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Séminaire ontologie

I: INTRO

Thème des manières de voir : objectif de construire un dictionnaire des manières de voir.

1er aspect du dico : Parvenir à un ensemble de textes courts qui forment un réseau qui permettrait
de décliner la vision de manières possibles. Illustrer le fait que voir, c'est tjrs voir d'une certaine
manière, plus ou moins partiellement, plus ou moins nettement, dans un contexte. Voir, c'est tjrs voir
selon certaines médiations, qui peuvent être d'ordre technique (ex:lunettes, lumières de la pièce,
etc). Faire éclater la vision en de multiples visions de voir.

2e aspect du dico : exploiter les ressources du langage puisque le langage ordinaire (mais aussi
scientifique, technique) a enregistré ces diverses manières de voir. On pourrait dire que les manières
de voir sont contenues dans les diverses manières de dire. Voir, cela peut être entrevoir, revoir,
prévoir. Mais aussi visualiser, visionner, viser. Ou voyeurisme, voyance, vu, vidéo. Ou encore tout
ce qui relève de spectare : spectacle, épier, espionner. Ou tout ce qui n'est pas rattaché directement
au mot voir : observer, distinguer, etc. Coup d'oeil, point de vue, male gaze, etc. Le langage donne
déjà bcq à penser.

Pourquoi ce thème ? Pour prendre le contre-pied d'une conception de la vision comme ce paradigme
dominant de la philosophie, mais aussi de la science, qui posent une certaine conception idéalisée
du voir théorique. Perception désincarnée et transparente d'un objet donné en pleine lumière. Cette
notion du voir théorique s'est imposée dans l'histoire de la philo.

Paradigme lié à 2 phénomènes conceptuels historiques :

• la vision s'est imposée comme le sens directeur du savoir. Il y aurait un voir de l'entendre, un
voir du toucher. « Vois comme cela résonne, vois comme cela sent, vois comme sela a du
goût, vois comme c'est dur ».

• ce voir intellectuel est un voir supérieur qui se libère du sensible, du corporel, de la terre et
du monde. Ce voir spirituel, c'est l'autre du voir sur lequel nous allons travailler. Mais c'est
aussi un objet à part entière de notre réflexion. C'est même aussi une manière de voir. C'est à
la fois l'ennemi, l'autre manière de voir tout en étant dans une position privilégiée, d'un
statut supérieur.

A distinguer aussi d'un voir qui se donne comme neutre, comme sans situation, sans caractérisation
particulière. « Je viens juste pour voir ». Mais dans quel mesure est-ce neutre ? Le voir peut-il être
dans certains cas sans intention particulière ?

La pureté : notion de métaphysique présente dans la notion du voir intellectuel depuis Platon.
Signifierait sans contact avec l'extérieur. Une analyse possible :

• le puriste serait celui qui refuse toute dualité. Tout autre est perçu comme une
contamination. Incapacité à penser la symbiose. La rencontre, le contact, mise en lien du
même et de l'autre tjrs fondée sur un dualisme, sur l'incompatibilité et le rejet. Le voir
intellectuel, serait donc en fait penser l'unité de la symbiose. Cet oeil unique et absolu que
serait l'oeil de l'âme, sur quoi repose-t-il ? Quels sont ses présupposés ? Est-il vraiment
pensable ? Au fond, un oeil dont on exige qu'il soit sans aucun lien avec la vision sensible ne
serait-il pas absurde ?

La notion de manière est aussi importante. Dans ce mot, il y a la présence de la main. C'est-à-dire
l'idée que la vision s'accompagne d'une certaine manipulation, d'une certaine gestuelle. Comment la
main et l'oeil se relient-ils ? Cette gestuelle est aussi relayée, modifiée par des moyens techniques.
On met l'accent sur les techniques qui jouent un rôle important dans la conception historique du
voir. Voir tjrs relayé par des dispositifs techniques qui ont certains effets. Ces machines qui ont pour
but d'améliorer la vision, par ex, sont en fait aussi des machines qui ont pour effet de désincarner,
désubjectiver le voir du corps. Le voir devient une donnée objective, un objet. Une imagerie qui
peut être produite sans l'humain.

Jonathan Crary parle d'une rupture entre la peinture et la photographie. Là où bcq voient une
continuité. Selon lui, c'est une rupture où l'on passe d'un monde pictural à un monde d'images qui
nous forçent à voir les choses d'une certaine façon. De plus, le développement des techniques de
vision s'accompagne d'une certaine disparition des objets qui produisent la vision, objets optiques.
Comme si le développement d'une vision optimale sous-entendait un effacement de soi. On voit
d'autant mieux qu'on n'est pas vu.

