delà de leurs responsabilités
classiques qui restent applicables selon les critères habituels et traditionnels,
s’apprécient au regard des fonctions particulières qui sont susceptibles de leur
être confiées.
Il importe donc de les définir précisément ; de même, il convient le cas échéant
de préciser les modifications (au moins substantielles) affectant le déroulement
et l’exécution des missions et qui peuvent impacter directement ou
indirectement les responsabilités.
chapitre 5

Le protocole BIM

Le choix de réaliser l’opération en BIM induit la nécessité de prévoir et d’organiser les conditions dans
lesquelles les partenaires vont travailler, la maquette BIM va être conçue, alimentée, gérée, utilisée, mise
à jour : ces principes seront décrits dans un document qui constituera le « protocole » ou « convention
» BIM.
La rédaction de ce document est indispensable, la qualité et la précision dans sa rédaction sont
fondamentales.

5.1 Définition de la convention BIM


En tant que processus de production collaborative dont l’expression est la maquette numérique BIM,
l’utilisation du BIM suppose le partage des données des acteurs d’une opération de construction au sein
d’un même outil, dont le contenu évoluera au fur et à mesure du processus de conception puis, dans
une moindre mesure, de réalisation et de gestion/exploitation de l’ouvrage à réaliser.
La maquette numérique BIM concentre l’ensemble des données architecturales, techniques et
fonctionnelles du projet, renseignées par les différents spécialistes en charge du projet (architecte,
bureaux d’études spécialisés, constructeurs, géomètres experts) et constitue le support de l’ouvrage à
réaliser puis à exploiter. Il est dès lors indispensable que :
• les données qu’elle contient soient fiables ;
• le processus d’alimentation de la maquette et d’échange des informations soit organisé.
Le BIM suppose donc la définition d’un certain nombre de principes et de règles qui vont gouverner
l’organisation et l’usage de la maquette numérique BIM : c’est l’objet du protocole ou convention BIM,
qui va formaliser les règles de production et de gestion de la maquette BIM et/ou des maquettes métiers,
tout au long du projet.
Plusieurs solutions sont envisageables pour formaliser ces règles :
86 | Le protocole BIM

• les intégrer directement dans les contrats de chaque intervenant, ce qui suppose un travail
de réécriture des documents contractuels classiques (acte d’engagement, CCAP et CCTP)
et peut de ce fait ne pas s’avérer opportun ;
• établir un document spécifique au BIM : c’est le « protocole BIM » ou « convention BIM
». Le protocole BIM ne doit pas être confondu avec :
• le cahier des charges BIM qui est rédigé au stade de la programmation par le maître
d’ouvrage ; il décrit ses besoins et exigences en matière de BIM1 ;
• la charte BIM qui définit les règles communes applicables à l’ensemble des intervenants
et les principes à respecter dans la modélisation, par chacun des acteurs, des données du
bâtiment. L’élaboration d’une charte BIM n’est pas obligatoire mais elle est vivement
conseillée, car elle est indispensable pour uniformiser les méthodes de travail sur la
maquette numérique BIM et faciliter la collaboration et les échanges. Une même charte
BIM peut être applicable pour différents types d’opérations, c’est pourquoi ce document
peut être distinct du protocole dans la mesure où certains maîtres d’ouvrage ou
concepteurs peuvent avoir déjà établi leur propre charte. Plus fréquemment aujourd’hui,
la charte est intégrée au protocole BIM, lequel expose alors dans un chapitre spécifique
les méthodes et principes de modélisation.
En synthèse
Le protocole ou convention BIM doit définir les règles de production et de gestion
de la maquette numérique BIM tout au long du projet ; il constitue la feuille de
route du processus BIM.

5.2 Contenu du protocole BIM


Le protocole BIM constitue le document de référence pour l’organisation d’un projet en
BIM, le contenu et l’utilisation de la maquette numérique BIM.
Dans l’objectif de rassurer les maîtres d’ouvrage et d’accompagner les prestataires ayant en
charge la rédaction de la convention BIM, plusieurs organismes travaillent à l’élaboration
d’une convention « type ». Ce travail est attendu par les professionnels, tant maîtres
d’ouvrage que concepteurs et entreprises, soucieux d’être guidés dans les tâches à accomplir
pour mener un projet en BIM et de connaître les règles du jeu.
Bien que l’existence d’un modèle puisse être séduisante et sécurisante pour les acteurs, de
telles conventions types ne doivent être utilisées qu’avec précaution : on observe en effet
qu’en pratique, leurs utilisateurs ont tendance – quel que soit le domaine qu’elles concernent
– à reproduire le modèle sans tenir compte des spécificités de l’opération. Or chaque
opération est unique, ses caractéristiques dépendent des besoins et contraintes spécifiques
exprimés par le maître d’ouvrage, s’agissant non seulement du programme général de
l’opération (nature – construction neuve ou réhabilitation, montage contractuel, etc.) mais
aussi des spécifications propres au BIM. Chaque convention ou protocole BIM doit donc

1 . Voir chapitre 2.
87 | Le protocole BIM

impérativement être adapté à l’opération et à l’ouvrage qu’il concerne et il devrait exister


autant de protocoles BIM
Le protocole BIM
Contenu du protocole BIM

que d’opérations. Il convient en tout état de cause de rappeler que les modèles ou
conventions types qui pourraient être diffusés n’auront, dans tous les cas, aucun caractère
contraignant.
Pour ces raisons, l’existence d’un guide pour l’élaboration d’une convention BIM plutôt que
de conventions types semble plus opportune. Les rédacteurs de protocoles BIM pourront à
cet égard utilement se référer au guide méthodologique pour des conventions de projet en
BIM élaboré par Mediaconstruct1.
Le protocole BIM devra prévoir et définir les éléments suivants.
1. Un lexique des termes utilisés, précisément définis afin d’éviter les confusions et
incertitudes pouvant exister puisque aucune nomenclature n’existe et que les acteurs
donnent fréquemment en pratique des sens différents, ou pour le moins non exactement
identiques, à une même notion2.
2. Les conditions d’organisation relatives à la maquette, c’est-à-dire les modalités selon
lesquelles la maquette numérique BIM sera, pendant toute la durée de l’opération,
développée, gérée et mise à jour, en particulier :
• le niveau de développement de la maquette (exigence définie par le maître d’ouvrage)
;
• le niveau de détail de la maquette numérique en fonction de l’avancement du projet
(APS, APD, PRO, etc.) ;
• le processus de développement de la maquette au fur et à mesure des études et de
progression du projet jusqu’au DOE ;
• les conditions dans lesquelles les intervenants du projet de construction collaborent
à la maquette et l’alimentent, c’est-à-dire les tâches de chacun, les données qu’ils
doivent renseigner et les livrables attendus ;
• les conditions dans lesquelles les informations seront échangées par les différents
intervenants, c’est-à-dire le format, les modalités et la fréquence des échanges ; à ce
titre le protocole :
– établit un calendrier des échanges qui s’impose à chaque intervenant dans
l’objectif de garantir la fiabilité des contenus remis et à partir desquels les autres
acteurs travailleront,
– impose un format d’échange : dans les contrats de la commande publique, le
maître d’ouvrage ne peut imposer aux acteurs l’utilisation d’un logiciel ou d’un
format particulier à l’exception de l’IFC ; lorsque les intervenants sont unis par
un contrat de droit privé (opération privée ou opération publique dans laquelle
les concepteurs et les constructeurs sont liés entre eux : PPP ou conception-
construction par exemple), une telle prescription ne soulève pas de difficulté et
permettra d’assurer la fiabilité des données échangées et leur fluidité ;
• les conditions dans lesquelles les données renseignées seront coordonnées ; dans un
BIM de niveau 2, il s’agira notamment de déterminer l’intervenant en charge de la

1 . Mediaconstruct, 1re version, avril 2016


2 . Le guide méthodologique élaboré par Mediaconstruct (1re version, avril 2016) propose en annexe un glossaire
dont le contenu pourra être repris par les rédacteurs de protocoles BIM.
| 89
compilation des données et maquettes numériques BIM des différents acteurs, de la
mise à jour et du processus de résolution des conflits ;
• les conditions dans lesquelles les informations seront accessibles : sécurité,
hypothèses de verrouillage de la maquette ;
• les conditions dans lesquelles les mises à jour de la maquette seront opérées.
3. Le contenu des informations disponibles sur la maquette et, le cas échéant, les modalités
de son utilisation par le maître d’ouvrage en phase d’exploitation de l’ouvrage.
4. La propriété intellectuelle des données contenues dans la maquette ainsi que de la
maquette BIM elle-même.
En synthèse
La convention BIM décrit les « règles du jeu » de la maquette pour chacun des
intervenants : son contenu doit permettre de répondre aux questions suivantes :
Qui fait quoi, quand et comment ? Qui a accès à quoi, quand et
comment ? Soit :
Qui : quel(s) intervenant(s) ;
Quoi : tâches de chacun, notamment définition des livrables attendus de chaque
intervenant et mission de l’acteur en charge du management du BIM, véritable «
chef d’orchestre » de la maquette ;
Quand : calendrier de rendus et d’échanges précis ;
Comment : quel format pour les rendus.

La convention, véritable contrat entre les parties, dont le contenu doit être précisément
défini, détaillé et adapté à l’opération en cause, doit ainsi permettre d’apporter une réponse
aux interrogations voire aux craintes que soulèvent l’utilisation du BIM et ses impacts sur les
pratiques contractuelles traditionnelles, s’agissant notamment :
• de l’alourdissement des responsabilités des acteurs traditionnels : en définissant la
répartition des tâches et des obligations du maître d’ouvrage, des concepteurs, des
constructeurs et le cas échéant de l’exploitant, la convention permettra de tracer les
interventions de chaque intervenant dans le développement de la maquette et de
déterminer les responsabilités afférentes aux dysfonctionnements et aux erreurs
commises ;
• des risques et responsabilités afférents au partage d’un modèle numérique : en
établissant les conditions dans lesquelles la maquette numérique BIM est alimentée et
celles assurant la traçabilité des données ; la convention permet là encore de faciliter la
recherche des responsabilités en cas d’erreur ;
• de la responsabilité de l’opérateur chargé de la mise en place de la maquette
numérique BIM et de son entretien : en établissant la liste précise et exhaustive des
tâches assurées par cet intervenant (BIM manager), les limites de ses prestations
contractuelles et leur opposabilité aux autres intervenants ;
• des risques et responsabilités provenant de l’interopérabilité des différents
logiciels qui sont utilisés : en définissant le format des rendus numériques (natif/IFC)
et en prévoyant les hypothèses d’erreurs types pouvant affecter la maquette (erreur d’un
intervenant dans l’exécution de sa tâche, erreur du logiciel, erreur collective) ainsi que les
conditions dans lesquelles ces erreurs seront traitées et résolues ; le protocole pourrait
en outre prévoir, en BIM de niveau 2, d’imposer la conservation des maquettes métiers
livrées, ce qui permettrait de s’y référer et de vérifier leur contenu si une erreur est
détectée dans la maquette générale ;
Le protocole BIM
• des risques et responsabilités liés au processus collaboratif et à l’interopérabilité
: en imposant un niveau de qualité des contenus ainsi qu’un calendrier précis pour les
rendus afin que chacun des acteurs transmette des données finalisées à partir desquelles
et sur la base desquelles les autres intervenants travailleront ;
Contenu du protocole BIM

• de la propriété intellectuelle des projets et des données contenus dans la


maquette et de la maquette elle-même : en rappelant tout d’abord les principes qui
gouvernent la propriété intellectuelle en droit français, et la distinction entre la propriété
matérielle des données et de la maquette et la propriété immatérielle, c’est-à-dire les droits
de propriété intellectuelle, sur la maquette et sur son contenu ; en définissant ensuite les
conditions dans lesquelles les éléments protégés au titre de la propriété intellectuelle
(droits d’auteur et propriété industrielle) pourront le cas échéant être utilisés par
l’ensemble ou certains des intervenants, au stade de la conception et de l’exécution : une
solution peut être que les titulaires de droits mettent à disposition et permettent
l’utilisation de leurs créations par les intervenants de l’opération (dont la liste sera
arrêtée), dans un objectif précis (la mise en œuvre du projet), sous le « contrôle » de
l’auteur (au titre de son droit moral) et pour une durée limitée (le temps de l’opération) ;
la question de la propriété intellectuelle en phase d’exploitation de l’ouvrage devra
également être abordée ;
• de la responsabilité de l’opérateur en charge de la plate-forme collaborative : en
définissant là encore précisément les tâches de l’intervenant chargé d’établir et
d’entretenir la plate-forme collaborative et leur opposabilité aux intervenants ; au-delà,
la convention doit également définir celui qui assurera la « garde » de la maquette ;
• du contenu des livrables : en définissant les livrables numériques attendus aux
différentes phases de conception puis d’exécution du projet (BIM de conception/BIM
d’exécution/ BIM d’exploitation), leur format et leur contenu à partir des exigences
définies par le maître d’ouvrage dans le cahier des charges BIM, notamment s’agissant
du DOE numérique ;
• de la responsabilité des intervenants sur les données contenues dans les
maquettes qu’ils livrent : en particulier s’agissant du contenu de la maquette BIM de
conception, la convention définit (si le cahier des charges est muet sur ce point) les
conditions dans lesquelles la maquette BIM de conception sera utilisée en phase de
construction : soit en tant que source d’information uniquement, sans possibilité pour
les entreprises d’intervenir sur la maquette de conception, soit en tant que base à partir
de laquelle les entreprises pourront directement développer leur BIM d’exécution, sans
ressaisie. Quelle que soit l’hypothèse, il est évident que la maîtrise d’œuvre doit
l’exactitude des données de la maquette, qu’elle soit communiquée à titre uniquement
informatif ou en tant que socle de la maquette de construction.
| 91

En synthèse
Document indispensable pour assurer l’efficience de la collaboration induite par
le BIM et le succès du processus, le protocole ou convention BIM se doit d’être
clair et précis dans ses dispositions d’une part, adapté aux spécificités de
l’opération qu’il concerne d’autre part. Clarté et précision dans la répartition des
tâches entre les différents acteurs afin de sécuriser l’identification des obligations
respectives de chacun et les responsabilités afférentes. Adaptation à l’opération
: le protocole BIM est nécessairement spécifique à chaque opération et il n’est
pas concevable et bien plus risqué de disposer d’un document type qui serait
transposable d’une opération à l’autre sans qu’il ne soit adapté. La convention
BIM a pour fondement les exigences du maître d’ouvrage en la matière (spécifiées
dans le cahier des charges BIM) et les objectifs auxquels la maquette numérique
BIM doit répondre. Chaque protocole sera donc unique à l’opération qu’il
concerne.

