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CM – DEMARCHES ET OUTILS – A.

Bernard

Connaissances de bases sur l’observation clinique. Demande de la réflexion.

I. De la perception à l'observation
1. Qu’est-ce qu’observer en psychologie ?

• Observer = « action de considérer avec une attention suivie la nature, l’homme, la société, afin de mieux les connaître »,
dictionnaire Robert. Donc, l’observation est une des formes de l’attention, un prolongement de l’attention = « une concentration de
l’activité psychique sur un objet en particulier » synonyme de sollicitude, d’égard.

• L’observation c’est « considérer quelque chose avec attention afin de connaître, d’étudier ». Son but est l’acquisition ou le
développement de connaissances, la création de sens nouveaux. Elle suppose d’aller vers le réel, pour découvrir une nouveauté
au-delà de ce qui se présente sous l’apparence déjà connu → Observer suppose une position nouvelle, en rupture avec ce qui a
jusque-là orienté le regard. Elle repose sur une saisie du réel, de l’objet par l’activité de perception, par les voies de la sensorialité ;
le regard particulièrement, en occupe une place privilégiée.

• Mais si elle part de la perception, l’observation s’en distingue par la démarche d’attention qui élargit la perception ou bien la
focalise sur certains objets ou certains aspects d’un objet. En effet, si on se base sur une définition plus étymologique, observer
vient du latin « ob » (qui donnera objet) et « servare (= persévérer, sauver, assurer) → idée d’un objet, d’une réalité extérieure
que l’on doit appréhender le plus fidèlement possible, sans la déformer, en la maintenant telle quelle.

• Une première tension va ainsi régir le processus d’observation, celle comme le souligne KOHN et NEGRE, ainsi que A.
CICCONE, issue du statut même des perceptions qui véhiculent, et structurent l’observation et du statut de la réalité, autrement dit
la tension issue du rapport entre objet concret et objet perçu. Le perçu n’est pas le réel comme le dit A. CICCONE car la perception
produit des distorsions (cf. les illusions d’optique qui conduisent à des erreurs de jugement, les témoignages). En clinique, nous
pouvons prendre l’exemple d’un même événement vécu dans une famille réceptionné par chacun des membres de manière
différente → vécus ≠.

II. La perception

• Selon Thomas RABEYRON, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie, nous percevons à chaque instant des
milliers d’informations sur le plan sensoriel. Ces informations sont initialement perçues de manière diffractée et sont ensuite
reconstituées en un ensemble cohérent.

• Les travaux de Francisco VARELA (1999) montrent dans L’inscription corporelle de l’Esprit, que ce ne sont pas les mêmes
circuits neurobiologiques et groupes neuronaux qui traiteront l’information relative à un objet, en rapport de sa situation spatiale, sa
couleur, sa forme, sa fonction. Les éléments perceptifs sont donc traités séparément et reconstitués en un ensemble cohérent par le
biais de différentes étapes cognitives hiérarchisées que les sciences cognitives étudient par le biais de modèles dit connexionnistes.
Notre perception est donc le fruit d’un travail de reconstruction produit par le cerveau. Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous
n’avons jamais accès de manière direct au réel du psychisme qui, par sa nature, est inatteignable. Certains travaux essayent d’accéder
aux rêves des personnes. Et comme l’illustre Thomas RABEYRON, le cerveau a des capacités étonnantes de reconstruction. Par
exemple, nous savons qu’à l’endroit où le nerf optique se positionne au niveau de la rétine, il n’est pas possible de recevoir
d’informations visuelles car il ne peut y avoir de photorécepteurs à cet endroit. Pourtant il n’en est rien, car le cerveau reconstruit
constamment ce que nous percevons en tenant compte de cette particularité. De même, concernant le clignement des yeux, malgré
ceux-ci entre 15 et 30 fois par minutes, notre champ perceptif visuel reste stable et n’est pas entrecoupé « d’écrans noirs » car le
cerveau produit une continuité perceptive de notre expérience.

• Ainsi, percevoir la réalité, ne consiste pas à l’enregistrer passivement. Le cerveau prélève des informations du réel qui vont ensuite
être transformées, pour donner naissance à ce que nous percevons et ce que nous pensons de la réalité. Par exemple, les pédophiles
vont justifier leurs actes en disant « cet enfant m’a provoqué et en plus il était content ».

III. De l’observation à la construction

• Le perçu est donc un réel supposé. Il y a une incertitude permanente. Percevoir ne consiste pas à enregistrer passivement la réalité
pour en produire un décalque, une copie conforme mais la perception transforme la réalité. La perception invente et construit une
réalité au fur et à mesure qu’elle la découvre. De même l’observation clinique, n’est pas une activité neutre, puisqu’elle sélectionne,
réduit, reconstruit des données perceptives. Exemple : l’enregistrement vidéo qui est une sélection d’informations (cadrage, l’angle,
durée, résolution de l’image, etc.)
→ Ainsi, toute observation est le produit de différents choix émanant de l’observateur en fonction de son attention, ses affects du
moment et ses aprioris.

• Cette question introduit des questions épistémologiques fondamentales pour la pratique de l’observation clinique d’une part en
tant qu’elle est pratique de l’observation et d’autre part en tant qu’elle vise un objet d’étude, le psychisme humain qui n’est pas un
objet concret et qui n’est donc pas observable en soi (≠ du cerveau en neuropsy, on ne touche pas une pensée).
C’est ce que l’on nomme la réalité psychique, ce qui fait l’objet d’étude de l’observation en clinique.
• Puisque la réalité psychique n’est jamais directement accessible, le psychisme n’est observable qu’à partir des effets qu’il produit.
On ne peut rendre compte de l’expérience subjective d’autrui de manière directe et nous en sommes réduits à produire une forme
de reconstruction de cette expérience, de manière partielle, à partir d’un certain nombre d’indices. Par exemple, ce que le langage
exprime de la vie psychique du sujet (sur les plans verbal et non verbal) est une forme amoindrie de sa subjectivité. En conséquence
une position de prudence est nécessaire concernant tout travail de représentation de la psyché d’autrui.

IV. Risques de la pratique de l’observation

• L’observation sera ainsi fortement orientée en fonction du modèle théorique de référence du clinicien, qui le conduira à porter
davantage son attention sur certains éléments plutôt que d’autres. Par exemple dans une perspective psychanalytique individuelle,
le clinicien sera particulièrement attentif aux processus intrapsychiques, dans une perspective psychanalytique familiale, le
clinicien sera attentif à la nature du lien inconscient qui unit deux personnes d’une même famille par exemple ou du lien de groupe
dans son ensemble.

• Si « l’imagination spéculative » comme l’a nommé W. BION est nécessaire, celle-ci doit toujours découler d’une observation
attentive et détaillée. Le risque autrement serait d’évoluer dans son propre imaginaire théorique et non dans la réalité clinique en
tant que telle. Exemple : les travaux de Bruno BETTELHEIM sur l’autisme qui avait conclu que la mère était responsable des
troubles de son enfant. Il préconisait la séparation d’avec la mère. A l’inverse, les travaux de R. SPITZ, M. KLEIN, J. BOWLBY
ou D. WINNICOTT sont de bons exemples d’observations cliniques subjectivées.

• L’observation nécessite donc d’apprendre à véritablement écouter l’autre, et de le rencontrer là où il se situe. Cela implique de se
pencher sur la vie psychique d’autrui en se laissant surprendre, sans forcément d’attente préalable, sans mémoire, ni désir ni
compréhension comme l’explique W. BION. Le risque également, face à cet aspect difficilement accessible de la subjectivité
humaine, de n’en rester qu’à sa dimension observable, réduisant ainsi la réalité clinique à un processus d’objectivation. Mais la
mesure objective ne rend compte que d’une partie limitée du fonctionnement psychique. Exemple : les comportements sexuels
problématiques chez l’enfant qui dévient de la norme. Si on s’en tient là, on fait une réduc sociale pour leur indiquer ce qu’il faut
ou non faire mais ce n’est pas suffisant car il faut prendre en compte la partie invisible qui motive les cpts. En effet, ces enfants sont
souvent eux-mêmes victimes d’abus sexuels.

• Une autre dérive possible, serait de ne pas tolérer la relation d’incertitude (étude de ROSOLATO, 1985) induite par l’étude de la
subjectivité, optant alors pour une utilisation excessive de la théorie. Cela peut donner lieu à des plaquages théoriques qui conduisent
à être davantage en lien avec des concepts qu’avec ce que le patient donne réellement à voir et à entendre.

→ Ces questions renvoient à celles relatives à l’objectivité et donc de la subjectivité, qui s’intéresse particulièrement à
l’observation clinique. Comment se distingue le subjectif de l’objectif ?

• Karl POPPER dans les années 30 introduit la notion de réfutation - qui se développera dans les années 50 et qui est toujours
d’actualité, notamment lorsque l’on parle de recherches et de découvertes. Il promeut ainsi pour la science une méthode déductive
de contrôle qui possède par hypothèse et réfutations. En effet, une proposition ne peut jamais vraiment être confirmée
empiriquement, elle peut seulement être réfutée. Les connaissances sont ainsi provisoires ; seules les réfutations sont logiquement
convaincantes. Exemple : l’énoncé selon lesquels les cygnes sont blancs est un énoncé raisonnable, vraisemblable mais pas
prouvable empiriquement parce qu’il suffit de trouver un seul cygne non blanc pour réfuter définitivement cette proposition.
→ Ainsi les théories spéculatives selon POPPER doivent toujours être rigoureusement confrontées à l’observation et
l’expérience. La science progresse ainsi par essai/erreur. Une science qui souffrirait de ne pas être réfutable n’est pas une science.

• Ce type de critique a été particulièrement adressée à la psychanalyse en lui reprochant d’être capable de toujours trouver des
explications quoi qu’il arrive (cf. BETTELHEIM et les enfants autistes). A l’opposé des théories réfutationnistes, d’autres ont
critiqué cette approche de l’étude des objets par des expériences strictes de type expérimentale qui réduiraient le nb de données et
d’observations. Certains avancent l’idée qu’un résultat par ex expérimental ne dépend pas seulement de la fiabilité de l’hypothèse
que l’expérience est censée vérifier mais aussi d’un ensemble d’autres hypothèses auxiliaires non manifestes non étudiées. D’autres
avancent l’idée que l’on ne dispose jamais d’énoncés d’observation parfaitement sûrs. L’observation est toujours guidée par la
théorie dont elle présuppose l’existence. Donc la vérité des théories ne s’établi pas à partir des faits d’observation. Certains auteurs
prétendent également que l’intuition et le jugement subjectif jouent un grand rôle dans tous les aspects de la méthode scientifique,
quelques soient les protocoles rationnels de validation.

