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Culture générale et expression

BTS 2e année

PARIS, VILLE CAPITALE ?


Activité 2 – Paris, ville de
tous les possibles
Cours

Séquence 1 – Présenter le thème et sa problématique

Laure Belhassen

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SOMMAIRE

SÉQUENCE 1 PRÉSENTER LE THÈME ET SA PROBLÉMATIQUE


ACTIVITÉ 2 Paris, ville de tous les possibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
1.  Paris, une ville cosmopolite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
A.  Une ville de migrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
B.  Le Paris des migrants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 4
C.  Migrants de l’intérieur et migrants de l’extérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 5
2.  Paris versus Province . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 9
A.  La province : un monde sauvage ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 9
B.  Les jeunes ambitieux à la conquête de Paris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 10
3.  Paris, la désillusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 12

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 2 / 15
SÉQUENCE 1 PRÉSENTER LE THÈME ET
SA PROBLÉMATIQUE
ACTIVITÉ 2 Paris, ville de tous les possibles

Objectifs

Cette activité vous permet de travailler les compétences suivantes pour l’épreuve :
  repérer les idées essentielles d’un texte ;
  faire preuve d’objectivité ;
  reformuler une idée ;
  rédiger un paragraphe de synthèse ;
  analyser un document iconographique ;
  comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ;
  enrichir sa culture personnelle.

1.  Paris, une ville cosmopolite

A.  Une ville de migrations


Paris est considérée comme un « carrefour des nations ». Mais à quand remonte cette représentation ? En 1781,
à la veille de la Révolution, Louis-Sébastien Mercier affirme le cosmopolitisme de la capitale en procédant à un
recensement des nationalités qui s’y trouvent. Le premier chapitre de ses célèbres Tableaux de Paris offre un
panorama pour le moins iconoclaste.

Document 1

Chapitre premier. Coup d’œil général.


Un homme à Paris, qui sait réfléchir, n'a pas besoin de sortir de l'enceinte de ses murs pour connaître les hommes des autres
climats ; il peut parvenir à la connaissance entière du genre humain, en étudiant les individus qui fourmillent dans cette immense
capitale. On y trouve des Asiatiques couchés toute la journée sur des piles de carreaux, et des Lapons qui végètent dans des cases
étroites ; des Japonnois qui se font ouvrir le ventre à la moindre dispute ; des Esquimaux qui ignorent le temps où ils vivent ; des
Nègres qui ne sont pas noirs, et des Quakers qui portent l'épée. On y rencontre les mœurs, les usages et le caractère des peuples
les plus éloignés ; le chimiste adorateur du feu ; le curieux idolâtre, acheteur de statues ; l'Arabe vagabond, battant chaque jour les
remparts, tandis que le Hottentot et l'Indien oisifs sont dans les boutiques, dans les rues, dans les cafés. Ici demeure un charitable
Persan qui donne des remèdes aux pauvres ; et sur le même palier, un usurier anthropophage. Enfin, les Brahmanes, les Faquirs dans
leur exercice pénible et journalier n'y sont pas rares, ainsi que les Groënlandois qui n'ont ni temples ni autels. Ce qu'on rapporte de
l'antique et voluptueuse Babylone, se réalise tous les soirs dans un temple dédié à l'harmonie.

Louis-Sébastien Mercier, Tableaux de Paris, 1781

Cet extrait laisse entendre que, sous le règne de Louis XIV, Paris est déjà une « ville-monde ». Si la population
parisienne est effectivement cosmopolite, Louis-Sébastien force le trait pour intégrer dans son recensement des
populations imaginaires. Sa fantaisie contribue à créer le mythe d’un Paris rayonnant et à fabriquer l’image de
Paris comme capitale culturelle et intellectuelle à l’échelle européenne.

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À vous de chercher
Objectif : enrichir sa culturelle personnelle.
Louis-Sébastien Mercier compare Paris à Babylone. Considérée comme la plus grande ville du monde aux VIIe
et VIe siècles avant J.-C., Babylone recèle différents mythes ; le premier est celui d’avoir hébergé les jardins
suspendus, l’une des sept merveilles du monde ; le second est d’avoir vu la construction de la tour de Babel ; le
troisième est d’avoir été une ville orgueilleuse et viciée.
Aidez-vous d’Internet ou d’une encyclopédie pour expliquer ce que représente cette tour mythique.
Mettez ensuite vos résultats dans la perspective du texte : en quoi la tour de Babel est-elle utile aux propos de
Louis-Sébastien Mercier ?

Reprenons ensemble
Nabuchodonosor, roi de Babylone, fit construire une grande tour en l’honneur du dieu Marduk : la ziggurat. Cette
tour apparaît dans La Genèse sous le nom de tour de Babel. D’une hauteur inégalée, elle incarne la volonté des
hommes de se rapprocher de Dieu. Mais cette tour déclenche la colère de Dieu par sa prétention à percer son
mystère. Sa destruction marque l’épisode de la dispersion des hommes sur terre. Alors qu’ils étaient unis par
la même langue, ils seront désormais séparés par la barrière des langues. Par la comparaison avec Babylone,
Louis-Sébastien Mercier souligne le caractère cosmopolite de Paris, ville polyglotte où se côtoient toutes les
cultures. Mieux, puisque le monde entier se trouve dans la capitale, il n’est pas utile de voyager pour le connaître.

B.  Le Paris des migrants


Plus de trois siècles plus tard, Paris apparaît toujours comme la « ville-monde » décrite par Mercier.

