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J'ai tenté d'analyser le texte « Discours de remise de diplôme à Bryn Mawr » d'Ursula Le Guin dans

son livre Danser au bord du monde, en parallèle au Mythe de Sisyphe de Camus et à ce qu'on a vu
en cours. J'ai donc tenté d'inscrire ces deux ressources dans une réflexion sur la bêtise.

Dans son texte, Ursula Le Guin distingue 2 types de discours, de langage, de manière d'être-au-
monde.

• Le premier, que nous apprenons à l'université, est le langage du pouvoir, la langue


paternelle. Celle des hommes politiques, des orateurs de remise de diplôme. C'est un idiome
plutôt écrit. C'est, dit-elle, un « dialecte à fort contenu concret, notamment scientifique ». Il
« est la forme la plus élevée de langage, le langage authentique, dont toutes les autres
pratiques verbales sont des vestiges primitifs. C'est le langage de la pensée qui vise à
l'objectivité. »

Cette objectivité, ou cette volonté à l'objectivité, c'est un horizon inatteignable. C'est un


échec permanent inavoué. Elle est un peu, à mon sens, l'impulsion de la pensée absurde chez
Camus. La pensée absurde, c'est la pensée qui réfléchit sur elle-même. Et comme il le dit,
« l'esprit qui se penche sur lui-même se perd dans un tournoiement vertigineux ». Car «
l'unique chose que peut découvrir cet esprit, c'est une contradiction. Vouloir, c'est susciter les
paradoxes. En effet, comprendre le monde pour un homme, c'est le réduire à l'humain » :
« Si j'essaie de saisir ce moi dont je m'assure, si j'essaie de le définir et de le résumer, il n'est
plus qu'une eau qui coule entre mes doigts. Ce cœur même qui est le mien me restera à
jamais indéfinissable. Entre la certitude que j'ai de mon existence et le contenu que j'essaie
de donner à cette assurance, le fossé ne sera jamais comblé. Pour toujours, je serai étranger à
moi-même ». « S'il fallait écrire la seule histoire significative de la pensée humaine, dit-il, il
faudrait faire celle de ses repentirs successifs et de ses impuissances ».

Je continue avec Le Guin : « Le propre de la langue paternelle est de mettre à distance, de


créer un espace entre le sujet (soi) et l'objet (l'autre). Il crée une déchirure, un espacement
forcé entre l'Homme et le monde ». Il est dichotomie. « Exprime les valeurs du monde clivé
qui valorise le positif et dévalorise le négatif de chaque subdivision : sujet/objet, soi/autre,
esprit/corps, dominant/soumis, actif/passif, Homme/Nature, homme/femme, et ainsi de suite.
La langue paternelle parle d'en haut. Ne va que dans un sens. N'attend pas de réponse, ni
n'en entend. »

A nouveau, je peux faire un lien avec Camus. Car cette attitude de mise à distance est
précisément ce qui dévoile au grand jour l'absurde, le déshabille : « ce divorce entre
l'homme et sa vie, l'acteur et son décor, c'est proprement le sentiment de l'absurdité. Cette
épaisseur et cette étrangeté du monde, c'est l'absurde. L'absurde naît de cette confrontation
entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde ; de ce divorce entre l'esprit qui
désire et le monde qui déçoit, ma nostalgie d'unité, cet univers dispersé et la contradiction
qui les enchaîne ». Appréhender le monde comme un objet dont il faudrait trouver la raison
mène donc à l'absurde.

=> Voici donc mon premier point de départ : L'absurde est le résultat de l'addition de 2
termes : le désir de connaissance absolue de l'homme et le silence déraisonnable du monde.
Et la première composante de cette équation me semble correspondre à un certain type de
bêtise humaine. Je m'explique.

La langue paternelle revendique une relation privilégiée avec la réalité, lorsqu'elle n'a en
réalité aucune prise sur elle et ne peut, au fond, lui conférer aucune raison ultime. Ce
langage ne parvient pas à expliquer et comprendre ultimement le monde, il est en lui-même
un échec, impuissant, incapable car limité.

A partir de cet état de fait, le langage paternel nous apparaît, dans sa prétention à accéder à
la raison ultime, bête. Bête certes parce qu'impuissant, mais aussi et surtout parce qu'il ne
reconnaît pas cette impuissance. Il s'acharne à vouloir conférer une raison au monde et ne
reconnaît pas ses propres limites. Il nous apparaît d'autant plus bête qu'il ne reconnaît pas sa
propre bêtise, sa condition d'être un humain limité, condition universelle à tout être humain,
qui anéantit toute prétention de supériorité, car d'une cruelle banalité.

