Vous êtes sur la page 1sur 169

PROCÉDÉS CHIMIE - BIO - AGRO

Ti452 - Opérations unitaires. Génie de la réaction chimique

Génie des procédés et protection


de l'environnement

Réf. Internet : 42327 | 5e édition

Actualisation permanente sur


www.techniques-ingenieur.fr
Tec h n ique s de l ’I n gé ni eur
La plus impor tante ressource documentaire scientifique
et technique en français

Une information fiable, claire et actualisée


Validés par un comité scientifique et mis à jour en permanence sur Internet,
les articles Techniques de l’Ingénieur s’adressent à tous les ingénieurs et
scientifiques, en poste ou en formation.
Outil d’accompagnement de la formation et de la carrière des ingénieurs,
les ressources documentaires Techniques de l’Ingénieur constituent le socle
commun de connaissances des acteurs de la recherche et de l’industrie.

Les meilleurs experts techniques et scientifiques


Plus de 200 conseillers scientifiques et 3 500 auteurs, industriels, chercheurs,
professeurs collaborent pour faire de Techniques de l’Ingénieur l’éditeur
scientifique et technique de référence.
Les meilleurs spécialistes sont réunis pour constituer une base de
connaissances inégalée, vous former et vous accompagner dans vos projets.

Une collection 100 % en ligne


• Accessibles sur www.techniques-ingenieur.fr, les dernières nouveautés et
actualisations de votre ressource documentaire
• Les articles téléchargeables en version PDF

Des services associés


Rendez-vous sur votre espace « Mon compte » en ligne pour retrouver la liste
des services associés à vos droits d’accès et les utiliser.

 Des services associés


Pour toute information, le service clientèle reste à votre disposition :
Tél : 01 53 35 20 20 l Fax : 01 53 26 79 18 l Mail : infos.clients@teching.com

III
Cet ouvrage fait par tie de
Opérations unitaires. Génie de la réaction
chimique
(Réf. Internet ti452)
composé de  :
Industrialisation des procédés et usine du futur Réf. Internet : 42602

Thermodynamique et cinétique chimique Réf. Internet : 42323

Transfert de matière en génie des procédés Réf. Internet : 42326

Opérations unitaires : agitation et mélange Réf. Internet : 42486

Catalyse et procédés catalytiques Réf. Internet : 42325

Électrochimie Réf. Internet : 42322

Réacteurs chimiques Réf. Internet : 42330

Chimie en flux continu Réf. Internet : 42682

Opérations unitaires : séparation Gaz-Liquide Réf. Internet : 42324

Opérations unitaires : extractions fluide/fluide et fluide/ Réf. Internet : 42332


solide

Opérations unitaires : techniques séparatives sur membranes Réf. Internet : 42331

Opérations unitaires : séparation de phases, décantation Réf. Internet : 42484


et filtration

Opérations unitaires : évaporation et séchage Réf. Internet : 42316

Opérations unitaires : tri et traitement des liquides et des Réf. Internet : 42446
solides

Opérations unitaires : traitement des gaz Réf. Internet : 42485

Modélisation en génie des procédés Réf. Internet : 42328

Innovations en génie des procédés Réf. Internet : 42487

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
• Saisissez la référence Internet pour accéder directement aux contenus en ligne
• Retrouvez la liste complète des ressources documentaires

IV
Cet ouvrage fait par tie de
Opérations unitaires. Génie de la réaction
chimique
(Réf. Internet ti452)

dont les exper ts scientifiques sont  :


Jean-Claude CHARPENTIER
Professeur et directeur de recherches CNRS au Laboratoire Réactions et Génie
des Procédés à l'ENSIC-Nancy, Ancien directeur de l'ENSIC-Nancy, de l' ESCPE
Lyon et du département Sciences pour l'ingénieur du CNRS, Past-président de
la Fédération européenne de génie chimique (EFCE)

Jean-Pierre DAL PONT


Président de la SFGP (Société française de génie des procédés), Secrétaire
général de l'EFCE (Fédération européenne du génie chimique), Président de la
SECF (Société des experts chimistes de France)

Jean-François JOLY
Ingénieur de l'École supérieure de chimie industrielle de Lyon, Ingénieur-
docteur de l'Université de Lyon, Directeur expert à l'IFP Énergies Nouvelles

Julien LEGROS
Directeur du Groupement de recherche sur la Synthèse en flux continu (GdR
CNRS 2053 Synth_Flux)

Olivier POTIER
Responsable du Groupe Thématique de la Société Française de Génie des
Procédés (SFGP), Laboratoire Réactions et Génie des Procédés (CNRS UMR
7274, Université de Lorraine, Nancy), École Nationale Supérieure en Génie des
Systèmes et de l'Innovation (ENSGSI - Université de Lorraine)

Marie-Odile SIMONNOT
Professeur en Génie des procédés à l'Université de Lorraine (Nancy)

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
• Saisissez la référence Internet pour accéder directement aux contenus en ligne
• Retrouvez la liste complète des ressources documentaires

V
 Sur www.techniques-ingenieur.fr
• Saisissez la référence Internet pour accéder directement aux contenus en ligne
• Retrouvez la liste complète des ressources documentaires

VI
Génie des procédés et protection de l'environnement
(Réf. Internet 42327)

SOMMAIRE

1– Génie des procédés et développement durable Réf. Internet page

Génie des procédés, développement durable et innovation . Enjeux et perspectives J500 11

Usine du futur. Nouvelles approches dans les industries des procédés J8000 15

L'écoconception  : un outil d'innovation pour une chimie durable J4920 21

Les six principes de l’éco-extraction du végétal J4922 25

2– Traitement de l'eau et de l'air Réf. Internet page

Introduction aux traitements de l'air G1700 31

Procédés de dépollution des émissions gazeuses industrielles J3921 35

La photocatalyse : dépollution de l'eau ou de l'air et matériaux autonettoyants J1270 39

Photocatalyse : des matériaux nanostructurés aux réacteurs photocatalytiques NM3600 43

Dessalement de l'eau de mer W5700 47

SO2 (oxydes de soufre) G1800 51

NOx (oxydes d'azote) G1805 57

CO2 (dioxyde de carbone) G1815 61

COV (composés organiques volatils) G1835 65

Risques et prévention dans les installations d'adsorption de COV J3930 69

Réduction des dioxines, furannes et polychlorobiphényls J3935 75

Traitement des COV par un procédé hybride adsorption-ozonation J3945 79

Traitement anaérobie des eluents industriels liquides J3943 83

Céramiques pour l'environnement : iltres, membranes, adsorbants et catalyseurs N4805 89

Traitement des eaux par procédés d’oxydation avancée. Oxydation anodique J3952 93

Filtration des nanoparticules J3402 99

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
• Saisissez la référence Internet pour accéder directement aux contenus en ligne
• Retrouvez la liste complète des ressources documentaires

VII
3– Traitement des déchets, des boues et des sites Réf. Internet page

pollués
Traitements chimiques et physico-chimiques des rejets industriels dangereux liquides G2070 107

Traitement biologique des déchets G2060 115

Oxydation hydrothermale de déchets organiques liquides CHV6010 121

Gazéiication de biomasse en eau supercritique J7010 125

Traitements et destinations inales des boues résiduaires J3944 129

Procédés de traitements physiques et chimiques des sols pollués J3981 135

Bioremédiation des sols J3982 141

Traitement des sols et nappes par oxydation chimique in situ J3983 145

Traitement des sols par désorption thermique conventionnelle J3984 149

Atténuation naturelle contrôlée des polluants organiques : outils et modèles J3985 155

Fin de vie des silicones J3990 161

Procédés durables pour la décontamination d'agents chimiques de guerre J3950 165

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
• Saisissez la référence Internet pour accéder directement aux contenus en ligne
• Retrouvez la liste complète des ressources documentaires
Génie des procédés et protection de l'environnement
(Réf. Internet 42327)


1– Génie des procédés et développement durable Réf. Internet page

Génie des procédés, développement durable et innovation . Enjeux et perspectives J500 11

Usine du futur. Nouvelles approches dans les industries des procédés J8000 15

L'écoconception  : un outil d'innovation pour une chimie durable J4920 21

Les six principes de l’éco-extraction du végétal J4922 25

2– Traitement de l'eau et de l'air

3– Traitement des déchets, des boues et des sites


pollués

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
• Saisissez la référence Internet pour accéder directement aux contenus en ligne
• Retrouvez la liste complète des ressources documentaires


QP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jUPP

Génie des procédés, développement


durable et innovation
Enjeux et perspectives Q

par Jean-Claude CHARPENTIER


Professeur et directeur de recherche CNRS
Ancien directeur de l’ENSIC, de l’ESCIL et de l’ESCPE Lyon et du département sciences pour
l’ingénieur du CNRS
Past-president de la fédération européenne de génie chimique
Laboratoire réactions et génie des procédés CNRS/ENSIC/Université de Lorraine

1. Globalisation des marchés et conscience sociétale....................... J 500 - 2


2. Intensification des procédés et fabrication des propriétés
d’usage des produits ............................................................................... — 3
2.1 Chimie lourde ............................................................................................... — 3
2.2 Chimie fine.................................................................................................... — 3
3. Approche multiéchelle de temps et d’espace .................................. — 3
4. Développement durable ......................................................................... — 6
4.1 Contrôle total multiéchelle du procédé ...................................................... — 6
4.2 Intensification des procédés ....................................................................... — 6
4.3 Génie du produit : élaboration des propriétés d’usage
et fabrication du produit .............................................................................. — 8
4.4 Génie du procédé : modélisation et simulation informatique ................. — 9
5. Conclusions................................................................................................ — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 500

e génie des procédés concerne l’ensemble des sciences et technologies qui


L permettent les transformations physico-(bio)chimiques optimales des
matières premières et des énergies en produits utiles aux consommateurs.
Pour répondre aux besoins des industries chimiques et annexes qui doivent
satisfaire à la fois des demandes économiques changeantes et rester mondia-
lement compétitives, le génie des procédés moderne doit appréhender à la fois
la demande des marchés pour des produits à propriétés d’usage définies aux
nano et micro-échelles de temps et d’espace et les contraintes sociales et envi-
ronnementales des procédés industriels aux échelles méso et macro de
production. Il doit répondre au défi de proposer des procédés comportant des
technologies durables pour des produits verts « sustainable technology for
green product ».
Nous verrons que cela requiert une démarche scientifique comportant une
approche système intégré multidisciplinaire et multiéchelle de longueur et de
temps, appliquée aux différents processus moléculaires et de transferts
souvent couplés qui interviennent aux différentes échelles de la chaîne de pro-
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPQS

duction chimique : c’est-à-dire bien comprendre comment les phénomènes à


une échelle déterminent les propriétés et comportements à l’échelle supérieure
et ce, depuis l’échelle moléculaire jusqu’aux échelles du site de production.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 500 – 1

QQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jUPP

GÉNIE DES PROCÉDÉS, DÉVELOPPEMENT DURABLE ET INNOVATION _________________________________________________________________________

Nous verrons aussi que cette approche multiéchelle, l’approche verte du génie
des procédés qui combine à la fois un attrait des marchés (« market pull ») et
une demande d’innovation technologique (« technology push ») est menée avec
quatre objectifs principaux qui sont fortement mobilisés sur l’intensification des
procédés et sur le génie du couple « produits verts/procédés verts ».
Le but est de produire beaucoup plus et mieux en consommant beaucoup


moins, et de produire des molécules plus durables possédant des enjeux envi-
ronnementaux et économiques avec des technologies et procédés innovants
conduisant à une meilleure utilisation des matières premières et de l’énergie.

1. Globalisation des marchés Toutes ces feuilles de route attirent l’attention sur une inquié-
tude globale planétaire où le génie des procédés devra jouer un
et conscience sociétale rôle crucial : durabilité, santé, sécurité et environnement, énergie,
eau, nourriture et boisson, génie des bio systèmes, énergie solaire,
fusion nucléaire, etc. Et enfin, ces feuilles de route « militent » pour
Face à la globalisation des marchés, à l’accélération des partena- faire évoluer le génie des procédés vers un génie des procédés
riats et des demandes d’innovation, connaître les produits et les moderne volontairement concerné par le développement
procédés qui seront compétitifs dans l’actuelle économie mondia- durable [2] [8] [12] [31] [43] [63] [69] [106]. Ainsi les procédés
lisée est la première des exigences adressées à la recherche et à existant et les nouveaux procédés doivent et devront être progres-
l’innovation en génie chimique et plus généralement en génie des sivement adaptés aux principes de la « chimie verte ».
procédés. De fait, si au début des années 1970, la durée de
demi-vie d’innovation de produit (temps d’accès au marché) était ■ La seconde exigence est directement liée à la demande évolutive
d’environ 10 ans, aujourd’hui une année est souvent considérée des marchés qui conduit à un double défi. Dans les pays en dévelop-
comme un temps long, conséquence de la compétition croissante pement où la main-d’œuvre est bon marché, les contraintes locales
qui règne sur les marchés. En outre, plus de 14 millions de dans la régulation de la production sont moindres et par suite les
composés chimiques peuvent être synthétisés, 100 000 peuvent coûts de production sont faibles et très compétitifs. Les pays indus-
être trouvés sur le marché, mais seulement quelques pourcents trialisés quant à eux connaissent une croissance rapide dans la
d’entre eux se trouvent dans la nature et donc la plupart doivent demande client pour des produits à propriétés d’usage ciblées et en
être délibérément conçus, formulés, synthétisés et fabriqués pour même temps des contraintes issues du public et des médias portant
répondre au besoin de l’humanité, pour tester une idée ou bien sur les procédés dans les domaines de la sécurité et de l’environne-
encore pour satisfaire notre soif de connaissance. Ainsi, un grand ment, combinées à des outils de réglementation comme l’analyse
nombre de demandes du XXIe siècle concernent : du cycle de vie du produit « du berceau à la tombe » [voire par
– le développement de biomatériaux ; exemple la norme européenne pour les produits chimiques Regula-
– la préparation de nanoparticules ; tion, Evaluation, Authorization of CHemicals (REACH)].
– le relargage contrôlé de médicaments, les bionanotechnologies ; Pour répondre à une telle demande sociétale de développement
– la conversion de la biomasse ; durable (durabilité) et offrir une contribution au combat contre la
– l’utilisation des liquides ioniques et systèmes aqueux biphasiques ; destruction environnementale et le comportement « non durable »
– la dynamique de relaxation des composés moléculaires de la production mondiale actuelle où il apparaît que seulement un
complexes ; quart des richesses extraites de la Terre se retrouve sous forme de
produits et de services (figure 1), la chimie et le génie des procé-
– la fabrication de microréacteurs polyphasiques pour des
dés sont désormais confrontés à de nouveaux défis portant sur
réactions sélectives, c’est-à-dire, fluoration.
des systèmes complexes à la fois à l’échelle des molécules, à
Toutes ces demandes sont clairement focalisées sur des l’échelle des produits et à l’échelle des procédés.
exigences sociétales, comme :
– la séquestration du CO2 ;
– la combustion chimique en boucle ;
– le reformage et l’oxydation catalytique partielle du méthane
pour produire du gaz de synthèse ;
– la synthèse des biocarburants ou la production d’hydrogène.
Produits et Pollution, déchets
Ressources et perturbations
La plupart de ces sujets sont répertoriés dans des « feuilles de naturelles Services
environnementales

route » publiées depuis une quinzaine d’années, telles :


Seulement
– les 12 principes de la chimie verte [3] ; 25 % poids de ce
– les 12 principes de l’ingénierie verte [4] ; qui entre dans le
– les 12 grands défis pour l’ingénierie énoncés par l’Académie tuyau sort sous
Nationale Américaine d’Ingénierie (NAE USA 2008) ; forme de produits
et services
– la feuille de route de l’IChemE 21st Century Chemical
Engineering (IChemE roadmap (UK) 2007) ;
– la feuille de route des 10 domaines de recherche à développer
Besoin d’améliorer l’efficacité des procédés
en ingénierie verte pour l’industrie pharmaceutique et la chimie de production d’un :
fine (site ACS Green Chemistry institute) ; • FACTEUR 4 (Von Weizsacker, 1998)
– la feuille de route européenne pour l’intensification des procé- • FACTEUR 10 (Schmidt-Bleek, 1993)
dés pour les quatre secteurs industriels : (a) PETCHEM pour pétro- • FACTEUR 20 (AllChemE, 2001)
chimie et chimie lourde ; (b) FINEPHARM pour chimie de
spécialités et pharmacie ; (c) INFOOD pour ingrédients nutrition- Figure 1 – Comportement non durable de l’humanité
nels et (d) CONFOOD pour consommation d’aliments. (doc. World Rechearch Institute)

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 500 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

QR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jUPP

__________________________________________________________________________ GÉNIE DES PROCÉDÉS, DÉVELOPPEMENT DURABLE ET INNOVATION

2. Intensification sation de solvants verts comme les liquides ioniques ou les fluides
supercritiques et fluorés) au sein de réacteurs microstructurés [55]
des procédés et élaboration [56] [57]. Cette approche qui porte sur l’intensification de la
conception du procédé à la fois par une intensification de la trans-
des propriétés d’usage formation chimique et par une intensification des phénomènes de
transfert de chaleur et de masse dans un réacteur microstructuré
est fortement portée par le projet de la Commission européenne
2.1 Chimie lourde de l’usine du futur F3 FACTORY, 2009.

En effet, pour les produits de commodités et pour les produits


intermédiaires à forts tonnages supérieurs à 1 000 t/an (ammoniac, 2.2 Chimie fine

acide sulfurique, carbonate de calcium, ethylène, aldéhydes, métha-
nol, ethanol, benzène, butadiène, acide adipique, amines...) qui Par ailleurs, la chimie fine, la chimie de spécialités et la
représentent encore aujourd’hui un secteur majoritaire de l’écono- production de principes actifs et de matériaux hautement spéciali-
mie (40 % des marchés) et pour lesquels les brevets ne portent pas sés avec les industries correspondantes (santé, cosmétique, agro-
habituellement sur les produits, les procédés ne peuvent plus être alimentaire) mettent en jeu l’interface chimie/biologie. Cette chimie
durablement sélectionnés sur les seuls critères de l’exploitation éco- de spécialités implique également l’upgrading et la conversion des
nomique « comptable ». Au contraire, il faut établir une bruts lourds pétroliers et des intermédiaires, la conversion des
compensation avec à la fois une sélectivité accrue et des économies produits dérivés du charbon ou des gaz de synthèse en fuel,
liées au procédé lui-même. Le défi est de produire d’énormes quan- hydrocarbures et produits oxygénés.
tités au moindre coût et le problème devient complexe parce que
des facteurs tels que la sécurité, la santé, les aspects environnemen- Pour un consommateur qui n’apprécie généralement plus (ou pas
taux (incluant la raréfaction des matières premières et de l’énergie seulement) un produit pour ses spécifications techniques, mais plu-
et le recyclage des produits et sous-produits ainsi que la demande tôt pour ses critères de qualité (morphologie, couleur, esthétique,
de technologies non polluantes) doivent être pris en compte car le stabilités chimique et biologique, dégradabilité, activité thérapeuti-
client achète un procédé qui ne pollue pas (ou pollue peu) et qui est que, propriétés de surface/colloïdales, propriétés sensorielles...) et
parfaitement sécurisé et automatisé. pour ses fonctions (adhésion, lavage, assainissement...), le contrôle
de ces valeurs d’usage (end-use properties), l’expertise dans la
De plus, n’oublions pas que les capacités de production mondiale conception du procédé, l’ajustement continuel aux demandes chan-
doivent s’accroître d’un facteur 6 d’ici à 2050, si l’on suppose un geantes du consommateur, et la rapidité de la réaction et de la
taux de croissance de l’économie mondiale de 4 % par an. Ainsi, réponse aux conditions du marché sont les éléments dominants
tendre vers des équipements pour une production à l’échelle mon- économiques qui sont et devront de plus en plus être pris en compte
diale pourra bientôt nécessiter un changement partiel ou total de par le génie des procédés moderne. Pour les produits où la valeur
technologie, sachant que les technologies actuelles ne peuvent plus ajoutée est une nanostructure spécifique, le consommateur paiera
être mises en œuvre dans un esprit « on construit toujours plus un surcoût pour une telle fonction, qu’elle soit dans un aliment, une
gros », si l’on doit appréhender des capacités de production encore poudre de lavage, une peinture ou dans un enduit, ou bien encore
jamais rencontrées dans les industries chimiques et connexes. dans un additif pour carburant. Le facteur clé pour la production de
On est ainsi confronté à la nécessité d’une intensification des pro- produits pharmaceutiques ou cosmétiques n’est pas le coût, mais le
cédés de production conduisant à un changement dans les techno- temps d’arrivée sur le marché, c’est-à-dire, la rapidité de la décou-
logies afin d’extrapoler de façon fiable de nouveaux procédés, en verte et de la production de ces produits. Tous ces produits ciblés à
passant d’une échelle intermédiaire à une très grande échelle pour haute valeur ajoutée, à court temps de vie et à grandes marges
laquelle nous n’avons pas d’expérience antérieure. Cela nécessite bénéficiaires, conçus « sur mesure » pour le consommateur en ce
d’adapter la structure, l’architecture et les équipements du procédé qui concerne leur formulation et leur fabrication requièrent aussi
aux conditions des transformations physico-(bio)chimiques plutôt une intensification des procédés avec de nouveaux équipements
que d’adapter la chimie et les conditions opératoires aux équipe- dont la conception dépasse le seul objectif de produire un unique
ments existants et à leurs limites inhérentes d’utilisation. produit de bonne qualité et à bas coût. Au contraire, le besoin
exprimé aujourd’hui porte sur des équipements de production poly-
Le projet européen IMPULSE (Integrated Multiscale Process Units valents, de petites dimensions, facilement lavables, désencrassa-
with Locally Structured Elements) de 2009. Le but de ce projet qui bles, désinfectables, transformables et opérationnels pour d’autres
compte la participation de nombreuses sociétés industrielles et sociétés fabrications (productions flexibles, procédés continus ou en batch,
de services européennes en collaboration avec des centres de recherche conceptions modulaires) [13].
académiques est d’obtenir une amélioration radicale des productions à
grande échelle grâce à une intégration ciblée au sein des unités de pro-
Les considérations précédentes sur la demande et la
duction, d’équipements innovants de petites tailles et microstructurés
conception des produits à propriété d’usage désirées et de leurs
pour fournir les conditions opératoires locales requises pour la transfor-
procédés de production intensifiés doivent être prises en compte
mation chimique en augmentant le mélangeage et le transfert de cha-
dans la définition et l’évolution scientifique du génie des procé-
leur, ce qui augmente la productivité et peut augmenter la sélectivité.
dés moderne, mais comment et avec quelle approche ?
Ainsi, les unités de production à grande échelle peuvent être créées par
intégration et interconnexions d’éléments divers, localement structurés
à petite échelle au sein des unités de macroproduction à grande échelle,
c’est-à-dire la diminution du nombre d’équipements dans l’usine, la
réduction des tailles d’équipement et une meilleure prédiction de l’extra- 3. Approche multiéchelle
polation de la taille des équipements [54] [62] [74] [88].
de temps et d’espace
Ou bien encore on est confronté à la nécessité d’intensification
des procédés en « intensifiant la chimie (novel process windows) » Le but du génie des procédés est le développement de concepts,
par une accélération de la cinétique chimique pour réduire de méthodologies et de technologies pour mieux comprendre,
considérablement le temps de la réaction. Cela implique, par concevoir, dessiner et faire fonctionner de façon optimale les procé-
exemple, la mise en œuvre de conditions très sévères de fonction- dés de transformations physico-chimiques et biologiques de la
nement (températures et pressions extrêmes, concentrations très matière première et de l’énergie en des produits utiles au
importantes pour les réactifs, absences de solvants ou bien utili- consommateur.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 500 – 3

QS
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jUPP

GÉNIE DES PROCÉDÉS, DÉVELOPPEMENT DURABLE ET INNOVATION _________________________________________________________________________

Mais, comme nous l’avons souligné précédemment, l’accent mis mique) pour la compréhension, la conception et le fonctionnement
aujourd’hui sur l’élaboration des propriétés d’usage de certains pro- optimal de tous les processus physico-bio-chimiques complexes
duits nécessite l’utilisation d’une large variété de technologies qui interviennent aux différentes échelles d’espace et de temps
incluant notamment le nouveau rôle des microtechnologies, rencontrées dans ce qui est défini comme la chaîne de production
c’est-à-dire l’utilisation de micromélangeurs, de micro-échangeurs de chimique chemical supply chain (figure 2). Cela va des échelles
chaleur et de matière, et de réacteurs microstructurés pour l’intensifi- nano (voir pico) et micro pour les processus moléculaires, les
cation de certains procédés de production. 60 % de tous les produits usines cellulaires, les clusters, les particules et pour les couplages
vendus par les industries chimiques et connexes sont des solides entre réactions (bio) chimiques et phénomènes de transport et de

Q cristallins, amorphes ou polymériques. Ces matériaux doivent avoir


une forme clairement définie pour posséder les qualités d’usage sou-
haitées. Il en va de même pour les produits pâteux et les émulsions.
transferts de matière et de chaleur jusqu’aux échelles méso, macro
et méga des unités et du site de la production industrielle du pro-
duit, et ce, avec des procédés continus ou en batch, bien contrôlés
La production de tous ces produits concerne globalement des maté- et non polluants.
riaux hautement spécialisés, des principes actifs et des produits de Pour illustrer, la figure 3 présente schématiquement une vision
chimie de spécialité qui sont en fait beaucoup plus complexes en ter- multi-échelle d’un procédé catalytique à lit fluidisé avec la locali-
mes de structure moléculaire et de nano et microstructures que les sation des différentes échelles de longueur où interviennent de
produits traditionnellement fabriqués par la chimie lourde. façon très liée les phénomènes caractérisant la physico-chimie, le
Voilà pourquoi le génie des procédés moderne est concerné par génie du produit, le génie du procédé de production, le génie des
le développement de procédures systématiques (approche systé- systèmes de production et même le cycle écologique.

Temps
Mois
Entreprise
Site
Jour
Usines
h
Unités de procédé
min Systèmes simple
s ou multiphases
Particules,
films minces petit
ms intermédiaire
Cluster Échelle
ns grand
chimique
Molécules
ps

1 pm 1 nm 1 µm 1 mm 1m 1 km Longueur
Aujourd’hui le génie des procédés moderne est concerné par la compréhension,
la conception, l’expérimentation, la modélisation et simulation, et le
fonctionnement optimal de tous les processus complexes qui interviennent aux
différentes échelles de « la chaîne de production chimique », depuis les échelles
des nano et microsystèmes où les composés chimiques doivent être synthétisés
et caractérisés au niveau moléculaire (chimie verte) jusqu’aux échelles
industrielles des procédés durables fonctionnant en continus ou en batch
(procédés verts).

Figure 2 – Multiéchelle de la chaîne de production chimique

MICRO MESO MACRO

Bouilleur
CO2

Air
Cendres
En
gra
is

n
h arbo
et c
asse
Biom

Air Pulvérisation Approvisionnement


nanostructure élément agrégats équipement unités de
molécules assemblage (~ 1 µm) ~ 1 mm) (~ 1 cm) (~ 1 cm) production (~ 1 cm)

Chimie et physique Génie des procédés Systèmes écologiques


Génie du produit Génie du système de procédés

Figure 3 – Différentes échelles hydrodynamiques d’un procédé à lit fluidisé

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 500 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

QT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jXPPP

Usine du futur. Nouvelles approches


dans les industries des procédés

par Jean-Pierre DAL PONT
Président de la Société française de génie des procédés SFGP
Secrétaire Général de la Fédération Européenne de Génie Chimique EFCE
Président de la Société des Experts Chimistes de France SECF
et Catherine AZZARO-PANTEL
Professeur des Universités
Laboratoire de génie chimique UMR CNRS 5503 Université de Toulouse ENSIACET INPT

1. Situation industrielle de la France ................................................... J 8 000 - 2


2. Industries de procédé .......................................................................... — 3
3. Entreprise industrielle et ses moyens de production ................. — 3
3.1 Entreprise vue par ses flux....................................................................... — 3
3.2 Produit vu par le fabricant et le client ..................................................... — 3
3.3 Analyse stratégique de l’entreprise sous ses aspects industriels ........ — 5
4. Industrialisation, outils classiques .................................................. — 7
4.1 Notions de base ........................................................................................ — 7
4.2 Simulateurs de procédés ......................................................................... — 8
4.3 Prise en compte des impératifs du développement durable ................ — 9
4.4 Principes de la chimie verte et de l’ingénierie verte .............................. — 9
4.5 Indicateurs, indices et métriques de développement durable en génie
des procédés ............................................................................................. — 10
4.6 Recyclage et économies circulaires ........................................................ — 13
5. Usine de demain, nouvelles approches .......................................... — 13
5.1 Innovation au cœur de l’entreprise ......................................................... — 14
5.2 Nouvelles approches d’industrialisation : vers une écologie
industrielle................................................................................................. — 14
5.3 Maîtrise des opérations industrielles ...................................................... — 18
5.4 Lean manufacturing – Progrès continu................................................... — 18
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPQS@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPQX

5.5 Management du changement.................................................................. — 18


5.6 Vers la société numérique........................................................................ — 19
5.7 Gestion industrielle pour l’entreprise de demain .................................. — 19
5.8 Ingénieur de procédés pour l’usine de demain...................................... — 19
6. En terme de conclusion....................................................................... — 19
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. J 8 000

es Éditions techniques de l’ingénieur sont riches d’articles sur le mana-


L gement de l’entreprise, l’ingénierie de procédés, les techniques de
production, la maîtrise des risques sans oublier tout ce qui a trait aux maté-
riaux, à la mesure, au contrôle...
L’évolution considérable du système productif de la France et de beaucoup
de pays a abouti au lancement d’une nouvelle base documentaire
« Industrialisation des procédés : défis et nouvelles approches » qui doit per-
mettre aux lecteurs de se forger une idée sur l’évolution des concepts de
développement de produits, d’industrialisation, de gestion industrielle, dans
l’esprit d’un développement durable.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 8 000 – 1

QU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jXPPP

USINE DU FUTUR. NOUVELLES APPROCHES DANS LES INDUSTRIES DES PROCÉDÉS _____________________________________________________________

Cette base est une suite logique à caractère plus industriel de la collection
Génie des procédés (GP), défini comme une science d’intégration de multiples
techniques, chimie, biotechnologie, physique, mathématiques... Le rôle de
l’ingénieur en GP est de concevoir, construire, diriger et faire fonctionner et
améliorer les outils des industries éponymes, rôle grandissant dans les
domaines aussi importants que l’énergie, l’eau, l’alimentation, et de sa
contribution au bien-être dans une société qui se cherche.

Q Or, la solution à ces problématiques se trouve en partie dans les outils de


production, dans les ateliers. Ce n’est que depuis quelques années que les
sociétés des pays industrialisés s’interrogent à des titres divers sur l’avenir de
leurs usines. Cette interrogation provient pour l’essentiel de la montée du chô-
mage, de l’augmentation incontrôlable de la dette publique due, entre autres, à
l’invasion de produits provenant des pays émergents tels les BRIC (Brésil,
Russie, Inde, Chine) auxquels il faut ajouter à ce jour l’Afrique du Sud devenus
les BRICS. La Chine est devenue l’Atelier du monde.
L’objectif de cet article est plus d’induire une réflexion que des articles
complémentaires du traité « Opérations unitaires. Génie de la réaction
chimique » viendront conforter, que d’apporter des solutions toutes faites à
une problématique extrêmement vaste et complexe.

1. Situation industrielle La recherche scientifique (R&D) qui a été à l’origine et qui a sou-
tenu l’éclosion d’industries nouvelles performantes comme le
de la France nucléaire, le téléphone, les transports (AIRBUS, TGV...) à côté de
quelques « couacs » économiques comme le Concorde, semble
s’essouffler et tourner à vide : sans industrie, plus de R&D.
La France n’échappe pas à cette problématique à laquelle il faut L’Innovation n’est alors plus au rendez-vous : en 2012 notre
ajouter ce qui semble être un manque de compétitivité, fait très capacité à innover se classait 24e dans le monde et seulement 18e
grave s’il perdure. Le manque de compétitivité ne permet plus de en Europe (selon le Global Innovation Index de l’INSEAD).
conquérir des parts de marché tant sur les marchés intérieurs qu’à
l’exportation. À cela s’ajouterait un manque d’attractivité définie Dans les années 1980, la France a misé sur les services et a
comme la capacité à attirer en France des investissements étran- commencé à négliger son outil industriel méconnaissant le fait que
gers créateurs d’emploi et les garder. la richesse se crée dans les ateliers avant que les services ne la
redistribuent ! « On misait alors sur la société post-industrielle »,
Des pans entiers de notre industrie ont disparu ; audiovisuel, « la nouvelle économie », « l’entreprise sans usine ».
électronique, chimie lourde, métallurgie et avec eux un savoir faire
de plusieurs décennies. À son tour l’automobile est aujourd’hui Adam SMITH ne l’avait-il déjà pas pressenti dans son livre
dans le rouge. « Richesse des nations » paru en 1776 ?
Les relocalisations d’outils de production dans ces pays ou L’INSEE fixe effectivement le début de la « désindustrialisation »
depuis des années la croissance avoisine ou dépasse les deux chif- en France aux années 1980. L’emploi manufacturier est alors passé
fres entraînent désordre social et interrogations quant à la situa- de 5,1 millions en 1980 à un peu moins de 2,9 millions aujourd’hui
tion matérielle des générations futures. soit une perte de 2 millions en trente ans. Parallèlement, la part de
l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée s’est réduite de
L’exportation de biens à haute technologie (AIRBUS, chimie fine, 20,6 % à 10 % environ.
pharmacie, luxe) et de produits agroalimentaires ne compense pas
le déséquilibre commercial. Le développement des industries ver- L’avènement du concept Développement durable dont nous cré-
tes reste encore marginal. ditons Rachel CARSON [1] a mis l’accent sur la nécessité de res-
pecter l’environnement tant pour les outils de production, sources
La France pays traditionnellement agricole a connu après la
de nuisances, que pour les produits qui en sont issus.
deuxième guerre mondiale une période (les « Trente Glorieuses »
de 1950 à 1980) qui en a fait un pays doté d’une forte infrastructure L’exploration spatiale a eu une conséquence inattendue : elle a
industrielle. fait prendre conscience aux Terriens que notre planète « bleue »
est un monde fini aux ressources limitées. Ressources d’autant
Cette transformation s’est accompagnée d’une amélioration du
plus limitées que la population continue d’augmenter.
niveau de vie considérable : l’électroménager, l’audiovisuel, la voi-
ture pour ne citer que quelques exemples, ont transformé une La médiatisation parfois outrancière (médiacratie ?), la révolu-
société qui s’est enrichie, s’est habituée aux loisirs alors qu’en tion apportée par INTERNET qui n’a pas de précédent dans l’his-
même temps s’améliorait son éducation grâce à l’augmentation toire de l’humanité sinon peut-être l’invention de l’imprimerie, qui
sans précédent du nombre de diplômés. fait que tout se sait, a modifié notre approche des phénomènes,
des situations politiques.
La baisse de la croissance a réduit considérablement les inves-
tissements physiques et même les investissements de maintien : Nous sommes à la fin d’une période que l’on peut qualifier
l’outil industriel a vieilli. Il apparaît aujourd’hui que l’appareil de d’industrielle née avec la révolution éponyme au XVIIIe siècle qui a
production des pays concurrents est dans un bien meilleur état vu son apogée et sa structuration au XIXe siècle et qui s’est prolon-
que le nôtre. gée jusqu’à la période actuelle.

J 8 000 − 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

QV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jXPPP

______________________________________________________________ USINE DU FUTUR. NOUVELLES APPROCHES DANS LES INDUSTRIES DES PROCÉDÉS

C’est dans ce contexte de turbulences et d’incertitude que sont


apparus un certain nombre de vocables tels que : usine du futur, 3. Entreprise industrielle et
usine durable, usine de demain, usine flexible, usine avec un futur,
usine pérenne, usine performante...
ses moyens de production
Le présent article essaie d’aborder le sujet en le replaçant dans
le contexte de la société d’un pays développé comme la France, 3.1 Entreprise vue par ses flux
acteur encore important dans le monde bien que sa population
La figure 1 schématise l’outil industriel né très souvent de travaux


n’en représente qu’un centième, dans le contexte de l’entreprise
qui risque ses capitaux pour construire un outil de production. de recherches. Sa matérialisation au niveau de l’entreprise ressort
de la conversion de capitaux en un investissement physique
(CAPEX Capital Expenditures) ; c’est le résultat du processus
d’industrialisation qui est détaillé plus loin. Les frais de fonctionne-
2. Industries de procédé ment (OPEX Operating Expenditures) incluent les dépenses liées
directement au produit tels les achats de matières premières MP et
les dépenses liées au fonctionnement propre de l’outil telles les frais
Nous nous intéressons essentiellement aux industries de procé-
de main-d’œuvre MO, l’énergie, la maintenance etc.
dés, industries de transformation de la matière et de l’énergie par
voie chimique, physique, biologique, telles les industries de la Une vision systémique de l’atelier de production met en
chimie, de la pharmacie, la métallurgie, la papeterie, la cimenterie, évidence différents flux :
les industries agroalimentaires... – flux de matière (matières premières, produits finis incluant
Elles sont le pendant de l’autre grande catégorie d’industries transport, stockage et distribution, déchets, rejets) ;
que sont les industries manufacturières qui fabriquent des objets – flux d’énergie ;
discrets comme l’industrie automobile, l’électroménager, l’aéro- – flux financiers (achats, ventes de produits et services, frais de
nautique... fonctionnement, investissements de maintien...) ;
Ce sont généralement des industries capitalistiques qui exigent – flux de personnes : entrée, sortie du personnel de l’entreprise,
des efforts importants en investissement et dont le retour sur des sous-traitants, des livraisons, des expéditions, des visiteurs...) ;
investissement est généralement long, de plusieurs années. Cela – flux d’information (gestion des flux précédents, contrôle de
nuit souvent à leur attractivité. l’outil au sens le plus large).
Ce sont des industries fortement basées sur la recherche et le déve- La gestion des flux fait appel aux ERP (Entreprise Resources
loppement (R&D) dont le coût peut atteindre les 10 à 14 % du chiffre Planning ) en français PGI (Progiciel de Gestion Intégré), logiciels qui se
d’affaires, des industries en évolution constante à la recherche sont développés considérablement à partir des années 1990. L’entre-
d’innovation pour mettre sur le marché des produits nouveaux prise allemande SAP détient une part très importante de ce marché.
De ce fait, ce sont des industries à risque : c’est le cas de la pharma-
cie ou la commercialisation d’un nouveau médicament est de l’ordre Le concept de Supply Chain inventé par CHRISTOPHER [9]
de 8 à 10 ans pour un coût qui peut dépasser le milliard d’euros. s’attache au management des produits et marchandises avec
comme objectif final la satisfaction du client (figure 2).
Leur impact sur l’environnement est souvent important, à la
source de pollution des eaux, de l’air (gaz à effet de serre GES),
avec des besoins en énergie élevés pour la chimie dite de base ou Le concept de supply chain sous-tend une vision dynamique des
chimie lourde (chimie des engrais, des matières plastiques...). flux.
Il est important de noter que les industries chimiques sont à C’est de l’analyse des flux produit que Taiichi OHNO a inventé le
l’amont de nombreuses industries qui ont besoin de leurs JIT (Just In Time), base du système TOYOTA d’élimination des
produits. Il suffit d’examiner les pièces d’équipement qui rentrent stocks.
dans une voiture : pare-brise, sièges, tableau de bord, tuyauteries,
sans parler des pneumatiques, des carburants, des huiles...
Déjà sous les aspects scientifiques Thomas A. Edison disait que 3.2 Produit vu par le fabricant et le client
la chimie est la mère de toutes les sciences.
On pourrait presque dire que les industries qu’elle a engendrées Au lendemain de l’entrée en guerre des États-Unis en 1942,
sont la mère de bien d’industries. Laurent MILES a inventé l’analyse fonctionnelle, l’analyse de la
valeur AV probablement une des avancées majeures en mana-
Nous avons estimé qu’aborder un thème aussi complexe que gement du XXe siècle [10] [11].
l’usine de demain nécessitait en premier lieu de comprendre la struc-
ture de l’entreprise qui en est à l’origine, le fonctionnement basique
d’un atelier de production sous l’aspect des flux, de l’interaction avec L’analyse de valeur AV est une méthode pour concevoir des
la société et la prise en compte du développement durable. produits nouveaux ou améliorer des produits existants afin de
satisfaire le(s) client(s) au moindre coût. Il s’agit de créer de la
Dans un deuxième temps, un retour sur le processus d’industria-
valeur, non pas au sens financier, mais pour rendre service au
lisation, c’est-à-dire le passage de la R&D à un outil de production
client et lui offrir ce qu’il est prêt à payer. L’AV repose sur la
délivrant un ou des produits à valeur d’usage permet de revenir
notion de fonction définie comme l’action d’un produit ou de
aux principes fondamentaux de conception et de réalisation.
l’un de ses constituants [DAL03a].
Le processus d’industrialisation met en œuvre un grand nombre
de techniques – concept de la boîte à outils (tool box) – parmi
lesquels les outils d’évaluation du procédé qu’ils soient d’ordre Définir une fonction, c’est répondre aux attentes du client. Parmi
financier, donc lié à la rentabilité, de sécurité, de fonctionnement les différentes fonctions, la fonction de service est primordiale ; un
et aujourd’hui d’évaluation de l’impact sur l’environnement au porte-mine sert à laisser une trace sur un support, à écrire.
sens le plus large. Fonction technique, fonction d’estime, fonction de contrainte...
C’est à partir de l’analyse de ces critères, de ces concepts et sont les éléments clés de l’AV.
modes de travail que sont dégagés un certain nombre de principes Du point de vue industriel, il est intéressant de constater que la
qui permettent de différencier l’usine de demain, l’usine gagnante perception du produit par l’utilisateur et le producteur est
de celles qui l’ont précédé. différente. C’est ce qu’illustrent les figures 3 et 4.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 8 000 – 3

QW
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jXPPP

USINE DU FUTUR. NOUVELLES APPROCHES DANS LES INDUSTRIES DES PROCÉDÉS _____________________________________________________________

Recherche

Industrialisation


création de l’outil
industriel

Frais de
fonctionnement
Capitaux (MO, maintenance,...)
Source Source Clients
MP MP MP inconnus
Produits Conditionnement Clients
Énergie Énergie Outil industriel Distribution
Formulation connus
Energie fins Emballage Utilisation
méconnue

Déchets Déchets Déchets

Amont parfois Supply chain du transformateur Aval parfois


méconnu (bornes de son système) méconnu

Figure 1 – Vision systémique de l’entreprise

Flux d’information

Calcul des besoins Prévisions commandes

Stock Stock
Fournisseurs matières Production produits Clients
premières finis

Approvisionnements Manutentions Livraisons

Flux de produits

Figure 2 – Usine vue sous l’angle de la supply-chain

MARKETING FONCTIONNALITÉ

PRIX D’ACHAT SERVICE


R&D / INGÉNIERIE PRODUCTION
(délai, qualité ...)
LOGISTIQUE

Figure 3 – Produit vu par le fabricant Figure 4 – Produit vu par le client

J 8 000 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

QX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jXPPP

______________________________________________________________ USINE DU FUTUR. NOUVELLES APPROCHES DANS LES INDUSTRIES DES PROCÉDÉS

3.2.1 Clé du succès au niveau de l’entreprise


Ventes
Au niveau du producteur, la clé du succès commercial repose Phase Croissance Maturité Déclin
sur le « trépied » constitué par Marketing, R&D&Ingénierie, de
Production & logistique (figure 3) : lancement

– le marketing, a pour but l’analyse des marchés afin de détecter


les besoins des clients ;
– la recherche et développement (R&D) est chargée de concevoir
le produit et l’ingénierie (bureau d’études) doit définir l’outil indus-
triel et le faire construire ;
– la production et la logistique ont pour mission la réalisation du

produit et sa mise à la disposition du client, c’est la distribution.
Le succès nécessite la bonne coordination de tous ces moyens.
Temps
Si un « pied » du « trépied » est défaillant le succès commercial a cycle de vie d’un produit
est en péril.
Ventes

3.2.2 Produit vu par le client


Ce que le client veut c’est une ou des fonctionnalités. Il veut Ventes totales
également un produit le moins cher possible, être aidé en cas de Produit B
difficulté ne serait-ce que lors de sa mise en œuvre (figure 4).
Cette synergie producteur/client est relativement récente tout du Produit A Produit Produit
Produit
moins en France. Elle nécessite de la part du fournisseur de C E
D
connaître les métiers de ses clients, les technologies mises en
œuvre pour autant qu’elles lui sont accessibles ou qu’elles lui
soient dévoilées avec des clauses de confidentialité. Temps
Pour les spécialités et les produits de performance, les critères de
qualité nécessitent, en plus de la conformité à des critères phy- b part des produits dans le chiffre d’affaires d’une entreprise
sico-chimiques classiques (le bulletin d’analyse) et à des critères de
présentation (emballage), la satisfaction de tests de performance. Figure 5 – Couple produit-marché
Ces tests ne sont pas toujours accessibles au fournisseur : c’est
une difficulté supplémentaire.
L’analyse produits/marchés implique outre l’évaluation des CA,
On constate que si un pied de ces deux trépieds n’est pas solide, l’analyse de la pénétration (% des ventes/marché), l’analyse des
il y a contre-performance marges, l’analyse de la concurrence sans oublier la projection dans
La majorité des produits fournis par les industries de procédé le temps (évolution des marchés).
subissent souvent une transformation ultime et de ce fait sont les L’analyse est généralement conduite par pays, les pays en fort
composants de produits finis. développement présentant des cibles préférentielles et des risques
C’est ce que met en avant BASF le premier chimiste mondial : à évaluer.
on ne nous voit pas ! L’analyse de l’outil industriel est complexe, souvent difficile sur
le plan humain car elle implique parfois l’avenir d’employés qui
ont consacré de nombreuses années à leur entreprise.
3.3 Analyse stratégique de l’entreprise Il s’agit de voir l’adéquation entre les besoins commerciaux à
sous ses aspects industriels court, moyen et long terme et ce que l’outil industriel est capable
de fournir. Les aspects suivants sont à prendre en considération
L’entreprise baigne dans un milieu socio-économique aujourd’hui (figure 6).
mondial et de plus en plus incertain. Son objectif essentiel, c’est la
pérennité qui ne peut se concevoir sans juste profit. Le profit est non ■ Aspects produits
seulement indispensable pour rétribuer les actionnaires qui ont pris Ils répondent ou ne répondent pas aux besoins du marché en
des risques d’investissement, mais également et sinon plus pour qualité en volume.
faire évoluer, adapter les structures en permanence.
Ils ont un avantage concurrentiel, ont vieilli et la concurrence fait
Les investissements stratégiques et les investissements de main- mieux.
tien (pour garder les outils en bon état de marche) représentent une
part importante de l’activité de la fonction industrielle [12]. Ils sont conformes aux normes en vigueur (REACH, par
exemple). Ils sont condamnés à terme et il faut trouver des
Le couple produit-marché est à la base de l’analyse stratégique. produits de substitution. Ils sont fabriqués près ou loin des centres
L’entreprise faut-il le rappeler met sur des marchés les plus d’utilisation.
divers : cosmétique, pharmacie, aéronautique, BTP, transports,
alimentation... des produits censés répondre à des besoins. ■ Outil industriel, aspect moyens de production
Tout produit a une vie ; il naît, il vit, il meurt (figure 5). La caractéristique essentielle d’un atelier dépend du procédé uti-
lisé. Cependant, un bon procédé ne signifie pas obligatoirement
Le chiffre d’affaires CA d’une entreprise est constitué de produits une bonne usine. Le procédé mis en œuvre est au top niveau, il a
à des différents stades de leur vie. un avantage concurrentiel en terme de prix de revient ; il utilise
Il est intéressant de noter que l’efficacité de la R&D d’une entre- des matières premières renouvelables. Son empreinte écologique
prise peut se mesurer à l’aune de la contribution des nouveaux (gaz à effet de serre GES, rejets, déchets) est acceptable... ou
produits dans le CA. Une analyse plus fine détermine leur contri- l’inverse. Il a ou n’a pas la taille suffisante ou il a une capacité lar-
bution au bénéfice éventuel. gement excédentaire qui peut entraîner des frais fixes exorbitants

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 8 000 – 5

QY

RP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jTYRP

L’écoconception : un outil
d’innovation pour une chimie durable
par Sylvain CAILLOL Q
Dr université de Bordeaux, ingénieur ENSCM
Chef de projets CNRS, délégué général Chaire ChemSuD

1. L’industrie chimique mobilisée face à des bouleversements..... J 4 920 - 2


1.1 Enjeux démographiques ............................................................................ — 2
1.2 Nouvelles contraintes pesant sur la chimie industrielle.......................... — 2
2. Analyse du cycle de vie, outil de l’écoconception – définitions
et concepts................................................................................................ — 3
2.1 Écoconception : quelques définitions ....................................................... — 3
2.2 Analyse de cycle de vie : historique .......................................................... — 3
2.3 Analyse de cycle de vie : définitions et concept....................................... — 4
2.4 Définition des objectifs et cadre de l’analyse de cycle de vie ................. — 5
2.5 Analyse de l’inventaire du cycle de vie ..................................................... — 5
2.6 Évaluation de l’impact du cycle de vie ...................................................... — 6
2.7 Interprétation du cycle de vie..................................................................... — 8
2.8 Logiciels d’ACV ........................................................................................... — 9
3. Exemple d’écoconception..................................................................... — 9
3.1 Exemple : ACV des sacs de caisse de la distribution ............................... — 9
3.2 Définition, analyse de l’inventaire ............................................................. — 9
3.3 Évaluation, résultats ................................................................................... — 10
4. Limites de l’outil...................................................................................... — 12
4.1 De l’importance des hypothèses ............................................................... — 12
4.2 De la pertinence des données d’inventaire............................................... — 13
4.3 De l’influence des règles d’allocations...................................................... — 13
4.4 Du choix du recyclage ................................................................................ — 13
5. Conclusion : le futur de l’écoconception ......................................... — 14
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. J 4 920

otre société a pris conscience tout récemment – à l’échelle de l’humanité –


N qu’elle hypothéquait son avenir collectif pour satisfaire son appétit de
richesses individuelles. Tant que nous n’étions que quelques centaines de millions
d’habitants sur Terre à nous partager la majorité des richesses et à générer, par
voie de conséquence, la majeure partie des pollutions anthropiques, l’équilibre –
critiquable, certes – se maintenait. Mais avec l’arrivée dans les dernières décennies
de près de trois milliards d’individus qui prétendent – fort justement – à un niveau
de consommation élevée, et avec les prospectives d’accroissement de la popula-
tion mondiale dans les années à venir, la communauté internationale en appelle
au développement durable pour permettre d’instaurer un nouvel équilibre, vérita-
blement durable ou soutenable. Cet équilibre doit reposer sur une utilisation
raisonnée de nos ressources, quelles qu’elles fussent, dans la mesure où la notion
de capacité de renouvellement de toute ressource est intimement assujettie à la
vitesse de sa consommation. Ces notions déterminent donc en partie les fonde-
ments d’un développement durable défini par :
– un rythme de consommation des ressources renouvelables qui n’excède
pas celui de leur capacité de régénération ;
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@RPQQ

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 4 920 – 1

RQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jTYRP

L’ÉCOCONCEPTION : UN OUTIL D’INNOVATION POUR UNE CHIMIE DURABLE ___________________________________________________________________

– un rythme de consommation des ressources non renouvelables qui n’excède pas celui du
développement de ressources de substitution ;
– une production de quantité de déchets et de pollution qui n’excède pas celle que peut
absorber l’environnement.
Et ces notions de rythmes soutenables de consommation de ressources et de production de
déchets se retrouvent en réalité dans l’approche holistique de l’écoconception qui vise à la
réduction à la source des impacts environnementaux d’un produit ou d’un procédé.

1. L’industrie chimique gaz à effet de serre (GES), responsables de l’élévation des températu-
res moyennes du globe.
mobilisée face à des Ces questions s’érigent comme autant de contraintes qui pèsent
sur l’industrie et en particulier sur l’industrie chimique – l’industrie
bouleversements des industries, dans la mesure où plus de deux tiers de ses produits
sont destinés à des industries aval [3]. Et à travers ces contraintes,
l’industrie chimique subit une révolution qui s’articule autour de :
1.1 Enjeux démographiques – l’anticipation de l’épuisement des matières premières issues
de ressources fossiles, accompagnée d’une forte volatilité des prix.
Le XXe siècle a été marqué par un accroissement extraordinaire Et la répartition inégale de ces ressources fossiles, en particulier
de la population mondiale, qui est passée de 1,6 milliards d’indivi- du pétrole, donne lieu à d’importantes spéculations qui compro-
dus à 6,1 milliards, augmentation qui s’est produite à raison de mettent un approvisionnement stable (figure 2). Cette contrainte
80 % depuis 1950. Et la population mondiale devrait continuer de pèse sur l’ensemble des ressources fossiles, même non carbonées
s’accroître. En se fondant sur la variante moyenne de fécondité, comme le lithium. En effet ce métal est non seulement faiblement
l’ONU prévoit que la population mondiale atteindra 9 milliards de présent sur Terre (autour de 12 Mt de lithium exploitables), mais
personnes en 2040 et 9,3 milliards en 2050. Cependant, des écarts
réduits mais soutenus des taux de fécondité peuvent influencer
l’effectif de la population à long terme. Ainsi, un scénario de fécon-
dité élevé dans lequel la fécondité est supérieure d’un demi-enfant 300
au scénario de fécondité moyenne donne un effectif de Gigabarils
10,9 milliards d’individus en 2050. 250

L’urbanisation constitue également une autre tendance d’impor- 200


tance. En effet, alors que d’ici 40 ans la population mondiale risque de
doubler, la population urbaine, forte aujourd’hui de 3 milliards d’indi- 150
vidus, devrait atteindre 6 milliards, provoquant un doublement de la
population urbaine, avec des besoins énergétiques qui vont eux aussi 100
s’accroître considérablement. Cet accroissement démographique
attendu dans les années à venir va également s’accompagner d’un 50
accroissement de la consommation par individu. Au premier chef de
ces consommations, on recense la consommation énergétique. Ainsi, 0
les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) laissent 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020* 2040*
ainsi envisager un doublement de la consommation énergétique –
par rapport aux 11 Gtep consommées en 2007 – à l’horizon 2030 [1]. * prévisions
Certes, la précision de tous ces calculs prospectifs peut être contestée,
mais une chose est certaine : nous sommes en pleine bulle, et Figure 1 – Découvertes annuelles de pétrole, en milliards de barils
équivalent pétrole (Source : IHS Energy/Shell, 2005)
l’humanité vit désormais à crédit [2].
Nota : gigatonnes d’équivalent pétrole (Gtep)

90
81
80
1.2 Nouvelles contraintes pesant 70
sur la chimie industrielle 60
50
Par ailleurs, notre société actuellement est fondée sur l’utilisation 41 41
quasi exclusive de ressources fossiles, en particulier pour son appro- 40
32
30 28
visionnement énergétique et de biens de consommation. La question
n’est pas de savoir s’il y aura un pic de production mais plutôt quand 20
12 14
il aura lieu. En effet, pratiquement tous les experts s’accordent sur la 9
10
quantité et la durée de nos réserves globales en pétrole, charbon, gaz, 0
combustible nucléaire… en fonction de notre vitesse de consomma-
Amérique
du Nord
Amérique
latine
Ex-Union
Soviétique

Europe

Moyen-Orient

Afrique

Asie-Océanie

Monde

tion actuelle et des découvertes de gisements réalisées (figure 1).


Ainsi, à la fin de ce siècle, nous aurons épuisé la totalité des réserves
terrestres que la nature a mis des millions d’années à constituer. Or
cette exploitation de ressources énergétiques fossiles – de carbone
fossile – s’accompagne d’un transfert de matière, d’un transfert de
carbone, qui se retrouve sous forme de CO2 dans notre atmosphère, Figure 2 – Stocks de pétrole dans le monde, en années de produc-
s’accumule et contribue à l’élévation de la concentration des fameux tion 2005 (Source : BP Statistical Review, 2007)

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 4 920 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

RR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jTYRP

____________________________________________________________________ L’ÉCOCONCEPTION : UN OUTIL D’INNOVATION POUR UNE CHIMIE DURABLE

environnementaux. Or la prise en compte de tous les impacts envi-


7 ronnementaux au cours du processus de fabrication, et pas seule-
Gigatonnes de carbone émis par an

Total ment la mesure de l’empreinte carbone ou des émissions de CO2,


revient à intégrer l’écoconception aux processus classiques de
6
conception, et également au processus d’innovation par voie de
conséquence. Ce processus d’innovation subit ainsi d’importantes
5 mutations. On n’attend plus simplement de lui une réponse rapide
mais on s’autorise le temps de la réflexion pour apporter une réponse
4

3 Pétrole
exhaustive concernant l’environnement, une réponse écoconçue. Par
ailleurs, l’écoconception fait partie intégrante des recommandations
du grenelle de l’Environnement qui s’est tenu en 2007, à travers

l’engagement n° 217 qui encourage les démarches d’analyse environ-
2 nementale des produits et l’écoconception [11]. Enfin, l’écoconception
Charbon relève désormais d’une obligation règlementaire avec la directive
cadre pour l’écoconception [12]. Cette directive a été renforcée par
1
une directive fixant des exigences d’écoconception pour les produits
Gaz
suivants [13] : chaudières à eau chaude alimentées en combustibles
0 liquides ou gazeux, réfrigérateurs, congélateurs et appareils combinés
1800 1850 1900 1950 2000
électriques à usage ménager et ballasts pour l’éclairage fluorescent.
L’écoconception commence dès lors à devenir une obligation. Elle est
Figure 3 – Émissions de carbone fossile depuis 1800 également une réponse aux attentes des consommateurs. En effet,
(Source : G Marland, TA Boden, and RJ Andres, 2003) les utilisateurs finaux sont désormais en attente de produits respec-
tueux de l’environnement. En effet, selon le baromètre IRSN, depuis
également très mal réparti (80 % des réserves de lithium mondia- 2006, la dégradation de l’environnement figure dans les trois principa-
les sont situées dans trois pays d’Amérique du Sud) [4] ; les préoccupations des Français [14].
– une obligation de réduction drastique des émissions polluan-
tes des procédés chimiques et en particulier de la libération des
gaz à effet de serre (CO2, NOx…). L’évolution et le niveau d’appro- L’écoconception est ainsi une démarche globale, centrée sur
visionnement de ressources fossiles ont accru considérablement le produit. Dans son principe, elle consiste à prendre en compte
les quantités de CO2 fossile émis chaque année dans l’atmosphère les critères environnementaux et humains dès la phase de
(figure 3). conception d’un produit. Ces critères concernent généralement
l’ensemble des phases suivies par un produit, la production, la
Le cycle du CO2, en équilibre à l’échelle planétaire, est remis en distribution, l’utilisation et la fin de vie, à savoir : le cycle de vie
cause par l’activité anthropique qui émet des quantités considéra- du produit (figure 4). Dans sa finalité, l’écoconception est un
bles de CO2 d’origine fossile. L’Agence internationale de l’énergie processus préventif multicritère qui cherche à identifier et à
prévoit une augmentation de 48 % des émissions de gaz à effet de réduire à la source tous les impacts sur l’environnement.
serre d’ici 2030 si aucune mesure de réduction n’est engagée [5] ;
– des pressions fortes émanant des sphères sociétale et règle-
mentaire. En effet les contraintes règlementaires concernant la Le concept d’écoconception s’appuie sur un outil puissant
toxicologie et l’écotoxicologie liées à l’utilisation des matières pre- d’identification des impacts environnementaux : l’analyse de cycle
mières, d’intermédiaires de synthèses et de produits de l’industrie de vie – ACV.
chimique se sont renforcées au cours du XXIe siècle, avec notam-
ment le règlement REACH [6], la directive cadre sur l’eau (DCE) [7],
mais également de nombreuses directives européennes concer- 2.2 Analyse de cycle de vie : historique
nant la fin de vie des matériaux (directives véhicule hors d’usage
(VHU) [8], déchets équipements électriques et électroniques (DEEE)
[9], directive sur les composés organiques volatils (COV) [10] émis L’analyse de cycle de vie telle qu’elle est pratiquée est en réalité
par les vernis, peintures et produits de retouche de véhicules, etc.). une analyse environnementale de cycle de vie dans la mesure où
les impacts évalués sont essentiellement des impacts environne-
Ainsi, couvrir les besoins de l’humanité (nourriture, énergie,
mentaux (figure 5).
soins…) en respectant notre environnement est le challenge qui nous
attend et que la chimie va devoir relever dans les années futures. La pensée « analyse de cycle de vie » est un courant de pensée
holistique qui vise la prise en compte de tous les impacts, environ-
nementaux, sociaux et économiques sur tout le cycle de vie du
produit ou du service. Cette façon de penser doit permettre d’évi-
2. Analyse du cycle de vie, ter que des améliorations locales ne résultent en un déplacement
des problèmes (pollutions, conditions sociales…).
outil de l’écoconception –
définitions et concepts
Utilisation Recyclage

2.1 Écoconception : quelques définitions Distribution Fin de vie


Cycle
Les productions de biens et de service sont désormais sous Extraction ressources
de vie
contrainte. Il ne va donc plus suffire de répondre à un cahier des char-
ges par une voie technique dans le respect des coûts impartis, il va Transport
falloir dorénavant intégrer le respect de l’homme et de Fabrication
l’environnement ; ce qui signifie réduire la consommation de ressour-
ces fossiles, limiter les émissions de gaz à effet de serre, se conformer
aux contraintes environnementales – cela revient à limiter les impacts Figure 4 – Le cycle de vie

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 4 920 – 3

RS

RT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jTYRR

Les six principes de l’éco-extraction


du végétal
par Farid CHEMAT

Professeur des Universités
Université d’Avignon, INRA, UMR408, GREEN Extraction Team, Avignon, France
et Anne-Sylvie FABIANO-TIXIER
Maître De Conférences, HDR
Université d’Avignon, INRA, UMR408, GREEN Extraction Team, Avignon, France
et Maryline ABERT-VIAN
Maître De Conférences, HDR
Université d’Avignon, INRA, UMR408, GREEN Extraction Team, Avignon, France

1. Principe 1 : vers une matière première renouvelable .................. J 4 922 - 3


1.1 Contexte....................................................................................................... — 3
1.2 Bonnes pratiques ........................................................................................ — 3
1.3 Succès industriels ....................................................................................... — 3
2. Principe 2 : privilégier l’usage de solvants alternatifs ................ — 4
2.1 Contexte....................................................................................................... — 4
2.2 Bonnes pratiques ........................................................................................ — 5
2.3 Succès industriels ....................................................................................... — 5
3. Principe 3 : générer des coproduits au lieu des déchets ............ — 6
3.1 Contexte....................................................................................................... — 6
3.2 Bonnes pratiques ........................................................................................ — 6
3.3 Succès industriels ....................................................................................... — 6
4. Principe 4 : réduction de la consommation énergétique............ — 8
4.1 Contexte....................................................................................................... — 8
4.2 Bonnes pratiques ........................................................................................ — 8
4.3 Succès industriels ....................................................................................... — 8
5. Principe 5 : réduction du nombre d’opérations unitaires........... — 9
5.1 Contexte....................................................................................................... — 9
5.2 Bonnes pratiques ........................................................................................ — 9
5.3 Succès industriels ....................................................................................... — 9
6. Principe 6 : privilégier la naturalité .................................................. — 10
6.1 Contexte....................................................................................................... — 10
6.2 Bonnes pratiques ........................................................................................ — 10
6.3 Vers une nouvelle définition d’un éco-extrait........................................... — 10
7. Conclusion................................................................................................ — 12
8. Glossaire ................................................................................................... — 13
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. J 4 922

es procédés d’extraction des plantes ont été utilisés probablement depuis la


L découverte et la domestication du feu. Égyptiens et Phéniciens, Juifs et
Arabes, Indiens et Chinois, Grecs et Romains, et même les Mayas et les Aztèques,
toutes ces civilisations possédaient un savoir-faire dans l’art d’extraire et d’utiliser
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQX

des plantes pour obtenir des substances d’intérêt pour leur cosmétique, parfu-
merie, médecine, nourriture, couleurs et matériaux de construction.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 4 922 – 1

RU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jTYRR

LES SIX PRINCIPES DE L’ÉCO-EXTRACTION DU VÉGÉTAL ___________________________________________________________________________________

Il existe un certain nombre de ressources bibliographiques qui rapportent


des solutions nouvelles pour une chimie plus propre et plus sûre : la chimie
verte. Cette chimie du XXe siècle intègre l’optimisation de l’efficacité et de la
consommation énergétique des procédés, le recyclage de matières premières
et des sous-produits des réactions chimiques, la diminution des déchets
ultimes et l’impact sur la santé et sur l’environnement. Les défis du XXIe siècle
pour la protection de l’environnement et de l’humanité en général ainsi que la

Q compétitivité du marché mondialisé exigent des innovations de rupture plutôt


qu’une simple continuité. Une des solutions serait une nouvelle « chimie verte
du végétal » reposant sur le végétal comme matière première avec des valeurs
aussi bien économiques que de responsabilités. Mais, il faut innover dans
toute la filière, aussi bien pour la culture et la bioraffinerie du végétal, pour
obtenir des synthons qui vont être transformés selon les principes de la chimie
verte pour en faire des médicaments, des plastiques, des ingrédients… Ainsi,
un maillon essentiel de cette filière est l’extraction incluant la « détexturation »
de la matière végétale ainsi que l’obtention des divers métabolites.
Le domaine de l’extraction est entré dans sa révolution ou son évolution
« verte », en opérant une mutation vers l’« éco-extraction du végétal ». Une défini-
tion ainsi que des principes ont été adoptés grâce à un travail collectif avec la
participation des producteurs de matières premières végétales, des industriels
transformateurs d’extraction et de purification, les formulateurs de produits finis
ainsi que des chercheurs académiques, les pôles de compétitivités et les institu-
tionnels : « l’éco-extraction est basé sur la découverte et la conception de procédés
d’extraction permettant de réduire la consommation énergétique, mais aussi l’uti-
lisation de solvants alternatifs et des ressources végétales renouvelables, tout en
assurant la qualité et la sécurité des produits finis envers les opérateurs, les
consommateurs et notre environnement ». Cela a permis de lister les verrous
technologiques et les challenges à relever par les académiques et les industriels,
de réfléchir sur l’évaluation de l’impact environnemental, l’importance des labels
et des normes, les attentes des consommateurs, industriels et institutionnels, mais
aussi d’envisager les visions futures dans un contexte de compétitivité et de déve-
loppement durable.
Cet article présente les six principes de l’« éco-extraction du végétal » qui se
définissent non pas comme des impératifs à appliquer mais comme démarche
de progrès et de marche en avant pour de l’innovation vers une extraction éco-
logique, économique et compétitive. Chaque principe est décrit à travers son
contexte, ses bonnes pratiques ainsi que les outils technologiques ou tech-
niques déjà testés et utilisés par des entreprises de la parfumerie, la
cosmétique, les ingrédients et additifs alimentaires ou bien de la chimie fine.
L’accent a été surtout mis pour détailler des succès industriels véritables inno-
vations technologiques, de culture, de procédures et de pratiques.

Symbole Description

COV composés organiques volatils

ACV Analyse de Cycle de Vie

CMR Cancérigène, Mutagène, Reprotoxique

OGM Organismes Génétiquement Modifiés

EFSA Autorité européenne de sécurité des aliments

J 4 922 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

RV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jTYRR

____________________________________________________________________________________ LES SIX PRINCIPES DE L’ÉCO-EXTRACTION DU VÉGÉTAL

1. Principe 1 : 1.3 Succès industriels


vers une matière 1.3.1 Favoriser une ressource renouvelable
première renouvelable Le recours industriel à une ressource végétale implique de prendre
en compte sa régénération. Le taxol, découvert dans les années 1960
par l’Institut américain de lutte contre le cancer, a été isolé dans


l’écorce de l’if de l’Ouest (Taxus brevifolia) des États-Unis. La dizaine
1.1 Contexte d’espèces d’if existantes sur la planète a montré qu’elles renfermaient
toutes cette molécule. Le taxol est localisé dans l’écorce (10 kg
La demande croissante en extraits naturels pour divers besoins d’écorces sèches produit 1 g de taxol) de l’arbre et donc sa collecte
en agroalimentaire, en cosmétique ou en pharmacie peut est fatale pour ce dernier. Surexploitée à des fins pharmaceutiques, le
conduire à une surexploitation des ressources naturelles. Les pro- conifère chinois Taxus contorta poussant en Afghanistan, en Inde et
ducteurs d’extraits naturels doivent prendre en compte les para- au Népal est actuellement une espèce « en danger ». L’Union Interna-
mètres liés au respect de l’environnement car une surexploitation tionale pour la Conservation de la Nature (UICN) a publié une liste
« démesurée » de plantes d’une région peut conduire à l’extinc- rouge des espèces animales ou végétales les plus menacées de la
tion de certaines espèces endémiques. Ainsi, la préservation des planète sur laquelle figure le genre Taxus. Dans les années 1980, le
ressources naturelles et de la biodiversité doit être prise en professeur Pierre Potier de l’ICSN de Gif sur Yvette a l’idée d’analyser
compte vis-à-vis de notre biodiversité, notre environnement et des les extraits issus de feuilles d’ifs européens. Il y découvre une subs-
générations futures. Dans le contexte de l’éco-extraction, l’utilisa- tance proche du taxol, la 10-désacétylbaccatine III, qui peut être trans-
tion de matières premières renouvelables, l’amélioration variétale formée par hemisynthèse en Taxotère®, analogue du taxol,
ou le recours à des procédés biotechnologiques ingénieux sont redoutablement efficace contre le cancer [3] (figure 1). Cette décou-
autant de pistes à considérer afin d’éviter l’extinction des espèces verte a permis d’une part d’assurer une production plus importante
endémiques [1] [2]. de cet anticancéreux très utilisé, mais d’un autre côté, le professeur
Potier a été un pionnier dans la protection des plantes en montrant
qu’il est possible de produire cette molécule à partir de ressources
renouvelables.
1.2 Bonnes pratiques
1.3.2 Vers l’amélioration variétale
Afin de limiter l’impact sur l’environnement et de produire des et la domestication de nouvelles espèces
extraits répondant aux valeurs de l’éco-extraction, l’étape de
culture doit répondre à de bonnes pratiques, dont voici quelques L’amélioration variétale consiste à créer de nouvelles variétés
pistes : de plantes à partir de variétés existantes en croisant entre elles les
plantes choisies pour leurs qualités respectives. Les meilleures
– avoir une vision écosystémique de la matière première plantes issues de ces croisements sont ainsi sélectionnées pour
incluant un diagnostic social/sociétal, environnemental et écono-
mique ; (1) accroître la teneur en composés bioactifs ;

– s’appuyer sur des référentiels et des normes tels que l’ISO (2) modifier le profil phyto-chimique ;
26000 ou relatifs au suivi de la production ; (3) augmenter le rendement de production ;
– mettre en œuvre les pratiques de la sélection variétale afin (4) augmenter la résistance aux maladies et ravageurs ;
d’augmenter les rendements, pour produire sélectivement des (5) adapter aux conditions climatiques locales.
composés d’intérêt ou encore sélectionner des variétés adaptées
au terrain et au climat ; L’extrait de sommités fleuries de millepertuis (Hypericum perfora-
– soutenir les nouvelles technologies au service de l’agriculture tum L.) est connu pour le traitement des dépressions légères à modé-
raisonnée et de la protection intégrée et éviter les cultures sources rées. Les principaux constituants sont des flavonoïdes, hypéricines et
de pollution, menaces pour la biodiversité et en concurrence avec hyperforine. Cette plante pérenne posait, dans les années 1990, d’impor-
les cultures alimentaires locales ; tants problèmes culturaux avec le développement d’un dépérissement
dès la première année de mise en culture. L’amélioration variétale a per-
– contrôler la gestion des intrants apportés au sol et aux cultures mis de sélectionner une nouvelle variété plus robuste possédant un profil
(fertilisants, produits phytosanitaires,… ). phytochimique similaire à la variété de référence [4].