• Le réel n’existerait pas en soi, il n’y a plus réalité du réel mais représentation de l’expérience du réel. La connaissance n’est plus
la découverte des nécessités ou des évidences, mais l’actualisation de possibles ou la création de nouveaux possibles. Ainsi quand
on parle d’observation en clinique, il ne s’agit en aucun cas d’un décalque de la réalité, de l’utilisation d’un langage parfait. Nous
verrons que le sens que dévoile l’interprétation est un sens potentiel. Le psychologue Henri WALLON précise cela : « Il n’y a pas
d’observation sans choix ni sans une relation, implicite ou non… la grande difficulté de l’observation pure comme instrument de
connaissance, c’est que nous usons d’une table de référence sans souvent le savoir, tant son emploi est irraisonné, instinctif,
indispensable, etc. En conséquence, il importe donc au premier chef de bien définir pour tout objet d’observation quelle est la table
de référence qui répond au but de la recherche. » Exemple : les CSP en institution et les professionnels qui, faute de formations,
s’appuient sur leurs propres représentations de la sexualité.
• L’observateur donne toujours un sens à ce qu’il perçoit car l’observation s’appuie sur un savoir constitué et certains modèles de
pensée. Autre citation de WALLON : « Observer, c’est évidemment enregistrer ce qui peut être constaté. Mais enregistrer et
constater, c’est encore analyser, c’est ordonner le réel dans ses formules, c’est le presser de questions. C’est l’observation qui permet
de poser les problèmes, mais ce sont les problèmes posés qui rendent l’observation possible. » Psychologie et éducation de l’enfance,
pp. 195-202 → On n’observe jamais de manière neutre.

V. L’observation dans les sciences humaines

• Les critères scientifiques que l’on retient habituellement dans une démarche de connaissance sont le souci de la preuve, laquelle
s’obtient par la répétition d’une démarche ayant conduit l’acquisition d’une connaissance nouvelle, ainsi que l’effort de
généralisation càd de construction d’un modèle ou de formalisation d’une connaissance transposables applicables à d’autres
contextes, à d’autres situations contenant les caractéristiques déterminées de la situation initiale ayant produit le modèle ou la
connaissance. La démarche scientifique repose ainsi sur l’expérimentation.

→ Les SH peuvent-elles adopter la même démarche ? Il existe classiquement 2 positions :


a) l’une systématique, naturaliste et expérimentale et qui répond « oui ». Elle s’applique à rechercher des lois générales
communes par l’expérimentation, les procédés de mesure de comparaison. Ils valoriseront l’objectivité basée sur l’observation des
faits, la possibilité de vérification. Exemple : les catégories d’attachement observées lors de la situation étrange de Marie
Ainsworth ;
- l’autre dit humaniste, phénoménologique et clinique (recherche qualitative) et qui répond « non ». Elle s’intéresse davantage
à la spécificité de chaque cas, chaque situation, à la complexité de la situation observée.

→ La principale différence, réside dans le fait que les approches expérimentales en sciences humaines laissent peu de place à la
prise en compte du sens ou de la signification des comportements observés. Les approches cliniques s’intéresseront l’avantage
au sens, à la signification. Et c’est bien là toute la difficulté car la quête de sens plus que de la cause d’un phénomène auquel
un observateur peut lui-même s’identifier, engage la subjectivité même de l’observateur et dans sa position scientifique même.

VI. L’observation expérimentale vs l’observation psychanalytique/ 2 paradigmes


1. L’observation expérimentale

• L’observation dans la méthode expérimentale s’appuie sur un modèle hérité des sciences exactes du XIXème siècle. La méthode
expérimentale est issue du positivisme et qui conçoit l’appréhension de la réalité du monde à partir d’une position qui s’en tient
strictement aux faits conçus comme indépendants du sujet. La méthode expérimentale formalise l’évènement, le traite comme
objectif et cherche à découvrir des lois, à les expliquer, et à reproduire l’évènement en maîtrisant les conditions d’apparition.

• L’observation dans la méthode expérimentale vise à rechercher et à constater des faits dans une démarche d’investigation.
L’expérimentation quant à elle, vise à mettre en œuvre logiquement les faits pour rechercher la vérité pour s’instruire sur eux dans
une démarche de raisonnement. Il n’y a donc pas opposition fondamentale entre observation sur le terrain et observation en
laboratoire, même si la première est redoutée, bien plus douteuse au regard de la légitimité scientifique, dès lors que les principes
qui président à leur déroulement restent l’objectivité, la maîtrise des variables d’étude. L’observation expérimentale vise par ailleurs
à mettre en évidence à vérifier un phénomène prévu par une hypothèse théorique à laquelle se réfère l’expérimentation.

• L’expérimentateur devra pouvoir affirmer un lien de cause à effet entre le phénomène observé et les conditions qui règnent à
l’intérieur du cadre expérimental. Il devra donc contrôler tous les paramètres qui définissent les conditions ainsi que leurs variations.
Beaucoup de conditions censées ne pas interférer avec le phénomène à mettre en évidence sont en générale négligées ou bien
apparemment neutralisées, tels que les états psychiques du sujet observé, ceux de l’observateur, le lien intersubjectif entre l’observé
et l’observateur. On peut dire que l’observateur expérimentaliste dresse une distance topographique, psychologique, épistémique
entre lui et le sujet, l'événement ou la situation observés. Le modèle de l’observation expérimentale est évidemment très éloigné du
modèle de l’observation psychanalytique. C’est Didier HOUZEL qui à propos de l’observation psychanalytique des nourrissons
souligne cette distance.

2. L’observation psychanalytique

• L’observation psychanalytique repose sur un cadre créant une espace d’émergence potentiel d’un inattendu (CICCONE, 1998).
Elle ne vise pas la production ou la reproduction d’un phénomène prévu à priori par une théorie, elle s’intéresse à l’inattendu. Ce
ne sont donc plus les conditions intérieures du cadre qui seront contrôlées ; ce sont les conditions périphériques : les limites spatio-
temporelles, les limites contractuelles, les limites psychiques (càd là les capacités de réception et de pensée de l’observateur).
• Si l’observation expérimentale s’organise autour d’une hypothèse à confirmer, si l’intentionnalité est préalable au cadre et inscrite
dans la théorie, l’observation psychanalytique, elle, ne suppose pas d’intentionnalité en soi, et son objet, comme le dit H. HOUZEL,
c’est l’étude de l’intentionnalité même (consciente et inconsciente) du sujet observé. Alors on peut soutenir aussi l’argument selon
lequel l’observation expérimentale peut, elle aussi, faire une place à la découverte imprévue, à l’étonnement. Les hypothèses
préalables concernent alors parfois des questions dont les réponses peuvent être parfois étonnantes. CICCONE évoque ainsi
l’exemple des connaissances acquises concernant les compétences précoces du bébé, lesquelles rejoignent d’ailleurs les observations
psychanalytiques du bébé.

• Par ailleurs, on peut admettre que toute observation - même psychanalytique, suppose toujours un minimum de théorie préalable.
Mais l’état d’esprit de l’observateur expérimentaliste est très éloigné de celui de l’obs psychanalytique. Autant le premier exclu de
la situation observée cherchera une objectivation à distance, autant le second inclus dans la situation observée sera sensible aux
effets subjectifs des échanges conscients et inconscients, verbaux et infra-verbaux, dans lesquels il est lui-même parti pris et partie
prenante. Le but d’une observation psychanalytique n’est pas d’expliquer objectivement les données de la psychanalyse mais
d’entrer subjectivement en résonance avec la subjectivité du patient. Cependant, l’observateur psychanalyste cherchera aussi à
objectiver les processus subjectifs. On peut dire qu’un travail de recherche est inhérent à toute méthode clinique. CICCONE rappelle
la définition de FREUD de la psychanalyse « Il s’agit d’abord d’un procédé d’investigation des phénomènes psychiques, autrement
dit d’une méthode de recherche. La méthode clinique est d’abord une méthode de recherche laquelle permettra de construire des
modèles communicables d’intelligibilité de la réalité psychique observée et aussi de traiter des phénomènes reconnus comme
pathologiques ».

3. L’activité représentative du clinicien selon BION

• BION a proposé une lecture originale de l’activité représentative du clinicien. Il suppose d’abord que certaines pensées, dites
sauvages (1), sont en attente d’être pensées dans le cadre thérapeutique. Celles-ci peuvent émerger du fait de l’imagination
spéculative du thérapeute et du patient, qui leur donnera une 1ère forme (2). Cette intuition sera ensuite davantage structurée (3)
dans une conjecture imaginative qui pourra donner naissance à une conjecture rationnelle (4) qui prendra une forme plus
secondarisée.

• L’observation clinique va donc s’organiser autour de ces deux paradigmes d’observation dans la démarche expérimentale et dans
la démarche psychanalytique.

VII. Modélisations de l’observation clinique : objets et méthode/ l’observation de la réalité psychique


1. Le détail et l’attention

• Le détail et l’attention sont 2 paramètres qui orientent plus précisément l’observation clinique. Le détail ou plus exactement le
souci du détail, consiste à s’intéresser avec minutie à une multitude d’éléments cliniques présentés par le patient.

• Une certaine finesse clinique est nécessaire pour pouvoir faire représenter le réel clinique en restant dans un premier temps attaché
aux faits eux-mêmes sans interprétation. De ce point de vue, le clinicien opère comme un tamis au sein duquel il verra apparaître
des éléments cliniques qui ne deviendront pas intelligibles ou en tout cas que dans un 2nd temps. En ce sens, le clinicien est donc
son propre instrument (son psychisme) de mesure dont l’une des fonctions est la collecte des différents faits cliniques.

→ Ainsi, comme l’évoque Thomas RABEYRON, « de même qu’un télescope ou un appareil photographique se doivent d’avoir
une certaine résolution, le clinicien développe également « une résolution » plus ou moins fine dans l’observation des faits
cliniques en fonction du degré de granulosité des éléments cliniques à repérer. Cette compétence s’apprend progressivement
avec l’expérience et permet de développer une observation plus pointue de même que l’on peut développer sa capacité à déceler
les subtils effluves d’un vin ou d’un parfum ». C’est en forgeant qu’on devient forgeron.
• Ce souci du détail s’associe à la capacité de développer une attention soutenue qui soit fluide et réactive. Le déplacement de
l’attention peut porter aussi bien sur des éléments externes, relatifs au comportement verbal et non verbal du patient, que sur sa
propre subjectivité (s’observer observer et l’étude du contre-transfert). L’attention peut également varier entre des mouvements
d’implication, notamment sur le plan empathique, et des mouvements de distanciation et de prise de recul au niveau cognitif et
affectif. On ne peut en effet constamment coller au réel clinique et de ce point de vue le dispositif clinique lui-même permet une
certaine temporalité et régularité des entretiens qui favorise cette oscillation implication-distanciation. Trop d’implication conduit à
la faute professionnelle, au burn-out. A l’inverse, trop peu d’implication risque de conduire à des erreurs interprétatives.

