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Héloïse Venayre La formation de l’esprit scientifique, Bachelard, 1938.

T°6

« La vérité scientifique sera toujours plus belle que les créations de notre imagination et que
les illusions de notre ignorance », a écrit Claude Bernard, le fondateur de la médecine expérimentale.
Bachelard, philosophe et scientifique français, soutient le point de vue de Claude Bernard en
soulignant qu’il n’existe autre vérité objective que la vérité scientifique.
Dans son livre La formation de l’esprit scientifique publié en 1938, Bachelard défend une
thèse selon laquelle science et opinion ne peuvent être associées si le scientifique veut accéder à la
vérité. Le philosophe s’inscrit dans une double approche de la philosophie, celle de la science contre
l’imaginaire, de la rationalité contre la passion. Il puise ainsi sa théorie de l’esprit scientifique dans la
pédagogie, obnubilé par la compréhension des progrès de l’esprit humain. Son œuvre constitue une
restitution de son point de vue sur ces deux antagonistes : opinion et science. Il questionne ainsi la
façon dont les Hommes peuvent arriver à un raisonnement scientifique.
Selon Gaston Bachelard, comment l’Homme peut-il atteindre un raisonnement scientifique ?
Nous analyserons d’abord comment Bachelard affirme qu’il faut surpasser l’opinion, avant
d’aborder le seul facteur qui, selon Bachelard, invite l’Homme à étudier la science : la connaissance.
Dans son texte, Bachelard affirme en premier lieu que pour atteindre un raisonnement
scientifique qui ne sera pas biaisé, il faut dépasser l’opinion, qui est un vice de l’Homme lorsqu’il
s’agit des sciences.
L’opinion est, par sa nature, une action de pensée fondamentalement subjective, lorsque la
science est entièrement objective. « Son principe s’oppose absolument à l’opinion », écrit Bachelard.
En effet, par définition, la science ne peut être expliquée que par des faits, des expériences, des
démonstrations. Selon Bachelard, « l’opinion pense mal, elle ne pense pas ». Cette citation du
philosophe affirme ainsi sa propre définition de la pensée : la pensée doit être construite sur des faits
concrets, sans a priori et à partir d’exemples dont l’être humain est capable de prouver le
raisonnement. Ainsi, l’opinion ne peut penser, et le principe de science reste donc
fondamentalement opposé à celui-ci. L’opinion est par conséquent une croyance, ce qui est, par
définition, l’action de penser que quelque chose peut être vraisemblablement possible et non
fondamentalement possible. Selon Bachelard, l’Homme construit son opinion par rapport à son vécu
subjectif mais démontre la science par une vérité absolue.
Secondement, l’opinion est selon le philosophe, créatrice de critique et d’une seule vérité, la
vérité de celui qui propose l’opinion. Bachelard affirme « l’opinion a toujours tort  […], en désignant
les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaitre ». Par cette phrase, l’écrivain explique que la
vérité ne peut pas être dite sur un objet de par son unique apparence. Il est par conséquent
impossible de connaitre la vérité. Par exemple, certains connaissent le cochon sous une seule forme :
la forme du jambon. Cependant, le jambon n’est qu’une partie de ce qu’est ou ce que peut être le
cochon. L’animal n'est donc connu seulement sous une seule vérité, l’opinion diffère donc de celle-
ci : la vérité est crée par celui qui affirme l’opinion. Dans sa critique, l’opinion s’invente une vérité
dont il est difficile de se défaire. Il faut ainsi dépasser cette opinion pour trouver la vérité par un
raisonnement scientifique, ou bien il est impossible de se défaire d’une quelque subjectivité
concernant l’objet en question.
Enfin, l’opinion est une passion, une souffrance aimée de l’Homme auquel celui-ci se rattache
pour trouver sa propre vérité par peur de celle qui existe en dehors de sa conscience. L’opinion est
naturelle pour l’Homme, et celui-ci en a besoin pour trouver une ou plusieurs réponse qu’il sait
fausse mais qui ont pour objectif ultime de combler les zones floues dans son savoir. L’opinion
produit ainsi des connaissances qui ne sont en fait que des illusions et ne peuvent concorder avec le
raisonnement scientifique. A l’inverse, « l’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur
quelque chose que nous ne comprenons pas  ». L’opinion est maitresse de fausseté, tandis que l’esprit
scientifique détient la vérité. La science ne peut être partiellement ou nullement comprise si l’on
veut pouvoir poser un avis dessus. A contrario, l’Homme peut poser un avis sur un fait sans avoir
besoin de le comprendre. C’est dans ce cadre là que peut commencer ce que l’on appelle un
« dialogue de sourds », dans un contexte d’une discussion politique par exemple. Si un individu A ne
veut pas essayer de comprendre ce qu’affirme l’individu B, celui-ci peut poser une opinion sur celle
de l’autre, quand bien même il ne la comprends pas. C’est ici la plus grande différence entre la
science et l’opinion.

