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Objectifs 3
Introduction 4
3. De l'imitation créatrice au plagiat, ou à partir de combien de grains de sable a-t-on un tas ? .....
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Question de synthèse 21
Glossaire 22
Références 23
Objectifs
Comprendre les enjeux du plagiat, clarifier ses idées sur cette notion et ses conséquences dans la
pratique universitaire
Distinguer l'emprunt créatif et la copie
Effectuer des repérages dans l'histoire culturelle, autour de la question du statut de l'auteur
Engager une réflexion sur la tension entre liberté et propriété dans le domaine culturel
A la fin de ce cours, vous aurez réfléchi sur la manière dont vous devez utiliser vos sources, et mis
en place quelques points de culture générale.
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Introduction
Le plagiat, est-ce vraiment une faute ? Créer, n'est-ce pas faire du neuf à partir de l'ancien ? Lorsque
l'on dit à un écrivain que son écriture fait penser à Proust, lui fait-on un compliment, ou l'accuse-t-on de
vol ?
A l'heure de l'internet, la question se pose de plus belle. Les contenus abondent, nous en sommes
écrasés, et certains n'ont pas d'auteur unique ; les reprendre, est-ce plagier ?
On pourrait faire une réponse simple et univoque : oui.
En droit, reprendre les termes d'une autre œuvre sans le dire, c'est plagier, si la reprise est prouvée.
Dans les règlements universitaires, le plagiat est interdit : des chartes, des règlements vous disent de
ne pas copier l'œuvre d'autrui, publiée ou non, tout particulièrement dans vos productions évaluées :
examens, mémoires. L'infraction à cette règle risque de vous coûter votre validation de diplôme, une
interdiction d'examen, une exclusion temporaire de votre université ou de tout établissement public...
Avez-vous un peu peur ? C'est bien. Mais ce n'est pas suffisant. Car les questions posées plus haut se
posent, et il serait préférable d'y apporter des réponses. L'objectif de ce cours est que vous compreniez
ce qu'est le plagiat, et pourquoi il faut l'éviter ; que vous respectiez cette règle, non par peur, mais par
assentiment, par conviction, par engagement personnel.
Pour cela, nous allons commencer par critiquer l'idée de plagiat. L'interdiction du plagiat n'est pas une loi
sacrée : c'est une règle qui n'a pas toujours existé, a été inventée, et que l'on peut questionner. Ce sera
aussi l'occasion d'un parcours dans l'histoire de la création intellectuelle et de la manière dont elle a
été pensée aux différentes époques.
Mais pour comprendre de quoi nous parlons, observons d'abord quelques exemples - avec les yeux et les
oreilles.
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En guise de préambule : quelques exemples assez frappants
En guise de
préambule : quelques I
exemples assez
frappants
Dans la saison d'été, une fourmi rôdant dans la campagne, ramassait des
grains de blé et d'orge, et les mettait en réserve pour s'en nourrir en hiver.
Un escarbot - p.22 § l'aperçut et s'étonna de la voir si laborieuse, elle qui
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En guise de préambule : quelques exemples assez frappants
Capture
https://webtv.parisnanterre.fr/permalink/v125613b49be8sw9td0b/
Être journaliste, est-ce faire du copier-coller dans Wikipedia ?
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1. Plagiat et création, une relation floue
1. Plagiat et création,
une relation floue II
Dans cette partie, nous allons voir qu'il n'est pas toujours facile de distinguer la création, qui passe
nécessairement par une phase d'imitation, et le plagiat, qui en reste à cette phase et ne la dépasse
pas. Dans certains cas, la frontière n'est pas nette. Mais cela ne signifie pas qu'elle n'existe pas.
La lutte contre le plagiat est un domaine en expansion, tout particulièrement dans l'université.
Les UFR se dotent de logiciels anti-plagiat, capables de retrouver les traces même maquillées de
sources connues, rédigent des chartes morales, sanctionnent lourdement les transgressions.