II : Descartes ou le voir de près :

Réduction du voir au voir intellectuel. Descartes définit la connaissance comme intuition. Mais
Descartes n'utilise jamais le terme intuition. Il s'inscrit dans cette histoire de la connaissance
intuitive, mais il rompt avec elle en substituant le terme intuitio par intuitus. Car en choisissant ce
mot, il fait un usage nouveau de l'intuition « qui est portée par des sentiments profondément
différents de ceux de l'école et de la notion de connaissance intuitive des scholastiques. Il
transporte le mot intuitus jsq au sens qui est le sien ». Il est convaincu qu'il peut ouvrir la voir à un
nouvel usage intellectuelle. En mettant au centre la notion d'évidence. Il ne dit pas qu'il y aurait un
certain type d'objets qui seraient évidents en eux-mêmes. Mais il y a une certaine expérience
subjective que je fais qui est celle de l'évidence. L'évidence est une propriété de ma pensée. Les
choses évidentes sont toutes les choses que j'éprouve par évidence.

Sujet libéré de la difficulté de définir. On peut faire de la philo sans définir les choses. Ce qui pour
Descartes est un exercice scolaire qui implique le contrôle du maître. L'objet est soumis à certaines
règles, codes, càd une certaine approbation de celui qui a une autorité sur l'objet de savoir. Libérer
le voir de l'individu du contre-revoir du maître qui s'assure que ce que l'on dit est vrai.
Emancipation du regard par dessus l'épaule de la structure scholastique. Cette redéfinition du voir
est contemporaine d'une production de la vision occulaire. Distingue yeux de l'esprit et yeux du
regard. Vision mentale et vision visuelle. Pour Descartes, éprouver l'évidence, c'est éprouver la
vérité d'une proposition comme j'éprouve l'évidence que cette table est ici, une table, sous mes
yeux. En quoi la vision sensible peut-elle être un guide pour la vision intellectuelle ? Pcq elle est
fiable pourvu que je me sois mis dans une certaine condition qui me protège de l'erreur. D'emblée
rejettée par Descartes : la vision de loin. Mais le voir de près, lui, est méthodologiquement
intéressant, fiable et solide dans une certaine forme de vérité, d'information sur le monde. Le voir
occulaire peut constituer un modèle pour s'éduquer à bien penser, bien considérer la vérité.

Définition intuitus : « représentation qui est le fait de l'intelligence pure et attentive, représentation
si facile et si distincte qu'il ne subsiste aucun doute sur ce que l'on y comprend ». Intuitus qui n'est
pas d'ordre sensible, ni imaginatif, mais qui est stabilisé par l'attention. Elimine aussi toute forme de
composition. C'est un voir attentif qui porte en lui une certaine tension.
Conditions d'acquisition et d'exercice de cette attention : Règles IX et X : s'inspire des pratiques de
discernement et d'attention dans l'artisanat. Démarche similaire qu'en philo. Les artisans utilisent
leurs yeux mais en se protégeant des fluctuations de la vision. Se rapprochent de leur objet. Modèle
d'une vision sensible non trompeuse, minutieuse, concentrée, rapprochée.

Donc même dans une telle conception de la vision comme l'intuition cartésienne, on peut remarquer
que ce n'est jms une pure vision directe, mais façonnée par des éléménts de contexte, de position, de
mise en place.

Qu'il y ait un paradigme dominant dans l'histoire de la philo, c'est qqch de bien commenté en philo.
Derrida : mémoire d'aveugle : « toute histoire, toute la sémantique de l'idée européenne dans sa
généalogie grecque, on le sait, on le voit, assimile la vérité au savoir. » Heidegger revient souvent
sur cette idée du voir, savoir.

2 textes de Heidegger :

1)

• forme, morphe, la chose en tant qu'elle est circonscrite


• forme, eidos, idée

L'eidos, c'est la chose en tant qu'elle est regardée. C'est une certaine vue de la chose. Mais une vue
qualitative car une vue connaissante, qui donne qqch à connaître. E-vidence. Voir la chose en pleine
lumière, au sens où on la connait. On voit son essence. On voit son visage. Le visage nous révèle la
chose. L'apparence au sens d'une certaine mine, d'un certain air. Le fait de voir qqch est mis ici en
relation avec un certain mouvement, un certain positionnement que l'on retrouve dans l'étymologie
de regarder, qui implique une certaine profondeur, mise à distance de la chose. Cette conception de
la vision est en lien avec la conception que les grecs se font de l'être en général. Voir, c'est l'idée que
qqch est présent, qqch se montre, qqch fait saillie et se porte vers nous. Selon Heidegger, les Grecs
ont une pré-compréhension de l'être qui fait que l'être est ce qui est fait pour être vu. Jeu sur les
préfixes qui mettrait en évidence une sorte de conception métaphysique à travers le langage.
Pourquoi le toucher ne serait pas un sens qui permettrait d'appéhender cette présence ? Pourquoi la
vision est privilégiée ?