OH O OH O
Squelette
OH O OH
tricyclique
Squelette
10 ABC O NH
B 10 tricyclique
HO 13 A C
13 A ABC
O B C
O
O O OH O
HO
O O O
HO
O
O
O

Feuille de Taxus baccata 10-désacétylbacatine III Taxotère

Figure 1 – Travaux du professeur Pierre Potier (ICSN Gif sur Yvette)

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 4 922 – 3

RW
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jTYRR

LES SIX PRINCIPES DE L’ÉCO-EXTRACTION DU VÉGÉTAL ___________________________________________________________________________________

L’armoise annuelle (Artemisia annua) est la seule espèce connue hydroponie, sans destruction des plantes, permettant l’extraction
à bio-synthétiser l’artémisinine, une lactone sesquiterpénique possé- non destructive de plantes rares ou protégées.
dant un pont peroxyde, connu comme l’unique traitement antipalu-
déen efficace disponible à l’heure actuelle. L’amélioration variétale a Le procédé Plant Milking [8] de la société Plant Advanced Techno-
permis d’augmenter la teneur en actif des parties aériennes de 0,5 %, logies PAT a permis de produire de la scopolamine et ses dérivés,
pour les variétés antérieures, à 1,5 % pour la nouvelle variété Arte- des alcaloïdes d’intérêt pharmaceutique, à partir de Datura innoxia.
mis, actuellement à la base de culture de plusieurs milliers d’hectares Le rendement d’extraction obtenu avec le procédé PAT a été multiplié
en Afrique de l’Est [5]. par trois en comparaison du rendement d’extraction conventionnelle

Q La cueillette sauvage, à des fins d’extraction, de ressources


naturelles à grande échelle peut impliquer leur raréfaction voire
issu d’une culture classique. Cette technique a aussi prouvé son effi-
cacité pour la production de furocoumarines de Ruta graveolens (rue
officinale) et des substances bioactives de l’edelweiss.
leur extinction. La domestication de nouvelles espèces, qui
consiste en la mise en culture et la production de plantes jusqu’à
présent non cultivées, peut répondre à cette pénurie. Cette tech-
nique permet en outre de développer de nouveaux produits, sécu-
riser l’approvisionnement d’une ressource et standardiser le 2. Principe 2 : privilégier
matériel végétal utilisé comme matière première.
l’usage de solvants
Le Prunus africana est un arbre des forêts de montagne retrouvé
dans environ 22 pays africains, principalement au Kenya. Les extraits
alternatifs
produits à partir des écorces sont utilisés pour traiter les troubles de
la prostate. L’exploitation non contrôlée fait courir le risque de
l’extinction de cet arbre. La domestication de cet arbre et sa culture 2.1 Contexte
par des agriculteurs en Afrique a permis de lutter contre une surex-
ploitation et à répondre à la demande croissante de traitements pour L’efficacité de l’extraction solide-liquide est conditionnée par le
la prostate [6]. solvant mis en œuvre. Il doit posséder différentes propriétés :
Un autre exemple est celui de la podophyllotoxine, lignane antimi- sélectif, inerte vis-à-vis des substances à extraire et suffisamment
totique, isolée de la résine podophylline et extraite des racines de volatil pour permettre son élimination en fin d’opération. Les sol-
plantes vivaces du genre Podophyllum (famille des Podophyllaceae). vants organiques conventionnels utilisés pour l’extraction des
Cette substance naturelle est utilisée pour l’hemisynthèse de plu- substances naturelles sont pour la majorité issus du pétrole
sieurs agents anticancéreux l’étoposide et le téniposide (figure 2). comme l’hexane, le méthanol, le dichlorométhane ou l’acétone…
Face à l’exploitation intensive de cette espèce, cette dernière a été Bien que ces solvants aient l’avantage de posséder un point
menacée d’extinction. La domestication a pu permettre la pérennisa- d’ébullition et une enthalpie de vaporisation faibles, ils ont un
tion de la production de podophyllotoxine et ainsi de protéger impact négatif vis-à-vis de l’homme (toxicité) et l’environnement
l’espèce [7]. (considérés comme COV (composés organiques volatils)). Par ail-
leurs, le durcissement de la réglementation européenne (règle-
ment REACH, directives européennes pour réglementation des
1.3.3 Innover par de nouveaux modes de cultures émissions de COV, directives 2004/73/CE) oblige les acteurs acadé-
miques et industriels à s’orienter vers des alternatives plus respec-
La société Plant Advanced Technologies PAT (Nancy) est une tueuses de l’environnement. Le solvant de substitution « idéal »
société de biotechnologie qui vise à développer des procédés doit être comparable au solvant usuel en termes d’efficacité et de
innovants de production d’actifs végétaux pour les industries des sélectivité, mais doit être issu de ressources renouvelables, et être
secteurs pharmaceutique et cosmétique. Le premier procédé (PAT sûr pour son usage envers les opérateurs et l’environnement, tout
plantes à traire® ou PAT – Plant Milking®) consiste en la récolte de en ayant un coût raisonnable. Dans cette catégorie, on trouve par
molécules actives par exsudation racinaire de plantes cultivées en exemple l’extraction avec du CO2 supercritique qui est le procédé-

R O
O O
OH HO O
OH
O O
O O
O O
O O

MeO OMe MeO OMe


OMe OMe
R = Me : etoposide
Podophyllotoxin
R = 2-thiophenyl : teniposide
(anti-tubulin)
(topopisemerase II inhibitors)

Figure 2 – Obtention de l’etoposide et teniposide

J 4 922 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

RX
Génie des procédés et protection de l'environnement
(Réf. Internet 42327)

1– Génie des procédés et développement durable R


2– Traitement de l'eau et de l'air Réf. Internet page

Introduction aux traitements de l'air G1700 31

Procédés de dépollution des émissions gazeuses industrielles J3921 35

La photocatalyse : dépollution de l'eau ou de l'air et matériaux autonettoyants J1270 39

Photocatalyse : des matériaux nanostructurés aux réacteurs photocatalytiques NM3600 43

Dessalement de l'eau de mer W5700 47

SO2 (oxydes de soufre) G1800 51

NOx (oxydes d'azote) G1805 57

CO2 (dioxyde de carbone) G1815 61

COV (composés organiques volatils) G1835 65

Risques et prévention dans les installations d'adsorption de COV J3930 69

Réduction des dioxines, furannes et polychlorobiphényls J3935 75

Traitement des COV par un procédé hybride adsorption-ozonation J3945 79

Traitement anaérobie des eluents industriels liquides J3943 83

Céramiques pour l'environnement : iltres, membranes, adsorbants et catalyseurs N4805 89

Traitement des eaux par procédés d’oxydation avancée. Oxydation anodique J3952 93

Filtration des nanoparticules J3402 99

3– Traitement des déchets, des boues et des sites


pollués

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
• Saisissez la référence Internet pour accéder directement aux contenus en ligne
• Retrouvez la liste complète des ressources documentaires

RY

SP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQWPP

Introduction aux traitements de l’air

par Pierre LE CLOIREC


Professeur


Directeur scientifique de l’École de chimie de Rennes (ENSCR)

1. Qualité de l’air et émissions polluantes à traiter ............................ G 1 700v2 - 2


1.1 Poussières – Aérosols .................................................................................. — 2
1.2 Métaux lourds et métalloïdes ..................................................................... — 3
1.3 Oxydes de soufre (SOx ) ............................................................................. — 4
1.4 Oxydes d’azote (NOx )................................................................................. — 4
1.5 Oxydes de carbone ...................................................................................... — 4
1.6 Dioxines et furannes .................................................................................... — 5
1.7 Composés organiques volatils (COV)......................................................... — 5
1.8 Molécules odorantes ................................................................................... — 6
2. Approche d’un traitement d’émissions polluées ............................ — 6
3. Notion de filière de traitement............................................................. — 7
4. Approche globale des traitements d’air ............................................ — 7
4.1 Classification des procédés de traitement d’air pollué ............................ — 7
4.2 Relations polluant-traitement ..................................................................... — 8
5. Quelques traitements .............................................................................. — 8
6. Conclusions. Perspectives ..................................................................... — 10
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. G 1 700v2

es médias ont relayé les diverses réunions et conclusions du Groupe


L d’experts intergouvernemental de l’évolution du climat (GIEC) sur le
réchauffement de la planète et les changements climatiques du fait de quan-
tités importantes de gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère. Il convient de
noter que le GIEC a reçu, en 2007, le prix Nobel de la paix pour ses travaux et
son action. L’évolution du trou de la couche d’ozone [1] dû aux rejets de
composés organiques volatils a été largement commentée par la presse, la
radio et la télévision. Les alertes sur les concentrations d’ozone en ville en
période estivale ont sensibilisé les populations aux pollutions dues aux trans-
ports. De manière générale, ces notions de « pollution atmosphérique »,
engendrée, la plupart du temps, par les transports, les activités industrielles,
agricoles ou domestiques, sont maintenant intégrées par le grand public. Dans
les ambiances de vie, ce sont le bruit et la qualité de l’air qui ont le plus fort
impact sur l’homme. En effet, poussières, odeurs... sont très mal appréciées et
considérées comme de réelles nuisances qu’il convient de combattre.
Cet ensemble de facteurs a ramené la communauté internationale à se mobi-
liser. Les hommes politiques se sont engagés lors des conférences à l’échelle
planétaire et des actions ont suivi au niveau national pour contrôler et réduire
les émissions polluantes. Ainsi, on peut noter le protocole de Genève en
novembre 1991, signé par 21 États. Dans la continuité, la lutte contre l’augmen-
tation des émissions de gaz à effet de serre a été formalisée au travers de la
convention de Rio en juin 1992. Même si des problèmes existent, comme nous
le rappellent les événements des conférences de New York et de Tokyo en
1997, la conférence de La Haye en novembre 2000 ou, plus récemment, les
réunions du GIEC, des directives européennes transcrites en droit français sous
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPPX

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 700v2 – 1

SQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQWPP

IN TRODUCTION AUX TRAITEM EN TS DE L’AIR _____________________________________________________________________________________________

la forme d’arrêtés ministériels, comme celui du 2 février 1998 modifié par


l’arrêté du 29 mai 2000, sont actuellement en application (voir la partie Régle-
mentation [Doc. G 1 700v2]). Afin de compléter cette liste de protocoles et de
conventions internationales, la figure 1 du Pour en savoir plus [Doc. G 1 700v2]
retrace quelques dates clés d’étapes sur le changement climatique et la qualité
de l’air. Ces obligations réglementaires liées à une prise de conscience collec-
tive sur la relation santé/bien-être et pollution atmosphérique ont impliqué la
mise en œuvre de technologies pour le traitement des émissions gazeuses.
Dans cet article est présenté, dans un premier temps, un large panel des dif-
férents composés polluants émis naturellement ou du fait des activités
humaines, avec leurs impacts à la fois sur la santé humaine ou sur l’environne-
R ment. Ces constats amènent naturellement à envisager les possibilités de
traitement des émissions afin de réduire, conformément aux engagements
internationaux, les flux de pollution. Dans un second temps, une classification
des procédés de purification de l’air est donnée, puis les différentes technolo-
gies sont comparées selon leurs potentialités en traitement de l’air.
Cette introduction sur les traitements d’air ne donne qu’un panorama
général et condensé des divers polluants présents dans les rejets gazeux et ne
présente que les procédés majeurs de purification des émissions canalisées.
On pourra se référer pour plus de précisions aux articles spécifiques édités
dans cette collection. Cependant, afin d’affiner cette recherche et d’obtenir des
informations plus précises sur un sujet particulier, cette rubrique « Air » dans
le traité Environnement des Techniques de l’Ingénieur, est divisée en trois
grandes parties : les procédés génériques de traitement (filtration, absorption,
adsorption ou bioprocédés...) ; les traitements de certains composés particu-
liers (protoxyde d’azote, dioxines et furannes, composés organiques
volatils...) ; les procédés spécifiques à certains secteurs d’activité comme
l’énergie, les équarrissages, l’imprimerie, la peinture, les corps gras, les plasti-
ques, le dégraissage et nettoyage, la chimie et la pharmacie, les ordures
ménagères, les transports, l’industrie papetière...
Cette approche multi-entrées doit permettre au lecteur d’acquérir des infor-
mations pertinentes sur la pollution dues aux émissions gazeuses et sur les
procédés de traitement de l’air à mettre en œuvre et/ou aux décideurs
d’obtenir des éléments de choix d’une technologie la mieux adaptée à la
demande.

1. Qualité de l’air 1.1 Poussières – Aérosols


et émissions polluantes Les poussières et les aérosols comprennent à la fois les particu-
les solides minérales, les particules organiques, les bactéries géné-
à traiter ralement fixées mais aussi les gouttelettes liquides [38]. Leurs
tailles varient de 1 µm à 1 mm environ.
Le tableau 1 présente, pour la France, quelques données qualita- On classe les particules et les aérosols en trois grandes catégo-
tives et quantitatives globales concernant un certain nombre de ries suivant leur dimension : PM10, PM2,5 et PM1 pour les matières
rejets gazeux. Ces données sont remises à jour périodiquement particulaires (Particle Matter ) de diamètre inférieur respectivement
par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution à 10, 2,5 et 1 µm. Les particules de petites tailles représentent envi-
atmosphérique (CITEPA) [3]. ron 99 % des poussières rencontrées dans l’atmosphère, car leur
Ces données peuvent être affinées par une présentation des vitesse de sédimentation est pratiquement nulle (< 10–3 m · s–1).
valeurs des rejets polluants par secteur industriel ou domaine Les sources de poussières peuvent être naturelles (volcan, éro-
d’activités ainsi que par région française [3]. Pour approcher sion des sols, sables, micro-organismes...). Les sources anthropi-
l’ensemble des émissions gazeuses, les polluants ont été regrou- ques sont multiples [29]. On peut citer à titre d’exemple : les
pés arbitrairement en grandes familles telles que les poussières ; industries lourdes (la sidérurgie, les cokeries, la chimie et la pétro-
les métaux lourds, sous la forme particulaire ou à l’état gazeux ; chimie...), les activités liées au génie civil et aux bâtiments (les
les gaz acides et en particulier les oxydes de soufre (SOx ) dont le fibres d’amiante sont exemplaires, mais aussi la démolition
SO2 ; les oxydes d’azote (NOx ) ; les oxydes de carbone (CO et d’immeubles...), l’incinération d’ordures ménagères ou encore les
CO2) ; les dioxines et les furannes ; les composés organiques vola- émissions automobiles (particules de freins ou de combustion
tils (COV) ; les molécules odorantes. dans des moteurs Diesel). Les aérosols liquides sont générés par
Sur ce thème, le lecteur pourra consulter les références des pulvérisations d’eau ou de solutions, intentionnelles ou non.
bibliographiques [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14]. Les tours aéroréfrigérantes en sont un exemple particulier.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


G 1 700v2 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

SR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQWPP

_____________________________________________________________________________________________ IN TRODUCTION AUX TRAITEM EN TS DE L’AIR

Tableau 1 – Quelques données d’émissions Tableau 1 – Quelques données d’émissions


de polluants totaux dans l’atmosphère en France de polluants totaux dans l’atmosphère en France
métropolitaine métropolitaine (suite)
(sources partielles du CITEPA, 2007) (sources partielles du CITEPA, 2007)

Années Années

Composés 2006 Composés 2006


2000 2005 (estima- 2000 2005 (estima-
tion) tion)

Particules en suspension (kt/an) Nickel (Ni) 205 176 175

TSP (1) 1 288 1 214 1 208 Plomb (Pb) 250 134 136 R
PM10 (2) 589 508 504 Sélénium (Se) 15,1 14,4 14,6

PM2,5 (2) 400 329 325 Zinc (Zn) 725 253 243

PM1,0 (2) 268 204 201 Produits organiques persistants

Substances impliquées dans les phénomènes d’acidification, Dioxines et furannes


524 220 137
d’eutrophisation et de photochimie (kt/an) (g ITEQ) (3)

SO2 (dioxydes de soufre) 612 465 438 HAP (Hydrocarbures


aromatiques polycycliques) 31,7 24,6 24,7
NOx (oxydes d’azote) 1 407 1 207 1 160 (t/an)

NH3 (ammoniac) 789 735 735 PCB


29,3 27,2 26,1
(Polychlorobiphényles) (kg/an)
COV non méthaniques 1 936 1 439 1 395
Hexachlorobenzène (kg/an) 50 18 13
CO (monoxyde de carbone) 7 189 5 677 5 567
(1) TSP : particules en suspension totale (Total Suspended Particles ).
Substances impliquées dans les phénomènes d’accroissement (2) PMx : matière particulaire (Particule Matter ) de diamètre inférieur à x
de l’effet de serre (kt/an) (µm).
(3) ITEQ : indice de toxicité équivalente.
CO2 (dioxyde de carbone) 359 000 341 000 336 000

CH4 (méthane) 3 019 2 664 2 630 Les poussières provoquent des irritations des voies respiratoires.
Dans des ambiances fortement polluées, des maladies profession-
N2O (protoxyde d’azote) 263 231 229 nelles ont été répertoriées, notamment l’asbestose et la silicose.
Adsorbés sur les solides en suspension, on rencontre des métaux
HFC (hydrofluorocarbures) lourds, des dioxines et furannes, du benzopyrène dans les émis-
7 236 10 689 11 283
(équivalent kt CO2) sions de moteurs Diesel. Les particules sont aussi un vecteur pri-
mordial pour la diffusion des micro-organismes (bactéries, virus...)
PCF (perfluorocarbures) sur lesquelles ils sont fixés. Les poussières et aérosols ont sur l’envi-
2 487 1 801 1 810
(équivalent kt CO2) ronnement un impact direct (respiration, visuel) et un impact indi-
rect, du fait de l’association particules-polluants ou bactéries.
SF6 (hexafluorure de soufre)
1 833 1 338 1 347
(équivalent kt CO2)
1.2 Métaux lourds et métalloïdes
Métaux lourds (t/an)
On rencontre les métaux lourds (cuivre, nickel, zinc, plomb, mer-
Arsenic (As) 12,9 10,4 10,5 cure, cadmium...) et les métalloïdes (arsenic, béryllium, sélé-
nium...) seuls ou associés à des degrés d’oxydation variables ou
sous forme organométallique. Leurs sources sont d’origine natu-
Cadmium (Cd) 12,9 5,9 6,0
relle (érosion des sols, éruptions volcaniques, feux de forêts...) ou
anthropogéniques (production d’énergie par combustion, pyromé-
Chrome (Cr) 103 40 41
tallurgie, incinération des déchets...). On observe une baisse
continue de ce type de rejets, le plus spectaculaire étant une
Cuivre (Cu) 164 162 161 décroissance drastique des rejets de plomb qui passe de 4 283 t/an
en 1990 à 134 t/an en 2005, du fait de l’interdiction réglementaire
Mercure (Hg) 13,0 8,6 8,4 de l’utilisation des essences au plomb pour les automobiles.
Chaque métal génère des effets différents sur la santé
(1) TSP : particules en suspension totale (Total Suspended Particles ).
(2) PMx : matière particulaire (Particule Matter ) de diamètre inférieur à x
humaine [8]. Le tableau 2 donne quelques informations générales
(µm). concernant l’effet des métaux sur la santé humaine ainsi que son
(3) ITEQ : indice de toxicité équivalente. impact sur l’environnement ; on considère à la fois le risque direct
et le risque après transfert de phases (air/eau ou air/matières

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 700v2 – 3

SS

ST
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYRQ

Procédés de dépollution des


émissions gazeuses industrielles

par Pierre LE CLOIREC


Professeur des Universités
Directeur de l’ENSCR, École nationale supérieure de chimie de Rennes, France R
Cet article est la réactulisation de l’article du même auteur paru en 2005

1. Polluants en présence ......................................................................... J 3 921v2 - 2


2. Réglementation ..................................................................................... — 3
2.1 Quelques textes réglementaires ............................................................. — 3
2.2 Plan de gestion des solvants ................................................................... — 4
3. Procédés de traitement....................................................................... — 3
3.1 Actions préventives.................................................................................. — 6
3.2 Procédés curatifs ..................................................................................... — 6
4. Quelques applications industrielles de traitements ................... — 6
4.1 Dépoussiérage .......................................................................................... — 6
4.2 Désulfuration et traitement des gaz acides ............................................ — 7
4.3 Traitement des NOx .................................................................................. — 9
4.4 Contrôle des rejets chargés en CO et CO2 .............................................. — 9
4.5 Traitement des composés organiques volatils ...................................... — 10
4.6 Désodorisation industrielle...................................................................... — 10
4.7 Ozone......................................................................................................... — 11
4.8 Dioxines et furannes ................................................................................ — 11
5. Technologies émergentes .................................................................. — 11
6. Glossaire.................................................................................................. — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 3 921v2

a préservation de la santé humaine et de l’environnement passe par un


L contrôle de la qualité de l’air. En effet, le réchauffement de la planète dû à
l’effet de serre ou encore plus précisément l’exemple récurrent des niveaux
d’ozone dans nos villes amènent à nous mobiliser pour une réduction de la
pollution atmosphérique générée par les activités humaines. Les conférences
mondiales des années 1990 ont permis aux pouvoirs publics de prendre
conscience des problèmes et de ratifier des traités internationaux pour une
diminution drastique des rejets polluants gazeux atmosphériques. En fin
d’année 2015, la 21e Conférence des Parties (COP21) à la Convention cadre des
Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) nous rappelle
l’importance d’une relation raisonnée entre les activités humaines et notre
environnement.
Différents engagements internationaux d’États ont été déclinés en directives
européennes qui ont été elles-mêmes retranscrites en droit français sous la
forme d’arrêtés. Ces obligations réglementaires ne doivent pas nous faire
oublier une démarche plus volontariste de réduction des pollutions atmosphé-
riques pour la préservation de la santé humaine et en particulier celle des
personnes les plus sensibles. Au-delà de la toxicité des rejets, il convient aussi
d’intégrer la notion de confort par une élimination des nuisances dues à la
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQV

pollution de l’air pour une meilleure qualité de vie.

Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés J 3 921v2 – 1

SU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYRQ

PROCÉDÉS DE DÉPOLLUTION DES ÉMISSIONS GAZEUSES INDUSTRIELLES _____________________________________________________________________

Cet article présente synthétiquement les procédés de traitement des émis-


sions gazeuses industrielles canalisées. Aussi, il est divisé en cinq paragraphes
présentant les polluants en présence, la réglementation, les principales techno-
logies disponibles de dépollution, des applications industrielles spécifiques
aux grandes classes de polluants et enfin quelques procédés émergents ou en
cours de développement.

R Symbole
Sigles, notations et symboles

Unité Description
1. Polluants en présence
Parmi l’ensemble des composés présents dans l’air, un classe-
ment simple peut être proposé comprenant :
C t/an Consommation de solvant – les polluants primaires issus de sources spécifiques (émissions
naturelles, trafic routier, rejets agricoles, industriels ou domes-
CCNUCC Convention cadre des nations unies tiques...) comme les particules, les oxydes de soufre, d’azote ou de
sur le changement climatique (voir carbone, les COV... ;
aussi COP21) – les polluants secondaires provenant de réactions de transfor-
mations naturelles des composés présents dans l’air (ozone,
CO Monoxyde de carbone dioxyde d’azote...).
Une autre classification des composés polluants atmosphé-
CO2 Dioxyde de carbone riques peut être aussi effectuée en fonction de leur impact sur
l’environnement [1] [2] (encadré 1).
COP21 21e Conférence des parties à la
convention cadre des nations unies
sur le changement climatique Encadré 1 – Classification des composés polluants
(CCNUCC) atmosphériques en fonction de leur impact
sur l’environnement
COV Composés organiques volatils
1. Substances relatives à l’acidification, l’eutrophisation et à
HAP Hydrocarbures aromatiques la pollution photochimique : oxydes de soufre SOx , oxydes
polycycliques d’azote NOx , ammoniac NH3 , composés organiques volatils
non méthaniques COVNM et monoxyde de carbone CO.
HCF hydrofluorocarbures
2. Composés relatifs à l’accroissement de l’effet de serre
(sans les polluants de la classe 1) : dioxyde de carbone CO2 ,
HCl Acide chlorhydrique méthane CH4 , protoxyde d’azote N2O, hexafluorure de soufre
SF6 , hydrofluorocarbures HFC, perfluorocarbures PFC.
HNO3 Acide nitrique
3. Métaux lourds et métalloïdes : arsenic As, cadmium Cd,
chrome Cr, cuivre Cu, mercure Hg, nickel Ni, plomb Pb, sélé-
H2SO4 Acide sulfurique nium Se, zinc Zn.
NO Monoxyde d’azote 4. Produits relatifs à la contamination par les produits orga-
niques persistants (POP) : dioxines et furannes, hydrocarbures
aromatiques polycycliques HAP, polychlorobiphényls PCB,
NO2 Dioxyde d’azote l’hexachlorobenzène.
N2 O Protoxyde d’azote 5. Particules en suspension (poussières, aérosols liquides et
solides). Il existe des classifications suivant les tailles du type
PM (Particule Matter) : PM10, PM2,5 et PM1,0 de tailles supé-
PCB Polychlorobiphenyls
rieures ou égales à 10, 2,5 et 1,0 µm.
PFC Perfluorocarbures
Dans cet article, on s’intéresse plus particulièrement aux familles
PM Particules en suspension (Particule de composés ou aux molécules spécifiques de polluants atmo-
Matter) sphériques suivantes :
– les poussières – aérosols (liquides ou solides) – pollens ;
POP Produits organiques persistants (dans – les métaux (Hg, Cd, Pb...) ;
l’environnement) – les oxydes de soufre (SO2 , SO3) ;
– les oxydes d’azote (NO, N2O, NO2) ;
SF6 Hexafluorure de soufre – les oxydes de carbone (CO, CO2) ;
– les gaz et/ou aérosols acides (HCl, HF, H2SO4 , HNO3) ;
SO2 Dioxyde de soufre – les composés organiques volatils (COV) ;
– les molécules odorantes ;
SO3 Trioxyde de soufre. Anhydride – l’ozone (O3) ;
sulfurique. Oléum – les produits organiques persistants dans l’environnement
(POP) et plus spécifiquement les dioxines et furannes.

J 3 921v2 − 2 Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés

SV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYRQ

_____________________________________________________________________ PROCÉDÉS DE DÉPOLLUTION DES ÉMISSIONS GAZEUSES INDUSTRIELLES

Tableau 1 – Principales origines, effets sur la santé et impact sur l’environnement


de divers polluants gazeux émis dans l’air [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9]
Nature Origine Effets sur la santé Impact sur l’environnement
Altération de la fonction respiratoire avec
Milieux naturels, sables, des effets variés : Transport et dispersion par les
embruns, pollens, – irritant (particules acides) ; particules de composés toxiques
Poussières – aérosols
poussières volcaniques, – fibrosant (amiante, silice) ; (métaux lourds, hydrocarbures,
– pollens
érosion – allergène (pollens et spores) ; bactéries...)
Procédés industriels – cancérigène ou mutagène (composés Impact visuel
organiques ou radioactifs)
Procédés industriels à


Toxicité et accumulation dans la chaîne
Métaux lourds haute température Toxicité reconnue
alimentaire
Incinération de déchets
Sources naturelles Acidification
Oxydes de soufre Combustion de produits Irritations pulmonaires Corrosion des métaux
fossiles à teneur en soufre Dégradation de la pierre
Irritation des muqueuses, des yeux et des Acidification
Monoxyde et dioxyde
Transports voies respiratoires Corrosion des métaux
d’azote
Combustion Altération de la fonction respiratoire (NO2 Dégradation de la pierre
(NO, NO2)
plus toxique que NO) Pollution photo-oxydante
Fabrication d’engrais
N2 O Procédés de nitrification – Contribution de N2O à l’effet de serre
dénitrification
Monoxyde de Combustion incomplète de
Formation de carboxyhémoglobine dans
carbone produits fossiles
le sang
(CO) Transports
Dioxyde de carbone Combustion Pas d’effet aux teneurs atmosphériques
Effet de serre
(CO2) Oxydation aérobie usuelles
Gaz acides et
Combustion Irritation des muqueuses, des yeux et des
aérosols acides (HCl, Acidification
Incinération voies respiratoires
HF, H2SO4 , HNO3)
Combustion incomplète de
produits pétroliers et des
Composés Dérègle le cycle de Chapman et produit
essences, émissions de Toxicité : certains composés sont
organiques volatils de l’ozone
solvants (dégraissage, cancérigènes et/ou mutagènes
(COV) Effet de serre
nettoyage peintures,
vernis...
Production due au Toxique Oxydation
Ozone (O3) dérèglement du cycle de Problèmes pour les voies respiratoires Acidification
Chapman par les COV Oxydant Corrosion
Fermentation
Nuisances olfactives
Oxydation anaérobie
Molécules odorantes Pas de toxicité avérée aux concentrations
Émissions industrielles
trouvées
Certains solvants
Combustion de produits
fossiles Effets variés Effet de serre
Polluants organiques Incinération Risques cancérigènes et/ou mutagènes Destruction de l’ozone stratosphérique
persistants (POP) Procédés industriels à Affections dermatologiques Accumulation dans la chaîne
hautes ou moyennes Effets immunologiques alimentaire
températures

Le tableau 1 regroupe les principales origines, quelques effets conférence de Rio de Janeiro en 1992, le protocole de Kyoto en
sur la santé et l’impact sur l’environnement de polluants gazeux 1997...). Ces textes ciblent, en particulier, les rejets industriels des
issus des émissions industrielles [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9]. installations classées.

2.1 Quelques textes réglementaires


2. Réglementation
Issus de directives européennes, les textes majeurs concernant
la réglementation française des rejets gazeux industriels sont :
L’évolution de la législation en matière de prévention de pollu-
tion atmosphérique a été d’importance ces dernières années du – l’arrêté du 2 février 1998, journal officiel du 3 mars 1998, relatif
fait de la mise en application de traités internationaux (la aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux

Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés J 3 921v2 – 3

SW

SX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jQRWP

La photocatalyse : dépollution
de l’eau ou de l’air et matériaux
autonettoyants
par Chantal GUILLARD
Directrice de recherches CNRS


IRCELYON, UMR CNRS 5256, université de Lyon, France
Benoit KARTHEUSER
Chef de projet
CERTECH asbl, SENEFFE, Belgique
et Sylvie LACOMBE
Directrice de recherches CNRS
IPREM, UMR CNRS 5254, université de Pau et Pays de l’Adour, France

1. Principe de la photocatalyse................................................................ J 1 270 - 2


1.1 Définition ..................................................................................................... — 2
1.2 Fonctionnement .......................................................................................... — 2
1.3 Les semi-conducteurs pour la photocatalyse
et leurs domaines spectraux ...................................................................... — 3
2. Caractéristiques du photocatalyseur le plus utilisé :
le dioxyde de titane ................................................................................ — 4
2.1 Formes cristallines et photoactivité........................................................... — 4
2.2 Mise en forme des matériaux photocatalytiques à base de TiO2 ........... — 5
3. Applications pour le traitement de l’eau.......................................... — 5
3.1 Polluants inorganiques............................................................................... — 6
3.2 Polluants organiques .................................................................................. — 6
3.3 Applications industrielles ........................................................................... — 7
3.4 Désinfection par photocatalyse ................................................................. — 7
4. Applications pour le traitement de l’air ........................................... — 8
4.1 Pollution atmosphérique ............................................................................ — 8
4.2 Pollution de l’air intérieur........................................................................... — 8
4.3 Avantages de la photocatalyse par rapport à d’autres techniques ........ — 9
4.4 Quelques exemples de composés organiques volatils étudiés
dans le cadre de l’épuration de l’air intérieur........................................... — 9
4.5 Applications industrielles/commerciales .................................................. — 10
4.6 Désinfection de l’air par photocatalyse..................................................... — 10
5. Applications en matériaux autonettoyants ..................................... — 10
5.1 Principe des matériaux autonettoyants .................................................... — 10
5.2 Superhydrophilie ........................................................................................ — 10
5.3 Différents types de matériaux autonettoyants ......................................... — 11
5.4 Applications bactéricides et antivirales des matériaux autonettoyants...... — 11
6. Perspectives d’avenir ............................................................................. — 12
6.1 Modifications structurales ou morphologiques ....................................... — 12
6.2 État de l’art sur la recherche de matériaux photocatalytiques
plus performants......................................................................................... — 12
7. Conclusion................................................................................................. — 13
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. J 1 270
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQQ

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 1 270 – 1

SY
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jQRWP

LA PHOTOCATALYSE : DÉPOLLUTION DE L’EAU OU DE L’AIR ET MATÉRIAUX AUTONETTOYANTS ____________________________________________________

a photocatalyse est une technologie d’oxydation avancée émergente qui


L trouve de nombreux domaines d’application, en particulier au Japon. La
plupart d’entre eux utilisent des matériaux à base de dioxyde de titane (TiO2).
Dans le présent article nous ne présentons que les applications environnemen-
tales de ces matériaux pour la purification de l’air ou de l’eau ou pour les
applications autonettoyantes. Les applications dans le domaine de l’énergie par
des systèmes capables de stocker l’énergie solaire, telles que les cellules
solaires (cellules photovoltaiques sensibilisées par des colorants pour la pro-
duction d’électricité ou DSSC [D 3935] [BE 8579] [BE 8578]) et la production
d’hydrogène par scission photocatalytique de l’eau (fuel cells [BE 8565]), ne
seront pas abordées, de même que les propriétés photo- ou électrochromes ou


de capteurs [P 4031] [R 2385].
Le principe de la photocatalyse repose sur l’activation d’un semi-conducteur
par la lumière, et les données énergétiques et thermodynamiques qui régissent
les réactions d’oxydo-réduction photo-induites sont précisées. Les propriétés de
différents semi-conducteurs susceptibles d’induire des réactions photocatalyti-
ques sont évoquées, avant de décrire de façon plus approfondie celles du
dioxyde de titane. Les applications pour le traitement de l’eau, bien que moins
développées que pour le traitement de l’air, couvrent les polluants inorganiques
et organiques. La désinfection (de l’eau ou de l’air) par photocatalyse (élimina-
tion de micro-organismes tels que bactéries, virus, champignons) est un
domaine très exploré dans de nombreux laboratoires de recherche, même si la
compréhension des mécanismes d’action contre les micro-organismes doit
encore être approfondie. Les principales applications pour le traitement de l’air
concernent l’élimination des oxydes d’azote NOx en extérieur par des matériaux
photocatalytiques de type béton, ciments, céramiques et peintures, et le traite-
ment des COV pour l’air intérieur avec des dispositifs actifs (ventilateurs
photocatalytiques, traitement de l’air conditionné) ou passifs (revêtements, pein-
tures, carrelages… photocatalytiques). Enfin, l’origine des propriétés
autonettoyantes de surface recouvertes de dioxyde de titane est rappelée, et les
différents domaines d’application de ces matériaux résumés.

1. Principe substances, organiques et inorganiques parfois nocives, présentes


dans divers milieux (air, eau, surfaces) en composés inoffensifs.
de la photocatalyse ■ Plus scientifiquement, la photocatalyse repose sur l’absorption,
par un photocatalyseur généralement semi-conducteur (Sc), d’une
radiation lumineuse d’énergie supérieure ou égale à l’énergie (Eg)
1.1 Définition de sa bande interdite (différence d’énergie entre la bande de
valence (BV ou dernière bande totalement ou partiellement occu-
Éthymologiquement, le terme photocatalyse est issu de trois pée par des électrons dans la théorie des bandes) et la bande de
mots grecs : phôtos (lumière), kata (vers le bas ou l’arrière) et lysis conduction (BC ou première bande non occupée par des électrons)
(dissolution ou décomposition). [A 245]). Cette absorption d’énergie entraîne le passage d’électrons
de la bande de valence dans la bande de conduction (figure 1)
créant des lacunes électroniques, communément appelées
La photocatalyse est donc l’action d’une substance nommée « trous » (ou « holes », h+) dans la bande de valence.
« photocatalyseur » qui augmente, sous l’action de la lumière,
la vitesse d’une réaction chimique thermodynamiquement pos- Les paires électrons-trous (e–/h+) ainsi générées donnent au
sible sans intervenir dans l’équation bilan de la réaction. solide ses propriétés oxydo-réductrices. Ces paires (e–/h+) peuvent
se recombiner, soit directement, soit indirectement (via les défauts
de surface) par des processus radiatifs ou non, sans donner lieu à
De nos jours, le terme « photocatalyse » se réfère plus spécifique- une réaction chimique (recombinaison de charges). En revanche, si
ment à la « photocatalyse hétérogène » dans laquelle le photocataly- les charges photogénérées migrent en surface et rencontrent un
seur est un semi-conducteur (le plus souvent le dioxyde de titane, accepteur (A) et un donneur d’électron (D) adsorbés à la surface,
TiO2), et non une molécule ou un complexe métallique de transition. un transfert de charge se produit :

1.2 Fonctionnement
■ En quelques mots : en utilisant l’énergie lumineuse, l’eau et
l’oxygène de l’air, les photocatalyseurs engendrent, par oxydo- Dans un échantillon de TiO2 colloïdal, les temps de vie moyens
réduction photo-induite, la formation de molécules très réactives d’un électron et d’un trou positif sont d’environ 30 ps et 250 ns res-
(en général des radicaux libres), capables de décomposer certaines pectivement. Les transferts de charges interfaciales se produisent

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 1 270 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

TP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jQRWP

____________________________________________________ LA PHOTOCATALYSE : DÉPOLLUTION DE L’EAU OU DE L’AIR ET MATÉRIAUX AUTONETTOYANTS

Irradiation

Bande de conduction (BC)


Énergie (eV)

Adsorption (O2)
e–
Réduction (HO2• , O2• –)
e–
Recombinaison Oxydation (P•+)
Eg Dégradation
des charges


Polluant P
Potentiels (V)

Oxydation (HO•)

h+ Adsorption (H2O, HO–)


Bande de valence (BV)
Adsorption (polluant P)

Figure 1 – Schéma de principe de la photocatalyse

dans le domaine de la nanoseconde à la milliseconde et des réac- Les radicaux-cations peuvent ensuite réagir par exemple avec
tions d’oxydo-réduction peuvent alors avoir lieu. H2O, O2 et , pour conduire aux produits d’oxydation finaux.
D’un point de vue thermodynamique, lorsqu’un semi-conducteur
irradié est en contact avec des donneurs et accepteurs d’électrons Le mécanisme global de la photocatalyse hétérogène se
adsorbés en surface, une réaction redox pourra avoir lieu dans des découpe donc en cinq étapes :
conditions expérimentales données (température, solvant, pH, 1/ Migration diffusionnelle des réactifs de la phase fluide vers la
concentration en réactifs) à des potentiels redox situés entre ECB et surface du catalyseur.
EVB. Les réactions d’oxydation auront lieu à des potentiels infé- 2/ Adsorption d’au moins un réactif.
rieurs à celui de la bande de valence EVB, (Eox< EVB), tandis que les 3/ Réaction à la surface.
réactions de réduction auront lieu si Ered> ECB (figure 1). Il faut 4/ Désorption des produits de réaction.
noter que les potentiels ECB et EVB sont fonction du pH et décrois- 5/ Migration diffusionnelle des produits de la surface du catalyseur
sent de 0,06 eV par unité de pH (loi de Nernst), ce qui aura une vers la phase fluide.
influence sur les réactions en milieu aqueux [1].
La réaction photocatalytique proprement dite correspond à
En présence de dioxygène et d’eau, l’accepteur d’électron est
l’étape 3. L’efficacité photocatalytique est donc une synergie entre
généralement l’oxygène. O2 est alors réduit en radical anion supe-
plusieurs paramètres : nombre et temps de vie des porteurs de
roxyde : charges, vitesses d’adsorption/désorption et vitesse des réactions
mises en jeu. La photocatalyse hétérogène intervient dans une
grande variété de réactions : oxydation totale (minéralisation) ou
ménagée, déshydrogénation, transferts d’hydrogène, échange iso-
Nota : électrode normale à hydrogène (ENH) topique, déposition de métaux, réduction des ions métalliques.
ou selon le pH, en sa forme protonée, le radical hydroperoxyle HO2•.

1.3 Les semi-conducteurs


Ces radicaux peuvent réagir entre eux pour former du peroxyde pour la photocatalyse
d’hydrogène, H2O2, ou encore le radical hydroxyle HO•, extrême- et leurs domaines spectraux
ment réactifs :
Le domaine spectral de la photocatalyse dépend évidemment
de la nature du photocatalyseur, entité qui absorbe la lumière
afin d’activer la réaction, et donc de l’énergie de sa bande inter-
dite, Eg.
La voie la plus directe de formation du radical HO• est l’oxyda-
tion par un trou, h+, des donneurs H2O ou ions hydroxyle (OH–),
adsorbés en surface du Sc : Comment transformer le saut énergétique (en eV)
en longueur d’onde (en nm)
E = 1,8 à 2,7 V vs ENH en fonction du pH)
D’après la relation de Planck : Eg = hν = hc/λ en J.photon-1
avec h constante de Planck (h = 6,626 × 10-34 J.s.photon-1),
Ces différents radicaux peuvent réagir avec les composés orga- c célérité de la lumière (c = 2,998 × 108 m.s-1)
niques pour conduire à la formation de CO2 et H2O (minéralisa- λ longueur d’onde (m)
tion). Cependant, beaucoup de composés organiques (P) sont ν fréquence de la radiation (s-1)
susceptibles d’être oxydés directement par les trous photogénérés
en formant le radical cation : et 1 J = 6,24 × 1018 eV
Ce qui se simplifie en :
E Eg(nm) = 1239,8/Eg (eV)

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 1 270 – 3

TQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jQRWP

LA PHOTOCATALYSE : DÉPOLLUTION DE L’EAU OU DE L’AIR ET MATÉRIAUX AUTONETTOYANTS ____________________________________________________

Exemple de TiO2 anatase : l’énergie de la bande interdite est de


3,23 eV. Les longueurs d’onde qui pourront activer le photocatalyseur 2. Caractéristiques
doivent être inférieures ou égales à 384 nm. du photocatalyseur
Les différentes propriétés physiques de certains semi-conduc-
teurs sont rassemblées dans la figure 2.
le plus utilisé : le dioxyde
D’après les données de la figure 2, l’énergie de la bande inter-
de titane
dite Eg varie depuis le visible (pour CdSe, CdS, Fe2O3, WO3,ou le
TiO2 sous sa forme rutile), jusqu’à l’UV-A (ZnO, ZnS). À l’heure actuelle, la plupart des applications utilisent le dioxyde
de titane comme semi-conducteur et on peut considérer que le
La définition des différents domaines spectraux, ainsi que le
domaine spectral concerné par la photocatalyse est majoritaire-
spectre d’émission solaire sont rappelés dans la figure 3.
ment l’UV (λ < 384 nm) et une petite partie du visible (380 à


Le choix d’un semi-conducteur pour la photocatalyse est donc 400 nm) (figure 3) : le dioxyde de titane de structure anatase, cata-
imposé par la valeur énergétique Eg de la bande interdite et par lyseur le plus utilisé en photocatalyse, absorbe environ 4 % des
ses potentiels ECB et EVB, qui conditionnent la faisabilité des demi- photons solaires. Cependant, comme on le verra au § 6, les recher-
réactions d’oxydo-réduction. Certains de ces semi-conducteurs ches actuelles ont pour objectif de développer des catalyseurs
sont utilisés pour des applications dans le domaine de l’énergie actifs à des longueurs d’onde supérieures à 400 nm afin d’utiliser
(cellules photo-électrochimiques pour la dissociation de l’eau ou la un nombre plus important de photons situés dans le visible.
production d’électricité…).

2.1 Formes cristallines et photoactivité


Cependant pour les applications dans le domaine du traite-
ment de l’eau ou de l’air, ainsi que les films autonettoyants, le Deux des facteurs importants qui affectent l’activité photocataly-
dioxyde de titane (TiO2) est le plus utilisé, en raison de sa dis- tique de TiO2 sont sa surface spécifique et sa cristallinité. Le
ponibilité, de son faible coût, de son inertie chimique et biologi- dioxyde de titane existe sous trois formes cristallines ou
que et de sa photostabilité dans l’air et dans l’eau. polymorphes : rutile (R), anatase (A) et brookite (B). Chaque phase
présente des propriétés physiques et chimiques différentes. La
Les différentes espèces radicalaires très réactives, formées phase rutile est thermodynamiquement la plus stable en matériau
par oxydo-réduction vont conduire à l’oxydation et souvent à massique. Cependant les préparations en solution favorisent la for-
la minéralisation (transformation en eau, dioxyde de carbone mation de la forme anatase, la plus largement utilisée. La forme
(CO2) et autres produits oxydés issus des hétéroatomes
comme les sulfates à partir des produits soufrés, les halogé-
nures à partir des dérivés halogénés, les phosphates à partir
Visible
des dérivés phosphorés…) des produits adsorbés en surface.
Ondes radio
Ces réactions seront possibles dans l’eau, dans différents sol- Rayons X Micro-ondes
vants, mais également en phase gazeuse. Les réactions Infrarouge
photocatalytiques sur TiO2 permettront donc d’oxyder, dans
des conditions précises, toutes sortes de matériaux organi-
ques ou polymères, de détruire les microbes et bactéries et
de minéraliser certaines de ces substances en présence Radiation ultraviolet
d’oxygène et d’eau. UVC UVB UVA
Vacuum UV
100 200 280 315 380 nm

a domaines spectraux
TiO2 anatase

Intensité spectrale
TiO2 rutile

Spectre solaire extraterrestre


Fe2O3
CdSe

WO3
ZnO
CdS
Énergie par rapport au niveau du vide

– 2,5 –2
ZnS

Spectre solaire au niveau de la mer

– 3,5 –1 Effet thermique


3,6 O2/O2• –
– 4,5 0 H+/H2
2,5
1,7
– 5,5 1 2,3
3,0
O2/H2O
Potentiels (ENH)

3,2 2,8
– 6,5 2 3,2
200 700 1 000 1 400 1 800 2 000 2 500 3 000
– 7,5 3 280 555 Longueur d’onde (nm)
380

UV Visible Infrarouge A Infrarouge B

b spectre de l’émission solaire


Figure 2 – Positions des bandes de conduction et de valence de
certains semi-conducteurs en contact avec un électrolyte aqueux Figure 3 – Définition des domaines spectraux (a) et spectre de
à pH 1 (vs ENH) l’émission solaire (b)

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 1 270 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

TR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
nmSVPP

Photocatalyse : des matériaux


nanostructurés aux réacteurs
photocatalytiques
par Delphine SCHAMING


Maı̂tre de conférences
Laboratoire ITODYS, UMR 7086 CNRS, université Paris Diderot – université Sorbonne
Paris Cité, Paris, France

Christophe COLBEAU-JUSTIN
Professeur des universités
Laboratoire de Chimie Physique, UMR 8000 CNRS, université Paris-Sud, université
Paris-Saclay, Orsay, France

et Hynd REMITA
Directrice de recherche
Laboratoire de Chimie Physique, UMR 8000 CNRS, université Paris-Sud – université
Paris-Saclay, Orsay, France

1. Catalyse et photocatalyse............................................................. NM 3 600 – 2


2. Dioxyde de titane (TiO2)................................................................. — 2
2.1 Origine ................................................................................................ — 3
2.2 Synthèse ............................................................................................. — 3
2.2.1 Synthèse en phase liquide ...................................................... — 3
2.2.2 Synthèse en phase gaz ............................................................ — 4
2.2.3 Synthèses par pyrolyse laser .................................................. — 4
2.3 Applications ........................................................................................ — 4
2.3.1 À l’échelle micrométrique : un pigment blanc ....................... — 4
2.3.2 À l’échelle nanométrique : interaction avec les UV ............... — 4
2.4 Recherches actuelles autour de TiO2 ................................................. — 7
2.4.1 Différentes nanostructures ...................................................... — 7
2.4.2 Dopage du TiO2 ....................................................................... — 8
3. Quelques autres matériaux photocatalytiques ......................... — 10
3.1 D’autres semi-conducteurs photocatalytiques .................................. — 10
3.2 Photocatalyseurs organiques : une nouvelle génération
de photocatalyseurs ........................................................................... — 11
4. Une technique de choix pour l’étude des paires électron-trou
au sein des semi-conducteurs : Time Resolved Microwave
Conductivity..................................................................................... — 11
5. Nanomatériaux photocatalytiques et chimie
environnementale ........................................................................... — 13
6. Insertion des nanomatériaux dans les réacteurs
photocatalytiques............................................................................. — 14
7. Conclusion........................................................................................ — 16
8. Glossaire ........................................................................................... — 16
9. Sigles, notations et symboles ...................................................... — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. NM 3 600

a catalyse est un domaine important en chimie, puisque 90 % des processus


L chimiques impliquent un procédé catalytique dans au moins une de leurs
étapes. Une étude aux États-Unis a ainsi permis de montrer que 60 % des
63 principaux produits chimiques industriels sont obtenus via un processus
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPQW

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés NM 3 600 – 1

TS
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
nmSVPP

PHOTOCATALYSE : DES MATÉRIAUX NANOSTRUCTURÉS AUX RÉACTEURS PHOTOCATALYTIQUES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

impliquant une étape de catalyse, et que 90 % des 34 principaux procédés


industriels impliquent un phénomène de catalyse.
De ce fait, la catalyse est actuellement source de nombreuses études. En par-
ticulier, les processus catalytiques induits par une activation lumineuse ont été
largement étudiés ces dernières décennies, car ils s’inscrivent dans une poli-
tique environnementale actuelle ayant la volonté d’employer des énergies pro-
pres, en l’occurrence l’énergie solaire.
Le développement de matériaux photocatalytiques efficaces sous irradiation
dans le domaine visible permettrait donc d’utiliser de manière plus rationnelle
l’énergie solaire et d’apporter ainsi des solutions à de nombreux problèmes
environnementaux. En effet, la partie visible du spectre solaire sur terre repré-


sente environ 50 % du rayonnement, alors que les ultraviolets (UV) n’en consti-
tuent que 3 à 4 % environ.
Le développement de photocatalyseurs stables et actifs sous irradiation dans
le domaine visible est donc un défi important. Il s’agit généralement de semi-
conducteurs, tel le dioxyde de titane (TiO2), dont l’activité photocatalytique peut
être étendue dans le visible par différentes modifications ou dopages. Nous
présenterons ici des nanostructures à base de dioxyde de titane et leurs princi-
pales techniques de synthèse. Nous verrons comment le dioxyde de titane peut
être dopé ou modifié en surface afin d’étendre son domaine d’activité dans le
domaine visible. La synthèse d’autres matériaux photocatalytiques nanostructu-
rés (semi-conducteurs inorganiques ou polymères conjugués) sera présentée.
La technique de conductivité micro-ondes résolue en temps permet d’étudier
la dynamique des porteurs de charge dans le matériau irradié, cette dynamique
est fortement liée à son activité photocatalytique. Les différentes applications
environnementales (dépollution de l’eau et de l’air, surfaces autonettoyantes,
production d’hydrogène) des matériaux photocatalytiques seront décrites.
Nous verrons enfin comment ces matériaux peuvent être insérés dans des réac-
teurs photocatalytiques.

Certains processus catalytiques nécessitent par ailleurs une acti-


1. Catalyse et photocatalyse vation extérieure qui va apporter de l’énergie au système. Selon le
principe d’activation du processus, il est possible de distinguer par
exemple :
 l’électrocatalyse : le catalyseur nécessite une activation
L’Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC) électrique ;
définit la catalyse comme un procédé qui augmente la vitesse
d’une réaction sans que son enthalpie libre soit modifiée.  la photocatalyse : le catalyseur nécessite une activation
lumineuse.

Toute réaction catalytique nécessite l’emploi d’un catalyseur, Dans la suite de cet article, nous nous focaliserons uniquement
substance à l’origine du processus catalytique qui apparaı̂t à la sur les processus photocatalytiques, en particulier ceux dans les-
fois comme réactif et produit de la réaction, c’est-à-dire qu’il est quels le catalyseur est un semi-conducteur. Un semi-conducteur
restauré en fin de processus, et donc n’apparaı̂t pas dans le bilan est un matériau isolant qui peut devenir conducteur lorsque de
global de la réaction. En effet, le catalyseur intervient dans une l’énergie lui est fournie, par exemple sous forme de lumière. Des
(ou plusieurs) étapes de la réaction, expliquant son influence sur paires électron-trou très réactives se créent alors au sein de ce
la vitesse de la réaction, et est ensuite régénéré dans une étape sui- matériau et peuvent participer à des réactions de transfert électro-
vante. De ce fait, le catalyseur est utilisé en quantité beaucoup plus nique avec des composés en surface du matériau, entraı̂nant leur
faible que les autres réactifs. De plus, le catalyseur n’influe pas sur modification, leur dégradation, etc. Le semi-conducteur, quant à
la composition de l’équilibre thermodynamique en fin de réaction. lui, est resté intact au cours de ce processus, et peut donc servir
plusieurs fois.
Différents types de catalyse peuvent être distingués selon la
nature du catalyseur :
 la catalyse homogène : les réactifs et le catalyseur sont dans
la même phase (généralement phase liquide) ; 2. Dioxyde de titane (TiO2)
 la catalyse hétérogène : les réactifs et le catalyseur sont dans
deux phases distinctes (généralement des réactifs en phase
liquide et un catalyseur solide) ; Le dioxyde de titane (TiO2) est le photocatalyseur le plus couram-
 la catalyse enzymatique : le catalyseur est une enzyme. ment utilisé.

NM 3 600 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

TT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
nmSVPP

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PHOTOCATALYSE : DES MATÉRIAUX NANOSTRUCTURÉS AUX RÉACTEURS PHOTOCATALYTIQUES

2.1 Origine thermique est également nécessaire durant la réaction. Il s’agit


donc de méthodes hydrothermales ou solvothermales. Des sels
Le titane (symbole chimique : Ti) est le quatrième métal le plus d’oxyde de titane (TiOSO4, TiO(NO3)2, H2TiO(C2O4)2, etc.) sont sou-
abondant sur Terre (après l’aluminium, le fer et le magnésium) et vent utilisés comme précurseurs. Néanmoins, lorsqu’un un sel tita-
le neuvième élément chimique le plus abondant. Le titane repré- nique (TiCl4, Ti(SO4)2, etc.) ou titaneux (TiCl3, etc.) est utilisé
sente en effet 0,63 % en masse de la croûte terrestre. Il fut décou- comme précurseur, la formation de l’oxyde est également permise
vert en 1791 en Angleterre par le minéralogiste William Gregor, qui par hydrolyse en solution acide ou basique. Un ajustement de la
constata la présence d’un nouvel élément chimique dans un mine- durée de la réaction, de la concentration en précurseurs, de la tem-
rai du nom d’ilménite. Cet élément fut ensuite redécouvert plu- pérature et de la pression du milieu permet de contrôler la morpho-
sieurs années plus tard par un chimiste allemand, Heinrich Kla- logie des particules de TiO2 (nanoparticules, nanofils, nanobâton-
porth, dans un autre minerai, le rutile. Il donna à ce nouvel nets, nanotubes) ainsi que la phase cristalline (phases anatase ou
élément chimique le nom de titane, en référence aux Titans (divini- rutile pures, ou alors mélange des deux). Il existe également des
tés primordiales géantes qui ont précédé les dieux de l’Olympe variantes qui consistent à effectuer la synthèse en micro-émulsion,
dans la mythologie grecque), qui sont les fils de la déesse Gê


nécessitant la présence d’une phase organique, d’une phase
(signifiant « Terre » dans la Grèce antique), identifiée à la déesse
aqueuse et d’un tensioactif.
mère, ancêtre maternelle des races divines [1].
Le titane ne se trouve jamais à l’état pur dans la nature ; il est Un procédé sol-gel peut également être mis en œuvre pour obte-
toujours combiné à d’autres éléments au sein de roches ou sédi- nir du TiO2. Il s’agit d’une technique de chimie douce puisqu’elle
ments. Il se trouve principalement dans des minerais tels que le
rutile et l’ilménite, mais aussi le leucoxène, l’anatase, la brookite,
la pérovskite et le sphène.
Néanmoins, seulement 2 % de la production mondiale sert à
l’obtention de titane métallique. En effet, 98 % de la production
mondiale servent à la production d’un oxyde de titane, le dioxyde
de titane (TiO2, figure 1). Cet oxyde métallique est extrait principa-
lement du rutile (entre 93 et 96 % de TiO2), du leucoxène (jusqu’à
90 % de TiO2) et de l’ilménite (entre 44 et 70 % de TiO2).
Différentes structures cristallographiques de TiO2 sont obser-
vées. Les principales sont le rutile et l’anatase (figure 2). Toutes
deux cristallisent selon un système quadratique.

2.2 Synthèse
Si le TiO2 est présent à l’état naturel, il est également possible de
le synthétiser. Différents procédés permettent d’obtenir du dioxyde
de titane avec une très grande pureté [2].

2.2.1 Synthèse en phase liquide


Tout d’abord, plusieurs méthodes de synthèse s’appuient sur
l’hydrolyse ou la solvolyse d’un précurseur de titane. Un traitement Figure 1 – Poudre de TiO2 (©
© Delphine Schaming)

b a
a
c
a b

Figure 2 – Structures anatase (a) et rutile (b) du TiO2

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés NM 3 600 – 3

TU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
nmSVPP

PHOTOCATALYSE : DES MATÉRIAUX NANOSTRUCTURÉS AUX RÉACTEURS PHOTOCATALYTIQUES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

s’effectue à basse température. Le principe consiste en une hydro- sous forme d’anatase, peuvent être obtenues avec un taux de pro-
lyse d’un alcoxyde de titane (Ti(OR)4, avec R un groupement alkyl duction de 10 à 25 g/h [5].
de type méthyl, éthyl, iso-propyl ou tert-butyl), suivie d’une Le tétrachlorure de titane TiCl4 peut également être utilisé
condensation entraı̂nant la formation d’une solution colloı̈dale. comme précurseur en présence d’oxygène O2 ou le protoxyde
Un gel est alors obtenu après chauffage léger ou vieillissement. d’azote N2O comme oxydants. À partir de ce précurseur, des nano-
La réaction peut être accélérée par ajout de catalyseurs acides particules de TiO2 de 20 nm sont obtenues [6].
(HCl ou NH3) ou basiques (NH3OH ou NaOH). Cette méthode per-
met l’obtention de TiO2 avec une grande pureté et une grande Actuellement, de nouveaux matériaux composites sont synthéti-
homogénéité. Selon le pH, le solvant, l’alcoxyde utilisé, le cataly- sés par cette méthode, tels que le TiO2 dopé avec des nanotubes de
seur éventuel, il est possible de contrôler la taille, la forme et la carbone pour des applications en photovoltaı̈que [7].
phase cristalline (anatase, rutile ou brookite) des particules de TiO2.
Ces différents procédés de synthèse présentent l’avantage d’être 2.3 Applications
faciles à mettre en œuvre et peu coûteux.


Alors que le TiO2 est l’un des matériaux les plus abondamment
Des méthodes électrochimiques peuvent également être
utilisés dans le domaine de la photocatalyse, il possède également
employées, comme par exemple des techniques d’électrodéposi-
de nombreuses propriétés lui permettant des utilisations industriel-
tion où le substrat joue le rôle d’électrode qui est immergée dans
les dans bien d’autres domaines.
une solution contenant un sel de titane ou d’oxyde de titane utilisé
comme précurseur. La structure et la morphologie du dépôt peu-
vent alors être contrôlées en ajustant le potentiel appliqué, la den- 2.3.1 À l’échelle micrométrique : un pigment
sité de courant, la composition de la solution électrolytique, son pH, blanc
ou encore la température. Une oxydation chimique peut également Du fait de ses très bonnes propriétés opacifiantes, le TiO2 fut tout
être effectuée, par exemple en utilisant H2O2 comme oxydant. d’abord utilisé dans l’industrie comme pigment blanc. Les particu-
L’ajout de sels inorganiques de type NaX permet la synthèse de les ont une taille de l’ordre de 250 à 350 nm dans ce cas. Les
nanobâtonnets, X = F- ou SO42- favorisant la formation de la domaines d’applications sont très divers : peintures et encres, blan-
phase anatase et Cl- celle de la phase rutile. chiment de plastiques, de papiers, de fibres textiles, de caout-
choucs et de cuirs…
2.2.2 Synthèse en phase gaz À l’échelle macroscopique, le TiO2 est inerte chimiquement, et
Certaines voies de synthèse s’effectuent également en phase gaz. est biologiquement compatible. De ce fait, il est également utilisé
La méthode dite de dépôt chimique en phase vapeur (CVD) est un comme agent blanchissant dans de nombreux produits cosméti-
processus durant lequel un précurseur (généralement de l’isopro- ques et pharmaceutiques, la blancheur étant souvent souhaitée
poxyde de titane) est porté à l’état de vapeur ; il réagit alors pour pour des raisons marketing. Ainsi, nous pouvons par exemple en
conduire à la formation de TiO2 qui se condense à la surface d’un trouver dans des crèmes, des dentifrices, des savons, et des
substrat. En ajustant le débit du gaz porteur, la température et la comprimés.
pression, il est possible de contrôler la forme des particules de Le TiO2 est également couramment utilisé dans l’industrie ali-
TiO2 obtenues. mentaire et est notamment connu sous le nom de colorant E171.
Il est également possible d’effectuer une synthèse par combus- Nous le retrouvons ainsi notamment dans bon nombre de
tion au cours de laquelle un précurseur (isopropoxyde de titane confiseries.
ou TiCl4 généralement) est décomposé par effet thermique dans
une flamme résultant de la combustion d’un combustible 2.3.2 À l’échelle nanométrique : interaction
(méthane, éthylène ou acétylène) avec un comburant (oxygène ou avec les UV
air). L’agglomération des particules obtenues peut être contrôlée
Le TiO2 à l’échelle nanométrique (particules dont au moins une
par la température de la flamme, et peut être inhibée par l’emploi
dimension est inférieure à 100 nanomètres) n’est plus inerte et
de dioxygène pur au lieu de l’air. L’anatase est la phase la plus sou-
son interaction avec les rayonnements ultraviolets (UV) conduit à
vent obtenue par ce procédé.
différentes applications que l’on peut classer en deux catégories.
Des variantes à ces méthodes peuvent exister, comme par exem-
ple la spray-pyrolyse qui consiste à nébuliser un précurseur sous 2.3.2.1 Atténuation des rayonnements UV
forme d’un aérosol entraı̂né par des gaz porteurs vers la flamme.
Contrairement à la CVD, qui nécessite une température élevée et Le TiO2 absorbant les rayonnements UV, il trouve des applica-
une pression basse, cette méthode de synthèse est réalisée sous tions comme atténuateurs de lumière UV. Il est par exemple cou-
conditions normales de température et de pression. La technique ramment utilisé comme écran solaire dans de nombreuses crèmes
de pyrolyse laser peut également être employée. Elle consiste solaires, mais également comme filtre UV dans des plastiques ou
cette fois en l’utilisation d’un faisceau laser au CO2 émettant dans des textiles. Le TiO2 activé par les UV, réagissant par exemple faci-
l’infrarouge qui va interagir avec un flux de réactifs, entraı̂nant lement avec l’eau, conduisant à des radicaux qui pourraient être
néfastes pour la santé, son utilisation dans des crèmes, nécessite
leur dissociation et la formation des particules de TiO2.
un traitement surfacique préliminaire afin d’inhiber les propriétés
Dans ces différents procédés en phase gaz, c’est l’oxygène qui photocatalytiques sans bloquer l’absorption des UV.
joue le rôle d’oxydant.
2.3.2.2 Photocatalyse : dépollution, revêtements
2.2.3 Synthèses par pyrolyse laser auto-nettoyants, production d’hydrogène et
réduction du dioxyde de carbone
La première synthèse de poudres nanométriques par pyrolyse
laser a été développée en 1982 au Massachusetts Institute of Tech- & Principe
nology pour l’élaboration de céramique à base de silicium (Si, C’est au début du XXe siècle que la photocatalyse a été décou-
Si3N4, SiC) [3] à l’échelle nanométrique. La synthèse de nanoparti- verte par Eibner et al. qui ont mis en évidence en 1911 l’action de
cules de TiO2 par pyrolyse laser a été initiée en 1987 [4]. L’isopropo- l’oxyde de zinc ZnO sous irradiation sur les peintures et le bleu de
xyde de titane peut être utilisé comme précurseur : il est volatile et Prusse [8] [9]. En 1921, Renz et al. rapportent le bleuissement du
absorbe la radiation laser. L’éthylène peut être utilisé comme gaz dioxyde de titane TiO2 sous lumière solaire en présence de glycé-
sensibilisateur et porteur. Ainsi, des nanoparticules de TiO2 avec rol, suggérant la réduction partielle du semi-conducteur sous
une taille allant de 6 nm à 20 nm, et cristallisant majoritairement irradiation [10].

NM 3 600 – 4 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

TV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
wUWPP

Dessalement de l’eau de mer

par Jean-Marie ROVEL


Ancien directeur chez Degrémont/Groupe Suez-Environnement
Mise à jour du dossier [J 2 700] écrit par Patrick Danis et paru en juin 2003
dans la base documentaire « Génie des procédés » R
1. Eau de mer et eau potable ..................................................................... W 5 700 - 2
1.1 Qualité de l’eau de mer ............................................................................... — 2
1.2 Qualité de l’eau produite ............................................................................. — 3
2. Distillation .................................................................................................. — 3
2.1 Distillation à simple effet ............................................................................. — 3
2.2 Distillation à effet multiple .......................................................................... — 4
2.3 Multi-effet avec compression de vapeur.................................................... — 5
2.4 Distillation par détentes successives (ou multiflash) ................................ — 6
2.5 Avantages de la distillation ......................................................................... — 8
2.6 Contraintes de la distillation ....................................................................... — 9
3. Osmose inverse ......................................................................................... — 10
3.1 Pression osmotique et pression de fonctionnement (rappel) .................. — 10
3.2 Paramètres de fonctionnement d’une osmose inverse ............................ — 11
3.3 Prétraitement de l’eau d’alimentation ........................................................ — 12
3.4 Éléments de dimensionnement d’une unité d’osmose inverse ............... — 14
3.5 Avantages et contraintes de l’osmose inverse .......................................... — 17
4. Hygiène, sécurité et environnement ................................................... — 18
5. Comparaison des procédés et critères de choix ............................. — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. W 5 700

rois facteurs principaux expliquent la demande de plus en plus forte pour


T le dessalement d’eau de mer constatée ces 15 dernières années :
– le développement démographique et son amplificateur : une migration
des populations rurales vers les villes et principalement vers les villes les plus
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQQ@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQW

grandes ;
– le fait que plus du tiers de la population mondiale et plus de la moitié des
mégalopoles (ville de plus de 5 millions d’habitants) soient concentrés dans
une bande côtière de 150 km de profondeur où s’exerce donc une demande
rapidement croissante de tous les secteurs de l’activité humaine : eau domes-
tique, industrielle, touristique, agricole... Alors que les fleuves qui l’abreuvent y
arrivent de plus en plus pollués et ayant déjà subi des prélèvements (surtout
pour l’irrigation agricole) de plus en plus importants ;
– par ailleurs, les progrès techniques des deux technologies utilisées en des-
salement d’eau de mer se sont traduits par une réduction des coûts
d’investissement (taille croissante des unités construites, amélioration des
membranes utilisées en osmose inverse (cf. perméabilité et passage de sel)...)
et surtout des coûts de fonctionnement réduits en particulier pour le procédé
d’osmose inverse dont la demande en énergie spécifique (kWh/m3 d’eau pro-
duite) a décru de 40 % en 15 ans... Tout cela concourant à rendre l’offre plus
attrayante.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. W 5 700 – 1

TW
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
wUWPP

DESSALEMENT DE L’EAU DE MER ______________________________________________________________________________________________________

Demande forte, offre plus attrayante expliquent donc la croissance globale


du marché de plus de 10 % par an et une mondialisation de celui-ci : encore
très concentré, il y a 15 ans, sur le Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Émirats
arabes unis [ÉAU])..., il s’étend maintenant à tout le pourtour méditerranéen
(Espagne et Algérie en particulier), aux Caraïbes, sud des États-Unis, Australie,
et récemment Chine, Inde...

Ainsi, une étude de 2008 recensait 13 800 installations en fonctionnement


dont 60 % en osmose inverse et 40 % par distillation, mais la capacité de ces
dernières étant plus élevée, leurs contributions respectives s’inversent.

R Si l’on additionne les capacités installées, on arrive à un total de 60 millions de m3 par jour
ou encore l’équivalent de la consommation domestique d’environ 300 millions d’habitants !