Pourquoi tant d'attention ? Internet et le numérique sont sans doute l'une des principales
explications. Il est aujourd'hui plus que jamais facile de plagier ; il n'est plus nécessaire de
fouiller les bibliothèques, il suffit de se laisser glisser sur la pente. La numérisation permet des
couper-coller indolores. On peut presque plagier sans s'en rendre compte : le dérapage ressemble
parfois à un lapsusLapsus- p.22 § .
*
Les sources abondent, et sur internet, elles sont souvent déjà plagiées. Ce n'est pas seulement
une question d'abondance, de facilité, mais aussi de détachement du lien qui unissait un texte à
son auteur. La numérisation détache les textes de la forme-livre, qui les associait étroitement et
physiquement à un auteur unique, du moins depuis l'invention de l'imprimerie (voir le cours sur
ce sujet).
Nous sommes peut-être en train de revenir à une situation comparable à celle du Moyen Âge,
où le texte pouvait être modifié par plusieurs intervenants, auteur régulièrement collectif,
copiste, libraire (qui était aussi l'éditeur) : « Le texte valait pour lui-même, presque
indépendamment de sa signature », explique la spécialiste française du plagiat,
H. Maurel-IndartPlagiats, les coulisses de l'écriture. On le modifiait, l'augmentait, le liait à d'autres textes,
et le plagiat « se distinguait mal de l'écriture originale qui fonctionnait de toute façon par
superpositions successives de textes d'origines diverses ».
Remarque
L'écriture collaborative, le « wiki », systématise ce processus. On peut citer un article de Wikipédia,
en espérant qu'il dise juste, mais on aura du mal à donner son auteur, et l'on ne peut pas garantir
qu'il dira la même chose deux mois plus tard. C'est pourquoi il faut toujours citer la date de
consultation.
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1. Plagiat et création, une relation floue
Le plagiat quotidien
Il n'y a pas que de grands plagiats manifestes, donnant lieu à des œuvres publiées et vendues ;
vus de l'extérieur, ils paraissent être le fait d'individus à l'équilibre psychologique instable, de
personnes qu'un état d'esprit singulier ou une situation difficile ont conduits à se
déconnecter du réelDu plagiatau point de s'emparer délibérément de la création d'autrui. Mais il
faut aussi parler du petit plagiat quotidien, de celui que chacun d'entre nous peut être tenté de
faire, par manque de temps, fatigue, stress, toutes raisons qui affaiblissent notre « surmoi »,
c'est-à-dire notre aptitude à nous conduire en individus responsables et lucides, conscients des
conséquences de leurs actes.
Remarque
un tas. Mais dans ce cas, à partir de quel grain passe-t-on de « quelques grains de sable » à un
tas ? Le 32e ? Le 57e ? On ne peut pas répondre à cette question. On ne peut pas dire quand
l'on passe du non-tas au tas, et pourtant, la différence qui les sépare existe (>> aller plus loin).
Il en va de même de la différence entre l'imitation créatrice et le plagiat. La limite
entre les deux n'est pas toujours facile à percevoir ; mais ce n'est pas pour cela qu'elle n'existe
pas.
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1. Plagiat et création, une relation floue
Internet, un révélateur
Dans certains cas, le plagiat n'est pas un fait clairement identifiable, mais plutôt une « zone
grise », entre copie servile et inspiration créatriceDu plagiat. La spécialiste française du plagiat, H.
Maurel-Indart, explique qu'il y a une quinzaine d'années, le sujet était tabou. On n'osait guère
parler de plagiat, car on sentait bien que les grands auteurs eux-mêmes risquaient d'être
mis en causeDu plagiat. La proximité avec la création, l'invention, faisait peur. Paradoxalement,
c'est sans doute internet qui a changé cette situation (et le travail de quelques chercheurs, qui
ont enquêté sur ce phénomène). Internet a révélé, notamment à l'université, l'existence d'un
plagiat trop manifeste, trop grave pour pouvoir être ignoré.
