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Le recours au BIM modifi e à plusieurs niveaux les pratiques contractuelles traditionnelles des marchés de maîtrise d’œuvre
et de travaux.
Ce sont des solutions juridiques nouvelles qui, en conciliant l’évolution des technologies avec les contraintes des opérations
de construction – publiques et privées – permettront au BIM de prendre l’ampleur voulue.
Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin proposent ici des solutions pratiques pour que les acteurs d’un projet – maîtres
d’ouvrage, maîtres d’œuvre et entreprises – puissent adapter leurs contrats. À cette fi n, ces deux avocates spécialisées
mettent en exergue les conséquences induites par l’adoption du BIM sur les pratiques contractuelles traditionnelles et, pour
chacune des phases de la préparation puis de l’exécution d’une opération de construction, elles donnent les conseils
nécessaires pour rédiger les documents contractuels.
« Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin proposent Sommaire une approche pragmatique aux questions que
soulève L’état du droit en BIM • Pratique juridique du BIM en le BIM au regard du droit.
phase de préparation de l’opération • Les missions
Grâce à leur talent pédagogique associé à leur fi ne en BIM • Les responsabilités • Le protocole BIM • connaissance
de la théorie du droit – mais aussi de
Pratique juridique du BIM en phase exploitation
la vraie vie du monde de la construction, de la réalité des projets
et des chantiers comme des litiges et maintenance • La propriété intellectuelle en BIM des accords – elles nous
ce livre que le droit n’est pas une discipline ingrate
montrent notamment dans Avocates au Barreau de Paris, Amélie
Blandin et Anneet inabordable mais, au contraire, un outil au service
www.cstb.fr www.batipedia.com
Anne-Marie Bellenger
Amélie Blandin
Préface .................................................................................................................. 1
Introduction ....................................................................................................... 5
Conclusion.......................................................................................................... 115
Table des matières
Préface .............................................................................................................. 1
Introduction ................................................................................................. 5
exploitation-maintenance...................................... 85
6.1 La nécessité d’exprimer les attentes pour l’exploitation- maintenance
dès la programmation de l’opération .......................... 85
Conclusion.................................................................................................... 115
Préface
« Quelle est ma responsabilité si je transmets à mon ingénieur (ou au maître d’ouvrage ou à une
entreprise) un fichier dans lequel un poteau n’est pas au bon endroit ou n’a pas les bonnes
caractéristiques ? »
Cette question ne date pas d’hier, à l’occasion de la livraison par Internet de la maquette
numérique d’un projet BIMé, dans laquelle chaque objet de construction est modélisé en 3D et
renseigné en 4 ou même en 7D, mais des dernières décennies du siècle passé, lorsque les calques
numériques commençaient à remplacer les calques papier, et qu’on les échangeait sur des
disquettes souples, sur lesquelles un poteau n’était rien de plus qu’un cercle dessiné d’une
certaine façon.
La fiabilité technique était approximative, les méthodes d’organisation balbutiantes, les
codifications absentes ou à l’inverse trop rigides, et le terrain juridique incertain, voire ignoré
de tous. Et pourtant, les professionnels de la construction ont ainsi échangé des données
numériques depuis plus de trente ans, sans remise en cause ni problèmes majeurs.
La transition numérique en général et le BIM en particulier bouleversent-ils aujourd’hui le
paysage et les pratiques, ou ne constituent-ils qu’une évolution, une synthèse, de ce que sont,
ou devraient être, les modes de collaboration fondamentaux des acteurs du projet ?
Il faut donc saluer le travail d’Anne-Marie Bellenger et Amélie Blandin qui proposent une
approche pragmatique aux questions que soulève le BIM au regard du droit.
J’ai eu le plaisir de les accueillir au sein du Mastère Spécialisé BIM, première formation
diplômante en France ouverte en 2014 par l’École des ponts ParisTech et l’ESTP, et d’y créer
le premier module d’enseignement sur les aspects juridiques et contractuels du BIM, où ont été
posées les bases de ce qui allait devenir cet ouvrage. À la lecture de leurs premiers écrits réservés
aux mastériens, j’étais déjà convaincu qu’ils seraient utiles au plus grand nombre, non seulement
par les développements spécifiques au BIM, mais aussi par le rappel des grandes notions que
tous les professionnels devraient connaître : droit, responsabilité, contrat, propriété
intellectuelle…
Les mastériens, représentatifs de la diversité des professions du monde de la construction et
des expériences professionnelles, leur ont alors réservé le meilleur accueil, ce que la deuxième
promotion vient de renouveler quelques mois avant la parution de cet ouvrage.
Grâce à la pédagogie des intervenantes et à leur fine connaissance de la théorie du droit mais
aussi de la vraie vie du monde de la construction, de la réalité des projets et des chantiers, des
litiges et des accords, les mastériens ont compris que le droit n’était pas une discipline ingrate
et inabordable, mais au contraire un outil au service de leur réflexion et de leurs projets.
2 | Préface
Il est intéressant de constater que nombre de sceptiques du BIM se réfugient derrière une
apparente absence de sécurisation juridique pour justifier leur attentisme (« tant que le cadre
juridique n’est pas clairement établi, on ne bouge pas »), alors que les témoignages des
premiers responsables BIM de grands – et moins grands – projets exposent qu’ils sont allés
de l’avant sans bases contractuelles, avec leur simple bonne volonté… et que cela a
fonctionné (« on avance en marchant, on n’a pas de certitude absolue, mais il faut y aller »).
La vérité est vraisemblablement entre les deux attitudes. Il faut que les droits et devoirs de
chaque acteur soient définis et fixés par écrit, afin d’éviter toute ambiguïté, à commencer par
celle d’un vocabulaire pas encore stabilisé, et d’assurer la traçabilité des actions de chacun,
de son apport au travail collaboratif commun, et notamment de son intervention sur la ou,
sans doute, les maquette(s) numérique(s) du projet.
Mais il faut aussi que les écrits soient simples et limpides, au risque que des procédures trop
complexes ne freinent l’appétence des intervenants, et que des règles trop rigides ne figent
le développement d’un projet qui doit pouvoir évoluer au fil des phases et des itérations.
Par la voix du plan Transition numérique dans le bâtiment (PTNB), l’État a choisi
d’accompagner le monde de la construction vers le BIM non par la loi qui l’imposerait mais
par l’incitation : donner envie, donner confiance, donner les moyens, à tous les acteurs, en
veillant à ne pas laisser les plus petits sur le bord de la route, artisans comme petites
structures d’ingénierie ou d’architecture.
Je pense que la confiance naît de la connaissance, à commencer par celle du contexte
réglementaire dans lequel on évolue. Une fois les règles du jeu débattues, fixées et acceptées
par chacun en toute connaissance de cause et de ses droits, on peut se consacrer au projet
et à sa construction, qui restent la finalité de l’action, le BIM comme le droit n’en étant que
des moyens, certes incontournables.
Le BIM est sans doute davantage une évolution des pratiques qu’un bouleversement, voire
un retour aux fondamentaux.
Les nouveaux documents qui apparaissent avec le BIM, cahier des charges de la maîtrise
d’ouvrage, convention ou protocole de la maîtrise d’œuvre, guides de modélisation et
d’enrichissement de données, livrables numériques … sont avant tout l’occasion de
(re)définir explicitement des notions de base, oubliées ou parfois distordues par l’habitude
et l’implicite. La démarche BIM fait parfois bouger le curseur de la répartition des rôles entre
les intervenants, ou celui de l’évolution du projet entre les phases, mais n’induit pas ni
n’impose de modifications fondamentales. Un projet reste composé de plusieurs phases
contractuelles successives, définies dans un contrat avec des objectifs et des livrables
correspondants. Les acteurs maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, entreprises de construction
ou d’exploitation, demeurent et ne sont pas interchangeables, chacun a son rôle et ses
responsabilités propres. On peut craindre qu’ils soient confondus ou dilués, ou au contraire
faire en sorte que, grâce à ces connaissances en organisation et en droit, tout soit au contraire
plus clair et plus sûr.
Le travail collaboratif enthousiaste et confiant de tous les acteurs peut sembler un vœu naïf
et angélique, ignorant la réalité des tensions, des antagonismes, des intérêts divergents. On
constate pourtant que la démarche BIM, le travail autour d’une même maquette, favorise le
dialogue et la communication, et concentre les énergies au service du projet.
Préface | 3
Dans le récent rapport du groupe de travail coordonné par Xavier Pican, sur le
développement des outils numériques appliqués au secteur du bâtiment, on notera avec
intérêt la conclusion que le BIM sera essentiellement contractuel et non juridique. Ce n’est
pas la loi qui fixera un cadre unique et rigide, mais au contraire le contrat qui devra prendre
en compte les spécificités de chaque projet, avec son contexte et ses acteurs.
Il n’est pas besoin d’inventer de nouvelles règles, tout au plus d’adapter certains détails
d’application, il faut surtout connaître et appliquer les fondamentaux.
Il ne faut pas craindre les responsabilités (souvent par conscience de son ignorance), il faut les
connaître, les assumer, les revendiquer, et même alors les valoriser.
La connaissance des principes de base du droit de la construction, de la commande, de la
propriété intellectuelle et du droit d’auteurs, et leur application pratique au BIM, tels qu’ils
sont présentés dans les pages qui suivent, permettront à chacun de définir sa place et de
jouer son rôle avec confiance et enthousiasme.
Olivier Celnik
Architecte, enseignant, expert BIM
Codirecteur du Mastère Spécialisé BIM,
École des ponts ParisTech/ESTP
Introduction
Cette définition est très générale et l’approche juridique du BIM nécessite de prendre en compte les
diverses situations concrètes envisageables qui engendrent des configurations différentes en termes
matériels et juridiques.
Elles dépendent de plusieurs paramètres, notamment :
• le choix du niveau de « fonctionnement » de la maquette (1, 2, 3) ;
• le choix du niveau de développement de la maquette (conception/réalisation/exploitation-
maintenance) ;
• les finalités, les attendus de la maquette (et le paramétrage consécutif) ;
• le choix du montage contractuel (contrat traditionnel, conception-réalisation, PPP).
La combinaison des choix ainsi arrêtés engendre des schémas qui suscitent des questionnements
juridiques variés en termes de missions ou de responsabilités notamment.
La volonté de pragmatisme a guidé la rédaction de cet ouvrage et a conduit à retenir des principes
généraux afin de répondre aux interrogations soulevées par la pratique, principalement autour de sept
thèmes, lesquels seront successivement abordés ci-après :
• l’état du droit en BIM ;
• la pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération ;
• les missions en BIM ;
• les responsabilités en BIM ;
• le protocole BIM ;
• le BIM en phase exécution-maintenance ; • la propriété intellectuelle et le BIM.
chapitre 1
La réglementation spécifique au BIM est à ce jour quasi inexistante en France. Les seules dispositions
normatives sont issues de la transposition dans le droit français de la directive européenne 2014/24/UE
du 26 février 2014, par l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et son décret
d’application du 25 mars 2016, lesquelles visent plus largement « les outils de modélisation électronique
des données du bâtiment ».
La jurisprudence est inexistante, les tribunaux n’ayant pas eu l’occasion de se prononcer sur une pratique
encore trop récente.
De ce fait, de nombreuses initiatives ont vu le jour et plusieurs chantiers ont été menés ou sont en cours
afin de tenter d’orienter, de préciser, voire de donner un cadre aux projets développés en BIM.
C’est dans ce contexte que la pratique du BIM se développe aujourd’hui ; elle fait émerger une forte
demande, venant de nombreux acteurs, de disposer de davantage de repères voire de normes pour les
guider. Si l’adaptation de certains textes, en particulier de la loi MOP, semble nécessaire, il n’est en
revanche pas certain que l’adoption d’une réglementation spécifique au BIM soit nécessaire ou
opportune.
lisation « d’outils électroniques particuliers tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou
des outils similaires », sous réserve d’offrir aux candidats « d’autres moyens d’accès » si ces outils ne sont pas
communément disponibles.
Appliquée au BIM, la directive offre donc la possibilité à un maître d’ouvrage public d’exiger, dans
l’avis d’appel public à la concurrence pour la passation d’un marché de travaux ou dans l’avis de
concours, l’utilisation de la maquette numérique BIM, à condition d’offrir aux candidats des moyens
permettant effectivement à tous de participer à la consultation et d’y répondre.
La directive 2014/24, comme l’ensemble des textes communautaires, n’est pas d’application directe
mais doit être transposée dans le droit français, ce qui a été fait par l’ordonnance 2015899 du 23 juillet
Si l’ordonnance en elle-même n’aborde pas le thème du BIM au travers de l’utilisation des outils
électroniques d’échanges et de communication, c’est son décret d’application qui franchit le pas et qui
constitue le premier acte normatif du droit français relatif au BIM.
Dans leur travail de transposition, les États membres disposent d’une certaine marge de liberté à
condition, bien entendu, de respecter scrupuleusement les objectifs du texte européen.
Au regard du texte de la directive 2014/24 indiquant que « les États membres peuvent exiger l’utilisation d’outils
électroniques particuliers tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment », trois solutions
étaient envisageables pour procéder à la transposition de la règle européenne en droit français :
• la première solution consistait, à l’instar de certains pays et notamment de nos voisins européens
comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark, la Finlande ou encore la Norvège, à imposer
l’utilisation du BIM pour les projets de construction publics – le cas échéant en limitant cette
obligation aux projets les plus importants, c’est-à-dire dont le montant aurait dépassé un certain seuil
;
• la deuxième solution dont disposaient les pouvoirs publics français dans leur travail de transposition
consistait, plutôt que de rendre l’utilisation du BIM obligatoire, à encourager le recours au BIM,
voire à le favoriser ou à le faciliter, notamment au travers de différentes mesures incitatives comme
cela a été fait, par exemple, pour encourager la dématérialisation des procédures de mise en
concurrence à travers la possibilité offerte aux pouvoirs adjudicateurs de réduire les délais minimaux
de dépôt des candidatures et des offres, en cas de transmission électronique de l’avis d’appel public
à la concurrence et de mise en ligne du dossier de consultation des entreprises sur le profil acheteur 1
;
• enfin, la troisième solution se limitait à une transposition pure et simple des dispositions de la
directive, se contentant de reprendre son texte et de mentionner la faculté des pouvoirs adjudicateurs
de recourir au BIM pour les marchés de travaux et les concours.
C’est cette dernière voie qui a été privilégiée par les pouvoirs publics français, au travers de la réforme
des marchés publics traduite par l’ordonnance n° 2015-899 en date du 23 juillet 2015 et, en matière de
BIM, du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics dont le texte prévoit, en son article 42, la
possibilité pour le pouvoir adjudicateur, en cas de nécessité, d’exiger l’utilisation d’outils électroniques
tels que des outils de modélisation du bâtiment ou des outils similaires, sous réserve qu’une telle exigence
ne restreigne pas l’accès à la consultation et au marché, ce qui induit l’obligation du pouvoir adjudicateur
de prévoir d’autres moyens d’accès.
Article 42
« I. Les dispositifs utilisés pour communiquer par des moyens électroniques ainsi que leurs caractéristiques
techniques ne sont pas discriminatoires et ne restreignent pas l’accès des opérateurs économiques à la procédure
de passation. Ils sont communément disponibles et compatibles avec les technologies de l’information et de la
communication généralement utilisées.
Les outils et les dispositifs de communication et d’échanges d’information par voie électronique répondent à des
exigences minimales déterminées par arrêté du ministre chargé de l’Économie.
II. L’acheteur assure la confidentialité et la sécurité des transactions sur un réseau informatique accessible de façon
non discriminatoire selon des modalités fixées par l’arrêté mentionné au I. Les frais d’accès au réseau restent à la
charge de l’opérateur économique.
1 . Notamment article 57 du code des marchés publics 2006 pour la procédure d’appel d’offres, article 65 pour la procédure
négociée
10 | L’état du droit en BIM
Les communications, les échanges et le stockage d’informations sont effectués de manière à assurer l’intégrité des
données et la confidentialité des candidatures, des offres et des demandes de participation et à garantir que
l’acheteur ne prend connaissance de leur contenu qu’à l’expiration du délai prévu pour leur présentation.
III. L’acheteur peut, si nécessaire, exiger l’utilisation d’outils et de dispositifs qui ne sont pas communément
disponibles, tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires.
Dans ce cas, l’acheteur offre d’autres moyens d’accès au sens du IV, jusqu’à ce que ces outils et dispositifs soient
devenus communément disponibles aux opérateurs économiques.
IV. L’acheteur est réputé offrir d’autres moyens d’accès appropriés dans tous les cas suivants :
1° lorsqu’il offre gratuitement un accès sans restriction, complet et direct par moyen électronique à ces outils et
dispositifs à partir de la date de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou de la date d’envoi de l’invitation à
confirmer l’intérêt ou, en l’absence d’un tel avis ou d’une telle invitation, à compter du lancement de la consultation.
Le texte de l’avis ou de l’invitation à confirmer l’intérêt précise l’adresse Internet à laquelle ces outils et dispositifs
sont accessibles ;
2° lorsqu’il veille à ce que les opérateurs économiques n’ayant pas accès à ces outils et dispositifs ni la possibilité de
se les procurer dans les délais requis, à condition que l’absence d’accès ne soit pas imputable à l’opérateur
économique concerné, puissent accéder à la procédure de passation du marché public en utilisant des jetons
provisoires mis gratuitement à disposition en ligne ;
3° lorsqu’il assure la disponibilité d’une autre voie de présentation électronique des offres. »
En synthèse
Un maître d’ouvrage public peut requérir, au stade de l’avis d’appel public, non
seulement que le projet soit développé en BIM, mais aussi un rendu sous forme
de maquette numérique BIM au stade de la procédure de mise en concurrence,
à condition de mettre à la disposition des candidats, gratuitement, les outils qui
permettront à tous, et particulièrement ceux non équipés, de répondre et de
soumettre une offre puis d’exécuter le marché.
| 11
En pratique, un maître d’ouvrage désireux de développer son projet en BIM prendra le soin de mettre
en place une procédure de mise en concurrence restreinte et d’exiger, au stade de la candidature, que les
candidats justifient non seulement de leurs moyens matériels mais surtout des compétences et références
des membres de l’équipe en BIM. Cette précaution, indispensable, permettra de ne sélectionner pour la
phase de remise des offres que des candidats expérimentés et donc, en principe, équipés pour répondre
en BIM.