5.3 La rédaction de la convention BIM

5.3.1 Une ou plusieurs conventions BIM


L’objet de la convention BIM est de définir les règles de collaboration entre les acteurs qui
alimentent la maquette numérique BIM. Au stade de la conception, ces règles de
collaboration concernent les différents intervenants de la maîtrise d’œuvre, très souvent
réunis en groupement. Au stade de l’exécution, quel que soit le mode de dévolution des
travaux (entreprise générale ou lots séparés), la définition des règles de collaboration entre
les constructeurs et plus encore avec la maîtrise d’œuvre est tout autant indispensable qu’en
phase de conception, compte tenu de l’interaction de certains lots entre eux et de la
réalisation des études d’exécution par l’entreprise, soumises à la synthèse et au visa du maître
d’œuvre (visa architectural et visa technique).
Les conditions d’échange et de partage des données peuvent ne pas être totalement
identiques dans les deux phases du projet. Si la convention BIM fixe les conditions de
fonctionnement et le contenu de la maquette numérique BIM, tant en phase conception
qu’en phase exécution, ainsi que les conditions d’échanges entre les acteurs, il ne lui revient
pas de définir les conditions dans lesquelles, au sein du groupement de maîtrise d’œuvre ou
d’entreprises, leurs membres vont, entre eux, utiliser le processus BIM. Au sein des différents
groupements d’entreprises qui se forment pour l’exécution d’un contrat, les cotraitants sont
totalement libres et responsables de l’organisation de leurs rapports et des conditions de
fonctionnement du groupement. Cette liberté s’organise généralement au travers de la
rédaction d’une convention de groupement. Lorsque l’opération est menée en BIM, au-delà
des règles figurant dans la convention BIM, les groupements peuvent estimer nécessaire,
tout en se soumettant aux règles du protocole pour les rendus contractuels, de prévoir des
règles spécifiques de fonctionnement et d’échanges internes au groupement. La convention
de groupement devra donc nécessairement intégrer le processus BIM ou, si la complexité de
l’opération ou l’importance numéraire des membres du groupement le justifie, un protocole
BIM pourra être élaboré, pour prévoir les conditions de fonctionnement et les échanges
entre les membres du groupement. Ce protocole, annexé à la convention de groupement,
sera spécifique au groupement et inopposable aux autres acteurs du projet et au maître
d’ouvrage. Il devra, par souci d’efficacité, reprendre les principes du protocole « général »
Le protocole BIM
tout en prévoyant des règles spécifiques lorsqu’elles s’avèrent nécessaires (par exemple
l’organisation des revues de projet BIM internes au groupement).

5.3.2 Le rédacteur de la convention BIM


C’est à l’intervenant qui assurera la mission de management du BIM (BIM manager ou
équivalent) qu’il revient logiquement d’élaborer le protocole BIM.
S’il ne s’agit pas de la maîtrise d’œuvre, il est essentiel que cet intervenant soit désigné en
amont ou parallèlement à l’équipe de maîtrise d’œuvre, dans la mesure où le contenu du
protocole conditionne l’exécution de la mission des concepteurs. Il est également
recommandé, dans cette hypothèse, que la maîtrise d’œuvre soit associée à la rédaction de la
convention pour, au minimum, recueillir ses observations et suggestions sur le projet préparé
afin que le contenu de la convention fasse consensus pour l’ensemble des parties.
La valeur de la convention BIM

Le protocole BIM sera soumis au maître d’ouvrage et validé par ses soins au cours des études
d’avant-projet. Une telle validation semble en effet indispensable s’agissant d’un document
élaboré en exécution de la mission et dont le contenu s’imposera à l’ensemble des acteurs du
projet (étant précisé que cette validation n’exonère pas le rédacteur de ses responsabilités).
Cette validation par le maître d’ouvrage n’est bien entendu pas requise lorsque le projet est
développé en BIM sans que la maîtrise d’ouvrage ne l’ait imposé mais à l’initiative et
exclusivement au sein du groupement de maîtrise d’œuvre. Dans cette hypothèse, en effet,
le protocole a pour objet d’organiser les échanges au sein du groupement de maîtrise d’œuvre
et la méthodologie de travail en BIM, éléments qui doivent rester étrangers à la maîtrise
d’ouvrage.

5.3.3 L’évolution de la convention BIM


Compte tenu de son objet, le protocole BIM doit être élaboré aussi tôt que possible dans le
processus de conception. Mais la convention constitue un document vivant dont le contenu
pourra évoluer au fur et à mesure de l’opération, en fonction des nécessités du projet et de
celles des acteurs. En particulier, il est hautement probable que les modalités de
fonctionnement doivent être recalées après la passation du ou des contrats de travaux afin
d’intégrer les contraintes de l’entreprise. La convention devra donc prévoir les modalités
selon lesquelles elle sera mise à jour et les conditions dans lesquelles elle sera modifiée puis
rendue opposable aux différents intervenants.

5.4 La valeur de la convention BIM


Par définition, une règle doit être contraignante. Si son application est soumise au bon
vouloir des parties ou s’il n’existe pas de sanction lorsqu’elle n’est pas suivie, son intérêt est
limité. Rappelons par ailleurs que la convention BIM, dans les règles du jeu qu’elle définit,
doit permettre de rattacher chaque action à un intervenant spécifique : la règle permet donc
aussi d’éviter la dilution des responsabilités.
| 93
Pour ces raisons, la convention BIM ne doit pas demeurer un document élaboré par l’une
des parties contractantes, validé par le maître d’ouvrage et communiqué aux intervenants
qu’il concerne à titre d’information. Tout au contraire, le processus qu’elle définit doit être
opposable à l’ensemble des parties de l’opération, comme il le serait si les règles fixées étaient
issues du contrat1. La convention BIM, dès son approbation par la maîtrise d’ouvrage, doit
donc avoir valeur contractuelle, ce qui implique :
• pour les contrats non signés au jour de sa validation : qu’elle soit listée parmi les
documents contractuels du marché ;
• pour les contrats qui ont déjà reçu un début d’exécution : qu’elle soit rendue opposable
aux prestataires concernés par voie d’avenant à leur contrat ;
• pour les modifications apportées au contenu de la convention au fur et à mesure de
l’avancement du projet : qu’il soit prévu dans la convention que ses versions successives
seront opposables dès leur signification aux parties.
Le protocole BIM n’a de sens que s’il est opposable à tous les acteurs ayant à intervenir sur
la maquette, il doit donc figurer dans les contrats et chaque intervenant doit également le
rendre opposable à ses sous-traitants.
Quant à la place qu’il doit occuper parmi l’ensemble des documents contractuels, le
protocole devrait figurer dans un marché privé en annexe du contrat ; dans un marché public,
la place la plus appropriée semble être au niveau du CCTP.
Certains acteurs pourront manifester une inquiétude de voir une telle valeur reconnue au
protocole, en estimant qu’elle pourrait freiner les initiatives eu égard à la crainte de sanctions
ou de mise en jeu des responsabilités en cas de méconnaissance de son contenu. Il convient
en réponse de souligner que la liberté dont bénéficient les acteurs au travers de la rédaction
du protocole, dont ni la forme ni le contenu ne sont encadrés par des textes – à l’exception
des dispositions d’ordre public – est une source de potentialités et de solutions multiples
dans l’organisation des rapports entre les intervenants et de la méthodologie de travail. Rien
n’interdit, par exemple lors de la rédaction, de laisser certains points en suspens ou encore
de prévoir que les acteurs décideront ultérieurement, au regard de l’avancement du projet,
des suggestions des uns et des autres, du traitement ou de la démarche à adopter. Le
protocole doit donc véritablement être appréhendé en tant qu’outil permettant une souplesse
dans l’organisation des rapports des acteurs et non uniquement comme un cadre
contraignant.

1 . Lorsque le process BIM n’aura pas été imposé par la maîtrise d’ouvrage, il est recommandé que le protocole
élaboré entre les membres de l’équipe ait également une valeur contractuelle, similaire en cela à celle résultant
de la convention de groupement souscrite entre les cotraitants.
chapitre 6

Pratique juridique du BIM en phase

exploitation-maintenance

Les bénéfices qu’une opération de construction déployée en BIM apporte après la réception et la
livraison de l’ouvrage à son propriétaire et tout au long de la vie du bâtiment constituent l’un des
principaux facteurs qui incitent les maîtres d’ouvrage à recourir au processus BIM. En phase
d’exploitation du bâtiment, son gestionnaire a ainsi à sa disposition une base de données complète et
précise concernant le bâtiment, et qui permettra d’en faciliter la maintenance voire l’évolution.
À condition qu’elle soit suffisamment renseignée et régulièrement mise à jour, la maquette numérique
BIM d’exploitation constitue un outil de gestion et de maintenance à part entière. L’exigence par le
maître d’ouvrage d’une maquette numérique BIM pour la phase d’exploitation et de gestion de
l’ouvrage construit entraîne des conséquences sur les missions des acteurs de l’opération et, en premier
lieu, celles du maître d’ouvrage et des concepteurs ; elle soulève en outre des interrogations juridiques
spécifiques sur les conditions d’utilisation du BIM exploitation tout au long de la vie du bâtiment.

6.1 La nécessité d’exprimer les attentes pour


l’exploitation-maintenance
dès la programmation de l’opération
Le BIM exploitation, c’est-à-dire la maquette numérique conçue et utilisée pour la gestion et l’entretien
de l’ouvrage construit, signifie que les données du bâtiment contenues dans le BIM conception puis le
BIM exécution sont complétées et enrichies des informations nécessaires à la phase de vie du bâtiment.
Il est dès lors indispensable que le maître d’ouvrage intègre dans le cahier des charges BIM, dès la
phase de programmation, non seulement son exigence d’une maquette numérique BIM adaptée à la
phase d’exploitation du bâtiment, mais aussi les données spécifiques à cette phase qui devront figurer
dans la maquette. En effet, les seules informations figurant dans la maquette numérique BIM en phase
de conception puis d’exécution ne sont pas forcément suffisantes et adaptées à la phase d’exploitation
du bâtiment. En outre, l’association du futur exploitant, autant que possible en amont de la livraison
de l’ouvrage, constitue une garantie de la pertinence des données contenues dans la maquette qui lui
sera livrée simultanément. En cela, cette nécessaire association de l’exploitant dès les premières étapes
de la conception et le processus global sera de fait facilité lorsque l’opération fera l’objet d’un contrat
| 95
de partenariat ou marché global confiant au titulaire à la fois la conception, l’exécution et l’exploitation
de l’ouvrage commandé.

6.2 Les impacts des données d’exploitation-


maintenance sur la maquette numérique BIM
La fourniture d’une maquette numérique spécifique à l’exploitation et à la maintenance du bâtiment est
une mission complémentaire spécifique, quel que soit le prestataire qui en aura la charge : la maîtrise
d’œuvre, l’entreprise ou encore le référent BIM si un tel prestataire est spécifiquement missionné par la
maîtrise d’ouvrage.
Cette mission complémentaire et la répartition des tâches qu’elle suppose entre les différents
intervenants doivent être décrites précisément au contrat et faire l’objet d’une rémunération adaptée.