2. Entre clinique et théorie

L’observation clinique est associée à des allers-retours entre clinique et théorie. Un élément dans le comportement ou le langage du
patient évoquera un concept clinique qui orientera en retour l’observation du clinicien. Cette articulation entre les deux champs est
essentielle et permet progressivement l’émergence du vertex, notion de BION qui désigne un pdv voire un point
de convergence, concernant ≠ éléments cliniques au sein d’une configuration qui permet de
relier ces éléments d’une manière signifiante. L’observation clinique permet de collecter des éléments qui seront
structurés entre eux secondairement, notamment à la rencontre de notions théoriques, conduisant à l’émergence d’une forme ou
pattern/ modèle.

VIII. Observation externe et observation interne

Pour aller plus avant dans la compréhension des processus qui caractérisent l’observation clinique, il est possible de distinguer
l’observation externe de l’observation interne. Ces deux registres s’articulent étroitement et son articulation a des effets sur
l’observation clinique. Il n’existe pas en effet de frontière étanche entre observation externe et observation interne. Il y a en réalité
une perméabilité et une porosité psychique importante entre ces deux registres.

1. L’observation externe

Elle concerne l’ensemble des éléments qui donne à voir le sujet comme « traces de sa subjectivité ». Il s’agit tout d’abord d’éléments
appartenant au langage non verbal tels que la posture, les mimiques, le regard, la respiration, etc. Ces éléments correspondent à un
langage du corps par lequel le sujet parle à lui-même et au clinicien. Pour certains psychothérapeutes, le langage non verbal apparaît
même plus fiable que le langage verbal et il sera essentiel d’y prêter une attention toute particulière.

1.1. Observer le langage non verbal

Lorsqu’un patient est reçu en entretien, il parle de lui à travers de nombreux indices : sa manière de marcher, de se tenir, de serrer
la main, de regarder, de se lever, de s’asseoir, etc. Tous ces éléments gardent la trace de sa subjectivité sous-jacente mais ils ne
prennent sens que dans leur conjonction. Exemple : la façon de se tenir, càd de se porter corporellement peut être indicatrice de la
manière dont le patient se porte psychiquement. Certains patients se tiennent ainsi sur le fauteuil d’une manière très rigide, en avant,
tandis que d’autres sont installés nonchalamment, affaissés ou calés bien au fond de l’assise. Dans un même entretien l’évaluation
de la posture du patient peut s’avérer également très utile pour comprendre son vécu.

1.2. Le langage verbal

• Il est également d’une grande subtilité et mérite une attention particulière. Il concerne aussi bien les mots utilisés, leur intonation
et leur rythme. Les mots offrent une myriade d’informations, qu’il s’agisse de verbes, de la structure des phrases, de la grammaire,
de la stylistique, etc. Ils ont une certaine matérialité et gardent trace de la vie psychique (R. ROUSSILLON, 1999).

• Ces 2 niveaux, verbal et non verbal, sont à eux seuls d’une grande complexité et parfois ils ont une logique signifiante lorsqu’ils
sont combinés (ex : une maman qui a perdu un enfant à la naissance, annonce avec un grand sourire sa mort. Il s’agit du mécanisme
de défense du clivage). Parfois un signe non verbal n’aura de sens qu’en rapport avec un élément du langage non verbal,
comme le montre le second degré. Il existe aussi des logiques de sens qui rendent la communication équivoque, et
surdéterminée. Un signe n’a de sens que dans un contexte donné et de ce point de vue chaque sujet peut être considéré comme
« un contexte spécifique », une subjectivité particulière → Jacques LACAN a largement insisté sur la manière dont l’inconscient
serait ainsi structuré comme un langage, et comment l’ensemble des pulsions qui nous constituent trouvent aussi à s’exprimer
par l’appareil de langage.

• L’observation porte en principe sur des comportements, des gestes, des perceptions verbales ou encore des énonciations.
L’observateur est toujours partie prenante de la situation qu’il observe. L’observation est produite par un sujet, le psychologue
clinicien. Elle reste toujours une production active du sujet. C’est l’observation et ses conclusions qui donne réalité à l’objet observé.
Il n’existe pas de réalité « pure » mais une réalité pensée par le sujet lui-même.

1.3. L’observation des messages verbaux et non verbaux

Observer, c’est construire une réalité, et cette réalité ne se construit que dans l’interaction que la présence du clinicien induit.
→ Déroulés d’exemples sur les possibilités d’observation externes :

1.3.1. Etudier les comportements

• La présentation du sujet :
- désordres de la tenue ;
- troubles de la mimique ;
- troubles du langage : barrages, fuite des idées (= perte du fil), incohérence, logorrhée (= flot de paroles débitées rapidement sur
de longues périodes), mutisme, néologismes, réponses à côté, troubles sémantiques ;
- troubles psychomoteurs : agitation psychomotrice, compulsion, échopathie (imiter en permanence les gestes et les paroles de
l'interlocuteur), état catatonique (= peut plus bouger), impulsions, inhibition, négativisme (= contraire de l’activité), ralentissement
psychomoteur, stéréotypies, stupeur.

• Le contact (= manière d’entrer en relation) : contact forcé, opposition, indifférence, manipulation.

• Le comportement quotidien et instinctuel :


- troubles du sommeil : insomnie, hypersomnie, rêves ? ;
- troubles de l’alimentation : anorexie mentale, hyperphagie (= manger bcp), boulimie (manger bcp et vomir), refus des aliments,
dipsomanie (= impulsion morbide à boire des liquides en lien avec la potomanie) ;
- troubles du comportement sexuel : pédophilie, perte de libido.

• Le comportement social :
- Vie familiale perturbée (changements) ;
- troubles de la sociabilité (perte du travail, quel impact pour la personne) ;
- inadéquation sociale, mutisme, néologismes, réponses à côté, troubles sémantiques.

1.3.2. Etudier l’état mentale actuel

• Troubles de la vigilance : baisse de la vigilance, confusion mentale

• Troubles de l’orientation : désorientation dans le temps, l’espace, la situation

• Troubles de l’attention et de la mémoire : troubles de la concentration, amnésies, confabulations (= fabulations compensatrices


quand les personnes ont des lacunes amnésiques)

• Troubles de la perception :
- fausses reconnaissances ;
- illusions ;
- hallucinations : auditives, cénesthésiques, olfactives et gustatives, tactiles et visuelles, psychiques.

• Troubles de la conscience de soi : troubles du schéma corporel, sentiments de dépersonnalisation et d’étrangeté

• Troubles de la pensée :
- troubles du rythme : tachypsychée, barrée, digressive, ralentie ;
- incohérence idéo-verbale (saut du coq à l’âne, etc.) ;
- idées délirantes : de persécution, d’influence, mégalomaniaques, érotomaniaques, mystiques, de revendication, de ruine,
d’auto-accusation, hypocondriaques.

2. L’observation interne
2.1. Définition
• Au-delà de sa capacité à observer le déroulé de ce qui se passe à l’extérieur de lui, le clinicien doit également développer une auto-
observation ou observation interne. Celle-ci consiste à observer le défilé des représentations mentales à l’intérieur de soi. Il s’agit
là d’une spécificité essentielle caractérisant l’observation dans le champ des sciences humaines. En effet, dans les sciences
expérimentales, le scientifique doit s’extraire autant que possible de la situation qu’il observe dans le but de produire une observation
qui sera reproductible dans les mêmes conditions que d’autres observateurs. En outre, on ne demandera pas à un biologiste de
s’identifier à l’organisme qu’il étudie. Mais quand un clinicien observe un patient, il est imprégné par la réalité psychique de ce
dernier. Ceci est une différence essentielle de positionnement impliquant une reprise réflexive de ses propres ressentis en écho de
la problématique du patient.

• L’observation, dans l’approche clinique, se déploie non pas entre un sujet et un objet séparé, comme dans la démarche
expérimentale, mais entre 2 sujets, forcément singuliers, qui se rencontrent. La vie psychique interne est constituée de
représentations mentales dont le clinicien n’est pas dépourvu. Nous ne parvenons à nous représenter la manière de penser d’autrui
qu’à partir de nos représentations.

2.2. Les processus de transformation psychique


2.2.1. Apports de Bion

• La métaphore de l’estomac de W. BION décrit les processus de transformation qui opèrent au sein de l’appareil psychique. Il
dit : « de même que l’estomac décompose les aliments en nutriments pour les intégrer, le psychisme doit être en mesure d’intégrer
les évènements et leur perception, certaines pathologies psychiques par exemple l’état de stress post-traumatique, pourront être
considérées comme le fruit d’une forme d’indigestion psychique. ». Il faut tout un travail de transformation pour qu’un sujet puisse
accéder à une représentation pensée de son vécu. La réalité psychique d’un sujet se caractérise tout d’abord par une matière
psychique première/ éléments bruts formée de traces perceptives. Cette matière est vectorisée par l’activité pulsionnelle,
travaillée et re-travaillée tout au long de la vie selon une entreprise de transformation qui passe par plusieurs étapes.

2.2.2. Apports de Freud

• FREUD (1915) distingue en particulier la transformation en :

a) représentations de choses (symbolisation primaire, le registre de l’inconscient qui concerne essentiellement les
images et émotions) ;

b) en représentations de mots (la symbolisation secondaire, qui concerne essentiellement le langage). L’activité de
pensée est donc une forme de représentations de ces processus. Le psychisme produit ainsi des représentations qui sont elles-
mêmes à leurs tours transformées en représentations de représentations.

→ Cf. Travaux de Alain BLANCHET et François RICHARD sur le deuil qui demandent à des sujets d’écrire sur des
évènements « malheureux » (ex : ruptures amoureuses). Les mots n’étaient pas les mêmes plusieurs mois après → évaluer le
deuil, ses étapes. La rpz n’est plus la même donc le deuil est « digéré ».

→ Remarque : lors d’effraction du psychisme due à un trauma (capacité de digestion/ rpz° dépassées), il y aura un blocage du
fctionnement psychisme au niveau des affects ou aux rpz° de choses. Impossibilité de verbalisation voire à ressentir et exprimer
les émotions. Pour les affects, les patients vont développer des symptômes qui vont se rapprocher du corps, reproduction des
violences vécues = registre de l’impulsivité et de l’agir → alcoolisme, cpts violents, les enfants qui ont des cpts sexuels
problématiques, etc. A défaut de mettre des mots, le psychisme retourne au corps, ce qu’il connaît donc. Le symptôme sert
l’équilibre du sujet, il est à défaut des mots.

• FREUD distingue également 2 registres de fonctionnement psychique qui organisent la réalité psychique :
a) les processus primaires : plus archaïques, ils organisent la vie psychique inconsciente et utilisent essentiellement les
représentations de choses (essentiellement des images). L’énergie psychique est dite libre, elle s’écoule plus facilement d’une
représentation à une autre selon les logiques du principe de plaisir. Ce mode de fonctionnement correspond notamment à la vie
subjective du bébé et aux processus du rêve ;

b) les processus secondaires : plus rationnels ils structurent la subjectivité consciente et s’étayent davantage sur les
représentations de mots. L’énergie psychique est dite liée dans ses processus sur le principe de réalité. C’est le mode usuel de
la pensée consciente à l’état vigile. Ces processus se précisent progressivement avec le développement de la réalité psychique et
les formes de pensées plus secondarisées/ pensée secondaire.