Ainsi, le langage des Pères agit comme une arme tranchante. Car, dans sa prétention-même à
une certaine supériorité épistémologique, il disqualifie tout autre type de discours, qui ne
sera pas considéré comme porteur de rationalité. Il accuse l'autre d'être bête. Mais il me
semble que cette arme se retourne contre lui dans la mesure où, lui, se refuse à éprouver
l'évidence. L'évidence de nos propres limites en tant qu'humain. En ce sens, il est inapte.
Plus inapte que cet autre qu'il qualifie de bête, plus bête encore car sa double bêtise est de
croire qu'il va pouvoir se hisser au-delà. Et il se trompe. En ce sens, l'Homme de science
accentue l'absurde dans la mesure où il n'y consent pas.

=> On voit donc apparaître ici 2 types de bêtise. Le premier type est la bêtise humaine en
tant que condition de l'Homme d'être limité par ses sens, sa raison, bref son être. Et le
second type de bêtise est la non-reconnaissance de l'Homme de ses propres limites et la
prétention à pouvoir se hisser au-delà d'elles.

• Poursuivons avec Le Guin qui nous dit : « Cette langue des pères n'est même pas votre
langue natale. Elle n'est celle de personne. Vous ne l'avez pas entendue dans les premières
années de votre vie, à part à la radio et à la télévision, mais en ce temps-là vous n'écoutiez
pas, et votre petit frère non plus, parce qu'on y entendait vociférer un vieux politique avec
des poils qui lui sortaient des trous de nez. Votre petit frère et vous, vous aviez mieux à faire.
Un autre genre de pouvoir à apprendre. Vous appreniez votre langue maternelle.

Celle-là, l'autre, inférieure, primitive, inexacte, imprécise, grossière, limitée, futile, banale.
Répétitive, comme les tâches que l'on qualifie de féminines, prosaïques, domestiques. Celle-
là est vulgaire, commune, communément parlée, familière, inférieure, ordinaire, plébéienne,
à l'image des travaux qu'accomplissent les gens ordinaires, des vies que vivent les gens
ordinaires. Mais, comme l'écrit Le Guin, la langue maternelle attend une réponse. Elle est
une conversation. Elle ne vise pas seulement la communication, mais aussi la relation, la
mise en relation. Elle relie. C'est un échange, un noeud d'échanges, un réseau. Son pouvoir à
elle n'est pas dans la division, dans la distanciation, mais dans le lien. »

• Par contraste avec la langue maternelle, on se rend alors compte que la langue paternelle
n'est pas un langage universel, inné, nécessaire. Elle n'a pas plus de légitimité qu'une autre.
Elle est un cadre de pensée imposé, appris. Mais ce cadre est contingent dans la mesure où
un langage différent aurait très bien pu s'imposer à sa place. La pensée est toujours une
construction. Toute pensée suppose un travail de bricolage, de tissage. Or le langage paternel
nie cette relativité de la pensée. En s'imposant comme la seule et unique bonne manière de
penser, il se trompe à nouveau sur sa propre nature. Il a alors un caractère enfermant. Il
enferme le monde, l'autre et lui-même. En cherchant à épuiser le monde, l'autre, à le saisir
entièrement, il le restreint inévitablement. Il enferme son objet et exclut tout ce qui ne peut
être exprimé dans ses termes. En ce sens, il ne fait aucune place à la nouveauté, à la création.
Cela va dans le sens de Flaubert qui dit que la bêtise est de conclure. De plus, lorsqu'il
accuse l'autre d'être bête, non seulement il l'enferme, mais cette accusation – c'est l'idée de
Derrida - apparaît comme le terme d'un dialogue. Rien ne peut lui être rétorqué et de toute
manière il n'attend ni n'entend aucune réponse.

Avec La Bruyère, nous avons vu que la pensée peut, et doit, s’exprimer, se manifester
malgré les limitations du corps. Donc il y a une impossibilité de penser de manière pure,
mais il y a tout de même une pensée effective, une pensée malgré tout, qui se fait dans et
avec la bêtise. J'ai le sentiment que c'est précisément ce que permet de penser Le Guin en
revalorisant ce qu'elle nomme la langue maternelle. Au lieu de combattre la bêtise (ici, on
parle donc du 1er type de bêtise dans la distinction faite plus tôt), la philosophie doit peut-
être commencer par prendre acte de son effectivité. Car elle est irréductible en chacun de
nous, il s'agit de composer avec elle. Embrasser l'ordinaire, le banal, l'enfance, le primitif,
pour y déceler leur rationalité propre, qui aura l'avantage peut-être d'être d'autant plus
puissante de par son honnêteté. Là réside son pouvoir : dans cette intégration ou absorption
par l'homme de sa propre bêtise. Je cite Camus : « Pour un homme sans œillères, il n'est pas
de plus beau spectacle que celui de l'intelligence aux prises avec une réalité qui le dépasse ».