6.3 DOE numérique pour la phase


exploitationmaintenance

6.3.1 DOE numérique et BIM exploitation

6.3.1.1 La gestion de l’ouvrage à partir du DOE numérique


Pour un ouvrage public, le contenu du dossier des ouvrages exécutés est défini de manière assez large
par l’arrêté MOP du 21 décembre 19931 ; le CCAG travaux renvoie quant à lui

1. L’arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise
d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé indique qu’au titre de l’élément de
mission d’assistance aux opérations de réception et de suivi durant l’année de parfait achèvement, le maître d’œuvre doit
notamment « constituer le dossier des ouvrages exécutés nécessaires à l’exploitation de l’ouvrage, à partir des plans conformes à l’exécution remis
par l’entrepreneur, des plans de récolement ainsi que des notices de fonctionnement et des prescriptions de maintenance des fournisseurs d’éléments
d’équipement mis en œuvre ».
DOE numérique pour la phase exploitation-maintenance

aux documents particuliers du marché1 tout en précisant qu’il comporte, au moins, les plans d’exécution
conformes aux ouvrages exécutés établis par le titulaire, les notices de fonctionnement et les

1 . L’article 40 du CCAG travaux précise : « Outre les documents qu’il est tenu de fournir avant ou pendant l’exécution des travaux en application
de l’article 29.1, le titulaire remet au maître d’œuvre :
96 | Pratique juridique du BIM en phase exploitation-maintenance
prescriptions de maintenance. Le CCAG travaux indique également que le dossier d’intervention
ultérieure sur l’ouvrage (DIUO) rassemble les données de nature à faciliter la prévention des risques
professionnels lors des interventions ultérieures et, notamment, lors de l’entretien de l’ouvrage. Pour
les opérations de construction privées, le contenu du DOE devra également être défini dans le contrat.
Quelle que soit la nature de l’opération, le DOE contient en général les plans, coupes, façades et autres
dessins du bâtiment conformes à l’ouvrage construit ; il intègre également des informations sur les
équipements installés, leurs garanties, les manuels d’exploitation et de maintenance, les instructions
d’installation ou autres caractéristiques spécifiques des éléments d’équipement de l’ouvrage.
La fourniture d’un DOE numérique peut être estimée suffisante par le maître d’ouvrage pour la gestion
de son bâtiment, le dossier ainsi constitué aura alors davantage une fonction d’archivage des documents
concernant l’ouvrage réalisé.

6.3.1.2 Exploitation et maintenance de l’ouvrage à partir d’une maquette BIM d’exploitation


Constituées sous la forme d’une maquette numérique BIM, les informations du DOE, enrichies de
données spécifiques à la gestion de l’ouvrage, constituent l’aboutissement du processus BIM. La
maquette BIM d’exploitation n’est plus seulement le recensement et l’archivage des données du
bâtiment construit mais constitue un outil vivant et évolutif, permettant la gestion du bâtiment. Ses
données pourront être transférées dans le logiciel de gestion, d’exploitation et de maintenance du maître
d’ouvrage. Comme indiqué supra, c’est bien en fonction des besoins spécifiques exprimés dès les phases
programmation puis conception par le maître d’ouvrage et le futur gestionnaire que la maquette
numérique BIM exploitation sera renseignée.

6.3.2 La maquette BIM d’exploitation pour les ouvrages existants


Parallèlement à l’approche qui permet au maître d’ouvrage, pour les ouvrages à construire, de
commander une maquette BIM d’exploitation dont les données seront prises en compte dès la phase
de conception, il existe un intérêt croissant et une demande des gestionnaires et facility managers de
disposer également d’une maquette numérique BIM et d’une base de données complète et interopérable
pour les bâtiments existants. Il s’agira alors de créer une maquette numérique BIM indépendamment
de l’existence de tout BIM conception ou BIM exécution et en quelque sorte ex nihilo. Dans cette
hypothèse, c’est donc bien à partir du DOE – numérique ou papier – voire à partir du relevé et de la
numérisation de l’existant, qu’une maquette numérique BIM exploitation pourra être conçue.
L’élaboration d’une maquette numérique à partir d’un DOE traditionnel soulève des questions
juridiques spécifiques :
• en termes de droit d’auteur : tout comme la reproduction de plans papier n’est pas libre et suppose
une cession préalable des droits patrimoniaux de son auteur, la reproduction sous format numérique
est soumise à la même obligation ; le propriétaire qui souhaite numériser son patrimoine devra en
conséquence être attentif au respect des droits du ou des concepteurs des ouvrages (étant précisé
que ceux dont le concepteur est décédé depuis plus de 70 ans échappent à cette contrainte pour ce
qui concerne les droits patrimoniaux) ;

– au plus tard lorsqu’il demande la réception des travaux conformément à l’article 41.1 : les spécifications de pose, les notices de
fonctionnement, les prescriptions de maintenance des éléments d’équipement mis en œuvre, les conditions de garantie des fabricants attachées à ces
équipements, ainsi que les constats d’évacuation des déchets ;
– dans un délai d’un mois suivant la date de notification de la décision de réception des travaux : les autres éléments du dossier des ouvrages exécutés
(DOE) et les documents nécessaires à l’établissement du dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage (DIUO). »
| 97
• en termes de responsabilités induites par les erreurs qui pourraient être commises lors de la phase
de numérisation de l’existant et qui affecteraient subséquemment la maquette : la description, le plus
précisément possible, de la mission du ou des opérateurs qui seront missionnés pour cette tâche et,
pour ces derniers, la formulation de tous les conseils voire le cas échéant de certaines réserves qui
pourraient s’imposer en cas de difficultés particulières rencontrées dans l’exécution de leur tâche,
notamment liées aux caractéristiques de l’ouvrage ou aux besoins spécifiques exprimés par le
propriétaire, constituent des précautions indispensables pour éviter, en cas de difficulté, la dilution
des responsabilités.

6.4 Les difficultés juridiques inhérentes à


l’utilisation de la maquette numérique

en phase exploitation-maintenance

6.4.1 La question des erreurs affectant le contenu de la maquette


numérique BIM d’exploitation
La gestion et la maintenance d’un ouvrage construit à partir d’une maquette BIM d’exploitation
soulèvent la question des conséquences et des responsabilités afférentes aux erreurs affectant les
données contenues dans la maquette. Quelle démarche adopter pour le propriétaire ou le gestionnaire
d’un ouvrage qui, s’étant fondé sur les données contenues dans la maquette, aurait passé commande
pour la fourniture et la mise en place d’éléments d’équipement dont il s’avère, lors de leur livraison,
qu’ils ne sont pas adaptés au bâtiment ? En premier lieu, dans l’hypothèse où la maquette d’exploitation
aurait été réalisée en dehors de tout BIM conception et BIM exécution, c’est-à-dire après la livraison de
l’ouvrage, le propriétaire ou le gestionnaire pourront se retourner contre le ou les prestataires missionnés
pour numériser l’existant, pour autant que l’étendue de la mission de ce(s) dernier(s) ait suffisamment
été détaillée dans le contrat passé. En second lieu, dans le cas d’une livraison simultanée de l’ouvrage et
du BIM d’exploitation, il conviendra de rechercher l’origine de l’erreur, laquelle peut notamment
provenir, par exemple, de la bibliothèque d’objets du fabricant ou encore d’une mauvaise saisie des
données à l’origine : la nécessité d’assurer une parfaite traçabilité des interventions sur la maquette revêt,
on le voit encore une fois, une importance fondamentale. Cette recherche supposera pour le propriétaire
ou le gestionnaire d’avoir accès aux maquettes conçues avant le BIM d’exploitation, ce qui supposera
en conséquence, le plus souvent, non seulement la mise en cause de l’entité qui a livré la maquette à
l’exploitant ou au gestionnaire,
| 98

Les difficultés juridiques inhérentes à l’utilisation de la maquette numérique en phase exploitation-maintenance

mais aussi la mise en cause par l’exploitant ou le gestionnaire des intervenants qui ont
participé à la maquette numérique, qu’ils aient été missionnés directement par le maître
d’ouvrage ou qu’ils soient intervenus en sous-traitance (pour le cas, par exemple, d’une
entreprise ayant sous-traité la numérisation de son DOE).

6.4.2 La question de la maintenance du BIM exploitation


La maquette numérique BIM ne constituera un outil pertinent et efficace tout au long de la
vie du bâtiment qu’à la condition qu’elle soit elle-même entretenue, c’est-à-dire mise à jour
régulièrement et en fonction des modifications pouvant intervenir sur l’ouvrage construit.
Ainsi, il s’agira d’une part d’adapter la maquette aux évolutions numériques et de logiciels,
afin que les données de la maquette restent lisibles et exploitables, d’autre part d’adapter la
maquette aux interventions effectivement réalisées sur le bâtiment.
Il revient à l’exploitant d’assurer cette maintenance du BIM exploitation soit s’il en a la
capacité, par ses services internes, soit en s’entourant d’intervenants spécialisés.
Nombre de praticiens s’interrogent aujourd’hui sur l’étendue des obligations qu’ils peuvent
souscrire ou accorder en termes de fiabilité des données contenues dans la maquette. Il
convient à cet égard de distinguer la fiabilité dans la qualité du contenu des données d’une
part, de la fiabilité dans le temps des données d’autre part. S’agissant de la fiabilité de la
qualité du renseignement contenu dans la maquette, les acteurs sont tenus à une obligation
de résultat (la donnée renseignée dans la maquette doit refléter et être conforme à la réalité
matérielle à laquelle elle correspond) et ne pourront en cas d’erreur échapper à leur
responsabilité qu’en démontrant l’existence d’une cause étrangère, soit, par exemple, une
erreur du logiciel ou la modification de la donnée par un tiers. Concernant ensuite la fiabilité
des données dans le temps, les acteurs doivent pouvoir garantir au maître d’ouvrage et futurs
exploitants que les données de la maquette sont non seulement lisibles mais aussi
exploitables. Eu égard à l’évolution constante des technologies, cette garantie des acteurs –
et les responsabilités qui en découlent – devra d’une part, dans tous les cas, être subordonnée
au respect par l’exploitant des conditions d’utilisation de la maquette spécifiées par le
prestataire lors de la livraison de la maquette (dans le protocole) et, d’autre part, être
éventuellement limitée dans le temps.

6.4.3 La question de la modification du BIM exploitation


Les modifications apportées tout au long de la vie de l’ouvrage (travaux de rénovation, de
restructuration, d’extension, etc.) et partant au modèle ne pourront être entreprises sans tenir
compte des droits d’auteur des concepteurs initiaux. Sur ce point, la situation est identique
qu’il existe ou non une maquette BIM d’exploitation ou que l’ouvrage ait été construit avec
ou sans un processus BIM.
| 99

Le propriétaire ou gestionnaire de la maquette BIM d’exploitation, quand bien même la


question des droits patrimoniaux aurait été réglée en amont (par exemple dans l’acte qui lui
aurait cédé ou concédé le bâtiment et la maquette) grâce à une cession desdits droits, ne
pourra se dispenser de veiller au respect du droit moral des auteurs, c’est-à-dire de prendre
attache avec les concepteurs initiaux1.

1 . Sur le respect des droits de propriété intellectuelle attachés à la maquette BIM : voir chapitre 7.
100 | Pratique juridique du BIM en phase exploitation-maintenance
6.4.4 La question des données personnelles contenues

dans le BIM exploitation

6.4.4.1 Définition des données à caractère personnel


Tout au long de la phase d’exploitation de l’ouvrage, les données contenues dans la maquette peuvent
être alimentées et enrichies d’une multitude d’informations liées aux besoins et habitudes des usagers et
occupants. Ces informations, qui seront intégrées à la maquette pour faciliter l’exploitation et la
maintenance de l’ouvrage par son gestionnaire et en améliorer le confort pour ses usagers, constitueront
des données à caractère personnel au sens de l’article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à
l’informatique, aux fichiers et aux libertés dite « loi informatique et libertés » si elles permettent
d’identifier directement ou indirectement une personne physique1. Sur le fondement du droit au respect
à la vie privée, la loi de 1978 encadre la collecte et l’utilisation des informations répondant à la définition
des données à caractère personnel et la constitution de fichiers en contenant. Les données à caractère
personnel sont définies par la loi de 1978 comme « toute information relative à une personne physique identifiée
ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement » ; la loi institue en outre une protection renforcée de
ces données lorsqu’elles présentent également un caractère « sensible », c’est-à-dire lorsqu’elles
concernent des informations relatives, par exemple, à l’appartenance religieuse, politique, syndicale ou
à la santé2. Constitue dès lors une donnée à caractère personnel toute information permettant
d’identifier une personne précise par son nom dans un fichier ou, sans que son nom n’apparaisse, par
une donnée ou un ensemble de données liées, par exemple, à ses goûts ou ses habitudes.
Les conditions de traitement des données à caractère personnel qui peuvent être contenues dans la
maquette BIM constituent un enjeu important dans la mesure où l’intégration de telles données est
inhérente aux préoccupations non seulement des exploitants soucieux de connaître, de rationaliser et
d’améliorer la gestion de leurs bâtiments mais aussi des pouvoirs publics de promouvoir et développer
une gestion économe et respectueuse de l’environnement des bâtiments. À cet égard, la loi du 17 août
2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte 3 impose, pour les logements mis en
construction à partir du 1er janvier 20174, la mise en place d’un carnet numérique de suivi et d’entretien
qui devra rassembler « l’ensemble des informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration
progressive de la performance énergétique du logement et des parties communes lorsque le logement est soumis au statut de
la copropriété »5. Dès lors que le contenu de ces carnets ne sera pas limité

1. Loi du 6 janvier 1978, article 2 : « Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou
qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres.
Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose
ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne. »
Une directive européenne sur la protection des données est en cours d’élaboration pour réformer les règles européennes
existantes en matière de protection des données dans l’UE, dans l’objectif de renforcer les droits en matière de respect de la
vie privée dans l’environnement en ligne et de promouvoir l’économie numérique européenne.
2. La collecte et le traitement de ces données sont interdits par la loi.
3. Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
4. Hors logements sociaux à ce jour
5. Article 11 de la loi du 17 août 2015
Les difficultés juridiques inhérentes à l’utilisation de la maquette numérique en phase exploitation-maintenance
| 101
aux renseignements relatifs aux équipements du bâtiment mais portera également sur les informations
relatives à la performance en relation avec les usages et habitudes des occupants, ils contiendront des
données à caractère personnel dont la collecte, le traitement et la conservation seront soumis aux
principes définis par la loi informatique et libertés de 1978.

