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BTS 2e année
Laure Belhassen
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Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 2 / 15
SÉQUENCE 1 PRÉSENTER LE THÈME ET
SA PROBLÉMATIQUE
ACTIVITÉ 2 Paris, ville de tous les possibles
Objectifs
Cette activité vous permet de travailler les compétences suivantes pour l’épreuve :
repérer les idées essentielles d’un texte ;
faire preuve d’objectivité ;
reformuler une idée ;
rédiger un paragraphe de synthèse ;
analyser un document iconographique ;
comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ;
enrichir sa culture personnelle.
Document 1
Cet extrait laisse entendre que, sous le règne de Louis XIV, Paris est déjà une « ville-monde ». Si la population
parisienne est effectivement cosmopolite, Louis-Sébastien force le trait pour intégrer dans son recensement des
populations imaginaires. Sa fantaisie contribue à créer le mythe d’un Paris rayonnant et à fabriquer l’image de
Paris comme capitale culturelle et intellectuelle à l’échelle européenne.
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 3 / 15
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Objectif : enrichir sa culturelle personnelle.
Louis-Sébastien Mercier compare Paris à Babylone. Considérée comme la plus grande ville du monde aux VIIe
et VIe siècles avant J.-C., Babylone recèle différents mythes ; le premier est celui d’avoir hébergé les jardins
suspendus, l’une des sept merveilles du monde ; le second est d’avoir vu la construction de la tour de Babel ; le
troisième est d’avoir été une ville orgueilleuse et viciée.
Aidez-vous d’Internet ou d’une encyclopédie pour expliquer ce que représente cette tour mythique.
Mettez ensuite vos résultats dans la perspective du texte : en quoi la tour de Babel est-elle utile aux propos de
Louis-Sébastien Mercier ?
Reprenons ensemble
Nabuchodonosor, roi de Babylone, fit construire une grande tour en l’honneur du dieu Marduk : la ziggurat. Cette
tour apparaît dans La Genèse sous le nom de tour de Babel. D’une hauteur inégalée, elle incarne la volonté des
hommes de se rapprocher de Dieu. Mais cette tour déclenche la colère de Dieu par sa prétention à percer son
mystère. Sa destruction marque l’épisode de la dispersion des hommes sur terre. Alors qu’ils étaient unis par
la même langue, ils seront désormais séparés par la barrière des langues. Par la comparaison avec Babylone,
Louis-Sébastien Mercier souligne le caractère cosmopolite de Paris, ville polyglotte où se côtoient toutes les
cultures. Mieux, puisque le monde entier se trouve dans la capitale, il n’est pas utile de voyager pour le connaître.
Document 2
Marie Lazaridis et Serge Weber, « Les Paris des migrants », Hommes & migrations, 1308, 2014
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Objectifs : reformuler des idées ; rédiger un paragraphe de synthèse.
Quel est le point commun entre les documents 1 et 2 ? En quoi diffèrent-ils ?
Confrontez les idées exprimées par les auteurs en un paragraphe de synthèse. Mobilisez pour cela les verbes
adéquats pour reformuler les idées, comme vous avez appris à le faire en première année. Présentez également
les références des textes : nom des auteurs, titre des ouvrages et date de parution.
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 4 / 15
Reprenons ensemble
1. Rien ne subsiste pour la ville de Paris avant 1926 ; en revanche, les communes de banlieue possèdent la plupart du temps la collection
complète ou presque complète de leurs registres quinquennaux de population.
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 5 / 15
considérée comme la grand'rue. Cependant, ce quartier n'a jamais été le seul à abriter en grand nombre des juifs de l'est :
Saint-Gervais représentait à peine le quart de la population russe vivant à Paris en 1911. Montmartre et Clignancourt dans le
18e arrondissement, le 11e de nouveau, ou même encore le 5e comportaient une forte présence russe, et, par rapport au Shtelt,
grandissante, comme si les nouveaux émigrants juifs évitaient de s'installer dans le quartier juif. […] Les limites apparentes du
groupe étaient toujours vite atteintes, les univers non seulement coexistaient, mais chevauchaient. Bien sûr, cela ne préjuge rien de
la réalité et de l'harmonie des échanges entre ces groupes, mais à Paris, c'est toujours peu ou prou le coudoiement qui l'emportait.