2)

S'intéresse à Platon. Dans un passage de la République, Socrate dit que voir et penser sont deux
choses bien différentes. Parle de la faculté de voir et d'être vu. On aborde la vision d'une manière
qui n'est pas l'acte d'un sujet personnel, mais comme un lien objectif à l'intérieur du monde. Comme
si la chose que je vois était prise comme le même acte, comme la même faculté.

Pourquoi privilège de la vision ? Prééminence du voir chez les Grecs. Philosophie liée à la vision
des astres. Théorétique. Chez les Grecs, être énonce présence et consistance. Dans la vision, nous
avons en un sens très net, le perçu ou le saisi en face de nous à l'opposé ??? . Elucider le rapport à
l'étant par la vision, mais à l'inverse pcq ils éprouvaient l'être ???

Un autre auteur dit que les Grecs étaient très visuels, ils avaient de fameuses capacités optiques.
Heidegger pas d'accord. Alors pourquoi la vision serait-elle particulièrement apte à saisir la
présence et la consistance ? Dans la vision, l'idée est que la chose vue se trouve en face. Elle révèle
son unité, ce qu'elle est. La vision est donc rendue possible par la distance, un certain écart où la
chose peut se voir globalement, là où au contraire le toucher, le contact ne donnerait qu'une prise
partielle, un point. Le voir est une certaine sensation à distance qui de ce fait a un caractère
révélateur, là où les autres sens ne donnent dans une proximité immédiate avec l'objet, qu'un certain
point. L'aspect visible serait moins accidentel, moins anecdotique du fait de ce recul global. Mais ne
juge-t-on pas ainsi pcq déjà on privilège le visuel ? Argument circulaire, « le visuel est privilégié
pcq privilégié pour son écart avec la chose appréhendée »...

Ce qui fait la prééminence du voir, c'est une condition supplémentaire entre ce qui est vu et ce qui
voit. Valorise la vue pcq cette condition est elle-même douée d'une certaine valeur. Comme un dieu.
Un peu paradoxal. Connaissance d'un objet par un sujet au final dévalorisée. Les autres sens sont
plus directs. On construit une connaissance sans médiation d'un élément transcendant. Et c'est ça
qui est disqualifié dans le texte de Platon comme le commente Heidegger. Socrate ajoute que le
soleil a aussi comme caractéristique d'être lui-même vu. Il est en rapport avec la source à laquelle
les autres sens ne permettent pas de donner accès. Quand je vois une chose, je la vois sous la
lumière du soleil qui est un dieu. Fait accéder à la chose dans le monde.

(comprends pas, pq le soleil intermédiaire ne pourrait-il pas être sensation, chaleur, feu, odeur et
non slmt vu...à nouveau un peu circulaire comme arg pr expliquer pq le vu est privilégié)

Analogie entre voir et savoir : source de lumière qui rend possible l'intellection. Idée du bien est
condition en un sens double pcq éclaire les choses, est le soleil mais aussi ce qui produit la faculté
de connaître. Lumière condition du voir, mais aussi de la vie, de toute chose. La souveraineté du
bien.

Sauf qu'il y a ensuite un dépassement de l'analogie : le bien est la condition de la connaissance des
choses, càd des idées. Le bien a ce statut de condition de possibilité de la connaissance. Mais ajoute
ensuite que si le bien est lui-même une idée plus fondamentale que les autres idées. ?? Etre
ultimement pensé comme idea. Le sens de l'être est l'idée. La chose dans sa réalité est une idée.
Donc si l'être est de l'ordre de l'idée, alors l'analogie est dépassée. Càd que si la vision sensible va
me révéler la chose mieux que le gout, etc, alors c'est que ???

L'analogie donne naissance à un savoir intellectuel qui finalement va dévaloriser le voir sensible au
profit du savoir intellectuel. On passe d'un voir relié au cosmos, on voit les choses telles qu'elles
sont sous le soleil, à juste un voir qui est une étape pour passer à un savoir supérieur, philosophique.