Ainsi, la langue maternelle, en reconnaissant cette caractéristique universelle de l'Homme,


nous rapproche. Elle est en elle-même créatrice de lien, elle est fusion. Si elle est une
conversation, si elle attend une réponse, elle anéantit cette dichotomie sujet/objet dans
laquelle le sujet doit saisir l'objet. Car il n'est plus d'objet qui soit silencieux ou silencié.
Mais en plus, il n'est plus de désir ou prétention à le saisir absolument, à l'épuiser. Je cite
Camus : « L'absurde n'est plus cette évidence que l'homme constate sans y consentir. La
lutte est éludée. L'homme intègre l'absurde et dans cette communion fait disparaître son
caractère essentiel qui est opposition, déchirement et divorce. Ce saut est une dérobade.
L'homme absurde reconnaît la lutte, ne méprise pas absolument la raison et admet
l'irrationnel ».

• Pourquoi, dans le langage paternel, l'autre est-il silencié ? Parce que, comme l'explique Le
Guin, « écoles, universités, institutions du patriarcat nous apprennent à écouter les êtres de
pouvoir, les hommes et les femmes qui parlent la langue paternelle ; ce faisant, elles nous
apprennent à ne pas écouter la langue maternelle, à ne pas entendre ce que disent les
impuissants, les pauvres, les femmes, les enfants ; à ne pas percevoir leur discours comme
valide. » Plus que valide, je dirais pour ma part, comme pertinents, dignes, et intéressants.
Ils sont d'emblée disqualifiés. Et si ces discours surmontent la silenciation et sont prononcés,
ils ne sont pas écoutés ou compris. Car cela supposerait apprendre leur vocabulaire, leur
grammaire, leur langue. Et se soustraire de toute interprétation dans les termes de la langue
paternelle. Se décaler de la volonté d'objectivité et de vérité. S'intéresser aux vérités de
chacun. A leur expérience. Car, comme le dit à nouveau Le Guin, « comment une expérience
peut-elle en nier, en réfuter, en contester une autre ? Les êtres ne peuvent pas se contredire,
seuls les mots le peuvent. Ces mots séparés de l'expérience afin de servir d'armes, les mots
qui font les plaies, la déchirure entre sujet et objet, qui exploitent et exposent au grand jour
l'objet, mais déguisent et défendent le sujet ».

Dans le même état d'esprit, Camus écrit : « Penser, ce n'est pas unifier, rendre familière
l'apparence sous le visage d'un grand principe. Penser, c'est réapprendre à voir, diriger sa
conscience, faire de chaque image un lieu privilégié. Autrement dit, la phénoménologie se
refuse à expliquer le monde, elle veut être seulement une description du vécu. Elle rejoint la
pensée absurde dans son affirmation initiale qu'il n'est point de vérité, mais seulement des
vérités. Depuis le vent du soir jusqu'à cette main sur mon épaule, chaque chose a sa vérité ».

Si Le Guin se refuse à définir le langage paternel comme le langage de la pensée rationnelle,


c'est donc précisément parce que la raison est une faculté beaucoup plus large que la seule
pensée objective. Cette pensée objective ne permet pas de faire de chaque image un lieu
privilégié, dès lors elle ne permet pas de discerner les différents types de rationalité à
l'oeuvre ailleurs, que ce soit dans l'enfance ou la vieillesse, dans d'autres sociétés, ou encore
chez les animaux. Chez tous ceux qui ne parlent pas le langage dominant. Il s'agit donc de
valider la vérité de l'Autre, ce que cet autre exprime, dit de lui, fait et fait faire. Le Guin
dénonce aussi cette disqualification de certaines activités jugées bêtes, insignifiantes,
banales, pas assez réflexives, comme des activités peu élevées. Elle cite l'art de mettre en
ordre les lieux où les gens vivent. Dans nos sociétés, ce n'est ni considéré comme un art, ni
même comme un travail. Je cite : « « Vous travaillez ? » Elle, cessant de passer la serpillère
dans la cuisine pour prendre le bébé dans ses bras et aller ouvrir la porte : « Non, je ne
travaille pas ». » Mais il en est de même pour la cuisine. La cuisine est un art. La confection
de vêtements est un art. « Il s'agit, dit-elle, de restituer le mot art dans le contexte des grands
arts nobles qu'est l'art de la vie. L'art n'est pas un acte exclamatoire de projection égotique,
mais une manière – habile et puissante – d'être au monde ».