Alain Faure « Comment devenait-on Parisien ? La question de l’intégration dans le Paris de la fin du XIXe siècle ».
In Paris le peuple : XVIIIe – XXe siècle, Éditions de la Sorbonne
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Objectifs : reformuler des idées ; faire preuve d'objectivité.
Ces objectifs sont liés dans la mesure où la reformulation d’une idée implique d’être objectif.
Paragraphe 1 : sélectionnez les phrases qui reformulent objectivement les idées de l’auteur.
a. Les émigrés de province prennent d’assaut certains quartiers et sont en supériorité numérique par rapport
aux natifs de Paris.
b. Les émigrés de Province ne représentent pas une part dominante de la population dans les quartiers qu’ils
occupent. Toutefois, ils ont tendance à converger vers les mêmes quartiers.
c. Les émigrés de province ont fortement tendance au repli communautaire dans les mêmes quartiers. Cette
logique de regroupement s’explique par la peur de la dispersion.
d. Les quartiers d’élection des émigrés correspondent aux opportunités professionnelles disponibles à proximité.
e. Les provinciaux s’installent plus favorablement dans les quartiers riches, vecteurs d’emploi.
Paragraphe 2 : quels verbes conviennent pour reformuler les idées de l’auteur ?
a. L’auteur [analyse], [critique], [déplore] le phénomène de regroupement des populations étrangères dans
certains arrondissements.
b. Alain Faure [s’insurge contre], [met en évidence], [dénonce] les causes du phénomène migratoire.
c. Alain Faure [regrette], [révèle], [rappelle] que les persécutions, notamment celles subies par les Juifs
d’Europe centrale et orientale sont/soient une des causes de la migration.
Reprenons ensemble
Paragraphe 1
Réponses correctes : Phrase b. – Les émigrés de Province ne représentent pas une part dominante de la population dans
les quartiers qu’ils occupent. Toutefois, ils ont tendance à converger vers les mêmes quartiers. Phrase d. – Les quartiers
d’élection des émigrés correspondent aux opportunités professionnelles disponibles à proximité.
Les phrases a. c. et e. sont fautives. La phrase a. dit le contraire de ce qu’affirme l’auteur. La phrase c. est une
interprétation, loin de l’objectivité requise pour la synthèse. La phrase e. est une approximation.
Paragraphe 2
Cet article est plutôt un document à valeur historique.
Phrase a. : « analyse ». Les verbes « critiquer » et « déplorer » indiquent une prise de position polémique, ce
qui ne convient pas.
Phrase b. : « met en évidence ». Les verbes « s’insurger » et « dénoncer » ne conviennent pas pour reformuler
ce type d’écrit.
Phrase c. : « rappelle ». Le verbe « révéler » pourrait convenir, mais le phénomène étant connu, « rappeler »
convient mieux.
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 6 / 15
2. Cas particulier des Auvergnats
Les documents 4 et 5 traitent de l’immigration provinciale et plus spécifiquement de celle des Auvergnats pour
le document 4.
Document 4
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 7 / 15
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Objectif : repérer les idées essentielles d’un texte.
1. Quelles sont les qualités des Auvergnats selon l’auteur ?
2. Quelles sont les informations essentielles de ce texte ? (Métiers et raisons de la migration.)
Résumez les idées essentielles de ce texte en un court paragraphe.
Reprenons ensemble
Proposition de résumé.
Courageux, inventifs et travailleurs, les Auvergnats sont tour à tour porteurs d’eau puis marchands de bois ou
de charbon. Ces derniers sont établis dans des boutiques et complètent leurs revenus en travaillant comme
allumeurs de réverbères. Certains d’entre eux vont aussi vendre du vin dans leur boutique. Si la migration
des Auvergnats s’explique par la difficulté de la condition paysanne, la province d’origine n’est pas pour autant
oubliée. Une part des économies y est envoyée tandis que les plus jeunes continuent de « monter » à la capitale,
accueillis par leurs aînés.