Document 2

Les Paris des migrants


Pour nombre de migrants, l’effervescence humaine et la monumentalité de l’espace parisien ont construit une image quasiment
iconique de la « Ville-lumière », associant romantisme, bohème, luxe, plaisirs, réussite et rêves. En retour, cette vie intense des
espaces publics parisiens tout autant que les grands travaux d’embellissement ont été le produit des nouveaux arrivants, comme
l’ont rappelé les principaux ouvrages retraçant l’histoire, la sociologie et la géographie de la capitale. Les immigrants n’ont cessé
d’animer marchés, rues commerçantes, entreprises, ateliers, usines, spectacles, vie intellectuelle et culturelle : pas de cafés ni de
brasseries, ces hauts lieux de la sociabilité parisienne, sans les Auvergnats, les Aveyronnais, les Kabyles ni, plus récemment, les
Wenzhous ; pas d’avant-garde sans les Russes, les Allemands, les Polonais, les Américains du Nord comme du Sud, pas de haute
couture ni de prêt-à-porter sans les émigrants d’Afrique du Nord, d’Europe centrale et balkanique, du Levant, d’Anatolie ni du reste
de l’Asie ; pas de première région industrielle de France sans les Algériens, les Marocains, les Portugais, les Italiens, les Africains
de pays situés au sud du Sahara, les Yougoslaves ni tant d’autres encore. Et ce sont ces nouveaux venus qui ont littéralement
construit la ville : pas de percées haussmanniennes, ni de métro, ni de périphérique, ni aucun des nouveaux aménagements qui
continuent de renforcer le rayonnement de l’agglomération, sans ces ouvriers recrutés en masse, d’abord dans le reste de la
France, notamment en Limousin, ensuite dans les colonies puis dans les anciennes colonies, les pays voisins ou lointains. En ce
sens, l’action des migrants qui ont fait Paris a longtemps été occultée, faisant écho à l’histoire des ouvriers parisiens depuis le
début du XIXe siècle.

Marie Lazaridis et Serge Weber, « Les Paris des migrants », Hommes & migrations, 1308, 2014

À vous de chercher
Objectifs : reformuler des idées ; rédiger un paragraphe de synthèse.
Quel est le point commun entre les documents 1 et 2 ? En quoi diffèrent-ils ?
Confrontez les idées exprimées par les auteurs en un paragraphe de synthèse. Mobilisez pour cela les verbes
adéquats pour reformuler les idées, comme vous avez appris à le faire en première année. Présentez également
les références des textes : nom des auteurs, titre des ouvrages et date de parution.

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Reprenons ensemble

Proposition de paragraphe de synthèse.


Paris est une ville cosmopolite. Le phénomène ne date pas d’hier puisque Louis-Sébastien Mercier rendait
compte du phénomène migratoire propre à la capitale dans ces Tableaux de Paris parus en 1781. Cependant, la
population qu’il évoque dans son recensement un peu fantaisiste semble se prêter à un tableau plus pittoresque
que réaliste. En effet, ces migrants sont issus de contrées improbables et ne semblent pas avoir le souci de leur
survie : aucun d’entre eux ne travaille. Le texte sociologique de Marie Lazaridis et Serge Weber intitulé « Les Paris
des migrants » paru dans la revue Hommes & migrations en 2014 recense lui aussi la pluralité des pays d’origine
des migrants. Mais, différemment de L.S Mercier, les sociologues insistent sur la contribution de ces derniers à la
croissance urbaine et culturelle de la capitale. La métropole ne se serait pas constituée sans leur travail. Pour ces
deux auteurs, la métropolisation est donc le résultat d’une migration qui est le socle de l’attractivité économique.

C.  Migrants de l’intérieur et migrants de l’extérieur


Avant qu’ils ne soient assimilés à des Parisiens, les provinciaux étaient considérés comme des migrants de l’intérieur.
Ce terme reflète bien le phénomène de centralisation : il y avait, plus fortement dans le passé qu’aujourd’hui, Paris
d’un côté, les provinciaux de l’autre. Pour différencier ces migrants français des migrants d’autres nationalités, on
qualifiait les seconds de migrants de l’extérieur. D’un siècle à l’autre, la notion d’« étranger » a donc évolué.

1.  Répartition globale des migrants


Document 3

Les logiques de la dispersion


[…]. Nous citions plus haut le cas de la rue de Lappe, réputée « fief » auvergnat… Que de fois aussi n'a-t-on pas évoqué le
quartier de la gare Montparnasse transformé en quartier breton ! Or, ce sont là des faits d'opinion éminemment trompeurs.
Certes, l'absence ou la perte, pour le XIXe siècle, des listes nominatives d'habitants, établies maison par maison à l'occasion
des recensements, empêche à tout jamais de prendre la mesure exacte du regroupement ou de la dispersion des individus et des
familles en fonction des origines1. Cependant, si à l'aide des récapitulatifs imprimés disponibles à partir de 1891, on réalise au
niveau des arrondissements et des quartiers – au sens administratif du terme : il y a 80 quartiers à Paris, 4 par arrondissement
– la cartographie du domicile des originaires de telle région ou de tel pays, on observe constamment le même phénomène :
il y a des quartiers où ils allaient plus volontiers et d'autres qu'ils fuyaient manifestement, mais il n'arrive jamais qu'un seul
d'entre ces quartiers représente une part vraiment dominante des originaires en question, de même qu'aucun quartier n'est
jamais complètement vide de représentants de cette province ou de ce pays. Les Bretons étaient nombreux effectivement dans le
14e arrondissement, dans le prolongement, si l'on veut, de leur gare d'arrivée, mais aussi dans le 15e arrondissement, ou dans le 13e,
qui étaient des arrondissements parsemés d'usines où beaucoup d'entre eux travaillaient, dans les beaux quartiers du 7e et du 16e
encore – la raison étant que beaucoup de Bretonnes étaient des domestiques logées par les maîtres –, également dans le 17e, en
raison cette fois de la présence de nombreux Bretons travaillant au chemin de fer, dans une gare importante de l'arrondissement,
la gare des Batignolles… On pourrait faire le même genre de tour de Paris en décrivant l'implantation des Auvergnats ou des
Limousins, mais il convient d'insister sur les étrangers où le phénomène est comparable.
Ainsi, les Italiens. Ils habitaient en grand nombre le faubourg Saint-Antoine – les 11e et 12e arrondissements –, mais aussi le
quartier adjacent, Charonne, dépendant du 20e. On signalait, en outre, d'importantes implantations italiennes à La Villette – le
19e arrondissement –, ou dans un quartier du 13e, le quartier dit de la Gare, c'est-à-dire, dans la topographie de Paris, deux
quartiers diamétralement opposés. Il en allait encore presque de même pour la population juive étrangère dont la croissance,
essentiellement due à l'émigration des populations persécutées en Europe centrale et orientale, était considérable à la fin du
siècle : 35 000 personnes peut-être à Paris à la veille de 1914. Si on se base sur la répartition des Russes à Paris, on observe – il
est vrai – une implantation préférentielle nette dans le 4e arrondissement, et plus précisément dans le quartier Saint-Gervais, que
l'on peut effectivement qualifier de quartier juif de Paris, de « Shtelt », par analogie – et une analogie profondément ressentie par
les intéressés – avec les communautés juives, surtout rurales, de Pologne, le « village » si l'on veut, dont la rue des Rosiers était

1. Rien ne subsiste pour la ville de Paris avant 1926 ; en revanche, les communes de banlieue possèdent la plupart du temps la collection
complète ou presque complète de leurs registres quinquennaux de population.