1 1. www.mission-numerique-batiment.fr
2 2. www.territoires.gouv.fr
12 | L’état du droit en BIM
de la rénovation des bâtiments, d’autre part au moment de l’habitation des bâtiments. Le rapport
formule onze propositions, pour tenter de répondre aux problématiques juridiques liées à
l’utilisation de la maquette
BIM.
• Le plan Urbanisme, construction et architecture (PUCA) : service interministériel rattaché à la
direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN), le PUCA est une
agence nationale de la recherche et de l’expérimentation dans le domaine de l’urbanisme et de la
construction3. Dans le cadre du groupe projet « BIM-maquette numérique » du Prebat, le PUCA et
ses partenaires ont lancé en mai 2013 un appel à propositions sur « la constitution d’un corpus de
clauses contractuelles destiné à sécuriser les relations entre les partenaires » puis, au mois de juin
2014, un appel aux bonnes pratiques en matière de maquette numérique dont l’objet est tout à la
fois de diffuser les retours d’expériences et d’expérimenter ainsi qu’évaluer les processus, concepts,
idées et services en lien avec le BIM4.
• Mediaconstruct : représentant français du BuildingSMART International, Mediaconstruct a pour
objectif de généraliser le partage de données dématérialisées dans la construction, promouvoir et
accompagner l’usage de la maquette numérique basée sur un standard (open-BIM), faciliter
l’émergence de nouvelles méthodes de travail collaboratives.
Parmi ses nombreux travaux, Mediaconstruct a notamment élaboré un guide méthodologique de
rédaction d’une convention d’exécution BIM, outil général d'aide pour l'élaboration d'une
convention spécifique à chaque projet.
• Syntec-Ingénierie : auteur d’un cahier pratique publié par Le Moniteur5 « BIM/Maquette numérique
– Contenu et niveaux de développement ».
Il ne s’agit que de quelques exemples des nombreux travaux ou chantiers en cours et dont l’objectif est,
en précisant son cadre d’application, de promouvoir l’usage du BIM en France.
1. www.batiment-numerique.fr
2. www.planbatimentdurable.fr
3. www.urbanisme-puca.gouv.fr
4. lemoniteur.fr, « Le PUCA recense les bonnes pratiques sur le BIM », J.Nicolas, 26/06/2014 5. Le Moniteur n° 5763 du 9
mai 2014
Le cadre réglementaire français nécessite-t-il une évolution au regard du BIM ?
En synthèse
De nombreuses réflexions sont menées sur les conditions d’utilisation du BIM, dont certaines
ont abouti à des propositions concrètes. Ces propositions n’ont toutefois aucun caractère
contraignant et ne peuvent donc être utilisées qu’en tant que guides.
1 . Jusqu’au 31 mars 2016 ; le code des marchés publics reste applicable aux marchés en cours et aux procédures lancées avant le
31 mars 2016.
2 . Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée
14 | L’état du droit en BIM
toire de mise en concurrence est gouvernée par les principes de liberté d’accès, d’égalité de
traitement et de transparence des procédures, applicables tout au long de la procédure.
La possibilité d’imposer l’utilisation du BIM, comme la possibilité d’exiger la remise d’une
maquette BIM au stade de l’offre, ne devrait pas entrer en contradiction avec ces principes
pourvu que, dans le souci de n’engendrer aucune discrimination, le pouvoir adjudicateur
offre aux candidats un accès gratuit aux outils permettant une réponse en BIM.
L’expression par le maître d’ouvrage, dans l’avis d’appel public à la concurrence et les
documents de la consultation, d’une exigence BIM, si elle est clairement autorisée, soulève
néanmoins des questions et impose une vigilance particulière du maître d’ouvrage 1.
Concernant ensuite la phase d’exécution du marché, si aucune disposition de la loi MOP ou
de ses textes d’application (décret du 29 novembre 1993 et arrêté du 21 décembre 1993) 2
n’interdit l’utilisation du BIM, son contenu semble pourtant clairement inadapté au BIM. La
loi ayant été rédigée à une heure où seuls les plans « papier » constituaient les supports de
travail et les livrables, le format des rendus et les échelles imposées sont obsolètes lorsque le
projet est mené en BIM. Par ailleurs, sans remettre en cause le séquençage des missions de
maîtrise d’œuvre, le contenu de chaque élément de mission tel qu’il est défini par la loi (ESQ,
APS, APD, PRO, ACT, DET, AOR) ne correspond clairement plus à la réalité de
l’enchaînement des tâches dans un projet en BIM, tout particulièrement en phase de
conception où le projet sera, en BIM, défini de manière plus précise beaucoup plus
rapidement que dans un processus de conception classique.
En synthèse
Les textes encadrant la passation et l’exécution des marchés nécessaires à la
réalisation d’ouvrages publics n’interdisent pas le développement du projet en
BIM ; pour autant, des précautions devront être prises par le pouvoir
adjudicateur, en particulier au stade de la mise en concurrence.
2. Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres
d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé ; arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités
techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics
à des prestataires de droit privé (JORF du 13 janvier 1994 p. 713).
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Le cadre réglementaire français nécessite-t-il une évolution au regard du BIM ?
recours au BIM pour les projets publics : Grande-Bretagne, États-Unis, Finlande, Hong Kong, Corée
du Sud notamment.
On l’a vu, en France, les pouvoirs publics n’ont pas choisi la voie de la contrainte au travers du décret
du 25 mars 2016 dont l’article 42 n’a ni pour objet ni pour effet d’imposer le développement de certains
projets en BIM mais offre expressément la possibilité pour les maîtres d’ouvrage publics de l’exiger de
leurs prestataires.
Au-delà, les textes relatifs à la commande publique devront plus globalement prendre en compte
l’évolution des technologies de l’information, notamment au stade de la passation, et intégrer par
exemple, au titre des critères de sélection des offres, la possibilité pour le maître d’ouvrage de retenir, à
côté des critères traditionnels du prix, de la qualité, de la valeur technique, également celui des outils
numériques proposés1.
de préparation de l’opération
1. La section II du chapitre I de l’ordonnance du 23 juillet 2015 est consacrée à la « définition préalable des besoins » ; son
article 30 dispose que : « La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en
prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. » L’article 30 reprend
le texte de l’article 5 du code des marchés publics en vigueur jusqu’au 1er avril 2016.
2. Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée
3. En marché public la jurisprudence encadre de manière très stricte les hypothèses dans lesquelles le maître d’œuvre peut
obtenir, en plus de son forfait de rémunération, des honoraires supplémentaires : dans une décision rendue par le Conseil
d’État le 29/09/2010 (CE 29 septembre 2010, Sté Babel, req. n° 319481), trois hypothèses pouvant conduire à une sortie du
forfait et à un ajustement de la rémunération du maître d’œuvre ont été définies : d’une part l’existence de « modification de
programme ou de modification de prestations décidées par le maître de l’ouvrage », d’autre part l’exécution de « missions ou prestations non
prévues au marché de maîtrise d’œuvre, non décidées par le maître d’ouvrage » si « elles ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage selon les
règles de l’art » ou si le maître d’œuvre a été confronté à « des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont
la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l’économie du contrat ».
Impacts juridiques du BIM au stade de la programmation
20 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération
2.1.2 Les impacts juridiques du BIM au stade de la programmation
Dans la définition de son programme, le choix du processus BIM induira pour le maître d’ouvrage des
conséquences différentes au regard :
• de la nature de l’opération ;
• du montage contractuel adopté par le maître d’ouvrage ;
• des besoins du maître d’ouvrage.
entre maîtrise d’œuvre et entrepreneur, le marché de conception-réalisation devant permettre au maître d’ouvrage de « confier
par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d’infrastructure, à une personne de droit privé, une mission
portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux, lorsque des motifs d’ordre technique ou d’engagement contractuel sur un
niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage. Un décret précise les
conditions d’application du présent alinéa en modifiant, en tant que de besoin, pour les personnes publiques régies par le code des marchés publics,
les dispositions de ce code ».
21 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération
même équipe : il leur revient en conséquence de s’organiser en interne pour assurer les
conditions de collaboration et de partage des données de la maquette. À la différence du
montage classique, la maîtrise d’ouvrage n’a donc pas, en conception-réalisation, à intégrer
cette réflexion en phase de programmation.
Dans les marchés globaux et contrats de partenariat (PPP) qui confient au même prestataire,
outre la conception et la construction de l’ouvrage, son exploitation et/ou sa maintenance,
ce montage contractuel permet d’intégrer naturellement, dès la phase de conception, les
données nécessaires à l’exploitation dans la maquette numérique BIM, ce qui doit être
anticipé plus précisément tant en montage contractuel loi MOP qu’en conception-
réalisation. La présence de l’exploitant dès la phase de conception permettra aux concepteurs
d’intégrer ses besoins dans la maquette.
• ensuite parce que, au-delà de l’intérêt qui existe pour le maître d’ouvrage à connaître et
définir finement ses besoins, le cahier des charges est aussi indispensable pour les autres
acteurs de l’opération : il sera communiqué aux équipes candidates lors de la passation
du contrat (de maîtrise d’œuvre, de conception-réalisation ou de partenariat) pour leur
permettre de connaître les exigences du maître d’ouvrage et de formaliser leur offre en
matière de BIM ;
• enfin parce que le cahier des charges constitue le document de référence, le socle à partir
duquel le processus BIM sera développé tout au long de l’opération.
Le cahier des charges doit en conséquence être un document clair et précis, qui expose ce
que le maître d’ouvrage attend pour chaque phase du projet. À l’heure actuelle, ils sont le
plus souvent élaborés par un spécialiste BIM, auquel le maître d’ouvrage confie une mission
d’AMO BIM1.
Le cahier des charges BIM fixe de la manière la plus précise possible les besoins à satisfaire
; dans son travail de définition, le maître d’ouvrage doit toutefois veiller à ne pas sortir du
rôle qui est le sien et à ne pas s’immiscer dans la mission du titulaire, notamment celle du
maître d’œuvre : le cahier des charges, s’il doit décrire les résultats attendus, ne peut imposer
une méthode pour les atteindre.
Ainsi, le cahier des charges pourra comporter, sans que cette liste ne revête un caractère
obligatoire ou exhaustif :
• un lexique des termes spécifiques au BIM : en l’absence de définitions légales,
réglementaires ou faisant consensus, il est fortement conseillé de préciser la définition
des termes employés dans la mesure où l’on observe souvent, en pratique, que le sens
d’une même notion diffère d’un acteur à l’autre ;
• un exposé général et bref de l’approche BIM par le maître d’ouvrage ainsi que ses attentes
générales ;
• les caractéristiques techniques (ou « prescriptions techniques ») de la maquette BIM ou,
le cas échéant, des maquettes métiers ainsi que le contenu de la maquette, soit :
– définition des livrables attendus par la maîtrise d’ouvrage (maquette
unique/maquettes métiers, etc.),
– définition des conditions de mise à disposition de la maquette de conception au stade
de l’exécution des travaux (montage classique MOP),
– définition des attentes de la maîtrise d’ouvrage en phase d’exploitation de l’ouvrage ;
• en montage classique MOP, les conditions de management de la maquette : son
titulaire et sa mission.
On le voit, la phase programmation et le rôle du maître d’ouvrage pendant cette étape sont
donc plus que jamais essentiels lorsque l’opération est menée en BIM.
En synthèse
Le cahier des charges BIM devra être rédigé avec attention, clarté et précision par
le maître d’ouvrage. Les prescriptions du cahier des charges sont opposables à
l’ensemble des intervenants, c’est-à-dire aux maîtres d’œuvre auxquels il
s’adresse en priorité, mais aussi au maître d’ouvrage qui est également lié par son
contenu ; il constitue un document contractuel qui figurera dans la liste des
documents du marché (ouvrage public) ou qui sera annexé au contrat (opération
de construction privée). Si, malgré l’aide d’un AMO, le maître d’ouvrage est dans
l’incapacité de décider à ce stade de tous les détails du process, le contenu du
cahier des charges pourra être précisé, affiné, voire modifié au cours de
l’avancement des études. Les prestataires et en particulier les maîtres d’œuvre
veilleront, en cas d’imprécision ou d’élément programmatique non défini, à
interroger le maître d’ouvrage et à lui demander qu’il se positionne et arrête ses
choix. Confrontée à un maître d’ouvrage dans l’incapacité, par manque de
compétences ou d’expérience, de fixer ses besoins essentiels en termes de BIM,
la maîtrise d’œuvre, au titre de son obligation de conseil, devra lui suggérer de se
faire assister d’un AMO BIM.
La phase de programmation, le rôle essentiel du maître d’ouvrage et, le cas
échéant, de l’AMO BIM qui l’assiste sont donc plus que jamais essentiels lorsque
l’opération est menée en BIM.
intervenants ultérieurs (maquette numérique du site). Cette maquette, élaborée avant tout
commencement des études de conception, sera alors utilisée par les concepteurs dans le cadre de
l’exécution de leurs propres missions BIM, permettant ainsi d’éviter un travail de ressaisie des données.
| 25
Dans une opération de réhabilitation, à défaut de fourniture par le maître d’ouvrage d’une maquette du
site, le maître d’œuvre devra élaborer sa maquette de conception à partir des données communiquées
par le maître d’ouvrage ; cette tâche spécifique, qui peut être complexe selon le site et l’ouvrage qu’elle
concerne, devra être distincte de la mission « de base » et faire l’objet d’une rémunération adéquate.
Ceci est d’autant plus souhaitable que cette tâche spécifique est susceptible d’entraîner des conséquences
importantes pour le maître d’œuvre en cas d’erreur de saisie.
En synthèse
Le choix du process BIM induit des impacts juridiques spécifiques lors de la phase
de préparation de l’opération lorsqu’elle porte sur la réhabilitation ou la
restructuration d’un ouvrage existant. Le maître d’ouvrage doit en effet définir à
ce stade les conditions dans lesquelles les données matérielles de l’existant
seront communiquées aux concepteurs, en particulier si la tâche de numérisation
– et la responsabilité qu’elle induit en cas d’erreur – est réalisée par la maîtrise
d’ouvrage (qui missionnera un spécialiste) ou intégrée à la mission de maîtrise
d’œuvre.
2.2.2 Missions et responsabilités du géomètre expert en BIM
Le géomètre expert s’insère naturellement dans la phase de préparation d’une opération de construction
eu égard à la nécessité pour le maître d’ouvrage de connaître précisément l’étendue et les limites de sa
propriété.
Le géomètre expert est le seul professionnel habilité par la loi à dresser des plans et documents
topographiques ayant une incidence foncière : il identifie, mesure, évalue la propriété immobilière,
qu’elle soit publique ou privée, bâtie ou non, tant en surface que sous le sol, et enregistre les relevés
ainsi réalisés et celui des droits réels (droit de propriété, d’usufruit, de nue-propriété) qui y sont attachés.
Les relevés réalisés par un géomètre expert sont attestés par les mentions devant figurer sur ces relevés
: date, signature et cachet du géomètre expert. Le géomètre expert garantit ainsi l’exactitude et la fiabilité
des données relevées, et engage sa responsabilité en cas d’erreur sur cellesci. Pour ces raisons, le
géomètre expert doit impérativement souscrire une assurance le garantissant contre les conséquences
financières qui peuvent découler de sa responsabilité civile professionnelle et destinée à indemniser le
maître d’ouvrage en cas d’erreur dans ses relevés.
Dans une démarche BIM, les relevés réalisés par le géomètre expert peuvent être produits en 3D dans
une maquette numérique qui sera ensuite mise à disposition des intervenants postérieurs. La mission
du géomètre expert pourra à cet égard ne pas se limiter aux relevés ayant une incidence foncière mais
être plus globale et concerner l’ensemble de l’existant.
Dans tous les cas, l’étendue de la mission qui lui est confiée devra être définie, s’agissant notamment de
la précision attendue par le maître d’ouvrage des relevés numériques commandés.
Relevons enfin que le monopole réservé aux géomètres experts pour les relevés ayant une incidence
foncière n’interdit pas au maître d’ouvrage de confier à tout autre professionnel compétent la mission
de procéder aux relevés sans incidence foncière.
Au-delà du relevé de l’existant, lorsque l’opération concerne la réhabilitation ou la restructuration d’un
immeuble existant, la réalisation d’une étude de diagnostic est indispensable.
1. Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à
des prestataires de droit privé et arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de
mission de maîtrise d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé.
Le BIM au stade de la mise en concurrence | 27
législatives et réglementaires permettent au maître d’ouvrage de formuler des exigences en BIM tant en
phase de candidature qu’en phase d’offre.
Article 1
« I. Les marchés publics soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d’accès à la commande
publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.
Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. »
Ces principes fondamentaux mentionnés au I de l’article 1 er – liberté d’accès, égalité de traitement,
transparence des procédures – sont des principes à valeur constitutionnelle, ils s’imposent à tous les
1 . Pour les architectes, le code des devoirs professionnels impose la forme écrite du contrat (article 11, décret n° 80-217 du 20
mars 1980).
28 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération
marchés de la commande publique et constituent le fondement même des règles contenues dans
l’ordonnance du 23 juillet 2015 et son décret d’application du 25 mars 20161.
• La liberté d’accès implique que tous les opérateurs intéressés puissent proposer leurs services pour
répondre au besoin exprimé par le pouvoir adjudicateur, ce qui suppose qu’ils puissent en être
informés grâce à l’organisation d’une publicité adéquate.
• L’égalité de traitement interdit toute pratique discriminatoire de nature à favoriser certains
opérateurs ou candidats au marché ; cette égalité de traitement s’impose à tous les stades de la mise
en concurrence.
• La transparence des procédures constitue la garantie d’une véritable mise en concurrence, elle
implique notamment que le pouvoir adjudicateur fasse connaître non seulement la nature de son
besoin, mais aussi les conditions dans lesquelles il sera procédé à la sélection de l’attributaire du
marché.
L’ordonnance du 23 juillet 2015 et son décret d’application définissent un certain nombre de règles et
de formalités à respecter par le pouvoir adjudicateur dans les procédures de publicité et de mise en
concurrence préalables auxquelles il doit se soumettre. Ces règles et les obligations qu’elles génèrent
pour le pouvoir adjudicateur varient en fonction de trois critères : l’identité du pouvoir adjudicateur, la
nature du marché à passer (marché de travaux, de fournitures ou de services) et le montant du marché
à passer : plus le montant du marché est élevé, plus les obligations de publicité et de mise en concurrence
imposées au pouvoir adjudicateur sont importantes 2.