Document 5
À vous de chercher
Objectif : analyser un document iconographique.
Le dossier de synthèse comporte très souvent un document iconographique : photographies, publicités,
peintures, gravures, bandes dessinées ou, comme ici, illustration. Comme vous avez appris à le faire en première
année, il faut la décrire brièvement (éléments principaux, sujet) et interpréter l’image (passer du code visuel ou
code écrit). Le document iconographique doit toujours être analysé dans la perspective des documents textuels.
Analysez cette illustration et placez-la dans la perspective du document précédent. Rédigez votre réponse en
un paragraphe.
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 8 / 15
Reprenons ensemble
Proposition d'analyse.
L’illustration de cet Almanach paru en 1932 rend compte de l’importance du phénomène de migration des
provinces vers Paris et de la répartition de ces émigrés de l’intérieur dans les différents arrondissements de
la capitale. Vêtus de leur costume traditionnel, les provinciaux sont néanmoins assimilés dans la légende à
des Parisiens. L’Auvergnat, en supériorité numérique dans la ville, occupe la place la plus importante dans
l’illustration. Le mot « conquête » dans le titre de l’illustration rend bien compte de la motivation dont font preuve
les nouveaux venus pour s’insérer. En cela, l’illustration fait bien écho aux propos de Jean Monange.
1. https://fresques.ina.fr/ouest-en-memoire/fiche-media/Region00371/les-employees-de-maison-a-paris.html
Document 6
Dans les Mémoires d'un touriste, tout comme dans les « voyages en Italie » que sous-tendent mêmes valeurs et préjugés, la
« civilisation » en effet est définie en creux : c'est le manque (tout ce qui fait défaut dès que l'on s'éloigne de la capitale) qui, par
comparaison, fournit la liste des ingrédients nécessaires pour mériter du « label civilisé”. Ainsi les villes de province française ne
sont pas pleinement « civilisées » parce que les hôtels ne sont pas confortables, parce que les rues sont étroites ou mal pavées,
parce qu'il manque de bougies, de vitres aux fenêtres, de lumières le soir […], ou qu'il n'y a pas de « société » […], etc.
Entre tous, le critère le plus symbolique, la pierre de touche qui distingue la civilisation de la barbarie ? L'eau chaude… Que la
province n'ait pas inventé l'eau chaude, voilà en effet ce que le touriste tient à souligner expressément : « J'ai demandé de l'eau
bouillante, j'ai pris moi-même une théière à la cuisine, et suis monté chez moi préparer mon thé. Pourra-t-on croire que ces
monstres de provinciaux [le marchand de fer se trouve alors à Tours] m'ont apporté trois fois de suite de l'eau qui n'était même pas
tiède ! […] Par bonheur, j'ai compris que j'étais une dupe d'avoir des façons polies au milieu des barbares qui m'environnent. J'ai
sonné à casser toutes les sonnettes […], et une heure et demie après avoir demandé de l'eau chaude j'ai pu faire du thé. […] tout
est rompu entre les provinciaux et moi ». Même déconvenue à Montpellier : « Ce matin, comme le vent était froid, j'ai eu la témérité
de vouloir déjeuner avec du thé. J'en ai pris […] et me suis acheminé vers le meilleur café de Montpellier […]. Là je me suis livré à
des travaux d'Hercule pour avoir de l'eau chaude, mais je n'ai pu réussir ; j'ai pris du thé à l'eau tiède par ce froid ». Le critère est
décisif, l'eau tiède déconsidère la ville tout entière : Montpellier ne peut être que « laide ». Quelle cité provinciale pour trouver
grâce aux yeux du Parisien ? Marseille : « Sous les rapports de la civilisation matérielle, Marseille est évidemment la seconde ville
de France ». Ce qui justifie cette honorable place ? Le test de « l'eau chaude », nécessaire et suffisant, « évidemment » concluant :
« En arrivant harassé, hier soir, j'eus la fantaisie de prendre du thé. J'allais au café des Mille-Colonnes, dont l'arrangement matériel
ferait honneur à Paris. Je me disais : « Obtiendrai-je de l'eau chaude ? » J'eus un thé qui me brûla, la qualité du thé ordinaire telle
qu'on peut l'attendre dans un café. À Lyon, j'eusse résisté à cette fantaisie. […] Le garçon m'aurait apporté je ne sais quelle tisane
tiède. À Bordeaux, je […] serais allé au café de la Comédie, où l'on m'aurait servi poliment, mais après vingt minutes, du thé froid. À
Marseille, j'ai été servi en deux minutes avec un empressement parfait ». Et voilà pourquoi Marseille est « évidemment la seconde
ville de France », et l'auteur de plaider la validité de son critère : « Le lecteur se moquera peut-être de ma façon de calculer le
degré de civilisation par l'eau chaude. Je répondrai que pour moi, qui ne crois que ce que je vois, ces petites choses sont tout. »
Yves Ansel, « Les provinciales de Stendhal ». In Province-Paris. Topographie littéraire du XIXe siècle, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2000.