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considérée comme la grand'rue. Cependant, ce quartier n'a jamais été le seul à abriter en grand nombre des juifs de l'est :
Saint-Gervais représentait à peine le quart de la population russe vivant à Paris en 1911. Montmartre et Clignancourt dans le
18e arrondissement, le 11e de nouveau, ou même encore le 5e comportaient une forte présence russe, et, par rapport au Shtelt,
grandissante, comme si les nouveaux émigrants juifs évitaient de s'installer dans le quartier juif. […] Les limites apparentes du
groupe étaient toujours vite atteintes, les univers non seulement coexistaient, mais chevauchaient. Bien sûr, cela ne préjuge rien de
la réalité et de l'harmonie des échanges entre ces groupes, mais à Paris, c'est toujours peu ou prou le coudoiement qui l'emportait.

Alain Faure « Comment devenait-on Parisien ? La question de l’intégration dans le Paris de la fin du XIXe siècle ».
In Paris le peuple : XVIIIe – XXe siècle, Éditions de la Sorbonne

À vous de chercher
Objectifs : reformuler des idées ; faire preuve d'objectivité.
Ces objectifs sont liés dans la mesure où la reformulation d’une idée implique d’être objectif.
Paragraphe 1 : sélectionnez les phrases qui reformulent objectivement les idées de l’auteur.
a. Les émigrés de province prennent d’assaut certains quartiers et sont en supériorité numérique par rapport
aux natifs de Paris.
b. Les émigrés de Province ne représentent pas une part dominante de la population dans les quartiers qu’ils
occupent. Toutefois, ils ont tendance à converger vers les mêmes quartiers.
c. Les émigrés de province ont fortement tendance au repli communautaire dans les mêmes quartiers. Cette
logique de regroupement s’explique par la peur de la dispersion.
d. Les quartiers d’élection des émigrés correspondent aux opportunités professionnelles disponibles à proximité.
e. Les provinciaux s’installent plus favorablement dans les quartiers riches, vecteurs d’emploi.
Paragraphe 2 : quels verbes conviennent pour reformuler les idées de l’auteur ?
a. L’auteur [analyse], [critique], [déplore] le phénomène de regroupement des populations étrangères dans
certains arrondissements.
b. Alain Faure [s’insurge contre], [met en évidence], [dénonce] les causes du phénomène migratoire.
c. Alain Faure [regrette], [révèle], [rappelle] que les persécutions, notamment celles subies par les Juifs
d’Europe centrale et orientale sont/soient une des causes de la migration.

Reprenons ensemble

Paragraphe 1
Réponses correctes : Phrase b. – Les émigrés de Province ne représentent pas une part dominante de la population dans
les quartiers qu’ils occupent. Toutefois, ils ont tendance à converger vers les mêmes quartiers. Phrase d. – Les quartiers
d’élection des émigrés correspondent aux opportunités professionnelles disponibles à proximité.
Les phrases a. c. et e. sont fautives. La phrase a. dit le contraire de ce qu’affirme l’auteur. La phrase c. est une
interprétation, loin de l’objectivité requise pour la synthèse. La phrase e. est une approximation.
Paragraphe 2
Cet article est plutôt un document à valeur historique.
  Phrase a. : « analyse ». Les verbes « critiquer » et « déplorer » indiquent une prise de position polémique, ce
qui ne convient pas.
  Phrase b. : « met en évidence ». Les verbes « s’insurger » et « dénoncer » ne conviennent pas pour reformuler
ce type d’écrit.
  Phrase c. : « rappelle ». Le verbe « révéler » pourrait convenir, mais le phénomène étant connu, « rappeler »
convient mieux.

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2.  Cas particulier des Auvergnats
Les documents 4 et 5 traitent de l’immigration provinciale et plus spécifiquement de celle des Auvergnats pour
le document 4.