Article 42
« III. L’acheteur peut, si nécessaire, exiger l’utilisation d’outils et de dispositifs qui ne sont pas communément
disponibles, tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires.
Dans ce cas, l’acheteur offre d’autres moyens d’accès au sens du IV, jusqu’à ce que ces outils et dispositifs soient
devenus communément disponibles aux opérateurs économiques.
IV. L’acheteur est réputé offrir d’autres moyens d’accès appropriés dans tous les cas suivants :
1° lorsqu’il offre gratuitement un accès sans restriction, complet et direct par moyen électronique à ces outils et
dispositifs à partir de la date de publication de l’avis d’appel public à la concurrence ou de la date d’envoi de
l’invitation à confirmer l’intérêt, ou en l’absence d’un tel avis ou d’une telle invitation, à compter du lancement de
la consultation. Le texte de l’avis ou de l’invitation à confirmer l’intérêt précise l’adresse Internet à laquelle ces outils
et dispositifs sont accessibles ;
2° lorsqu’il permet que les opérateurs économiques n’ayant pas accès à ces outils et dispositifs ni la
possibilité de se les procurer dans les délais requis, à condition que l’absence d’accès ne soit pas
imputable à l’opérateur économique concerné, participent gratuitement à la procédure de passation
du marché public, par l’intermédiaire d’accès temporaire ;
3° lorsqu’il assure la disponibilité d’une autre voie de présentation électronique des offres. »
Concrètement, l’article 42 du décret du 25 mars 2016 ouvre donc la possibilité pour le maître
d’ouvrage d’exiger des candidats qu’ils remettent leur offre sous forme de maquette
numérique BIM, à condition de mettre à la disposition des candidats non équipés les outils
leur permettant également de répondre sous forme de maquette numérique BIM1. L’objectif
de cette disposition est bien de ne pas pénaliser les candidats qui ne seraient pas dotés du
matériel et des outils leur permettant de satisfaire à la demande du maître d’ouvrage, étant
donné que ces outils ne sont aujourd’hui pas « communément disponibles » selon les termes
mêmes du décret.
La rédaction de l’article 42.III appelle deux remarques, s’agissant en premier lieu de la
précision, au premier alinéa de la possibilité pour l’acheteur d’imposer cette exigence « si
nécessaire » : le maître d’ouvrage doit-il justifier de la nécessité d’exiger une réponse sous
forme d’une maquette BIM ? Cette précision doit-elle être interprétée comme une condition
impérative à l’exigence formulée par le maître d’ouvrage ou simplement comme une limite
pour éviter une telle exigence qui ne serait pas justifiée par l’objet du marché ? Quand bien
même il semblerait qu’aucune condition supplémentaire ne soit imposée à l’acheteur, aucun
élément ne permet de trancher la question à ce jour. En second lieu, les termes employés
pour désigner les outils dont l’utilisation peut être exigée souffrent, volontairement peut-
être, d’imprécision : la notion « d’outil de modélisation électronique des données du bâtiment
» est large, elle englobe aussi bien la maquette numérique BIM que les maquettes numériques
3D simples et les plans réalisés sous format numérique.
En synthèse
La possibilité pour le maître d’ouvrage d’exiger une réponse sous forme de
maquette numérique BIM est expressément reconnue par l’article 42 du décret
du 25 mars 2016. Quelles que soient par ailleurs les exigences que l’acheteur
public souhaite formuler en matière de BIM lors de la phase de mise en
concurrence, leur légalité devra être appréciée au regard des principes
fondamentaux de liberté d’accès, d’égalité de traitement des candidats et de
transparence des procédures, réaffirmés à l’occasion de la récente réforme des
marchés publics entrée en vigueur le 1er avril 2016 ainsi que par l’abondante
jurisprudence rendue en la matière par les juridictions administratives sur
l’étendue des pouvoirs du maître d’ouvrage public au stade de la mise en
concurrence et sanctionnant systématiquement le non-respect desdits principes.
2.3.2 L’intégration du BIM au stade des candidatures
Que peut concrètement exiger le maître d’ouvrage en vue de l’analyse des candidatures ?
Quelles sont les précautions à prendre ?
1. Distinction des procédures « ouvertes » et des procédures « restreintes » : la procédure ouverte permet à tout
candidat intéressé de déposer une offre ; en pratique, le candidat dépose simultanément un dossier de
candidature et d’offre. Au contraire, la procédure est dite restreinte lorsque le pouvoir adjudicateur décide de
limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre. Dans une procédure restreinte, les candidats
doivent dans un premier temps déposer un dossier de candidature et ce n’est que si leur candidature est retenue
par le pouvoir adjudicateur qu’ils pourront, dans un second temps, déposer un dossier d’offre. La procédure
restreinte opère ainsi une « présélection » en phase de candidature. Pour exemple, en marchés publics, le
Le BIM au stade de la mise en concurrence | 31
concours de maîtrise d’œuvre est toujours une procédure restreinte, lors de laquelle seules les équipes dont le
dossier de candidature a été jugé parmi les meilleurs, au regard de critères de sélection annoncés dans l’avis de
concours, seront autorisées à remettre une offre.
Le maître d’ouvrage peut-il exiger que l’équipe candidate présente des compétences en BIM ou en
BIM management ?
Oui. Cette exigence, si elle est justifiée par l’objet du marché, a pour but de permettre au
maître d’ouvrage d’apprécier l’aptitude du candidat à mener un projet en BIM et satisfait
pleinement aux principes régissant la passation des contrats de la commande publique.
Le maître d’ouvrage peut-il exiger que l’équipe candidate comprenne un BIM manager ?
Dans la mesure où la notion de « BIM manager » n’est aujourd’hui pas fixée et donc sujette
à des définitions différentes, il est préférable, plutôt que d’exiger un BIM manager, de
requérir des compétences en BIM (ou en BIM management) au sein de l’équipe. Toutefois,
s’il souhaite qu’une personne soit précisément identifiée et nommée « BIM manager » au
sein de l’équipe, afin de disposer d’un interlocuteur et d’un professionnel dédié à certaines
tâches précises, le maître d’ouvrage pourra retenir alors cette dénomination, sous réserve
d’une part de définir le sens de « BIM manager », c’est-à-dire de préciser le contenu des
tâches qu’il entend lui confier, d’autre part d’adjoindre aux termes « BIM manager » employés
la précision « ou équivalent ».
Exemples de rédaction de clauses :
« Le candidat (candidature individuelle ou groupement) devra disposer obligatoirement des capacités
professionnelles et compétences nécessaires à l’exécution de la mission dans les domaines suivants :
architecture, ingénierie du bâtiment, économie de la construction, développement durable, paysage, BIM
management, etc. »
Lorsque le maître d’ouvrage exigera que la fonction de BIM management soit exercée par
un membre identifié de l’équipe, il pourra insérer cette clause :
« Le candidat (candidature individuelle ou groupement) devra disposer obligatoirement des capacités
professionnelles et compétences nécessaires à l’exécution de la mission dans les domaines suivants :
architecture, ingénierie du bâtiment, économie de la construction, développement durable, paysage, BIM
management. Les capacités et compétences professionnelles ci-dessus
désignées devront être exercées par des personnes distinctes nommément désignées. » Autre
rédaction possible :
« L’équipe candidate devra justifier des compétences suivantes : architecte, ingénieur du bâtiment,
économiste de la construction, paysagiste, BIM manager ou équivalent capable… [description des
compétences attendues] »
Le maître d’ouvrage peut-il exiger que le candidat justifie d’une formation diplômante en BIM (ou en
BIM management) ?
Non. Les formations dédiées au BIM et aboutissant à la délivrance d’un diplôme universitaire
ou professionnel reconnu ne sont à l’heure actuelle pas suffisamment nombreuses ; une telle
exigence serait donc discriminatoire.
Le maître d’ouvrage peut-il exiger que le dossier de candidature fasse état d’expériences de projets
menés en BIM ou de missions BIM ?
Oui. Une telle demande formulée dans l’avis d’appel public à la concurrence ne soulève pas
de difficulté particulière, dès lors qu’elle est effectivement justifiée par les besoins du marché.
32 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération
Le maître d’ouvrage peut-il prévoir, au titre des critères d’appréciation des candidatures, la qualité
des références fournies en BIM ?
Dès lors qu’il sollicite des capacités professionnelles en BIM (compétences et/ou références),
il est légitime de s’interroger sur la possibilité qui en découle, pour le maître d’ouvrage, de
prévoir que la qualité de ces capacités professionnelles constituera un critère d’appréciation
des candidatures. Il convient de garder à l’esprit que le BIM n’est pas une fin en soi mais un
outil dont l’objectif est la réalisation de l’ouvrage ; il semble donc plus raisonnable, à ce stade,
de ne pas établir un critère spécifique mais de l’intégrer dans un critère plus global, qui
viserait par exemple la « qualité des références présentées au regard des prestations à réaliser ».
Comment s’assurer de la compétence BIM annoncée par le candidat dans son dossier de candidature
? Peut-on exiger, au stade de la candidature, la remise d’une maquette numérique BIM justifiant de la
compétence du candidat ?
Certains maîtres d’ouvrage ou AMO BIM manifestent le souci de pouvoir vérifier, voire
contrôler la réalité des compétences BIM annoncées par les candidats.
Au stade de la candidature, il n’est pas possible d’exiger des candidats qu’ils remettent un
exemplaire d’une maquette numérique qu’ils auraient réalisée ou dont ils auraient été le chef
d’orchestre en tant que BIM manager. Les compétences seront vérifiées au travers des
références produites, le maître d’ouvrage ayant la possibilité d’entrer en contact avec le maître
d’ouvrage des opérations citées afin d’obtenir davantage d’informations.
1 . Article 53 du code des marchés publics en vigueur jusqu’au 1er avril 2016
34 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération
La question est plutôt de savoir si l’exigence d’une maquette numérique BIM est opportune
et justifiée dès l’appel d’offres ou le concours.
En tout état de cause, si elle est exigée, le maître d’ouvrage devra déterminer dans le
règlement de la consultation les règles imposées aux candidats, s’agissant en particulier des
principes de modélisation et de l’utilisation de couleurs. Il devra en outre rappeler aux
candidats l’exigence du respect de l’anonymat et prévoir lui-même les conditions particulières
dans lesquelles il s’en assurera. Il pourra à cet égard, préalablement à l’ouverture des plis
contenant les offres et avant leur examen, charger un prestataire (informaticien) de vérifier
le parfait anonymat des maquettes et, le cas échéant, de le rétablir. Enfin, dans cette
hypothèse, le maître d’ouvrage veillera également à préciser, dans le règlement de la
consultation, le devenir des maquettes BIM produites par les candidats non retenus. Il est
préconisé qu’elles ne deviennent pas la propriété du maître d’ouvrage et que leurs auteurs
restent investis de leurs droits de propriété intellectuelle.
Le maître d’ouvrage doit-il prévoir une indemnisation des candidats lorsque l’offre est accompagnée
de la remise d’une maquette numérique BIM ?
Le maître d’ouvrage peut exiger que les offres soient accompagnées d’échantillons, de
maquettes ou de prototypes ainsi que de tout document permettant d’apprécier l’offre
présentée. Lorsque ces demandes impliquent un investissement significatif pour les
candidats, les textes prévoient qu’elles donnent lieu au versement d’une prime dont le
montant doit être indiqué dans les documents de la consultation (article 57.III du décret du
25 mars 2016). L’obligation de prévoir une prime est reprise dans les dispositions spécifiques
aux marchés de maîtrise d’œuvre, l’article 90 précisant les modalités de calcul de la prime
lorsque le maître d’ouvrage est soumis à la loi MOP :
Article 90 III
« Lorsque l’acheteur est soumis à la loi du 12 juillet 1985 susvisée1 et organise un concours, les
opérateurs économiques qui ont remis des prestations conformes au règlement du concours
bénéficient d’une prime. Le montant de cette prime est égal au prix estimé des études à effectuer par
les candidats, affecté d’un abattement au plus égal à 20 %. La prime est allouée aux candidats sur
proposition du jury.
Lorsque l’acheteur n’est pas soumis à la loi du 12 juillet 1985 susvisée1 ou lorsqu’il n’organise pas de
concours, les participants qui ont remis des prestations conformes aux documents de la consultation
bénéficient d’une prime dont le montant est librement défini par l’acheteur.
Dans tous les cas, le montant de la prime est indiqué dans les documents de la consultation et la
rémunération du titulaire du marché public de maîtrise d’œuvre tient compte de la prime reçue pour
sa participation à la procédure. »
L’exigence par le maître d’ouvrage de la fourniture d’une maquette numérique BIM par les
candidats à l’appui du dossier d’offre doit donc faire l’objet d’une indemnisation versée sous
forme de prime.
Le maître d’ouvrage peut-il exiger l’utilisation d’un format ou d’un logiciel spécifique ? Non. Les
spécifications techniques exigées par le maître d’ouvrage dans l’avis d’appel public à la
concurrence ne doivent pas être discriminatoires. La mention de marques est ainsi interdite
dans la rédaction des avis d’appel public à la concurrence et des dossiers de consultation
1 . www.legifrance.gouv.fr
Le BIM au stade de la mise en concurrence | 35
pour la passation de marchés publics. Elle n’est autorisée, à titre dérogatoire, que si une
description suffisamment précise et intelligible du produit est impossible et doit, dans ce cas,
être accompagnée de la mention « ou équivalent ».
Dès lors, sous quel format le maître d’ouvrage peut-il imposer l’échange des données de la maquette
?
Le maître d’ouvrage devra exiger que les offres des candidats soient remises sous format IFC
et/ou natif. Le format IFC est libre et gratuit ; il a été reconnu en tant que norme ISO
(16739:2013) et, pour ces raisons, le maître d’ouvrage peut imposer son utilisation.
Le maître d’ouvrage peut-il imposer l’utilisation d’un logiciel nommément désigné afin d’assurer la
compatibilité avec sa base de données ou avec son système d’exploitation ?
Au regard des principes régissant la mention de marques, le maître d’ouvrage ne pourra
régulièrement exiger l’utilisation d’un logiciel spécifique qu’à condition de pouvoir justifier
que seul ce logiciel, à l’exclusion de tout autre, est en mesure d’assurer la compatibilité des
données de la maquette avec son système. Dans cette hypothèse, le maître d’ouvrage prendra
impérativement la précaution de mentionner le nom du logiciel avec la précision « ou
équivalent ».
Le maître d’ouvrage peut-il prévoir, au titre des critères de jugement des offres, « la qualité de la
réponse apportée en termes de maquette numérique BIM » ?
Dès lors que l’on considère que, sous les conditions et précautions formulées supra, le maître
d’ouvrage est en droit, si l’objet du marché le justifie, d’exiger la fourniture d’une maquette
numérique au stade de l’offre, il n’existe pas d’obstacle à faire figurer, au titre des critères de
jugement des offres, la qualité de la réponse dans sa composante maquette numérique BIM.
Comment se traduit en pratique l’obligation pour le maître d’ouvrage d’offrir un accès libre et gratuit
aux outils de modélisation dont il exige l’utilisation ?
Il semble que l’hypothèse dans laquelle le maître d’ouvrage serait dans l’obligation
d’envisager concrètement la mise en place d’un accès libre et gratuit aux logiciels sera limitée.
En effet, il est plus probable d’envisager que le maître d’ouvrage initiera une procédure de
mise en concurrence restreinte qui lui permettra, au terme de la première phase de sélection
des offres, de ne retenir que les équipes qui présentent des compétences en BIM et sont
équipées.
L’obligation d’offrir un accès libre et gratuit aux candidats qui ne seraient pas équipés
trouverait néanmoins une application concrète dans l’hypothèse d’une mise en concurrence
ouverte (c’est-à-dire lors de laquelle les candidats remettent simultanément un dossier de
candidature et un dossier d’offre, le pouvoir adjudicateur ne restreignant pas le nombre de
candidats admis à présenter une offre), qui exigerait une réponse sous forme de maquette
numérique (par exemple pour le choix d’une entreprise générale de travaux). Dans ce cas, le
maître d’ouvrage sera avisé d’indiquer dans l’avis d’appel public à la concurrence les
modalités selon lesquelles il permet aux candidats non outillés de répondre : téléchargement
d’un logiciel gratuit par exemple, ou encore mise à disposition dans les locaux du maître
d’ouvrage, ou dans des locaux dédiés, des outils nécessaires.
36 | Pratique juridique du BIM en phase de préparation de l’opération
« Sans empiéter sur le territoire de l’autre, nous avons besoin de dépasser un peu nos disciplines et de partager
nos exigences métier, le tout dans le respect du savoir-faire de chacun qui sera alors reconnu. » Cette
réflexion de Marie-Claire Coin (Eiffage Construction) dans le cadre d’un entretien accordé
à Mediaconstruct1 nous paraît adéquate pour illustrer la situation et les enjeux. Le « décor »
est ainsi posé et, avant d’entamer l’intrigue, nous évoquerons le rôle et la posture des
principaux acteurs d’une opération de construction (3.1).
Puis, pour mesurer l’impact du BIM sur les missions des acteurs de l’opération, seront
rappelées les missions traditionnelles dans le cadre d’un schéma « classique » (3.2).
Nous envisagerons ensuite lesdites missions traditionnelles dans un processus BIM (3.3).
Enfin, nous aborderons les missions/fonctions nouvelles générées par l’usage de ce
processus (3.4).
Lorsque le maître d’ouvrage est une personne morale de droit public, son rôle et ses missions
sont définis précisément par la loi MOP n° 85-704 du 12 juillet 1985 dont les dispositions
sont d’ordre public :
Les acteurs d’une opération de construction ou d’aménagement | 41
« Le maître de l’ouvrage est la personne morale, mentionnée à l’article premier [de la loi n° 85-704 du
12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise
d’œuvre privée], pour laquelle l’ouvrage est construit. Responsable principal de l’ouvrage, il remplit
dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre.