6.4.4.2 Intégration de données à caractère personnel dans la maquette BIM


Si le gestionnaire doit prendre en compte et s’assurer du traitement des données à caractère personnel
contenues dans la maquette BIM d’exploitation, le maître d’ouvrage doit aussi se préoccuper de
l’existence et du traitement de telles données dans les maquettes BIM de conception et d’exécution.
Il semble toutefois que les données à caractère personnel dans les maquettes BIM de conception puis
d’exécution ne soient ni indispensables ni opportunes. Sauf à justifier de la nécessité d’intégrer de telles
données à ce stade, elles pourraient donc être sinon interdites, du moins limitées à certains cas
particuliers uniquement.

6.4.4.3 Traitement des données à caractère personnel contenues dans la


maquette BIM
Dès lors que la maquette BIM contiendra des données à caractère personnel, des garanties devront être
mises en place pour les occupants ou usagers visés par ces données. Ces garanties résultent aujourd’hui
de l’application des principes et du cadre définis par la loi de 1978 pour la collecte, le traitement et la
conservation des données. La création et le traitement de données personnelles sont soumis par la loi à
des obligations destinées à protéger la vie privée des personnes fichées et les libertés individuelles. Elles
varient selon la nature du fichier et la finalité des informations recueillies : déclaration normale ou
simplifiée, ou demande d’autorisation. Tout fichier ou traitement automatisé contenant des
informations à caractère personnel doit être déclaré avant sa création à la Commission nationale de
l’informatique et des libertés (CNIL). Ces formalités déclaratives doivent être effectuées par la personne
responsable du fichier ou du traitement – celle qui décide de sa création et détermine ses finalités –
avant la création du fichier. Les personnes concernées par ces données doivent par ailleurs être
informées, notamment, de l’identité du responsable du fichier, de la finalité du traitement des données,
des droits d’accès, de rectification, d’interrogation et d’opposition. Enfin, le responsable du traitement
des données doit mettre en œuvre les mesures de sécurité pour empêcher que les fichiers soient
déformés, endommagés, ou que des tiers non autorisés y aient accès ; il est aussi tenu de fixer une durée
raisonnable de conservation des informations personnelles.
La question des données à caractère personnel dans le cadre du BIM est au nombre de celles étudiées
dans le rapport de mission « Droit du numérique et bâtiment », remis par Xavier Pican dans le cadre du
plan Transition numérique du bâtiment 1, qui préconise notamment de soumettre la problématique des
données personnelles contenues dans la maquette numérique BIM à la CNIL et de mettre en place un
groupe de travail entre la CNIL et les professionnels de l’immobilier pour la création d’un « pack de
conformité bâtiment connecté ».

1 1. Rapport publié au mois de mars 2016 et disponible sur le portail du PTNB


chapitre 7

La propriété intellectuelle en BIM

Aborder la question de la propriété intellectuelle en BIM suppose que soient identifiées


préalablement les règles générales qui gouvernent la matière (7.1).
Dans une deuxième partie seront ensuite exposées les spécificités de l’application des
principes de la propriété intellectuelle en matière de construction et d’aménagement (7.2).
Ces développements permettront de déterminer et d’examiner les questions particulières,
liées à la propriété intellectuelle, à traiter à l’occasion de la mise en œuvre d’un processus
BIM (7.3).
Ce sujet suscite en effet diverses interrogations quant à de possibles évolutions du statut et
des prérogatives des acteurs d’une opération menée en BIM. Là encore, il s’agit donc de
tenter de cerner les questions, d’y apporter des réponses et/ou des pistes permettant
d’intégrer cette dimension au processus.

7.1 Les principes généraux de la propriété


intellectuelle
En droit français, le code de propriété intellectuelle (ci-après CPI) distingue la propriété
littéraire et artistique (droit d’auteur) de la propriété industrielle (dessins et modèles, brevets
et marques).
Ce chapitre s’attachera essentiellement au droit d’auteur, notamment en ce qu’il a vocation à
s’appliquer aux projets d’architecture et d’aménagement urbain ou paysager.
Toutefois, quelques notions relatives à la propriété industrielle seront évoquées
préalablement dans la mesure où elles concernent des titres ou procédés qui peuvent être
utilisés à l’occasion de la mise en œuvre d’une opération de construction ou d’aménagement.
103 | La propriété intellectuelle en BIM

7.1.1 Quelques observations sommaires sur la propriété


industrielle
Les brevets d’invention susceptibles d’être créés à l’occasion d’une opération de construction
en BIM ou utilisés dans le cadre d’une telle opération seront abordés avant les marques puis
les dessins et modèles.

7.1.1.1 Le brevet d’invention


Il s’agit, selon les termes de l’article L.611-1 du code de la propriété intellectuelle, d’un titre
de propriété industrielle délivré par le directeur de l’Institut de la propriété industrielle
(INPI).
Il protège une invention, plus précisément, selon la définition de l’INPI, une « innovation
technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé qui apporte une nouvelle solution technique à un problème
technique donné ».
Le critère de nouveauté est essentiel pour que le titre soit accordé à l’invention en question,
ce qui signifie qu’elle ne doit pas avoir été rendue « accessible au public avant la date de dépôt de la
demande » (article L.611-11 du CPI).
Pour être brevetable, l’invention doit résulter d’une « activité inventive » et être susceptible d’«
application industrielle » (article L.611-10 du CPI). Il est à noter qu’en conséquence, les créations
esthétiques ne sont pas protégeables en tant que telles par un brevet (voir, ci-après, les
observations sur les dessins et modèles).
Le brevet confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation, soit un monopole, qui peut
faire néanmoins l’objet de transmissions, en tout ou partie, à titre onéreux (article L.613-1
du CPI) ; ce monopole est consenti pour une durée maximale de 20 ans (à compter de la
demande). Au-delà, l’invention tombe dans le domaine public et chacun peut l’exploiter sous
réserve d’abus ou de faute.
En la matière, l’utilisation d’un procédé breveté dans le cadre d’une opération de
construction conçue et réalisée en BIM ne peut atténuer les prérogatives du titulaire dudit
brevet.
Pour anticiper toute difficulté éventuelle, il conviendra d’identifier les brevets préexistants et
leurs inventeurs (ou le titulaire des droits d’exploitation), afin que les intervenants soient
informés, ainsi que les conséquences attachées à cette qualification du procédé utilisé. Le
traitement du sujet ne sera pas fondamentalement différent, que l’on se situe dans le cadre
d’une opération classique ou d’une opération en BIM.
Dans ce dernier cas, il est possible d’envisager d’aborder les précautions à prendre dans le
protocole ou la convention BIM, notamment :
• concernant les interactions techniques éventuelles à identifier et à gérer en amont et en
concertation ;
• concernant un processus à suivre en cas de difficulté ou blocage lié à l’utilisation du
brevet.
104 | La propriété intellectuelle en BIM

Quant au brevet conçu à l’occasion de l’exécution de la mission objet du marché, il


s’agira d’examiner tout d’abord les éventuelles stipulations contractuelles relatives à
l’utilisation des « résultats » du marché et à l’engagement de cession du titulaire au profit du
pouvoir adjudicateur ou du maître d’ouvrage (classique, que l’on soit ou non en BIM).
Les principes généraux de la propriété intellectuelle | 105

D’une manière générale, le processus BIM est potentiellement de nature à associer et


fédérer les participations techniques et il sera nécessaire, notamment à ce titre, de préserver
la traçabilité des interventions pour identifier le ou les inventeurs.
La question du traitement des logiciels sera abordée dans l’étude relative au droit d’auteur 1
dans la mesure où, s’il a été initialement envisagé de faire application des règles relatives aux
brevets, la loi 85-660 du 3 juillet 1985 a rajouté les logiciels à la liste (non exhaustive) des
œuvres de l’esprit, objets du droit d’auteur.

7.1.1.2 Les marques


Elles sont également protégeables au titre de la propriété industrielle.
Il s’agit, selon la définition de l’article L.711-1 du CPI, de « signe susceptible de représentation
graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale ».
La protection nécessite un dépôt auprès de l’INPI qui accordera l’enregistrement sous
condition de vérification du caractère distinctif du signe et d’absence d’antériorité.
La protection confère au titulaire un droit de propriété de la marque pour 10 ans (pour les
produits et services qu’il a désignés dans sa demande).
Au titre de la protection du titulaire figure l’interdiction, sauf autorisation, de supprimer ou
modifier une marque régulièrement apposée (article L.713-2 du CPI).
Aussi, à l’occasion de l’utilisation dans la maquette BIM d’objets issus de bibliothèques
d’objets ou d’e-catalogues, il importe de veiller au respect de cette règle concernant la
mention des marques qui y sont éventuellement attachées. À cet égard, on peut relever que
l’utilisation d’objets ou de produits génériques ne suscite pas de contrainte.

7.1.1.3 Les dessins et modèles


Relevant des dispositions du code de la propriété intellectuelle et protégeables à ce titre (par
dépôt auprès de l’INPI), ils sont définis comme « l’apparence d’un produit, ou d’une partie de
produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses
matériaux » (article L.511-1 du CPI). Il s’agit de caractéristiques visuelles.
L’article L.511-2 du CPI précise que seul le dessin ou modèle nouveau et présentant un
caractère propre peut être protégé. Comme pour les brevets, la nouveauté s’entend de
l’absence de divulgation antérieure au dépôt de la demande. S’agissant du caractère propre,
il résulte d’une impression globale différente des dessins ou modèles divulgués
précédemment.
Le dépôt permet d’obtenir un monopole d’exploitation (en France) pour 5 ans, qui peut être
prolongé par tranches de 5 ans pour une durée totale maximale de 25 ans.
Comme pour le brevet, le BIM ne déroge pas aux règles et principes applicables et il serait
opportun qu’en toute transparence, dans un souci de protection de chacun des opérateurs,
soient décrits les dessins et modèles, que les cessions ou autorisations d’utilisation et leurs

1 . Voir infra 7.1.2.4.


Les principes généraux de la propriété intellectuelle | 106

modalités et conditions (pour les besoins de l’opération) soient formalisées ou que soient
identifiés les problématiques à traiter et/ou le processus à appliquer au cas où ces
problématiques apparaîtraient en cours d’opération.
Les principes généraux de la propriété intellectuelle | 107

Il convient de relever qu’en France les dessins et modèles peuvent aussi être protégés par le droit
d’auteur, auquel sera consacrée la suite de cette section.

7.1.2 Les fondements du droit d’auteur


Il s’agit de décrire les règles générales relatives à la matière, c’est-à-dire le droit d’auteur, afin d’introduire
et de fonder les développements suivants qui s’attacheront à l’application de ces règles aux domaines
de l’architecture et de l’aménagement urbain et paysager.
Le droit d’auteur est le droit des créateurs, de ceux qui pensent, imaginent, conçoivent, formalisent et
développent ce qui va être qualifié d’« œuvre de l’esprit », compte tenu de leur apport personnel et
particulier.
L’essence du droit d’auteur est personnaliste, attachée à la personne de l’auteur. Le droit d’auteur
confère à cette personne un certain nombre de prérogatives, de natures différentes, opposables à tous.
Les objectifs : Pourquoi un statut particulier, qui fait qu’une œuvre de l’esprit n’est pas un bien comme
un autre?
Au-delà d’intérêts particuliers et personnels de l’auteur, qui pourraient paraître ainsi seuls privilégiés et
mis en exergue, il s’agit bien en réalité d’encourager et de protéger la création, élément fondamental de
la culture.
Ce statut particulier reste ainsi justifié dans une société contemporaine où les échanges ont des limites
et des contraintes physiques de plus en plus évanescentes, que ce soit en termes de temporalité ou de
matérialité.
Il n’en demeure pas moins nécessaire de l’adapter de manière pragmatique et réaliste en conservant ses
finalités et en préservant ainsi sa pérennité. Un équilibre raisonnable doit être trouvé entre les intérêts
(légitimes) en présence. Le traitement des œuvres spécifiques d’architecture et d’aménagement urbain
illustre notamment ce propos. Au préalable, il convient de revenir à l’exposé des principes de base.