- le principe de plaisir-déplaisir : consiste à rechercher et reproduire des expériences de plaisir et éviter les expériences de déplaisir.
Ce principe s’associe au jugement d’attribution qui « labélise » les expériences vécues comme bonnes ou mauvaises.

- le principe de réalité : l’être humain ne peut survivre s’il dépend uniquement du principe de plaisir, car il ne peut alors s’adapter
à son environnement. Le principe de plaisir-déplaisir s’articule donc au développement progressif du principe de réalité qui
provient d’un travail de liaison entre le monde interne et l’environnement. Le principe de réalité implique donc un travail psychique
qui engendre une transformation du principe de plaisir, le sujet trouvant progressivement sa satisfaction dans la rencontre et
l’investissement de l’objet.

• 2 autres principes participent aussi à la transformation de la matière psychique :

a) le principe de constance : à la rencontre des deux principes précédents, le principe de constance concerne la manière
dont le psychisme recherche l’équilibre entre monde interne et monde externe. De ce point de vue, la fonction du psychisme est de
maintenir une homéostasie. Le psychisme produit des modèles de prédiction qui visent à acroître l’adaptation aux évènements et
leur anticipation afin d’être en phase avec le principe de constance (FRISTON, 2009) la structuration psychique d’un individu aide
à la réalisation de ce principe de constance.

b) la compulsion de répétition : lorsqu’une expérience ne sera pas source suffisante de satisfaction, elle ne pourra être
intégrée psychiquement. FREUD repère ce fait clinique à partir des névroses traumatiques de guerre, des mélancolies et du
fonctionnement masochiste. Le psychisme semble reproduire des expériences à l’opposé du principe de plaisir-déplaisir. Il
suppose ainsi en 1920, dans Au-delà du principe de plaisir, l’existence d’une compulsion de répétition qui correspond à une
tentative de liaison et d’intégration d’évènements traumatiques qui échoue car blocage du fctionnement psychique ; les affects sont
bloqués, pas d’élaboration. En ce sens, la répétition est considérée comme une tentative de symbolisation d’expériences en
souffrance.

→ Ces 4 principes, représentent donc une première architecture à partir de laquelle la matière psychique sera organisée et transformée
tout au long de la vie.

2.2.3. Observation : des milliers d’opérations mentales à prendre en compte

• Nous avons tous des représentations mentales différentes.


Ainsi lorsqu’un patient évoque un évènement ou ses ressentis, il
existe un écart entre les rpz° du sujet et celles du clinicien car
nous produisons des rpz° à partir des rpz° du patient. Il convient
donc de garder à l’esprit que la manière de penser d’autrui est
toujours différente de la nôtre et nous ne parvenons à nous la
représenter que par le biais de notre propre système de rpz°. Le
psychologue doit avoir la capacité à se représenter l’expérience
de son patient tout en la confondant le moins possible avec la
sienne. En effet, des pensées ont cours de l’entretien sont à
l’œuvre chez le clinicien lorsqu’il est à l’écoute de son patient.

• On peut considérer habituellement la pensée comme une suite d’opérations mentales sur ces rpz° cognitives et émotionnelles.
Cette suite d’opérations s’effectue habituellement dans le champ du conscient mais d’une manière automatique et particulièrement
rapide, ce qui a pour effet que nous n’avons pas entièrement conscience de ce qui se passe à l’intérieur de nous. Aussi en seulement
quelques secondes, des dizaines voire des centaines d’opération mentales se déroulent dans les sphères cognitives et émotionnelles.
Il s’agit d’être attentif à ce déroulé de rpz° et d’affects qui forment un ensemble dense et compact. Le travail d’observation consiste
à décondenser ces éléments. Par exemple les évènements traumatiques auront tendance à produire un ensemble très dense qu’il est
difficile de parvenir à élaborer. Le travail clinique nécessite donc de prendre le temps, d’être suffisamment à l’écoute des
représentations du patient. C’est notamment la raison pour laquelle, l’observation clinique nécessite une temporalité plus lente qui
ouvre la voie à une certaine forme de réflexivité sur les contenus mentaux.
• L’observation interne ne se réduit pas uniquement aux rpz° cognitives relevant du langage verbal ou de l’imagerie mentale.
Faisons un exercice ensemble : « pensez à un souvenir agréable ». Le souvenir auquel vous avez pensé est revenu selon des
caractéristiques spécifiques. Par exemple, vous vous voyez à l’extérieur ou à l’intérieur de vous, vous percevez des couleurs, des
mouvements ou du son. Vous ressentez également des émotions plus ou moins intenses associées à ce souvenir. Le même travail
peut être effectué en entretien pour accompagner un patient vers la compréhension de vécus émotionnels qu’il a du mal à ressentir
ou exprimer.

• Face à un récit d’un patient, le clinicien reçoit le discours du patient à partir de ses rpz° qui seront teintés de vécus émotionnels
mais aussi corporels. Ainsi l’observation interne concerne aussi les ressentis corporels et les émotions. Le neurologue Antonio
DAMASIO (1994) dans son ouvrage L’erreur de Descartes, insiste sur l’importance des motions dans le traitement cognitif. Plus
précisément, il dégage la notion de « marqueurs somatiques » pour montrer comment l’utilisation de ces marqueurs (les réactions
physiologiques automatiques à certains évènements) est essentielle dans le fonctionnement cognitif et la prise de décision. Tout le
monde n’est cependant pas égal dans le traitement des émotions et ce processus ne se déroule pas toujours dans de bonnes conditions.
En effet, certains mécanismes de défense sont susceptibles de conduire au fait d’être clivé de certains affects par exemple, en
particulier lorsque ceux-ci sont trop douloureux ou pas élaborables psychiquement. Et le clinicien doit pouvoir détecter la présence
d’un affect triste de type dépressif chez un patient qui ne le manifeste pas directement.

• L’observation interne implique également que le clinicien ait une certaine capacité à ressentir ce qui se passe à l’intérieur de lui-
même et puisse accompagner le patient dans la même direction. Le clinicien se doit plus largement de prêter une attention particulière
à ce qu’il ressent durant une observation clinique dans la mesure où ces ressentis peuvent être conçus comme une forme d’écho des
ressentis du patient.

2.2.4. Apports de la science : les neurones miroirs

• Cette capacité à se mettre à la place de l’autre a été reconnue par les travaux de l’équipe de Giacamo RIZZOLATTI (RIZZOLATTI,
FADIGA, GALLESE, et FAGASSI, 1996) en Italie, où ils sont pu mettre en évidence l’existence de neurones miroirs. Ceux-ci
correspondent à des groupes neuronaux qui tendent à reproduire de manière automatique au niveau du cortex moteur les actions
d’autrui, notamment en fonction de l’intention de l’action. Par exemple, lorsque vous regardez un joueur de tennis effectuer une
action, le cortex moteur stimule la même action. Cette tendance à reproduire en miroir les actions d’autrui participe du processus
de représentation et concerne également la sphère émotionnelle. C’est ce que l’on appelle l’effet caméléon qui permet de mieux
saisir les racines neurobiologiques des processus empathiques. Nous avons donc tendance de manière automatique et spontanée, à
reproduire à l’intérieur de nous le comportement et les émotions d’autrui.

Neurones miroirs – observation lorsque l’action est mimée ou exécutée chez l’humain

• Le clinicien prêtera donc une attention soutenue aux rpz° et aux affects qui le traversent lors d’une observation clinique. Car ceux-
ci peuvent être vus comme une possible simulation interne de la vie psychique du patient, même si tous les ressentis du clinicien ne
sont pas autant l’écho. Tout l’art de l’observation clinique consiste justement à être sensible à ce que nous fait ressentir l’autre tout
en parvenant à effectuer un travail de distinction entre lui et nous-même. Le risque sera autrement de projeter nos propres affects
sur le patient. La capacité qu’aura le clinicien à accueillir les affects en souffrance du patient, à les ressentir dans leur dimension
corporelle pour ensuite parvenir à se les représenter et les transformer, nécessite donc un travail psychique complexe qui permet de
mieux comprendre pourquoi l’observation est déjà en soi un soin psychique.

• Par ailleurs, la manière d’observer produit des effets sur l’observé. Plus précisément, les conditions de l’observation produisent un
rapport particulier à l’observé qui engendre chez ce dernier des modifications dans la façon dont il se présente à l’observateur. Les
implications de ce constat ont largement été développées par l’anthropologue et psychanalyste Georges DEVEREUX (1980) où il
s’interroge sur les observations menées chez des patients provenant d’autres cultures. Il insiste sur le fait que : « l’observateur
observe l’observé en train de l’observer et que l’observé observe l’observateur en train de l’observer ». Le processus d’observation
est donc bidirectionnel et il se produit des effets miroirs entre la subjectivité du clinicien et celle de son patient. En effet, lorsque le
clinicien observe son patient il s’observe lui-même, compte-tenu du fait que le patient est en train de l’observer. Chacun explore
donc spontanément la psyché d’autrui.
• Afin de tenir compte des particularités relatives à l’observation clinique il est donc nécessaire de s’interroger sur ce que produit
l’observateur sur l’observé et ce que produit l’observé sur l’observateur. Il s’agit de s’auto-représenter son propre fonctionnement
psychique et ce qu’il induit dans la dynamique de l’observation. C’est la raison pour laquelle le clinicien sera attentif à la dynamique
transférentielle que nous allons à présent détailler en précisant les éléments qui la constituent : le transfert, la contre-attitude et
le contre-transfert.

IX. La prise en compte du transfert et contre/transfert dans la relation observateur-observé


1. Le transfert
1.1. Présentation

• Le concept de transfert fut initialement développé par FREUD, à partir de sa rencontre avec des patientes souffrant de troubles
hystériques. Il remarque que celles-ci ont tendance à tomber amoureuses de lui. Il fait l’hypothèse que cela n’est pas dû à son
charme mais au fait que ces patientes transfèrent sur lui certains processus psychiques, en particulier des désirs œdipiens. En
somme, ces patientes se comportent à son égard comme elles auraient aimé se comporter à l’égard d’une figure paternelle.
→ Cf. notions d’abstinence = ne pas coucher avec ses patients.

• FREUD considère tout d’abord ces mouvements de projection comme un obstacle qui l’empêchent d’aborder la vie psychique de
ses patients, avant de saisir qu’il s’agit en réalité d’un outil de compréhension de la dynamique psychique ainsi qu’un probable
levier thérapeutique. C’est ce saut épistémologique, ce passage d’une idée à une autre à travers le développement progressif du
contre-transfert, qui lui permettra de décrire le complexe d’Œdipe comme une forme de structuration de la vie psychique faisant
retour dans le transfert.