Composer avec l'absurde = lang maternel :

• L'art de la vie. Cela m'a fait penser à Nietzsche, dans le Gai Savoir, qui dit, en gros, que les
philosophes ont rendu tout ce qui est à côté du Vrai, honteux. « Partout où il y a rires et
joies, la pensée ne vaut rien », dit-il. Or contre ces philosophes, Nietzsche, Le Guin ou
encore Camus nous invitent à voir dans la bêtise une manifestation de la vie dans la forme
du rire, de la spontanéité, de la banalité, de l'authenticité. Il faut donc concevoir la bêtise
comme l’élément dans lequel se déploie la vie et la pensée, faire de la bêtise quelque chose
comme un équivalent du réel – avec sa part de contingence, sa part d’accident – plutôt que
de faire de la bêtise cette sorte de piège abominable, indésirable qui planerait au-dessus de la
réalité, qui serait comme une menace au-dessus d'elle. Au contraire, comme nous l'avons vu
en cours, acceptons-la, partons du principe qu'une part de bêtise appartient au réel lui-même,
et acceptons de tomber dans la bêtise pour justement ne plus avoir peur d’être bête.

Je relie cela à Camus : « Vivre, c'est faire vivre l'absurde, le faire vivre, c'est avant tout le
regarder. L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte. Elle est
un confrontement perpétuel de l'homme et de sa propre obscurité ».

Réapprenons donc à parler notre langue maternelle, cette langue-là qui est « toujours, écrit le
Guin, à la limite du silence, jamais bien loin de la chanson. Elle est la langue dans laquelle
on raconte les histoires. Celle que parlent tous les enfants et la plupart des femmes. C'est de
notre mère que nous la tenons et avec nos enfants que nous la parlons ».

Absurde = double bêtise = lang paternel :

• La langue maternelle correspond donc à cette intégration, cette acceptation de chacun de sa


condition d'être humain, de sa propre bêtise. Elle correspond donc au 1er type de bêtise.
Tandis que le langage paternel correspond à ce refus de sa propre condition, de ses propres
limitations. Il est ainsi doublement bête car il se trompe même sur lui-même. En un sens, on
pourrait dire qu'il contredit son être et le sens qui l'accompagne, le sens inhérent à son être.
Il prive l'humain de son sens en le contradisant. Le langage paternel, nous l'avons vu, donne
lieu à des contradictions. Or les êtres en eux-mêmes ne sont pas contradictoires. Dès que l'on
admet que peuvent exister simulatément plusieurs vérités, alors ces vérités ne se
contredisent pas. C'est à nouveau une dérobade à l'absurde.

Ce qui est absurde, c'est la pensée réflexive, la pensée qui réfléchit sur elle-même, celle du
langage paternel. Cela me semble correspondre à la pensée matérialisée chez Flaubert. La
pensée matérialisée est une pensée qui ne pense plus. Ce sont des énoncés linguistiquement
vides. Il y a donc un dysfonctionnement de la pensée dans le langage paternel qui rejoint un
peu ce dysfonctionnement linguistique chez Flaubert lorsqu'il appréhende les mots dans leur
matérialité. Lorsqu'il rompt ce mouvement signifiant-signifié, les mots ne sont que des mots.
Des sons. Ecouter un discours privé de sens, c'est un peu comme regarder la télévision sans
son. C'est ridicule, c'est bête, c'est cette double bêtise qui prive son être de sens en le
contradisant. C'est vide de sens car on vide l'humain de sa condition d'humain. C'est en ce
sens inhumain.