7.1.2.1 Les conditions de la protection et l’identification des auteurs

Conditions de la protection
L’auteur d’une œuvre de l’esprit dispose sur cette œuvre de différents droits de propriété incorporelle,
et ceci du seul fait de la création de l’œuvre, de son existence au sens juridique.
Ceci signifie tout d’abord qu’il n’est nullement nécessaire de procéder à de quelconques formalités ou
dépôts pour prétendre bénéficier des dispositions du droit d’auteur (contrairement aux modèles, dessins
et brevets).
Ensuite, cette propriété incorporelle est opposable à tous. Chacun est ainsi tenu de respecter l’ensemble
des droits des auteurs quels qu’ils soient.
L’article L.111-1 du CPI dispose : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa
création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous… »
De surcroît, il est important de souligner également que le CPI précise en son article L.112-2 que « les
dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le
genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ».
108 | La propriété intellectuelle en BIM

Ainsi, en principe, aucun jugement de valeur (par définition subjectif) ne peut intervenir dans
l’appréciation de « l’ouverture des droits » et il n’est en outre pas question de distinguer entre les œuvres
dites « nobles » et les autres.
Pour ces mêmes raisons liées à la subjectivité inhérente à ces notions, ni le « beau » ni l’« esthétique » ne
devraient avoir leur place dans l’appréhension de l’œuvre de l’esprit.
Bien qu’appréhendée largement de manière à écarter les exclusions de principe subjectives voire
partiales, pour prétendre à la qualification d’œuvre de l’esprit et à la protection, pour exister
juridiquement, l’œuvre doit remplir deux conditions cumulatives : une formalisation suffisante et une
originalité.
Sur le premier point, la formalisation : la création doit être suffisamment concrétisée et matérialisée
pour être identifiable et se distinguer d’un simple concept, d’une idée ; le professeur Desbois, puis
l’ensemble de la doctrine et la jurisprudence à sa suite, exprimait ce principe en exposant en effet que «
les idées sont de libre parcours ». Une description spécifique, un dessin minimum sont nécessaires.
Sur l’originalité, il s’agit de pouvoir établir que la création en question porte et révèle l’empreinte de la
personnalité de son auteur, en d’autres termes, qu’elle illustre son apport particulier, ou encore, qu’elle
n’est pas formellement, nécessairement induite par des contraintes extérieures (notamment d’ordre
technique) audit auteur. Ce principe sera illustré dans le cadre de l’étude de la jurisprudence, ci-après.

Identification de l’auteur
L’auteur est donc la personne à l’origine de la formalisation originale d’une création de l’esprit.
Comment identifier cet auteur et donc le titulaire des droits attachés à cette qualité ?
Certains auteurs créent dans le cadre de l’exécution de contrats de travail ou de collaboration, ou
encore dans le cadre de l’exercice d’une profession en tant qu’associé au sein d’une structure (cabinet,
agence, société…).
L’article L.111-1 alinéa 3 du CPI traitant de ce sujet dispose que :

« L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit
n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa… »

Ainsi, l’existence d’un contrat de travail ou de collaboration, ou encore le statut d’associé d’une société
n’emporte aucune dérogation à la jouissance des droits de propriété incorporelle de l’auteur.
Leur transmission doit être expresse et la cession déterminée dans son étendue, sa destination, sa durée
et géographiquement aux termes des exigences de l’article L.131-31.
De plus, l’article L.131-1 pose le principe de la nullité des cessions globales des œuvres futures.
Il existe par ailleurs plusieurs types d’œuvres.
• La plus simple et banale quant à la détermination et au statut de l’auteur est tout d’abord celle qui
associe une œuvre à un auteur personne physique (par exemple, Picasso/Guernica).
• L’œuvre collective est définie par l’article L.113-2 alinéa 3 du CPI :

Article L.113-2

1 . « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de
cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée…
»
Les principes généraux de la propriété intellectuelle | 109

« Est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la
divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant
à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à
chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. »
Article L.113-5
« L’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de
laquelle elle est divulguée.
Cette personne est investie des droits de l’auteur. »

Toutefois, aux termes de la jurisprudence, chaque contributeur reste investi des prérogatives de
droit moral sur son apport individuel et peut faire état de son rôle de créateur.
• L’œuvre de collaboration est définie par l’article L.113-2 alinéa 1 du CPI, qui dispose que :

Article L.113-2
« Est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ».
Article L.113-3
« L’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs.
Les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord.
En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer.
Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention
contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de
l’œuvre commune. »

• L’œuvre dérivée ou composite est définie par l’article L.113-2 alinéa 2 du CPI :

Article L.113-2
« Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration
de l’auteur de cette dernière. »
Article L.113-4
« L’œuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre
préexistante. »

7.1.2.2 Le contenu du droit d’auteur


Les droits d’auteur se scindent en deux catégories : les droits moraux et les droits patrimoniaux. Droits
moraux et droits patrimoniaux sont des droits de propriété incorporelle, par distinction des droits de
propriété corporelle. En l’occurrence, la conséquence essentielle est la suivante : le propriétaire de l’objet
matériel dans lequel se matérialise l’œuvre (propriété corporelle) n’est pas investi, du seul fait de cette
propriété, des droits d’auteur.
Ainsi, le maître d’ouvrage, propriétaire des plans de l’ouvrage et de l’ouvrage constituant l’œuvre
d’architecture, ne dispose pas de ce seul fait de toute prérogative sur ledit ouvrage puisqu’il n’est pas
titulaire des droits d’auteur, à moins qu’il ne les ait acquis par le biais d’une cession expresse et précise,
par exemple dans le contrat ou le marché passé.
Néanmoins, en tout état de cause, il ne pourra avoir acquis ou acquérir qu’une partie de ces droits de
propriété intellectuelle.
110 | La propriété intellectuelle en BIM

En effet, seuls les droits patrimoniaux sont cessibles et peuvent donc être transmis par l’auteur ou ses
ayants droit, à titre onéreux ou gracieux, pour une durée déterminée ou pour toute la durée légale desdits
droits patrimoniaux, pour le monde entier ou pour un territoire géographiquement déterminé, pour des
usages et à des fins à délimiter précisément (voir les dispositions de l’article L.131-3 énoncées ci-avant).
À défaut de ces précisions, la validité de la cession peut être remise en cause ; il s’agit ainsi de protéger
l’auteur et de faire en sorte qu’il ait conscience, autant que possible, de la teneur et de l’ampleur de la
cession à laquelle il consent. En d’autres termes, la cession ne peut être tacite.
En outre, il est rappelé que la cession générale et par avance n’est pas admise (article L.131-1 du CPI).
• Les droits patrimoniaux sont les droits d’exploitation de l’œuvre. Ils sont définis par les articles
L.122-1, L.122-2 et L.122-3 du CPI qui prévoient que :

Article L.122-1
« Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.
»
Article L.122-2
« La représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque… » Article
L.122-3

« La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la
communiquer au public d’une manière indirecte.
Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des
arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique.
Pour les œuvres d’architecture, la reproduction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan ou d’un
projet type. »

• Les droits moraux constituent les spécificités du droit d’auteur.


Le droit moral est incessible, perpétuel et imprescriptible, ainsi qu’il est énoncé à l’article L.121-
1 du CPI :

« L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre.


Ce droit est attaché à sa personne.
Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.
L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires. »

Cette disposition est d’ordre public, il n’est en conséquence pas possible d’y déroger. Aussi, toute
disposition contractuelle ou engagement contraire de l’auteur, ou par laquelle il renoncerait à faire valoir
les droits qui lui sont attribués par cet article, serait susceptible d’être remise en cause à tout moment.
| 111
Ces caractéristiques confèrent à l’auteur des prérogatives essentielles.
D’une part, le droit au nom et à la paternité : il vise à préserver et veiller à ce que soit protégé le rôle
essentiel du créateur qui ne peut se départir de cette qualité et qui est légitimement en position de
l’imposer. Son nom en qualité d’auteur doit figurer sur l’œuvre elle-même et sur ses reproductions
(photos, dessins et plus généralement sur tout support) et lors de ses représentations.
D’autre part, le droit au respect de l’œuvre : l’auteur peut s’opposer et contester les altérations,
atteintes et modifications portées à son œuvre. Cette faculté est mise en œuvre de manière adaptée et
spécifique pour ce qui concerne l’auteur architecte, urbaniste ou paysagiste. En effet, s’il est évident
qu’une sculpture ou une œuvre picturale (pour ne citer que des exemples significatifs) ont vocation à
être préservées dans leur intégrité, rien n’étant susceptible de légitimer une modification ou une
altération, l’œuvre d’architecture dispose de fait, à cet égard, d’un statut particulier1.

7.1.2.3 Durée, sanctions des atteintes aux droits d’auteur et


protection des droits d’auteur

Durée
En droit français, la durée légale des droits patrimoniaux (ou encore droits d’exploitation, droits de
reproduction et de représentation) couvre toute la vie de l’auteur et les 70 ans après sa mort ou après la
mort du dernier des coauteurs (voir ci-avant).
Au-delà, l’œuvre tombe dans le domaine public. Ceci signifie qu’il est possible à quiconque de l’exploiter
sans obtenir au préalable les cessions de droit adaptées.
Toutefois, la liberté ne sera pas totale puisqu’il sera toujours obligatoire de respecter le droit moral
(nom, paternité, respect de l’œuvre).
En effet, concernant la durée du droit moral, ce droit n’a pas de limite temporelle.
On dit qu’il est imprescriptible.
L’auteur l’exerce directement sa vie durant et, à sa mort, sauf stipulation testamentaire différente, ses «
héritiers » (ou encore ses ayants droit) en deviennent titulaires puis, à leur décès, les héritiers des héritiers
et ainsi de suite… sans limite dans le temps.
Une limite existe toutefois dans l’exercice du droit moral par les ayants droit : la jurisprudence considère
en effet que les ayants droit doivent l’exercer dans le même esprit que l’exerçait l’auteur lui-même. Ceci
signifie que leurs revendications doivent être à la mesure de celles formulées par l’auteur (par exemple,
un auteur pouvait parfaitement être très vigilant et contester toute dérive : nom, atteinte… ; un autre
admettre plus largement les atteintes et ne les contester que dans certains cas très précis…). Les ayants
droit devront se conformer à l’attitude de l’auteur ; à défaut, leurs demandes ne seront pas accueillies.
Les principes généraux de la propriété intellectuelle

Sanctions
Comment sont protégés les droits d’auteur ?
Les atteintes aux droits d’auteur sont des infractions civiles et pénales.

1 . Il sera abordé infra en 7.2.


112 | La propriété intellectuelle en BIM
Il s’agit de délits réprimés par des peines de prison (3 ans) et d’amende (300 000 €) 1. L’engagement
d’une action en responsabilité civile est possible indépendamment ou parallèlement à l’action pénale.
L’auteur ou ses ayants droit agissent alors pour obtenir réparation des préjudices du fait de l’atteinte
portée à leurs droits tant patrimoniaux que moraux.
Cette réparation peut consister, selon la nature de l’atteinte subie, en une remise en état, une mention
du nom, une indemnisation, etc.

7.1.2.4 La protection des logiciels


Les logiciels sont au nombre des œuvres de l’esprit protégeables par le droit d’auteur (article L.112-2 du
code de la propriété intellectuelle) s’ils répondent aux critères généraux décrits précédemment :
originalité d’une part et formalisation suffisante d’autre part, étant précisé s’agissant de la condition de
formalisation que le logiciel doit être suffisamment concrétisé mais pas nécessairement finalisé. Les
difficultés en la matière découlent de :
• l’absence de définition légale du logiciel ;
• l’application délicate et discutée du critère essentiel d’originalité au logiciel (empreinte de la
personnalité de l’auteur, apport intellectuel, effort personnalisé, etc., la jurisprudence reste
incertaine).
Il n’en reste pas moins certain que la finalité du logiciel est indifférente (pour légitimer sa protection par
le droit d’auteur) : les logiciels « de base », logiciels « d’application », logiciels sur mesure… sont
protégeables.
Le contenu des droits afférents aux logiciels est adapté à la nature de cette œuvre particulière.
Nous citerons ci-après des extraits des dispositions applicables du CPI qui nous paraissent en rapport
avec le sujet général traité et qui instaurent, concernant cette œuvre à vocation purement utilitaire, un
statut particulier.
Il s’agit de mettre en place des exceptions factuelles et pragmatiques aux droits de l’auteur du logiciel,
de les assouplir dans un esprit d’équilibre entre les besoins de chacun (utilisateur et auteur).
Article L.122-6 du CPI
« Sous réserve des dispositions de l’article L.122-6-12, le droit d’exploitation appartenant à l’auteur d’un logiciel
comprend le droit d’effectuer et d’autoriser :
1° la reproduction permanente ou provisoire d’un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme.
Dans la mesure où le chargement, l’affichage, l’exécution, la transmission ou le stockage de ce logiciel nécessitent
une reproduction, ces actes ne sont possibles qu’avec l’autorisation de l’auteur ;
2° la traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute autre modification d’un logiciel et la reproduction du logiciel
en résultant ;
3° la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d’un logiciel par tout
procédé… »
Article L.122-6-1 du CPI :
« I. Les actes prévus aux 1° et 2° de l’article L.122-61 ne sont pas soumis à l’autorisation de l’auteur lorsqu’ils sont
nécessaires pour permettre l’utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit
de l’utiliser, y compris pour corriger des erreurs […]
II. La personne ayant le droit d’utiliser le logiciel peut faire une copie de sauvegarde lorsque celle-ci est
nécessaire pour préserver l’utilisation du logiciel.