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 9 / 15
À vous de chercher
Objectifs : repérer les idées essentielles d’un texte ; reformuler des idées ; rédiger un paragraphe de synthèse.
Quels sont les mots employés par Stendhal pour qualifier la province et les provinciaux ? Comment apparaît
Paris par comparaison ? En définitive, de quoi Stendhal se plaint-il ? Reportez-vous au document 5 (article de
Jean Monange sur les Auvergnats à Paris) pour faire émerger les complémentarités entre les textes.
Rédigez deux paragraphes, le premier portant surtout sur la vision de Stendhal et répondant donc aux trois
premières questions. Le second paragraphe traitera des différences de point de vue entre Stendhal et Monange.
Reprenons ensemble
Proposition de paragraphes de synthèse.
La province, chez Stendhal, souffre fortement de la comparaison avec Paris. À ses yeux, la capitale apparaît
comme le centre de la civilisation en opposition à la province, qu’il dénigre violemment. Où qu’il se trouve,
la province est cette « France profonde » en retard sur le progrès et synonyme de bêtise et de laideur. La
population provinciale est qualifiée dans son ensemble de « barbare » et la province est une contrée peuplée de
« monstres ». Cette critique véhémente est paradoxalement fondée sur un grief qui peut sembler dérisoire. En
effet, l’auteur définit la civilisation à la mesure du confort qu’elle offre. Le progrès s’évalue pour lui à l’accès à
l’eau chaude, nécessaire pour faire infuser le thé.
L’article de Jean Monange, quant à lui, met en évidence la pénibilité de la condition ouvrière à travers le métier de
porteur d’eau, une charge souvent assumée par les Auvergnats, donc par les migrants de l’intérieur. Il rappelle
qu’après les travaux d’Haussmann dans la capitale, seule l’eau froide est accessible au robinet. Les Auvergnats
montaient alors des bassines d’eau chaude aux Parisiens amateurs de bains, un travail de force assumé par
des provinciaux dénigrés par Stendhal. Pour Monange, la « civilisation » parisienne est assurée en fait par des
provinciaux traités de barbares et de monstres par Stendhal.
Document 7
Dans l’extrait suivant tiré du Père Goriot, Vautrin, qui se révèle être un forçat évadé, donne des conseils à Eugène de Rastignac, « monté à
Paris » pour étudier le droit. La scène se déroule dans la pension de madame Vauquer.
Voilà le carrefour de la vie, jeune homme, choisissez. Vous avez déjà choisi : vous êtes allé chez notre cousine de Bauséant, et vous
y avez flairé le luxe. Vous êtes allé chez madame de Restaud, la fille du père Goriot, et vous y avez flairé la Parisienne. Ce jour-là
vous êtes revenu avec un mot écrit sur votre front, et que j’ai bien su lire « Parvenir » ! Parvenir à tout prix. Bravo ! ai-je dit, voilà
un gaillard qui me va. Il vous a fallu de l’argent. Où en prendre ? Vous avez saigné vos sœurs. Tous les frères flouent plus ou moins
leurs sœurs. Vos quinze cents francs arrachés, Dieu sait comme ! Dans un pays où l’on trouve plus de châtaignes que de pièces de
cent sous, vont filer comme des soldats à la maraude. Après, que ferez-vous ? Vous travaillerez ? Le travail, compris comme vous
le comprenez en ce moment, donne, dans les vieux jours, un appartement chez maman Vauquer, à des gars de la force de Poiret.