1. Eau de mer et eau potable Tableau 1 – Composition standard de l’eau de mer


océanique

1.1 Qualité de l’eau de mer Cations


Quantité
Anions
Quantité
(mg/L) (mg/L)
L’eau de mer est la matière première de l’usine de dessalement.
Chacun peut observer ses changements de température, de limpi- Sodium 11 035 Chlorures 19 841
dité d’un lieu ou d’un jour à l’autre ; les écarts de salinité sont Magnésium 1 330 Sulfates 2 769
moins connus or salinité, température et matières en suspension
sont les paramètres majeurs du fonctionnement d’une unité de Calcium 418 Bicarbonates 146
dessalement.
Potassium 397 Bromures 68
1.1.1 Salinité Strontium 14 Fluorures 1,4
La salinité mesure la concentration en sels dissous ; elle Salinité totale : 36 047 g/L
s’exprime le plus souvent en mg ou encore en ppm chez les
Anglo-Saxons. On notera que cette dernière unité n’est pas
strictement équivalente puisqu’elle exprime des mg/kg. détentes successives (cf. § 2.4)], au contraire, elle est très impor-
Les salinités les plus basses se rencontrent au voisinage des tante pour les systèmes d’osmose inverse : la production des
pôles ou dans les zones de fort apport d’eau douce (cf. estuaires). membranes d’osmose augmente d’environ 3 % par degré Celsius
La quantité de sels dissous augmente au fur et à mesure que l’on (cf. viscosité de l’eau). En contrepartie, la qualité de l’eau produite
se rapproche des tropiques. Elle peut dépasser 45 g/L dans diminue et le vieillissement de la membrane s’accélère. L’expé-
certaines zones, telles que la côte est de l’Arabie Saoudite où la rience montre que l’optimum se situe autour de 25 oC.
chaleur et les hauts-fonds favorisent l’évaporation.
On retiendra aussi que la capacité d’une unité d’osmose inverse
Quelques valeurs moyennes de la salinité de l’eau de mer : n’a de sens que si l’on précise la température d’eau pour laquelle
– océan Atlantique : 35 g/L ; cette capacité est atteinte.
– mer Méditerranée : 38 g/L ;
– mer Rouge : 40 g/L ;
1.1.3 Teneur en matières en suspension
– golfe Persique : jusqu’à 46 g/L.
Le lecteur pourra se reporter à l’article [K 170] Propriétés L’eau de mer véhicule d’une part des matières minérales (sédi-
physiques de l’eau de mer. ments, morceaux de coquillage...) et, d’autre part, des organismes
Le laboratoire hydrographique de Copenhague a défini la vivants souvent microscopiques. En pleine mer, le plancton prédo-
composition « moyenne » d’une eau de type océan Atlantique. Le mine. Près des côtes, la teneur en sédiment augmente et surtout
tableau 1 précise la répartition des ions principaux. elle varie avec l’agitation de l’eau (houle, vagues...) et selon les
courants et la profondeur des fonds et leur nature (sable,
En dehors du chlorure de sodium qui représente 85 % de la sali- rochers...) ; en outre, la pollution par des rejets urbains ou indus-
nité totale, on note la présence des ions bicarbonates, calcium et triels peut aussi devenir importante. Le site de la prise d’eau et sa
sulfates. Ces ions sont des sources potentielles d’entartrage selon conception seront choisis pour minimiser toute pollution et éviter
les conditions de température, de concentration et de pH. Or, tout au mieux les zones à forte teneur en matières en suspension.
procédé de dessalement implique une concentration de l’eau. Il
restera donc à l’opérateur le choix de la température et du pH pour Les membranes d’osmose arrêtent parfaitement toutes les
éviter sinon limiter l’entartrage des appareils. matières en suspension quelles que soient leurs tailles, par contre,
il en résulte un colmatage de la membrane, la rendant impropre à
son usage. Pour conserver son efficacité, il est donc indispensable
1.1.2 Température de rendre l’eau de mer aussi limpide que possible. C’est l’objectif
La température de l’eau de mer peut varier sur les côtes de du prétraitement dont les phases successives sont décrites au
quelques degrés centigrades sous l’influence des courants polaires paragraphe 3.3.
jusqu’à 35 oC autour de la péninsule arabique. La distillation, procédé beaucoup moins sensible aux matières
Cette température influence assez peu la distillation [si ce n’est en suspension, ne requiert qu’un tamisage (0,5 à 2 mm) : filtration
par la limitation du nombre d’effets utilisables en distillation à grossière pour la protection des pompes et des échangeurs.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


W 5 700 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

TX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
wUWPP

______________________________________________________________________________________________________ DESSALEMENT DE L’EAU DE MER

1.2 Qualité de l’eau produite


Sortie eau de mer

1.2.1 Critères de potabilité Extraction


des incondensables
Dans la grande majorité des cas, tout ou partie de l’eau produite
est destinée à la consommation humaine et doit donc être Entrée eau
conforme à la réglementation locale des eaux potables. de mer
Cependant, une partie de la production peut aussi être direc-
Entrée fluide
tement livrée à une usine à proximité. L’exemple le plus fréquent caloporteur
est celui de la centrale thermique, qui requiert une eau d’appoint
complètement déminéralisée. Un traitement complémentaire
(échange d’ions, électrodéionisation) sera nécessaire mais plus ou
moins important suivant la salinité résiduelle, sachant que la dis-
tillation peut produire une eau contenant moins de 5 mg/L de sels
dissous, alors que l’osmose inverse sera limitée à 100-250 mg/L
Sortie fluide
Saumure

TDS. Distillat
caloporteur
Il arrive que certains pays n’aient pas de réglementation
concernant la qualité des eaux potables. On se conforme alors aux
recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Figure 1 – Distillation à simple effet (source : Sidem)
lesquelles font référence au sein de la Communauté internationale.
Celle-ci classe les critères de potabilité d’une eau en cinq groupes.
Ceux qui intéressent le producteur d’eau dessalée concernent : (eau condensée) ; un deuxième l’eau de mer concentrée ou
– l’aspect physique : température, limpidité, odeur, teneur en saumure.
matières en suspension (MES) ; Pour établir le bilan thermique, on considère que le débit d’eau
– les caractéristiques chimiques : salinité, chlorures, pH, etc. de mer admis dans l’enceinte est la somme des débits d’eau pro-
Pour chaque critère, l’OMS précise une valeur guide, par duite et de saumure :
exemple :
Q = k Dcp ∆t + Dr (1)
– salinité inférieure ou égale à 1 000 mg/L ;
– chlorures inférieurs ou égaux à 250 mg/L, ce deuxième critère avec Q (kJ) quantité de chaleur recherchée,
étant le plus contraignant. k rapport débit d’eau de mer admis/débit d’eau douce
Le facteur clé du dessalement est évidemment la salinité finale produite,
recherchée. Toutefois, des critères plus pointus sont parfois requis D (kg) débit d’eau douce,
tels que les teneurs en B, Br, métaux lourds (cf. corrosion des
unités § 2.6.1) nécessitant des aménagements, voire un post- cp capacité thermique massique supposée égale à
traitement. 4,18 kJ/(kg · K), quelle que soit la salinité de l’eau,
∆t (oC) écart entre la température d’ébullition et la
température de l’eau mer à l’entrée de l’enceinte,
1.2.2 Contraintes du réseau de distribution
de l’eau r (kJ/kg) enthalpie (ou chaleur latente) de vaporisation.
La consommation spécifique du procédé s’exprime par le ratio :
Les critères de potabilité ne suffisent pas complètement à la
détermination de la qualité de l’eau potable. Il faut aussi vérifier Y = Q /D (2)
qu’elle ne soit ni agressive, ni corrosive vis-à-vis des matériaux
rencontrés sur le réseau de distribution aux usagers. Or, quel que Il mesure la quantité de chaleur nécessaire à la production de
soit le procédé de dessalement retenu, l’eau produite est prati- 1 kg d’eau douce.
quement dépourvue de bicarbonate de calcium et montre donc un Les Anglo-Saxons parlent du gain operation ratio qui est le
caractère agressif marqué. Cette agressivité doit être neutralisée rapport :
par un posttraitement à déterminer en fonction de la nature des
matériaux du réseau. Il peut prendre des formes plus ou moins GOR = r /Y (3)
complexes depuis une simple correction de pH jusqu’à une remi- Il mesure la masse d’eau douce produite par kg de vapeur (en
néralisation partielle par introduction simultanée de chaux et de supposant que le fluide caloporteur soit de la vapeur d’eau dont
dioxyde de carbone, ou de dioxyde de carbone suivie d’une filtra- l’enthalpie par kg varie peu avec la température).
tion sur calcaire.
Exemple
En admettant les valeurs usuelles suivantes :
2. Distillation
r = 2 345 kJ/kg à 63 o C ; k = 3, 5 ; ∆t = 7 o C
on obtient en introduisant ces valeurs dans les relations (1), (2) et (3) :
2.1 Distillation à simple effet
Y = Q /D = (3,5 × 4,18 × 7) + 2 345 = 2 447 kJ/kg
Ce procédé est mis en œuvre depuis longtemps sur les navires
GOR = r /Y ≈ 1
où les moteurs Diesel émettent une quantité significative de cha-
leur récupérable. Son principe est simple : il reproduit le cycle On constate qu’il faut approximativement 1 kg de vapeur pour pro-
naturel de l’eau. Dans une enceinte fermée, un serpentin de duire 1 kg d’eau. La quantité d’énergie thermique devient très vite
réchauffage porte à ébullition l’eau de mer (figure 1). La vapeur gigantesque dès qu’il s’agit de répondre aux besoins de la population
produite se condense au contact d’un deuxième serpentin ali- d’une ville. D’autres procédés plus économiques ont donc été mis au
menté par l’eau de mer froide. Un éjecteur (ou une pompe) évacue point. En particulier, les distillations à multiple effet et à détentes suc-
les gaz incondensables. Un groupe électropompe soutire le distillat cessives.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. W 5 700 – 3

TY
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
wUWPP

DESSALEMENT DE L’EAU DE MER ______________________________________________________________________________________________________

Sortie eau de mer

Extraction
des incondensables

Entrée eau
de mer
Entrée fluide
caloporteur

R Saumure

Sortie fluide
caloporteur Distillat

Figure 2 – Distillation à multiple effet : ici trois effets (source : Sidem)

2.2 Distillation à effet multiple se trouve au Moyen-Orient où la température de l’eau de mer


atteint 30 à 35 oC, l’échelle de fonctionnement de l’unité de distil-
lation sera donc de 30 oC dans cette région.
2.2.1 Principe Si n est le nombre d’effets, on disposera d’un ∆t1 = 30/n oC par
Une installation de distillation à effet multiple est constituée par effet. Mais si on double le nombre d’effets :
la juxtaposition de n cellules fonctionnant selon le principe de
l’effet simple (figure 2). Le fluide de réchauffage porte à l’ébullition ∆t 2 = ∆t1 / 2
l’eau de mer admise dans la première cellule, qui est aussi la
cellule où règne la température la plus haute et donc la pression Or, les échanges thermiques suivent une loi de la forme :
est la plus élevée. La vapeur émise par l’ébullition de l’eau de mer
est transférée dans la cellule voisine où le condenseur maintient Q = K S ∆t
une pression légèrement inférieure. La température d’ébullition
avec K coefficient de transfert,
diminuant avec la pression, on vaporise une fraction de l’eau de
mer présente dans la deuxième cellule. C’est le deuxième effet. On S surface de transfert,
peut évidemment répéter l’opération plusieurs fois, la limite basse ∆t écart de température entre la paroi froide et la paroi
étant donnée par la température de l’eau de mer froide (figure 2). chaude.
Pour évaluer la consommation thermique de ce procédé, on sup- Pour les maintenir au même niveau, on voit que la surface des
posera que n étant le nombre d’effets et D la production d’eau échangeurs correspondant à ∆t2 sera le double de celle correspon-
douce des n cellules, la production de chaque cellule est égale à dant à ∆t1 (sans tenir compte de K qui varie aussi en fonction de
D/n. Par ailleurs, on négligera les pertes thermiques. Dans ces ∆t ). Il en est de même pour les parois des chambres. Le coût
conditions et en reprenant les symboles de la distillation à simple d’investissement augmentera donc plus vite que n.
effet, la consommation d’énergie de la distillation à effet multiple
est réduite à : 2.2.2.2 Réduction de la consommation d’énergie
Q = k Dcp ∆t + Dr /n en fonction du nombre d’effets
(4)
Y = Q /D = k cp ∆t + r /n
Exemple
Cette équation montre que la consommation d’énergie est Considérons deux cas : n = 5 et n = 10 et une échelle de tempéra-
approximativement celle de la distillation simple, divisée par le ture de 35 oC.
nombre d’effets. En d’autres termes, le GOR – rapport de la masse Pour n = 5 (avec un ∆T de 7 oC) :
d’eau douce sur celle de la vapeur – est presque égal au nombre
d’effets. r /n = 469 kJ et Y = 571 kJ
Pour n = 10 (avec un ∆T de 3,5 oC) :
2.2.2 Choix du nombre d’effets
À la vue de l’équation (4), le futur exploitant choisira le nombre r /n = 234 kJ et Y = 285 kJ
d’effets le plus grand possible. Cependant, l’investissement crois- Ce qui correspond à des GOR d’environ 4 et 8,2 respectivement.
sant démontre que l’optimum est rapidement atteint pour des n de
3 à 10.
L’économie d’énergie est considérable, aussi les grandes unités
comportent-elles des systèmes à 8-15 effets très efficaces mais
2.2.2.1 Augmentation du coût d’investissement d’un coût assez élevé. On notera aussi de suite que c’est le pro-
selon le nombre des effets
cédé qui, dans sa variante avec « thermocompression de vapeur »
Pour limiter au mieux l’entartrage en n’utilisant qu’un traitement (cf. § 2.3.2), connaît le développement le plus rapide car plus effi-
antitartre simple (cf. § 2.6.3.3), les constructeurs fixent la tempéra- cace, tout en restant moins cher que la distillation multiflash (cf.
ture maximale de ce procédé entre 60 et 65 oC. Par ailleurs, si l’on § 2.4) qui avait été le standard des années 1970 aux années 2000.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


W 5 700 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

UP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXPP

SO2 (oxydes de soufre)


par Jacques VANDERSCHUREN
Professeur émérite
Service de génie des procédés chimiques
Faculté Polytechnique, université de Mons, académie universitaire Wallonie-Bruxelles,
Belgique

et Diane THOMAS
Chargée de cours
Service de génie des procédés chimiques
Faculté Polytechnique, université de Mons, académie universitaire Wallonie-Bruxelles,
Belgique

1. Sources et impacts environnementaux ...................................... G 1 800 – 2
1.1 Principaux secteurs émetteurs d’oxydes de soufre .......................... — 2
1.2 Répartition des oxydes de soufre ...................................................... — 2
1.3 Effets du dioxyde de soufre ............................................................... — 2
2. Réglementation ............................................................................... — 2
2.1 Expressions des valeurs limites d’émission ..................................... — 2
2.2 Directives européennes ...................................................................... — 3
3. Méthodes de mesure ..................................................................... — 5
3.1 Techniques automatiques .................................................................. — 5
3.2 Techniques manuelles ........................................................................ — 5
4. Procédés de traitement ................................................................. — 5
4.1 Classification des procédés de réduction des émissions de SO2 ..... — 5
4.2 Procédés secs ..................................................................................... — 6
4.3 Procédés semi-secs ............................................................................ — 7
4.4 Procédés semi-humides ..................................................................... — 8
4.5 Procédés humides .............................................................................. — 8
4.6 Procédés conduisant à la conversion du SO2 en H2SO4 .................... — 12
4.7 Formation et abattement des composés du SO3 .............................. — 13
5. Effets des paramètres opératoires. Application du génie
des procédés aux opérations de désulfuration ......................... — 13
5.1 Concepts généraux. Effets du rapport des débits et de l’aire
interfaciale .......................................................................................... — 14
5.2 Cas des procédés secs et semi-secs .................................................. — 15
5.3 Cas des procédés semi-humides ....................................................... — 16
5.4 Cas des procédés humides ................................................................ — 16
6. Conclusions...................................................................................... — 23
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 1 800

es oxydes de soufre, provenant de sources industrielles, sont émis à l’atmo-


L sphère par les installations de combustion alimentées en combustibles
contenant du soufre et par bien d’autres activités du secteur manufacturier.
Leurs effets nocifs sur l’homme et l’environnement sont bien connus : troubles
respiratoires, acidification des eaux de surface et des sols, atteinte au patri-
moine architectural.
En premier lieu, cet article fait le point, depuis la dernière publication sur le sujet
dans ce traité [J 3924] et le dossier de l’ADEME [1], sur les émissions de SOx et la
réglementation en la matière, en se limitant ici aux directives européennes. Il décrit
aussi succinctement les nombreux procédés d’abattement existants, en renvoyant
le lecteur, pour plus d’informations, à ces deux contributions précédentes.
Le deuxième objectif du présent article, est d’analyser et d’expliquer de façon
détaillée, à la lumière des études publiées dans la littérature et des principes de
la physico-chimie et du génie des procédés, l’effet des paramètres opératoires
sur les techniques de désulfuration, en traitant surtout le cas des procédés
humides et, en particulier, celui du procédé chaux-calcaire-gypse le plus utilisé
dans le monde.
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQP

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 800 – 1

UQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXPP

SO2 (OXYDES DE SOUFRE) –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Sources et impacts 1.3 Effets du dioxyde de soufre


environnementaux Les oxydes de soufre sont considérés, du point de vue de la pro-
tection de l’environnement, comme des polluants majeurs. Ils sont,
en particulier, rendus responsables de l’acidification des lacs, affec-
tant la faune aquatique, et de la lixiviation des sols provoquant des
1.1 Principaux secteurs émetteurs dégâts sur la végétation et participant au dépérissement des forêts.
d’oxydes de soufre Ils contribuent en outre à la dégradation du patrimoine architectural.
Au point de vue de la santé, des concentrations élevées en dio-
Les principaux secteurs émetteurs de SOx [1], parmi les sources xyde de soufre dans l’air ambiant génèrent des troubles respiratoi-
industrielles fixes, sont : res et augmentent les risques de bronchite chronique.
– les grandes installations de combustion : il s’agit des chaudiè- Cette situation a conduit l’Union européenne et la Commission
res de centrales électriques, turbines à gaz, installations de cogéné- des Nations unies pour l’Europe, à lancer une vaste campagne de


ration… de puissance supérieure à 50 MWth. réglementations en vue de la réduction des émissions des oxydes
Le SO2 est produit par oxydation à haute température, lors de la de soufre.
combustion de combustibles fossiles solides (charbons, lignites…),
liquides issus du pétrole (fiouls lourds et légers) et gazeux (gaz
naturel, gaz de procédés industriels…), des composés du soufre
contenus dans ces combustibles. Les teneurs en soufre sont varia-
bles selon le type et l’origine des combustibles et peuvent atteindre
2. Réglementation
4 % pour les charbons.
La réaction produit majoritairement du SO2 suivant :
Étant donné la nocivité que présentent, pour l’homme et l’envi-
S + O2 → SO2 ronnement, tous les polluants gazeux, et en particulier le SO2, les
autorités publiques ont fixé des quantités maximales et des valeurs
En présence d’oxygène et d’impuretés métalliques (comme le limites maximales de concentration de ces substances dans les gaz
vanadium) exerçant une action catalytique, quelques pour-cent au rejetés, de façon à préserver la qualité de l’air ambiant. Ces normes
maximum de ce SO2 se transforment ultérieurement en SO3, sui- d’émission évoluent au cours du temps et deviennent de plus en
vant la réaction : plus sévères au fur et à mesure de l’avancement des connaissances
sur les effets des polluants et des progrès réalisés dans les techni-
1 ques de traitement des effluents. C’est ainsi que l’Union euro-
SO2 + O → SO3
2 2 péenne élabore des directives de plus en plus contraignantes,
basées notamment sur le concept de « meilleure technique dispo-
– les raffineries : les rejets de SO2 proviennent, dans des propor- nible ». Les directives édictent en plus les méthodes et modalités
tions variables, essentiellement des installations de combustion de mesure permettant d’effectuer le contrôle des émissions. Les
(chaudières, fours, torchères), des régénérateurs des unités de cra- États membres doivent transposer ces directives, qui constituent
quage catalytique et des effluents des unités de traitement des gaz des règles minimales, dans leur propre réglementation nationale.
sulfureux. Comme les nouvelles technologies d’abattement ne sont pas tou-
jours applicables aux installations existantes, les normes d’émis-
D’autres activités génératrices de SO2 sont, dans une moindre
sion sont souvent moins strictes pour ces installations que pour
mesure :
les nouvelles, et tiennent compte de la date d’octroi de la licence
– la chimie, avec pour exemples les unités de régénération de construction ou d’autorisation d’exploitation. Elles sont, d’autre
d’acide sulfurique, de fabrication de dioxyde de titane ; part, fonction du type d’unités industrielles émettrices et de leur
– la sidérurgie, la métallurgie : le dioxyde de soufre est produit capacité de production ou de traitement, et, pour les installations
notamment lors de l’agglomération du minerai de fer ou du gril- de combustion, de leur puissance thermique ainsi que de la nature
lage des minerais sulfurés comme la blende (ZnS), la galène du combustible (solide, liquide ou gazeux) ou du type de déchet
(PbS), les minerais de cuivre et de nickel… Le SO2 provenant des (municipal, hospitalier, industriel spécial, toxique ou dangereux,
fours de grillage est en général oxydé en SO3 par voie catalytique boues de station d’épuration…) à incinérer.
et récupéré par absorption pour produire de l’acide sulfurique ;
– ou encore les incinérateurs de déchets, les industries minérales
(cimenteries, verreries, fabriques de réfractaires…), les papeteries, 2.1 Expressions des valeurs limites
les sucreries, etc. d’émission
Les unités utilisées pour exprimer les concentrations limites des
1.2 Répartition des oxydes de soufre polluants dans les rejets gazeux sont le plus souvent des mg/Nm3
(un Nm3 est un m3 mesuré dans les conditions normales, c’est-à-
En France métropolitaine [2], l’année 2006 représente, avec 452 kt
dire à une température de 0  C, soit 273,15 K, et une pression abso-
de SO2, le minimum jamais atteint depuis plus de 40 ans. Depuis les
lue de 1 atm, soit 101,3 kPa) et parfois des ppmv (cas du SO3) qui
années 1980, le niveau d’émission de SO2 est en baisse constante,
sont des parties par million en volume, ce qui équivaut, si on
3 214 kt en 1980 contre 1 326 kt en 1990, soit une baisse d’environ
admet la loi des gaz parfaits, à des ppm en mole. On peut passer
60 % entre 1980 et 1990 et de 86 % entre 1980 et 2006. Cette forte
facilement d’une unité à l’autre par la relation :
réduction des émissions, observable depuis les années 1980,
s’explique par l’action conjointe de la baisse des consommations
d’énergie fossile suite à la mise en œuvre du programme électronu- ( )
C mg/ Nm3 = y (ppmv ) ⋅ M / 22,4
cléaire, des mesures visant à économiser l’énergie et des disposi-
tions réglementaires environnementales. Les progrès les plus dans laquelle M est la masse moléculaire du composé gazeux (en
récents résultent des actions développées par les exploitants indus- g/mol) et 22,4 le volume molaire normal (en L/mol), cette relation
triels favorisant l’usage de combustibles moins soufrés et l’améliora- devenant pour le SO2 :
tion du rendement énergétique des installations.
La figure 1 reprend, par année, les répartitions sectorielles des ( )
C mg/ Nm3 = y (ppmv ) × 2,86
émissions de dioxyde de soufre en France métropolitaine [2].

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


G 1 800 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

UR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXPP

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– SO2 (OXYDES DE SOUFRE)

4 000
(kt)
3 750

3 500

3 250

3 000

2 750

2 500


2 250

2 000

1 750

1 500

1 250

1 000

750

500

250

0
1960

1965

1970

1973

1975

1980

1985

1990

1995

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007 (e)
Transformation d'énergie Industrie manufacturière Résidentiel/tertiaire
Agriculture/sylviculture Transport routier Autres transports
UTCF *

* UTCF : utilisation des terres leur changement et la forêt (e) estimation préliminaire
Citepa / coralie / format SECTEN
Mise à jour février 2008

Figure 1 – Évolutions temporelles et sectorielles des émissions de dioxyde de soufre en France métropolitaine (sources CITEPA [2])

Pour les fumées de combustion, les valeurs limites sont rappor-


tées à des volumes considérés à l’état sec (sans vapeur d’eau) et (
C mg / Nm3 sec à Or % O2 )
avec une concentration en oxygène de référence Or (% O2 en 273 + t 101,3 21 − Or
volume), fonction de la nature du combustible et du type d’équipe- (
= C mg / m3 réel hum.
273

P
⋅ )
100

100 − % vol H2O 21 − Om
ment de combustion :
 3 % O2 pour les chaudières alimentées en combustibles liqui-
des ou gazeux ;
2.2 Directives européennes
 6 % O2 pour les chaudières alimentées en combustibles
solides ; Le lecteur se reportera aux textes réglementaires.
 11 % O2 pour les incinérateurs de déchets urbains ou indus-
triels (ou 9 % CO2) ; Nous nous référons uniquement ici à quelques directives récen-
 15 % O2 pour les turbines à gaz. tes les plus importantes de l’U.E., sans aborder les réglementations
Cette façon de procéder a pour but d’empêcher toute diminution nationales. La réglementation européenne antipollution complète
des concentrations des émissions gazeuses par des dilutions au peut être consultée dans le Journal officiel des Communautés
moyen d’air atmosphérique. européennes et sur le site Internet : http://eur-lex.europa.eu, la
réglementation française dans le Journal officiel de la République
Les mesures réelles faites à une température t ( C) et une pres- française (arrêtés ministériels) et sur les sites des ministères et
sion absolue P (kPa) sur les gaz effluents des installations, expri- organismes nationaux compétents : l’ADEME, la DRIRE, le CITEPA…
mées en mg/m3 réel humide et contenant une valeur Om (% O2)
sur base sèche, doivent donc être corrigées avant d’être comparées En fonction des secteurs industriels concernés, les directives
aux limites d’émission imposées. Les diverses corrections de comportent des valeurs limites pour de nombreux polluants (SO2,
volume, d’humidité et de teneur en O2 sont rassemblées dans la NOx, poussières, HCl, HF, NH3, COV, métaux lourds, dioxines…),
formule suivante : mais nous ne considérons que celles relatives aux rejets de SO2.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 800 – 3

US
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXPP

SO2 (OXYDES DE SOUFRE) –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

& La qualité de l’air ambiant est définie par la directive 1999/30/CE L’Union européenne a traduit les objectifs de réduction du proto-
du 22 avril 1999 fixant les valeurs limites d’immission (concentra- cole de Göteborg en les renforçant au travers de la directive
tion dans l’air ambiant) du SO2, qui doivent être respectées depuis « NEC » (National Emission Ceilings) 2001/81/CE fixant les plafonds
le 1er janvier 2005 : d’émission nationaux pour certains polluants atmosphériques
 350 mg/m3 : valeur horaire à ne pas dépasser plus de 24 fois (SO2, NOx, COV, NH3), la réduction imposée des émissions de SO2
par année ; pour un large collectif d’États européens étant de 74 % en 2010
par rapport à 1990.
 125 mg/m3 : valeur journalière à ne pas dépasser plus de 3 fois
par année. & La directive « LCP » (Large Combustion Plants), ou « GIC » (gran-
des installations de combustion) 2001/80/CE, d’application au plus
& La directive 1999/32/CE, qui concerne une action à la source, vise tard le 1er janvier 2008, refond les normes d’émission des grandes
à réduire la teneur en soufre des combustibles liquides. Elle fixe de installations de combustion édictées dans les directives précéden-
nouvelles valeurs maximales pour le gasoil en deux étapes, pre- tes. Cette directive considère trois catégories d’installations :
nant cours le 1er juillet 2000 (0,2 %) et le 1er janvier 2008 (0,1 %),


ainsi que pour les fiouls lourds à partir du 1er janvier 2003 (1 %). – les installations existantes, dont la licence de construction a été
accordée avant le 1er juillet 1987 ;
& Dans le cadre de la convention des Nations unies pour l’Europe – les nouvelles installations, dont la licence a été accordée après
sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance le 1er juillet 1987 ; mais avant le 27 novembre 2002 et opérationnel-
(Genève, 1979), différents protocoles ont été adoptés : Helsinki les avant cette date ;
(1985), Oslo (1994), Göteborg (1999) fixant chaque fois des réduc- – et les nouvelles installations, dont la licence a été octroyée
tions des émissions globales de soufre, par chaque État membre après le 27 novembre 2002.
de l’Union. Le protocole de Göteborg impose des plafonds natio- Le tableau 1 résume, pour le SO2, les nouvelles valeurs limites.
naux d’émission pour 2010 par rapport à 1990. Pour la France, les
émissions totales, égales respectivement à 3 208 et 1 269 kt/an en & La directive 2000/76/CE relative aux émissions des incinérateurs
1980 et 1990, doivent être ramenées à 400 kt/an pour 2010, soit une de déchets, qui abroge trois anciennes directives et s’applique dès
réduction de 68 % par rapport à 1990. le 28 décembre 2002 (28 décembre 2005 pour les installations

Tableau 1 – Valeurs limites d’émission de SO2 pour les grandes installations de combustion
Installations existantes : licence octroyée avant le 1er juillet 1987
Avant le 1er juillet 1990, les États membres doivent élaborer des programmes appropriés pour la réduction progressive des émissions
annuelles totales avec pour objectif d’atteindre les plafonds et les pourcentages de réduction donnés

Nouvelles installations
Valeurs limites en mg/Nm3 de gaz sec à 6 % O2 pour combustibles solides et 3 % O2 pour combustibles liquides et gazeux

Licence octroyée avant le 27 novembre 2002 Licence octroyée après le 27 novembre 2002

Puissance thermique Puissance thermique


Limite d’émission Limite d’émission
(MW) (MW)

Combustibles solides

50 à 100 2 000 50 à 100 850

100 à 500 Réduction linéaire 100 à 300 200 (*)

> 500 400 > 300 200 (**)

Combustibles liquides

50 à 300 1 700 50 à 100 850

300 à 500 Réduction linéaire 100 à 300 Réduction linéaire

> 500 400 > 300 200

Combustibles gazeux

Gaz en général 35 Gaz en général 35

Gaz liquéfié 5 Gaz liquéfié 5

Gaz à bas PCI :


Gaz à bas PCI (gazéification de déchets,
800 – cokerie 400
cokerie, haut-fourneau)
– haut-fourneau 200

* Si la limite ne peut être atteinte à cause des caractéristiques du fioul, % déSOx > 92 ou 300 mg/Nm3

** Si la limite ne peut être atteinte à cause des caractéristiques du fioul, % déSOx > 95 et 400 mg/Nm3

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


G 1 800 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

UT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXPP

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– SO2 (OXYDES DE SOUFRE)

existantes), fixe la limite pour le SO2 à 50 mg/Nm3 à 11 % O2. Elle qui est ensuite quantifié par dosage acidimétrique, au moyen d’une
réglemente également les émissions des installations de co-inciné- solution basique, de tétraborate de sodium par exemple, ou par
ration des déchets : fours à ciment (300 mg/Nm3) et autres installa- chromatographie ionique.
tions de combustion.
Cette méthode demande moins d’investissement mais l’analyse
& Enfin, la directive 96/61/CE relative à la prévention et à la réduc- en dynamique de la solution n’est pas possible, et les résultats
tion intégrées de la pollution, dite « directive IPPC » (integrated pol- des mesures sont différés de façon plus ou moins importante.
lution prevention and control), entrée en vigueur le 1er novembre
1996, complète la directive 84/360/CEE qui a été abrogée le
1er novembre 2007. C’est une directive générale, applicable à toutes
installations industrielles, stipulant, entre autres, que les valeurs
limites des émissions atmosphériques sont imposées par le biais
4. Procédés de traitement
des autorisations d’exploitation délivrées par les autorités compé-
tentes. Elle vise non seulement les émissions atmosphériques,


mais aussi les rejets dans les eaux et les sols. Elle définit en outre
les catégories d’activités industrielles concernées et fournit une Le lecteur pourra se reporter aux références [J 3924] [1] [3] à [10]
liste des principales substances polluantes à prendre en considéra- et aux sites Internet des fournisseurs d’équipements (cf. Pour en
tion pour l’air, l’eau et les sols. Cette directive et ses modifications à savoir plus, rubrique « Annuaire »).
venir constituent la base future de toute la réglementation anti-
pollution.
4.1 Classification des procédés
de réduction des émissions de SO2
3. Méthodes de mesure La réduction des émissions de SO2 des installations de combus-
tion peut résulter de mesures prises à différents stades de la mise
en œuvre ou de l’utilisation du combustible : avant, pendant et
après la combustion.
Le lecteur pourra se reporter à la référence [3] du « Pour en
savoir plus ».
4.1.1 Désulfuration du combustible et pendant
la combustion
3.1 Techniques automatiques La désulfuration du combustible lui-même est économiquement
L’application de ces méthodes automatiques nécessite de pren- non praticable, voire impossible, pour les combustibles solides.
dre des précautions concernant la ligne d’échantillonnage et le fil- Seule, la séparation des sulfures minéraux, tels que la pyrite FeS2,
tre de rétention des particules, lesquels doivent être chimiquement contenus dans les charbons a été envisagée. Mais cette mesure est
inertes vis-à-vis des constituants de l’air (l’utilisation de matériaux très souvent appliquée pour les combustibles liquides et gazeux :
en Téflon est en général recommandée). Par ailleurs, des pièges hydrodésulfuration des coupes pétrolières, désulfuration du gaz
sélectifs sont requis afin d’éliminer les interférents tels que les naturel, du biogaz ou du gaz de four à coke par absorption du H2S
hydrocarbures ou différents composés soufrés. (et du COS) dans des solutions alcalines à base d’éthanol-amines,
des solutions ammoniacales ou de carbonate de sodium ou potas-
La méthode par fluorescence UV (norme NF X 43-019) est, depuis sium, par fixation sur des masses d’oxyde de fer ou encore par
la fin des années 1980, la méthode de référence pour la détermina- adsorption sur charbon actif.
tion de la teneur en SO2 de l’air ambiant et est largement répandue
dans les réseaux de mesure de la pollution de l’air. La désulfuration pendant la combustion est réalisée en mélan-
geant préalablement le combustible solide (lignite) avec des réac-
Dans la chambre de détection d’un appareil à fluorescence UV,
tifs tels que la chaux vive CaO, le calcaire, la dolomie ou l’hydro-
les molécules de SO2 sont excitées par la lumière d’une lampe UV,
xyde de calcium Ca(OH)2 ou en les injectant au-dessus du foyer
filtrée dans la gamme des longueurs d’onde qui engendrent la fluo-
(voir plus loin sur la figure 2) où la température est voisine de
rescence SO2 (210-230 nm). Lorsque les électrons retombent à leur
1 000  C. Ces composés réagissent avec le soufre et le combinent
niveau de base, un rayonnement UV de faible intensité et de lon-
gueur d’onde différente (240-420 nm) est émis. Ce rayonnement sous forme de sulfates solides qui sortent avec les cendres. Une
UV est détecté par un tube photomultiplicateur. L’intensité du partie seulement du réactif solide intervient, car les produits de la
rayonnement de fluorescence est proportionnelle à la concentra- réaction s’accumulent à la surface des particules et bloquent l’accès
tion en SO2. des gaz. La fraction de SO2 éliminée sera dès lors fonction du rap-
port molaire Ca/S utilisé, comme d’ailleurs dans la plupart des
procédés.
3.2 Techniques manuelles Dans cette catégorie de procédés, on peut également inclure la
combustion en lit fluidisé, dense ou circulant [J 3924], dans
Les systèmes de mesure en temps réel et les technologies les
laquelle l’addition de sorbant, généralement du CaCO3 ou de la
plus récentes restant coûteux, on fait souvent appel à des techni-
dolomie, est effectuée dans le lit dont la température se situe aux
ques pour lesquelles la prise d’échantillons sur site est automatisée
et l’analyse est effectuée ensuite in situ, ou en laboratoire, après environs de 850  C. Pour un rapport molaire Ca/S égal à 3, le taux
récolte des échantillons. de désulfuration atteint des valeurs comprises entre 60 et 90 % lors
de l’utilisation de calcaires naturels. Les réactions impliquées sont
Le système de prélèvement se compose successivement d’un fil- les suivantes :
tre en Téflon, qui a pour but de retenir les particules de sulfates jus-
qu’à 0,01 mm, d’un flacon barboteur contenant une solution absor- décarbonatation du calcaire : CaCO3 → CaO + CO2 ↑
bante à base de peroxyde d’hydrogène H2O2, d’une pompe à 1
membrane et d’un régulateur de débit. Le SO2 absorbé est oxydé sulfatation : CaO + SO2 + CO2 → CaSO4
2
en SO42− selon :
Notons, de plus, que la basse température de combustion réduit
SO2 + H2O2 → 2 H+ + SO42− les émissions de NOx, vu la diminution de l’intervention du méca-
nisme de NO thermique [G 1850].

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 800 – 5

UU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXPP

SO2 (OXYDES DE SOUFRE) –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

4.1.2 Désulfuration des fumées de combustion & Les procédés semi-secs sont des procédés secs dans lesquels
soit la chaux est préalablement humidifiée, soit les fumées sont
Les procédés de désulfuration des fumées de combustion, inter- préalablement refroidies et humidifiées par pulvérisation d’eau, de
venant après la combustion, constituent la grande majorité des façon à favoriser les réactions avec la chaux. La quantité d’eau
systèmes mis en œuvre pour réduire le SO2. introduite doit être bien contrôlée pour assurer l’obtention de pro-
Il existe deux façons principales de classer ces procédés de trai- duits réactionnels parfaitement secs en sortie d’installation.
tement [4] [5] . L’une d’elles distingue les systèmes régénératifs et & Dans les procédés semi-humides (en anglais spray dry ou par-
non régénératifs selon que le réactif sorbant est régénéré ou non fois semi-dry, ce qui peut entraı̂ner une confusion), les réactifs,
après avoir fixé le SO2. constitués très souvent de lait de chaux, sont dispersés sous
La classification la plus couramment utilisée porte sur le mode forme de gouttelettes dans les fumées chaudes. L’eau est évaporée
opératoire et la forme physique sous laquelle se retrouvent les rési- en même temps que se fait la captation des polluants acides. Les
dus de l’opération : procédés secs, semi-secs, semi-humides et produits se retrouvant à l’état sec à la sortie de l’appareil sont sépa-
humides. rés des gaz de la même manière que dans les procédés secs.

R 4.1.2.1 Systèmes régénératifs et non régénératifs


pour la désulfuration
& Dans les procédés humides, par contre, les gaz sont lavés avec
une solution contenant un réactif dissous (hydroxyde ou carbonate
de sodium par exemple) ou avec une suspension contenant des
& Dans les systèmes non régénératifs, le SO2 est lié de façon per- fines particules d’un réactif solide (chaux, calcaire, dolomie, oxyde
manente avec le réactif sous forme d’un composé chimique qui ou hydroxyde de magnésium). Les produits réactionnels s’accumu-
doit être mis en décharge ou commercialisé comme sous-produit. lent à l’état de sels dissous ou de précipité solide dans le liquide de
L’un des sous-produits de désulfuration le plus important en quan- lavage et sortent avec le liquide. Ils doivent alors être éliminés à
tités, le gypse CaSO4, 2 H2O, utilisable comme retardateur de prise l’état liquide ou séparés par décantation et/ou filtration s’il s’agit
d’une suspension.
du ciment ou pour fabriquer des panneaux de construction, peut
être obtenu à partir des procédés utilisant de la chaux ou du Le tableau 2 présente une comparaison des techniques de désul-
calcaire. furation, au point de vue de quelques-uns de leurs avantages et
inconvénients. Ces différents types de procédés sont détaillés ci-
& Dans les systèmes régénératifs, le SO2 lié au sorbant est séparé après [J 3924] [1] [3] à [10].
de celui-ci. Le réactif régénéré est recyclé dans l’appareil de traite-
ment qui réalise la désulfuration, et le SO2 récupéré est vendu
comme sous-produit ou traité pour produire un autre composé 4.2 Procédés secs
commercialisable comme l’acide sulfurique plus ou moins dilué,
Il existe deux grandes catégories de procédés secs.
le SO2 liquide ou du soufre élémentaire. Malgré leur avantage de
ne générer aucun sous-produit sous forme de déchet, ces procédés
régénératifs sont beaucoup moins utilisés que les premiers, car ils 4.2.1 Procédés secs à base de réactifs calciques
sont techniquement plus complexes et donc plus coûteux en inves- L’injection de chaux pulvérulente se fait généralement de façon
tissements. En outre, l’économie de ces systèmes est fortement tri- pneumatique dans les carneaux de fumées à la sortie du foyer ou
butaire du marché et du prix du sous-produit. dans une chambre de réaction et les particules solides sont récupé-
rées au moyen de filtres à manches ou de filtres électrostatiques
4.1.2.2 Procédés de désulfuration secs, semi-secs, semi- (figure 2). Un bon contact gaz-solide nécessite une grande surface
humides ou humides d’échange obtenue en utilisant de fines particules solides qui doi-
Dans la plupart des procédés, la désulfuration s’opère par neutra- vent être bien dispersées de façon la plus homogène possible
lisation du SO2 par un réactif basique, le plus souvent de nature dans toute la phase gazeuse. Dans la chambre de réaction, la tem-
calcique ou sodique. pérature est de l’ordre de 180 à 280  C. La réaction s’effectue pen-
dant le transport pneumatique des particules de sorbant, les pro-
& Les procédés secs réalisent l’injection d’absorbants solides à duits de la réaction s’accumulant sur les surfaces externe et
l’état sec (comme le bicarbonate de sodium NaHCO3, la chaux interne de ce matériau. Les gaz polluants à retenir doivent diffuser
hydratée Ca(OH)2, des chaux activées) dans les fumées à la sortie au travers de la couche de produits qui peut devenir imperméable
de la chaudière et séparent ensuite les produits réactionnels et limiter l’avancement de la réaction.
(CaSO3, CaSO4, CaCl2, Na2SO4, NaCl…) à l’état sec au moyen d’un Le succès de cette technique repose d’une part sur la finesse de
filtre à manches ou d’un électrofiltre. broyage du sorbant, mais aussi et surtout sur un dosage des

Tableau 2 – Comparaison des avantages et inconvénients des procédés de désulfuration


Procédés Avantages Inconvénients

Rejet gazeux extrêmement stable à la sortie si recyclage


Secs des réactifs et stoechiométrie bien supérieure à l’unité Mélange des produits avec les cendres devant être mis en
et semi-secs Pas de rejet liquide décharge
Produits secs facilement manipulables

Pas de rejet liquide


Semi-humides Contrôle difficile de la parfaite siccité des produits
Produits secs facilement manipulables

Efficacités plus élevées que les autres techniques Effluents liquides à traiter (évaporation pour concentration,
Meilleur degré d’utilisation des réactifs précipitations, filtrations…)
Humides Captation des métaux lourds favorisée (métaux pouvant Coûts d’investissement plus élevés
ensuite être séparés et récupérés) Fumées devant être préalablement dépoussiérées et refroidies
par quench

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


G 1 800 – 6 est strictement interdite. – © Editions T.I.

UV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXPU

NOx (oxydes d’azote)


par Diane THOMAS
Chargée de cours
Service de génie des procédés chimiques
Faculté polytechnique de Mons, académie universitaire Wallonie-Bruxelles, Belgique


1. Caractéristiques des molécules d’oxydes d’azote ................... G 1 805 – 2
2. Impacts environnementaux et sources....................................... — 4
2.1 Impacts environnementaux................................................................ — 4
2.2 Sources d’émission ............................................................................ — 4
2.2.1 Unités de combustion et formation des différents types
de NOx ..................................................................................... — 5
2.2.2 Unités de fabrication d’acide nitrique..................................... — 5
2.2.3 Réacteurs d’attaque nitrique ................................................... — 6
3. Réglementation ............................................................................... — 6
3.1 Généralités.......................................................................................... — 6
3.2 Réglementation générale applicable à toutes les installations
industrielles ........................................................................................ — 7
3.3 Valeurs limites pour les incinérateurs et les grandes installations
de combustion .................................................................................... — 7
4. Méthodes de mesure ...................................................................... — 7
5. Procédés de traitement ................................................................. — 8
5.1 Unités de combustion ........................................................................ — 8
5.1.1 Techniques primaires............................................................... — 9
5.1.2 Techniques secondaires........................................................... — 9
5.2 Unités de fabrication d’acide nitrique ............................................... — 13
5.3 Réacteurs d’attaque nitrique .............................................................. — 13
6. Absorption des NOx en solutions aqueuses ............................... — 13
6.1 Mécanismes réactionnels................................................................... — 13
6.2 Modélisation de l’absorption des NOx .............................................. — 15
7. Conclusions et perspectives......................................................... — 16
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 1 805

es NOx sont intimement impliqués dans tous les phénomènes les plus
L préoccupants de notre temps : retombées acides, effet de serre, smog pho-
tochimique, destruction de l’ozone stratosphérique, etc. Leurs émissions doi-
vent donc être limitées à tout prix.
Ce dossier tente de présenter succinctement la problématique générale des
émissions de NOx. Certaines propriétés physico-chimiques importantes des dif-
férentes espèces de NOx sont présentées et les diverses sources de NOx sont
évoquées. L’accent est mis essentiellement sur la présentation des techniques,
primaires et secondaires, appliquées en industrie pour la réduction des émis-
sions d’oxydes d’azote, en fonction de la source génératrice de l’émission
polluante.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPPY

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 805 – 1

UW
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXPU

NOX (OXYDES D’AZOTE) –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Caractéristiques faut être conscient de la présence des autres espèces entre lesquel-
les existent diverses relations, rendant la chimie des NOx relative-
des molécules d’oxydes ment complexe. Entre les composés NO2, N2O4 et N2O3, s’établis-
sent ainsi divers équilibres. En présence d’oxygène (ce qui est
d’azote souvent le cas dans un effluent industriel), le composé NO est de
plus oxydé en NO2.

Le vocable NOx est le terme générique désignant une série de Les tableaux 1 et 2 présentent les différentes espèces de NOx
composés contenant de l’azote et de l’oxygène à différents étages avec leurs noms usuels, quelques-unes de leurs caractéristiques,
d’oxydation. On y retrouve ainsi les espèces protoxyde d’azote ainsi que les réactions impliquées et les constantes relatives aux
N2O, monoxyde d’azote NO, dioxyde d’azote NO2, tétraoxyde équilibres et cinétiques entre ces espèces.
d’azote N2O4 et trioxyde d’azote N2O3 (parfois aussi le N2O5), mais L’équilibre de formation de l’acide nitreux en phase gazeuse
également, en présence de vapeur d’eau, les acides HNO2 et HNO3, apparaı̂t dans de nombreux modèles [3] [4] [5].
respectivement nitreux et nitrique.


Le rôle de HNO2 dans l’absorption de mélanges NO-NO2 (dans
Le dossier N2O (Protoxyde d’azote) [G 1 830] des Techniques de l’In- des solutions alcalines notamment) est un point de controverse.
génieur [1] présente de façon claire la problématique plus particulière La réaction entre NO, NO2 et H2O conduisant à la formation de
des émissions de N2O, produit ou sous-produit, souvent en teneurs HNO2 a fait l’objet de nombreuses études cinétiques à cause de
très réduites, mais néanmoins néfastes pour l’environnement. son importance à la fois dans la chimie de l’atmosphère, mais
La tendance est généralement à « binariser » le système gazeux aussi pour la modélisation des procédés chimiques. Des constantes
NOx en ne considérant que les espèces NO et NO2. Néanmoins, il cinétiques très disparates sont issues de ces études.

Tableau 1 – Formules, noms et caractéristiques des oxydes d’azote


Masse molaire Pression de vapeur à 20  C
Formule Nom(s) Numéro CAS
(g/mol) (kPa)

N2O Protoxyde d’azote 10024-97-2 44,0 5 850

Monoxyde de diazote

Oxyde nitreux

NO Monoxyde d’azote 10102-43-9 30,0 3 464

Oxyde nitrique

NO2 Dioxyde d’azote 10102-44-0 46,0 96

Peroxyde d’azote

N2O3 Trioxyde de (di)azote 10544-73-7 76,0

N2O4 Tétraoxyde de (di)azote 10544-72-6 92,0

N2O5 Pentoxyde de (di)azote 10102-03-1 108,1

Tableau 2 – Réactions et constantes relatives aux équilibres et cinétiques entre différentes espèces
de NOx

Réactions Constantes Corrélations Références

2 NO + O2 Æ 2 NO2 Constante cinétique : k1 lgk 1 = 652 - 4,7356 ðkPa - 2 / sÞ [2]


T
p N2 O4
2 NO2 , N2 O4 Constante d’équilibre : K 2 = lgK 2 = 2993 - 11,232 ðkPa - 1 Þ [2]
p 2NO T
2

p N2 O3
NO + NO2 , N2 O3 Constante d’équilibre : K 3 = lgK 3 = 2072 - 9,240 ðkPa - 1 Þ [2]
p NO p NO2 T

Constante d’équilibre : lgK 4 = 2051 - 8,738 ðkPa - 1 Þ


NO + NO2 + H2 O , 2 HNO2 p 2HNO T [3]
2
K4 =
p NO p NO2 p H2 O

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


G 1 805 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

UX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXPU

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– NOX (OXYDES D’AZOTE)

La connaissance de la solubilité dans l’eau pure des divers com- La solubilité croissant avec le degré d’oxydation de l’espèce de
posés, via la constante de Henry, est essentielle pour la caractérisa- NOx, les procédés de capture par absorption seront plus efficaces
tion de tout transfert gaz-liquide. La loi caractéristique de cet équi- s’ils sont précédés d’une étape d’oxydation.
libre gaz-liquide s’écrit : Le tableau 4 présente d’autres caractéristiques des oxydes
pi = Hi · ci d’azote relatives à leur stabilité, leur pouvoir d’oxydation, en rap-
port avec leur réactivité et leur comportement vis-à-vis des
matériaux.
avec pi pression partielle du composé i (atm),
Hi constante de Henry de ce composé (atm/
M = atm · L/mol), Tableau 3 – Revue des solubilités physiques des gaz
dans l’eau pure (à 25  C)
ci concentration du composé i (M = mol/L).


Constantes de Henry Hi
Le tableau 3 répertorie donc les valeurs de ces constantes pour Composé gazeux Références
(atm/M)
les différents composés nous intéressant ici.
Le coefficient de Henry du NO, composé qui ne réagit pas avec NO 540 [5]
l’eau (en l’absence d’oxygène et de toute autre espère réactive),
est bien établi. NO2 14,3 à 50 [6]
Les hautes réactivités de NO2, N2O4, N2O3 avec l’eau empêchent,
par contre, la mesure directe de leur coefficient de Henry. Ceux-ci N2O3 1,875 [6]
sont dès lors tirés soit de relations prenant en compte les équili-
bres en phase liquide, soit d’études cinétiques en faisant parfois N2O4 0,602 à 0,829 [4] et [7]
intervenir certaines hypothèses de travail. En dernier ressort, ils
sont établis sur la base de propriétés physiques des molécules.
HNO2 0,02 à 0,03 [7]
Pour les acides HNO2 et HNO3, acides gazeux, l’équilibre global
de solubilité peut être considéré comme la séquence d’une solubi- HNO3 4,86 · 10–6 [6]
lité selon la loi de Henry et d’un équilibre de dissociation.

Tableau 4 – Caractéristiques des NOx et acides correspondants :


propriétés physiques, stabilité, pouvoir oxydant et action sur les matériaux

Composé Corrosivité et action


Caractéristiques physiques/stabilité Pouvoir d’oxydation et réactivité
NOx sur les matériaux

Gaz incolore, d’odeur et de saveur Oxydant puissant pouvant être à Pas corrosif pour les matériaux ha-
légèrement sucrées l’origine de réactions parfois vio- bituels mais pouvant l’être pour
lentes au contact de matériaux l’aluminium, le nickel et divers al-
N2O
combustibles, de gaz combusti- liages. Peut également attaquer cer-
bles… tains élastomères ou matières plas-
tiques

Gaz incolore – Agit à température élevée comme – Sous atmosphère inerte : métaux
Le plus thermiquement stable oxydant sur un grand nombre de usuels non attaqués par ces oxydes
NO produits d’azote rigoureusement anhydres,
– Peut jouer le rôle de réducteur à exception faite du cuivre et de ses
des températures plus basses alliages pour le peroxyde d’azote
– En présence d’humidité : produits
Gaz brun-orange de couleur carac- Corrosif et irritant très agressifs vis-à-vis de nombreux
téristique et d’odeur piquante Oxydant et comburant métaux dès la température ordi-
À température croissante, le mono- De très nombreux composés (ré- naire
NO2 et N2O4
mère NO2 redevient prédominant ducteurs et les matières combusti-
vis-à-vis du dimère N2O4 bles) peuvent réagir de manière ex-
plosive avec lui

Instable à température ordinaire, se Assez réactif et explosif


N2O3 décomposant en NO + NO2 si la
température augmente

Acides correspondants Caractéristiques physiques/stabilité

Acide faible Se décompose rapidement


HNO2
pKa (25  C) = 3,3

Acide très fort, s’ionisant très rapi- Hautement corrosif


HNO3 dement en solution Agent oxydant puissant
pKa (25  C) = - 1,4 Miscible à l’eau en toutes proportions

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 1 805 – 3

UY
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXPU

NOX (OXYDES D’AZOTE) –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

2. Impacts environnementaux 2 000


et sources 1 900

NOx (kT)
1 800
1 700
1 600
2.1 Impacts environnementaux 1 500
1 400
Les oxydes d’azote sont des polluants atmosphériques dans la
1 300
mesure où l’on constate des effets sur la santé humaine et une
1 200
contribution aux pluies et dépôts acides, au smog photochimique,
à l’effet de serre et à l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique. 1 100
1 000
Ainsi, la pollution acide (par dépositions ou retombées acides) 900


est en partie liée aux polluants acides de type NOx, mais également
800
aux composés SO2, NH3, HCl ou HF. Cette pollution se dépose en
700
partie à proximité des sources émettrices, mais aussi à des centai-
nes, voire des milliers de kilomètres (pollution transfrontière). 600
500
Ces polluants précipitent sous forme sèche (aérosol) ou humide 400
(sous forme de HNO3) lorsque l’atmosphère est humide, avec des
300
effets sur les matériaux (corrosion), sur les écosystèmes forestiers
200
(provoquant directement ou via les sols des dégâts sur les végé-
100
taux et les arbres) ainsi que sur les écosystèmes d’eau douce.
0
Les émissions de protoxyde d’azote (N2O), composé principale-

1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007 (e)
ment lié aux pratiques agricoles, contribuent à l’accroissement des
gaz à effet de serre. Le potentiel de réchauffement de cette espèce
est 310 fois plus élevé que celui du CO2.
Transformation d’énergie Transport routier
Une perturbation de l’équilibre biologique des sols et eaux, due à
Industrie manufacturière
un excès d’azote (phénomène d’eutrophisation [8] [9]) notamment Autres transports
d’origine atmosphérique, par rapport à la capacité d’absorption des Résidentiel / tertiaire
écosystèmes, peut aussi être observée. Agriculture / sylviculture UTCF (1)
Les NOx sont également des polluants primaires (précurseurs et
indicateurs de sources de pollution complexe) qui conduisent à la (1) UTCF : utilisation des terres, leur changement et la forêt
formation, dans la troposphère, d’ozone et d’autres composés oxy- (e) estimation préliminaire
dants en présence de l’énergie apportée par le rayonnement UV : ils Citepa / coralie / format SECTEN
sont ainsi à l’origine d’une pollution photochimique (photo- Mise à jour février 2008
oxydante).
Enfin, le N2O, rejeté dans l’atmosphère, peut se convertir en Figure 1 – Évolutions temporelles et sectorielles des émissions
oxyde nitrique NO, gaz destructeur de la couche d’ozone. Ce com- d’oxydes d’azote en France métropolitaine (sources CITEPA)
posé participe ainsi à l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique
[10]. Les émissions de NOx en 2006 représentaient 1 351 kt, soit une
Les oxydes d’azote sont donc intimement impliqués dans les réduction d’un peu plus de 4,4 % par rapport à 2005, et de 32 %
phénomènes les plus préoccupants de notre époque. par rapport à 1980, année correspondant au niveau d’émission le
plus élevé sur la période illustrée.
Au point de vue de leurs effets sur la santé humaine, les oxydes
d’azote entraı̂nent principalement une altération de la fonction res- En 2006, tous les secteurs contribuent aux émissions dans des
piratoire ainsi qu’une hyperréactivité bronchique chez les sujets proportions supérieures à 5 %, mais le secteur du transport routier
sensibles. De plus, le monoxyde d’azote qui passe dans les alvéoles en est la première source (53 % des émissions totales). Depuis le
pulmonaires, se dissout dans le sang où il limite la fixation de début des années 1990, une baisse globale durable a été enclen-
l’oxygène sur l’hémoglobine : les organes sont alors moins bien chée (réduction de 29 % entre 1991 et 2006) et observée principale-
oxygénés. ment dans l’industrie manufacturière et la transformation de
l’énergie.
En termes de toxicité chronique, il est montré que le dioxyde
d’azote est quatre fois plus toxique que le monoxyde d’azote et Concernant le secteur de la transformation d’énergie, après une
dix fois plus toxique que le monoxyde de carbone. augmentation constante entre 1960 et 1980, la baisse observée
ensuite a été le résultat de la mise en place du programme de pro-
duction d’électricité par des centrales nucléaires, des économies
2.2 Sources d’émission d’énergie et de diverses dispositions réglementaires amenant à
mettre en place des traitements appropriés.
Toute combustion à l’air génère des NOx par réaction entre Depuis 1993, dans le secteur du transport routier, la diminution
l’azote (de l’air ou du combustible) et l’oxygène de l’air. Les deux des émissions de NOx est imputable à l’équipement progressif des
grandes sources de NOx sont donc la combustion dans les moteurs véhicules en pots catalytiques, à l’entrée en vigueur de normes
de véhicules automobiles (sources mobiles) et les sources fixes EURO pour les véhicules, ainsi qu’à une stabilité du parc roulant
(stationnaires) que constituent les installations de combustion. sur la période 2002-2006.
En ce qui concerne les sources mobiles, les pots catalytiques Dans les secteurs de l’industrie manufacturière et de la transfor-
peuvent limiter la production de NOx pour les véhicules équipés. mation d’énergie, la réduction des émissions depuis 1980 s’ex-
Parmi les sources stationnaires, on peut encore distinguer les plique essentiellement par de meilleures performances des installa-
sources industrielles et les sources domestiques. tions industrielles.
La figure 1 répertorie les différentes sources d’émission, fixes ou Des réductions complémentaires devraient également être obser-
mobiles, des oxydes d’azote. vées dans les années à venir grâce à la mise en œuvre des textes

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


G 1 805 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

VP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXQU

CO2 (dioxyde de carbone)

par Pierre LE CLOIREC


Professeur, directeur de l’ENSCR
École nationale supérieure de chimie de Rennes, France


1. Structure et caractéristiques de la molécule ........................................... G 1 815v2 - 2
2. Sources et impacts ..................................................................................... — 3
2.1 Sources et puits........................................................................................... — 3
2.1.1 Sources : oxydation de la matière carbonée .................................. — 3
2.1.2 Puits de carbone : océans – photosynthèse.................................... — 3
2.2 Émissions dans le monde par pays........................................................... — 4
2.3 Évolutions temporelles et sectorielles en France..................................... — 4
2.4 Effets sur la santé – Impacts sur l’environnement : effet de serre .......... — 6
3. Métrologie ................................................................................................... — 6
3.1 Échantillonnage – Prélèvement ................................................................. — 6
3.2 Séparation – Quantification........................................................................ — 6
3.2.1 Dosages directs ................................................................................. — 6
3.2.2 Séparation par chromatographie et quantification........................ — 7
4. Législation – Quotas ................................................................................... — 7
4.1 Protocole de Kyoto et ses conséquences.................................................. — 7
4.2 Application du protocole de Kyoto en France – Quotas .......................... — 7
4.3 Bilan des gaz à effet de serre (GES) – Base Carbone® –
Bilan carbone®............................................................................................ — 7
5. Séparation, concentration, stockage et valorisation .............................. — 8
5.1 Enrichissement, capture du CO2 dans les fumées ................................... — 9
5.2 Procédés de séparation .............................................................................. — 9
5.2.1 Transfert gaz-liquide : lavage de gaz, absorption .......................... — 9
5.2.2 Transfert gaz-solide : adsorption ..................................................... — 10
5.2.3 Changement de phase : cryocondensation .................................... — 10
5.2.4 Séparation membranaire ................................................................. — 11
5.2.5 Formation d’hydrates de gaz ........................................................... — 11
5.2.6 Quelques coûts comparés des différentes techniques
de séparation.............................................................................................. — 11
5.3 Compression, transport.............................................................................. — 11
5.4 Stockage ...................................................................................................... — 12
5.4.1 Stockage dans les formations géologiques.................................... — 12
5.4.2 Stockage au fond des océans .......................................................... — 13
5.5 Valorisation.................................................................................................. — 13
6. Conclusion ................................................................................................... — 14
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. G 1 815v2

ffet de serre, réchauffement de la planète, fonte de la banquise ou de tel


E glacier…, toutes ces expressions sont maintenant entrées dans le langage
du grand public du fait de propos plus ou moins alarmistes transmis par les
médias.
En décembre 2015, la COP21 (21e Conférence des parties), tenue à Paris, a
permis une discussion entre États et de générer un texte d’accord avec, en par-
ticulier, une limite à 2 °C de la hausse des températures. Ceci entraîne une
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQW

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés


G 1 815v2 – 1

VQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXQU

CO2 (DIOXYDE DE CARBONE) _________________________________________________________________________________________________________

diminution drastique des gaz à effet de serre (GES) présents dans les émis-
sions dues à l’activité humaine.
Les principales molécules à effet de serre sont répertoriées et définies. On
trouve, avec leur valeur de contribution : la vapeur d’eau pour 55 %, le dioxyde
de carbone (CO2) pour 39 %, le méthane (CH4) 2 %, l’ozone (O3) 2 %, le pro-
toxyde d’azote (N2O) 2 % ainsi que, pour une moindre part, les halocarbones
(chlorofluorocarbones (CFC), fréon, perfluorométhanes) et l’hexafluorure de
soufre (SF6) [1]. Certains auteurs ne prennent pas en compte la vapeur d’eau et
dans ce cas, bien sûr, les valeurs de répartition sont différentes. Dans ce
présent article, nous nous intéresserons exclusivement au gaz carbonique.
Les conférences internationales de Rio et de Kyoto (COP3) marquent une
R volonté de réduction des polluants atmosphériques. En 1997, le protocole de
Kyoto imposait aux 38 pays signataires de réduire de 5,2 % leurs émissions de
gaz à effet de serre d’ici la période 2008-2012. Dans ce contexte, l’Union euro-
péenne a émis une directive, adoptée le 13 octobre 2003, prévoyant des quotas
de rejets et des pénalités en cas de dépassement des engagements. La France
a diminué ses émissions de CO2 d’environ 15 % et de 6 % respectivement par
rapport aux années 1990 et 2010.
Dans une approche écologique et/ou réglementaire, il est nécessaire de
réduire les émissions de gaz à effet de serre et en particulier les rejets de
dioxyde de carbone [2] [3] [4]. C’est dans ce contexte général que sera
abordée, dans cet article, la problématique du CO2.

1. Structure Tableau 1 – Caractéristiques physico-chimiques


et caractéristiques du dioxyde de carbone (voir [5] [J6280])

de la molécule Dioxyde de carbone


Gaz carbonique
CO2
O=C=O
Anhydride carbonique
Le dioxyde de carbone a été découvert, en 1638, par le
Numéro CAS 124-38-9
médecin belge Jan Baptist Van Helmont. Vers 1750, il est étu-
dié par Joseph Black, chimiste et physicien écossais. Joseph État à pression et à température Gaz incolore et
Priestley, pasteur anglais, isole le gaz carbonique en 1766 et ordinaires inodore
c’est en 1776 que le chimiste français Antoine Laurent de
Lavoisier met en évidence la production du CO2 lors de la Masse molaire (g · mol–1) 44,01
combustion du carbone en présence d’oxygène.
Dimension moléculaire (nm) 0,350 – 0,510
Masse volumique sous 1 atm à :
Le tableau 1 regroupe quelques caractéristiques physico- 0 °C (kg · m–3) 1,977
chimiques du dioxyde de carbone [5] [J6280].
–3
20 °C (kg · m ) 1,870
À partir de sa structure moléculaire, certaines propriétés
macroscopiques peuvent être énoncées : Viscosité à –78 °C (Pa · s) 7 · 10–5
– le CO2 représente le degré ultime d’oxydation du carbone.
Température de sublimation (°C) – 78,5
C’est une molécule assez stable et relativement inerte
chimiquement ; Température de fusion (°C) – 57
– c’est un gaz acide légèrement soluble dans l’eau. La variation –1
de la constante de Henry H (atm) avec la température T est donnée Chaleur latente de fusion (kJ · kg ) 196,33
par une équation classique [5] : Température critique (°C) 31,06
Pression critique (MPa) 7,4
Température au point triple (°C) – 56,6

avec ΔH = 8,65 J · mol –1 Pression au point triple (bar) 5,185


–1
B = 6,73 ; Solubilité dans l’eau à 25 °C (g · L ) 1,45
– il peut être corrosif en présence de vapeur d’eau ; Solubilité dans l’éthanol à 20 °C (g · L–1) 2,964
– en fonction du pH des solutions aqueuses, le dioxyde de car-
bone, après dissolution, forme des carbonates et bicarbonates plus Constante de Henry à 25 °C (atm) 1,51 · 102
ou moins solubles dans l’eau. Les équilibres calcocarboniques ont Saveur Piquante
été largement étudiés en particulier pour les eaux de surface et les

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés


G 1 815v2 – 2

VR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXQU

__________________________________________________________________________________________________________ CO2 (DIOXYDE DE CARBONE)

eaux destinées à l’alimentation humaine [7] [8]. Les équations


d’équilibre peuvent être écrites de manière simplifiée :

Des calculs ou diagrammes des équilibres calcocarboniques


permettent d’obtenir les espèces en présence en fonction des
conditions opératoires telles que le pH, la température, la force
ionique… On se rappellera les équations et les graphes de
Legrand-Poirier ou encore de Hallopeau-Dubin permettant de
déterminer si une eau est agressive ou incrustante [9] [10] [11]
[12] en fonction de ses caractéristiques physico-chimiques et des
conditions opératoires ;
– suivant son état, le gaz carbonique présente différentes

applications : il sert, sous forme gazeuse, à carbonater les bois-
sons et à créer des couches isolantes dans l’agroalimentaire ou la
mécanique. Le CO2 liquide est utilisé comme réfrigérant, neige car-
bonique ou agent propulseur. À l’état solide, il est appelé
« carboglace » ou « glace sèche » et sert au décapage cryogénique,
à la conservation de denrées périssables… Depuis quelques
années, il est utilisé pour effectuer des extractions (cafés,
arômes…) solide-fluide supercritique.

2. Sources et impacts
2.1 Sources et puits
Figure 1 – Évolution de la concentration en CO2 (ppm) dans l’atmos-
2.1.1 Sources : oxydation de la matière carbonée phère au cours d’une longue période, lors de la Révolution indus-
trielle [1800-2007] et prédiction jusqu’en 2100 (source : International
Les principales sources de CO2 sont i) des émissions naturelles Panel on Climate Change, IPCC – Groupe d’experts intergouvernemental sur
(volcans par exemple) et ii) l’oxydation de la matière organique l’évolution du climat GIEC) [3] [4]
sous toutes ses formes ou de composés inorganiques (charbons).
C’est un produit fatal de cette transformation, c’est-à-dire que
thermodynamiquement il est le plus stable, il reste le produit d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC),
ultime de réaction. Cette oxydation peut être due à un effet ther- donne une évolution cyclique sur une très longue durée, et une
mique (combustion, incinération), chimique (réaction avec un oxy-
forte croissance ces dernières années, de la teneur en gaz carbo-
dant) ou biologique (biodégradation principalement par des
nique dans l’atmosphère. En 2013, la teneur moyenne en CO2
micro-organismes aérobies). En effet, toute matière organique,
atmosphérique était de 390 ppm (379 ppm en 2005 et 368,3 ppm
définie par une formule brute du type CmHnOp, réagit pour donner
en 1993), soit une augmentation de 5,9 % par rapport à 1993. Il
du dioxyde de carbone et de l’eau suivant une réaction générale
de la forme : convient de noter que certaines publications [4] [13] [14] [G8300]
annoncent la valeur de 400 ppm (en 2013) pour la concentration
moyenne de CO2 dans l’atmosphère.

Si la matière organique comprend des hétéroatomes (azote,


soufre, chlore…), les réactions (simplifiées dans les équations sui-
2.1.2 Puits de carbone : océans – photosynthèse
vantes) conduisent à la production de composés multiples à émis- Les grands réservoirs qui permettent de stocker le CO2 sont :
sions réglementées : l’atmosphère, les océans, la biosphère et le sous-sol.
En 2006, on estime qu’environ 25 millions de tonnes de gaz
carbonique sont transférées dans l’eau de mer par jour. Après dis-
solution et en fonction du pH, se forment alors des hydrogénocar-
bonates et des carbonates peu solubles (paragraphe 1). Cela
Dans le cas de la matière minérale carbonée, on obtient une représente environ 30 % du CO2 émis, tandis que 30 % sont absor-
réaction simple qui peut être symbolisée par : bés par la biosphère terrestre et 40 % demeurent dans l’atmos-
phère. Ces quelques chiffres globaux peuvent expliquer
l’augmentation continue des concentrations dans l’atmosphère,
comme cela est montré sur la figure 1. Le CO2 dissous rentre dans
Il est évident que des impuretés présentes dans des charbons les équilibres physico-chimiques calcocarboniques avec formation
ou des fuels, comme le soufre très présent sous la forme de So, des espèces carbonates et bicarbonates. Les micro-organismes
de mercaptans ou de sulfures, vont produire des oxydes de soufre (bactéries et algues) peuvent aussi avoir une part importante dans
(SOx). ce cycle du carbone avec formation et dégradation des carbonates
L’augmentation du CO2 dans l’atmosphère est due en grande [15] ; on peut citer notamment la précipitation bactérienne d’ara-
partie à l’activité humaine. La figure 1, proposée par le Groupe gonite et de calcite.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés.


G 1 815v2 – 3

VS
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXQU

CO2 (DIOXYDE DE CARBONE) _________________________________________________________________________________________________________

Une conséquence problématique de la trop forte dissolution de


CO2 serait une acidification conséquente (paragraphe 1) des
océans dont le pH serait passé de 8,2 à 8,1 à la surface 18
Émission de CO2 (t/habitant)
(100 premiers mètres) et au rythme actuel de décroissance, le pH 16
de la mer en surface pourrait atteindre 7,9 en 2100. Toutefois,
aucune modification notable du pH n’a été observée dans les pro- 14
fondeurs. Cette chute entraîne, en surface, une diminution de la
12
concentration en carbonates par solubilisation. Certains micro-
organismes marins à coquille (ptéropodes, coccolithophoridés, 10
foraminifères…) ayant besoin de ces carbonates pour former leur
exosquelette d’aragonite pourraient rencontrer des problèmes, 8
voire disparaître à terme. 6


Un autre puits important pour le CO2 est la photosynthèse dont 4
le processus transforme l’eau et le gaz carbonique en molécules
biologiques élaborées, sous l’action de l’énergie lumineuse, par 2
des végétaux (plantes et algues) et certaines bactéries. Ces réac-
0
tions se déroulent dans les chloroplastes où se trouve la chloro-
États-Unis Canada Russie Allemagne Chine France Inde
phylle. Ce pigment est sensible aux rayonnements bleus et
rouges. Il capte l’énergie lumineuse et la transforme en énergie
chimique. Après fixation du carbone du CO2 atmosphérique, cette Figure 2 – Émission de CO2 en t/habitant (données 2013) [13]
énergie est utilisée pour la synthèse de molécules organiques
comme les sucres, acides aminés ou lipides et pour l’oxydation de
l’eau, produisant du dioxygène (O2). On estime ce puits dû à la
photosynthèse à environ 30 % du dioxyde de carbone émis par les Il existe aussi de fortes disparités d’émissions de CO2 par habi-
activités humaines. tant suivant le niveau de développement et la croissance des
pays ; cette répartition, présentée sur la figure 2, est directement
liée à la consommation d’énergie.
2.2 Émissions dans le monde par pays
L’Organisation des Nations unies a établi, pour l’année 2013, 2.3 Évolutions temporelles et sectorielles
une liste des quantités de CO2 rejetées dans l’atmosphère par en France
pays (tableau 2) : les deux tiers des émissions actuelles pro-
viennent de la Chine, des États-Unis, de l’Union européenne, de la En se reportant aux données présentées par le CITEPA [1], on
Russie et de l’Inde. Les fortes quantités rejetées sont souvent la peut dresser une liste, pour la France (tableaux 3 et 4), des princi-
conséquence des transports et de l’utilisation massive de cen- pales émissions de CO2 (en millions de tonnes).
trales thermiques à charbon ou à fuel pour la production d’électri-
cité. Des études prévisionnelles avaient montré que la Chine Une lecture rapide de valeurs de ces deux tableaux permet les
remplacerait les États-Unis au premier rang dès 2009. La France commentaires suivants :
du fait d’un parc de centrales nucléaires important (75 % environ – les valeurs de rejets hors UTCF (utilisations des terres, leurs
de l’électricité produite) participe à un niveau relativement faible, changements et la forêt) sont relativement stables, autour de
soit environ 0,96 % des rejets mondiaux en CO2. 350 Mt/an depuis les cinq dernières années ;

Tableau 2 – Évaluation des rejets de CO2 (en milliers de tonnes) dans l’atmosphère, en 2013, par pays
(sélection) (d’après l’ONU)
Émissions de CO2 Part des émissions Émissions de CO2 Part des émissions
Pays Pays
(milliers de tonnes) totales (%) (milliers de tonnes) totales (%)
Monde entier 35 499 100 Russie 1 657 4,7

Chine 9 761 27,5 Inde 2 088 4,7

États-Unis 5 995 16,9 Japon 1 343 3,8

Union européenne 3 740 10,5 Canada 621 1,7


(UE) :

– Allemagne 799 2,2 Corée du Sud 768 2,2


– Royaume-Uni 471 1,3 Mexique 500 1,4
– Italie 353 0,99 Iran 650 1,8

– France 344 0,96 Australie 356 342 1,5

– Espagne 240 0,67 Afrique du Sud 452 1,3


– Pologne 312 0,88 Arabe Saoudite 665 1,9

Indonésie 549 1,5 Brésil 582 1,6

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés


G 1 815v2 – 4

VT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXSU

COV (composés organiques volatils)

par Pierre LE CLOIREC


Professeur


Directeur du département Systèmes énergétiques et environnement
École des mines de Nantes

1. Définitions.................................................................................................. G 1 835 – 2
2. Sources et impacts des COV ................................................................ — 2
2.1 Sources et nature des COV ......................................................................... — 2
2.2 Impacts des COV.......................................................................................... — 3
3. Métrologie des COV ................................................................................ — 4
3.1 Échantillonnage et analyse ponctuelle ...................................................... — 4
3.2 Mesure en continu à l’émission ................................................................. — 5
3.3 Mesures en continu dans l’air ambiant. Les réseaux ............................... — 5
4. Ventilation et confinement des COV .................................................. — 5
4.1 Ventilation et canalisation des émissions.................................................. — 5
4.2 Confinement des rejets gazeux .................................................................. — 6
5. Traitements ................................................................................................ — 6
5.1 Notion de filière. Sous-produits générés................................................... — 6
5.2 Traitements classiques ................................................................................ — 7
5.3 Quelques traitements en émergence......................................................... — 9
5.4 Choix d’un procédé ..................................................................................... — 10
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. G 1 835

i l’on se pose la question « Pourquoi traiter les composés organiques volatils


S présents dans l’air ? », deux types d’arguments peuvent être développés en
fonction de la sensibilité, des obligations et/ou des contraintes de chacun.
Dans un premier temps, si l’on se place dans une approche environnementale
globale, l’impact sur la santé humaine et sur les écosystèmes, l’effet de serre et
le réchauffement de la planète, la production anarchique d’ozone dans les vil-
les... sont autant de bonnes raisons pour limiter drastiquement les rejets de COV
soit à la source par une approche « procédés propres », soit à l’émission par des
procédés curatifs. La communauté internationale s’est mobilisée, avec plus ou
moins de volonté, comme l’ont rappelé les événements de la conférence de New
York en 1997, pour lutter contre l’augmentation des émissions anthropiques de
gaz à effet de serre au travers de la convention signée en juin 1992 à Rio.
Dans un deuxième temps, la discussion peut se situer sur un plan
réglementaire. En effet, dans le cadre du protocole de Genève en 1991 sur la limi-
tation des émissions de COV et leurs flux transfrontières, suite à la directive
communautaire 99/13/CE du 11 mars 1999, la France s’est engagée à réduire for-
tement ses émissions. En 1998, les émissions annuelles de COV tous secteurs
confondus (industrie, transport, agriculture...) étaient d’environ 2 300 kt ; les
objectifs du protocole de Göteborg (1999) demandent une réduction à 1 100 kt
en 2010, alors que la directive de l’Union européenne (2001/81/CE) impose un
plafond de 1 050 kt pour cette même année. Cette dernière directive concerne
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPPT

environ 400 000 entreprises en Europe qui devront se conformer à la législation


en 2005-2007. Les conséquences pratiques de ces directives sont la

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur G 1 835 − 1

VU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXSU

COV (COMPOSÉS ORGANIQUES VOLATILS) __________________________________________________________________________________________________

promulgation en France de divers arrêtés réglementant, pour divers secteurs


industriels, les niveaux d’émissions de COV. Ainsi, on peut citer les arrêtés du
2 février 1998 et du 29 mai 2000 complétés par des arrêtés par branche d’activité
(cf. [Doc. G 1 835]).
Ces quelques points tentent de montrer la nécessité de réduire les composés
organiques volatils. Aussi cet article se focalisera-t-il pour une grande part sur le
traitement des émissions « fin de ligne » avec quelques informations sur les
méthodes de ventilation et de confinement. Cependant, les définitions, les sour-
ces, les impacts, les méthodes d’analyse seront aussi abordés afin de donner
une vue plus globale du domaine des COV.