Dans quel sens tout cela est déjà une certaine manière de voir ? Certaine vision de la vision.
Paradigme photocentriste. La lumière prend toute son importance dans l'acte de voir. Mais s'il n'y a
pas la matière, qqch qui s'interpose pour faire obstacle à la lumière, la lumière est éblouissante.
Matière tout aussi importante au final.

20/10

III : Le point de vue de Sirius


Bruno Latour : nouveau point de vue : « vue de Sirius », si on veut « vue de nul part » ; « zone
critique » = les quelques km de peau/pellicule qui entoure la Terre. Latour associe ce changement de
point de vue à un véritable changement de cosmologie. Pour nous faire prendre conscience aussi
charnellement que possible de notre dépendance au système-terre qu'on a largement saccagé.
Comment contribuer à mettre fin au saccage ?

Souvent, le point de vue de Sirius joue le rôle de repoussoir, c'est ce qu'il faudrait d'urgence
abandonner. Intérêt et nécessité de tenir ce point de vue « inside » illustré par 2 nanas dans Terra
Forma. Projet de transformer notre manière de percevoir la Terre en faisant un manuel de
cartographie du globe au local. Point de vue de Sirius, aérien, en surplomb, globalisant une vision
de la Terre. Retourner la Terre, permuter intérieur et extérieur. Déterminer des points de vie ><
point de vue de Sirius pensé comme extérieur. Points de vie, càd d'interractions vivantes, des
vivants du sol, dans le sol, repeupler les cartes. Représenter le monde à partir d'un corps animé. Pas
d'espace sans corps ni de corps sans espace. Le point de vie n'est pas un refermé sur lui-même. Ne
se définit pas par lui-même, mais par le réseau de lieux qu'il contient ou bien de lieux qu'il déploie.
Dessine des paysages du vivant à partir de leurs trajectoires. Créer des cartographies qui prennent
en compte les mouvements des vivants, les interractions contre l'oeil tout puissant humain. On passe
ainsi de l'oeil au corps, du regard au geste, du point fixe au trajet. Le paysage devient action des
vivants plutôt qu'un décor.

Mais, Boucquiaux va nous montrer que c'est un peu rapide cette attaque au point de vue de sirius, à
Descartes, à la géométrie euclidienne... Suggère qu'on peut faire mieux avec le pont de vue de sirius
que de le rabattre sur le point de vue de nul part. Assimilé au point de vue des modernes qui
désenchantent le monde, au point de vue dominant, point de vue qui fait de la Terre un objet
galiléen parmi d'autres, point de vue qui serait aussi lié à l'invention de la perspective qui présente à
l'oeil un espace unifié dominé de manière instantané (Merleau-Ponty).

Autres propositions :

• réponse de Chat GPT : « voir du point de vue de Sirius » = « prendre du recul », « adopter
une perspective différente » = « considérer une situation ou un prblm sous un angle nouveau
et inhabituel, comme si on observait les choses depuis une autre planète ou une autre
étoile ».

• Micromégas de Voltaire = 1ère illustration du point de vue de Sirius : 2 géants qui habitent
la Terre et viennent de 2 autres planètes (Sirius et Saturne). Font microscope avec un bout de
diamant pour agrandir un bateau, des personnages, etc sur la Terre. Point de vue de Sirius
utilisé ici par Voltaire comme un point de vue relativiste, et non un point de vue absolu,
divin. Tout est affaire de proportion relative. Le saturnien est un nain pour Micromégas mais
un géant pour les humains. Micromégas affirme qu'il y a des animaux bien plus vastes que
lui. Etc etc. Leçon de relativisme. Il s'agit de multiplier les points de vue et non d'imposer un
point de vue unique et dominateur.

• Pierre Hadot – N'oublie pas de vivre : parle des grecs de façon très caricaturale à propos de
la vue d'en-haut, etc. « La Terre me semble si petite que j'ai honte de l'Empire romain ».

• Point de vue de Sirius est l'héritier de ces voyages cosmiques du XVIIè siècle. Siècle de la
mathématisation du monde, des arts de voler, du goût pour les merveilles.

• Contes de la Lune : Texte de Kepler qui parle de cmt des démons ont mené des hommes sur
la lune.

Il ne s'agit pas de proclamer une vision réductionniste en disant que le téléscope a enfin remplacé la
fiction, a imposé une vision objective. Le téléscope ne se substitue pas à la fiction et à l'imagination,
il en démultiplie les pouvoirs. Thème de l'anamorphose. Voir juste, voir autrement que ce que l'on a
vu jsq là. Parfois grossir pour vieux voir, exagérer pour dire juste. Saisir par le décentrement du
regard notre propre monde. Loin d'une condamnation du point de vue de Sirius.