* *
*
Il est important de réfléchir à la frontière entre imitation créatrice et plagiat , car entre les deux, l'on
bascule d'un processus de perfectionnement de sa pensée au vol intellectuel. Dans cette partie, nous avons
vu qu'une certaine confusion pouvait régner, pour des raisons profondes, presque anthropologiques (nous
apprenons par l'imitation), et pour des motifs liés à la grande mutation que nous vivons, celle de la
numérisation. Dans les parties qui suivent, nous allons voir que cette relative confusion s'ancre également
dans notre histoire culturelle.
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2. Éloge du plagiat. La doctrine de l'imitation.
2. Éloge du plagiat.
La doctrine de III
l'imitation.
Le relatif flou entre imitation créatrice et plagiat est aussi un héritage de notre histoire culturelle.
Celle-ci a largement favorisé l'imitation et négligé le vol intellectuel, jusqu'à ce que la situation
devienne intenable. Après l'éloge du plagiat viendra la révolte.
Dans cette partie, nous allons voir qu'à l'âge classique, la notion de plagiat n'existe pas, et que la
création est perçue avant tout comme une imitation. Nous verrons sur quelles grandes idées s'appuie
cet éloge de l'imitation. Nous distinguerons imitation du passé et du présent, et nous verrons que
l'on peut même parler, dans une certaine mesure, d'une imitation du futur.
Au XVIe siècle, on n'aime pas l'originalité ni la nouveauté. Les catholiques accusent les
protestants de vouloir apporter de la nouveauté dans la religion, ce qui leur paraît affreux ; les
protestants leur répondent que ce sont eux qui ont apporté des nouveautés monstrueuses dans la
religion instaurée par le Christ, au cours du Moyen Âge. Ils veulent revenir à la religion des
origines. A cette époque, le meilleur moyen de prouver ce que l'on dit est de trouver un auteur
ancien qui l'avait déjà dit, en latin, ou mieux encore, en grec.
C'est ce que fait Montaigne. Il ne cesse d'appuyer ses dires sur des citations d'auteurs
antiques. Est-ce parce qu'il ne dit que des banalités ? Au contraire. Montaigne dit des choses
très nouvelles en réalité. Il explique que les cannibales ne sont pas inférieurs aux chrétiens
occidentaux, qu'ils sont même plus courageux, plus purs, plus proches de leurs origines, et bien
moins cruels (v. le cours "humanisme"). Il parle de la liberté du membre viril, qui s'émeut
quand il ne faudrait pas, et reste coi quand il faudrait intervenirLes Essais, livre .I
Montaigne dit beaucoup de choses nouvelles, et c'est pour cela qu'il s'appuie sur des auteurs
anciens, pour donner le sentiment qu'il ne fait que développer ce que les Anciens ont dit. En
réalité, il y a souvent un petit décalage entre ce qu'ont dit les Anciens et ce qu'il dit lui-même.
Cette pratique concerne les auteurs les plus connus. Un siècle plus tard, Corneille estime que
les bonnes tragédies, celles qui prennent le public aux tripes, sont celles où l'on voit un frère
amoureux de sa sœur, une mère qui tue son fils...Mais comment raconter de telles horreurs sans
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2. Éloge du plagiat. La doctrine de l'imitation.
L'image qui symbolise la création à cette époque, elle-même transmise d'auteurs en auteurs
depuis l'Antiquité, est celle d'une abeille butinant les fleurs. Fleurs, florilège : la littérature
antique est perçue comme une source, un jardin de fleurs dont il faut faire son miel. Cette
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2. Éloge du plagiat. La doctrine de l'imitation.
, et est donc reprise de texte en texte, symbolise l'importance de l'imitation dans cette
- p.23 ¤
*
culture.