Une rapide fortune est le problème que se proposent de résoudre en ce moment cinquante mille jeunes gens qui se trouvent tous
dans votre position. Vous êtes une unité de ce nombre-là. Jugez des efforts que vous avez à faire et de l’acharnement du combat.
Il faut vous manger les uns les autres comme des araignées dans un pot, attendu qu’il n’y a pas cinquante mille bonnes places.
Savez-vous comment on fait son chemin ici ? Par l’éclat du génie ou par l’adresse de la corruption. Il faut entrer dans cette masse
d’hommes comme un boulet de canon, ou s’y glisser comme une peste. L’honnêteté ne sert à rien.
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 10 / 15
À vous de chercher
Objectifs : comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ; reformuler des idées.
« Flairer », « araignée », « soldats », « acharnement du combat », « boulet de canon », « se manger les uns les
autres comme des araignées » … Le discours de Vautrin est marqué par le vocabulaire de la guerre et empreint
de comparaison au monde animal.
Que peut-on en conclure des conditions de réussite à Paris ? Rédigez un paragraphe en réponse à la question.
Reprenons ensemble
Selon les conseils de Vautrin, il faut être prêt à se livrer à une guerre acharnée pour parvenir à ses fins.
L’utilisation des femmes et l’élimination des rivaux sont deux des conditions de la réussite. Par ailleurs,
l’absence complète de scrupules et la malhonnêteté se révèlent indispensables. Vautrin fait même référence
au cannibalisme afin de suggérer la dose de cruauté nécessaire pour se débarrasser des rivaux. Paris apparaît
comme un champ de bataille, un univers où la prédation est la règle pour s’accomplir socialement.
Document 8
Au début du roman, le lecteur découvre Paris aux côtés de Georges Duroy, qui sera plus tard surnommé Bel-Ami.
C'était une de ces soirées d'été où l'air manque dans Paris. La ville, chaude comme une étuve, paraissait suer dans la nuit
étouffante. Les égouts soufflaient par leurs bouches de granit leurs haleines empestées, et les cuisines souterraines jetaient à la
rue, par leurs fenêtres basses, les miasmes1 infâmes des eaux de vaisselle et des vieilles sauces.
Les concierges, en manches de chemise, à cheval sur des chaises en paille, fumaient la pipe sous des portes cochères, et les
passants allaient d'un pas accablé, le front nu, le chapeau à la main.
Quand Georges Duroy parvint au boulevard, il s'arrêta encore, indécis sur ce qu'il allait faire. Il avait envie maintenant de gagner
les Champs-Élysées et l'avenue du bois de Boulogne pour trouver un peu d'air frais sous les arbres ; mais un désir aussi le
travaillait, celui d'une rencontre amoureuse.
Comment se présenterait-elle ? Il n'en savait rien, mais il l'attendait depuis trois mois, tous les jours, tous les soirs. Quelquefois
cependant, grâce à sa belle mine et à sa tournure galante, il volait, par-ci, par-là, un peu d'amour, mais il espérait toujours plus
et mieux.
La poche vide et le sang bouillant, il s'allumait au contact des rôdeuses qui murmurent à l'angle des rues : « Venez-vous chez moi,
joli garçon ? » mais il n'osait les suivre ne les pouvant payer ; et il attendait aussi autre chose, d'autres baisers moins vulgaires.
Il aimait cependant les lieux où grouillent les filles publiques, leurs bals, leurs cafés, leurs rues ; il aimait les coudoyer, leur
parler, les tutoyer, flairer leurs parfums violents, se sentir près d'elles. C'étaient des femmes enfin, des femmes d'amour. Il ne les
méprisait point du mépris inné des hommes de famille.