Leibniz : substance leibnizienne engloutie dans le monde qu'elle perçoit. Exprime de l'intérieur
l'ordre général du monde auquel elle appartient. Pas un point de vue divin de la connaissance
absolue. Toujours une part d'ombre et de lumière dans chaque perception de chaque monade.
Monde n'est vu que sous une perspective limitée, mais aussi qui est notre résidence.
27/10

IV : La place de la cécité dans le paradigme oculocentriste et ses critiques :


Platon, Descartes, Derrida et le problème de Molyneux

Paradigme du voir et du ne pas voir que Derrida appelle héliocentriste. Savoir conçu comme le fait
de voir avec les yeux de l'esprit.

Thèse : le paradigme oculencentrise s'accompagne d'une dévaluation de la cécité, mais c'est aussi le
cas de ses critiques comme celle de Derrida

• Manières de ne pas voir : le paradigme oculencentrise et la dévaluation de la cécité

On pourrait croire que ne pas voir, ce serait favoriser le savoir. Si savoir, c'est voir avec les yeux de
l'esprit, ce n'est pas voir avec les yeux du corps qui détournent du savoir. Il y aurait donc une
possibilité de savoir sans mobiliser le voir corporel. C'est une thèse soutenue par un spécialiste de
Platon : « Pour atteindre la réalité, nous ferions mieux de fermer les yeux et de penser ».

Position paradoxale chez Derrida : l'héliocentrisme dévalue la cécité quand bien même il lui accède
un accès au savoir. Il distingue 3 lieux-communs, violences : la cécité comme méprise, comme
châtiment et comme conversion. Manière de comprendre le mutisme des oeuvres d'art : oeuvres
d'art comme lieu d'une parole qui les précède. Voir ses oeuvres comme représentants des aveugles.

La cécité comme méprise : héliocentriste dévalue la cécité pcq fait d'elle le lieu d'ignorance, de la
faute. Derrida va isoler cette cécité comme méprise sur base d'un peintre français du XVIIè siècle.
Dessin d'un homme aveugle, les mains devant lui comme tâtonnantes. La cécité comme métaphore
de l'erreur. Autre représentation : Homme qui ne voit pas, mais qui d'après Derrida n'est pas aveugle
car porte bandeau sur les yeux (même si c'était fréquent de bander les yeux des aveugles). Tout près
de tomber. Derrida écrit à propos de ce dessin : il se trompe lui-même, ou se fait tromper.

Théorie cartésienne de l'erreur : selon laquelle se tromper résulte de la volonté infinie de


l'entendement fini.

« C'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans
philosopher ». La violence infligée n'en est pas qu'aux aveugles fictifs (dessinés ou textuels), mais
aussi aux aveugles réels.

Méta-récit de la cécité : filet de représentations aliénantes qui ont encore leurs effets ajd. Idée d'une
cécité culturellement construite par le regard des personnes qui voient.

Cécité comme conversion : en tant qu'elle favorise le savoir. Chez Platon, la cécité est conçue
comme une étape nécessaire du savoir. Dans le Phédon. Il faut devenir comme aveugle du corps
pour cesser d'être aveugle de l'âme.

Cécité comme châtiment : plutôt sa place dans la pensée mythologique et religieuse.

La cécité peut être conçue comme le principe des arts du visible (arts visuels). Derrida montre cela
en déployant 3 aspects :
1) l'aperspective de l'acte graphique : dessin s'effectue à distance de tout regard, dans la nuit.
2) L'inapparence différentielle du trait : texte 9
3) on passe
Plus généralement, la cécité est la condition transcendantale de la vue. Mentionne la tâche aveugle
(c'est le cerveau qui compose notre image car l'oeil ne voit pas tout?). Derrida renverse la
représentation traditionnelle de la cécité car si voir suppose de ne pas voir, il fait tomber la cécité
comme métaphore de l'ignorance et va dépasser le dualisme et du voir et du non-voir, mais aussi du
sensible et de l'intelligible. La cécité n'est nii symbole d'ignorance ni condition d'intuition, mais
accompagne la vision sensible, la conditionne en cela qu'il faut ne pas voir pour voir avec les yeux
du coeur. Il faut voir au sens commun du terme pour déployer ses puissances d'aveuglement.
Développe un concept de cécité analogue à celui chez Platon, qui ne concerne pas les personnes
aveugles. Cécité des personnes aveugles ressurgit sous sa plume sous la figure de l'impuissance. Cet
aveuglement n'est pas tjrs une infirmité.....