Il lui appartient, après s’être assuré de la faisabilité et de l’opportunité de l’opération envisagée, d’en
déterminer la localisation, d’en définir le programme, d’en arrêter l’enveloppe financière
prévisionnelle, d’en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l’ouvrage sera réalisé
et de conclure, avec les maîtres d’œuvre et entrepreneurs qu’il choisit, les contrats ayant pour objet
les études et l’exécution des travaux. »
Cette loi institue des obligations légales qui s’imposent au maître d’ouvrage public :
• le maître d’ouvrage ne peut renoncer à exercer sa fonction ;
• le maître d’ouvrage a l’obligation de rédiger le programme de l’opération ; dans cette
tâche, il peut se faire assister (en particulier par un programmiste) mais il reste toujours
le seul responsable du programme vis-à-vis de la maîtrise d’œuvre ;
• pour les ouvrages de bâtiments, le maître d’ouvrage a l’obligation de confier au maître
d’œuvre une mission minimale, dite « de base » ;
• sauf exception, le maître d’ouvrage ne peut confier à la fois les missions de maîtrise
d’œuvre et d’entrepreneur à une même entité.
À noter : les dispositions de la loi MOP s’appliquent à tous les maîtres d’ouvrage publics
mais aussi à certains maîtres d’ouvrage privés. Son article 1er définit son champ d’application.
Les personnes morales de droit privé visées par la loi MOP sont (article 1 er) :
• les organismes privés mentionnés à l’article L.124-4 du code de la sécurité sociale
(organismes privés assurant la gestion d’un régime obligatoire d’assurance maladie,
vieillesse, maternité, invalidité, décès, veuvage, accidents de travail, de maladies
professionnelles ou de prestations familiales) ainsi que leurs unions ou fédérations ;
• les organismes privés d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L.411-2 du code
de la construction et de l’habitation (offices publics de l’habitat – OPH, SA d’HLM, SA
coopératives de production, SA coopératives d’intérêt collectif d’HLM, fondation
d’HLM), pour les logements à usage locatif aidés par l’État qu’ils réalisent ;
• les sociétés d’économie mixte pour les logements à usage locatif aidés par l’État qu’elles
réalisent.
Le maître d’ouvrage peut :
• déléguer, par mandat, l’exercice de ses fonctions à un tiers : le maître d’ouvrage « délégué
» (MOD). Mandataire du maître d’ouvrage, le maître d’ouvrage délégué conduit
l’opération de construction pour le compte de ce dernier ;
• se faire assister dans l’exercice de sa mission par un tiers : l’assistant au maître d’ouvrage
(AMO).
(Voir ci-après la définition du MOD et de l’AMO.)
Les fonctions du maître d’œuvre sont diverses et, pour une opération donnée, la maîtrise
d’œuvre est généralement composée de professionnels disposant chacun de compétences
techniques spécifiques : architectes, ingénieurs-conseils, bureaux d’études techniques,
économistes…
Le « groupement de maîtrise d’œuvre » réunit, selon les opérations, certains ou l’ensemble
de ces intervenants en cotraitance dans le cadre contractuel qui les lie au maître d’ouvrage.
Le maître d’œuvre peut être une personne physique ou morale, publique ou privée.
Pour une opération de construction d’un ouvrage public, la maîtrise d’œuvre est définie dans
les textes suivants.
• La loi MOP dont l’article 7 dispose que :
« Le maître d’œuvre est la personne de droit privé ou le groupement de personnes de droit privé
qui doit permettre d’apporter une réponse architecturale, technique et économique au
programme mentionné à l’article 2 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la
maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée. »
Article 74-I
« I. Les marchés de maîtrise d’œuvre ont pour objet, en vue de la réalisation d’un ouvrage ou d’un
projet urbain ou paysager, l’exécution d’un ou plusieurs éléments de mission définis par l’article
7 de la loi du 12 juillet 19851 susmentionné et par le décret du 29 novembre 19932 susmentionné.
»
1 . www.legifrance.gouv.fr
2 . www.legifrance.gouv.fr
Les acteurs d’une opération de construction ou d’aménagement | 43
• Le décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics du 25 mars 2016 1 est entré en
vigueur depuis le 1er avril 2016 et se substitue au code des marchés publics pour tous les
marchés lancés à compter de sa date d’entrée en vigueur. Son article 90 reprend la
définition précitée de l’article 74 du code des marchés publics.
• Le CCAG travaux. Selon l’article 2 du CCAG travaux 2009 (approuvé par l’arrêté du 8
septembre 2009, publié au JORF n° 0227 du 1er octobre 2009, page 15907, texte n° 16)
:
« Le maître d’œuvre est la personne physique ou morale, publique ou privée, qui, en raison de sa
compétence technique, est chargée par le maître de l’ouvrage ou son mandataire, afin d’assurer
la conformité architecturale, technique et économique de la réalisation du projet objet du marché,
de diriger l’exécution des marchés de travaux, de lui proposer leur règlement et de l’assister lors
des opérations de réception ainsi que pendant la période de garantie de parfait achèvement. Les
documents particuliers du marché mentionnent le nom et l’adresse du maître d’œuvre. Si le
maître d’œuvre est une personne morale, il désigne la personne physique qui a seule qualité pour
le représenter, notamment pour signer les ordres de service. »
Le maître d’œuvre peut sous-traiter une partie des missions qui lui sont confiées par le maître
d’ouvrage, à la condition de respecter les dispositions d’ordre public de la loi n° 75-1334 du
31 décembre 1975 relative à la sous-traitance qui imposent l’acceptation du sous-
traitant et l’agrément de ses conditions de paiement par le maître d’ouvrage.
À noter en outre que l’architecte est tenu par les dispositions de l’article 37 du code
des devoirs professionnels applicable à sa profession (décret n° 80-217 du 20 mars
1980) : « L’architecte ne peut ni prendre ni donner en sous-traitance la mission définie à l’alinéa 2 de l’article
32 de la loi sur l’architecture du 3 janvier 1977. »
Cette disposition de la loi de 1977 sur l’architecture dispose : « Le projet architectural mentionné
ci-dessus définit par des plans et documents écrits l’implantation des bâtiments, leur composition, leur
organisation et l’expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. » Le sous-
traitant (même régulier) n’a pas de lien contractuel avec le maître d’ouvrage. Il convient donc
d’être attentif et vigilant pour lui rendre applicables les modalités spécifiques d’exécution de
l’opération susceptibles de le concerner directement ou indirectement, notamment celles
relatives au BIM.
3.1.3 L’entrepreneur
L’entrepreneur est la personne physique ou morale chargée par le maître d’ouvrage
d’exécuter les travaux, sous la direction du maître d’œuvre. Il peut s’agir :
• d’une entreprise générale, qui se voit confier l’exécution de l’intégralité des travaux (le
maître d’ouvrage confie un contrat unique à un seul prestataire qui se charge de la totalité
des travaux directement ou le plus souvent pour partie en sous-traitance, à la condition
de respecter les dispositions d’ordre public de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975
relative à la sous-traitance) ;
1. Pris sur le fondement de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et transposant le volet réglementaire des
directives 2014/24/UE et 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 2.
www.legifrance.gouv.fr
Les missions en BIM
• ou d’une entreprise titulaire d’un, voire plusieurs, lots (le maître d’ouvrage passe alors
autant de contrats qu’il existe de lots, plusieurs lots pouvant être confiés à une même
entreprise si celle-ci réunit plusieurs compétences).
Les prestataires intervenant en sous-traitance exécutent une partie des travaux confiés à
l’entreprise dite « principale » chargée par le maître d’ouvrage de l’exécution des travaux ;
l’entreprise sous-traitante n’est donc pas liée par un contrat au maître d’ouvrage, elle est liée
à l’entreprise principale qui lui sous-traite les travaux. Comme pour la maîtrise d’œuvre (et
d’ailleurs plus généralement pour toutes les sous-traitances opérées par des intervenants
quels qu’ils soient), ce schéma doit être pris en compte afin de veiller à rendre opposables
aux soustraitants concernés (c’est-à-dire à s’assurer qu’ils les respecteront) les éventuelles
modalités particulières d’exécution arrêtées (notamment celles attachées au processus BIM).
On parle de groupement d’entreprises lorsque plusieurs entrepreneurs forment ensemble
une équipe afin de se voir confier, par contrat unique, l’ensemble des lots nécessaires à
l’exécution des travaux de l’ouvrage.
L’entreprise est chargée de réaliser les travaux dans les conditions stipulées par le marché,
c’est-à-dire conformément à un descriptif accepté, pour le prix convenu et dans le délai
convenu.
3.1.4.3 Le programmiste
L’acte de construire un équipement, d’aménager un espace public, de réhabiliter un
bâtiment… ne répond pas à une science exacte. Il se développe au contraire dans un mode
prévisionnel, où l’évaluation de la situation et des besoins prend une part importante : la
démarche de programmation cherche à répondre à cette réalité. Cerner les attentes d’un
Les missions en BIM
maître d’ouvrage, d’un usager, évaluer des surfaces, définir le niveau de qualité du projet,
envisager sa gestion, estimer des coûts d’opération… tels sont les objectifs de la démarche
qui vise à maîtriser le projet depuis « l’intention de faire » jusqu’à sa réalisation et au-delà.
Cette prise en compte d’un maximum de paramètres, le plus en amont possible, participe à
garantir la réussite et la qualité du projet en ce sens qu’il apportera la réponse la plus adaptée
à des objectifs au préalable correctement circonscrits.
Le programmiste est ainsi la personne physique ou morale, publique ou privée, qui va assister
le maître d’ouvrage dans la définition du programme de l’opération.
Cette phase est utile voire indispensable pour toutes les opérations (notamment d’une
certaine importance), qu’elles soient privées ou publiques.
En outre, pour les opérations de construction d’un ouvrage relevant de la loi MOP, la
définition du programme est une obligation pour le maître d’ouvrage. Sans se départir
de cette obligation ni la déléguer, il peut se faire assister par un professionnel compétent (en
ce sens, le programmiste exerce auprès du maître d’ouvrage une mission d’AMO).
Selon la MIQCP (Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques), la
programmation permet au maître d’ouvrage de définir sa commande (en fonction de ses
objectifs et de ses moyens) et de la maîtriser tout au long du processus de réalisation
opérationnelle, pour aboutir à un projet satisfaisant tant qualitativement que techniquement.
Le rôle du programmiste est :
• d’aider le maître d’ouvrage à exprimer et justifier son objectif opérationnel et à définir
les conditions (sociales, urbaines, financières, de calendrier, partenariales, choix du
montage opérationnel…) de sa mise en œuvre ;
• de formaliser une demande pertinente et équilibrée pour le décideur politique, à l’issue
de l’analyse des avantages et des inconvénients de chaque paramètre et option possible.
1 . www2.geometre-expert.fr/
Les acteurs d’une opération de construction ou d’aménagement | 47
et la sécurité des personnes fréquentant les constructions, ainsi que toutes autres règles
applicables au projet suivant ses caractéristiques.
L’intervention du bureau de contrôle vise à la prévention des risques en améliorant la qualité
technique des constructions, leur solidité, ainsi que la sécurité des personnes.
La mission de contrôle technique en construction est ainsi définie à l’article L.111-23 du
Code de la Construction et de l'Habitation (CCH) : « Le contrôleur technique a pour mission de
contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des
ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l’ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes
d’ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes
qui concernent la solidité de l’ouvrage et la sécurité des personnes. »
Il s’agit d’une activité réglementée, réalisée par des sociétés agréées, incompatible avec
l’exercice de toute activité de conception, d’exécution ou d’expertise d’un ouvrage (article
L.111-25 du CCH), afin de garantir au maître d’ouvrage un contrôle indépendant.
Dans l’exercice de sa mission, le bureau de contrôle doit d’une part vérifier la conformité des
solutions proposées par le maître d’œuvre ou le BET de l’entreprise avec la réglementation
en vigueur, d’autre part suivre leur mise en œuvre sur le chantier. Cependant, il ne prescrit
pas de solution.
Le contrôle technique fait également l’objet de dispositions qui figurent aux articles L.111-
23 à L.111-26 et R.111-29 à R.111-42 du code de la construction et de l’habitation et de
dispositions réglementaires et normatives : cahier des clauses techniques générales (décret
n° 99-443 du 28 mai 19991) et norme AFNOR NF P03-100 du 20 septembre 1995.
Le bureau de contrôle exerce sa mission dès la conception, pendant toute la phase de
construction et jusqu’à la réception de l’ouvrage.
1 . www.legifrance.gouv.fr
Les missions en BIM
3.1.4.9 L’OPC
L’ordonnancement, la coordination et le pilotage du chantier (OPC) forment une mission
de maîtrise d’œuvre qui a pour objet :
• l’ordonnancement : c’est-à-dire l’analyse des tâches élémentaires portant sur les études
d’exécution et les travaux, la détermination de leurs enchaînements ainsi que de leur
chemin critique par des documents graphiques ;
• la coordination : il s’agit d’harmoniser dans le temps et dans l’espace les actions des
différents intervenants au stade des travaux ;
• le pilotage : au stade des travaux et jusqu’à la levée des réserves dans les délais impartis
dans le ou les contrats de travaux, le pilote met en application les diverses mesures
d’organisation arrêtées au titre de l’ordonnancement et de la coordination 1.
Cette mission peut être confiée à la maîtrise d’œuvre ou à un intervenant tiers indépendant
de celle-ci et de l’entreprise.
1 . Source : décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres
d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé, article 10
| 49
Les missions traditionnelles dans un schéma « classique »
Les marchés et contrats dont il est question constituent des conventions, au sujet desquelles
l’article 1134 du code civil dispose :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi
autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
À noter qu’au terme de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve
des obligations (ordonnance 2016.131 du 10 février 2016) et à compter du 1er octobre 2016,
il sera substitué à cette disposition la suivante :
« Art. 1193 : les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des
parties, ou pour les causes que la loi autorise. »
On mesure ainsi l’importance des dispositions relatives aux contenus des missions.
En marché privé, les parties négocient librement les modalités d’exécution et le contenu
des missions.
Dans une double limite toutefois :
• celle des contraintes liées au respect des règles de droit commun régissant les
contrats et des dispositions applicables en matière de construction (code de la
construction et de l’habitation, code de l’urbanisme…) ;
• celle de la réalité matérielle et des besoins de l’opération en termes fonctionnels.
En marché public, la loi MOP1 et ses décrets et arrêtés d’application de 1993 2
fixent en revanche un cadre à respecter pour ce qui concerne le marché de
maîtrise d’œuvre :
• La mission de la maîtrise d’œuvre L’article 7 de la loi MOP dispose :
« La mission de maîtrise d’œuvre que le maître de l’ouvrage peut confier à une personne de droit
privé ou à un groupement de personnes de droit privé doit permettre d’apporter une réponse
architecturale, technique et économique au programme mentionné à l’article 2.
Pour la réalisation d’un ouvrage, la mission de maîtrise d’œuvre est distincte de celle
d’entrepreneur. Le maître de l’ouvrage peut confier au maître d’œuvre tout ou partie des
éléments de conception et d’assistance suivants :
• 1° les études d’esquisse ;
• 2° les études d’avant-projets ;
• 3° les études de projet ;
• 4° l’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la passation du contrat de travaux ;
• 5° les études d’exécution ou l’examen de la conformité au projet et le visa de celles qui ont
été faites par l’entrepreneur ;
• 6° la direction de l’exécution du contrat de travaux ;
• 7° l’ordonnancement, le pilotage et la coordination du chantier ;
• 8° l’assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception et pendant
la période de garantie de parfait achèvement.
1 . Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre
privée
2 . Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 et arrêté du 21 décembre 1993
Les missions en BIM
Toutefois, pour les ouvrages de bâtiment, une mission de base fait l’objet d’un contrat unique. Le
contenu de cette mission de base, fixé par catégories d’ouvrages conformément à l’article 10 ci-
après, doit permettre :
• au maître d’œuvre, de réaliser la synthèse architecturale des objectifs et des contraintes du
programme, et de s’assurer du respect, lors de l’exécution de l’ouvrage, des études qu’il a
effectuées ;
• au maître de l’ouvrage, de s’assurer de la qualité de l’ouvrage et du respect du programme et
de procéder à la consultation des entrepreneurs, notamment par lots séparés, et à la
désignation du titulaire du contrat de travaux. »
• En ce qui concerne les entreprises de travaux, elles sont chargées pour leur
part de prestations essentiellement matérielles ; elles peuvent aussi se voir
confier les PEO (plans d’exécution des ouvrages), c’est-à-dire les études
d’exécution qui constituent une phase intermédiaire entre le PRO (projet) de la
maîtrise d’œuvre et la réalisation effective des travaux.
Elles doivent également remettre après la réception de l’ouvrage les éléments
constituant les DOE et DIUO (dossier des ouvrages exécutés et dossier d’intervention
ultérieure sur l’ouvrage).
Le DOE est constitué par le maître d’œuvre aux termes de l’article 11 du décret MOP
précité et défini à l’article 40 CCAG travaux.
1 . Elle comprend les éléments de mission suivants : esquisse, avant-projet, projet, assistance à la passation des
contrats de travaux, direction de l’exécution des contrats de travaux, assistance aux opérations de réception et
pendant l’année de garantie de parfait achèvement.
Les missions traditionnelles en BIM | 51
• L’AMO assiste le maître d’ouvrage dans le cadre des prérogatives qui sont les siennes.
Son rôle ne saurait consister à se substituer aux autres prestataires, tel que le maître
d’œuvre (MOE) par exemple.
La mission du ou des AMO peut être plus ou moins étendue selon les compétences et
les besoins du maître d’ouvrage (MOA) et l’importance ou les particularités de
l’opération. Elle peut porter sur des aspects généraux ou des aspects techniques
spécifiques
(AMO HQE…).
Cette mission doit faire l’objet d’un contrat qui la décrit précisément dans son contenu
et dans ses modalités d’exécution. Les obligations et responsabilités consécutives seront
ainsi déterminées.
• Le contrôleur technique a pour sa part un rôle de vérification d’éléments spécifiques
du projet au fur et à mesure de l’avancement de l’opération 1.
La maîtrise d’œuvre et l’entreprise dont les missions sont particulièrement évoquées ci-
dessus sont les participants « centraux » de l’opération en ce sens que leurs missions sont au
cœur même de son objet : concevoir/réaliser.
Les autres intervenants assument des fonctions essentielles mais, en quelque sorte, satellites
de la conception et de la réalisation.