→ Daniel LAGACHE (1949) reprend ainsi d’une manière condensée cette notion : « le transfert en psychanalyse est
essentiellement le déplacement d’une conduite émotionnelle par rapport à un objet infantile, spécialement les parents, à un autre
objet, ou à une autre personne, spécialement le psychanalyste au cours de traitement. »

1.2. Formes transfert

• Pour repérer le transfert, il s’agira de s’interroger sur le comportement et l’attitude du patient à l’égard du psychologue clinicien.
Est-il sympathique ou méfiant ? Est-ce qu’il vous écoute, vous demande des conseils ? Vous place-t-il dans une position haute ?
Vous fait-il des compliments ? Il est également possible d’appréhender les tendances transférentielles du patient à travers ses
relations d’objet de manière générale et la façon dont il se comporte à l’égard de ceux qui l’entourent. La dynamique
transférentielle viendra à s’exprimer selon des formes multiples aussi bien dans le langage verbal que dans le langage de l’acte et
prendra des formes variées (transfert négatif, transfert positif, transfert matériel, etc.) Nous pouvons citer 3 de ces processus
transférentiels :

a) le transfert par retournement (ROUSSILLON, 1999) : consiste à faire vivre au clinicien, par un retournement passif-
actif, ce que l’on a éprouvé soi-même. Le clinicien devient alors une surface de projection par les parts clivées du patient. On parle
également de « transfert par dépôt » (VACHERET, 2004) pour décrire des parts dont le clinicien se trouve dépositaire et qui ne lui
appartient pas.
→ Exemple : un patient parle de la mort de son père sans affects mais c’est vous qui « souffrez ».

b) le transfert paradoxal : des processus de dé-symbolisation prennent le devant de la scène lorsque le sujet tend à
reproduire une communauté paradoxale antérieure. D’une certaine manière, on peut considérer ce transfert comme une sous-
catégorie de transfert par retournement, fréquent dans les problématiques psychotiques, et qui conduit le clinicien au sentiment
qu’aucune évolution favorable n’est possible. Cela peut donner lieu dans certains cas à une réaction thérapeutique = forme de
réponse paradoxale dans laquelle le patient semble aller de moins en moins bien au cours du suivi.

c) la chimère transférentielle et les processus de co-pensée : ce concept a été proposé par Michel de M’UZAN (1994)
pour décrire une forme de contre-transfert particulière dans laquelle le clinicien est confronté à d’étranges mélanges de pensées
constituées des pensées du patient et du clinicien. Nous sommes alors dans des espaces très archaïques du transfert. Cette question
du transfert fondamentalement archaïque a également été longuement travaillé par WIDLÖCHER qui propose le concept de co-
pensée pour décrire le travail à deux qui s’effectue entre le clinicien et le patient

2. Le contre-transfert
2.1. Présentation

• Le concept est apparu en 1909 dans les travaux psychanalytiques de FREUD (1912). Défini au départ comme « un ensemble de
réactions affectives conscientes et inconscientes du psychanalyste envers son patient » par CHEMANA, VANDERMERSCH (2005,
Dictionnaire de la psychanalyse). C’est en lien avec la nature du conflit psychique projeté par le patient (transfert) sur la personne
du psychanalyste, l’étude du contre-transfert et de l’impact de la rencontre des professionnels avec des sujets en difficultés, a fait
l’objet d’une évolution et d’un intérêt croissant par les chercheurs au cours de ces deux derniers siècles.
• La notion de contre-transfert s’est maintenant étendue à tout professionnel de la relation d’aide, autres que psychanalystes,
amenés à être en relation avec un public en souffrance (éducateurs, thérapeutes divers, instituteurs, etc.). De même, avec les théories
psychanalytiques groupales de BION (1962) et de BLEGER (1983), l’étude de la dimension contre-transférentielle inclut non plus
uniquement celle induite par un individu suivi, mais aussi celle induite par un groupe, ainsi qu’un groupe spécifique, celui de la
famille. Cette dimension peut s’observer auprès d’un professionnel en relation individuelle, qui est amené à recueillir ces éléments
de nature inconsciente, mais aussi auprès de plusieurs professionnels qui en situation de groupe, sont amenés à recueillir de manière
diffractée des parts inconscientes, face à la prise en charge de sujets (KAËS, 1998 ; VACHERET, 2004) et des familles rencontrées
(en référence au concept de « transfert subjectal », JACQUET, 1975 ; 2006, PENOT, 2006).

• Ce constat d’imprégnation d’un sujet d’éléments psychiques appartenant à un autre avec qui le lien s’instaure et sert de canal, a pu
être mis en évidence par les travaux de neuroscientifiques connus dans le domaine : ceux de DAMASIO (1994) et de Giacomo
RIZZOLATTI et al (1996) sur les neurones miroirs, et les racines neurobiologiques des processus empathiques en témoignent. En
situation de lien, l’être humain reproduit inévitablement de manière automatique à l’intérieur de lui, les comportements et les
émotions d’autrui, tels une simulation interne de la vie psychique du sujet ou du groupe avec qui il interagit. Le professionnel est
ainsi amené à porter à son insu, des parts de la vie psychique des sujets qu’il accompagne.

• Si le contre-transfert a d’abord été perçu comme une résistance au soin (FREUD, 1912), différents psychanalystes ont perçu sa
fonction comme outil permettant la traduction de l’état psychique du patient (FERENCZI, 1928, WINNICOTT, 1949, SEARLES,
1981) et donc la nécessité de s’en servir et d’en établir une analyse approfondie. GOLVER (1927) parlera de « toilette contre
transférentielle ». Si pour le professionnel être en lien avec l’autre et en empathie reste nécessaire pour aboutir à une efficacité
thérapeutique (ROGERS ; 1980, REYNOLDS et SCOTT ; 1999), RACKER (1953) va être un des premiers à évoquer les
conséquences du contre-transfert notamment psychosomatiques (négatifs), sur la personne du thérapeute.

2.2. Recherches

• Ces différentes observations, portées également par d’autres chercheurs ou cliniciens, ont amené progressivement 2 courants de
recherche importants :

a) le courant de recherche psychanalytique qui porte sur l’étude des mécanismes contre-transférentiels, dans une
approche qualitative, à l’aide principalement d’études de cas ;

b) le courant de recherche anglo-saxon qui porte particulièrement son intérêt sur les conséquences symptomatiques sur la
psyché des professionnels dans une approche quantitative. En effet, plus le public accompagné est en difficulté, plus ces parts
partagées ne sont pas sans conséquence pour la santé des professionnels. C’est ainsi que sont apparus les concepts de « burnout »
(FREUDENBERGER, 1974), puis de « traumatisme vicariant » (MCCANN, PEARLM ; 1990), de « fatigue de compassion »
(JOINSON, 1992), et de « stress traumatique secondaire » (FIGGLEY, 1995), notamment par l’étude des professionnels dans le
champ de la clinique du traumatisme. Cette clinique solliciterait particulièrement les professionnels (OUSS-RYNGAERT, 2003).
C’est ce qu’a pu montrer une étude de WILSON et LINDY (1994) qui évoquent des symptômes chez les professionnels comme
éléments incontournables dans le travail quotidien dans la clinique du trauma. HERMAN (1992) évoque même la notion de « contre
transfert traumatique », LACHAL (étude française, 2006) parle de « partage du traumatisme ».

• Selon les études de WILSON et LADY (1994), il existerait deux 2 de contre transfert chez les professionnels présenté au sein de
leur modèle : un contre-transfert de type I s’orientant vers l’évitement (« avoidance »), et un contre-transfert de type II marqué
par une sur-identification (« overidentification »). Ces 2 types mettent en évidence un déséquilibre du positionnement empathique.
L’instauration de cet état psychique particulier dû au contre-transfert, induit le recours par le professionnel à des mécanismes de
défense inconscients (GREEN, 1993) pouvant avoir un impact négatif sur l’accompagnement des sujets et des familles en
souffrance. En effet, outre les risques d’impacts constatés du point de vue de la santé chez le professionnel, les contre-transferts
insuffisamment analysés, induisent une saturation psychique qui peuvent entraîner des défauts de positionnement des professionnels
auprès du public accueilli, mais aussi ce qui est courant, des conflits du point de vue du fonctionnement d’équipe, qui entravent la
dynamique et les actions d’accompagnement.

• Des études telles que celles de SEXTON (1999), RICHARDSON (1999) mettent en évidence cette contamination de la dynamique
institutionnelle dans le domaine de la clinique de l’abus où se répètent parmi les équipes les schémas de victimes et de bourreaux.
Ces situations peuvent occasionner souffrance au travail, turnover des équipes. Ces phénomènes semblent majorés, lorsque les
professionnels sont en contact avec des familles en souffrance, en difficulté d’élaborations de leurs traumatismes, ou « les modalités
de lien entre les membres sont marqués par un mode défensif à type de collage ou bien de rupture » (FUSTIER, 1997). S’observent
alors dans l’institution, des réponses en miroir de la part des professionnels à ce mode de fonctionnement ou l’on observe notamment
au sein de l’équipe « des modalités de transfert par retournement » (FUSTIER, 1997), où les éléments de la vie psychique du
sujet accompagné, demeurant en souffrance d’intégration, provoquerait une configuration où les professionnels seraient amenés à
vivre, à éprouver avant de pouvoir transformer, ce que le sujet et sa famille n’a pu intégrer subjectivement.

• Le fonctionnement des équipes, tel « un miroir du négatif » (ROUSSILLON, 2005), est à voir comme écho et caisse de résonnance
de la problématique familiale des sujets accueillis, ou le mode d’expression corporel par le passage à l’acte, serait privilégié,
traduisant ainsi l’intoxication du groupe de professionnels par ce qu’il éprouve, par l’infiltration des élément négatifs transmis
(MELLIER, 2005). Le clinicien devra également être attentif au contre-transfert induit par le patient, à savoir ce qu’il rejoue lui-
même de manière inconsciente du fait de la dynamique psychique inconsciente du patient. Le contretransfert représente donc
l’ensemble des réactions inconscientes vis-à-vis du patient en réponse au transfert de ce dernier. Compte-tenu de sa dimension
inconsciente, il est plus délicat à repérer et nécessite souvent un travail psychique dans l’après-coup. Le concept peut en effet avoir
une action défavorable sur la prise en charge s’il n’est pas repéré et élaboré par le clinicien.

2.3. Formes du c-t

• Les formes que peuvent prendre le contre-transfert sont variées et seule la rencontre sur de longues périodes avec les patients
permet de saisir les étonnants effets des éléments contre-transférentiels. Par exemple, il arrivera qu’avec un patient au
fonctionnement opératoire, le psychologue se mette lui-même à penser de manière opératoire, ou bien au contact d’un patient au
fonctionnement état-limite, il ne sera pas rare de partager avec lui des moments d’idéalisations et de désillusions fréquents dans ce
type de fonctionnement, ou bien encore dans la situation de prise en soin d’un groupe familial ou il existe une confusion des places
et des fonctions, le psychologue, soit confus, lors d’une réunion de synthèse avec ses collègues, perdus dans les éléments de
l’anamnèse, perdu dans l’histoire de la famille et dans l’identité des différents membres de la famille.