Nous savons dire : « Cicéron parle ainsi ; voilà les préceptes moraux de
Platon ; ce sont les mots mêmes d'Aristote. » Mais nous, que
disons-nous, nous-mêmes ? Que faisons-nous ? Que jugeons-nous ? Un
perroquet en dirait bien autant.
[...]
Que nous sert d'avoir le ventre plein de nourriture si elle ne se digère
pas ? si elle ne se transforme pas en nous ? si elle ne nous rend pas plus
grands et plus forts ?
Au chapitre suivant, consacré à l'éducation des enfants, il suggère de leur donner un maître «
qui eut plutôt la tête bien faite, que bien pleineI, 26 ». Il y reprend l'image de l'abeille :
Un siècle plus tard, le précepteur de Louis XIV se souvient sans doute de ces pages, lorsqu'il
transforme la métaphore en une mini fable, celle de l'abeille et la fourmi :
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2. Éloge du plagiat. La doctrine de l'imitation.
L'on peut dérober à la façon des abeilles sans faire tort à personne,
mais le vol de la fourmi, qui enlève le grain entier, ne doit jamais être
imité.
Nos auteurs classiques ne se contentent pas de copier les Anciens ; il picorent parfois aussi chez
leurs contemporains. La Fontaine ne s'inspire pas seulement d’Ésope. Il puise à d'autres sources
vénérables : Horace, qu'il utilise plus qu'Ésope et ne cite pourtant pas, Phèdre, les Évangiles, le
Roman de Renart, et au siècle précédent, Rabelais et MontaigneFables. Il puise aussi chez ses
contemporains, sans juger utile de le dire : notamment dans un recueil de facéties d'un certain
Louis Garon, ou chez Guez de Balzac ; il s'inspire aussi des interprétations de certains savants
de son époque, qui lui fournissent des éléments de morale (Faerne, Guéroult, Corrozet...)Fables.
Cette attitude peut en partie s'expliquer par le fait qu'à cette idée de modèles antiques s'ajoute
une autre idée, qui continue aux temps modernes, et retrouve un certain regain avec le wikiwiki
- p.22 § : la culture collaborative, l'idée que la création est toujours amalgame d'influences
*
diverses, qui peuvent être antérieures ou contemporaines. Cette idée coïncide avec le rêve d'une
République des Lettres dépassant les frontières nationales, d'une culture cosmopolite,
qu'illustre notamment, au début du XVIe siècle, Érasme, écrivain néerlandais qui parcourt
l'Europe de l'Italie à l'Angleterre, et échangeant des lettres avec plus de 600 correspondants. Ce
rêve persistera jusqu'au siècle des Lumières : Rousseau, Voltaire, les grands philosophes, voient
tous le cosmopolitisme d'un œil favorable.
Là encore, Montaigne est un passeur d'idées, communiquant les idéaux de son siècle finissant
aux moralistes du XVIIe siècle et aux philosophes du XVIIIe. Juste avant l'image de l'abeille
citée plus haut, il écrit :
Ainsi selon lui, peu importe qui a dit telle ou telle chose ; quand une pensée est juste, elle est la
vérité, et n'appartient à personne. Belle idée, qui a sans aucun doute sa part de vérité, mais qui
peut aussi cautionner bien des dérapages, nous le verrons.
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2. Éloge du plagiat. La doctrine de l'imitation.
Sur le même registre, un ouvrage de la même époque au titre évocateur, La Formation du style
par l'assimilation des esprits (1901), cite ces vers de MussetLa Formation du style par l'assimilation des esprits :
Il n'est peut-être pas étonnant que le maître d'école fasse les frais de cette rébellion contre les
règles. Nous verrons plus loin que Musset a parfois eu une conception très large de l'emprunt
littéraire. On voit ici s'affronter nos deux problèmes de départ : une conception de la création
comme oeuvre commune de l'humanité, et le sentiment que malgré tout, protéger idées et
œuvres d'art contre la copie sauvageUn autre éloge récent- p.24 ¤ peut être profitable à leurs auteurs.