Il s’agira donc, concernant la description de leurs missions, de :
• se conformer aux prescriptions réglementaires quand il en existe d’applicables ;
• en tout état de cause, les adapter aux besoins propres de l’opération en question et les
rendre cohérentes entre elles dans la mesure où les fonctions respectives de chacune ont
vocation à interférer les unes avec les autres et, plus globalement, traiter les interfaces
entre leurs interventions.
Cette dernière observation vaut pour l’ensemble des « acteurs-intervenants » (y compris bien
évidemment ceux qualifiés ci-dessus de centraux) dont les prestations doivent être
cohérentes les unes avec les autres, compatibles et opposables.
Cette notion d’opposabilité est essentielle : il s’agit de « lier » des prestataires qui n’ont pas
de relation contractuelle entre eux ; chacun d’entre eux est en effet uniquement et
individuellement lié au maître d’ouvrage. Pourtant, l’exécution de leurs missions respectives
doit prendre en compte celles des autres et ceci de manière plus ou moins cruciale selon les
acteurs et les phases de l’opération.
Les missions de chacun des acteurs dans leur contenu même, mais aussi dans leurs
modalités d’exécution, devront donc être cohérentes et prises en considération par tous les
autres intervenants concernés directement ou indirectement.
1 . Pour un exposé plus précis des rôles des divers intervenants, voir supra.
Les missions en BIM
En BIM, ce sont en réalité les moyens, les outils utilisés pour produire, diffuser et « partager
» les études, plans, documents… qui évoluent, dans le sens d’une efficacité accrue sans
modifier la répartition des tâches et des fonctions.
Aux moyens et informations « classiques », qui seront plus rapidement et plus précisément
disponibles, vont s’ajouter des « données » nouvelles et des paramétrages qui fourniront une
vision enrichie du projet dans toutes ses phases de conception et de réalisation.
Cependant, chaque acteur a vocation à rester responsable de la production des rendus ou,
plus largement, des prestations dont il est redevable contractuellement en lien avec ses
capacités et compétences (dans une mesure cependant différente vis-à-vis du maître
d’ouvrage selon que, au sein du groupement dont il est cotraitant, les membres sont conjoints
ou solidaires).
Le BIM, système collaboratif et informatif, a pour ambition de faciliter matériellement et
temporellement le processus de conception, de réalisation puis d’exploitation de l’ouvrage.
De ce constat, il résulte :
• que ce ne sont pas les missions elles-mêmes dans leur finalité qui évoluent en BIM mais
les conditions de leur exécution et, dans une moindre mesure, leur contenu ;
• que chaque acteur professionnel a vocation à continuer à exercer ses prestations dans
son champ de compétence ;
• enfin, que le processus BIM n’a pas pour conséquence d’amalgamer les prestations de
l’ensemble des intervenants, qui ne pourraient plus être identifiées dès lors qu’elles
seraient « intégrées » dans la maquette.
Il est utile d’examiner dans un premier temps les caractéristiques du processus BIM
potentiellement de nature à influer sur les missions.
1. Le PC BIMé nécessitera que la maquette objet du dossier de permis de construire puisse être figée au jour du
dépôt de la demande et la fiabilité de ses données assurée. Il sera également indispensable de permettre aux
services instructeurs de viser la maquette à l’appui de l’autorisation accordée (équivalent du tampon apposé sur
les documents du dossier de permis de construire) afin de garantir le contenu du projet autorisé. S’agissant
enfin du dossier de permis de construire, dont toute personne intéressée doit pouvoir solliciter une copie, il
semble que la communication, sous format papier, des seuls extraits de la maquette correspondant aux plans
et documents listés par le code de l’urbanisme au titre de la composition du dossier de permis de construire
soit envisageable à l’exclusion de toute mise à disposition de la maquette elle-même. Le PC BIMé est à ce jour
au stade de l’expérimentation : la première expérience est menée à Bussy-Saint-Georges avec le soutien de
l’EPA Marne pour la construction d’un programme résidentiel de 109 logements sociaux (architecte : agence
François Pélegrin, maître d’ouvrage : Emmaüs Habitat).
Si l’outil facilite la réalisation des différentes synthèses, il n’en demeure pas moins qu’elles
restent des étapes importantes qui doivent être identifiées (le cas échéant au-delà des
contraintes de la loi MOP) et dont la charge doit être clairement attribuée
contractuellement à un prestataire identifié.
Les missions traditionnelles en BIM | 55
Dans la pratique, il s’agira de prévoir des revues de projet à des étapes caractéristiques
entre les intervenants concernés et ceux attributaires de mission de synthèse pour, sur le
fondement notamment des conflits perçus grâce à l’outil BIM, dégager les solutions. Le
principe, là encore, reste classique : il s’agit dès lors d’intégrer dans la mise en œuvre de
cette tâche les fonctionnalités de la maquette BIM.
• Les PEO (plans d’exécution des ouvrages) : à la charge de la MOE ou de l’entreprise,
ces études (à partir des études de PRO et DCE) pourraient être intégrées à la maquette
conception ou à la maquette construction.
Dans cette hypothèse, il sera nécessaire le cas échéant de traiter contractuellement le
passage entre maquette conception de la maîtrise d’œuvre et maquette construction de
l’entreprise, afin que soit bien établie la réalité du contenu de la maquette remise par la
maîtrise d’œuvre, qui mesurera ses engagements et responsabilités, mais également, en
miroir, ceux de l’entreprise en ce sens qu’elle sera responsable de toutes ses interventions
à partir des éléments fournis dans la maquette conception.
Il conviendra également, en cas de maquette construction, de déterminer éventuellement
la matérialité de l’exercice des visas de la maîtrise d’œuvre sur la maquette construction
de l’entreprise.
• Les visas : article 8 du décret MOP de 1993 : « Lorsque les études d’exécution sont, partiellement
ou intégralement, réalisées par les entreprises, le maître d’œuvre s’assure que les documents qu’elles ont
établis respectent les dispositions du projet et, dans ce cas, leur délivre son visa. » Selon que les PEO
seront ou non intégrés dans la maquette en phase exécution, cette tâche restera
traditionnelle ou devra être adaptée matériellement au nouveau format des éléments à
viser et prévoir donc, le cas échéant, les modalités d’intervention de la maîtrise d’œuvre
sur la maquette de l’entreprise.
• Les DOE (dossiers des ouvrages exécutés) : ils sont évoqués au point 8 des annexes 1,
2 et 3 de l’arrêté précité du 21 décembre 1993 : le maître d’œuvre est chargé « de constituer
le dossier des ouvrages exécutés nécessaires à l’exploitation de l’ouvrage, à partir des plans conformes à
l’exécution remis par l’entrepreneur, des plans de récolement ainsi que des notices de fonctionnement et
des prescriptions de maintenance des fournisseurs d’éléments d’équipement mis en œuvre ».
Il conviendra de déterminer contractuellement les conditions de remise des DOE sous
forme de maquette numérique, notamment en termes de contenu et de degré de détail
des données et de conditions de conservation desdites données dans une perspective
d’utilisation pérenne.
Cette modalité apparaît incontournable pour le moins dans l’hypothèse d’un objectif «
BIM exploitation ». Elle devra faire l’objet d’un encadrement contractuel tant à l’égard
du maître d’œuvre que des entreprises.
La généralisation du BIM devrait donc conduire à adapter les dispositions réglementaires en
question applicables en marché public et, tant en marché public qu’en marché privé, à tenir
compte contractuellement de cet état de fait dans la description des missions et de leur
contenu.
La description des processus permet de constater qu’en réalité les missions doivent s’adapter
au support que constitue la maquette.
3.3.2.2 L’enchaînement dans le temps des éléments de « mission MOP »
Le système de travail séquentiel, issu des pratiques et des réglementations applicables, a
vocation à évoluer. Il convient en effet d’intégrer notamment la dimension transversale et
transparente des modalités de travail en BIM.
Les missions en BIM
Les décrets et arrêtés MOP précités exposent à ce jour les différentes phases qui se succèdent
chronologiquement.
Les potentialités techniques de la maquette, processus d’échanges, interventions
collaboratives, simultanées… conduisent à repenser l’échelonnement des tâches, sauf à
priver le système d’une partie importante des bénéfices qu’il peut offrir.
Ainsi, notamment, la dématérialisation des données « des produits de la construction »
présentés sous forme d’objets numériques et proposés par le biais des e-catalogues, ou de
bibliothèques d’objets numériques, permet aux concepteurs, dans le cadre d’un processus
BIM, de « tester » (par simulation et insertion virtuelles de ces produits dont l’adaptabilité
pourra ainsi en principe être vérifiée) et choisir lesdits produits ou types de produits, au
regard de leurs souhaits et des objectifs performanciels du projet très précocement au niveau
des études.
Ce sont les praticiens qui devront définir la redistribution (dans le temps) nécessaire, discuter
un assouplissement général des dispositions de la MOP sur ce sujet pour parvenir à établir,
opération par opération (ce qui est d’ores et déjà possible en marchés privés), un
enchaînement des tâches.
Il n’en demeure pas moins qu’il restera nécessaire, dans la mise en œuvre de ce
réaménagement, de conserver la ligne directrice du processus de conception ; ce processus
doit s’engager incontestablement sur le fondement d’études de conception architecturales
répondant aux besoins et suffisamment avancées pour servir de support à la poursuite de
son développement, intégrant l’ensemble des dimensions techniques.
En outre, ce nouveau mode de fonctionnement devra également définir le schéma et le
processus des interventions simultanées ou collaboratives et redéfinir ou préciser la gestion
des interfaces appelées à être impactées par le fonctionnement de l’outil. Ce mode de
fonctionnement dépendra du niveau 1, 2 ou 3 de la maquette.
Il est donc nécessaire de traduire contractuellement le schéma qui sera adapté à chaque
opération, afin que toutes les modalités d’exécution des missions des intervenants concernés
soient précisées en cohérence avec le système et en cohérence les unes par rapport aux autres.
1. Voir le rapport de mission « Droit du numérique et bâtiment » remis par Xavier Pican dans le cadre du plan
Transition numérique dans le bâtiment.
2. Sur le protocole BIM : voir chapitre 5.
Missions nouvelles générées par l’utilisation du BIM et leur affectation | 59
3.4.1.1 En amont
Il convient de déterminer, dans un premier temps, ce qui est techniquement attendu en termes de
finalité et de performance de la maquette numérique. Il s’agira donc de :
• définir le niveau de fonctionnement de la maquette (1, 2 ou 3) dont il découlera de fait des modalités
d’intervention, des modes de fonctionnement, des systèmes collaboratifs adaptés et à déterminer ;
• déterminer le niveau de développement de la maquette ; conception/construction/exploitation ;
• définir les finalités de la maquette.
Cette réflexion doit être menée par le maître d’ouvrage, seul s’il dispose en interne des capacités
correspondantes, ou assisté par un tiers, au niveau de la programmation.
Il sera également opportun dès ce stade d’intégrer les éléments de base relatifs à la dimension
collaborative et, le cas échéant, à l’interopérabilité, points centraux dont les modalités devront être
opposables à tous les intervenants.
Cette tâche, si elle n’est pas conservée au sein de la maîtrise d’ouvrage, sera du ressort d’un prestataire
extérieur : intervenant spécialisé, programmiste, membre de la maîtrise d’œuvre (éventuellement
l’architecte) sous réserve du respect des dispositions relatives aux textes de la commande publique.
Le cadre contractuel se situera cependant en amont des marchés de maîtrise d’œuvre (par définition
non encore attribués) ; il pourra s’agir :
• d’un marché spécifique indépendant ;
• d’une prestation complémentaire du marché du programmiste (« classique » de l’opération) ;
• d’une prestation complémentaire dans le cadre d’une étude de faisabilité sous réserve du respect des
règles de mise en concurrence en marchés publics.
1 1. Voir chapitre 5.
62 | Les missions en BIM
1 . Chapitre 4 : les responsabilités spécifiques de ce ou de ces prestataires seront analysées dans les développements sur les
responsabilités.
Missions nouvelles générées par l’utilisation du BIM et leur affectation | 63
La mise en œuvre d’un processus BIM s’inscrit dans un cadre légal et réglementaire précis, celui
applicable aux opérations de construction.
Les responsabilités attachées aux prestations des différents intervenants demeurent applicables. Il est
utile d’en rappeler les grands principes généraux (4.1).
Le processus BIM est un outil, une méthode de travail. Son utilisation induit des modifications et des
adaptations des modalités d’exécution des prestations. Elle induit également des fonctions
complémentaires.
Il s’agira donc d’examiner les responsabilités encourues au regard des évolutions des missions classiques
(4.2) puis de celles attachées aux nouvelles prestations précédemment identifiées (4.3).
L’ensemble des intervenants est potentiellement concerné par cette définition large.
2. Les responsabilités légales comportent trois types de garantie : la garantie décennale, la garantie de
bon fonctionnement (biennale) et la garantie de parfait achèvement.
Elles présentent certaines particularités.
Ainsi, les deux premières (décennale et de bon fonctionnement) sont des responsabilités dites de
plein droit. Cette qualification permet au bénéficiaire de la garantie (maître d’ouvrage, acquéreur
de l’ouvrage, assureur) de la mettre en œuvre (d’engager la responsabilité du prestataire sur ce
fondement) sans avoir à établir l’existence d’une faute du constructeur à l’origine du désordre
invoqué.
Le principe est en effet que ledit constructeur doit un ouvrage exempt de tout vice ; aussi, l’existence
du désordre est suffisante en elle-même pour faire valoir les garanties susvisées.
Les réserves à l’application de ce principe sont les suivantes :
– les désordres doivent revêtir les caractères (précis et spécifiques à chaque garantie) requis par les
textes (et qui seront évoqués dans les développements qui suivent) ;
– l’imputabilité du dommage au constructeur envers lequel la garantie est exercée doit être établie
; l’existence d’un contrat n’est pas en elle-même suffisante : un lien doit exister entre l’objet de
la mission confiée contractuellement et le désordre dont il est question (cette observation permet
de conforter la nécessité de définir précisément les missions, point abordé dans le chapitre 3) ;
– la responsabilité de plein droit peut être écartée (en tout ou partie) s’il est avéré que la force
majeure, le cas fortuit ou le comportement du maître d’ouvrage ont contribué au dommage.
3. Les garanties décennale et biennale (de bon fonctionnement) ont pour effet la réparation des
dommages subis par l’allocation d’indemnités. La garantie de parfait achèvement pose le principe
d’une réparation en nature (exécution des travaux de reprise).
Responsabilités légales, contractuelles et délictuelles applicables | 69
Ces principes issus du code civil sont appliqués aux opérations et aux ouvrages privés mais également
publics.
Chaque garantie est différente dans son objet et sa durée. Elles seront exposées successivement.
signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de
notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception. »
Cette garantie, qui incombe exclusivement à l’entrepreneur de travaux, est particulière également dans
la mesure où elle est en quelque sorte facultative, puisque le bénéficiaire (maître d’ouvrage, acquéreurs)
peut, au titre de ces désordres, choisir de mettre en œuvre la décennale ou la biennale (si les critères
requis tels qu’exposés ci-dessus sont réunis), ou encore la responsabilité contractuelle.
Il sera rappelé que la décennale et la biennale aboutissent à une indemnisation alors que la GPA se
traduit par une réparation dite en nature (réparation des désordres). Aussi, le choix de mettre en œuvre
(quand cela est possible) une autre garantie (décennale ou biennale) intervient lorsque le maître
d’ouvrage ne souhaite pas d’intervention complémentaire de l’entreprise et favorise la réparation par la
voie indemnitaire.
1 . « En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés
aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. »
Responsabilités légales, contractuelles et délictuelles applicables | 71
2. Les principes sont les suivants : l’entrepreneur de travaux est tenu à une obligation de résultat
s’agissant de la réalisation de ses prestations matérielles, c’est-à-dire qu’il doit atteindre le résultat
précis auquel il s’est engagé, à savoir la réalisation d’un ouvrage exempt de tout vice.
Le maître d’œuvre, quant à lui, prestataire intellectuel, est pour l’essentiel traditionnellement tenu à
une obligation de moyens, c’est-à-dire qu’il doit tout mettre en œuvre pour accomplir et mener à
bien sa mission. Concernant, la réalisation de l’ouvrage (soit le résultat principal, concret et matériel
de l’opération), il s’avère qu’elle n’est pas directement à sa charge ; il ne saurait être tenu à une
obligation de résultat à ce titre. Toutefois, certaines clauses contractuelles ont pour effet de mettre
à la charge du maître d’œuvre des obligations de résultat : par exemple, celles imposant le respect
d’un délai pour la transmission des livrables au maître d’ouvrage.
4.1.3.2 La responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle mise en œuvre par les autres
intervenants dans le cadre de recours entre constructeurs
Les constructeurs sont pour la plupart liés au maître d’ouvrage par des contrats séparés, sauf pour ce
qui concerne les contrats de maîtrise d’œuvre en cotraitance (architecte, paysagiste, bureaux d’études,
économiste…) ou les groupements d’entreprises de travaux.
Ces différents acteurs sont des tiers les uns vis-à-vis des autres.
72 | Les responsabilités en BIM
Les actions qu’ils sont susceptibles d’engager les uns envers les autres auront donc un fondement
délictuel.
Il s’agira d’actions « récursoires » ou en garantie ayant pour objet, de la part de constructeurs condamnés
et au profit du maître d’ouvrage, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, d’obtenir
remboursement de tout ou partie auprès d’autres constructeurs responsables.
Il conviendra d’établir leur faute et le lien de causalité entre celle-ci et le dommage précédemment
reconnu (article 1382 du code civil précité).
Les constructeurs peuvent aussi agir l’un vis-à-vis de l’autre sur le fondement délictuel en invoquant un
préjudice subi du fait d’une faute commise dans le cadre de la réalisation de l’opération.
1. « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Et 1383-2 : «
Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »
2. « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont
on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde, du fait de la garde de l’immeuble et du chantier. »
Responsabilités légales, contractuelles et délictuelles applicables | 73
1 . Les infractions sont les crimes, les délits et les contraventions soumis aux peines prévues par les textes.