Document 4

Les Auvergnats de Paris


Réflexions sur les migrations des ouvriers et artisans originaires du Massif central
À partir du XIXe siècle, avec le développement de l’industrie, l’horizon de nos ancêtres ne se limite plus à l’espace du village ou du
« pays ». Pour des raisons diverses, les migrations se font plus nombreuses. Jean Monange nous livre ses réflexions sur le sujet.
Colonisation parisienne
Dès la fin du XVIIe siècle les migrants du Massif central avaient colonisé Paris. Ils brillaient dans tous les travaux durs et fatigants
que les Parisiens boudaient. L’eau courante n’existait pas encore et les Parisiens consommaient de plus en plus d’eau : les
« Auvergnats » porteurs d’eau leur amenèrent à domicile. Il existe deux catégories de porteur d’eau : la plus favorisée possède une
tonne de 800 à 1200 litres montée sur roues et attelée à un cheval, l’autre la plus humble et la plus nombreuse se contente de deux
seaux d’une douzaine de litres qu’ils portent sur l’épaule à l’aide d’un joug. Les premiers disposent d’une fontaine spéciale qui leur
est réservée moyennant finances.
Les seconds doivent aller à la fontaine publique prendre la queue pour remplir leurs seaux avant de les monter à l’étage des clients
pour trois sous le voyage, plus les étrennes à la Noël (car la clientèle est fidèle, « l’Auvergnat » sachant avec un abord agréable et
courtois capter sa clientèle). Mais à la suite des travaux du baron Haussmann les eaux de la Vanne et de la Dhuys arrivent dans tout
Paris et desservent les étages.
De porteur d’eau à Charbougnat
Mais rien n’arrête l’imagination Auvergnate. Les riches aspirent à se laver davantage mais n’ont pas les installations nécessaires,
les anciens porteurs d’eau vont leur en emmener de la chaude. Marcelin Cazes, futur propriétaire de la brasserie Lipp, exerça, à
ses débuts parisiens, cette activité. Le livreur venait avec une charrette transportant la baignoire et des seaux d’eau chaude. Arrivé
devant le domicile du client il montait successivement la baignoire, l’eau chaude, puis de l’eau froide qu’il allait chercher au robinet
de la cour (il faut supposer qu’à l’époque antérieure il apportait également l’eau froide !). Il n’avait pas le droit de rester dans
l’appartement pendant que le client (qui était le plus souvent une cliente) prenait son bain, aussi il se reposait sur le palier. Ensuite
il ne lui restait plus qu’à aller vider l’eau sale dans la cour et à recharger sa charrette. Tout cela devait s’accomplir sans renverser
une goutte d’eau, sous peine de perdre son pourboire.
La profession de porteur d’eau froide ou chaude périclitant, les Auvergnats vont se reconvertir dans le charbon.
Les marchands de charbon auvergnats seront bientôt connus sous le nom de « bougnats » (sans doute l’abréviation de charbougnat,
charbonnier, avec le prétendu accent que leur prêtent les Parisiens). L’origine de l’alliance si durable entre l’Auvergnat et le charbon
est peut-être la vente à Paris du charbon de Brassac. Il y avait également, parmi les petits métiers de la rue, des marchands de bois
(les ligots) ambulants qui vont se fixer et vendre tous les combustibles. Mais surtout le charbon permet la reconversion progressive
des porteurs d’eau dont la vente baissait en hiver alors que précisément celle du charbon augmentait. À la différence du porteur
d’eau, le charbonnier avait une petite boutique. C’est le début de l’ascension commerciale avec ses difficultés, ses risques mais
aussi ses chances. Pendant toute l’époque de transition, beaucoup d’Auvergnats seront en même temps allumeurs de réverbères, ce
qui leur prendra une heure par jour et leur assurera un petit fixe. Mais déjà ils regarderont du côté d’une autre activité de vente, celle
du vin. Ils vont alors soit l’adjoindre à leur commerce de charbon, soit s’y consacrer entièrement. Les bases de la future activité
principale des Auvergnats de Paris sont déjà jetées. Les porteurs d’eau, devenus charbonniers et marchands de vin, viennent d’un
pays rude ou une paysannerie garde des mœurs austères sous la direction de son clergé.
Ils ne viennent pas à Paris par hasard mais avec un dessein bien précis : par un travail acharné et méthodique, ils vont rapporter au
pays une somme substantielle. Ainsi se constitue le milieu d’accueil, le jeune émigrant trouvera désormais à Paris des compatriotes
et souvent des parents qui lui procureront vivres, couvert, et surtout renseignements et travail.
Jean Monange, « Les Auvergnats de Paris, Réflexions sur les ouvriers et originaires du Massif Central ».
Article en ligne paru sur le site histoire-genealogie.com le 1er mai 2001

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 7 / 15
À vous de chercher
Objectif : repérer les idées essentielles d’un texte.
1. Quelles sont les qualités des Auvergnats selon l’auteur ?
2. Quelles sont les informations essentielles de ce texte ? (Métiers et raisons de la migration.)
Résumez les idées essentielles de ce texte en un court paragraphe.

Reprenons ensemble
Proposition de résumé.
Courageux, inventifs et travailleurs, les Auvergnats sont tour à tour porteurs d’eau puis marchands de bois ou
de charbon. Ces derniers sont établis dans des boutiques et complètent leurs revenus en travaillant comme
allumeurs de réverbères. Certains d’entre eux vont aussi vendre du vin dans leur boutique. Si la migration
des Auvergnats s’explique par la difficulté de la condition paysanne, la province d’origine n’est pas pour autant
oubliée. Une part des économies y est envoyée tandis que les plus jeunes continuent de « monter » à la capitale,
accueillis par leurs aînés.

Document 5

La Conquête de la Capitale par les provinces de France - Almanach Hachette, 1932

À vous de chercher
Objectif : analyser un document iconographique.
Le dossier de synthèse comporte très souvent un document iconographique : photographies, publicités,
peintures, gravures, bandes dessinées ou, comme ici, illustration. Comme vous avez appris à le faire en première
année, il faut la décrire brièvement (éléments principaux, sujet) et interpréter l’image (passer du code visuel ou
code écrit). Le document iconographique doit toujours être analysé dans la perspective des documents textuels.
Analysez cette illustration et placez-la dans la perspective du document précédent. Rédigez votre réponse en
un paragraphe.

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 8 / 15
Reprenons ensemble

Proposition d'analyse.
L’illustration de cet Almanach paru en 1932 rend compte de l’importance du phénomène de migration des
provinces vers Paris et de la répartition de ces émigrés de l’intérieur dans les différents arrondissements de
la capitale. Vêtus de leur costume traditionnel, les provinciaux sont néanmoins assimilés dans la légende à
des Parisiens. L’Auvergnat, en supériorité numérique dans la ville, occupe la place la plus importante dans
l’illustration. Le mot « conquête » dans le titre de l’illustration rend bien compte de la motivation dont font preuve
les nouveaux venus pour s’insérer. En cela, l’illustration fait bien écho aux propos de Jean Monange.

Pour aller plus loin


Un documentaire sur l’immigration féminine bretonne1.

1. https://fresques.ina.fr/ouest-en-memoire/fiche-media/Region00371/les-employees-de-maison-a-paris.html

2.  Paris versus Province


A.  La province : un monde sauvage ?
Dans ses Mémoires d’un touriste, récit de voyages paru en 1838, Stendhal se livre à une critique véhémente de
la province. Ce faisant, il contribue à en forger une représentation imméritée de contrée sauvage. Yves Ansel se
penche sur les raisons de la détestation de l’écrivain.