Pour plus de renseignements concernant les composées organiques volatils dans l’envi-
ronnement, le lecteur pourra consulter la référence [1].

1. Définitions 7% 2%

23 %
43 %
Est considéré comme COV tout composé qui, à l’exclusion du
méthane, contient du carbone et de l’hydrogène, lequel peut
être substitué par d’autres atomes comme l’oxygène, l’azote, le
soufre, les halogènes, en particulier le chlore ou le fluor, mais
sont exclus les oxydes de carbone et les carbonates. 16 % 9%
Ces composés se trouvent à l’état de gaz ou de vapeur dans 1990
les conditions normales de température et de pression. 2 473 kt

5% 3%
Cette définition très large est complétée par un critère physique 30 % 25 %
à savoir la pression de vapeur saturante qui est supérieure à 10 Pa
(0,075 mm de Hg) à la température de 20 ˚C et à la pression
atmosphérique (1,013 × 105 Pa ou 760 mm de Hg).

En relation avec la définition précédente, on peut distinguer les


13 %
COV suivant leur utilisation, seuls ou en mélange : solvant, 24 %
dégraissant, dissolvant, conservateur, agent de nettoyage, disper-
seur... Ainsi l’arrêté du 2 février 1998, publié au Journal Officiel 2001
du 3 mars 1998 (cf. [Doc. G 1 835]) donne, dans ses annexes II à 1 674 kt
VI, des listes de composés organiques objets d’une Autres transports
réglementation spécifique en termes de concentration et de flux Transports routiers
massique d’émission à l’atmosphère. Agriculture/Sylviculture
Résidentiel/Tertiaire
Certains auteurs anglo-saxons classent souvent les COV en fonc- Industrie manufacturière
tion de leur comportement vis-à-vis du radical libre hydroxyle Transformation de l'énergie
(OH•).
Figure 1 – Évolution par secteur d’activités pour les années 1990
et 2001 des COV non méthaniques en France (source CITEPA [2])
Aussi, en 1986, l’Agence américaine de protection de l’envi-
ronnement (US EPA) a défini les COV comme toutes substances
carbonées (excepté le monoxyde de carbone, le dioxyde de car-
bone, les acides carboniques, les carbures et carbonates métal-
liques et les carbonates d’ammonium) qui participent aux
2. Sources et impacts
réactions photochimiques de l’atmosphère. des COV
Une liste de 318 COV a été dressée [1].

2.1 Sources et nature des COV


Quelques restrictions aux définitions précédentes peuvent être
émises. Ainsi, le méthane peut être exclu des COV du fait de sa Les définitions proposées précédemment impliquent une
provenance de sources différentes (agricoles et naturelles), des variété de composés organiques susceptible d’être rencontrée
flux importants émis dans l’atmosphère et d’une comptabilisation dans les émissions gazeuses de diverses activités humaines. Le
spécifique. En outre, son influence sur l’environnement est diffé- CITEPA [2] recense, par secteur d’activités et par année, les émis-
rente (effet de serre) de celle des COV qui, eux, ont plus spécifique- sions de polluants dans l’atmosphère. Pour les COV non
ment un impact sur la pollution photochimique. On parle alors de méthaniques (figure 1), l’évolution entre 1990 et 2001 est de − 32 %,
composés organiques volatils non méthaniques (COVNM) ou par- avec de fortes disparités. On peut noter, par exemple, une baisse
fois, de façon un peu trop globale, d’hydrocarbures non sensible dans le secteur des transports et une stabilité dans le
méthaniques (HCNM). domaine industriel.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
G 1 835 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

VV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gQXSU

_________________________________________________________________________________________________ COV (COMPOSÉS ORGANIQUES VOLATILS)

Sources

Combustion Procédés Déchets


Transports Divers
fixe industriels solides

Moteurs Stockage Chimie Incinération Feux de forêts,


de produits
Véhicules Carburant Pharmacie Feux ouverts agricoles

Avions Centrales fuel Agroalimentaire Décharges Produits


d’entretien
Trains Métallurgie

Évaporations Minerais
des stations
de stockage Pétrochimie
d’hydrocarbures Figure 2 – Inventaire de quelques sources
d’émissions de COV [3]

2.2 Impacts des COV


(0)

Tableau 1 – Inventaire succinct des COV rencontrés


dans divers secteurs industriels
Secteurs d’activités Composés organiques volatils rencontrés Deux types d’impacts sur la santé humaine ou sur l’environne-
ment sont à considérer lorsque l’on étudie les COV, soit un effet
Imprimerie Toluène direct, soit un effet indirect du fait de la production d’ozone dans le
milieu récepteur sous certaines conditions de température et de
Impression Esters (acétate d’éthyle), cétones
sur emballage (acétone, méthyléthylcétone), alcools rayonnement lumineux [27].
(méthanol, éthanol)
Traitement de surface
• Dégraissage . . . . . Composés chlorés (dichlorométhane)
2.2.1 Impact direct
• Peinture . . . . . . . . . Aromatiques, alcools, aliphatiques
Les émissions de COV ont un impact direct sur l’homme. L’un des
Fabrication Aromatiques, esters, glycols
de peinture, colles premiers faits reconnus a été une relation entre l’exposition à des
Composés chlorés vapeurs de benzène et la leucémie. De même, les effets cancérigènes
du 1,3-butadiène ont été révélés. Il en a été de même avec des pro-
Textiles
duits utilisés dans la fabrication de polymères comme l’acrylonitrile
• Nettoyage . . . . . . . Perchloroéthylène ou le chlorure de vinyle. En réponse au risque potentiel que représen-
• Enduction . . . . . . . Aliphatiques, aromatiques tent les COV sur la santé, des normes de qualité d’air et des valeurs
guides ont donc été définies pour un certain nombre de produits vola-
• Impression . . . . . . Cétones, alcools, aromatiques tils [4]. Cependant, une mauvaise connaissance de la chimie de ces
Chimie, pharmacie Composés chlorés, cétones, alcools molécules liées aux maladies contractées implique une difficulté à
définir à la fois des valeurs limites, des seuils maximaux et des
• Formulation. . . . . . Mélanges complexes teneurs cumulées d’exposition. Des chiffres ont été cependant avan-
Agroalimentaire Composés chlorés, alcools, esters cés de 5 ppb en volume de concentration moyenne annuelle pour le
benzène ou de 1 à 2 ppb en volume pour le 1,3-butadiène sachant que
des prélèvements effectués en milieu urbain, en Angleterre, ont
donné des taux mesurés dans l’air de 1 à 2 ppb en volume pour le
benzène et de 0,2 à 0,6 ppb en volume pour le 1,3-butadiène [5].
La figure 2 rassemble quelques sources d’émissions de COV. On
a constaté que les carburants représentent des sources importantes Nota : 1 ppb en volume (partie par milliard en volume) signifie qu’il y a 1 mm3 du com-
qui ont fait l’objet d’une réduction notable dans la dernière posé X dans 1 m3 d’air.
décennie. En particulier, des systèmes de piégeage réduisant sen-
siblement les pertes dans l’atmosphère ont été mis en place dans Une étude [6] a été menée dans la région de Kanawha Valley en
les lieux de stockage de carburants, pour lutter contre les émissions Caroline du Sud (USA), région ayant une très forte concentration
diffuses dues à l’évaporation lors du remplissage des réservoirs ou d’usines de produits chimiques. Ce travail a fourni la preuve, à partir
du stationnement de véhicules. de données collectées quotidiennement, que l’exposition aux COV
était associée à une augmentation des symptômes des maladies
La nature des COV du secteur industriel est très variée mais des voies respiratoires supérieures et inférieures, à des maux de
peut être globalement déterminée (tableau 1). Les concentrations tête, à une irritation sensorielle et à des éruptions cutanées. Ainsi, si
rencontrées sont très variables suivant les domaines, évoluant dans l’on cite une étude de Bates [7], les COV provenant des activités liées
une large gamme de quelques centaines de milligrammes par mètre au pétrole (benzène, toluène, xylène, n-pentanal) sont en relation
cube à plusieurs grammes par mètre cube. Des concentrations de 5 avec des symptômes d’affectations des voies respiratoires et les
à 10 g · m−3 sont classiquement mesurées lors du dégraissage de COV émis par d’autres industries, comme le chloroforme, le chlorure
pièces métalliques alors que, pour l’application de peinture en de méthyle et de méthylène, sont associés à des irritations nasales
cabine, les valeurs varient de 20 à 500 mg · m−3 [1]. et oculaires.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur G 1 835 − 3

VW

VX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYSP

Risques et prévention
dans les installations
d’adsorption de COV

par Pierre LE CLOIREC R


Professeur
Directeur de l’École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR)
et Pascaline PRÉ
Maître assistante, HDR
GEPEA UMR CNRS 6144 – École des mines de Nantes

1. Exemples d’incidents et d’accidents .................................................. J 3 930 - 2


2. Adsorption et chaleur ............................................................................. — 2
2.1 Adsorption : réaction exothermique .......................................................... — 2
2.2 Visualisation du dégagement de chaleur................................................... — 2
2.3 Effet de l’échauffement sur la capacité d’adsorption utile du filtre ......... — 2
2.4 Cas particulier des cétones ......................................................................... — 4
3. Inflammation des lits garnis de charbons actifs ............................. — 7
3.1 Mise en évidence de l’inflammation des filtres à charbon actif............... — 7
3.2 Combustion du charbon versus oxydation du solvant ............................. — 7
3.3 Paramètres influençant l’oxydation et l’inflammation.............................. — 7
4. Outil prévisionnel des concentrations et des températures
locales dans un adsorbeur ..................................................................... — 9
4.1 Modèle de transfert de masse et de chaleur ............................................. — 9
4.2 Exemples d’applications.............................................................................. — 15
5. Conclusions................................................................................................ — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 3 930

e charbon actif est utilisé, de manière intensive, comme adsorbant


L universel pour le traitement des fumées, l’élimination des composés
organiques volatils (COV) ou des molécules odorantes présents dans les émis-
sions gazeuses industrielles [1] [2] [3]. Les installations d’adsorption sur
charbon actif représentent, en France en 2010, environ 30 à 35 % du parc des
installations de traitement des rejets gazeux chargés en COV. Généralement,
les installations sont sous la forme de lits fixes garnis de grains de charbon
actif (vierge ou imprégné) au travers desquels passe l’air ou le gaz à dépolluer.
Le transfert du contaminant de la phase gazeuse dans la porosité du matériau
carboné permet une purification du gaz. Après saturation, le charbon actif est
soit mis en centre de stockage de déchets, soit réactivé en usine, soit régénéré
in situ par un fluide caloporteur (vapeur d’eau, gaz chaud) ou encore par chauf-
fage intrinsèque du matériau (électrodésorption, par exemple) [2] [3]. Du fait
d’une réaction exothermique se produisant lors de la réaction d’adsorption, un
échauffement local peut se produire. Cette augmentation de température est
fonction de nombreux paramètres tels que la concentration du polluant, le type
de charbon actif ou les conditions opératoires (débit, humidité...). Ce phéno-
mène particulier d’exothermicité des réactions d’adsorption est connu depuis
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQS

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 3 930 – 1

VY
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYSP

RISQUES ET PRÉVENTION DANS LES INSTALLATIONS D’ADSORPTION DE COV __________________________________________________________________

longtemps mais se doit d’être mieux compris et mieux appréhendé pour éviter
des incidents comme des points chauds, des emballements thermiques ou des
inflammations de lits. Le premier accident impliquant la combustion d’un lit de
charbon actif a été reporté dans les années 1940. L’inflammation de l’adsor-
beur, garni de charbon actif à base de noix de coco, s’est produite durant le
traitement d’air chargé de cyclohexane [4]. Une définition des conditions d’uti-
lisation des filtres de charbon actif dans la purification des gaz et
spécifiquement de l’air se doit donc d’être proposée.


1. Exemples d’incidents charbon actifs. Les valeurs varient de 20 à 80 kJ/mol [17] [18].
Cette exothermicité de la réaction se traduit par une augmentation
et d’accidents locale de la température. Cette chaleur est généralement évacuée
de l’installation par conduction dans le matériau carboné puis par
convection dans l’air à dépolluer circulant dans le lit garni. Si, du
La raison première de l’intérêt sur les risques et la sécurité des fait de l’inertie thermique de l’eau, ce phénomène n’est pas réelle-
filtres à charbon actif utilisé dans le traitement des COV dans l’air ment remarqué lors de l’adsorption de micropolluants en phase
est le report d’incidents et d’accidents industriels. En effet, des aqueuse, il n’en est pas de même pour les gaz où lors de l’adsorp-
publications antérieures et des bases de données spécifiques tion de contaminants, il est possible de visualiser et de mesurer
d’informations sur les accidents technologiques reportent une augmentation de température dans le lit de charbon actif.
quelques exemples. Ceux-ci se produisent généralement sur des
sites industriels sur lesquels des systèmes d’adsorption en continu
de solvants avec régénération in situ, sont opértionnels. Ces instal- 2.2 Visualisation du dégagement
lations sont mises en œuvre à la fois pour contrôler les émissions
gazeuses polluées et pour récupérer les solvants organiques [5] ou de chaleur
pour purifier des fumées [6]. Des cas sont aussi rapportés mettant
en cause des systèmes de type canister mis en œuvre sur des L’augmentation locale de la température due à l’adsorption du
cuves de stockage de composés organiques liquides (essence, COV en surface du matériau charbon actif peut être expérimentale-
solvants seuls ou en mélange...). Quelques incidents et accidents ment visualisée [19]. Des essais de laboratoire ont été conduits sur
sont listés sur le tableau 1. une colonne en verre (200 mm de longueur et de 46/52 mm de dia-
mètre intérieur/extérieur) garnie d’un charbon actif microporeux.
La majorité des inflammations des filtres de charbon actif en Elle est alimentée de haut en bas en continu, à une vitesse U0 de
grain se produit sur des unités traitant des composés organiques l’ordre de 500 m/h (0,14 m/s) dans les conditions normales de
volatils ou durant le stockage ou le transport des matériaux température et de pression (CNTP), par de l’air sec chargé en
carbonés saturés ou non. Divers secteurs d’activités industrielles acétone à une concentration C0 de 50 g/m3. Une caméra infrarouge
utilisant ce type de procédé de traitement sont touchés : l’industrie permet d’observer la variation longitudinale et radiale de la tempé-
chimique, agrochimique, pharmaceutique, les activités d’extraction rature durant la phase d’adsorption. Cette évolution spatio-tempo-
de produits naturels, le recyclage, le traitement des résidus... On relle est présentée sur les figures 1 et 2.
note que les COV, seuls ou en mélange, les charbons actifs vierges
ou imprégnés sont impliqués, avec en particulier un apport
d’oxygène via l’introduction d’air dans l’installation.
2.3 Effet de l’échauffement sur la
capacité d’adsorption utile du filtre
2. Adsorption et chaleur La réaction exothermique d’adsorption d’une molécule sur du
charbon entraîne un échauffement local du matériau. Or, on sait
que la capacité d’adsorption d’un matériau poreux décroît avec la
température. L’effet négatif de cette augmentation de température
2.1 Adsorption : réaction exothermique sur les performances d’adsorption du charbon actif est montré sur
la figure 3 [20], pour un certain nombre de COV. Dans ce cas, la
Le phénomène d’adsorption est globalement constitué d’une perte de capacité évolue de 10 et 40 % environ suivant la nature de
part de transferts diffusionnels de matière externes et internes l’adsorbat.
dans la porosité, suivi d’autre part d’une interaction entre la ou les
molécules présentes dans le fluide (liquide ou gaz) et la surface du Afin de minimiser cette diminution d’efficacité des charbons
solide [14] [15] [16]. Cette interaction solide-molécule, qui implique actifs, il est nécessaire de faire fonctionner l’adsorbeur de manière
des liaisons électrostatiques de type Van der Waals et éventuelle- isotherme à basse température. Pratiquement, il est conseillé de
ment des liaisons hydrogène, constitue réellement l’étape traiter les gaz à la température ordinaire. Quelques unités d’adsor-
d’adsorption. Elle a été traduite, par Langmuir vers 1930, de beurs ont été équipées de tubes échangeurs de chaleur position-
manière simple par une réaction équilibrée exothermique : nés à l’intérieur de l’unité dans lesquels circule de l’eau ou un
fluide caloporteur. On retrouve, dans ce cas, la technique des
A + σ → Aσ échangeurs à faisceaux de tubes et calandres. Une autre approche
avec A contaminant présent dans le fluide, consiste à faire fonctionner une pompe à chaleur sur un système
équipé de deux adsorbeurs. Un fluide chaud provenant du réacteur
σ surface du solide. en phase d’adsorption réchauffe, via la pompe à chaleur, un fluide
Des enthalpies d’adsorption ou de désorption ont été caloporteur qui est utilisé pour la régénération d’un second
déterminées par calorimétrie (immersion, différentielle à adsorbeur saturé. Le système de récupération de chaleur
balayage...) pour différentes molécules de COV et divers types fonctionne alternativement sur les deux adsorbeurs.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 3 930 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

WP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYSP

__________________________________________________________________ RISQUES ET PRÉVENTION DANS LES INSTALLATIONS D’ADSORPTION DE COV

Tableau 1 – Quelques exemples recensés d’emballement thermique, d’inflammation


ou d’oxydation thermique de charbons actifs
Date Lieu Description Référence
Six départs de feu dans des conteneurs de charbon activé chimiquement
sont reportés. Le charbon actif
1962-1963 Royaume-Uni [7]
(4 à 14 t) était conditionné dans des sacs compartimentés. Le feu
(combustion interne) est découvert au bout de 3 à 4 semaines
L’augmentation forte et sans précédent, de la température en sortie d’un
Scott Graphics, South Hadley, filtre de charbon actif traitant
1972 [8]
Massachusetts, USA de l’acétone est due à une combustion interne du matériau carboné.

SCM, Division Chimie organique,


L’incident était aussi mentionné en 1976
De nombreux départs de feu sont mentionnés dans du charbon actif

1979 chargé en huile de térébenthine majoritairement en pinène, un composé [9]
Jacksonville, USA
issu de la distillation de résines d’arbres
Les vapeurs d’un réservoir contenant un mélange eau/hydrocarbure (fuel
lourd, xylène, toluène) étaient traitées par un filtre à charbon actif. Une
Moerdjik Noord-Brabant,
1980 surpression dans le résevoir a impliqué un flux important de vapeur [10]
Pays-Bas
organique qui met le feu dans l’adsorbeur. Celui-ci est alors géré par un
refroidissement massif par arrosage du charbon actif par de l’eau
Durant la nuit, en absence d’employés, il s’est produit une explosion dans
un stockage d’huile de térébenthine connecté à un filtre à charbon actif.
L’explosion cause aussi des dommages à d’autres réservoirs de stockage
Powell Duffryn Terminals,
1995 avec émissions de vapeurs et gaz toxiques dont H2S. Le site est évacué [11]
Savannah, Georgia, USA
ainsi que les 2 000 habitants vivants à proximité. 11 personnes sont
blessées et la rivière
voisine est polluée
Le feu se déclare dans un filtre de charbon actif utilisé pour le traitement
Fabrication d’équipements auto-
1996 des fumées provenant par ventilation forcée d’un four à haute [12]
mobiles, Audincourt (25), France
température
Dans un atelier de l’industrie chimique contenant
Industrie chimique, Pardie (64),
1996 des composés nitrés, une explosion d’un silo contenant 9 m3 de charbon [12]
France
actif se produit. Il n’y eut ni blessé, ni impact environnemental
Le feu se déclare dans un filtre de charbon actif de 4 m3 adsorbant des
1998 Industrie agrochimique solvants et des molécules odorantes. Il n’y a pas de blessés ou de dégâts [12]
matériels autres
L’évent d’un stockage fixe d’un mélange de laques
Stockage, South Eastern Chemical
1998 et de diluants (acétone, toluène, méthyl, éthyl cétone) fait exploser un [12]
Co, South Carolina, USA
canister de charbon actif
Le feu se déclare dans des sacs en polyéthylène contenant du charbon
Industrie chimique, Vierzon (18), actif stockés dans une industrie chimique. Un des sacs s’enflamme et le
2004 [12]
France feu se propage aux autres. 7 t d’adsorbant sont ainsi détruites. La cause
reste inconnue
Sur un site industriel recyclant des métaux, un emballement thermique a
été observé dans un adsorbeur
2004 Feurs (42), France [12]
nouvellement installé, de 8,7 t de charbon actif
imprégné traitant des fumées
Une augmentation de température dans un filtre de charbon actif utilisé
Industrie produisant du plomb,
au-dessus d’une trémie de stockage de résidus de cokes préalablement
2005 de l’étain et du zinc. Fouquierier – [12]
lavés, suite à l’arrêt de la ventilation a été observée. Le matériau carboné
Les Lens (62), France
s’est enflamé lors de l’ouverture du filtre du fait de l’entrée d’air
2006 Site d’incinération d’ordures Sur le site d’incinération d’ordures ménagères Guerville, France (78), le
ménagères, Guerville (78), France feu s’est déclaré dans un filtre de 20 à 25 m3 contenant 500 kg de charbon
actif utilisé pour le traitement des fumées. Les experts ont confirmé
[12]
l’origine du feu comme provenant du charbon actif. Il n’y a pas eu de
victimes. Mais des pompiers furent hospitalisés après avoir été exposés à
des émanations substantielles de monoxydes de carbone (CO)
Sur un porte-conteneurs entre New York (USA) et Hallifax (Canada), le feu
2011 Halifax, Nova Scotia, Canada se déclare dans deux conteneurs chargés en pellets de charbon actif [13]
imprégné par de la potasse. Le reste de la cargaison n’a pas été affecté.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 3 930 – 3

WQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYSP

RISQUES ET PRÉVENTION DANS LES INSTALLATIONS D’ADSORPTION DE COV __________________________________________________________________

∆T (°C)
0,7

6,1

11,4

16,8

22,2


27,6
t = 2 min t = 6 min t = 10 min t = 12 min
C0 = 50 g · m–3
U0 = 500 m · h–1
Conditions normales de température
et de pression CNTP
Température externe : 20 ° C

t = 16 min t = 20 min t = 25 min t = 30 min

t = 34 min t = 38 min t = 42 min t = 46 min

t = 54 min t = 58 min t = 62 min t = 70 min

Figure 1 – Visualisation par caméra infrarouge de l’évolution longitudinale du front de chaleur dans un lit fixe de charbon actif alimenté
par de l’air sec chargé en acétone

2.4 Cas particulier des cétones


Dans le tableau 1, il est noté un cas d’explosion dans l’usine Scott des cétones adsorbées sur charbon actif. Les cétones s’oxydent
Graphics (États-Unis) traitant de l’acétone. Une autre explosion est généralement pour former des hydroperoxydes. En fonction de la
mentionnée dans un stockage en Caroline du Sud (États-Unis) structure du composé cétoné, les hydroperoxydes, qui sont très ins-
contenant essentiellement de l’acétone, de la méthyl éthyl cétone et tables, se décomposent, avec une forte exothermicité, pour former
du toluène. L’adsorption des cétones sur des charbons actifs est un des acides carboxyliques, des aldéhydes et des dicétones. Deux
cas emblématique et a fait l’objet d’études spécifiques en termes de exemples sont présentés : une cétone aliphatique (la méthyl éthyl
potentialité d’inflammation et d’explosion. Akubuiro [21] et cétone) et une cétone aromatique (la cyclohexanone). L’acétone et
Akubuiro et Wagner [22] ont proposé, en utilisant la spectroscopie la méthylisobutylcétone possédant une structure très proche de la
infrarouge à transformée de Fourier pour déterminer les produits méthyl éthyl cétone, ces composés présentent un mécanisme
intermédiaires de réactions, un mécanisme probable d’oxydation d’oxydation similaire.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 3 930 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

WR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYSP

__________________________________________________________________ RISQUES ET PRÉVENTION DANS LES INSTALLATIONS D’ADSORPTION DE COV

∆T (˚C)
D = 5,2 cm

10,2

16,2

22,2

28,2


t = 2 min t = 4 min t = 6 min t = 8 min

∆T (˚C)
20,5 t = 10 min t = 12 min

25,5

30,5

35,5

40,5
t = 16 min t = 18 min t = 20 min t = 22 min

∆T (˚C)
t = 24 min t = 28 min
8,4

14,4

20,4

26,4

32,4
t = 32 min t = 34 min t = 36 min t = 38 min

C0 = 50 g · m–3
U0 = 500 m · h–1
Conditions normales de température et de pression CNTP
Température externe : 20 °C

Figure 2 – Observation par caméra infrarouge de l’évolution radiale de la température dans un lit fixe de charbon actif alimenté par de l’air sec
chargé en acétone

2.4.1 Cas de la méthyl éthyl cétone et O—O conduit à la formation d’acétaldéhyde (produit III) et
d’acide acétique (produit IV). Sous une atmosphère humide et/ou
Akubuiro [21] a défini un mécanisme probable d’oxydation de la basique, il se forme de la 2,3-butanedione (produit V) et de l’eau.
méthyl éthyl cétone adsorbée sur charbon actif (figure 4) [21] à L’acétaldéhyde peut s’oxyder en acide acétique et la 2,3-buta-
partir de l’identification des produits d’oxydation. nedione peut aussi former de l’acide acétique. Une poursuite de
L’attaque du carbone en α de la fonction carbonyle conduit à la l’oxydation résulte en la formation de monoxyde de carbone, de
formation de α-hydroperoxyde méthyl éthyl cétone (produit II). dioxyde de carbone et de vapeur d’eau issue de la combustion du
Sous des conditions oxydantes fortes, la rupture des liaisons C—C système. Henning et al. [23] trouvent également les mêmes

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 3 930 – 5

WS

WT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYSU

Réduction des dioxines, furannes


et polychlorobiphényls

par Pierre LE CLOIREC


Professeur
Directeur du département Systèmes Énergétiques et Environnement

École des Mines de Nantes
et Alain LAPLANCHE
Professeur
Directeur du laboratoire Chimie des Nuisances et Génie de l’Environnement
École Nationale Supérieure de Chimie de Rennes

1. Structures et caractéristiques des molécules ................................. J 3 935 – 2


2. Sources et impacts.................................................................................. — 3
2.1 Sources......................................................................................................... — 3
2.2 Évolutions temporelles et sectorielles ....................................................... — 4
2.3 Effets sur la santé. Impacts sur l’environnement...................................... — 5
3. Métrologie.................................................................................................. — 5
3.1 Échantillonnage et préconcentration ......................................................... — 5
3.2 Séparation, identification et quantification ............................................... — 7
3.3 Quelques exemples d’analyses sur sites industriels................................ — 7
4. Procédés de traitements disponibles................................................. — 9
4.1 Réduction à la source : contrôle du cœur du procédé ............................. — 9
4.2 Dépoussiérage ............................................................................................. — 10
4.3 Traitement des fumées par adsorption...................................................... — 10
4.3.1 Charbon actif. Coke de lignite............................................................ — 10
4.3.2 Mélange charbon actif-chaux ............................................................ — 11
4.3.3 Zéolithes .............................................................................................. — 11
4.3.4 Procédé par voie humide : absorption – adsorption ....................... — 11
5. De nouvelles technologies .................................................................... — 12
5.1 Catalyse sélective ........................................................................................ — 12
5.2 Catalyse humide .......................................................................................... — 12
5.3 Plasma .......................................................................................................... — 12
6. Approche technico-économique .......................................................... — 12
7. Conclusions. Perspectives .................................................................... — 13
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. J 3 935

a pollution et les émissions polluantes sont au centre des préoccupations


L quand on parle de risque pour la santé [1]. Les émissions de dioxines, du fait
en particulier de la combustion des déchets ménagers, ont défrayé la chronique.
Les médias se sont fait les relais privilégiés des populations voisines des usines
d’incinération d’ordures ménagères ou des consommateurs de viande de
poulets dont les teneurs en dioxines dépassaient les normes réglementaires
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPPU

en vigueur.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur J 3 935 − 1

WU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYSU

RÉDUCTION DES DIOXINES, FURANNES ET POLYCHLOROBIPHÉNYLS _____________________________________________________________________________

L’accident de Seveso en Italie est aussi dans toutes les mémoires. En effet, la
toxicité de ces molécules polyaromatiques chlorées n’est plus à démontrer [2]
[3].
Des études sur des populations ayant subit des déversements massifs de pro-
duits défoliants, l’agent orange contenant des dioxines à raison de 0,1 à 60 ppm,
lors de la guerre du Vietnam, ont montré des effets néfastes sur la santé
humaine. Ces molécules de dioxines (PCCD), furannes (PCDF) et polychlorobi-
phényles (PCB), de structures complexes, sont trouvées en particulier dans les
émissions gazeuses industrielles ou domestiques soit adsorbées sur des pous-
sières, soit à faibles concentrations dans les fumées. On les retrouve alors dans
l’atmosphère avec des produits apparentés ou autres formant la famille des pro-

R duits organiques persistants (POP) [4].


Ce dossier tente de présenter succinctement la problématique générale des
dioxines furannes et PCB dans les émissions gazeuses. Aussi, il est divisé en
quatre parties présentant les structures et les caractéristiques de ces molécules,
les sources et l’impact sur la santé humaine (la réglementation spécifique est à
ce niveau rappelée), les méthodes d’échantillonnages et d’analyses principale-
ment dans l’air et enfin les principales technologies disponibles de dépollution
des fumées.

1. Structures faibles concentrations dans les phases gazeuses. Pour mémoire, un


composé organique est considéré comme volatil si P V ⭓ 10 Pa [28]
et caractéristiques [29] ;
— sa solubilité dans l’eau est très faible. Par contre, cette molé-
des molécules cule est connue pour être soluble dans les lipides, ce qui implique
une potentialité d’évolution le long de la chaîne alimentaire (en par-
ticulier par le lait de vache) et donc une accumulation dans les mas-
Les molécules de dioxines, furannes et polychlorobiphényles sont ses graisseuses chez l’homme. Une transmission de ce type de
formées de deux cycles aromatiques pontés ou non par des oxygè- produits vers les nourrissons via le lait maternel est de ce fait possible ;
nes et substitués par des chlores dont le nombre peut varier de 1 à 8 — en raison de la présence des noyaux aromatiques (réservoirs
(tableau 1). Il existe donc, en fonction des positions et du nombre de donneurs – accepteurs d’électrons), ces molécules pourront générer
chlore, différents congénères soit 75 dioxines (PCDD), 135 furannes des interactions électrostatiques avec des solides et ainsi s’adsorber
(PCDF) et 209 polychlorobiphényles (PCB) dont la toxicité est très sur leur surface.
variable suivant la structure moléculaire. On estime que 29 d’entre (0)

elles (7 PCCD, 10 PCDF et 12 PCB-type-dioxine) sont toxiques. On


donne des facteurs de pondération à ces composés (I-TEF : Interna- Tableau 1 – Noms et structures des dioxines,
tional Toxicity Equilavent Factor) présentés sur le tableau 2. Ces furannes et pyralènes (PCB)
coefficients permettent dans un mélange de dioxines, furannes et
PCB dosés quantitativement de déterminer la teneur en équivalent Nom Formule développée (1) Observations
toxiques de l’échantillon (I-TEQ : International Toxicity Equivalent
Dioxines n ∈ [ 1,8 ]
Quantity) (cf. § 3.2). La 2,4,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxines, cancé- 9 1
O
rigène chez l’homme, est la plus dangereuse. Polychlorodibenzo- 8 2
p-dioxines
Cette molécule a été la plus caractérisée et étudiée (tableau 3) [5]. 7
O
3
À partir de sa structure quelques propriétés macroscopiques peu- PCDD 6 4
Cln Cln
vent être énoncées :
— la symétrie structurelle de la molécule lui donne une certaine
Furannes n ∈ [ 1,8 ]
stabilité physico-chimique et thermique. Cette molécule est non bio- 9 1
dégradable et seule l’oxydation thermique, la thermo-catalyse par Polychlorodibenzo- 8 2
l’oxyde de ruthénium (ReO4) par exemple ou par l’ozone peut la p-furannes
7 3
dégrader. On estime que pour détruire totalement sous atmosphère O
PCDF 6 4
inerte la 2,4,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine, il faut 6 mois à Cln Cln
T = 300 °C, moins d’une seconde à T = 1 000 °C et de l’ordre de la
milliseconde à 1 200 °C. On retrouvera donc ces dioxines et Pyralènes n ∈ [ 1,10 ]
furannes dans le milieu naturel soit sous leur forme originelle du fait
Polychlorobiphényls 3 2 2’ 3’
de leur déposition (état particulaire), soit sous la forme de sous-
1 1’
produits de décomposition photochimique comme le montre sa PCB 4 4’
durée de vie dans l’atmosphère (> 5 jours) ; Cln 5 6 6’ 5’ Cln
— sa masse volumique relativement importante conforte la
caractéristique de stabilité physico-chimique et biologique ;
— la valeur de la pression de vapeur saturante (PV) montre que le (1) Les numéros sur les carbones permettent de définir les différents
composé est très peu volatil. On ne le retrouvera donc qu’à de isomères

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
J 3 935 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

WV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYSU

____________________________________________________________________________ RÉDUCTION DES DIOXINES, FURANNES ET POLYCHLOROBIPHÉNYLS

(0)

Tableau 2 – Facteur international d’équivalent toxique pour 17 dioxines et furannes et pour 12 PCB
NATO/CCMS (1) OMS (2) Union
Nom
(1988) (1997) européenne (3)

Dioxines (PCDD)
2,4,7,8-Tétrachlorodibenzo-p-dioxine 1 1 1
1,2,3,7,8-Pentachlorodibenzo-p-dioxine 0,5 1 0,5
1,2,3,4,7,8-Hexachlorodibenzo-p-dioxine 0,1 0,1 0,1


1,2,3,6,7,8-Hexachlorodibenzo-p-dioxine 0,1 0,1 0,1
1,2,3,7,8,9-Hexachlorodibenzo-p-dioxine 0,1 0,1 0,1
1,2,3,4,6,7,8-Heptachlorodibenzo-p-dioxine 0,01 0,01 0,01
Octochlorodibenzo-p-dioxine 0,001 0,0001 0,001
Furannes (PCDF)
2,3,7,8-Tétrachlorodibenzo-p-furanne 0,1 0,1 0,1
2,3,4,7,8-Pentachlorodibenzo-p-furanne 0,5 0,5 0,5
1,2,3,7,8-Pentachlorodibenzo-p-furanne 0,05 0,05 0,05
1,2,3,4,7,8-Hexachlorodibenzo-p-furanne 0,1 0,1 0,1
1,2,3,7,8,9-Hexachlorodibenzo-p-furanne 0,1 0,1 0,1
1,2,3,6,7,8-Hexachlorodibenzo-p-furanne 0,1 0,1 0,1
2,3,4,6,7,8-Hexachlorodibenzo-p-furanne 0,1 0,1 0,1
1,2,3,4,6,7,8-Heptachlorodibenzo-p-furanne 0,01 0,01 0,01
1,2,3,4,7,8,9-Heptachlorodibenzo-p-furanne 0,01 0,01 0,01
Octochlorodibenzo-p-furanne 0,001 0,001 0,001
Polychlorobiphényls (PCB)
3,4,4’,5-Tétrachlorobiphényl 0,0001
3,3’,4,4’-Tétrachlorobiphényl 0,0001
3,3’4,4’,5-Pentachlorobiphényl 0,1
3,3’,4,4’,5,5’-Hexachlorobiphényl 0,01
2,3,3’,4,4’-Pentachlorobiphényl 0,0001
2,3,4,4’,5-Pentachlorobiphényl 0,0005
2,3’,4,4’,5-Pentachlorobiphényl 0,0001
2’,3,4,4’,5-Pentachlorobiphényl 0,0001
2,3,3’,4,4’,5-Hexachlorobiphényl 0,0005
2,3,3’,4,4’,5’-Hexachlorobiphényl 0,0005
2,3’,4,4’,5,5’-Hexachlorobiphényl 0,00001
2,3,3’,4,4’,5,5’-Heptachlorobiphényl 0,0001
(1) NATO/CCMS: North Atlantic Treaty Organization/Committee on Challenges to Modern Society
(2) OMS : Organisation mondiale de la Santé
(3) Union européenne (voir directives 2000/76/CE du 4 décembre 2000)

2. Sources et impacts le chlorobenzène) ou suivant la synthèse de novo. Cette dernière


serait prépondérante dans les systèmes de combustion car la réac-
tion serait plus rapide. Elle s’effectuerait à des températures variant
de 300 à 700 °C et impliquerait divers mécanismes possibles :
2.1 Sources
— à partir de précurseur organochlorés (300 < T < 700 °C) ;
Le lecteur pourra se reporter aux références [2] [21] et [22]. — à partir de composés organiques non chlorés, avec du chlore
Les dioxines, furannes et PCB sont soit présents initialement dans en présence d’un catalyseur métallique comme du cuivre
les combustibles et non dégradés thermiquement, soit synthétisés (250 < T < 450 °C) ;
lors de combustions industrielles ou naturelles. Au laboratoire, ils — par recombinaison de fragments de molécules organiques
ont été produits à partir de précurseurs (tels que le chlorophénol et chlorées.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur J 3 935 − 3

WW

WX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTU

Traitement des COV par un procédé


hybride adsorption-ozonation


par Marie-Hélène MANÉRO
Docteur-ingénieur, Professeur des universités
Laboratoire génie chimique, Toulouse, France
Pierre MONNEYRON
Docteur-Ingénieur, Maître de conférences, IM2I, Bordeaux, France
et Nicolas BRODU
Docteur-Ingénieur
Laboratoire GEPEA, Saint-Nazaire, France

Cet article est la version actualisée de l’article [IN 34] intitulé « Traitement sélectif de l’air
industriel pollué en COV par un procédé hybride adsorption-ozonation » redigé par
Marie-Hélène MANÉRO et Pierre MONNEYRON et paru en 2005.

1. Contexte réglementaire et technologique : objectifs ................. J 3 945 - 2


1.1 Composés organiques volatils................................................................. — 2
1.2 Techniques de traitement......................................................................... — 3
2. Montage d’une unité de traitement
par adsorption-ozonation.................................................................... — 4
1.2 Principe de fonctionnement ..................................................................... — 3
2.2 Choix des matériaux adsorbants ............................................................. — 4
2.3 Prototype expérimental ............................................................................ — 4
3. Essais de purification d’air chargé en COV ................................... — 6
3.1 Interaction ozone/zéolithes....................................................................... — 6
3.2 Étude du cycle adsorption/ozonation ...................................................... — 7
3.2.1 Faisabilité du procédé...................................................................... — 7
3.2.2 Influence de la structure de la zéolithe
sur la performance du procédé ..................................................... — 8
3.2.3 Exemple d’oxydation sélective ....................................................... — 8
4. Conclusion. Perspectives.................................................................... — 9
5. Glossaire .................................................................................................. — 9
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 3 945

armi les nombreux polluants identifiés dans les problématiques de pollu-


P tions atmosphériques, on trouve les composés organiques volatils (COV).
Ce sont des composés qui sont naturellement à l’état gazeux ou qui s’éva-
porent facilement à température et pression ambiante. Trente-six pour cent
des émissions de COV proviennent de l’industrie manufacturière, essentiel-
lement du fait de l’utilisation de solvants, dégraissants, conservateurs...
Les nuisances occasionnées par ces émissions peuvent être directes (risques
toxicologiques) et indirectes (pollution photochimique). Afin de lutter contre
ces pollutions, un certain nombre de protocoles, de directives et de lois ont été
mis en place au niveau international, européen et national. Ainsi, les acteurs
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPQV

des différents secteurs industriels concernés ont fait des efforts importants
pour diminuer l’utilisation de solvants et pour favoriser les opérations de recy-
clages des COV. Mais l’approche de type « technologie propre » ne suffit pas
toujours et souvent il est nécessaire de capter ces rejets et de les traiter.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 3 945 – 1

WY
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTU

TRAITEMENT DES COV PAR UN PROCÉDÉ HYBRIDE ADSORPTION-OZONATION _________________________________________________________________

Les techniques de traitement classiques disponibles sur le marché sont clas-


sées en deux familles :
– les procédés dits « récupératifs », comprenant les procédés par
absorption, adsorption, condensation et les procédés membranaires ;
– les procédés dits « destructifs », comprenant les oxydations ther-
miques et catalytiques, les traitements biologiques, les procédés
photocatalytiques et l’absorption avec réaction chimique.
Le choix d’un traitement adéquat dépend de nombreux facteurs : le débit et
la concentration en COV, la nature des molécules, la complexité du mélange et
bien sûr du coût de sa mise en place et de son utilisation. Ces procédés se


heurtant souvent à des limitations, technologiques ou économiques, de nou-
veaux procédés émergent. Ainsi, les procédés d’oxydation avancée (POA) font
l’objet de recherches accrues depuis quelques années. Leur but est de créer
des espèces oxydantes (oxygène atomique, radicaux hydroxyles...) très réac-
tives et peu sélectives par rapport à la nature des COV. L’ozone peut être une
source de ces espèces oxydantes.
Le procédé développé ici est un procédé hybride, associant le couplage de
deux techniques – l’adsorption sur zéolithes et l’oxydation par ozone – en
un seul et même réacteur, à pression et température ambiantes. Le choix de
l’adsorbant s’est porté sur des zéolithes du fait de leur stabilité chimique et
thermique. Plus précisément, des zéolithes hydrophobes ont été choisies afin
de s’affranchir des problèmes d’humidité des effluents à traiter. Lors de la
phase d’adsorption, les COV sont piégés en continu dans la matrice poreuse
constituée par des zéolithes. Un courant d’air ozoné est envoyé séquentielle-
ment dans le réacteur pour oxyder les COV adsorbés et régénérer le matériau.
L’oxydation étant réalisée à température ambiante, la formation de sous-pro-
duits toxiques tels que les oxydes d’azote et les dioxines peut être évitée. Tous
les types de composés organiques volatils peuvent a priori être traités par ce
procédé. Les secteurs d’activité concernés sont donc tous les secteurs utilisa-
teurs de COV avec des émissions plus ou moins diffuses : application de
peintures ou revêtements, colles, adhésifs, imprimeries, utilisateurs de pompes
à vide à anneau liquide, évents, pertes...
Le procédé devrait être relativement compact et pourrait donc s’adapter dans
les ateliers où la surface au sol est limitée. Enfin, sa simplicité et son automati-
sation potentielle constituent des critères intéressants pour une mise en place
industrielle.
Cet article rappelle dans un premier temps la problématique des COV, le
contexte réglementaire international, les directives en cours en France et l’état
de l’art technologique actuel. Dans un deuxième temps, le procédé de traite-
ment est développé : son principe théorique et technique et les différents
solides testés. Enfin, les résultats des essais en laboratoire sont détaillés : les
interactions entre l’oxydant et les différentes matrices poreuses, la sélectivité
du traitement et le fonctionnement en séquences adsorption puis ozonation.
Une estimation du coût de traitement est finalement présentée.

Symbole Unité Description 1. Contexte réglementaire


COV Composé organique volatil et technologique :
kg/m3
DCO
FAU
Demande chimique organique
Zéolithe du type faujasite
objectifs
MEC Méthyléthylecétone

MIN %
Efficacité de minéralisation 1.1 Composés organiques volatils
du toluène en CO2
MOR – Zéolithe du type mordenite La réduction de la pollution atmosphérique, devenue une problé-
matique internationale depuis une trentaine d’années, a fait l’objet
Sil-Z – Zéolithe du type silicalite de plusieurs protocoles [G 1 700].

J 3 945 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

XP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTU

__________________________________________________________________ TRAITEMENT DES COV PAR UN PROCÉDÉ HYBRIDE ADSORPTION-OZONATION

ment français a mis en place la taxe générale sur les activités


Protocoles polluantes (TGAP) en 2000. Pour les émissions de COV, elle
– Convention-cadre de Genève en 1991 s’élève à 139,57 € par tonne en 2015. Notons que d’autres pays
– Convention-cadre de Rio de Janeiro en 1992 ont mis en place des taxes plus onéreuses, ainsi en Suisse la taxe
avoisine 2 700 € par tonne.
– Protocole de Kyoto en 1997
– Protocole de Göteborg en 1999 (modifié en 2012)
Exemples de COV
Parmi les principaux types de polluants identifiés se trouvent les
composés organiques volatils (COV) dont les effets directs Chlorés (chlorure de méthylène, perchloréthylène) :
(cancérigènes ou mutagènes) et indirects sur l’environnement et la dégraissage des métaux, imprimerie, nettoyage à sec.
santé sont unanimement reconnus. Ainsi, ces composés sont forte-


Hydrocarbures aromatiques (toluène, benzène) : plastiques,
ment susceptibles de conduire à la formation d’ozone à travers la
imprimerie, peintures.
modification du cycle de Chapman [1].
Hydrocarbures aliphatiques (heptane, octane) : pétro-
chimie, peintures.

D’après l’arrêté ministériel français du 2 février 1998 modifié, Cétones et aldéhydes (formaldéhyde, acétaldéhyde) :
est défini comme COV non méthanique (COVNM) « tout colles et adhésifs, peintures.
composé organique ayant une pression de vapeur de 0,01 kPa Esters (acétate d’éthyle) : films et emballages.
ou plus à une température de 293,15 K ou ayant une volatilité
correspondante dans des conditions d’utilisation
particulières ».

1.2 Techniques de traitement


La réglementation nationale et internationale ne cesse de se
durcir [G 1 510] et le protocole en vigueur (Göteborg amendé en Deux grandes familles de procédés existent sur le marché actuel :
2012) engage la France à réduire ses émissions de COVNM de
43 % en 2020 par rapport à 2005. Afin d’atteindre cet objectif, la – d’une part les procédés destructifs, conduisant à une oxyda-
France impose aujourd’hui une limite de rejet exprimée en car- tion totale ou partielle des composés (épuration biologique, oxyda-
bone organique total de 110 mg/m3 pour tout flux horaire supé- tion thermique et catalytique) ;
rieur à 2 kg/h. La concentration limite peut être abaissée jusqu’à – d’autre part les procédés permettant la récupération éven-
2 mg/m3 pour certains composés cancérigènes et affinée dans le tuelle du composé (adsorption, absorption, condensation et tech-
cas d’activités polluantes identifiées. Un bilan annuel des émis- niques membranaires), dans le cas d’un effluent monosolvant,
sions de COVNM est effectué par le Centre interprofessionnel tech- puisque les effluents multicomposés se heurtent au problème de la
nique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA), en séparation [1] [J 3 918].
fonction de différentes sources et de différents secteurs industriels.
Ce bilan montre que les émissions en COV ont globalement dimi- Les techniques qui s’adaptent bien aux faibles concentrations
nué de 73 % depuis 1990 passant de 2 600 à 758 kt en 2013. Le sec- sont peu nombreuses. L’adsorption en fait partie, présentant égale-
teur des transports, largement prépondérant en 1990 avec plus de ment l’avantage d’être peu sensible aux variations de débit et à la
40 % des émissions, a fortement réduit ses rejets par une politique nature des composés [1] [2]. La mise en œuvre industrielle d’un
de contrôle au niveau des flux d’approvisionnement, mais égale- procédé d’adsorption se fait classiquement à l’aide de deux
ment par la généralisation de l’usage du pot catalytique des contacteurs en parallèle pour avoir un traitement continu de
automobiles individuelles. Les secteurs résidentiel et industriel, l’effluent pollué [J 2 730]. Ce procédé donne de bons résultats,
avec notamment l’industrie manufacturière de la peinture et des mais le développement de son utilisation est parfois contraint par
solvants, sont aujourd’hui les principales sources de rejets avec deux aspects :
respectivement 300 et 242 kt/an. Des efforts de réduction doivent – le matériau le plus utilisé, le charbon actif, est potentiellement
être poursuivis dans ces secteurs pour atteindre les objectifs fixés inflammable (au-delà de 150 g/m3) et son efficacité d’adsorption
par la réglementation. est sensiblement perturbée par l’humidité de l’effluent [3] ;
– la régénération du matériau adsorbant par désorption induit
des dépenses énergétiques importantes, les méthodes actuelles
étant l’utilisation de fluides chauds (air chaud ou vapeur d’eau sur-
Pour en savoir plus sur les COV, la réglementation des pol- chauffée – à raison de 3 à 5 kg de vapeur par kg de COV en
luants atmosphériques, consulter les articles [G 1 700] moyenne) et la mise en dépression de la colonne puis surpression
[J 3 921] [G 1 835] [G 1 836] [G 1 510] ainsi que le site internet [IN 23] [J 3 930].
de la CITEPA, de l’ADEME et du ministère de l’écologie et du
développement durable.
Différentes méthodes de traitements des COV sont détaillées
dans les articles [BE 8 856] [G 1 170] [G 1 835] [J 2 730]
L’annexe III de l’arrêté 2 du 2 février 1998 modifié, dresse la liste [J 3 918] [J 3 921] [P 2 614].
de certains composés organiques cancérigènes qui font l’objet
d’un régime particulier. Les composés halogénés classés cancéri-
gènes, mutagènes ou toxiques (phrases de risque apposées, R 45, La conception et la faisabilité d’un procédé basé sur l’utilisation
R 46, R 49, R 60 ou R 61 ) sont également soumis à une réglementa- conjointe de deux techniques, l’adsorption et l’oxydation par
tion spécifique. l’ozone en voie gazeuse, a été évaluée pour réduire les émissions
de COV issus des rejets de petites et moyennes installations, pour
Afin d’inciter les industriels à réduire leurs émissions polluantes des débits inférieurs à 5 000 m3/h et de faibles concentrations (de
en utilisant notamment des procédés de traitement, le gouverne- l’ordre du g/m3).

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 3 945 – 3

XQ

XR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTS

Traitement anaérobie des effluents


industriels liquides

par Diana GARCIA-BERNET


Ingénieur de recherche
Laboratoire de biotechnologie de l’environnement INRA, Narbonne, France
Jean-Philippe STEYER
Directeur de recherche
Laboratoire de biotechnologie de l’environnement INRA, Narbonne, France
et Nicolas BERNET
Directeur de recherche
Laboratoire de biotechnologie de l’environnement INRA, Narbonne, France

Cet article est la réédition actualisée de l’article [J 3 943] intitulé « Méthanisation des
effluents industriels liquides » paru en 2007, rédigé par Sylvain FRÉDÉRIC et Aurélien
LUGARDON

1. Principe de méthanisation : flux métabolique


et microbiologie.................................................................................... J 3 943v2 - 2
1.1 Hydrolyse et acidogenèse ....................................................................... — 3
1.2 Acétogenèse ............................................................................................. — 3
1.3 Méthanogenèse........................................................................................ — 3
1.4 Autres réactions ....................................................................................... — 3
2. Technologies de méthanisation des effluents industriels........ — 4
2.1 Contraintes de mise en œuvre de la méthanisation ............................. — 4
2.2 Différentes technologies de méthanisation ........................................... — 7
3. Mise en œuvre industrielle de la méthanisation
des effluents .......................................................................................... — 10
3.1 Dimensionnement d’une installation de méthanisation....................... — 10
3.2 Contrôle automatique d’une installation de méthanisation ................. — 12
3.3 Production et valorisation du biogaz...................................................... — 13
3.4 Coût d’investissement et de fonctionnement........................................ — 14
3.5 Intégration dans une filière de traitement ............................................. — 14
4. Exemples industriels ........................................................................... — 14
4.1 Digesteur infiniment mélangé ................................................................ — 14
4.2 Digesteur UASB ....................................................................................... — 16
4.3 Digesteur à lit fixe .................................................................................... — 18
5. Conclusion.............................................................................................. — 18
6. Glossaire ................................................................................................. — 18
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. J 3 943v2

a digestion anaérobie ou méthanisation est un processus biologique


L naturel qui, réalisé au sein de procédés maîtrisés, permet de traiter effica-
cement la pollution organique et de produire du biogaz dont le composé
majoritaire, le méthane, peut être valorisé énergétiquement sous forme
d’électricité, de chaleur, de GNV ou être injecté dans le réseau de gaz naturel.
Appliquée d’abord à la valorisation des sous-produits d’élevage, la méthanisa-
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQW

tion est aujourd’hui largement utilisée pour l’épuration et la valorisation des


effluents industriels chargés en matière organique.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 3 943v2 – 1

XS
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTS

TRAITEMENT ANAÉROBIE DES EFFLUENTS INDUSTRIELS LIQUIDES __________________________________________________________________________

La méthanisation transforme la matière organique, sous forme soluble ou


solide, conduisant à la formation de biogaz, mélange gazeux composé principa-
lement de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2). Elle est réalisée en
absence d’oxygène par une communauté microbienne diverse dans des écosys-
tèmes naturels variés : les sédiments marins et d’eau douce, les tractus digestifs
d’animaux, les décharges, les sols, etc. Elle est notamment à l’origine de phéno-
mènes spontanés tels que les feux follets ou les émissions de gaz des marais.
Le biogaz issu de la méthanisation est un mélange inflammable qui peut
contenir, en plus du CH4 (50 à 70 % en volume) et du CO2 (25 à 45 % en
volume), des quantités variables de vapeur d’eau, de H2S et de traces d’H2 et
d’autres composés minoritaires.

R Valorisé, le biogaz est une source d’énergie renouvelable dans la mesure où


il est issu de matières organiques d’origine végétale ou animale, dont les
cycles de renouvellement sont courts. Utilisée au service de l’Homme, la
méthanisation s’avère être un outil efficace de réduction des pollutions orga-
niques et de production d’énergie.
Sa première application, qui reste à l’heure actuelle la plus importante en
nombre d’unités, a été la valorisation énergétique à la ferme des sous-produits
d’élevage et de l’agriculture. Des pays tels que l’Allemagne ou la Chine
comptent de très nombreuses sources délocalisées d’énergie sous forme de
biogaz agricole.
Depuis le début des années 1970, de nombreux travaux de recherche et de
développement dans le domaine de la méthanisation ont contribué à une
application toujours plus performante du processus à l’épuration et à la valori-
sation des effluents industriels chargés en matière organique. Le
succès de l’application de la méthanisation au traitement des eaux usées
industrielles tient particulièrement au fait qu’elle engendre une production
nette d’énergie, contrairement aux procédés d’épuration aérobies classiques
dont l’aération requiert de fortes dépenses électriques. Un autre avantage de la
méthanisation est la faible production de boues comparativement aux stations
aérobies. Enfin, le traitement anaérobie des effluents s’effectue généralement à
plus forte charge que les procédés aérobies, ce qui permet une réduction de
l’encombrement des ouvrages.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes et expressions
importants de l’article.

Symbole Développé 1. Principe de méthanisation :


AGV Acide gras volatil flux métabolique
BMP Biochemical Methane Potential et microbiologie
CMV Compression mécanique à la vapeur
CNTP/STP Conditions normales de température et pression La digestion anaérobie ou méthanisation est une réaction
(standard temperature and pressure) de dégradation de la pollution organique. Par matière polluante
organique, on entend matière constituée de molécules conte-
DBO Demande biochimique en oxygène nant des liaisons carbone-hydrogène (C—H). L’objectif de la
DCO Demande chimique en oxygène digestion anaérobie est de minéraliser le carbone provenant de
molécules complexes, en phase liquide ou solide, en méthane
EGSB Expanded Granular Sludge Blanket (CH4) et gaz carbonique (CO2) présents dans le biogaz [12].
GNV Gaz naturel véhicule
Le processus de digestion anaérobie est effectué en plusieurs
MES Matières en suspension étapes biochimiques correspondant à l’action de différents
groupes de micro-organismes. En réalité, ces groupes de micro-
MS Matière sèche organismes, présents dans le digesteur grâce à l’ensemencement
PCI Pouvoir calorifique inférieur réalisé lors du démarrage de l’installation, interagissent entre eux
pour leurs besoins physiologiques. Ils sont étroitement interdépen-
TAC Titre alcalimétrique complet dants les uns des autres, à des degrés divers, allant jusqu’à la
dépendance obligatoire, c’est-à-dire ne pouvant pas vivre l’un sans
UASB Upflow Anaerobic Sludge Blanket l’autre.

J 3 943v2 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

XT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTS

___________________________________________________________________________ TRAITEMENT ANAÉROBIE DES EFFLUENTS INDUSTRIELS LIQUIDES

que les AGV, en hydrogène et en dioxyde de carbone. Les bacté-


Polymères ries impliquées dans ces réactions d’acidogenèse ont des temps
(protéines, lipides, glucides…) de réplication très courts (de trente minutes à quelques heures). Les
Bactéries hydrolytiques bactéries du genre Clostridium constituent souvent une fraction
importante de la population anaérobie qui participe à l’étape
Hydrolyse et Monomères d’acidogenèse, bien que d’autres groupes bactériens comme les
acidogenèse (monosaccharides, acides aminés…) Enterobacteriaceae, Bacteroides, Bacillus soient également présents.
Bactéries acidogènes En condition dite de « surcharge organique », c’est-à-dire lorsque la
quantité de matière organique introduite dépasse la capacité de trai-
Acides gras volatils, tement de la biomasse microbienne présente dans le réacteur, le
acides organiques, alcools… métabolisme plus rapide de ce groupe de bactéries, en comparaison
Acétogenèse aux autres groupes de micro-organismes, entraîne une accumula-
tion d’intermédiaires de la réaction de méthanisation tels que les


Bactéries acétogènes
Acétate CO2 + H2 AGV et l’hydrogène. Ces métabolites, plus particulièrement les AGV,
Bactéries homoacétogènes ont un effet inhibiteur sur les micro-organismes acétogènes et
Archaea Archaea méthanogènes et peuvent être responsables de l’arrêt de la diges-
Méthanogenèse méthanogènes méthanogènes tion anaérobie. Ces deux premières étapes sont le fait de bactéries
acétoclastes hydrogénotrophes mixtes aérobies et anaérobies.
CH4 + CO2 CH4

Figure 1 – Schéma métabolique des composés organiques 1.2 Acétogenèse


lors de la digestion anaérobie
Les intermédiaires métaboliques produits lors de l’acidogenèse
(AGV, alcools, acides organiques, CO2, H2) sont transformés en
Selon un consensus général, les auteurs s’accordent pour acétate, H2 et CO2, par deux groupes de bactéries :
décrire la méthanisation en 3 ou 4 étapes majeures (figure 1) – les acétogènes productrices obligées d’hydrogène (APOH) qui
[27] : produisent de l’acétate, de l’hydrogène et du dioxyde de carbone ;
– hydrolyse des composés organiques complexes ; – les homoacétogènes du groupe 1, qui produisent de l’acétate
– acidogenèse des monomères en acides gras (majoritairement par la réduction de H2 et de CO2, ou du groupe 2, qui produisent
des acides gras volatils) en certains acides organiques (lactate, de l’acétate à partir d’AGV et d’alcool.
succinate), en alcools (éthanol), en hydrogène et dioxyde de Les vitesses réactionnelles d’acétogenèse sont généralement
carbone ; lentes et dépendantes de la concentration en H2 qui modifie l’équi-
– acétogenèse qui conduit, à partir des produits de l’hydrolyse libre thermodynamique des réactions impliquées dans cette étape.
ou de l’acidogenèse, à la formation d’acétate, de H2 et de CO2 ; L’association entre les bactéries productrices obligées d’H2 et les
– méthanogenèse stricto sensu qui, à partir de H2 et de CO2 ou méthanogènes est la clef de voûte de la réaction globale de méthani-
de l’acétate, conduit à la formation de méthane. sation. En effet, les réactions des APOH sont thermodynamiquement
défavorables dans les conditions habituelles de méthanisation (pH
Les deux premières étapes peuvent être regroupées en une
neutre, température mésophile et pression proche de la pression
seule car elles sont réalisées par les mêmes communautés micro-
atmosphérique) et les produits de la réaction doivent donc être en
biennes.
très faibles concentrations (H2 sous la pression partielle de 10–4 atm
Si nous nous basons sur la dégradation du glucose, cela soit 100 ppm volume en conditions mésophiles, 35 à 40 °C) pour per-
conduit à la réaction globale suivante : mettre la réaction. Cela est réalisé grâce à la présence de micro-orga-
nismes utilisateurs d’H2 comme les méthanogènes et
(1) homoacétogènes [26].

Contrairement aux réactions aérobies qui s’accompagnent d’un


fort dégagement de chaleur, les fermentations anaérobies ne sont 1.3 Méthanogenèse
que très faiblement exothermiques.
Lors de cette dernière étape, les produits de l’acétogenèse
(essentiellement acétate, formate, dioxyde de carbone et hydro-
1.1 Hydrolyse et acidogenèse gène) sont convertis en méthane. Les micro-organismes impli-
qués dans ces réactions appartiennent aux domaines des Archaea
Durant les premières étapes de la méthanisation, les bactéries et sont anaérobies strictes. Les méthanogènes utilisant l’acide
hydrolysent les substrats organiques (polysaccharides, protéines acétique pour former du méthane sont appelés acétoclastes ou
et lipides) en oligo ou monomères (monosaccharides, acides gras, acétotrophes (Methanosarcina, Methanosaeta) tandis que celles
acides aminés), généralement sous l’action des enzymes extracel- réduisant le CO2 par de l’hydrogène pour produire du méthane
lulaires et de l’eau. Cette transformation permet de rendre assimi- sont nommées hydrogénophiles. La voie acétoclaste peut utiliser
lable le substrat par les bactéries. Selon le substrat et la d’autres métabolites tels que le formate, le méthanol et les méthy-
température, les bactéries hydrolytiques intervenant dans ce lamines. On considère généralement que 70 % du méthane produit
processus sont différentes. L’étape d’hydrolyse est l’étape limi- provient de la voie acétoclaste.
tante dans le processus global de méthanisation par rapport aux
autres étapes, lorsque la matière organique présente est difficile-
ment hydrolysable (composés solides, substances de structure 1.4 Autres réactions
chimique particulière telles que les dérivés des industries Le seul impact de la méthanisation sur l’élimination de l’azote et
chimiques ou pharmaceutiques). Dans le cas de molécules du phosphore est lié à l’assimilation de ces éléments pour la crois-
solubles facilement hydrolysables, il faut contrôler cette étape pour sance des micro-organismes (boues) anaérobies. Étant donné les
éviter une acidification rapide. faibles rendements de croissance des micro-organismes anaéro-
Au cours de l’acidogenèse, les monomères issus de l’hydrolyse bies comparés à ceux des bactéries aérobies et les faibles propor-
sont métabolisés en acides gras volatils (AGV) (acétate, propionate, tions d’azote et de phosphore dans les boues, on estime l’impact
butyrate, isobutyrate, etc.), en alcools, en acides organiques autres dépolluant de la seule méthanisation sur ces pollutions comme

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés. J 3 943v2 – 3

XU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTS

TRAITEMENT ANAÉROBIE DES EFFLUENTS INDUSTRIELS LIQUIDES __________________________________________________________________________

étant inférieur à 5 % de la demande biologique en oxygène (DBO5)


éliminée. Cependant, il a été montré que les flores des digesteurs • Réduction dissimilatrice : réduction d’un composé inor-
présentent certaines capacités dénitrifiantes, ce qui peut permettre ganique sans incorporation dans la matière organique, par son
de réaliser des couplages réacteur anaérobie/station aérobie avan- utilisation comme accepteur final d’électrons (oxydant à la
tageux du point de vue du traitement de l’azote. Les réactions de place de l’oxygène) dans une respiration anaérobie [23].
nitrification et de déphosphatation conduisant à l’abattement de la
pollution azotée ou phosphorée n’ont en effet pas lieu dans les
réacteurs anaérobies et requièrent, pour s’effectuer, des milieux
aérés caractérisés par des potentiels d’oxydoréduction plus élevés.
D’autres réactions biochimiques peuvent se produire dans les
2. Technologies
conditions anaérobies et réductrices prévalant dans les digesteurs de méthanisation
anaérobies, certaines pouvant avoir des conséquences impor-
tantes sur les performances des méthaniseurs. des effluents industriels
R ■ Sulfato-réduction : en présence de sulfates, sulfites ou thiosul-
fates, une fraction de la matière organique sera transformée par 2.1 Contraintes de mise en œuvre
les bactéries sulfato-réductrices avec pour conséquence une de la méthanisation
production de H2S au détriment de la production de méthane :
2.1.1 Type d’effluents
(2)
Les applications principales de la méthanisation sur effluents sont
Étant donné qu’une molécule d’oxygène peut accepter 4 élec- liées au traitement des pollutions issues d’industries agroalimen-
trons, la capacité de 2 moles d’O2 équivaut à 1 mole de sulfate, soit taires, papetières, chimiques ou cosmétiques. En raison de leurs
0,67 g d’O2 par g de sulfate. La production de H2S au sein des caractéristiques, les effluents provenant de ces différentes industries
méthaniseurs, source de diverses complications dans la conduite peuvent présenter des difficultés de traitement particulières.
des installations, sera abordée dans la section suivante.
Exemple : effluents à haute teneur en sulfates, en azote, en
■ Réactions de transformation de l’azote : l’azote organique est
matières en suspension, en DCO (ou en DCO non biodégradable) ;
minéralisé en azote ammoniacal au cours de la digestion anaérobie.
effluents contenant des composés inhibiteurs pour les micro-orga-
La part d’azote assimilé par les micro-organismes est beaucoup plus
nismes ou bien effluents carencés en micro ou macronutriments.
faible que dans les procédés aérobies en raison des faibles rende-
ments de croissance observés en conditions anaérobies. Lorsque du
La majorité des effluents issus des industries agroalimentaires
nitrate est présent, il est généralement réduit en azote ammoniacal
sont considérés comme étant particulièrement aptes au traitement
par réduction dissimilatrice, la dénitrification en N2 ne pouvant se
anaérobie en raison de leurs caractéristiques : teneur en matière
produire que dans certains cas particuliers tels que des rapports
organique, rapport massique C/N équilibré, présence de macro et
massiques DCO/N-NO3 faibles ou de fortes concentrations en AGV.
micronutriments, absence de composés toxiques, etc.
Cette voie métabolique est à proscrire car elle restitue l’azote ammo-
niacal initial au lieu de l’éliminer sous forme de N2 [4]. Certaines molécules organiques synthétiques sont biodégra-
dables.
Par conséquent, dans les effluents contenant des accepteurs
d’électrons tels que le nitrate, le sulfite ou le sulfate, la production
Exemple : les effluents chargés en polyéthylène, en glycolate de
de méthane est diminuée car une partie de la DCO est déviée vers
sodium ou en acides organiques peuvent par exemple être traités effi-
ces réactions qui sont thermodynamiquement plus favorables que
cacement par méthanisation [9].
la méthanisation [5].

■ Réactions minoritaires : un certain nombre de molécules Des exemples d’industries et d’effluents sont donnés dans le
minoritaires, appelées également composés traces organiques, tableau 1 [28] ainsi que le nombre de méthaniseurs installés dans
peuvent être dégradés en conditions anaérobies par certains le monde par chaque type d’industrie.
groupes de micro-organismes. Ces réactions minoritaires peuvent
s’avérer importantes pour le traitement de certaines pollutions 2.1.2 Conditions physico-chimiques
(déhalogénation, hydrolyse de certains surfactants et HAP, etc.)
durant le processus de digestion anaérobie [2]. Les principaux facteurs physico-chimiques qui affectent le pro-
cédé de digestion anaérobie sont le pH, la température et le poten-
tiel d’oxydoréduction, mais d’autres conditions physico-chimiques
• Demande chimique en oxygène (DCO) : quantité d’O2 doivent être réunies pour que le processus de la méthanisation
nécessaire pour l’oxydation des substances organiques et puisse avoir lieu.
minérales (en présence d’un oxydant fort) présentes dans – pH : il peut affecter la croissance des micro-organismes et
l’effluent. La DCO s’exprime en mgO2 · L–1. La DCO est un bon l’activité enzymatique. Le pH optimal pour la digestion anaérobie
indicateur de la charge polluante d’un effluent et on l’utilise se situe entre 6,5 et 7,3.
par abus de langage pour quantifier la matière organique et
minérale d’un effluent. On parle de kgDCO · m–3 · j–1. – Potentiel d’oxydoréduction : la méthanisation se réalise en
anaérobiose stricte. Outre l’absence d’oxygène, le potentiel d’oxy-
• N-NO3 (azote nitrique) : azote dû aux nitrates (N-NO3 = doréduction doit être proche de – 330 mV vs ENH (électrode nor-
NO3 × 0,22). male à hydrogène).
• Demande biochimique en oxygène (DBO) : quantité
– Température : la méthanisation a lieu préférentiellement sur
d’O2 nécessaire pour oxyder par voie biologique les matières
les gammes de température mésophile (35 à 40 °C) ou thermophile
organiques biodégradables. Elle s’exprime en mgO2 · L–1 et est
(55 °C) (§ 3.1.2). Afin de maintenir ces températures dans l’enceinte
mesurée à 20 °C et à l’obscurité. En France, on parle de DBO5
du réacteur, une partie du biogaz produit par la réaction peut, le
car l’analyse standard est réalisée sur 5 jours. Pour être
cas échéant, être autoconsommée. Cette part d’autoconsommation
complète, l’analyse demande environ trois semaines à 20 °C.
du biogaz dépend directement de la température de l’effluent en
On obtient alors la DBO ultime ou DBO21. On parle aussi de
entrée du méthaniseur et de la concentration de l’effluent en pollu-
DCO biodégradable.
tion organique. En effet, plus l’effluent est concentré, plus la

J 3 943v2 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

XV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTS

___________________________________________________________________________ TRAITEMENT ANAÉROBIE DES EFFLUENTS INDUSTRIELS LIQUIDES

Tableau 1 – Installations de méthanisation dans le monde par type d’industrie en 2015 [28]
Réacteurs installés
Secteur industriel Type d’effluent
en 2007 (% du total)
Industries sucrière, laitière et fromagère, de la transformation de la
Agro-alimentaire pomme de terre et de fruits et légumes, de la production de levure, 36
d’acide citrique, de la conserverie et confiserie, boulangerie
Boissons Brasserie, malterie, softdrinks, vin, jus de fruits, café 29
Mélasses de canne, mélasses de betterave, distillerie de vin, distillerie
Alcool-distillerie 10
de grain et de fruits
Industrie de la pulpe et du papier

Autres
Recyclage du papier, pulpe, NSSC, bagasse
Industries chimique, pharmaceutique, minière, boues résiduaires,
11

14

lixiviats de décharge, etc.

production de biogaz est importante par rapport au volume de


liquide à réchauffer. En revanche, plus l’effluent est dilué, plus la En général, on admet que la méthanisation présente un inté-
production de biogaz est faible et le volume à chauffer important. Il rêt pour les DCO supérieures à 2 000 mgO2 · L–1 en ce qui
est à noter que certains effluents d’industries agroalimentaires concerne les effluents à température ambiante dans les pays
étant chauds du fait du procédé primaire les produisant, cela est tempérés. Dans les pays chauds, certains effluents plus dilués
très bénéfique pour l’installation d’un méthaniseur d’un point de (par exemple, les eaux usées urbaines au Brésil et au Mexique)
vue énergétique. peuvent faire l’objet de traitements par méthanisation [7].

