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Français-philosophie séquence 1 : « le partage du vrai et du faux devient […] insignifiant

CPGE scientifiques au regard de l’efficacité du « faire croire ». »


Lycées Turgot et Léonard Limosin Myriam Revault d’Allonnes, La Faiblesse du vrai, 2018
année scolaire 2023-2024

Séquence 1, séance 1 : croire et faire croire : corpus

Définitions de « opinion » du CNRTL1 :


1. « Manière de penser sur un sujet ou un ensemble de sujets, jugement personnel que
l'on porte sur une question, qui n'implique pas que ce jugement soit obligatoirement
juste. »
2. « Avis, jugement qu'une personne émet à la suite d'une délibération. »
3. « PHILOS., LOG. État d'esprit qui consiste à reconnaître le caractère subjectif de la con-
naissance que l'on a d'une chose, en inclinant à penser que cette connaissance se rap-
proche de la vérité tout en admettant qu'on se trompe peut-être. »
4. « SOCIOL. POL. Forme particulière de pensée, prise de position morale et intellectuelle
d'une société, d'un groupe social, professionnel ou ethnique en tant que force de
pression. »
Définitions de « croyance » du CNRTL :
a. « Certitude plus ou moins grande par laquelle l'esprit admet la vérité ou la réalité de
quelque chose »
b. « Adhésion de l'esprit qui, sans être entièrement rationnelle, exclut le doute et
comporte une part de conviction personnelle, de persuasion intime ».
Texte 1 : Gaston Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique, 1938

La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à
l'opinion. […] L'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En
désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion
: il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas par exemple, de
la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une
connaissance vulgaire provisoire. L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des
questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler
clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique,
les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'est précisément ce sens du problème qui donne la
marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une
réponse à une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien
ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit.

Texte 2 : Charles Peirce, La Logique de la science, 1877


L'irritation produite par le doute nous pousse à faire des efforts pour atteindre l'état de
croyance. Je nommerai cette série d'efforts recherche, tout en reconnaissant que parfois ce nom n'est
pas absolument convenable pour ce qu'il veut désigner.
L'irritation du doute est le seul mobile qui nous fasse lutter pour arriver à la croyance. Il vaut
certainement mieux pour nous que nos croyances soient telles, qu'elles puissent vraiment diriger nos

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de sujet.

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Français-philosophie séquence 1 : « le partage du vrai et du faux devient […] insignifiant
CPGE scientifiques au regard de l’efficacité du « faire croire ». »
Lycées Turgot et Léonard Limosin Myriam Revault d’Allonnes, La Faiblesse du vrai, 2018
année scolaire 2023-2024

actions de façon à satisfaire nos désirs. Cette réflexion nous fera rejeter toute croyance qui ne nous
semblera pas de nature à assurer ce résultat. La lutte commence avec le doute et finit avec lui. Donc,
le seul but de la recherche est d'établir une opinion. On peut croire que ce n'est pas assez pour nous,
et que nous cherchons non pas seulement une opinion, mais une opinion vraie. Qu'on soumette cette
illusion à l'examen, on verra qu'elle est sans fondement. Sitôt qu'on atteint une ferme croyance, qu'elle
soit vraie ou fausse, on est entièrement satisfait. Il est clair que rien hors de la sphère de nos
connaissances ne peut être l'objet de nos investigations, car ce que n'atteint pas notre esprit ne peut
être un motif d'effort intellectuel. Ce qu'on peut tout au plus soutenir, c'est que nous cherchons une
croyance que nous pensons vraie. Mais nous pensons que chacune de nos croyances est vraie, et le
dire est réellement une pure tautologie.

Texte 3 : René Descartes, Réponse aux objections contre les Méditations, 1642
L’auteur s’adresse à un lecteur critique de sa méthode du doute systématique.
Si d'aventure il avait une corbeille pleine de pommes, et qu'il appréhendât que quelques-unes
ne fussent pourries, et qu'il voulût les ôter, de peur qu'elles ne corrompissent le reste, comment s'y
prendrait-il pour le faire ? Ne commencerait-il pas tout d'abord à vider sa corbeille ; et après les autres,
ne choisirait-il pas celles-là seules qu'il verrait n'être point gâtées ; et, laissant là les autres, ne les
remettrait-il pas dans son panier ? Tout de même aussi, ceux qui n'ont jamais bien philosophé ont
diverses opinions en leur esprit qu'ils ont commencé à y assumer dès leur bas âge ; et, appréhendant
avec raison que la plupart ne soient pas vraies, ils tâchent de les séparer d'avec les autres, de peur que
leur mélange ne les rende toutes incertaines. Et, pour ne se point tromper, ils ne sauraient mieux faire
que de rejeter une fois toutes ensemble, ni plus ni moins que si elles étaient toutes fausses et
incertaines ; puis, les examinant par ordre les unes après les autres, reprendre celles-là seules qu'ils
reconnaîtront être vraies et indubitables.

Texte 4 : Hume, Enquête sur l’entendement humain, 1748

La croyance est une conception d’un objet plus vive, plus vivante, plus forte, plus vigoureuse,
plus solide que celle que l’imagination seule soit jamais capable d’atteindre. Cette variété de termes,
qui peut sembler si peu philosophique, est seulement destinée à traduire cet acte de l’esprit qui nous
rend les réalités, ou ce que nous prenons pour telles, plus présentes, qui leur donne plus de poids dans
l’esprit et une influence plus grande sur les passions et l’imagination.

Texte 5 : Spinoza, Traité théologico-politique, 1670


Si les hommes avaient le pouvoir d’organiser les circonstances de leur vie au gré de leurs
intentions, ou si le hasard leur était toujours favorable, ils ne seraient pas en proie à la superstition.
Mais on les voit souvent acculés à une situation si difficile, qu’ils ne savent plus quelle résolution
prendre ; en outre, comme leur désir immodéré des faveurs capricieuses du sort les ballotte
misérablement entre l’espoir et la crainte, ils sont en général très enclins à la crédulité. Lorsqu’ils se
trouvent dans le doute, surtout concernant l’issue d’un événement qui leur tient à cœur, la moindre
impulsion les entraîne tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; en revanche, dès qu’ils se sentent sûrs d’eux-
mêmes, ils sont vantards et gonflés de vanité.

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