Document 6
Dans les Mémoires d'un touriste, tout comme dans les « voyages en Italie » que sous-tendent mêmes valeurs et préjugés, la
« civilisation » en effet est définie en creux : c'est le manque (tout ce qui fait défaut dès que l'on s'éloigne de la capitale) qui, par
comparaison, fournit la liste des ingrédients nécessaires pour mériter du « label civilisé”. Ainsi les villes de province française ne
sont pas pleinement « civilisées » parce que les hôtels ne sont pas confortables, parce que les rues sont étroites ou mal pavées,
parce qu'il manque de bougies, de vitres aux fenêtres, de lumières le soir […], ou qu'il n'y a pas de « société » […], etc.
Entre tous, le critère le plus symbolique, la pierre de touche qui distingue la civilisation de la barbarie ? L'eau chaude… Que la
province n'ait pas inventé l'eau chaude, voilà en effet ce que le touriste tient à souligner expressément : « J'ai demandé de l'eau
bouillante, j'ai pris moi-même une théière à la cuisine, et suis monté chez moi préparer mon thé. Pourra-t-on croire que ces
monstres de provinciaux [le marchand de fer se trouve alors à Tours] m'ont apporté trois fois de suite de l'eau qui n'était même pas
tiède ! […] Par bonheur, j'ai compris que j'étais une dupe d'avoir des façons polies au milieu des barbares qui m'environnent. J'ai
sonné à casser toutes les sonnettes […], et une heure et demie après avoir demandé de l'eau chaude j'ai pu faire du thé. […] tout
est rompu entre les provinciaux et moi ». Même déconvenue à Montpellier : « Ce matin, comme le vent était froid, j'ai eu la témérité
de vouloir déjeuner avec du thé. J'en ai pris […] et me suis acheminé vers le meilleur café de Montpellier […]. Là je me suis livré à
des travaux d'Hercule pour avoir de l'eau chaude, mais je n'ai pu réussir ; j'ai pris du thé à l'eau tiède par ce froid ». Le critère est
décisif, l'eau tiède déconsidère la ville tout entière : Montpellier ne peut être que « laide ». Quelle cité provinciale pour trouver
grâce aux yeux du Parisien ? Marseille : « Sous les rapports de la civilisation matérielle, Marseille est évidemment la seconde ville
de France ». Ce qui justifie cette honorable place ? Le test de « l'eau chaude », nécessaire et suffisant, « évidemment » concluant :
« En arrivant harassé, hier soir, j'eus la fantaisie de prendre du thé. J'allais au café des Mille-Colonnes, dont l'arrangement matériel
ferait honneur à Paris. Je me disais : « Obtiendrai-je de l'eau chaude ? » J'eus un thé qui me brûla, la qualité du thé ordinaire telle
qu'on peut l'attendre dans un café. À Lyon, j'eusse résisté à cette fantaisie. […] Le garçon m'aurait apporté je ne sais quelle tisane
tiède. À Bordeaux, je […] serais allé au café de la Comédie, où l'on m'aurait servi poliment, mais après vingt minutes, du thé froid. À
Marseille, j'ai été servi en deux minutes avec un empressement parfait ». Et voilà pourquoi Marseille est « évidemment la seconde
ville de France », et l'auteur de plaider la validité de son critère : « Le lecteur se moquera peut-être de ma façon de calculer le
degré de civilisation par l'eau chaude. Je répondrai que pour moi, qui ne crois que ce que je vois, ces petites choses sont tout. »
Yves Ansel, « Les provinciales de Stendhal ». In Province-Paris. Topographie littéraire du XIXe siècle, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2000.

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 9 / 15
À vous de chercher
Objectifs : repérer les idées essentielles d’un texte ; reformuler des idées ; rédiger un paragraphe de synthèse.
Quels sont les mots employés par Stendhal pour qualifier la province et les provinciaux ? Comment apparaît
Paris par comparaison ? En définitive, de quoi Stendhal se plaint-il ? Reportez-vous au document 5 (article de
Jean Monange sur les Auvergnats à Paris) pour faire émerger les complémentarités entre les textes.
Rédigez deux paragraphes, le premier portant surtout sur la vision de Stendhal et répondant donc aux trois
premières questions. Le second paragraphe traitera des différences de point de vue entre Stendhal et Monange.

Reprenons ensemble
Proposition de paragraphes de synthèse.
La province, chez Stendhal, souffre fortement de la comparaison avec Paris. À ses yeux, la capitale apparaît
comme le centre de la civilisation en opposition à la province, qu’il dénigre violemment. Où qu’il se trouve,
la province est cette « France profonde » en retard sur le progrès et synonyme de bêtise et de laideur. La
population provinciale est qualifiée dans son ensemble de « barbare » et la province est une contrée peuplée de
« monstres ». Cette critique véhémente est paradoxalement fondée sur un grief qui peut sembler dérisoire. En
effet, l’auteur définit la civilisation à la mesure du confort qu’elle offre. Le progrès s’évalue pour lui à l’accès à
l’eau chaude, nécessaire pour faire infuser le thé.
L’article de Jean Monange, quant à lui, met en évidence la pénibilité de la condition ouvrière à travers le métier de
porteur d’eau, une charge souvent assumée par les Auvergnats, donc par les migrants de l’intérieur. Il rappelle
qu’après les travaux d’Haussmann dans la capitale, seule l’eau froide est accessible au robinet. Les Auvergnats
montaient alors des bassines d’eau chaude aux Parisiens amateurs de bains, un travail de force assumé par
des provinciaux dénigrés par Stendhal. Pour Monange, la « civilisation » parisienne est assurée en fait par des
provinciaux traités de barbares et de monstres par Stendhal.

B.  Les jeunes ambitieux à la conquête de Paris


La littérature du XIXe siècle rend largement compte du phénomène de migration par le biais de jeunes provinciaux
de condition modeste « montant à la capitale ». La figure du jeune ambitieux venant à Paris pour percer
socialement ou y accomplir un destin impossible à réaliser en province est incarnée par Eugène de Rastignac
sous la plume de Balzac (document 7) ou par Georges Duroy dans le roman de Maupassant (document 8).