2 . « Est puni d’une amende de 45 000 euros le fait, pour les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les
entrepreneurs ou toute autre personne responsable de l’exécution de travaux, de méconnaître les obligations imposées par les articles
L.111-4, L.111-7-1, L.111-7-2, L.111-7-3, L.111-8, L.111-9, L.111-10, L.111-10-1, L.111-10-4, L.112-17, L.112-
Responsabilités légales, contractuelles et délictuelles applicables | 74
18, L.112-19, L.125-3, L.131-4 et L.135-1, par les règlements pris pour leur application ou par les autorisations délivrées en
conformité avec leurs dispositions. En cas de récidive, une peine d’emprisonnement de six mois peut en outre être prononcée. »
Les responsabilités en BIM | 75
« Le fait d’exécuter des travaux mentionnés aux articles L.421-1 à L.421-51 en méconnaissance des obligations
imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance
des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une
déclaration préalable est puni d’une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit,
dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface
construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l’article L.430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300
000 euros. En cas de récidive, outre la peine d’amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être
prononcé.
Les peines prévues à l’alinéa précédent peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des
travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l’exécution desdits travaux.
Ces peines sont également applicables :
1. en cas d’inexécution, dans les délais prescrits, de tous travaux d’aménagement ou de démolition imposés par les
autorisations visées au premier alinéa ;
2. en cas d’inobservation, par les bénéficiaires d’autorisations accordées pour une durée limitée ou à titre précaire,
des délais impartis pour le rétablissement des lieux dans leur état antérieur ou la réaffectation du sol à son ancien
usage. »
1. www.legifrance.gouv.fr
2. Article 221-6 CP : « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un
homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues
sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. »
Article 222-19 CP : « Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail
pendant plus de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 3 000 euros d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues
sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende. »
76 | Les responsabilités en BIM
1 . Sur ce point, il convient de relever notamment la nécessité d’être particulièrement attentif à préciser et adapter le degré de
précision aux besoins exprimés ; voire d’identifier expressément les données de la maquette sur lesquelles le prestataire
s’engage. Ceci vaut notamment pour les relevés des existants ou les phases de diagnostic.
Les responsabilités en BIM | 77
réellement de nature à aboutir à un résultat ou un rendu dans lequel les participations des différents
collaborateurs se fondent et ne peuvent se distinguer, d’autre part celles qui permettent en réalité une
phase commune de résolution de problèmes et d’évolution du projet, ne remettant toutefois pas en
cause les interventions de chacun circonscrites à son domaine de compétence et d’expertise. Les
responsabilités seront en effet encourues au regard de cette réalité de contribution.
D’une manière générale, ces points devront être traités contrat par contrat et les renseignements
correspondants seront rassemblés dans des documents identiques pour tous et annexés aux contrats de
tous les prestataires. Le protocole BIM ou la convention BIM rempliront cette fonction.
La dimension « partage » et « collaboration » du système qui est un atout essentiel, pour préserver tout
son intérêt et son efficacité dans la mise en œuvre, la pratique et les résultats escomptés, ne doit pas
aboutir à un amalgame ni maîtrisé ni coordonné des interventions des différents acteurs ; il apparaît en
effet, tout d’abord, que chacun doit conserver son rôle au regard de ses capacités et compétences
propres. De plus, il faut se prémunir d’éventuels désengagements des uns et des autres dans la gestion
et le traitement des difficultés en l’absence de structure et de fonctionnement clairs du système.
Le partage des informations et la collaboration dans le travail induisent un partage des modalités de
fonctionnement et une collaboration dans ce fonctionnement.
Encadrer ainsi le travail en BIM sera de nature à le rendre plus efficace en permettant également de
déterminer les responsabilités respectives des uns et des autres et, pour les prestataires, d’exercer le cas
échéant leurs actions en garantie et leurs actions récursoires.
En termes de responsabilités, certaines potentialités induites par la maquette doivent être maîtrisées.
Il en est ainsi de la gestion des clashs et des conflits qui, à notre sens, induit un contrôle des
fonctionnalités des outils à cet égard, pour le moins une vérification « humaine » à la charge du
prestataire auquel la mission « traditionnelle » correspondante (par exemple le visa) sera attribuée.
Un autre sujet illustre les limites éventuelles des performances de la maquette, c’est celui lié aux
modifications associées aux paramétrages sur lesquelles un contrôle, pour le moins, devra être opéré.
détecter, des particularités susceptibles de conduire à des prises de décisions ou des choix
faute desquels des retards et/ou des préjudices sont prévisibles.
En l’absence de mise en garde ou de réserve de leur part, le maître d’ouvrage peut, dans
certains cas, engager avec succès la responsabilité de ses cocontractants.
La maquette numérique multidimensionnelle BIM et la vision particulièrement développée,
détaillée et de surcroît potentiellement immédiate (en temps réel) qu’elle donne du projet,
tant dans sa globalité que dans ses détails, au fur et à mesure de sa conception puis des études
d’exécution, met les acteurs en mesure de connaître précisément l’ensemble des éléments
constitutifs tant indépendamment que pris dans leur ensemble et dans leur combinaison.
À double titre, ils disposent ainsi d’informations qui pourraient élargir les hypothèses de mise
en jeu de leur devoir de conseil.
• des missions complémentaires relatives à ces tâches confiées à des prestataires chargés
de missions classiques : il s’agira essentiellement de la maîtrise d’œuvre.
80 | Les responsabilités en BIM
En outre, il est envisageable d’exiger ou de prévoir également une fonction BIM manager en sein de
l’équipe de chaque acteur intervenant. En termes d’étendue et de partage de responsabilités, il sera
indispensable d’identifier contractuellement et précisément les fonctions du BIM manager « général »
et celles du BIM manager de chaque prestataire, et de rendre le cas échéant traçables les interventions
de l’un et des autres.
Cette identification présentera en outre l’avantage de vérifier la compatibilité et la cohérence des
missions respectives de chacun.
Or, les plannings et les budgets ne sont opposables au prestataire que s’ils figurent dans son contrat et
constituent des paramètres à prendre en compte et intégrer dans l’exécution de ses prestations.
D’une manière générale, prestataire intellectuel, « l’intervenant chargé de la maquette » serat-il tenu à
une obligation de moyens ou de résultat ? La question reste entière faute de recul.
Il serait cependant logique de différencier la réponse en fonction des tâches à sa charge : une obligation
de moyens semble devoir s’appliquer à la détermination des performances au regard du contexte et des
besoins ; le prestataire devra donc établir qu’il a mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour
cette tâche et notamment qu’il a conseillé correctement le maître d’ouvrage en l’informant en fonction
de l’état de l’avancée de la technique. Pour la conception et la gestion et l’entretien, il pourrait s’agir
d’une obligation de résultat, signifiant que le bon fonctionnement constitue un objectif à atteindre et
qu’à défaut, il est susceptible d’engager sa responsabilité (sauf s’il rapporte la preuve d’une cause
extérieure ou d’un cas de force majeure).
Pour autant, les acteurs peuvent être enclins à limiter (contractuellement) leurs responsabilités
susceptibles d’être engagées dans ce contexte.
Or, il convient de rappeler d’une part que les garanties légales ne sont pas aménageables, d’autre part,
concernant la responsabilité contractuelle, que la limitation la plus efficace est celle consistant à délimiter
et décrire précisément : • les tâches attribuées à chaque acteur ;
• les interfaces entre leurs prestations respectives ;
• les conditions et modalités des interventions collaboratives ;
• le ou les prestataires « responsables de la maquette », leurs fonctions et les implications et obligations
consécutives pour les autres acteurs.
Il est important d’insister sur le fait que ces points devraient être rendus opposables à tous les
intervenants concernés. Les documents susceptibles de réunir ces informations pourraient être le
tableau « classique » de répartition des tâches mais aussi le protocole BIM.
Concernant les assurances à souscrire, elles demeurent identiques, pour les acteurs classiques, à celles
souscrites dans le cadre d’une opération classique.
Les missions classiques restent globalement les mêmes et, si les prescriptions évoquées ci-dessus sont
respectées (traçabilité, identification des interventions…), les couvertures d’assurances nécessaires
restent les mêmes.
On peut s’interroger cependant sur l’opportunité pour les acteurs directement concernés (responsables
au titre des missions à leur charge) de se garantir (c’est-à-dire de souscrire une police d’assurance
spécifique) contre les erreurs de saisie des informations ou des données et/ ou la perte ou
l’endommagement de ces informations ou données.
En revanche, il nous semble que le BIM manager devra souscrire une assurance spécifique adaptée au
contenu et à l’étendue de sa mission.
En outre, il devra s’assurer en décennale si l’on admet qu’il doit être considéré comme « constructeur ».
Le protocole BIM
Le choix de réaliser l’opération en BIM induit la nécessité de prévoir et d’organiser les conditions dans
lesquelles les partenaires vont travailler, la maquette BIM va être conçue, alimentée, gérée, utilisée, mise
à jour : ces principes seront décrits dans un document qui constituera le « protocole » ou « convention
» BIM.
La rédaction de ce document est indispensable, la qualité et la précision dans sa rédaction sont
fondamentales.
• les intégrer directement dans les contrats de chaque intervenant, ce qui suppose un travail
de réécriture des documents contractuels classiques (acte d’engagement, CCAP et CCTP)
et peut de ce fait ne pas s’avérer opportun ;
• établir un document spécifique au BIM : c’est le « protocole BIM » ou « convention BIM
». Le protocole BIM ne doit pas être confondu avec :
• le cahier des charges BIM qui est rédigé au stade de la programmation par le maître
d’ouvrage ; il décrit ses besoins et exigences en matière de BIM1 ;
• la charte BIM qui définit les règles communes applicables à l’ensemble des intervenants
et les principes à respecter dans la modélisation, par chacun des acteurs, des données du
bâtiment. L’élaboration d’une charte BIM n’est pas obligatoire mais elle est vivement
conseillée, car elle est indispensable pour uniformiser les méthodes de travail sur la
maquette numérique BIM et faciliter la collaboration et les échanges. Une même charte
BIM peut être applicable pour différents types d’opérations, c’est pourquoi ce document
peut être distinct du protocole dans la mesure où certains maîtres d’ouvrage ou
concepteurs peuvent avoir déjà établi leur propre charte. Plus fréquemment aujourd’hui,
la charte est intégrée au protocole BIM, lequel expose alors dans un chapitre spécifique
les méthodes et principes de modélisation.
En synthèse
Le protocole ou convention BIM doit définir les règles de production et de gestion
de la maquette numérique BIM tout au long du projet ; il constitue la feuille de
route du processus BIM.
1 . Voir chapitre 2.
87 | Le protocole BIM
que d’opérations. Il convient en tout état de cause de rappeler que les modèles ou
conventions types qui pourraient être diffusés n’auront, dans tous les cas, aucun caractère
contraignant.
Pour ces raisons, l’existence d’un guide pour l’élaboration d’une convention BIM plutôt que
de conventions types semble plus opportune. Les rédacteurs de protocoles BIM pourront à
cet égard utilement se référer au guide méthodologique pour des conventions de projet en
BIM élaboré par Mediaconstruct1.
Le protocole BIM devra prévoir et définir les éléments suivants.
1. Un lexique des termes utilisés, précisément définis afin d’éviter les confusions et
incertitudes pouvant exister puisque aucune nomenclature n’existe et que les acteurs
donnent fréquemment en pratique des sens différents, ou pour le moins non exactement
identiques, à une même notion2.
2. Les conditions d’organisation relatives à la maquette, c’est-à-dire les modalités selon
lesquelles la maquette numérique BIM sera, pendant toute la durée de l’opération,
développée, gérée et mise à jour, en particulier :
• le niveau de développement de la maquette (exigence définie par le maître d’ouvrage)
;
• le niveau de détail de la maquette numérique en fonction de l’avancement du projet
(APS, APD, PRO, etc.) ;
• le processus de développement de la maquette au fur et à mesure des études et de
progression du projet jusqu’au DOE ;
• les conditions dans lesquelles les intervenants du projet de construction collaborent
à la maquette et l’alimentent, c’est-à-dire les tâches de chacun, les données qu’ils
doivent renseigner et les livrables attendus ;
• les conditions dans lesquelles les informations seront échangées par les différents
intervenants, c’est-à-dire le format, les modalités et la fréquence des échanges ; à ce
titre le protocole :
– établit un calendrier des échanges qui s’impose à chaque intervenant dans
l’objectif de garantir la fiabilité des contenus remis et à partir desquels les autres
acteurs travailleront,
– impose un format d’échange : dans les contrats de la commande publique, le
maître d’ouvrage ne peut imposer aux acteurs l’utilisation d’un logiciel ou d’un
format particulier à l’exception de l’IFC ; lorsque les intervenants sont unis par
un contrat de droit privé (opération privée ou opération publique dans laquelle
les concepteurs et les constructeurs sont liés entre eux : PPP ou conception-
construction par exemple), une telle prescription ne soulève pas de difficulté et
permettra d’assurer la fiabilité des données échangées et leur fluidité ;
• les conditions dans lesquelles les données renseignées seront coordonnées ; dans un
BIM de niveau 2, il s’agira notamment de déterminer l’intervenant en charge de la
La convention, véritable contrat entre les parties, dont le contenu doit être précisément
défini, détaillé et adapté à l’opération en cause, doit ainsi permettre d’apporter une réponse
aux interrogations voire aux craintes que soulèvent l’utilisation du BIM et ses impacts sur les
pratiques contractuelles traditionnelles, s’agissant notamment :
• de l’alourdissement des responsabilités des acteurs traditionnels : en définissant la
répartition des tâches et des obligations du maître d’ouvrage, des concepteurs, des
constructeurs et le cas échéant de l’exploitant, la convention permettra de tracer les
interventions de chaque intervenant dans le développement de la maquette et de
déterminer les responsabilités afférentes aux dysfonctionnements et aux erreurs
commises ;
• des risques et responsabilités afférents au partage d’un modèle numérique : en
établissant les conditions dans lesquelles la maquette numérique BIM est alimentée et
celles assurant la traçabilité des données ; la convention permet là encore de faciliter la
recherche des responsabilités en cas d’erreur ;
• de la responsabilité de l’opérateur chargé de la mise en place de la maquette
numérique BIM et de son entretien : en établissant la liste précise et exhaustive des
tâches assurées par cet intervenant (BIM manager), les limites de ses prestations
contractuelles et leur opposabilité aux autres intervenants ;
• des risques et responsabilités provenant de l’interopérabilité des différents
logiciels qui sont utilisés : en définissant le format des rendus numériques (natif/IFC)
et en prévoyant les hypothèses d’erreurs types pouvant affecter la maquette (erreur d’un
intervenant dans l’exécution de sa tâche, erreur du logiciel, erreur collective) ainsi que les
conditions dans lesquelles ces erreurs seront traitées et résolues ; le protocole pourrait
en outre prévoir, en BIM de niveau 2, d’imposer la conservation des maquettes métiers
livrées, ce qui permettrait de s’y référer et de vérifier leur contenu si une erreur est
détectée dans la maquette générale ;
Le protocole BIM
• des risques et responsabilités liés au processus collaboratif et à l’interopérabilité
: en imposant un niveau de qualité des contenus ainsi qu’un calendrier précis pour les
rendus afin que chacun des acteurs transmette des données finalisées à partir desquelles
et sur la base desquelles les autres intervenants travailleront ;
Contenu du protocole BIM
En synthèse
Document indispensable pour assurer l’efficience de la collaboration induite par
le BIM et le succès du processus, le protocole ou convention BIM se doit d’être
clair et précis dans ses dispositions d’une part, adapté aux spécificités de
l’opération qu’il concerne d’autre part. Clarté et précision dans la répartition des
tâches entre les différents acteurs afin de sécuriser l’identification des obligations
respectives de chacun et les responsabilités afférentes. Adaptation à l’opération
: le protocole BIM est nécessairement spécifique à chaque opération et il n’est
pas concevable et bien plus risqué de disposer d’un document type qui serait
transposable d’une opération à l’autre sans qu’il ne soit adapté. La convention
BIM a pour fondement les exigences du maître d’ouvrage en la matière (spécifiées
dans le cahier des charges BIM) et les objectifs auxquels la maquette numérique
BIM doit répondre. Chaque protocole sera donc unique à l’opération qu’il
concerne.
Le protocole BIM sera soumis au maître d’ouvrage et validé par ses soins au cours des études
d’avant-projet. Une telle validation semble en effet indispensable s’agissant d’un document
élaboré en exécution de la mission et dont le contenu s’imposera à l’ensemble des acteurs du
projet (étant précisé que cette validation n’exonère pas le rédacteur de ses responsabilités).
Cette validation par le maître d’ouvrage n’est bien entendu pas requise lorsque le projet est
développé en BIM sans que la maîtrise d’ouvrage ne l’ait imposé mais à l’initiative et
exclusivement au sein du groupement de maîtrise d’œuvre. Dans cette hypothèse, en effet,
le protocole a pour objet d’organiser les échanges au sein du groupement de maîtrise d’œuvre
et la méthodologie de travail en BIM, éléments qui doivent rester étrangers à la maîtrise
d’ouvrage.
1 . Lorsque le process BIM n’aura pas été imposé par la maîtrise d’ouvrage, il est recommandé que le protocole
élaboré entre les membres de l’équipe ait également une valeur contractuelle, similaire en cela à celle résultant
de la convention de groupement souscrite entre les cotraitants.
chapitre 6
exploitation-maintenance
Les bénéfices qu’une opération de construction déployée en BIM apporte après la réception et la
livraison de l’ouvrage à son propriétaire et tout au long de la vie du bâtiment constituent l’un des
principaux facteurs qui incitent les maîtres d’ouvrage à recourir au processus BIM. En phase
d’exploitation du bâtiment, son gestionnaire a ainsi à sa disposition une base de données complète et
précise concernant le bâtiment, et qui permettra d’en faciliter la maintenance voire l’évolution.
À condition qu’elle soit suffisamment renseignée et régulièrement mise à jour, la maquette numérique
BIM d’exploitation constitue un outil de gestion et de maintenance à part entière. L’exigence par le
maître d’ouvrage d’une maquette numérique BIM pour la phase d’exploitation et de gestion de
l’ouvrage construit entraîne des conséquences sur les missions des acteurs de l’opération et, en premier
lieu, celles du maître d’ouvrage et des concepteurs ; elle soulève en outre des interrogations juridiques
spécifiques sur les conditions d’utilisation du BIM exploitation tout au long de la vie du bâtiment.