• Les manières empiristes de voir : le problème de Molyneux et la réhabilitation de la cécité :

Molyneux : savant irlandais fin XVIIè siècle. Texte 14.

Aveugles voient couleurs et lumières chaos et c'est le toucher qui donnerait l'accès aux idées. Le
toucher peut parfaitement substituer à la vue, même dans les maths etc. Réhabilitation de la cécité.

Derrida, malgré sa critique platonicienne, ne s'attaque pas à ce paradigme de la cécité comme


incapable d'accéder aux idées, au savoir.

V. Male Gaze :
Intéresser les gens qui font de l'esthétique (représentation du corps des femmes nus dans l'hist de
l'art, mais aussi pub, clips) + un coté visuel. Hypothèse de travail : littéralement on apprend à voir.
La perception n'est pas du tt le monde extérieur qui vien tà l'intérieur de notre tête, pas neutre. On
apprend à voir. Pénétration cognitive : les concepts qu'on a viennent traiter les données visuelles
reçues par le cerveau. Les normes esthétiques vont pénétrer cognitivement les arts visuels.

Male gaze est un concept critique, c'est un problème. Historiquement, 1ère apparition du terme dans
article de Laura Mulvey, théoricienne du cinéma britannique. Objectif de l'article : constate et
déplore le traitement différencié des corps masculins et féminins par les dispositifs narratifs ; pointe
les dispositifs techniques, cinématographiques de cadrage des corps, manière dont les personnages
vont servir l'histoire ; montre que corps masculins sont des agents de l'histoire (caméra suit les
actions des personnages masculins cadrés de plein pied) tandis que personnages féminins sont
superflus, objets de désir sexuel des personnages masculins et rarement filmés de plein pied, mais
plutôt jambes, parties génitales, fragmentation du corps. Représentation de la différence sexuelle et
la hiérarchie. Thèse des féministes : lien entre l'existence d'une subordination des femmes dans le
monde réel et la représentation de femmes subordonnées dans la fiction, arts visuels, etc. Iris Brey a
aussi sorti un livre intitulé Female Gaze récemment.

Question de l'origine du male gaze ? Qls conditions de l'histoire qui ont amené à cette
représentation du corps de la femme ? => pas tlmt la question principale ici, mais => il y a un
phénomène d'hégémonie, d'omniprésence de cette représentation des corps : cmt cette situation se
maintient-elle ? Quels sont les mécanismes qui font qu'elle se maintient ?

« Les hommes regardent les femmes ; les femmes se regardent regardées par les hommes ».

Le nu artistique - The nude : sous-entendu représentation du nu des femmes comme sous-genre


artistique.
Berger fait la différence entre nude et naked : nude = to be seen naked as a object (objectification/
réification).

John Berger : forme d'habituation => plus on voit des représentations de la femme souvent nues,
mais surtout disponibles (travail de pause, etc), plus on intériorise.

Les nus répondent aux, assouvissent les désirs sexuels des commanditaires qui sont masculins.
Contre la thèse de l'idéal féminin.

Opposition de Berger : thèse de la représentation de la femme nue comme beauté idéale >< thèse
marxiste, matérialiste de la beauté idéale qui dit que la représentation du corps nu de la femme
correspond au seul désir du commanditaire (essentiellement un homme hétéro). Axe de Berger : les
gens pensaient que c'était pour l'idéal, la beauté du geste or ce sont des images proto-
pornographiques.

Anne Eaton, « what is wrong with the female nude » => où est-ce que l'esthétique et l'éthique vont
se rencontrer ? Ce qu'on peut appeler le male gaze (terme très trompeur pcq on peut croire qu'il
s'agit d'un type de regard sur les hommes alors que non) = la fonction principale du nu artistique est
de produire une satisfaction du plaisir visuel de type érotique, sexuel au spectateur. Distinction entre
une lecture descriptive / normative du male gaze :

• lecture descriptive : de fait, les représentations de Vénus donnent du plaisir visuel au


spectateur (continuité pornographique) => le male gaze dépend d'un spectateur masculin
(thèse de Berger)

• lecture normative : une image male gaze (adjectif) prescrit de regarder le contenu de l'image,
la femme nu, comme un objet sexuel. C'est une image qui recquiert une manière de voir. Ce
n'est pas que les hommes utilisent les nus comme images porno, mais que voir l'image
recquiert de voir la femme comme objet sexuel. Même s'il n'y a pas d'homme, il y a male
gaze. Il peut y avoir une image male gaze qui ne soit vue par aucun homme empiriquement.
Ces images s'adressent donc autant aux femmes qu'aux hommes. Un point de vue est
structurellement dans la construction de l'image.