2.1.3 Concentration et composition de l’effluent Les variations dans la composition ou les volumes d’effluents
produits (par exemple productions hebdomadaires sur 5 jours,
productions saisonnières ou sujettes à des variations importantes
dans la journée) doivent être prises en compte dès la conception
Pour qualifier la charge polluante de matière organique des
de l’installation, pour adapter le dimensionnement et les condi-
effluents à traiter, on utilise traditionnellement le rapport
tions d’opération du méthaniseur (§ 3.1.1).
DCO/DBO (cf. glossaire du § 6) qui est un bon indicateur de la
biodégradabilité d’un effluent : plus il est faible, plus l’effluent
est biodégradable. 2.1.4 Matières en suspension
La présence de matières en suspension dans l’effluent d’entrée a
des conséquences directes sur le choix du procédé de méthanisation,
Dans les effluents issus de l’industrie agroalimentaire, ce rapport
ainsi que sur le dimensionnement du réacteur. Il est tout d’abord rap-
est généralement inférieur à 2, ce qui traduit une pollution carbonée
pelé que les matières en suspension (MES) inertes ou organiques non
particulièrement biodégradable. Dans les eaux résiduaires domes-
biodégradables ne sont pas abattues par le procédé de méthanisa-
tiques, il est compris entre 2 et 2,5 [13], tandis que les effluents issus
tion. Les MES biodégradables sont constituées de grosses molécules
des industries telles que la chimie, pétrochimie et la pharmacie ont
organiques insolubles. Afin d’être assimilables par les micro-orga-
des valeurs plus élevées.
nismes des étapes d’acidogenèse, d’acétogenèse et de méthanoge-
nèse, ces molécules doivent préalablement subir une hydrolyse.
Si dans un effluent, toutes les matières organiques étaient bio-
Cette hydrolyse se réalise sous l’action combinée de l’eau et
dégradables le ratio DCO/DBO21 (pour DBO21, cf. glossaire du § 6)
d’enzymes spécifiques sécrétées par des bactéries hydrolytiques qui
devrait être égal à 1, mais ce n’est pas le cas des effluents indus-
permettent la catalyse de la réaction. Pour les effluents très chargés
triels, pour lesquels une fraction de la pollution organique est
en MES, l’hydrolyse est l’étape cinétiquement limitante de la métha-
réfractaire à la dégradation par voie biologique. On parle alors de
nisation. On en déduit que le temps de séjour d’un effluent très
DCO dure ou récalcitrante et sa proportion par rapport à la
chargé en MES doit être significativement plus long que celui d’un
DCO biodégradable peut varier en fonction de la nature de
effluent dont la DCO se trouve principalement sous forme soluble.
l’effluent.
La seconde conséquence de la présence de MES dans l’effluent
alimenté est d’ordre physique. L’abondance de MES, conjuguée à
Les sels quaternaires d’ammonium comme la bétaïne ne un temps de séjour ne permettant pas leur hydrolyse, conduit à
sont pas oxydés dans les conditions de l’analyse de DCO utili- leur accumulation en régime stationnaire. Cette accumulation peut
sant le bichromate de potassium [27], ce qui peut conduire à induire des phénomènes de colmatage, particulièrement dans les
sous-estimer la quantité de biogaz qui sera produite par m3 procédés à boues granulaires et à biomasse fixée.
d’effluent traité. Des prétraitements physico-chimiques tels que la sédimentation,
la filtration ou la flottation peuvent être utilisés pour diminuer la
Pour les effluents froids qui présentent de faibles teneurs en teneur en MES des effluents [1].
DCO, la méthanisation présente un bilan énergétique défavorable,
c’est-à-dire que le biogaz produit par la réaction est intégralement 2.1.5 Composés inhibiteurs
autoconsommé, voire qu’un apport extérieur de combustible est
nécessaire. En revanche, lorsque les effluents à traiter sont chauds Certaines molécules, au-delà de seuils de concentration détermi-
ou très chargés, le maintien de la température de réaction ne nés, peuvent entraîner des inhibitions de l’activité des micro-orga-
nécessite aucun apport extérieur d’énergie et une partie du biogaz nismes impliqués dans la méthanisation. Ces molécules
peut être récupérée pour les besoins du site et le reste est valorisé inhibitrices peuvent être apportées dans l’effluent d’entrée ou
à l’extérieur (§ 3.3.3). générées par les réactions biochimiques au sein du méthaniseur.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés. J 3 943v2 – 5

XW

XX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
nTXPU

Céramiques pour l’environnement :


filtres, membranes, adsorbants
et catalyseurs

par André AYRAL R


Professeur à l’Université Montpellier 2
Institut européen des membranes, CC047, Université Montpellier 2, France
Vasile HULEA
Professeur à l’École nationale supérieure de chimie de Montpellier
Institut Charles Gerhardt UMR 5253, CNRS/UM2/ENSCM/UM1, MACS, ENSCM, Montpel-
lier, France
Jean-Pierre JOULIN
Consultant
New Energy Consulting Services, Montpellier, France
et Anne JULBE
Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique
Institut européen des membranes, CC047, Université Montpellier 2, France

1. Membranes et filtres ............................................................................ N 4 805 - 2


1.1 Membranes pour la filtration des liquides à basse température .......... — 2
1.2 Filtres pour métaux fondus ...................................................................... — 5
1.3 Filtres pour le traitement des gaz ............................................................ — 7
2. Dispositifs catalytiques pour le traitement
des effluents gazeux ............................................................................ — 7
2.1 Sources mobiles........................................................................................ — 7
2.2 Sources stationnaires ............................................................................... — 11
3. Adsorbants céramiques pour la capture de gaz
et de vapeur ............................................................................................ — 12
4. Applications en cours de développement ...................................... — 12
4.1 Membranes pour la séparation de gaz.................................................... — 12
4.2 Réacteurs catalytiques à membranes ..................................................... — 14
5. Techniques de caractérisation et de contrôle
des membranes ...................................................................................... — 15
6. Conclusions et perspectives .............................................................. — 16
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. N 4 805

es pressions environnementales croissantes telles que la pollution massive


L de l’air et des ressources en eau ou encore l’épuisement accéléré des
réserves en énergie fossile ont conduit au concept de développement durable
et à des stratégies associées telles que le traitement des effluents liquides et
gazeux, la purification et le recyclage sur site de l’eau, l’utilisation et la purifica-
tion des bioressources, l’allègement des véhicules de transport, l’utilisation de
nouveaux vecteurs énergétiques, comme le dihydrogène, ou plus généra-
lement l’intensification des procédés (associée à la notion d’« économie
d’atomes », indicateur mesurant l’efficacité d’un procédé et égal au rapport,
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQT

pondéré par les coefficients stœchiométriques appropriés, de la masse molaire


du produit à synthétiser par la somme des masses molaires des réactifs). Les
réglementations nationales ou internationales en matière d’environnement

Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés N 4 805 – 1

XY
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
nTXPU

CÉRAMIQUES POUR L’ENVIRONNEMENT : FILTRES, MEMBRANES, ADSORBANTS ET CATALYSEURS ________________________________________________

sont de plus en plus sévères et constituent donc des leviers importants pour la
mise en place de nouveaux procédés industriels ainsi que pour l’amplification
des efforts de recherche et développement sur les procédés propres et la
remédiation des environnements pollués.
Du fait de propriétés spécifiques telle que la réfractarité, la stabilité chimique
ou encore la tenue mécanique à la compression ainsi que de la grande diver-
sité de microstructures, de porosités et de géométries accessibles, les
céramiques constituent une classe de matériaux incontournables pour de nom-
breux procédés industriels actuels ou en cours de développement, visant la
protection de l’environnement. Cet article en fournit une illustration en abor-
dant des applications relatives à la filtration, à la catalyse hétérogène, à
R l’adsorption ou encore à des opérations couplées, par exemple dans les
réacteurs catalytiques à membranes, basées sur la multifonctionnalité des
matériaux ou des systèmes mis en jeu.

1. Membranes et filtres La membrane peut être réalisée en alumine, en oxyde de titane, en


zircone ou bien en carbure de silicium dans le cas de supports en
carbure de silicium.
Si l’application des céramiques poreuses pour le traitement de
l’eau est ancestrale (cf. encadré 1), c’est leur utilisation comme
barrières pour l’enrichissement isotopique de l’uranium par diffu- Encadré 1 – Céramiques poreuses pour le traitement
sion gazeuse (cf. encadré 2) qui a conduit de nombreux pays dont de l’eau, une application ancestrale
la France à développer des savoir-faire et des outils industriels
adaptés. Les retombées de ces efforts technologiques ont permis
L’homme a fabriqué les premières céramiques il y a plus de
une multitude d’autres applications de médias céramiques poreux
6 000 ans. Leur rôle était d’améliorer son bien-être : conserver
dans de nombreux domaines dont celui de la protection de l’envi-
et stocker l’eau, les aliments, l’huile, le vin. Nos ancêtres en
ronnement (tableau 1) [1]. Le terme « membrane » est généra-
Arabie et en Afrique s’aperçurent vite qu’avec la présence de
lement utilisé lorsque la taille des pores du filtre est inférieure à
porosité dans la céramique une faible évaporation sur la sur-
10 qm, c’est-à-dire lorsque l’on sort du domaine de la filtration
face extérieure de la poterie refroidissait l’eau de boisson
dite « conventionnelle » [2] [3] [4]. Dans le cas des membranes et
qu’elle stockait, la rendant plus agréable à boire. Certains sont
filtres céramiques poreux, la force motrice pour le transport est
même arrivés, en polissant la surface extérieure de la cérami-
généralement un gradient de pression entre les compartiments
que avec des graines de baobab, à réaliser, sans le savoir, une
d’alimentation et de perméat, nommé « pression transmembra-
membrane extérieure qui contrôlait cette évaporation.
naire ». La figure 1 propose des schémas simplifiés, associés à la
N’est-ce pas là l’une des plus anciennes utilisations des céra-
filtration frontale (le flux de fluide à traiter est perpendiculaire à la
miques poreuses comme membranes ? On retrouve les céra-
surface du filtre) et à la filtration tangentielle (le flux de fluide à
miques poreuses dans la littérature à la fin du XIXe siècle sous
traiter est parallèle à la surface du filtre).
forme de bougies filtrantes à base d’argile poreuse cuite qui
étaient fournies aux armées coloniales d’Afrique Noire et du
Sud-Est Asiatique pour que les soldats boivent de l’eau « en
1.1 Membranes pour la filtration partie épurée ».
des liquides à basse température
Le terme « basse température » correspond, dans ce cas, à un
intervalle généralement compris entre la température ambiante et
80 oC. Avant d’aborder les applications, nous allons en premier Encadré 2 – Enrichissement isotopique de l’uranium
lieu fournir quelques éléments sur l’architecture et l’élaboration par diffusion gazeuse au travers de membranes
des membranes céramiques poreuses. céramiques poreuses

Il faut attendre la fin de la 2e guerre mondiale pour que les


1.1.1 Architecture et fabrication des membranes termes de « filtres » et « membranes céramiques » commen-
cent à être prononcés, avec la problématique de l’enrichisse-
La perméabilité du matériau poreux et son épaisseur fixent le
ment de l’uranium à des fins militaires, puis civiles. La
flux visqueux d’un fluide qui traverse la membrane pour une
technologie par diffusion gazeuse alors choisie par la France
pression transmembranaire donnée. L’épaisseur de la couche
nécessite des filtres avec des pores nanométriques. La cérami-
séparative doit donc être assez fine pour atteindre des flux suffi-
que avait été choisie pour réaliser ces filtres, préférée au
samment attractifs avec des conditions acceptables en termes de
métal fritté utilisé par les Anglo-saxons. Le rôle de ces cérami-
pression transmembranaire. D’un autre côté, la tenue mécanique
ques était de séparer les isotopes d’uranium sous forme
de la membrane doit être suffisante pour résister à la pression
gazeuse au travers des nanopores. Cela a donné lieu en
appliquée. Ces considérations ont donc conduit au concept de
France, entre 1975 et 1980, à une très importante production
structure asymétrique basé sur l’utilisation d’un support macro-
industrielle de membranes céramiques poreuses (jusqu’à
poreux de quelques millimètres d’épaisseur et de couches minces
160 000 pièces céramiques tubulaires d’un mètre de long trai-
de taille de pores décroissantes (tableau 2, figure 2). Les maté-
tées et montées par jour) correspondant à un total proche de
riaux utilisés pour les supports sont généralement à base d’alu-
4,4 millions de m2 de surface membranaire.
mine, d’oxyde de titane et, plus rarement, de carbure de silicium.

N 4 805 − 2 Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés

YP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
nTXPU

_________________________________________________ CÉRAMIQUES POUR L’ENVIRONNEMENT : FILTRES, MEMBRANES, ADSORBANTS ET CATALYSEURS

Tableau 1 – Caractéristiques des principaux procédés pouvant utiliser des membranes céramiques
Nature Taille Origine Pression Opération
Procédé
alimentation/perméat des pores de la sélectivité transmembranaire élémentaire
Clarification,
Microfiltration (MF) 0,1 à 10 µm 1 à 3 bar débactérisation,
séparation
Effet de tamisage
Clarification,
Ultrafiltration (UF) 2 nm à 0,1 µm 3 à 10 bar purification,
Liquide/liquide
concentration


Effet de Purification,
tamisage + interactions adoucissement
Nanofiltration (NF) < 2 nm 10 à 40 bar
spécifiques de l’eau, séparation,
avec la membrane concentration
Tamisage + interactions
Pervaporation (PV) Liquide/gaz < 2 nm spécifiques 1 bar Séparation
avec la membrane
Filtration Séparation,
100 à 0,01 µm Effet de tamisage 0,1 à 5 bar
de gaz (FG) dépoussiérage
Tamisage + interactions Séparation,
Séparation
50 à < 2 nm spécifiques 0,1 à 50 bar extraction,
de gaz (SG) Gaz/gaz
supplémentaires purification
Conduction ionique Séparation de l’air,
Séparation ∆P (O2)
Dense de O2– ou H+ transport sélectif
de gaz (SG) ∆P (H2)
dans les oxydes de O2 ou de H2

Pression P1 Pression P2 Pression P1

Alimentation Rétentat
Rétentat

Perméat
Filtre

Pression P2 Perméat
Alimentation

Filtre

a b

Figure 1 – Schémas simplifiés associés à la filtration frontale (a) et à la filtration tangentielle (b) : la pression transmembranaire 5P correspond
à la différence entre la pression P1 , en amont du filtre, et la pression P2 , en aval du filtre

La réalisation des supports macroporeux, comme d’ailleurs celle tube est débité en tronçons. Ces tronçons de tubes sont ensuite
des couches intermédiaires macroporeuses, est obtenue par la séchés, déliantés et frittés. Les couches poreuses sont élaborées
mise en œuvre de technologies céramiques conventionnelles. La par enduction (engobage/slip casting ) du support avec une sus-
matière première principale est une poudre céramique, constituée pension fluide (barbotine/slurry ). Les étapes suivantes concernent
de particules dont la taille détermine la taille des pores du maté- le séchage et la calcination de la couche déposée. En général, deux
riau final. En effet, les différentes méthodes utilisées pour la mise à trois couches de membranes sont nécessaires pour obtenir une
en forme et la consolidation par frittage contrôlé conduisent à des couche filtrante continue possédant les caractéristiques souhai-
porosités résiduelles de l’ordre de 30 % et à des tailles de pores de tées. Pour optimiser la compacité des installations (rapport entre la
l’ordre de 30 % de la taille des grains. L’extrusion des supports surface filtrante et le volume du dispositif), les membranes cérami-
tubulaires peut être réalisée en continu par propulsion des pâtes ques actuelles sont généralement tubulaires, à multicanaux
par une vis sans fin à travers une filière à la sortie de laquelle le (figure 3), et placées dans des modules multitubulaires.

Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés N 4 805 – 3

YQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
nTXPU

CÉRAMIQUES POUR L’ENVIRONNEMENT : FILTRES, MEMBRANES, ADSORBANTS ET CATALYSEURS ________________________________________________

Tableau 2 – Caractéristiques des couches intermédiaires et de la couche séparative de surface


pour les membranes céramiques (d’après [5])

Nombre moyen Épaisseur de la couche Taille des pores de la


Procédé Nature de la porosité
de couches séparative couche séparative

Microfiltration 1à3 Quelques dizaines de µm 0,1 à 5 µm Macroporosité

Ultrafiltration 3à4 Quelques µm 2 à 100 nm Mésoporosité

Nanofiltration/
4à5 < 1 µm < 2 nm Microporosité
séparation de gaz


20 µm

Couche séparative

Couche intermédiaire

Support

Le support est en alumine et oxyde de titane tandis que la membrane est


constituée d’oxyde de titane et de zircone. Les tailles moyennes des
pores du support, de la couche intermédiaire et de la couche séparative
varient de 6 µm à 7 nm.

Figure 2 – Image par microscopie électronique à balayage (MEB) de la section transverse d’une membrane commerciale d’ultrafiltration (CTI,
Salindres, France)

a membranes Pall Exekia (Tarbes, France) b membranes Tami (Nyons, France) c membranes CTI (Salindres, France)

Figure 3 – Photographies de membranes céramiques multicanaux commerciales

1.1.2 Principales applications Les applications sont également nombreuses dans le domaine
de la dépollution des liquides chargés par divers contaminants
La première application industrielle a été la débactérisation de pour rejeter ou réutiliser une eau bactériologiquement propre. On
l’eau par microfiltration puis par ultrafiltration pour éliminer les peut citer la filtration du moût de vin, les eaux usées domestiques,
virus et ainsi la rendre potable, sans ajout d’agent chimique tel le les eaux de plates-formes pétrolières ou provenant de la fractu-
chlore. Beaucoup d’autres applications se sont développées ration hydraulique (les gaz de schiste) et tous rejets industriels
ensuite, comme le traitement des huiles, des vins, des jus de fruits liquides. Il existe aussi des applications en biochimie, avec la puri-
ou encore la déferrisation de l’eau minérale. fication de molécules spécifiques telles que des acides aminés ou

N 4 805 – 4 Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés

YR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYUR

Traitement des eaux par procédés


d’oxydation avancée
Oxydation anodique

par Emmanuel MOUSSET



Chargé de recherche au CNRS, Docteur ingénieur en Sciences et Techniques de
l’Environnement
Laboratoire Réactions et Génie des Procédés (LRGP), CNRS – Université de Lorraine
(UMR 7274), Nancy, France

et Auriane DIAMAND
Chercheur Procédés électrochimiques
VEOLIA Recherche & Innovation, Maisons-Laffitte, France

1. Principe théorique de l’oxydation anodique ............................. J 3 952 – 3


1.1 Principe général : mode électrolyse .................................................. — 3
1.2 Matériaux d’électrode ........................................................................ — 3
1.2.1 Anodes ..................................................................................... — 3
1.2.2 Cathodes .................................................................................. — 4
1.3 Oxydants formés ................................................................................ — 4
1.3.1 Oxydation directe .................................................................... — 4
1.3.2 Oxydation indirecte ................................................................. — 4
2. Paramètres et contrôle de la réaction ........................................ — 5
2.1 Aspects cinétiques ............................................................................. — 5
2.1.1 Phénomènes de transfert ........................................................ — 5
2.1.2 Compétition : transfert de charge vs. transfert de matière .... — 6
2.1.3 Rendement faradique .............................................................. — 7
2.2 Effets de matrice ................................................................................ — 8
2.2.1 Influence du pH ....................................................................... — 8
2.2.2 Influence de la salinité et des sels inorganiques ................... — 8
2.2.3 Influence des composés organiques ...................................... — 9
3. Mise en œuvre industrielle............................................................ — 9
3.1 Méthodologie ..................................................................................... — 9
3.1.1 De l’échelle laboratoire à l’échelle pilote ................................ — 10
3.1.2 De l’échelle pilote à l’échelle industrielle ............................... — 11
3.2 Matériels ............................................................................................. — 11
3.2.1 Électrodes ................................................................................ — 11
3.2.2 Réacteurs ................................................................................. — 11
3.2.3 Équipements annexes et sécurité ........................................... — 12
3.3 Coûts ................................................................................................... — 13
3.3.1 Coûts fixes ............................................................................... — 14
3.3.2 Coûts variables ........................................................................ — 14
3.3.3 Optimisation ............................................................................ — 15
4. Applications ..................................................................................... — 15
4.1 Abattement de la charge organique .................................................. — 15
4.2 Désinfection ........................................................................................ — 16
5. Conclusion........................................................................................ — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 3 952
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQY

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 952 – 1

YS
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYUR

TRAITEMENT DES EAUX PAR PROCÉDÉS D’OXYDATION AVANCÉE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

’électro-oxydation avancée appartient à la famille des procédés d’oxydation


L dite « avancée », via la génération d’oxydants puissants initiée de manière
directe ou indirecte par oxydation électrochimique.
Compte tenu du coût relativement élevé des procédés électrochimiques, ceux-
ci ont été développés initialement pour la fabrication de produits à forte valeur
ajoutée. À l’échelle industrielle, les premières applications de l’électro-oxydation
ont été la production de chlore-soude et la synthèse de produits organiques.
La raréfaction des ressources en eau et les renforcements des normes de rejet
sur les eaux usées nécessitent des méthodes de traitement adaptées. Les traite-
ments biologiques permettent d’éliminer une partie des polluants (fraction biodé-


gradable), mais le recours aux procédés d’oxydation avancée est requis pour le
traitement des effluents complexes contenant des molécules toxiques ou peu
biodégradables (fraction réfractaire). Parmi ces procédés, l’électro-oxydation
avancée possède l’avantage de ne consommer que des électrons, et non des
réactifs chimiques coûteux ou instables. Ainsi elle peut devenir compétitive en
désinfection et en traitement de la charge organique, en particulier lorsque les
concentrations en polluants sont élevées, les débits traités faibles et la salinité
du milieu suffisante. Le traitement peut être mené totalement jusqu’à minéralisa-
tion de la charge organique réfractaire et/ou toxique, ou seulement partiellement
en prétraitement afin d’augmenter la biodégradabilité des molécules avant un
traitement biologique.
Cet article présente le procédé d’oxydation anodique avancée appliqué au
traitement des eaux en abordant le principe théorique avec les types de maté-
riaux utilisés associés aux différents oxydants formés et la compétition entre le
transfert de charge et le transport de masse qui est responsable de la cinétique
d’oxydation des composés. La mise en œuvre est ensuite présentée en dévelop-
pant la méthodologie à suivre depuis l’échelle laboratoire jusqu’à l’échelle
industrielle, en y détaillant les équipements nécessaires, les aspects sécurité
et les coûts engendrés par ce type de procédé. Enfin les différents types d’appli-
cations sont mentionnés, accompagnés d’exemples d’efficacité d’élimination.

Symbole Description Unité Symbole Description Unité

A Surface géométrique de l’anode m2 Hydrocarbures Aromatiques


HAP –
Polycycliques
Composés organiques halogénés
AOX adsorbables (Adsorbable Organic – I Intensité du courant A
Halogen)
jappl Densité de courant appliquée A.m-2
Diamant dopé au bore (Boron-Doped
BDD –
Diamond) jlim Densité de courant limite A.m-2

Benzène Toluène Ethylbenzène km Coefficient de transport de matière m.s-1


BTEX –
Xylènes
Oxydes métalliques mixtes (Mixed
Corg Concentration en polluant organique mol.m-3 MMO –
Metal Oxide)

COT Carbone organique total gC.m-3 Nombre d’électrons échangés lors de la


n –
minéralisation du composé organique
DCO Demande chimique en oxygène molO2 .m−3
tcr Temps critique s
EC Rendement faradique %
THM Trihalométhanes –
ENH Électrode normale à hydrogène –
V Volume de la solution m-3
kWh.kg-1 ou
Esp Énergie spécifique
kWh.m-3 Rapport entre la densité de courant
a appliquée et la densité de courant –
F Constante de Faraday C.mol -1
limite au temps zéro

HAA Acides haloacétiques (Haloacetic acids) – s Conductivité électrique de la solution S.m-1

J 3 952 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

YT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYUR

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENT DES EAUX PAR PROCÉDÉS D’OXYDATION AVANCÉE

1. Principe théorique l’eau (H2O) en oxygène (O2), pour un matériau d’anode donné,
les •OH vont être chimisorbés. La chimisorption est un processus
de l’oxydation anodique d’adsorption qui implique la formation de liaisons chimiques
entre la surface de l’adsorbant et l’adsorbat, mettant ainsi en jeu
des interactions fortes. Dans ce cas, l’oxydation de H2O en O2 est
la réaction prédominante, puisque la désorption des •OH de la sur-
1.1 Principe général : mode électrolyse face de l’anode est rendue difficile voire impossible [1] :
L’électrolyse consiste en l’action d’un courant entre une ou plu- M ⎡⎣ i OH⎤⎦ + H2O → M + O2 + 3H+ + 3e− (4)
sieurs cathodes et une ou plusieurs anodes à travers un électrolyte
donnant lieu à des réactions d’oxydoréduction à la surface des Cela est le cas pour les matériaux d’anode ayant une faible sur-
électrodes (figure 1). L’anode est le siège de l’oxydation par perte tension de dégagement d’O2 (en général inférieure à 2 V par rapport
de un ou plusieurs (n) électrons (e-) par un réducteur (Red) pour
à l’électrode normale à hydrogène (ENH)), appelées anodes actives.
former un oxydant (Ox) selon l’équation :


Le platine (Pt), le titane platiné (Ti/Pt) ou encore les électrodes d’oxy-
Red → Ox + ne− (1) des de métaux mixtes (MMO) telles que les anodes non consomma-
bles appelées DSA‚ (Dimensionally Stable Anodes) [J 4 804] à base
À l’inverse, la réduction s’opère à la cathode par le gain d’un ou de ruthénium et/ou d’iridium (IrO2-Ta2O5, RuO2-IrO2, etc), dont les
plusieurs électrons par un oxydant pour former un réducteur : valeurs de surtensions sont rassemblées dans le tableau 1 [1] [2]
[3], font partie de cette catégorie d’électrodes.
Ox + ne− → R ed (2)

1.2 Matériaux d’électrode j

Dans les procédés électrochimiques, et notamment en oxydation H2O → O2


anodique, les matériaux d’électrode jouent un rôle primordial tant
au niveau de l’efficacité du traitement que du coût global du pro-
cédé. Le choix du matériau est donc important pour obtenir un rap-
port coût/efficacité le plus faible possible.

1.2.1 Anodes
Au cours de l’électrolyse de l’eau, lors de l’oxydation à l’anode (M),
des espèces réactives de l’oxygène telles que des radicaux hydroxy-
les (•OH) sont formées à la surface du matériau (M[•OH]), selon ηan E
Eeq
l’équation [1] :
M + H2O → M ⎡⎣ i OH⎤⎦ + H+ + e− (3)
Figure 2 – Caractéristique courant-potentiel représentant
schématiquement la surtension de dégagement d’oxygène
La disponibilité de ces radicaux va dépendre de la surtension à pour un matériau d’anode donné
l’anode. La surtension anodique (han) représente l’écart entre le
potentiel d’anode (Ean), également appelé potentiel d’oxydation, et
sa valeur à l’équilibre (Eeq) définie par la thermodynamique. Autre- Tableau 1 – Surtension de dégagement d’oxygène
ment dit, elle traduit l’énergie supplémentaire à apporter au sys- pour différentes anodes
tème afin de compenser cette différence de potentiel (Ean - Eeq)
qui dépend du matériau d’électrode utilisé. La figure 2 permet de
visualiser cette surtension à partir du tracé de la courbe densité de Surtension de
Potentiel
courant-potentiel j = f(E) (réponse du courant en fonction du poten- dégagement
Type Anode d’oxydation (Ean)
tiel d’électrode) obtenue pour un système comprenant l’anode et d’O2 (han)
(V/ENH)
l’électrolyte support [J 1 606]. (V/ENH)*
Suivant la valeur de la surtension de dégagement d’oxygène, RuO2-IrO2 1,4 à 1,7 0,2 à 0,5
c’est-à-dire la différence de potentiel nécessaire pour oxyder
Active IrO2-Ta2O5 1,5 à 1,8 0,3 à 0,6
– +
Pt 1,6 à 1,9 0,4 à 0,7
e– e– I
CATHODE I ANODE PbO2 1,8 à 2,0 0,6 à 0,8
Électrolyte SnO2 2,0 à 2,2 0,8 à 1,0

Ox Ox SnO2-F 2,0 à 2,2 0,8 à 1,0


ne– ne– Non active
SnO2-Sb2O5 1,9 à 2,2 0,7 à 1,0
Ox + ne– → Red Red → Ox + ne–
TiOx 2,4 à 2,8 1,2 à 1,6

BDD 2,2 à 2,8 1,0 à 1,6


Red Red
*par rapport au potentiel standard d’évolution d’O2 (Eeq) de
1,23 V/ENH à pression atmosphérique et pH nul [J 1 606],
arrondie à la décimale supérieure
Figure 1 – Schéma de principe de l’électrolyse

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 952 – 3

YU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYUR

TRAITEMENT DES EAUX PAR PROCÉDÉS D’OXYDATION AVANCÉE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Pour les matériaux d’anode ayant une surtension d’O2 élevée,


c’est-à-dire une valeur considérée comme supérieure ou égale ANODE
à 2 V/ENH, les •OH sont physisorbés à la surface de l’électrode [1].
La physisorption met en jeu des interactions physiques faibles entre I
l’adsorbat et l’adsorbant, rendant la désorption possible par réversi-
bilité du phénomène. Ainsi, les •OH sont disponibles pour réagir
avec les composés (R) présents à la surface de l’électrode pour for-
Polluant oxydé
mer des sous-produits d’oxydation (R′). ne–
M ⎡ i OH⎤ + R → M + R′
⎣ ⎦ (5)

Ces anodes sont dites non-actives et on trouve dans le com-


merce notamment le dioxyde de plomb (PbO2), le dioxyde d’étain
(SnO2) dopé ou non (par exemple avec l’antimoine (SnO2-Sb2O5)


ou avec le fluor (SnO2-F)), le dioxyde de titane sous-stœchiomé-
trique TixO2x-1 ( 4 ≤ x ≤ 9), dénommé de façon simplifiée TiOx dans
la suite de cet article ou encore le diamant dopé au bore (BDD). Polluant électroactif
Les valeurs respectives de surtension de dégagement d’O2 sont
reportées dans le tableau 1 [1] [2] [3].
Ainsi, plus le potentiel d’oxydation augmente, plus on évolue
depuis les •OH chimisorbés vers les •OH physisorbés à la surface
du matériau, et plus le pouvoir d’oxydation de l’anode augmente. Figure 3 – Mécanismes d’oxydation directe lors de l’oxydation
Le BDD bénéficie donc d’un pouvoir oxydant supérieur aux autres anodique
électrodes existant sur le marché actuellement, ce qui explique son
importante utilisation dans les diverses études menées. Cependant, Se reporter aux articles [J 1 606] et [P 2 126] pour plus d’infor-
la dimension économique n’est pas à négliger, ce point est discuté mations sur cette méthode.
au § 3.2.1.

1.2.2 Cathodes Ce phénomène est limité et très sélectif, car bon nombre des
composés à dégrader dans les eaux ne sont pas nécessairement
En oxydation anodique, la cathode joue simplement le rôle de électroactifs.
contre-électrode pour fermer le circuit. On favorise donc les cathodes
à la fois stables chimiquement et thermiquement dans les conditions
d’électrolyse, et peu chères. Des matériaux comme l’acier inoxy- 1.3.2 Oxydation indirecte
dable, le titane ou encore le carbone (feutre de carbone, graphite, car-
bone vitreux) sont souvent utilisés en tant que cathodes. Pour des En utilisant une électrode non active, des espèces radicalaires
études mécanistiques effectuées à l’échelle laboratoire, parfois le pla- peuvent se former à la surface de l’anode (figure 4), en présence
tine est utilisé pour sa grande inertie dans les conditions appliquées. initialement d’eau, d’ions chlorure, de sulfate, de phosphate ou
encore de carbonate, selon les réactions suivantes [4] :
Dans le cas d’inversion de polarité (§ 2.2.2), des matériaux
employés en tant qu’anodes peuvent être utilisés aussi en tant que
cathodes, dans la mesure où ils sont stables en conditions oxydantes H2O → iOH + H+ + e− (7)
et réductrices. Dans ce cas, le BDD ou encore le Ti/Pt sont appliquées.
Cl− → Cli + e− (8)
1.3 Oxydants formés
Il existe deux voies pour oxyder un polluant (organique ou inor- SO42− → SO4 − i + e− (9)
ganique) dans une cellule électrochimique, l’oxydation directe ou
indirecte.
PO4 3 − → PO42− i + e− (10)
1.3.1 Oxydation directe
L’oxydation directe (figure 3) [4] consiste en l’échange direct d’un CO32− → CO3− i + e− (11)
ou plusieurs électrons à la surface de l’anode avec une espèce dite
électroactive selon l’équation : Ces radicaux libres formés peuvent se combiner pour former des
oxydants stables au sein de l’électrolyte [6] :
Polluant électroactif → Polluant oxydé + ne− (6)

Ces espèces sont électroactives dans un domaine d’électroacti- 2 iOH → H2O2 (12)
vité qui est défini par l’oxydation (ou la réduction dans le cas de la
réduction directe) du solvant, du matériau d’électrode ou d’un ion
de l’électrolyte support [J 1 606]. Au-delà de ce domaine, l’oxyda- 2 Cli → Cl2 (13)
tion directe de l’espèce n’est plus possible.
Dans le cas de l’oxydation anodique, si le polluant est une espèce 2 SO4 − i → S2O82− (14)
électroactive au potentiel d’anode appliqué, alors le processus
d’oxydation et donc de dégradation du contaminant commence.

C’est le cas, par exemple, du pesticide acide 2,4-dichlorophénoxyacé- 2 PO42− i → P2O84 − (15)
tique (2,4-D) lorsqu’il est oxydé dans une solution à pH 2,8 sur une anode
en carbone vitreux [5]. Cette électroactivité a pu être vérifiée par l’inter-
prétation de voltampérogrammes obtenus à l’aide d’un potentiostat [5]. 2 CO3− i → C2O62− (16)

J 3 952 – 4 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

YV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYUR

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENT DES EAUX PAR PROCÉDÉS D’OXYDATION AVANCÉE

Oxydants stables Oxydation


ANODE (H2O2, Cl2, S2O82–, P2O82–, C2O62–) du polluant

Espèces radicalaires
ne – (•OH, Cl•, SO4– •, PO42– •, CO3– •) Sous-produits
d’oxydation

Oxydation
du polluant
Sous-produits
d’oxydation R
Précurseurs d’oxydants
(H2O, Cl–, SO42–, PO43–, CO32–)

Figure 4 – Mécanismes d’oxydation indirecte lors de l’oxydation anodique

2 iO → O2 (21)
Tableau 2 – Potentiels standards des principaux couples
redox impliqués dans l’oxydation indirecte (25  C)
2 iOH → H2O2 (22)
E
Oxydant Réaction de réduction
(V/ENH)
O2 + iO → O3 (23)
• •
OH OH + H+ + e- Æ H2O 2,80

SO4-• SO4-• + e- Æ SO42- 2,60 2. Paramètres et contrôle


P2O84- P2O84- + 2 e- Æ 2 PO43- 2,07 de la réaction
S2O82- S2O82- + 2 e- Æ 2 SO42- 2,01
+ - Dans le paragraphe précédent (§ 1), les aspects thermodynami-
H2O2 H2O2 + 2 H + 2 e Æ 2 H2O 1,76
ques ont été présentés, afin d’estimer les pouvoirs oxydants des
Cl2(g) Cl2(g) + 2 e- Æ 2 Cl- 1,36 matériaux d’anode ainsi que des couples redox générés. Il s’agit
dans ce paragraphe d’évaluer les cinétiques des réactions, en fonc-
tion des limites liées aux phénomènes de transfert (§ 2.1) et suivant
Le tableau 2 représente les potentiels standard (E ) de plu- les compétitions cinétiques liées aux possibles effets de matrice
sieurs couples d’oxydo-réduction (redox) [W 2 700] [7]. Cette (§ 2.2).
grandeur thermodynamique permet de comparer le pouvoir oxy-
dant de ces couples. Le radical •OH représente l’espèce oxydante
la plus puissante en solution avec un potentiel standard de 2.1 Aspects cinétiques
2,80 V/ENH. Elle est la principale espèce responsable de l’oxyda-
tion des polluants. 2.1.1 Phénomènes de transfert
D’autres oxydants peuvent être formés à la surface des anodes
Le processus correspondant à la transformation de l’espèce
actives et non-actives comme le dichlore (Cl2) (équation (17)) ou
réductrice (Red) en l’espèce oxydante (Ox) à l’interface anode/élec-
au sein de la solution comme l’acide hypochloreux (HClO)/ion
trolyte peut se décomposer en trois étapes successives en milieu
hypochlorite (ClO-) [équation (18)], le dioxyde de chlore (ClO2)
aqueux et dans le cas où les deux espèces sont solubles
[équation (19)] ou l’ozone (O3) [équations (20), (21), (22) et (23)] : (figure 5) [8] [9] :
– étape 1 : transport du réducteur du sein de l’électrolyte vers
2 Cl− → Cl2 + 2e− (17) l’anode ;
– étape 2 : réaction électrochimique à la surface de l’électrode,
transformant le réducteur en oxydant ;
Cl2 + 2 OH− → H2O + ClO− + Cl− (18)
– étape 3 : transport de l’oxydant depuis l’interface vers le sein de
l’électrolyte.
Cl2 + 4 H2O → 2 ClO2 + 8 H+ + 8e− (19) Ainsi, on distingue deux phénomènes qui sont responsables du
mécanisme d’oxydoréduction électrochimique, le transfert de charge
à l’interface du matériau d’électrode (c’est-à-dire l’échange électro-
i OH → iO + H+ + e− (20) nique) et le transfert de matière qui permet « l’apport » en réactif à
l’électrode et « l’évacuation » du produit au sein de l’électrolyte.

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 952 – 5

YW

YX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSTPR

Filtration des nanoparticules

par Dominique THOMAS


Professeur
Laboratoire Réactions et Génie des Procédés, CNRS, Université de Lorraine, Nancy,


France

Augustin CHARVET
Maı̂tre de conférences
Laboratoire Réactions et Génie des Procédés, CNRS, Université de Lorraine, Nancy,
France

Denis BEMER
Responsable d’études
Département Ingénierie des Procédés, INRS, Vandoeuvre, France

et Sandrine CHAZELET
Responsable d’études
Département Ingénierie des Procédés, INRS, Vandoeuvre, France

1. Caractérisation des nanoparticules ............................................ J 3 402 – 3


1.1 Définitions .......................................................................................... — 3
1.2 Structure d’une particule nanostructurée ......................................... — 3
1.3 Détermination de la distribution granulométrique ........................... — 3
1.4 Adhésion d’une couche de nanoparticules sur une surface ............. — 4
2. Séparation par filtres à fibres ...................................................... — 4
2.1 Efficacité ............................................................................................. — 5
2.1.1 Diverses expressions de l’efficacité unitaire de collecte
par diffusion............................................................................. — 6
2.1.2 Rebond thermique ................................................................... — 8
2.1.3 Incidence des fuites sur l’efficacité de collecte ...................... — 8
2.2 Perte de charge d’un média filtrant ................................................... — 8
2.3 Évolution des performances au cours du colmatage ....................... — 9
2.4 Protection individuelle ....................................................................... — 10
2.4.1 Grandes familles d’appareils de protection respiratoire
(APR) ........................................................................................ — 10
2.4.2 Fonctionnement des APR filtrants .......................................... — 11
2.4.3 Choix de l’APR ......................................................................... — 12
2.5 Protection collective ........................................................................... — 12
2.5.1 Cas des filtres non régénérables ............................................ — 12
2.5.2 Cas des dépoussiéreurs .......................................................... — 13
3. Des voies alternatives aux médias filtrants .............................. — 15
3.1 Électrofiltres ....................................................................................... — 15
3.2 Lits granulaires ................................................................................... — 16
3.3 Laveurs ............................................................................................... — 18
3.4 Comparatif des différentes voies ....................................................... — 20
4. Conclusion........................................................................................ — 20
5. Glossaire ........................................................................................... — 21
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 3 402
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQY

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 402 – 1

YY
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSTPR

FILTRATION DES NANOPARTICULES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

e développement des nanoparticules manufacturées en forte activité a


L conduit à s’interroger sur le risque potentiel qu’elles peuvent présenter
pour la santé des personnes et l’environnement du fait de leurs propriétés spé-
cifiques (citons leur surface spécifique, leur forme, leur charge, leur potentiel
oxydant, etc.).
Un certain nombre d’études sont ou ont été consacrées aux effets sanitaires
ou environnementaux de telles ou telles particules nanométriques mais la
nature de ces dernières est si variée qu’une évaluation exhaustive semble illu-
soire. En conclusion, compte tenu de l’absence d’information sur le caractère
nocif ou non de telle ou telle nanoparticule, le principe de précaution prévaut.


Des mesures efficaces de prévention des risques doivent, en conséquence, être
mises en œuvre.
Dans le domaine de la protection des personnes, de l’environnement, la filtra-
tion de l’air à travers un milieu fibreux reste un procédé incontournable. Cette
technique d’épuration est abordée, en s’intéressant plus particulièrement aux
mécanismes de collecte des nanoparticules et à l’évaluation de la perte de
charge et de l’efficacité au cours du colmatage. La protection individuelle et
collective avec et sans régénération des médias filtrants est ensuite présentée.
Les études bibliographiques et les retours d’expérience mettent en exergue le
pouvoir très colmatant des nanoparticules, ce qui limite très fortement la durée
de vie des filtres à fibres utilisés dans le domaine de la ventilation ou nécessite
une régénération fréquente des dépoussiéreurs industriels qui s’avère souvent
inefficace. Des solutions sont, par conséquent, proposées pour répondre à cette
problématique. Enfin, des solutions alternatives aux filtres à fibres en cours de
développement sont exposées.
En fin d’article, un glossaire donne des termes et expressions importants de
l’article.

Principaux sigles Principaux symboles (suite)

APR Appareil de Protection Respiratoire Symbole Description Unité

EPI Équipements de Protection Individuelle B Perméabilité du dépôt m2

FPA Facteur de Protection Assigné C Concentration quantité/m3 ou kg/m3

FPN Facteur de Protection Nominal CE Coefficient d’épuration –

High Efficiency Particulate Air Co Facteur de recouvrement –


HEPA
(filtre à air à très haute efficacité)
Cu Coefficient de Cunningham –
Most penetrating particule size
MPPS
(diamètre de la particule la plus pénétrante) Coefficient de Cunningham
Cudpp (défini par rapport à la particule –
PTFE polytétrafluoroéthylène primaire)

Particules Ultrafines, particules dont DP Perte de charge Pa


PUF
la taille est inférieure à 100 nm.
DPM Perte de charge du média Pa
THE Très haute efficacité
DPD Perte de charge du dépôt Pa
VLEP Valeur Limite d’Exposition Professionnelle
DPo Perte de charge du filtre vierge Pa

db Diamètre des bulles m


Principaux symboles
df Diamètre des fibres m
Symbole Description Unité
Coefficient de diffusion de la
a Compacité du filtre –
Ᏸ m2/s
particule

aD Compacité du dépôt – dp Diamètre des particules m

J 3 402 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

QPP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSTPR

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– FILTRATION DES NANOPARTICULES

Principaux symboles (suite) 1. Caractérisation


Symbole Description Unité
des nanoparticules
Diamètre de la particule
dpp m
primaire 1.1 Définitions
E Efficacité – Un aérosol est défini comme une suspension dans un gaz (géné-
ralement de l’air) de particules solides ou liquides présentant une
Fc Facteur de correction – vitesse de chute négligeable. Dans l’air et dans les conditions pro-
ches des conditions ambiantes (20  C et 101 kPa), cela correspond à
h Hauteur de fluide m des particules de taille inférieure à environ 100 mm.


Certains aérosols peuvent être composés de particules ultrafines
Facteur hydrodynamique de (PUF) ou nanoparticules caractérisées par les trois dimensions
HFan –
Fan : externes inférieures à 100 nm. De par leur faible taille associée à
des concentrations élevées, les nanoparticules présentent une
Facteur hydrodynamique de forte propension à s’agglomérer formant ainsi des agglomérats ou
HKu –
Kuwabara des agrégats de particules nanométriques, à l’image des particules
de suies ou des fumées de soudage [1]. Bien que souvent
Facteur hydrodynamique de employés indifféremment, les termes agglomérat et agrégat défi-
HLa –
Lamb nissent des objets distincts. Ainsi selon la norme ISO/TS 27687 :
h Efficacité unitaire – – un agrégat est un ensemble de particules fortement liées ou
fusionnées entre elles dont la surface externe peut être significati-
k Résistance spécifique du dépôt m/kg vement plus petite que la somme des surfaces de chacun de ses
composants ;
kb Constante de Boltzmann 1,381 x 10- 23
J/K – un agglomérat est un ensemble de particules, d’agrégats ou de
mélange des deux, faiblement liés dont la surface externe résul-
Kn Nombre de Knudsen (2 l/dp) – tante est similaire à la somme des surfaces de chacun de ses
composants.
Nombre de Knudsen de fibres Puisque la taille de tels objets peut sensiblement dépasser
Knf –
(2 l/df) 100 nm, il est difficile de parler de nanoparticules. C’est la raison
pour laquelle, il est d’usage d’utiliser le terme générique de parti-
Libre parcours moyen des cules nanostructurées pour désigner ces agglomérats ou ces
l m agrégats.
molécules de gaz

m Viscosité dynamique Pa.s


1.2 Structure d’une particule
MS Masse surfacique du dépôt kg/m 2 nanostructurée
W Surface de filtration m2 La conformation des particules nanostructurées est complexe et
est souvent assimilée à une morphologie quasi-fractale
P Perméance – (figure 1) [2]. La dimension fractale Df [AF 4 500] qui varie de 1 à 3
permet de caractériser la forme et la compacité des particules
Pe Nombre de Péclet – nanostructurées.
La morphologie des agrégats ou agglomérats et la taille des par-
Q Débit de filtration m3/s ticules constitutives de ces structures également appelées particu-
les primaires vont influer fortement la surface spécifique des parti-
Débit massique de la source de cules (surface développée par les particules sur leur volume ou leur
qp kg/s masse) et par conséquent la résistance aéraulique d’un dépôt de
particules
particules nanostructurées obtenues par filtration (§ 2.3).
T Température K
Exemples : quelques valeurs de surface spécifique de particules
Ref Nombre de Reynolds de fibres – nanostructurées mesurée par BET (théorie de Brunauer, Emmett et
Teller) [3] sont listées tableau 1.
r Masse volumique du gaz kg/m3
1.3 Détermination de la distribution
rp Masse volumique des particules kg/m3
granulométrique
Vitesse ascensionnelle de la Compte tenu des dimensions des nanoparticules, la détermina-
Ub m/s tion de la distribution granulométrique de telles particules n’est
bulle de gaz
pas chose aisée. Par ailleurs, en raison de leur morphologie singu-
Uf Vitesse de filtration m/s lière, les particules nanostructurées ne peuvent être caractérisées
par un diamètre géométrique comme les particules sphériques. Il
Z Épaisseur du média filtrant m est donc fait appel à des techniques de mesure très spécifiques
pour déterminer un diamètre équivalent à partir de la mesure
ZD Épaisseur du dépôt m d’une propriété particulière.
Citons les principaux diamètres équivalents suivants.

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 402 – 3

QPQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSTPR

FILTRATION DES NANOPARTICULES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

D1 = 1,5 D1 = 1,75 D1 = 2,00 D1 = 2,25 D1 = 2,50 D1 = 3,00

Figure 1 – Exemples de structure d’agglomérats de différentes dimensions fractales [2]

R Tableau 1 – Valeurs de surface spécifique de quelques particules nanostructurées mesurée par BET
Nature SiO2 ZrO2 Fe3O4 Fe2O3

Type agrégat agrégat agrégat agglomérat

Diamètre moyen des particules primaires (nm) 7±3 19 ± 7 22 ± 5 22 ± 16


2
Surface BET (m /g) 198,3 39,1 40,3 39,2

Diamètre de Stokes : diamètre de la sphère de même masse exemple, les revêtements de surface à base de polytétrafluoroéthy-
volumique et de même vitesse limite de chute que la particule lène (PTFE) [9].
considérée. De nombreuses corrélations de ces forces sont proposées dans
Diamètre aérodynamique : diamètre de la sphère de densité la littérature [10] [11]. Toutes les expressions de la force d’adhésion
égale à 1 ayant la même vitesse limite de chute dans un gaz que particule-surface montrent une proportionnalité entre cette force et
la particule considérée. le diamètre des particules (dp) [6]. Cependant, dans le cadre d’un
Diamètre thermodynamique (ou diffusionnel) : diamètre de la dépôt de particules, le nombre de contacts par unité de surface de
sphère ayant le même coefficient de diffusion brownienne que la la couche de particules avec la surface est inversement proportion-
particule considérée. nel à la taille des particules (dp) au carré, la force d’adhésion de
la couche est alors inversement proportionnelle à dp [12] [10]. En
Diamètre de mobilité électrique : diamètre de la sphère portant conséquence, la force adhésion d’un dépôt de nanoparticules sur
une charge électrique élémentaire et de même mobilité électrique une surface augmente avec la diminution de la taille des particules.
que la particule considérée. Ce constat, qui a pu être vérifié expérimentalement, notamment
Pour rappel, la vitesse limite de chute ou vitesse terminale d’une par Aguiar [10] est à l’origine de la régénération difficile des médias
particule est la vitesse atteinte lorsque la résistance du fluide dans filtrants des dépoussiéreurs (§ 2.5.2).
lequel elle sédimente (air dans notre cas) compense son poids. Son
accélération est alors nulle et par conséquent sa vitesse reste
constante.
L’impacteur basse pression ou le SMPS (Scanning Mobility Parti- 2. Séparation par filtres
cle Sizer) sont les granulomètres les plus utilisés dans ce domaine.
Ils donnent une distribution granulométrique respectivement en
à fibres
fonction du diamètre aérodynamique ou du diamètre en mobilité
électrique. Ces appareils délivrent une distribution en nombre à
partir de laquelle la distribution en masse peut être calculée La filtration par filtres à fibres reste, à l’heure actuelle, le procédé
connaissant la densité effective des particules, définie par le rap- le plus utilisé pour purifier l’air des particules en suspension car il
port entre la masse de la particule nanostructurée et son volume présente généralement un bon compromis entre une efficacité éle-
déterminé à partir de son diamètre de mobilité électrique [4] [5]. vée et une dépense énergétique acceptable.

Pour plus d’informations sur la caractérisation des aérosols,


consulter les ouvrages suivants [6] [7] [8] ou les arti- Les systèmes de protections collectives ou individuelles (fil-
cles [AF 3 612] et [AF 3 613]. tres de ventilation, appareil de protection respiratoire) ou les
dépoussiéreurs industriels (filtres à manches ou à cartouches fil-
trantes) sont composés de médias fibreux non tissés, c’est-à-
1.4 Adhésion d’une couche dire « un produit manufacturé fait d’un voile ou d’une nappe
de fibres individuelles, orientées directement ou au hasard,
de nanoparticules sur une surface liées par friction, cohésion ou adhésion » selon l’European Dis-
posal and Nonwovens Association.
La taille, la morphologie et la charge électrique des particules
vont avoir une influence sur l’adhésion de la couche établie à la sur-
face du filtre. Les principales forces régissant l’adhésion particule –
Ces médias sont caractérisés par le grammage (G) (masse sur-
surface sont les forces de Van der Waals, capillaire et électrosta-
facique du média fibreux), l’épaisseur (Z) qui varie typique-
tique. Généralement, les forces de Van der Waals et capillaire sont
ment entre 20 et 5 000 mm, la compacité (a) rapport du volume
supérieures à la force électrostatique. Mais dans le cas de particu-
des fibres sur le volume du média fibreux (généralement infé-
les fortement chargées, la force électrostatique peut être dominante
rieure à 20 %) et le diamètre moyen des fibres (df).
en particulier lors de l’emploi de certains matériaux comme, par

J 3 402 – 4 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

QPR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSTPR

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– FILTRATION DES NANOPARTICULES

La filtration repose sur l’écoulement d’une phase continue (gaz)


et d’une phase dispersée (particules) initialement mélangées (i.e. Trajectoire Ligne de courant
l’aérosol) au travers d’un milieu poreux (le média filtrant) afin de
collecter les particules par le média. Compte tenu de ce principe
de séparation, il est facile de comprendre que la structure du Diffusion
média filtrant va conditionner sa perte de charge et son efficacité
initiales vis-à-vis des particules à filtrer et que ses performances Impaction
Fibre
vont évoluer au fur et à mesure que la masse de particules collec- Interception
tées augmente.

2.1 Efficacité Particule

L’efficacité de collecte d’un filtre à fibres peut facilement être


Figure 2 – Collection des particules par diffusion, impaction
déterminée à partir de mesures de concentration particulaire effec- et interception
tuées en amont et aval du filtre. Si la perte de charge du filtre est
peu importante, les débits volumiques en amont et en aval du filtre
peuvent être assimilés. L’efficacité globale du séparateur est alors

Efficacité
donnée par :
Caval
E = 1− (1)
Camont

Pour un filtre très efficace, il est d’usage d’exprimer son efficacité


par la perméance (P) ou le coefficient d’épuration (CE), appelé par-
fois facteur de protection (FP) :

Caval 1 Capture par Capture par


P= = 1− E = (2) diffusion Impaction, interception
Camont CE

Il est possible, pour un média fibreux homogène dans sa struc-


ture et sa composition, d’évaluer son efficacité initiale :

⎛ α Z ⎞
E = 1 − exp ⎜ − 4η (3)
⎝ 1 − α πdf ⎟⎠
MPPS
Diamètre des particules
avec a compacité du filtre (= 1 - porosité),
h efficacité unitaire de collecte d’une fibre, Figure 3 – Évolution type de l’efficacité fractionnelle de collecte d’un
filtre à fibres
Z (m) épaisseur du filtre,
df (m) diamètre des fibres supposées toutes de la mécanismes de capture en les supposant indépendants les uns
même taille. des autres. Soit

L’efficacité unitaire de collecte d’une fibre (h) peut être considé- n


rée comme la probabilité de capture de la particule de taille donnée η = ∑ ηi (4)
par la fibre. Une erreur très répandue consiste à supposer que seul 1
un effet tamis est responsable de la capture des aérosols par un
La figure 3 illustre l’influence de la taille des particules sur trois
milieu fibreux. En réalité, plusieurs mécanismes concourent à la
des mécanismes décrits précédemment et sur l’efficacité fraction-
capture des particules par les fibres [6] [7] [13]. Parmi les principaux
nelle du filtre (i.e. l’efficacité en fonction de la taille des particules).
(figure 2) citons :
– l’impaction inertielle : sous l’effet de son inertie, une particule Pour des filtres performants, l’efficacité fractionnelle présente
quitte sa ligne de courant pour s’impacter à la surface de la fibre. une évolution similaire à celle donnée figure 3 avec une valeur
Ce mécanisme est surtout prépondérant pour les particules micro- minimale pour une taille de particules située généralement entre
niques (dp > 1 mm) ; 100 et 500 nm, appelée taille de la particule la plus pénétrante
– la diffusion brownienne : ce mécanisme est significatif pour MPPS (Most Penetrating Particle Size). Ce domaine de taille corres-
une particule de faible taille (dp < 0,1 mm) qui, sous l’action de l’agi- pond à des particules trop grosses pour que le mécanisme de diffu-
tation brownienne, quitte sa ligne de courant pour venir au contact sion brownienne soit efficace et trop petites pour que les mécanis-
de la fibre ; mes d’impaction ou d’interception directe jouent un rôle important.
– l’interception directe : une particule de taille supérieure à C’est dans ce domaine de dimension, que sont testés les filtres à air
0,1 mm peut être interceptée par la fibre si sa ligne de courant à très haute efficacité (HEPA) ou à très faible pénétration (ULPA)
l’approche à une distance inférieure à son rayon ; (norme NF EN 1822) ou les appareils de protection respiratoire
– les effets électrostatiques : si la particule et/ou la fibre sont (norme NF EN 149 pour les demi-masques filtrants par exemple).
chargées électriquement, la force électrostatique (force image,
force de polarisation ou force coulombienne) ainsi générée peut Exemple : les filtres à très haute efficacité type H13 ou H14, selon
modifier la trajectoire de la particule et favoriser sa capture par la la norme NF EN 1822, présentent respectivement une efficacité mini-
fibre. male à la MPPS supérieure ou égale à 99,95 et 99,995 %. L’efficacité
de ces filtres vis-à-vis des nanoparticules est donc supérieure à ces
La plupart des auteurs considèrent l’efficacité unitaire de collecte valeurs dans les mêmes conditions opératoires.
d’une fibre comme étant la somme des efficacités de chacun des

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 402 – 5

QPS

QPT
Génie des procédés et protection de l'environnement
(Réf. Internet 42327)

1– Génie des procédés et développement durable

2– Traitement de l'eau et de l'air



3– Traitement des déchets, des boues et des sites Réf. Internet page

pollués
Traitements chimiques et physico-chimiques des rejets industriels dangereux liquides G2070 107

Traitement biologique des déchets G2060 115

Oxydation hydrothermale de déchets organiques liquides CHV6010 121

Gazéiication de biomasse en eau supercritique J7010 125

Traitements et destinations inales des boues résiduaires J3944 129

Procédés de traitements physiques et chimiques des sols pollués J3981 135

Bioremédiation des sols J3982 141

Traitement des sols et nappes par oxydation chimique in situ J3983 145

Traitement des sols par désorption thermique conventionnelle J3984 149

Atténuation naturelle contrôlée des polluants organiques : outils et modèles J3985 155

Fin de vie des silicones J3990 161

Procédés durables pour la décontamination d'agents chimiques de guerre J3950 165

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
• Saisissez la référence Internet pour accéder directement aux contenus en ligne
• Retrouvez la liste complète des ressources documentaires

QPU

QPV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPWP

Traitements chimiques et physico-


chimiques des rejets industriels
dangereux liquides

par Valérie LAFOREST


Docteur, directrice de recherche,


École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne, UMR CNRS 5600, EVS,
Environnement, Ville et Société, France

Jacques BOURGOIS
Docteur-ès-sciences, professeur émérite,
École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne, UMR CNRS 5600, EVS,
Environnement, Ville et Société, France

et Robert HAUSLER
Docteur, professeur
École des Technologies supérieures de Montréal, Québec, Canada

1. Considérations préalables............................................................. G 2 070v3 – 2


1.1 Objectifs.............................................................................................. — 2
1.2 Gisement des déchets concernés ...................................................... — 2
1.3 Choix et mise en œuvre d’un procédé de traitement ....................... — 3
1.4 Catégorisation des procédés de traitement physico-chimiques ....... — 3
1.5 Seuils de rejets des effluents liquides dangereux ............................ — 4
2. Traitements chimiques ................................................................... — 4
2.1 Oxydoréduction .................................................................................. — 4
2.2 Mise à pH – Précipitation ................................................................... — 8
2.3 Coagulation - floculation ..................................................................... — 13
3. Traitements physico-chimiques.................................................... — 15
3.1 Procédés à membrane ....................................................................... — 15
3.2 Résines échangeuses d’ions .............................................................. — 17
3.3 Adsorption .......................................................................................... — 20
3.4 Méthodes électrochimiques ............................................................... — 21
3.5 Extraction par solvant ........................................................................ — 22
3.6 Évaporation sous vide........................................................................ — 24
3.7 Distillation .......................................................................................... — 26
4. Éléments de coûts des techniques de traitement chimiques
et physico-chimiques des eaux industrielles............................. — 27
5. Conclusion........................................................................................ — 27
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 2 070v3

es déchets dangereux (article R. 541-8 du code de l’environnement) sont


L caractérisés par une composition en éléments toxiques ou dangereux pré-
sentant des risques pour l’environnement et la santé humaine. Ils peuvent être
liquides, solides ou gazeux et issus d’acteurs économiques, de collectivités,
d’industries ou des ménages. Les déchets dangereux représentent 3 % des
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPRP

déchets produits en France, avec environ 11 millions de tonnes en 2018 d’après


l’ADEME. Les déchets industriels dangereux se répartissent suivant trois

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés G 2 070v3 – 1

QPW
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPWP

TRAITEMENTS CHIMIQUES ET PHYSICO-CHIMIQUES DES REJETS INDUSTRIELS DANGEREUX LIQUIDES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

catégories : les déchets organiques (peintures, solvants, huiles usagées par


exemple), les déchets minéraux solides (boues, cendres, résidus de combustion
par exemple) et les déchets minéraux liquides (acides, bases, solutions chimi-
ques minérales notamment). La gestion de ces déchets est soumise à un cadre
réglementaire spécifique émanant notamment de directives européennes telles
que la directive sur les émissions industrielles. En France, le cadre réglemen-
taire est inclus dans le code de l’environnement. Pour atteindre la conformité
réglementaire, il est nécessaire de mettre en œuvre des techniques de traite-
ment des rejets. Cet article se concentrera plus particulièrement sur les rejets
industriels dangereux liquides et les différents types de traitements chimiques
et physico-chimiques.


champ d’application est large et la mise en œuvre peu contrai-
1. Considérations préalables gnante, les opérations de valorisation sont beaucoup plus sensibles
aux variations de composition des déchets et doivent être adaptées
au cas par cas.
1.1 Objectifs La mise en œuvre de ces traitements relève de stratégies très
diverses. Elle peut être intégrée à une unité de production au sein
Les rejets liquides dangereux sont une catégorie de déchets à même de l’établissement industriel. Elle peut également constituer
grande majorité industrielle. Ils contiennent, des éléments toxiques des centres collectifs de traitement, qui reçoivent les déchets d’ori-
pour la santé humaine et/ou l’environnement. Leur caractère dan- gines diverses et au sein desquels une panoplie d’opérations com-
gereux est défini par le code de l’environnement via son article plémentaires assure la valorisation ou l’élimination de tout ou par-
R. 541-8. tie de ces déchets.
Les procédés existants sont souvent très proches, voire identi-
ques, à ceux qui sont généralement décrits dans les filières de trai-
Par définition, un déchet dangereux correspond à « tout tements physico-chimiques et chimiques des eaux usées. S’agis-
déchet qui présente une ou plusieurs des propriétés de dangers sant des déchets industriels, la différence principale tient à la
énumérées à l’annexe I de l’article R. 541-8. Ils sont signalés par nature du gisement (le plus souvent des « lots » de déchets et non
un astérisque dans la liste des déchets de l’annexe II au présent pas des effluents), à sa variabilité de composition et à de plus for-
article. » tes concentrations en éléments « dangereux » dans les déchets. Il
faut enfin noter que, dans cet article, ne seront pas abordés :
Deux stratégies principales de gestion des déchets liquides dan- – la conception et le fonctionnement des centres collectifs de trai-
gereux peuvent être mises en œuvre en fonction des objectifs tement des déchets industriels qui font l’objet d’une présentation
encourus : l’élimination ou la valorisation. séparée ;
– les techniques de stabilisation-solidification des déchets. Ces
& Dans le cas d’une stratégie d’élimination, le déchet, de composi-
techniques, issues pour l’essentiel du savoir-faire acquis en matière
tion complexe, est transformé en deux flux séparés : de déchets nucléaires, connaissent un fort développement et ne se
– un effluent dépollué qui pourra être rejeté dans l’environnement ; limitent pas au seul aspect chimique et physico-chimique, puis-
– une fraction minérale, de préférence très peu soluble, qui qu’elles englobent les traitements thermiques (vitrification) ou
pourra être acceptée en installation de stockage des déchets dange- l’enrobage (matières plastiques et bitumes). Elles feront, elles
reux (ISDD). aussi, l’objet d’une présentation spécifique.

Exemple pour un déchet aqueux : une fois la fraction organique Notons enfin que, si les principes chimiques ou physico-chimiques
oxydée, il est possible de séparer la fraction minérale sous forme mis en œuvre couvrent très largement le champ des connaissances
d’un solide concentré et de le stabiliser avec un liant hydraulique actuelles dans ces disciplines, les procédés industriels sont en cons-
avant de l’entreposer dans une installation de stockage pour déchets tante évolution. Ces évolutions concernent principalement les maté-
dangereux (centre d’enfouissement technique de classe I). Tous ces riaux comme les membranes, les résines ou les réactifs ainsi que les
traitements font appel à des réactions chimiques d’oxydation, de assemblages de procédés intégrés à une chaı̂ne de traitement.
réduction, de précipitation, de neutralisation et de stabilisation Ce constat nous a incités à privilégier l’exposé des principes au
chimique. détriment, parfois, de la description exhaustive des procédés
existants.
& Dans le cas d’une stratégie de valorisation, différents objectifs
peuvent être visés. Il est possible d’obtenir un produit ayant les
mêmes caractéristiques que le produit neuf (régénération) ou bien 1.2 Gisement des déchets concernés
encore d’extraire une ou plusieurs matières premières minérales
ou organiques (récupération) ou d’aboutir à des matériaux plus Les traitements chimiques et physico-chimiques concernent une
complexes mais valorisables. La diversité des techniques chimiques grande variété de déchets, pour l’essentiel issus du secteur indus-
envisageables va de pair avec l’extrême diversité des déchets triel. Ces déchets sont le plus souvent liquides, boueux ou pâteux :
concernés. Contrairement aux procédés d’élimination, dont le bains de traitement de surface, solvants « usés », effluents de

G 2 070v3 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

QPX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPWP

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENTS CHIMIQUES ET PHYSICO-CHIMIQUES DES REJETS INDUSTRIELS DANGEREUX LIQUIDES

procédés de l’industrie de synthèse, boues de traitement physico- 1.3 Choix et mise en œuvre d’un procédé
chimique des effluents industriels, fluides de coupe, etc. Différents
déchets solides sont également concernés, comme les résines
de traitement
échangeuses d’ions, les charbons actifs, les piles et accumulateurs, Le choix d’un procédé de traitement chimique ou physico-chi-
les sous-produits de l’épuration des fumées d’incinération, etc. mique répond à une démarche rationnelle dont les principales éta-
pes sont décrites dans la figure 1. Ce choix passe au préalable par
la description du déchet par son état physique, sa composition, ses
caractéristiques physico-chimiques, sa classification réglementaire,
Étape 1 : caractérisation physico-chimique etc. Dans un deuxième temps, il est nécessaire d’identifier les
des déchets contraintes réglementaires liées au déchet puis celles de l’entre-
prise telles que les contraintes locales, techniques et économiques.
Ces deux premières étapes permettent de déterminer les enjeux
prioritaires et donc de définir les objectifs en termes d’élimination
ou de valorisation, ce qui constitue la troisième étape. La quatrième
Étape 2 : identification des contraintes étape a pour objectif d’identifier les opérations de base pour le trai-
(réglementaires, locales, stratégiques, techniques) tement du déchet concerné afin de répondre aux objectifs. Puis
dans une cinquième et dernière étape, après avoir déterminé les
contraintes liées au milieu récepteur et les caractéristiques du


déchet étudié, le choix du ou des procédés se fera d’une part sur
la base d’essais pilote en laboratoire ou sur le terrain et, d’autre
part, une étude technico-économique et cindynique.
Étape 3 : détermination des enjeux
et des objectifs (élimination, valorisation)
1.4 Catégorisation des procédés
de traitement physico-chimiques
Les traitements physico-chimiques trouvent leur application
Étape 4 : identification des opérations de base aussi bien au sein de l’entreprise productrice du déchet que dans
des centres collectifs. Dans le cas de l’élimination en centre collec-
tif, des chaı̂nes polyvalentes sont prévues pour pouvoir s’adapter à
des déchets de nature et de composition variées. Trois catégories
principales de traitement regroupant huit filières sont présentées
dans le tableau 1.
Étape 5 : choix des procédés ou des filières
de traitement (analyse technico-économique) Les centres de traitement proposent également des filières de
valorisation concernant des déchets plus spécifiques tels que :
– la régénération d’huiles usagées claires ;
– la régénération d’huiles usagées noires ;
Figure 1 – Démarche en vue du choix d’un procédé de traitement d’un – la régénération de solvants usagés ;
déchet – la récupération de métal dissous pour valorisation ;

Tableau 1 – Catégories et filières de traitement fréquemment rencontrées dans les centres collectifs
de traitement des déchets liquides dangereux

– La déchromatation consiste en la réduction du chrome hexavalent très toxique en chrome


trivalent peu toxique et peu soluble. Les déchets concernés sont des déchets exempts de
cyanures dont le taux de chromeVI dépasse la limite de rejet autorisée. Les solutions contenant
des cyanures et du chromeVI devront subir une décyanuration avant la déchromatation
– La décyanuration permet d’oxyder les cyanures très toxiques en cyanates voire en azote
Catégorie 1 : traitement de mélanges – La neutralisation ou mise à pH avant rejet des effluents, consiste à ajuster le pH des solutions
aqueux contenant des composés à traiter dans une gamme de 6,5 à 9, en ajoutant un acide ou une base minérale selon l’acidité
minéraux toxiques du mélange initial
– Les résines échangeuses d’ions constitués de polymères greffés ont la propriété de pouvoir
fixer spécifiquement les ions pour lesquels ils ont une affinité particulière. Il existe deux types
d’échangeurs d’ions : les échangeurs d’anions et les échangeurs de cations. Une fois saturées,
ces résines doivent être régénérées par élution, les éluats produits sont ensuite traités par les
filières physico-chimiques de détoxication habituelles

– La déshydratation, obligatoire lorsque la siccité des déchets industriels est inférieure à 35 %,


suit une étape de floculation et de décantation faisant partie de la filière. Elle s’effectue par
Catégorie 2 : traitement des boues et filtration (filtre-presse, filtre continu, filtre à bande) ou par centrifugation. Les boues produites
solides minéraux permettant leur sont admissibles en centre de stockage après stabilisation éventuelle
admission en centre de stockage – La stabilisation/solidification permet de répondre aux normes sur la lixiviation des déchets
entrant en centre de stockage. Le procédé consiste en un mélange intime des déchets, après
broyage éventuel, avec un liant hydraulique ou organique

– Les émulsions eau/huile doivent être « cassées » avant traitement. Ce cassage se fait par :
Catégorie 3 : traitement des mélanges
centrifugation, ajout de sels ou d’acides ou encore aéroflottation
eau/hydrocarbures
– Les solutions organiques sont en général oxydées chimiquement à l’aide d’oxydants forts

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés G 2 070v3 – 3

QPY
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPWP

TRAITEMENTS CHIMIQUES ET PHYSICO-CHIMIQUES DES REJETS INDUSTRIELS DANGEREUX LIQUIDES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

– la valorisation des métaux par voie pyrométallurgique ou trivalent, qui précipite ensuite facilement sous forme d’hydroxyde,
hydrométallurgique ; par exemple :
– le traitement des emballages pollués ;
– le traitement spécifique des déchets mercuriels. Cr2O72− + 3 HSO3− + 5 H+ → 2 Cr 3 + + 3 SO42− + 4 H2O

1.5 Seuils de rejets des effluents liquides


dangereux 2.1.1 Principe
Les réactions chimiques d’oxydoréduction sont des réactions
Les rejets aqueux liquides dangereux doivent être surveillés et
contrôlés afin que leurs effets sur l’homme et le milieu naturel d’échange d’électrons. Comme toutes les réactions chimiques, les
soient le plus faible possible. réactions d’oxydoréduction sont équilibrées. Une constante d’équi-
libre élevée conduit à une réaction quasi quantitative.
Afin d’assurer la maı̂trise des effets environnementaux des entre-
prises, plusieurs textes réglementaires et normatifs ont vu le jour
d’une part à l’échelle européenne pour définir le cadre dans lequel Réduction Oxydant 1 + n1e− ↔ Réducteur 1 ) × n2
s’inscrivent les États membres de l’Union européenne et, d’autre Oxydation Réducteur 2 ↔ Oxydant 2 + n2e− ) × n1
part, à l’échelle nationale. Oxydoréduction n2 Oxydant 1 ↔ n2 Réducteur 1
Nous pouvons noter les textes réglementaires suivants : + n1 Réducteur 2 + n1 Oxydant 2

S – directive européenne sur les émissions industrielles (dite


« IED ») : directive n 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative
aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de
Le potentiel d’oxydoréduction (POR), qui indique l’état d’avance-
ment de la réaction, est mesuré par un couple d’électrodes consti-
la pollution, JOUE n L334 du 17 décembre 2010). Sa transposition
en droit français se fait notamment pour la partie législative via tué par une électrode indicatrice de type redox (fil de platine,
l’ordonnance n 2012-7 du 5 janvier 2012 et pour la partie réglemen- d’or…) et une électrode de référence (en général au calomel ou au
taire via la série des décrets et arrêtés du 2 mai 2013 ; chlorure d’argent). On appelle E o le potentiel normal du couple
– directive cadre eau (dite « DCE ») : directive 2000/60/CE du redox ([formeoxydée] = [formeréduite]). Les potentiels normaux sont
Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant fournis par des tables. Le tableau 2 indique quelques valeurs de
un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de potentiels E o.
l’eau. La déclinaison de la DCE pour les installations classées fait Plus la valeur E o est importante et plus l’oxydant est fort et,
l’objet d’un guide technique du 21 novembre 2012 relatif aux moda- inversement, plus la valeur de E o est faible, plus le réducteur est
lités de prise en compte des objectifs de la directive cadre sur l’eau fort. Les méthodes polarographiques, bien que peu utilisées,
(DCE) en police de l’eau IOTA/ICPE ;
peuvent s’avérer très utiles pour la détection des couples ox-red
– arrêté du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consom-
en milieu aqueux. De même, les électrodes POR sont des outils
mation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installa-
intéressants pour le pilotage des procédés d’oxydoréduction. Tou-
tions classées pour la protection de l’environnement soumises à
autorisation (JO du 3 mars 1998). tefois, ce type d’électrode n’est pas spécifique et son utilisation
nécessite des essais préalables en laboratoire ou sur le terrain
La suite de cet article présente, de façon non exhaustive, des pro- avec les rejets à traiter.
cédés aussi bien applicables au sein de l’outil de production que
dans les centres de traitement collectifs.
Tableau 2 – Potentiels normaux E o de différents couples
redox
2. Traitements chimiques Potentiel redox
Couples redox
(V)

2.1 Oxydoréduction Radical OH •  + 2,80

L’objectif poursuivi lors du traitement des déchets par oxydoré-


O3 + 2 H+ + 2 e− ↔ O2 + H2O + 2,07
duction est la transformation des polluants :
– soit en une forme moins nocive pour l’environnement et qui
peut être rejetée dans le milieu naturel ; c’est le cas, par exemple : H2O2 + 2 H+ + 2 e− ↔ 2 H2O + 1,76
 lorsque l’on oxyde des cyanures ou des molécules organi-
ques : les ions cyanure CN- sont ainsi oxydés en ions cyanate Cl2 + 2 e− ↔ 2 Cl− + 1,36
CNO- moins dangereux :
Br2 + 2 e− ↔ 2 Br − + 1,09
CN− + ClO− → Cl− + CNO−

 lorsque l’on réduit les ions hypochlorite ClO- en ions chlorure ClO− + H2O + 2 e− ↔ Cl− + 2 OH− + 0,90
Cl- :
I2 + 2 e− ↔ 2 I− + 0,54
ClO− + SO2 + H2O → H2SO4 + Cl−
2 H3O+ + 2 e− ↔ H2 + 2H2O 0,00
 lorsque l’on réduit un excès d’oxydant :

H2O2 + 2 Fe2+ + 2 H+ → 2 Fe3 + + 2 H2O Fe2+ + 2 e− ↔ Fe - 0,44

– soit en une forme dont l’extraction et la stabilisation sont facili- Zn2+ + 2 e− ↔ Zn - 0,76
tées, comme lorsque l’on réduit le chrome hexavalent en chrome

G 2 070v3 – 4 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

QQP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPWP

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENTS CHIMIQUES ET PHYSICO-CHIMIQUES DES REJETS INDUSTRIELS DANGEREUX LIQUIDES

De plus, l’amélioration de la performance énergétique des ozo-


Tableau 3 – Principaux oxydants neurs ( ≅ 10 kWh/kgO3) jumelée à l’utilisation d’oxygène comme
gaz d’alimentation rend cette technologie de plus en plus
Typologie attrayante. Finalement, il est possible de réduire la taille des infra-
Exemples
des oxydants structures d’ozonation en utilisant le concept de la fabrication
d’une eau fortement chargée en ozone à moyenne pression. Cette
technique est idéale lorsque le profil hydraulique est faible ou que
Air H2SO5 les surfaces ou encore que la hauteur des bâtiments est limitante.
Dérivés oxygénés O3 H2O2
O2 S2O82−
2.1.2.1.3 Peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée H2O2)
Dérivés chlorés Cl2 ClO2 NaClO NHmCln L’eau oxygénée (H2O2) est un oxydant fort (H2O2/H2O, E o = 1,76 V).
Elle peut remplacer avantageusement les oxydants chlorés. Ses
principaux inconvénients sont d’être relativement instable (elle
2.1.2 Principaux oxydants doit être conservée en cuve d’acier inoxydable) et plus chère. Par
contre, elle est beaucoup plus spécifique et efficace que les oxy-
Les oxydants sont en général des composés oxygénés ou chlorés dants chlorés et ne conduit pas à la formation de dérivés halogé-
(tableau 3). nés. Elle est également susceptible d’oxyder certains complexes.
L’eau oxygénée est utilisée en combinaison avec l’ozone pour


2.1.2.1 Dérivés oxygénés générer les radicaux hydroxyles et augmenter ainsi, le rendement
du procédé. Par conséquent, elle se retrouve dans un grand nom-
2.1.2.1.1 Air et oxygène gazeux (O2) bre de procédés d’oxydation avancée tels que des procédés utili-
L’air est l’oxydant le plus simple. Il agit par simple dissolution sant des ultraviolets ou du fer (réactif de Fenton). Bien que théori-
dans la solution à traiter. Cette technique est efficace pour réagir quement calculable, le rapport optimal entre le dosage de ces
avec les réducteurs forts comme les eaux chargées en fer (II) par différents composés nécessite, la plupart du temps, une expéri-
exemple. Elle a également l’avantage de chasser les gaz dissous mentation avec les eaux à traiter.
en excès tels que H2S ou CO2. Dans le cas où la demande en oxy-
2 O3 + H2O2 → 2 OH • + 3 O2
gène serait plus importante, il convient de remplacer l’air par de
l’oxygène gazeux, technique bien plus onéreuse. H2O2 + hυ → 2 OH •
Fe2+ + H2O2 → OH • + Fe3 + + OH−
2.1.2.1.2 Ozone (O3)
L’ozone est un oxydant très puissant qui peut réagir sur les réduc- 2.1.2.1.4 Acide peroxymonosulfurique (acide de Caro H2SO5)
teurs selon deux mécanismes différents : et persulfate d’ammonium ((NH4)2S2O8)
Ces oxydants sont des oxydants forts qui ne sont utilisés que
O3 + MO → MOox Réaction directe lorsque les oxydants plus communs sont inefficaces. C’est le cas,
notamment, lors de la destruction de complexes cyanures stables
↓ Précurseur
(comme les ferri- ou ferrocyanures, les cyanures complexes de nic-
OH •
OH • + MO → MOox → CO2 Réaction indirecte kel, de zinc, de cuivre ou les sulfocyanures) :

La réaction directe suit le mécanisme traditionnel de l’ozonolyse SCN− + 4 H2SO5 + H2O → CNO− + 5 H2SO4
(cycloaddition, ouverture du cycle pour donner des composés car-
bonylés avec production de peroxyde en milieu acide). Ce type Il convient de noter que l’acide de Caro est stabilisé par des sels
d’oxydation est très sélectif, mais ne permet pas de réduire la quan- ammoniacaux et peut conduire, lors d’une oxydation directe, à la
tité de carbone organique total contenu dans une eau (diminution formation de complexes ammoniacaux très stables comme ceux
de la demande chimique en oxygène sans variation du COT). du nickel, ce qui est un inconvénient.