*
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2. Éloge du plagiat. La doctrine de l'imitation.
Le concept d'intertextualité
Complément
Dans les autres arts, la copie est sans doute encore plus naturelle qu'en littérature. La moindre
visite de musée nous montre ce qu'il en est en peinture, et qu'à l'époque de Picasso encore les
grands artistes aimaient prendre le même sujet pour le traiter plus ou moins différemment. Copier les
œuvres des grands artistes, c'est une activité essentielle de l'apprenti dans son atelier.
Il en va de même pour la musique. Tout musicien a commencé par jouer les morceaux des autres :
tout compositeur a été interprète, c'est dans la nature de cette discipline. Beethoven reprend les
mélodies de Mozart, les mélodies de Chopin sont reprises en jazz et chantées par Gainsbourg...On
peut aussi croiser : L'opéra de Mozart Les Noces de Figaro est une adaptation de la pièce de
Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, parue quelques années avant ; non moins célèbre, la Traviata
de Verdi (1853) est tirée du roman La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas (1848), par
l'intermédiaire de son adaptation théâtrale (1852).
Il n'empêche : en musique comme ailleurs, le plagiat existe aujourd'hui, et est sanctionné. S'il existe
des cas peu clairs, d'autres le sont parfaitement. Le cas de « ressemblance musicale » cité en exergue
de ce cours, entre la chanson « Somebody that I used to know » de Gotye et « Seville » de Luis
Bonfa, grand guitariste et chanteur des années 60, a donné lieu à un procès qui s'est soldé par le
versement de « 45% environ des gains de Gotye [...] aux proches du chanteur brésilien » (
qui n'avaient sans doute pas hérité autant de leur aïeul« Pourquoi parle-t-on du "plagiat" de Gotye mais des "samples" de
Daft Punk ? »
- p.23 ¤
*
).
Vous aurez peut-être remarqué que l'on reconnaît aussi, dans l'introduction de "Somebody...", l'air
de "Ah vous dirais-je maman", joué par une sorte de xylophone. Gotye ne risque pas d'être inquiété
pour cet emprunt : l'air date du XVIIIe siècle et est donc libre de droits ; son auteur est anonyme,
même si l'air a été rendu célèbre par les variations composées par Mozart autour de ce thème
musical ( K.265). Cet air est tellement célèbre que l'accusation de plagiat ne tient pas : Gotye l'a
inséré par jeu dans l'introduction de sa chanson, l'air est là pour qu'on le reconnaisse. Ce n'est plus
du plagiat.
Fondamental
Il existe plusieurs modes de copie d'une autre œuvre. La parodie, l'allusion explicite, ne sont pas des
plagiats. Le plagiat est un emprunt dissimulé, à un ouvrage qui ne fait pas partie d'un patrimoine
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2. Éloge du plagiat. La doctrine de l'imitation.
L'une des conséquences de cette idée d'imitation vertueuse est le concept de plagiat par
anticipation, développé par les surréalistes, et repris récemment par un universitaire amateur de
paradoxes, Pierre BayardLe plagiat par anticipation.
L'idée est la suivante. Si toutes les œuvres sont connectées par des liens de ressemblance et
d'influence, il arrive que certaines contiennent des idées, thèmes, motifs, que d'autres
développeront plus tard, et rendront célèbres. Dans ce cas, le premier auteur pourra a posteriori
être reconnu comme un précurseur. Il bénéficiera ainsi de la grandeur donnée à son idée par
celui qui est venu après lui. N'est-ce pas alors lui qui vole son originalité au grand auteur venu
après lui ?
Cette réflexion peut paraître fantasque, mais la question se pose réellement dans certains cas de
plagiats musicaux. Un cas retentissant fut en 2014 l'accusation portée contre le groupe mythique
Led Zeppelin d'avoir trouvé l'introduction de son tube le plus célèbre, « Stairway to Heaven »,
dans une chanson interprétée en 1971 par le groupe Spirit, aujourd'hui très largement oublié.