Mais csq psychologiques pas les mêmes pour les hommes et les femmes. Pour l'homme, image
chouette qui représente le beau. Pour la femme, c'est ainsi que je dois être pr être regardée, désirée
par un homme.

Que se passe-t-il quand le spectateur ne parvient pas à se mettre dans les conditions dans lesquelles
il faut voir le tableau ? Soit on comprendra pas le tableau pcq pas les codes culturels, parvient pas à
adopter le point de vue avec lequel il faut le regarder, soit refuser de faire fonctionner le tableau
comme on nous demande de le faire fonctionner, comme le tableau recquiert d'être regardé.

Quelle est la source de cette échec ? Soit cela vient du spectateur qui ne parvient pas à s'identifier à
la perspective qui lui est demandé, manque d'imagination, soit cela vient du tableau qui
dysfonctionne car n'arrive pas à emporter son spectateur dans son fonctionnement. Le problème est-
il l'oeuvre ou le spectateur ? Faut-il supprimer des oeuvres sexistes, racistes, etc ?

Autre point, un tableau, c'est une représentation + un point de vue. Ce point de vue est encodé par
les lignes de fuite de la perspective. Il faut donc s'identifier au point de vue pour accéder à la
représentation. Qu'est-ce qui se passe quand l'identification ne fonctionne pas ? Soit refus de
s'identifier (pblm du spectateur) soit point de vue mal fait (pblm de l'oeuvre). Et la thèse féministe
est de dire que ce point de vue qu'on pensait désincarné est en fait bcq plus incarnait que ce qu'on
pensait.

En fiction littéraire : division entre fiction primaire et fiction secondaire. Dans la fiction secondaire,
division entre narrateur et narrataire. Narrateur et narrataire présupposés être des hommes.

Le male gaze révèle-t-il une manière de voir le monde ? Def : manière de représenter les corps dans
laquelle 1) les corps masculins et féminins sont systématiquement traités différemment, 2) les corps
masculins sont représentés comme agents actifs et les corps féminins comme objets passifs de désir.

Point de départ : omniprésence/hégémonie des représentations male gaze dans la culture visuelle
contemporaine.

Question générale : quels mécanismes assurent 1) l'omniprésence des représentations male gaze, 2)
la rareté des représentations alternatives ? Plus spécifiquement, un de ces mécanismes est-il d'ordre
visuel ? => question technique (vs esthétique ou éthique) et question de la robustesse, du maintien
(vs origine).

Lien entre représentations male gaze <----> manière de voir le monde ?

Elaboration des hypothèses :

• 1) les représentations MG sont le reflet d'une manière de voir le monde / les corps : nous
représentons ce que nous voyons ? Pour quelles raisons pourrions-nous voir différemment
les corps masculins et féminins ?

=> hypothèse du biais visuel genré : les représentations MG sont le reflet d'un biais visuel
masculin sur la vision des corps

=> il existe un biais visuel masculin sur la vision des corps

• 2) les représentations MG forment le regard de ceux qui les perçoivent, càd, ils apprennent à
voir le monde/ les corps de cette manière.

=> hypothèse de la formation du regard :

◦ malléabilité du système visuel


◦ explique la formation d'un système qui se maintient

1) hypothèse du biais visuel genré :

Du male gaze au regard masculin : le male gaze révèle un « point de vue visuel masculin » :

• Mulvey : les représentations male gaze reflètent les intérêts (narcissiques et sexuels) des
hommes hétérosexuels

• Berger : ce sont des hommes qui produisent les images (cf le collectif 5050)

• pénétrabilité cognitive de la perception : la vision reflète les intérêts de celui qui voit

=> si les images sont produites ainsi, c'est que ceux qui les produisent voient le monde ainsi
Objection : la thèse prédit l'existence d'autres points de vue : une vision féminine ? Une vision
queer ? OR il n'y a pas de female gaze sur le même modèle que le male gaze.

Le male gaze n'est pas un point de vue mais le cadre de référence à l'intérieur duquel plusieurs
points de vue se déploient. Le point de vue des femmes se situe à l'intérieur du male gaze.

Du male gaze au patriarcal gaze : une injonction à représenter les corps d'une certaine manière.

Une manière de voir collective ? Formé par l'environnement ?