• C’est pourquoi le travail de supervision et d’analyse de la pratique, aide à ne pas reproduire dans le cadre thérapeutique, ces modes
de relation inconscients en lien avec la souffrance du sujet. Si le transfert est immédiat et durable, il faut souvent attendre un effet
de sédimentation au fil des entretiens, afin de pouvoir saisir ses effets dans l’après-coup avec l’aide d’un superviseur. Il est
particulièrement important de prendre en compte le contre-transfert, car le sujet transfère de manière inconsciente les processus
les plus en souffrance. Comme le dit Thomas RABEYRON, plus précisément, ce qui chez le sujet n’est pas transformé fait retour
dans la « boucle intersubjective » dans le cadre thérapeutique. C’est souvent dans la reprise réflexive de ce qui se joue dans les
entretiens que naît une meilleure compréhension des processus qui animent le sujet ainsi que des progrès thérapeutiques durables.
Comme le souligne André GREEN (1993) dans le travail du négatif, la dynamique contretransférérentielle apparait aussi bien
comme un outil essentiel pour reconstruire l’histoire du patient qu’en vue de l’aider dans l’élaboration de cette histoire. Cf.
VIII.2.2.2.

2.4. Le contre-transfert est à différencier de la contre-attitude

• Le transfert de l’observé produit chez le clinicien des impressions, des ressentis que l’on nomme habituellement contre-attitude
par ce qu’ils concernent la sphère consciente. Il s’agit d’être attentif à ses images, ressentis, impressions ou encore aux sensations
corporelles qui envahissent le clinicien lors de la rencontre avec le patient. Il pourra par exemple, être pertinent de s’interroger sur
l’ambiance et l’atmosphère de la rencontre avec le patient. Il est essentiel de prendre un temps après chaque patient, afin de noter
ses ressentis et ses impressions durant la séance. Il s’agit ainsi de porter un regard réflexif sur ce que BION appelle « les débris
psychiques = des éléments psychiques du patient en attente de représentation.

Situation clinique

• Exemple 1 : Clémentine est une patiente d’une trentaine d’années, qui se présente en entretien évoquant des difficultés
relationnelles avec ses proches. Les entretiens s’apparentent à une longue plainte et une suite de reproches envers tous ceux qui
l’entourent. Cela produit chez le clinicien un sentiment spontané de rejet à l’égard de cette patiente, voire un sentiment diffus de
colère et d’agressivité. Sur le plan de la contre-attitude, c’est donc un ressenti négatif dont il fait l’expérience. Il est alors essentiel
de se laisser traverser par ce type de vécus, sans jugement, et de laisser exprimer de manière secondaire, d’essayer de saisir que
qu’ils expriment dans la dynamique du transfert. En l’occurrence peut-être le vécu du clinicien le renvoie à ce qu’éprouvaient les
proches de cette patiente à son contact. Peut-être aussi que la colère ressentie par le clinicien est à mettre en relation avec la colère
non intégrée chez cette patiente qui se transforme en plainte et une forme de projection à l’égard de son entourage.

• Si le clinicien ne parvient pas à élaborer consciemment ses ressentis, le risque sera grand que cette dorme de colère ou de rejet se
transforme en passage à l’acte. Cela pourrait se matérialiser du côté du clinicien par le fait d’oublier un rendez-vous avec la patiente,
d’arriver en retard à celui-ci, de ne pas se préoccuper de sa situation, ou encore de se mettre à son tour à la critiquer. Dans les cas
les plus extrêmes, cela pourrait conduire le clinicien à mettre un terme au suivi, reproduisant dans le cadre thérapeutique les
mouvements de rejet dont la patiente fait l’objet.

• Exemple 2 : imaginons une patiente qui consulte pour une addiction sexuelle. Elle rejoue alors dans le cadre des entretiens, la
logique de séduction qui l’envoie dans la voie de l’addiction sexuelle. Si le psychologue succombe aux mouvements de séduction
de la patiente et fini par avoir un rapport sexuel avec elle, au-delà de la question éthique, les conséquences pour la patiente seraient
dramatiques car la problématique à l’origine de la souffrance sera insuffisamment traitée, mais rejouée de manière concrète dans le
cadre thérapeutique.

• Ainsi vous l’aurez compris, un psychologue s’intéresse donc davantage à la souffrance personnelle, aux mécanismes de défense,
à la demande, à la plainte, au discours de souffrance dans sa dimension de sujet jusqu’à l’étude de la dimension
contretransférentielle. Il s’agit de se garder de l’illusion de pouvoir atteindre l’objectivité totale dans l’observation du
comportement humain (certaines sciences, notamment cognitives, le revendiquent).
• Il existe donc une singularité de l’approche clinique càd personnalisée. Prenons la question du diagnostic en exemple. Le
psychologue clinicien ne diagnostique pas à partir de critères extérieurs purement sémiologiques, objectifs et comportementaux,
type manuel D.S.M.4 ; Ce serait là une observation qui concerne l’objectivation du sujet et non une observation relevant de la
psychologie clinique. L’observation a aussi à nous interroger sur le statut de la réalité en clinique. FREUD définit une réalité comme
interne, fantasmatique, subjective, comme une réalité psychique distincte de la réalité objective, externe, historique : « On peut
dire que la réalité psychique est une forme d’existence particulière, qu’il ne faut pas confondre avec la réalité matérielle. » La
représentation psychique est le fait d’un sujet et n’est jamais une reproduction de la réalité externe, elle n’en est pas la répétition
fidèle dira-t-il (1925). La réalité historique n’a que peu d’intérêt pour le psychologue clinicien dont l’attention se porte sur l’homme
et sa souffrance subjective, c’est-à-dire la réalité qu’il vit et qui est la sienne.

• L’observation est présente dans toutes les situations que peut rencontrer le clinicien, une méthode transversale en quelque sorte.
En entretien clinique ou durant les tests, on observe aussi les comportements, les hésitations, les soupirs, les points de butée… Le
matériel observé peut servir de base à une étude de cas. Il s’agit de relever des phénomènes significatifs, et de leur donner un sens
en les restituant dans la dynamique de la rencontre et l’histoire singulière du sujet, en essayant de ne pas orienter préalablement
l’observation et de pouvoir se laisser surprendre. En ce sens, l’observation permet de nous introduire à deux concepts freudiens
fondamentaux dans la rencontre : la neutralité bienveillante et l’attention flottante. On peut espérer grâce à ces 2 dernières, d’être
le plus fidèle à la réalité qui se présente à nous.

a) neutralité bienveillante, définition de LAPLANCHE et PONTALIS :


« L’analyste doit être neutre quant aux valeurs religieuses, morales et sociales, c’est-à-dire ne pas diriger la cure en fonction d’un
idéal quelconque et s’abstenir de tout conseil, neutre au regard des manifestations transférentielles, ce qu’on exprime habituellement
par la formule « ne pas pénétrer dans le jeu du patient » ; neutre enfin quant au discours de l’analysé, c’est-à-dire ne pas privilégier
à priori, en fonction de préjugés théoriques, tel fragment ou tel type de signification. »

b) l’attention flottante, définition de LAPLANCHE et PONTALIS : « Manière dont l’analyste doit écouter l’analysé : il
ne doit privilégier à priori aucun élément du discours de celui-lui, ce qui implique qu’il laisse fonctionner le plus librement possible
sa propre activité inconsciente et suspend les motivations qui dirigent habituellement l’attention. Cette recommandation technique
constitue le pendant de la règle de la libre association proposée à l’analysé... Suspension aussi complète que possible de tout ce qui
focalise habituellement l’attention : inclinaisons personnelles, préjugés, présupposés théoriques… ». Méthode inductive.

X.

• L’observation se présente comme la méthode la plus naturelle, une base toujours disponible, car il existe des situations dans
lesquelles le recours à l’entretien est impossible telles que la prise en charge de petits enfants, les situations pathologiques comme
l’autisme, les troubles aphasiques (c'est-à-dire troubles du langage), etc. Mais elle doit inciter prudence dans l’interprétation…

• Pour introduire nos propos, nous nous appuierons sur le code de déontologie des psychologues (mars 1996 réactualisé en février
2012)

- Article 39 :
« Il est enseigné aux étudiants que les procédures psychologiques concernant l’évaluation des personnes et des groupes requièrent
la plus grande rigueur scientifique et éthique dans le choix des outils, leur maniement - prudence, vérification - et leur utilisation –
secret professionnel et confidentialité. » Les présentations de cas se font dans le respect de la liberté de consentir ou de refuser, de
la dignité et de l’intégrité des personnes présentées.

- Article 23 :
« La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques employées. Elle est indissociable d’une appréciation
critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques. »

- Article 24 :
« Les techniques utilisées par le psychologue à des fins d’évaluation, de diagnostic, d’orientation ou de sélection, doivent avoir été
scientifiquement validées et sont actualisées. »

- Article 25 :
« Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la
personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des
individus ou des groupes. »

→ Dans ces articles, la place du psychologue souligne une pratique qui inclue la sphère du subjectif, car un psychologue est
amené à réaliser des interprétations en fonction de ce qu’il aura pu observer. Ce qui nécessite un sens critique, une remise en
question permanente de ces interprétations que l’on doit rendre le plus objectif possible, à l’opposé d’un discours rigide,
péremptoire

→ Comment rendre une observation objective ? Ce code concerne les psychologues en gé. Cela concerne particulièrement le
clinicien. Attention à ne pas trop techniciser.

XI. L’observation clinique

• La psy clinique permet l’étude du psychisme humain (on parle d’activité clinique). Il y a des façons d’observer les réactions du
patient. Métapsychologie.

→ Ces énoncés s’appliquent au groupe et à la famille désormais.

• Les pratiques de la psycho clinique évoluent notamment avec le recours à la psychanalyse. La psy clinique vise le psychisme
humain plus que les objets concrets. La psy clinique = science du psychisme humain, son fctionnement, ces processus. Les situations
permettent d’étudier ces processus, leurs effets, leur modalité et cela déborde des situations d’études d’un sujet particulier. Cette
méthode est vaste et complexe.
• Mais dire qu’on serait purement dans le scientifique est faux car il faudrait accéder à un certain degré de certitude. Mais une
connaissance scientifique est provisoire. Importance de la preuve mais quand la considérer preuve ? Les faits empiriques sont un
moyen mais ils n’apparaissent pas d’eux-mêmes mais il faut maitriser les facteurs via la méthode scientifique.

• C’est comme ça qu’on distingue la méthode réactive et active càd comparer le degré d’action sur les sujets càd provoquer des réps
chez eux. A l’extrémité on aurait une observation qui ne produit rien, à l’autre extrémité on a une réaction créée par les moyens. La
psy clinique est entre les 2. Dans ces 2 catégories on a l’enquête (interrogation) qui a les mêmes buts que l’observation
(autoquestionnaire, questionnaire d’éval qui se rapproche de l’expérimentation.