Par contre, l’oxydation par l’intermédiaire de radicaux OH • peut 2.1.2.2 Dérivés chlorés
être initiée par la présence d’hydroxydes (OH-) et engendre une
succession de réactions en chaı̂ne (propagation), qui peut aller jus- 2.1.2.2.1 Chlore gazeux (Cl2)
qu’à la minéralisation de la matière organique (diminution de la
Le chlore gazeux est le réactif le plus utilisé dans l’inactivation
demande chimique en oxygène avec une diminution du COT). Les
des micro-organismes vivants. Il réagit avec l’eau et conduit à une
deux mécanismes coexistent en même temps dans l’eau. Seules
dismutation pour donner de l’acide hypochloreux HClO, acide
les conditions d’utilisation et les caractéristiques de l’eau à traiter
faible, en équilibre avec son anion hypochlorite :
vont favoriser l’une ou l’autre réaction. D’un point de vue pratique,
le traitement d’une eau par la réaction directe aboutira à une plus Cl2 + 2 H2O → 2 HClO (acide hypochloreux )
grande efficacité de l’utilisation de l’ozone, mais à des rendements
d’élimination du COT et de DCO plus faibles. À l’opposé, l’efficacité HClO → ClO− + H+ (ion hypochlorite pK a = 7,6)
d’ozonation favorisant le mécanisme radicalaire sera moins bonne
(il faut 2 x O3 pour produire 1 x OH •), mais les rendements d’élimi- En raison des contraintes de santé et sécurité au travail, le chlore
nation de COT et de DCO seront meilleurs. gazeux n’est utilisé que pour des installations qui exigent de gran-
des quantités d’oxydants.
La chimie de l’ozone est donc complexe, mais l’ozonation est de
plus en plus employée (eau potable, eaux de piscine, eaux de pro-
cédés, eaux usées domestiques ou industrielles, eaux de lixiviation, 2.1.2.2.2 Hypochlorite de sodium (eau de Javel NaClO)
décontamination des sols, etc.) due aux nombreux avantages L’hypochlorite de sodium se dissocie dans l’eau selon la réaction
qu’elle procure (enlèvement de la couleur, destruction de com- de dissociation précédente. Ainsi, quel que soit le produit utilisé,
plexe, désinfection ou détoxication des eaux, etc.). En particulier, chlore gazeux ou eau de Javel, c’est le pH de l’eau qui détermine
l’ozone a démontré d’excellents rendements pour la destruction, la nature des espèces présentes dans le milieu. Le couple redox
par exemple, de produits pharmaceutiques, les surfactants, des HClO ou ClO-/Cl- varie entre E o = 1,36 V à pH = 4,5 environ et
pesticides et pour diminuer la toxicité de l’eau. E o = 1,10 V à pH = 10. Cependant, la forme acide est moins stable

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés G 2 070v3 – 5

QQQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPWP

TRAITEMENTS CHIMIQUES ET PHYSICO-CHIMIQUES DES REJETS INDUSTRIELS DANGEREUX LIQUIDES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

que l’ion hypochlorite qui est, quant à lui, le plus stable des oxy- des rendements d’oxydation). Il est donc toujours recommandé
dants présentés. Pour cette raison, l’hypochlorite reste le meilleur d’effectuer des essais en laboratoire à l’échelle pilote sur des eaux
oxydant pour la désinfection des eaux dans le cadre d’une infra- usées représentatives des conditions d’opération industrielle.
structure de potabilisation. Son faible prix rend cet oxydant
attrayant et il peut toujours être utilisé en cas d’urgence. Cepen- 2.1.2.3 Efficacité des oxydants
dant, il est de moins en moins utilisé dans le cas des eaux chargées
Globalement, l’oxygène est l’oxydant le moins efficace. L’eau oxy-
en matière organique à cause de la production de composés orga-
nochlorés. Ces derniers sont reconnus pour être cancérogènes et génée, malgré son potentiel d’oxydation élevé, est très sélective, ce
ils sont toxiques pour l’environnement dans son ensemble. Il est qui réduit ses applications. Ces oxydants sont surtout utilisés dans
donc toujours approprié de faire des essais comprenant des des phases de préoxydation ou couplés avec d’autres oxydants ou
analyses d’organochlorés et des études écotoxicologiques avant catalyseurs. Les composés chlorés ont une action efficace en désin-
d’implanter cet oxydant. fection et sur les composés réducteurs, ils peuvent générer des com-
posés toxiques en présence de matières organiques. L’acide de Caro,
L’hypochlorite réagit avec l’azote ammoniacal pour former suc- bien qu’il soit très efficace, est d’une manipulation délicate et son
cessivement des chloramines (NH2Cl, NHCl2 et NCl3) avant des pro- coût reste élevé. Finalement, l’ozone, un des plus puissants oxydants,
duire du N2. Les chloramines sont des oxydants très stables, qui peut être utilisé pratiquement dans tous les domaines. Sa manipula-
ont également un certain pouvoir désinfectant. Quelques applica- tion est simple et sa production sur demande sur son lieu d’utilisa-
tions ont été tentées mais elles ont été abandonnées du fait des tion devient un avantage. Il est devenu abordable grâce à l’améliora-
nombreux inconvénients de ces oxydants (odeur et goût similaires tion du rendement énergétique des ozoneurs. Sa faible rémanence et


à l’eau de Javel, irritant pour les yeux et résistance de certains sa transformation en oxygène font de cet oxydant l’un des meilleurs
micro-organismes). outils de traitement des eaux usées.
Dans tous les cas, il est toujours important de vérifier leur effica-
2.1.2.2.3 Dioxyde de chlore (ClO2)
cité expérimentalement en laboratoire ou à l’échelle pilote sur le
Le dioxyde de chlore ClO2 est un liquide à pouvoir oxydant rela- terrain. De même, il est de plus en plus recommandé de faire des
tivement élevé. Il est toujours produit sur le site d’utilisation, par études écotoxicologiques lors de ces vérifications afin de s’assurer
action du chlorite de sodium sur le chlore ou l’acide chlorhydrique. que ces procédés ne génèrent pas d’effets toxiques dommageables
Il réagit selon la réaction : à long terme pour l’environnement et la santé humaine.

ClO2 + e− → ClO2− (E o
= 0,95 V ) 2.1.3 Principaux réducteurs
Son potentiel d’oxydoréduction lui permet d’oxyder des compo- Les principaux réducteurs sont le bisulfite de sodium (NaHSO3)
sés, tel que le Fe2+ ou le Mn2+, à pH neutre avec une précipitation et le fer ferreux (Fe2+).
d’hydroxyde métallique selon les réactions suivantes : & Bisulfite de sodium (NaHSO3)
ClO2 + Fe2+ + 3 OH− → Fe (OH)3 + ClO2− Le bisulfite de sodium est plus utilisé que le sulfite de sodium
bien que plus onéreux car son utilisation est plus simple et son
pouvoir tampon plus important. Le couple redox est HSO3− /SO42−.
MnSO4 + 2 ClO2 + 4 NaOH → MnO2 + 2 NaClO2 + Na2SO4 + 2 H2O Le pH joue un rôle important notamment dans le cas de la réduc-
tion du CrVI en CrIII.
Les constantes de vitesse de ces réactions sont plus élevées que & Fer ferreux (Fe2+)
celles avec le chlore. Les consommations théoriques de ClO2 sont
respectivement de 1,2 mg par mg de Fe2+ et de 2,45 mg par mg de Le couple redox est FeII/FeIII. Son emploi est facile mais son prin-
Mn2+. Le dioxyde de chlore peut être utilisé également pour l’oxyda- cipal inconvénient est la production importante de boue d’hydro-
tion de cyanure ainsi que de nombreux composés organiques (com- xyde au stade de la neutralisation finale.
posés phénoliques et organosoufrés, amines secondaires et tertiai-
res non protonées. Il présente l’avantage, comparativement à l’eau 2.1.4 Mise en œuvre de l’oxydoréduction
de Javel, de ne pas former de composés organochlorés. Ce com-
La mise en œuvre de l’oxydoréduction a lieu dans des réacteurs
posé est surtout trouvé dans des applications dans le domaine de
parfaitement agités munis d’un couple d’électrodes de mesure.
la production d’eau potable en préoxydation. Cependant, sa fabrica-
La réaction peut être réalisée en « bâchée » ou en continu. Dans le
tion avec du chlore reste délicate à opérer et son coût de production
premier cas, la fin de la réaction sera fonction de sa cinétique et de
limite son utilisation.
son potentiel électrochimique final ; dans le second, le potentiel
déterminera la fin de la réaction. La cinétique et le débit sont utili-
2.1.2.2.4 Procédés d’oxydation avancée sés pour le calcul du volume du réacteur.
Depuis la mise en évidence de la présence de radicaux OH • dans Il conviendra de prendre un soin particulier au couple d’électro-
les années 80, différents procédés ont vu le jour pour favoriser la des afin que la réaction d’oxydoréduction se fasse dans les meilleu-
présence de ces radicaux dans l’eau. Globalement, les procédés res conditions.
les plus connus reposent sur des couplages tels que : O3/H2O2,
O3/ultraviolet, H2O2/ultraviolet, Fe2+/H2O2 ou O3. Il existe également 2.1.5 Exemples d’application
une nouvelle génération de procédés d’oxydation avancée, basée
sur le principe d’une catalyse hétérogène (O3/TiO2 ou UV/TiO2), Les réactions d’oxydoréduction sont très utilisées dans le
d’une oxydation électrochimique avec des électrodes (telles que : domaine des déchets liquides aqueux. Parmi ces nombreuses
Pt, Ti/IrO2 ; Ti/RuO2 ; Ti/SnO2, PbO2), ou d’une sonochimie utilisant applications, nous ne citerons dans cet article qu’un exemple
des ultrasons avec ou sans ozone. d’oxydation et de réduction.
Ce type de procédés est généralement utilisé pour éliminer des
composés organiques toxiques réfractaires aux autres procédés 2.1.5.1 Oxydation des solutions cyanurées issues du traite-
d’oxydation. Il peut être utilisé dans l’industrie pétrolière ou phar- ment de surface
maceutique en combinaison avec d’autres procédés tels que les Les ions cyanure ne peuvent être rejetés dans l’environnement
procédés membranaires. Finalement, il faut se rappeler que la pré- car très toxiques et ne peuvent coexister avec un milieu acide
sence de carbonate (présent dans l’eau ou résultant de l’oxydation (dégagement d’acide cyanhydrique mortel), ils doivent donc subir
de la matière organique) inhibe l’oxydation radicalaire (diminution un traitement visant à les oxyder sous forme de cyanate, dans un

G 2 070v3 – 6 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

QQR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPWP

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENTS CHIMIQUES ET PHYSICO-CHIMIQUES DES REJETS INDUSTRIELS DANGEREUX LIQUIDES

Effluent cyanuré
4
3

rH pH
2

Effluent traité

1 : réacteur de décyanuration 4 : oxydant en solution


2 : stockage des effluents à traiter 5 : pompes à débit contrôlé
3 : soude M : moteur d’agitation
En général, le dimensionnement du réacteur se fait pour une durée de séjour de 45
minutes. Son volume est donné par la relation V (m3) = 0,75 Q (m3/h)

Figure 2 – Schéma d’une installation de décyanuration

premier temps, et, si la réaction est menée à son terme, sous forme Ce réactif n’est plus commercialisé et donc n’est plus utilisé dans
de gaz carbonique et d’azote. Cette réaction peut être réalisée à le cadre du traitement des eaux résiduaires industrielles.
l’aide des réactifs suivants (schéma du procédé en figure 2) :
– hypochlorite de sodium (eau de Javel) : 2.1.5.2 Réduction de chrome hexavalent
C’est l’oxydant le plus utilisé pour oxyder les ions cyanure. Le pH Le chrome hexavalent est très soluble et très toxique pour
doit être supérieur à 12 afin que la vitesse réactionnelle soit suffi- l’environnement, il est nécessaire de le réduire en chrome triva-
sante et pour favoriser l’hydrolyse du chlorure de cyanogène CNCl lent pratiquement insoluble et moins toxique. Ce procédé peut
intermédiaire réactionnel. être aussi bien utilisé pour les rejets aqueux que pour les sols pol-
lués, riches en CrVI.
CN− + ClO− → CNO− + Cl− – Réduction par le bisulfite de sodium :

– eau oxygénée : Cr2O27− + 3 HSO3− + 8 H+ → 2 Cr 3 + + 3 HSO4 + 4 H2O
L’eau oxygénée détruit les ions cyanure par oxydation en formant
de l’eau. La réaction doit obligatoirement être catalysée par du cui- Cette réaction est pratiquement instantanée pour des valeurs du
vre surtout lorsque les solutions à traiter sont diluées. pH inférieures à 2,5. Au-delà de 3,5, la cinétique n’est plus favorable.
Le CrIII est ensuite précipité sous forme d’hydroxyde par aug-
CN− + H2O2 → CNO− + H2O mentation du pH.
– ozone : Notons que, lorsqu’un grand excès de bisulfite est utilisé, il se pro-
L’oxydation par l’ozone est réalisée dans une tour de contact. duit un dégagement de gaz sulfureux d’odeur piquante. Le schéma
Il est nécessaire de traiter les rejets gazeux afin d’éliminer l’ozone de l’installation de déchromatation est identique à celui de la
résiduel. figure 2, les effluents d’entrée étant de nature chromique, le réac-
teur 1 est le réacteur de déchromatation, la cuve 3 est une réserve
CN− + O3 → CNO− + O2 d’acide sulfurique en général, la cuve 4 est une réserve de bisulfite.
Le dimensionnement du réacteur correspond à un temps de séjour
de 20 à 30 minutes. Son volume est donné par la relation suivante :
– acide de Caro ou acide monopersulfurique (H2SO5) :
Cet oxydant fort est principalement utilisé dans le cas où les ions
cyanure sont complexés.
( ) (
V m3 = 0,33 à 0,5 × Q m3 /h )
4− – Réduction par le fer ferreux :
Fe (CN)6 + 6,5 H2SO5 + 0,5 H2O → 6 CNO− + Fe3 + + 6,5 H2SO4 + OH−
Cette réaction de réduction peut être réalisée à pH acide (> 2,5) :
Dans tous les cas, il est possible de poursuivre l’oxydation, à Cr2O72− + 6 Fe2+ + 14 H+ → 2 Cr 3 + + 6 Fe3 + + 7 H2O
l’aide d’un excès d’oxydant, jusqu’au stade de l’azote gazeux.

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés G 2 070v3 – 7

QQS

QQT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPVP

Traitement biologique des déchets


par Rémy BAYARD
Maı̂tre de conférences à l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon
Chercheur au laboratoire de génie civil et d’ingénierie environnementale (LGCIE)

et Rémy GOURDON
Professeur à l’INSA de Lyon
Chercheur au LGCIE

1. Principaux déchets concernés ..................................................... G 2 060v2 – 2


1.1 Déchets agricoles et agroalimentaires............................................... — 2


1.2 Déchets ménagers et assimilés.......................................................... — 3
2. Métabolismes énergétiques et leurs incidences ...................... — 3
2.1 Aspects théoriques ............................................................................. — 3
2.2 Respiration aérobie ............................................................................ — 4
2.3 Respiration anaérobie et fermentations ............................................ — 4
2.4 Incidences pratiques .......................................................................... — 4
3. Compostage ..................................................................................... — 4
3.1 Objectifs et principe ........................................................................... — 4
3.2 Aspects microbiologiquess ................................................................ — 5
3.3 Paramètres importants et mise en œuvre du compostage............... — 5
3.4 Quelques exemples de compostage de déchets ............................... — 7
3.5 Évaluation de la qualité des produits ................................................ — 12
3.6 Prétraitement mécanique et biologique des ordures ménagères
résiduelles avant stockage ................................................................. — 12
3.7 État de développement actuel ........................................................... — 14
4. Méthanisation .................................................................................. — 14
4.1 Objectifs et principe ........................................................................... — 14
4.2 Aspects biochimiques et microbiologiques ...................................... — 14
4.3 Paramètres importants et mise en œuvre de la méthanisation........ — 15
4.4 Procédés pour déchets solides ou boueux........................................ — 16
4.5 Caractérisation et utilisation des produits......................................... — 16
4.6 État de développement actuel ........................................................... — 17
4.7 Digestion anaérobie de déchets ménagers ....................................... — 18
4.8 Valorisation du biogaz de décharge................................................... — 20
5. Autres traitements ......................................................................... — 21
5.1 Fermentations alcooliques ................................................................. — 21
5.2 Traitement de déchets industriels non agroalimentaires.................. — 21
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 2 060v2

e principe général des traitements biologiques est d’exploiter certaines acti-


L vités microbiennes en les stimulant de manière contrôlée afin soit de
réduire les nuisances potentielles des déchets (odeurs, risques sanitaires, carac-
tère polluant au sens large du terme), soit de les valoriser sous forme énergé-
tique ou sous forme matière. De ce fait, les procédés biologiques sont en pra-
tique généralement utilisés pour le traitement de déchets essentiellement
organiques présentant un caractère biodégradable [1], à savoir notamment les
déchets associés à l’exploitation ou à la consommation de la biomasse (sous-
produits d’élevage, de cultures, d’industries agroalimentaires ; fraction orga-
nique des ordures ménagères). Cependant, la versatilité et la diversité des
micro-organismes sont telles que ce domaine d’application principal n’est pas
exclusif d’autres applications à des déchets industriels organiques, voire miné-
raux (boues d’hydrocarbures, résidus miniers, etc.), bien que le recours à des
techniques physico-chimiques ou thermiques soit alors complémentaire ou
concurrent d’un traitement biologique éventuel.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQP

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 2 060v2 – 1

QQU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPVP

TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES DÉCHETS ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Cet article aborde uniquement le traitement des déchets solides ou boueux,


que nous définirons ici comme possédant un taux de matières sèches respecti-
vement supérieur à 15 % de la masse brute pour les déchets dits « solides », et
compris entre environ 3 et 15 % en masse pour les déchets dits « boueux ». Le
cas des effluents liquides (eaux usées, effluents de procédés) ou gazeux, dont
les traitements sont présentés par ailleurs dans ce volume, n’est donc pas dis-
cuté ici.
Le document propose, dans un premier temps, un rapide tour d’horizon des
principaux types de déchets ou sous-produits susceptibles d’être traités par
voie biologique, puis présente les différentes activités microbiennes (métabolis-
mes) qu’il est envisageable de stimuler pour traiter ces déchets, c’est-à-dire
pour réduire leur caractère polluant ou les valoriser. La présentation des diffé-
rents types de métabolismes microbiens permet de mieux comprendre les inci-
dences pratiques de ces aspects fondamentaux et, notamment, les intérêts et
inconvénients respectifs des traitements biologiques aérobies et anaérobies,
ainsi que les paramètres généraux de fonctionnement. Ainsi, le compostage

S (traitement aérobie) est un traitement relativement rapide visant à une stabili-


sation du déchet et à sa valorisation matière, alors que les traitements anaéro-
bies (méthanisation ou fermentations alcooliques), souvent plus longs, permet-
tent une valorisation énergétique.
Les procédés de traitement biologique des déchets organiques sont des tech-
niques robustes bien éprouvées en pratique dans leurs domaines d’application
privilégiés. Ils n’exigent pas de technologies sophistiquées et sont donc relati-
vement peu onéreux à mettre en œuvre. Cependant, un certain savoir-faire est
nécessaire pour une mise en œuvre efficace et pérenne, notamment concernant
la bonne adéquation entre les matériels techniques utilisés, les conditions opé-
ratoires, le ou les déchets traités, le contexte socio-économique et technique, et
les objectifs fixés au traitement.

1. Principaux déchets Tableau 1 – Chiffres clés sur les déchets organiques


concernés concernés par les traitements biologiques (d’après [1])

Déchets
Déchets des de l’agriculture
Le recours à des micro-organismes pour traiter un matériau quel- Déchets des ménages
collectivités et de
conque implique que ce matériau soit transformable par les micro-
la sylviculture
organismes considérés, c’est-à-dire que la matière qu’il contient
puisse être utilisée par les micro-organismes pour leur permettre 14 Mt 28 Mt 370 Mt
de vivre à ses dépens. On parle généralement de « biodégradabi-
lité » pour qualifier cette caractéristique. Les déchets organiques, Voierie Ordures
(Encombrants) Élevage
issus de l’exploitation ou de la consommation notamment alimen- Marchés ménagères
et déchets verts Culture
taire de la biomasse (constituée par la masse des organismes Boues (sens strict)
6 Mt Forêt...
vivants et de leurs déchets associés), sont généralement biodégra- Déchets verts 22 Mt
dables puisqu’ils sont constitués de molécules d’origine naturelle
susceptibles de s’insérer dans les cycles biogéochimiques de la
matière. À ce titre, ces déchets sont ceux qui se prêtent le mieux à tonnages estimés varient suivant les sources d’information en rai-
des traitements biologiques. son de la définition variable de certains déchets et de leur origine
sectorielle.
Ce sont des déchets essentiellement organiques (teneur en car-
bone de l’ordre de 40 à 50 % de la masse sèche) d’origine végétale
ou animale. Les déchets d’origine animale sont, en général, plus 1.1 Déchets agricoles et agroalimentaires
riches en azote (quelques pour-cent de la masse sèche) que ceux
d’origine végétale (généralement moins de 1 % de la masse Ils sont générés au niveau soit de la production agricole (éleva-
sèche), et souvent plus humides (souvent plus de 70 % de la ges et cultures), soit du stockage, du conditionnement et de la
masse fraı̂che). transformation des produits agricoles (industries agroalimentaires
Le tableau 1 présente les principaux déchets concernés par les de 1re et 2e transformations).
traitements biologiques et leurs tonnages respectifs, sur la base On estime qu’environ 275 Mt de déjections animales sont pro-
des données de l’ADEME [1]. Signalons néanmoins que les duites annuellement par les élevages en France, la majorité en

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


G 2 060v2 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

QQV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPVP

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES DÉCHETS

pâturages extérieurs. Les déjections produites en étables sont récu- 1.2.2 Déchets verts
pérées essentiellement sous forme de fumiers en mélange avec les
litières pailleuses (ce qui les rend pelletables, avec un taux de Principalement constitués de tontes de gazon, tailles d’arbustes,
matières sèches MS supérieur à 15 % de la masse fraı̂che) ou de branchages et feuilles mortes, les déchets verts sont issus des acti-
lisiers (taux de MS inférieur à 10 % en masse, donc pompables). vités collectives de l’entretien des espaces verts publics et de l’acti-
vité domestique de l’entretien des jardins, avec collecte par apport
Les déchets de culture sont l’ensemble des parties végétales qui volontaire en déchetteries. Collectés séparément des autres DMA,
ne constituent pas la production végétale. On estime la production ils sont uniquement constitués de biomasse et sont donc parfaite-
annuelle à environ 55 Mt en France, dont plus de la moitié est ment adaptés à un traitement biologique, bien que leur teneur par-
constituée de pailles de céréales. Ces déchets relativement secs fois élevée en lignine peut limiter leur biodégradabilité. Ils repré-
(taux de MS de l’ordre de 80 % en masse, voire supérieur) et pau- sentent un gisement de 2,1 Mt/an. Depuis le milieu des années
vres en azote (0,5 à 0,8 % des MS) se prêtent mal à un traitement 1990, le compostage de déchets verts s’est très fortement déve-
biologique tels qu’ils sont, mais peuvent être traités en mélange loppé. En 2002, 96 % des déchets verts traités le sont par compos-
avec des déchets plus humides, notamment d’origine animale (cas tage [2].
typique des fumiers).
De l’ordre de 40 Mt de déchets des industries agroalimentaires 1.2.3 Boues de station d’épuration des eaux usées
sont générées annuellement en France dans un contexte technique
Les stations d’épuration des eaux résiduaires assurent le traite-
et socio-économique fort différent du contexte agricole, ce qui n’est
ment des eaux usées urbaines et d’autres activités commerciales
pas sans influence dans le choix des traitements et les moyens sus-


et industrielles [3]. Elles produisent des boues obtenues par décan-
ceptibles d’être mis en œuvre : technicité plus importante, produc-
tation soit des eaux usées avant épuration (boues primaires), soit
tion plus concentrée des déchets créant des contraintes environne-
des eaux traitées (boues secondaires). La production annuelle de
mentales et techniques plus sévères, besoins énergétiques sur le
boues est estimée, en France, à 1,9 Mt [4]. La caractérisation des
lieu de production des déchets, moyens financiers, techniques et
boues fait l’objet de l’article Lutte contre la pollution des eaux
humains plus importants que dans le secteur agricole. On retrouve
[G 1 450] des Techniques de l’Ingénieur. Les boues peuvent être
notamment les abattoirs et les industries laitières et fromagères
traitées par voie biologique, seules (digestion anaérobie) ou en
pour les déchets d’origine animale, et les industries vitivinicoles, mélange avec d’autres sous-produits tels que des résidus ligneux
les conserveries, les brasseries et l’industrie sucrière pour les (copeaux de bois par exemple permettant une meilleure aération
déchets d’origine végétale. Notons que les industries qui exploitent pour le compostage). La valorisation des boues (brutes ou après
la biomasse à des fins non alimentaires (filières du bois d’œuvre ou traitement biologique) par épandage sur les sols est le principal
de chauffe, industries textiles et papetières, industries du cuir, etc.) mode de valorisation des boues, mais il soulève un certain nombre
génèrent, du fait de l’utilisation de nombreux réactifs chimiques ou de questionnements relatifs au devenir des micropolluants (notam-
de la nature même de la biomasse exploitée, des déchets dont le ment les métaux) qui leurs sont associés. Cette pratique est régle-
traitement biologique est plus difficile et pour lesquels le recours mentée par le décret du 8 décembre 1997 et l’arrêté du 8 janvier
à des techniques concurrentes est souvent envisagé (incinération, 1998 qui interdisent l’épandage de boues n’ayant pas d’« intérêt
mise en décharge, valorisation de la matière après traitements pour les sols ou la nutrition des cultures et des plantations » et
chimiques). fixent des concentrations limites en éléments traces métalliques et
en composés traces organiques à la fois dans la boue devant être
épandue et dans le sol recevant l’épandage.
1.2 Déchets ménagers et assimilés
Sur les 46 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés
(DMA) produits en France en 2002, les ordures ménagères (OM)
représentent 24,3 Mt/an, les déchets encombrants 1,3 Mt/an, les 2. Métabolismes énergétiques
refus de traitement 3,6 Mt/an, les déchets verts 2,1 Mt/an et les
boues de station d’épuration 1,9 Mt/an. Les déchets d’entreprises
et leurs incidences
collectés avec les OM représentent 4,5 Mt/an [1].
Parmi ces gisements de déchets, certains sont issus de la bio-
masse et sont ainsi susceptibles d’être traités par voie biologique. 2.1 Aspects théoriques
Le métabolisme énergétique de tous les êtres vivants repose sur
1.2.1 Ordures ménagères des réactions d’oxydoréduction. Cela signifie que les organismes
vivants retirent l’énergie nécessaire à leur vie en oxydant des subs-
Les ordures ménagères (OM) sont issues de l’activité domestique
trats (qualifiés de donneurs d’électrons et de protons) et en rédui-
des populations et des activités municipales et commerciales. La
sant un ou des accepteurs. L’énergie qu’ils retirent est proportion-
fraction des OM susceptible d’être traitée par voie biologique cor-
nelle à la différence de potentiel entre le couple « donneur » et le
respond à : couple « accepteur ». Du fait des conditions d’environnement très
– la fraction organique (hors plastiques) fermentescible des OM variées des différents biotopes de la planète, le monde microbien
(fraction fermentescible des ordures ménagères, FFOM, également est très diversifié et ses capacités métaboliques très vastes. De
dénommée « biodéchets », constituée des déchets de cuisine dits nombreuses substances peuvent ainsi être utilisées par les micro-
« déchets putrescibles », mais aussi des papiers/cartons, soit envi- organismes comme substrats donneurs d’électrons et comme
ron 60 % de la masse des OM) ; accepteurs finals de ces électrons [5] [6].
– certains déchets des espaces verts et des marchés. Lorsque les réactions d’oxydoréduction peuvent se dérouler en
Le traitement biologique de ces déchets est possible, mais se l’absence de lumière, les organismes compétents sont qualifiés de
heurte à des problèmes de tris, de débouchés des produits traités chimiotrophes. Ces micro-organismes, très nombreux et très
et de viabilité technico-économique par rapport aux techniques divers, sont à la base des principales agressions (biodégradations)
concurrentes notamment dans les grandes villes. À l’heure actuelle microbiennes possibles sur un déchet, dès lors que sa fraction
en France, 1,6 Mt/an d’OM sont traitées par voie biologique, majo- organique est suffisante, biodisponible et biodégradable, ce qui
ritairement par compostage (seulement 0,2 Mt/an traités par est le cas des déchets de biomasse décrits précédemment (§ 1).
méthanisation dans deux unités), avec un recul du compostage Une substance quelconque (substrat ou donneur) ne peut être
sur OM brutes au profit du compostage sur biodéchets [2]. oxydée que si une autre substance (accepteur) peut, en se

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 2 060v2 – 3

QQW
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPVP

TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES DÉCHETS ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

réduisant, accepter les électrons arrachés à la première. Cela est nécessaire de chauffer un déchet en cours de compostage, alors
thermodynamiquement possible si, dans les conditions du milieu, que cela est indispensable pour une méthanisation ou une fermen-
le potentiel du couple donneur est inférieur à celui du couple tation alcoolique qui s’accompagne d’un dégagement de chaleur
accepteur. quasi nul. Les processus de biodégradation anaérobie s’accompa-
gnent en effet d’une faible libération de chaleur. L’énergie présente
dans le substrat initial se retrouve stockée dans l’un des produits
2.2 Respiration aérobie formés.
Un accepteur très courant chez les organismes chimiotrophes est Exemple : dans le cas de la méthanisation du glucose (relation (2)),
l’oxygène moléculaire O2. Le potentiel normal du couple O2/2H2O on observe que plus de 85 % ([160-23]/160) de l’énergie chimique
est de + 810 mV par rapport à l’électrode normale à hydrogène, ce potentielle du glucose se retrouve dans le méthane formé.
qui rend possible l’oxydation de très nombreux substrats. Les orga-
nismes compétents sont qualifiés d’« aérobies ». Les organismes De ce fait, les traitements biologiques anaérobies permettent
aérobies stricts ne peuvent se passer d’oxygène, alors que les orga- d’envisager la valorisation énergétique d’un déchet organique en
nismes aérobies facultatifs peuvent utiliser, en l’absence d’oxy- transformant une partie de sa matière en un produit plus facile
gène, d’autres accepteurs de remplacement. Par extension, les trai- d’emploi tel que le méthane ou l’éthanol.
tements biologiques qui utilisent des micro-organismes aérobies
sont eux-mêmes appelés des « traitements aérobies ».

S 2.3 Respiration anaérobie


et fermentations
3. Compostage

D’autres substances minérales que l’oxygène ou des substances 3.1 Objectifs et principe
organiques peuvent être utilisées comme accepteurs finals d’élec-
trons. On parle respectivement de « respiration anaérobie » et de
« fermentations ». Le compostage est un traitement biologique de déchets orga-
niques permettant de poursuivre un ou plusieurs des objectifs
Exemple : l’ion hydrogénocarbonate HCO3− peut être réduit en suivants :
– stabilisation du déchet pour réduire les pollutions ou nuisan-
CH4, l’ion sulfate SO42− peut être réduit en H2S et l’acétate ces associées à son évolution biologique ;
CH3COO- peut être réduit en éthanol CH3CH2OH. – réduction de la masse du déchet ;
– production d’un compost valorisable comme amendement
Les micro-organismes compétents sont dits « anaérobies stricts » organique des sols.
s’ils sont incapables d’utiliser l’oxygène ou « anaérobies faculta-
tifs » s’ils peuvent utiliser l’oxygène lorsqu’il est présent. Notons La mise en œuvre du compostage comporte généralement deux
que, pour ces derniers, l’utilisation de l’oxygène est préférée (lors- étapes biologiques (figure 1), auxquelles s’ajoutent des prétraite-
qu’il est présent), car l’énergie récupérée est plus grande qu’avec ments et posttraitements éventuellement nécessaires (broyages,
les autres accepteurs à cause du potentiel élevé du couple O2/ mélange avec d’autres produits, tris, etc.).
2H2O. Par extension, les traitements biologiques, qui utilisent des
La première étape biologique, dite de « fermentation chaude »,
micro-organismes anaérobies, sont eux-mêmes appelés des « traite-
répond aux deux premiers objectifs de stabilisation du déchet et
ments anaérobies ».
de réduction de sa masse. Sa dénomination est en fait un abus de
langage puisque le terme « fermentation » désigne en toute rigueur
un processus microbiologique anaérobie comme indiqué au para-
2.4 Incidences pratiques graphe 2.3. Au cours de cette étape, la matière organique la plus
Des considérations thermodynamiques simples montrent que les
micro-organismes aérobies peuvent retirer, à partir d’un substrat
donné, beaucoup plus d’énergie pour leur croissance que les
micro-organismes anaérobies. Ainsi, si l’on considère comme
substrat modèle le glucose (sucre constitutif de nombreux glucides
de la biomasse), on peut écrire les réactions globales suivantes
pour le métabolisme aérobie (1) ou anaérobie (2) de cette molécule,
où DG′0 est la variation d’enthalpie libre standard à pH = 7 :

C6H12O6 + 6O2 → 6CO2 + 6H2O ( ΔG′0 = − 160 kJ/ mol) (1)

C6H12O6 → 3CH4 + 3CO2 ( ΔG ′0 = − 23 kJ/ mol) (2)

De ce fait, la croissance des micro-organismes aérobies est géné-


ralement plus rapide que celle des micro-organismes anaérobies,
et les traitements biologiques aérobies sont donc eux-mêmes plus
rapides que leurs concurrents anaérobies (il s’agit, bien évidem-
ment, d’une considération très générale qui peut ne pas toujours
être vérifiée en fonction des procédés mis en œuvre). D’autre part,
du fait des grandes quantités d’énergie libérées par les métabolis-
mes oxydatifs aérobies, l’activité microbienne aérobie est suscep- Figure 1 – Étapes biologiques du compostage, pouvant être
tible de céder de la chaleur au milieu traité qui peut ainsi s’échauf- précédées et suivies de traitements mécaniques et/ou physico-
fer comme c’est le cas lors du compostage. Il n’est donc pas chimiques divers

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


G 2 060v2 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

QQX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPVP

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES DÉCHETS

facilement biodégradable du déchet est oxydée par des micro-orga- de température a éventuellement entraı̂né un certain assèchement
nismes aérobies qui consomment de l’oxygène et libèrent de la du déchet, les moisissures et les actinomycètes deviennent prépon-
chaleur. On assiste donc, si le déchet est suffisamment biodégra- dérants. Le développement de certains champignons peut éven-
dable et aéré et que les pertes thermiques sont réduites (§ 3.3.1.3), tuellement présenter des risques sanitaires, notamment pour les
à une élévation de la température qui peut atteindre 70  C, voire travailleurs directement exposés, lors de la production ou de la
davantage. Pour de nombreux déchets de biomasse, on enregistre manutention du compost, aux spores fongiques ou bactériennes
une dégradation d’environ 30 à 40 % de la masse qui s’accom- qui peuvent être véhiculées localement par envol de poussières
pagne d’une réduction d’environ 50 % du volume. La durée de lors de la manutention ou de l’aération du déchet ou du
cette première étape varie de quelques jours à quelques semaines compost [7] [8].
en fonction de la nature du déchet, des conditions opératoires
(aération, etc.) et de contraintes diverses (dimensionnement de
l’installation, objectifs fixés…). 3.3 Paramètres importants et mise
À l’issue de cette étape, le déchet est beaucoup moins bioévolutif en œuvre du compostage
qu’avant traitement puisque sa fraction la plus biodégradable a été
éliminée, et, en outre, les cellules indésirables (micro-organismes Les paramètres du compostage sont ceux pouvant influencer
pathogènes, graines végétales) ont pu être détruites par effet ther- l’activité microbienne [9]. On peut distinguer deux catégories de
mique si la température a dépassé 60  C pendant au moins 5 à paramètres, à savoir les paramètres de conduite du procédé et les
24 heures. On obtient donc un déchet relativement stabilisé pou- paramètres caractéristiques du déchet.


vant être stocké ou valorisé dans des conditions plus acceptables Les paramètres de conduite du procédé sont ceux qui, pour un
que le déchet de départ. Cependant, si l’objectif de production cas de figure donné (un déchet donné dans une configuration don-
d’un amendement organique (compost, voir § 3.5) est poursuivi, il née traité dans une installation donnée), permettent de contrôler ou
est nécessaire de modifier les caractéristiques de la matière orga- de suivre l’avancement du processus. Il s’agit essentiellement de
nique résiduelle pour lui conférer des propriétés proches de celles l’aération, de la température et de la teneur en eau. Ces trois para-
de la matière humique. C’est l’objectif de la seconde étape du trai- mètres sont interdépendants, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de
tement (figure 1). Celle-ci ne s’accompagne que d’une faible dégra- contrôler l’un d’entre eux sans affecter plus ou moins significative-
dation de matière et, de ce fait, les besoins en oxygène sont faibles ment au moins l’un des deux autres.
(moins de 0,1 m3 d’air par minute et par tonne de matière sèche) et Les paramètres caractéristiques du déchet à traiter ne peuvent,
l’échauffement limité. La température en cours de maturation est en revanche, pas être modifiés en cours de traitement et ne permet-
donc de l’ordre de 20 à 30  C. tent donc pas de piloter le procédé. Il s’agit notamment de la bio-
Selon l’origine et la nature du déchet, des pré- et posttraitements dégradabilité et de la granulométrie du déchet, de son pH et de son
peuvent être nécessaires. C’est le cas des opérations d’affinage rapport C/N/P (ratios des masses de carbone, azote et phosphore
pour la préparation du produit maturé en vue de sa commercialisa- dans le déchet).
tion. Ces traitements visent principalement à éliminer par tri densi-
métrique et/ou granulométrique les fractions grossières et les élé- 3.3.1 Paramètres de conduite et techniques
ments indésirables tels que les cailloux mais aussi les métaux, les de mise en œuvre
morceaux de verre et les matériaux plastiques.
3.3.1.1 Teneur en dioxygène
3.2 Aspects microbiologiques Le contrôle des paramètres de conduite est surtout important
pour l’étape de fermentation chaude du compostage. Cette étape
Le compostage se caractérise par la grande diversité des micro- reposant sur des réactions de biodégradation aérobie, la teneur en
organismes impliqués, constitués à la fois de bactéries (dont des oxygène est le premier paramètre à contrôler. Dans le cas de
actinomycètes) aérobies strictes et facultatives et de champignons déchets organiques solides ou boueux concernés par cet article, le
(notamment des moisissures). Dans l’immense majorité des cas processus de biodégradation consiste en la dégradation micro-
pour les déchets de biomasse, les micro-organismes nécessaires à bienne d’un matériau granulaire poreux. Les micro-organismes
la biodégradation sont déjà présents dans le déchet lui-même et il dégradent les grains de déchet à partir de leurs surfaces externes
n’est donc pas nécessaire d’envisager une inoculation par des sur lesquelles ils se fixent (figure 2). Ces surfaces sont recouvertes
micro-organismes exogènes. Cependant, pour accélérer le démar- d’une pellicule d’eau liée, plus ou moins épaisse et plus ou moins
rage de la biodégradation en réduisant le temps de latence éven- continue (en fonction de la teneur en eau du déchet), indispensable
tuellement nécessaire à l’adaptation des micro-organismes indigè- à l’activité microbienne. Les micro-organismes dégradant la
nes aux conditions opératoires du traitement, il peut être utile matière organique des grains solides du déchet utilisent l’oxygène
d’incorporer au déchet à traiter une certaine quantité (souvent 5 à
10 % de la masse entrante) de compost mûr ou de matière orga-
nique ayant déjà subi la première étape de fermentation chaude Grain de déchet
afin de doper le déchet en biomasse active.
Eau liée
Contrairement au cas de la digestion anaérobie, la connaissance
des aspects microbiologiques ou biochimiques du traitement ne
sont pas indispensables à une bonne maı̂trise du compostage. La CO2 + H2O
plupart des micro-organismes impliqués sont en effet robustes et
ne s’organisent pas en une chaı̂ne trophique relativement fragile Espace lacunaire parcouru
comme c’est le cas en anaérobiose (voir § 4.1). d’un flux gazeux
eux (aération)
(aération
Durant la première étape dite de « fermentation chaude », on
assiste à une modification progressive de la population micro- O2
bienne qui s’adapte à l’évolution des conditions de milieu. Ainsi,
l’évolution de la température conduit au développement d’une Cellule
population de micro-organismes thermophiles dominants si la tem- microbienne
pérature atteint puis dépasse 45  C. Au début du traitement, les
bactéries mésophiles puis thermophiles sont prédominantes pour Figure 2 – Représentation schématique des processus
la dégradation des composés facilement biodégradables du déchet. de biodégradation aérobie d’un déchet organique granulaire lors
Puis, lorsque ces composés ont été consommés et que l’élévation du compostage

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. G 2 060v2 – 5

QQY

QRP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
chvVPQP

Oxydation hydrothermale
de déchets organiques liquides
par Hubert-Alexandre TURC
Ingénieur
Commissariat à l’Énergie Atomique, DEN/MAR/DTCD/SPDE
Centre de Marcoule, Bagnols-sur-Cèze, France
et Antoine LEYBROS
Ingénieur


Commissariat à l’Énergie Atomique, DEN/MAR/DTCD/SPDE/LPSD
Centre de Marcoule, Bagnols-sur-Cèze, France

1. Des propriétés de l’eau supercritique aux performances


de l’oxydation hydrothermale ................................................................... CHV 6 010 - 2
2. Mécanismes réactionnels de l’oxydation hydrothermale....................... — 3
3. Précipitation/dépôt des sels minéraux..................................................... — 3
4. Procédés d’oxydation hydrothermale (OHT)............................................ — 4
4.1 Principe de mise en œuvre......................................................................... — 5
4.2 Premiers développements ......................................................................... — 5
4.3 Contrôle de la température ........................................................................ — 6
4.4 Contrôle de la précipitation et du colmatage ........................................... — 6
4.5 Contrôle de la corrosion ............................................................................. — 7
5. Modélisation par mécanique des fluides numérique .............................. — 9
6. Développements industriels et commerciaux ......................................... — 10
7. Conclusion ................................................................................................... — 11
8. Glossaire ...................................................................................................... — 12
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. CHV 6 010

vec l’augmentation de la production annuelle de déchets et la raréfaction


A des options de mises en décharge, l’élimination et/ou le recyclage des
matériaux composant ces déchets sont devenus une impérieuse nécessité pour
nos sociétés industrielles. Le cas des déchets organiques passe généralement
par des traitements thermiques (voir par exemple [G2051]) lesquels permettent
notamment de valoriser l’énergie calorifique libérée par la minéralisation des
déchets.
Depuis quelques décennies, certains procédés innovants de traitement des
déchets organiques ont vu le jour et parmi eux, les procédés dits d’oxydation
hydrothermale, procédés extrêmement performants du point de vue de leur
polyvalence, de leur efficacité, et de leur compacité. Ces procédés permettent
la minéralisation dans l’eau supercritique, particulièrement adaptée pour le
traitement de substances réfractaires, pour le traitement de substances orga-
niques dangereuses ou toxiques présentes isolément, dans des effluents
industriels, ou des eaux usées urbaines.
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQW

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés


CHV 6 010 – 1

QRQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
chvVPQP

OXYDATION HYDROTHERMALE DE DÉCHETS ORGANIQUES LIQUIDES _________________________________________________________________________

1. Des propriétés de l’eau Tableau 1 – Ordres de grandeur relatifs


supercritique de la masse volumique ρ, de la viscosité
dynamique η et du coefficient d’autodiffusion D
aux performances
ρ η D
de l’oxydation (kg.m−3) (Pa.s) (m2.s−1)
hydrothermale Gaz 1 10−5 10−5

Aux conditions normales de pression et de température, un Fluide 100-800 10−4 − 10−5 10−8
corps pur peut se trouver sous les trois états classiques : solide, supercritique
liquide ou gaz. L’étude du diagramme de phase (figure 1) met en
évidence, à l’extrémité de la courbe de coexistence liquide-gaz, la Liquide 1 000 10−3 10−9
présence d’un point singulier appelé « point critique ».


Un fluide est dit « supercritique » si la température et la pres-
sion sont simultanément supérieures à la température critique

Conductivité thermique (mW.m–1.K–1)


1 000 100
et à la pression critique. Les coordonnées du point critique de

Viscosité dynamique (10–6 Pa.s)


l’eau sont Pc = 22,1 MPa et Tc = 647 K (221 bar / 374 °C). 900 90

Capacité thermique massique (kJ.kg–1.K–1)


Masse volumique (kg.m–3)
800 80
L’eau voit ses propriétés thermodynamiques et de transport 700 70
modifiées lors du passage du point critique. Ces propriétés phy-

Constante diélectrique
600 60
siques de l’eau supercritique ont des caractéristiques intermé-
diaires entre celles de l’eau liquide et celles de la vapeur d’eau 500 50
(tableau 1). Le diagramme de phase donné figure 1 met égale- 400 40
ment en évidence quelques courbes d’isodensité dans le domaine
supercritique de l’eau. 300 30

L’article Gazéification de biomasse en eau supercritique 200 20


[J 7 010] de O. Boutin et J.C. Ruiz donne plus de détails sur les 100 10
propriétés physico-chimiques de l’eau supercritique.
0 0
Des études des diagrammes de phase des systèmes aqueux 273 373 473 573 673 773 873 973 1073
binaires ont été réalisées avec l’eau et les composés suivants :
CO2, N2, O2, dans des domaines allant jusqu’à 200 MPa et 450 °C Température (K)
[1]. Dans tous les cas, au-delà du point critique de l’eau, le
mélange est monophasique, indiquant une solubilité en toute pro- Figure 2 – Propriétés de l’eau supercritique en fonction de la tempé-
portion. Il en est de même pour tous les composés organiques. rature à 25 MPa
L’eau supercritique est ainsi un milieu réactionnel très favorable
au développement de réactions de combustion entre des compo-
sés organiques et un oxydant tel que l’oxygène, ce milieu permet- une réaction spontanée, quantitative, et non limitée notamment
tant un mélange intime et efficace de ces réactifs, et permettant par les transferts de masse aux interfaces. Ainsi, dès les premiers
développements dans ce domaine, on a pu établir des rende-
ments de minéralisation de matières organiques égaux ou supé-
rieurs à 99 %, pour la quasi-totalité des composés ou déchets
organiques étudiés, dans des temps de réaction extrêmement
Pression (MPa)

730 322 brefs (typiquement de l’ordre de la minute).


164
L’échauffement isobare fait également apparaître des évolu-
1 00 0 kg/m–3

tions rapides au voisinage de la température critique de l’eau.


100
40 Ces variations des principales caractéristiques de l’eau en fonc-
Domaine tion de la température à la pression de 25 MPa sont illustrées
Supercritique figure 2. Quand la température et la pression augmentent, la
constante diélectrique décroît fortement. Elle passe de la valeur
de 80, sous les conditions normales de pression et température, à
Point critique (PC) (Tc = 647 K Pc = 22 MPa) moins de 10 au-dessus du point critique [2]. L’eau présente alors
des propriétés de solvatation proches de celles d’un solvant orga-
20
nique. À 25 MPa, le produit ionique de l’eau passe quant à lui
d’une valeur d’environ 10–14 (mol/kg)2 à 25 °C, à une valeur maxi-
male de 10–11 (mol/kg)2 entre 200 et 300 °C, pour chuter à moins
Solide

40 kg/m–3
de 10–23 (mol/kg)2 à 550 °C. Les espèces ioniques dissociées dans
Liquide l’eau aux températures ambiantes deviennent insolubles dans
Gaz l’eau supercritique.
PT
0 Par exemple, CaCl2, qui a une solubilité maximum de 70 % mas-
273 473 673 873 973 sique dans l’eau à basse température, voit celle-ci diminuer à 3
(*0 °C = 273,15 K ; K = Kelvin = unité SI) Température (K)* ppm à 25 MPa et 550 °C.
Le développement de la technologie des procédés d’oxydation
Figure 1 – Diagramme de phase (pression, température) de l’eau hydrothermale (OHT) dans l’eau supercritique entrepris depuis
pure plusieurs décennies passe par une mise en œuvre de procédés

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés


CHV 6 010 – 2

QRR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
chvVPQP

_________________________________________________________________________ OXYDATION HYDROTHERMALE DE DÉCHETS ORGANIQUES LIQUIDES

sous pression endurants, valorisant l’efficacité et la polyvalence


de la combustion dans l’eau supercritique, tout en maîtrisant à la +O

fois les dégagements thermiques très intenses et localisés dans le


milieu réactionnel, et les implications de la précipitation des H• + •
+ OH
charges salines dans ce même milieu.
OH
+ H2O

2. Mécanismes réactionnels + O2 O
H•+O2 = HO2•
+ H• HO2•+HO2• = H2O2+O2
de l’oxydation H2+O2 = HO•+HO•

hydrothermale O
O•
O
CO2
+
H• + CO +
Dans les conditions opératoires de l’oxydation en eau supercri-
tique, l’eau se comporte comme un gaz dense apolaire de faible O + H O O•
constante diélectrique. Comme l’eau supercritique ne peut conte-


O•
nir d’espèces chargées, les réactions entre les réactifs sont radica- •
+ OH
laires et non ioniques comme à l’état ambiant. Les réactions
élémentaires sont similaires à celles qui se dérouleraient pour une
combustion, dans les conditions de pression et de température de
Mécanisme de réaction identique jusqu’à
l’oxydation hydrothermale [3]. L’eau sert à la fois de milieu réac-
formation de CO2 et H2O
tionnel mais participe également à l’oxydation comme réactif. Elle
réagit avec l’oxydant pour former des radicaux HO• et HOO• très
réactifs vis-à-vis des molécules organiques. Figure 3 – Schéma réactionnel de l’oxydation du benzène en condi-
tions hydrothermales

L’oxygène moléculaire peut également réagir directement avec le Ces réactions se poursuivent jusqu’à aboutir à la formation
composé organique pour former d’autres radicaux HOO•. d’intermédiaires réactionnels stables (acide acétique par exemple)
puis in fine à du CO2 et de l’eau.
Un exemple des principales étapes d’oxydation du benzène est
L’ensemble des radicaux formés vont, par un mécanisme de réac- donné à la figure 3. Cette approche a notamment été utilisée pour
tions en chaîne, aboutir à l’oxydation totale de ce composé, qui décrire aussi bien les mécanismes d’oxydation de composés
est recherchée dans la mise en œuvre des procédés d’oxydation simples (H2, CO, CH4, CH3OH, C2H5OH, phenol) [4] que le méca-
hydrothermale. Trois étapes sont généralement observées : initia- nisme de décomposition du squelette polystyrénique d’une résine
tion/formation des radicaux, propagation, puis terminaison/recom- échangeuse d’ions [5] lors de son oxydation hydrothermale.
binaison des radicaux. L’étape d’initiation, durant laquelle se Pour la quasi-totalité des composés organiques étudiés dans la
forment les radicaux, est l’étape cinétiquement limitante. littérature [6], une réaction quasi-totale de minéralisation peut être
La phase de propagation consiste en la réaction de radicaux obtenue pour un temps de séjour inférieur à 30 s si la température
hydroxy ( ), peroxy (ROO•) et hydroperoxy (HOO•) avec le com- du milieu réactionnel est supérieure à 550 °C. Cependant, pour
posé organique à traiter provoquant la formation d’intermédiaires quelques molécules moins labiles à l’oxydation (généralement
réactionnels de masse molaire de plus en plus faible pouvant se possédant un cycle aromatique tel que le phénol), des temps de
recombiner par la suite. À titre d’exemple, les réactions d’addition séjours plus importants peuvent être nécessaires. Un compromis
d’oxygène forment des radicaux peroxy ROO•. entre temps de séjour de l’ordre de la minute et température réac-
tionnelle entre 450-500 °C (moins contraignante pour le matériau
constitutif du réacteur) permet de conserver généralement des
rendements de conversion supérieurs à 99 %.
Ces radicaux peroxy peuvent :
– soit capturer un atome d’hydrogène pour former des
hydroperoxydes ;
3. Précipitation/dépôt
– soit attaquer les fonctions alcools, cétones, aldéhydes ou acide
des sels minéraux
carboxyliques ;
L’apparition de dépôts de sels dégrade le bon fonctionnement
des réacteurs d’oxydation hydrothermale, par la diminution des
– soit se recombiner. transferts de chaleurs aux parois, à cause de l’encrassement, par
l’apparition de corrosion entre la couche saline et la paroi interne,
néfaste à la tenue mécanique des équipements sous pression, et
par le colmatage, entraînant des difficultés de régulation de la
Des réactions de scission peuvent également se produire pour for- pression opératoire pour des réacteurs opérant en continu [7]. Le
mer d’autres intermédiaires réactionnels ou d’autres radicaux mécanisme de dépôt des sels issus de l’oxydation de déchets
pouvant réagir selon le mécanisme précédemment évoqué. contenant des hétéroatomes est une combinaison de l’effet des
conditions opératoires hostiles et de la nature desdits sels. La
solubilité, le diagramme de phase de chaque espèce (des
exemples de diagrammes de phase à 25 MPa se trouvent à la

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés.


CHV 6 010 – 3

QRS

QRT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jWPQP

Gazéification de biomasse en eau


supercritique
par Olivier BOUTIN
Ingénieur École nationale supérieure des Industries chimiques,
Docteur en Génie des procédés
Ingénieur-chercheur au Commissariat à l’Énergie Atomique
et aux Énergies Alternatives (CEA Marcoule)
Jean-Christophe RUIZ


Ingénieur-chercheur au Commissariat à l’Énergie Atomique
et aux Énergies Alternatives (CEA Marcoule)
Responsable du projet Eau supercritique au sein du laboratoire
des Procédés supercritiques et de Décontamination.

1. Procédés de valorisation thermochimique de la biomasse......... J 7 010 - 2


2. L’eau supercritique ................................................................................. — 2
2.1 Propriétés de l’eau supercritique.............................................................. — 2
2.2 Solubilité des liquides, des sels et des gaz dans l’eau supercritique ..... — 4
2.3 Contraintes imposées par les procédés en eau supercritique ................ — 5
3. Généralités sur la gazéification en eau supercritique .................. — 5
3.1 Les différentes biomasses concernées ..................................................... — 5
3.2 Principe de la gazéification en eau supercritique..................................... — 6
3.3 Premières réactions de décomposition..................................................... — 6
3.4 Réactions entre les gaz formés .................................................................. — 7
3.5 Influence des paramètres opératoires....................................................... — 7
3.6 Influence des catalyseurs ........................................................................... — 8
4. Technologies de gazéification en eau supercritique .................... — 8
4.1 Matériaux et problèmes de corrosion ....................................................... — 8
4.2 Spécificités des conditions de pression et de température..................... — 9
4.3 Exemples de réacteurs développés........................................................... — 10
4.4 Exemples d’applications............................................................................. — 12
5. Conclusion................................................................................................. — 13
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. J 7 010

a valorisation de la biomasse est au cœur des interrogations sur les res-


L sources énergétiques au cours du XXIe siècle. Elle en est un des enjeux
majeurs. Le terme biomasse regroupe des significations très diverses, depuis
une biomasse noble destinée à l’alimentation, comme les céréales, jusqu’à des
biomasses assimilables à des déchets comme les vinasses issues de la fabrica-
tion de betterave ou les boues biologiques de station d’épuration. Dans le cas
des biomasses humides un procédé de valorisation d’intérêt est la gazéifica-
tion en eau supercritique. Ce procédé permet d’éviter une étape de séchage et,
moyennant des conditions de pression et de température adéquates, la pro-
duction d’un gaz énergétique pouvant contenir de l’hydrogène, du méthane,
du monoxyde de carbone et/ou des hydrocarbures légers. L’intérêt suscité par
ce procédé est donc à situer dans la problématique globale de l’accès à une
énergie d’origine non fossile ainsi que dans la problématique des gaz à effet
de serre, l’utilisation de biomasse s’insérant dans un cycle court du carbone.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQS

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 7 010 – 1

QRU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jWPQP

GAZÉIFICATION DE BIOMASSE EN EAU SUPERCRITIQUE ____________________________________________________________________________________

La gazéification en eau supercritique s’adresse plus particulièrement à des bio-


masses très humides (plus de 70 % d’humidité) qu’il n’est donc pas nécessaire
de sécher au préalable. Les températures de réaction sont relativement basses
(maximum de 700 °C), comparées aux procédés de gazéification en voie clas-
sique ou sèche (typiquement 900 °C). Cela limite la production de gaz
polluants, type dioxines ou NOx. De même, le milieu aqueux de solvatation
permet de limiter la formation de solides et de goudrons. Les gaz visés sont
l’hydrogène principalement, mais également un mélange hydrogène et
monoxyde de carbone (mélange pour la synthèse Fisher Tropsch), ou la pro-
duction de méthane. L’influence des conditions opératoires principales sur la
nature et les rendements de conversion sera détaillée dans cet article (pression,
température, concentration initiale de la biomasse, présence ou non de cataly-
seurs). Le développement industriel de ce procédé n’étant pas réalisé à ce jour,
les pilotes de laboratoire les plus importants (jusqu’à 100 kg.h-1) seront
présentés.


1. Procédés de valorisation d’épuration. Dans ce dernier cas, la teneur en eau est supérieure à
90 %, voire 95 % en masse. Ainsi, dans le cadre du procédé de
thermochimique gazéification en eau supercritique, tous les types de biomasse peu-
vent être traités en théorie, il suffit de rajouter de l’eau pour obtenir
de la biomasse des concentrations en matière organique qui permettent le traite-
ment. En opposition, la gazéification classique peut nécessiter un
séchage qui a un cout énergétique important. Il serait cependant
La valorisation thermochimique de la biomasse consiste à porter hasardeux de donner une teneur en eau limite pour ségréger les
à de hautes températures une biomasse dans une atmosphère non différents procédés, même si des teneurs de 70 à 80 % sont souvent
oxydante (ou en sous stœchiométrie dans le cas d’une oxydation proposées dans la littérature. C’est en général une étude technico-
partielle). Schématiquement, trois types de procédé de valorisation économique de chaque procédé, voire plutôt de chaque filière plus
thermochimique de la biomasse sont développés à des pressions globalement, qui permet de déterminer la voie de valorisation la
proches de l’ambiante. Pour un chauffage lent, une pyrolyse lente plus intéressante. En termes d’objectifs, très souvent, la gazéifica-
est obtenue, qui conduit principalement à la formation de charbon. tion en eau supercritique vise la production d’hydrogène. Mais il est
Pour des vitesses de chauffage plus rapides, une pyrolyse rapide également possible de produire des mélanges de monoxyde de car-
est effectuée, qui conduit principalement à la formation d’une bone et d’hydrogène, ou du méthane. Cela dépend des conditions
biohuile [G1455] [BE8535]. Notons que dans tous les cas, trois pha- de pression, de température, et de la durée du traitement.
ses sont obtenues (solide, liquide et gaz), les phases solide et
liquide étant minoritaires. La pyrolyse est faite en atmosphère Cet article présente le procédé de gazéification en eau supercriti-
inerte, azote par exemple. Pour des températures plus élevées, au- que, à savoir les points clés nécessaires à la compréhension du
delà de 1 000 °C parfois, la dégradation se poursuit jusqu’à l’obten- fonctionnement de ce procédé, les différentes réactions mises en
tion de gaz. Ce procédé est une gazéification, qui peut se faire en jeu, des exemples de biomasses dont la potentialité a été testée et
présence d’un gaz oxydant doux comme le dioxyde de carbone ou les différents réacteurs en cours de développement.
la vapeur d’eau [BE8565] [BE8535] [RE110] [J5200] ou par oxyda-
tion partielle à l’oxygène [G1455].
Il est également possible de transposer ces procédés en milieux
aqueux hautes pressions, pour des températures en général infé- 2. L’eau supercritique
rieures aux procédés classiques. La limite qui est faite dans ces
procédés correspond à la température critique de l’eau pure qui
est de 374 °C. Ainsi, pour des températures inférieures à 350 °C et 2.1 Propriétés de l’eau supercritique
des pressions allant jusqu’à 20 MPa, dans de l’eau sans oxydant,
on s’intéresse à un procédé dit de liquéfaction de biomasse, qui Dans le diagramme (pression, température) d’un corps pur, la
produit principalement une biohuile et peu de solides et de gaz ligne de coexistence des phases gaz et liquide se termine par le
(principalement du CO2). Pour des températures supérieures à point critique du corps considéré. Pour des valeurs supérieures à
400 °C et des pressions de 30 à 40 MPa, on parle de procédés de cette pression et à cette température critiques, une seule phase
gazéification en eau supercritique. existe, appelée phase supercritique, pour laquelle il n’y a pas de dis-
Dans le cas de l’utilisation de l’eau supercritique, la biomasse continuité lors du passage à l’état liquide ou gazeux par variation de
cible est plutôt une biomasse humide, à distinguer de la biomasse pression ou de température. De façon générale, les fluides supercri-
sèche. Il est cependant important de nuancer la signification de ces tiques ont des propriétés particulières, communes et d’intérêt,
termes. On entend en général par biomasse sèche les divers comme une masse volumique assez élevée, parfois proche de celle
déchets et résidus de la transformation du bois, la paille, le des liquides, une faible viscosité proche des gaz et de bons coeffi-
papier… Il est couramment admis qu’une biomasse est dite sèche cients de transfert. Cela leur confère de bonnes propriétés de sol-
si elle comprend moins de 20 % en masse d’humidité. La biomasse vant et justifie l’intérêt pour la mise en œuvre de réactions
humide est définie comme une biomasse comportant au moins chimiques ou de diverses opérations unitaires. Les deux composés
50 % d’humidité, par exemple certains déchets verts, agricoles, rési- les plus utilisés dans leur domaine supercritique sont le CO2 (extrac-
dus de l’industrie agroalimentaire… Une dernière catégorie impor- tion, fractionnement, imprégnation, cristallisation…) [CHV4010] et
tante à rajouter pour cette application sont des biomasses dites l’eau (oxydation hydrothermale de déchets, synthèse matériaux…)
liquides, de type liqueurs noires de papeteries ou boues de station [J4950]. Les premières utilisations de l’eau supercritique sont décri-

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 7 010 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

QRV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jWPQP

____________________________________________________________________________________ GAZÉIFICATION DE BIOMASSE EN EAU SUPERCRITIQUE

tes, par exemple, après la Seconde Guerre mondiale, dans des turbi-
nes pour des conditions de température et de pression de 550 °C et
25 MPa. Dans cet article, nous nous intéressons aux propriétés par-

Constante diélectrique
ticulières de l’eau supercritique en tant que solvant particulier d’une 30
réaction de gazéification de biomasse.
Dans les conditions ambiantes, l’eau est une molécule polaire 25
(moment dipolaire de 1,85 D), chaque liaison O-H formant un dipôle.
La dissymétrie de la molécule conduit à une polarisation négative
des atomes d’oxygène et positive des atomes d’hydrogène. Ainsi, 20
les molécules forment entre elles des liaisons hydrogène qui font la
particularité de l’eau dans les conditions ambiantes. Elles condui- 15
sent en particulier à une très bonne solvatation des ions. Le passage
du point critique de l’eau (TC = 374 °C et PC = 22,1 MPa) change
10 22,1 MPa
drastiquement la configuration des molécules d’eau. Les liaisons 30 MPa
hydrogène diminuent de façon très importante avec la température, 40 MPa
l’eau restant confinée par augmentation de pression (ce phénomène 5
a été observé par spectroscopie Raman sur de l’eau deutérée). Cela


se traduit en particulier par une chute de la constante diélectrique de
l’eau, qui passe de 80 environ dans les conditions ambiantes à des 0
valeurs proches de l’unité dans les conditions supercritiques. Ces 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700
évolutions sont représentées sur la figure 1, qui montre également Température (°C)
que la valeur de la constante diélectrique est à peu près invariante,
quelle que soit la pression, pour des températures supérieures à
500 °C. Ainsi, la diminution du nombre et de l’intensité des liaisons Figure 1 – Variations de la constante diélectrique de l’eau en fonc-
tion de la température pour des pressions entre 22,1 et 40 MPa
hydrogène fait de l’eau supercritique un solvant très peu polaire.
Cela implique également une diminution très importante de la solu-
bilité des sels, ce qui a des conséquences en terme de conduite des
procédés. Ces variations s’observent également sur le produit ioni-
que de l’eau Ke, retranscrites sur la figure 2 par l’intermédiaire du
Produit ionique pKe

pKe. Le produit ionique de l’eau est la constante liée à la dissociation


de l’eau, représentée par l’équation (1). 22 22,1 MPa

(1) 20
La figure 2 montre que le pKe augmente de façon très significative 30 MPa
au passage du point critique, indiquant une diminution de la concen- 18
tration en ions H3O+ et OH–. Au contraire de la constante diélectri-
que, la figure 2 indique également que la valeur de ce produit 40 MPa
16
dépend de façon significative des valeurs de la pression et de la
valeur de la température. Il est également intéressant de noter que
cette constante augmente, de façon identique quelle que soit la pres- 14
sion, pour des températures inférieures au point critique, avec un
maximum aux environs de 250 °C. Dans ces conditions, les concen-
12
trations en ions H3O+ et OH– sont plus importantes que dans les
conditions ambiantes. D’un point de vue procédé, une accélération
des phénomènes de corrosion au passage de ce point peut être ren- 10
contrée lors du chauffage en amont du réacteur ou lors du refroidis- 150 250 350 450 550 650
sement en aval du réacteur. Le phénomène est particulièrement Température (°C)
marqué en aval du réacteur, car l’effluent peut alors contenir par
exemple des acides à chaîne courte qui vont eux aussi contribuer Figure 2 – Variations du produit ionique de l’eau en fonction de la
aux phénomènes de corrosion. Au niveau moléculaire, le passage température pour des pressions entre 22,1 et 40 MPa
du point critique a également une influence très significative sur la
masse volumique. Les variations de celle-ci sont représentées sur la
figure 3. Une diminution de la masse volumique jusqu’à des valeurs
comprises entre 50 et 150 kg.m–3 dans les gammes de pression et de Le dernier facteur concernant les propriétés d’écoulement est la
température représentées peut être observée sur la figure 3. Notons
viscosité. Les variations de celle-ci sont représentées sur la
que cette valeur dépend assez peu de la température et un peu de la
figure 5. On observe une diminution importante de sa valeur,
pression. Même si la diminution est importante, les valeurs restent
jusqu’à 3.10–5 Pa.s–1 pour une température de 550 °C, quelle que
dans l’ordre de grandeur de la masse volumique d’un liquide et plus
soit la pression, celle-ci ayant une influence assez faible, excepté
importante que celles d’un gaz. Pour toutes ces raisons on appelle
autour de la température critique. Par contre, la valeur de la visco-
souvent l’eau supercritique un « gaz dense non polaire ».
sité augmente avec la température au delà de point critique. Les
On définit la compressibilité isotherme d’un corps pur selon viscosités dans le domaine supercritique sont ainsi de l’ordre de
l’équation (2). Ce coefficient permet de connaître la variation rela- celles des gaz (par exemple 1,85.10–5 Pa.s–1 pour l’air à 20 °C et
tive de volume sous l’effet d’une variation de pression, à tempéra- pression atmosphérique). Cette faible viscosité, combinée par
ture constante. exemple avec un bon pouvoir solvant, confère aux fluides super-
critiques en général et à l’eau en particulier de bonnes propriétés
de transport des espèces. Cela se traduit également par des
(2)
valeurs sigificatives de diffusivité, par exemple 6.10–8 m2.s–1 pour
l’eau à 30 MPa et 450 °C, contre 10–9 m2.s–1 pour l’eau à 0,1 MPa et
Les variations de ce terme sont indiquées sur la figure 4. 20 °C.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 7 010 – 3

QRW

QRX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTT

Traitements et destinations finales


des boues résiduaires

par Jean-Claude BOEGLIN


Ingénieur chimiste, Docteur ès sciences
Président d’honneur de l’Institut de recherches hydrologiques (IRH) environnement, Nancy
Conseiller scientifique de l’Institut de promotion industrielle (IPI) environnement industriel,


Colmar

1. Caractérisation des boues résiduaires............................................... J 3 944 - 2


1.1 Origine, nature et composition................................................................... — 2
1.2 Caractérisation physique et chimique générale........................................ — 3
1.3 Principales caractéristiques de l’état physique ......................................... — 3
1.4 Caractérisation structurelle. Classification générale ................................ — 3
2. Aperçu des filières. Traitement et destinations finales ................. — 4
2.1 Méthode d’approche d’un problème ......................................................... — 4
2.2 Objectifs du traitement................................................................................ — 4
3. Traitements de stabilisation ................................................................. — 4
3.1 Stabilisation chimique................................................................................. — 5
3.2 Stabilisation ou digestion aérobie ............................................................. — 5
3.3 Digestion anaérobie .................................................................................... — 6
4. Traitements d’épaississement et de concentration ....................... — 8
4.1 Épaississement gravitaire ........................................................................... — 8
4.2 Épaississement dynamique ........................................................................ — 8
5. Conditionnement et déshydratation................................................... — 10
5.1 Différentes techniques de déshydratation. Objectifs visés ...................... — 10
5.2 Procédés de conditionnement.................................................................... — 10
5.3 Déshydratation mécanique par filtration................................................... — 11
5.4 Déshydratation mécanique par centrifugation ......................................... — 16
6. Destinations finales................................................................................. — 18
6.1 Considérations générales. État de la réglementation............................... — 18
6.2 Valorisation agricole et recyclage .............................................................. — 18
6.3 Mise en décharge......................................................................................... — 20
6.4 Incinération .................................................................................................. — 21
7. Conclusions ............................................................................................... — 23
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 3 944

névitablement, la quasi-totalité des procédés d’épuration appliqués aux


I effluents résiduaires des secteurs industriel et urbain, qu’ils soient biolo-
giques ou physico-chimiques, aboutissent à concentrer les polluants sous forme
de suspension aqueuses ou de boues.
Ces boues constituent des déchets volumineux, puisqu’elles contiennent
généralement 95 à 99 % d’eau, et sont génératrices de nuisances dans la mesure
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPPP

où, souvent, elles contiennent des matières organiques fermentescibles et/ou


des matières toxiques.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 3 944 − 1

QRY
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTT

TRAITEMENTS ET DESTINATIONS FINALES DES BOUES RÉSIDUAIRES ____________________________________________________________________________

Le traitement des boues est une phase difficile de la lutte contre la pollution, un
casse-tête pour l’épurateur, pour des raisons multiples : raréfaction des terrains
disponibles pour l’épandage et le dépôt, nécessités et exigences de l’environne-
ment et de l’hygiène publique, etc.
Par ailleurs, l’importance économique de ce problème est illustrée par l’impor-
tance du coût, tant en investissement qu’en exploitation qui peut représenter,
notamment pour les stations d’épuration des grandes agglomérations, 40 à 60 %
de l’ensemble du traitement des eaux.
Longtemps considéré, comme une opération annexe du traitement des eaux,
le traitement des boues ne peut évidemment plus être défini « à la légère ».
De plus en plus, le traitement des boues est constitué, pour l’essentiel, par l’éli-
mination, de la manière la plus pratique et la moins coûteuse possible, de ces
déchets gênants.
En aval, les possibilités d’évacuation ne sont pas nombreuses et sont soumi-


ses à diverses contraintes, dont des réglementations parfois complexes et en
tout cas évolutives.
Pour pouvoir résoudre convenablement et rationnellement un problème de
boues, il est absolument indispensable de savoir :
— caractériser le « déchet » produit ;
— choisir une filière de traitement selon le type de boue et la destination
finale possible.
Dans le cadre du présent article, on traitera de :
— la caractérisation des boues avec un essai de classification générale des
déchets issus de l’épuration des eaux résiduaires urbaines et industrielles ;
— l’examen, sous un angle aussi bien technique qu’économique, des possibi-
lités offertes actuellement par la technologie moderne, en matière de traitement
des boues (à la station d’épuration) et d’élimination finale de ces déchets.