Il tourna vers la Madeleine et suivit le flot de foule qui coulait accablée par la chaleur. Les grands cafés, pleins de monde,
débordaient sur le trottoir, étalant leur public de buveurs sous la lumière éclatante et crue de leur devanture illuminée. [...]
Duroy avait ralenti sa marche, et l'envie de boire lui séchait la gorge.
Une soif chaude, une soif de soir d'été le tenait, et il pensait à la sensation délicieuse des boissons froides coulant dans la
bouche. Mais s'il buvait seulement deux bocks dans la soirée, adieu le maigre souper du lendemain, et il les connaissait trop, les
heures affamées de la fin du mois.
1. Miasme(s) (généralement au pluriel) : Émanation(s) provenant de matières organiques en décomposition et considérée(s), avant la
découverte des micro-organismes pathogènes, comme l'agent des maladies infectieuses et épidémiques ; odeur fétide qui s'en dégage.
À vous de chercher
Objectifs : comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ; reformuler des idées.
Comment définiriez-vous Georges Duroy ? Que fait-il dans cet extrait ? Quelle impression de Paris se dégage
du texte ? À travers les figures féminines, de quel phénomène social Maupassant rend-il compte ?
Formez un court paragraphe en réponse à ces questions.
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 11 / 15
Reprenons ensemble
Georges Duroy apparaît comme un loup solitaire rôdant dans Paris. Décrite comme sale et puante, la ville ne se
prête pas à la flânerie qui fait pourtant sa réputation. Sa population, accablée par la chaleur étouffante, traîne
le pas. Loin d’incarner la figure de l’homme romantique, le jeune provincial évoque sa frustration sexuelle.
Il se présente comme un client assidu des « filles publiques ». Cette assiduité est à mettre en parallèle avec
son absence de scrupules ; ces femmes forment un monde qui « grouille », terme peu flatteur, à connotation
péjorative. Mais, à travers Bel-Ami, Maupassant rend compte de l’importance du phénomène prostitutionnel
dans Paris et du tourisme sexuel qui s’y pratiquait à l’époque.
Document 9
« Paris est un véritable océan. Jetez-y la sonde, vous n’en connaîtrez jamais la profondeur » ; sous la plume de Balzac,
Paris apparaît comme une mer aux contours indistincts ; la dérive ou le risque de noyade n’est jamais loin.
Le père Goriot, vieillard de soixante-neuf ans environ, s'était retiré chez madame Vauquer, en 1813, après avoir quitté les
affaires. Il y avait d’abord pris l'appartement occupé par madame Couture, et donnait douze cents francs de pension, en homme
pour qui cinq louis de plus ou moins étaient une bagatelle. […] Vers la fin de la troisième année, le père Goriot réduisit encore
ses dépenses, en montant au troisième étage et en se mettant à quarante-cinq francs de pension par mois. Il se passa de tabac,
congédia son perruquier et ne mit plus de poudre. Quand le père Goriot parut pour la première fois sans être poudré, son hôtesse
laissa échapper une exclamation de surprise en apercevant la couleur de ses cheveux, ils étaient d'un gris sale et verdâtre.
Sa physionomie, que des chagrins secrets avaient insensiblement rendue plus triste de jour en jour, semblait la plus désolée
de toutes celles qui garnissaient la table. Il n'y eut alors plus aucun doute : le père Goriot était un vieux libertin dont les yeux
n'avaient été préservés de la maligne influence des remèdes nécessités par ses maladies que par l'habileté d'un médecin. La
couleur dégoûtante de ses cheveux provenait de ses excès et des drogues qu'il avait prises pour les continuer. L'état physique
et moral du bonhomme donnait raison à ces radotages. Quand son trousseau fut usé, il acheta du calicot à quatorze sous l'aune
pour remplacer son beau linge. Ses diamants, sa tabatière d'or, sa chaîne, ses bijoux disparurent un à un. Il avait quitté l'habit
bleu-barbeau, tout son costume cossu, pour porter été comme hiver, une redingote de drap marron grossier, un gilet en poil de
chèvre et un pantalon gris en cuir de laine. Il devint progressivement maigre ; ses mollets tombèrent ; sa figure, bouffie par le
contentement d'un bonheur bourgeois, se rida démesurément ; son front se plissa, sa mâchoire se dessina. Durant la quatrième
année de son établissement rue Neuve-Sainte-Geneviève, il ne se ressemblait plus.