Je cite Camus : « Les hommes aussi sécrètent de l'inhumain. Dans certaines heures de
lucidité, l'aspect mécanique de leurs gestes, leur pantomime privée de sens rend stupide tout
ce qui les entoure. Un homme parle au téléphone derrière une cloison vitrée ; on ne l'entend
pas, mais on voit sa mimique sans portée : on se demande pourquoi il vit. Ce malaise devant
l'inhumanité de l'homme même, cette incalculable chute devant l'image de ce que nous
sommes, cette « nausée » comme l'appelle un auteur de nos jours, c'est aussi l'absurde ».
Autrement dit, cet inhumanité secrétée par l'Homme, c'est l'Homme qui ne consent pas à sa
propre condition, à ses limites, c'est l'Homme donc qui se contredit, qui réfute son être, qui
passe un peu à côté de lui-même, c'est sa double bêtise. C'est lui, précisément, qui prive de
sens ce qui l'entoure et le rend stupide.

Car le monde en lui-même, dans sa contingence, n'est ni stupide ni absurde. Ce qui est
stupide, c'est l'homme qui se pourvoit sur lui-même et qui croit que ce monde, il peut le
maîtriser. A nouveau, comme l'écrit Camus, « Je disais que le monde est absurde et j'allais
trop vite. Ce monde en lui-même n'est pas raisonnable, c'est tout ce qu'on en peut dire. Mais
ce qui est absurde, c'est la confrontation de cet irrationnel et de ce désir éperdu de clarté
dont l'appel résonne au plus profond de l'homme ».

Que signifie pour moi une signification hors de ma condition ? Camus pose cette question.
Ce que je touche, ce qui me résiste, voilà ce que je comprends. La seule pensée qui a un
sens, la seule pensée pertinente, c'est la pensée qui reconnait les limites de sa condition.
C'est là la rationalité propre à ceux qui parlent le langage maternel.

Statut de la bêtise :

• Maintenant, nous pouvons nous poser la question du statut de la bêtise. Nous avons vu que
le 1er type de bêtise est constitutif de l'homme. C'est sa condition même. Là où le second
type de bêtise, la double bêtise de croire pouvoir se hisser au-delà de ses propres limites, de
sa propre condition, nous pourrions plutôt dire qu'elle est dans le langage. Dans le langage
paternel qu'il est possible de désapprendre. C'est le langage paternel, dans sa double bêtise,
qui sécrète de l'inhumain. C'est lui qui disqualifie et juge bête ce qui l'entoure, lorsque ce
qu'il juge bête n'est pas bête en soi, mais dans son jugement, dans ses mots. La seule bêtise
existante est la sienne, pas dans son être, mais dans son langage, dans sa pensée réflexive.
Dès lors que nous composons avec ce que l'on juge bête, qu'on y trouve un certain intérêt,
qu'on réapprend à voir, à diriger sa conscience, alors cette chose que l'on jugeait bête cesse
d'être bête. Puisqu'elle ne l'était que dans le jugement de celui qui parle le langage paternel.
Et celui qui parlait ce langage paternel jugeait bête l'autre parce que, jusqu'alors, il ne le
comprenait pas, parce qu'il ne parlait pas – encore - son langage à lui.

END
• « Vous me décrivez le monde et vous m'apprenez à le classer. Vous énumérez ses lois et dans
ma soif de savoir je consens qu'elles soient vraies. Vous démontez son mécanisme et mon
espoir s'accroît. Au terme dernier, vous m'apprenez que cet univers prestigieux et bariolé se
réduit à l'atome et que l'atome lui-même se réduit à l'électron. Tout ceci est bon et j'attends
que vous continuiez. Mais vous me parlez d'un invisible système planétaire où des électrons
gravitent autour d'un noyau. Vous m'expliquez ce monde avec une image. Je reconnais alors
que vous en êtes venus à la poésie : je ne connaîtrai jamais. Ai-je le temps de m’en
indigner ? Vous avez déjà changé de théorie. Ainsi cette science qui devait tout m'apprendre
finit dans l'hypothèse, cette lucidité sombre dans la métaphore, cette incertitude se résout en
oeuvre d'art. Qu'avais-je besoin de tant d'efforts ? Les lignes douces de ces collines et la
main du soir sur ce cœur agité m'en apprennent bien plus. Je suis revenu à mon
commencement ».

• désapprendre : bricolage de la pensée (lié à Deleuze : D'où vient la pensée ?) : Piaget


« l'intelligence ce n'est pas ce qu'on sait, mais ce qu'on fait qd on ne sait pas ». Qd on
commence à penser, au départ il n'y a rien.

• pensée sauvage, primitive vue comme relevant de l'enfance alors que tte une rationalité à
l'oeuvre dans le totémisme, etc (lévi-strauss)
(développer sur l'enfance/ le primitif) => tfe Kohn sémiotique rationalité // strauss =
totémisme : culte du symbole

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