1. Caractérisation des boues On obtient donc des boues biologiques du type boues activées ou
lits bactériens qui, mélangées avec les boues primaires, constituent
résiduaires les boues fraîches mixtes des procédés d’épuration considérés.

Ces boues biologiques ont une composition différente selon la


nature du substrat dégradé, de la charge de fonctionnement du
1.1 Origine, nature et composition réacteur biologique et du traitement de stabilisation éventuellement
pratiqué (boues digérées aérobies et anaérobies).

Pour les différentes provenances possibles des boues du traite- On doit considérer que le terme générique de « boues » désigne
ment de l’eau, deux grands réseaux peuvent être retenus : le résidu issu de la séparation liquide-solide, à la sortie immédiate
des unités de décantation et de clarification du traitement de l’eau.
— le réseau urbain, avec la production de boues résiduaires
Leur extrême diversité va de pair avec une composition très hétéro-
urbaines et de boues d’eaux d’adduction ou d’eaux potables [2]
[25] ; gène. Pour des raisons voisines de celles expliquant leur hétérogé-
néité de composition, leur bilan volumique et massique est très
— le réseau industriel, avec production de boues issues du traite-
ment de l’eau avant utilisation et des boues résiduaires [1]. variable d’une boue à l’autre.

Le traitement des eaux (qu’il soit physico-chimique ou biologique) Les quantités de boues produites dépendent de la nature et des
fait toujours appel aux procédés de séparation liquide-solide : caractéristiques physico-chimiques des eaux résiduaires, du condi-
— soit directement sur l’eau à traiter pour l’éliminer des matières tionnement chimique appliqué dans le cadre d’une épuration phy-
en suspension décantables (obtention de boues primaires) ; sico-chimique, du type de traitement biologique mis en œuvre
— soit après des réactions de coagulation – floculation ou de pré- (boues activées ou lits bactériens selon des procédés à haute,
cipitation des eaux potables ou industrielles et des eaux résiduaires moyenne ou faible charge), de la stabilisation (chimique ou biologi-
des secteurs urbain ou industriel (obtention de boues physico- que) utilisé des boues et du type d’appareil de séparation (décanta-
chimiques) ; tion statique, lamellaire ou aéroflottation) utilisé.
— soit pour extraire la biomasse excédentaire produite lors d’un
traitement biologique qui assure la métabolisation de la pollution Dans le tableau 1, on trouve les quantités moyennes de boues par
organique soluble et colloïdale au moyen d’une culture bactérienne habitant, produites par l’épuration d’eaux résiduaires urbaines
libre (boues activées) ou fixée (lit bactérien, biofiltre). selon les différentes filières généralement pratiquées.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
J 3 944 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés

QSP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTT

___________________________________________________________________________ TRAITEMENTS ET DESTINATIONS FINALES DES BOUES RÉSIDUAIRES

ques analyses en fonction du but recherché, par exemple dans


Tableau 1 – Bilan des boues urbaines l’optique d’une valorisation agricole, la recherche d’éléments inté-
ressants (carbone, azote et phosphore) ou gênants (éléments métal-
Production liques potentiellement toxiques, composés organiques tels que
Schémas de traitement
(gMS/hab.j) pesticides, détergents...) ;
— de l’état de surface de la matière solide mesuré par le potentiel
Traitement primaire ................................................ 40 à 60 zêta.
Traitement physico-chimique
(sels de fer ou d’aluminium) ................................... 80 à 110 ■ Caractéristiques de la phase liquide
Traitement biologique (boues activées) : La composition du liquide interstitiel peut influer grandement sur
le comportement de la boue (stabilité) tout en intervenant dans
– procédé classique : l’évaluation des risques potentiels de la mise en décharge ou de
• boues fraîches mixtes ........................................... 80 à 85 l’épandage des boues (pollution des eaux souterraines).

• boues digérées anaérobies .................................. 50 à 60 Il est donc intéressant de mesurer :


— le pH, la salinité et l’alcalinité ;
– procédé d’aération prolongée ............................. 40 à 50
— la teneur en acides volatils (composés intermédiaires d’une
– procédé d’aération prolongée dégradation anaérobie des matières organiques) ;


et déphosphatation simultanée .............................. 60 à 70 — les DBO5 et DCO, grandeurs permettant d’estimer la pollution
Traitement physico-chimique et biologique organique ;
avec cultures fixées ................................................. 90 à 120 — certains composés comme, par exemple, les sulfures (indice
d’un milieu réducteur).
Traitement tertiaire et déphosphatation ................ 20 à 30

Les quantités de boues générées lors du traitement d’eaux rési- 1.3 Principales caractéristiques de l’état
duaires sont fonction dans une large mesure, non seulement du physique
procédé de traitement de l’eau, mais aussi de l’industrie concernée
et même du type de fabrication [1] [2].
Pour la production d’eau potable ou d’eau industrielle d’appoint, Nous considérons ici les propriétés mécaniques des boues plus
les quantités de boues dépendent largement de la teneur en ma- ou moins concentrées et, plus précisément, leur consistance [14].
tières en suspension de l’eau brute, qui peut aller de moins de Un certain nombre de notions sont utilisables à priori pour décrire
10 mg/L pour un lac, à plus de 200 mg/L pour un fleuve très chargé l’état physique d’une boue lorsqu’on veut en assurer la manuten-
en période de crue. Par ailleurs, le type de traitement (coagulation – tion. Il s’agit de :
décantation et/ou filtration, décarbonatation... élimination du fer, du — la liquidité ;
manganèse etc.) influe de façon notable sur le bilan massique des — la plasticité (aptitude à la compaction) ;
boues produites. — la friabilité ;
On peut dire que la variabilité des boues est telle que leur caracté- — l’adhérence ;
risation est fondamentale pour le choix de la méthode de traitement, — le comportement à l’agitation, etc.
ainsi que pour la prévision des performances à chaque stade du
schéma de traitement [9]. Il existe des tests de caractérisation spécifique, permettant de
classer une boue déterminée parmi trois états physiques conven-
tionnels : liquide, plastique, solide avec retrait (friable).

1.2 Caractérisation physique et chimique


générale 1.4 Caractérisation structurelle.
Classification générale
Il s’agit de déterminer les caractéristiques générales relatives à
chacune des deux phases constitutives, qui s’avèrent être d’utiles
points de repère [13]. Du point de vue structurel, les boues doivent être considérées
comme des véritables systèmes colloïdaux dont la forte stabilité est
■ Caractéristiques de la phase solide déterminée par la nature des propriétés de surface des colloïdes et
Il s’agit : par les interactions entre particules.
— de la concentration en matières sèches (MS) exprimée généra- Il apparaît que l’aptitude plus ou moins grande à la déshydrata-
lement en g/L pour des boues liquides et en pourcentage en masse tion est définie par la structure même des boues, dans la mesure où
(siccité) pour des boues solides. Elle est obtenue par séchage à les particules élémentaires qui les constituent possèdent une capa-
105 °C d’une échantillon de boue ensuite pesée. Elle inclut à la fois cité d’absorption de l’eau très variable, fonction de leur nature et de
les matières en suspension totale (MEST) et les sels dissous ; leur composition physico-chimique.
ensuite pesé : On peut évaluer les forces de liaison de l’eau avec les particules
— de la concentration en matières volatiles solides ou matières par des études thermogravimétriques [9] qui permettent de définir
organiques (MVS) qui se détermine par calcination à 550 °C d’un la nature de la rétention de l’eau dans les boues, c’est-à-dire le taux
échantillon de boue préalablement séché à 105 °C ; d’eau libre (facilement éliminable) et liée (eau capillaire et cellulaire
— de la concentration en matières minérales (MM) qui se calcule dont l’élimination s’avère difficile).
à partir de la précédente Il a été prouvé que la déshydratation est d’autant plus difficile que
MM (en %) = 100 − MVS le caractère hydrophile de la boue est plus marqué et, plus précisé-
ment, que l’eau liée, par rapport à la matière sèche, et l’énergie de
— de la composition élémentaire pondérale ; sa détermination liaison, relative de l’eau absorbée par les particules, sont plus
est longue et délicate. Aussi on se contente généralement de quel- importantes.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 3 944 − 3

QSQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTT

TRAITEMENTS ET DESTINATIONS FINALES DES BOUES RÉSIDUAIRES ____________________________________________________________________________

Une approche de classification des boues [12] en fonction de leurs 2.2 Objectifs du traitement
principales caractéristiques physico-chimiques et structurelles est
fournie dans « Pour en savoir plus » ([Doc. J 3 944], tableau A).
Qu’ils s’agissent de boues urbaines ou industrielles, on s’appuie,
dans la conception d’un schéma de traitement de boues, sur les
mêmes principes, dans la mesure où l’on poursuit en réalité deux
2. Aperçu des filières. objectifs principaux :

Traitement et destinations — la réduction des nuisances olfactives, ce qui implique évidem-


ment, la stabilisation des boues riches en matières organiques
finales fermentescibles ;
— la réduction du volume des boues, afin de faciliter leur manu-
tention et diminuer leurs frais d’élimination finale.
Une filière de traitement et d’élimination finale des boues com-
On procède généralement en deux stades, afin d’assurer une éli-
prend une suite d’opérations élémentaires assurant une fonction
mination plus ou moins poussée de l’humidité des boues :
bien déterminée [7] [17], et pour laquelle il existe un grand nombre
d’options possibles ; parmi elles doit être fait le meilleur choix, en — 1er stade : épaississement (sédimentation – centrifugation –

S tenant compte des contraintes en amont (nature, caractéristiques et


quantités de boues) et en aval (possibilités locales d’élimination
finale) et cela au meilleur coût.
flottation) ;
— 2e stade : déshydratation mécanique selon les principes de
centrifugation (décanteuses continues) ou de filtration (filtres sous
vide, sous pression ou à bandes presseuses).
Pour l’élimination finale des boues déshydratées, on peut envisa-
2.1 Méthode d’approche d’un problème ger, en fonction de leur composition physico-chimique, trois desti-
nations, principales :
— la mise en décharge contrôlée ;
La figure 1 illustre la méthode d’approche à mettre en œuvre,
pour résoudre rationnellement un problème de boues. — la valorisation agricole ou autres types de valorisation pour
certaines boues industrielles ;
La meilleure voie impliquera : — l’incinération.
— la caractérisation de la boue (évaluation de la composition Comme le montre le schéma général de la figure 2, établi aussi
physico-chimique et structurelle des boues et de leurs caractéristi- bien pour les boues urbaines que du secteur industriel, il existe de
ques en rapport avec leur traitabilité) ; nombreuses options, si bien qu’un nombre important de filières
— le choix, après une évaluation technico-économique des diffé- sont théoriquement utilisables pour résoudre un problème donné.
rents procédés de traitement envisageables, d’une filière aboutira à Seule une étude préalable sérieuse du problème posé et la prise en
un déchet dont l’élimination finale est possible au meilleur coût. compte, en fonction des objectifs visés, de considérations aussi bien
techniques qu’économiques permettent de dégager une filière
rationnelle et fiable.
En réalité, c’est la destination finale possible de la boue déshydra-
Recensement Recensement tée qui orientera, dans une large mesure, le choix du traitement des
des contraintes des possibilités boues.
d'amont et d'aval de traitement
Il faut particulièrement souligner, par ailleurs, l’incidence de la
filière de traitement des effluents sur la traitabilité des boues produi-
tes et, par conséquent, sur le coût du traitement, tant en investisse-
Examen critique des procédés ment qu’en exploitation.
unitaires et de leur assemblage
en filières Il en résulte la nécessité d’optimiser l’ensemble des chaînes de
traitement « eau » et « boues » et pas seulement la seule filière de
Filières techniquement Filières techniquement traitement des boues.
adaptées inadaptées

Dimensionnement Exclusion

Évaluation
3. Traitements
économique de stabilisation
Sélection Filières économiquement
inadéquates
définitive Le rôle assigné à la stabilisation est d’assurer la réduction du
caractère fermentescible des boues organiques, pour éviter les nui-
sances, notamment l’émission de mauvaises odeurs lors de leur
Filière stockage et de leur traitement de déshydratation. La destruction des
retenue
germes pathogènes peut parfois être aussi un objectif.
Les boues produites à l’état liquide peuvent être stabilisées par
Figure 1 – Méthodologie pour le choix rationnel d’une filière des procédés de traitement chimiques ou biologiques (aérobies ou
de traitement des boues anaérobies) [26].

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
J 3 944 − 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés

QSR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTT

___________________________________________________________________________ TRAITEMENTS ET DESTINATIONS FINALES DES BOUES RÉSIDUAIRES

Boues provenant Boues liquides


de l'épuration des eaux du traitement des eaux usées

Épaississement Séparation
Flottation Épaississement
gravitaire centrifuge

Digestion Digestion Stabilisation


anaérobie aérobie chimique Stabilisation

Conditionnement Conditionnement chimique Conditionnement chimique


thermique par polyélectrolyte par sels minéraux Conditionnement

Séchage thermique Filtration Filtration Filtre


Centrifugation Déshydratation
ou atmosphérique sous vide sous pression à bandes

Mise en décharge
contrôlée
Valorisation
agricole
Autre type
de valorisation
Incinération Élimination finale

Figure 2 – Filières de traitement des boues d’épuration

3.1 Stabilisation chimique charge volumique en matières sèches volatiles introduites exprimée
en kg MVS/j rapportée au volume (en m3) du bassin de stabilisation.
Pour le dimensionnement, on utilise généralement des charges de
Elle est obtenue par adjonction massive de chaux aux boues. 1,5 à 2 kg MVS/(m3 · j) pour les boues activées et de 3 à 4 kg MVS
L’élévation de pH a pour effet de bloquer les fermentations et d’évi- (m3 · j) pour les boues fraîches.
ter ainsi le dégagement de mauvaises odeurs. On procède générale- Pour utiliser au mieux le volume disponible du bassin, on a intérêt
ment à l’adjonction de chaux éteinte (sous forme de lait de chaux) à maintenir une concentration en boue la plus élevée possible (de
soit en amont d’un épaississeur de boues pour y stopper les fermen- façon à augmenter le temps de stabilisation). Une concentration de
tations, soit sur les boues liquides épaissies avant valorisation agri- 20 à 25 g/L est idéale. Il est toujours plus facile d’épaissir les boues
cole. avant stabilisation qu’après.
Même avec des fortes doses de chaux allant jusqu’à 30 % en Les systèmes d’aération utilisés sont soit des diffuseurs à grosses
masse de la matière sèche, il ne s’agit en réalité que d’une stabilisa- ou moyennes bulles, soit des aérateurs de surface.
tion temporaire, qui n’autorise pas un stockage de longue durée.
L’alimentation en boues des bassins de stabilisation doit être la
C’est pourquoi, on préfère, très souvent, employer des procédés plus régulière possible ; la forme des ouvrages doit être conçue de
biologiques de stabilisation, qui éliminent la matière organique faci- telle sorte que le balayage hydraulique soit parfait (vitesse de fond
lement biodégradable, à l’aide de bactéries spécifiques aérobies ou de 0,15 à 0,25 m/s).
anaérobies.

3.2.2 Performances obtenues


3.2 Stabilisation ou digestion aérobie
La stabilisation aérobie [10] nécessite une consommation énergé-
tique non négligeable. Le dimensionnement des dispositifs d’aéra-
Ce procédé consiste à aérer la boue pendant une période prolon- tion est généralement conditionné par les nécessités de brassage et
gée, au cours de laquelle les microorganismes aérobies, placés en de turbulences plutôt que par les besoins en oxygène.
phase de respiration endogène, dégradent les matières organiques Pour assurer une homogénéité suffisante, il faut prévoir, avec une
libres ou stockées dans la masse bactérienne. La disparition de la aération par turbine, une puissance installée de 30 W/m3 ; l’apport
masse active suit une loi exponentielle : d’oxygène dans les bassins de stabilisation est généralement réalisé
M = M0 exp −bt par un fonctionnement périodique des aérateurs. Dans le cas d’une
aération par air surpressé (moins utilisé), on adopte souvent un
avec b ≈ 0,18 si t est exprimé en jours. débit d’air de 5 à 6 Nm3/h par m3 de bassin (Nm3 = normomètre
Comme tout processus biologique, la stabilisation est fortement cube).
influencée par la température. La durée d’aération des boues est au Le taux de réduction des matières organiques est fonction de la
minimum de 10 jours à 20 °C et 14 jours à 12 °C. durée de stabilisation, en relation étroite avec la charge volumique
dans le bassin de stabilisation, de la température et de la nature de
la boue. Il varie ainsi entre 15 à 25 % (valeur maximale).
3.2.1 Mise en œuvre
La stabilisation aérobie thermophile a été remise à l'honneur
dans certains pays. Elle utilise le caractère exothermique des
La digestion aérobie peut se mettre en œuvre dans le bassin réactions d’oxydation pour porter la température du réacteur
d’aération lui-même dans les procédés d’épuration en « aération biologique à des valeurs de 45 à 60 °C, ce qui, avec un temps de
prolongée », soit dans un bassin aménagé à cet effet avec les boues séjour suffisant, permet de dégrader la matière organique dans des
en excès ou les boues fraîches (boues primaires + boues activées). proportions plus élevées (proche de la digestion anaérobie) et
Il faut noter que l’obtention d’une bonne stabilisation des boues d’assurer, en outre, une bonne élimination des germes pathogènes.
ne dépend pas seulement du temps de séjour, mais aussi de la Les inconvénients sont une mise en œuvre délicate, une forte

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 3 944 − 5

QSS
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYTT

TRAITEMENTS ET DESTINATIONS FINALES DES BOUES RÉSIDUAIRES ____________________________________________________________________________

dépense énergétique et une certaine sensibilité aux variations de 3.3.2 Conditions d’une bonne digestion
charges.
Plusieurs paramètres influent sur le rendement de la digestion
anaérobie [11] :
3.3 Digestion anaérobie — la température de la masse de boues qui doit être suffisante et
la plus constante possible ;
— le temps de séjour des boues dans le réacteur de digestion qui
La digestion anaérobie, qui se réalise par fermentation méthani- est fonction de la charge de fonctionnement du digesteur exprimée
que des boues dans des cuves fermées, à l’abri de l’air, nommées en kg MVS de boue introduite par jour et par m3, et de la tempéra-
digesteurs, permet d’atteindre un taux de réduction des matières ture de la masse boueuse ;
organiques de 45 à 50 % en masse. — une concentration élevée des boues à l’alimentation pour limi-
ter le volume, et par suite le prix du digesteur, et surtout pour accé-
lérer les réactions biochimiques et faciliter le démarrage de la
3.3.1 Métabolisme anaérobie digestion grâce à l’augmentation de la concentration en bactéries
méthaniques ;
— un brassage puissant et efficace de façon à homogénéiser le
On distingue, dans le mécanisme de la dégradation des matières


contenu du digesteur. Il peut être pratiqué par une agitation pure-
organiques par voie anaérobie, deux phases qui coexistent lorsque ment mécanique mais la meilleure solution consiste à assurer un
le digesteur est alimenté en continu (figure 3) : brassage hydraulique (recirculation de la boue, réinjection du gaz de
— une phase de liquéfaction, pendant laquelle les matières orga- digestion) ;
niques (protéines, graisses, glucides) sont dégradées par des enzy- — la régularité de l’alimentation, c’est-à-dire de l’apport en boues
mes extra et intracellulaires sécrétées par certaines bactéries et fraîches, et du soutirage des boues digérées pour éviter de perturber
converties en molécules plus simples : acides aminés, acides gras et le développement des micro-organismes.
surtout acides volatils (formique, acétique, propionique, buty-
rique...) ;
— une phase de gazéification, où les acides volatils sont consom- 3.3.3 Moyens mis en œuvre
més par d’autres micro-organismes (bactéries méthaniques) et
transformés, par l’intermédiaire d’enzymes intracellulaires, dioxyde La digestion peut être réalisée en une ou deux étapes avec des
de carbone et méthane, produits ultimes de la digestion. charges de fonctionnement plus ou moins élevées. La durée de
Une bonne digestion des boues se caractérise par : rétention des boues dans les ouvrages est fonction de la conception
des installations et de la température qui y est maintenue.
— un pH de la masse boueuse compris entre 6,8 et 7,8 ;
On trouvera dans le tableau 2 les bases de dimensionnement des
— une concentration en acides volatils dissous inférieure à 1 g/L ; installations de digestion anaérobie en une ou deux étapes schéma-
— une bonne production de gaz contenant 70 % en volume de tisées dans les figures 4 et 5.
méthane, qui constitue en fait le véritable « baromètre » d’une ins-
tallation de digestion. La digestion anaérobie présente un intérêt évident, particulière-
ment pour la stabilisation effective et le dimensionnement de la
On estime, dans le cas des eaux usées urbaines et dans de bonnes chaîne de traitement des boues : moins de boue à traiter et
conditions de marche du digesteur, la production à : meilleure aptitude à la déshydratation. De plus, il y a production
d’énergie noble (biogaz à base de méthane). Cependant, son coût
— 800 à 1 000 NL de gaz par kilogramme de matière organique
d’investissement et la nécessité d’une exploitation attentive la font
détruite (NL = normolitre) ;
réserver plutôt aux stations de grande et moyenne capacité.
— ou encore à 400 – 500 NL de gaz par kilogramme de matière
organique introduite.
Les bactéries méthaniques, qui sont les plus sensibles aux condi-
tions du milieu (température, pH, présence de toxiques) et les plus Tableau 2 – Valeurs des critères de dimensionnement
lentes à se reproduire, règlent la vitesse globale de la digestion. et de fonctionnement d’une installation
de digestion anaérobie
Tout déséquilibre se traduira par une accumulation, dans le diges-
teur d’acides volatils qui, après avoir neutralisé l’alcalinité du milieu, Digesteur
provoqueront une baisse de pH entraînant l’arrêt de la fermentation Digesteur primaire
secondaire
méthanique.
Charge
Temps Temps
Digestion en matières
de séjour de séjour
volatiles
H2
(30 %)
[kg MVS /
(j) (j)
(m3 · j)]
Acides gras
Matières
organiques volatils Digestion à moyenne
organiques CH4 + CO2
(AGV) charge (chauffage à
complexes
Alcool (éthanol) 25 °C) ........................... 0,8 à 1,2 30 à 40 -
Digestion à moyenne
(70 %) charge (chauffage à
Acide acétique 35 °C) ........................... 1,5 à 2 20 à 25 -
Hydrolyse - fermentation Acétogenèse Méthanogenèse Digestion à forte
charge (chauffage à
Figure 3 – Les différentes étapes du métabolisme anaérobie 35 °C) ........................... 2à3 12 à 16 3à4

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
J 3 944 − 6 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés

QST
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXQ

Procédés de traitements physiques


et chimiques des sols pollués

par Marie-Odile SIMONNOT


Professeur en Génie des procédés à l’Institut national polytechnique de Lorraine (Nancy)
et Véronique CROZE
Chef du Département travaux de dépollution – ICF Environnement (Gennevilliers)

1. Pollution des sols et sites industriels ................................................ J 3 981 - 3



1.1 Le sol, une ressource non renouvelable .................................................... — 3
1.2 Études préliminaires requises pour la mise en œuvre d’un traitement .. — 3
1.3 Types et localisations des polluants des sols industriels ......................... — 3
2. Procédés de traitements physiques .................................................... — 7
2.1 Immobilisation de la pollution .................................................................... — 7
2.2 Procédés thermiques et électriques ........................................................... — 8
2.3 Traitements par transfert de phase et concentration................................ — 10
3. Procédés de traitements chimiques ................................................... — 14
3.1 Mise en œuvre d’une réaction chimique ................................................... — 14
3.2 Traitements par lavage : eau, solvants, tensio-actifs ................................ — 16
. Le sol : un réacteur ouvert, multiphasique,
4
en régime transitoire ............................................................................... — 17
. Conclusion..................................................................................................
5 — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 3 981

e multiples activités humaines (industrielles, minières, agricoles, mili-


D taires, urbaines, de transport, etc.) sont à l’origine de la pollution des
sites, des sols et des eaux souterraines. En France, des milliers d’hectares de
sites pollués ont été recensés [1] (cf. site web Basol). À l’heure actuelle, la prise
de conscience de cette pollution, l’évolution des pratiques industrielles et la
disparition de certaines activités ont mis un frein à la dissémination de pol-
luants dans les sols et la plupart des cas traités sont des héritages du passé.
De nombreux sites sont affectés par des pollutions multiples, de natures
variées (organiques et/ou minérales), superposées ou séparées géographi-
quement. La nature et la répartition des polluants dépendent des produits
chimiques impliqués dans un procédé ou dans les procédés qui se sont suc-
cédés en différents points des sites. Ces sites pollués peuvent alors présenter
des risques de transfert de polluants vers des cibles sensibles, comme la
ressource en eau, les écosystèmes et la santé humaine. Ils peuvent également
avec le temps se disperser dans l’environnement, augmentant ainsi la taille
des surfaces polluées.
La décision de dépolluer ou non repose sur différents critères, incluant le
risque sanitaire, la localisation du site, l’usage ultérieur envisagé ainsi que le
coût et les délais. Ces mêmes critères orientent le choix des techniques à
mettre en œuvre.
Parmi ces techniques, certaines visent à immobiliser la pollution, d’autres à
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPPX

l’extraire ou à la détruire. On les classe généralement en trois familles : les trai-


tements physiques, chimiques et biologiques (tableau 1 ).

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 3 981 – 1

QSU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXQ

PROCÉDÉS DE TRAITEMENTS PHYSIQUES ET CHIMIQUES DES SOLS POLLUÉS __________________________________________________________________

Tableau 1 – Classification des techniques de traitements


des sites (sols et eaux souterraines)
Sur site Sur site
Ho
rs si
te
Tech
niue
q s «in situ » «ex situ »
So
ls Eaux So
ls Eaux So
ls Eaux
Ph
ysi
que
s Confinement/mise en xxx xxx xxx o xxx o
décharge
Stabilisation xx o xx o x o
Pompage et traitement o xxx o xxx o x
Ecrémage o xxx o xxx o o
Sparging (barbotage in situ) o xxx o o o o
Venting (volatilisation) o o o o o o
Désorption thermique x o xxx o xxx o

S Lavage à l’eau
Méthodes électriques
x
o
o
o o
x o
o
xx
o
o
o
Ch
imi
que
s Oxydation x xx x o o o
Réduction x xx x o o o
Barrière réactive o xx o o o o
Lavage par solvant o o x o x o
Lavage par tensioactif x x x o x o
Bi
olo
giue
q s Bioventing xx o o o o o
Biosparging o xx o o o o
Barrière biologique o x o o o o
Atténuation naturelle x x o o o o
Phytoremédiation o x x x o o
Andain o o xxx o xxx o
Biotertre o o xxx o xxx o
Landfarming (épandage) o o xxx o xxx o
xxx : méthode courante ; xx : méthode employée ; x : méthode anecdotique ; o : non
employée/techniquement impossible.

– Les traitements physiques consistent soit à immobiliser les polluants, soit


à apporter de l’énergie par voie thermique, mécanique ou électrique pour les
dégrader ou les extraire. Ils comprennent notamment le confinement, la stabi-
lisation, l’incinération, la désorption thermique, le pompage, la volatilisation
(ou venting).
– Les traitements c himiques mettent en jeu un réactif pour dégrader ou
extraire la pollution. Il s’agit par exemple d’oxydation, de réduction, de lavage
par solvants ou tensioactifs.
– Les traitements biologiques, quant à eux, sont basés sur l’action d’organismes
vivants (micro-organismes, plantes). Ils sont décrits dans les références [2] [3].
Selon les cas, les traitements sont effectués sur site ou hors site. Sur site, le
sol peut être traité « in situ » sans excavation ou « ex situ » après excavation.
Hors site, il est transporté vers un centre de traitement fixe. Le traitement « in
situ » est séduisant dans le principe, mais parfois difficile à mettre en œuvre et
contrôler. Le traitement sur site est efficace, dans la mesure où il homogénéise
les concentrations mais il est consommateur de temps et d’espace. Hors site,
le traitement en centre spécialisé est très efficace en terme de durée et très
économique pour les petits volumes.
Le présent dossier porte essentiellement sur les procédés physiques et chi-
miques de traitement des sols. Son objectif est de présenter le principe de ces
traitements, leurs domaines d’application, ainsi que des exemples. Le lecteur
pourra trouver des informations complémentaires notamment dans les
références [4] [5] [6 ].

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 3 981 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

QSV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXQ

__________________________________________________________________ PROCÉDÉS DE TRAITEMENTS PHYSIQUES ET CHIMIQUES DES SOLS POLLUÉS

1. Pollution des sols et sites – une détermination de la nature physico-chimique du sol et de


ses variations latérales et en profondeur (perméabilité à l’eau, à
industriels l’air, granulométrie, capacité d’adsorption, concentration en
matière organique, sulfate, fer, etc.) ;
– une définition du seuil de dépollution à atteindre, seuil fixé en
1.1 Le sol, une ressource non fonction d’un ou plusieurs critères suivants :
renouvelable (1) le calcul de risque sanitaire,
(2) le potentiel des produits polluants à migrer vers d’autres
Le sol au sens pédologique est défini comme la couche supé- milieux,
rieure de la couche terrestre, issue de l’altération de la roche mère (3) des critères socio-économiques de type « acceptation ou
sous l’effet du climat, de l’activité biologique et de la végétation [7] non de traces de l’activité industrielle sur le site »,
[8]. Il constitue un compartiment des écosystèmes, qui remplit des (4) des caractéristiques des matériaux des fondations des
fonctions essentielles à la vie. Jouant les rôles de puits et de nouveaux bâtiments prévus sur le site, qui peuvent, par
source dans les cycles biogéochimiques, il exerce une influence exemple, être sensibles à la présence de certains pro-
déterminante sur la qualité de l’air et des eaux. Le sol apparaît duits, sans qu’il y ait pour autant de risque sanitaires,
comme une ressource non renouvelable car l’échelle de temps des (5) des volumes potentiels à traiter, sachant qu’il existe une
processus de dégradation est extrêmement faible (quelques relation inversement exponentielle entre la concentration
et les volumes.


années ou décennies) devant celle des processus de formation
(plusieurs millénaires).
Dans le domaine des sols pollués, la notion de sols est un peu 1.2.3 Essais
différente de la stricte définition pédologique. Elle inclut également
les sols de définition agronomiques et l’ensemble des formations Un essai pilote sur site et/ou des essais en laboratoire doivent
géologiques meubles (sables, argiles, alluvions, horizons de dégra- être effectués pour préciser les paramètres de fonctionnement de
dation de roche mère) situées sous les sites pollués. Les formations la technique et confirmer son applicabilité au site. Il s’agit d’une
dites de « subsurface » sont donc appelées improprement « sols », réalisation à échelle et durée réduites.
elles représentent en fait la zone d’influence des activités humaines, Exemples
soit une couche d’environ 10 m d’épaisseur, même si dans certains
Pour une opéra tion de v enting,il fa
ut mettre un puits en dépres-
cas, les pollutions peuvent être beaucoup plus profondes.
sion et évaluer le rayon d’influence de ladépression,a fin de détermi-
Selon la Commission européenne, les menaces les plus préoccu- ner le nombre de puits à réaliser.
pantes pour les sols sont : l’érosion, la diminution des matières
Pour un lavage aux tensioactifs, des tests en laboratoire
organiques, la contamination, l’imperméabilisation, le tassement, la
permettent de sélectionner le(s) tensioactif(s) qui offrent les meil-
réduction de la biodiversité, la salinisation, les inondations et glis-
leures performances en fonction de la nature du sol et de sa pollution.
sements de terrain. Les menaces qui affectent les fonctions de
production alimentaire et de filtre et stockage des eaux sont consi-
dérées comme les plus graves vis-à-vis de la santé humaine. Tou- 1.3 Types et localisations des polluants
tefois, l’altération des fonctions de support à la biodiversité et à
l’activité humaine nous touche également directement. Ainsi, dans des sols industriels
l’objectif d’un développement durable, il est essentiel de mener des
actions en amont pour la protection de la ressource et en aval pour 1.3.1 Principaux types de polluants
la remise en état des sols et sites pollués. Dans cet esprit, la directive Les polluants rencontrés sont des composés organiques ou
sols, votée par l’Union européenne le 14 novembre 2007, définit un minéraux (tableau 2) pouvant se trouver seuls mais plus fré-
premier cadre européen pour la protection des sols. quemment en mélange.
Exemples
1.2 Études préliminaires requises pour Les sols d’anciennes cokeries et usines à gaz renferment des
la mise en œuvre d’un traitement hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des métaux (Pb, Cd,
Ni, etc.) avec éventuellement du cyanure et de l’arsenic.
Le choix et la mise en œuvre d’un traitement nécessitent l’acqui-
Les sols des anciennes usines métallurgiques renferment un cock-
sition de données qui vont bien au-delà des résultats acquis lors
tail de métaux.
des investigations menées pour la mise en évidence d’un pro-
blème de pollution de sols [9] [10]. Toute opération de dépollution
est précédée des études préliminaires décrites ci-après. Le terme COV, composé organique volatil, désigne tout
composé organique ayant une pression de vapeur supérieure
1.2.1 Diagnostic préliminaire ou égale à 10 Pa à 293,15 K. Un COV contient au moins l’élé-
ment carbone et un ou plusieurs des éléments suivants : hydro-
Au cours du diagnostic préliminaire, la pollution est mise en gène, halogène, oxygène, soufre, phosphore, silicium ou azote.
évidence par une étude historique, des sondages et des analyses. On désigne parfois par COVH un COV contenant un
halogène.
1.2.2 Diagnostic approfondi
Le diagnostic approfondi comprend : 1.3.2 État physique de la pollution et localisation
– une localisation précise de la pollution avec des isoconcentra- dans le sol
tions, une détermination précise des polluants majeurs à dépolluer
et des mineurs, ayant un éventuel impact sur la méthode de dépol- Selon leurs propriétés physico-chimiques, les polluants peuvent
lution. Cette localisation requiert la compréhension des méca- se trouver totalement ou partiellement :
nismes de dispersion de la pollution dans le sol et permet de – à l’état gazeux, dans l’atmosphère de la zone insaturée du sol ;
définir les volumes affectés. Par exemple : il faut absolument éviter – en phase liquide non aqueuse, dite « NAPL » (Non A queous
de dépolluer une zone A et de découvrir ultérieurement qu’elle est Phase Liquid ) localisée en fond ou en surface de nappe selon sa
alimentée par une zone B polluée ; densité par rapport à l’eau ;

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 3 981 – 3

QSW
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXQ

PROCÉDÉS DE TRAITEMENTS PHYSIQUES ET CHIMIQUES DES SOLS POLLUÉS __________________________________________________________________

Tableau 2 – Typologie et origine des polluants des sols


les plus fréquemment rencontrés en France et en Europe
Famille de produits Exemples Industrie d’origine
Hydrocarbures pétroliers ................................................ Supercarburant Industrie pétrolière
Gasoil, fuel, fuel lourd Industrie chimique
Kérozène Stockage
White spirit Distribution (station services,
aéroports, pipelines, etc.)
BTEX ................................................................................. Benzène
Toluène Industrie pétrolière
Éthylbenzène Industrie chimique
Xylènes
Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)........ les 16 HAP recensés par l’USEPA (1)

S Naphtalène
Acénaphtylène
Acénaphtène
Fluorène
Phénanthrène
Anthracène Usines à gaz
Fluoranthène Cokeries
Industrie du bois (créosotage)
Pyrène
Procédés incluant la combustion
Benzo(a)anthracène de charbons et/ou de produits
Chrysène pétroliers
Benzo(b)fluoranthène
Benzo(k)fluoranthène
Benzo(a)pyrène
Dibenzo(ah)anthracène
Benzo(ghi)pérylène
Indéno(123cd)pyrène
Polychlorobiphényles (PCB) ........................................... 209 isomères C12H10-nCln Fabrication/utilisation de
(1 < n < 10) transformateurs électriques
Industrie chimique
Solvants chlorés .............................................................. Éthylènes chlorés Industrie chimique
Méthanes chlorés Traitement de surface (industrie
Éthanes chlorés mécanique, automobile, etc.)
Nettoyage à sec
Métaux lourds .................................................................. Plomb Sidérurgie
Zinc Automobile
Cadmium Incinération
Nickel Combustion
Cobalt Traitement de surface
Mercure, etc.
Autres composés ............................................................. Arsenic (2) Exploitation minière
Cyanure Industrie chimique (pesticides)
Phénol Sidérurgie
Glycol Industrie chimique
Aéroports
(1) USEPA US Environmental Protection Agency
(2) L’arsenic est un métalloïde, mais il est souvent désigné comme appartenant à la famille des « métaux lourds » au sens de son impact environnemental.
Dans ce tableau ne figure pas le M T B E(méthyltertiobutyléther) qui est un additif des essences. Ce produit est considéré comme polluant par certains pays
comme les États-Unis et le Canada, pas par la France.

– dissous dans l’eau du sol ; tains métaux, comme le cuivre, peuvent être complexés par la
– en phase solide, adsorbés sur des particules des agrégats de matière organique. La teneur en polluants a tendance à décroître
sol ou sur des colloïdes ou encore précipités ou coprécipités. lorsque la taille des particules augmente. Les fractions de petite
Si les polluants sont fixés sur les agrégats de sol (figure 1), taille ou argiles (tableau 3) sont en principe les plus fortement
schématiquement les polluants organiques sont absorbés par la chargées en raison de l’augmentation de surfaces permettant
matière organique du sol, tandis que les minéraux sont plutôt l’adsorption et/ou l’absorption. Mais, dans certains cas, des parti-
adsorbés ou précipités sur les surfaces minérales. Toutefois, cer- cules de plus grande taille peuvent être enrobées de polluants.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 3 981 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

QSX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXQ

__________________________________________________________________ PROCÉDÉS DE TRAITEMENTS PHYSIQUES ET CHIMIQUES DES SOLS POLLUÉS

Phases liquides
• eau immobile autour des particules
• eau intra-particulaire
Phases solides
• eau pendulaire
• minéraux
• phase liquide non aqueuse
• argiles ou oxydes
• résidus de combustion
• matière organique naturelle
• colloïdes minéraux ou organiques

Phases gazeuses
• air du sol


• vapeurs

Figure 1 – Représentation schématique d’un agrégat de sol dans la zone non saturée

Les propriétés physico-chimiques gouvernant la répartition des


composés organiques sont : Tableau 3 – Répartition granulométrique
des particules de sol
– la volatilité, par l’intermédiaire de la constante de Henry ;
Classe granulométrique Taille de partic
ules
– la solubilité dans l’eau ;
– le coefficient de partage octanol-eau (Kow) : l’affinité du Argiles...................................... < 2 µm
composé pour les phases organiques est d’autant plus forte que ce
Limons fins.............................. 2 à 20 µm
coefficient est élevé ;
– l’aptitude à la biodégradabilité ; Limons grossiers .................... 20 à 50 µm
– et, pour une phase pure, la densité par rapport à l’eau et la vis- Sables fins............................... 50 à 200 µm
cosité.
Sables grossiers ..................... 200 µm à 2 mm
Des exemples sont proposés dans le tableau 4. Dans les
encadrés 1 et 2 sont rappelées les notions d’équilibre et de trans- Graviers ................................... 2 à 20 mm
fert de matière permettant le calcul ou l’estimation de la répartition
des polluants dans les différents compartiments du sol. Cailloux.................................... > 20 mm

Tableau 4 – Exemples de caractéristiques physico-chimiques de polluants


(http://chimie.ineris.fr)
Constante Solub ilité Pression de vapeur lg Kow
Composé de Henry à 2 5 oC da u à 25 oC
ns l’ea saturante à 20 oC à 25 oC
(Pa · m3 · mol–1) (mg · L–1) (Pa) (Kow en L · kg–1)
Benzène 1 800 9 970 2,13
Toluène 537 535 3 000 2,65
m-Xylène 0,12 162 798 3,2
Éthylbenzène 617 160 930 3,13
Naphtalène ND 31 7,2 3,37
Phénanthrène 3,98 1,2 0,091 4,57
Pyrène ND 0,132 0,012 à 6 5,18
Benzo(a)pyrène ND 0,003 8 ND 6,04
Phénol 0,038 82 000 20 1,47
Chlorure de vinyle 2 817 1 100 333 000 1,58
Trichloréthylène 1 030 1 100 8 600 2,29
Tétrachloroéthylène 2 114 150 1 900 2,53

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 3 981 – 5

QSY

QTP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXR

Bioremédiation des sols

par Timothy M. VOGEL


Professeur en Écologie microbienne à l’Université Claude-Bernard (Lyon 1)

1. Concept de génie des procédés........................................................... J 3 982 – 2


1.1 Milieu hétérogène........................................................................................ — 2
1.2 Caractéristiques des procédés.................................................................... — 2
1.3 Réacteurs in situ ou sur site........................................................................ — 3
2. Concepts de traitements biologiques ................................................ — 4
2.1 Micro-organismes........................................................................................ — 4
2.2 Biodégradation ............................................................................................ — 4
2.3 Écologie microbienne.................................................................................. — 4
2.4 Biostimulation.............................................................................................. — 5
2.5 Bioaugmentation ......................................................................................... — 5
3. Procédé de traitement biologique ...................................................... — 5
3.1 Bioventing .................................................................................................... — 5
3.2 Biosparging .................................................................................................. — 7
3.3 Bioslurping ................................................................................................... — 8
3.4 Traitement biologique aérobie in situ ........................................................ — 8
3.5 Biotertre........................................................................................................ — 9
3.6 Phytoremédiation ........................................................................................ — 10
3.7 Extraction des métaux................................................................................. — 11
4. Conclusions ............................................................................................... — 12
Références bibliographiques ......................................................................... — 12

e traitement biologique, qu’il concerne des terres excavées ou des sols et


L nappes phréatiques encore en place, consiste à utiliser des micro-organis-
mes pour transformer des substances chimiques toxiques en substances non
toxiques. Les micro-organismes sollicités sont souvent des bactéries bien que
les champignons jouent un rôle dans certains traitements ex situ. La bioremédia-
tion du sol et de la nappe phréatique implique la mise en œuvre, ou au moins la
participation, de processus divers tels que la diffusion et l’advection (qui en
somme sont souvent nommé la dispersion), la sorption et la désorption, et la
biodégradation. Pour que la dépollution biologique du sol ait lieu, les micro-
organismes spécifiques et les composés visés doivent se trouver en contact
pour initier la réaction. De plus, si le nombre de micro-organismes est insuf-
fisant, ou s’ils ne sont pas assez actifs, aucune ou peu de dégradation sera
constatée. Les traitements biologiques du sol ne dépendent pas seulement des
conditions favorables à la biodégradation des polluants, il faut également que
les techniques fonctionnent avec une efficacité, une vitesse et un coût accepta-
bles. Une bonne maîtrise des procédés demande donc des connaissances dans
les domaines des sciences du sol et du génie des procédés.
Les traitements biologiques ont l’avantage :
— d’être des procédés destructifs qui évitent donc les transferts de pollution ;
— de se situer parmi les traitements les plus rentables ;
— d’avoir un impact positif sur l’opinion publique.
Cette technique de dépollution n’est applicable :
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPPQ

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 3 982 − 1

QTQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXR

BIOREMÉDIATION DES SOLS ____________________________________________________________________________________________________________

— que pour les composés biodégradables, non inhibiteurs et non toxiques, car
certains métabolites peuvent être plus toxiques (pour les micro-organismes et
pour l’homme) et parfois plus stables que le contaminant de départ ;
— que pour une application in situ, car il faut que la perméabilité du sous-sol
soit supérieure à 10 –6 m/s ;
— que lorsque la durée de traitement n’est pas gênante, car elle s’étend géné-
ralement sur plusieurs mois voire, dans certains cas, sur plusieurs années.

1. Concepts de génie Il y a différentes façons d’aérer un sol, la technique la plus simple


étant le labourage. Si le niveau hydrostatique est élevé, on peut
des procédés combiner le labour avec des techniques de drainage. Ceci augmente


la profondeur de sol capable d’échanger l’oxygène et les autres gaz
avec l’atmosphère.
Le labour n’est utile que pour la contamination de surface alors
1.1 Milieu hétérogène que l’injection sous pression ou l’injection aqueuse permet de trai-
ter plus en profondeur.
Il existe différents moyens pour maintenir l’environnement d’un
Le fait que le sol et la nappe phréatique soient très hétérogènes ne sol dans des conditions aérobies. L’air peut être introduit dans le
permet pas d’utiliser les applications préconisées par le génie des milieu poreux en créant une différence de pression soit positive par
procédés classiques, même en faisant appel aux approches hétéro- l’injection forcée, soit négative par extraction sous vide.
gènes comme celle des « réacteurs hétérogènes avec les cataly-
seurs hétérogènes », pour la simple raison que, dans le traitement
1.2.1.2 Injection d’eau saturée en oxygène ou en air
biologique du sol, l’hétérogénéité n’est pas ou très peu caractérisée.
La prédiction de la réussite de la technologie est donc dépendante L’aération du sol est une technique moins restrictive que l’injec-
de l’hétérogénéité naturelle du sol et du sous-sol, et de l’hétéro- tion d’eau dont la teneur maximale en oxygène, en équilibre avec
généité « artificielle » de la concentration du polluant (qui n’est pas l’oxygène de l’air, à la pression atmosphérique et à 10 °C, est de
sans relation avec l’hétérogénéité naturelle du sol). Il est impossible l’ordre de 10 mg/L.
de faire un descriptif statistique de l’hétérogénéité du polluant en
effectuant un grand nombre de mesures étalées sur toute la zone Exemple : dans le cas d’une pollution par les hydrocarbures et dans
polluée ainsi que sur la zone non polluée associée. Mais la transpo- la mesure où les micro-organismes sont capables d’épuiser totalement
sition de cette hétérogénéité sur la performance de la technologie l’oxygène dissous, la circulation d’un litre d’eau saturée en air permet
de traitement n’est pas évidente. De ce fait, la réussite du traitement de minéraliser au maximum 3 mg d’hydrocarbures. Cela signifie que
est plus incertaine sur les sites où l’hétérogénéité est élevée que sur pour des terres polluées avec 3 g d’hydrocarbures par kilogrammes, il
les sites où le sol et le sous-sol sont assez homogènes. Malheureu- serait nécessaire de faire circuler 1 m3 d’eau saturée en air par kilo-
sement, si les descriptions de l’hétérogénéité naturelle du sol sont gramme de terre afin de pouvoir éliminer totalement la pollution, soit
parfois effectuées pour les études scientifiques, elles ne le sont des volumes considérables.
jamais pour les sites à traiter. De même l’hétérogénéité «artificielle »
de la pollution n’est pas ou rarement étudiée. Cette technique n’est applicable que pour les nappes phréatiques
qui ne sont pas trop polluées. L’on peut augmenter la concentration
d’oxygène en utilisant de l’eau saturée avec de l’oxygène pur, cette
approche peut fournir 40 mg d’oxygène par litre d’eau.
1.2 Caractéristiques des procédés
1.2.1.3 Injection d’eau oxygénée
Les différentes mises en œuvre de la technologie nommée bio- Un oxydant tel que H2O2, employé à une concentration comprise
remédiation demandent souvent une maîtrise de paramètres de entre 200 et 1000 p.p.m. (0,02 à 0,1 % en volume), fournit des
contrôle tels que les taux d’oxygène, l’humidité, la température teneurs en oxygène supérieures à celles de la technique précédente
[3]… De plus, ces paramètres sont souvent liés à la bonne santé des (§ 1.2.1.2).
micro-organismes.
Avec l’eau oxygénée, la première difficulté concerne sa toxicité
vis-à-vis des micro-organismes, lorsqu’elle est employée à de fortes
1.2.1 Teneur en oxygène teneurs. Cependant, la microflore bactérienne est capable de
s’adapter lorsque les concentrations en H2O2 sont augmentées
progressivement. La réactivité chimique de H2O2 aboutit, dans
1.2.1.1 L’aération certains cas, à sa décomposition rapide dans le sol et à l’oxydation
La teneur des sols en oxygène est contrôlée par différents de substances inorganiques et organiques.
facteurs biotiques et abiotiques. Un minimum d’espaces occupés
par l’air (10 % en volume) est généralement considéré comme 1.2.1.4 Apport de nitrates
nécessaire pour l’activité microbienne aérobie. Les sols argileux
contenant 45 % (en volume) d’eau n’auront peut-être pas assez Les nitrates, apportés en solution, ne fournissent pas directement
d’espace pour l’air si le volume poreux n’est que de 50 %. La sélec- l’oxygène, mais ils peuvent agir comme oxydant dans des condi-
tion de la méthode d’oxygénation appropriée dépend de facteurs tions anoxiques. Ceci est intéressant lorsque les polluants en place
tels que la quantité de polluants, la perméabilité du sol et la facilité peuvent être dégradés dans des conditions microaérophiles ou
de transport. anaérobies. C’est le cas de certains alkylbenzènes et phénols.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
J 3 982 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés

QTR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXR

____________________________________________________________________________________________________________ BIOREMÉDIATION DES SOLS

Le contrôle du pH par l’ajout de chaux est utilisé en agriculture et


Pour 1 mg de nitrates consommé par les micro-organismes,
dans les procédés de traitement de la pollution pour neutraliser les
environ 0,20 mg de composés aromatiques sont métabolisés,
substances toxiques. La quantité de chaux à apporter dépend de la
par litre d’eau introduit dans le sol.
texture du sol, du pourcentage de matière organique qu’il contient
et de la quantité de métaux échangeables. Le pouvoir tampon d’un
Souvent ce sont les mêmes bactéries qui utilisent l’oxygène molé- sol représente la capacité des composés du sol à garder un fort
culaire et les nitrates comme accepteur d’électron. nombre d’ions adsorbés ou en réserve.
L’adsorption ou l’inactivation des ions H+, ou la libération d’ions
1.2.1.5 Conditions réductrices adsorbés pour neutraliser les ions OH– entraîne une protection
D’autres polluants nécessitent des conditions d’anaérobiose contre les changements de pH quand des constituants acides ou
encore plus strictes que lors de la dénitrification. C’est le cas des basiques sont ajoutés au sol. Le pouvoir tampon, différent selon les
composés halogénés, en particulier des hydrocarbures chlorés très sols, est souvent le reflet d’une différence de capacité d’échange
substitués. Une méthode pour créer des conditions d’anaérobiose cationique qui influence directement la quantité de chaux ou d’acide
est d’inonder le sol en y ajoutant de la matière organique facilement nécessaire pour ajuster le pH. Le niveau d’ajustement du pH dépend
assimilable qui, lors de sa transformation, entraîne la disparition également de la profondeur de la contamination dans un site
des dernières traces d’oxygène [1]. (volume à traiter). Il est important de noter que des changements de
pH peuvent influencer la dissolution ou la précipitation de certains
Les sulfates sont utilisés comme accepteurs d’électrons lors de


composés dans le sol. Il faut vérifier que l’augmentation ou la dimi-
processus de biodégradation anaérobie. Leur disparition peut servir nution du pH ne mobilise pas des composés dangereux.
d’indicateur de dégradation de polluants.

Pour 1 mg/L de sulfates assimilés par les micro-organismes, 1.2.4 Température


environ 0,2 mg/L de composés aromatiques sont détruits, par
litre d’eau introduit dans le sol.
La température, affectant la physico-chimie de l’environnement
des micro-organismes, est l’un des paramètres les plus influents sur
Cette réaction à pour effet secondaire la génération potentielle le taux de biotransformation.
d’hydrogène sulfuré ou de composés induisant des odeurs nocives.
Les communautés microbiennes présentes dans les couches les
Dans certains microcosmes, le fer ferrique agit comme accepteur plus proches de la surface du sol seront les plus exposées aux fluc-
d’électrons et est réduit en fer ferreux, plus soluble en phase tuations de températures quotidiennes et saisonnières. D’où l’inté-
aqueuse. rêt de réguler les radiations solaires et de changer les propriétés
thermiques du sol. La végétation joue un rôle important dans cette
1 mg de Fe (II) produit par les micro-organismes correspond à régulation. Un sol avec beaucoup de végétation se réchauffera
la disparition par voie biologique de 0,05 mg de composés aro- moins, en été, qu’un sol nu et se refroidira moins en hiver. En géné-
matiques, par litre d’eau introduit dans le sol. ral, les micro-organismes préfèrent une température ambiante
chaude.
Enfin, dans les conditions d’anaérobiose très stricte, le CO2 ou Exemple : si la température ambiante varie entre 0 et 20 °C, les
l’acétate sont utilisés comme accepteurs d’électrons par les bacté- micro-organismes indigènes ont souvent une vitesse de biodégrada-
ries méthanogènes. Le méthane produit est alors un indicateur de tion maximale à 20 °C.
biodégradation et chaque milligramme de méthane dégagé corres-
pond à la disparition de 1,3 mg de composés aromatiques. Mais pour les processus physique et chimique, les vitesses
augmentent avec la température et il n’y a donc pas vraiment de
vitesse maximale.
1.2.2 Humidité du sol
Le description quantitative de la phase liquide repose sur la
notion de teneur volumique en eau ou humidité volumique, calcu-
1.3 Réacteurs in situ ou sur site
lée par rapport au volume total du milieu. L’humidité varie entre une
valeur minimale, la teneur en eau résiduelle, et une valeur maxi- Le traitement biologique du sol nécessite de la place. Il peut se
male, la teneur en eau à saturation, égale en principe à la porosité. faire in situ, dans ce cas, le sous-sol lui-même joue le rôle du réac-
Toutefois, un sol ne parvient jamais à saturation totale, car il reste teur ou sur le site quand l’on excave le sol pour le mettre dans la
toujours des poches d’air occluses. configuration souhaitée.
La description qualitative de la phase liquide repose sur la Les processus les plus importants pour la compréhension des
connaissance des divers champs de forces (gravité, capillarité, procédés de bioremédiation sont liés à l’advection, la diffusion et la
adsorption) qui dépendent respectivement de l’organisation de dégradation (dans ce cas biologique) :
l’espace des pores du sol et de la surface spécifique des particules
constitutives. La teneur en eau d’un sol constitue une variable dC /dt = E d2C /dx2 – U dC /dx – kC
d’état, c’est-à-dire une grandeur variable dans l’espace et dans le
avec dC /dt la variation de la concentration avec le temps (la vitesse
temps. On notera qu’au-dessus du niveau de la nappe aquifère se
de la réaction),
situe la frange capillaire dont la hauteur est fonction du milieu (elle
est bien plus grande pour un limon que pour un sable grossier). E le coefficient de diffusion (en m2.L.g–1.s–1),
U le coefficient d’advection (vitesse en m2.s–1),
1.2.3 pH du sol k la constante de la réaction (premier ordre ; en s–1).
Ces processus sont souvent responsables de la diminution de la
Beaucoup de sols naturels sont trop acides pour avoir une activité concentration de polluant au cours du temps.
microbienne optimale et le problème est exacerbé par une forte En examinant les courbes de la figure 1, il est évident que la
fertilisation avec certains nutriments et par les pluies acides. La fixa- biodégradation entraîne une diminution de la pollution du sol. En
tion biologique de l’azote crée également une acidité par production revanche, si la dispersion réduit la concentration en polluant, elle ne
d’ions H+. diminue pas la quantité de pollution libérée dans l’environnement.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 3 982 − 3

QTS

QTT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXS

Traitement des sols et nappes


par oxydation chimique i n s it u

par Marie-Odile SIMONNOT


Professeur en Génie des procédés à l’université de Lorraine (Nancy)
et Véronique CROZE
Chef du Département travaux de dépollution – ICF Environnement (Gennevilliers)

1.
1.1
Bases de l’oxydation................................................................................
Réactions avec transfert d’électrons ..........................................................
J 3 983 - 2
— 2

1.2 Réactions radicalaires.................................................................................. — 3
2. Oxydants ..................................................................................................... — 3
2.1 Permanganate de sodium ou potassium ................................................... — 3
2.2 Peroxyde d’hydrogène – réactif de Fenton ................................................ — 5
2.3 Percarbonate de sodium ............................................................................. — 6
2.4 Persulfate de sodium ................................................................................... — 6
2.5 Ozone ............................................................................................................ — 6
3. Milieux géologiques et leurs spécificités .......................................... — 7
3.1 Données géologiques .................................................................................. — 7
3.2 Interactions matrice/polluant ...................................................................... — 7
3.3 Interaction oxydant/polluant dans le milieu .............................................. — 8
4. Expérimentation à l’échelle du laboratoire....................................... — 9
4.1 Évaluation de l’efficacité des oxydants ...................................................... — 9
4.2 Mesure de la demande naturelle en oxydant ............................................ — 10
4.3 Extrapolation et limites des données acquises au laboratoire ................ — 11
5. Expérimentation à l’échelle du pilote................................................. — 11
5.1 Pilote pour la décontamination de nappes ................................................ — 11
5.2 Pilote pour la décontamination de sols...................................................... — 12
5.3 Hygiène et sécurité ...................................................................................... — 12
6. Mise en œuvre à l’échelle du terrain................................................... — 12
6.1 Nappes .......................................................................................................... — 12
6.2 Sols................................................................................................................ — 12
6.3 Traitrements de finition ............................................................................... — 13
7. Conclusion.................................................................................................. — 13
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 3 983

’oxydation chimique in situ est une technique physico-chimique de dépol-


L lution des eaux souterraines et des sols contaminés par des composés
organiques [J 3 981]. Elle consiste à injecter dans la nappe ou le sol des réac-
tifs oxydants, liquides, solides ou gazeux, afin qu’ils réagissent avec les
polluants au niveau du panache et/ou de la zone source. Le point déterminant
est le contact entre le réactif oxydant et les polluants visés, sachant que les
polluants sont partagés entre la phase aqueuse, la matrice poreuse et éven-
tuellement une phase liquide non aqueuse (NAPL). L’oxydation s’adresse à des
polluants relativement légers comme les composés chlorés volatils, le ben-
zène, le toluène, les xylènes et à des composés de masse molaire plus élevée,
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPQR

comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques. L’objectif du traitement


est de dégrader les polluants en substances moins toxiques ou plus rapide-
ment biodégradables, voire dans le cas d’une oxydation complète, en dioxyde
de carbone, eau et éventuellement halogènes.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 3 983 – 1

QTU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXS

TRAITEMENT DES SOLS ET NAPPES PAR OXYDATION CHIMIQUE IN SITU ______________________________________________________________________

Cette technique, bien adaptée et maîtrisée pour le traitement des nappes, se


développe de plus en plus pour la zone non saturée du sol.
Les oxydants les plus utilisés sont le permanganate de potassium ou de
sodium, le peroxyde d’hydrogène combiné au fer (II) (réactif de Fenton), le per-
sulfate de sodium, le percarbonate de sodium et l’ozone. Le choix de l’oxydant
dépend des polluants et des caractéristiques du site à traiter. Les oxydants
usuels étant solubles dans l’eau, la dégradation s’opère principalement en phase
aqueuse, ce qui favorise la dissolution des phases libres. La principale condition
de réussite du traitement est d’arriver à privilégier le contact entre oxydant et
polluant pendant une durée suffisante pour que la réaction soit possible.
La sélection de cette technique et son application nécessitent au préalable, de
caractériser le site à traiter et d’effectuer des tests au laboratoire. Les tests en
laboratoire sont destinés à sélectionner l’oxydant le plus approprié et à déter-
miner les quantités à mettre en œuvre. Si les résultats sont positifs à cette
échelle, c’est-à-dire si l’on parvient à dégrader les polluants avec des doses rai-
S sonnables d’oxydant, la faisabilité est testée à l’échelle pilote, afin d’obtenir des
données pour le dimensionnement, mettre en place le suivi, définir les conditions
d’hygiène et sécurité et prévoir les coûts de traitement. On pourra ensuite mettre
en œuvre le traitement sur site. L’oxydation in situ peut être combinée à des trai-
tements de finition, notamment des traitements par biodégradation.
Il existe un grand nombre d’ouvrages sur l’oxydation chimique in situ [1] [2]
[3] [4]. Le présent dossier a pour objectif de rappeler les bases de l’oxydation
chimique, de donner les caractéristiques des principaux oxydants et de décrire
les différentes étapes du traitement, du laboratoire au site.

Sigles et notations 1. Bases de l’oxydation


Agence de l’Environnement et de la Maîtrise
ADEME On distingue deux types de réactions d’oxydation : celles qui
de l’Énergie
American Society for Testing and Materials mettent en jeu un transfert d’électrons et celles qui obéissent à un
ASTM (organisation internationale mécanisme radicalaire.
de normalisation)
ATB Alcool TerButylique
1.1 Réactions avec transfert d’électrons
BTEX Benzène, Toluène, Éthylbenzène, Xylènes
COVH Composés Organo-Halogénés Volatils L’oxydation est une réaction chimique au cours de laquelle un
composé réducteur (ou donneur d’électrons) cède des électrons.
DCA DiChloroÉthane
La réduction est un gain d’électrons par un composé oxydant (ou
DCE DiChloroÉthylène accepteur d’électrons).
E0 Potentiel d’oxydoréduction standard (V)
EDTA Éthylène Diamine TétraAcétique Oxydation : Réducteur (1)  Oxydant (1) ne−
ENH Électrode Normale à Hydrogène Réduction : Oxydant : (2) me−  Réducteur (2)
FDS Fiche de Données de Sécurité
HAP Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques L’oxydation d’un composé s’accompagne toujours de la
réduction d’un autre. La réaction globale d’oxydoréduction est la
In Situ Chemical Oxidation somme des deux demi-équations précédentes :
ISCO
(oxydation chimique in situ )
MTBE Méthyl TerButyl Éther m Réducteur (1) n Oxydant (2)  m Oxydant (1) + n Réducteur (2)
Natural Oxidant Demand
NOD
(Demande Naturelle en Oxydant) On définit un couple oxydant/réducteur ou « redox » comme les
PCB PolyChloroBiphényles deux formes oxydées et réduites d’un même composé, par
exemple Fe2+/Fe. Ces couples sont classés selon un critère qui est
PCE PerChloroÉthylène
le potentiel d’oxydoréduction ou potentiel redox E0. Le potentiel
Rapport stœchiométrique redox standard est une grandeur empirique définie par rapport à
S
permanganate/polluant organique une référence qui est le potentiel standard du couple H+/H2 à pH 0
TCA TriChloroÉthane à 25 oC. Il est exprimé en volts (V) et est mesuré généralement par
TCE TerChloroÉthylène une électrode normale à hydrogène (ENH). Les potentiels redox
standards des oxydants usuels pour le traitement des sols et
VC Vinyl Chloride ou Chlorure de vinyle nappes sont donnés dans le tableau 1.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 3 983 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

QTV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXS

______________________________________________________________________ TRAITEMENT DES SOLS ET NAPPES PAR OXYDATION CHIMIQUE IN SITU

Tableau 1 – Potentiels redox standards des oxydants usuels (25 oC)

E0
Oxydant Couple redox Demi-équation (réduction)
(V)

Ion hydrogène H2/H+ 2H+ + 2 e− = H2 0,00

Permanganate MnO2 /MnO4− MnO4– + 2H2O + 3 e− = MnO2 + 40H− 1,67

Peroxyde d’hydrogène H2O/H2O2 H2O 2 + 2H+ + 2 e– = 2 H2O 1,77

Persulfate SO 24− / S2 O82− S2 O82 – + 2 e– = 2SO 24 – 2,01

Ozone O2/O3 O 3 + 2H+ + 2 e– = O 2 + H2O 2,07

Radical sulfate

Radical hydroxyle
SO 24 – /SO –•

H2 O/OH•
4 SO4–• + e– = 2 H2O

2OH• + 2 H+ + 2 e− = 2 H2O
2,60

2,80

1.2 Réactions radicalaires


E0
Certaines réactions donnent lieu à la formation de radicaux
libres, comme le radical sulfate ou le radical hydroxyle (tableau 1).
E10 Ox1 Red1 Les radicaux libres sont des espèces chimiques possédant au
moins un électron non apparié sur leur couche externe, ce qui leur
confère une très grande réactivité. L’oxydation d’un composé par
voie radicalaire obéit à un mécanisme réactionnel comprenant de
nombreuses réactions.
E20 Ox2 Red2

Figure 1 – Règle du gamma


2. Oxydants
Un potentiel redox élevé indique un oxydant fort. On peut pré- Dans cette partie, on présente les oxydants utilisés pour le trai-
voir le sens d’une réaction d’oxydoréduction en comparant les tement des sols et nappes [1] [2] [4]. Leurs principales caractéri-
potentiels redox des deux couples impliqués. Si E 10 > E 20 , l’oxy- stiques sont rassemblées dans le tableau 2. Quel que soit
dant du couple redox (1) est plus fort que l’oxydant du couple l’oxydant, les réactions d’oxydation ne sont pas sélectives : l’oxy-
redox (2) et vice versa pour les réducteurs, ainsi la réaction globale dant réagit non seulement avec le polluant ciblé mais aussi avec
attendue est : les autres composés réducteurs comme la matière organique du
sol ou de l’eau de nappe et certains métaux. C’est une donnée à
Oxydant 1 + Réducteur 2  Oxydant (2)  Réducteur (1)
prendre en compte lors du calcul de la quantité d’oxydant à injec-
ter dans le milieu. De plus, les modifications locales de pH et/ou de
potentiel redox peuvent avoir une influence sur la mobilité
Règle du gamma d’autres polluants comme les métaux.