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835
À vous de chercher
Objectifs : comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ; reformuler des idées.
Comment se traduit la déchéance du père Goriot ? Par quels ressorts Balzac met-il en évidence la solitude
du vieillard ?
Rédigez un paragraphe en réponse à ces questions.
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 12 / 15
Reprenons ensemble
La déchéance du père Goriot se traduit par une ascension dans les étages de la pension, où il occupe des espaces
de plus en plus petits et de moins en moins confortables. Le vieillard est progressivement dépouillé de ses
vêtements, passant du costume bourgeois à la guenille. Sa condition physique se dégrade également. Mais, au
lieu d’inquiéter les pensionnaires, cette déchéance est l’occasion d’une prolifération de rumeurs. La solitude du
père Goriot est mise en évidence par les « ragots » qui circulent à son sujet.
Document 10
Dans le premier chapitre, après avoir attendu son conjoint qui n’est pas rentré de la nuit, Gervaise se décide à
aller au lavoir, un lieu de sociabilité incontournable dans le Paris populaire. On estime à 100 000 le nombre de
blanchisseuses à Paris au XIXe siècle.
Le lavoir était situé vers le milieu de la rue, à l’endroit où le pavé commençait à monter. […]
À droite des réservoirs, le tuyau étroit de la machine à vapeur soufflait, d’une haleine rude et régulière, des jets de fumée blanche.
Gervaise, sans retrousser ses jupes, en femme habituée aux flaques, s’engagea sous la porte, encombrée de jarres d’eau de javel.
Elle connaissait déjà la maîtresse du lavoir, une petite femme délicate, aux yeux malades, assise dans un cabinet vitré, avec
des registres devant elle, des pains de savon sur des étagères, des boules de bleu dans des bocaux, des livres de carbonate de
soude en paquets. Et, en passant, elle lui réclama son battoir et sa brosse, qu’elle lui avait donnés à garder, lors de son dernier
savonnage. Puis, après avoir pris son numéro, elle entra.
[…] . Le long des batteries, aux deux côtés de l’allée centrale, il y avait des files de femmes, les bras nus jusqu’aux épaules,
le cou nu, les jupes raccourcies montrant des bas de couleur et de gros souliers lacés. Elles tapaient furieusement, riaient, se
renversaient pour crier un mot dans le vacarme, se penchaient au fond de leurs baquets, ordurières, brutales, dégingandées,
trempées comme par une averse, les chairs rougies et fumantes. Autour d’elles, sous elles, coulait un grand ruissellement, les
seaux d’eau chaude promenés et vidés d’un trait, les robinets d’eau froide ouverts, pissant de haut, les éclaboussements des
battoirs, les égouttures des linges rincés, les mares où elles pataugeaient s’en allant par petits ruisseaux sur les dalles en
pente. Et, au milieu des cris, des coups cadencés, du bruit murmurant de pluie, de cette clameur d’orage s’étouffant sous le
plafond mouillé, la machine à vapeur, à droite, toute blanche d’une rosée fine, haletait et ronflait sans relâche, avec la trépidation
dansante de son volant qui semblait régler l’énormité du tapage.
Cependant, Gervaise, à petits pas, suivait l’allée, en jetant des regards à droite et à gauche. Elle portait son paquet de linge passé
au bras, la hanche haute, boitant plus fort, dans le va-et-vient des laveuses qui la bousculaient.
— Eh ! par ici, ma petite ! cria la grosse voix de madame Boche.
Puis, quand la jeune femme l’eut rejointe, à gauche, tout au bout, la concierge, qui frottait furieusement une chaussette, se mit à
parler par courtes phrases, sans lâcher sa besogne.
