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1) L'opinion est une réponse imaginée en l'absence de savoir pour donner sens à ce qui nous

préoccupe. Or, l'imagination ne fait pas appel à la raison. Donc fondamentalement, par définition,
l'opinion se développe sans la coopération de la raison. D'autre part l'opinion se développe en
l'absence de savoirs. Cela implique deux choses :
-Premièrement que l'opinion est une illusion de savoir qui vise à nous rassurer et qui s'auto-
entretient. En d'autres termes l'opinion ne fait pas appel à la raison de peur de trouver des réponses
contradictoires qui ébranleraient les certitudes rassurantes : l'opinion se fait donc sans le
consentement de la raison. Une opinion va être plus facilment acceptée si elle est en accord avec
nos certitudes que si elle est objectivement vraie.
-Deuxièmement que les opinions s'intériorisent également le plus fortement à un âge où l'individu
n'a pas d'esprit critique pour les relativiser ni de connaissances pour les nier. En bref elles
s'enracinent sans faire appel à la raison.
De surcroît l'opinion a un rôle émotionnel, on est attaché à ses opinions. Or la raison et les
sentiments sont deux choses distinctes. Encore une fois la raison ne joue aucun rôle dans le
développement de l'opinion.
En outre l'opinion est très souvent apportée par d'autres individus ou par la culture qui fournit un
réseau d'interprétation prêt à emploi. Le sujet ne fait donc pas appel à sa raison, élabore rarement de
réflexion pour aboutir à une opinion.
Somme toute, sur de nombreux plans, l'opinion se développe sans la coopération ni le
consentement, c'est-à-dire sans l'utilisation ni l'approbation de la raison.

2) Les nouvelles opinions en accord avec les précédentes sont facilement adoptées : elles se greffent
sur la base des autres opinions et les confortent dans le même temps. La réalité perçue à travers les
lunettes de l'opinon devient de plus en plus tamisée, filtrée par l'ajout d'opinons. De plus, le réseau
d'opinion s'enrichit, se crée ses propres systèmes : il explique tout ce qui est vu selon SON
fonctionnement et s'auto-explique.
Rester dans son opinion implique donc que l'on voit les choses, le monde que d'une seule façon. Or
si il n'y a qu'une interprétation proposée, elle apparaît comme une évidence : le monde paraît alors
précis, fini, évident car on ne l'explique que d'une seule façon.
C'est le cas de la culture, réseau d'interprétations, sens commun, qui se propose de tout expliquer et
qui veux donner un sens au monde et le rendre compréhensible et donc plus rassurant.
L'homme fait en sorte de rendre le monde précis fini et évident afin de le rendre rassurant. En effet
l'homme est plus tranquille si il ne se pose pas de questions grâce aux modèles de la culture et reste
dans ses opinions.
Mais cela le conduit à rejeter toute situation non habituelle, à s'enfermer dans des certitudes ce qui
limite ses connaissances et leur développement. L'homme perd ainsi ses meilleurs atouts de survie :
son intelligence évolutive et sa capacité adaptative (l'homme ne prévoit plus d'autres situations car il
n'imagine pas le monde différement).
Rester dans ses opinions signifie donc à terme une diminution drastique des chances de survie de
l'homme. De plus s'enfermer dans ses opinions signifie ne plus être libre car les opinions nous
influencent dans nos choix, donc on limite nos choix à ceux rendus possibles par l'étroitesse de
quelques opinions.
En dernière analyse, si plusieurs individus restent dans leurs opinions (par exemple ils n'acceptent
que leur culture, cet ensemble d'opinions), ils ne pourraient pas se comprendre (car leur vision des
chose très étroite les empêche d'imaginer ce que peuvent penser les autres) et engendre des conflits
car ils ne peuvent se mettre d'accord, les uns voulant imposer aux autres ce qui est selon eux la
vérité.