L'accusation est problématique, dans la mesure où les musiciens du groupe Spirit ne se
manifestent que 40 ans après les faits, et que la ressemblance n'est pas flagrante. Dans cette
situation, on pourrait penser à une simple coïncidence.
Remarque
En tapant « ressemblances musicales » sur internet, vous verrez que le phénomène est courant, y
compris en musique classique, et même entre la musique classique et le rock (mais il faut avouer
qu'avec la musique électronique, et le concept légèrement scabreux de « sample », les problèmes se
multiplient).
On pourrait se demander si ce n'est pas le groupe Spirit qui est malhonnête, jouant sur le fait
que la chanson de Led Zeppelin, bien plus connue que la leur, pourrait leur rapporter beaucoup
d'argent. Il pourrait s'agir d'un cas de création simultanée : le guitariste de Led Zeppelin, jouant
quelques notes d'introduction sur sa guitare, aurait trouvé la combinaison magique, comme il le
déclare, tombant inconsciemment sur un air qui existait déjà. Une explication intermédiaire
serait qu'il ait entendu cet air mais ne s'en souvienne pas. Certes, il est vrai que les deux
groupes avaient fait une tournée commune en 1969...20minutes.fr
Dans ce cas, on pourrait dire que le plagiaire est plutôt le groupe Spirit : il a copié par
anticipation un air qui ne pouvait devenir célèbre qu'avec le génie de Led Zeppelin. On pourrait
dire que la beauté du morceau de Spirit n'est révélée qu' a posteriori par celle du morceau de
Led Zeppelin. Spirit s'approprie une qualité dont il n'aurait pas été conscient sans son illustre
successeur.
Un autre exemple, plus proche ? Ce morceau vous dira peut-être quelque chose (si vous lisez la
version papier, cherchez "les chansons d'artistes feriol" sur votre téléphone):
On est étonné qu'un groupe ose copier de si près la mélodie d'une chanson qui a occupé les
premières places des ventes de musique en France, "Si seulement je pouvais lui manquer" de
Calogero. Comment ses auteurs ont-ils pu imaginer que l'on ne reconnaîtrait pas le modèle ?
Vous avez compris : l'explication est qu'ils ont composé leur chanson non pas après, mais avant
celle de Calogero (dont l'auteur déclaré est son frère). Pas longtemps avant, du reste : cette
chanson a été déposée fin 2001 à la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de
musique) par Laurent Feriol ; ce dernier a porté plainte contre Calogero, dont la chanson est
sortie en 2004. La condamnation initiale, un versement de 80 000 euros de dommages et
intérêts, a été contestée par le chanteur, puis confirmée par la cour d'appel, le 22 juillet 2015,
moyennant l'intervention d'experts. L'avocat de Calogero avait pourtant souligné que le titre
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2. Éloge du plagiat. La doctrine de l'imitation.
"Les chansons d'artistes" n'avait fait l'objet que d'une diffusion confidentielle, et qu'"à supposer
qu'elle ait été créée antérieurement", il ne pouvait s'agir que d'une "rencontre fortuiteSource
- p.24 ¤ ". Il n'était pas loin d'invoquer le plagiat par anticipation : la chanson de L. Feriol est à
*
jamais dotée d'un intérêt supplémentaire depuis le succès de "Si seulement je pouvais lui
manquer".