• Pour accéder à cette réalité psychique on part des cpts = faits les plus observables. On part de l’invisible au visible car cela permet
de construire des modèles communicables d’intelligibilité de la réalité psychique observée et aussi de traiter des phénomènes
reconnus comme pathologiques. L’observation clinique se construit sur ces 2 paradigmes

• Le pb en psycho, c’est que les objets ne sont pas directement observables (opinions, attitudes, raisonnements, des représentations
d’émotions exprimées). Il faut procéder par inférence à partir de choses qui sont, elles, observables : les cpts. Il faut passer de
l’abstrait au concret. On va essayer de donner un sens aux cpts et de les situer dans la dynamique psychique individuelle. Le propre
de l’observation est de considérer les cpts comme des productions significatives càd qui expriment quelque chose. L’influence de
l’observateur donne lieu à des interactions car on est en lien avec les observés. Serge LEBOVICI distingue les interactions
cptementale (relation mère-enfant), affectives (= influence réciproque de la vie psychique de la mère et de l’enfant) et fantasmatiques
(= ce que les sujets imaginent de la scène). L’observation va des actes/ gestes aux émotions.
→ Un exemple d’observation clinique : SPITZ. Expérience première d’observation qui met en évidence le syndrome de
l’hospitalisme. Psychiatre psychanalyste. Lendemain de la WWII. Orphelinat. Mortalité importante des enfants 5-12 mois malgré
les soins. La mort ne faisait qu’achever un processus qui exprimait un refus de communication avec l’environnement. Ceux qui
sollicitait bcp les soins étaient moins concernés que les enfants sages. Il déduit que la différence c’était la fréquence des interactions
que le bébé avait avec les adultes et qu’elles étaient vitale sur le plan psy et phy. « L’amour maternel est aussi importante que le
lait ».

→ Les espaces artificiels évaluent dans un contexte donné.

• Le psychisme et ces processus ne sont pas observables en soit. Il ne faut pas oublier, que ce que l’on peut observer c’est un sujet
singulier à partir de cas unique. Enjeux. L’expertise psychologique au tribunal est un cadre d’observation pure commandité par un
juge et le psychologue devra répondre à des questions qui rép au jugement de l’affaire en cours. Cela engage la réalité subjective et
intime du sujet expertisé.

• On peut étudier un lien entre 2 sujets. Un groupe qui n’est pas une somme d’individus. Dispositifs systémiques, psychanalytique
pour les familles. On peut observer un groupe au sein d’une institution (supervision par exemple).

• L’observation clinique = faire l’inventaire du réel par l’activité de perception donc la concentration sur un objet particulier. Cela
inclue un acte d’attention et d’intelligence. Observation = acte de construction

Attention, d’un endroit à l’autre le cpt du sujet observé peut changer.


• Rendre intelligible la subjectivité du sujet. « Travail d’objectivation de la subjectivité » : la subjectivité c’est le sens que prend
pour lui la rencontre du monde avec lui-même, comment il s’approprie le monde, l’expérience.

→ Une approche sémiologique à partir d’un manuel, l’observation cli n’a pas pour objet de relever uniquement les critères mais
surtout le sens du symptôme. Suppose que le clinicien soit ouvert au travail de pensée.

→ Il y aussi des productions autre que langagières : les rêves (référentiel psychanalytique).

→ Càd qu’on va essayer de noter l’ordre d’apparition des mots pour comprendre mieux ce qu’il se passe dans la tête du patient.

→ C’est une clinique à main-nue ou l’observateur tient une place particulière car il est en lien
CM 5 - Les méthodes – Démarches et outils – Alexandra Bernard

I. L’entretien clinique : spécificité de l’observation

1. Importance du discours

• On parle, en méthode, beaucoup de l’entretien clinique qui est beaucoup utilisé par le psychologue clinicien. Mise en place d’une
méthode et d’une hypothèse de travail que nous cherchons selon notre réf théorique qui sert de cadre. Surtout psychodynamique et
psychanalytique. On fait réf aux hypothèses de l’inconscient et on s’intéresse au déploiement de l’inconscient au sein d’une rencontre
et dans sa dynamique transféro-contre-transférentielle. L’entretient est une « œuvre de parole » mais c’est « l’occasion d‘entendre
ce qui vient d’être dit » et ses significations sous-jacentes. L’entretient clinique c’est aussi permettre au sujet de « s’entendre dire ».

• L’idée est de recevoir le discours tenu par le patient et de le susciter et de le soutenir et ce pour toute forme de possibilité
d’expression chez le patient. Le psychologue doit prendre en compte l’émergence de modes de relations particuliers entre les
protagonistes de la rencontre, relations que le psychologue repère sous le terme de « transfert » et de « contre-transfert ».

• Le discours du sujet lors de l’entretien donne des indications sur :


- l’organisation des mécanismes de défense psychique ;
- la structure psychique du sujet ;
- des signes psychopathologiques dont celui-ci peut souffrir.

• On prend en compte le dit mais également le non-dit : discours et aussi prise en compte des manques, des silences, des
contradictions, des lacunes). On prend en compte toute la dimension de l’énonciation.

2. Position de neutralité bienveillante

• C’est un exercice difficile : il faut oublier une part de soi, il faut accueillir le patient quel que soit son problème car il mérite d’être
soigné et respecté dans sa dimension psychique.

• Il est donc nécessaire de faire tout un travail s’appuyant sur des référentiels théoriques avant de juger quelqu’un. Certaines
personnes sont obligées de mettre en acte des agir car elles n’ont pas de mots pour exprimer leur souffrance. Donc le professionnel
doit aller au-delà, regarder la partie en dessous de l’iceberg et ne pas juger. Le clinicien doit reconnaître l’aménagement défensif
du sujet et le respecter. Il faut avoir la « bonne distance » entre le psychologue et le patient.

• Il faut être empathique. C’est la faculté de s’identifier à quelqu’un, de ressentir ce qu’il ressent et de se mettre à sa place.

• Quand on est clinicien, il est nécessaire de cliver dans nos ressources pour aller plus loin que ce qui est seulement visible. Il est
donc nécessité de se comprendre soi avant d’essayer de comprendre l’autre. Dans les observations, on parle d’observation directe,
d’observation éthologique expérimentale, d’observation systémique (on observe un système).

3. Exemples d’observations cliniques

a) L’observation directe : concerne essentiellement l’enfant en relation avec son entourage. Dénommée ainsi en opposition aux
méthodes de production de connaissances sur l’enfant et sur les conditions de son développement par le moyen de la reconstruction
à partir de l’observations des sujets singuliers en situation thérapeutiques. Dispositifs de recherche/de formations/de dispositifs
thérapeutiques.

b) L’observation éthologique et expérimentale : vise l’analyse des comportements pour répondre à une question préalable.
Détermination de variables dépendantes et indépendantes. Cherche la validation des hypothèses préalables qui détermineront le
choix de la situation observée. Elle vise la collecte et l’enregistrement de données avec un minimum de pertes d’informations.

c) L’observation systémique : vise aussi l’analyse des comportements, des interactions verbales et non-verbales. Permet
l’établissement d’une typologie des interactions. Vise la communication manifeste, verbale, et non-verbale, les conduites
interactives, la réalité comportementale des sujets observés.

II. L’observation du jeune enfant

1. Introduction
• Surtout le bébé. A débuté avec les travaux de SPITZ et aussi de LOCZY (observation du bébé dans son milieu naturel en les
laissant libre de faire ce dont ils avaient envie) et Esther BICK (développement d’une méthode d’observation).

• Comme il ne parle pas, on va s’intéresser à d’autres choses : troubles psychosomatiques du bébé, aux difficultés alimentaires,
aux insomnies de masse (ou aux hypersomnies) qui sont parmi les motifs habituels des consultations et donc des moyens
d’observation. → « Un bébé tout seul, ça n’existe pas » WINNICOTT = il se construit psychiquement sur les liens avec sa famille,
en lien/interaction avec les personnes proches autour de lui (mère, père, frère et sœur…). On parle ici, d’« observation
intersubjective » LEBOVICI (il a beaucoup travaillé sur la famille et le bébé).

• L’observation du bébé selon Esther BICK, faisant partie de la formation psychanalyste à Londres. Cette observation peut se
prolonger en crèche où il faut soutenir l’observation commune de tout un personnel par exemple. Tout lieu peut être source
d’observation.

• On va particulièrement observer les interactions mère-bébé, on parle de courant interactionniste d’interactions comportementales
affectives (ce qui est ressenti) et fantasmatiques (ce qui est imaginé). Exemple : si bébé pleure et la mère répond « Vous voyez, il
m’en veut » = mère est prise fantasmatiquement par une angoisse de persécution. Ces observations se font souvent dans un cadre
de recherche pour l’établissement de grilles d’observation. Étudier les comportements est assez facile, les interactions affectives
concernent moins la communication que l’affect. On observe par exemple la façon dont chaque partenaire communique ses affects,
identifie les affects de l’autre et cherche à provoquer un affect chez l’autre.

• Les interactions fantasmatiques concernent la manière dont chaque partenaire donne une expression à des fantasmes dans la
relation. Il y a la manière dont les fantasmes de chacun répondent ou modifient cela. Cela suppose un travail d’interprétation, de
quête d’un sens inconscient potentiel.

→ Croisement des modèles de l’observation éthologique avec les théories psychanalytiques, les connaissances de la psychologie
expérimentale et développementale.

2. Les limites de l’observation clinique

Toute observation est une construction : ce fait contient toujours une part invérifiable. Il y a une inévitable sélection que l’observation
clinique opère. La sélection opérée par l’observateur est en grande partie sous l’effet du contre-transfert et la contre-attitude.
Mais une sélection est aussi par le dispositif lui-même qui conditionne le matériel observé. Il y a également des limites dues aux
effets du dispositif sur la situation observée ;

III. L’observation du bébé selon Esther BICK

1. Introduction et définition

• En 1963, Esther BICK détailla devant la société psychanalytique les avantages de cette technique dont la structure a évolué au
cours du temps en tenant compte de l’expérience et des discussions en séminaire. L'observation du bebe selon Esther Bick, son
intérêt dans la pédopsychiatrie aujourd'hui.

• C’est l’observation régulière d’un nourrisson dans sa famille, de la naissance à 2 ans et ce, une fois par semaine (Observation
longitudinale). L’observateur vient observer le bébé dans son environnement et en essayant de ne pas influencer le cours normal
des interactions entre le bébé et ses parents. Il faut essayer de ne pas trop s’impliquer même s’il est au domicile des parents. Il faut
à la fois privilégier l’observation et en même temps, ne pas entrer dans une trop grande implication avec les parents mais en ne
rejetant pas leurs sollicitations ; il est important de préserver le lien.
→ Contenance du clinicien autour d’une famille, faire des liens et mettre en sens toujours dans l’optique d’une neutralité
bienveillante.