Document 7

Dans l’extrait suivant tiré du Père Goriot, Vautrin, qui se révèle être un forçat évadé, donne des conseils à Eugène de Rastignac, « monté à
Paris » pour étudier le droit. La scène se déroule dans la pension de madame Vauquer.
Voilà le carrefour de la vie, jeune homme, choisissez. Vous avez déjà choisi : vous êtes allé chez notre cousine de Bauséant, et vous
y avez flairé le luxe. Vous êtes allé chez madame de Restaud, la fille du père Goriot, et vous y avez flairé la Parisienne. Ce jour-là
vous êtes revenu avec un mot écrit sur votre front, et que j’ai bien su lire « Parvenir » ! Parvenir à tout prix. Bravo ! ai-je dit, voilà
un gaillard qui me va. Il vous a fallu de l’argent. Où en prendre ? Vous avez saigné vos sœurs. Tous les frères flouent plus ou moins
leurs sœurs. Vos quinze cents francs arrachés, Dieu sait comme ! Dans un pays où l’on trouve plus de châtaignes que de pièces de
cent sous, vont filer comme des soldats à la maraude. Après, que ferez-vous ? Vous travaillerez ? Le travail, compris comme vous
le comprenez en ce moment, donne, dans les vieux jours, un appartement chez maman Vauquer, à des gars de la force de Poiret.
Une rapide fortune est le problème que se proposent de résoudre en ce moment cinquante mille jeunes gens qui se trouvent tous
dans votre position. Vous êtes une unité de ce nombre-là. Jugez des efforts que vous avez à faire et de l’acharnement du combat.
Il faut vous manger les uns les autres comme des araignées dans un pot, attendu qu’il n’y a pas cinquante mille bonnes places.
Savez-vous comment on fait son chemin ici ? Par l’éclat du génie ou par l’adresse de la corruption. Il faut entrer dans cette masse
d’hommes comme un boulet de canon, ou s’y glisser comme une peste. L’honnêteté ne sert à rien.
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 10 / 15
À vous de chercher
Objectifs : comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ; reformuler des idées.
« Flairer », « araignée », « soldats », « acharnement du combat », « boulet de canon », « se manger les uns les
autres comme des araignées » … Le discours de Vautrin est marqué par le vocabulaire de la guerre et empreint
de comparaison au monde animal.
Que peut-on en conclure des conditions de réussite à Paris ? Rédigez un paragraphe en réponse à la question.

Reprenons ensemble
Selon les conseils de Vautrin, il faut être prêt à se livrer à une guerre acharnée pour parvenir à ses fins.
L’utilisation des femmes et l’élimination des rivaux sont deux des conditions de la réussite. Par ailleurs,
l’absence complète de scrupules et la malhonnêteté se révèlent indispensables. Vautrin fait même référence
au cannibalisme afin de suggérer la dose de cruauté nécessaire pour se débarrasser des rivaux. Paris apparaît
comme un champ de bataille, un univers où la prédation est la règle pour s’accomplir socialement.

Document 8

Au début du roman, le lecteur découvre Paris aux côtés de Georges Duroy, qui sera plus tard surnommé Bel-Ami.
C'était une de ces soirées d'été où l'air manque dans Paris. La ville, chaude comme une étuve, paraissait suer dans la nuit
étouffante. Les égouts soufflaient par leurs bouches de granit leurs haleines empestées, et les cuisines souterraines jetaient à la
rue, par leurs fenêtres basses, les miasmes1 infâmes des eaux de vaisselle et des vieilles sauces.
Les concierges, en manches de chemise, à cheval sur des chaises en paille, fumaient la pipe sous des portes cochères, et les
passants allaient d'un pas accablé, le front nu, le chapeau à la main.
Quand Georges Duroy parvint au boulevard, il s'arrêta encore, indécis sur ce qu'il allait faire. Il avait envie maintenant de gagner
les Champs-Élysées et l'avenue du bois de Boulogne pour trouver un peu d'air frais sous les arbres ; mais un désir aussi le
travaillait, celui d'une rencontre amoureuse.
Comment se présenterait-elle ? Il n'en savait rien, mais il l'attendait depuis trois mois, tous les jours, tous les soirs. Quelquefois
cependant, grâce à sa belle mine et à sa tournure galante, il volait, par-ci, par-là, un peu d'amour, mais il espérait toujours plus
et mieux.
La poche vide et le sang bouillant, il s'allumait au contact des rôdeuses qui murmurent à l'angle des rues : « Venez-vous chez moi,
joli garçon ? » mais il n'osait les suivre ne les pouvant payer ; et il attendait aussi autre chose, d'autres baisers moins vulgaires.
Il aimait cependant les lieux où grouillent les filles publiques, leurs bals, leurs cafés, leurs rues ; il aimait les coudoyer, leur
parler, les tutoyer, flairer leurs parfums violents, se sentir près d'elles. C'étaient des femmes enfin, des femmes d'amour. Il ne les
méprisait point du mépris inné des hommes de famille.
Il tourna vers la Madeleine et suivit le flot de foule qui coulait accablée par la chaleur. Les grands cafés, pleins de monde,
débordaient sur le trottoir, étalant leur public de buveurs sous la lumière éclatante et crue de leur devanture illuminée. [...]
Duroy avait ralenti sa marche, et l'envie de boire lui séchait la gorge.
Une soif chaude, une soif de soir d'été le tenait, et il pensait à la sensation délicieuse des boissons froides coulant dans la
bouche. Mais s'il buvait seulement deux bocks dans la soirée, adieu le maigre souper du lendemain, et il les connaissait trop, les
heures affamées de la fin du mois.

1. Miasme(s) (généralement au pluriel) : Émanation(s) provenant de matières organiques en décomposition et considérée(s), avant la
découverte des micro-organismes pathogènes, comme l'agent des maladies infectieuses et épidémiques ; odeur fétide qui s'en dégage.

Guy de Maupassant, Bel Ami, 1885

À vous de chercher
Objectifs : comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ; reformuler des idées.
Comment définiriez-vous Georges Duroy ? Que fait-il dans cet extrait ? Quelle impression de Paris se dégage
du texte ? À travers les figures féminines, de quel phénomène social Maupassant rend-il compte ?
Formez un court paragraphe en réponse à ces questions.

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 11 / 15
Reprenons ensemble
Georges Duroy apparaît comme un loup solitaire rôdant dans Paris. Décrite comme sale et puante, la ville ne se
prête pas à la flânerie qui fait pourtant sa réputation. Sa population, accablée par la chaleur étouffante, traîne
le pas. Loin d’incarner la figure de l’homme romantique, le jeune provincial évoque sa frustration sexuelle.
Il se présente comme un client assidu des « filles publiques ». Cette assiduité est à mettre en parallèle avec
son absence de scrupules ; ces femmes forment un monde qui « grouille », terme peu flatteur, à connotation
péjorative. Mais, à travers Bel-Ami, Maupassant rend compte de l’importance du phénomène prostitutionnel
dans Paris et du tourisme sexuel qui s’y pratiquait à l’époque.