1 . Article L.335-2 du CPI : « Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée
en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit.
La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Seront punis des mêmes peines le débit, l’exportation et l’importation des ouvrages contrefaisants… »
2 . www.legifrance.gouv.fr
| 113
III. La personne ayant le droit d’utiliser le logiciel peut sans l’autorisation de l’auteur observer, étudier ou tester
le fonctionnement ou la sécurité de ce logiciel afin de déterminer les idées et principes qui sont à la base de
n’importe quel élément du logiciel lorsqu’elle effectue toute opération de chargement, d’affichage, d’exécution, de
transmission ou de stockage du logiciel qu’elle est en droit d’effectuer.
IV. La reproduction du code du logiciel ou la traduction de la forme de ce code n’est pas soumise à l’autorisation
de l’auteur lorsque la reproduction ou la traduction au sens du 1° ou du 2° de l’article L.122-6 est indispensable pour
obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité d’un logiciel créé de façon indépendante avec d’autres
logiciels, sous réserve que soient réunies les conditions suivantes :
1° ces actes sont accomplis par la personne ayant le droit d’utiliser un exemplaire du logiciel ou pour son compte
par une personne habilitée à cette fin ;
2° les informations nécessaires à l’interopérabilité n’ont pas déjà été rendues facilement et rapidement accessibles
aux personnes mentionnées au 1° ci-dessus ;
3° et ces actes sont limités aux parties du logiciel d’origine nécessaires à cette interopérabilité… » Article
L.121-7

« Sauf stipulation contraire plus favorable à l’auteur d’un logiciel, celui-ci ne peut :
1° s’opposer à la modification du logiciel par le cessionnaire des droits mentionnés au 2° de l’article L.121-6,
lorsqu’elle n’est préjudiciable ni à son honneur ni à sa réputation ;
2° exercer son droit de repentir ou de retrait. »

Concernant les logiciels utilisés à l’occasion du processus BIM, il faut tenir compte de ces dispositions
pour cerner les prérogatives de l’auteur du logiciel ainsi que ses limites et tenter de négocier, dans la
mesure du possible, les contrats à passer avec les éditeurs de logiciels.

7.1.2.5 La protection des bases de données


Une base de données est « un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière
systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen », selon
la définition de l’article L.112-3 du CPI.
La forme et le support importent peu.
Il existe deux systèmes de protection : le droit d’auteur classique (sur la structure et l’organisation de la
base) et un droit sui generis.
| La propriété intellectuelle en BIM

Selon l’article L.341-1 du CPI, le producteur d’une base de données « bénéficie d’une protection
du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un
investissement financier, matériel ou humain substantiel ».
La loi prévoit également que le producteur de bases de données peut interdire l’extraction
ou la réutilisation par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie
qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de sa base (article L.342-1 du
CPI). Il peut également interdire l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de
parties non substantielles1.
La maquette BIM elle-même peut être considérée comme constitutive d’une base de données
et protégeable à ce titre ; son ou ses concepteurs peuvent détenir des droits qui s’imposeront
à tous, notamment aux autres intervenants. Il sera en conséquence opportun de s’interroger
sur les cessions, concessions (droit d’auteur) ou autorisations (bases de données) nécessaires
pour utiliser et intervenir sur la maquette.

7.2 La propriété intellectuelle et le droit d’auteur


en matière de construction et
d’aménagement
Les opérations de construction et d’aménagement dans le cadre desquelles est utilisé le
processus BIM ont pour objet la conception puis la réalisation de projets (d’architecture,
d’aménagement…) qui sont potentiellement protégés par la propriété intellectuelle selon des
modalités spécifiques adaptées à la nature même de ces projets.

7.2.1 Les points particuliers

7.2.1.1 Les textes

Les dispositions du CPI traitant spécifiquement de l’œuvre d’architecture


Tout d’abord, l’article L.112-2 du CPI dresse une liste indicative des œuvres potentiellement
protégeables par le droit d’auteur :

1. Article L.342-1 du CPI : « Le producteur de bases de données a le droit d’interdire :


1° l’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle
du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;
2° la réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou
quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme. Ces droits peuvent être transmis ou cédés ou faire
l’objet d’une licence.
Le prêt public n’est pas un acte d’extraction ou de réutilisation. »
La propriété intellectuelle et le droit d’auteur en matière de construction et d’aménagement | 115

Article L.342-2 du CPI : « Le producteur peut également interdire l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties
qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les
conditions d’utilisation normale de la base de données. »
« Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code : […]
7° les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ;
8° les œuvres graphiques et typographiques ; […]
12° les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture
et aux sciences… »

Cette liste n’est donc pas exhaustive et soulignons que les plans d’urbanisme sont considérés
comme susceptibles de relever du droit d’auteur s’ils remplissent les conditions requises par
ailleurs1.
Il convient d’ajouter que, d’une manière générale, les droits d’auteur s’appliquent aux œuvres
d’architecture, qu’elles soient dans le domaine public ou dans le domaine privé.
L’article L.122-3 du CPI relatif à la définition de l’étendue des droits patrimoniaux apporte
une précision concernant les œuvres d’architecture :

« La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de
la communiquer au public d’une manière indirecte…
Pour les œuvres d’architecture, la reproduction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan
ou d’un projet type. »

Ainsi, pour réaliser un projet d’architecture, s’il est considéré comme une œuvre de l’esprit
protégeable (c’est-à-dire originale) sans son auteur architecte, il convient que celui-ci ait cédé
ses droits de reproduction (étant rappelé que la cession ne peut être tacite et qu’elle doit être
limitée dans l’objet, l’espace et la durée).
C’est un sujet à prendre en considération notamment dans l’hypothèse où le marché de
l’architecte est résilié avant l’achèvement des travaux, voire dès après l’obtention des
autorisations de construire. En outre, dans ce cas, l’architecte, même s’il a cédé ses droits de
reproduction, disposera toujours de son droit moral au respect de son œuvre pour veiller à
ce que la réalisation soit conforme à ses plans.

Le CCAG PI
Les CCAG (cahiers des clauses administratives générales) sont des documents établis par
arrêté et destinés à figurer parmi les pièces contractuelles générales des marchés publics à la
condition que les pièces particulières y fassent expressément référence.
C’est le CCAG PI (prestations intellectuelles) qui a vocation à être inséré dans les marchés
publics de MOE.
Le CCAG PI est issu de l’arrêté du 16 septembre 2009.
Parmi les dispositions générales qu’il fixe et qui ont vocation à régir l’exécution du marché
public qui le vise figurent celles concernant l’utilisation des résultats et incluant le traitement
de droits de propriété intellectuelle.
| La propriété intellectuelle en BIM

1. Arrêt Martinez, chambre criminelle de la Cour de cassation, 24 septembre 1997 : « Des plans d’urbanisme ont le
caractère d’une œuvre de l’esprit protégeable par le code de la propriété intellectuelle, dès lors qu’ils portent la marque de la
personnalité de leur auteur qui, bien que contraint de respecter les directives administratives, ne s’est pas limité à fournir une
simple prestation technique. »
Deux options sont proposées dont la teneur respective est, de manière synthétique, la
suivante :
• l’option A prévoit une concession des droits portant sur les œuvres résultant de
l’exécution du marché, droits qui peuvent ainsi être utilisés pour les besoins du marché
; cette option est exclusive des utilisations commerciales et rappelle le droit moral au
respect de l’œuvre ; la contrepartie financière de cette utilisation « circonscrite » est
considérée comme étant comprise dans le prix du marché ;
• l’option B organise une cession des droits, le pouvoir adjudicateur devenant par
conséquent propriétaire des droits de propriété incorporelle en question. L’engagement
est donc beaucoup plus important que pour l’option A ; le texte prévoit que les
conditions et modalités de la cession soient prévues dans les pièces particulières du
marché (CCAP), à savoir : territoire, durée et modes d’exploitation.
En marché public, il est opportun de vérifier les clauses des marchés des acteurs auteurs
pour déterminer l’étendue des cessions ou concessions et de la latitude ainsi donnée pour
l’utilisation des œuvres. Ceci vaut aussi bien dans un schéma classique que dans un
processus BIM.
D’une manière générale enfin, le ministère de la Culture a pris position sur le sujet du droit
d’auteur et de l’architecture en 20121.

7.2.1.2 Spécificité de l’œuvre/spécificité de l’application des règles et des principes


Œuvre de l’esprit qui présente tout à la fois un caractère artistique et utilitaire, ce double
aspect de l’œuvre d’architecture lui confère un statut particulier.
Cette nature spécifique rend l’appréhension de l’œuvre protégeable et le traitement de sa
protection spécifiques.

Notion d’œuvre d’architecture protégée


Les droits tant d’exploitation (reproduction et représentation) que moraux portent sur les
dessins, croquis, plans, maquettes (en amont) et ouvrages réalisés.
L’exercice des droits n’est en effet pas cantonné à l’ouvrage construit et l’ensemble des
prérogatives induites par le droit d’auteur est applicable aux plans, dessins maquettes…
Ainsi, sur le droit au nom par exemple, l’architecte auteur a vocation à solliciter la mention
de son nom sur le bâtiment lui-même mais aussi, bien entendu, sur les dessins, plans, etc.

La formalisation
Un concept architectural ou urbain, pour faire l’objet d’une protection par le droit de
propriété intellectuelle, doit être formalisé d’un point de vue matériel et/ou décliné et décrit

1 . Réponse du ministère de la Culture (17 avril 2012) à une question parlementaire (20 décembre 2011) :
« Il est rappelé que les œuvres d’architecture relèvent bien des dispositions du code de la propriété intellectuelle et bénéficient de la
protection qu’elles accordent sous réserve d’originalité. L’originalité est reconnue dès lors que les travaux ne s’apparentent pas à
des réalisations uniquement techniques. » (Réponse publiée au Journal officiel le 17 avril 2012, p. 3017.)
La propriété intellectuelle et le droit d’auteur en matière de construction et d’aménagement | 117

dans les éléments qui le composent et qui, même non originaux, rendent protégeable
l’ensemble qu’ils constituent du fait de leur combinaison spécifique et originale.
Utilisation de l’image de l’œuvre/œuvre dérivée
La réalisation des plans est une reproduction au sens des droits patrimoniaux.
L’utilisation de l’image de l’œuvre, soit sous sa forme réalisée (le bâtiment) soit sous la forme
de plans, croquis, etc. (sous réserve d’originalité) est également soumise aux droits d’auteur,
notamment aux droits patrimoniaux (de reproduction) et au droit au nom.
La notion d’œuvre dérivée vue ci-avant est susceptible de recevoir particulièrement
application en architecture, s’agissant des interventions sur existants, des réhabilitations,
rénovations et extensions.

Paiement des honoraires et droit d’auteur


À lui seul, le paiement des honoraires dus par le maître d’ouvrage en contrepartie de
l’exécution de la mission du titulaire (mission de MOE par exemple) ne vaut donc pas
acquisition des droits patrimoniaux.

7.2.2 La jurisprudence
Les juges ont retenu un certain nombre de principes, pour examiner et trancher les différends
relatifs à des aspects particuliers du droit d’auteur en construction et en aménagement.

7.2.2.1 L’originalité
Elle se manifeste au travers de la marque de la personnalité, de l’apport intellectuel de l’auteur
qui doit apparaître dans l’œuvre formalisée.
Si le résultat du travail répond à des contraintes matérielles et est issu de l’application pure
de méthodes ou de techniques, il ne saurait relever du droit d’auteur.
Pour être « auteur », l’architecte, l’urbaniste ou l’ingénieur doit être créateur de formes qui
ne soient pas nécessairement induites par les besoins et objectifs à atteindre. Il est entendu
qu’en la matière, le but recherché et les contraintes sont pris en considération, ce qui ne
saurait de ce seul fait exclure l’application du droit d’auteur, à la condition que l’auteur ait
disposé d’une marge de manœuvre suffisante pour exprimer sa personnalité.
Les deux exemples qui suivent illustrent la manière dont les juges apprécient l’originalité en
la matière.

Arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation, 22 janvier 2009, Sanchez/ Ristorto & autres
Les faits de l’espèce permettent d’illustrer de manière intéressante l’appréhension du sujet.