3) Philosopher c'est en partie redécouvrir la complexité du réel cachée par les opinions
simplificatrices en les remettant en question, en doutant volontairement pour trouver des réponses
plus objectives afin de tenter de s'pprocher de la vérité avec une approche rationnelle.
Or, les opinions forment un réseau, elles s'expliquent, se complètent les unes les autres : elles sont
inter-dépendantes. Par conséquent, comme "commencer à philosopher" consiste à remettre en
question ses opinions, et donc soit à en détruire volontairement certaines, soit à se rendre compte
(comme il est fort probable) que des opinions superficielles ne sont pas fiables, des opinions
s'écroulent et ont un effet cascade dans le réseau. Même les opinions les plus enracinées finissent
par être touchées : car au début seules les opinions peu enracinées tombent, mais plus il en tombe,
plus le doute et le sentiment que rien n'est absolument certain grandissent, et plus il y a de doute,
plus il touche des opinions profondes, intériorisées très fortement.
De surcroît, les éléments qui nous paraissent être les plus ordinaires le sont car les interrogations,
les préoccupations qu'ils ont suscité chez le sujet ont été résolues par une idée qu'il s'est faite sur
l'élément en question (ou souvent apportée par la culture), mais qui n'est peut-être pas la vérité : une
opinion. Plus cette idée, cette opinion, est intériorisée, plus la réponse qu'elle apporte va apparaître
évidente et rendre l'objet plus ordinaire (il sera facilement interprété).
Or nous venons de voir que, par effet cascade, commencer à philosopher rend instable jusqu'aux
opinions les plus enracinées. Donc par réciprocité, les opinions qui étaient évidentes n'expliquent
plus les objets anciennement très ordinaires. Ces éléments suscitent alors des questions très
compliquées car le sujet ne peut plus répondre, rendre de nouveau l'objet ordinaire et rassurant, par
une autre simple opinion (car il philosophie). Il doit démontrer les choses avec rationalisme.
Pourtant le réel est trop complexe pour être totalement compris. Expliquer avec méthode revient à
démontrer ou à expérimenter, mais démontrer ne peut se faire que dans la limite de nos
connnaissances et d'une logique humaine, et expérimenter ne peut saisir que ce que nous savons
mesurer. Aussi les interrogations soulevées par les objets anciennement les plus ordinaires, ne sont
résolues qu'en petite partie.
Somme toute nous voyons que à cause de son effet cascade "commencer à philosopher", qui remet
en question jusqu'aux opinions les plus intériorisées, permet de découvrir que "même les choses les
plus ordainaires de la vie quotidienne conduisent à des problèmes auxquels nous ne pouvons donner
que des réponses très incomplètes" car sans certitude subjective des opinions, trouver une réponse à
des questions liées au réel est très difficile : les méthodes de résolution les plus objectives à notre
disposition sont limitées.

4) S'étonner, c'est ne pas accepter d'emblée ce que l'on perçoit, mais se demander pourquoi ce que
l'on a perçu est tel, pourquoi on l'a perçu... S'étonner implique que l'on accepte pas une réponse
toute faite donnée aux choses, que l'on est pas enfermé dans des certitudes.
S'étonner c'est donc garder sa capacité de remise en cause et de vouloir chercher une réponse qui
satisfait notre interrogation.
Ainsi il est essentiel de s'étonner pour philosopher et douter ; doute qui nous amène à chercher des
réponses plus objectives et suffisamment argumentées pour pouvoir satisfaire le sentiment
d'incertitude. Donc l'étonnement nous libère de l'opinion primaire.
D'autre part, s'étonner nous permet de rester ouvert à tout. Devant un phénomène tout à fait
nouveau, quelqu'un qui sait s'étonner sera surpris, mais pas plus que pour toutes les autres choses
qui l'ont déjà étonné. Il cherchera par la suite à expliquer le phénomène comme il l'a fait pour les
autres : avec une méthode rationnelle. Alors que avec quelqu'un qui ne sait pas s'étonner, le
phénomène sera soit catégorisé par son système préconçu d'interprétation, soit rejeté car totalement
incohérent, vu comme une erreur.
S'étonner est donc non seulement une exigence intellectuelle (car cela veut dire que l'on est pas
enfermé dans des certitudes qui vitrifient nos connaissances) mais a également un intérêt existentiel
car ce comportement permet de rester ouvert : même si l'on ne trouve pas de réponse, l'étonnement
"élargit le champ de nos pensées" via diverses solutions possibles et nous libère des fausses
évidences de l'opinion qui nous emprisonnent.
Tout autrement, en s'étonnant l'homme peut être étonné d'exister. Il va ainsi chercher un sens à son
existence, et si il n'en trouve pas, il va lui donner un sens lui même. Au contraire un individu sans
sens de l'étonnment ne sera pas étonné d'exister, aura déjà une explication préconçue, et ne pourra ni
savoir ni décider pour quoi il existe.

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