3.  Paris, la désillusion


Paris exauce-t-elle ses promesses de réussite ?
La littérature rend compte des conditions de vie très difficiles des Parisiens. Avec le personnage du père
Goriot (document 9), vieillard reclus dans la sinistre pension de madame Vauquer, Balzac met en évidence le
phénomène de solitude et d’anonymat propre à la grande ville. Migrant de l’intérieur, Goriot est un homme
déraciné que Paris va engloutir dans une complète indifférence.
L’Assommoir (document 10) d’Émile Zola dresse un portrait très noir de la condition féminine dans les milieux
populaires. Gervaise, une jeune provençale montée à Paris est une « bête de somme ». Elle travaille comme
laveuse et repasseuse puis réussit à ouvrir sa propre blanchisserie. Hélas, son ascension sociale ne dure pas :
elle finit dans la misère, ravagée par l’alcool, un des fléaux de l’époque.

Document 9
« Paris est un véritable océan. Jetez-y la sonde, vous n’en connaîtrez jamais la profondeur » ; sous la plume de Balzac,
Paris apparaît comme une mer aux contours indistincts ; la dérive ou le risque de noyade n’est jamais loin.

Le père Goriot, vieillard de soixante-neuf ans environ, s'était retiré chez madame Vauquer, en 1813, après avoir quitté les
affaires. Il y avait d’abord pris l'appartement occupé par madame Couture, et donnait douze cents francs de pension, en homme
pour qui cinq louis de plus ou moins étaient une bagatelle. […] Vers la fin de la troisième année, le père Goriot réduisit encore
ses dépenses, en montant au troisième étage et en se mettant à quarante-cinq francs de pension par mois. Il se passa de tabac,
congédia son perruquier et ne mit plus de poudre. Quand le père Goriot parut pour la première fois sans être poudré, son hôtesse
laissa échapper une exclamation de surprise en apercevant la couleur de ses cheveux, ils étaient d'un gris sale et verdâtre.
Sa physionomie, que des chagrins secrets avaient insensiblement rendue plus triste de jour en jour, semblait la plus désolée
de toutes celles qui garnissaient la table. Il n'y eut alors plus aucun doute : le père Goriot était un vieux libertin dont les yeux
n'avaient été préservés de la maligne influence des remèdes nécessités par ses maladies que par l'habileté d'un médecin. La
couleur dégoûtante de ses cheveux provenait de ses excès et des drogues qu'il avait prises pour les continuer. L'état physique
et moral du bonhomme donnait raison à ces radotages. Quand son trousseau fut usé, il acheta du calicot à quatorze sous l'aune
pour remplacer son beau linge. Ses diamants, sa tabatière d'or, sa chaîne, ses bijoux disparurent un à un. Il avait quitté l'habit
bleu-barbeau, tout son costume cossu, pour porter été comme hiver, une redingote de drap marron grossier, un gilet en poil de
chèvre et un pantalon gris en cuir de laine. Il devint progressivement maigre ; ses mollets tombèrent ; sa figure, bouffie par le
contentement d'un bonheur bourgeois, se rida démesurément ; son front se plissa, sa mâchoire se dessina. Durant la quatrième
année de son établissement rue Neuve-Sainte-Geneviève, il ne se ressemblait plus.
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835

À vous de chercher
Objectifs : comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ; reformuler des idées.
Comment se traduit la déchéance du père Goriot ? Par quels ressorts Balzac met-il en évidence la solitude
du vieillard ?
Rédigez un paragraphe en réponse à ces questions.

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 12 / 15
Reprenons ensemble
La déchéance du père Goriot se traduit par une ascension dans les étages de la pension, où il occupe des espaces
de plus en plus petits et de moins en moins confortables. Le vieillard est progressivement dépouillé de ses
vêtements, passant du costume bourgeois à la guenille. Sa condition physique se dégrade également. Mais, au
lieu d’inquiéter les pensionnaires, cette déchéance est l’occasion d’une prolifération de rumeurs. La solitude du
père Goriot est mise en évidence par les « ragots » qui circulent à son sujet.

Document 10
Dans le premier chapitre, après avoir attendu son conjoint qui n’est pas rentré de la nuit, Gervaise se décide à
aller au lavoir, un lieu de sociabilité incontournable dans le Paris populaire. On estime à 100 000 le nombre de
blanchisseuses à Paris au XIXe siècle.