La madeleine de Proust
Revenons à l'écrit. L'un des exemples les plus frappants cités par P. Bayard est l'épisode célèbre
de la "madeleine de Proust". Dans ce passage de Du côté de chez Swann, le narrateur se rend
compte en trempant une madeleine dans son thé que certains goûts, certaines textures, peuvent
nous replonger dans des souvenirs enfouis en nous, et nous connecter avec l'atmosphère ancienne
et oubliée qui les accompagnait. Cette scène est très connue et est un vrai symbole de la
création proustienne. Mais plusieurs auteurs de cette époque, comme Edgar Quinet, avaient
développé des idées similaires auparavant. Ils auraient pu accuser Proust de plagiat. Mais il
aurait pu leur répondre que c'est son roman qui a rendu ce thème célèbre, et qu'ils sont les
bénéficiaires de cette convergence thématique. Edgar Quinet n'avait pas su montrer toute
l'importance de cette idée, et son texte n'est intéressant que grâce à Proust...Du côté de chez Swann
- p.23 ¤ .
*
17
2. Éloge du plagiat. La doctrine de l'imitation.
reconnus s'exemptent de citer les sources qu'ils ont utilisées, et qu'ils sont en mesure de
magnifier.
Remarque
On retrouve ce phénomène en sciences : quand plusieurs chercheurs travaillent en même temps sur les
mêmes questions, il est parfois difficile de dire qui est l'auteur de l'invention.
La question se pose même pour l'invention du vaccin par PasteurPlagiats, les coulisses... ; la théorie de
Darwin se rencontre sous des formes au moins partielles chez d'autres savants de son époque, et il
reste difficile d'en attribuer clairement la paternité. Il est d'autant plus nécessaire de signaler
clairement la part qui revient à chacun.
18
3. L'attitude libérale et ses dérapages.
3. L'attitude libérale
et ses dérapages. IV
Dans cette partie, nous verrons que la doctrine de l'imitation pose des problèmes et connaît des
excès, même à l'âge classique.
A l'âge classique, la notion de plagiat n'existe pas vraiment. A la méfiance vis-à-vis du nouveau
s'ajoute le rêve d'un partage des connaissances qui est aussi une part importante de
l'humanisme. La recherche de l'originalité est une idée moderne, née avec l'émergence de
l'individualité, qui s'amorce au XVIe siècle, avec l'humanisme, mais ne prend toute sa force qu'avec
le romantisme du XIXe siècle, mouvement marqué par un narcissisme assez fort. Auparavant, la
limite entre imitation, c'est-à-dire création, et plagiat, n'est pas nette. Mais cette liberté dans les
pratiques suscite quelques ambiguïtés et dérapages. Grincements de dents en perspectives.
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3. L'attitude libérale et ses dérapages.
Musset
Les exemples qui suivent sont des cas de copie manifeste (qui surviennent pourtant après la
prise de conscience de la nécessité de fixer des limites). Nous avons cité en exergue le cas de
cette reprise textuelle d'une pièce antérieure par
Alfred de Musset (XIXe), dénoncé par une revue de l'époqueIb:
Lamartine
Les vers les plus connus se révèlent parfois n'être que des emprunts. L'un des vers les plus
célèbres de Lamartine (dans « Le Lac ») est emprunté à un certain Antoine-Léonard Thomas :
Lamartine Thomas
Ô temps, suspends ton vol, et vous, heures Ô temps, suspends ton vol! Respecte ma
propices, jeunesse!
Un seul être vous manque, et tout est Un seul être me manque, et tout est dépeuplé !Ib
dépeuplé !
Impossible de parler de plagiat par anticipation quand la copie est aussi littérale ! Seule
consolation : on finit par oublier que ces vers sont de Lamartine. Il est donc un peu moins
décevant d'apprendre qu'ils ne sont pas de lui... Mais trêve de plaisanterie, le vol intellectuel est
ici sidérant.
Remarque
Parmi ces derniers exemples, plusieurs sont connus par les réactions qu'ils ont suscitées, par les
accusations qui ont été portées contre les écrivains, de leur vivant. Le fossé entre inspiration légitime
et plagiat illégal semble se creuser peu à peu. Notre éloge du plagiat tourne au vinaigre. C'est
qu'entre temps, la révolte a eu lieu.