2. Point de vue global

• C’est sa pensée active. Il doit travailler sa réceptivité, sa disponibilité, son propre « cadre interne » pour ne pas agir sur la base de
ses propres projections.

• L’observation dure environ une heure et fait l’objet d’une prise de notes très détaillée de tout ce que l’observateur a pu voir,
entendre, ressentir mais après l’observation. L’idée est de pouvoir restituer à un tiers cette observation. Il s’agit d’une « auto-
observation » de la situation vécue car ces notes seront discutées dans un séminaire hebdomadaire (supervision) qui réunit 3-4
observateurs et un psychanalyste formateur ayant lui-même été initié à cette formation. Dans le cadre de cette supervision,
l’observateur amène ses notes et lie ses notes.
→ Esther BICK par Denis MELLIER (article) :

3. Le temps sur le terrain, la réceptivité au travail

• « L’attention et la pensée de l’observateur sont prises par la pression voire la violence des affects de ce que se joue dans la famille
lors d’une naissance ».

• « L’observateur n’est ici ni muet ni affecté à une place passive comme l’observateur dans un groupe (SCAGLIA, 1976). Il est
investi par la mère, les parents, la famille, le bébé et participe aux échanges mais sa position interne est toujours à rechercher.
Sa pensée est active, il doit travailler sa réceptivité son propre cadre interne pour ne pas agir avec ses propres projections ». →
Question du contre-transfert.

• E. B insiste dès le départ sur le fait que l’identité de chaque membre change quand un nouveau-né arrive dans une famille.
L’ensemble de la famille est ainsi impliqué dans ce processus (BICK, 1986).

4. Le temps de la notation écrite ou temps de l’auto-observation

• « Le temps de l’écriture s’effectue toujours après coup. Elle ne se réalise jamais pendant le temps dit « d’observation », comme
lorsqu’il y a un observateur dans un groupe ou dans les pratiques de LOCZY ». « Ce temps est parfois long et difficile tant
« l’observateur » est aux prises avec des éléments confus, oubliés ou trop actifs dans son psychisme. Il a pour consigne de noter le
plus finement possible ce qui se déroule de manière à pouvoir le restituer à un tiers ». En effet, l’observateur doit retrouver le fil.
« Il s’agit ainsi d’une véritable « auto-observation » de la situation vécue, car nul autre observateur, nul autre moyen matériel ne
dictent à l’observateur ce qui s’est déroulé.

• Didier ANZIEU (2002) propose une auto-analyse passant par 4 temps :


a) noter par écrit le matériel (fil du discours) ;
b) le décomposer en séquences ;
c) associer librement sur ces séquences ;
d) enfin effectuer des rapprochements qui prennent une valeur interprétative ;

5. Le temps d’élaboration du séminaire, avec l’aide de l’interprétation et du travail associatif


• « Le séminaire est le cadre réel de l’élaboration de la situation ». Le travail associatif et interprétatif doit rester au plus près du
matériel. Le travail présenté, de la perception de la réalité psychique qui aurait été celle du terrain. L’observateur lit d’abord son
observation au groupe, chaque participant l’a sous les yeux, chacun a sa perception de la situation, une sensibilité à telle composante
du matériel. Ce qu’il n’a pas contenu, ce qu’il porte par-devers lui se trouve d’une manière ou d’une autre, présent dans sa
présentation, écrite ou orale ». Le travail doit se faire là finalement où sont en défaut les propres fonctions contenantes de
l’observateur pour qu’il puisse être le plus disponible possible ensuite à la prochaine visite au domicile du bébé.

• A partir de la lecture d’une observation, lors du séminaire, chacun perçoit la situation selon ses propres identifications à un aspect
de la mère, du père ou de l’observateur. Chacun a un point de vue qui n’est pas une simple opinion consciente sur ce qui se passe,
mais qui engage l’ensemble de sa personnalité, ses réactions émotives et infantiles. Cette conduite du groupe de travail consiste à
favoriser la chaîne associative groupale (KAËS, 1993) des points de vue des différents participants. L’interprétation ou le
positionnement du leader visent surtout à permettre à ce que les choses soient exprimées et par la suite interprétées.

• « Cette méthode donne à l’étudiant une notion plus précise et plus vivante du développement de l’enfant, de la naissance de son
psychisme et de l’influence du milieu sur son évolution. Prise de conscience des mouvements contre-transférentiels et leur
maniement. Assister aux interactions entre un nourrisson et son environnement éveille chez l’observateur des sentiments refoulés
depuis longtemps, ceux de nos premiers mois de vie. Ces souvenirs se présentent sous la forme d’émotions qui peuvent être violentes,
rarement sous la forme de représentations ».

6. Ethique de la méthode

• Pour trouver un couple de parents qui accepte de recevoir un étranger dans l’intimité de la relation avec son bébé nouveau-né, il
faut nécessairement passer par un intermédiaire. Une demande directe à une maman ne lui laisse pas assez de liberté de choix.

• Aucune interprétation/ni remarques/ni critiques/ni conseils devant l’enfant ou les parents. Cela ne veut pas dire qu’il doit se
cantonner dans un silence absolu qui serait lourd à supporter par la maman. Au contraire, il peut faire sentir à la mère et au bébé
qu’il participe avec empathie à leurs échanges et comprend leurs émotions.

7. Principe de la méthode
• C’est par une attitude de participation affective discrète, une écoute attentive et un comportement calme et mesuré qu’il donnera
à la maman le sentiment qu’elle est comprise et soutenue dans une période cruciale mais parfois difficile de sa vie et de celle de son
bébé.

• E. BICK conseille aux observateurs d’oublier leurs théories et de faire « tabula rasa » de leurs connaissances pour être dans un état
qui permet de se laisser surprendre par de l’inattendu.

8. Apport de certaines observations

Geneviève et Michel HAAG (1995) écrivent que l’observation du bébé selon cette méthode bien spécifique a permis d’approfondir
certaines connaissances à propos du développement de l’être humain.

9. Applications thérapeutiques de la méthode

Il y a eu tout un développement des visites à domiciles des mères, observation en crèche ou à l’école, travail dans des institutions,
accompagnement des familles qui adoptent un enfant, thérapies de la relation parents-bébé.
→ Cf. Psynem.org partie périnatalité (d’autres formes d’observation).

IV. L’observation psychanalytique dans un groupe selon l’approche de Guy GIMENEZ

« L’observation psychanalytique en situation de groupe pose la question des niveaux de réalités psychiques que nous souhaitons
repérer et des modalités de fonctionnements psychiques adéquats pour rendre possible ce repérage ».

1. 1ère colonne : observation de ce qui est sensoriel

C’est une attention qui est tournée vers le dehors, ce que l’on peut voir/entendre :
- sélection de canaux sensoriels ;
- saturation de canaux sensoriels.

2. 2ème colonne : observation des mouvements internes du clinicien

Il doit prendre en compte ses pensées, ses émotions et ses affects. L’attention n’est plus tournée vers le dehors, mais tournée vers le
dedans. Dans la prise de notes, l’observateur va consigner ces éléments internes observés dans la 2ème colonne. Importance d’avoir
une gymnastique d’esprit. C’est pourquoi, il faut une certaine réceptivité, un état réceptif. On parle d’une attention détendue,
relâchée, attentive. « Attention, détendu, relâché d’une modalité spécifique de fonctionnement du clinicien permettant de recevoir,
repérer et traiter les productions d’associations libres du patient, parce que tolérant la surprise, l’inattendu et l’inconnu et les
manifestations de l’inconscient ».

• BION va encore plus loin et émet l’hypothèse que le clinicien peut parvenir à une réceptivité qui peut lui permettre, « en se
dépouillant du souvenir et du désir », de se mettre en état d’unisson (at-one-ment 7) avec le groupe et d’intuitionner la réalité
psychique des individus et du groupe »

• Les sujets se placent dans un état centré sur le moment présent dans lequel les souvenirs, les pensées, les désirs, les croyances
demeurent en suspens.

3. 3ème colonne : réalité psychique du groupe

• L’attention est ici focalisée sur le discours de chacun, sur l’interdiscursivité, et ce qui en constitue le fondement càd la chaine
associative. L’idée est de pouvoir repérer des thématiques, des scénarios de base càd comment fctionne le gp. Cf illusion groupale
d’ANZIEU.

• Cette écoute polyphonique implique de ne pas croire que, quand un individu prend la parole dans un groupe, une seule personne
parle. Les fonctions phoriques de porte-parole, porte-symptôme, porte-affect, porte-haine décrites par René KAËS en sont des
expressions.

• « Le 1er temps dans l’observation de la production des discours du groupe consiste selon nous à repérer ces scénarios de base. Un
2ème temps consiste à observer leur succession et leur articulation chez chaque sujet et dans le groupe, dans une séance et entre les
séances. Le clinicien aura à rêver ces liens sur l’évolution du groupe, et se demander en quoi ces scénarios de base figurent ou tente
de figurer ce qui se passe chez les sujets et dans le groupe ».

4. 4ème colonne, observation de l’observation

• Une fois les notes prises, il faut passer à des interprétations des hypothèses sur le processus que l’on peut repérer. Il s’agit de
l’observation de l’observation elle-même effectuée dans les niveaux 1, 2 et 3.
• L’attention est ici focalisée sur l’observateur que nous sommes et sur son activité d’observation, il s’agit de la position dite méta
càd au-dessus en prise de recul. « Je m’observe en train d’observer et je peux commenter ce qui est repéré avec recul et décalage ».
Cette méta-observation est le soubassement de notre discussion interne pendant la séance, avec les modèles de référence que nous
utilisons, ce qui rend possible le travail de l’hypothèse sur les processus repérés.

• L’observation de l’observation est rendue possible par la capacité à être non seulement pleinement présent dans la situation
(premier et second niveau de réalité psychique du groupe) mais aussi dans une « position méta », à côté, décalée, observateur et
commentateur de ce qui se passe.

• La position méta nécessite de « sortir de soi », de se dé-caler, de se dé-prendre de son point de vue, de ses propres représentations
saturantes, de prendre du recul par rapport à notre cadre de référence, dans une rêverie, où l’on peut jouer (au sens winnicottien) à
se regarder du dehors ou d’un autre point de vue… comme en observant un autre.

• Observation des 4 niveaux de réalité psychique des groupes :


a) au niveau sensoriel ;
b) au niveau contre-transférentiel et inter-transférentiel ;
c) au niveau de la chaîne associative groupale et la succession des scénarios de base ;
d) au niveau de la position méta et du travail de l’hypothèse comme la méta-observation.

V. Conclusion

L’observation clinique réside avant tout dans sa capacité à améliorer une situation clinique et à faire poursuivre le travail clinique.
La situation s’améliore parce qu’elle est pensée, parce que nous sommes souvent en situation face à des sujets qui n’ont pas la
faculté de penser ou tout du moins, pas suffisamment. L’attention et l’observation clinique représentent l’essentiel du travail de
pensée et du travail consistant à penser la clinique.

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