« Attendu que M. X…, architecte, a assigné M. et Mme Y…, la société Atelier Hexagone et M. Z… en
contrefaçon, leur reprochant d’avoir fait édifier et d’avoir édifié une villa reproduisant, de façon servile,
l’ensemble des caractéristiques qui constituent ses modèles architecturaux et qu’il avait présentés aux
époux ;
Attendu que pour rejeter cette demande l’arrêt énonce que tous les détails architecturaux revendiqués
par M. X… comme autant de caractéristiques de son modèle de villa se retrouvent sur de nombreuses
constructions réalisées sur la Côte d’Azur et que son style, comme celui d’autres architectes qui
construisent dans cette région, est un mélange de style provençal et florentin dont tout un chacun
| La propriété intellectuelle en BIM

peut s’inspirer pour construire sa propre maison, qu’il existe de nombreuses maisons dans ce style,
qu’il n’y a donc pas contrefaçon ;
Qu’en se déterminant par de tels motifs, quand il lui incombait de rechercher si les différents détails
architecturaux, fussent-ils connus et couramment employés dans une région et appartiendraient-ils au
patrimoine commun du style provençal et/ou du style florentin, n’avaient pas donné lieu, pris en leur
combinaison, à une composition originale portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, la cour
d’appel a privé sa décision de base légale. »

Dans cette décision, l’originalité est ainsi considérée comme pouvant résulter de la
combinaison d’éléments préexistants (et possiblement non originaux en eux-mêmes), leur
réunion, non induite par le contexte ou le programme ou tout élément extérieur à l’auteur,
étant le résultat d’un acte de création formalisé original.

Arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, 11 juin 2009, Jaubert/SCI Lola

« La preuve de l’originalité de l’œuvre n’est pas rapportée alors qu’il est acquis que la construction,
située dans une zone particulièrement protégée, soit le site classé de l’île de Porquerolles, est soumise
à des règles très restrictives impliquant notamment l’avis de l’architecte des bâtiments de France et
une stricte harmonie avec les immeubles contigus et qui ne laissent la place à aucune œuvre
architecturale particulière. Ainsi, d’importantes contraintes techniques et/ou réglementaires sont en
contradiction avec une création originale. Dès lors, c’est par un abus de langage que l’appelant
considère que «l’originalité et son travail de recherche de longue haleine ont été récompensés par
l’obtention du permis de construire» sauf à considérer que la délivrance de cette autorisation
administrative est constitutive d’un label d’originalité. »

Ici, l’originalité est écartée car les juges ont dressé le constat de l’ensemble des contraintes
qui, cumulées, ne laissaient pas, selon eux, à l’architecte une liberté lui permettant d’exercer
sa créativité. Ces contraintes étaient effectivement a priori assez fortes et nombreuses : zone
protégée et site classé imposant une stricte harmonie avec les constructions existantes,
contraintes techniques et réglementaires1…

7.2.2.2 Le droit au respect de l’œuvre d’architecture


Au-delà de son caractère d’œuvre de l’esprit, l’œuvre d’architecture a par nature un caractère
utilitaire.
L’intangibilité d’une telle œuvre n’est en effet pas réaliste ni souhaitable. Il n’en demeure pas
moins que son statut d’œuvre de l’esprit implique qu’elle bénéficie de fait d’un traitement
particulier qui s’est affiné au fil des années et des décisions de jurisprudence.
Le point central à prendre en considération englobe le caractère et la vocation tout à la fois
artistique et utilitaire mais aussi évolutive d’une telle œuvre.
La dimension artistique résulte clairement de la réunion des conditions exposées
préalablement : la formalisation et l’empreinte de la personnalité de l’auteur induisent un
travail de réflexion et de recherche, alliant et conciliant les contraintes techniques et
matérielles à la forme, à « l’aspect » (ou encore l’esthétique, mais il faut rappeler que sont

1 . Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation le 17 février 2011 (2e chambre civile, n° 10-30-439, publiée
au Bulletin des arrêts des chambres civiles).
La propriété intellectuelle et le droit d’auteur en matière de construction et d’aménagement | 119

bannis tous jugements de valeur ou appréciations subjectives) pour aboutir au « résultat »


qu’est l’œuvre.
Le caractère utilitaire et fonctionnel est évident en matière d’architecture et d’aménagement.
L’œuvre répond à des besoins (le programme).
Ces deux aspects doivent ainsi être conciliés et la conclusion évidente est qu’il ne peut exister
d’intangibilité pour ce type d’œuvres, étant cependant immédiatement précisé que les
possibilités de modifications sont strictement encadrées.
En préalable, rappelons l’arrêt dit « Bonnier/Bull », des noms de l’architecte et du maître
d’ouvrage concernés.
Cette décision, rendue le 7 janvier 1992 par la 1re chambre civile de la Cour de cassation, a
posé le principe selon lequel :

« […] attendu que l’arrêt énonce avec raison que la vocation utilitaire du bâtiment commandé à un
architecte interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son œuvre, à laquelle
son propriétaire est en droit d’apporter des modifications lorsque se révèle la nécessité de l’adapter à
des besoins nouveaux ; qu’il appartient néanmoins à l’autorité judiciaire d’apprécier si ces altérations
de l’œuvre architecturale sont légitimées, eu égard à leur nature et à leur importance, par les
circonstances qui ont contraint le propriétaire à y procéder… »

Les notions essentielles sont : la vocation utilitaire (incontestable en matière d’œuvre


architecturale) ; l’intangibilité « absolue » écartée (cette précision, « absolue », n’est pas neutre
et anodine, nonobstant la critique sémantique possible, et tend à signifier qu’une certaine
intangibilité est recevable) ; la nécessité d’adaptation, notion large et vague ; les altérations
légitimées, eu égard à leur nature et leur importance, par les circonstances ; enfin, la notion
de contrainte (imposée au propriétaire).
Plus récemment et s’agissant d’un ouvrage public, le Conseil d’État s’est prononcé dans le
même sens dans un litige opposant l’architecte d’un stade à la ville de Nantes, laquelle avait
procédé à des travaux destinés à l’agrandir1.

« […] si en raison de la vocation d’un stade, l’architecte qui l’a conçu ne peut prétendre imposer au
maître de l’ouvrage une intangibilité absolue de son œuvre, ce dernier ne peut toutefois porter
atteinte au droit de l’auteur de l’œuvre en apportant des modifications à l’ouvrage que dans la seule
mesure où elles sont rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques
ou de sécurité publique légitimés par les nécessités du service public et notamment la destination de
l’ouvrage ou son adaptation à des besoins nouveaux. »

Les juges précisent leur position et imposent, pour légitimer les modifications, de rapporter
la preuve de ce qu’elles sont strictement indispensables.
Ici, la preuve a contrario était rapportée : il existait, à dire d’expert, d’autres solutions
permettant d’atteindre les objectifs sans altérer l’œuvre.
La notion d’« impératifs esthétiques » (qui n’apparaissait pas dans la jurisprudence Bonnier/
Bull) semble plus discutable et les termes mêmes sont potentiellement antinomiques. Une
autre décision postérieure reprend les mêmes principes2.

1. Arrêt du Conseil d’État du 11 septembre 2006, Agopyan/ville de Nantes, requête n° 265 174
2. Arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 1er octobre 2008, Mikaelian/ville de Montrouge
| La propriété intellectuelle en BIM

Il s’agissait ici de la modernisation et de la transformation d’un ouvrage public, la bibliothèque-discothèquesalle de


réunion de la ville de Montrouge.
« Mais considérant que si, en raison de la vocation d’un ouvrage public tel que celui conçu par son architecte, M. X, ce dernier ne peut
prétendre imposer au maître de l’ouvrage, en l’occurrence la commune de Montrouge, une intangibilité absolue de son œuvre, la
collectivité ne peut toutefois porter atteinte au droit de l’auteur de l’œuvre, en apportant des modifications à l’ouvrage, que dans la
seule mesure où elles sont rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques,
techniques ou de sécurité publique, légitimés par les nécessités du service public et notamment la
destination de l’ouvrage ou son adaptation à des besoins nouveaux… »
Le droit d’auteur appréhendé dans le processus BIM | 121

7.3 Le droit d’auteur appréhendé dans le


processus BIM
Les sujets relevant de la propriété industrielle en BIM ont été abordés au fil de ce chapitre. Cette partie
s’attachera à l’exposé des sujets afférents aux droits d’auteur en BIM.

7.3.1 Identification des sujets


Il n’existe bien évidemment aucune exception, en cas d’utilisation du BIM, à l’application des
dispositions relatives au droit d’auteur telles qu’exposées ci-avant.
Il convient donc tout d’abord de déterminer objectivement ce qui pourrait conduire à appréhender
différemment, et dans ce cas de quelle manière, lesdites règles du fait de l’utilisation du BIM.
Il s’agira ensuite essentiellement d’anticiper (notamment par des dispositions et engagements
contractuels) des difficultés voire des blocages dans le processus de fonctionnement en tenant compte
des rôles, droits et responsabilités de chacun sans perdre de vue cependant les objectifs et l’intérêt même
du BIM.
Au-delà des aspects « réglementaires » auxquels, à ce jour, le BIM doit se conformer et s’adapter, le
cadre général de réalisation d’une opération de construction demeure inchangé. À cet égard :
• les prestations nécessaires à la réalisation d’une opération de construction demeurent les mêmes
dans un schéma classique et dans un « schéma BIM » ; en phase conception et en phase travaux, le
contenu des missions relatives à l’exécution des tâches utiles n’a pas vocation à changer, d’autant
qu’en tout état de cause, à ce jour, la loi MOP 1 et ses décrets d’application fixant ces missions et
leur contenu doivent être respectés pour les ouvrages publics ; toutefois, l’utilisation du BIM va
générer des tâches supplémentaires (voir ci-avant II.2.3) et il faudra déterminer si elles sont
susceptibles d’impacter la propriété intellectuelle des intervenants auteurs ;
• la répartition du contenu des missions entre les intervenants n’a pas plus, a priori, à évoluer en
BIM. Ainsi, la conception architecturale reste du ressort de l’architecte, la conception technique de
celui des BET… Aussi, en conséquence, la réalité matérielle du processus ne sera pas de nature à
modifier la distribution des qualités d’auteur et des attributs qui y sont attachés.
C’est en réalité le mode de fonctionnement et la méthodologie de « travail » qui sont modifiés du fait de
l’utilisation de la maquette.
La chronologie et l’enchaînement des différents éléments de mission seront vraisemblablement conduits
à évoluer.
Le contenu reste inchangé sur le fond mais sur la forme, le format des rendus doit être adapté, les
performances permises par la maquette rendant obsolètes certaines prescriptions techniques
aujourd’hui applicables.
Surtout, le système collaboratif et l’interopérabilité, qui est un des aspects essentiels des avantages de la
maquette, revisitent et étendent les interfaces entre les intervenants.
Sur les premier et dernier points ci-dessus (chronologie-enchaînement et système collaboratif-
interopérabilité), ainsi que concernant les nouvelles missions générées par l’utilisation et le
fonctionnement de la maquette, il faut s’interroger sur les conséquences potentielles en termes de droit
d’auteur.

1 . Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée
122 | La propriété intellectuelle en BIM

En outre, l’analyse de cette question distinguera trois phases : conception, travaux, exploitation.
Enfin, il faut considérer un deuxième niveau de protection par le droit d’auteur : à côté de la protection
des œuvres (architecture, aménagement, paysage…) contenues dans la maquette, celle de la maquette
BIM elle-même est à envisager.
Elle sera évoquée avant d’aborder les œuvres contenues dans la maquette en phases conception,
réalisation puis exploitation.

7.3.2 Le droit d’auteur au fil des phases d’utilisation du BIM

7.3.2.1 Le droit d’auteur sur la maquette


Une maquette BIM – ou plus précisément un processus BIM – est conçue spécifiquement pour chaque
opération.
Chaque maquette, chaque processus est a priori unique et répond aux besoins et objectifs fixés en
programmation.
Chacun se distingue par une configuration particulière, un mode de fonctionnement, une présentation
et des principes de sélection et de présentation de contenu, de données.
La protection par le droit d’auteur de la maquette elle-même est dès lors envisageable. Tout
d’abord, la condition de formalisation requise pour la protection par le droit d’auteur paraît remplie.
Ensuite, la condition d’originalité est susceptible de l’être également, le concepteur de l’outil ayant une
marge de manœuvre dans l’élaboration et la mise en forme. On peut se référer à ce titre à la
jurisprudence sur la combinaison originale d’éléments qui, en eux-mêmes, ne sont pas originaux.
Il convient de relever que le droit d’auteur, en outre, peut s’appliquer sans considération du mérite et
de la destination de l’objet (en l’occurrence, son caractère exclusivement utilitaire n’est pas de nature à
exclure son application).
Il pourra y avoir un ou plusieurs auteurs concomitants ou successifs de la maquette (son caractère
évolutif pouvant conduire à des interventions sur les paramètres qui la constituent en cours d’opération)
et en fonction du ou des prestataires désignés pour cette fonction.
Le contrat ou les contrats passés pour confier la mission de conception de la maquette permettront a
priori d’identifier les auteurs et la nature de l’œuvre (collaboration/collective).
Le contrat devra également prévoir les cessions ou concessions de droits patrimoniaux d’auteur
nécessaires à son utilisation. Il faudra alors envisager cette utilisation dans le cadre de la conception et
de la réalisation mais aussi également en cas de BIM exploitation.
En cas de maquette unique « évolutive » de phase en phase, les droits seront ceux du concepteur initial
et des concepteurs ultérieurs en cas d’adaptation ; en cas de maquettes différenciées selon chaque phase,
les concepteurs auteurs seront également différents. Il pourra s’agir d’œuvres dérivées (voir
développements ci-avant) à partir de l’œuvre initiale (la maquette conception).
À noter que la maquette est également protégée en tant que base de données, par le droit d’auteur sur
la base de données elle-même, par le droit sui generis applicable aux bases de données (voir
développements ci-avant).