— Mettez-vous là, je vous ai gardé votre place… Oh ! je n’en ai pas pour longtemps. Boche ne salit presque pas son linge… Et
vous ? ça ne va pas traîner non plus, hein ? Il est tout petit, votre paquet. Avant midi, nous aurons expédié ça, et nous pourrons
aller déjeuner… Moi, je donnais mon linge à une blanchisseuse de la rue Poulet ; mais elle m’emportait tout, avec son chlore et
ses brosses. Alors, je lave moi-même. C’est tout gagné. Ça ne coûte que le savon… Dites donc, voilà des chemises que vous auriez
dû mettre à couler. Ces gueux d’enfants, ma parole ! ça a de la suie au derrière.
Gervaise défaisait son paquet, étalait les chemises des petits ; et comme madame Boche lui conseillait de prendre un seau d’eau
de lessive, elle répondit :
— Oh ! non, l’eau chaude suffira… Ça me connaît. […]
— Ça vous connaît, hein ? répétait madame Boche. Vous étiez blanchisseuse dans votre pays, n’est-ce pas, ma petite ?
Gervaise, les manches retroussées, montrant ses beaux bras de blonde, jeunes encore, à peine rosés aux coudes, commençait
à décrasser son linge. Elle venait d’étaler une chemise sur la planche étroite de la batterie, mangée et blanchie par l’usure de
l’eau ; elle la frottait de savon, la retournait, la frottait de l’autre côté. Avant de répondre, elle empoigna son battoir, se mit à
taper, criant ses phrases, les ponctuant à coups rudes et cadencés.
— Oui, oui, blanchisseuse… À dix ans… Il y a douze ans de ça… Nous allions à la rivière… Ça sentait meilleur qu’ici… Il fallait voir,
il y avait un coin sous les arbres… avec de l’eau claire qui courait… Vous savez, à Plassans… Vous ne connaissez pas Plassans ?…
près de Marseille ?
Émile Zola, L’Assommoir, 1876
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 13 / 15
À vous de chercher
Objectifs : comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ; reformuler des idées.
Comment est dépeinte la vie au lavoir ? Quel portrait Zola fait-il des blanchisseuses ? Qu’apprend-on de Gervaise ?
Rédigez un paragraphe en réponse à ces questions.
Reprenons ensemble
Si le lavoir apparaît comme un lieu de sociabilité où les femmes se lient entre elles, il est aussi sous la plume de
Zola un lieu hostile, mécanisé et bruyant. Les blanchisseuses ne bénéficient pas d’un portrait élogieux ; elles sont
décrites comme vulgaires tant dans leur façon de se tenir que dans leur façon de parler. Gervaise est une très
jeune provinciale venue de Marseille. Elle a à peine 22 ans et a commencé à travailler à 12 ans. Elle évoque avec
nostalgie sa ville natale et la rivière paisible qui faisait office de lavoir.
Document 11
À vous de chercher
Objectifs : rédiger un paragraphe de synthèse ; analyser un document iconographique.
Observez cette peinture de Daumier. Elle représente, comme son titre l’indique, une blanchisseuse.
Dans un paragraphe de synthèse, mettez en évidence les différences entre les façons de représenter la
blanchisseuse chez Zola (document 10) et Daumier.
Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 14 / 15
Reprenons ensemble
Dans sa description, Zola souligne surtout la trivialité des blanchisseuses. Il stigmatise par ailleurs la vulgarité
de leurs gestes et de leur langage. La peinture de Daumier met au contraire en évidence la noblesse de la
blanchisseuse. Silhouette imposante, elle apparaît aussi comme une figure maternelle délicate, inclinant sa tête
vers l’enfant dont elle tient la main. Enfin, à la différence de Zola qui présente une armée de blanchisseuses,
Daumier choisit de ne montrer qu’une femme accompagnée d’un enfant. Cette différence entre trivialité et
noblesse est très saisissante.
1. Sabine Juratic. Solitude féminine et travail des femmes à Paris à la fin du XVIIIe siècle. In : Mélanges de l'École française de Rome.
Moyen-Âge, Temps modernes, tome 99, n° 2. 1987
2. https://histoire-image.org/etudes/travail-femmes-XIXe-siecle
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