1. L’arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise
d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé indique qu’au titre de l’élément de
mission d’assistance aux opérations de réception et de suivi durant l’année de parfait achèvement, le maître d’œuvre doit
notamment « constituer le dossier des ouvrages exécutés nécessaires à l’exploitation de l’ouvrage, à partir des plans conformes à l’exécution remis
par l’entrepreneur, des plans de récolement ainsi que des notices de fonctionnement et des prescriptions de maintenance des fournisseurs d’éléments
d’équipement mis en œuvre ».
DOE numérique pour la phase exploitation-maintenance
aux documents particuliers du marché1 tout en précisant qu’il comporte, au moins, les plans d’exécution
conformes aux ouvrages exécutés établis par le titulaire, les notices de fonctionnement et les
1 . L’article 40 du CCAG travaux précise : « Outre les documents qu’il est tenu de fournir avant ou pendant l’exécution des travaux en application
de l’article 29.1, le titulaire remet au maître d’œuvre :
96 | Pratique juridique du BIM en phase exploitation-maintenance
prescriptions de maintenance. Le CCAG travaux indique également que le dossier d’intervention
ultérieure sur l’ouvrage (DIUO) rassemble les données de nature à faciliter la prévention des risques
professionnels lors des interventions ultérieures et, notamment, lors de l’entretien de l’ouvrage. Pour
les opérations de construction privées, le contenu du DOE devra également être défini dans le contrat.
Quelle que soit la nature de l’opération, le DOE contient en général les plans, coupes, façades et autres
dessins du bâtiment conformes à l’ouvrage construit ; il intègre également des informations sur les
équipements installés, leurs garanties, les manuels d’exploitation et de maintenance, les instructions
d’installation ou autres caractéristiques spécifiques des éléments d’équipement de l’ouvrage.
La fourniture d’un DOE numérique peut être estimée suffisante par le maître d’ouvrage pour la gestion
de son bâtiment, le dossier ainsi constitué aura alors davantage une fonction d’archivage des documents
concernant l’ouvrage réalisé.
– au plus tard lorsqu’il demande la réception des travaux conformément à l’article 41.1 : les spécifications de pose, les notices de
fonctionnement, les prescriptions de maintenance des éléments d’équipement mis en œuvre, les conditions de garantie des fabricants attachées à ces
équipements, ainsi que les constats d’évacuation des déchets ;
– dans un délai d’un mois suivant la date de notification de la décision de réception des travaux : les autres éléments du dossier des ouvrages exécutés
(DOE) et les documents nécessaires à l’établissement du dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage (DIUO). »
| 97
• en termes de responsabilités induites par les erreurs qui pourraient être commises lors de la phase
de numérisation de l’existant et qui affecteraient subséquemment la maquette : la description, le plus
précisément possible, de la mission du ou des opérateurs qui seront missionnés pour cette tâche et,
pour ces derniers, la formulation de tous les conseils voire le cas échéant de certaines réserves qui
pourraient s’imposer en cas de difficultés particulières rencontrées dans l’exécution de leur tâche,
notamment liées aux caractéristiques de l’ouvrage ou aux besoins spécifiques exprimés par le
propriétaire, constituent des précautions indispensables pour éviter, en cas de difficulté, la dilution
des responsabilités.
en phase exploitation-maintenance
mais aussi la mise en cause par l’exploitant ou le gestionnaire des intervenants qui ont
participé à la maquette numérique, qu’ils aient été missionnés directement par le maître
d’ouvrage ou qu’ils soient intervenus en sous-traitance (pour le cas, par exemple, d’une
entreprise ayant sous-traité la numérisation de son DOE).
1 . Sur le respect des droits de propriété intellectuelle attachés à la maquette BIM : voir chapitre 7.
100 | Pratique juridique du BIM en phase exploitation-maintenance
6.4.4 La question des données personnelles contenues
1. Loi du 6 janvier 1978, article 2 : « Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou
qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres.
Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose
ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne. »
Une directive européenne sur la protection des données est en cours d’élaboration pour réformer les règles européennes
existantes en matière de protection des données dans l’UE, dans l’objectif de renforcer les droits en matière de respect de la
vie privée dans l’environnement en ligne et de promouvoir l’économie numérique européenne.
2. La collecte et le traitement de ces données sont interdits par la loi.
3. Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
4. Hors logements sociaux à ce jour
5. Article 11 de la loi du 17 août 2015
Les difficultés juridiques inhérentes à l’utilisation de la maquette numérique en phase exploitation-maintenance
| 101
aux renseignements relatifs aux équipements du bâtiment mais portera également sur les informations
relatives à la performance en relation avec les usages et habitudes des occupants, ils contiendront des
données à caractère personnel dont la collecte, le traitement et la conservation seront soumis aux
principes définis par la loi informatique et libertés de 1978.
modalités et conditions (pour les besoins de l’opération) soient formalisées ou que soient
identifiés les problématiques à traiter et/ou le processus à appliquer au cas où ces
problématiques apparaîtraient en cours d’opération.
Les principes généraux de la propriété intellectuelle | 107
Il convient de relever qu’en France les dessins et modèles peuvent aussi être protégés par le droit
d’auteur, auquel sera consacrée la suite de cette section.
Conditions de la protection
L’auteur d’une œuvre de l’esprit dispose sur cette œuvre de différents droits de propriété incorporelle,
et ceci du seul fait de la création de l’œuvre, de son existence au sens juridique.
Ceci signifie tout d’abord qu’il n’est nullement nécessaire de procéder à de quelconques formalités ou
dépôts pour prétendre bénéficier des dispositions du droit d’auteur (contrairement aux modèles, dessins
et brevets).
Ensuite, cette propriété incorporelle est opposable à tous. Chacun est ainsi tenu de respecter l’ensemble
des droits des auteurs quels qu’ils soient.
L’article L.111-1 du CPI dispose : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa
création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous… »
De surcroît, il est important de souligner également que le CPI précise en son article L.112-2 que « les
dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le
genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ».
108 | La propriété intellectuelle en BIM
Ainsi, en principe, aucun jugement de valeur (par définition subjectif) ne peut intervenir dans
l’appréciation de « l’ouverture des droits » et il n’est en outre pas question de distinguer entre les œuvres
dites « nobles » et les autres.
Pour ces mêmes raisons liées à la subjectivité inhérente à ces notions, ni le « beau » ni l’« esthétique » ne
devraient avoir leur place dans l’appréhension de l’œuvre de l’esprit.
Bien qu’appréhendée largement de manière à écarter les exclusions de principe subjectives voire
partiales, pour prétendre à la qualification d’œuvre de l’esprit et à la protection, pour exister
juridiquement, l’œuvre doit remplir deux conditions cumulatives : une formalisation suffisante et une
originalité.
Sur le premier point, la formalisation : la création doit être suffisamment concrétisée et matérialisée
pour être identifiable et se distinguer d’un simple concept, d’une idée ; le professeur Desbois, puis
l’ensemble de la doctrine et la jurisprudence à sa suite, exprimait ce principe en exposant en effet que «
les idées sont de libre parcours ». Une description spécifique, un dessin minimum sont nécessaires.
Sur l’originalité, il s’agit de pouvoir établir que la création en question porte et révèle l’empreinte de la
personnalité de son auteur, en d’autres termes, qu’elle illustre son apport particulier, ou encore, qu’elle
n’est pas formellement, nécessairement induite par des contraintes extérieures (notamment d’ordre
technique) audit auteur. Ce principe sera illustré dans le cadre de l’étude de la jurisprudence, ci-après.
Identification de l’auteur
L’auteur est donc la personne à l’origine de la formalisation originale d’une création de l’esprit.
Comment identifier cet auteur et donc le titulaire des droits attachés à cette qualité ?
Certains auteurs créent dans le cadre de l’exécution de contrats de travail ou de collaboration, ou
encore dans le cadre de l’exercice d’une profession en tant qu’associé au sein d’une structure (cabinet,
agence, société…).
L’article L.111-1 alinéa 3 du CPI traitant de ce sujet dispose que :
« L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit
n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa… »
Ainsi, l’existence d’un contrat de travail ou de collaboration, ou encore le statut d’associé d’une société
n’emporte aucune dérogation à la jouissance des droits de propriété incorporelle de l’auteur.
Leur transmission doit être expresse et la cession déterminée dans son étendue, sa destination, sa durée
et géographiquement aux termes des exigences de l’article L.131-31.
De plus, l’article L.131-1 pose le principe de la nullité des cessions globales des œuvres futures.
Il existe par ailleurs plusieurs types d’œuvres.
• La plus simple et banale quant à la détermination et au statut de l’auteur est tout d’abord celle qui
associe une œuvre à un auteur personne physique (par exemple, Picasso/Guernica).
• L’œuvre collective est définie par l’article L.113-2 alinéa 3 du CPI :
Article L.113-2
1 . « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de
cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée…
»
Les principes généraux de la propriété intellectuelle | 109
« Est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la
divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant
à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à
chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. »
Article L.113-5
« L’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de
laquelle elle est divulguée.
Cette personne est investie des droits de l’auteur. »
Toutefois, aux termes de la jurisprudence, chaque contributeur reste investi des prérogatives de
droit moral sur son apport individuel et peut faire état de son rôle de créateur.
• L’œuvre de collaboration est définie par l’article L.113-2 alinéa 1 du CPI, qui dispose que :
Article L.113-2
« Est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ».
Article L.113-3
« L’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs.
Les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord.
En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer.
Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention
contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de
l’œuvre commune. »
• L’œuvre dérivée ou composite est définie par l’article L.113-2 alinéa 2 du CPI :
Article L.113-2
« Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration
de l’auteur de cette dernière. »
Article L.113-4
« L’œuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre
préexistante. »
En effet, seuls les droits patrimoniaux sont cessibles et peuvent donc être transmis par l’auteur ou ses
ayants droit, à titre onéreux ou gracieux, pour une durée déterminée ou pour toute la durée légale desdits
droits patrimoniaux, pour le monde entier ou pour un territoire géographiquement déterminé, pour des
usages et à des fins à délimiter précisément (voir les dispositions de l’article L.131-3 énoncées ci-avant).
À défaut de ces précisions, la validité de la cession peut être remise en cause ; il s’agit ainsi de protéger
l’auteur et de faire en sorte qu’il ait conscience, autant que possible, de la teneur et de l’ampleur de la
cession à laquelle il consent. En d’autres termes, la cession ne peut être tacite.
En outre, il est rappelé que la cession générale et par avance n’est pas admise (article L.131-1 du CPI).
• Les droits patrimoniaux sont les droits d’exploitation de l’œuvre. Ils sont définis par les articles
L.122-1, L.122-2 et L.122-3 du CPI qui prévoient que :
Article L.122-1
« Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.
»
Article L.122-2
« La représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque… » Article
L.122-3
« La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la
communiquer au public d’une manière indirecte.
Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des
arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique.
Pour les œuvres d’architecture, la reproduction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan ou d’un
projet type. »
Cette disposition est d’ordre public, il n’est en conséquence pas possible d’y déroger. Aussi, toute
disposition contractuelle ou engagement contraire de l’auteur, ou par laquelle il renoncerait à faire valoir
les droits qui lui sont attribués par cet article, serait susceptible d’être remise en cause à tout moment.
| 111
Ces caractéristiques confèrent à l’auteur des prérogatives essentielles.
D’une part, le droit au nom et à la paternité : il vise à préserver et veiller à ce que soit protégé le rôle
essentiel du créateur qui ne peut se départir de cette qualité et qui est légitimement en position de
l’imposer. Son nom en qualité d’auteur doit figurer sur l’œuvre elle-même et sur ses reproductions
(photos, dessins et plus généralement sur tout support) et lors de ses représentations.
D’autre part, le droit au respect de l’œuvre : l’auteur peut s’opposer et contester les altérations,
atteintes et modifications portées à son œuvre. Cette faculté est mise en œuvre de manière adaptée et
spécifique pour ce qui concerne l’auteur architecte, urbaniste ou paysagiste. En effet, s’il est évident
qu’une sculpture ou une œuvre picturale (pour ne citer que des exemples significatifs) ont vocation à
être préservées dans leur intégrité, rien n’étant susceptible de légitimer une modification ou une
altération, l’œuvre d’architecture dispose de fait, à cet égard, d’un statut particulier1.
Durée
En droit français, la durée légale des droits patrimoniaux (ou encore droits d’exploitation, droits de
reproduction et de représentation) couvre toute la vie de l’auteur et les 70 ans après sa mort ou après la
mort du dernier des coauteurs (voir ci-avant).
Au-delà, l’œuvre tombe dans le domaine public. Ceci signifie qu’il est possible à quiconque de l’exploiter
sans obtenir au préalable les cessions de droit adaptées.
Toutefois, la liberté ne sera pas totale puisqu’il sera toujours obligatoire de respecter le droit moral
(nom, paternité, respect de l’œuvre).
En effet, concernant la durée du droit moral, ce droit n’a pas de limite temporelle.
On dit qu’il est imprescriptible.
L’auteur l’exerce directement sa vie durant et, à sa mort, sauf stipulation testamentaire différente, ses «
héritiers » (ou encore ses ayants droit) en deviennent titulaires puis, à leur décès, les héritiers des héritiers
et ainsi de suite… sans limite dans le temps.
Une limite existe toutefois dans l’exercice du droit moral par les ayants droit : la jurisprudence considère
en effet que les ayants droit doivent l’exercer dans le même esprit que l’exerçait l’auteur lui-même. Ceci
signifie que leurs revendications doivent être à la mesure de celles formulées par l’auteur (par exemple,
un auteur pouvait parfaitement être très vigilant et contester toute dérive : nom, atteinte… ; un autre
admettre plus largement les atteintes et ne les contester que dans certains cas très précis…). Les ayants
droit devront se conformer à l’attitude de l’auteur ; à défaut, leurs demandes ne seront pas accueillies.
Les principes généraux de la propriété intellectuelle
Sanctions
Comment sont protégés les droits d’auteur ?
Les atteintes aux droits d’auteur sont des infractions civiles et pénales.
1 . Article L.335-2 du CPI : « Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée
en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit.
La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Seront punis des mêmes peines le débit, l’exportation et l’importation des ouvrages contrefaisants… »
2 . www.legifrance.gouv.fr
| 113
III. La personne ayant le droit d’utiliser le logiciel peut sans l’autorisation de l’auteur observer, étudier ou tester
le fonctionnement ou la sécurité de ce logiciel afin de déterminer les idées et principes qui sont à la base de
n’importe quel élément du logiciel lorsqu’elle effectue toute opération de chargement, d’affichage, d’exécution, de
transmission ou de stockage du logiciel qu’elle est en droit d’effectuer.
IV. La reproduction du code du logiciel ou la traduction de la forme de ce code n’est pas soumise à l’autorisation
de l’auteur lorsque la reproduction ou la traduction au sens du 1° ou du 2° de l’article L.122-6 est indispensable pour
obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité d’un logiciel créé de façon indépendante avec d’autres
logiciels, sous réserve que soient réunies les conditions suivantes :
1° ces actes sont accomplis par la personne ayant le droit d’utiliser un exemplaire du logiciel ou pour son compte
par une personne habilitée à cette fin ;
2° les informations nécessaires à l’interopérabilité n’ont pas déjà été rendues facilement et rapidement accessibles
aux personnes mentionnées au 1° ci-dessus ;
3° et ces actes sont limités aux parties du logiciel d’origine nécessaires à cette interopérabilité… » Article
L.121-7
« Sauf stipulation contraire plus favorable à l’auteur d’un logiciel, celui-ci ne peut :
1° s’opposer à la modification du logiciel par le cessionnaire des droits mentionnés au 2° de l’article L.121-6,
lorsqu’elle n’est préjudiciable ni à son honneur ni à sa réputation ;
2° exercer son droit de repentir ou de retrait. »
Concernant les logiciels utilisés à l’occasion du processus BIM, il faut tenir compte de ces dispositions
pour cerner les prérogatives de l’auteur du logiciel ainsi que ses limites et tenter de négocier, dans la
mesure du possible, les contrats à passer avec les éditeurs de logiciels.
Selon l’article L.341-1 du CPI, le producteur d’une base de données « bénéficie d’une protection
du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un
investissement financier, matériel ou humain substantiel ».
La loi prévoit également que le producteur de bases de données peut interdire l’extraction
ou la réutilisation par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie
qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de sa base (article L.342-1 du
CPI). Il peut également interdire l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de
parties non substantielles1.
La maquette BIM elle-même peut être considérée comme constitutive d’une base de données
et protégeable à ce titre ; son ou ses concepteurs peuvent détenir des droits qui s’imposeront
à tous, notamment aux autres intervenants. Il sera en conséquence opportun de s’interroger
sur les cessions, concessions (droit d’auteur) ou autorisations (bases de données) nécessaires
pour utiliser et intervenir sur la maquette.
Article L.342-2 du CPI : « Le producteur peut également interdire l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties
qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les
conditions d’utilisation normale de la base de données. »
« Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code : […]
7° les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ;
8° les œuvres graphiques et typographiques ; […]
12° les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture
et aux sciences… »
Cette liste n’est donc pas exhaustive et soulignons que les plans d’urbanisme sont considérés
comme susceptibles de relever du droit d’auteur s’ils remplissent les conditions requises par
ailleurs1.
Il convient d’ajouter que, d’une manière générale, les droits d’auteur s’appliquent aux œuvres
d’architecture, qu’elles soient dans le domaine public ou dans le domaine privé.
L’article L.122-3 du CPI relatif à la définition de l’étendue des droits patrimoniaux apporte
une précision concernant les œuvres d’architecture :
« La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de
la communiquer au public d’une manière indirecte…
Pour les œuvres d’architecture, la reproduction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan
ou d’un projet type. »
Ainsi, pour réaliser un projet d’architecture, s’il est considéré comme une œuvre de l’esprit
protégeable (c’est-à-dire originale) sans son auteur architecte, il convient que celui-ci ait cédé
ses droits de reproduction (étant rappelé que la cession ne peut être tacite et qu’elle doit être
limitée dans l’objet, l’espace et la durée).
C’est un sujet à prendre en considération notamment dans l’hypothèse où le marché de
l’architecte est résilié avant l’achèvement des travaux, voire dès après l’obtention des
autorisations de construire. En outre, dans ce cas, l’architecte, même s’il a cédé ses droits de
reproduction, disposera toujours de son droit moral au respect de son œuvre pour veiller à
ce que la réalisation soit conforme à ses plans.