Le lavoir était situé vers le milieu de la rue, à l’endroit où le pavé commençait à monter. […]
À droite des réservoirs, le tuyau étroit de la machine à vapeur soufflait, d’une haleine rude et régulière, des jets de fumée blanche.
Gervaise, sans retrousser ses jupes, en femme habituée aux flaques, s’engagea sous la porte, encombrée de jarres d’eau de javel.
Elle connaissait déjà la maîtresse du lavoir, une petite femme délicate, aux yeux malades, assise dans un cabinet vitré, avec
des registres devant elle, des pains de savon sur des étagères, des boules de bleu dans des bocaux, des livres de carbonate de
soude en paquets. Et, en passant, elle lui réclama son battoir et sa brosse, qu’elle lui avait donnés à garder, lors de son dernier
savonnage. Puis, après avoir pris son numéro, elle entra.
[…] . Le long des batteries, aux deux côtés de l’allée centrale, il y avait des files de femmes, les bras nus jusqu’aux épaules,
le cou nu, les jupes raccourcies montrant des bas de couleur et de gros souliers lacés. Elles tapaient furieusement, riaient, se
renversaient pour crier un mot dans le vacarme, se penchaient au fond de leurs baquets, ordurières, brutales, dégingandées,
trempées comme par une averse, les chairs rougies et fumantes. Autour d’elles, sous elles, coulait un grand ruissellement, les
seaux d’eau chaude promenés et vidés d’un trait, les robinets d’eau froide ouverts, pissant de haut, les éclaboussements des
battoirs, les égouttures des linges rincés, les mares où elles pataugeaient s’en allant par petits ruisseaux sur les dalles en
pente. Et, au milieu des cris, des coups cadencés, du bruit murmurant de pluie, de cette clameur d’orage s’étouffant sous le
plafond mouillé, la machine à vapeur, à droite, toute blanche d’une rosée fine, haletait et ronflait sans relâche, avec la trépidation
dansante de son volant qui semblait régler l’énormité du tapage.
Cependant, Gervaise, à petits pas, suivait l’allée, en jetant des regards à droite et à gauche. Elle portait son paquet de linge passé
au bras, la hanche haute, boitant plus fort, dans le va-et-vient des laveuses qui la bousculaient.
— Eh ! par ici, ma petite ! cria la grosse voix de madame Boche.
Puis, quand la jeune femme l’eut rejointe, à gauche, tout au bout, la concierge, qui frottait furieusement une chaussette, se mit à
parler par courtes phrases, sans lâcher sa besogne.
— Mettez-vous là, je vous ai gardé votre place… Oh ! je n’en ai pas pour longtemps. Boche ne salit presque pas son linge… Et
vous ? ça ne va pas traîner non plus, hein ? Il est tout petit, votre paquet. Avant midi, nous aurons expédié ça, et nous pourrons
aller déjeuner… Moi, je donnais mon linge à une blanchisseuse de la rue Poulet ; mais elle m’emportait tout, avec son chlore et
ses brosses. Alors, je lave moi-même. C’est tout gagné. Ça ne coûte que le savon… Dites donc, voilà des chemises que vous auriez
dû mettre à couler. Ces gueux d’enfants, ma parole ! ça a de la suie au derrière.
Gervaise défaisait son paquet, étalait les chemises des petits ; et comme madame Boche lui conseillait de prendre un seau d’eau
de lessive, elle répondit :
— Oh ! non, l’eau chaude suffira… Ça me connaît. […]
— Ça vous connaît, hein ? répétait madame Boche. Vous étiez blanchisseuse dans votre pays, n’est-ce pas, ma petite ?
Gervaise, les manches retroussées, montrant ses beaux bras de blonde, jeunes encore, à peine rosés aux coudes, commençait
à décrasser son linge. Elle venait d’étaler une chemise sur la planche étroite de la batterie, mangée et blanchie par l’usure de
l’eau ; elle la frottait de savon, la retournait, la frottait de l’autre côté. Avant de répondre, elle empoigna son battoir, se mit à
taper, criant ses phrases, les ponctuant à coups rudes et cadencés.
— Oui, oui, blanchisseuse… À dix ans… Il y a douze ans de ça… Nous allions à la rivière… Ça sentait meilleur qu’ici… Il fallait voir,
il y avait un coin sous les arbres… avec de l’eau claire qui courait… Vous savez, à Plassans… Vous ne connaissez pas Plassans ?…
près de Marseille ?
Émile Zola, L’Assommoir, 1876

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Objectifs : comprendre l’essentiel d’un texte littéraire ; reformuler des idées.
Comment est dépeinte la vie au lavoir ? Quel portrait Zola fait-il des blanchisseuses ? Qu’apprend-on de Gervaise ?
Rédigez un paragraphe en réponse à ces questions.

Reprenons ensemble
Si le lavoir apparaît comme un lieu de sociabilité où les femmes se lient entre elles, il est aussi sous la plume de
Zola un lieu hostile, mécanisé et bruyant. Les blanchisseuses ne bénéficient pas d’un portrait élogieux ; elles sont
décrites comme vulgaires tant dans leur façon de se tenir que dans leur façon de parler. Gervaise est une très
jeune provinciale venue de Marseille. Elle a à peine 22 ans et a commencé à travailler à 12 ans. Elle évoque avec
nostalgie sa ville natale et la rivière paisible qui faisait office de lavoir.

Document 11

Honoré Daumier, La blanchisseuse, vers 1860-1861, Huile sur bois

À vous de chercher
Objectifs : rédiger un paragraphe de synthèse ; analyser un document iconographique.
Observez cette peinture de Daumier. Elle représente, comme son titre l’indique, une blanchisseuse.
Dans un paragraphe de synthèse, mettez en évidence les différences entre les façons de représenter la
blanchisseuse chez Zola (document 10) et Daumier.

Cned / Cours / Paris, ville capitale / Séquence 1 – Activité 2 / Culture générale et expression – 2e année 14 / 15
Reprenons ensemble
Dans sa description, Zola souligne surtout la trivialité des blanchisseuses. Il stigmatise par ailleurs la vulgarité
de leurs gestes et de leur langage. La peinture de Daumier met au contraire en évidence la noblesse de la
blanchisseuse. Silhouette imposante, elle apparaît aussi comme une figure maternelle délicate, inclinant sa tête
vers l’enfant dont elle tient la main. Enfin, à la différence de Zola qui présente une armée de blanchisseuses,
Daumier choisit de ne montrer qu’une femme accompagnée d’un enfant. Cette différence entre trivialité et
noblesse est très saisissante.

Pour aller plus loin

Complément sur les métiers féminins


Aux XVIIIe et XIXe siècles, le secteur textile est le premier débouché professionnel féminin de la capitale. Brodeuses, couturières,
raccommodeuses représentent « 30 à 45 % des femmes du peuple »1 et en incluant le blanchissage, plus de la moitié des femmes
actives sont concernées. Mais leur salaire, très inférieur à celui des hommes et bien en dessous du seuil de survie les expose parfois
au risque de prostitution. L’extrait de Bel-Ami de Maupassant révèle l’ampleur de ce phénomène. Outre ce risque, certaines activités
sont très exposées à la maladie : la tuberculose est un autre fléau de cette période. Mais les ateliers comme celui décrit par Zola
sont aussi des lieux d’échanges et d’entraide pour les 100 000 blanchisseuses de l’époque.
Dans ces lieux de sociabilité, les ouvrières animent les principales grèves féminines : la hausse du salaire ou la fin de la
rémunération à la pièce sont leurs principales revendications.
Nadine FATTOUH-MALVAUD, « Le travail des femmes au XIXe siècle », Histoire par l'image2.

1. Sabine Juratic. Solitude féminine et travail des femmes à Paris à la fin du XVIIIe siècle. In : Mélanges de l'École française de Rome.
Moyen-Âge, Temps modernes, tome 99, n° 2. 1987
2. https://histoire-image.org/etudes/travail-femmes-XIXe-siecle

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