3è hypothèse : la formation du regard : on est tous formés de la même manière => que signifie
former le regard au niveau du visuel ?
• Il existe des mécanismes d'apprentissage visuel
• ce sont des apprentissages de configuration, càd le système apprend à 'voir-comme' un tout,
de manière holiste
• il existe des tests empiriques qui permettent d'identifier ces processus
• ces tests montrent que les corps masculins (sexualisés ou pas) et féminins non-sexualisés
sont vus de manière holiste, mais pas les corps féminins sexualisés
=> notre système visuel serait donc formé à voir les corps d'une certaine manière

perception experte : on croit à tort que c'est voir mieux, alors que c'est voir-comme, on apprend à
voir comme !! peut être associée au contraire à une perte

24/11

Anamorphoses :

Comment faire voir ? Comment voir ? Comment faire pour voir ce qu'il y a d'autre à saisir dans
l'image ? Les producteurs d'anamorphoses nous offrent des images/formes qui suscitent en nous un
sentiment d'étrangeté. Ce sentiment nous fait pressentir qu'il y a qqch en plus à voir que ce que l'on
voit de prime abord. Et pour voir ce plus, le spectateur doit opérer un déplacement. Déplacement
dans l'espace, mais aussi médiation de la technique (miroir cylindrique par ex).

Autre concept de l'anamorphose comme cosmopolitique : désigne phénomènes qui débordent


l'esthétique/ le pictural pour mettre en évidence phénomènes que Balibar appelle différences
anthropologiques. On pressent qu'il y a qqch de plus, d'autre à voir. Exige un déplacement spatial,
technique ou existentiel !!

Ligne de démarcation entre anamorphose picturale et cosmopolitique. Pictural fonctionne comme


un puzzle, une énigme dont on sait d'avance qu'il existe une solution. Image déformée peut être
redressée. On sait d'emblée qu'il y a une solution. Tandis que l'anamorphose cosmopolitique
fonctionne autrement, d'abord comme un problème, càd dont la solution reste à inventer. Opposition
entre le thème et la version. Pictural fonctionne sur le modèle du thème et l'anamorphose sur le
modèle de la version dont qqch reste à inventer.

Mondes à la fois différents et asymétriques.

2 questions dans la séance précédente : male gaze entendu comme adjectivement, comme
caractéristique formelle de la représentations. Perspective, point de vue objective, qui prescrit la
bonne façon de la regarder. Voir couplé à un faire.

Renverser notre perception habituelle de ce qu'on appelle un point de vue, une perspective. Le point
de vue est d'abord ménagé par le monde lui-même. Constitue un lieu privilégié, un monument
perceptif possédant une structure qui lui est propre. Percevoir, pour Souriau, c'est entrer dans un
point de vue comme on sympathise. Pris à l'intérieur d'un monuument perceptif. Notre point de vue
dans un autre point de vue. On a pas une perspective sur le monde, c'est le monde qui nous fait
entrer dans une de ses perspectives.

Ca ne va pas de soi que les peintures, on les regarde de face. Philo de Souriau va lier des plans
d'existence avec des modes d'existence. Besoin d'un déplacement, recherche, nouvelle forme de
réduction. Trouver la façon chaque fois différente d'entrer dans un monument différent
d'agencement cosmique, cosmologique.

2 idées :
- Le basculement qui fait passer d'une conception subjectiviste à objectiviste
- idée qu'il n'y a de voir que d'un monde déterminé : plans de réalité

Faire voir, c'est en même temps faire exister.

2e narration d'Elsa Dorlin : relaie l'histoire de Bella, serial-killer féministe. Enjeu de la reprise de
Dorlin qui insiste sur la banalité de Bella qui retourne la violence ordinaire qu'elle subit. Motif de
l'anamorphose répond au souci d'établir qu'il n'y a pas de discontinuité entre Bella victime et Bella
tueuse d'homme. Bella ne s'est pas subitement métamorphosée. Bella est vue et se voit juste
différemment. La Bella ultra violente est tjrs Bella mais une autre vision tabou, occulte sur Bella
inconnue de Bella elle-même.

2 propositions : attribuer un point de vue tant à des choses qu'à des situations => configuration
matérielle et sémiotique : affaire d'incarnation et d'expression

Bella incarne, matérialise un point de vue au sens d'une persspective objective. Et c'est précisément
pcq cette perspective ne coïncide pas avec sa manière subjective de s'appréhender elle-même et les
situations qu'il y a un sens ici de parler d'anamorphoses.

Si rebond => Anamorphose : ouverture de son champ de compréhension => nouvelle grammaire à
inventer (Le Guin?)

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