7.3.2.2 Le droit d’auteur sur les œuvres contenues dans la maquette


Le droit d’auteur appréhendé dans le processus BIM | 123

La phase conception
La maquette numérique et l’interopérabilité permettent des interventions diverses et multiples à des
stades très précoces de la conception.
Les avantages en résultant sont incontestables puisqu’il sera ainsi possible de déterminer, prendre en
compte et traiter des contraintes matérielles et techniques de manière précoce dans le processus de
conception.
Dans ce schéma cependant, il faut garder à l’esprit que le projet objet et résultat de cette phase de
conception reste une réponse à un programme exprimant des besoins généraux (fonctionnels et
qualitatifs intégrant la dimension architecturale). La succession des étapes doit rester cohérente au
regard des objectifs à atteindre.
Ainsi, le schéma général a vocation à demeurer celui consistant à permettre au concepteur (l’architecte
le plus souvent) de formaliser, en amont de toute autre intervention, un projet suffisamment avancé
répondant au programme et prenant à ce titre en considération les spécifications techniques requises
dont le traitement sera à la charge des BET ; en d’autres termes, le projet architectural doit permettre
leur intégration.
Il convient de noter à ce sujet que les études techniques sont en principe des outils au service de la
réalisation du projet architectural. Il n’en demeure pas moins que chaque opération est spécifique et
doit être appréhendée comme telle.
Certaines exigences programmatiques techniques, en termes par exemple de performance énergétique,
pourront justifier une intervention très en amont des bureaux d’études techniques, intervention
impactant directement ou indirectement la formalisation (au sens du droit d’auteur) en cours du projet.
Cette situation n’est cependant pas nouvelle ni spécifique au BIM. Simplement, celui-ci (puisque c’est
son but même) rend ce processus d’intervention plus accessible, pratique et rapide matériellement.
Les phases collaboratives pourront à ce titre être précisées dans leur objectif et leurs modalités dans le
but de déterminer si elles sont de nature à impacter le statut des intervenants et à élargir à certains
d’entre eux la qualité d’auteur qui ne leur serait pas attribuable dans un schéma classique.
En conséquence, en considération du droit d’auteur, dans un souci de transparence, pour éviter toute
difficulté et tout litige et rendre ainsi le dispositif efficient et sûr pour chacun des utilisateurs et
bénéficiaires, il convient que soient prévus à cet égard, de manière adaptée à chaque opération :
• l’enchaînement des interventions (au sein de la maîtrise d’œuvre mais aussi plus largement) ;
• les phases de conception collaborative et/ou partagée : qui, quand, comment, etc. ;
• les modalités d’élaboration des PEO (plans d’exécution des ouvrages) s’ils sont à la charge de la
maîtrise d’œuvre ;
• la traçabilité constante des interventions respectives de chacun afin de permettre de déterminer, en
application des principes évoqués ci-avant, la qualité d’auteur ou de coauteur.
Les contrats et le protocole seront les outils adaptés à cet effet.
D’une manière générale, l’auteur, les auteurs ou les coauteurs d’une œuvre doivent pouvoir
identifier toute intervention sur la maquette de nature à impacter les aspects formels originaux
(en tout ou partie) du projet (ou de la part de projet sur laquelle ils détiennent la propriété
intellectuelle).
Ils doivent en effet pouvoir l’analyser et, à défaut de validation, sauf nécessité impérieuse (voir
jurisprudence ci-avant), ils doivent pouvoir proposer des adaptations dans le cadre du respect de leur
œuvre.
124 | La propriété intellectuelle en BIM

À compter de la conception formalisée d’une œuvre originale, le ou les auteurs ont le droit de voir
figurer leur nom en cette qualité ; il conviendra de veiller à ce que tous les documents et éléments
reproduisant ou montrant tout ou partie de leur œuvre (notamment ceux figurant dans la maquette)
fassent mention de ce nom et de cette qualité à tout moment du processus.

La phase travaux
Les principes développés concernant la phase conception demeurent applicables en tant que de besoin,
notamment en cas d’études demandées à la maîtrise d’œuvre pendant le chantier (modifications du
projet par exemple).
En phase travaux, les entreprises ont pour tâche la réalisation des travaux d’édification de l’ouvrage
conçu préalablement. Si elles ont la charge des PEO (plans d’exécution des ouvrages), elles réaliseront
ceux-ci dans le cadre du processus BIM sur le fondement des éléments auxquels elles auront
connaissance et/ou accès au sein de la maquette. Techniquement, cette tâche sera ainsi facilitée (par
l’utilisation de la maquette) mais il n’existe a priori aucun bouleversement au regard d’un processus
classique.
Dans le cadre du visa des PEO par la maîtrise d’œuvre, il s’agira de vérifier leur conformité au projet
tant d’un point de vue technique qu’architectural.
Cette étape sera donc de nature à permettre aux auteurs de vérifier le respect de leur œuvre.
Là encore, il s’agira, dans le cadre du protocole BIM, de déterminer le déroulement du visa et
logiquement terminer par le visa architectural ou plus largement le visa des auteurs ou coauteurs
permettant de sécuriser la construction en termes de propriété intellectuelle. Ce « circuit » sera
opposable aux entreprises mais aussi à l’ensemble des intervenants.
Avant l’intervention des entreprises, et dans l’optique de préservation des droits d’auteur et plus
précisément du droit moral au respect de l’œuvre, il peut être envisagé de « verrouiller » certaines parties
du projet, signifiant par là même leur intangibilité formelle.
Toutefois, cette faculté ne peut qu’être traitée comme une exception compte tenu des objectifs mêmes
du BIM.

La phase exploitation
Au regard des potentialités de la maquette au stade du fonctionnement, de l’utilisation et de
l’exploitation du bâtiment, l’appréhension du droit d’auteur est nécessaire.
En effet, il conviendra, pour pouvoir réutiliser les études (au sens large) formalisées (et contenues dans
la maquette) des architectes concepteurs et plus largement de tout auteur, de s’assurer de la cession
préalable et valable des droits patrimoniaux nécessaires.
En outre, il faudra prendre en considération le droit moral des auteurs :
• droit au nom sur les ouvrages, leur reproduction par tout moyen, etc. ;
• droit au respect de l’œuvre ; c’est l’aspect le plus prégnant. Rendant les plans d’origine facilement
accessibles et utilisables (c’est son but), la maquette ne peut permettre de se dédouaner du droit
d’auteur.
À ce titre, des mentions particulières dans la maquette elle-même, qui sera fournie à l’utilisateur, attirant
l’attention sur cette dimension, devront être insérées.
Des alertes pourraient par ailleurs être envisagées, permettant aux auteurs identifiés d’être prévenus en
cas d’intervention sur leur projet pour leur permettre de vérifier, le cas échéant, la portée de ces
interventions et leur compatibilité avec le respect de leur propriété intellectuelle ; puis d’intervenir pour
Le droit d’auteur appréhendé dans le processus BIM | 125

proposer ou orienter des solutions alternatives en fonction des objectifs recherchés. Ce système
impliquerait évidemment l’information de l’utilisateur.
Le verrouillage, là encore, peut être aussi envisagé, avant remise de la maquette à l’utilisateur, à l’issue
de l’exécution de la mission de maîtrise d’œuvre, de certaines parties concernant les aspects les plus
originaux et symboliques de l’ouvrage (et identifiés comme tels par les auteurs) afin de circonscrire les
interventions qui, sans accord préalable des concepteurs, sont de nature à porter atteinte à leurs droits
d’auteur.
Une telle solution doit toutefois être limitée dans son usage puisqu’elle est par nature contraire à l’esprit
même du BIM. Elle doit s’utiliser de manière raisonnable.

L’intervention du BIM manager


Les tâches qui seront dévolues au BIM manager, ou plus exactement les tâches complémentaires
rendues nécessaires par la mise en place du BIM, n’apparaissent pas de nature à avoir des implications
sur l’élaboration même du projet et, partant, sur le droit d’auteur.
En effet, il ne saurait a priori s’agir d’intervenir dans la conception technique ou architecturale.
Les actions relatives à l’alimentation ou l’entretien de la maquette, si elles devaient avoir la moindre
incidence sur le projet, devraient en tout état de cause être soumises aux auteurs ou coauteurs.
Il en serait de même a fortiori pour les actions éventuelles relatives à des opérations de synthèse.
La traçabilité est un aspect essentiel au regard notamment du droit d’auteur ; les auteurs doivent en effet
pouvoir connaître et suivre, à tout moment, les interventions sur leurs œuvres et la nature de ces
interventions. Le BIM manager, ou plus précisément le concepteur de la maquette et celui qui aura la
mission de l’entretenir et la gérer, pourrait en être responsable à cet égard vis-à-vis des auteurs.
Là encore, le protocole devra prescrire clairement ces modalités.

En synthèse
Le processus BIM ne bouleverse pas les rôles des acteurs ni en conséquence la titularité des
droits de propriété intellectuelle dans un processus BIM.
Il importe également à ce titre de bien cerner les missions de chacun et de veiller à la
traçabilité des interventions et de l’évolution du projet dans la maquette.
En BIM, les droits de propriété intellectuelle doivent s’entendre comme ceux portant sur les
œuvres, titres, éléments… contenus dans la maquette et ceux relatifs à la maquette elle-
même.
Conclusion

Le développement d’un projet en BIM soulève un certain nombre d’interrogations juridiques


de la part des acteurs de la construction (maîtres d’ouvrage publics ou privés, intervenants
de la maîtrise d’œuvre, entreprises, gestionnaires, exploitants, etc.).
Face à l’évolution dans les pratiques et les méthodes de travail induite par le BIM, ces acteurs
manifestent une double attente : une demande de méthodologie dans la pratique du BIM
d’une part – un besoin de connaître les « règles du jeu » – et un besoin de sécurisation dans
la mise en œuvre du processus d’autre part.
Cette attente d’un encadrement de la pratique du BIM, par des textes normatifs ou des guides
de bonnes pratiques, trouve à l’évidence son origine dans la nouveauté de la pratique et
l’inexistence d’une réglementation spécifique au BIM.
Cette absence de textes législatifs ou réglementaires n’est toutefois pas un obstacle pour
répondre tout à la fois aux attentes des acteurs et au développement du BIM : la technique
juridique offre en effet des solutions pour encadrer les nouvelles pratiques issues du BIM et
par là même les sécuriser.
C’est ainsi au travers de l’outil contractuel, caractérisé par sa souplesse, que les tâches, les
missions, le travail collaboratif inhérent au BIM seront précisés et qu’en cas de difficultés,
l’origine des difficultés et la recherche des responsabilités pourront être établies.
Certes, des questions demeurent en l’état : il y sera répondu au fur et à mesure du
développement de la pratique du BIM et des décisions qui pourront être rendues en la
matière par les juridictions. La pratique du BIM étant loin d’être figée, les réponses aux
interrogations ne le sont pas non plus : c’est par une collaboration étroite avec les praticiens
que les juristes pourront, à chaque étape, imaginer et développer des réponses et solutions
adaptées à chaque question.
Chez le même éditeur

BIM et maquette numérique pour l’architecture, le bâtiment et la construction


Olivier Celnik & Éric Lebègue (dir.), préface de Bertrand Delcambre, deuxième édition 2016,
768 pages, coédition Eyrolles/CSTB

Manuel BIM. Théorie et applications


Karen Kensek, préface de Bertrand Delcambre, 2015, 256 pages

Conduire un projet de construction à l’aide du BIM


Éric Lebègue & José Antonio Cuba Segura, 2015, 80 pages, coédition Eyrolles/CSTB

BIM et maîtrise d’ouvrage


José Antonio Cuba Segura, 2016, 80 pages, coédition Eyrolles/CSTB

Management et collaboration BIM


Serge K. Levan, 2016, 144 pages

Le BIM appliqué à la gestion du projet de construction. Méthode, flux de travaux et outils


Brad Hardin & Dave McCool, 2016, 380 pages

Le LEAN appliqué à la construction : comment optimiser la gestion de projet et réduire coûts et délais dans le
bâtiment
Éric Dupin, 2014, 160 pages

Revit : initiation et perfectionnement par la structure


Jonathan Renou, nouvelle édition 2016, 482 pages

Revit Architecture
Julie Guézo et Pierre Navarra, 2016, 448 pages

SketchUp pour les architectes


Olivier Lehmann, Sandro Varano & Jean-Paul Wetzel, 2014, 246 pages

Blender pour l’architecture


Matthieu Dupont de Dinechin, deuxième édition 2015, 336 pages

…et des dizaines d’autres livres de BTP, de génie


civil, de construction et d’architecture sur
www.editions-eyrolles.com

Vous aimerez peut-être aussi