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Ressources annexes
Question de synthèse
21
Glossaire
Glossaire
copieux
Au sens où l'on parle d'un "repas copieux", d'après le latin copia, "l'abondance".
coquilles
Cette expression désigne une erreur d'imprimerie (et depuis la machine à écrire, une erreur de
frappe, dans un document dactylographié). On ne sait pas exactement comment on est passé du
sens propre à ce sens figuré : peut-être d'une ancienne expression, « vendre ses coquilles », qui
signifie « tromper en vendant des objets sans valeur », ou encore de la forme de certaines lettres
retournées...(v. Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert dir. A. Rey, 1993, p. 496).
Escarbot
Scarabée, bousier.
Focalisation
Dans les termes de la « narratologie », ou étude du récit, on parlera ici d'une « focalisation interne
», notion que vous avez dû rencontrer dans vos études secondaires. Elle désigne le fait que nous
voyons les choses par les yeux d'un personnage unique, et que nous connaissons ses pensées.
Jan Hus
Celui-ci est moins connu, on vous aide. Jan Hus est un théologien de la fin du XIVe s. d'origine
tchèque, qui prit la tête d'un mouvement de réforme religieuse, contre l'autorité du pape, et finit
sur le bûcher en 1415. Les protestants voyaient en lui un précurseur.
Lapsus
Parole échappée, emploi involontaire d'un mot pour un autre (du latin lapsare, glisser).
paradoxe sorite
sorite est un adjectif dérivé de sõros qui en grec ancien signifie « tas ». Le paradoxe du tas de sable
est le premier des paradoxes sorites ; il a été formulé au IVe siècle av. J.-C. par un certain
Eubulide, et commenté par Hegel.
wiki
"Un wiki est un site web dont les pages sont modifiables par les visiteurs, ce qui permet l'écriture
et l'illustration collaboratives des documents numériques qu'il contient [...]. Le mot « wiki »
signifie « vite » en hawaïen. . Il a été choisi par Ward Cunningham lorsqu'il créa le premier wiki
[...], car c'est le premier terme hawaïen qu'il apprit lorsqu'il dut prendre un bus à la sortie de
l'aéroport. (Définition du mot "wiki" dans Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Wiki.
22
Références
Références
« Pourquoi parle-t-on
du "plagiat" de Gotye
mais des "samples" de
Daft Punk ? »
« Pourquoi parle-t-on du "plagiat" de Gotye mais des "samples" de Daft
http://www.francetvinfo.fr/culture/musique/pourquoi-parle-t-on-du-plagiat-de-gotye-mais-des-samples-de-daft-pun
A savoir ?
Vous devez savoir ce qu'est l'intertextualité, mais les termes hypotexte et hypertexte, plus spécialisés,
ne sont pas à connaître pour ce cours.
Byron
Byron (1788-1824), poète romantique anglais connu pour sa fougue et ses engagements.
Caractères
Les principales polices de caractères sont l'écriture gothique, qui imite la forme des voûtes de
cathédrales, et l'écriture caroline, que les pays d'Europe du sud trouvent plus lisible.
C ki ?
Si vous n'êtes pas sûrs de savoir qui sont ces personnages, c'est le moment d'apprendre à compléter
votre lecture du cours par une petite recherche documentaire.
Ibid. Ibid.
Platon
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Références
Platon parle de l'âge d'or, celui dans lequel les hommes vivaient dans la pureté, avant d'être corrompus
par tous les vices que nous connaissons. L'actualité est plus forte que le mythe : les Indiens d'Amérique
sont plus purs que les hommes de l'âge d'or évoqués par Platon, à qui Montaigne donne donc une petite
leçon d'utopie.
Pulci Luigi Pulci (1432 - 1484), poète italien de la fin du Moyen Âge.
Source
http://www.europe1.fr/culture/calogero-sa-condamnation-pour-plagiat-confirmee-en-appel-1369708
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