Gaston Bachelard affirme donc la première étape pour atteindre un raisonnement


scientifique est de ne pas laisser entrer en cohésion l’opinion et la science. Pour cela, celui-ci
explique qu’il faut remplacer l’opinion par la connaissance.
D’abord, Gaston Bachelard radicalise sa pensée en affirmant que « Il ne suffirait pas de la
rectifier sur des points particuliers  », «  il faut d’abord la détruire ». En effet, le principe même
d’opinion est illusoire, faux, il est donc impossible qu’il soit rectifié. Il considère qu’elle peut prendre
la place d’une « opinion vulgaire provisoire », mais doit être entièrement abolie. Cependant, pour
cela, il faut comprendre que la nature de l’esprit scientifique est empirique, et donc on ne peut
acquérir le réel raisonnement scientifique seulement par étape. La connaissance apportée doit aider
l’esprit à ne croire seulement que ce qui a été démontré ; s’il l’on y ajoutait l’opinion, celle-ci
apporterait d’autre croyances qui seraient donc par définition, fausses. L’apprentissage n’est par
conséquent par utile s’il est seul car il sera complété par l’opinion : il ne suffit donc pas d’apprendre
mais de comprendre la science pour atteindre le réel raisonnement scientifique. L’idée étant une
contrainte à la science, il faut éradiquer toute source d’opinion pour comprendre et ainsi atteindre le
raisonnement scientifique.
Enfin, pour arriver au raisonnement scientifique, selon Bachelard, « Il faut savoir poser des
problèmes […] c’est précisément ce qui donne la marque de la connaissance scientifique ». En effet, si
l’humain arrête de poser des problèmes, alors il continue à avoir une opinion sans raisonnement, ce
qui est la marque de la subjectivité ; l’Homme ne peut tout savoir dans la mesure où il est en
constante évolution, et par conséquent, la connaissance l’est aussi : elle doit se construire et se
chercher comme l’Homme se construit et se cherche. L’humain ne peut répondre à un problème sans
le comprendre, et on ne peut raisonner sans problème. « Les problèmes ne se posent pas d’eux-
mêmes », affirme le philosophe. Être capable de soulever une question est par conséquent un
facteur important de l’esprit scientifique. De plus, poser une question provoque obligatoirement sa
conséquence logique : essayer d’en trouver la réponse, et donc passer par une démonstration
scientifique, et ainsi, la connaissance est acquise.

Selon Bachelard, l’Homme ne peut pas savoir de nature, l’esprit scientifique et toute forme
de science est une construction empirique, un apprentissage de connaissance. C’est ainsi qu’il peut
être formé. Seulement, l’esprit scientifique ne peut être seulement si l’opinion ne se mêle par aux
démonstrations et aux connaissances. L’opinion se sépare donc radicalement de la raison, et doit
être éloignée, détruite de l’esprit lorsque celui-ci veut acquérir la connaissance scientifique, car elle
ne peut que biaiser le résultat si elle fait autrement. La méthode de l’esprit scientifique est donc
acquise, mais ne peut être atteinte que si elle est voulue. La vérité scientifique n’est pas naturelle, car
l’humain ne possède pas de connaissance à sa naissance, mais celui-ci cherche la vérité toute sa vie.
Pour certains, comme Bachelard, ils ne peuvent la trouver que par la science. L’Homme a besoin de
vérité et cela le pousse à chercher dans cette situation plus facile qu’est l’opinion.
Cependant, Bachelard affirme que l’opinion est maitresse de fausseté, et la science est
maitresse de raison. L’imagination est alors un vice, une passion amère de l’Homme qui ne lui
apporte seulement que des troubles. La science produit-elle ainsi toute la vérité ?

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