Les réactions redox peuvent être prévues facilement par la


règle du « gamma » (figure 1). Cette règle consiste à placer les
couples oxydants/réducteurs sur un axe, en les ordonnant du 2.1 Permanganate de sodium
bas vers le haut selon les potentiels redox croissants. Ainsi, le ou potassium
couple redox (1) sera situé au-dessus du couple redox (2). Pour
connaître le sens de la réaction entre le couple (1) et le couple
(2), on trace un « gamma » partant de l’oxydant 1, passant par 2.1.1 Mode d’action, stœchiométrie, cinétique
le réducteur 2 et l’oxydant 2 et repartant vers le réducteur 1. Ce
Le permanganate réagit sur toute l’échelle de pH selon les
tracé donne le sens de la réaction globale ci-dessus.
demi-réactions suivantes :

MnO4– + 8 H+ + 5 e–  Mn2+ + 4 H2O pH < 3,5


Toutefois, ces règles reposent sur des considérations thermody- MnO4– + 2 H2O + 3 e–  MnO2(s) + 40H– 3,5 < pH < 12
namiques. Or, on rappelle qu’une réaction peut être thermodyna-
miquement possible mais ne jamais se produire en raison d’une MnO4–  e–  MnO2–
4
pH > 12
cinétique très lente.
En traitement des sols et nappes, dans les conditions environ-
Les oxydants listés dans le tableau 1 ont des potentiels redox suf- nementales habituelles, on a rarement des pH très faibles ou très
fisamment élevés pour oxyder la plupart des polluants organiques. élevés, la seconde réaction est donc prépondérante.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 3 983 – 3

QTW
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXS

TRAITEMENT DES SOLS ET NAPPES PAR OXYDATION CHIMIQUE IN SITU ______________________________________________________________________

Tableau 2 – Principales caractéristiques des oxydants usuels

Caractéristique Permanganate Réactif de Fenton Persulfate activé Ozone

Peroxyde d’hydrogène –
Permanganate Ozone produit à partir
Réactifs Fe(II), par exemple
de potassium ou sodium d’air ou d’oxygène
sulfate de fer

Type de réactions Redox Radicalaire Radicalaire – redox Radicalaire

Cinétique Lente Très rapide Rapide Très rapide

Quelques semaines


Persistance Quelques jours Quelques semaines Quelques heures
à quelques mois

pH les plus adaptés Pas de limitation pH acide pH alcalin

MnO2 solide
Produits de réaction O2 gaz Sulfate O2 gaz
CO2 gaz

Alcènes chlorés : DCE, Éthanes chlorés : TCA


PCE, TCE, DCE, VC PCE, TCE, DCE, VC
TCE, PCE, VC Alcènes chlorés : DCE,
BTEX BTEX
Toluène, éthylbenzène, TCE, PCE, VC, BTEX
Chlorobenzènes Chlorobenzènes –
xylènes Chlorobenzènes
Polluants visés Phénols Phénols
HAP Phénols
MTBE MTBE
Phénols MTBE
TBA TBA
Acides organiques TBA
1,4 dioxane Explosifs
MTBE Explosifs

Benzène
Chlorobenzènes
Pesticides
TCA
Éthanes chlorés : DCA, Chloroforme
Polluants récalcitrants PCB Chloroforme CCl4
TCA Pesticides
PCB
Chloroforme,
tétrachlorure de carbone
PCB

Radical hydroxyle :
Beaucoup d’informations
oxydant très puissant
et retours d’expériences
Réactions rapides (< 12 h)
disponibles
Libération d’oxygène Plus stable que le
Chimie assez simple, Intéressant pour
qui favorise peroxyde d’hydrogène
Principaux avantages facile à maîtriser, le traitement de la zone
la bioremédiation et l’ozone
peu risquée non saturée
ultérieur Traite le benzène
Persistance de l’oxydant
Coût peu élevé
favorisant une bonne dis-
du peroxyde
tribution
d’hydrogène

Précipitation du dioxyde Consommation Très faible persistance


de manganèse excessive de radicaux par et réaction possibles avec
Moins stable
et dégagement de CO2 réactions de nombreux composés
que le permanganate
entraînant une chute non désirées Faible solubilité
Nécessite une activation
de perméabilité Acidification possible dans l’eau
Coût plus élevé
Forte consommation Production possible Transport et distribution
Principaux inconvénients que le permanganate ou
par d’autres composés de chaleur, de vapeur sur de courtes distances
le peroxyde d’hydrogène
Risque de libération Risques d’explosion Nécessité de fabriquer
Augmente
de métaux, qui sont et d’incendie le réactif sur site
la concentration
des impuretés Volatilisation Gaz corrosif et toxique
en sulfate de l’aquifère
de certaines qualités de contaminants près Favorise la volatilisation
de permanganate de la zone d’injection de polluants

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


J 3 983 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

QTX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXT

Traitement des sols par désorption


thermique conventionnelle
par Jan HAEMERS
Administrateur-Délégué
Haemers Technologies SA (Bruxelles – Belgique)

et Marie-Odile SIMONNOT
Professeur en Génie des procédés
Université de Lorraine (Nancy – France)

1.
1.1
Principe de la désorption thermique ..........................................
Principe ...............................................................................................
J 3 984 – 3
— 3

1.2 Techniques .......................................................................................... — 3
2. Cycle des terres............................................................................... — 4
2.1 Préparation des terres ........................................................................ — 4
2.1.1 Homogénéisation .................................................................... — 4
2.1.2 Criblage – concassage – émottage .......................................... — 4
2.1.3 Stockage ................................................................................... — 5
2.2 Désorption .......................................................................................... — 5
2.2.1 Processus impliqués ................................................................ — 5
2.2.2 Types de four ........................................................................... — 5
2.2.3 Paramètres opérationnels ....................................................... — 6
2.2.4 Refroidissement des terres propres et traitement
des particules fines .................................................................. — 6
2.3 Réutilisation des terres traitées ......................................................... — 8
3. Traitement des gaz.......................................................................... — 8
3.1 Principe du traitement des gaz .......................................................... — 8
3.1.1 Configuration froide ................................................................ — 8
3.1.2 Configuration chaude .............................................................. — 8
3.2 Post-combustion : oxydation des polluants organiques .................. — 8
3.3 Capture des poussières ...................................................................... — 9
3.3.1 Chambre de ralentissement .................................................... — 10
3.3.2 Cyclones ................................................................................... — 11
3.3.3 Filtres à manches ..................................................................... — 11
3.3.4 Traitement des fines captées................................................... — 12
3.4 NOx ..................................................................................................... — 12
3.5 Neutralisation des acides ................................................................... — 12
3.6 Capture du mercure ........................................................................... — 13
3.7 Soufre ................................................................................................. — 13
4. Polluants traitables par désorption thermique......................... — 15
5. Éléments spécifiques de sécurité ................................................ — 16
5.1 Risques d’incendie et d’explosion ..................................................... — 16
5.2 Rejets de gaz fugitifs à l’atmosphère ................................................ — 17
6. Conclusion........................................................................................ — 17
7. Glossaire ........................................................................................... — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 3 984

a désorption thermique conventionnelle est une technique physique ex situ


L de traitement des sols pollués. Elle consiste à chauffer la terre polluée exca-
vée dans un four rotatif, afin de vaporiser les polluants et ainsi les séparer phy-
siquement de la matrice. Celle-ci est ensuite refroidie par mélange avec de l’eau
et recyclée. Les gaz produits contenant les polluants sont traités dans une
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@RPQX

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 984 – 1

QTY
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXT

TRAITEMENT DES SOLS PAR DÉSORPTION THERMIQUE CONVENTIONNELLE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

installation, où ils sont oxydés, filtrés, neutralisés voire parfois adsorbés avant
rejet à l’atmosphère, en conformité avec la réglementation.
L’intérêt principal de la technique réside dans sa robustesse et son application
à tout type de sol et tout type de polluant organique, y compris les mélanges. Le
chauffage permet en effet de garantir l’atteinte de teneurs résiduelles très fai-
bles voire non détectables pour les polluants concernés, permettant une réutili-
sation des terres très large et une élimination définitive de la pollution.
L’inconvénient principal de la technologie, en dehors de son coût parfois
élevé dû à la consommation énergétique importante, est sa difficulté d’accepta-
bilité en raison de la taille des installations, de leur fonctionnement en continu
et des nuisances qu’elle peut provoquer durant le traitement proprement dit.
Deux types d’installations sont utilisés : des installations fixes, en milieu
industriel, où les nuisances sont bien maı̂trisées, fonctionnant comme un centre
de traitement de déchets, et des installations mobiles. Celles-ci sont mises en
œuvre sur les sites industriels à dépolluer, généralement de grande surface et


éloignés des populations, où les quantités de terres à traiter sont importantes
(plusieurs dizaines voire centaines de milliers de tonnes) et où les terres après
traitement sont replacées à l’endroit d’où elles avaient été excavées.
Les problématiques principales couvertes par la désorption thermique conven-
tionnelle sont surtout liées aux cokeries et usines à gaz, ainsi qu’aux sites chimi-
ques de grande taille. L’industrie pétrolière utilise également largement cette
technique qui a été développée au départ pour elle, au niveau des raffineries et
dépôts et aussi des stations-service. Aujourd’hui, la désorption thermique
conventionnelle s’applique en grande majorité aux sites pétroliers (pétrole brut),
aux sites pétrochimiques (raffineries), aux cokeries et usines à gaz (industrie du
charbon) et aux grands complexes chimiques (engrais, explosifs, pesticides).
Le présent article a pour but de présenter les bases de la désorption ther-
mique, de décrire les différents types de fours rotatifs, de traitement des gaz
et d’apporter pour chacun d’eux les limites d’utilisation et d’application par rap-
port aux types de sols et types de polluants traitables.

Symbole Description Unité

Facteur préexponentiel de la constante


A cinétique d’une loi du premier ordre s-1
suivant la loi d’Arrhénius

Concentration du polluant organique


C mol.m-3
en sortie de chambre

Concentration du polluant organique


C0 mol.m-3
en entrée de chambre

df Masse volumique du fluide kg.m-3

dp Masse volumique de la particule kg.m-3

Énergie d’activation de la constante


E cinétique d’une loi du premier ordre J.mol-1
suivant la loi d’Arrhénius

g Accélération de la pesanteur m.s-2

k constante cinétique s-1

r Rayon de la particule m

R Constante des gaz parfaits J.mol-1.K-1

t Temps s

T Température K

v Vitesse finale de chute m.s-1


mf Viscosité dynamique du fluide Pa.s

J 3 984 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

QUP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXT

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENT DES SOLS PAR DÉSORPTION THERMIQUE CONVENTIONNELLE

1. Principe de la désorption La désorption thermique n’est pas de l’incinération. L’incinéra-


tion est un traitement en une seule étape où l’oxydation ther-
thermique mique a lieu directement, et où la terre ET les polluants sont
incinérés. L’incinération n’est pas appropriée pour traiter des
terres polluées, tant d’un point de vue économique (coût très
élevé) qu’environnemental (pas de recyclage des terres).
1.1 Principe
Les polluants organiques ou inorganiques sont généralement 1.2 Techniques
retenus sur les agrégats de sols par ab- ou adsorption. La désorp-
tion thermique [1] [J 3 981] consiste à inverser ces processus, afin Pour désorber les polluants présents dans les sols, deux techni-
d’éliminer les polluants, en s’aidant d’une augmentation de ques thermiques sont employées : le chauffage direct et le chauf-
température. fage indirect.
Dans les procédés à chauffage direct, les terres à traiter sont
L’adsorption désigne la rétention d’un polluant par une sur- en contact direct avec la flamme d’un brûleur au fuel ou au gaz.
face externe ou interne de l’agrégat et l’absorption par un pro- Les gaz issus de désorption sont mélangés aux gaz de combus-
cessus de partage entre une phase aqueuse (la solution de sol) tion du brûleur de la chambre primaire et font l’objet d’un traite-
et une phase organique (par exemple, une huile présente au ment des gaz commun. Cette technique s’applique par exemple
sein de l’agrégat).

Lorsque la terre polluée est chauffée à une température suffisam-


aux hydrocarbures, hydrocarbures aromatiques polycycliques
(HAP) et cyanures.
A contrario, dans un traitement par chauffage indirect, les terres

ment élevée, les polluants adsorbés à sa matrice (sableuse, limo- n’entrent pas en contact avec les brûleurs, mais sont chauffées par
neuse, argileuse) sont transférés en phase vapeur. Ils sont donc conduction thermique à travers une paroi. Les gaz de combustion
séparés physiquement de leur matrice. Dans une installation de des brûleurs ne sont pas mélangés aux gaz de désorption, ainsi, la
désorption thermique, une fois les polluants vaporisés, les phases quantité de gaz à traiter (gaz de désorption) est nettement plus
solides et gazeuses ne doivent plus se trouver en contact pour évi- faible. Les techniques de traitement des effluents gazeux pouvant
ter une nouvelle ab- ou adsorption. Ainsi, les flux de solides et de être mises en œuvre sont différentes. Le traitement indirect pré-
gaz doivent être traités séparément. La désorption thermique de sente l’inconvénient d’une efficacité énergétique nettement plus
terres polluées est donc un traitement en deux étapes (figure 1). faible et nécessite un équipement beaucoup plus volumineux pour
La première, désorption thermique proprement dite, consiste à une capacité de traitement similaire à un traitement par chauffage
séparer les polluants de la terre au moyen d’une hausse de tempé- direct. Pour ces raisons, il est aussi nettement plus onéreux, mais
rature. La seconde consiste à détruire la pollution transférée en peut s’appliquer à des produits plus polluants. Cela s’applique
phase gazeuse. donc aux polluants tels que le mercure, les plolychlorobiphnéyles

Cycle des sols – Étape 1

Cyclone ou pré-séparateur
Sol contaminé
Filtre à manches

Trémie Ventilateur

Émottage Sécheur rotatif

Rejet à l’atmosphère

Refroidisseur

Post-combustion

Eau

Sol assaini

Cycle des gaz – Étape 2

Figure 1 – Schéma du procédé de désorption thermique

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 984 – 3

QUQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXT

TRAITEMENT DES SOLS PAR DÉSORPTION THERMIQUE CONVENTIONNELLE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

(PCB), pentachlorophénols (PCP) et autres composés organiques 2.1 Préparation des terres
lourds et complexes.
La préparation des terres est sans doute l’étape la plus impor-
tante du procédé. En effet, l’unité de désorption doit être alimentée
Historique de la désorption thermique par une charge aussi homogène que possible. Les variations de
contenu énergétique dans l’unité primaire se traduisent systémati-
L’application de la désorption thermique au traitement des
quement par des problèmes de maintien en régime de l’installa-
terres polluées provient des États-Unis. Pour la première fois,
tion, que ce soit au niveau des filtres à manches, de la post-com-
en 1987, la société TPS Technologies Inc. a mis au point un pro-
cédé complet pour le traitement des terres polluées dans l’État bustion, voire même dans l’unité primaire.
de Floride. Cette société est née au sein de l’entreprise TPS La préparation de charge combine l’homogénéisation des terres
Hallcroft, fabricant de brûleurs et de chaudières, où quelques proprement dites (mélange de lots de qualité et de contenu énergé-
ingénieurs ont proposé une application nouvelle à leurs outils. tique différents), la séparation des éléments métalliques pouvant
Plus tard, la technique a été appliquée aux Pays-Bas, où quatre endommager l’installation, le criblage, l’émottage et le stockage
sociétés ont opéré des installations fixes de traitement. Elle est au sec.
aujourd’hui largement appliquée dans le monde sur des sites
fixes et dans le cadre d’installations mobiles. 2.1.1 Homogénéisation
Bien que les principes de fonctionnement soient les mêmes,
les installations diffèrent dans chaque pays surtout aux L’homogénéisation des terres consiste à s’assurer que la charge


niveaux du traitement des gaz et de l’efficacité énergétique. entrant dans le four primaire est la plus constante possible.
En effet, les normes d’émission sont sensiblement différentes, Il s’agit donc, au préalable, de mélanger autant que possible, à la
sans que l’on puisse dire que l’une ou l’autre est plus sévère. pelle mécanique, les différents lots de terres de qualité et d’humi-
En fonction des paramètres et de la méthodologie de mesure, dité différentes.
des standards différents sont appliqués.
Les pièces métalliques (barres à béton, clous vis, boulons etc.)
Si la désorption thermique conventionnelle en fours rotatifs est
doivent être séparées afin de protéger mécaniquement l’installa-
encore largement utilisée, les développements d’applications
tion. Les petites pièces ne représentent pas un réel problème,
in situ (sans excavation de terre) ont fortement progressé en
raison des résultats atteints et des avantages importants que mais leur élimination permet d’améliorer sensiblement la qualité
ce mode de mise en œuvre procure. des terres propres et d’éviter certaines limitations de réutilisation
des terres ; elles peuvent alors, par exemple, être réutilisées en fon-
dation routière.
La séparation se fait au moyen d’un ou plusieurs aimants perma-
nents et/ou électroaimants. Selon la qualité et l’origine des terres,
2. Cycle des terres une séparation magnétique des métaux non ferreux peut aussi
s’envisager.

2.1.2 Criblage – concassage – émottage


Cette partie décrit le parcours de décontamination suivi par la Le criblage primaire (figure 2) se fait typiquement à une maille de
terre contenant des polluants organiques afin de devenir un maté- 40-50 mm afin de protéger l’installation et parce que sur la plupart
riau noble de construction entièrement décontaminé. des installations, l’unité de refroidissement des terres est consti-
Dans le procédé de désorption thermique par chauffage direct, tuée de vis d’Archimède et ne peut donc prendre des gros blocs.
le cycle des terres est la phase la plus rapide et la plus simple. Les refus de criblage (fraction > 40-50 mm) doivent être analysés
En résumé, la terre est chauffée afin de volatiliser tous les polluants et, le cas échéant, soit être concassés et remis dans le circuit, soit
organiques, puis refroidie, séparément des gaz. Les opérations suc- être éliminés vers un centre de recyclage spécialisé dans le traite-
cessives sont détaillées ci-après. ment de ce type de matériau.

Figure 2 – Installation de criblage des terres

J 3 984 – 4 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

QUR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXT

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENT DES SOLS PAR DÉSORPTION THERMIQUE CONVENTIONNELLE

L’émottage consiste à casser les blocs d’argile se formant natu- En plus de l’évaporation, le procédé peut faire intervenir l’entraı̂-
rellement en présence d’eau dans les sols. Ces blocs doivent être nement à la vapeur ou stripping. Au-delà de 100  C, l’eau contenue
réduits le plus possible avant leur entrée dans le four primaire afin dans les terres se vaporise (avant certains polluants). La vapeur
d’éviter leur cuisson. Le choc de température subi par l’eau captive ainsi formée et chauffée contribue à extraire les polluants volatils,
au sein des agrégats argileux peut provoquer la cassure des petits à une température inférieure à leur point d’ébullition, avant de les
agrégats (< 2 cm), mais pas des plus gros blocs qui doivent être entraı̂ner dans le flux gazeux.
cassés au préalable. Les installations sont en dépression par rapport à l’atmosphère,
de - 200 à - 500 Pa en chauffage direct, de - 5 000 à - 20 000 Pa en
2.1.3 Stockage chauffage indirect. Par conséquent, les températures d’ébullition
des polluants sont plus faibles qu’à pression atmosphérique, ce
Avant traitement, les terres doivent être stockées au sec. Un stoc- qui permet de réduire les températures de fonctionnement.
kage extérieur aurait non seulement un impact visuel voire olfactif
La cokéfaction est un effet secondaire du traitement thermique
nuisible, mais surtout provoquerait une augmentation de la teneur
par chauffage direct. Il s’agit du processus mis en œuvre pour
en eau, ce qui aurait pour effet d’augmenter la consommation éner- transformer industriellement le charbon en coke : il consiste à
gétique et diminuer la capacité de traitement. chauffer le charbon en l’absence d’oxygène afin de lui retirer toutes
les fractions volatiles. Lors de la désorption thermique, ce phéno-
mène s’applique à la matière organique naturellement contenue
2.2 Désorption dans la terre, qui va perdre ses composés volatils. Cet effet ne


modifie pas l’efficacité de désorption des polluants, mais augmente
L’installation de désorption (figure 3) est alimentée en continu au la consommation énergétique de l’installation et donne à la terre
moyen d’une (ou plusieurs) trémie(s) d’alimentation, équipée(s), le une couleur noire caractéristique.
plus souvent, d’un système de pesage intégré.
L’objectif de la phase de désorption est de vaporiser les polluants 2.2.2 Types de four
organiques ad- ou absorbés par la terre au moyen, principalement,
Les équipements utilisés pour la phase de désorption sont nom-
d’une hausse de température dans un intervalle compris entre 250
breux et variés. On distingue deux types principaux, les fours à
et 500  C pendant 2 à 3 min.
courants parallèles et les fours à contre-courant.
Dans les fours à courants parallèles, le brûleur et l’alimentation
2.2.1 Processus impliqués se trouvent du même côté (figure 4). La terre et le gaz circulent
Le procédé repose principalement sur l’évaporation des pol- dans le même sens et les profils de température sont similaires
luants. Ainsi, la température au sein de la chambre primaire est (figure 5). Les vapeurs ne risquent pas d’être condensées, mais
choisie un peu supérieure à la température d’ébullition du pol- l’inconvénient est que les gaz sortent chauds et ne peuvent entrer
luant le moins volatil. Le tableau 1 donne les températures d’ébul- directement dans un filtre à manches, qui réclame une température
lition des polluants couramment traités par désorption. Dans ces plus faible.
conditions, les polluants se volatilisent et sont emportés par le Dans les fours à contre-courants, la terre et le gaz circulent en
flux gazeux. sens inverses (figure 4) et les profils de températures sont

Trémie
d’alimentation

Four
de désorption

Figure 3 – Four de désorption thermique directe (courants parallèles)

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 984 – 5

QUS

QUT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXU

Atténuation naturelle contrôlée


des polluants organiques :
outils et modèles

par Olivier ATTEIA


Professeur
EA 4592 – Institut polytechnique de Bordeaux
et Elicia VERARDO
Doctorante
BRGM

1. Aspects réglementaires....................................................................... J 3 945 - 2


1.1 Situation dans d’autres pays ................................................................... — 2
1.2 Positionnement dans la réglementation française ................................ — 2
1.3 Interactions avec d’autres techniques de dépollution ........................... — 2
2. Processus en œuvre ............................................................................. — 2
2.1 Processus physique .................................................................................. — 2
2.2 Processus chimiques (adsorption, dégradation abiotique,
précipitation...) .......................................................................................... — 3
2.3 Processus biologiques.............................................................................. — 4
3. Modélisation et prévision de l’évolution du panache................. — 7
3.1 Objectifs de la modélisation .................................................................... — 7
3.2 Dimension théorique des panaches........................................................ — 7
3.3 Modèles existants et mise en œuvre ...................................................... — 9
3.4 Limites de la modélisation ....................................................................... — 11
4. Méthodologie d’application ............................................................... — 12
4.1 Caractérisation et suivi ............................................................................. — 12
4.2 Mise en œuvre d’une étude de faisabilité d’atténuation
naturelle..................................................................................................... — 12
4.2 Essai en laboratoire. Microcosmes ......................................................... — 12
4.4 Quantification de la biodégradation........................................................ — 12
4.5 Isotopie ...................................................................................................... — 13
5. Étude de cas ........................................................................................... — 14
5.1 Site 1 contaminé par les hydrocarbures pétroliers................................ — 14
5.2 Site 2 contaminé par les hydrocarbures aromatiques polycycliques .. — 16
6. Conclusion et perspectives ................................................................ — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 3 985

’atténuation naturelle (AN) rassemble l’ensemble des mécanismes


L conduisant sans intervention humaine, à une diminution de la masse, la
toxicité, la mobilité, le volume, le flux ou la concentration des polluants dans
les sols ou les eaux souterraines. Comme toute autre mesure de gestion, l’atté-
nuation naturelle implique la diminution de concentration à la cible.
Différents scénarios et les types de cibles impliquées sont envisagés. Pour
que la technique soit applicable sur un site, il faut qu’elle soit contrôlée, ce qui
justifie que l’on utilise souvent le terme d’atténuation naturelle contrôlée.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQT

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 3 985 – 1

QUU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXU

ATTÉNUATION NATURELLE CONTRÔLÉE DES POLLUANTS ORGANIQUES : OUTILS ET MODÈLES ____________________________________________________

Deux grands processus se différencient :


– les mécanismes non destructifs englobant les phénomènes de dilution,
dispersion, adsorption, volatilisation ;
– la transformation des polluants et les mécanismes destructifs adaptés uni-
quement à certaines molécules organiques (les polluants métalliques ne sont
jamais détruits).
Sur la majorité des sites, l’atténuation naturelle n’est envisagée qu’en pré-
sence d’une destruction significative des polluants.
En raison de leur présence sur de nombreux sites (base de données des sites et
sol pollués Basol), l’objectif est centré sur la biodégradation des BTEX (benzène,
toluène, éthybenzène, xylènes) puis sur celle des solvants chlorés (perchloroé-
thylène, trichloroéthylène et leurs dérivés). L’importance de cette biodégradation
est quantifiée grâce à la modélisation, sur deux sites, démontrant des efficacités
différentes selon les substances. Cette approche peut être complétée par la mise


en place de microcosmes et le suivi des teneurs isotopiques des polluants.
En raison de la lenteur des écoulements et des quantités de polluants dans les
zones sources, l’AN est par essence un processus qui s’étend sur plusieurs années
et les durées envisageables peuvent être définies à partir d’exemples réels.

1. Aspects réglementaires sites et sols pollués. Dans certains cas, notamment lorsque les pol-
lutions des milieux sont diffuses et les niveaux de concentration
des polluants, généralement bas, sont stabilisés ou en régression,
les options de gestion reposant sur la régénération ou l’atténua-
1.1 Situation dans d’autres pays tion naturelle sont alors envisageables (annexe 2, circulaire du
8 février 2007).
1.1.1 États-Unis Cette option est retenue :
– lorsque l’impossibilité de suppression des pollutions a été
La réhabilitation des sites pollués par l’atténuation naturelle est démontrée ou qu’il n’apparaît pas souhaitable, dans une logique
maintenant bien acceptée aux États-Unis. Il existe deux protocoles de développement durable et de bilan environnemental global, de
pris en général comme références en termes d’atténuation poursuivre plus en avant les opérations de dépollution ;
naturelle aux États-Unis : la directive de l’EPA [1] et le protocole de – lorsqu’il est démontré que les niveaux résiduels de pollution
l’ASTM [2]. sont compatibles avec les usages constatés ou envisagés des
milieux ;
1.1.2 Pays-Bas – à condition d’être accompagnée d’une surveillance appropriée
Il n’existe pas de protocole officiellement reconnu pour l’utili- des milieux.
sation de l’atténuation naturelle dans la gestion des sites
contaminés. Cependant, la loi hollandaise demande qu’une
situation stable de la pollution d’un site soit atteinte dans les 30
1.3 Interactions avec d’autres techniques
ans, si l’enlèvement de cette pollution ne peut être réalisé à un de dépollution
coût rentable. Cette période de 30 ans permet donc d’envisager Avant que l’atténuation naturelle ne soit envisagée comme
des approches « extensives » comme l’atténuation naturelle mesure de gestion, les possibilités de suppression des sources de
contrôlée. L’approche hollandaise sur le sujet se traduit par un pollution et de leurs impacts doivent être dûment recherchées.
guide méthodologique établi en 1998 pour évaluer l’utilisation de L’élimination totale de la source étant très rare, l’atténuation inter-
l’atténuation naturelle des BTEX et des solvants chlorés (Traffic vient souvent en « polissage ».
Light Model ) [76].
Lorsque la possibilité de gestion du site par AN a été démontrée,
il semble important que cette option soit comparée aux autres
1.1.3 Royaume-Uni options de gestion envisageable à travers un bilan coût/avantage.
La gestion anglaise des sols pollués est basée sur le risque. Elle
inclut l’atténuation naturelle comme technique de réhabilitation,
qu’elle soit seule ou combinée avec d’autres méthodes de
traitement. Un guide sur l’évaluation et la surveillance de 2. Processus en œuvre
l’atténuation naturelle a été établi en juin 2000 par l’English and
Welsh Environment Agency [3]. 2.1 Processus physique
2.1.1 Dilution
1.2 Positionnement dans
la réglementation française La dilution est un procédé consistant à obtenir une concentration
finale de concentration inférieure à celle de départ par mélange
Les textes réglementaires de 2007 MEEDDAT 2, définissant par d’une masse d’eau polluée avec une masse d’eau non polluée. Les
circulaires la méthodologie de diagnostic et de traitement des sites puits de pompages et d’injections entraînent des phénomènes de
contaminés, ont officialisé une nouvelle approche de gestion des dilution qui sont d’origine anthropiques. L’infiltration des eaux

J 3 985 − 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

QUV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXU

_____________________________________________________ ATTÉNUATION NATURELLE CONTRÔLÉE DES POLLUANTS ORGANIQUES : OUTILS ET MODÈLES

météoriques peut être considérée comme un phénomène de dilu- 2.1.3 Volatilisation


tion du panache de pollution gazeux au droit de la zone source et de
la masse d’eau polluée au droit du panache de pollution (zones Certaines substances organiques se volatilisent aisément dans
contaminées). l’air du sol, les temps de demi-vie en milieu sableux étant de
l’ordre de la semaine au mois [4]. La volatilisation peut se produire
Les changements saisonniers du sens d’écoulement peuvent à la fois lors du transfert de composés de la phase organique vers
être à l’origine d’un étalement du panache de composées dissous. l’air du sol et lors du transfert des composés dissous depuis la
La dilution peut aussi être provoquée par l’échange de la masse nappe vers l’air du sol.
d’eau étudié avec d’autres masses d’eau. Comme par exemple la
drainance entre deux aquifères ou les relations hydrauliques avec Cependant, dans certaines conditions (nappe proche de la sur-
un cours d’eau situé aux environs du panache. face, peu épaisse, sable grossier...), la volatilisation peut conduire
à une perte de plusieurs pourcents de la quantité de polluants.
Une perte très importante liée à la volatilisation, cas rare, n’est pas
2.1.2 Dispersion acceptable car elle conduit à un risque significatif dans l’air
au-dessus du site. Lors de l’étude de l’atténuation naturelle, le
La dispersion hydrodynamique comprend deux phénomènes : la processus peut donc être considéré mais reste très minoritaire.
dispersion mécanique et la diffusion moléculaire.
On appelle dispersion mécanique l’ensemble des processus 2.2 Processus chimiques (adsorption,
conduisant à une distribution hétérogène de vitesses. Au niveau
microscopique, deux considérations sont à prendre en compte :
– le profil de vitesse dans un capillaire qui est parabolique donc
dégradation abiotique, précipitation...)
2.2.1 Interactions solide – liquide

la vitesse qui est plus rapide pour les molécules situées au centre
des pores ; Certaines surfaces minérales en milieu aqueux sont électri-
quement chargées. Elles vont pouvoir retenir les ions et
– l’agencement des pores dans le milieu en relation avec notamment les cations par interaction électrostatique [5].
l’agencement des grains et la tortuosité.
Le devenir des métaux dans les eaux est fortement influencé par
Cette distribution de vitesses peut être considérée comme ce processus nommé adsorption, mais pas seulement (pour les
aléatoire si l’on se place à une échelle plus large. Dans la pratique, aspects théoriques de l’adsorption, se reporter à l’article [J 2 730]).
la dispersivité dépend de la distance parcourue par rapport à la Les métaux peuvent aussi être immobilisés en raison de précipi-
source. tation ou coprécipitation sur les surfaces.
S’inspirant de ce travail sur les métaux, des études sur les subs-
tances organiques ont été menées et ont fourni des résultats simi-
En présence d’un phénomène diffusif ou dispersif, le flux laires à partir d’un concept différent. En effet, la sorption sur les
est, selon la première loi de Fick, proportionnel au gradient de éléments du sol ne se fait pas en raison de la charge de surface,
concentration : mais en raison de la présence de matière organique à la surface
dC des grains ou dans les pores. Cette matière organique naturelle est
J = − (DL + D*) nettement hydrophobe et va donc retenir les molécules les plus
dx
hydrophobes parmi les polluants organiques. Dans certains cas, ce
avec DL et D* (m2 · s–1) coefficients de dispersion n’est pas la matière organique naturelle qui prévaut, mais une
longitudinale et de diffusion. matière organique d’origine anthropique (comme des résidus
d’hydrocarbures, des goudrons de houille, etc.).
Comme la dispersion est proportionnelle à la vitesse dans
un milieu homogène, le coefficient de dispersion peut être De nombreuses expériences ont montré que la relation entre
exprimé par : teneurs dissoutes et teneurs sorbées peut souvent être considérée
DL = αLv comme linéaire, dans le cas où les concentrations en polluants
sont faibles :
avec αL (m) dispersivité longitudinale,
q = Kd C (1)
v (m · s–1) vitesse de pore.
Ce flux est intégré dans l’équation d’advection dispersion : avec q (mg · kg–1) quantité de polluant sorbée à l’équilibre
thermodynamique,
∂C ∂ 2C ∂C C (mg · L–1) concentration de polluant en solution à
= (DL + D*) −υ l’équilibre,
∂t ∂x 2 ∂x
Kd (L · kg–1) coefficient de distribution.
pour des vitesses de l’eau supérieures à 1 cm · j–1, le
phénomène de diffusion devient négligeable devant la L’adsorption est en principe un processus réversible. Mais pour
dispersion. certains polluants des sols, notamment pour les pesticides, la
désorption (inverse de l’adsorption) peut être nettement plus lente,
ce qui peut conduire à une libération progressive pendant de
nombreuses années, et par conséquent à une pollution à long
La diffusion moléculaire est un phénomène qui tend à homo- terme des eaux souterraines.
généiser la distribution spatiale du soluté. Le moteur de Lors d’un équilibre de sorption dans un milieu comportant un
déplacement est le gradient de concentration (migration des écoulement, le polluant est retardé vis-à-vis de l’eau. On définit un
molécules des zones à fortes concentrations vers celles à faibles coefficient de retard proportionnel à la constante de sorption :
concentrations).
1− n
La dispersion en milieu poreux conduit à une baisse des Rf = 1+ ρs Kd (2)
concentrations en tout point de l’espace. Cependant, cette dimi- n
nution de concentration est liée à l’étalement et ne correspond avec n porosité,
donc pas à une diminution de la masse. C’est pourquoi, la
dispersion seule ne peut être à l’origine de l’acceptation d’une ρ s densité du solide (généralement 2,65 kg · L–1),
gestion par atténuation naturelle. Kd (L · kg–1) coefficient de partition entre liquide et solide.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 3 985 – 3

QUW
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXU

ATTÉNUATION NATURELLE CONTRÔLÉE DES POLLUANTS ORGANIQUES : OUTILS ET MODÈLES ____________________________________________________

La sorption conduit donc à un ralentissement de la vitesse du stockage. Plusieurs études ont clairement démontré la dégradation
panache. Ce phénomène ne peut donc être mis en avant pour de ces composés dans des microcosmes, c’est-à-dire à l’échelle du
justifier l’atténuation naturelle car il y a uniquement une arrivée laboratoire (§ 4.3) [7] [8] ou à l’aide de mesures isotopiques de
plus tardive mais les concentrations peuvent cependant dépasser terrain [9] [10].
le seuil fixé. Le retard doit cependant être pris en compte pour
étudier l’état donné d’un panache et son évolution future. 2.3.2.1 Conditions aérobies
Dans le cas des métaux, l’atténuation naturelle ne peut être
La thermodynamique suggère que la dégradation des BTEX est
engendrée par la dégradation des métaux qui est inexistante.
favorisée en conditions aérobies.
L’adsorption peut aussi jouer un rôle. Cependant, le processus
majeur est un processus d’immobilisation qui peut intervenir En effet, au laboratoire en conditions aérobies et en présence
notamment par réduction ou oxydation des métaux qui vont des bactéries adaptées, tous les BTEX sont dégradés très
passer de la forme mobile à une forme précipitée. Il faut dans ce rapidement avec une demi-vie de quelques heures à une
cas s’assurer que l’immobilisation n’est pas réversible. journée [8]. Quel que soit le potentiel redox du milieu, le toluène et
les xylènes peuvent être dégradés, le premier l’étant plus
rapidement que les seconds, alors que le benzène est difficilement
2.2.2 Dégradation abiotique dégradé en conditions strictement réductrices. Sachant que le
La dégradation abiotique correspond à une dégradation benzène est le BTEX le plus toxique et le moins dégradable, il est


chimique des composés organiques sans intervention de la bio- clair que toute étude d’atténuation naturelle doit être centrée sur
masse. Les réactions chimiques peuvent être la photolyse et cette substance.
l’hydrolyse. De nombreux polluants organiques peuvent être Sur le terrain, les mêmes constatations ont été effectuées : le
sujets à la photolyse lorsqu’ils sont exposés à la lumière, mais ce toluène peut être dégradé dans toutes les conditions, éthylbenzène
n’est pas le cas dans les aquifères. La dégradation abiotique des et xylènes sont faiblement dégradés en conditions réductrices et le
hydrocarbures pétroliers et des chloroéthènes dans les eaux benzène principalement en conditions oxydantes. En conditions de
souterraines est inexistante. Certains polluants subissent terrain non influencées et à grande échelle, les demi-vies de dégra-
cependant des dégradations significatives en absence de flore dation du benzène sont souvent bien plus longues qu’au
bactérienne ; c’est le cas des chlorométhanes et des chloroéthanes laboratoire.
notamment par des réactions d’hydrolyse.
Exemple : d    j dans l’étude de Borden et al. [11].
2.3 Processus biologiques
Dans ce cas, les cinétiques mesurées englobent en général
l’ensemble des processus rédox.
2.3.1 Conditions hydrogéochimiques favorables
Des conditions géochimiques particulières sont nécessaires à 2.3.2.2 Conditions anaérobies
une biodégradation efficace de chaque famille de polluants La dégradation du benzène en conditions anaérobies a souvent
organiques. été ignorée car elle est difficile à mesurer in situ et elle obéit à une
Dans le milieu naturel, les accepteurs d’électrons (AE) sont dynamique complexe. La figure 2 montre les demi-vies de dégra-
consommés de manière séquentielle selon l’ordre établi dans le dation du benzène selon les conditions chimiques du milieu.
tableau 1. Celles-ci ne sont pas reliées à l’énergie des réactions qui
De ce fait, dans l’espace occupé par un panache de polluants, les diminuent vers le méthane. En conditions NO −3 réductrices, seuls
zones redox se répartissent selon la figure 1 [3]. quelques microcosmes parmi de nombreux exemples ont montré
des résultats positifs [12]. Anderson et al. [13] ont clairement
2.3.2 Dégradation des BTEX démontré que l’oxydation du benzène en conditions Fe réductrices
ne se produisait que dans quelques rares sédiments et dans ces
La dégradation des BTEX a été très étudiée car ce sont les conditions les demi-vies sont de l’ordre de 60 j alors que les
constituants des produits pétroliers les plus répandus dans l’envi- données de Aronson et Howard [14] donnent des valeurs
ronnement, dispersés notamment lors de fuites de citernes de moyennes de 200 j.

Tableau 1 – Consommation séquentielle des accepteurs d’électrons [6]


Accepteur d’élec- Potentiel
Concentration
trons Produit Type Origine des accepteurs d’oxydo-réduction
en hydrogène (H2)
(consommation de la réduction de réaction d’électrons corrigé Eh (à pH=7)
(nmol · L–1)
croissante) (mV)
O2 H2 O Aérobie Atmosphère < 0,1 820
Contamination
NO −3 N2′ Anaérobie < 0,1 740
(surtout agricole)
Mn (IV) Mn (II) Anaérobie Nature sous-sol 520
Fe (III) Fe (II) Anaérobie Nature sou-sol de 0,2 à 0,6 – 50
Nature sous-sol,
SO −4 S– (H2S) Anaérobie de 1 à 4 – 220
Contamination
Carbonate (solides),
CO2 CH4 Anaérobie Dégradation de la >5 – 240
matière organique
Potentiel d’oxydo-réduction donné par rapport à celui de l’électrode normale à hydrogène.

J 3 985 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

QUX
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYXU

_____________________________________________________ ATTÉNUATION NATURELLE CONTRÔLÉE DES POLLUANTS ORGANIQUES : OUTILS ET MODÈLES

Concentration
Méthagonèse SO4

Réduction
des sulfates

Réduction du NO3
fer Dénitrification
O2 H2 (g)
Aérobie
CH4

Écoulement de la nappe
Distance
a schématisation du profil de l’aquifère b concentrations relatives dans la nappe

Figure 1 – Évolution schématique des concentrations en accepteurs d’électrons et des conditions redox dans un écoulement monodimensionnel [3] S
Demi-vie (jours)
600

500
Oxydation
400

300 Fermentation
C6H6 + 6H2O
200 2,25 CO2 + 3,75 CH4 + 1,5 H2O

100

0
O2 NO3 Fe SO4 CH4

Figure 2 – Demi-vies de biodégradation du benzène pour des conditions géochimiques différentes

2.3.2.3 Cinétique de dégradation été conduites avec des mélanges contenant en proportions molaires
égales benzène et toluène, ce dernier étant dégradé en premier. De
Seules quelques expériences sur site ont permis d’estimer des même sur le site d’Eglin [20], le benzène en faible proportion
vitesses de dégradation du benzène in situ. Les résultats sont très (< 10 % en masse) n’est pas dégradé alors que les autres BTEX le
variés puisque Thierrin et al. [15], en conditions sont. À l’inverse, sur le site Ponca City [17], le benzène, présent à
sulfato-réductrices, démontrent l’absence de dégradation de 7,8 mg · L–1, est le polluant majeur (selon les auteurs) et les teneurs
benzène alors qu’aux abords du panache, en conditions en sulfates vont jusqu’à 50 mg · L–1 : les accepteurs d’électrons (AE)
légèrement aérobies, la demi-vie n’est plus que de 75 j, et en ne sont pas limitatifs et il n’y a pas d’autres substances en quantités
milieu oxydé il a totalement disparu. Reinhard et al. [16] ne importantes, les bactéries vont donc consommer une substance dif-
trouvent quant à eux qu’une dégradation négligeable de benzène ficile à dégrader, « faute de mieux ». Sur le site de Traverse City,
dans un puits au sein d’un panache en conditions nitrato- et sulfa- Wilson et al. [21] ont montré une dégradation de benzène en
toréductrices. À l’inverse, Anderson et Lovley [17] démontrent une conditions anaérobies strictes avec une contamination majeure en
dégradation du benzène avec des demi-vies de l’ordre de 25 à 35 j benzène et toluène. Sur ce site, la dégradation de benzène devient
dans des conditions strictement sulfatoréductrices. importante lorsque le toluène a disparu. A contrario, dans l’exemple
Cette apparente contradiction peut-être levée à la lumière de Bemidji [22], présentant des données géochimiques très four-
d’autres expériences : Vroblesky et al. [18] suggèrent que sur le site nies, le benzène est le composé majeur (90 % en masse) mais il n’est
de Hanahan (États-Unis), il y a concurrence entre bactéries pas dégradé au centre du panache, zone méthanogène.
sulfatoréductrices et méthanogènes, concurrence en faveur des
méthanogènes lorsque les conditions sont favorables, c’est-à-dire
en présence de beaucoup de carbone organique. Par ailleurs,
Grbic-Galic et Vogel [19] ont montré que la dégradation du benzène Il semble donc que la dégradation du benzène soit possible
en conditions méthanogènes n’était réalisable que lorsque le ben- en conditions sulfatoréductrices lorsque les bactéries n’ont
zène était seul présent, et non associé au toluène. Ainsi, sur le site que le benzène comme substrat. Par contre, la dégradation du
australien [15], il y a concurrence. Le toluène étant majoritaire et la benzène en conditions méthanogènes sur le terrain ne semble
dégradation de toluène étant la plus aisée, elle est favorisée au advenir que sur de très rares sites dont il faudrait préciser les
détriment du benzène. Les expériences de Reinhard et al. [16] ont conditions chimiques.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 3 985 – 5

QUY

QVP
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYYP

Fin de vie des silicones

par Baptiste LAUBIE


Ingénieur en chimie – génie des procédés
Docteur ès sciences
Laboratoire de génie civil et ingénierie environnementale (LGCIE), Institut national
des sciences appliquées de Lyon (INSA)
et Patrick GERMAIN
Professeur des universités
Laboratoire de génie civil et ingénierie environnementale (LGCIE), Institut national


des sciences appliquées de Lyon (INSA)

1. Les silicones : du silicium au matériau ........................................... J 3 990 - 2


1.1 Structure générale et chimie des silicones ............................................. — 5
1.2 Classification des silicones....................................................................... — 3
1.3 Application et marché des silicones ........................................................ — 4
2. Entrée des silicones dans l’environnement ................................... — 5
2.1 Filières de traitement et compartiments environnementaux ................ — 5
2.2 Répartition du déchet silicone ................................................................. — 6
2.3 Recyclage des silicones ............................................................................ — 6
3. Dégradation des silicones dans l’environnement ........................ — 7
3.1 Dégradation physico-chimique ................................................................ — 8
3.2 Dégradation biologique ............................................................................ — 10
4. Devenir des silicones dans l’environnement ................................. — 10
4.1 Propriétés des silicones en lien avec leur devenir environnemental ... — 10
4.2 Devenir en stations d’épuration............................................................... — 11
4.3 Devenir en installations de stockage ....................................................... — 12
4.4 Devenir dans les sols et sédiments ......................................................... — 13
4.5 Devenir dans l’atmosphère ...................................................................... — 13
5. Conclusion............................................................................................... — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 3 990
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPQS@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPRP

L es silicones, polymères structurés autour de la liaison siloxane Si–O, sont


très utilisés dans les biens de consommation domestique, mais aussi à
l’échelle industrielle. En fonction de leurs degrés de polymérisation et des
groupements chimiques greffés au squelette siloxane, on les trouve sous
forme de fluides (dans les cosmétiques, les détergents par exemple), sous
forme d’élastomères (comme joints dans de nombreux domaines d’appli-
cation), mais également sous forme de résines. Environ 4 millions de tonnes
de silicones sont produites chaque année dans le monde.
En fonction de leur utilisation et de leurs propriétés physico-chimiques, ces
matériaux sont orientés vers différentes filières de traitement des déchets et
impactent les compartiments environnementaux (sols, atmosphère, eaux
usées...) de façon spécifique. Cet article s’attache à faire le point sur les
connaissances liées à la fin de vie de ces polymères, de leur voie d’élimination
jusqu’aux impacts environnementaux générés, en passant par les mécanismes
de leur dégradation.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 3 990 – 1

QVQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYYP

FIN DE VIE DES SILICONES ____________________________________________________________________________________________________________

La grande majorité des données scientifiques disponibles sur le sujet est


fournie directement par des fabricants ou des groupements d’industriels des
silicones (comme le CES, Centre Européen des Silicones). Le devenir dans
l’environnement de ces matériaux a été très étudié dans les années 1990 et
jusqu’au début des années 2000. En effet, suite au très fort développement du
marché, les producteurs ont largement communiqué afin de rassurer les
consommateurs sur la non-toxicité des produits de dégradation pour
eux-mêmes, comme pour l’environnement. Depuis ces années, de nombreux
tests d’écotoxicité sont apparus à des fins réglementaires mais très peu de
données sur leur fin de vie ont été publiées. Aujourd’hui, l’étude des silicones
dans l’environnement s’est principalement concentrée sur l’analyse et le traite-
ment des COVSi (Composés Organiques Volatils du Silicium) dans les biogaz.
Ainsi, après une description des matériaux silicones, le lien entre propriétés phy-
sico-chimiques, applications et répartition dans les filières de traitement des
déchets est établi. Puis, après les processus (biotiques et abiotiques) de dégradation

S des silicones dans l’environnement, une attention particulière est portée sur leur
devenir selon les compartiments environnementaux dans lesquels ils se trouvent.

Notations 1. Les silicones : du silicium


BTP bâtiments et travaux publics au matériau
CES centre européen des silicones
Les silicones (ou polysiloxanes), molécules d’origine anthro-
COVSi composé organique volatil du silicium pique, constituent la branche la plus importante des dérivées orga-
nosiliciques. Ils ont une structure proche de celle du quartz ou de
DMSD diméthylsilanediol silicates, avec additions de groupements organiques. Leur struc-
ture est ainsi basée sur l’alternance d’atomes de silicium et d’oxy-
EVC élastomère vulcanisable à chaud gène, et peut être modifiée de différentes façons par des fonctions
EVF élastomère vulcanisable à froid chimiques contenant du carbone. La présence simultanée de grou-
pements organiques liés à un squelette inorganique donne aux
GC-FID gas chromatography – flame ionisation detector silicones des propriétés uniques. Ces dernières justifient leurs utili-
sations dans de nombreux domaines industriels.
GC-MS gas chromatography – mass spectrometry
H constante de Henry (sans unité) La chimie [A 3 475], les structures et propriétés [N 2 880] et
les applications [N 2 882] de ces matériaux sont détaillés dans
ISDND installation de stockage de déchets trois articles distincts. Nous rappelons ici les éléments néces-
non dangereux saires à la compréhension de leurs processus de fin de vie.
K constante d’hydrolyse (sans unité)
log P coefficient de partage octanol/eau (sans unité)
1.1 Structure générale et chimie
MS matière sèche des silicones
MSV méthylsiloxane volatil
1.1.1 Structure et nomenclature
P* pression de vapeur saturante (en Pa)
1.1.1.1 Siloxanes
PDMS polydiméthylsiloxane
Par analogie avec les cétones, le terme générique silicone a été
PEG polyéthylène glycol donné en 1901 par Kipping pour décrire des nouveaux composés
de formule R2SiO. Ils ont été rapidement identifiés comme des
PEMS polyétherméthylsiloxane polymères, les polydialkylsiloxanes. Le nom silicone a été adopté
par l’industrie et réfère la plupart du temps aux polymères
ppb partie par milliard contenant des groupements méthyles, appelés polydiméthylsilo-
ppm partie par million xanes, abrégés en PDMS. Mais de nombreuses autres fonctions
chimiques peuvent également être greffées (comme des phényles,
ppt partie par billion vinyles, alcools, acides carboxyliques, fluors...).

S solubilité dans l’eau (en g · L–1) R1


STEP station d’épuration
Si O
Tg température de transition vitreuse (en K)
n
R2
TMSol triméthylsilanol

J 3 990 − 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

QVR
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYYP

____________________________________________________________________________________________________________ FIN DE VIE DES SILICONES

M D T Q
Classification Structure Classification
chimique schématique physico-chimique
R R R O
Silicone linéaire
R Si O O Si O O Si O O Si O

R R O O Silicone cyclique

mono- Fluide
difonctionnel trifonctionnel tétrafonctionnel
fonctionnel

Figure 1 – Formules chimiques des différents motifs Silicone greffé


siloxaniques [N 2 880]

Afin de décrire facilement et rapidement les polysiloxanes, une


Élastomère
nomenclature simplifiée a vu le jour. Elle distingue quatre types de
motifs siloxaniques en fonction du nombre d’oxygènes liés à


l’atome de silicium (figure 1) [N 2 880]. Ainsi les lettres M , D , T et Silicone réticulé
Q correspondent respectivement à des atomes de silicium mono-,
di-, tri et tétrafonctionnalisés. Résine

Par exemple, le polydiméthylsiloxane terminé par deux fonctions


triméthylsilyloxy peut être écrit MDnM, l’hexaméthyldisiloxane MM et
l’octaméthylcyclotétrasiloxane D4 . Ce dernier est un composé Figure 2 – Classification des silicones et structure schématique
cyclique. Les PDMS linéaires sont parfois désignés par la lettre L
(pour « linéaire »), suivie de l’indice correspondant aux nombres
d’atomes de silicium. Ainsi, l’hexaméthyldisiloxane MM peut – L’hydrolyse du Me2SiCl2 en présence d’un excès d’eau donne
également être noté L2 . formellement du DMSD. En présence d’HCl, ce dernier se
condense rapidement, formant un mélange d’oligomères silicones
linéaires et cycliques.
1.1.1.2 Silanols et siloxanols
– Afin d’obtenir des macromolécules de plus haut poids molé-
Au sens strict, les silanols sont des dérivés hydroxylés des culaire, ces oligomères sont condensés par catalyse avec différents
silanes, de formule SinH2n+1OH. Cependant, ce nom désigne géné- acides et bases. La masse moléculaire définitive est ajustée par
ralement les dérivés Si-hydrocarbylés R3SiOH [1]. Par extension, l’addition de TMSol (motif M), agissant comme bloqueur de chaînes.
les organosilanols sont des composés organosiliciés mono-
mériques, contenant au moins un groupe Si—OH. Le triméthylsila-
nol Me3SiOH et le diméthylsilanediol Me2Si(OH)2 sont les plus Me Me Me Me
souvent rencontrés. Ils sont respectivement abrégés en TMSol et −H2O
DMSD. Les organosiloxanols, HO(SiMe2O)nH (n > 1), sont des poly- O Si OH + HO Si O O Si O Si O
mères analogues aux silanols, appelés polydiméthylsi- Me Me Me Me
loxane-α,ω-diol (α et ω désignent le premier et le dernier atome de
silicium) [2]. Les sels de ces composés sont respectivement des
silanoates et de siloxanoates.
1.2 Classification des silicones
Nomenclature des composés volatils Les silicones sont souvent présentés en quatre catégories
Dans le domaine environnemental, deux appellations chimiques : les polymères linéaires, cycliques, greffés et réticulés
différentes sont données pour désigner les composés volatils. (figure 2). Il existe d’autres classifications se basant sur leurs
• Les méthylsiloxanes volatils MSV (Volatile Methylsiloxanes propriétés physico-chimiques : ils sont ainsi souvent classés en
VMS) désignent des silicones fluides volatils, de très faible vis- fluides, élastomères et résines. Certains différencient également
cosité, aussi bien linéaires que cycliques, constitués de motifs les gels et les émulsions. À l’intérieur de chacune de ces familles,
—Me2SiO— (de 2 à 6 atomes de silicium pour les linéaires avec les produits sont différents suivant leur composition, leur degré de
des fins de chaînes méthylées, et de 3 à 6 atomes de silicium réticulation, de ramification, ce qui rend difficile une description
pour les cycliques). précise de leurs propriétés.
• Les composés organiques volatils du silicium COVSi
regroupent les MSV, les silanols et siloxanols volatils (principa- 1.2.1 Fluides
lement le triméthysilanol et le diméthysilanediol) et les autres
composés organiques volatils à base de silicium (principa- Les silicones fluides sont des polymères (polycondensats)
lement le tétraméthylsilane). linéaires ou faiblement ramifiés dont la viscosité augmente avec le
degré de polycondensation. Il en existe trois grandes catégories :
– les huiles, de viscosité cinématique comprise entre 1 mm2 · s–1
1.1.2 Synthèse et 2,5 cm2 · s–1 (entre 2 et plus de 1 000 atomes de silicium)
peuvent être non réactives (comme le PDMS), réactives bloquées
La préparation des silicones s’effectue en trois étapes [3] : la (c’est-à-dire avec des hydrogènes réactifs sur les atomes de sili-
synthèse et l’hydrolyse des chlorosilanes puis leur polymérisation. cium sauf en fin de chaînes) et réactives non bloquées (avec, en fin
– Les chlorosilanes sont préparés selon le processus direct de de chaînes, des groupements réactifs) ;
Rochow, en utilisant du silicium élémentaire et du chlorure de – les gommes, huiles de viscosité plus élevée (pouvant atteindre
méthyle. Un mélange de différents silanes est obtenu, contenant 20 m2 · s–1), qui sont des polycondensats entrant dans la fabri-
majoritairement le diméthyldichlorosilane, Me2SiCl2. cation d’élastomères ;

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 3 990 – 3

QVS
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYYP

FIN DE VIE DES SILICONES ____________________________________________________________________________________________________________

– les gels, fluides silicones légèrement réticulés de façon à obtenues par hydrolyse de chlorosilanes trifonctionnels (motif T)
former un réseau tridimensionnel cohésif, d’une grande souplesse, comme pour la préparation des huiles. Le haut degré de
mais sans forme ni élasticité définies. réticulation s’obtient sous l’action conjuguée ou non, d’un cataly-
seur et de la chaleur. Carette et Pouchol [A 3 475] donnent des
exemples de structures de résines.
Silicones greffés

Par addition de polymères sur ou en fin de chaîne siloxane, 1.3 Application et marché des silicones
de nombreux copolymères peuvent être synthétisés (poly-
mères greffés ou à blocs). Ce sont des matériaux très utilisés
car ils permettent de conserver certaines propriétés exception- 1.3.1 Propriétés exceptionnelles
nelles des silicones, tout en apportant de nouvelles caractéris-
tiques physico-chimiques et thermomécaniques. Par exemple, Les propriétés exceptionnelles des silicones en font des maté-
le copolymère PDMS – PEG (polyéthylène glycol) est un riaux de choix dans de très nombreuses applications industrielles
tensio-actif très utilisé dans l’industrie. Il fait partie de la et domestiques (tableau 1). Ces propriétés sont évidemment bien
famille des polyétherméthylsiloxanes (PEMS). différentes pour une huile non réactive ou un élastomère, mais il
existe des traits généraux dus au squelette riche en silicium et aux


enchaînements Si—O. Les caractéristiques structurales des
1.2.2 Élastomères chaînes siloxanes se situent à trois niveaux [4] :
La vulcanisation correspond à la formation d’un réseau par – au niveau atomique, le groupement Si—O possède une éner-
création de liaisons covalentes ou ioniques (par réticulation) suite gie de liaison plus forte que celles habituellement rencontrées
à l’ajout d’un agent chimique. Les structures vulcanisées sont dans les molécules organiques (liaisons C—C ou C—O). La liaison
généralement préparées à partir de prépolymères linéaires ou Si—O est également très polarisée, du fait de la faible électronéga-
ramifiés de faible masse molaire (issus d’une polymérisation tivité de l’atome de silicium. Ces deux propriétés engendrent une
partielle), en présence d’un catalyseur et parfois sous l’action de la très bonne stabilité thermique et une résistance au vieillissement
chaleur. Ils sont souvent classés en fonction de leur température (UV, O3...) des silicones. En revanche, elles impliquent une sensibi-
de réticulation : les élastomères vulcanisables à froid (EVF) et ceux lité aux attaques acides et basiques ;
vulcanisables à chaud (EVC). – au niveau moléculaire, les silicones se révèlent être une
combinaison inhabituelle d’une chaîne inorganique similaire aux
1.2.3 Résines silicates associée principalement à des groupements apolaires et
hydrophobes (comme les méthyles). Cela leur confère une
Les résines sont des polycondensats présentant, à un degré plus absence de cohésion intermoléculaire et une incompatibilité avec
ou moins avancé, une structure tridimensionnelle. Elles sont les surfaces ou produits hydrophiles ;

Tableau 1 – Propriétés et utilisation des silicones en fonction de leurs caractéristiques


physico-chimiques [5]
Propriétés d’utilisation Caractéristiques physico-chimiques Domaine et exemples d’application
Faible tension de surface Procédés industriels
Antimoussante
Faible énergie de surface Agents antimoussants
Flexibilité, élasticité, Distance interatomique élevée
Tous types de joints
résistance à la traction Absence de substituant sur l’oxygène
Point de fusion : 205 à 260 oC Automobile, BTP...
Faible inflammabilité
Point d’auto-ignition : 438 à 460 oC Joints, fluides caloporteurs
Inodores, insipides Santé
Biocompatibilité Faible adhésion moléculaire et cellulaire Enveloppe extérieure de principes actifs,
Perméabilité à la vapeur d’eau prothèses, cathéters...
Volatilité Forte volatilité à faible poids moléculaire Cosmétique, pharmaceutique
Macromolécules apolaires Automobile, BTP...
Isolation électrique
Faible conductivité Transformateurs, câbles...
Faible tension superficielle Automobile, BTP...
Lubrification
Macromolécules ramifiées Lubrifiants
Macromolécules apolaires Produits d’entretien, textiles
Hydrofugation
Faible tension superficielle Polishes, cirages...
Liaison entre certains groupes fonctionnels et de
Adhérence Mastics et joints
multiples substrats
BTP
Résistances aux intempéries Absorption des UV par les méthyles
Peintures d’extérieur
Stabilité thermique Forte énergie de la liaison Si—O Tous types d’applications

J 3 990 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

QVT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYUP

Procédés durables
pour la décontamination d’agents
chimiques de guerre

par Julien LEGROS


Directeur de recherches au CNRS
Laboratoire COBRA-CNRS, Université de Rouen-Normandie, Mont-Saint-Aignan, France


1. Armes chimiques et agents chimiques de guerre (CWA) ........ J 3 950 – 2
1.1 Définition ............................................................................................ — 2
1.2 Principaux CWA : vésicants et neurotoxiques organophosphorés .. — 3
2. Méthodes de neutralisation des CWA......................................... — 3
2.1 Hydrolyse ............................................................................................ — 3
2.2 Oxydation ........................................................................................... — 5
3. Procédés de neutralisation ........................................................... — 7
4. Conclusion........................................................................................ — 8
5. Glossaire ........................................................................................... — 8
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 3 950

algré la signature de la Convention d’Interdiction des Armes Chimiques


M (CIAC) par la quasi-totalité des pays du monde (seuls la Corée du Nord,
l’Égypte et le Soudan du Sud n’ont pas signé la CIAC ; Israël l’ayant signé mais
pas ratifié), une effrayante résurgence des armes chimiques est récem-
ment apparue au cours de différents conflits (attaque au sarin à Khan Cheik-
houn en Syrie en avril 2017), ou encore d’attentats terroristes (assassinat de
Kim Jong-nam à Kuala Lumpur en février 2017, attentat dans le métro de
Tokyo en 1995). La CIAC proscrit la production d’armes chimiques à large
échelle mais les stocks mondiaux en armes chimiques anciennes restent égale-
ment importants ; la question de leur destruction et le développement de
méthodes plus sûres constituent donc un défi d’actualité. Si la plupart des
pays occidentaux signataires du CIAC se sont dotés au cours des dernières
années de sites de destruction sécurisés, le cas Syrien a soulevé de nouvelles
problématiques. En effet, compte tenu de la situation de conflit interne et du
refus de nombreux états d’accueillir le stock d’arme Syrien pour destruction
sur leur territoire (1 033 t de gaz moutarde et 300 t de sarin et de VX officielle-
ment), la décontamination a eu finalement lieu en mer, pendant 2 ans, à bord
du « Cape Ray » un bateau américain équipé d’une plateforme de traitement
chimique, le « Field Deployable Hydrolysis System » (FDHS). Malheureusement
les effluents résultants de ce traitement sont colossaux (plusieurs dizaines de
litres d’eau/litre d’agent traité) et doivent être retraités à un coût parfois plus
élevé que la neutralisation du toxique. La France, quant à elle, possède sur
son territoire environ 300 tonnes d’armes chimiques stockées datant de la pre-
mière Guerre mondiale. Le programme SECOIA (Site d’Élimination des Charge-
ments d’Objets Identifiés Anciens) a été initié en ce sens : la méthode de des-
truction utilisée repose sur une destruction automatisée par explosion dans une
enceinte blindée puis les déchets sont récupérés, conditionnés puis traités.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQX

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 950 – 1

QVU
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYUP

PROCÉDÉS DURABLES POUR LA DÉCONTAMINATION D’AGENTS CHIMIQUES DE GUERRE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

L’efficacité opérationnelle de ce procédé dans le cadre d’obus fossiles est la


plus sécurisée car automatisée, et elle prendra plusieurs dizaines d’années
pour détruire les stocks actuels. La découverte de 10 à 20 tonnes supplémentai-
res chaque année aggrave d’autant plus le problème que toutes les armes chi-
miques découvertes ne sont pas éligibles pour SECOIA qui n’accepte que les
engins intègres (sans fuites de toxique). Le personnel de la Direction générale
de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) doit alors pratiquer un
traitement de neutralisation dépendant du type de toxique. Il est donc essentiel
de disposer de méthodes efficaces et durables pour neutraliser efficacement les
agents chimiques de guerre sous différents conditionnements et sur différents
lieux. Cet article propose de décrire les dernières avancées dans le domaine de
la neutralisation des molécules toxiques présentes dans les armes chimiques.
Il s’agit de l’utilisation de méthodes récentes (2000-2018) issues du monde aca-
démique (catalyse, réacteur en flux continu) permettant d’économiser les quan-
tités de réactifs et/ou de faciliter le traitement à large échelle de façon sûre.

S Symbole

CIAC
Description

Convention d’interdiction des armes chimiques

CWA Chemical warfare agent

CWC Chemical weapons convention

MOF Metal Organic Framework (réseau métallo-organique)

NOP Neurotoxique organophosphoré

NRBC Nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques

OIAC Organisation pour l’interdiction des armes chimiques

OPCW Organization for the prohibition of chemical weapons

Residence time in a microreactor (temps de séjour


tR
dans un réacteur microstructuré)

2. On entend par « produit chimique toxique » tout produit chi-


1. Armes chimiques et agents mique qui, par son action chimique sur des processus biologiques,
chimiques de guerre (CWA) peut provoquer chez les êtres humains ou les animaux la mort, une
incapacité temporaire ou des dommages permanents. Cela comprend
tous les produits chimiques de ce type, quels qu’en soient l’origine ou
le mode de fabrication, qu’ils soient obtenus dans des installations,
1.1 Définition dans des munitions ou ailleurs (aux fins de l’application de la présente
Convention, des produits chimiques toxiques, qui ont été reconnus
La notion d’armes chimiques s’entend selon la définition établit comme devant faire l’objet de mesures de vérification, sont énumérés
dans l’article II de la Convention d’Interdiction des Armes chimi- aux tableaux figurant dans l’Annexe sur les produits chimiques).
ques (CIAC) entrée en vigueur en 1997 :
3. On entend par « précurseur » tout réactif chimique qui entre à
1. On entend par « armes chimiques » les éléments ci-après, pris un stade quelconque dans la fabrication d’un produit chimique
ensemble ou séparément : toxique, quel que soit le procédé utilisé. Cela comprend tout com-
a) les produits chimiques toxiques et leurs précurseurs, à l’ex- posant clé d’un système chimique binaire ou à composants multi-
ception de ceux qui sont destinés à des fins non interdites par la ples (aux fins de l’application de la présente Convention, des pré-
présente Convention, aussi longtemps que les types et quantités curseurs qui ont été reconnus comme devant faire l’objet de
en jeu sont compatibles avec de telles fins ; mesures de vérification sont énumérés aux tableaux figurant dans
b) les munitions et dispositifs spécifiquement conçus pour pro- l’Annexe sur les produits chimiques).
voquer la mort ou d’autres dommages par l’action toxique des pro-
duits chimiques toxiques définis à l’alinéa a), qui seraient libérés
du fait de l’emploi de ces munitions et dispositifs ; Pour résumer, on parle d’agent chimique de guerre CWA (Chemi-
cal Warfare Agent) pour désigner la molécule toxique et d’arme
c) tout matériel spécifiquement conçu pour être utilisé en liaison chimique lorsque le CWA est couplé à un agent de vectorisation.
directe avec l’emploi des munitions et dispositifs définis à l’alinéa b).

J 3 950 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

QVV
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
jSYUP

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PROCÉDÉS DURABLES POUR LA DÉCONTAMINATION D’AGENTS CHIMIQUES DE GUERRE

Les produits chimiques visés par la CIAC sont répartis dans trois 1.2 Principaux CWA : vésicants
tableaux. Les produits du tableau 1-subdivision A (tableau 1) sont
des agents de guerre chimique. Un État membre ne peut en possé-
et neurotoxiques organophosphorés
der qu’à des fins non interdites et en quantité toujours égale ou Parmi les composés du Tableau 1-Subdivision A de la CIAC, la
inférieure à une tonne à tout moment de l’année sur son territoire. principale menace actuelle concerne essentiellement les vésicants
de type moutardes au soufre, essentiellement l’ypérite : sulfure de
bis(2-chloroéthyle) et les NOP (neurotoxiques organophosphorés),
Tableau 1 – « Subdivision A : produits chimiques comme le soman, le sarin, le tabun et le VX. Les dérivés d’arsenic
toxiques » de la CIAC Lewisites appartiennent à l’histoire de la 1re Guerre Mondiale
désormais, et les composés saxitoxine et ricine sont des composés
Entrée Composé (N CAS) naturels synthétisés par des organismes animaux et végétaux, res-
pectivement, extraits en très faibles quantités et sont à la limite de
Alkyl(Me, Et, nPr ou iPr)phosphonofluoridates l’arme biologique, non considérée ici. Contrairement à l’idée reçue,
de O-alkyle les moutardes et les NOP ne sont pas gazeux mais liquides à pres-
sion atmosphérique (Tébullition d’environ 140-210  C) et transformés
Sarin : méthylphosphonofluoridate de en aérosols lorsqu’ils sont utilisés comme armes, d’où l’appellation
(1) 107-44-8
O-isopropyle fréquente de « gaz de combat ». Ces CWA sont toxiques aussi bien
par inhalation que par contact cutané [1].
Soman : méthylphosphonofluoridate de


96-64-0 L’ypérite est communément appelée « gaz moutarde », bien que
O-pinacolyle
ce surnom lui vienne de l’odeur émise par des impuretés provenant
N,N-dialkyl(Me, Et, nPr ou d’anciens procédés de synthèse. En contact avec la peau, les
iPr)phosphoramidocyanidates de O-alkyle agents moutarde provoquent la formation de cloques importantes
(2) et extrêmement douloureuses. Le mode d’action de formation des
Tabun : N,N-diméthylphosphoramidocyanidate cloques est mal connu. Ce sont essentiellement des incapacitants
77-81-6
de O-éthyle)… car ils ne provoquent que rarement la mort par forte inhalation et
asphyxie [2]. En revanche, ce sont des composés fortement électro-
Alkyl(Me, Et, nPr ou iPr)phosphonothioates
phile et donc vraisemblablement très cancérigènes à moyen/long
de O-alkyle
(3) terme. Les NOP constituent des CWA beaucoup plus toxiques.
VX : méthylphosphonothioate de O-éthyle et Ils agissent en inhibant de façon irréversible l’enzyme acétylcholi-
50782-69-9 nestérase (AChE), empêchant le retour au repos des systèmes ner-
de S-2-diisopropylaminoéthyle
veux et musculaires avec des conséquences cardiaques et respira-
Moutardes au soufre toires fatales [3] [4]. Les NOP passant facilement au travers de la
peau, un contact cutané avec une simple goutte de VX conduit à
Sulfure de 2-chloroéthyle et de une mort très rapide, comme cela a pu être observé dans l’assassi-
2625-76-5
chlorométhyle nat de Kim Jong-nam à l’aéroport de Kuala Lumpur en février 2017.
Gaz moutarde : sulfure de La législation sur l’utilisation des CWA étant très restrictive
505-60-2 (même pour des recherches académiques), et leur toxicité nécessi-
bis(2-chloroéthyle)
tant des équipements disponibles uniquement dans des locaux
Bis(2-chloroéthylthio)méthane 63869-13-6 militaires la plupart du temps, les études de neutralisation sont
généralement effectuées sur des simulants éprouvés. Une corres-
Sesquimoutarde : pondance entre les CWA et leurs principaux simulants est donnée
(4) 3563-36-8
1,2-Bis(2-chloroéthylthio)éthane dans la figure 1.
1,3-Bis(2-chloroéthylthio)-n-propane 63905-10-2 CEES = sulfure de chloroéthyle et d’éthyle
DMMP = méthylphosphonate de diméthyle
1,4-Bis(2-chloroéthylthio)-n-butane 142868-93-7
NIMP = méthylphosphonate de 4-nitrophényle et d’iso-propyle.
1,5-Bis(2-chloroéthylthio)-n-pentane 142868-94-8
Oxyde de bis(2-chloroéthylthiométhyle) 63918-90-1
Moutarde-O : oxyde de
63918-89-8
2. Méthodes de neutralisation
bis(2-chloroéthylthioéthyle)
des CWA
Lewisites
Lewisite 1 : 2-chlorovinyldichlorarsine 541-25-3 Dans le traitement de CWA, on distingue la destruction de la neu-
(5)
Lewisite 2 : bis(2-chlorovinyl)chlorarsine 40334-69-8 tralisation. Le premier procédé consiste en une étape irréversible
permettant l’élimination totale du CWA, généralement dans des
Lewisite 3 : tris(2-chlorovinyl)arsine 40334-70-1 conditions extrêmes, nécessitant un équipement spécifique lourd
(typiquement la pyrolyse). En revanche, la neutralisation est un trai-
Moutardes à l’azote tement chimique potentiellement réversible (conduisant à un pré-
curseur possible du CWA) mais dans des conditions moins drasti-
HN1 : bis(2-chloroéthyl)éthylamine 538-07-8 ques [5] [6] [7] [8] [K 1 200]. L’exemple typique de neutralisation est
(6) l’hydrolyse.
HN2 : bis(2-chloroéthyl)méthylamine 51-75-2
HN3 : tris(2-chloroéthyl)amine 555-77-1
2.1 Hydrolyse
(7) Saxitoxine 35523-89-8
De nombreux composés organiques sont sensibles à l’eau qui
(8) Ricine 9009-86-3 agit comme nucléophile sur certains substrats organiques, le phé-
nomène étant amplifié en présence de bases tels l’hydroxyde de

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés J 3 950 – 3

QVW
GAGNEZ DU TEMPS ET SÉCURISEZ VOS PROJETS
EN UTILISANT UNE SOURCE ACTUALISÉE ET FIABLE

Techniques de l’Ingénieur propose la plus importante


collection documentaire technique et scientifique
en français !
Grâce à vos droits d’accès, retrouvez l’ensemble
des articles et fiches pratiques de votre offre,
leurs compléments et mises à jour,
et bénéficiez des services inclus.

   
RÉDIGÉE ET VALIDÉE MISE À JOUR 100 % COMPATIBLE SERVICES INCLUS
PAR DES EXPERTS PERMANENTE SUR TOUS SUPPORTS DANS CHAQUE OFFRE
NUMÉRIQUES

 + de 350 000 utilisateurs


 + de 10 000 articles de référence
 + de 80 offres
 15 domaines d’expertise
Automatique - Robotique Innovation
Biomédical - Pharma Matériaux
Construction et travaux publics Mécanique
Électronique - Photonique Mesures - Analyses
Énergies Procédés chimie - Bio - Agro
Environnement - Sécurité Sciences fondamentales
Génie industriel Technologies de l’information
Ingénierie des transports

Pour des offres toujours plus adaptées à votre métier,


découvrez les offres dédiées à votre secteur d’activité

Depuis plus de 70 ans, Techniques de l’Ingénieur est la source


d’informations de référence des bureaux d’études,
de la R&D et de l’innovation.

www.techniques-ingenieur.fr
CONTACT : Tél. : + 33 (0)1 53 35 20 20 - Fax : +33 (0)1 53 26 79 18 - E-mail : infos.clients@teching.com
LES AVANTAGES ET SERVICES
compris dans les offres Techniques de l’Ingénieur

  
ACCÈS

Accès illimité Téléchargement des articles Consultation sur tous


aux articles en HTML au format PDF les supports numériques
Enrichis et mis à jour pendant Pour un usage en toute liberté Des contenus optimisés
toute la durée de la souscription pour ordinateurs, tablettes et mobiles

 
SERVICES ET OUTILS PRATIQUES

Questions aux experts* Articles Découverte Dictionnaire technique multilingue


Les meilleurs experts techniques La possibilité de consulter des articles 45 000 termes en français, anglais,
et scientifiques vous répondent en dehors de votre offre espagnol et allemand

 
Archives Impression à la demande Alertes actualisations
Technologies anciennes et versions Commandez les éditions papier Recevez par email toutes les nouveautés
antérieures des articles de vos ressources documentaires de vos ressources documentaires

*Questions aux experts est un service réservé aux entreprises, non proposé dans les offres écoles, universités ou pour tout autre organisme de formation.

ILS NOUS FONT CONFIANCE

www.techniques-ingenieur.fr
CONTACT : Tél. : + 33 (0)1 53 35 20 20 - Fax : +33 (0)1 53 26 79 18 - E-mail : infos.clients@teching.com

Vous aimerez peut-être aussi