Le CCAG PI
Les CCAG (cahiers des clauses administratives générales) sont des documents établis par
arrêté et destinés à figurer parmi les pièces contractuelles générales des marchés publics à la
condition que les pièces particulières y fassent expressément référence.
C’est le CCAG PI (prestations intellectuelles) qui a vocation à être inséré dans les marchés
publics de MOE.
Le CCAG PI est issu de l’arrêté du 16 septembre 2009.
Parmi les dispositions générales qu’il fixe et qui ont vocation à régir l’exécution du marché
public qui le vise figurent celles concernant l’utilisation des résultats et incluant le traitement
de droits de propriété intellectuelle.
| La propriété intellectuelle en BIM
1. Arrêt Martinez, chambre criminelle de la Cour de cassation, 24 septembre 1997 : « Des plans d’urbanisme ont le
caractère d’une œuvre de l’esprit protégeable par le code de la propriété intellectuelle, dès lors qu’ils portent la marque de la
personnalité de leur auteur qui, bien que contraint de respecter les directives administratives, ne s’est pas limité à fournir une
simple prestation technique. »
Deux options sont proposées dont la teneur respective est, de manière synthétique, la
suivante :
• l’option A prévoit une concession des droits portant sur les œuvres résultant de
l’exécution du marché, droits qui peuvent ainsi être utilisés pour les besoins du marché
; cette option est exclusive des utilisations commerciales et rappelle le droit moral au
respect de l’œuvre ; la contrepartie financière de cette utilisation « circonscrite » est
considérée comme étant comprise dans le prix du marché ;
• l’option B organise une cession des droits, le pouvoir adjudicateur devenant par
conséquent propriétaire des droits de propriété incorporelle en question. L’engagement
est donc beaucoup plus important que pour l’option A ; le texte prévoit que les
conditions et modalités de la cession soient prévues dans les pièces particulières du
marché (CCAP), à savoir : territoire, durée et modes d’exploitation.
En marché public, il est opportun de vérifier les clauses des marchés des acteurs auteurs
pour déterminer l’étendue des cessions ou concessions et de la latitude ainsi donnée pour
l’utilisation des œuvres. Ceci vaut aussi bien dans un schéma classique que dans un
processus BIM.
D’une manière générale enfin, le ministère de la Culture a pris position sur le sujet du droit
d’auteur et de l’architecture en 20121.
La formalisation
Un concept architectural ou urbain, pour faire l’objet d’une protection par le droit de
propriété intellectuelle, doit être formalisé d’un point de vue matériel et/ou décliné et décrit
1 . Réponse du ministère de la Culture (17 avril 2012) à une question parlementaire (20 décembre 2011) :
« Il est rappelé que les œuvres d’architecture relèvent bien des dispositions du code de la propriété intellectuelle et bénéficient de la
protection qu’elles accordent sous réserve d’originalité. L’originalité est reconnue dès lors que les travaux ne s’apparentent pas à
des réalisations uniquement techniques. » (Réponse publiée au Journal officiel le 17 avril 2012, p. 3017.)
La propriété intellectuelle et le droit d’auteur en matière de construction et d’aménagement | 117
dans les éléments qui le composent et qui, même non originaux, rendent protégeable
l’ensemble qu’ils constituent du fait de leur combinaison spécifique et originale.
Utilisation de l’image de l’œuvre/œuvre dérivée
La réalisation des plans est une reproduction au sens des droits patrimoniaux.
L’utilisation de l’image de l’œuvre, soit sous sa forme réalisée (le bâtiment) soit sous la forme
de plans, croquis, etc. (sous réserve d’originalité) est également soumise aux droits d’auteur,
notamment aux droits patrimoniaux (de reproduction) et au droit au nom.
La notion d’œuvre dérivée vue ci-avant est susceptible de recevoir particulièrement
application en architecture, s’agissant des interventions sur existants, des réhabilitations,
rénovations et extensions.
7.2.2 La jurisprudence
Les juges ont retenu un certain nombre de principes, pour examiner et trancher les différends
relatifs à des aspects particuliers du droit d’auteur en construction et en aménagement.
7.2.2.1 L’originalité
Elle se manifeste au travers de la marque de la personnalité, de l’apport intellectuel de l’auteur
qui doit apparaître dans l’œuvre formalisée.
Si le résultat du travail répond à des contraintes matérielles et est issu de l’application pure
de méthodes ou de techniques, il ne saurait relever du droit d’auteur.
Pour être « auteur », l’architecte, l’urbaniste ou l’ingénieur doit être créateur de formes qui
ne soient pas nécessairement induites par les besoins et objectifs à atteindre. Il est entendu
qu’en la matière, le but recherché et les contraintes sont pris en considération, ce qui ne
saurait de ce seul fait exclure l’application du droit d’auteur, à la condition que l’auteur ait
disposé d’une marge de manœuvre suffisante pour exprimer sa personnalité.
Les deux exemples qui suivent illustrent la manière dont les juges apprécient l’originalité en
la matière.
Arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation, 22 janvier 2009, Sanchez/ Ristorto & autres
Les faits de l’espèce permettent d’illustrer de manière intéressante l’appréhension du sujet.
« Attendu que M. X…, architecte, a assigné M. et Mme Y…, la société Atelier Hexagone et M. Z… en
contrefaçon, leur reprochant d’avoir fait édifier et d’avoir édifié une villa reproduisant, de façon servile,
l’ensemble des caractéristiques qui constituent ses modèles architecturaux et qu’il avait présentés aux
époux ;
Attendu que pour rejeter cette demande l’arrêt énonce que tous les détails architecturaux revendiqués
par M. X… comme autant de caractéristiques de son modèle de villa se retrouvent sur de nombreuses
constructions réalisées sur la Côte d’Azur et que son style, comme celui d’autres architectes qui
construisent dans cette région, est un mélange de style provençal et florentin dont tout un chacun
| La propriété intellectuelle en BIM
peut s’inspirer pour construire sa propre maison, qu’il existe de nombreuses maisons dans ce style,
qu’il n’y a donc pas contrefaçon ;
Qu’en se déterminant par de tels motifs, quand il lui incombait de rechercher si les différents détails
architecturaux, fussent-ils connus et couramment employés dans une région et appartiendraient-ils au
patrimoine commun du style provençal et/ou du style florentin, n’avaient pas donné lieu, pris en leur
combinaison, à une composition originale portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, la cour
d’appel a privé sa décision de base légale. »
Dans cette décision, l’originalité est ainsi considérée comme pouvant résulter de la
combinaison d’éléments préexistants (et possiblement non originaux en eux-mêmes), leur
réunion, non induite par le contexte ou le programme ou tout élément extérieur à l’auteur,
étant le résultat d’un acte de création formalisé original.
« La preuve de l’originalité de l’œuvre n’est pas rapportée alors qu’il est acquis que la construction,
située dans une zone particulièrement protégée, soit le site classé de l’île de Porquerolles, est soumise
à des règles très restrictives impliquant notamment l’avis de l’architecte des bâtiments de France et
une stricte harmonie avec les immeubles contigus et qui ne laissent la place à aucune œuvre
architecturale particulière. Ainsi, d’importantes contraintes techniques et/ou réglementaires sont en
contradiction avec une création originale. Dès lors, c’est par un abus de langage que l’appelant
considère que «l’originalité et son travail de recherche de longue haleine ont été récompensés par
l’obtention du permis de construire» sauf à considérer que la délivrance de cette autorisation
administrative est constitutive d’un label d’originalité. »
Ici, l’originalité est écartée car les juges ont dressé le constat de l’ensemble des contraintes
qui, cumulées, ne laissaient pas, selon eux, à l’architecte une liberté lui permettant d’exercer
sa créativité. Ces contraintes étaient effectivement a priori assez fortes et nombreuses : zone
protégée et site classé imposant une stricte harmonie avec les constructions existantes,
contraintes techniques et réglementaires1…
1 . Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation le 17 février 2011 (2e chambre civile, n° 10-30-439, publiée
au Bulletin des arrêts des chambres civiles).
La propriété intellectuelle et le droit d’auteur en matière de construction et d’aménagement | 119
« […] attendu que l’arrêt énonce avec raison que la vocation utilitaire du bâtiment commandé à un
architecte interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son œuvre, à laquelle
son propriétaire est en droit d’apporter des modifications lorsque se révèle la nécessité de l’adapter à
des besoins nouveaux ; qu’il appartient néanmoins à l’autorité judiciaire d’apprécier si ces altérations
de l’œuvre architecturale sont légitimées, eu égard à leur nature et à leur importance, par les
circonstances qui ont contraint le propriétaire à y procéder… »
« […] si en raison de la vocation d’un stade, l’architecte qui l’a conçu ne peut prétendre imposer au
maître de l’ouvrage une intangibilité absolue de son œuvre, ce dernier ne peut toutefois porter
atteinte au droit de l’auteur de l’œuvre en apportant des modifications à l’ouvrage que dans la seule
mesure où elles sont rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques
ou de sécurité publique légitimés par les nécessités du service public et notamment la destination de
l’ouvrage ou son adaptation à des besoins nouveaux. »
Les juges précisent leur position et imposent, pour légitimer les modifications, de rapporter
la preuve de ce qu’elles sont strictement indispensables.
Ici, la preuve a contrario était rapportée : il existait, à dire d’expert, d’autres solutions
permettant d’atteindre les objectifs sans altérer l’œuvre.
La notion d’« impératifs esthétiques » (qui n’apparaissait pas dans la jurisprudence Bonnier/
Bull) semble plus discutable et les termes mêmes sont potentiellement antinomiques. Une
autre décision postérieure reprend les mêmes principes2.
1. Arrêt du Conseil d’État du 11 septembre 2006, Agopyan/ville de Nantes, requête n° 265 174
2. Arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 1er octobre 2008, Mikaelian/ville de Montrouge
| La propriété intellectuelle en BIM
1 . Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée
122 | La propriété intellectuelle en BIM
En outre, l’analyse de cette question distinguera trois phases : conception, travaux, exploitation.
Enfin, il faut considérer un deuxième niveau de protection par le droit d’auteur : à côté de la protection
des œuvres (architecture, aménagement, paysage…) contenues dans la maquette, celle de la maquette
BIM elle-même est à envisager.
Elle sera évoquée avant d’aborder les œuvres contenues dans la maquette en phases conception,
réalisation puis exploitation.
La phase conception
La maquette numérique et l’interopérabilité permettent des interventions diverses et multiples à des
stades très précoces de la conception.
Les avantages en résultant sont incontestables puisqu’il sera ainsi possible de déterminer, prendre en
compte et traiter des contraintes matérielles et techniques de manière précoce dans le processus de
conception.
Dans ce schéma cependant, il faut garder à l’esprit que le projet objet et résultat de cette phase de
conception reste une réponse à un programme exprimant des besoins généraux (fonctionnels et
qualitatifs intégrant la dimension architecturale). La succession des étapes doit rester cohérente au
regard des objectifs à atteindre.
Ainsi, le schéma général a vocation à demeurer celui consistant à permettre au concepteur (l’architecte
le plus souvent) de formaliser, en amont de toute autre intervention, un projet suffisamment avancé
répondant au programme et prenant à ce titre en considération les spécifications techniques requises
dont le traitement sera à la charge des BET ; en d’autres termes, le projet architectural doit permettre
leur intégration.
Il convient de noter à ce sujet que les études techniques sont en principe des outils au service de la
réalisation du projet architectural. Il n’en demeure pas moins que chaque opération est spécifique et
doit être appréhendée comme telle.
Certaines exigences programmatiques techniques, en termes par exemple de performance énergétique,
pourront justifier une intervention très en amont des bureaux d’études techniques, intervention
impactant directement ou indirectement la formalisation (au sens du droit d’auteur) en cours du projet.
Cette situation n’est cependant pas nouvelle ni spécifique au BIM. Simplement, celui-ci (puisque c’est
son but même) rend ce processus d’intervention plus accessible, pratique et rapide matériellement.
Les phases collaboratives pourront à ce titre être précisées dans leur objectif et leurs modalités dans le
but de déterminer si elles sont de nature à impacter le statut des intervenants et à élargir à certains
d’entre eux la qualité d’auteur qui ne leur serait pas attribuable dans un schéma classique.
En conséquence, en considération du droit d’auteur, dans un souci de transparence, pour éviter toute
difficulté et tout litige et rendre ainsi le dispositif efficient et sûr pour chacun des utilisateurs et
bénéficiaires, il convient que soient prévus à cet égard, de manière adaptée à chaque opération :
• l’enchaînement des interventions (au sein de la maîtrise d’œuvre mais aussi plus largement) ;
• les phases de conception collaborative et/ou partagée : qui, quand, comment, etc. ;
• les modalités d’élaboration des PEO (plans d’exécution des ouvrages) s’ils sont à la charge de la
maîtrise d’œuvre ;
• la traçabilité constante des interventions respectives de chacun afin de permettre de déterminer, en
application des principes évoqués ci-avant, la qualité d’auteur ou de coauteur.
Les contrats et le protocole seront les outils adaptés à cet effet.
D’une manière générale, l’auteur, les auteurs ou les coauteurs d’une œuvre doivent pouvoir
identifier toute intervention sur la maquette de nature à impacter les aspects formels originaux
(en tout ou partie) du projet (ou de la part de projet sur laquelle ils détiennent la propriété
intellectuelle).
Ils doivent en effet pouvoir l’analyser et, à défaut de validation, sauf nécessité impérieuse (voir
jurisprudence ci-avant), ils doivent pouvoir proposer des adaptations dans le cadre du respect de leur
œuvre.
124 | La propriété intellectuelle en BIM
À compter de la conception formalisée d’une œuvre originale, le ou les auteurs ont le droit de voir
figurer leur nom en cette qualité ; il conviendra de veiller à ce que tous les documents et éléments
reproduisant ou montrant tout ou partie de leur œuvre (notamment ceux figurant dans la maquette)
fassent mention de ce nom et de cette qualité à tout moment du processus.
La phase travaux
Les principes développés concernant la phase conception demeurent applicables en tant que de besoin,
notamment en cas d’études demandées à la maîtrise d’œuvre pendant le chantier (modifications du
projet par exemple).
En phase travaux, les entreprises ont pour tâche la réalisation des travaux d’édification de l’ouvrage
conçu préalablement. Si elles ont la charge des PEO (plans d’exécution des ouvrages), elles réaliseront
ceux-ci dans le cadre du processus BIM sur le fondement des éléments auxquels elles auront
connaissance et/ou accès au sein de la maquette. Techniquement, cette tâche sera ainsi facilitée (par
l’utilisation de la maquette) mais il n’existe a priori aucun bouleversement au regard d’un processus
classique.
Dans le cadre du visa des PEO par la maîtrise d’œuvre, il s’agira de vérifier leur conformité au projet
tant d’un point de vue technique qu’architectural.
Cette étape sera donc de nature à permettre aux auteurs de vérifier le respect de leur œuvre.
Là encore, il s’agira, dans le cadre du protocole BIM, de déterminer le déroulement du visa et
logiquement terminer par le visa architectural ou plus largement le visa des auteurs ou coauteurs
permettant de sécuriser la construction en termes de propriété intellectuelle. Ce « circuit » sera
opposable aux entreprises mais aussi à l’ensemble des intervenants.
Avant l’intervention des entreprises, et dans l’optique de préservation des droits d’auteur et plus
précisément du droit moral au respect de l’œuvre, il peut être envisagé de « verrouiller » certaines parties
du projet, signifiant par là même leur intangibilité formelle.
Toutefois, cette faculté ne peut qu’être traitée comme une exception compte tenu des objectifs mêmes
du BIM.
La phase exploitation
Au regard des potentialités de la maquette au stade du fonctionnement, de l’utilisation et de
l’exploitation du bâtiment, l’appréhension du droit d’auteur est nécessaire.
En effet, il conviendra, pour pouvoir réutiliser les études (au sens large) formalisées (et contenues dans
la maquette) des architectes concepteurs et plus largement de tout auteur, de s’assurer de la cession
préalable et valable des droits patrimoniaux nécessaires.
En outre, il faudra prendre en considération le droit moral des auteurs :
• droit au nom sur les ouvrages, leur reproduction par tout moyen, etc. ;
• droit au respect de l’œuvre ; c’est l’aspect le plus prégnant. Rendant les plans d’origine facilement
accessibles et utilisables (c’est son but), la maquette ne peut permettre de se dédouaner du droit
d’auteur.
À ce titre, des mentions particulières dans la maquette elle-même, qui sera fournie à l’utilisateur, attirant
l’attention sur cette dimension, devront être insérées.
Des alertes pourraient par ailleurs être envisagées, permettant aux auteurs identifiés d’être prévenus en
cas d’intervention sur leur projet pour leur permettre de vérifier, le cas échéant, la portée de ces
interventions et leur compatibilité avec le respect de leur propriété intellectuelle ; puis d’intervenir pour
Le droit d’auteur appréhendé dans le processus BIM | 125
proposer ou orienter des solutions alternatives en fonction des objectifs recherchés. Ce système
impliquerait évidemment l’information de l’utilisateur.
Le verrouillage, là encore, peut être aussi envisagé, avant remise de la maquette à l’utilisateur, à l’issue
de l’exécution de la mission de maîtrise d’œuvre, de certaines parties concernant les aspects les plus
originaux et symboliques de l’ouvrage (et identifiés comme tels par les auteurs) afin de circonscrire les
interventions qui, sans accord préalable des concepteurs, sont de nature à porter atteinte à leurs droits
d’auteur.
Une telle solution doit toutefois être limitée dans son usage puisqu’elle est par nature contraire à l’esprit
même du BIM. Elle doit s’utiliser de manière raisonnable.
En synthèse
Le processus BIM ne bouleverse pas les rôles des acteurs ni en conséquence la titularité des
droits de propriété intellectuelle dans un processus BIM.
Il importe également à ce titre de bien cerner les missions de chacun et de veiller à la
traçabilité des interventions et de l’évolution du projet dans la maquette.
En BIM, les droits de propriété intellectuelle doivent s’entendre comme ceux portant sur les
œuvres, titres, éléments… contenus dans la maquette et ceux relatifs à la maquette elle-
même.
Conclusion
Le LEAN appliqué à la construction : comment optimiser la gestion de projet et réduire coûts et délais dans le
bâtiment
Éric Dupin, 2014, 160 pages
Revit Architecture
Julie Guézo et Pierre Navarra, 2016, 448 pages